MESSAGE DU RECTEUR MAJEUR
P. Ángel Fernández Artime
LE TSUNAMI DE L’ESPOIR
Le pays de la douleur et de la mort abrite aujourd’hui une maison qui redonne vie, dans un climat d’affection et d’espérance, grâce aux fils de Don Bosco.
Chers Amis de Don Bosco, comme vous en avez certainement fait l’expérience, l’une des plus belles composantes de l’amitié est de pouvoir partager sentiments, joies et angoisses. C’est pourquoi je veux partager avec vous l’expérience que j’ai vécue récemment parmi mes frères et sœurs Salésiens en Thaïlande.
Je suis allé dans cette partie fascinante du monde pour animer et encourager les communautés et les œuvres salésiennes qui y prospèrent depuis longtemps. Parmi les objectifs de ma visite, il y en avait un en particulier : connaître une petite mais belle présence salésienne située dans un lieu de grande souffrance (devenu aujourd’hui un lieu où a refleuri la vie), juste à l’endroit même où a été écrite l’une des pages les plus tristes de l’histoire contemporaine : un coin du monde qui a subi la catastrophe naturelle la plus grave de l’ère moderne, le tsunami du 26 décembre 2004.
Deux cent trente mille victimes, des milliers de disparus, des plages, des vies, des villages entiers complètement détruits et disparus. Et des vagues, d’une hauteur jamais vue, certaines jusqu’à quatorze mètres. Des complexes hôteliers entiers ont été anéantis, ainsi que des milliers de touristes venus du monde entier pour passer les fêtes de Noël.
Précisément ici, dans la région de Khao Lak, l’une des plus touchées, dans un petit village de pêcheurs (mais aussi une ville touristique, un « paradis » surtout pour les étrangers), les morts et les disparus s’élèvent à près de 8 000 personnes. Une tragédie immense.
À cette occasion, le P. Chávez, mon prédécesseur au service de la Congrégation, a demandé au Provincial de cette Province Salésienne d’agir immédiatement afin d’accueillir de nombreux orphelins, victimes du Tsunami, dans une nouvelle présence salésienne.
Jusque-là, il n’y avait pas de Salésiens dans cette région de la Thaïlande. Mais avec l’esprit et le dynamisme que Don Bosco nous a légués, tout a été réalisé et, en très peu de temps, plus de 117 garçons et filles trouvaient une maison et une grande famille pour les accueillir, leur procurant la sécurité et, même dans la douleur, la possibilité de regarder la vie avec espérance.
Ainsi, les années ont passé, et ces garçons et filles ont grandi et ont pu recevoir une éducation. Aujourd’hui, ce sont des femmes et des hommes menant avec leurs propres familles une vie tout à fait satisfaisante. C’est une bénédiction au milieu même d’une tragédie.
Le miracle d’une nouvelle vie
Aujourd’hui, dix-huit ans plus tard, il n’y a pas plus d’orphelins de ce tsunami à Khao Lak. Mais nous pouvons nous demander : qu’en a-t-il été de cette présence salésienne ?
C’est ce que j’ai vu de mes propres yeux. Quand nous sommes arrivés, 42 enfants et adolescents entre 6 et 15 ans nous attendaient, qui vivaient une belle expérience d’amitié et de famille. Ils sont organisés en 5 très belles maisons hexagonales où ils ont à leur disposition une cuisine, une buanderie, des toilettes et des douches, une salle d’étude, une salle à manger et un petit dortoir.
L’endroit est paradisiaque comme toute la région. La végétation est luxuriante. Je dois avouer que la chaleur est aussi forte et un tantinet oppressante. Une colline verdoyante « garde » le village d’en haut. Un peu plus loin, on voit de longues étendues de sable bordées de collines boisées, tandis que l’eau de mer, très propre et chaude, est un moyen privilégié de courir sur la côte baignée par l’Océan Indien. À côté de la maison salésienne se trouve l’école publique fréquentée par nos jeunes.
Qui sont ces garçons et ces filles ? Ils n’ont plus rien à voir avec le tsunami de la mer, mais avec le tsunami de la vie, de la pauvreté, de l’éclatement de la famille. Généralement, ils n’ont pas de parents ; il y a ceux qui ont la protection d’un oncle éloigné ou d’un parent encore plus éloigné (c’est-à-dire pratiquement inconnu).
La maison salésienne est cette opportunité qui transforme des vies, qui accomplit de véritables « miracles ». Oui, je répète le mot : de véritables « miracles ». N’en soyez pas effrayés. Je peux vous assurer que j’ai été ému de savoir que les filles qui sont là, dans cette maison qui est maintenant leur maison, ont la possibilité de se préparer à la vie avec bonheur, de se sentir entourées et protégées, d’être éduquées, d’étudier... parfois à de très hauts niveaux d’études. Et savez-vous pourquoi je dis que c’est un miracle ? Parce que sans cette opportunité, ces préadolescentes de 13 ans pourraient être contraintes de tomber dans un réseau de prostitution ou d’exploitation d’enfants, ou être forcées, âgées de 14 ans, d’avoir un mari vieux voire très vieux.
Je me suis dit : « Cela suffirait à démontrer la valeur du bel idéal du charisme de Don Bosco, qui encore aujourd’hui, 165 ans plus tard, s’incarne et se concrétise ».
J’ajouterais une autre chose que je trouve merveilleuse. On pourrait penser que nous avons là une communauté salésienne, mais ce n’est pas le cas. Les présences en Thaïlande et les défis auxquels faire face sont si nombreux, si variés et si grands que nous ne pouvons pas tout faire comme communautés salésiennes, mais comme présences salésiennes avec des éducateurs salésiens de toutes sortes. En particulier, à la « Maison de l’Espoir Don Bosco », deux femmes laïques consacrées sont responsables de cette présence éducative et agissent comme des mères 24 heures sur 24. Il y a aussi quelques Salésiens Coopérateurs qui s’occupent de l’administration, des courses, de tout ce dont on a besoin, et il y a une dame, une vraie Maman Marguerite, qui est une cuisinière exceptionnelle. La Province Salésienne veille à ce que personne ne manque du nécessaire. C’est une présence comme beaucoup d’autres, et elle est soignée avec la même affection.
Enfin, la créativité salésienne amène ces garçons, ces filles, ces adolescents à fabriquer des produits manufacturés de haute qualité qu’ils vendent ensuite, et dont les recettes sont mises de côté pour constituer un petit capital qu’ils emporteront avec eux lorsqu’ils quitteront la maison salésienne. La Province Salésienne prépare également un grand magasin où exposer et vendre tout ce qu’ils produisent, pour attirer surtout les nombreux touristes.
Mon cœur s’est grandement réjoui en apprenant que 12% de ces garçons et filles de Don Bosco sont allés à l’université ; 15% ont poursuivi des études techniques dans nos écoles professionnelles et plus de 50%, après avoir terminé leurs études à l’école publique, ont trouvé un emploi qui leur permet de commencer leur vie de manière autonome.
J’ai vécu non seulement un beau rêve, mais une réalité qui me tenait à cœur. C’est une de ces bonnes et belles choses qui existent, qui se développent, qui ne font pas de bruit mais qui rendent le monde plus beau.
C’est pourquoi la douleur du tsunami d’hier cède aujourd’hui la place à la beauté de l’espérance.