ÀDA MIHI ANIMAS, COETERA TOLLEÀ |
1. LE RECTEUR MAJEUR
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« DA MIHI ANIMAS, CAETERA TOLLE »
Identité charismatique et passion apostolique
Repartir de Don Bosco pour réveiller le cœur de chaque salésien
1. CONVOCATION DU CG26. 1.1 Motivations pour le choix du thème. 1.2 Pas accomplis pour la détermination du thème. 1.3 Objectif fondamental du thème. 1.4 Autres tâches. 2. CONTEXTE DU CG26. 2.1 Besoins et attentes des jeunes. Vie : besoins et menaces. – Amour : besoins et menaces. – Liberté : besoins et menaces. 2.2 Défis sociaux et culturels. Tendances fondamentales. – Défis au niveau social et culturel. – Défis culturels de la Congrégation. 2.3 Orientations actuelles de l’Eglise. Repartir du Christ : la sainteté comme programme pastoral. – Témoigner le Christ : l’évangélisation comme mission prioritaire. – Revenir aux jeunes : la présence comme signe de l’amour du Christ. 2.4 Défis et perspectives de la Vie Consacrée. Défis de la Vie Consacrée. – Perspectives de la Vie Consacrée. 2.5 Le parcours de la Congrégation. CG22 : Le Chapitre de la fidélité. – CG23 : Le Chapitre de la mission. – CG24 : Le Chapitre du partage avec les laïcs. – CG25 : Le Chapitre de la communauté salésienne. 2.6. Voix des Provinces. 3. LE THÈME DU CG26. 3.1 Programme de vie de Don Bosco et du salésien. 3.2 Identité charismatique : l’esprit salésien. 3.3 Passion apostolique : “la gloire de Dieu et le salut des âmes”. 3.4 Da mihi animas. 3.4.1 Urgence d’évangéliser. 3.4.2 Nécessité d’appeler. 3.5 Caetera tolle. 3.5.1 Pauvreté évangélique. 3.5.2 Nouveaux fronts d’action. 3.6 Conditions pour concrétiser le thème. Processus à assumer. – Mentalités à convertir. – Structures à changer. 4. PRIÈRE POUR LE CG26 – PRIÈRE À DON BOSCO.
Rome, 24 juin 2006
Nativité de Saint Jean Baptiste
Très chers Confrères,
Tandis que je vous écris, ma pensée se tourne à nouveau avec foi et reconnaissance vers le Père Valentín de Pablo, Conseiller général pour la Région Afrique - Madagascar. Sa disparition, totalement inattendue, nous a pris au dépourvu et nous a laissés humainement effarés. A vous tous je sais gré de m’avoir exprimé, à travers des témoignages nombreux et sincères, combien vous étiez proches, combien vous partagiez cette douleur. Remercions ensemble le Seigneur pour le don de la vocation salésienne, sacerdotale et missionnaire du Père Valentín. Ayons pour lui une pensée dans notre prière. Les derniers jours de sa vie il a pris part, lors du Conseil Général, au choix du thème du prochain Chapitre. Se trouvant maintenant près de Dieu, il pourra intercéder pour nous tous, pour la bonne réussite du Chapitre et pour la Région Afrique – Madagascar.
1. CONVOCATION DU CG26
En ce jour de la fête patronale de Don Bosco, notre bien-aimé père et fondateur, qui pour une telle occasion rassemblait autour de lui tous les garçons, les collaborateurs et les bienfaiteurs de Valdocco, je suis heureux de vous écrire en son nom cette lettre, au moyen de laquelle j’entends convoquer, selon l’article 150 de nos Constitutions, le XXVI ème Chapitre Général. Le Chapitre « est le signe principal de l’unité de la Congrégation dans sa diversité » (Const. 146). Nous nous réunirons pour réfléchir ensemble sur le comment être « fidèles à l’Evangile et au charisme de [notre] Fondateur et sensibles aux besoins des temps et des lieux » (Const. 146). En de tels moments Don Bosco sera certainement avec nous.
Je vous invite à considérer cet événement comme une nouvelle Pentecôte dans la vie de la Congrégation, qui par le moyen du Chapitre Général, « se laissant guider par l’Esprit du Seigneur, cherche à connaître, à un moment donné de l’histoire, la volonté de Dieu pour un meilleur service de l’Eglise » (Const. 146). La grandeur de l’Esprit se révèle dans sa puissance, qui sait renouveler la face de la terre (cf. Ps 104,30) et tout remettre à neuf. L’Esprit de Dieu, présent dans les différents moments de l’histoire, saura rendre neuf notre amour pour Don Bosco.
L’Esprit planait sur la surface des eaux à l’origine du monde (cf. Gn 1,2). Il fut communiqué à l’homme quand la vie lui fut insufflée (cf. Gn 2,7). Il porta Abraham à répondre par l’obéissance de la foi à Dieu, lorsque celui-ci l’appellait à quitter son pays et sa parenté, pour aller au pays de la promesse (cf. Gn 12,1-4). Il fut donné à Moïse sur la montagne du Sinaï comme parole de vie dans le don de la loi (cf. Ex 20,1-18). Il exerçait son emprise sur des hommes et des femmes d’Israël pour les convertir en libérateurs de leur peuple et en prophètes du Dieu Très-Haut (cf. Ac 2,17).
L’Esprit couvrit de son ombre la Vierge Marie et elle devint mère du Fils de Dieu (cf. Lc 1,35). Il donna l’onction à Jésus le jour de son baptême et le poussa à prêcher l’évangile du Royaume (cf. Mc 1,10-15). Il fut répandu sur les apôtres sous forme de langues de feu et ils furent transformés en témoins crédibles du Ressuscité (cf. Ac 2,1-11).
L’Esprit continue aujourd’hui à inspirer le développement de la vie et de la dignité de la personne humaine ; il ouvre les esprits et les cœurs d’hommes et de femmes à Dieu et au Christ ; il est un hôte plein de douceur, qui opère non en forçant mais en convainquant et en exigeant de la docilité à ses impulsions.
Le prochain Chapitre Général sera le 26ème dans l’histoire de notre Société. Il est en continuité avec les Chapitres précédents dans l’engagement sincère de fidélité dynamique à Dieu et aux jeunes. Le CG26 se déroulera à Rome au “Salesianum” dans la Maison Généralice. Il débutera le dimanche 24 février 2008 à Turin, berceau de notre charisme, où nous nous rendrons pour retrouver la maison et le père et pour puiser aux origines de notre esprit. Nous en marquerons le commencement par la Concélébration Eucharistique dans la Basilique Marie-Auxiliatrice et par la visite aux lieux salésiens, qui constituent une source d’inspiration et de dynamisme. Puis nous partirons pour Rome, au siège du Chapitre.
J’ai nommé comme Régulateur le Père Francesco Cereda, Conseiller pour la Formation, qui à partir de ce moment a la responsabilité d’accompagner la préparation et le déroulement du Chapitre Général.
“Da mihi animas, caetera tolle” (cf. Const. 4) est le thème qu’avec le Conseil Général j’ai choisi pour le CG26. Ce thème a été souvent rappelé lors des Visites d’Ensemble et il nous tient beaucoup à cœur, aux Conseillers Généraux et à moi-même. Il représente le programme spirituel et pastoral de Don Bosco. En lui se concentrent l’identité charismatique et la passion apostolique du salésien.
Le sujet est vaste. C’est pourquoi nous avons voulu focaliser l’attention du CG26 sur quatre points importants de ce thème : l’urgence d’évangéliser, la nécessité d’appeler à la vie consacrée salésienne, l’exigence de vivre en pauvreté évangélique, le défi d’aller vers les nouveaux fronts d’action de la mission.
1.1. Motivations pour le choix du thème
Il y a longtemps qu’a mûri en moi la conviction que la Congrégation a besoin aujourd’hui de réveiller le cœur de chaque confrère par la passion du “Da mihi animas”. C’est ainsi qu’elle pourra avoir l’inspiration, la motivation et l’énergie pour répondre aux attentes de Dieu et aux besoins des jeunes et pour affronter avec courage et compétence les défis d’aujourd’hui.
Faisant nôtre la devise “Da mihi animas, caetera tolle”, nous voulons assumer le programme spirituel et apostolique de Don Bosco et la raison de son infatigable activité pour “la gloire de Dieu et le salut des âmes”. Nous pourrons ainsi retrouver l’origine de notre charisme, le but de notre mission, l’avenir de notre Congrégation.
Le bicentenaire de la naissance de Don Bosco, qui se profile pour 2015 de façon désormais proche, est une invitation à invoquer Don Bosco pour qu’il revienne parmi nous et parmi les jeunes : “Don Bosco ritorna !” [allusion au chant de 1929 pour le transfert de Valsalice à Valdocco : “Don Bosco revient !”]. D’autre part, il est un stimulant pour chaque salésien à revenir à Don Bosco et aux jeunes : “Revenons à Don Bosco, en revenant aux jeunes !”. Don Bosco et les jeunes sont inséparables : Don Bosco est notre père et notre modèle ; les jeunes constituent le lieu où “rencontrer Dieu” (Const. 95) et “la patrie de notre mission” 1. Nous ne pourrons pas revenir à Don Bosco, si ce n’est en revenant aux jeunes.
L’expression “Da mihi animas, caetera tolle” est la prière adressée à Dieu par celui qui, dans l’ouvrage, dans l’engagement et dans le défi apostolique menés en Son nom, renonce à tout et veut prendre tous en charge. Justement parce qu’elle est prière, elle fait comprendre que la mission ne coïncide pas avec les initiatives et les activités pastorales. La mission est un don de Dieu, plus qu’une tâche apostolique ; sa réalisation est une prière qui s’accomplit. C’est en cela que réside la base pour surmonter l’activisme et le risque d’être “brûlé dans l’action”.
Le programme de Don Bosco évoque, me semble-t-il, l’expression « j’ai soif », que Jésus prononce sur la croix tandis qu’il est en train de remettre sa vie pour réaliser le dessein du Père (Jn 19,28). Celui qui fait sienne cette invocation de Jésus, apprend à partager Sa passion apostolique “jusqu’à la fin”. La parole de Jésus devient un appel pour que chacun de nous ravive la soif pour les âmes et renouvelle la promesse faite par Don Bosco à ses garçons : “Jusqu’à son dernier souffle ma vie sera pour vous, les jeunes”. Le cœur du salésien s’inspire donc du cœur transpercé du Christ 2.
La devise de Don Bosco est la synthèse de la mystique et de l’ascétique salésiennes, comme elle est exprimée dans le “rêve des dix diamants”. Ici se croisent deux perspectives complémentaires : celle du visage visible du salésien, qui manifeste son audace, son courage, sa foi, son espérance, son don total à la mission, et celle de son cœur caché de consacré, dont la nervure est constituée par les convictions profondes qui le portent à suivre Jésus dans son style de vie marqué de l’obéissance, de la pauvreté et de la chasteté.
1.2. Pas accomplis pour la détermination du thème
Pour le choix du thème du CG26 nous avons voulu partir de la vie des Provinces. En préparation à la Visite d’Ensemble les Provinces avaient été invitées à effectuer une vérification de l’assimilation du CG25 et à présenter quelques perspectives d’avenir, en déterminant les plus grandes réalisations des dernières années, les défis les plus importants, les ressources pour faire face à l’avenir, les difficultés qu’on est en train de rencontrer.
Les Visites d’Ensemble sont devenues ainsi le premier pas de préparation au CG26, dans le sens qu’elles nous ont fait connaître l’état de la Congrégation avec la variété de ses contextes, avec ses forces et ses faiblesses, avec ses ouvertures favorables et ses défis.
Fréquemment ressenti de façon nette émergeait le besoin d’enflammer de joie et d’enthousiasme le cœur des confrères tandis qu’ils vivent la vie salésienne et réalisent la mission auprès des jeunes. Tout cela appelait la passion du “Da mihi animas, caetera tolle”. Dans le même temps, avec différentes accentuations, apparaissaient d’autres points importants pour un thème commun, comme l’évangélisation, les vocations, la pauvreté et les nouveaux fronts d’action.
Au terme de la session plénière du Conseil Général de décembre 2005 – janvier 2006, chaque Conseiller m’a remis ses propositions en vue du CG26. Même ici le thème le plus indiqué, avec des motivations et des insistances différentes, concernait le retour au charisme de Don Bosco, à l’identité salésienne et à la passion apostolique. En même temps émergeaient aussi des sujets spécifiques, tels que l’évangélisation aujourd’hui, les vocations à la vie salésienne consacrée, la pauvreté, les nouveaux horizons de la mission salésienne, la formation, la communication.
Le processus pour le choix du thème s’est terminé avec la réflexion commune, qui a eu lieu au mois d’avril dernier, du 3 au 12, pendant la réunion extraordinaire du Conseil Général. Il nous a conduits à la définition du thème indiqué ci-dessus.
1.3. Objectif fondamental du thème
L’objectif fondamental du XXVI ème Chapitre Général est de renforcer notre identité charismatique par le retour à Don Bosco, en réveillant le cœur de chaque confrère par la passion du “Da mihi animas, caetera tolle”.
Cet objectif nous demande d’approfondir notre connaissance de Don Bosco et de prendre en main les Constitutions, en particulier le deuxième chapitre sur l’esprit salésien, pour renouveler notre engagement de nous identifier à lui, notre père et notre maître, et pour nous inspirer de ses grandes convictions.
Il demande aussi d’allumer le feu de la passion spirituelle et apostolique dans le cœur de chaque confrère, en l’aidant à motiver et à unifier sa vie par l’engagement à réaliser “la gloire de Dieu et le salut des âmes”.
L’approche de l’année 2015, bicentenaire de la naissance de Don Bosco, représente une grâce pour la Congrégation, qui est appelée à incarner dans les différents contextes son charisme, c’est-à-dire l’esprit et la mission de notre fondateur et père. Cette célébration constituera pour ainsi dire une ligne d’arrivée du CG26.
Pour atteindre l’objectif du CG26 il est avant tout nécessaire d’avoir une meilleure connaissance de Don Bosco : il faut l’étudier, l’aimer, l’imiter et l’invoquer (Const. 21). Nous devons le connaître comme maître de vie, à la spiritualité duquel nous venons boire comme des fils et des disciples ; comme fondateur, qui nous indique le chemin de la fidélité dans la vocation ; comme éducateur, qui nous a laissé le Système préventif tel un héritage très précieux ; comme législateur, en tant que les Constitutions, que lui-même directement et l’histoire salésienne ensuite nous ont données, nous offrent une lecture charismatique de l’Evangile et une marche à la suite du Christ. 3
Aujourd’hui plus qu’hier et demain plus qu’aujourd’hui, il y a le risque, grand et grave, de rompre les liens vivants qui nous tiennent unis à Don Bosco. Nous sommes à plus d’un siècle de sa mort. Désormais sont disparues les générations de salésiens qui avaient été au contact avec lui et l’avaient connu de près. La distance chronologique, géographique et culturelle qui sépare du fondateur augmente. Viennent à manquer ce climat spirituel et cette proximité psychologique qui permettaient une référence spontanée à Don Bosco et à son esprit, même à la simple vue de son portrait. Ce qui nous a été transmis peut être perdu. Nous retrouvant éloignés du fondateur, une fois estompée l’identité charismatique et affaiblis les liens avec son esprit, si nous ne ravivons pas nos racines, nous courons le danger de n’avoir ni avenir ni droit de cité.
Plus que de crise d’identité, je retiens que, pour nous salésiens, une crise de credibilité existe aujourd’hui. Nous nous trouvons dans une impasse. Il nous semble être sous la tyrannie du “statu quo” ; des résistances au changement, plus inconscientes qu’intentionnelles, existent. Même si nous sommes convaincus de l’efficacité des valeurs évangéliques, nous avons du mal à atteindre le cœur des jeunes, pour lesquels nous devrions être des signes d’espérance. Nous sommes ébranlés par le fait que dans la construction de leur vie la foi ne revêt pas d’importance. Nous nous sentons en faible harmonie avec leur monde et bien éloignés de leurs projets, pour ne pas dire étrangers à ceux-ci. Nous prenons conscience que nos signes, nos gestes et notre langage ne sont pas efficaces ; il semble qu’ils n’ont pas d’impact dans leur vie.
A côté de l’élan vital, capable de témoignage et de don de soi jusqu’au martyre, la vie salésienne connaît également « la menace de la médiocrité dans la vie spirituelle, de l’embourgeoisement progressif et de la mentalité consumériste » . 4 Dans les documents que la tradition a appelés “testament spirituel”, Don Bosco a laissé par écrit : « Dès que commencera à apparaître une certaine recherche de confort dans la personne, dans les chambres ou dans les maisons, à l’instant même commencera la décadence de notre congrégation […] Lorsque commenceront chez nous les commodités et la recherche des aises, notre pieuse société aura achevé sa route ». 5
La raréfaction des vocations et la fragilité des vocations me portent à penser que beaucoup peut-être ne sont pas convaincus de l’utilité sociale, éducative et évangélisatrice de notre mission ; que d’autres peut-être trouvent notre engagement de travail non approprié à leurs aspirations, parce que nous ne savons pas réinvestir et renouveler ; que quelques-uns peut-être se sentent prisonniers des urgences, qui se sont faites de plus en plus pressantes.
Il est urgent de revenir vers les jeunes avec une plus grande qualification. C’est au milieu des jeunes que Don Bosco a élaboré son style de vie, son patrimoine pastoral et pédagogique, son système, sa spiritualité. La mission de Don Bosco fut unique. Il fut toujours et seulement avec les jeunes et pour les jeunes, même lorsque pour des motifs particuliers il ne pouvait pas être toujours matériellement en contact avec eux, même lorsque son action n’était pas directement à leur service. C’est pourquoi il a défendu tenacement son charisme de fondateur pour les jeunes du monde entier, face aux pressions d’ecclésiastiques pas toujours clairvoyants. Mission salésienne et “prédilection” pour les jeunes ne font qu’un. A son point de départ cette prédilection est un don de Dieu, mais il revient ensuite à notre intelligence et à notre cœur de l’assumer, de la développer et de la réaliser.
Le vrai salésien ne déserte pas le camp des jeunes. Est salésien celui qui a des jeunes une connaissance “vitale” : son cœur bat là où bat celui des jeunes. Le salésien vit pour eux, existe pour leurs problèmes. Ils sont le sens de sa vie : son travail, son étude, son affectivité, son temps libre sont pour eux. Est salésien celui qui a des jeunes une connaissance existentielle, mais aussi théorique, à même de lui permettre de découvrir leurs besoins, de façon à créer une pastorale des jeunes adaptée aux temps.
Aujourd’hui il est nécessaire d’approfondir la pédagogie salésienne. C’est-à-dire qu’il faut étudier et réaliser le système préventif remis à jour tel que le souhaitait le P. Egidio Viganò. Il s’agit, de la part de ceux qui le pratiquent et de ceux qui l’étudient, de développer ses grandes virtualités, d’en moderniser les principes, les concepts, les orientations, d’interpréter aujourd’hui ses idées de fond : la plus grande gloire de Dieu et le salut des âmes ; la foi vive, la ferme espérance, la charité pastorale ; le bon chrétien et l’honnête citoyen ; le trinôme “joie, étude et piété” ; les “trois S” : santé, science, sainteté ; la piété, la moralité, la culture ; l’évangélisation et la civilisation.
La même chose est à dire pour les grandes orientations de la méthode : se faire aimer avant de – plutôt que de – se faire craindre ; raison, religion, amour de tendre affection ; père, frère, ami ; familiarité surtout en récréation ; gagner le cœur ; l’éducateur tout donné pour le bien de ses élèves ; ample liberté de sauter, de courir, d’être bruyant à volonté. Tout cela est à relire en vue de jeunes “nouveaux”, appelés à vivre dans une très vaste et inédite gamme de situations et de problèmes, en des temps franchement changés, dans lesquels les sciences humaines elles-mêmes sont en phase de réflexion critique.
Il est urgent de connaître, d’approfondir et de vivre la spiritualité de Don Bosco. La connaissance des aspects extérieurs de la vie de Don Bosco, de ses activités et de sa méthode éducative ne suffit pas. A la base de tout, en tant que source de la fécondité de son action et de son actualité, il y a quelque chose qui souvent nous échappe : sa profonde expérience spirituelle, ce que l’on pourrait appeler sa “familiarité” avec Dieu. Qui sait si ce n’est-ce pas là que réside justement le meilleur que nous ayons de lui pour l’invoquer, l’imiter, nous mettre à sa suite en vue de rencontrer le Christ et de Le faire rencontrer aux jeunes !
Parvenir à une identification précise de l’expérience spirituelle de Don Bosco n’est pas une entreprise facile. C’est peut-être le domaine le moins approfondi de Don Bosco. Don Bosco est un homme tout entier tendu vers le travail, il ne nous offre pas de descriptions de ses évolutions intérieures et ne nous laisse pas de réflexions explicites sur sa vie spirituelle ; il ne tient pas pas de journal personnel spirituel ; il ne donne pas d’interprétations ; il préfère transmettre un esprit, en décrivant les événements de sa vie ou à travers les biographies de ses jeunes. Il ne suffit certes pas de dire que sa spiritualité est celle de quelqu’un qui conduit une pastorale active, non contemplative, une pastorale intermédiaire entre une spiritualité savante et une spiritualité populaire. 6
Au centre de sa spiritualité il y a seulement Dieu à connaître, à aimer et à servir, au moyen de la réalisation d’une vocation personnelle, qui n’a rien de vague et d’imprécis, centrée sur le dévouement religieux et apostolique – avec des actions de bienfaisance, d’éducation, de pastorale – pour les jeunes, surtout pauvres et abandonnés, en visant à leur salut intégral, sur le modèle du Christ sauveur et à l’école de Marie, Mère et Maîtresse. Ce n’est pas pour rien si, par exemple dans l’un de ses volumes de lettres, le nom le plus fréquent est “Dieu” et le verbe le plus fréquent, après “faire”, est “prier”. 7
Ce qui engendre l’expérience spirituelle de Don Bosco est résumé dans la devise Da mihi animas, caetera tolle, c’est-à-dire dans le désir du salut des âmes et en rien d’autre. La citation de Gn 14, 21 prend chez lui des caractéristiques propres, à partir du moment où il fait de l’expression biblique une lecture quelque peu adaptée, sous forme d’allégorie et d’oraison jaculatoire. Le terme animas indique les personnes et, concrètement, les garçons avec lesquels il a quelque chose à faire, vus dans la perspective de leur salut définitif. Le caetera tolle signifie le détachement de tout ce qui ne se traduit pas dans l’anéantissement de soi et dans la fusion en Dieu ; il s’agit d’une ascèse apostolique. Pour Don Bosco le détachement est l’état d’âme nécessaire pour avoir la liberté et la disponibilité les plus absolues en vue des exigences de l’apostolat.
1.4. Autres tâches
En plus de l’approfondissement du thème proposé, le CG26 a aussi d’autres tâches particulières. La première d’entre elles concerne l’élection du Recteur majeur et des membres du Conseil Général pour la période 2008 - 2014.
Il y a ensuite l’exécution et la vérification de quelques demandes faites par le CG25 ou de quelques changements introduits par lui. Dans la ligne de ce qui est indiqué au n° 112 et au n° 115 des documents du CG25, on considère qu’il est important de repenser de façon organisée et structurelle les dicastères de notre mission salésienne : pastorale des jeunes, missions, communication sociale. Le CG25 demande aussi une réflexion sur la configuration des trois Régions d’Europe (cf. les numéros 124, 126 et 129). On ressent en outre l’exigence de faire, après le changement effectué dans l’article 134 des Constitutions, une évaluation concernant le fait que l’animation de la Famille Salésienne soit confiée au Vicaire du Recteur majeur (cf. CG25, 133).
Enfin, on retient qu’il est nécessaire de réfléchir sur la figure et les tâches de l’économe local (Const. 184), afin de donner une réponse aux problèmes actuels.
2. CONTEXTE DU CG26
La vie est une histoire ; la vie se déroule dans l’histoire où notre être incarné est plongé : ce qui fait que nous ne pouvons pas faire abstraction des conditionnements historiques ; non seulement ils deviennent le plateau sur lequel se jouent la vie et la mission salésiennes, mais ils offrent aussi des défis et des possibilités pour celles-ci. Je voudrais donc décrire brièvement le contexte dans lequel se déroulera le CG26, dans la perspective de l’identité charismatique et de la passion apostolique.
2.1. Besoins et attentes des jeunes
A peine ordonné prêtre, tandis qu’il complète sa formation pastorale au Convitto Ecclesiastico à Turin, Don Bosco, sous la conduite éclairée de Don Cafasso, commence à parcourir les rues de la ville ; fréquente les boutiques, les chantiers, les marchés, les prisons ; connaît directement la situation de beaucoup de jeunes, leurs misères et leurs aspirations. Tout cela lui fait sentir une urgence : il faut que quelqu’un prenne soin d’eux, les assiste, se préoccupe de leur salut. Naît alors l’idée de l’Oratoire dans lequel Don Bosco réalisera sa vocation. 8 Le cri des jeunes explique la passion inconditionnelle de son programme : “Da mihi animas, caetera tolle”.
Si aujourd’hui nous voulons revenir à Don Bosco pour approfondir et renouveler l’identité de notre vocation, nous devons, nous aussi, repartir des jeunes, comprendre leurs attentes, écouter en eux ce que Dieu nous demande.
Les jeunes, même s’ils vivent dans des contextes différents, ont en commun la sensibilité aux grandes valeurs de la vie, de l’amour et de la liberté, mais ils rencontrent aussi de nombreuses difficultés pour les vivre. Quant à nous, nous ne pouvons pas rester sans regarder leurs besoins et leurs attentes et, en même temps, sans nous apercevoir des obstacles et des menaces qu’ils rencontrent.
Vie : besoins et menaces
Les jeunes recherchent la qualité de vie : ils ont envie de vivre pleinement la vie ; ils recherchent des modèles de vie significatifs ; ils désirent construire leur vie personnelle à partir de l’estimation et de l’acceptation positive d’eux-mêmes. Ils sentent l’exigence de nouvelles valeurs, telles que la reconnaissance d’une position centrale pour la personne, la dignité humaine, la paix et la justice, la tolérance, la solidarité. Ils recherchent la spiritualité et la transcendance, pour trouver un équilibre et une harmonie en ce monde frénétique et fragmenté ; ils désirent une religiosité subjective, sincère, non institutionnelle. Dans la recherche du sens de la vie ils demandent un accompagnement de la part d’adultes qui les écoutent, les comprennent et soient capables de les orienter.
La situation de pauvreté, engendrée par un système de néolibéralisme, oblige beaucoup de jeunes à survivre. Plus de 200 millions de jeunes, 18 % de la jeunesse mondiale, vivent avec moins d’un dollar par jour et environ 515 millions avec moins de 2 dollars. En 2002 on a estimé à 175 millions les émigrants au niveau mondial, parmi lesquels 26 millions sont des jeunes. Le manque de travail, l’exploitation et un système éducatif précaire et sélectif limitent leurs perspectives d’avenir : 88 millions de jeunes sont en chômage ; 130 millions d’enfants n’ont aucune instruction.
La culture de la violence est vécue comme une réaction au malaise ; on observe les phénomènes de la drogue, du terrorisme, des guerres, les enfants soldats, les génocides. Les niveaux de délinquance ont dramatiquement augmenté dans les pays en voie de développement. La délinquance juvénile est souvent en corrélation avec l’abus d’alcool et de drogues ; en Afrique elle est en lien avec la faim, avec la pauvreté, avec le chômage.
Des menaces contre la vie et sa dignité émanent de l’avortement, du suicide, de l’euthanasie, des tortures, qui engendrent une culture de mort et la perte du sens de la vie. Sur une année l’avortement est pratiqué par 5 millions de jeunes filles qui ont entre 15 et 19 ans. La vie chrétienne, elle aussi, risque de n’être pas valable aux yeux des jeunes, si elle ne réussit pas à surmonter la dichotomie entre foi et vie.
Amour : besoin et menaces
La sensibilité, les formes de communication et d’expression des jeunes, leur langage, leurs styles de vie sont en train de devenir de plus en plus différents par rapport à ceux des adultes. De l’importance est accordée à la position centrale occupée par le corps et l’image, à la valeur de la sexualité et du monde affectif, aux nouveaux langages qui ouvrent à de nouvelles formes de communication et de rapports, rendus possibles par les nouvelles technologies.
Il existe de la part des jeunes une forte demande de nouveaux rapports d’amitié, d’affection, de compagnie, pour surmonter les manques affectifs qui les laissent démunis d’assurance, peu confiants en eux-mêmes et incapables d’établir des rapports stables et profonds. Le besoin de rapports significatifs entre adultes et jeunes demande de l’écoute et de l’accueil.
Surtout chez les jeunes apparaissent de nouvelles formes d’engagement et de participation dans le domaine social, à travers des réseaux multiples et ouverts d’appartenance, de proximité, de vie étroite et directe en société, qui se situent entre l’espace de la vie privée et celui de la vie publique, comme les expériences de volontariat ou de service civil dans leurs formes variées et leurs différents styles, les mouvements “no global”, écologistes, pacifistes, etc..
Cette culture constitue une menace car elle développe un amour possessif et superficiel, cherche la satisfaction immédiate du plaisir, favorise la commercialisation du corps et l’exploitation sexuelle, les grossesses précoces de plus de 14 millions d’adolescentes, l’instabilité des rapports de couple. Le SIDA provoque des maladies graves et engendre la peur : au moins 50 % des nouvelles infections de VIH sont chez les jeunes ; environ 10 millions de jeunes sont atteints par le SIDA, dont 6,2 en Afrique au Sud du Sahara et 2,2 en Asie. Actuellement on estime à environ 15 millions les enfants de moins de 18 ans qui sont orphelins à cause du SIDA ; parmi eux environ 12 millions vivent en Afrique au Sud du Sahara et le nombre pourrait s’élever jusqu’à 18 millions en 2010 9. L’Eglise éprouve des difficultés pour présenter une proposition morale qui soit significative pour les jeunes.
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