Rome, en la fête du Sacré-Cœur, 1986
Chers Coopérateurs et Coopératrices,
Le 24 mai dernier, en la solennité de Notre-Dame Auxiliatrice, j'ai promulgué le texte rénové de votre « Règlement de vie apostolique », à Turin, dans la basilique du Valdocco pleine de monde : l'événement était riche de sens et de promesses. Ce document, fruit de tant de prières et de tant de travail, garantit à votre Association son identité salésienne et ecclésiale et lui permet de prendre sa vraie place dans l'actuelle préparation au troisième millénaire de la Foi chrétienne.
Avec l'approbation pontificale de votre Règlement, s'achève l'œuvre de consolidation postconciliaire des trois grandes colonnes de la Famille salésienne posées par Don Bosco : les Salésiens, les Filles de Marie Auxiliatrice et les Coopérateurs. Ensemble et audacieusement apostoliques nous serons les principaux titulaires de la Vocation salésienne pour les temps à venir.
La promulgation de ce Règlement acquiert, dans ce contexte, une portée historique qui n'est pas négligeable.
En prendre conscience (vous d'abord, et ensuite, nous les Salésiens et les Filles de Marie Auxiliatrice), prouvera que nous comprenons la responsabilité spéciale à laquelle nous convie l'Esprit du Seigneur en cette fin de siècle.
1. A LA LUMIÈRE DU CHEMINEMENT DE DON BOSCO FONDATEUR.
Pourquoi a-t-il été nécessaire de revoir le Règlement écrit par Don Bosco lui-même ?
En songeant au sens ecclésial que possédait Don Bosco, à son perpétuel souci d'adapter, dans la souplesse, ses entreprises à son époque, nous pouvons dire que, s'il vivait de nos jours, il aurait été le premier à vouloir cet effort de révision.
Importance de la révision du Règlement.
Don Bosco, en raison de sa disponibilité à l'Esprit, était sensibilisé au devenir de la société et de l'Église. Il avait l'intuition de la tâche que son charisme naissant devrait accomplir dans l'avenir. Gratifié d'un don d'une grande vitalité fait à l'Église, Don Bosco était convaincu que la façon dont il l'habillait à son époque, n'était qu'une sorte de « brouillon », certes doté d'une vie intense, mais appelant par la suite et selon les plans de la Providence une transcription « au net ».1 Il avait conscience d'être le Fondateur d'une Famille spirituelle destinée à grandir, à se déployer et à traverser les siècles.
Il fut suscité par Dieu, à l'aube d'une nouvelle époque de l'histoire. Il percevait les indices de la fin de la civilisation rurale : la cité connaîtrait une nouvelle manière d'être, le travail serait organisé différemment, la société serait profondément repensée, les masses populaires joueraient leur rôle dans la société ; en somme il percevait, quoique obscurément encore, les premiers mouvements souterrains de forces sociales qui appelaient déjà des critères et des engagements pastoraux inédits.
L'urgence de se tourner vers la jeunesse pauvre et abandonnée et vers le petit peuple s'imposait à son esprit de plus en plus ; dans les bouleversements déjà amorcés, la foi chrétienne était menacée, alors qu'elle pouvait et devait être le ferment de la nouvelle société. C'est pourquoi Don Bosco appela autour de lui les Coopérateurs et les imprégna d'un esprit apostolique nouveau.
C'est un esprit qui, en raison même de son origine, devra s'adapter aux situations et aux changements incessants, s'accordant aux temps nouveaux, dans la docilité aux directives du Pape et des Pasteurs de l'Église.
Or il se fait que, précisément au Concile Vatican II, le Saint-Père et les Évêques du monde entier, réunis au long de quatre années, ont reconsidéré et approfondi l'identité et la mission de l'Église, en réponse aux défis d'une nouvelle époque. Les Pasteurs ont défini les principes qui déterminent son identité et les orientations qui guideront son action. Une ecclésiologie nouvelle attend des chrétiens qu'ils repensent profondément leur propre vocation de Peuple de Dieu, envoyé au monde, avec ses ministères, ses charismes et ses tâches.
C'est aussi la raison pour laquelle les différents Groupes de la Famille salésienne ont dû réviser et refondre les documents qui déterminent leurs caractères charismatiques propres. Dans la nouvelle perspective conciliaire il était nécessaire de repenser sérieusement, d'une part la vocation baptismale de tous les fidèles, et d'autre part le sens ecclésial du charisme des différentes familles spirituelles ; ce sont là précisément deux aspects importants précisément pour votre Association.
« Être catholique » aujourd'hui, implique une vive conscience d'être un disciple, ouvert aux autres dans le dialogue, témoin d'une identité chrétienne renouvelée, et prêt à affirmer courageusement sa foi au sein de la société.
« Se sentir membre d'une famille spirituelle », participant à un charisme dans l'Église, exige d'en assimiler le caractère spécifique, voulu par le Fondateur, et de l'actualiser en harmonie avec les valeurs que révèlent les signes des temps.
Voilà le pourquoi de tout ce long et minutieux travail de révision du premier Règlement que le Fondateur lui-même avait écrit pour vous.
L'itinéraire de discernement du Fondateur.
À l'origine, les Groupes fondamentaux de ce que nous appelons aujourd'hui la « Famille salésienne », n'apparaissaient que comme une semence jetée en terre, un petit germe à développer et à articuler.
Don Bosco s'était mis en route avec l'idée lancinante de sa mission auprès des jeunes et de la nécessité de nombreux collaborateurs. « Ce sera une congrégation ou tout ce qu'on voudra, mais moi je dois ouvrir des oratoires, des chapelles, des églises, des écoles, commencer des catéchismes... et, sans personnel qui me soit dévoué, je ne puis rien faire ».2
Son cœur sacerdotal était tourmenté par le problème des jeunes en difficulté et par le problème de la foi du peuple. Il se sentait appelé et envoyé par Dieu pour susciter un mouvement de personnes prêtes à s'engager, avec lui, pour affronter courageusement ces problèmes. Un long effort de discernement le conduisit, petit à petit, à comprendre qu'il avait une vocation de « Fondateur » : la tâche n'était pas facile ! Il commença plein de confiance en la Providence, et mit au service de cette cause, toutes ses capacités.
Il arriva ainsi à développer les ressources cachées dans la petite semence initiale. Ce n'est qu'au bout de trente années, de 1841 à 1876, en passant d'abord par un service diocésain, qu'il atteignit laborieusement au niveau mondial d'un charisme pour l'Église universelle.
Du premier embryon que fut la « Congrégation de Saint François de Sales », approuvée par l'archevêque de Turin, Mgr Fransoni, jusqu'à la fondation de ses trois Groupes (les deux Groupes de consacrés et le Groupe des séculiers) se déroula tout un processus de croissance et de clarification, qui aboutit à la création d'un esprit commun, d'une commune mission, et d'une commune responsabilité apostolique. Aujourd'hui les Coopérateurs et les Coopératrices, les Filles de Marie Auxiliatrice et les Salésiens sont appelés et envoyés, ensemble, pour promouvoir « un vaste mouvement de personnes qui travaillent, de diverses manières, au salut de la jeunesse ».3
Dans ses entreprises, Don Bosco a toujours recherché l'aide des laïcs. Quand il ne lui fut pas possible de réaliser son projet de « Membres externes », agrégés à la Société de Saint François de Sales, projet qu'il voulait couler dans les Constitutions des Salésiens, il se mit à élaborer (à partir de 1874) un nouveau et plus large projet, à proposer aux bons catholiques, en vue de faire le bien.
Quand il présenta son ébauche au Pape Pie IX, il vit que le Saint-Père s'étonnait qu'il ne fût question que d'hommes (en effet Don Bosco envisageait une autre Association de femmes, agrégée à l'Institut des Filles de Marie Auxiliatrice) :4 il comprit d'emblée l'importance vitale d'une remarque du Pape : « Les femmes, lui dit Pie IX, ont toujours eu une part prépondérante dans les bonnes œuvres, dans la conversion des peuples et dans l'Église elle-même. Plus que les hommes, elles sont bienfaisantes et entreprenantes, comme par une inclination naturelle. En les excluant, vous vous priveriez de l'aide la plus importante ».5 Don Bosco accueillit cette précieuse indication, si concrète, du Souverain Pontife et il put en constater les grands avantages, quand il orienta dans ce sens la « Pieuse Union ».
Il faut reconnaître que le Pape Pie IX a eu une part éclairante et déterminante dans tout le processus de fondation, tant des Salésiens que des Filles de Marie Auxiliatrice et des Coopérateurs. Don Bosco lui-même, quand il adressa un premier salut au Pape Léon XIII, nouvellement élu, déclara : « Cette Congrégation (et nous savons le sens très large que prenait ce terme dans son esprit) a été conseillée, dirigée, approuvée par le Pape Pie IX, de vénérée mémoire ».6
Notre Fondateur voulait que les Coopérateurs forment une « Association de bonnes œuvres » ou une « Union chrétienne pour faire le bien » et qu'ils lui soient étroitement rattachés ; « ils devaient être une manière de « Tiers Ordre » des temps anciens, avec cette différence que les Tiers Ordres tendaient à la perfection par la pratique de la piété, tandis que le principal but poursuivi par les Coopérateurs était la vie active et la pratique de la charité envers le prochain, spécialement envers la jeunesse en péril ».7
Ce projet charismatique arriva finalement à maturité avec le Règlement de 1876 et les initiatives qui l'accompagnèrent et le suivirent.
Ainsi le projet de Don Bosco nous apparaît, dans sa forme intégrale, comme une synthèse aux éléments bien articulés et complémentaires : la Congrégation salésienne, l'Institut des Filles de Marie Auxiliatrice et l'Association des Coopérateurs.
Les trois documents fondamentaux décrivent l'identité et le caractère propre de chaque Groupe ; pris ensemble ils représentent concrètement l'itinéraire parcouru par le Fondateur, pour assurer l'avenir de l' « Œuvre des Oratoires », commencée à Turin en 1841.
Dans le Règlement rédigé par Don Bosco en 1876, la présence des Coopérateurs est déclarée indispensable au charisme salésien ; leur union intime avec la Congrégation salésienne (et par analogie, avec les FMA) est soulignée. Ensemble ils veulent vivre une fraternité sincère et intense (« un seul cœur et une seule âme »), cultiver un sens ecclésial dynamique, un attachement sincère au Pape et aux Évêques, et une adhésion concrète à leur ministère.
L'année suivante, en août 1877, Don Bosco lançait le Bulletin salésien qui devait être le moyen d'information, le lien d'unité, le stimulant d'une charité inventive et l'instrument particulièrement apte à faire grandir l'Association.
Après la publication du Règlement, Don Bosco voulait d'une part augmenter la vitalité de l'Association, et d'autre part former toujours plus profondément la mentalité des Salésiens et des Filles de Marie Auxiliatrice, qui devaient en être les animateurs enthousiastes. Dans la conférence annuelle de 1877 Don Bosco déclarait : « L'Œuvre des Coopérateurs salésiens ne fait que commencer et elle compte déjà de nombreux inscrits. Elle est promise à de grands développements... À cette fin, il a été décidé d'imprimer un Bulletin qui sera comme le journal de la Congrégation (nous dirions aujourd'hui «de la Famille »), parce qu'il y a beaucoup de choses à communiquer aux Coopérateurs. Si l'on en compte cent à ce jour, leur nombre s'élèvera à des milliers ; si nous sommes un millier aujourd'hui, nous serons alors des millions... Appliquons-nous à faire connaitre cette œuvre : elle est voulue par Dieu».89
Il faut aussi mentionner le Ier Chapitre général. La 4e des 26 conférences fut consacrée aux Coopérateurs : « Cette association, pour nous très importante, représente le puissant levier de la Congrégation (à laquelle, ne l'oublions pas, les FMA étaient alors agrégées). Les Coopérateurs et les Coopératrices sont simplement de bons chrétiens qui, tout en vivant au sein de leur famille, maintiennent dans le monde l'esprit de la Congrégation de Saint François de Sales ».10 Le Chapitre décida que « les directeurs et, en général, tous les membres de la Congrégation (et les FMA), s'emploieraient à accroître le nombre des Coopérateurs ».11 Il recommanda aussi aux salésiens, chargés de paroisses, d'avoir soin, dans leurs rapports avec les populations, de promouvoir l'Association des Coopérateurs salésiens.12
L'accroissement fut tel que, déjà en 1880, Don Bosco pouvait affirmer dans une conférence à Borgo San Martino : « De 1876 à ce jour, le nombre des Coopérateurs et des Coopératrices a atteint le chiffre de 30.000 et ce nombre s'accroît de jour en jour ».13 On peut lire, dans le décret ouvrant la voie à la canonisation de Don Bosco, qu'à sa mort les Coopérateurs atteignaient le chiffre d'environ 80.000 (MB 19, 242).
C'est donc un long itinéraire14 que Don Bosco a parcouru sous la conduite de l'Esprit-Saint ; patiemment il a déchiffré le dessein que Dieu lui inspirait ; il trouva finalement la bonne direction après avoir parcouru d'autres sentiers qui se révélèrent impraticables.
Pourtant certaines constantes étaient acquises dès les débuts. Elles constituent la structure portante de l'Association : la qualité de catholique, fondée sur le don du baptême et de la confirmation et ouverte au sens social et à l'apostolat ; la mission ecclésiale et civile au bénéfice de la jeunesse en difficulté ; le souci intelligent et courageux du maintien de la foi dans le peuple à une époque de profonds changements ; une certaine méthode pastorale et enfin l'importance d'une étroite communion avec la Société de Saint François de Sales et avec l'Institut des Filles de Marie Auxiliatrice pour en partager, en vérité, la façon caractéristique de vivre l'Évangile.
Il s'agit, comme vous le voyez, d'un authentique partage de la Vocation salésienne : vous êtes coresponsables avec nous de la vitalité du projet de notre Fondateur pour le monde.15
Aujourd'hui, Don Bosco aurait perfectionné son projet, en étudiant attentivement le renouveau de l'ecclésiologie de Vatican II, surtout en ce qui concerne la sécularité. C'est précisément cela que nous avons voulu faire durant ces années, en concentrant votre réflexion et la nôtre pour réélaborer ce « Règlement de vie apostolique ».
La subtile vitalité du charisme.
Pour vivre en vérité la Vocation salésienne, il est nécessaire de connaître et d'assumer les valeurs de vie de son origine, de sa croissance, de son actualité ecclésiale présente et de ses perspectives d'avenir. On ne peut négliger une connaissance sérieuse, non seulement de la vie du Fondateur, mais encore de l'histoire de sa Famille spirituelle, en cherchant à découvrir dans les apports des événements d'hier, ce qu'ils contiennent de vitalité et de prophétie pour l'avenir : c'est faire montre de docilité au Donateur du charisme. L'Esprit-Saint est toujours nouveau ; on ne sait d'où il vient, ni où il va ; mais il fait croître et mûrir ; les moyens de se mettre en accord et en harmonie avec Lui sont l'écoute priante et le discernement éclairé.
En parcourant la vie de notre Fondateur, nous pouvons nous faire une idée du labeur qu'implique cette docilité à l'Esprit. C'est avec raison qu'on a pu dire de Don Bosco qu'il apparaissait tel un « mystère » (même, et surtout, à ses amis) parce qu'il était entièrement ouvert à l'Esprit du Seigneur, qui ne lui révélait pas d'où il venait ni où il le conduisait. Mais, dès le songe de ses neuf ans, songe qu'arrivé à l'âge mûr il rappela souvent et souvent médita, Don Bosco connaissait intuitivement et globalement, en des symboles éloquents : son champ d'action, sa méthode pédagogique, le dévouement généreux et intelligent à déployer, la nécessité de collaborateurs pour réaliser et poursuivre une mission aussi urgente. Entre-temps lui-même a dû accomplir un long travail de discernement, concernant sa personne d'abord, - pour identifier clairement sa mission de Fondateur, - et puis concernant la fondation elle-même, de manière à donner une physionomie concrète et une organisation valable à sa Famille spirituelle. Il passa ainsi par différentes étapes de clarification pour aboutir finalement à donner une identité et une structure propre, premièrement aux Salésiens, ensuite aux Filles de Marie Auxiliatrice et finalement à vous, ses Coopérateurs.
Ces trois Groupes, principaux titulaires de son charisme, ont reçu, du Concile Vatican II, l'invitation à imiter leur Fondateur en restant ouverts aux exigences du développement constant du Corps du Christ en perpétuelle croissance ; ce faisant ils demeuraient fidèles à leur nature historique ecclésiale.16
Votre Association, déjà présente et vivante dès l'origine de l'Oratoire (le Décret d'approbation du 9 mai 1986 évoque la figure exemplative de Maman Marguerite),17 a reçu un regain de vitalité du Concile Vatican II. L'expérience et la longue genèse de votre passé doivent éclairer la fidélité dynamique, nécessaire aujourd'hui, en cette heure de renouveau qui exige une adhésion sincère aux origines et une disponibilité ouverte aux temps nouveaux.
Il faut indiscutablement consacrer tous nos soins à l'organisation de l'Association ; d'ailleurs le nouveau texte du Règlement a veillé aux structures. Mais ce n'est là qu'un aspect, disons, instrumental. Ce qui doit nous préoccuper, c'est la vitalité du charisme, c'est-à-dire de cette énergie de charité qui recrée l'ardeur, l'inventivité, la générosité et l'infatigable dynamisme apostolique de Don Bosco, de Maman Marguerite et des premiers collaborateurs du Valdocco.
Le chemin à parcourir, pour assurer ce regain de vitalité, passe d'abord et avant tout par le cœur de chacune de vos personnes : le don de l'Esprit-Saint va à l'homme intérieur. Les valeurs évangéliques contenues dans le nouveau Règlement ont besoin d'être « personnalisées ». Les porteurs d'un charisme dans l'Église sont toujours des « personnes » que le Seigneur a appelées «par leur nom» et qui ont entendu ce « tu » de prédilection, début d'une alliance à vivre dans l'amitié, la joie et la fidélité. Chaque personne ressent alors la vive responsabilité de faire fructifier dans l'Église le don reçu. Le cœur de chaque Coopérateur et de chaque Coopératrice est dépositaire d'une alliance de salut, enrichi d'une grâce spéciale qui le fait participer à la puissance de l'Esprit du Seigneur, le pousse et l'habilite à lancer son action dans le courant de l'histoire, collaborant à l'importante mission ecclésiale assignée à Don Bosco.
Il s'agit donc de raviver et de revigorer vos personnes mêmes et de consacrer tous vos soins à ce qui fait l'âme de l'Association et lui infuse vie et essor.
Responsabilité des animateurs.
Revigorer les personnes et l'âme de l'Association renvoie obligatoirement à deux pôles qu'il faut constamment repenser pour que s'établisse une tension féconde : le premier pôle est le patrimoine spirituel reçu du Fondateur, le second est la réponse à donner aux interpellations socioculturelles du moment.
Ces deux pôles doivent être présents à l'esprit de ceux-là surtout qui animent votre Association, je veux dire les Dirigeants des Coopérateurs, les Provinciaux et Provinciales, les Délégués et Déléguées SDB et FMA, mais aussi chaque Coopérateur et chaque Coopératrice.
L'avenir de l'Association est étroitement lié à une compréhension actuelle, réaliste et renouvelée du don apostolique que Dieu a fait à l'Église en Don Bosco.
C'est pourquoi les animateurs, à quelque Groupe qu'ils appartiennent, doivent être conscients du chemin parcouru par Don Bosco dans sa vocation de Fondateur et connaître dans son intégralité (et non seulement ce qui regarde leur propre Groupe) la vraie dimension du charisme qui lui fut confié. Vous en constituez, vous les Coopérateurs et Coopératrices, une partie vivante et essentielle, parce que Don Bosco ne considéra pas son œuvre de Fondateur comme achevée, avant d'avoir érigé votre « Pieuse Union ». Dans son esprit et dans son cœur, vous étiez les frères et les sœurs « externes ». Admirez le début de sa lettre de janvier 1881 aux Coopérateurs et aux Coopératrices : « Je me présente à vous d'un cœur reconnaissant, ô estimés confrères et consœurs en Jésus-Christ ».18
Dans la bouche de Don Bosco, l'expression « une sorte de tiers ordre » qu'il utilisait pour expliquer la nature de votre Association, avait un sens spécial, qui soulignait un certain aspect bien particulier ; en effet, quand il disait « une sorte de » tiers ordre, il voulait vous distinguer nettement des anciens tiers ordres qui visaient surtout le soin à donner à la vie de piété, alors que votre Association a été créée pour traduire les engagements de votre Baptême et de votre Confirmation dans des œuvres de charité concrètes en faveur surtout de la jeunesse.19
Mais bien au-delà de cette expression de tiers ordre (qu'on ne retrouve nulle part dans la tradition salésienne, parce que ni les Salésiens, ni les Filles de Marie Auxiliatrice ne sont des « ordres »), il y a une mission commune que nous devons accomplir ensemble en unissant toutes les forces disponibles.
2. LES ASPECTS ESSENTIELS DE VOTRE IDENTITÉ DE SALÉSIENS EXTERNES.
Comme nous l'avons vu, Don Bosco a voulu faire participer à sa vaste mission le plus grand nombre possible de personnes. Il appréciait la collaboration des membres du clergé diocésain, à cause de leur compétence reconnue d'animateurs pastoraux, mais il désirait aussi un grand nombre de laïcs. Il voulait réveiller en eux « l'esprit catholique »,20 leur faire comprendre l'urgent « besoin de réunir les bons chrétiens pour promouvoir le bien et combattre le mal, parce que l'union fait la force ».21 Il cherchait à traduire la religiosité des chrétiens et leurs sens de la prière en des œuvres de charité. « Aujourd'hui, disait-il, en plus de la prière, qui jamais ne peut être absente, il faut travailler et travailler intensément, sinon nous courons à la ruine ».22 Bref, il voulait, « secouer de nombreux chrétiens, en les tirant de leur langueur, pour répandre l'énergie de la charité ».23
L'énergie de la charité chez les laïcs.
La mission de Don Bosco comportait beaucoup de tâches laïques, liées surtout à l'éducation de la jeunesse populaire en vue d'améliorer la société. « Voulez-vous faire une bonne chose - demandait-il précisément aux Coopérateurs - éduquez la jeunesse. Voulez-vous faire une chose sainte ? Éduquez la jeunesse. Voulez-vous faire la chose la plus sainte ? Éduquez la jeunesse. Voulez-vous faire une chose divine ? Éduquez la jeunesse. Bien plus, (au dire des Pères), parmi les choses divines, c'est la plus divine ».24 Et il disait encore : « Cette Association a pour but d'unir les bons chrétiens pour faire du bien à la société ».25
Or c'est dans ce domaine que l'Église progresse à grands pas, surtout depuis Vatican II. Aujourd'hui la conscience du laïc, en tant que membre agissant du Peuple de Dieu, dispose de bien plus de lumières qu'au siècle passé, et devant lui se sont ouverts de nouveaux et vastes horizons sociaux et ecclésiaux.
Dès lors votre Association a besoin d'approfondir et d'assimiler, toujours davantage, la doctrine conciliaire concernant le laïcat : à savoir les responsabilités du sacerdoce baptismal et de la confirmation, l'insertion dans l'Église locale, les défis que les changements socioculturels lancent à la foi, la doctrine du Magistère concernant les tâches temporelles, le témoignage chrétien de la vie familiale, les valeurs de la laïcité authentique, située à cent lieues des déviations du laïcisme, etc...
Les moyens indispensables pour approfondir cette conscience sont ceux dont dispose tout bon chrétien : l'écoute de la Parole de Dieu, et la méditation de ses enseignements ; la réflexion sur les textes de Vatican II et sur les directives pastorales du Pape et des Évêques ; la pratique quotidienne de la prière et la fréquentation normale des sacrements de Pénitence et d'Eucharistie ; l'acceptation du mystère de la Croix, surtout dans les situations où la vie exige de nous une ascèse consciente et courageuse ; le dévouement dans telle ou telle activité apostolique.
Plus particulièrement, il est indispensable d'assurer, grâce à une formation valable des animateurs, la connaissance des aspects qui caractérisent la « spiritualité du laïc » comme tel.
Parmi ces aspects citons les plus significatifs :
- L'animation chrétienne des tâches temporelles ; elle fait partie, essentiellement, de la mission du laïc, tant au sein de la famille, que dans le milieu culturel et social. Le laïc doit se sentir simultanément «citoyen» et « chrétien » et exprimer sa foi au Christ à travers l'effort constant de la transformation du monde.
- Une sensibilité, avivée par la foi, qui incite le laïc au discernement continuel des « signes des temps », en accord avec son Église locale, et à l'engagement actif et typiquement chrétien dans le processus de « libération sociale », compte tenu des situations concrètes. Le laïc est appelé à collaborer à la croissance d'une culture plus vraie, d'une civilisation du travail plus juste, d'une solidarité humaine plus universelle : tâche exigeante du Peuple de Dieu (à réaliser dans les différentes vocations).
- Le souci attentif du « quotidien » dans toute l'extension de la vie séculière ; celle-ci, quelque cachée et modeste qu'elle soit, constitue pour la charité du laïc une mine inépuisable de témoignage évangélique, vrai et pratique. Ainsi le laïc peut-il donner des preuves, en un monde qui passe, des ressources vitales de l'espérance chrétienne.
- Le soin scrupuleux de la propre compétence professionnelle et de tout ce qui a trait à l'exercice correct et au perfectionnement constant de cette profession, de manière à donner, à l'existence du laïc, le sens exact de sa participation à la mission de l'Église qui consiste précisément « à pénétrer et à parfaire, par l'esprit évangélique, l'ordre temporel ».26
- Enfin une conscience toujours plus vive de ce qu'affirme le Concile : « Les circonstances actuelles réclament des laïcs un apostolat toujours plus intense et plus large »,27 y compris dans le domaine de l'évangélisation et de la sanctification, où s'offrent à eux « d'innombrables occasions» d'apostolat, bien au-delà du seul «témoignage de la vie ».28 Dans ce sens, le Concile a souligné l'importance, pour les laïcs, de l'apostolat organisé ; en effet, les associations « soutiennent leurs membres, les forment à l'apostolat, ordonnent et dirigent leur action apostolique, de telle sorte qu'on peut en espérer des fruits plus abondants ».29
Et c'est ici qu'apparaît, comme une manière globale d'évangéliser, le précieux héritage du style original de vie chrétienne, vécu d'abord puis lancé par Don Bosco, pour vous, chers Coopérateurs et Coopératrices, à savoir son « esprit salésien ». La « spiritualité laïque » mentionne, de manière générale, un ensemble d'aspects à promouvoir, mais cela peut se faire de bien des manières. L'« esprit salésien », quant à lui, suggère une façon typique et sûre de le faire.
L'esprit salésien de Don Bosco.
« Guidé par l'Esprit-Saint, dit le texte de votre Règlement rénové, Don Bosco a vécu et transmis, aux membres de sa Famille, un style particulier de vie et d'action : l'esprit salésien.
C'est une expérience évangélique originale. Elle donne une allure et un caractère concrets, aussi bien à la présence et à l'action dans le monde, qu'aux relations avec le prochain et aux rapports avec Dieu. Elle jaillit du cœur même du Christ et se nourrit de prière et de dévouement apostolique. Elle imprègne toute la vie et la transforme en un témoignage d'amour.
Le Coopérateur accueille cet esprit comme un don du Seigneur à son Église et il le met en œuvre, à la manière séculière, qui est la sienne ».30
Nous trouvons, dans cet article, l'idéal que doit poursuivre votre effort de formation salésienne. L'amour chrétien est une vie vécue, qu'on ne peut simplement ramener à une doctrine, ni même à une spiritualité générique. Il s'exprime et se vit comme une synthèse concrète, avec une physionomie bien définie.
Quand le Règlement parle d'« esprit salésien », il entend décrire les traits caractéristiques de l'expérience évangélique réalisée à l'école de Don Bosco, à savoir un style de vie particulier, un ensemble de principes et de façons d'agir (de méthodes d'action).
Ce n'est, ni une analyse conceptuelle des relations de l'homme avec Dieu et le prochain, ni l'exposé doctrinal de la spiritualité de tel état de vie ou de tel ministère, mais la description des traits spirituels caractérisant la physionomie de la vocation salésienne.
Le Règlement considère attentivement les traits visibles et concrets (la typologie) qui, dans la pratique, distinguent cette vocation, mettant en relief quelques-unes de ses caractéristiques, de manière à préciser sa physionomie spirituelle propre.
De même que la nature humaine, essentiellement commune à tous les humains, s'exprime en des traits particuliers de physionomie, ainsi, de façon analogue, la vie baptismale présente des modèles de sainteté, avec des caractéristiques individuelles propres, qui sont à l'origine des différentes écoles de spiritualité. Dans ces écoles, la « spiritualité » d'un ministère ou d'un état de vie se coule dans un «esprit» particulier qui exprime telle manière de suivre le Christ (tel type de « sequela Christi »),
Dans notre « Famille de Don Bosco» se retrouvent en fait, dans le réceptacle commun de l'«esprit salésien », diverses « spiritualités » : laïque, sacerdotale, religieuse, conjugale, de consécration séculière, etc...
Don Bosco disait, précisément à votre sujet, que les Coopérateurs vivent et témoignent « dans le monde » de l'esprit dont les Salésiens et les Filles de Marie Auxiliatrice sont animés dans leur « vie consacrée ».
Vous êtes en effet appelés à vivre le même esprit de Don Bosco dans la condition séculière qui est la vôtre. Le rôle de votre vocation consiste à savoir incarner les valeurs générales de la spiritualité laïque (si vous êtes des laïcs) ou sacerdotale et diaconale (si vous êtes prêtres ou diacres séculiers) dans le style caractéristique de sainteté et les méthodes d'action du charisme de Don Bosco. C'est un esprit de communion que vous ne vivez pas en isolés, ou de façon individuelle, mais au contraire en tant que membres d'une Association qui apporte à chacun l'identité, la vitalité, l'appui, la vérification, la joie et l'espérance d'une profonde fraternité évangélique : « N'ayant qu'un cœur et qu'une âme - dit le Règlement -ils vivent dans la communion fraternelle, unis par les liens caractéristiques de l'esprit de Don Bosco ».31
Le code de Droit canonique lui-même, après avoir affirmé, en parlant d'Associations telles que la vôtre, qu'il s'agit de fidèles qui « vivant dans le monde, participent à l'esprit d'un institut religieux »,32 exhorte ces Instituts de vie consacrée à aider ces Associations « avec un soin spécial pour qu'elles soient imprégnées de l'esprit authentique de leur Famille ».33
Cet « esprit » est une composante vitale du charisme du Fondateur. C'est, dans notre Famille, une harmonie de forces intérieures, - qui nous rend capables de réaliser la mission - qui perfectionne l'optique selon laquelle nous voyons les choses, - qui développe en nous une sensibilité particulière aux problèmes des jeunes et des petites gens, - qui renforce une mentalité équilibrée et positive, - qui nous fait saisir le bonheur d'être nés et la prédilection dont nous sommes l'objet pour avoir été appelés chacun par notre nom, - qui implique surtout la croissance de la contemplation joyeuse du mystère de Dieu : du Père de miséricorde qui, par amour, crée et pardonne, du Fils Rédempteur qui, par amour, s'incarne et se sacrifie, de l'Esprit Consolateur qui, par amour, transforme et sanctifie.
Ainsi l'esprit de Don Bosco nous apparaît dans tout l'éclat d'un don précieux fait à l'Église.
Supposant donc, à la base de votre conscience d'Associés, cet «esprit salésien», vous devez entretenir le dynamisme intérieur qui en découle car il est l'âme de votre Association.
- Le Règlement présente avant tout, comme condition fondamentale de cet esprit, un type particulier de «vie de foi» qui soit vraiment «engagée» dans le quotidien.
Cette condition comprend deux attitudes déterminantes.
En raison de la première, le Coopérateur «perçoit Dieu comme Père et comme Amour sauveur. Il rencontre, dans le Christ Jésus, le Fils unique et le parfait Apôtre du Père. Il vit dans l'intimité de l'Esprit-Saint, puissant Animateur du Peuple de Dieu envoyé au monde». Il s'agit donc d'un type de vie intérieure qui trouve, en Dieu même, l'impulsion d'une intense activité salvifique,34 l'ardeur de l'apostolat et du « da mihi animas » ! Là se trouve la racine, ou « l'aspect le plus profond de votre vocation : être en toute vérité des 'Coopérateurs de Dieu' dans la réalisation de son dessein de salut ».35
La seconde attitude tient en ceci : se sentir appelés et envoyés pour une mission concrète : celle de « contribuer au salut de la jeunesse »,36 en s'engageant « dans la même mission, celle de Don Bosco, auprès de la jeunesse et du peuple ».37
Ainsi tout Coopérateur, en raison même de son expérience intérieure du mystère de Dieu, vit une foi engagée, qui le rend « intimement solidaire du monde où il vit et où il est appelé à être lumière et levain ; il croit aux ressources intérieures de l'homme ; il accueille les valeurs de sa propre culture ; il accepte les nouveautés avec un sens critique chrétien et il intègre dans sa vie ' tout ce qui est bon ', surtout si cela plaît aux jeunes ».38
Voilà pourquoi il y a au centre de l'esprit salésien, telle « une impulsion mystique », cette charité pastorale qui presse inlassablement de travailler pour le Seigneur. Don Bosco l'a synthétisée et exprimée dans sa devise : « Da mihi animas, coetera tolle », et il l'a éminemment illustrée par sa vie « en rendant présent, parmi les jeunes, l'amour miséricordieux de Dieu Père, la charité salvifique du Christ Pasteur et le feu de l'Esprit qui renouvelle la face de la terre ».39
- Don Bosco a voulu ensuite revêtir cette ardeur apostolique de bonté simple, cordiale et joyeuse ; c'est un style de vie et d'action qui « tend à susciter des rapports de confiance et d'amitié, créant ainsi autour de soi un climat de famille fait de simplicité et d'affection. Tout Coopérateur est un artisan de paix qui cherche dans le dialogue la lumière et la bonne entente ».40 C'est là une caractéristique vraiment distinctive de l'esprit de Don Bosco ; lui-même a voulu désigner ce style en choisissant le qualificatif « salésien », parce qu'il voyait en saint François de Sales un « modèle d'amabilité, de zèle apostolique et d'humanisme véritable ».41
Il a projeté ce style dans la pratique, à travers cette façon de traiter avec les jeunes, qu'il appelle le « Système préventif », dite aussi « méthode de la bonté ».
Ce « Système préventif » en effet :
- « a recours à la persuasion et non à la contrainte, fait appel aux ressources intérieures de la personne, pour qu'elle devienne progressivement responsable de sa propre croissance ;
- croit à l'«action invisible de la grâce dans le cœur de tout homme» et à la valeur éducative de l'expérience de la foi ;
- a confiance en la force transformante de l'amour, et cherche à gagner le cœur. Le « salésien » s'applique à se faire aimer, dans la transparence et la maturité ».42
Cette bonté se manifeste dans un climat d'espérance joyeuse qui crée la sympathie, répand l'optimisme et suscite la joie. C'est une expression du bonheur intérieur qui naît de la dimension pascale de la foi chrétienne, porteuse de la suprême nouveauté, et en profonde harmonie avec les inclinations de la psychologie des jeunes.
- Intimement lié à l'« impulsion mystique » de la charité pastorale devenue bonté, l'esprit salésien comporte encore une exigeante « méthodologie ascétique », parée du sourire d'un visage épanoui. Don Bosco a formulé cette ascèse dans ce binôme très réaliste : « travail et tempérance ».43
L'esprit salésien comporte une vraie « ascèse de l'action », vécue avec constance parmi les fatigues et les difficultés quotidiennes : c'est la croix personnelle à porter volontairement en « bons Cyrénéens ». L'esprit salésien comprend une discipline constante et réfléchie, visant la maîtrise des passions et des inclinations, d'une part pour parvenir à l'équilibre du parfait contrôle de soi dans la conduite et, d'autre part, pour acquérir un sage esprit critique, face aux idéologies en vogue, de manière à donner un visage à la prudence chrétienne en action.
Dans l'esprit salésien, « ascétique » et « mystique » se compénètrent, suivant l'enseignement de la 2e lettre de saint Pierre : « Faites tous vos efforts pour joindre à votre foi la vertu, à la vertu la connaissance à la connaissance la maîtrise de soi, à la maîtrise de soi la ténacité, à la ténacité la piété, à la piété l'amitié fraternelle, à l'amitié fraternelle l'amour ».44
- Pour garder et développer cet «esprit» (décrit dans le chapitre 4 de votre Règlement) Don Bosco a reconnu au fil de son expérience une constante protection de la Vierge Marie, non seulement parce qu'il a pu vérifier « son intervention maternelles »45 au début et tout au long du développement de sa vocation, au point le la considérer toujours comme « Guide et Maîtresse de vie », mais surtout parce que, plus universellement, dans l'histoire même du salut, Elle « a collaboré d'une manière absolument unique à l'œuvre du Sauveur, ne cessant d'apporter au Peuple chrétien sa coopération de Mère et d'Auxiliatrice ».46 Ajoutons ce motif particulier : la charité pastorale de votre Association consiste dans l'« imitation de la sollicitude maternelle de Marie qui intercède pour le Coopérateur et l'aide à porter chaque jour son témoignage ».47 En effet, par « sa présence vivante », Marie est Auxiliatrice des chrétiens et «guide spéciale de la Famille salésienne ».48
3. POUR UNE REPRISE DE L'ASSOCIATION.
La promulgation solennelle du Règlement constitue certainement, chers Coopérateurs et chères Coopératrices, un événement qui appelle une reprise de l'Association. Je voudrais réunir ici quelques directives pratiques qui puissent vous aider à prendre des décisions concrètes.
De quelques activités particulièrement attendues.
- La première de toutes est évidemment l'étude, l'assimilation et la mise en œuvre des valeurs contenues dans votre Projet de vie apostolique. C'est là un travail de formation permanente pour une vie spirituelle plus intense, de type séculier,49 capable de faire pénétrer les valeurs évangéliques de l'esprit salésien dans le tissu de la vie quotidienne (faite de rapports familiaux, professionnels, culturels, sociaux et ecclésiaux). Il importe, aujourd'hui plus que jamais, de renforcer « l'homme intérieur » ; cet effort assurera l'identité salésienne de chacun et stimulera en même temps l'Association elle-même et toute la Famille salésienne.
- Cet effort doit s'accompagner d'une attention particulière aux enseignements de Vatican II sur la sécularité, et en particulier sur la vocation et la mission du « laïc » dans l'Église. La doctrine conciliaire nous demande d'avoir plus largement et plus courageusement conscience « de nous sentir catholiques », dans un monde pluraliste, où progresse insidieusement la terrible tentation de l'enlisement dans le temporel. Le matérialisme, qui caractérise notre époque et ravage de larges couches de la société, n'est pas autre chose que le terrible « péché contre le Saint-Esprit » qui n'a pas de rémission.
À cet égard le Pape, dans sa récente encyclique « DOMINUM ET VIVIFICANTEM », nous dit que dans une mentalité matérialiste, « l'horizon des valeurs et des fins de l'agir est étroitement lié à l'interprétation de la totalité de la réalité comme ' matière ' ; (il se présente dès lors comme) le développement systématique et cohérent de la ' résistance ' et de l'opposition dénoncées par saint Paul lorsqu'il dit : « La chair… s’oppose à l’esprit ».50
Aujourd'hui le catholique a une mission imprescriptible, celle de proclamer et de témoigner pour la présence active de l'Esprit-Saint dans l'histoire et pour les valeurs qu'Il apporte dans la vie des personnes, des familles et de la société.
- Il faut ajouter que la croissance de la vie intérieure entraîne nécessairement avec elle, chez un Coopérateur salésien, la révision et l'intensification de ses initiatives apostoliques. De là l'insistant appel à régénérer notre mission de témoignage et d'apostolat : en famille,51 dans le mariage52, dans notre milieu de vie et de travail,53 dans la réalité sociale,54 dans les œuvres salésiennes, « particulièrement dans les patronages, les centres de jeunes, les écoles ».55 Il faut reconnaitre que les structures des Salésiens et des Filles de Marie Auxiliatrice offrent aux initiatives apostoliques un champ d'action très concret. Et il faut encore rappeler ici, notamment à l'adresse des jeunes Coopérateurs, le domaine du volontariat missionnaire, si vaste et si actuel.
Quelle que soit sa situation, le Coopérateur doit se sentir concerné par notre commune mission, et invité à prendre des initiatives et des responsabilités personnelles, bien entendu « dans la mesure de ses capacités et de ses possibilités ». De cette manière chacun enrichira l'identité de l'Association et de toute la Famille salésienne :
• les Coopérateurs adultes ou âgés offrent, dit le nouveau texte de votre Règlement, les richesses d'une mûre expérience et d'une longue fidélité ;
• les jeunes Coopérateurs, porteurs du dynamisme des générations nouvelles, concourent à la mission commune par leur dévouement et leur sensibilité propre ;
• les Coopérateurs plongés dans l'épreuve ou dans l'impossibilité d'agir, fécondent l'apostolat de tous les autres, en offrant leurs souffrances et leur prière ;
• les Coopérateurs prêtres et diacres concourent de façon très utile par le service de leur ministère, spécialement pour la formation et l'animation ».56
- Un domaine particulièrement urgent à promouvoir, dans la fidélité au Magistère, est l'enseignement social de l'Église.
Il est d'une brûlante actualité, très délicat et complexe, ignoré et contrefait, défiguré avec désinvolture. Il est pourtant à la base de tout l'effort chrétien pour le renouveau de la société et pour l'avènement d'une civilisation de l'amour.
Sur ce sujet, l'enseignement des Pasteurs nous donne les principes de base, les critères de jugement et les directives pour un effort urgent de transformation culturelle comprenant l'éducation des individus, la solidarité des peuples, et l'humanisation intégrale du travail. Nous trouvons une synthèse éclairante de ces directives au chapitre 5 de la récente Instruction vaticane sur « La liberté chrétienne et la libération ».57
L'article 11 de votre Règlement exprime, de manière synthétique, l'attitude du Coopérateur face à ces exigences ecclésiales. Même si l'Association, en tant que telle, « demeure étrangère à toute politique de parti », toutefois elle porte intérêt à une solide formation de ses membres en ce domaine ; en effet, « elle intervient courageusement, selon les directives de l'Église locale, pour promouvoir et défendre les valeurs humaines et chrétiennes. Elle éclaire et engage chaque Coopérateur à assumer ses responsabilités dans la société ».58
- Un autre champ d'action où la Famille salésienne a décidé de progresser, fidèle en cela à Don Bosco, est celui de la Communication sociale, pour le service notamment de la jeunesse à éduquer et des milieux populaires dont il faut former la conscience. Aujourd'hui les Coopérateurs doivent assurer une présence chrétienne dans ce vaste monde des « medias », surtout là où s'élaborent les projets et les programmes touchant à des points névralgiques pour la formation d'une conscience chrétienne. La communication sociale est actuellement, en fait, la voie la plus incisive par où s'implante une nouvelle culture. Elle agit, en effet, puissamment sur l'opinion publique et projette la physionomie de la cité nouvelle. Apportons tous nos soins à favoriser la formation professionnelle et les interventions de ceux, parmi nous, qui sont compétents en la matière.
Le Règlement considère l'engagement des Coopérateurs, dans ce domaine, comme une « activité typique » à privilégier. En effet, « la communication sociale est créatrice de culture et propage parmi le peuple des modèles de vie ».59
- Enfin j'aime vous rappeler, parmi les activités à privilégier, la collaboration avec les autres Groupes de la Famille salésienne et la communion fraternelle.60 Vous l'assurerez « par l'information, la connaissance réciproque, l'aide mutuelle au plan spirituel et formatif, la participation aux tâches apostoliques communes ».61
À ce propos, il faut améliorer les services d'information. Ils font circuler les expériences, les nouvelles, les témoignages, les initiatives qui stimulent et haussent le niveau spirituel et apostolique.
Favorisons surtout et avec constance, dans toutes les nations, la diffusion et la qualité du Bulletin salésien. Don Bosco y rattache l'existence même des Coopérateurs et leur apostolat.
Un sentiment plus vif des exigences de la communion et de la collaboration, au sein de la Famille salésienne, tournera au bien de l'Église, et au bien des Églises particulières où vivent les différents Groupes.
Raviver ce sentiment de Famille ne signifie pas nous enfermer dans un « esprit de chapelle », mais au contraire réaliser « ensemble » le charisme de Don Bosco et apporter à l'Église locale un don salésien plus authentique et plus efficace.
Un Mouvement spirituel.
Encore un mot d'encouragement.
J'ai lu et relu la dernière encyclique, « DOMINUM ET VIVIFICANTEM » de notre Pape Jean-Paul II. C'est une méditation très profonde et très lucide qui nous fait saisir combien le « Mystère » de Dieu s'insère dans l'histoire des hommes à travers la présence vivifiante de l'Esprit-Saint.
Par-delà les myopies idéologiques en vogue, l'Esprit du Seigneur nous fait distinguer les inclinations de la « chair », de celles de « l'esprit », et nous offre la puissance de l'amour comme le seul moteur du devenir de l'homme, nous libérant des divers déterminismes dérivés du matérialisme. À la lecture de l'encyclique, vous pourrez mieux saisir les forces en présence dans le combat entre le bien et le mal tel qu'il se manifeste dans la société actuelle : la « vie selon l'Esprit » et le « péché contre l'Esprit ».
Le Pape nous invite tous à renforcer « l'homme intérieur », déjà dès à présent, en préparation au grand Jubilé par lequel l'Église célébrera l'an deux mille. Il faut réveiller une sensibilité eschatologique, promesse d'une plus vive espérance, en ce temps marqué déjà par la proximité du troisième millénaire du christianisme. L'homme est « la route de l'Église », mais seulement en tant qu'homme intérieur, parce que « Dieu transforme le monde humain de l'intérieur, dans les cœurs et dans les consciences. »62 Voilà pourquoi l'Église est en définitive « le cœur de l'humanité ».63
Depuis Vatican II, écrivait le Pape Paul VI, « nous vivons, dans l'Église, un moment privilégié de l'Esprit. Partout on cherche à mieux le connaître, tel que l'Écriture le révèle, on est heureux d'entrer sous sa mouvance, on s'assemble autour de lui, on veut se laisser conduire par lui ».64
L'Esprit-Saint est précisément celui qui nous apporte un « nouveau commencement », une « nouvelle création » et encore « l'homme nouveau » : il se présente comme Celui qui est Seigneur et qui donne la vie, celui qui « par une providence admirable, conduit le cours des temps et rénove la face de la terre ».65
Notre Famille salésienne est convaincue de la présence vivifiante de l'Esprit-Saint à l'origine de sa propre vocation ; de plus elle a considéré les consignes et travaux postconciliaires de ces deux dernières décades (au cours desquelles ont été réélaborés les textes fondamentaux précisant l'identité des trois Groupes fondés par Don Bosco) comme un chemin de docilité à l'Esprit-Saint, qui nous a visités, pour que nous actualisions et mettions en valeur le charisme qu'Il avait donné à notre Fondateur.
Aujourd'hui, nous nous sentons invités, tous ensemble, par l'Esprit Créateur, à mettre en route un vrai « Mouvement spirituel », c'est-à-dire, une façon nouvelle de vivre notre commune vocation qui s'enracine dans une vie intérieure apostolique plus authentique, qui s'ouvre sur une créativité pastorale plus actuelle, qui intervienne plus vigoureusement au plan social en faveur des jeunes et pour l'évangélisation des cultures et des milieux populaires, qui ressente plus largement les préoccupations missionnaires, qui réveille le courage et la joie de l'appartenance à une Église catholique en dialogue œcuménique.
Dans ma lettre sur la Famille salésienne, écrite en février 1982, j'avais choisi les deux adverbes « en avant » et « ensemble » comme une consigne qui devait nous conduire vers quelques objectifs de renouveau. Je pense que l'expression « Mouvement spirituel » interprète au mieux cette consigne, car elle synthétise et exprime plus concrètement ce que nous entendons raviver, à savoir : la « vie dans l'Esprit », tant pour chacun de nous que pour chacun de nos Groupes. Nous voulons témoigner de notre vocation par une plus profonde vie intérieure, une communion plus fraternelle, un dynamisme plus agile, une pastorale plus flexible, une présence plus attrayante et plus prégnante pour les jeunes, et aussi plus efficace au plan social.
À cette fin nous devons tous faire preuve de docilité et d'attention à l'Esprit-Saint, à sa présence animatrice et aux résultats de la visite qu'Il nous a faite au cours des travaux de réélaboration de nos « cartes d'identité ».
Nous ne prétendons pas nous organiser en bataillons compacts et bruyants (encore que les clameurs des jeunes ne soient pas pour nous déplaire), mais nous désirons créer un authentique tissu social chrétien, dans le rayon de notre action, même modeste, là où nous nous trouvons. Notons que ces présences sont répandues, en grand nombre, dans tous les Continents.
66La Famille salésienne, se présentant comme un Mouvement spirituel, proclamera l'actualité du charisme de Don Bosco pour notre temps et pour les temps à venir. Aussi bien, tout vrai charisme se caractérise, au dire du document « Mutuae Relationes », par « une vérification continuelle de la fidélité au Seigneur, de la docilité à son Esprit, de l'attention intelligente aux circonstances et aux signes des temps, de la volonté d'insertion dans l'Église, de la subordination à la hiérarchie, de l'audace dans les initiatives, de la constance dans le don, de l'humilité pour supporter les contretemps ».67
Don Bosco encourageait chaque Coopérateur et chaque Coopératrice à être vraiment des « catholiques », à la foi convaincue et vécue, courageux et entreprenants : « N'ayez pas peur ! Dieu est avec l'Église, tous les jours, jusqu'à la fin des siècles ; c'est aux méchants qu'il convient d'avoir peur face aux bons et non aux bons d'avoir peur face aux méchants » ;68 « Combattons avec le Pape pour la cause de l'Église, qui est celle de Dieu ! Prenons courage ! Travaillons avec cœur. Dieu, en bon maître, saura nous payer notre salaire. L'éternité sera assez longue pour nous reposer ».69
4. PRÉSENCE VIVANTE DE L'AUXILIATRICE.
Chers Coopérateurs et chères Coopératrices, j'en arrive à ma conclusion. L'étude et l'intériorisation du nouveau texte de votre Règlement de vie apostolique doit marquer le début d'une nouvelle étape dans la vie de l'Association. Nous nous aiderons mutuellement par la prière, les initiatives de services réciproques et d'organisation, les efforts pour une meilleure formation et surtout pour affronter les besoins urgents en vocations. Notre Conseiller pour la Famille salésienne et la Vicaire générale des Filles de Marie Auxiliatrice sont déjà contactés et prêts à lancer des animateurs et des animatrices pour cette nouvelle étape de croissance. Mais avant tout, nous mettons notre confiance en la Vierge Auxiliatrice, Mère de l'Église. Nous sommes convaincus de sa présence vivante et nous l'invoquons fréquemment.70 Nous nous en remettons à Elle, qui nous guidera et interviendra pour nous comme une mère attentionnée et toujours présente.
Le 23 mai 1884, dans une conférence aux Coopérateurs réunis dans la basilique du Valdocco, Don Bosco leur disait : « Déjà proche de la tombe, je me réjouis immensément de voir qu'au lieu de diminuer, les faveurs de la Vierge augmentent de jour en jour et de toutes parts. Quotidiennement, tantôt d'une région, tantôt d'une autre et parfois de très loin, nous arrivent de longues narrations de grâces extraordinaires, obtenues à l'intercession de Marie Auxiliatrice. Et les Coopérateurs et Coopératrices sont les instruments dont Dieu se sert pour propager toujours davantage la gloire de sa Mère. Vous tous, vous devez en être heureux et donc mettre toute votre confiance dans la protection de Marie ».71
Le nouveau texte du Règlement a été remis le 24 mai dernier à plusieurs de vos représentants, en la basilique du Valdocco, comme s'il venait des mains mêmes de la Madonne. « La date de cet acte solennel - rappelle le Décret de promulgation - est certainement très significative et de grande importance. Le Pape Jean-Paul II, s'adressant à des représentants des Coopérateurs salésiens, venus des cinq Continents pour le Congrès mondial, les exhortait chaleureusement à profiter des ‘suggestions et des inspirations maternelles de Notre-Dame Auxiliatrice, votre puissante et particulière Protectrice’».72
Ainsi donc, ayez confiance en Marie Auxiliatrice ; mettez-vous à l'œuvre... dans l'espérance !
Les Salésiens et les Filles de Marie Auxiliatrice prient pour vous et vous accompagnent.
Quant à moi, je vous recommande à Don Bosco et je vous bénis, tandis que j'admire votre témoignage et vous remercie pour vos multiples et fécondes entreprises.
Croyez à ma vive affection dans le Seigneur.
1 Memorie Biografiche (MB) 11, 309 ; 12, 39.
2 MB 3, 454.
3 Constitutions (C) SDB 5.
4 MB 11, 73 ; 12, 84.
5 MB 11, 73-74.
6 MB 13, 485.
7 Règlement de Don Bosco, chap. III.
8 MB 13, 81.
9 Lanzo, septembre 1877.
10 Opere edite, vol. 29, p. 468.
11 Ibid., p. 469.
12 Cf. Règlement pour les paroisses : MB 18, 697.
13 MB 14, 543.
14 N.B. Il vaut la peine de relire l'étude de don Guido Favini, Il cammino di una grande idea, LDC, Turin 1962.
15 Règlement (R) 5.
16 Mutuae Relationes (MR) 11.
17 R p. 10.
18 Bulletin salésien 1881, janvier 1-3.
19 N.B. Rappelons que l'ancien code de droit canonique (1918) distinguait les « Tiers Ordres » voués à la vie de piété (can. 707 § 1), les « Confréries » vouées au culte public (can. 707 § 2) et les « Pieuses Unions ou Associations » vouées aux œuvres de charité (can. 707 § 1). Le nouveau code donne une signification plus large aux « Tiers Ordres ». Ce sont des associations publiques de fidèles (can. 303 ; en § 2 ; 298-320). Ainsi s'explique que le Décret d'approbation de votre Règlement emploie le mot « Tiers Ordre ».
20 Guido Favini, Don Bosco e l'apostolato dei laici, SEI Turin 1952, p. 85.
21 Ibid., p. 79.
22 Ibid., p. 79.
23 R 50.
24 MB 13, 629.
25 MB 16, 21.
26 Apostolicam actuositatem (AA) 5.
27 AA 1.
28 AA 6.
29 AA 18.
30 R 26.
31 R 19, 1.
32 Can. 303.
33 Can. 677 § 2.
34 R 27.
35 R 27, 3.
36 R 1.
37 R 3.
38 R 29, 1.
39 R 28, 1.
40 R 31, 2.
41 R 28, 1.
42 R 15.
43 R 30, 3.
44 2 P 1, 5.
45 R 1, 1.
46 R 27, 2.
47 R 28, 2.
48 R 35, 1.
49 R 7.
50 DeV 56 = Dominum et Vivificantem – Il est Seigneur et il donne la vie, (18 mai 1986).
51 R 8.
52 R 9.
53 R 10.
54 R 11.
55 R 16 et 17.
56 R 20, 3.
57 Congrégation pour la doctrine de la foi, 22 mars 1986. La liberté chrétienne et la libération. Doc. cath. 20 avril 1986 pp. 393-411.
58 R 11, 2.
59 R 16, 1.
60 R 5.
61 R 22, 1.
62 DeV 59.
63 DeV 67.
64 Evangelii nuntiandi 75 (année 1976).
65 Gaudium et spes 26 § 4.
66 Constitutions SDB 5.
67 Mutuae relationes 12 (année 1978).
68 MB 6, 482.
69 MB 7, 163.
70 R 35, 1.
71 MB 17, 149.
72 R. Décret de promulgation.