LE MESSAGE DU RECTEUR MAJEUR
PÈRE ÁNGEL FERNÁNDEZ ARTIME
JÉSUS DANS LES BRAS
DES PETITS ET DES PAUVRES
Jésus continue à sauver l’humanité à travers notre travail, notre dévouement, notre bonne volonté. Il continue à nous tracer la route pour que nous ne perdions pas la direction à prendre, et que nous soutenions toujours ceux qui avancent avec peine, les plus petits, les plus pauvres, les derniers.
Une délicieuse légende de Noël raconte que les bergers de Bethléem, après avoir entendu l’annonce des anges, remplirent leurs besaces des meilleurs produits de leur travail : fromages savoureux, miel, lait et gâteaux, et se mirent en chemin pour aller les offrir au Roi des rois qui venait de naître.
Un enfant, curieux et à l’esprit vif, réveillé par tout ce remue-ménage, partit avec les bergers. Peu après, il s’aperçut être le seul à avoir les mains vides, ne possédant rien d’autre que le pauvre vêtement qu’il portait. Et il n’avait même pas de chaussures. Il se sentit donc mal à l’aise et marchait tout triste derrière le groupe des bergers.
Quand ils arrivèrent au lieu indiqué par les anges, ils se pressèrent autour de Joseph et de Marie qui berçait le bébé.
Le petit berger se faufila entre les jambes des autres bergers, finissant par arriver tout près de Marie ; et là, il resta à regarder la scène, les yeux écarquillés et la bouche ouverte. Les bergers se bousculaient pour remettre leurs présents à Marie ; et celle-ci, qui tenait le nouveau-né dans ses bras, se trouvait embarrassée pour prendre les généreux paquets et remercier. Alors, avec un sourire, elle confia l’Enfant Jésus au petit berger qui se tenait tout près d’elle. Le petit garçon ouvrit tout grand ses bras et accueillit, avec tout le bonheur du monde, le petit paquet qui gargouillait tranquillement.
Ainsi, le petit berger qui croyait n’avoir rien à donner, offrit à Jésus la chaleur et l’appui de ses bras : en cette nuit sainte, où l’impossible devenait possible, ses bras étaient devenus le trône du Très-Haut. Et lui qui n’avait rien, pas même de chaussures, portait le don de Dieu à l’humanité.
Cette légende interprète bien le message de Noël. Elle nous communique que Dieu s’est rangé du côté des pauvres, des humbles, des plus défavorisés, des marginalisés et des laissés pour compte de ce monde.
Achevons ce que Jésus a commencé.
C’est justement de cela que je voudrais vous parler.
Au cours de mes différents voyages, dans les cinq continents, pour visiter les présences salésiennes dans le monde, je me suis trouvé dans de nombreuses situations où mon cœur et mes pensées m’ont amené à sentir et à penser que les personnes que je rencontrais – adultes, jeunes, garçons et filles – presque toujours pauvres parmi les plus pauvres, étaient indubitablement les préférés du regard et du cœur de Dieu.
Nous le sommes certainement tous. Nous sommes tous ses enfants, mais les derniers sont les plus proches du cœur de Dieu. C’est comme une maman qui a de nombreux enfants : elle les aime tous d’un amour inconditionnel mais elle entoure d’une attention toute particulière le plus faible de ses enfants qui a besoin de soins, sans pour autant enlever une miette de son amour à tous les autres.
En écrivant ces lignes, je pense aux réfugiés du camp de Kakuma, dans le nord du Kenya, où la communauté salésienne partage sa vie avec eux depuis de nombreuses années.
Je pense au camp de réfugiés en Ouganda où, après la fête de Don Bosco, fin janvier, une nouvelle communauté salésienne, internationale, entre dans l’histoire de ces personnes et de tant de jeunes qui nous arrivent, fuyant la guerre, la famine, les dangers qui menacent quotidiennement leur vie.
Je pense à Yakutsk, en Sibérie, l’endroit le plus froid du monde, à des milliers de kilomètres au nord-est de Moscou, où une petite communauté salésienne participe à la vie de groupes minuscules de personnes (peut-être sont-ils comme le petit berger de la légende ?) qui avaient accueilli les Salésiens en leur disant : « Nous remercions Dieu de vous voir ici ; nous commencions à nous demander s’il ne nous avait pas oubliés. » De telles paroles remplissent le cœur d’une joie unique.
Je pense aux enfants de la rue que j’ai rencontrés en de nombreuses parties du monde, et qui sont d’authentiques « rejetés », comme dit le Pape François, parce qu’ils n’ont pas eu dans leur vie la moindre possibilité de grandir dans la dignité humaine ; et je me suis dit que dans l’étable de Bethléem, ils auraient tenu dans leurs bras le Divin Enfant bien avant moi.
Telle est la forte, et souvent douloureuse, réalité que nous rencontrons dans notre vie. Et devant ces situations si répandues dans le monde, même quand nous entendons le Secrétaire Général des Nations Unies dire sa profonde préoccupation du fait que l’année qui vient de s’achever a été une année où la condition de l’humanité a empiré et qu’elle court davantage de risques, nous ne devons pas perdre la foi et l’espérance. Nous somme intimement convaincus que Jésus-Christ est venu pour racheter et sauver précisément cette Humanité, partageant notre condition humaine et notre histoire.
Et il continue à la sauver à travers notre travail, notre dévouement, notre bonne volonté. Il continue à nous tracer la route pour que nous ne perdions pas la direction à suivre, et que nous soutenions toujours ceux qui ont de la peine à avancer, les plus petits, les plus pauvres, les derniers.
Voilà quelle est notre grande tâche humaine : achever ce que Jésus a commencé.
Vous tous aussi qui lisez ces lignes, vous êtes invités à continuer la construction d’une Humanité nouvelle et d’un Monde meilleur pour que, comme dans la légende, nos bras méritent vraiment de protéger et de garder le Fils de Dieu que Marie confie à ceux qui n’ont rien d’autre à offrir que leur cœur.
De tout cœur, je vous souhaite une Heureuse Année 2018.
Ángel Fernández Artime, sdb
Recteur Majeur
Le Pape François a demandé que soit distribuée cette photo avec le texte suivant : « … le fruit de la guerre. Un enfant attend son tour au crématorium avec son frère mort sur son dos. C’est la photo prise par un photographe américain, Joseph Roger O’Donnell, après l’attaque atomique de Nagasaki. La tristesse de l’enfant s’exprime seulement sur ses lèvres fendues laissant filtrer du sang. Pape François. »