Avant de penser aux moyens et aux manières d’évangéliser il est nécessaire d’être motivé, c’est-à-
dire d’être “passionné” de Dieu, d’avoir fait l’expérience de son amitié et de son intimité : « Je ne
vous appelle plus serviteurs, car le serviteur reste dans l’ignorance de ce que fait son maître ; je
vous appelle amis, parce que tout ce que j’ai entendu auprès de mon Père, je vous l’ai fait
connaître » (Jn 15,15). Entre le moment de l’appel et celui de l’envoi prend place le temps pendant
lequel les disciples “restent” avec le Seigneur pour acquérir la connaissance de son style de vie,
pour apprendre à lire l’histoire de leur être personnel et celle de l’univers comme des histoires de
salut, pour expérimenter dans leur propre vie la vérité, la bonté et la beauté du message qui leur est
confié et qu’ils sont appelés à proclamer.
A ce sujet, dans le mot d’ouverture de l’Assemblée semestrielle de l’Union des Supérieurs
Généraux, tenue en préparation au Synode sur la “Parole de Dieu dans la vie et la mission de
l’Eglise”, je m’exprimais ainsi : « seul le ministre de l’Evangile – consacré ou laïc – qui est capable
d’avoir dans son cœur l’Evangile, devenu objet de sa contemplation et thème de sa prière, réussira à
le maintenir sur ses lèvres comme un trésor dont il faut parler et il l’aura entre ses mains comme
quelque chose qu’il doit inéluctablement livrer ».[8]
Dans la belle tâche d’accueillir, d’incarner et de communiquer la Parole de Dieu, Marie est pour
nous mère et maîtresse, parce que – comme le dit Saint Augustin – Elle conçut le Fils d’abord dans
son esprit et ensuite dans sa chair. En effet, dans l’Evangile selon saint Luc, Marie est présentée
comme celle qui, à l’annonce de l’Ange, répond avec une ouverture extraordinaire : « Je suis la
servante du Seigneur ; qu’il m’advienne selon ta parole » (Lc 1,38). Marie est le modèle du disciple
qui, devant les événements qu’il voit et ne réussit pas à comprendre, conserve avec soin toutes ces
choses et les médite dans son cœur (cf. Lc 2,19). Au commencement du ministère de son Fils, aux
noces de Cana, elle invite les serviteurs à « faire ce qu’Il dira » (cf. Jn 2,5), et pendant le ministère
elle se trouve au milieu des disciples qui « écoutent la Parole de Dieu et l’observent » (Lc 11,27-
28). Lorsque le moment de la passion est arrivé, Marie est au pied de la croix, en partageant
jusqu’au bout l’abandon, le refus et la souffrance qu’endure son Fils et en recueillant soigneusement
son testament : « Femme, voici ton fils » (Jn 19,25-27). Et finalement, après la résurrection, elle
persévère en prière avec les disciples dans l’attente de l’Esprit Saint promis (cf. Ac 1,14). Voilà
notre modèle de disciple et d’apôtre de la Parole.
3. C’est pour les disciples un devoir d’être à l’écoute du « désir de voir Jésus »
C’est précisément parce que l’évangélisation n’est pas seulement un message à proclamer, mais
est aussi la révélation de Dieu en Jésus, qu’elle est authentique lorsqu’elle porte à la rencontre avec
la personne de Jésus et qu’elle est efficace lorsqu’elle communique le salut que Dieu a voulu nous
donner dans le Fils. L’évangélisation comporte donc une dynamique interne, qui part du sentiment
religieux exprimé dans le désir de l’homme de voir Dieu, ainsi exprimé par le psalmiste : “De toi
mon cœur a dit : « Cherche sa face ». C’est ta face, Seigneur, que je cherche” (Ps 27[26],8). Et l’un
des disciples se hasarda à demander à Jésus : « Seigneur, montre-nous le Père et cela nous suffit »
(Jn 14,8). Cela nous dit qu’évangéliser est une rencontre de personnes et que la personne est
évangélisée précisément quand elle rencontre et accueille la personne de Jésus.
L’évangéliste Jean rappelle que quelques grecs, alors qu’ils montaient à Jérusalem pour la Pâque,
s’approchèrent de Philippe en lui demandant de “voir Jésus” (Jn 12,21). Se trouvant devant une
demande aussi inattendue, Philippe ne sut pas quoi faire et il en parla avec André ; ensemble ils
allèrent “le dire à Jésus”. Alors Il se rendit compte qu’était arrivée l’heure, tant de fois renvoyée,
d’être glorifié. Au moment où ceux qui étaient lointains ressentirent le désir de le voir, Jésus
reconnut qu’était arrivée l’heure d’annoncer qu’il serait livré à la mort, l’heure de la glorification,
l’heure décisive du salut de tous.