LE MESSAGE DU RECTEUR MAJEUR
PÈRE ÁNGEL FERNÁNDEZ ARTIME
AVOIR DES RACINES PROFONDES,
ÊTRE SOUPLES ET RICHES DE L’ESSENTIEL
Dans l’enchantement de la forêt de Vallombrosa (Toscane), je n’oublierai jamais la leçon de vie et de sagesse que m’ont donnée les sapins.
C’est du cœur, comme toujours, que jaillit ce message pour mes chers amis, les lecteurs du Bulletin Salésien et les membres de la Famille Salésienne. Cette fois-ci, je voudrais vous faire part d’une réflexion que m’a inspirée la nature.
Dans l’implacable tourbillon d’engagements, rencontres, voyages et soucis quotidiens, j’ai pu bénéficier d’un de ces moments qui plaisaient même à Jésus, comme le rappellent les Évangiles : Il se retirait sur la montagne ou dans les endroits déserts pour prier. Mon lieu de prédilection a été le monastère bénédictin de Vallombrosa, près de Florence, où j’ai eu l’occasion de vivre une semaine de sérénité et de paix pour la Retraite Spirituelle avec les autres membres du Conseil Général.
Vallombrosa est un lieu sobre, en pleine nature, à 1000 mètres d’altitude. Le simple fait de se trouver là était une invitation à la prière, dans l’ombre fraîche, comme son nom l’indique, procurée par des milliers et des milliers de sapins, droits et hauts de 20 mètres pour certains. La forêt de Vallombrosa est un des « poumons verts » les plus importants d’Italie, avec des arbres considérés parmi les plus vieux d’Europe.
Et ce sont justement ces arbres qui m’ont donné une leçon de sagesse et de spiritualité que je n’oublierai pas. J’avais remarqué que c’étaient des sapins très hauts et qui s’élançaient bien droits vers le ciel. Mais ils avaient une « chevelure » – une touffe de verdure – étriquée, avec peu de branches et de feuilles, comme s’ils se contentaient de l’essentiel pour pouvoir respirer, vivre et croître.
Intrigué par cette particularité, j’ai interrogé un expert en la matière qui m’a confirmé que les sapins de cette région avaient des caractéristiques spéciales : c’étaient des arbres avec des racines très profondes, un tronc très souple et un feuillage (branches et feuilles) réduit à l’essentiel.
La raison de tout cela m’a étonné encore davantage. Les racines profondes sont nécessaires pour aller chercher l’eau et l’humidité même lorsqu’en superficie surviennent des périodes de sécheresse ou des étés brûlants au point d’assécher même les montagnes. Le tronc est haut et doit donc être très souple pour pouvoir osciller et neutraliser la pression du vent. S’il était rigide, il courrait le risque de casser sous les coups des rafales de vent, très fréquentes ici.
La « chevelure » réduite est, elle aussi, fruit de la sagesse naturelle. Si elle était fournie, avec beaucoup de branches, les grandes chutes de neige hivernales pourraient la casser sous leur poids, mettant tout l’arbre en péril. Cette explication évidente m’a vraiment étonné.
Les trois caractéristiques
Je me suis dit en moi-même : « Quelle métaphore incroyable ! Quelle leçon de vie nous donne la nature, à nous, les humains ! » Et j’ai pensé immédiatement à nous : quelle sagesse « salésienne » dans ces trois caractéristiques de l’arbre !
La première nous apprend à vivre en profondeur et en intériorité, en cherchant les Sources de la Vie, pour découvrir « l’eau pure » de la sérénité, du calme, de la paix, même aux jours difficiles, dans les moments de souffrance et de déception. Pour nous, cette source n’est pas sans nom. Nos racines plongent dans la « terre » de Dieu où nous trouvons le sens de toute chose. Ainsi, ce monde ne réussira jamais à nous assécher et à tarir nos énergies vitales.
La seconde qualité est la souplesse. Cela signifie s’opposer aux énergies destructrices, résister à la destruction en pliant. Cela signifie être « élastiques » et prêts à faire face lorsqu’entre en jeu ce qui est vraiment important. Tant que nous transformons l’intransigeance en dialogue, en écoute, en patience et en proximité – toutes qualités qui naissent de l’amour – nous ne serons pas « cassés » facilement. Nous sommes les enfants d’un Père qui, au séminaire de Chieri, pour se distinguer d’un autre séminariste qui portait le même nom de famille et qui disait : « Moi, je suis Bosco [bois] de néflier » (bois dur et noueux), répondit tout simplement : « Et moi, je m’appelle Bosco de saule » (bois tendre et flexible). Et tel a-t-il été toute sa vie durant…
La troisième qualité nous invite à ne rechercher que l’essentiel, ce qui suffit pour être heureux et en harmonie avec soi-même, avec les autres et avec les choses. Débarrassez-vous des fardeaux inutiles, retrouvez la simplicité, fuyez la compétitivité malsaine dans tous les domaines de votre existence. La richesse d’un homme se mesure à ce dont il n’a pas besoin.
La leçon tirée de la nature est décidément opportune en cette année où l’on invite les familles à réfléchir pour être, chacune, « école de vie et d’amour ». C’est une leçon qui vaut pour les relations personnelles, les liens familiaux, l’éducation et l’accompagnement des enfants. Elle est valable pour tout lien d’affection et d’amitié, et même sur les lieux de travail ; bref, partout où entre en jeu le fait de savoir qui nous sommes, comment nous nous comportons et comment nous évoluons.
Je n’oublierai pas la leçon des sapins de Vallombrosa. Écoutez-les vous aussi. Ils sont l’une des traces infinies que le Créateur nous ait laissées ici-bas.
Je vous salue avec affection, en vous souhaitant le plus grand bonheur !