251-300|fr|294 la relance du Système Préventif de Don Bosco.

Rome, le 24 août 1979


Chers confrères,

Des différentes régions salésiennes m'arrivent des nouvelles positives sur la relance du Système Préventif de Don Bosco.

Presque toutes les Communautés Provinciales se sont engagées dans ce domaine, en prenant des initiatives opportunes, suivant en cela les orientations du CG21, les réflexions de la circulaire sur le Projet Educatif Salésien et l'invitation de l'étrenne à ce sujet.

De plus, en bien des endroits, on a célébré le 25ème anniversaire de la canonisation de Dominique Savio, mettant en relief certaines modalités typiques de notre expérience apostolique.

Nous avons eu à Rome le pèlerinage de la jeunesse salésienne, enfants et jeunes de toutes les provinces, pour une rencontre inoubliable avec le Pape.

Des stimulants et des impulsions prioritaires pour notre engagement pédagogique et pastoral se sont dégagés de l'allocution du Saint Père.

Ces deux faits m'incitent à vous parler de l'importance des « Groupes et Mouvement de jeunes ».

Leur floraison, l'actualité de leur développement seront l'expression concrète de la relance du Système Préventif1.

A ce sujet, voici quelques brèves réflexions.

Don Jean Vecchi, Conseiller pour la Pastorale des jeunes, insistera sur ce thème, cette année et l'année prochaine ; avec l'aide de ses collaborateurs, il vous offrira des moyens pour approfondir ce sujet, vous informer et programmer votre action.

Je vous disais dans ma circulaire sur le Projet Educatif Salésien que « le renouveau du Système Préventif est lié, dans notre tradition vivante, à certains comportements dans notre vie ensemble et dans nos échanges : tout cela peut paraître simple à formuler mais renferme cependant de grandes richesses pour nos possibilités éducatives »2.

Parmi ces « modalités typiques », nous sommes invités à privilégier l'effort pour les « Groupes et Mouvements de jeunes ».

Dans mon discours de clôture du CG21, j'avais souligné l'importance que le Chapitre donne à la qualité des « milieux » d'évangélisation, en particulier « dans la ligne de l'associationnisme des jeunes »3.


Invitation autorisée et très actuelle.


Mais le Pape nous a lancé récemment l'invitation la plus autorisée qui soit. Au pèlerinage de la jeunesse salésienne du 5 mai dernier, Jean-Paul II, en s'adressant à la foule des jeunes qui remplissait la Place Saint Pierre, leur a dit :

« Vous attendez du Pape une parole qui vous oriente et vous encourage (...) (Eh bien :) La seconde suggestion du Pape pour vous et pour ceux qui se soucient de votre éducation humaine et chrétienne concerne l'urgent besoin, ressenti sous toutes les latitudes, que renaissent des modèles valables d'associations catholiques de jeunes.

Il ne s'agit pas de donner vie à des expressions militantes, dépourvues d'élan pour l'idéal et basées sur la force du nombre mais d'animer de véritables communautés, que pénètre l'esprit de bonté, de respect réciproque, de service ; communautés que cimentent surtout la même foi et la même espérance (...).

Dans l'adhésion à un groupe, dans la spontanéité et l'homogénéité d'un cercle d'amis, dans la confrontation constructive d'idées et d'initiatives, dans le soutien réciproque, la vitalité de ce renouveau social, auquel vous aspirez tous, peut s'établir et se conserver.

Vous, les jeunes, vous tendez à ces valeurs précieuses de la complémentarité communautaire, de la conversation, de l'amitié, de la possibilité de donner et de recevoir, de l'amour. Les associations de jeunes refleurissent : le Pape vous exhorte à être fidèles, perspicaces, inventifs dans cet effort pour donner à ces groupements un souffle toujours plus puissant.

C'est une invitation pressante que j'adresse à tous les responsables de l'éducation chrétienne des jeunes, des hommes de demain »4.

Nous devons accueillir avec sérieux et courage cette « invitation pressante » du Pape.

- Vatican II avait insisté aussi sur l'actualité et l'efficacité de l'associationnisme : dans la Déclaration sur l'Education chrétienne, en parlant des méthodes d'éducation, il est affirmé que l'Eglise valorise et tend à pénétrer de son esprit, à privilégier, entre autres moyens, celui des « mouvements de jeunesse »5. Dans le Décret sur la formation des prêtres, « particulièrement les associations catholiques » sont invitées à cultiver chez les jeunes les germes de la vocation6. Et surtout, le Décret sur l'apostolat des laïcs développe le thème de l'importance des associations, de leur multiplicité dans le champ même de l'apostolat, de l'estime et du soin qu'il faut avoir particulièrement pour les associations à but apostolique7.

- Quant au CG21, dans sa réflexion sur l'urgence de renouveler l'évangélisation, dans sa recherche pour adapter notre présence parmi les jeunes à leur condition actuelle, il a insisté sur la reprise de l'expérience associative et communautaire, convenablement renouvelée.

Le Chapitre considère cette modalité comme un élément constitutif de toute présence salésienne d'évangélisation8, comme une des constantes au sein de nos expériences les plus authentiques, comme un des « lieux privilégiés » pour nos interventions, comme un « milieu » pour assurer le style d'action salésien.

- Nos Constitutions renouvelées, elles-mêmes, nous le rappellent aux articles 22 et 28 : nous devons être capables de promouvoir et d'animer des groupes et mouvements de jeunes pour la formation, pour l'activité apostolique, pour l'action sociale. Cette préoccupation demande, bien sûr, une adaptation spéciale aux conditions actuelles des jeunes, selon la culture de chaque région, de chaque nation, en suivant les critères de pastorale élaborée dans l'action apostolique des expériences de vie associative et communautaire, en tenant compte des conditions de l'Eglise locale où nous travaillons ; il nous faut aussi retrouver intelligemment l'aspiration originale de notre charisme de prédilection pour les jeunes.

Pour cela, il est donc urgent de retrouver une double caractéristique salésienne des origines :

- tout d'abord, le cœur « oratoriano » dont je parlais dans le discours de clôture du Chapitre9.

Cette expression veut souligner le primat donné, dans l'attitude éducative du salésien, à « l'élan pastoral », en tant que principe inspirateur de toute présence parmi les jeunes ; les Groupes et les mouvements de jeunes doivent percevoir, avant tout, le battement d'un cœur apostolique séduit par le Christ : nous ne sommes pas simplement des « professeurs » au milieu des jeunes, mais des disciples du Christ Ressuscité, des « missionnaires » authentiques et enthousiastes.

- en second lieu, la mise en œuvre d'une « nouvelle présence salésienne », c'est-à-dire de l'esprit d'initiative ou de l'imagination en pastorale10.

Cette nouveauté est un critère méthodologique, « fruit de la créativité pastorale qui sait couvrir des espaces d'intervention particulièrement en faveur des jeunes jusqu'ici peu pris en considération ».

A titre d'exemple, le Chapitre rappelle, entre autres champs d'action, « l'animation de mouvements de jeunes, tandis qu'on assiste à une recherche et à un désir des jeunes pour un regroupement qui dépasse les limites de leur propre zone »11.

Nous nous sentons donc invités, avec force et urgence, à engager sérieusement notre être et nos initiatives dans la promotion et l'animation de groupes et mouvements de jeunes, avec un authentique cœur « oratoriano » et avec une méthode actuelle.


Inspiration originale.


La tendance associative, la vie de groupe, l'aspiration communautaire ont été une expérience presque spontanée dans la vie de notre Fondateur et une inclination de son tempérament naturellement porté à la convivance et à l'amitié.

Depuis les débuts, cependant, par intuition vocationnelle, semble-t-il, ce goût de la convivance est une finalité religieuse et apostolique, sans atténuer chez lui la chaleur humaine, la vivacité naturelle, la spontanéité et l'audace juvénile.

Ses initiatives ingénieuses parmi les garçons des Becchi et des villages voisins, la Joyeuse Union à l'école de Chieri, une expérience de convivance et d'amitié au Séminaire, contiennent déjà en germe l'estime et la tendance à l'associationnisme qui se concrétisera dans la formule caractéristique des « Compagnies ».

Don Bosco possédait de nombreuses qualités naturelles, un sens aigu de l'éducation enrichi progressivement d'expériences positives, de sorte qu'il savait communiquer aux jeunes les joies et les bienfaits du partage fraternel dans la marche de chacun vers Dieu, du dévouement aux autres dans « le quotidien », dans la simplicité et l'authenticité des manifestations ordinaires, dans l'équilibre des différents éléments positifs d'un homme qui assume sa vie à la lumière unifiante de la foi.

Une des pages de son autobiographie si attachante nous fait connaître le type de ceux qui faisaient partie de la Joyeuse Union. Il écrit : « Comme les compagnons qui essayaient de m'entraîner au mal étaient aussi les plus négligents dans leur travaux, ils vinrent vite me trouver pour que, charitablement, j'exerce l'entraide scolaire en leur prêtant ou en leur dictant mes propres compositions. Cela déplut au professeur (…). Je pris alors un moyen moins préjudiciable : je me contentai d'aplanir leurs difficultés ou d'aider ceux qui en avaient vraiment besoin. Ainsi je faisais plaisir à tout le monde et je ne fus pas long à conquérir l'estime et les bonnes grâces de mes compagnons. Ils commencèrent par venir vers moi pendant les récréations, puis s'intéressèrent à mes histoires ou parlèrent de questions d'école. Finalement ils accouraient vers moi sans chercher de raison, tout comme jadis les enfants de Murialdo ou de Castelnuovo ».

Pour donner un nom à ces réunions, on les appela habituellement : « Joyeuse Union »12.

Ainsi, la première expérience d'association commença pour Don Bosco, non pas tant dans le but de réunir « les meilleurs », mais comme une initiative en faveur de ceux qui avaient le plus besoin d'aide et d'idéal concret ; l'expérience s'épanouit aussitôt dans une action sur le milieu environnant, par le témoignage et l'initiative de la charité.

Mais l'expérience associative réelle, dans la sphère du Système Préventif, a été celle des « Compagnies religieuses ».

Elle naît dans un but éducatif, à l'époque où l'Oratoire se stabilise ; elle en assume les finalités et les caractéristiques et participe de façon dynamique à son esprit.

« Une fois solidement implantés au Valdocco - écrit encore Don Bosco -, je me préoccupai de toute mon âme de pourvoir à ce qui pouvait assurer l'unité d'esprit, de discipline et d'administration »13.

La première Compagnie fut celle de saint Louis, fondée par Don Bosco lui-même, puis ce fut la Compagnie de l'Immaculée, fondée (c'est Don Bosco qui l'affirme) par Dominique Savio, puis les autres, jusqu'au nombre de six14.

Ces Compagnies s'insèrent intimement dans le milieu éducatif comme élément dynamique de participation active, de pénétration capillaire ; elles aident à fortifier les valeurs pédagogiques et religieuses de tout le Système Préventif, tout en jouant aussi un rôle d'intégration et de suppléance en vue des éventuelles et immanquables déficiences du milieu ambiant.

Il faut remarquer que les Compagnies n'ont pas été pensées pour elles-mêmes, refermées sur des membres déterminés, seulement pour privilégier leur activité ou leur formation, mais comme un groupe-ferment en vue du milieu tout entier pour donner témoignage et rendre service à tous leurs camarades.

La « Compagnie de l'Immaculée », par exemple, à qui appartenaient des membres « choisis avec soin », était toute en fonction du projet éducatif et pastoral de l'ensemble, tel un levain dans la pâte. Chaque Compagnie avait des « objectifs » particuliers qui répondaient à des situations de vie et à des degrés de maturité, mais elle reproduisait une « matrice » spirituelle et organisatrice commune.

Les valeurs pédagogiques et spirituelles partagées en étaient l'élément tonifiant. La liaison entre les groupes était assurée « par le milieu et la communauté éducative », à l'intérieur desquels ils surgissaient et au service desquels ils se mettaient, comme expression de participation active et organisée au projet global d'éducation : il ne s'agissait pas seulement de participer à la programmation des activités, mais surtout de se sentir entraîné, activement et en toute responsabilité, aux grands idéaux communs d'un même Projet éducatif et pastoral.


Exigence du Système Préventif.


L'associationnisme des jeunes est une exigence indispensable dans le type de projet préventif et populaire qu'a voulu Don Bosco.

Dans une lettre circulaire aux Salésiens, il écrivait lui-même le 12 janvier 1876 : « Que dans toute maison, chacun se préoccupe de promouvoir les petites associations (...). Que personne ne craigne d'en parler, de les recommander, de les favoriser et d'en exposer le but (...). Je crois que l'on peut appeler ces associations la clef de la piété, le maintien de la moralité, le soutien des vocations ecclésiastiques et religieuses »15.

Dans son œuvre éducative et pastorale, Don Bosco s'adressa aux jeunes des masses populaires ; il ne serait pas arrivé à une action efficace de prévention et de pénétration capillaire « un par un », sans la participation active et organisée des jeunes eux-mêmes : de là, ce caractère indispensable d'un type particulier d'associationnisme pédagogique et religieux.

C'est ce qu'ont clairement compris les premiers collaborateurs de notre Père, les Salésiens des premières générations et tous les successeurs de Don Bosco. Longue serait l'énumération des paroles, des écrits sur ce sujet de Don Rua, Don Albéra et Don Rinaldi, qui ont vécu personnellement avec Don Bosco, puis de tous les autres.

Don Rinaldi, par exemple, affirmait que le Directeur devait regarder le soin empressé des associations religieuses, comme l'un des devoirs les plus importants de son ministère.

Si le style éducatif du Système Préventif ne se base pas seulement sur les relations individuelles, mais vise, avec un soin particulier, la création d'une « ambiance » et d'un « climat » éducatif, le rôle des associations de jeunes sera donc nécessairement déterminant. Dans le Système Préventif, ces associations ont présenté différentes caractéristiques de type pédagogique, religieux ou spirituel.

Parmi les caractéristiques de type « pédagogique », rappelons les suivantes :

- elles supposent, avant tout, une claire liberté de participation ;

- elles veulent être, d'une façon authentique, « l'œuvre des jeunes » ;

- elles ont un but éducatif précis ;

- elles mettent en avant le service des autres, surtout des propres camarades.

Il s'agit donc d'associations de jeunes en « formation », d’associations de jeunes « pour l'éducation » ; cette spécification comporte essentiellement une communion d’intentions et engagement avec les éducateurs.

En parlant d'« œuvre de jeunes », de « communion » dans l'action avec les éducateurs, on veut indiquer la dynamique et les contenus pédagogiques de ces associations de jeunes et souligner aussi le rôle de l'Assistant dans sa fonction d'animateur-éducateur.

Parmi les caractéristiques de type « religieux », rappelons :

- l'influence concrète de la foi sur la vie quotidienne : nette présence du but ultime de la vie ;

- l'accomplissement du devoir comme raison religieuse ;

- le discernement, le soin et l'épanouissement des vocations ;

- la charité opérante et généreuse pour les plus pauvres, même en des formes héroïques ;

- la coresponsabilité dans l'apostolat de par le baptême.

Il s'agit donc d'associations d'inspiration religieuse et chrétienne explicite et non seulement et exclusivement de groupes pour la promotion et la culture.

Dans ces associations, évangélisation et éducation se compénètrent, sans se dissocier. Elles manifestent ainsi cette symbiose particulière, vivante et pratique du Système Préventif qu'exprime le slogan : « évangéliser en éduquant et éduquer en évangélisant ».

Il ne s'agit donc pas d'un groupe ou d'un mouvement quelconque, mais d'un genre d'associationnisme spécial.

Enfin, parmi les caractéristiques de type « spirituel », notons :

- les groupes de jeunes de Don Bosco s'insèrent dans la spiritualité globale du Système Préventif ;

- ils sont centrés sur le mystère du Christ, ami des jeunes et sur la personne de Marie, Secours des chrétiens et Mère de l'Eglise ;

- ils n'expriment pas une spiritualité fermée sur elle-même, mais la spiritualité de tout le milieu éducatif, même si chaque association a des objectifs et des buts propres.

Nous nous trouvons donc devant des associations pénétrées de la spiritualité salésienne de Don Bosco, d'une manière caractéristique ; c'est, par sa nature même, une spiritualité pour les Jeunes.

Don Caviglia a écrit des pages très pénétrantes sur ce thème dans son étude appréciée sur « Savio Domenico e Don Bosco »16.

Je crois important de souligner cet aspect : à l'origine et dans le développement des associations de jeunes à l'Oratoire, il y avait une forte et féconde spiritualité salésienne, c'est-à-dire un potentiel intense de cet esprit particulier de Don Bosco qui pénétrait le milieu et assurait un climat éducatif de sainteté originale.

Il vaut la peine de répéter ici ce que je vous disais dans ma circulaire sur le Projet éducatif salésien : « L'originalité et l'audace du projet de " sainteté pour les jeunes " sont intrinsèques à l'art éducatif de Don Bosco. Son grand secret a été non seulement de ne pas décevoir les profondes aspirations de l'âme des jeunes (besoin de vie, d'expansion, de joie, de liberté, de regard vers l'avenir, etc...) mais d'amener, graduellement et d'une manière très réaliste, les jeunes eux-mêmes à expérimenter que c'est seulement dans « la vie de la grâce », c'est-à-dire dans l'amitié avec le Christ, source de joie permanente, que leurs idéaux les plus authentiques étaient compris et exaltés : « Nous autres, nous faisons consister la sainteté à être toujours joyeux »17.

J'ai voulu évoquer ces faits et vous aider à réfléchir sur leur signification18 dans le but très précis de nous inciter à redécouvrir une précieuse « inspiration » de l'expérience de nos associations.

La réalisation concrète de cette inspiration est passée par diverses phases, selon l'évolution de nos milieux et aussi selon les critères qui mûrissaient dans 1 Eglise. En cela aussi, il ne s agit pas, aujourd'hui, de reproduire une formule dans sa matérialité, mais de saisir, en vérité et sens pratique, son inspiration éducative et pastorale.

Cela entraînera des conséquences opérationnelles de discernement, de choix et de programmation qui éviteront au Projet éducatif de Don Bosco de dévier et la perte d'identité de sa spiritualité salésienne.


Les associations aujourd'hui.


On parle généralement de lassitude des jeunes devant les associations ; mais les faits contredisent cette affirmation.

Il y a eu, sans aucun doute, une crise des modalités d'associations liées à des structures et à des préoccupations dépassées. Chez nous aussi, les « Compagnies religieuses », très valables en leur temps, ont subi un déclin. Il serait inexact, pourtant, d'affirmer que l'expérience des associations a été abandonnée dans la Famille salésienne.

Un coup d'œil, même rapide, sur le vaste champ de présence salésienne nous fait constater une floraison d'initiatives en ce secteur19.

Peut-être, en quelques cas, jugeons-nous un peu pauvre et arbitraire le choix de nouvelles initiatives, la clarté de l'orientation salésienne, l'adaptation aux temps dans la fidélité au Projet éducatif original de Don Bosco, ainsi que la constance et la co-responsabilité communautaire et provinciale.

Nous devons aussi reconnaître que la « volonté de spontanéité », la « discontinuité » et « l'indépendance » sont, plus d'une fois, les phénomènes qui caractérisent certaines expériences de quelques confrères, créées volontairement après la disparition de la précédente structure des associations.

Pour bien faire les choses, il faudra prendre acte que des changements importants sont survenus dans ce secteur.

L'émergence des signes des temps a bouleversé les cultures et leurs schémas sociaux et moraux et oblige à repenser une hiérarchie de valeurs en harmonie avec notre foi pascale. Il est urgent de trouver d'autres façons de vivre en chrétiens authentiques pour les différentes couches sociales, en particulier pour les jeunes. Dans cette mutation culturelle, il faut à tout prix repenser sérieusement l'éducation, porter l'accent, davantage sur les valeurs qui circulent ou qu'il faut mettre en circulation, que sur une insertion à un schéma culturel ou sur une discipline de conduite et d'organisation.

Il faut aussi repenser sérieusement la pastorale : mettre l'accent sur l'historicité de la foi, sur l'Eglise en tant que germe du Royaume de Dieu, sur l'unité de la communion dans la pluralité et la complémentarité des différences, sur une perception particulièrement vive de 1'« Eglise locale », comme centre d'unité et de référence pour tout mouvement qui naît et se développe en un lieu déterminé.

Il faut également une sérieuse révision de la dimension communautaire locale et provinciale et un approfondissement en chapitre du Projet éducatif de Don Bosco.

Dans une époque riche en nouveautés, la sensibilité des jeunes aussi a certainement changé : par conséquent, il faut repenser en profondeur le style des associations, le choix des « objectifs » dans les Groupes et Mouvements, la présence et le rôle de « l'animateur », le dosage, la progression, la variété à établir dans la symbiose vivante entre éducation et évangélisation.

En énumérant ces facteurs de changements, je ne prétends pas être complet, ni repérer ou expliquer tous les aspects de la situation actuelle. J'entends seulement souligner comment, dans le secteur précis de l'associationnisme, il faut repenser une « synthèse » qui accorde l'inspiration fondamentale du Projet éducatif de Don Bosco et l'adapte à une situation profondément nouvelle.

En différents secteurs de la Famille salésienne, après quelques années d'incertitude et d'expérimentation, on est arrivé à remettre en route la vie des associations : en retrouvant une unité nouvelle entre culture et Evangile ; un juste équilibre entre les requêtes des enfants et des jeunes et l'urgence d'une animation spirituelle et pédagogique d'appui et de contact ; une harmonie renouvelée entre la responsabilité d'une juste autonomie chez les jeunes et ce qu'apportent les éducateurs par leur présence et leur animation ; un échange spontané entre les expériences concrètes des jeunes et le programme proposé, riche de contenus réfléchis.

On est arrivé ainsi, souvent, à susciter dans nos œuvres ce que le CG21 souligne en parlant de l'Ecole et du Centre de jeunes :

- pour 1'« Ecole salésienne », le Chapitre dit qu'elle « cherche à créer une communauté de jeunes (...). A cette communauté participent les parents et les éducateurs ; les jeunes y trouvent un espace pour des groupes organisés avec des buts formateurs et fonctionnels »20.

- Et pour le « Centre de jeunes », le Chapitre affirme que s'il veut « être proposition et milieu de promotion chrétienne intégrale pour les jeunes, il devra procéder à des choix méthodologiques précis, tels que l'organisation par groupes, en préférant ceux qui ont un caractère formatif et apostolique, et en y développant une éducation explicite de la foi »21.

Ces appels du Chapitre nous arrivent alors que dans le Peuple de Dieu on reprend, après une révision intelligente, les initiatives pour les associations, on étudie avec soin comment définir les principes inspirateurs de chaque mouvement, proposant aussi une « spiritualité » adaptée, on suscite des échanges pour étendre l'efficacité des expériences et favoriser la circulation des valeurs et des propositions.

- Chers Confrères, repensons, pour conclure, à l'ardent appel que le Saint Père nous a adressé le 5 mai dernier : il y a aujourd'hui un « urgent besoin que renaissent des modèles valables d'associations catholiques de jeunes ! ».

En ce domaine, considérons-nous vraiment appelés à créer « une nouvelle présence »22, qui sache traduire en propositions concrètes et actuelles, la richesse de notre patrimoine éducatif et spirituel et les apports aussi bien de la jeunesse actuelle que de la pastorale renouvelée de l'Eglise universelle et des Eglises locales.

Que Dominique Savio, en ce 25ème anniversaire de sa canonisation, soit pour nous un stimulant. Sa sainteté d'élève de l'Oratoire culmine dans le fait d'avoir fondé la « Compagnie de l'Immaculée ».

Don Caviglia, son historien, considère cette initiative comme « le point d'arrivée », l'épanouissement spirituel et apostolique, « le fait qui personnifie et résume la mise en œuvre de la sainteté » salésienne.

Il est, d'ailleurs, symptomatique de constater que « l'origine, les buts, les moyens » de cette association de jeunes « sont tous l'expression de sa dévotion mariale, inséparablement unie à la vie eucharistique »23.

Ce qui veut dire que Dominique, au plus haut point de sa sensibilité spirituelle, nous invite à considérer Marie comme une aide spéciale pour une reprise rapide des associations de jeunes, chez nous.

Je souhaite que chaque Province, que les Assemblées provinciales ou régionales, arrivent à approfondir, en pleine harmonie avec les exigences locales, ce thème important, et à redonner vie à une des plus efficaces « modalités typiques »24 du style salésien inhérent au Système Préventif de Don Bosco.

Je vous souhaite à tous un franc succès dans un secteur d'une telle urgence.

Soyez assurés de ma prière quotidienne. Je vous adresse une salutation pleine de joie fraternelle et d'espérance.

1 Cf. ACS n° 290, tiré à part, traduction française, p. 46.

2 ACS 290, p. 44.

3 CG21, 572.

4 Osservatore Romano, 7-8/5/1979.

5 GEM 4.

6 OT 2.

7 AA 18, 19, 21.

8 Cf. CG21, nn. 90, 102, 115, 126, 131 : 2.3.4, 132, 158 c.

9 CG21, 565-568.

10 CG21, 156-159.

11 CG21, 158.

12 Souvenirs autobiographiques, p. 60-61.

13 Souvenirs autobiographiques, p. 191.

14 MB 11, 225.

15 Epistolario, vol. 3, p. 7-8.

16 Cf. Libro X, spécialement le ch. II.

17 ACS 290, p. 41.

18 Sur ce thème des « Compagnies religieuses » dans la tradition salésienne, on peut consulter les principaux ouvrages suivants :

1. Les Memorie Biografiche : Index, au mot « Compagnie Religiose ».

2. A. CAVIGLIA : « Savio Domenico e Don Bosco », Studio pp. 441-464 in Opere e Scritti inediti di Don Bosco, vol. 4. Torino, 1935.

3. E. CERIA, Annali della Società Salesiana, vol. l, pp. 641-643, Torino, S.E.I., 1961.

4. Pietro BRAIDO, « Il Sistema Preventivo di Don Bosco », Le Compagnie, pp. 377-387, PAS-Verlag, 1964, 2a ediz.

5. Pietro STELLA, « Don Bosco nella storia della religiosità cattolica », vol. II, pp. 346-357 : « Le associazioni religiose » ; PAS-Verlag, 1969.

19 Cf. la Publication du Dicastère de la Pastorale des jeunes qui sera bientôt envoyée aux Provinces.

20 CG21 131, 2.3.4.

21 CG21 126,1.5.3.

22 Cf. CG21, 158.

23 A. CAVIGLIA, o.c., p. 447.

24 ACS 290, p. 46.