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DEUXIÈME PARTIE :
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UN PROJET DE SAINTETÉ OFFERT AUX JEUNES
On peut affirmer que Don Bosco n'a jamais écrit pour le plaisir d'écrire ni pour le plaisir de se raconter lui-même. Les Mémoires de l'Oratoire ont été rédigés tardivement, nous l'avons vu, sur ordre de Pie IX pour l'édification de ses fils religieux. Mais, bien plus tôt, l'urgence pastorale lui avait fait prendre la plume au profit de ses jeunes et des chrétiens des milieux populaires.
Le tout premier de ses écrits, une biographie de son ami Comollo (1844), s'ouvrait par ces mots caractéristiques : « Comme l'exemple des actions vertueuses vaut beaucoup plus que n'importe quel élégant discours, il ne sera pas hors de propos de vous présenter une notice historique sur la vie... etc. ». Et nous savons qu'un des signets de son bréviaire portait cette phrase de saint Maxime de Turin : « Validiora sunt exempla quam werba, et plus est opere docere quam voce »:« Les exemples ont plus de force que les paroles ; et l'on enseigne mieux avec des ceuvres qu'avec des discours » 1. A cette certitude le portaient à la fois son tempérament réaliste, sa tournure d'esprit concrète, la psychologie de ses jeunes peu intéressés par les considérations générales, mais tout yeux et tout oreilles devant qui leur proposait des exemples vivants :« Un prince dans un /111/ livre apprend mal son devoir... », à plus forte raison les gamins de Turin ! Le Seigneur lui-même d'ailleurs semblait l'encourager dans cette voie, en lui envoyant à Valdocco des garçons d'une vertu exceptionnelle, tout indiqués pour être proposés aux autres comme stimulants modèles.
Maître spirituel, Don Bosco l'a été en premier lieu, par dessein providentiel, de ses innombrables adolescents et jeunes gens du patronage et du foyer de Valdocco 2. Guidé par ses intuitions de psychologue, par sa capacité d'affection et de don, par son sens pratique, mais tout autant par sa foi, par ses rêves, par ses charismes d'envoyé de Dieu, il découvre et met au point une méthode de formation chrétienne et une formule de sainteté pour ses jeunes. Et les résultats viennent lui donner l'assurance que la voie choisie est valable : des saints authentiques se lèvent entre les pauvres murs de son école, sur la cour de récréation et dans l'humble chapelle Saint François de Sales 3. Coup sur coup, en cinq ans (1859-1864), Don Bosco fait paraître, dans la collection des Lectures Catholiques, trois biographies d'adolescents de son Oratoire, qui toutes seront rééditées de son vivant 4. /112/
Ajoutons que cette période a une valeur privilégiée dans l'expérience et dans la réflexion de Don Bosco. C'est l'âge d'or de l'Oratoire, comme l'a noté Don Stella : « La décennie 1853-1863 est celle où germent la plus grande ' partie de ses initiatives, certaines arrivant déjà à leur pleine maturité ; le premier noyau de la Congrégation salésienne existe déjà. C'est la période où il écrit la plus grande partie des ceuvres d'u~ certain souffle, où se perçoit son ceuvre personnelle d'écrivain... C'est l'âge d'or de son activité directe d'éducateur... où il fut au contact permanent de ses jeunes, sur la cour, dans le face à face des rencontres directes, au confessionnal, dans les mots du soir où presque toujours s'instaurait un dialogue entre Don Bosco et son public. C'est la décennie qui donne à Don Bosco Dominique Savio, Magon, Besucco, et plusieurs de ses meilleurs collaborateurs : Cagliero, Bonetti, Barberis, Berto, Cerruti... On commençait à bien savoir désormais que l'Oratoire était l'objet de faveurs divines particulières » 5.
Ces réflexions suffisent à faire comprendre pourquoi et comment Don Bosco a exprimé la substance de sa doctrine spirituelle principalement à travers la présentation d'exemples vivants, et au maximum à travers l'exemple vivant de jeunes qu'il avait lui-même conduit à la sainteté. De ce point de vue, les trois biographies de Savio, Magon et Besucco ont un exceptionnel intérêt. -
Mais on ne saurait sous-estimer non plus la valeur de l'un des instruments de formation que Don Bosco lui-même mit très tôt entre les mains de ses garçons et dont Savio, Magon et Besucco imprégnèrent leur pensée et leur vie : le manuel Il Giovane provveduto, rédigé et imprimé dès 1847, donc à peine réalisée l'installation définitive à Valdocco. Il peut /113/ servir excellemment d'introduction aux vies de ces trois adolescents.
Et en conclusion, nous verrons que Don Bosco ne se laissait nullement accaparer par les âmes d'élite, mais s'occupait de tous et de chacun. Une autre série de textes nous permettra de faire un dernier pas dans la présentation concrète de la sainteté à portée des jeunes. Nous avons la chance de posséder des lettres de Don Bosco à ses garçons, lettres individuelles ou lettres adressées à des groupes. Evidemment, el les n'étaient pas destinées à être publiées ! Nous y verrons le bon berger s'adapter à chacune de ses brebis, la conduire au pas qui convient, lui offrir la nourriture qu'elle attend. Rien de mieux pour illustrer cette conviction de Don Bosco que chaque jeune est personnellement appelé à la sainteté.
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I
LE
GARÇON INSTRUIT DE LA PRATIQUE
DE SES DEVOIRS
DE PIÉTÉ
CHRÉTIENNE 6
Ce n'est pas seulement un manuel de prières et de dévotion. Don Bosco a voulu en faire, comme il dit dans le prologue, « une méthode de vie chrétienne », un vade mecum /115/ du jeune chrétien qui y apprend à éclairer sa foi et à orienter sa conduite autant qu'à prier et chanter la louange de Dieu. L'élément pour nous le plus intéressant est que nous y voyons Don Bosco exposer sa conception de la vie spirituelle du jeune chrétien.
Pour le rédiger Don Bosco, selon l'usage admis à l'époque, a largement puisé dans la littérature antérieure et contemporaine destinée aux jeunes, en particulier dans Charles Gobinet (1613-1690), recteur du collège Duplessis à Paris, éducateur connu, imprégné de l'esprit de saint François de Sales, auteur d'une Instruction de la jeunesse en la piété chrétienne, tirée de l'Ecriture Sainte et des SS. Pères (Paris 1655), traduite et largement diffusée en Piémont ; et aussi dans le Guide angélique, instructions pratiques pour la jeunesse, par un prêtre séculier milanais (Turin 1767), ouvrage luí-même inspiré du précédent et du courant jésuite qui mettait en relief la figure de saint Louis de Gonzague. Mais tout en puisant à ces sources, Don Bosco a donné à son manuel sa profonde marque personnelle : simplicité et vigueur du style, conception « salésienne » de la sainteté des jeunes. Les lignes essentielles de sa pensée pourraient être exprimées ainsi :
1) Pas de vocation humaine sans la perspective du salut. Nous sommes tous des sauvés : le Dieu d'amour, en son Fils, nous appelle à sa propre vie (c'est « la grâce »).
2) En conséquence : « Mes fils, nous sommes faits pour la joie ! », certes pour la joie éternelle, mais aussi pour une joie présente, offerte déjà aux enfants, aux jeunes : précisément la joie de se sentir fils de Dieu et de pouvoir l'aimer activement. Contrairement à ce que dit le monde, c'est le joug du péché qui est pesant et le joug du Seigneur qui est léger.
3) Cette joie envahit tout l'être ; elle peut et doit se vivre dans l'ordinaire de la vie. Elle s'entretient ou se récupère par la communion eucharistique et par la confession sincère. La /116/ sainteté est donc possible même aux jeunes ; mieux, elle est facile, à portée de la main.
4) Dieu aime les jeunes d'un amour particulier. Il est souverainement important de lui répondre au plus tôt, dès sa jeunesse. Les trois vertus majeures à travers lesquelles s'exprime ce don de soi sont l'amour de Dieu (auquel se lie étroitement l'amour de Marie), l'obéissance inspirée par la confiance envers les guides providentiels, et la pureté, sauvegarde concrète du caractère spirituel de l'être, de la vie, et de la joie 7.
Ce programme, Don Bosco l'a vu s'incarner dans la vie de centaines de ses garçons, devenus des hommes épanouis par la grâce de Dieu.
Les extraits que nous présentons proviennent de l'édition de 1863, la dernière dont nous soyons sûrs qu'elle soit sortie entièrement de la main de Don Bosco. Dans les éditions suivantes, en effet, sont intervenus des collaborateurs pour certains compléments.
24. Préface : « A la jeunesse ». Notre Dieu est le Dieu de la joie.
Il y a deux ruses principales dont se sert habituellement le démon pour détourner les jeunes du sentier de la vertu. La première, c'est de leur faire croire que le service du Seigneur les condamnera nécessairement à une vie plutôt triste et privée de tout divertissement et plaisir. Or ce n'est pas vrai, mes chers garçons. Je veux vous enseigner une méthode de vie chrétienne qui puisse aussi vous rendre joyeux et vous épanouir, vous indiquant où sont les divertissements et /117/ plaisirs véritables, de sorte que vous puissiez dire avec le saint prophète David : « Servons le Seigneur dans une sainte allégresse : servite Domino in laetitia ». Le petit livre que je vous offre n'a pas d'autre but : vous apprendre à servir le Seigneur et à vivre dans l'allégresse.
L'autre ruse, c'est de vous bercer de l'illusion d'une longue vie, vous persuadant que vous aurez tout le temps de vous convertir dans un âge plus avancé ou au moment de la mort. Mes fils très chers, soyez sur vos gardes, car un grand nombre sont tombés dans ce piège. Qui vous assure que vous aurez une longue vie ? Avez-vous signé un pacte avec la mort pour qu'elle vous attende jusqu'à la vieillesse ? Vie et mort sont entre les mains du Seigneur, qui en dispose à son gré.
Et même si Dieu vous accorde une longue vie, écoutez l'avis important qu'il vous donne : la route que l'homme entreprend durant sa jeunesse, il continue de la suivre jusqu'à la vieillesse et jusqu'à la mort. Adolescens juxta viam suam etiam cum senuerit non recedet ab ea (Prov 22,6). Ce qui veut dire : si nous commençons à vivre selon le bien maintenant que nous sommes jeunes, nous seront vertueux dans l'âge mûr, et nous arriverons à une sainte mort, qui nous introduira dans une joie éternelle. Si au contraire nous laissons le vice prendre possession de nous dès notre jeunesse, il est fort probable qu'il continue de régner en nous dans toute la suite de notre vie jusqu'à notre mort, qui alors deviendra le funeste prélude d'une éternité malheureuse. Pour prévenir un si grand malheur, je vous offre ici une méthode de vie courte et facile, mais apte à vous permettre de devenir la consolation de vos parents, l'honneur de votre patrie, de bons citoyens sur cette terre en attendant de devenir un jour d'heureux habitants du ciel 8. /118/
Ce petit ouvrage est divisé en trois parties. Dans la première vous trouverez ce que vous devez faire et ce que vous devez éviter pour vivre en vrais chrétiens. Dans la seconde on a recueilli quelques-unes des pratiques de dévotion habituellement en usage dans les paroisses et les maisons d'éducation. La troisième contient l'office de la Sainte Vierge, les vêpres de l'année liturgique et l'office des défunts. A la fin de cette partie vous trouverez aussi un exposé dialogué sur les fondements de notre sainte religion catholique répondant aux besoins actuels 9. Il est suivi d'un choix de cantiques.
Mes chers garçons, je vous aime de tout mon coeur, et il suffit que vous soyiez jeunes pour que je vous donne toute mon affection. Je puis vous assurer que vous pouvez trouver bien des livres écrits pour vous par des personnes de loin plus vertueuses et plus savantes que moi ; mais difficilement vous trouverez quelqu'un qui plus que moi vous aime /119/ en Jésus Christ et qui désire davantage votre bonheur 10. Le Seigneur soit donc toujours avec vous, et qu'avec sa grâce, mettant en pratique ces quelques conseils, vous puissiez réaliser le salut de votre âme et accroître ainsi la gloire de Dieu, but suprême de ce petit livre.
Vivez heureux, et que la sainte crainte de Dieu soit votre richesse tout au long de votre vie.
Votre
très affectionné en Jésus Christ
Jean Bosco, prêtre.
Ce qui est nécessaire à un jeune.pour devenir vertueux 11
25. Art. II. Les adolescents sont grandement aimés de Dieu 12.
O mes chers fils, vous êtes tous créés pour le Paradis, et Dieu, ce Père plein d'amour, éprouve une grande douleur lorsqu'il est contraint d'envoyer quelqu'un en enfer. Ah ! /120/ combien le Seigneur vous aime, et désire vous voir accomplir des oeuvres bonnes pour vous rendre ensuite participants de cet immense bonheur qu'il a préparé pour tous dans le Paradis !
Bien persuadés, mes chers fils, que nous sommes tous créés pour le Paradis, nous devons orienter chacune de nos actions vers ce grand but. Pour nous y encourager, il y a la perspective de la récompense qui nous est promise et du châtiment qui nous menace. Mais ce qui doit bien davantage nous pousser à aimer Dieu et à le servir, c'est le grand amour qu'il nous porte 13. Bien sûr, il aime tous les hommes, qui sont l'ouvrage de ses mains, mais il porte une affection toute spéciale aux adolescents, jusqu'à trouver en eux ses délices : Deliciae meae esse cum filIIs hominum /121/ (Prov 8,31). Oui, vous êtes les délices et l'amour de ce Dieu qui vous a créés. Il vous aime parce que vous avez encore devant vous la possibilité de faire tant d'oeuvres bonnes ! Il vous aime parce que vous êtes à un âge de simplicité, d'humilité, d'innocence, non encore devenu, en général, la malheureuse proie de l'ennemi infernal.
Le Sauveur lui-même a donné aussi des marques de sa particulière bienveillance à l'égard des enfants. Il dit qu'il regarde comme fait à lui-même tout le bien qu'on leur fait. Il a des menaces terribles pour ceux qui les scandalisent par leurs paroles ou leurs actes. Voici ses propres termes : « Si quelqu'un scandalise un de ces petits qui croient en moi, il vaudrait mieux pour lui qu'on lui attachât au cou une meule de moulin et qu'on le précipitât au fond de la mer ». Il aimait être entouré par les enfants, il les appelait à lui, les embrassait, leur donnait sa divine bénédiction.
Puisque le Seigneur vous aime à ce point à l'âge où vous êtes, quelle ne doit pas être votre ferme résolution de correspondre à cet amour, en ayant soin de faire en toutes choses ce qui lui plaît et d'éviter tout ce qui pourrait lui déplaire !
26. Art. IV. La première vertu d'un garçon est l'obéissance à ses parents 14
Comme un jeune arbre, même quand il est planté dans la bonne terre d'un jardin, pousse de travers et finit mal s'il n'est pas cultivé et en quelque sorte guidé jusqu'à ce qu'il ait /122/ atteint un certain développement, de même vous, mes fils très chers, vous vous tournerez sûrement vers le mal si vous ne vous laissez pas guider par ceux qui sont chargés de votre éducation. Ces guides providentiels, vous les trouvez dans la personne de vos parents et de ceux qui en tiennent la place, et vous devez leur obéir avec exactitude. « Honore ton père et ta mère, et tu auras longue vie sur cette terre », dit le Seigneur. En quoi consiste donc cet « honneur » ? Il consiste dans l'obéissance, dans le respect et dans l'assistance.
Dans l'obéissance : et donc lorsqu'ils vous commandent quelque chose, faites-le promptement, sans vous faire prier, et surtout n'imitez pas certains enfants qui haussent les épaules, secouent la tête, ou ce qui est pire encore, répondent insolemment, faisant injure à leurs parents et à Dieu même qui par eux commande telle ou telle chose. Bien que notre Sauveur fût tout-puissant, il voulut néanmoins, pour nous enseigner l'obéissance, être soumis en tout à la sainte Vierge et à saint Joseph et exercer un humble métier d'artisan. Et c'est pour obéir encore à son Père céleste qu'il mourut dans les douleurs de la croix.
Vous devez de même porter un grand respect à votre père et à votre mère. Gardez-vous donc de rien faire sans leur /123/ permission, de vous montrer impatients devant eux, ou de découvrir leurs défauts. Saint Louis de Gonzague n'entreprenait rien sans une permission de ses parents, et en leur absence il la demandait aux serviteurs de la maison...
Vous devez encore assister vos parents dans leurs besoins, soit en leur rendant à la maison les menus services dont vous êtes capables, soit plus encore en leur remettant votre argent ou ce que vous recevez, et en en faisant usage selon leurs conseils. C'est encore un strict devoir, pour un jeune chrétien, de prier matin et soir pour ses parents, afin que Dieu leur accorde tous les biens spirituels et temporels.
Ce que je vous dis ici de vos parents s'applique aussi à vos éducateurs et à vos maîtres : d'eux aussi recevez de bon coeur, avec humilité et respect, les enseignements, les conseils, les corrections, tenant pour sûr qu'ils n'ont en vue que votre plus grand bien, et qu'en leur obéissant, c'est comme si vous obéissiez à Jésus et à sa très sainte Mère.
J'ai encore deux choses à vous recommander avec tout mon coeur. La première est la sincérité envers vos supé•rieurs : ne cherchez pas à dissimuler vos manquements derrière de fausses raisons, encore moins à les nier. Dites toujours la vérité avec franchise ; car la fausseté nous rend fils du démon, prince du mensonge, et quand la vérité viendra au jour, vous serez regardés comme des menteurs et vous perdrez l'honneur devant vos supérieurs et vos compagnons. En second lieu, je vous invite à prendre les conseils et recommandations de vos supérieurs comme règle de votre vie et de votre conduite. Heureux serez-vous si vous agissez ainsi ! Vos jours s'écouleront dans la joie, vos actions seront accomplies comme elles doivent, et elles édifieront le prochain. Je termine donc en vous disant : « Donnez-moi un garçon obéissant, il est sur le chemin de la sainteté. Dans le cas contraire, il marche sur une route qui le conduira à la perte de toutes les vertus ».
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27. Art. VI. Lecture et parole de Dieu
Outre le temps que vous donnez habituellement à votre prière du matin et du soir, je vous exhorte à consacrer aussi quelques instants à la lecture d'un livre qui traite de choses spirituelles, par exemple le livre de l'Imitation de Jésus Christ, l'Introduction à la vie dévote de saint François de Sales, la Préparation à la mort de saint Alphonse, Jésus dans le ccpur du jeune chrétien, les vies des saints, ou d'autres de ce genre 15.
Ce que vous lirez dans ces livres fera un bien énorme à votre âme. Et votre mérite devant Dieu pourrait redoubler si vous racontez à d'autres ce que vous avez lu, ou si vous en faites la lecture devant eux, et plus encore en présence de ceux qui ne sauraient pas lire.
Notre corps, s'il est privé de nourriture, s'affaiblit et meurt, et la même chose arrive à notre âme si nous ne lui donnons pas sa nourriture. L'aliment de notre âme, c'est la parole de Dieu, qui nous est distribuée dans les prédications, dans l'explication de l'Evangile, au catéchisme 16. /125/ Soyez donc très assidus à vous rendre au moment voulu à l'église, à vous y maintenir dans la plus grande attention ; et songez à vous appliquer à vous-mêmes tout ce qui peut vous convenir. D'autre part il est de grande importance que vous veniez au catéchisme. Dire :« J'ai déjà passé l'examen pour la sainte communion » ne vaudrait rien, car votre âme continue d'avoir besoin de nourriture exactement comme votre corps ; si vous la privez de cet aliment, vous l'exposez aux plus graves dommages.
Gardez-vous aussi de la ruse du démon qui vous suggère : « Ce qui est dit va tout juste pour mon camarade Pierre, cette autre leçon est faite pour Paul ». Non, mes amis, c'est à vous que s'adresse le prédicateur, pensant que les vérités qu'il expose s'appliquent à votre situation. Et si ce qui est dit n'est pas nécessaire pour vous corriger, cela pourra servir à vous préserver de commettre quelque faute.
Quand donc vous avez entendu une prédication, tâchez de vous en souvenir durant la journée ; et plus encore le soir avant de vous coucher, arrêtez-vous un moment à réfléchir sur les choses entendues. Votre âme tirera de là grand profit.
Enfin je vous recommande de faire tout votre possible pour accomplir ces devoirs religieux dans vos paroisses, car votre curé a reçu de Dieu à un titre particulier la charge de prendre soin de votre âme 17.
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1 VoirMB XVIII, 808.
2 Le patronage des dimanches et jours fériés (mais où fonctionnaient aussi chaque soir des « cours du soir ») ; et le foyer ouvert en 1847 pour jeunes apprentis et jeunes travailleurs, et en 1850 également pour des étudiants futurs prêtres, de famille pauvre (on l'appelait « la maison adjointe au patronage »). Les garçons de ces deux groupes étaient 36 en 1852, 200 en 1857, environ 600 en 1861.
3 Le soir du 9 avril 1863, Don Bosco pouvait dire :« Il y a dans notre maison des jeunes de si haute vertu qu'ils laisseront derrière eux sain* Louis (de Gonzague) lui-même pour peu qu'ils continuent sur le chemin qü'ils ont pris. Presque chaque jour je vois ici des choses qu'on croirait irréelles si on les lisait dans les livres, et pourtant Dieu se plaît à les réaliser parmi nous » (Chronique de Don Bonetti, cahier Annali III, 70 ; Archives 110 ; voir MB VII, 414).
4 Du vivant encore de Don Bosco, la biographie de Savio aura six éditions, celle de Magon trois, et trois également celle de Besucco.
5 P. Stella, Don Bosco nella storia 1, 117.
6 Ii Giovane provveduto per la pratica dei suoi doveri negli esercizi di cristiana pietà, lfe éd. Turin, Paravia 1847, petit format 8 x 12,5 cm, pp. 352. L'énorme succès de ce manuel, qui pour les seules éditions italiennes dépassa le million du vivant de Don Bosco, encouragea celui-ci à en accroître et à en améliorer sans cesse le contenu. Dès 1851, il s'était enrichi de réflexions apologétiques sur l'Eglise. A partir de 1863 (l'édition citée ici), il fut imprimé à Valdocco (430 pages ; l'édition de 1885 aura 520 pages). Il y eut deux éditions françaises en 1876 et 1880 : La Jeunesse instruite de la pratique de ses devoirs et des exercices de la piété chrétienne... par l'abbé Jean Bosco, Turin, imprimerie et librairie de l'Oratoire de Saint François-de-Sales. Paris chez P. Lethielleux, rue Cassette, pp. 510 (9 x 14,5 cm). Nous avons refait nous-mêmes la traduction des extraits cités ici.
7 Voir P. Stella, Valori spirituali nel « Giovane Provveduto » di san Giovanni Bosco, Rome 1950 (extrait d'une thèse de doctorat).
8 Ces premiers paragraphes nous présentent les deux thèmes fondamentaux de la catéchèse de Don Bosco : le « service de Dieu », en quoi consiste la vie chrétienne, est source de joie profonde et continue ; et la jeunesse engage tout l'avenir : vie adulte, mort, vie éternelle. Le Garçon instruit enseigne donc une méthode de vie chrétienne qui poursuit ce double but : donner la joie, assurer un heureux avenir, perspectives qui sont en consonance profonde avec la psychologie des adolescents et des jeunes. Noter l'expression : « bons citoyens sur cette terre, heureux habitants du ciel », qui deviendra un des leit môtiv de Don Bosco : l'éducation chrétienne saisit tout l'homme en toutes ses tâches et vise son bien temporel aussi bien qu'éternel.
9 Ce « dialogue » n'existait pas dans la première édition de 1847. Les « besoins de l'époque » évoquent la confusion des esprits et le péril de relativisme religieux provoqués par le souffle anticlérical de 1848 et en particulier par les décrets des 17 février et 29 mars 1848 : le roi Charles-Albert y accordait les droits civils aux vaudois et aux juifs. Les vaudois engagèrent alors une propagande audacieuse. Dès la seconde édition de son Garçon instruit, en 1851, Don Bosco, toujours soucieux de répondre aux situations concrètes, introduisit une partie apologétique, sous forme de dialogue, sur la véritable Eglise et ses caractères (partie directement inspirée d'opuscules qu'il avait fait paraître en 1850). Dans la suite, elle sera reprise et complétée par deux fois. Ceci nous permet de remarquer que Don Bosco, sous la pression des événements, fera de plus en plus entrer la réalité de l'Eglise dans sa pespective de sainteté. Avec les théologiens de son temps, il affirmera aussi un peu rapidement que la sainteté ne peut pas fleurir hors de l'Eglise catholique.
10 Don Bosco s'attendrit facilement quand il s'adresse à ses garçons, et son « coeur » trouve les expressions les plus exquises pour leur dire son affection sacerdotalement paternelle. Il exprime aussi cette vérité, pour lui évidente : « Aimer, c'est vouloir le bonheur de l'autre ».
11 Cette section comporte six brefs « articles », dont nous avons choisi de citer ici les principaux à cause de leur intérêt pastoral. Les thèmes sont plus intéressants que les formules : celles-ci relèvent évidemment du style religieux de l'époque, ceux-là exposent les vérités de base de la vie chrétienne que Don Bosco proposait à ses garçons.
12 Nous traduisons par « adolescents » la parole italienne giovanetti. Plus loin, Don Bosco parle des « enfants »(fanciuUi), selon les textes évan géliques auxquels il a recours. En fait, c'est bien aux adolescents de douze à dix-huit ans qu'il s'est senti plus directement envoyé. Le premier paragraphe ici cité termine l'article I précédent, intitulé :« Connaissance de Dieu », d'un Dieu qui est inséparablement le « Créateur tout-puissant » qui nous a tout donné et le « Père plein d'amour »(amoroso) qui nous appelle à lui. D'emblée est proposée une spiritualité du bonheur. Mais aussi de la liberté, au point que ce Dieu peut être « douloureusement contraint » de ne pas recevoir celui qui le refuse. La paternité divine, révélée en Jésus, est le fondement de la spiritualité pastorale de Don Bosco.
13 Cette proposition doit être soulignée, comme d'ailleurs l'ensemble de cet article. L'insistance généralement mise par Don Bosco sur la pratique des « vertus » et la fuite des « péchés » pourrait le faire accuser de « moralisme » plutôt étroit. En fait, c'est bien une visée d'alliance qu'il propose à ses garçons : les « vertus » sont « bien davantage » des exigences de l'amour que Dieu a pour nous et des « réponses » de notre amour pour lui. Et Don Bosco le souligne d'autant plus qu'il affirme que Dieu a pour les jeunes « une affection toute spéciale ». La citation scripturaire de Prov 8,31 (la Sagesse créatrice) est évidemment utilisée en un sens accomodatice. Plus significatif est le recours à l'attitude de Jésus selon l'évangile. La conclusion est limpide : vivre en chrétien, c'est « correspondre » à cet amour, « plaire » à Dieu en tout. Jésus n'a pas eu d'autre programme : « Le Père ne m'a pas laissé seul parce que je fais toujours ce qui lui plaît » (Jn 8,29).
14 Il n'est plus guère de mode aujourd'hui, de recommander aux enfants et aux jeunes l'obéissance, surtout comme « vertu numéro un »! Pourtant, en parlant ainsi, Don Bosco ne suit pas seulement l'enseignement traditionnel de son temps, centré sur une « morale du devoir ». Il est guidé par son expérience et par l'audace même de sa proposition de sainteté aux jeunes (voyez la finale de l'article). Deux arguments sont mis en avant, l'un naturel : un adolescent en pleine évolution est en état d'instabilité et d'insécurité, il est faible et changeant, il a besoin d'être « guidé », non pas seulement pour ne pas faire de faux pas et de chutes, mais tout autant pour trouver le bon chemin et y avancer avec sécurité, ou pour employer une autre comparaison, pour croître harmonieusement, développer ses ressources, porter du fruit abondant, jusqu'à la sainteté. L'autre argument fait appel à la foi : le Christ lui-même a été obéissant ; et obéir à ses guides providentiels c'est obéir à Dieu. Ajoutons deux éléments importants qui permettent de ne pas défigurer cette obéissance salésienne : se déroulant dans un climat de confiance mutuelle, de « franchise » et d'affection, elle suppose chez les éducateurs une volonté de travailler au « plus grand bien » des jeunes, et elle laisse à ceux-ci un espace croissant d'initiative personnelle. Ce qui apparaîtra davantage dans les vies de Savio et de Magon
15 Mettre entre les mains des jeunes des textes de « lecture spirituelle » adaptée a toujours été l'un des soucis de Don Bosco. Le Garçon instruit répondait pour une part à ce but. Le fruit qu'il en espérait était la connaissance réfléchie et le « goût » des choses de Dieu et d'une vie généreuse. Les ouvrages cités ici sont intéressants. L'Imitation de Jésus-Christ, si appréciée de Don Bosco (voir plus haut le texte des MO p. 85), était proposée aux plus fervents, comme en témoigne le chapitre XIX de la vie de Dominique Savio, Puis viennent deux ouvrages auxquels Don Bosco n'a cessé de puiser : la Philothée de saint François de Sales et l'Apparecchio alla morte de saint Alphonse. Gesù nel cuore del giovane, de Zama-Mellini, était un manuel de dévotion extrêmement répandu alors en Italie. Quant aux vies des saints ou de chrétiens exemplaires, Don Bosco se chargera d'en écrire lui-même un certain nombre en un style accessible à ses jeunes.
16 Au temps de Don Bosco, la « parole de Dieu », entendue comme le texte même de l'Ecriture n'était pas beaucoup répandue dans le peuple chrétien. A tout le moins, Don Bosco propose à tous ses jeunes de l'écouter à travers son « explication ». « Nourriture de l'âme » : la comparaison est d'ordre vital, comme celle du jeune plant à l'article IV : il s'agit toujours de croître vers la sainteté, d'autant plus que Don Bosco a souci que la parole entendue entre dans la vie personnelle.
17 N'oublions pas que le Garçon instruit s'adressait en premier lieu aux garçons de la ville qui fréquentaient les patronages de Valdocco, de Porta Nuova et de Vm:chiglia. La cohésion dans les tâches pastorales a toujours été un des soucis de Don Bosco.