Les Communications Sociales nous interpellent. Mission salésienne et communications sociales. - Les Communications sociales sont une « nouvelle forme de présence ». - Don Bosco, homme de la communication sociale. - Comprendre le changement socio-culturel dans lequel nous vivons. - Exigences concrètes pour les Salésiens. - Possibilités d'évangélisation à travers les communications sociales. - Formation des salésiens par rapport aux communications sociales. - Promotion de l'information salésienne. - Les communications sociales nous concernent tous. - Conclusion.
Chers confrères,
Je vous salue bien cordialement, ainsi que tous les amis de la Famille Salésienne. Je vous écris du XVIIe Chapitre général des Filles de Marie Auxiliatrice.
Le Chapitre s'est ouvert officiellement le 15 septembre, après une semaine passée dans le recueillement et la prière d'une retraite. J'avais tenu à en assurer moi-même la prédication, pensant remplir ainsi la charge délicate qui incombe au ministère du Recteur Majeur. J'ai fait porter toute l'attention des 150 capitulaires sur le songe fait par Don Bosco à San Benigno, dont le centenaire tombait justement à ce même moment : nous avons cherché à approfondir l'esprit salésien en contemplant le Personnage aux dix diamants.
Nos Sœurs capitulaires travaillent intensément à la révision définitive des Constitutions de leur Institut. L'élection des Supérieures se fera dans la seconde moitié du mois d'octobre. Accompagnons-les, pendant leurs travaux, de prières et de sacrifices, aussi bien individuellement que communautairement. Le Chapitre Général des Filles de Marie Auxiliatrice est un événement significatif pour la vie de l'Eglise et particulièrement important pour toute la Famille Salésienne de Don Bosco. Soyons donc généreux et courageux pour les soutenir fraternellement !
Mission salésienne et Communications Sociales.
Au cours de mon récent voyage en Amérique du Sud, on m'a offert, à Montevideo, la photocopie d'une curieuse lettre inédite de Don Bosco, qu'il avait écrite en 1877 à Don Lasagna. Vous la trouverez dans ce même numéro, dans la partie des « documents ». Elle est une nouvelle confirmation de l'extraordinaire souci et de la créativité de notre Père pour ce secteur des Communications Sociales que représente l'imprimerie.
J'ai aussi pu suivre, à la fin du mois de juin dernier, l'intéressant « Séminaire international » pour la formation du personnel dirigeant des maisons d'éditions salésiennes qui a eu lieu à Turin. C'est un événement qui m'a fait réfléchir sur tout ce que nos deux derniers Chapitres Généraux ont dit de l'importance des Communications Sociales dans notre action pastorale.
Je me suis mis à méditer l'instruction pastorale « Communio et progressio » de mai 1971.
J'ai aussi repensé à tout le travail élaboré sur ce sujet par le Conseil Supérieur pendant la préparation de la « Ratio ».
Et c'est ainsi qu'il me semble utile de vous inviter à reprendre conscience de l'importance que nous devons donner aux Communications Sociales dans notre vie et dans notre mission. Les Communications Sociales ont toujours été un domaine où les Salésiens ont été particulièrement actifs ; Don Bosco et ses fils, à son exemple, s'y sont engagés avec zèle, utilisant les différents « instruments » de communication pour l'évangélisation et la promotion humaine de ceux dont ils s'occupaient : les jeunes, les milieux populaires, les peuples des pays de mission. Mais aujourd'hui, cela ne suffit plus. A l'avenir, il faut nous y engager davantage, une « nouvelle forme de présence » est nécessaire parce que l'influence des communications sociales dans le monde est de plus en plus grande. Notre 21e Chapitre Général nous a dit «qu'elles sont dotées d'une charge incroyable de persuasion qui est mise au service des messages exprimés, pour le bien ou pour le mal ».
Travailler dans les Communications Sociales, c'est de plus en plus assurer une présence éducative de la masse, c'est former la mentalité ambiante, c'est créer une culture. C'est là que sont pensées et diffusées les façons de voir collectives qui sont à la base des nouveaux modèles de vie et des nouveaux critères. Leur efficacité persuasive ainsi que leur présence toujours plus massive font des Communications Sociales une véritable et authentique école parallèle pour de très larges couches de la population mondiale, surtout la jeunesse et les classes populaires.1
Le progrès accéléré de ces dernières années fait des Communications Sociales un terrain privilégié à nos yeux pour former l'opinion, parce que « elles ont assumé et exercent un rôle décisif dans le domaine culturel, dans la vie sociale et dans les mœurs ».2
Or nous savons combien la mission salésienne est intimement liée au domaine culturel. Toute notre activité évangélisatrice se vit et se déploie dans le cadre de la culture. Nous apportons notre humble contribution dans l'Eglise pour venir à bout de la dramatique opposition que l'on peut constater en notre siècle, entre l'Evangile et la culture.
Il est urgent d'imprégner d'esprit chrétien l'ensemble des valeurs et des non-valeurs qui sont à la base de la mentalité ambiante : les nouveaux signes des temps, mis en relief par les Communications Sociales, ont quelque chose à voir ou même sont étroitement liés avec le domaine propre à la foi.
D'autre part la mission du Christ et les contenus de la foi sont, de par leur nature propre, objet privilégié de communication.
Le Christ est la « Parole » et « l'Image » du Dieu invisible et il s'est fait homme pour « communiquer » à tous son grand projet, bien concret et incarné dans l'histoire, de libération et d'amour. L'instruction « Communio et progressio » nous dit qu'il « a parfaitement établi la communication ... que ses paroles étaient vraiment insérées dans les conditions réelles de son peuple ».3 En Lui, la capacité de communiquer implique l'authentique don de lui-même par amour, comme on peut le voir sur la croix, dans l'Eucharistie et dans les sacrements. Le contenu de ce qu’il nous communique (la « Révélation ») n’est pas des schèmes doctrinaux sortis d'une élucubration abstraite, mais ce sont des faits, des personnes, des événements. C'est cela qui constitue l'Evangile : c'est un ensemble de « bonnes nouvelles », concrètes et objectives, qui sont capables de guider la vie concrète et de donner des principes de discernement.
Et toute la mission de l'Eglise se résume dans la communication de ces bonnes nouvelles : c'est pour cela que nous disons qu'Elle est « évangélisatrice ». Les protagonistes de cette mission, les apôtres, sont des agents de communication : « prêchez l'Evangile à toute créature » ;4 c'est à raison que saint Paul s'écrie : « Comment pourront-ils croire dans le Seigneur s'ils n'en ont pas entendu parler ? Et comment en entendront-ils parler si personne n'en donne l'annonce ? Et qui en donnera l'annonce si personne n'est envoyé pour la donner ? Comme le dit l'Ecriture : Comme il est beau de voir arriver ceux qui apportent de bonnes nouvelles ! ».5
Evangéliser, c'est donc communiquer de bonnes nouvelles. Pour cela, il faut avoir un langage adapté, avoir approfondi l'objectivité de ces nouvelles, être empressé à les communiquer à cause de l'impact qu'elles ont par elles-mêmes, et avoir l'art de susciter à leur endroit l'intérêt du public.
Les Communications Sociales sont une « nouvelle forme de présence ».
Vatican II nous a invités à savoir lire les signes des temps. En regardant autour de nous et en comparant notre temps avec les siècles passés, ou même seulement avec les dernières décennies, nous sommes frappés de la profonde transformation qui touche les conditions de vie des individus et de la société. Une transformation dont les causes sont nombreuses mais, parmi elles, telle un accélérateur, il y a la présence toujours plus marquante des Communications Sociales.
Ce fait nous concerne déjà au plan personnel, mais il nous touche encore plus dans le mesure où les effets de la situation ainsi créée atteignent de façon de plus en plus aiguë et en y faisant parfois des ravages, ceux à qui s'adresse notre mission : les jeunes, les milieux populaires.
Mais il ne suffit pas de constater cet état de chose : le sens de notre responsabilité salésienne nous pousse à rechercher des formes d'approche plus actuelles, à renouveler nos méthodes pastorales, à trouver de nouveaux modes de présence. C'est là un domaine bien concret et exigeant pour ces « nouvelles formes de présences » dont nous ont parlé nos deux derniers Chapitres généraux !
La programmation de « nouveaux modes de présence » apostoliques suppose qu'on soit capable de lire les signes des temps et qu'on ait une intelligence aiguë des points stratégiques du rayonnement culturel.
Il s'agit de ne pas rester en dehors, de ne pas demeurer passifs, de ne pas continuer comme si rien n'avait changé dans les structures de la société. Si nous voulons être sur la même longueur d'onde que les hommes d'aujourd'hui que nous sommes appelés à évangéliser, il faut nous efforcer, avant tout, d'entrer dans les dynamismes qui entraînent l'actuelle transformation culturelle.
Nous sommes pleinement conscients qu'il s'agit là d'un champ encore tout ouvert aux recherches, à l'imagination et aux réalisations possible : d'un secteur encore en devenir. Nous voudrions, avec l'humilité et l'attention qui s'imposent devant les continuels perfectionnements des communications sociales, vous inviter à réfléchir à leur sujet ; nous voudrions vous encourager à être partie prenante de leur créativité au plan du langage ; le faire passer dans votre manière de pratiquer un apostolat et une éducation qui correspondent à notre temps et à demeurer ouverts aux possibles conquêtes ou développements de ces communications sociales dans l'avenir.
Que l'ouverture et le courage manifestés déjà par Don Bosco au siècle dernier par rapport aux Communications sociales nous soient un stimulant. Le phénomène des « mass media » et des « groups media » était alors assez réduit (il se limitait pratiquement au secteur du papier imprimé), mais il en perçut l'importance et il œuvra en ce domaine en y prenant une place de premier plan. Voyons un peu, brièvement, comment la presse devint, dans ses mains, un instrument souple qu'il mit avec efficacité au service de son projet pastoral.
Don Bosco, homme des Communications Sociales.
Don Bosco fit entrer dans sa vie les communications sociales de son temps, depuis les plus simples jusqu'aux plus savantes ; il était toujours prêt à en recevoir quelque chose pour lui et à le transmettre aux autres.
Il sut être attentivement réceptif ; avide de con- naître l'événement, il fut un lecteur passionné, dévorant les livres et se rappelant tout.
Il fut un bon agent de communication, déjà dès son enfance, en commençant par les formes les plus modestes de la communication : lorsqu'il racontait à ses compagnons de jeu des passages de ses lectures et les sermons du curé, quand il faisait, l'hiver, dans l'étable, la lecture aux adultes, dans des livres de culture populaire. Plus tard, il aura l'idée des « mots du soir » pour ses garçons, moments d'amitié et de cordialité pendant lesquels il les informait des nouvelles de famille. Il fut aussi un auteur précoce. Il sortit son premier livre à 29 ans (et quand on pense que le petit paysan des Becchi n'était arrivé à Chieri qu'à 15 ans pour, finalement, y terminer l'école primaire. Il se révéla très vite être un auteur universel, capable des genres les plus variés, depuis l'article de journal jusqu'au livre, de la biographie à l'histoire, de l'hagiographie au théâtre, de la vulgarisation scientifique à la vulgarisation religieuse et à l'apologétique, ce dernier genre étant alors très à la mode. Le côté concret de « l'histoire » était ce qu'il préférait ; son don d'écrivain était celui du « narrateur ».
Il fut un auteur prolifique : la récente réédition en procédé anastatique de ses « Œuvres éditées » comprend 3 7 gros volumes dans lesquels on compte 1.174 œuvres de lui. Il fut également un auteur très lu, recherché, réédité, avec toute une série d'enviables « bestsellers » (comme nous dirions aujourd'hui).
Il inventa aussi, pour sa famille spirituelle l'Information salésienne. En 1867, alors que sa Congrégation ne comprenait en tout que 3 maisons et 44 salésiens et qu'elle n'avait pas encore été approuvée par le Saint-Siège, il fit faire trois copies de la première de ses « Lettres circulaires ». Depuis, ces circulaires sont sorties régulièrement, sans interruption, et elles sont devenues aujourd'hui les « Actes du Conseil Supérieur ». Dix ans plus tard, il transformait le bulletin de sa librairie en un « Bulletin Salésien », pour que les Coopérateurs et tous les amis de Don Bosco puissent suivre de près le développement de l'œuvre salésienne dans le monde.
Et en même temps, peu à peu, d'auteur, il devenait éditeur, et un éditeur moderne avec ce que cela comporte. Par exemple, il sut mettre en route le cycle complet de l'édition : depuis la papeterie (il en acheta une à Mathi Torinese) jusqu'au contact fécond avec les auteurs, en passant par les imprimeries, les librairies et jusqu'à un circuit de vente entièrement à lui pour diffuser sa production régulière.
En tant qu'éditeur, en 1849 - il n'avait alors que trente-quatre ans - il se lança dans la publication d'un journal, « l'Ami de la jeunesse, journal politique et religieux »... qui, en fait, ne dura que 8 mois. Les collections et les bibliothèques étaient la nouveauté de ces années-là ; Don Bosco classa ainsi les livres de sa maison d'édition et réussit à les diffuser en série (par tirages de centaines de mille) : « la Bibliothèque de la jeunesse », avec ses 204 titres, dépassa de beaucoup le million d'exemplaires ; la collection des « Lectures catholiques » dépassa, de son vivant, les deux millions, et atteint 9.200.000 exemplaires dans la première moitié de ce siècle).
Il entreprit aussi avec succès l'édition de publications périodiques, car aussi bien le Bulletin Salésien que les « Lectures catholiques » dont on vient de parler, rentrent de plein droit dans cette catégorie. Le Bulletin Salésien fut édité et diffusé par ses soins en plusieurs langues (3 au moment de sa mort, mais 9 déjà avec don Rua). Quant aux « Lectures catholiques », elles avaient en commun avec nos « livres de poche » d'aujourd'hui les caractéristiques fondamentales d'être des livres, publiés périodiquement, de petit format, peu coûteux, diffusés soit par abonnement soit en librairie. En somme Don Bosco fut un devancier.
Mais ce qui est plus important, c'est que Don Bosco s'est servi des Communications sociales comme d'un champ d'activités qui lui permettait de réaliser son projet éducatif. Par l'utilisation sous diverses formes et à différents niveaux des Communications sociales, il a favorisé la promotion humaine et chrétienne de la jeunesse pauvre et des milieux populaires, et soutenu également l'action missionnaire.
C'est pour les jeunes qu'il se fit écrivain, faisant des livres de classe (l'Histoire Sainte, l'Histoire de l'Eglise et l'Histoire d'Italie), des livres de prière (qu'il suffise ici de mentionner le « Giovane Provveduto »), des livres éducatifs (depuis les biographies de ses meilleurs élèves jusqu'aux petits précis faciles de spiritualité), des pièces de théâtre et des livres de détente. Et c'est bien pour eux qu'il tenta la création d'un journal (le sien avait justement pour titre « l'Ami de la jeunesse »).
Et pour les milieux populaires ? A 31 ans, Don Bosco s'occupait déjà des agriculteurs avec « L'œnologue italien » et trois ans plus tard il écrivait « Le système métrique décimal... à l'usage des artisans et des gens de la campagne ». Et puis toute l'avalanche de ses autres livres, au contenu sacré et profane, depuis sa « Collection des livres récréatifs » jusqu'à sa « Bibliothèque des ouvriers » et à l'almanach populaire qui avait pour titre : « le Galant homme ».
Don Bosco avait un tempérament d'entraîneur et cela ne doit pas nous étonner si ses fils ont marché sur ses traces. Beaucoup, parmi les premiers salésiens, devinrent écrivains, ou, au moins, trouvèrent le moyen - parmi leurs si nombreuses activités, d'écrire un livre de valeur. Parmi les écrivains de profession ou presque, il faut mentionner son biographe, don Lemoyne, Bonetti qui fut le premier à diriger la Bulletin Salésien, Barberis, Francesia, Trione, Cerruti...
Et par-dessus tout, Don Bosco fit place aux Salésiens Coadjuteurs dans le secteur des Communications sociales. Pour cette activité qui, sous tant d'aspects, est laïque, les laïcs de Don Bosco étaient taillés sur mesure. Ils devinrent chefs des ateliers de typographie et de reliure, ils devinrent libraires et, quelques-uns, même, éditeurs : en petit, mais parfois en grand. Et eux aussi furent écrivains. En somme, ils trouvèrent dans les Communications sociales une juste réalisation de leur vocation.
Grâce aux efforts de tous, la presse salésienne pénétrait dans tous les milieux, et, avec elle, sa caractéristique de sérénité, son effort pour la promotion de l'homme et pour l'annonce de l'évangile.
Comme on le voit, l'ensemble est suggestif. Don Bosco, homme des communications sociales, perçut l'importance qu'elles étaient en train de prendre et il s'y engagea en première ligne, faisant des « mass media » de son temps - pratiquement de la presse - un instrument souple et efficace pour réaliser son projet apostolique.
Devant ce comportement de notre Père et son si grand activité, constante et audacieuse, nous ne pouvons éluder une double question :
Pourquoi le fit-il ? Comment le fit-il ?
Ce sont des questions qui nous vont au cœur et nous lancent un défi.
Le « pourquoi » regarde tout le cadre de notre mission ; le « comment » stimule notre esprit d'initiative devant les conditions actuelles de notre civilisation.
A ce propos, la circulaire qu'il envoya aux maisons pour la fête de saint Joseph 1885, juste avant de partir pour la France, est particulièrement significative. Le sujet qui y est traité est la diffusion des bons livres, comme « l'un des moyens capables de maintenir le règne du Sauveur dans beaucoup d'âmes » et « l'une des fins principales de notre Congrégation » ; « je vous prie donc et vous conjure de ne pas négliger cette partie si importante de notre mission ». « Ce fut là une des principales entreprises que me confia la Divine Providence et vous savez comment j'ai dû m'y consacrer avec une énergie infatigable, malgré mes mille autres occupations ». « Soyez bien persuadés, ô mes chers fils que des activités de cette sorte attireront sur vous et sur nos enfants des bénédictions particulièrement choisies du Seigneur ».6
Et voici que le « pourquoi » Don Bosco s'engagea dans les Communications sociales devient clair et demeure encore plus vivant aujourd'hui : il s'agit d'une « partie très importante de notre mission ».
Le « comment » il le fit est lié de façon spécifique à l'imprimerie dans le cadre des possibilités d'alors.
Evidemment ici, la référence à Don Bosco ne peut pas nous offrir une vue panoramique de notre situation par rapport à tout ce que réalisent à des niveaux vertigineux ceux qui travaillent aujourd'hui dans le domaine culturel. La presse est encore très importante, mais elle n'en est qu'une partie assez restreinte. Le « comment » de Don Bosco est donc évidemment limité ; c'est une initiative, peut-on dire, « introductive », proportionnée à son époque, mais que nous devons aujourd'hui savoir réviser et étendre en accord avec les nouvelles exigences des Communications sociales. Ce qui est important, c'est que nous sachions y travailler avec le même dévouement, la même audace et la même intelligente persévérance que Don Bosco.
Pour arriver à cela il est indispensable d'entretenir en nous cette souplesse mentale qui caractérisait son esprit d'initiative.
Comprendre le changement socio-culturel dans lequel nous vivons.
A l'exemple de notre Père, nous devons, nous aussi, aujourd'hui, chercher à comprendre ce qui se passe afin de nous insérer avec efficacité et magnanimité dans l'élaboration d'une nouvelle culture qui soit ouverte à l'esprit de l'Evangile.
« Parmi les merveilleuses inventions techniques - nous dit l'Instruction « Communio et progressio » - qui augmentent les Communications sociales entre les hommes, le chrétien trouve des instruments tout préparés par la Providence de Dieu pour faciliter l'union de tous ceux qui cheminent sur cette terre ; ces moyens ouvrent, en effet, de nouveaux rapports entre les hommes et font naître, peut-on dire, un nouveau langage qui permet aux hommes de mieux se connaître et qui facilite l'ouverture aux autres ».7
En ce sens, il faut avant tout prendre conscience du tourbillon accéléré dans lequel se trouvent entraînées, ces dernières années, les Communications sociales.
D'après Marshall McLuhan (les spécialistes en la matière nous imposent un langage assez étrange), nous sommes sortis de la longue « phase tribale » de la communication surtout orale, pour entrer tout d'abord dans la « galaxie Gutenberg » du papier imprimé, puis dans la « galaxie Marconi » des télécommunications ; nous commençons maintenant à vivre en « village cosmique », ou global, c'est à dire sur un globe terrestre qui est réduit - grâce aux facilités toujours plus grandes données par les communications aux dimensions d'un petit village.
La vitesse avec laquelle une information donnée de bouche à oreille se diffusait autrefois dans un petit village de la forêt, se retrouve maintenant à l'échelle mondiale du globe terrestre tout entier. L'homme d'aujourd'hui ne peut plus ignorer ce qui arrive, non seulement autour de lui, mais partout. Les événements culturels, sportifs, les grandes catastrophes, les conflits sociaux, les guerres, les héros du bien et du mal, et jusqu'aux petits faits les plus futiles de la chronique ou de la vie des vedettes pénètrent dans son imagination et le touchent d'une certaine façon. L'éloignement n'est plus un obstacle : tout le monde devient « voisin », tout le monde entre jusque chez vous.
Les Communications sociales nous arrivent, avec leurs langages inédits, comme une nouveauté séduisante ; mais elles comportent à la fois des lumières et beaucoup d'ombres. Et le débat à propos de ces lumières et de ces ombres est aujourd'hui plus animé que jamais.
C'est une discussion sur des faits, des idées et des perspectives qui nous intéressent au premier chef, justement parce que les Communications sociales ont une telle prise sur le peuple et sur nos jeunes, influencent la maturation de leur personnalité, leurs choix fondamentaux, leur attitude par rapport à Dieu et par rapport à l'Homme, l'orientation de leur vocation. Voyons donc, par un survol rapide, les incidences des Communications sociales sur ceux à qui nous nous adressons (et, ne l'oublions pas, également sur nous).
On est impressionné par la pluie de messages en tous genres qui nous tombe dessus aujourd'hui et qui augmente au fur et à mesure que nous entrons davantage dans le « village global » : les Communications sociales sont en passe de devenir désormais le « climat » que l'on respire et dans lequel on vit.
Cette pluie de messages a, sans aucun doute, des aspects positifs. L'homme de la rue, le jeune plus informé sur la réalité dans laquelle il vit que les générations précédentes. La somme de ses connaissances et de ses expériences filtrées à travers les instruments de Communication sociale est énorme. Dans l'un de ses écrits, le cardinal Gilroy reconnaissait que l'homme a le droit et le devoir de se faire une « vision personnelle du monde », et cela est certainement facilité par les Communications sociales, soit qu'on donne à cette expression un sens purement matériel, soit, mieux encore, un sens idéologique et spirituel. Le développement des relais de communication accroît, de fait, l'expérience et la prise de conscience.
L'école bénéficie aussi beaucoup du progrès accompli par les Communications sociales : les enfants de la « galaxie Gutenberg » se trouvaient dans des conditions d'étude plus limitées, tandis que les moyens modernes introduisent dans la salle de classe les sons, les couleurs, les images qui bougent. Avec l'avènement du « langage total », l'école peut faire de grands pas en avant, au bénéfice des enfants auxquels l'étude est ainsi très facilitée.
Mais les « mass media », avec l'invasion d'informations qu'elles entraînent - informations souvent hétérogènes, contradictoires et qui prennent la place les unes des autres - sont en train de démolir la structure unitaire à l'intérieur des différentes cultures (la situation était toute autre quand, par exemple, il n'y avait que le curé, le maire et l'instituteur qui inspiraient la façon de voir des gens du village...). C'est cet état de choses qui est à l'origine de toute cette débandade au plan des mœurs civiles et religieuses, et il faut le savoir.
Les « mass media » qui ont le plus de succès ces dernières années et qui ont aussi le plus d'impact, sont ceux qui transmettent surtout par l'image et le spectacle ; ils exposent ainsi l'usager au risque très réel de la superficialité (c'est l'homme audio-visuel !). La chose est d'autant plus inquiétante pour l'éducateur salésien que la radio, le cinéma, la télévision semblent, en fait, assez peu ouverts à ce qui lui tient le plus à cœur, c'est à dire à l'évangélisation.
On a raison de voir dans les « mass media », comme nous l'a rappelé notre 21e Chapitre Général, une « école parallèle », dans le sens qu'ils ont la possibilité d'influencer les enfants au moins autant (et peut-être plus) que l'école elle-même ne e fait. Il suffit de penser à toutes les heures que les enfants passent chaque jour, au cours de l'année scolaire, et plus encore pendant les vacances, assis devant le téléviseur, pour comprendre combien est fréquentée cette école parallèle et... avec quel intérêt elle est écoutée.
Les Communications sociales, telles qu'elles sont réalisées concrètement, ne sont jamais désintéressées ni gratuites ; tout centre de diffusion des messages a besoin d'être appuyé par de grands organismes économiques qui sont souvent aussi des centres de pouvoir idéologique inspirés par des vues fort peu évangéliques. C'est pourquoi la diffusion des messages se révèle être habituellement exploitée. Le péril de la manipulation n'est pas quelque chose d'imaginaire.
Et de fait, il est facile de se rendre compte qu'aux extraordinaires possibilités des instruments de Communications sociales ne correspondent pas toujours - et même plutôt rarement - un usage de ces instruments dans un sens vraiment positif et constructif. Ces moyens, en soi, sont certainement capables de promouvoir l'épanouissement des personnes et le développement social, de faciliter la pratique de la liberté, l'autonomie, la participation, la solidarité humaine et chrétienne. Mais en fait - comme nous le prouve notre expérience quotidienne - ce ne sont pas souvent ces buts qui sont visés.
Si nous voulons vraiment éduquer et évangéliser aujourd'hui, nous ne pouvons pas procéder comme autrefois, en ne faisant pas plus cas de l'impact des Communications sociales que si celles-ci n'existaient pas ; nous sommes au contraire invités à entrer dans les situations nouvelles, à accepter ce nouveau type de jeune et de société, à nous plonger dans cette société avec courage et entière disponibilité et aussi avec la créativité de Don Bosco.
Exigences concrètes pour les Salésiens.
Une nouvelle forme de présence dans le secteur si vaste et si important des communications sociales se révèle donc nécessaire et nous devons l'envisager à différents niveaux.
Cette présence est plus urgente que jamais ; elle concerne les différentes situations du Salésien, selon qu'il est simple individu-récepteur, maître-éducateur ou apôtre-transmetteur. Les Communications sociales ne le concernent pas seulement par rapport à ce qu'il est en général, comme n'importe quel habitant du « village global », mais elles lui demandent aussi un examen et une réflexion qui seront une richesse et lui donneront des lumières nouvelles, aussi bien au plan de l'intelligence critique qu'au plan de sa consécration religieuse elle-même.
Et voici un premier point auquel il faut faire attention : les Communications sociales ne s'identifient pas, en fait, aux « media » (« mass media » ou « group media »). Dans une vision chrétienne, les Communications sociales ont « pour but premier la communion et le progrès de la société humaine » ;8 cette orientation demande d'utiliser les « media » pour « attirer l'attention sur les attentes et les problèmes de l'humanité, de façon à chercher à les résoudre le plus vite possible et à unir les hommes dans une solidarité toujours plus étroite ».9
C'est à dire que : « les Communications sociales, de par leur nature même, tendent à aider l'homme, par la multiplication des échanges, à prendre une plus grande conscience de l'exigence communautaire de la vie ».10
La Communication sociale représente donc une des dimensions très importante de la communauté humaine, elle est constitutive de la culture elle- même si elle est fortement liée au progrès technique et au genre de civilisation dans lequel elle est pratiquée.
Les « mass media » au contraire, sont, en eux- mêmes, de simples instruments, même s'ils sont fort perfectionnés. Mais ici, il ne faut pas être légers et croire que, avec cette distinction entre « Communication sociale » et « media », nous arrangeons tout. Certes, distinction il y a, mais elle n'entraîne pas le fait qu'on puisse séparer les unes des autres. La « Communication sociale » et les « media » sont intimement et inséparablement liés : du fait qu'ils sont inséparables, ils ont donné naissance à de nouvelles façons de s'exprimer qui jouent un rôle particulièrement efficace dans l'émergence d'une nouvelle culture. Le secret, pour faire quelque chose de positif de leur mutuelle imprégnation, serait de savoir conserver la priorité de la nature et de la finalité propre de la « Communication sociale » : il faudrait considérer les « media » et savoir les faire fonctionner dans la ligne de droiture et d'humanisation de la « Communication sociale ». Mais c'est là une œuvre immense d'éducation et d'évangélisation qu'il faut intensifier et perfectionner.
En tous cas, les « mass media » contribuent, comme leur nom l'indique, à transmettre à un grand nombre de personnes, des faits exacts et des idées ; évidemment, ils font passer énormément de messages : il faudrait qu'ils le fassent, comme nous le disions, en tendant à viser toujours plus le but premier et la nature propre d'une juste communication sociale.
La liste des « media » est très large : cela va du livre au journal, à la revue, à la publicité, au cinéma, à la radio, à la télévision, aux disques, aux cassettes sonores, aux vidéocassettes, etc., avec, en plus, la science-fiction pour ce qui touche aux problèmes spatiaux. Pensons, par exemple, au monde de connaissances qui s'ouvrira avec les « banques universelles de renseignements » que l'on pourra consulter par téléphone ou par vidéotéléphone.
Comme on tombe facilement dans le danger d'identifier pratiquement la « Communication sociale » avec le fonctionnement actuel des « media », on se laisse inconsciemment aller à se laisser envahir par ces instruments ou à les proscrire sans discrimination pour le plus grand dommage de la compréhension et d'une juste intelligence de la nature et de la fin de la « Communication sociale ». Ainsi, bien des usagers finissent par être fortement conditionnés par la séduction et la nouveauté exercées par ces nouvelles techniques, et ils n'apprennent pas à juger de la valeur des messages reçus, qui sont souvent négatifs et qui entraînent la superficialité, habituent à des typer de comportements désaxés et soutiennent l'hégémonie de différentes idéologies de pouvoir.
D'autres, même s'ils sont peu nombreux, ne veulent pas les utiliser, par ascèse ; ils en arrivent pratiquement, sinon à les mépriser, du moins à en méconnaître l'importance ; ils excluent ainsi toute créativité et toute responsabilité apostolique qui utiliserait les « Communications sociales ».
Un chrétien engagé, et plus particulièrement un religieux de vie active, doit être attentif à intensifier aussi bien l'acuité critique de sa foi à propos du fonctionnement actuel des « mass media », que les dynamismes apostoliques de son espérance, pour que l'Evangile pénètre la nouvelle culture moyennant une utilisation appropriée des instruments que nous offre la civilisation technologique actuelle.
Certes : une attitude de saine critique revêt aujourd'hui une particulière urgence pour que les valeurs permanentes de l'Evangile ne soient pas disqualifiées dans le cœur de chacun ni dans l'opinion publique de la société.
Ce mot d'un écrivain connu peut nous servir d'aiguillon critique. Il se demande, par exemple, comment un chrétien doit lire le journal ; et il répond : comme le lirait le Christ. Puis il insiste : et le Christ, comment le lirait-il ? Et il donne enfin une réponse péremptoire : « Il y chercherait les nouvelles de son Royaume ! ».11
Cela peut paraître une boutade pour faire de l'effet, mais si un beau jour nous essayions de la mettre en pratique dans notre propre usage des « media », dans nos lectures quotidiennes, dans le temps que nous passons devant la télévision, nous nous rendrions vite compte que, dans la pratique, cela exige un profond changement de mentalité et que cela fait naître également une immense inquiétude à propos de la manière dont les « media » manipulent la communication. A partir de là devrait naître une sincère et concrète résolution de réagir au plan apostolique et aussi un effort véritable d'ascèse, fait d'une autocritique de l'usage que nous faisons nous-mêmes des « medias » et également d'un non-usage dicté par une intelligente mortification.
En effet, il n'est pas exagéré de dire que, malheureusement, dans l'usage des « medias », il y a, outre la parte de temps, trop de choses contraires à la foi, trop de choses qui, d'habitude, nourrissent des imaginations qui ne vont guère dans le sens, de la consécration religieuse.
Par conséquent : il est urgent de prendre en considération les exigences concrètes qu'entraînent aujourd'hui les Communications sociales pour les Salésiens.
A la lumière de nos deux derniers Chapitres généraux, nous pouvons les classer selon trois grandes priorités : celui de la possibilité d'évangélisation à travers les Communications sociales ;
celui de la formation des confrères aux Communications sociales ;
et celui de la promotion de l'Information salésienne.
Le rapport, d'une part, entre les Communications sociale, leurs langages propres et l'Evangile, et d'autre part, entre l'Evangile et notre façon d'évangéliser par l'éducation, tout cela retentit profondément sur l'activité salésienne.
Possibilités d'évangélisation à travers les Communications sociales.
Notre 21e Chapitre Général nous a donné quelques lignes d'action.12 Il s'agit, non seulement d'éduquer aux « media », c'est à dire de former à une lecture critique de leurs messages, mais aussi d'évangéliser par les « media ». C'est dire quel vaste champ d'initiatives s'ouvre à nos activités didactiques, éducatives et culturelles dans l'animation chrétienne des groupes de jeunes, dans la catéchèse, dans la liturgie de la Parole...
Une saine « pédagogie des media » exige un effort pour avoir une sérieuse compétence pour les utiliser, pour déterminer clairement les objectifs à atteindre pour stimuler efficacement la créativité, pour acquérir un comportement adulte et critique envers leurs messages, pour prendre conscience de leur influence, pour être capable de s'en servir pour s'exprimer, en en maîtrisant les langages et les technologies. Ceci concerne aussi le rôle fondamental que les parents et tous les éducateurs peuvent et doivent avoir en ce domaine, surtout face aux conditions de nos sociétés actuelles, pluraliste ou totalitaire.
En ce domaine, je voudrais souligner deux aspects de notre activité éducative.
Le premier est celui d'une sensibilisation de plus en plus nette et consciencieuse sur la nature et le but premier de la « Communication sociale » en tant que communication. C'est là qu'on trouvera, comme nous l'avons dit, le secret pour faire quelque chose de positif de la mutuelle imprégnation entre la « Communication sociale » et les « media ». Ce qui compte, c'est la relation entre les hommes, l'accroissement de la communion, de la connaissance mutuelle, de la compréhension des nouveaux langages ainsi que de leur « littérature » au-delà de leur « grammaire » : c'est que, « le langage (disait Mc Luhan) est déjà un message ! ».
Le second aspect qui nous tient particulièrement à cœur à nous, est celui des « activités pour les jeunes » qui peuvent aussi comprendre le cinéma, la télévision, la radio, la musique (disques et cassettes...), les journaux, les bandes dessinées... et ainsi de suite. Une place toute spéciale doit être faite au théâtre, « qui est - comme le dit l'Instruction " Communio et progressio " - l'une des formes les plus anciennes et les plus efficaces de communication entre les hommes ».13
« L'activité théâtrale mêlée à d'autres formes de communication a donné naissance à des spectacles d'un genre nouveau, à l'action multiforme, appelés précisément " multi-media " ».14
« L'Eglise suit avec sympathie et attention l'art dramatique qui, à l'origine, était étroitement lié à des manifestations de caractère religieux. Ce n'est pas d'aujourd'hui que les chrétiens s'intéressent aux problèmes du théâtre, afin d'en retirer tout l'enrichissement possible ».15
Nous, les Salésiens, nous devrions certainement tenir en plus haute estime cette activité et la pratiquer davantage, car elle fait partie de façon non négligeable de notre tradition éducative.
S'occuper de saines activités pour les jeunes, c'est savoir susciter leur initiative, leur imagination, leur responsabilité par rapport à la communication. Cela devrait être comme la « spécificité » qui caractérise l'action éducative salésienne, la question culturelle, technique et grammaticale de base restant acquise. Don Bosco, - à une époque où le théâtre était du « tout fait d'avance » - sut libérer la créativité théâtrale et les formes dramatiques spontanées. On pourrait faire quelque chose d'analogue pour ouvrir aux jeunes d'autres formes d’expressions personnelles et d'activité avec les « media » d'aujourd'hui.
Après avoir souligné ces deux aspects, je voudrais rappeler aussi que l'Instruction « Communio et progressio » nous demande de savoir promouvoir et encourager les « vocations pour une communication sociale chrétienne » ; elle nous demande aussi de collaborer, au niveau des Eglises locales, pour faire naître des centres de production et d'émissions de radiotélévision. En ce qui nous concerne, également en ce domaine, notre prédilection pour les jeunes et notre intérêt pour les milieux populaires demeurent fondamentaux.
Dans plusieurs de nos Provinces, différentes initiatives ont déjà été réalisées, dont certaines de valeur : centres de production d'audiovisuels, maisons d'édition, radio et télévision salésiennes, revues pour les jeunes, écoles de formation aux Communications Sociales... Mais elles sont encore peu nombreuses et (par rapport à notre présence dans le monde) elles ne sont pas assez typiques de notre mission. Et pourtant Don Bosco nous avait lancés à l'avant-garde, en prophète qu'il était.
Le sens de notre fidélité aujourd'hui doit nous pousser à rendre actuel pour notre temps le charisme de Don Bosco, avec la même magnanimité dans le dévouement et la créativité qu'il mit dans son action pastorale à l'intérieur du contexte et des possibilités de l'époque.
Il nous faut regarder le vaste champ des Communications sociales comme un lieu propice à des « formes de présences nouvelles » pleines d'intérêt et d'efficacité pour notre Congrégation et pour la Famille Salésienne.
Il faudra que ce soit des initiatives typiquement nôtres, riches de promesse, même si elles ne seront pas faciles et ne devront pas être improvisées.
Dans cette ligne s'ouvrent des horizons pleins d'espérance : il y a là une place spéciale pour le Salésien Coadjuteur, une exigence de plus grande collaboration avec les Filles de Marie Auxiliatrice un large et intense appel à toute la Famille Salésienne : « ...fils de Don Bosco, unissons-nous ! ».
Il faut vraiment que nous prenions au sérieux l'infatigable créativité de notre Saint Fondateur pour le salut de la jeunesse et des milieux populaires.
Formation des Salésiens par rapport aux Communications sociales.
C'est là un sujet explicitement abordé par la « Ratio » qui donne également, de façon structurée, des lignes d'orientation pour un plan de base, depuis les étapes initiales jusqu'à la formation permanente.16
Il s'agit « d'une préparation sérieuse aux Communications sociales, au moins et surtout en ce qui concerne la formation des usagers et de ceux qui travaillent dans la communication. Le salésien, en tant qu'usager aussi bien qu'en tant qu'agent de communication (doit être) quelqu'un qui soit capable de critique et, en même temps, capable d'une attitude de liberté et de dialogue, au plan linguistique et culturel, par rapport à la teneur et aux messages de ce qui lui est offert par la presse, la radio, le cinéma et la télévision ; (il doit être) en outre capable d'exprimer, de proposer et de témoigner sa propre foi et de transmettre aux jeunes, à travers la dimension éducative, des données théologiques, éthiques, sociales et culturelles en utilisant de façon appropriée et correcte les langages et les instruments de la communication de masse et de la communication de groupe ».17
C'est une formation des plus actuelles et qui nous tient au cœur, à nous.
A notre cœur de consacrés : par rapport à notre foi de « religieux-dans-le-monde » qui nous fait reconnaître, distinguer avec netteté et juger avec courage évangélique entre le bon grain et l'ivraie ; par rapport à notre engagement à la suite du Christ, c'est à dire à notre état de « religieux-qui-ne-sont-pas-du-monde », qui nous demande la tempérance, au bon sens du terme, et une pédagogie d'ascèse et de mortification concrètes, aussi bien individuelles que communautaires.
Cela nous atteint aussi et très particulièrement au cœur en tant qu'évangélisateurs : dans la mesure où la charité pastorale nous pousse à aider les jeunes et les milieux populaires, pour une juste utilisation des langages et des « media », à les critiquer, à en percevoir les valeurs, à faire des propositions supplémentaires et complémentaires : le Salésien doit savoir promouvoir des initiatives intelligentes qui stimulent l'activité et une réponse concrète des destinataires, pour faire d'eux, à leur tour, les agents d'une communication saine et éducative dans leurs milieux.
Cette formation de notre personnel doit maintenant franchir la phase du dilettantisme et de la bonne volonté pour éviter les improvisations et se concrétiser en programmes structurés qui puissent assurer un minimum de compétence individuelle chez les salésiens. Notre 21e Chapitre Général nous invite à quitter certaines réserves et certaines attitudes uniquement négatives qui se révèlent être inacceptables dans la pratique et stériles au plan apostolique.
Per analogie avec ce qu'a fait Don Bosco au siècle dernier, il nous faut dépasser la passivité d'un critère uniquement défensif et accomplir un véritable changement de mentalité. N'oublions pas que la Communication sociale fait partie de notre mission comme l'un de ses principaux services. Je vous invite à relire, à ce propos, les articles 27, 28 et 29 de nos Règlements.
Il est donc urgent de savoir entrer, dans nos centres de formation et dans nos Provinces, dans le plan de base pour la formation donné par la « Ratio ». Y entrer avec sérieux, même si c'est graduellement : avec des objectifs concrets à atteindre (le salésien en tant qu'usager passif, le salésien en tant qu'il utilise les « media », le salésien-spécialiste, le salésien-producteur de programmes) ; avec des bases de formation réparties entre les différentes étapes de la formation ; avec une méthodologie appropriée et en recherchant de bons professeurs, en utilisant avec intelligence la collaboration d'experts.
Promotion de l'Information salésienne.
En juillet 1977, pour le centenaire du Bulletin Salésien, Don Luigi Ricceri a écrit une circulaire sur « Les nouvelles de famille »,18 dans laquelle il a insisté de façon remarquable sur la côte indispensable de ce que nous appelons « l'information salésienne ». Ses réflexions gardent toute leur importance et leur valeur encore aujourd'hui.
Face à la croissance accélérée des Communications sociales, Don Ricceri relevait que, malheureusement, une crise affectait notre information, qui affaiblissait dangereusement notre sentiment d'appartenance à la Congrégation et à la Famille Salésienne. Il soulignait l'urgence de nous mettre d'accord pour réaliser quelque chose qui nous mette vraiment en communication les uns avec les autres, « sans triomphalisme mais dans la sérénité et l'objectivité » ... « Il y a un proverbe - écrivait-il - qui vaut, non seulement pour les fiancés ou pour les époux mais aussi pour les religieux par rapport à leur Congrégation et à leur idéal : " Loin des yeux, loin du cœur " ».
Récemment, la « Ratio », dans le souci d'une plus grande connaissance des valeurs de notre Famille, a présenté un tableau de suggestions riches et détaillés sur ce qu'on a appelé les « Disciplines salésiennes »,19 avec beaucoup d'indications sur leur contenu et des notes bibliographiques.
S'il n'y a pas une information substantielle sur nos origines, sur l'histoire, et sur la vie actuelle de notre Congrégation et de la Famille Salésienne, le courant de vie ne circule pas assez dans l'organisme, il manque une impulsion valable par rapport à notre identité et le sentiment d'appartenance s'atrophie.
Au contraire, avec une information appropriée (qui fasse circuler et communique les valeurs salésiennes), la vitalité augmente, la connaissance et j'enthousiasme pour notre vocation s'enrichissent et cela fait naître la joie familiale.20
Si nous réfléchissons avec attention sur ces orientations officielles, nous voyons tout de suite qu'il y a trois niveaux sur lesquels nous devons concentrer l'information salésienne :
- les éléments de l'histoire salésienne dont les membres de la Famille de Don Bosco ont absolument besoin. Nous savons en effet que « le charisme des Fondateurs est une expérience de l'Esprit-Saint » transmise à travers le temps grâce à sa tradition concrète ;21
- des réflexions sur la réalité salésienne : la conscience théologale de notre Vocation dans l'Eglise, l'approfondissement de l'esprit de Don Bosco, de son Système Préventif, etc. Toutes les valeurs dont nous avons absolument besoin pour notre action, parce que « rien n'est aussi efficace pratiquement qu'une idée claire » ;
- des nouvelles sur la vie actuelle de la famille, surtout par le moyen de nos publications périodiques, afin de souder le passé au présent et de dépasser les distance géographiques, afin de saisir ainsi la continuité et l'intégrité du projet de Don Bosco à travers le temps et l'espace.
Nous avons déjà fait des progrès pour une information salésienne dans cette ligne, mais on peut toujours mieux faire et faire plus.
En ce qui touche les deux premiers points, qui se rapportent à tout ce qu'on a fini par appeler la « Salésianité », il y a à produire, à divulguer, à traduire, à adapter, à intensifier l'assimilation.22 Le 21e Chapitre Général nous dit que, si, dans nos communautés, on ne sait plus très bien ou on en est à propos du Système Préventif et qu'il y a une certaine perte du sens de ses valeurs, « on peut en trouver une explication dans le manque de documents disponibles et de littérature spécifique dans les diverses langues ».23 C'est pourquoi, parmi les indications d'actions à promouvoir, le Chapitre dit que « les Conférences ou Groupes linguistiques doivent pourvoir, pour leur propre langue, à une bibliographie suffisante et bien mise à jour. Il est souhaité, en outre, que se forment, au niveau régional, des groupes d'études salésiennes qui, éventuellement, publient des articles ou des livres ».24
Quant au troisième point, celui des « nouvelles », il faut relire la lettre de Don Ricceri, citée ci-dessus. Don Bosco est toujours d'actualité ; la Congrégation et la Famille Salésienne ont besoin d'avoir « des nouvelles de famille ».
Il faut donc pour cela des instruments pour divulguer des informations, et il faut des Salésiens formés pour le faire. Il faut donc du personnel au centre de la Congrégation (là où a été institué le Secrétariat des Communications sociales), du personnel pour les Bulletins Salésiens locaux et pour les bulletins d'information provinciaux... Et enfin des Salésiens et des membres de la Famille Salésienne à qui confier les autres différentes publications qui servent à animer et à faire connaître notre vie.
Je félicite ceux qui travaillent déjà en ce domaine. Il faut reconnaître que l'information salésienne a déjà des artisans méritants qui, par le moyen de différentes publications, nous donnent périodiquement un matériel choisi et de valeur :
- les « Actes du Conseil Supérieur » (ACS), « organe officiel pour la promulgation des directives du Conseil et pour les informations salésiennes »,25 publication trimestrielle confiée aux soins du Secrétariat Général ;26
- le « Bulletin Salésien » de langue italienne (BS), revue bimensuelle d'information et de réflexion de la Famille Salésienne, « rédigée selon les directives du Conseil Supérieur » ;27 elle est sous la haute responsabilité du Conseiller pour la Famille Salésienne ;
- « l'Agence des Nouvelles Salésiennes » (ANS), chronique mensuelle du Bureau de Presse du Secrétariat central pour les Communications Sociales ; elle fournit les informations les plus récentes sur l'actualité salésienne dans le monde ;
- le « Dossier des Bulletins Salésiens » (DBS), produit par notre Secrétariat central des Communications Sociales, qui fournit du matériel déjà élaboré pour coopérer aux Bulletins Salésiens locaux ;
- Les « Bulletins d'Informations provinciaux » (Notiziari Ispettoriali : NI) qui donnent les nouvelles de famille concernant chaque Province et qui sont faites sous la responsabilité du Provincial ; depuis quelques années, ces publications ont eu un résultat positif pour l'approfondissement de la communion entre les Salésiens et entre les communautés.
Et en plus de tout cela, il va aussi falloir s'occuper de l'information salésienne « à l'extérieur » : là-dessus, oui, il faut nous réveiller et sortir de notre torpeur ! Il est nécessaire aujourd'hui que, non seulement au Centre, mais partout où existe l'une de nos œuvres, nous nous préoccupions de « construire, grâce à une information correcte au niveau professionnel, une image positive, c'est à dire qui « passe » et qui soit significative, de la réalité salésienne locale et mondiale ».
Il est également important d'écrire dans les journaux, de leur envoyer des photos, des compte- rendus, des relations vivantes de ce qui a été fait au service des jeunes et dans les missions, et informer aussi de tout cela les stations d'émissions radiophoniques, inviter la télévision à transmettre un « fait saillant de chez nous ». Il faut évidemment éviter le ton triomphaliste, mais un peu de publicité pour le « bien », dans un monde plein de tant de choses négatives, ne fait pas de mal ; cela entre même tout à fait dans le style de Don Bosco : « Ainsi votre lumière doit-elle briller aux yeux des hommes, pour que, voyant le bien que vous faites, ils en remercient votre Père qui est dans les cieux ».28
Les Communications Sociales nous concernent tous.
Nous avons vu que les Communications sociales touchent un peu toute la vie de l'homme d'aujourd'hui, car elles sont un levier particulièrement efficace de dynamisme culturel. Le Salésien, artisan d'apostolat, se trouve concerné par les Communications sociales aussi bien dans leurs aspects positifs d'information, d'éducation, de détente, d'étude et de perfectionnement, d'action sociale... que dans leurs aspects négatifs de superficialité, de manipulation idéologique, de justification du mal, de pornographie, de consommation, d'absence des idéaux... De fait, il a sans cesse entre les mains des instruments de Communication Sociale et il les utilise du matin au soir : livres, journaux, disques, cassettes, films, projections, radio et télévision...
Il est vrai que certaines activités, à l'intérieur des Communications sociales, sont strictement réservées à un petit nombre de spécialistes, mais à un autre niveau (comme nous l'avons montré), les Communications sociales engagent et interpellent la responsabilité de chacun.
Depuis les spécialisations jusqu'aux activités communes à tous, les Communications Sociales nous regardent quand nous remplissons l'un des rôles suivants :
spécialistes de la recherche dans le domaine Communications Sociales,
formateurs d'éducateurs et des assistants intermédiaires,
agents de Communications Sociale pour ceux dont nous nous occupons (écrivains, journalistes, éditeurs, metteurs en scène, techniciens de cinéma, radio, télévision),
producteurs d'information salésienne,
assistants intermédiaires (délégués provinciaux, responsables de librairie...),
éducateurs d’usagers (jeunes et milieux populaires),
simples utilisateurs et usagers.
Comme on le voit, les Communications sociales nous concernent vraiment tous. Et elles nous concernent précisément en tant que Salésiens, parce qu'elles nous permettent plus d'efficacité dans l'évangélisation des jeunes, des milieux populaires et des missions. C'est pourquoi je ne voudrais pas que quelques-uns d'entre nous - même inconsciemment - exercent un injuste ostracisme envers les confrères engagés dans des activités spécialisées dans ce secteur, par exemple dans les maisons d'édition salésiennes, dans la radio, dans les audiovisuels. Ce serait une grave erreur de considérer ces confrères comme des salésiens de seconde zone, engagés dans des activités marginales et, en fin de compte, sans importance ou même étrangères aux buts de notre mission salésienne. Il n'en est pas ainsi. Les Salésiens qui œuvrent dans les Communications sociales peuvent contribuer, et y contribuent de fait, à la réalisation de la mission salésienne au moins autant que les Salésiens qui s'occupent des écoles, des centres de jeunes des paroisses. De plus, ils travaillent selon les modalités les plus modernes qui soient et ont de très larges possibilités d'action.
Essayons dons de nous intéresser davantage aux Communications sociales, et avec largesse de vue. Essayons d'avoir, sur ce sujet, une compétence appropriée et d'assurer, dans nos Provinces et dans nos communautés, l'application des lignes d'orientation de l'Eglise et de nos deux derniers Chapitres Généraux en la matière.
Pour conclure.
Mes chers confrères, Don Bosco, entraîné par son flair inné pour l'avenir, avait eu l'intuition de l'importance de plus en plus grande que les Communications Sociales prenaient. Il se lança dans ce secteur dès le début de son apostolat et c'est justement à propos de l'imprimerie qu'il dit : « Dans ces choses-là, Don Bosco veut être à la pointe du progrès ». Il sut être saintement audacieux : par sa façon d'utiliser les Communications Sociales, toujours strictement dans la ligne de sa mission, il se heurta aux ennemis de l'Eglise et eut même à subir des attentats mortels de leur part.
Nous, aujourd'hui, nous ne pouvons pas être en reste. « Nous sommes - les fils d'un relieur, d'un typographe, d'un imprimeur, d'un journaliste, d'un écrivain, d'un éditeur »29 et il nous faut honorer cet héritage exaltant.
Il nous faudra agir avec le plus grand sérieux et non avec légèreté et improvisation : aujourd'hui, les Communications Sociales sont une science, elles sont une technique, un art difficile qui demande des amateurs compétents et tout consacrés à cela. Elles présentent aussi des risques : sous bien des aspects, elles sont païennes et ont besoin d'être baptisées ; elles peuvent séduire et nous entraîner loin de notre vocation et de notre foi.
C'est pourtant une voie sur laquelle il est de notre devoir de nous engager, par obéissance à l'exhortation explicite de l'Eglise : « Celui qui n'exploite pas comme il convient - lisons-nous dans l'Instruction « Communio et progressio », au n. 126 - les possibilités offertes par ces instruments pour étendre le rayonnement de l'Evangile à un plus grand nombre d'homme, n'obéira pas au Christ ».
Il conviendra donc que, dans la « programmation au niveau provincial » on tienne compte explicitement des Communications Sociales et que quelqu'un soit chargé d'orienter et de stimuler en ce domaine. Et dans l'animation de chaque communauté, qu'on n'oublie pas cet important secteur.
C'est à la Vierge Auxiliatrice qui a lancé Don Bosco dans une mission aussi exigeante que nous demandons lumière et courage. Elle qui a eu une vue prophétique de la communication qui serait faite, à travers les siècles, de son propre mystère (« désormais tous les âges me diront bienheureuse ! ») nous obtiendra de savoir nous dévouer avec magnanimité à ce travail si actuel.
Soyons des membres actifs et responsables du Peuple de Dieu, ce peuple qui, « marchant avec les événements qui tissent la trame de l'histoire et regardant vers l'avenir avec une immense confiance, aussi bien en tant qu'agent de communication qu'en tant qu'usager, peut déjà entrevoir combien est prometteuse la nouvelle ère spatiale des Communications Sociales ».30
Chers Confrères, inspirons-nous de Don Bosco et accueillons le défi de notre temps !
Avec grande confiance dans le Seigneur.
1 Actes du Chapitre Général, n. 148.
2 Idem, n. 148.
3 Communio et progressio, n. 11.
4 Marc 16, 15.
5 Romains 10, 14-15.
6 Epistolario, vol. 4, pp. 318-321.
7 Communio et progressio, n. 12.
8 Idem, n. 1.
9 Idem, n. 6.
10 Idem, n. 8.
11 Michel Ouoist.
12 Chapitre Général 21, n. 149-153.
13 Communio et progressio, n. 158.
14 Idem, n. 159.
15 Idem, n. 161.
16 Ratio - annexe n. 3, pp. 322-326.
17 Ratio, n. 60.
18 Actes Conseil Supérieur, 1977, n. 287.
19 Ratio - annexe n. 1, pp. 305-313.
20 Cf. AA. VV., La comunicazione e la Famiglia Salesiana – Collection “ Colloqui sulla vita salesiana ” n. 8 - LDC, 1977.
21 Cf. Mutuae relationes, n. 11.
22 Cf. Actes Chapitre Général 21, n. 19.
23 Actes Chapitre Général 21, n. 99 ; et 153 d.
24 Actes Chapitre Général 21, n. 342.
25 Constitutions 149.
26 Cf. Actes Conseil Supérieur, 1978, n. 291.
27 Règlements 32.
28 Matthieu 5, 16.
29 Lettre sur « Les nouvelles de famille ».
30 Communio et progressio, n. 187.