2004|fr|04: Les fruits du système préventif: Ninni et Xavier

Shape2 Shape1 SAINTETÉ DES JEUNES

de Pascual Chávez Villanueva



L


ES FRUITS DU SYSTÈME

PRÉVENTIF

NINNI ET XAVIER

Ce mois-ci, nous nous arrêtons sur Ninni Di Leo (Palerme 1957 – 1974), et Xavier Ribas (Barcelone 1958 – 1975), contemporains aussi dans la sainteté.

4900



inni a vécu une histoire normale jusqu’au jour où le mal le frappa et la souffrance le forgea comme l’or dans le creuset. Il fréquentait l’institut pour géomètres et avait de bons résultats, sauf en italien. Sa matière préférée était la géographie : il en avait une vaste connaissance, mais arriva second au concours de l’institut, et fut content de la victoire de son compagnon, parce que « lui, en plus de l’étude, il travaille comme boulanger avec son père ». Altruiste par nature, il ne pensait jamais à lui-même.

À 12 ans il commença à fréquenter le patronage salésien Ranchibile à Palerme. Deux rites le dimanche : le matin la prière et la messe qu’il ne voulait jamais manquer, et l’après-midi, l’oreille collée à son transistor, l’Inter, son équipe du cœur. Il aimait la musique, la danse, le basket-ball (il mesurait 1 m 82) et le baby-foot. La maladie, non inscrite dans son agenda, arriva au cours de l’été 1973. En juillet, il fut à l’improviste frappé d’une crise : mal de tête, vomissement, visage livide. D’urgence à hôpital, la gorge serrée, et la crise passa, mais le verdict des médecins fut terrible : leucémie. On tenta l’impossible : Ninni et sa maman se rendirent à un hôpital de Paris. Là il devint le garçon le plus recherché : divertissement et réconfort des autres enfants qui, comme lui, luttaient contre la mort. À l’un ou à l’autre il lisait et traduisait la vie de Dominique Savio qu’il gardait sous son oreiller ; à d’autres il apprenait à souffrir et à offrir. Sa façon maladroite de parler le français faisait rire, mais tous restaient charmés par son sourire. Dans ce milieu où il y avait pas mal d’athées, il se mettait à prier avec sa maman. Ninni aimait prier surtout en compagnie, parce que « Quand deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là, au milieu d’eux ». Il faisait souvent la communion, mais il ne voulait pas qu’elle devienne une habitude : il voulait la savourer chaque fois.

À Paris, après une première période, il passa à une phase de thérapie intensive et douloureuse dans la chambre stérile, isolé du monde. Un jour, le médecin-chef, le voyant souffrir beaucoup, « Soulage-toi, lui dit-il, dis des gros mots ! Comment peux-tu ne jamais te révolter ? Qu’as-tu fait à Dieu ? ». La réponse de Ninni fut lapidaire et un peu comique : « Qu’est-ce que Dieu a à voir là-dedans ? Jésus n’a-t-il pas souffert beaucoup ? Et puis il n’y a pas de plaisir à dire des gros mots : ils seraient stérilisés par la chambre stérile ». Son séjour à Paris se termina quand cessa aussi l’espérance de guérison. Il rentra à Palerme pour y passer les derniers mois de sa vie. Il avait encore la volonté de vivre, d’étudier, de jouer au basket, d’écouter la musique, de danser... À une fête en son honneur il se lança encore en piste avec enthousiasme, à l’étonnement de tous. Ce fut son dernier bal. Le 23 janvier 1974 il s’envola vers le ciel, le visage détendu, serein, un clair sourire sur les lèvres.



X


avier passe son enfance en famille où, en dehors des heures d’école, il donne un coup de main au petit magasin de la maison. À 15 ans il commence à fréquenter le centre salésien de jeunes de Martí-Codolar qui devient peu à peu son point de référence dans sa croissance humaine et chrétienne. Telle est la valeur de formation d’un patronage et/ou d’un groupe quand ils fonctionnent comme il se doit ! Xavier, en effet, entre dans un groupe de formation où il prend conscience de sa vocation chrétienne et renforce sa volonté d’y répondre de façon radicale. Il en résultera un projet de vie qui bientôt le portera à faire de grands pas dans son chemin de maturation spirituelle.

Le 19 juillet 1974, il écrit dans son journal : « Mon engagement peut se résumer comme suit : réaliser là où je vis (famille, école, amis, magasin de mes parents, groupe) ce qu’exige la foi... m’adonner chaque jour à la prière – qui consiste pour moi à lire la Parole et à rappeler mes frères et amis - et reviser ma vie ou un événement particulier ». Une traduction moderne, on le voit, du projet de vie de Dominique Savio ! Proposable à tous ! Le groupe, dont il est animateur, le pousse à s’engager davantage pour les plus petits et à se dépenser dans un quartier populaire comme membre d’un cercle social promu par le centre.

Il est relativement facile de vivre la foi chrétienne dans un groupe de formation. Ce l’est moins en famille, où les rapports et la confiance ne sont pas sans difficultés pour un adolescent, et à l’école d’Etat, où il y a des compagnons peu sensibles au thème religieux et de foi superficielle. Xavier sait qu’il doit se montrer vrai chrétien: C’est une difficulté, mais aussi un stimulant. Il se propose de dialoguer à la maison, de vaincre sa timidité à l’école et de s’engager dans le social, mais au nom du Christ. Et il le dit clairement à tous. Une vie normale que celle de Xavier, mais Dieu y fait entendre sa voix : « Quand je regarde ma vie, et sans savoir pourquoi puisqu’elle n’a rien d’extraordinaire, il semble que Dieu m’a attiré et appelé. Pour ma part, j’essaie de suivre la route en dépit des difficultés », a-t-il écrit le 18/9/1974. Cet appel se fait plus pressant dans la rencontre de formation de l’été 1975 : « Je crois que le Christ m’a appelé : je dois lui répondre... S’Il n’était pas avec moi, je ne serais qu’un pauvre garçon, solitaire et ignorant… Avec son aide, je veux vivre toujours davantage en chrétien... C’est le but de ma vie. » (29/7/’75).

Xavier satisfait pleinement sa volonté de plénitude en Dieu le 4/10/1975, fête de saint François d’Assise. Rentrant d’une excursion en montagne avec trois amis, Xavier tombe à l’improviste et meurt, pour entrer dans le dimanche sans fin. `





PHOTO:

Voler haut, planer dans le ciel limpide et pur de Dieu… Ce fut l’idéal de Ninni et de Xavier.

- 3 -