LE MESSAGE DU RECTEUR MAJEUR
PÈRE ÁNGEL FERNÁNDEZ ARTIME
LES 125 DOLLARS
LES PLUS PRÉCIEUX
QUE J’AIE JAMAIS VUS
Je demande aux Salésiens sdb et à toute la Famille Salésienne dans le monde
de faire connaître le bien qui se fait partout, que nous faisons, non seulement nous autres, mais aussi tant de gens, de groupes, d’institutions.
Nous devons rendre visible le bien qui se fait
car le mal et l’égoïsme se font leur propre publicité avec des moyens puissants.
Mes chers lecteurs du Bulletin Salésien,
Je vous rejoins dans ces pages avec la joie habituelle et, cette fois-ci, avec une émotion particulière en plus. Et voici pourquoi.
Durant la période de Noël, l'un des membres de notre Conseil Général, le Conseiller pour les Missions, est allé passer les fêtes en Ouganda, dans deux présences salésiennes très importantes. Dans la première, il a été accueilli par un bon groupe d’enfants arrachés à la rue et qui vivent maintenant dans la maison salésienne. Le second lieu est le camp de réfugiés de Palabek (Ouganda) où les Salésiens sont arrivés le 31 janvier 2018, il y a un peu plus d'un an, quelques mois après l'arrivée des premiers réfugiés.
À l'époque, nous avions décidé que les Salésiens sdb devaient y vivre et partager leur vie avec ces personnes, qui sont 42 000 aujourd'hui, et leur nombre continue de croître. Lors de notre rencontre de ces premiers jours de l'année 2019, le P. Guillermo Basañes, le Conseiller pour les Missions, m'a remis deux enveloppes. L'une venait de Kampala (Ouganda), précisément du projet éducatif « Children and Life Mission », l'autre du camp de réfugiés de Palabek. Ces enveloppes contenaient également un message.
Les jeunes de Kampala, arrachés à leur vie de rue, avaient organisé, avec des groupes religieux du quartier, une collecte pour offrir quelque chose aux pauvres que je rencontrerais à travers le monde (comme si déjà eux-mêmes n'étaient pas pauvres !). Et avec le message, il y avait cent dollars, fruit de leur générosité et de leurs privations.
L'autre enveloppe était similaire et provenait, comme je l'ai dit, du camp de réfugiés où il n’y a pratiquement ni argent ni commerce de nourriture, de vêtements et autres marchandises. Certains réfugiés entreprenants élèvent quelques poulets jusqu'à ce qu'ils soient « aptes » à la consommation pour les échanger contre d'autres produits. C'est ainsi qu'ils réussissent à survivre. Mais désirant aider les plus pauvres, des centaines d'entre eux ont décidé de faire une collecte générale. Ils ont vendu quelques poulets et recueilli quelques pièces qu’ils ont placées dans une enveloppe, en plus de tout ce qu’ils avaient réussi à recueillir au cours des différentes Eucharisties célébrées en plein air, sous une coupole d’arbres (car c'est aujourd'hui leur basilique !).
J'ai ouvert l'enveloppe avec émotion et j'y ai trouvé 25 dollars et deux pièces de 100 et 200 shillings, avec un court message me priant de mettre l'argent à la disposition de ceux qui en avaient le plus besoin. J'étais seul dans mon bureau et j'ai eu du mal à contenir mon émotion. C'était un moment tellement émouvant et spécial que je ne pouvais pas le garder pour moi tout seul. C'est pourquoi j'ai décidé de le partager avec vous, dans ce message. Je vous avais déjà fait part de quelque chose de semblable lorsque je vous avais parlé de l'offrande des deux alliances nuptiales si symboliques, offertes pour les pauvres de nos œuvres.
J'ai pensé au passage de l'Évangile où Jésus montre à ses disciples la pauvre veuve qui jette tout ce qu'elle possède, deux pièces de monnaie, dans le trésor du temple de Jérusalem ; et le Seigneur loue cette générosité parce qu'elle est la plus authentique.
M'est venue à l'esprit la fête de Don Bosco de 1874, rapportée par les « Souvenirs Biographiques » de Don Bosco en évoquant « les petites sommes d'argent des jeunes qui, bien que pauvres, montrèrent leur bon cœur en rassemblant 200 lires, soit 113 chez les apprentis et 87 chez les écoliers ». Don Bosco exprima sa grande joie et sa gratitude avant tout parce que beaucoup de garçons lui avaient alors dit : « N'ayant rien d'autre à vous donner, je vous offre mon cœur ». Et c'est ce que je vois dans ces deux dons, dans ces 125 dollars, les plus précieux que j'aie jamais trouvés dans ma vie.
Il m'est impossible de ne pas penser au cœur humain, si grand et si bon ! Malheureusement, il semble que le monde n'ait que de mauvaises nouvelles et des menaces voilées contre lesquelles nous devons nous protéger. Mais ce n'est pas ça. Les nouvelles qui nous parviennent sont souvent dues à des intérêts politiques, économiques ou idéologiques. Or le cœur humain vaut beaucoup plus que cela. Et je voudrais sauver de l'oubli et souligner le fait que tant de belles choses se passent chaque jour. Je voudrais sauver de l'oubli tout le bien qui est fait chaque jour dans le monde de manière anonyme.
Je demande aux Salésiens sdb et à toute la Famille Salésienne dans le monde de faire connaître le bien qui se fait partout, que nous faisons, non seulement nous autres mais aussi tant de gens, de groupes, d’institutions. Nous devons rendre visible le bien qui se fait car le mal et l’égoïsme font leur propre publicité avec des moyens puissants et seulement dans l’intérêt de certains.
Je n'ai pas encore pu visiter le camp de réfugiés de Palabek. Je ne sais même pas si je pourrai le voir personnellement un jour, mais par l'intermédiaire de mes frères Salésiens, j’adresserai à ces personnes mes remerciements et leur dirai que nous ne les oublions pas, qu'ils comptent beaucoup à nos yeux et que nous portons leurs souffrances dans notre cœur.
Ces faits, simples et humbles, que je vous ai racontés, me font également penser que les vœux et les mots aimables ne suffisent pas pour changer la réalité de l'injustice, de l'exploitation et de la marginalisation. Ils nous demandent, ainsi qu'à beaucoup d'entre nous, peut-être à vous, mes chers amis lecteurs, une attitude non conformiste et non passive, mais lucide et critique sur ce que « les autres » veulent nous faire croire ou entendre, bien souvent avec des arguments révélateurs de la peur.
En ce sens, notre cher Don Bosco était toujours conscient, intelligent et fort dans sa manière de voir les choses, et bien déterminé à ne pas être complice de ce qui ne visait pas le bien de ses garçons et de leurs familles (quand ils en avaient une).
Avec une profonde reconnaissance, je salue tous les habitants, les familles et les jeunes de Palabek et de Kampala. Je reste convaincu que leur message et leur geste iront bien au-delà de ce qu’ils imaginaient ; et je leur promets que ces 125 dollars ne laisseront pas seulement un souvenir indélébile dans mon cœur, mais que lorsque je les transmettrai à des personnes qui en ont besoin, elles sauront que leur valeur est immense parce qu'ils proviennent d'un endroit si spécial et sont offerts avec une grande bonté et grandeur d'âme.
Avec mes sentiments affectueux, je vous souhaite le plus grand bien.