EN FAMILLE POUR LA MISSION

Rapport-Pina-Bellocchio-janvier-2009_traduction

EN FAMILLE POUR LA MISSION

(Pina Bellocchio)


L’objet de notre intervention est de nous rappeler brièvement ce que depuis quelques années, la Lettre de la mission a proposé à toute la famille salésienne. Il s’agit également de relire ce document à la lumière de quelques éléments centraux du fait de sa réactualisation. Aucun de nous ne peut ignorer que dans notre réalité, il y a tant d’ombres aux côtés de tant de lumières.

La rencontre de ces jours ci n’est pas - et ne veut pas être - une célébration stérile de notre appartenance familiale, ni une simple, ni non plus une belle rencontre de fraternité entre les différents Groupes, mais plutôt un moment de réflexion approfondie sur ce que nous sommes et sur ce que nous pouvons être, pour repartir d’ici avec de fermes propositions de renouvellement. C’est seulement ainsi que nous serons fidèles à l’Esprit qui a suscité dans l’Eglise le charisme salésien, comme don pour le monde.

Nous qui appartenons à des groupes se référant à Don Bosco d’une manière ou d’une autre, nous partageons une même spiritualité née d’un même charisme : une consanguinité spirituelle, un ensemnle d’éléments communs devenu style de vie, manière de regarder la réalité, optique de la misison, source de notre communion.

Le sens du mot “spiritualité” est “aptitude à vivre selon les exigences de l’Esprit, et à donner à ces exigences une prééminence. Sensibilité aux valeurs spirituelles. L’ensemble des motifs qui définissent une conception religieuse ou une vision spirituelle”.

Ce n’est certes pas le moment d’approfondir cette question. Il suffit pour l’heure de rappeler, avec l’article 21 de la Lettre de la Mission, que toute spiritualité :

  • naît d’un charisme

  • donne de la réalité une vision neuve, nous permettant de la saisir non seulement telle qu’elle nous apparaît mais encore telle qu’elle est soumise aux évènements.

  • Comble d’une force qui se fait enthousiasme dans le don de soi aux autres, comme charité prête à l’action.

  • Suggère des critères de relation avec Dieu, avec la création, avec l’histoire et avec les frères.

  • Unifie l’existence, lui donnant une âme, un centre et une motivation. (Cfr la Lettre de la Mission de la Famille salésienne, Art 21).

En réfléchissant à la réalité qu’il nous arrive de vivre comme Famille salésienne, il m’a semblé que je pouvais faire ressortir quelques “tentations” dans lesquelles nous courrons le risque de tomber, dès l’instant où nous perdons de vue notre charisme et la richesse de notre spiritualité apostolique. Je tiens à attirer brièvement l’attention là dessus :





    1. La tentation “de l’herbe du voisin”

Il n’est pas rare de se rencontrer entre membres de la Famille salésienne qui dans le même temps, empruntent avec enthousiasme d’autres voies charismatiques, lesquelles, bien que valables, ne sont pas pour autant celles de Don Bosco. “l’herbe du voisin” paraît toujours plus verte et plus fraîche !


On trouve ainsi des membres qui s’enthousiasment pour des groupes de prière bénédictins, carmélites, jésuites, ou qui se rendent en foule par des itinéraires de catéchèse dont le charisme nous correspond peu.

C’est comme si le don que nous avons reçu de Dieu par l’intermédiaire de Don Bosco n’avait pas la même profondeur spirituelle que d’autres. A force de suivre tantôt l’un tantôt l’autre, nous finissons par être “séparés du dedans” et par perdre le don que nous avons reçu en nous intégrant à la Famille salésienne.

Toutes les spiritualités ont leur valeur propre et leur fonction propre dans l’Eglise et dans le monde, c’est certain, mais il est également vrai que la spiritualité salésienne n’a rien de moins que d’autres ; nous devons seulement l’approfondir et la vivre dans sa spécificité et son originalité.

La spiritualité salésienne n’est pas une spiritualité “réductrice”, ni “superficielle” : c’est une spiritualité forte et profonde, qui nous indique comment devenir saints, sans nous replier sur nous mêmes, mais en nous mettant au service de nos frères. Nous dépassons alors la tentation de voir uniquement “en dehors de la maison” ce qui est beau, bon, enthousiasmant, profond, et nous nous efforçons d’être ce que nous avons été appelés à être.



    1. La tentation “de la fracture”

Il peut arriver que - pris par l’angoisse du service et l’urgence de la mission - nous nous jetions à corps perdu dans le travail, oubliant combien il est essentiel de ménager la sphère de la prière et de l’union avec Dieu. Ou bien au contraire, face au devoir éducatif qui nous apparaît si difficile et si lourd, nous nous éloignons d’un engagement envers les autres et nous nous réfugions dans un spiritualisme stérile. Nous courons le risque, ainsi, de créer une fracture dans notre vie et de dériver d’une direction vers l’autre.


Faire des synthèses, par conséquent, entre le don total et l’union à Dieu et une activité apostolique pour Lui, entre la vie intérieure et le service envers nos frères, entre la contemplation et l’engagement éducatif, entre la spiritualité et le Système préventif, c’est pour nous un impératif imprescriptible.

Jean Paul II dans un message adressé aux chapitres en mai 1990, nous disait : “j’aime souligner par dessus tout , comme élément fondamental, la force de synthèse unificatrice qui jaillit de la charité pastorale. Cette force est le fruit de la puissance du Saint Esprit qui assure l’inséparabilité vitale par l’union à Dieu et le dévouement au prochain, par l’intériorité évangélique et l’action apostolique, par le coeur en prière et les maisn à l’oeuvre. Les deux grands saints, saint François de Sales et saint Jean Bosco, ont témoigné et fait fructifier dans l’Eglise cette splendide “grâce d’unité” . La faille en celle ci ouvre un périlleux espace aux activismes et autres intimismes qui constituent une tentation insidieuse pour les institutions de vie apostolique”. (Osservatore Romano 2.5.90)


Celle de la “grâce d’unité” est l’une des clés décisives pour comprendre, interpréter et réaliser harmonieusement le profil de la spiritualité et de la vie salésienne. Aucune dichotomie par conséquent entre intériorité et mission, entre union avec Dieu et don aux frères : c’est l’amour même de Dieu qui nous fait être don pour les frères. C’est ainsi que peut se réaliser la dite “extase de l’action”, dont parle Saint François de Sales, sans oublier Dieu pour le monde ni le monde pour Dieu.


Don Bosco lui même est pour nous le miroir où nous voyons se refléter la possibilité de synthétiser, d’harmoniser. Lui profondément homme, et en même temps, homme de Dieu ; ouvert aux réalités terrestres et dans le même temps, immergé en Dieu.

A celui qui a pensé ou pense que Don Bosco n’a eu qu’une prière superficielle formelle parce qu’il était submergé de travail, nous, Famille salésienne, nous répondons qu’il n’est pas vrai que Don Bosco ait eu une prière légère et limitée dans le temps. La prière était intense et surtout le matin, prolongée. En outre, périodiquement, il se recadrait pour lui même des journées de silence total et de prière, comme il l’avait appris à l’école de don Cafasso.

La synthèse de Don Bosco est parfaite et peut s’évaluer à l’aune d’un grand nombre de saints qui ont mis en harmonie contemplation et action, comme Saint François de Sales, comme Mère Teresa et tant d’autres.



Don Chavez nous rappelle : “chez Don Bosco, la sainteté rayonne de ses oeuvres, il est vrai, mais ses oeuvres sont seulement l’expression de sa vie de foi”. (Don Chavez, discours d’introduction CG 26 p 117).

Quiconque suit Don Bosco fait l’expérience de Dieu au travers des jeunes et des pauvres. Ceux ci ne sont pas seulement les bénéficiaires d’une activité : ils sont notre vocation. Etre “spécialiste des jeunes” fait partie de notre être et signifie que nous avons le coeur tourné vers eux, vers leurs problèmes et leurs exigences, vers leurs aspirations et leurs désirs. Et tout cela parce que notre coeur est tourné vers le Christ, rempli de lui, tant Il nous donne à faire pour sa propre cause.


Don Bosco, disait Don Vigano, contemple toujours Dieu dans la mesure où Dieu est infiniment passionné par l’homme” (Cfr “D.Bosco, actualité d’un magistère pédagogique”. LAS Rome, 1987. Présentation, p 12)

Et Don Vecchi poursuivait : “L’unité est une grâce contenue dans l’appel à la vie salésienne, qui comporte comme toute forme de vie, un développement unitaire”. (Cfr. Atti 354 p.38).

C’est un chemin que nous sommes appelés à parcourir, allant au-delà du risque de déséquilibre vers le pôle séculaire ou vers le pôle spirituel.

C’est un chemin qui requiert équilibre et “réharmonisation” continue.

C’est un chemin qu’il vaut la peine de parcourir parce qu’il nous mène de notre fidélité vers le charisme authentique de Don Bosco.

Notre père, en traçant pour ses enfants des lignes de spiritualité, a fait référence à Saint François de Sales, qui, comme nous le disions plus haut, a montré un nouveau chemin de spiritualité dans l’Eglise : l’extase de l’action et de la vie, ce que nous appelons maintenant, nous Famille salésienne, la spiritualité du quotidien;

A l’occasion de la célébration du centenaire en “88”, le pape Jean Paul II, dans la lettre “Iuvenum Patris”, au n°5, parlait de Don Bosco comme d’un “initiateur d’une véritable école de spiritualité apostolique nouvelle et attractive”.




Tout Salésien, laïc ou religieux, marié ou consacré, contemple Dieu dans le visage de chaque homme, de chaque jeune qui attend une parole d’espérance ; Tout Salésien vit l’ascèse de l’engagement éprouvant de chaque jour au service des petits et des pauvres, il sert le Seigneur avec simplicité à travers le travail quotidien accompli avec diligence, compétence, disponibilité et esprit de sacrifice, il ne sépare pas sa relation avec Dieu de son service auprès des hommes.


Notre spiritualité est celle qui se nourrit de la prière, une spiritualité qui est simple, profonde, qui sait remplir de Dieu chaque action, chaque engagement, chaque labeur. Cela veut dire que nous devons avoir des temps de prière et de contemplation : au contraire, plus le poids du service augmente, plus nous ressentons le besoin d’avoir des moments où nous retrouver seuls avec le Seigneur, et nous sommes conscients que nous le rencontrons aussi quand nous sommes au milieu des autres, arbitrant une partie, accomplissant bien notre travail, apportant la joie, la communion et la capacité de dialogue, dans les petites choses de chaque jour.


Lui nous veut, Salésiens, contemplatifs dans l’action, capables de conjuguer une vie d’union intense avec Dieu et un travail incessant, infatiguable, auprès de nos frères.

Nous sommes appelés par conséquent à vivre, dans la simplicité du quotidien, une spiritualité de la synthèse, de l’unité et non de la dichotomie entre la prière et le service, entre le dialogue avec Dieu et le dialogue avec les hommes. Come fils et filles de don Bosco, nous sommes appelés à assumer notre spiritualité, qui nous veut éducateurs, et à montrer la richesse et la force évangélisatrice de l’éducation. “Evangéliser en éduquant et éduquer en évangélisant”, une proposition de vie qui nous démontre que le Système préventif est non seulement instrument pédagogique mais aussi spiritualité. C’est à travers l’intervention éducative que nous Salésiens aidons les jeunes et non seulement eux, à sortir d’eux mêmes le bien qu’ils ont en eux, à faire émerger tout ce qu’ils n’ont pas encore réussi à exprimer tant sur le plan humain que sur le plan spirituel.

D’ailleurs, l’étymologie du terme éducation est “ex-ducere”, soit “conduire”, tirer au dehors”, solliciter le développement des possibilités propres du sujet sans l’aligner sur un modèle de pensée et de comportement stéréotypés. Eduquer signifie donc pour nous, libérer, mettre en lumière ce qui est caché, et rendre l’homme plus homme en l’aidant à prendre toujours davantage conscience de sa dimension spirituelle et de sa vocation de sainteté.

On éduque seulement qui l’on aime, parce que seul l’amour rend libres, cet amour qui pour nous, Salésiens, est charité pastorale, qui sait se mettre à l’écoute des besoins des hommes et en particulier des jeunes d’aujourd’hui, un amour qui sait être patient, créatif et dynamique.



Quand on parle de charité pastorale, on ne se réfère pas seulement à un “faire” : cette charité est une “manière d’être” qui imprègne l’existence d’une personne, c’est une participation à l’amour même de Dieu, union avec Lui, perte en Lui, à Lui don absolu, disponibilité totale pour la construction de son Royaume. La charité pastorale ne peut s’identifier à un “devoir” à suivre, altruiste et de sacrifice : elle est plutôt une modification intrinsèque de l’existence même, un mode de vie totalement en union avec Dieu, au point de se sentir disponible en permanence et en plénitude afin d’oeuvrer pour Lui. L’activité de la “charité pastorale” n’est pas séparée ni postérieure à l’être, mais elle le révèle, elle l’accompagne. Elle ne vient pas “après”, mais elle est “dans” et fonde l’identité de l’être dans sa dynamique.

La participation à l’amour de Dieu pour nous Salésiens, se traduit et s’exprime par le don de soi même dans la passion pour les jeunes et les pauvres, jusqu’au sacrifice de nous mêmes.



    1. La tentation de “la salière

Je ne sais si vous avez déjà entendu parler de ce type de tentation. “L’expérience de la salière” nous indique que si le sel est mal conservé dans le pot de verre, il ne sert à rien car il est fait en réalité pour sortir et pour donner de la saveur. Enfermé dans la salière, le sel est inutile et ne remplit pas l’objectif qui lui a été fixé par sa nature.

Nous aussi, parfois, nous pouvons oublier que notre spiritualité est une spiritualité apostolique, dynamique, qui nous incite à “aller dehors” , qui se caractérise par la capacité spécifique à établir une relation, et nous tombons dans la tentation de nous refermer sur nous mêmes.

Il est facile alors d’entendre des expressions du genre : “ce n’est pas moi qui vais sauver le monde...j’en ai déjà suffisamment fait, c’est aux autres d’agir....cela ne sert absolument à rien de nos jours...la société a changé...les jeunes d’aujourd’hui sont difficiles, je prierai pour eux...”. Et pourtant nous sommes les enfants de Don Bosco, qui ne capitulait devant rien et ne se laissait pas paralyser par la difficulté ni la fatigue : “jusqu’à mon dernier souffle ce sera pour mes jeunes”. (MB 18,258) répétait-t-il.

Nous Salésiens sommes appelés à sortir de nous mêmes pour nous engager pour les derniers, pour nous faire la voix de ceux qui en sont privés, pour être amis, pères, frères, mères pour tant de jeunes qui attendent un mot d’espérance, et tout cela dans un style particulier, avec une capacité à établir des liens bien définis.




Toute notre vie est et doit être inspirée et animée par la charité du Christ, qui se traduit par la volonté d’aimer d’un amour véritable, prêt à l’action, un amour solide, robuste, fondé sur la raison, attentif à l’autre, capable de faire grandir et de donner l’espérance, capable de fournir les réponses à des demandes lourdes de sens, qui s’ouvrent à la recherche et à l’accueil du Maître de la vie. “Volonté d’aimer” et le mot clé qui va de pair avec notre spiritualité, notre vie salésienne, qui attire et subjugue l’entourage mais qui dans le même temps exige de nous que nous dépassions notre égoïsme, exige de nous une vaste ouverture aux besoins des autres, une constante sérénité également dans les moments difficiles, une confiance en l’autre qui permette de voir au delà des apparences, une joie profonde manifeste même quand notre coeur pleure, un travail constant sur les aspects rugueux et épineux de notre caractère. Un style qui est une ascèse.



Nous Salésiens, nous ne sommes pas en quête de sacrifices et de pénitences particuliers, mais nous accueillons sereinement toutes les difficultés, les incompréhensions, la fatigue rencontrée journellement dans notre vie et nous les offrons au Seigneur. Il est fatigant de toujours sourire, d’être toujours accueillants, de toujours pardonner et de toujours faire le premier pas vers l’autre. Il est fatigant d’être toujours disponible, même quand nous avons tant envie de penser à nous mêmes et de nous refermer sur nous. Il est fatigant de se montrer optimisme même quand tout semble s’écrouler. “Pour nous, la sainteté consiste à être toujours joyeux” disait Dominique Savio. Derrière cette phrase, ce n’est pas seulement une allégresse désinvolte de jeunes gens qui s’exprime, mais un travail approfondi de la part de celui qui a consacré sa vie à Dieu et trouve sa joie en lui et dans l’engagement à construire son Royaume. C’est comme cela que l’on devient sel et que l’on donne saveur au monde.



    1. La tentation de “la vie de bureau”

Une autre tentation très dangereuse est celle de la sédentarisation, soit par métier soit par choix, en oubliant les jeunes, bien réels, qui autour de nous se perdent chaque jour parce que plus personne ne part à leur recherche. La tentation de devenir pantouflard, d’aller d’un congrès à l’autre, de réfléchir, réfléchir, réféchir...en perdant les enfants de vue.

Notre spiritualité est celle qui est et devient mission.

Le terme “mission” nous le savons, vient du latin missio, “j’envoie”, “missus” envoyé”.

C’est Dieu qui nous envoie, Lui qui a donné au monde et à l’Eglise le charisme salésien, dont a jailli la spiritualité qui nous anime et nous caractérise, et nous demande d’être signes de son amour parmi les hommes. Elle nous demande de suivre les pas de Don Bosco : donner plus à ceux qui ont moins reçu de la vie.



C’est donc une spiritualité qui est elle-même mission, car la manière de vivre en relation avec Dieu, avec les autres, avec le monde, avec l’histoire, devient témoignage, devient proposition, devient annonce pour le monde, pour les jeunes.

Nous sommes appelés par dessus tout à “être”.

C’est une spiritualité qui se fait mission parce qu’elle nous pousse à agir, à “concentrer” sur celui qui se tient à côté, sur tant de jeunes, les dons du charisme de Don Bosco. Elle nous pousse à donner notre vie pour eux, à nous faire “bon pasteur” de ceux qui actuellement courent le risque de se perdre en suivant tant de ces “mercenaires” que propose en nombre la société actuelle.

Les urgences aujourd’hui sont si nombreuses, il suffit de regarder autour de soi : nous découvrirons des jeunes qui ont besoin d’être écoutés, des femmes blessées par la vie, des jeunes privés de pôles de références.


Personne parmi nous, Salésiens, ne peut rester les bras croisés., ou pire encore, s’avouer impuissant face au mal. Don Bosco ne l’aurait pas fait. Il se serait mis en quête de nouvelles voies, il aurait inventé quelque chose. Comme dit notre Don Chavez, “nous ne pouvons oublier que nous avons été invités par les jeunes à annoncer la vie nouvelle que nous offre le Christ, pour la promouvoir et la développer par une éducation qui libère les jeunes et les pauvres de toute forme d’oppression et d’exclusion. De telles situations d’exclusion les empêchent de rechercher la vérité, de s’ouvrir à l’espérance, de mener une vie joyeuse et chargée de sens, de construire leur liberté propre”.



Aujourd’hui, Don Bosco vit en chacun de nous. Chacun ed nous est Don Bosco vivant. Relevons nous, alors, si par hasard nous sommes fatigués et découragés, si nous nous sommes habitués au confort, si nous sentons que notre volonté est moindre, de combattre pour un monde meilleur. Repensons à la créativité de Don Bosco, trouvons de nouvelles voies, de nouveaux langages pour atteindre le coeur des jeunes ; unissons nous entre nous, éprouvons, dans l’angoisse ressentie face aux jeunes à sauver, la passion qui fut celle de notre Père. Redécouvrons la joie d’être ce que nous sommes.




    1. La tentation “de la toupie”

 


Une autre tentation dans laquelle nous pouvons aisément tomber est celle de la toupie : multiplier les activités sans aucune coordination entre elles, chercher le résultat imédiat, errer d’une initiative à une autre, tourner en rond, oubliant Celui qui nous a envoyés, qui nous demande de donner la vie. C’est l’activisme comme fin en soi, qui vide notre travail de tout sens et risque de nous dépouiller de nous mêmes, comme personnes, comme chrétiens, comme apôtres.


Les jeunes sont en recherche, ils ont besoin non de managers mais de témoins crédibles qui sachent proposer des valeurs qui vaillent la peine que l’on donne la vie ; ils ont besoin de quelqu’un qui sache leur faire découvrir Dieu, et seul le peut celui qui est imprégné de Dieu, passionné de l’amour de Dieu, vivant de Dieu chaque jour, chaque jour se nourrisant de Dieu.



    1. La tentation “de la tour d’ivoire”

 C’est certain : rien n’est plus facile que de s’enfermer au sein du groupe comme dans une forteresse médiévale inexpugnable. Chacun s’est assigné son propre programme d’activités et c’est ainsi que l’on en vient à suivre des chemins parallèles.

Il est important de comprendre que la première action apostolique essentielle que nous ayons à accomplir est la communion entre les différents groupes de la Famille. Disperser les forces apostoliques et s’enfermer dans l’individualisme réduit la portée du témoignage sur le terrain, - sans compter que l’efficacité apostolique et opérationnelle s’en ressent -. Une ramure seule est facilement isolée tandis qu’un faisceau de rameaux unis se désolidarise plus difficilement. Dans la Règle des Salésiens Coopérants, Don Bosco écrit : “l’union est à chaque instant indispensable entre les bonnes volontés, pour se dévouer avec efficacité, en faisant le bien et en tenant le mal à distance. Une cordelette se rompt facilement mais il est difficile d’en séparer trois réunies. Les forces faibles, unies, deviennent fortes : Vis unita fortior, funiculus triplex difficile rumpitur”.

Dans une lettre à Jean Cagliero (27 avril 1876), lui même écrivait : “il fut un temps où la prière en commun suffisait à nous unir, mais de nos jours, si nombreuses sont les occasions de dépravation en particulier au détriment des jeunes des deux sexes, qu’il faut s’unir sur le terrain de l’action et se mettre à l’ouvrage”.


C’est encore dans le Bulletin salésien de janvier 1878, qu’il s’adresse aux coopérants : “nous avons besoin de nous unir entre nous et tous avec la Congrégation. Unissons nous donc les yeux fixés dans la même direction et en utilisant les mêmes moyens pour la suivre. Unissons nous donc comme une seule Famille avec les liens de la fraternelle charité”.

Nous rappelons une très grande actualité !

Cette même charité pastorale qui nous “unifie” intérieurement, faisant de nous des contemplatifs dans l’action, est née de cette énergie surnaturelle et intérieure qui nous unit, nous donne un profil propre, qui nous alimente, nous enthousiasme, nous unit en une seule famille, qui nous fait réaliser la “grâce de l’unité” de la communion. (cfr ACS n.304).


Il est important de comprendre que pour être fidèles au charisme de Don Bosco, il ne suffit pas de réaliser la grâce de l’unité par la vie intérieure et l’accomplissement de la mission, il faut encore vivre “la grâce d’unité” en tenant compte des différentes composantes de la famille salésienne, lesquelles, de manière diverse, vivent le même don de l’Esprit. C’est seulement ainsi que nous réaliserons le projet de Don Bosco, d’une famille unique aux vocations diversement exprimées : “Vis unita fortior”. Aucun groupe n’a jamais été conçu par lui, et n’a jamais existé séparément, mais toujours dans une perspective unitaire, assez forte et assez riche pour faire participer les groupes avec leurs différences (art 3, lettre de Communion).

Il est par conséquent fondamental que chacun de nous, chaque membre de notre Groupe, dans sa singularité, se reconnaîsse comme partie d’une ensemble, comme partie d’un grand mouvement salésien, et comprenne qu’en cheminant et en coopérant en synergie avec les autres, il y a enrichissement de soi et de tous et que l’on peut obtenir de meilleurs résultats ; il est important que chacun dans sa manière propre de reconnaître les richesses du charisme des autres, s’engage à faire grandir les autres groupes et à réaliser une communion faite du respect de la spécificité de chacun, faite de collaboration, de considération pour ce que sont et font les autres membres.


    1. La tentation du “fais le toi même”

 

Pour grandir en communion nous devons nous préparer à penser ensemble, à projeter ensemble, à savoir saisir la réalité qui nous entoure, à vaindre la peur de l’affrontement, à savoir nous organiser en projets partagés.

Il est cependant facile d’être la proie de la tentation du “fais le toi même”. Il arrive alors que nous soyons tous prêts à dire : “Comme c’est bien d’être de la Famille salésienne”.... nous sommes tous prêts à nous rencontrer dans les occasions de fêtes, de rassemblements officiels, de célébrations, mais il s’ensuit qu’il est difficile de se retrouver pour faire ensemble des projets, pour intervenir ensemble.

Chaque groupe a certainement sa spécificité, ses caractéristiques que n’explique pas le seul charisme mais également d’autres aspects mis en lumière et toujours nouveaux et originaux. Nul ne peut se déclarer “propriétaire” du charisme, mais seulement “gardien” !


L’énergie unificatrice du “charisme de don Bosco “ a fait surgir une Famille spirituelle originale, structurée et diverse, qui peut être plus “percutante” si seulement elle travaille en unissant les forces de tous les groupes.

Chacun a son tempérament, ses dons, son ambition, son caractère, mais chaque groupe peut dire de l’autre : “sans vous, nous ne sommes plus nous ne sommes plus nous mêmes”.

L’absence d’une partie qui peut ne pas paraître “indispensable” donnerait, toutefois, un corps “mutilé”....le corps n’est pas la tête à laquelle se juxtaposent les autres parties, le corps est un ensemble, une unité !

Nous devons être prêts à penser la famille salésienne non comme la somme de groupes qui se rassemblent entre eux, qui “se juxtaposent”, mais comme une réalité unique composée d’expressions diverses, qui, en corresponsabilité, vivent un charisme et oeuvrent à une mission.

Telle est notre fidélité charismatique vécue sur les traces de Don Bosco !

Ça et là dans le monde s’enregistrent des expériences d’activités et de formations réalisées ensemble : exercices spirituels, camps scolaires, retraites, école d’animateurs, école de prière, journées de réflexion, congrès, itinéraires de vocations...Dans chaque lieu, on travaille ensemble dans l’école, dans les oratoires.



Est-t-il encore besoin de préciser que “travailler ensemble” ne signifie pas forcément travailler “côte à côte”, non plus qu’ “intervenir de manière uniforme”, encore moins “ faire tous la même chose” : mais savoir saisir ensemble l’environnement personnel et social des jeunes, savoir trouver des stratégies possibles d’intervention pour atteindre des objectifs partagés, savoir se coordonner en synergie, dans la réciprocité, dans la responsabilité de chacun et de tous : cela veut dire construire ensemble une culture de la Famille salésienne.

Chacun de nous par conséquent, chaque Groupe de la Famille salésienne, doit intégrer harmonieusement son intervention personnelle à l’ensemble d’un projet : chacun, avec le rôle qui lui revient, chacun avec sa spécificité, chacun avec sa compétence propre, chacun avec son ambition propre. La communion apostolique doit être intense pour permettre le renforcement et la mise en valeur de l’originalité de chacun. Les groupes ne sont pas identiques, mais leur diversité même enrichit la Famille. Il est important, cependant, de travailler en réseau pour plus d’efficacité.



Le charisme salésien est très riche et il s’exprime, se manifeste dans la spécificité des diverses réalités de la Famille. Les jeunes ont le droit de pouvoir bénéficier d’un service spécifique auprès de chaque Groupe. Les interventions hétéroclites, mais avec des objectifs communs et coordonnés, peuvent aboutir à de meilleurs résultats. D’où s’impose l’urgence de faire naître - là où il n’y a rien - ou de revitaliser - là où il y a déjà une action - ces organismes territoriaux qui permettent de coordonner valablement les forces salésiennes : conseillers de la Famille salésienne, tant au niveau provincial que local, équipes diverses et commissions de travail.



Chaque groupe, par ailleurs, au sein de sa propre programmation, devrait prévoir la possibilité et les moyens concrets de collaboration et de corresponsabilité entre deux ou plusieurs Groupes ou entre tous les groupes qui oeuvrent sur le même territoire.

Il ne s’agit pas seulement de trouver des modes de collaboration entre les réalités diverses au sein de la Famille salésienne, en cherchant à faire la quadrature du cercle, en attirant même, parfois - je ne veux pas être méchante ! - l’attention sur les problèmes attachés à la ...”famille trop nombreuse”, au sujet de laquelle nous nous demandons “Que seront un jour ces derniers arrivés ?” ; il s’agit plutôt de nous repenser comme une famille unique, pleine de richesses, qui part découvrir toujours davantage et toujours mieux “avec une stupeur émerveillée”, la naissance de “nouvelles pousses” dans la robuste plante du charisme. “ENSEMBLE” doit devenir notre mot d’ordre.

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  • C’est ensemble que nous voulons nous préoccuper de l’éducation de tant de jeunes qui n’ont pas de pôles de référence.



  • C’est ensemble que nous voulons vivre le Système préventif mais dans la spécificité des diverses vocations.



  • C’est ensemble que nous voulons grandir en transformant en vie l’esprit salésien, en assumant toujours davantage le style de Don Bosco.

  • C’est ensemble que nous pouvons chercher les réponses aux demandes du monde d’aujourd’hui.



  • C’est ensemble que nous pouvons prendre conscience de notre appartenance à un grand mouvement voulu par Don Bosco.



  • C’est ensemble que, travaillant en manches de chemise comme le voulait Don Bosco, avec créativité, esprit de sacrifice, joie, nous pourrons parcourir le chemin de sainteté que le Seigneur a voulu pour nous.



C’est seulement ainsi que nous serons fidèles à ce à quoi nous sommes appelés.





Notre spiritualité est une spiritualité fortement mariale.


Bien des Groupes de notre Famille salésienne se réfèrent à Marie dans dans leur mode de fonctionnement propre. Tous La regardent comme un modèle de femme qui a su accueillir en elle le Sauveur, pour le porter et l’annoncer au monde avec la tendresse de la Mère ; comme à celle “QUI A TOUT FAIT” et qui continue d’être pour nous une Maîtresse du service et de la disponibilité.

Vers Elle nous nous tournons pour lui dire :

Mère de notre vocation salésienne :

  • Toi qui a été point d’union et signe de communion entre les premiers disciples, quand le découragement et l’envie de dispersion les gagnaient, aide nous à renouveler la joie de notre oui et à nous engager, unis, à porter l’espérance ;

  • Toi qui a porté en toi le Seigneur de l’Histoire, aide nous à faire grandir la passion pour Dieu et pour le monde ;

  • Toi qui es partie rapidement retrouver ta cousine Elisabeth, aide nous à avoir “le coeur ouvert et ls pieds prêts” pour aller à la recherche des jeunes ;

  • Toi dont nous rêvons, qui as accompagné le petit Jean et l’as transformé en Père et Maître, aide nous à être féconds, intrépides, créatifs, joyeux, prêts à donner notre vie jusqu’au dernier souffle.



Rome, 24 janvier 2009