1. LETTRE DU RECTEUR MAJEUR
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LA FAMILLE SALÉSIENNE HIER ET AUJOURD’HUI
ETRENNE 2009
150ème anniversaire de la Fondation de la Congrégation Salésienne
INTRODUCTION — Deux événements convergents — 1. La Famille Salésienne hier. 1.1 La “graine” charismatique. 1.2 La graine sous la neige. 1.3 L’arbre et la forêt : un vigoureux développement. — 2. Dans le troisième millénaire : aujourd’hui et demain. 2.1 Sur la route de la communion. 2.2 Communion dans et pour la mission. 2.3 Quelques exigences pour continuer le chemin. — 3. Lignes pour l’avenir. 3.1 Les synergies dans la mission. 3.2 Les ressources. 3.3 Quelques champs d’action pour la collaboration : Les jeunes – La proposition de la vocation – Les Missions – Le Bulletin Salésien. 3.4 Visibilité dans l’Eglise de la présence salésienne comme "Mouvement". 3.5 Une culture de la Famille Salésienne. — 4. Suggestions pour la concrétisation de l’Etrenne. 4.1 Collaborer ensemble à la formation et à l’approfondissement de la mentalité charismatique. 4.2 Promouvoir un engagement partagé. 4.3 Un instrument de communion : la Consulte locale et la Consulte provinciale de la Famille Salésienne. 4.4 Quelques plates-formes de travail en réseau à promouvoir et à développer. — Conclusion. La prière de la Famille Salésienne. – Récit sous forme de métaphore : LES SAPINS.
Rome, 25 décembre 2008
Solennité de la Nativité du Seigneur
Très chers confrères,
à une date si belle et si riche de signification comme peut l’être celle de la Nativité du Seigneur, je me mets en communication avec vous pour vous présenter mes meilleurs souhaits. Que le Père vous enrichisse de ces dons qu’il a voulu nous donner dans l’incarnation de son Fils : avant tout Lui-même, car Jésus est venu nous donner précisément Dieu, et avec Lui son amour, sa joie, sa paix, sa lumière, sa vérité et sa vie.
Depuis la dernière fois où je vous ai écrit pour vous présenter le Projet d’animation et de gouvernement pour les années 2008-2014, le panorama mondial a profondément changé, avec une crise financière et économique sans précédent, qui est en train de mettre en question le modèle occidental. En effet, au niveau atteint, il est évident que la cause de la crise financière ne réside pas seulement dans le manque de transparence et de responsabilités légales, mais dans un ensemble d’erreurs à propos des valeurs sur lesquelles on a, de nos jours, la prétention de construire la société. La crise actuelle est comparée, sous l’angle économique, à la grande récession des années ’30 ; il semble vrai pourtant que la situation soit bien plus grave, parce que cette fois-ci elle est accompagnée d’une profonde crise spirituelle.
Avec raison, lors de la Journée Mondiale de la Jeunesse, Benoît XVI exhortait les jeunes à être cette « nouvelle génération de chrétiens […] appelée à contribuer à l’édification d’un monde où la vie est accueillie, respectée et aimée, [… à] bâtir un avenir plein d’espérance pour toute l’humanité » ; et il ajoutait : « Le monde a besoin de ce renouvellement ! Dans nombre de nos sociétés, à côté de la prospérité matérielle, le désert spirituel s’étend : un vide intérieur, une crainte indéfinissable, un sentiment caché de désespoir. Combien de nos contemporains se sont creusé des citernes fissurées et vides (cf. Jr 2,13) en cherchant désespérément le sens, la signification ultime que seul l’amour peut donner ? C’est là le don immense et libérateur que l’Evangile apporte : il nous révèle notre dignité d’hommes et de femmes créés à l’image et à la ressemblance de Dieu. Il nous révèle la sublime vocation de l’humanité qui est de trouver sa propre plénitude dans l’amour. Il renferme la vérité sur l’homme, la vérité sur la vie ».1 Nous préoccupent surtout la condition d’extrême précarité dans laquelle vit l’immense majorité de la population, et également l’extension du manque d’avenir pour les jeunes.
A cette dramatique situation économique, qui est en train de conduire tant d’hommes et de femmes à vivre dans l’insécurité, provoquée lorsque manquent le travail et tout ce qu’il comporte, parfois simplement pour survivre, s’ajoute la nouvelle vague de violences, parmi lesquelles le massacre en cours dans la zone de Goma avec des millions de personnes déplacées. Je dois dire que je me sens fier des confrères et des volontaires qui sont restés sur place, pour continuer à défendre et à accueillir tous les réfugiés qu’ils pouvaient. Ce drame est à l’origine d’une initiative, appelée “Urgence Congo”, qui a tourné à ce que l’Union des Supérieurs Généraux et l’Union des Supérieures Générales se rejoignent en vue d’apporter leur présence de différentes manières. Je souhaite que finalement à l’avenir les organismes internationaux se décident à intervenir pour garantir les droits de toutes les personnes de cette région si tourmentée.
Durant ces mois, outre les événements qui sont davantage de la famille, il y en eut divers autres, auxquels j’ai pu participer : le Chapitre Général de nos sœurs, les Filles de Marie Auxiliatrice, qui s’est déroulé du 8 septembre au 15 novembre, avec le thème “Appelées à être signe de l’amour prévenant de Dieu” ; l’harambée et l’expédition missionnaire, le dimanche 28 septembre, à l’occasion de laquelle j’ai lancé le défi de préparer une expédition missionnaire extraordinaire pour célébrer le 150ème anniversaire de la fondation de la Congrégation Salésienne ; le Synode des Evêques sur “La Parole de Dieu dans la vie et dans la mission de l’Église”, du 5 au 26 octobre ; la visite à la Province de Bilbao à l’occasion du centenaire de la présence salésienne à Santander ; la Congrégation plénière d’abord et ensuite le Congrès de la Congrégation pour les Instituts de Vie Consacrée et les Sociétés de Vie Apostolique ; l’Assemblée semestrielle et l’Assemblée Générale de l’Union des Supérieurs Généraux ; la Rencontre des Provinciaux d’Europe, du 28 au 30 novembre, pour la concrétisation du “Projet Europe”. Enfin, nous avons repris l’activité ordinaire du Conseil avec la session plénière d’hiver, en commençant par le cours pour les nouveaux Provinciaux.
Ma participation au Chapitre Général des FMA, en tant que Recteur majeur, a été intense et, je le souhaite aussi, significative. Elle a commencé par la prédication de la Retraite Spirituelle à Mornese ; elle a continué par la célébration de l’Eucharistie et la participation à la cérémonie d’ouverture à la Maison Généralice des FMA à Rome ; puis par la visite à Mère Yvonne Reungoat, pour lui présenter mes vœux après son élection comme nouvelle Supérieure Générale, ainsi qu’à tout son Conseil ; et elle a pris fin avec l’Eucharistie de clôture. Pour moi, ce fut non seulement un acte officiellement accompli en tant que Successeur de Don Bosco, notre Fondateur commun, mais surtout un geste d’affection, d’estime et de proximité envers cet Institut, auquel nous sommes étroitement unis, grâce aussi aux salésiennes que nous avons rencontrées le long de notre vie salésienne, et qui ont été pour nous de véritables sœurs. Tout cela est précisément dans la ligne du thème de l’Etrenne de cette année, qui nous invite à redécouvrir ce que voulait Don Bosco : fonder une famille. C’est pour nous une richesse, que nous vivions dans la communion avec vérité, avec intensité, avec conviction. Tout cela au service des jeunes, pour leur salut. C’est aussi pour nous un apport de signification, que nous vivions dans la mission accomplie avec partage, avec qualité, avec engagement. Je formule des souhaits pour qu’en plus de la beauté spirituelle et charismatique de l’expérience vécue par les participantes du Chapitre, le CGXXII puisse signifier pour tout l’Institut un moment de renouveau profond, d’autant plus que nos sœurs ont voulu aller à l’essentiel en se servant, pour en choisir le thème, du premier article de leurs Constitutions, de manière à pouvoir répondre aux attentes actuelles sur la vie consacrée féminine et aux nouveaux besoins de la mission.
Le Synode, qui au cours de l’Année de Saint Paul a retenu pour thème “La Parole de Dieu dans la vie et dans la mission de l’Église”, a été pour moi une expérience belle et tonique. Chaque Assemblée synodale est une forte expérience de communion en Eglise, présidée par le Saint-Père, Vicaire du Christ et Successeur de l’Apôtre Pierre, avec la participation de Cardinaux, d’Archevêques, d’Evêques représentant la Curie et les Conférences Episcopales, auxquels s’ajoutent dix Supérieurs Généraux, plus les invités et les experts. Cette Assemblée a été encore plus significative parce qu’au centre de l’attention a été placé ce qui éclaire et guide l’Eglise : la Parole de Dieu, qui est le Christ en personne. Et même, je me hasarde à déclarer que la plus grande insistance au cours du Synode a été précisément celle mise pour affirmer que la lecture de l’Ecriture Sainte est authentique, pleine, lorsqu’elle conduit à la rencontre avec le Christ aujourd’hui, et que par conséquent le grand défi est de savoir passer “des paroles à la Parole”, des Ecritures au Verbe de Dieu ! Cela n’est possible que lorsqu’on accomplit une lecture priante de la Parole de Dieu, dans l’ouverture à ce que dit l’Esprit à son Eglise.
L’Assemblée, commencée le 5 octobre par l’Eucharistie initiale dans la Basilique Saint-Paul-hors-les-Murs et terminée par l’Eucharistie de clôture dans la Basilique Saint-Pierre, a été organisée non pas comme un congrès intellectuel sur un thème académique ou pastoral à discuter, mais comme une expérience d’écoute religieuse de la Parole, qui se manifestait clairement dans la liturgie (célébrations eucharistiques, prière de Tierce avec sa Lecture respective, et la cérémonie des Vêpres dans la Chapelle Sixtine, à laquelle est intervenu Sa Sainteté le Patriarche Œcuménique Barthélemy Ier) ainsi que dans le déroulement même du Synode.
Je considère comme le fruit le plus précieux l’acquisition d’une conscience renouvelée du fait que la tâche prioritaire de l’Eglise, et donc aussi de la Congrégation, au début de ce nouveau millénaire, est avant tout de se nourrir de la Parole de Dieu, pour rendre efficace l’engagement de la nouvelle évangélisation, de l’annonce de l’Evangile dans notre temps. Je vous signale quelques conséquences pratiques pour notre vie consacrée et notre mission consacrée, que vous pouvez trouver dans l’une ou l’autre des Propositiones approuvées et présentées au Saint-Père : en premier lieu ce que dit la Propositio n. 24 sur la Parole de Dieu et la vie consacrée ; la Propositio n. 31 sur la Parole de Dieu et la formation ; la Propositio n. 14 sur la Parole de Dieu et la Liturgie ; la Propositio n. 22 sur la lecture priante de la Bible ; la Propositio n. 23 sur la Catéchèse et l’Ecriture Sainte ; la Propositio n. 25 sur l’étude de l’Ecriture.
Dans cette perspective le Message du Synode, développé à travers quatre images – la Voix de la Parole : la Révélation ; le Visage de la Parole : Jésus Christ ; la Maison de la Parole : l’Eglise ; les Chemins de la Parole : la Mission – est très évocateur aussi bien pour la vie personnelle que pour l’action pastorale, et je ne peux donc que vous en recommander la lecture attentive et la méditation.
La Propositio n. 2, en particulier, présente un souhait qui est en plein accord avec le message de l’année de Saint Paul et avec le pôle n. 2 du CG26, à savoir “L’urgence d’évangéliser”. Je le fais mien pour nous tous, chers confrères : « Cette Assemblée Synodale exprime le souhait que tous les fidèles croissent dans la conscience du mystère du Christ, unique sauveur et médiateur entre Dieu et les hommes (cf. 1 Tm 2,5 ; He 9,15), et que l’Eglise renouvelée par l’écoute religieuse de la Parole de Dieu puisse entreprendre une nouvelle période d’activité missionnaire, en annonçant la Bonne Nouvelle à tous les hommes ».
La Rencontre des Provinciaux d’Europe, qui s’est déroulée à la Maison Généralice du 28 au 30 novembre, a servi à définir des contenus et des modalités du “Projet Europe”, en obéissance aux lignes d’action du CG26. Comme il a été dit dès le commencement, il ne s’agit pas d’opérer un sauvetage dans un continent marqué par un processus inexorable de vieillissement du personnel, par une maigre arrivée de vocations et par une croissance du nombre de laïcs qui gèrent nos œuvres ; il ne s’agit pas non plus de maintenir les structures et pas davantage de répéter le modèle employé pour le “Projet Afrique”. Ce qui est voulu, comme l’a décidé le Chapitre général, c’est de “relancer le charisme salésien en Europe” (n. 108), d’envisager une présence salésienne renouvelée dans un contexte caractérisé, d’une part, par un grand bien-être, par un merveilleux développement scientifique et technologique, par une forte sensibilité sociale, et, d’autre part, par une laïcisation envahissante, par un relativisme et un nihilisme qui sont devenus “des hôtes remuants”, par une vague incontrôlable d’immigrants.
Cette situation particulière constitue un défi avant tout pour la capacité des confrères en Europe à revitaliser le charisme et à le rendre vivant dans un continent qui plus que jamais a besoin de Dieu, du Christ et de son Evangile ; mais elle demande aussi une intervention de toute la Congrégation, dans la conviction que l’Europe aujourd’hui et demain est encore une terre pour le charisme salésien, pour la présence des jeunes, spécialement ceux qui sont le plus dans la pauvreté et dans l’abandon, pour le besoin d’une éducation capable d’engendrer une culture nouvelle qui fournisse une âme à ce continent, riche d’humanisme et pauvre d’avenir parce que fermé à la transcendance. Si par le passé des milliers de confrères salésiens des différentes nations d’Europe sont allés dans les missions, aujourd’hui l’Europe – comme d’ailleurs le monde tout entier – est devenue elle-même une terre de mission et a besoin d’apôtres porteurs d’un message nouveau, d’une joyeuse nouvelle qui remplisse de sens la vie.
Enfin, le 18 décembre nous avons commencé la célébration du 150ème anniversaire de la fondation de la Congrégation. J’avais en un autre temps écrit une lettre d’invitation à souligner cette année très significative, en donnant des indications précises et en suggérant l’attitude à tenir pour la vivre ; à cela s’ajoutait une série de documents et de moyens pratiques pour des célébrations pendant l’année entière, de façon à conclure cette année de grâce par le renouvellement de la Profession Religieuse, en faisant nôtre l’engagement du premier groupe qui, réuni dans la chambre de Don Bosco le 18 décembre 1859, commença notre Société de Saint François de Sales. A cet événement, vu à la lumière de la Parole de Dieu, en cette année de Saint Paul, je voudrais destiner la prochaine lettre circulaire ; c’est pourquoi à présent je me limite à rappeler ce que j’ai écrit dans la lettre d’invitation à souligner ce jubilé. Cela a également inspiré le thème de l’Etrenne 2009, qui doit signifier pour tous, mais surtout pour nous Fils de Don Bosco, un tournant profond, un changement de mentalité dans la façon de comprendre et de vivre la Famille Salésienne : nous sommes la partie sur laquelle celle-ci repose fondamentalement, tout en étant les responsables principaux de son animation.
Voici donc l’Etrenne 2009 :
La Famille Salésienne hier et aujourd’hui :
la graine est devenue un arbre et l’arbre une forêt
« Le Royaume des cieux est comparable à un grain de moutarde qu’un homme prend et sème dans son champ. C’est bien la plus petite de toutes les semences ; mais, quand elle a poussé, elle est la plus grande des plantes potagères : elle devient un arbre, si bien que les oiseaux du ciel viennent faire leurs nids dans ses branches » (Mt 13, 31-32).
Très chers frères et sœurs de la Famille Salésienne,
Je vous salue avec le cœur de Don Bosco : c’est de son zèle et de sa charité pastorale qu’est née notre Famille spirituelle et apostolique. Nous sommes le fruit le plus beau et le plus fécond de l’offrande totale de sa personne à Dieu et de son désir passionné de voir les jeunes, spécialement ceux qui se trouvent le plus dans la pauvreté, le besoin et les risques, parvenir à la plénitude de vie dans le Christ.
Après les Etrennes, si riches en propositions et en engagements, des trois dernières années, je viens vous en proposer ici une autre encore plus urgente, exigeante et chargée de promesses. Elle concerne notre identité et notre mission. D’elle dépendent, en effet, une présence plus visible dans l’Eglise et dans la société et une action plus efficace pour affronter les grands défis du monde d’aujourd’hui.
L’année 2009 devra nous aider à rendre de plus en plus réelle la conviction de Don Bosco, à savoir que l’éducation des jeunes requiert un grand réseau de personnes qui leur soient dévouées et une synergie résolue d’interventions permettant d’atteindre les objectifs que les jeunes attendent et ayant une signification pour la société. C’est pourquoi au nom de Don Bosco je vous demande :
Engageons-nous à faire de la Famille Salésienne
un vaste mouvement de personnes pour le salut des jeunes
Deux événements convergents
Il y a deux événements qui justifient le choix du thème de cette Etrenne pour 2009 : le 150ème anniversaire de la fondation de la Société Salésienne et la préparation du bicentenaire de la naissance de Don Bosco (1815-2015). Avec la célébration du premier nous commençons la préparation du second. Nous le faisons dans le souvenir de l’appel de Jean-Paul II lancé lors du Jubilé de l’an 2000 : « Chaque famille religieuse vivra bien le Jubilé en revenant avec pureté de cœur à l’esprit du Fondateur ! »
Pour nous cette célébration jubilaire signifie donc fidélité dans le renouvellement et la créativité à Don Bosco, à sa spiritualité, à sa mission. Ce sera pour nous une “Année Sainte salésienne”, durant laquelle nous sommes appelés à revivre avec luminosité et à communiquer avec enthousiasme les expériences de vie, les modalités d’action, les impulsions de l’esprit qui ont conduit à la sainteté Don Bosco et, première parmi tant d’autres, Mère Mazzarello.
En ce sens, je ne peux omettre de rappeler quelle a été l’expérience de Don Bosco. Dans un premier temps il se dévoua personnellement corps et âme au salut des jeunes qu’il voyait égarés sur les chemins ; puis il invita certains à partager son travail apostolique, en donnant lieu à une espèce de première forme de ‘Famille Salésienne’. Mais, après avoir vu que beaucoup l’abandonnaient et être resté seul ou presque, il réunit autour de lui un groupe de jeunes et les éduqua pour former avec lui une famille religieuse : c’est ainsi que naquirent les Salésiens ; ensuite, vinrent d’autres groupes, structurés à divers niveaux, mais avec les mêmes objectifs apostoliques. Cet aperçu rapide du parcours ‘historique’ éclaire ce qu’est la Famille Salésienne et sa relation avec le noyau fondamental, les personnes consacrées – SDB et FMA –, dont le cœur et le moteur, comme d’ailleurs ceux de toute la Famille Salésienne, se situent dans la passion du “Da mihi animas, caetera tolle”. Celle-ci renferme l’esprit qui doit caractériser tous les membres et tous les groupes de la Famille Salésienne.
Il me semble naturel que plus la consécration est complète, plus grande est la responsabilité dans l’animation. Cette conviction nous a été confirmée par le Saint-Père, Benoît XVI, dans le Discours durant l’audience accordée aux membres du Chapitre le 31 mars 2008 : « Don Bosco voulut que la continuité de son charisme dans l’Eglise fût assurée par le choix de la vie consacrée. De nos jours également, le mouvement salésien ne peut croître dans la fidélité à son charisme que si un noyau fort et vital de personnes consacrées continue à demeurer en son sein ».
1.La Famille Salésienne hier
Le 150ème anniversaire de la fondation de la Société Salésienne est une occasion privilégiée pour réfléchir sur l’idée originale de Don Bosco et sur la fondation concrète des premiers groupes, suscités et développés par lui : les Salésiens de Don Bosco, les Filles de Marie Auxiliatrice, l’Association des Coopérateurs Salésiens, l’Association pour la Dévotion à Marie Auxiliatrice.
Eh bien, en m’inspirant de la parabole employée par Jésus pour expliquer le Royaume des cieux et son dynamisme, je me hasarde à dire que la graine semée par Don Bosco a grandi jusqu’à devenir un arbre robuste à l’épaisse frondaison, vrai don de Dieu à l’Eglise et au monde. En effet, la Famille Salésienne a vécu un authentique printemps. Aux premiers groupes se sont unis, sous l’impulsion de l’Esprit Saint, d’autres groupes qui, avec des vocations spécifiques, ont enrichi la communion et élargi la mission salésienne.
De nos jours tous voient avec évidence combien s’est accrue la Famille, se sont multipliés le travail accompli et celui auquel nous songeons ; s’est étendu sans limites le champ d’action au bénéfice de tant de jeunes et d’adultes. De cela nous rendons grâces au Seigneur et nous prenons conscience de notre plus grande responsabilité, justement parce que, comme toute vocation, celle de la Famille Salésienne est au service de la mission, qui dans notre cas est le salut de la jeunesse, surtout celle qui est le plus dans une grande pauvreté, le plus laissée à l’abandon, le plus en danger.
1.1La “graine” charismatique.
L’esprit, la mentalité, l’expérience pastorale, la vision du monde et de l’Eglise portèrent Don Bosco vers quelques convictions et les initiatives correspondantes :
la mission universelle de l’Eglise, à assumer d’une manière solidaire, de sauver tout l’homme et tous les hommes. A l’intérieur de cette mission ses fils et disciples doivent se caractériser par la préférence pour les jeunes, les pauvres, les peuples non évangélisés ;
l’utilité, ou plutôt l’urgence et la nécessité impérieuse de s’unir spirituellement et de s’associer sur le plan de l’action pour des entreprises adaptées au but susdit ;
les possibilités qu’avait l’esprit qui lui fut donné d’être vécu dans divers états de vie et, par suite, de contribuer au moyen de l’union des “bons” à la grande mission de l’Eglise, ceux-ci s’insérant en elle avec “les priorités” salésiennes ;
la fondation des premiers groupes : coagulés spirituellement autour de l’expérience ‘oratorienne’, perçue comme mission, comme style, comme méthode et comme esprit :
- dans la diversité des liens vis-à-vis de la Congrégation salésienne (noyau originel),
- dans la diversité sur le plan du type envisagé pour l’association constituée,
- dans la diversité du niveau d’un engagement public “chrétien” considéré comme condition requise d’appartenance.
la fonction historique des SDB, des FMA, des CC.SS.
1.2La graine sous la neige : la croissance silencieuse
Ces intuitions se sont développées selon la compréhension que les disciples de Don Bosco pouvaient avoir dans le contexte d’une certaine vision et d’une certaine vie de l’Eglise. Ce développement apparaît :
-dans la permanence et l’extension des groupes fondés par Don Bosco ;
-dans les mises à jour et dans les révisions périodiques des éléments d’organisation et de ceux d’ordre spirituel ;
-dans le sens des rapports vitaux que ces groupes maintiennent entre eux.
Entre-temps d’autres groupes se levèrent dans différents continents avec des caractéristiques analogues, en raison de leur fondation par des Salésiens.
Parmi eux se distingue certainement le groupe des Volontaires de Don Bosco, traduction de l’esprit salésien dans la vie séculière consacrée, qui est une nouveauté également dans l’Eglise.
Les nouvelles conditions produites par le Concile Vatican II (Eglise communion, renouveau des Instituts de vie consacrée, retour au charisme originel, importance prise par le laïcat) ont conduit à découvrir et à mettre en évidence le caractère de “famille” charismatique que la constellation de groupes établis pouvait avoir et à formuler également des orientations d’action en ce sens : communication entre les groupes, expressions de communion, rôle d’animation des Salésiens, le Recteur Majeur portant une autorité de référence significative, éléments communs de la spiritualité.
Cette nouvelle mentalité, cependant, doit encore passer du papier à la vie de chaque groupe et de chacun des membres des groupes, afin que la Famille Salésienne soit vécue comme une dimension de leur vocation. “Sans vous, nous ne sommes plus nous !”.
1.3L’arbre et la forêt : un vigoureux développement
Certains faits ont accompagné et soutenu le développement de la Famille :
A été demandée formellement et reconnue publiquement l’appartenance des groupes apparus après la mort de Don Bosco. Aujourd’hui, dans leur ensemble, les groupes officiellement reconnus sont au nombre de vingt-trois :
La Société de Saint François de Sales (Salésiens de Don Bosco)
L’Institut des Filles de Marie Auxiliatrice
L’Association des Salésiens Coopérateurs
L’Association de Marie Auxiliatrice
L’Association des Anciens Elèves et des Anciennes Elèves de Don Bosco
L’Association des Anciennes Elèves et des Anciens Elèves des Filles de Marie Auxiliatrice
L’Institut des Volontaires de Don Bosco
Les Filles des Sacrés-Cœurs de Jésus et de Marie
Les Salésiennes Oblates du Sacré-Cœur de Jésus
Les Apôtres de la Sainte Famille
Les Sœurs de la Charité de Miyazaki
Les Sœurs Missionnaires de Marie Auxiliatrice
Les Filles du Divin Sauveur
Les Sœurs Ancelles du Cœur Immaculé de Marie
Les Sœurs de Jésus Adolescent
L’Association des Dames Salésiennes
Les Volontaires Avec Don Bosco
Les Sœurs Catéchistes de Marie Immaculée Auxiliatrice
Les Filles de la Royauté de Marie Immaculée
Les Témoins du Ressuscité en 2000
La Congrégation de Saint Michel Archange
La Congrégation des Sœurs de la Résurrection
La Congrégation des Sœurs Annonciatrices du Seigneur.
Sont nés également d’autres groupes, qui attendent que mûrissent les conditions pour être formellement reconnus comme membres de la Famille Salésienne ; en attendant on cultive le terrain dans lequel d’autres groupes pourraient encore se manifester.
La Famille Salésienne a abondamment réfléchi sur sa propre identité (cf. ACG 358), sur les éléments qui concernent sa consistance et son unité, sur son organisation pour la communication (cf. Charte de Communion et Charte de la Mission).
Chaque groupe a cherché à se renforcer en se donnant des Statuts ou des Règlements de Vie, des lignes servant de guide pour la formation des membres, une synthèse de la propre spiritualité salésienne spécifique, et en s’engageant pour améliorer l’organisation et trouver des voies et des occasions de croissance et de développement.
On a effectué un effort commun pour approfondir les possibilités et définir les modalités de communion entre tous ; de là sont sorties comme élément de référence valable d’abord le Charte de Communion et ensuite la Charte de la Mission, qu’il faut continuer à diffuser, à étudier, à réaliser.
2.Dans le troisième millénaire : aujourd’hui et demain
2.1Sur la route de la communion
L’Eglise est entrée dans une nouvelle phase de communion, marquée par les Synodes continentaux et les Synodes de l’Eglise universelle, par le dialogue œcuménique, par le mouvement interreligieux, par la solidarité à l’échelle mondiale, par l’engagement pour la réconciliation.
Les caractéristiques de cette communion sont :
- le réexamen des fondements,
-une plus grande extension,
-la compréhension plus adéquate de ses conditions,
-une plus grande visibilité,
-une plus grande qualité d’action apostolique et missionnaire,
-sa référence à la mission : “La communion engendre la communion et se présente essentiellement comme communion missionnaire” (ChL 32).
Même si notre Famille est essentiellement apostolique, en raison du fait qu’elle est une famille, elle enfonce nécessairement ses racines dans le mystère de la Trinité, origine, modèle et but de toute famille. En contemplant le Dieu-Amour, le Dieu-Communion, le Dieu-Famille, nous comprenons ce que signifient pour nous la mission (“êtres signes et porteurs de l’amour de Dieu”), la spiritualité de communion, le fait d’être une famille.
Le Père nous rappelle la large ouverture du cœur grâce à laquelle, membres et groupes de la Famille Salésienne, nous nous accueillons et reconnaissons comme des frères et des sœurs, des hommes et des femmes aimés de Lui : appelés personnellement par Lui à travailler dans son champ pour un même but. L’étroitesse mesquine du cœur humain peut élever des barrières, établir des distances et des séparations, chercher – comme parmi les Apôtres – la première place, au détriment du Royaume. Parfois ce sont nos peurs ou nos attitudes restrictives pour faire l’unité avec les autres qui produisent de tels effets. Le cœur, comme celui du Père, signifie affection vraie et profonde pour les jeunes et pour tous ceux qui dépensent leur vie pour eux. Elle se traduit par la cordialité, la valorisation de tous et de chacun, la reconnaissance pour ce que chacun peut donner et réussit à donner.
L’Esprit Saint nous indique une deuxième attitude pour construire une famille : l’accueil, effectué avec plaisir et joie, de la diversité. C’est une manifestation de l’Esprit que constituent les nombreuses langues, les différents charismes, les divers membres d’un corps. C’est par milliards qu’existent les hommes, chacun étant façonné individuellement comme fils de Dieu. L’Esprit ne se répète pas, ne produit pas en série.
Don Bosco fut maître dans l’art de faire sortir l’unité de la diversité des types et des tempéraments, des situations et des capacités. A son époque, cette sensibilité était moins présente. De nos jours, au contraire, la diversité constitue un défi en éducation et en pastorale pour la société humaine, pour le témoignage ecclésial et pour la Famille Salésienne.
Diversité veut dire abondance de rapports, variété de forces, fertilité de terrains et donc fécondité incalculable. Quelle incomparable occasion de dialogue, d’échange d’expériences spirituelles et éducatives peuvent offrir dans la Famille Salésienne des hommes et des femmes, des personnes consacrées et des personnes vivant dans le monde, des prêtres et des laïcs, dans leur situation personnelle de maris, d’épouses et d’enfants, de jeunes, d’adultes et d’anciens, d’ouvriers, de personnes exerçant une activité professionnelle ou d’étudiants, des gens de peuples différents et de cultures variées, en pleines forces ou dans l’épreuve de la maladie, des saints et des pécheurs !
Certes, l’unité entre des êtres différents ne va pas de soi ; mais c’est justement pour que nous ayons la force de surmonter l’instinct de l’affirmation de notre propre personne que Jésus a prié : “Qu’ils soient un !” (cf. Jn 17, 11).
Jésus, le Seigneur, le Fils qui s’est fait notre compagnon de voyage, qui réconcilie toutes les choses, celles qui sont dans le ciel comme celles qui sont sur la terre (cf. Col 1,20), en les récapitulant en Dieu, nous indique une troisième attitude : la volonté de faire route ensemble vers un but partagé, de nous placer ensemble dans un espace qui n’est en rien éthéré, le Royaume ; de former une communauté reconnaissable de disciples qui assument ensemble son commandement : « Allez par le monde entier, proclamez l’Evangile à toutes les créatures » (Mc 16,15).
Voilà les trois attitudes indispensables pour croître en communion : la large ouverture du cœur, l’accueil de la diversité, la volonté de faire route ensemble vers un but partagé.
2.2Communion dans et pour la mission
“La communion engendre la communion et se présente essentiellement comme communion missionnaire” (ChL 32). Or, dans le troisième millénaire, notre but principal est d’exprimer, de la manière la plus évidente, la communion dans la mission, en tenant compte des critères suivants :
Selon les constantes des origines et du développement de la Famille Salésienne :
Une chose est demeurée constante, comme un héritage précieux : la passion pour l’éducation, en particulier pour celle des jeunes les plus pauvres, que nous aidons à devenir conscients de leur dignité de personnes, de la valeur et des possibilités que leur vie a pour Dieu et pour le monde.
“Da mihi animas” ! C’est la devise de Don Bosco que nous faisons nôtre ! Nous regardons vers les jeunes, vers leur dimension spirituelle, et nous voulons nous occuper d’eux pour réveiller en eux la vocation à être fils de Dieu et les aider à la réaliser, en suivant le Système Préventif, c’est-à-dire au moyen de la raison, de la religion et de l’amour plein d’affection [amorevolezza]. Cela implique un détachement de tout ce qui peut nous détourner de l’offrande de notre personne à Dieu et aux jeunes. Tel est le sens du “caetera tolle”, qui est la seconde partie de notre devise.
Conformément aux conditions du monde d’aujourd’hui :
Le monde unifié au moyen de la communication, caractérisé par la complexité, par le caractère transversal de beaucoup de “causes”, par la possibilité de réseaux, offre un nouveau scénario pour la mission chrétienne, dans l’ordre de la promotion et de l’éducation des jeunes.
La Famille Salésienne cherchera dans une action commune à donner de la consistance à sa présence dans la société et du poids à son action éducative : il y a le problème des jeunes, il y a la vie à sauvegarder, il y a la pauvreté à anéantir dans ses diverses expressions ; il y a la paix à promouvoir ; il y a les droits de l’homme déclarés à faire entrer dans la réalité ; il y a Jésus Christ à faire connaître.
Comme fruit des dernières Etrennes :
Les Etrennes de ces trois dernières années ont mis en évidence l’attention à porter avec urgence à l’éducation, l’engagement pour la famille, la promotion de la vie, la préférence pour les pauvres, la solidarité à l’échelle mondiale, la nouvelle évangélisation.
Cette nouvelle phase de la Famille Salésienne sera marquée par une ardente et active charité, pleine d’imagination et de générosité : celle qui a fait de Don Bosco une image de Jésus Bon Pasteur, qu’ont su reconnaître les jeunes et les gens humbles de son temps. Nous, Famille Salésienne, nous sommes appelés aujourd’hui, dans le XXIème siècle, à modeler notre cœur, pauvre et parfois même pécheur, sur celui de Jésus dans lequel Dieu s’est manifesté au monde comme Celui qui donne la vie, pour que l’homme soit heureux et qu’il ait la vie en abondance (cf. Jn 10, 10).
2.3Quelques exigences pour continuer le chemin
Apparaissent immédiatement quelques exigences pour continuer le chemin de croissance et atteindre le but de la communion dans la mission, que nous nous sommes proposé :
-Approfondir, pour mieux le comprendre, le champ d’action commune possible et les caractéristiques de la réalisation de la mission.
Tout cela comporte de regarder, de réfléchir, de dialoguer, d’étudier, de prier ensemble pour trouver la route à parcourir en esprit de communion. Est alors donné le signe de l’amour qui fait l’objet de l’attente des jeunes et dont certainement ils ressentiront l’impact et le bienfait.
-Remettre au centre la spiritualité comme impulsion vers la communion pour la mission, conformément au moment vécu par l’Eglise et aux conditions de l’expérience religieuse actuelle ; en découlent l’urgence de la formation des membres et l’implication d’autres personnes.
La sainteté : c’est là que résident la source et l’énergie qui sont « à l’origine d’un vaste mouvement de personnes qui travaillent, de diverses manières, au salut de la jeunesse » (Const. SDB 5), à savoir la Famille Salésienne. Il n’est pas possible de penser qu’elle puisse être le résultat d’une organisation, même parfaite ou munie de techniques raffinées de cohésion. C’est l’Esprit qui l’a suscitée et elle vit de l’Esprit.
A cette Famille j’adresse la pressante invitation à acquérir une nouvelle mentalité, à toujours se penser et agir comme Mouvement, avec un intense esprit de communion (concorde), avec une volonté convaincue de synergie (unité de buts), avec une mûre capacité à travailler en réseau (unité de projets). Dans le Règlement des Salésiens Coopérateurs Don Bosco écrivit : « De tout temps, on a jugé que l’union entre les gens de bien leur était nécessaire pour se soutenir mutuellement dans la pratique des bonnes œuvres, et se préserver du mal […] Les moindres forces, si elles se réunissent, deviennent puissantes, et […] s’il est facile de rompre une corde seule, il est très difficile d’en rompre trois réunies : Vis unita fortior, funiculus triplex difficile rumpitur ». Nous ne devons jamais oublier que nous avons été fondés par un Saint de la charité sociale, Don Bosco (cf. Deus Caritas Est n. 40), qui était conscient cependant du fait que le travail éducatif et pastoral a besoin d’une charité exercée en coopération, pour laquelle l’Esprit Saint suscite des charismes.
-Assurer la capacité autonome des groupes quant à leur propre développement, à la formation de leurs membres, aux initiatives apostoliques.
-Comprendre et expérimenter des formes souples de collaboration : “penser globalement, agir localement”.
-Approfondir l’expérience salésienne qui est effectuée dans la condition laïque.
3.Lignes pour l’avenir
Cette Etrenne doit donc produire comme fruit un effort, mené conjointement, plus visible et aussi plus concret dans la ligne de la mission.
Il y un grand nombre de propositions à examiner, en tenant compte de l’évolution de la vie et de certaines priorités. C’est à cela que visent la Charte de communion et la Charte de la mission de la Famille Salésienne. Tandis que la première précise soigneusement notre ADN commun, c’est-à-dire les éléments qui caractérisent notre identité charismatique salésienne, la seconde représente une déclaration de buts et d’orientations. L’objectif des deux est, en premier lieu, de susciter une conscience, de former une mentalité, de faire surgir une “culture de la Famille Salésienne”. Toutes les deux doivent porter chaque membre des divers groupes à sentir que sans les autres il n’est pas celui qu’il doit être et, en conséquence, elles doivent produire des synergies bigarrées, multiples, pas toutes institutionnalisées. Je souhaite qu’un fruit de cette Etrenne soit la Charte de la spiritualité, dont j’ai parlé à plusieurs reprises. La spiritualité est la motivation de fond et le dynamisme le plus puissant de l’engagement de chaque membre de la Famille Salésienne, ce qui peut garantir une plus grande efficacité et un plus grand impact dans l’action éducative et évangélisatrice.
3.1Les synergies dans la mission
La référence à la Charte de communion et à la Charte de la mission nous offre l’occasion de réfléchir sur les conditions possibles de synergies dans la mission. Nous devons avant tout tenir compte du fait que nous avons déjà une mission commune et que nous sommes en train de la réaliser. C’est la mission suscitée et articulée par l’Esprit Saint en différents services et initiatives, en différentes modalités d’intervention, en convergence toutefois d’objectifs, de contenus et de méthodes, comme on peut le lire dans toutes les constitutions, tous les règlements ou les statuts des divers groupes. Ce fut l’œuvre de l’Esprit Saint, quand à partir du tronc salésien il a fait germer et croître une nouvelle branche avec des caractéristiques spécifiques propres. Cela doit nous faire comprendre que la première condition pour la communion et la mission commune est que chaque groupe réalise, avec le plus grand effort possible, sa propre vocation et sa propre mission, qu’il leur infuse une continuelle vitalité avec fidélité et créativité. L’Esprit nous a déjà articulés en hommes et en femmes, consacrés et laïques, présents parmi la jeunesse, parmi les malades, parmi les peuples à évangéliser, etc.. Si chaque groupe, avec l’esprit et les objectifs qui sont déclarés dans ses statuts et qui sont conformes à la spiritualité salésienne, accomplit ce but, nous voilà avec la mission salésienne déjà accomplie.
La première grande aide et la meilleure réalisation de la Charte de communion et de la Charte de la mission résident donc dans la prise de conscience de la complémentarité au service d’une grande mission, à laquelle doivent faire suite l’ouverture et la disponibilité de la part de chaque groupe pour appuyer et soutenir la mission commune.
Notre époque, toutefois, admet et demande de nouvelles expressions de la mission commune. Il y a aujourd’hui, comme nous l’avons souligné dans les Etrennes des dernières années, des causes transversales (telles que la famille, la vie, l’éducation, les droits des enfants mineurs, le problème de la paix, la question de la femme, la sauvegarde de la création) qui peuvent nous voir dans un engagement mené ensemble. Il y a surtout la solidarité à l’échelle du monde qui est en train de s’exprimer sous diverses formes et qui recherche des adhésions, des déclarations publiques, des pressions sur les organismes qui orientent la vie des nations et du monde. Et il y a aussi de nouvelles possibilités de relation en réseau et de communication ; et cela conduit à des formes variées d’intervention et porte à mettre en action des synergies qui auparavant n’étaient pas possibles. Nous voulons tirer profit des possibilités encore inexplorées dans la mission salésienne et saisir les occasions que nous offre notre époque, en faisant converger des capacités acquises et une créativité innovatrice.
J’ai la conviction que la Famille Salésienne se présentera avec crédibilité dans l’Eglise et sera féconde sur le plan de la pastorale, de la spiritualité et des vocations en faveur des jeunes, si elle réussit un travail mené ensemble pour eux, en véritable Mouvement qu’elle est. Nous ne devons pas oublier que le Mouvement se caractérise en raison de quelques idées-forces et d’un esprit commun. Plus que dans des statuts, c’est dans un esprit et dans une pratique que se retrouvent et convergent les membres des différents groupes d’un mouvement. Il s’agit d’une adhésion plus vitale que formelle ! Dans cette perspective le Mouvement salésien est beaucoup plus grand que la Famille Salésienne, car il inclut les jeunes eux-mêmes, les parents de nos destinataires, les collaborateurs, les volontaires, les sympathisants de l’œuvre salésienne, les bienfaiteurs, même non chrétiens, comme il arrive dans tant de parties du monde, spécialement en Asie, mais pas uniquement. Il s’agit de personnes qui participent partiellement à la mission salésienne ou au charisme salésien. Ils constituent les “Amis de Don Bosco”. C’est à l’intérieur de ce grand Mouvement que se trouve la Famille Salésienne comme étant son noyau animateur.
3.2Les ressources
Sur quelles ressources comptons-nous ?
En premier lieu nous visons sur la formation des personnes et sur le renforcement des communautés ou des groupes.
Nous avons toutefois besoin également de l’élaboration et de l’acquisition d’une culture ou mentalité charismatique commune, pour laquelle doivent servir la Charte de communion et la Charte de la mission.
Le soutien dans l’organisation est certainement utile, mais il a seulement une valeur subsidiaire, et doit être proportionné aux exigences et aux situations concrètes.
Nous continuons donc à croire que la Famille Salésienne est avant tout, aujourd’hui encore, une réalité charismatique, dont les grandes ressources sont l’Esprit et la créativité ; tout cela reposant sur une structure suffisante d’organisation.
Au sujet de la mission, il y a encore un autre aspect à relever. Nous nous disons coresponsables dans la mission. Nous devons cependant tenir compte du fait que la mission, qui concerne divers champs d’action (zones, dimensions) avec des objectifs et un esprit communs, n’implique pas nécessairement la coresponsabilité dans chacune des initiatives particulières ou dans chacun des territoires particuliers. Au fur et à mesure que l’on descend de la vision du large ensemble de la mission vers sa réalisation concrète, on verra si conviennent des collaborations bilatérales, trilatérales, sans nous agripper de manière apriorique à quelque structure globale à même de guider préalablement la totalité. Avoir un objectif clair et suivre le cours de la vie et de la réalité est ce qui nous convient, comme nous l’avons répété durant la période des six dernières années à propos de ‘penser globalement et agir localement’, en donnant une forte vitalité aux cellules, aux organismes essentiels, aux organismes intermédiaires et, finalement, à la structure de base.
3.3Quelques champs d’action pour la collaboration
Les jeunes
Nous cherchons tous à travailler avec le plus grand nombre de jeunes au moyen de diverses initiatives. Nous observons que parmi les jeunes sont en train de se consolider, spécialement ces derniers temps, les groupes de jeunes qui veulent faire un chemin de croissance humaine et de foi selon le Système Préventif, qui – nous le savons – n’est pas seulement de la méthodologie mais aussi un moyen de concevoir les contenus. Dans ces groupes se forment les leaders, qui sont appelés animateurs, accompagnateurs, etc.. En particulier, est en train de se consolider le Mouvement Salésien des Jeunes (MSJ), dans lequel convergent des groupes de jeunes qui naissent et se forment dans la Famille Salésienne et qui veulent en faire partie. C’est une possibilité offerte à tous. Jusqu’à présent, dans l’animation du MSJ, il y a une forte collaboration entre les Salésiens et les Filles de Marie Auxiliatrice. Je souhaite que dans l’avenir on rende aussi plus intense la participation des Salésiens Coopérateurs et des Anciens Elèves, en développant le MSJ parmi leurs groupes de jeunes.
C’est également une initiative qui s’est établie parmi les branches de la Famille Salésienne plus proches entre elles et plus présentes sur le terrain des jeunes. FMA et SDB, en effet, ont une longue expérience, de nombreuses œuvres et des organismes d’animation actifs depuis déjà beaucoup de temps. Mais la participation est ouverte à tous les autres. La participation se produit à partir d’une plate-forme qui s’élabore à l’occasion de chaque rencontre ou de chaque événement.
Pour les groupes de jeunes, il est utile d’avoir une plate-forme commune de formation humaine, de chemin de foi et de proposition de la vocation, car tout cela réalise la conception éducative de Don Bosco.
Il y a donc des synergies déjà existantes et des possibilités d’ouvertures à d’autres dans le Mouvement Salésien des Jeunes, qui a déjà le sentiment d’avoir une conscience mondiale. En me déplaçant dans la Congrégation j’ai vu combien le message du Recteur majeur envoyé chaque année depuis Turin, à l’occasion de la Fête de Don Bosco, établit une union mondiale entre les groupes qui sont présents dans les différents continents. Il y a, donc, un espace propre aux jeunes où nous pouvons aussi éduquer les jeunes aux futures synergies et à la future solidarité.
Le démontre aussi le succès des Journées Mondiales de la Jeunesse, qui réussissent à rassembler, malgré les distances et les dépenses, des jeunes venus de toutes les parties du monde, appartenant à des groupes diocésains, à des groupes animés par des instituts religieux, par des mouvements, ou simplement qui se retrouvent dans leur identité au sein de ce type d’initiatives.
La proposition de la vocation
En lien avec le thème du MSJ il y a celui de la proposition de la vocation, de l’orientation des vocations et de notre témoignage. Nous savons que Don Bosco, qui avait une grande estime pour les laïcs, exultait lorsqu’il pouvait donner à l’Eglise des prêtres et des personnes consacrées. S’il est vrai, en effet, que tous ont une égale dignité et un égal appel à la sainteté, il est tout aussi vrai que dans la dynamique temporelle du Royaume de Dieu il y a des vocations qui font avancer d’une façon particulière la communauté ecclésiale. Alors il est important que nous soyons unis également dans cet objectif. En faisant faire à nos groupes ou à nos jeunes un chemin de formation humaine et chrétienne, nous leur proposons l’éventail des vocations, tout en mettant en évidence aussi l’engagement majeur de “sequela Christi” propre à certaines vocations spécifiques.
Le but des groupes de jeunes, constitués par les branches particulières de notre Famille, n’est pas d’avoir un “élevage de poussins” pour la propre Association. Notre but est l’éducation chrétienne et l’orientation du jeune dans la vie. Nous devons savoir faire parvenir au jeune l’appel du Christ, en indiquant que dans la dynamique temporelle du Royaume il y a aussi des vocations d’engagement majeur. Nous devons être capables de susciter chez les jeunes des désirs de formation et de disponibilité, être capables de les orienter vers des vocations de service et de grande signification (parmi celles-ci je mets également le volontariat), tout cela étant considéré dans le réalisme du Royaume.
Les Missions
Un troisième champ d’action où nous sommes déjà en train de collaborer, un champ que la solidarité et la coopération actuelles peuvent élargir en offrant de nouvelles possibilités, est celui de la réalité missionnaire. Lors des dernières expéditions missionnaires s’est consolidée, à côté des religieux, la présence de laïcs, à titre de personnes individuelles, de couples et même de familles entières. Il est beau de faire remarquer qu’à l’intérieur de la Famille Salésienne il y a des groupes qui incluent la réalité missionnaire dans leur propre dénomination elle-même.
La réalité missionnaire, toutefois, a une diversité d’expressions et d’initiatives, surtout en ce temps qui est le nôtre où l’on parle de solidarité à l’échelle mondiale. Il y a de nouvelles possibilités d’engagement missionnaire. Il y a la possibilité de la présence personnelle, il y a la possibilité du jumelage et celle du soutien à distance sous diverses formes. En voyant la différence entre les diverses parties du monde, je pense à quel point ce serait beau s’il y avait un réseau de jumelages en mesure de véhiculer des ressources capables de répondre aux vrais besoins ; et, là où il y a des forces disponibles, à quel point ce serait beau d’être ouvert à des collaborations temporaires ou même définitives. Ceci dans une période de projet et ensuite pour la réalisation de ce dernier en toute synergie.
Le Bulletin Salésien
Il y a un autre secteur, très important, dans lequel nous sommes déjà en train de collaborer : c’est le champ d’action pour la communication dans l’Eglise et dans la société. Chaque groupe a son propre organe de communication interne, qu’il distribue ensuite à l’extérieur du groupe. Vous savez cependant qu’il y a une revue ou un organe qui nous représente tous et c’est le Bulletin Salésien. Nous disons qu’il est un organe pour la Famille Salésienne, pour le Mouvement Salésien et pour toute l’opinion salésienne du monde, qu’il présente le point de vue de la Famille sur les réalités que nous sommes en train de vivre, et ouvre pour le monde une fenêtre sur la réalité salésienne.
Il est vrai que la gestion et le fonctionnement du Bulletin sont assurés par la Congrégation Salésienne. Il serait superflu et pesant d’instituer un gros organisme de représentativité. On est en train de donner une place de plus en plus grande à la Famille Salésienne dans le conseil de rédaction et l’on présente nos réalités, plutôt que de “lotir” les pages, ce qui n’est pas opportun. A partir de l’image que le Bulletin réussit à faire naître, nous recevons tous un bienfait.
3.4Visibilité dans l’Eglise de la présence salésienne comme “Mouvement”
Il serait intéressant, au moyen de toutes les synergies à mettre en œuvre, d’agir de plus en plus comme Mouvement et d’avoir ainsi une présence visible dans la réalité sociale et dans la réalité ecclésiale. Nous devons surmonter deux dangers, par ailleurs non imaginaires : d’une part une attitude de protagoniste trop évidente et, d’autre part, un absentéisme injustifiable. Plus qu’une œuvre de grande propagande ou d’affirmation déclamatoire, notre présence solidaire avec l’Evêque, avec les prêtres devrait être bien manifeste dans l’Eglise locale ; nous devrions montrer que nous sommes capables d’œuvrer pour certaines causes, en faisant voir que nous n’existons pas en fonction de nous-mêmes, mais de la communauté ecclésiale qui, à son tour, existe en fonction du salut du monde.
3.5Une culture de la Famille Salésienne
Afin que la culture de la Famille, c’est-à-dire la vision et la mentalité de travailler ensemble, passe dans toutes les branches et dans tout l’arbre il est indispensable que tous les membres de chacun des groupes se rendent conscients du fait qu’ils appartiennent à un vaste Mouvement de personnes, né du cœur apostolique de Don Bosco, et se rendent prêts pour les synergies, pour les actions convergentes, pour les collaborations multiples, diverses, conduites en souplesse et avec la possibilité d’une remise à jour. Nous ne cherchons pas une grosse organisation pour établir ou ratifier d’en haut les choses à faire, mais une forte impulsion de spiritualité capable de vivifier les cellules et les organes, afin qu’ils établissent ensuite les collaborations possibles.
De cette perspective naît comme première tâche celle de la relecture par tous aussi bien de la “Charte de communion” que de la “Charte de la mission”. S’y trouvent les grandes idées à transmettre et les grands choix à effectuer.
Toutefois, en plus de l’étude de ces documents, il sera utile de faire entre les différents groupes des expériences de vie partagée, de spiritualité, de fraternité, de collaboration. Cela élèvera le niveau de confiance réciproque, l’appréciation des possibilités que le charisme et la Famille de Don Bosco ont. Le but à atteindre est toujours de passer de la concorde à la communion d’intentions, à la collaboration et à la coresponsabilité dans des projets communs sur le territoire, social comme ecclésial.
4. Suggestions pour la concrétisation de l’Etrenne
Voici quelques démarches pour faire en sorte que la Famille Salésienne devienne vraiment un vaste Mouvement au service du salut des jeunes.
4.1Collaborer ensemble à la formation et à l’approfondissement de la mentalité charismatique de Famille Salésienne
Pour cela on s’efforcera de :
faire devenir, dans chaque groupe de la Famille Salésienne, l’objet d’une étude et d’un approfondissement la “Charte de communion” et la “Charte de la Mission”, afin de faire croître en chacun de ses membres la culture de Famille et la conscience de Mouvement ;
partager les conclusions de cette étude dans la “Consulte” locale et la “Consulte” provinciale de la Famille Salésienne et de choisir, comme conclusion, quelques lignes opérationnelles de partage et de synergie au service de la mission salésienne dans le propre territoire.
4.2Promouvoir un engagement partagé
Etudier ensemble, entre les différents groupes de la Famille Salésienne présents dans un territoire, la situation des jeunes d’aujourd’hui, surtout au sujet des grands défis de la vie, de la pauvreté dans ses diverses expressions, de l’évangélisation, de la paix, des droits de l’homme … et chercher :
des voies pour améliorer les initiatives déjà mises à exécution, au moyen d’une plus grande collaboration et d’un plus grand travail en réseau ;
de nouvelles initiatives à développer grâce à la contribution spécifique des différents groupes présents.
4.3Un instrument de communion : la Consulte locale et la Consulte provinciale de la Famille Salésienne
Donner plus de consistance à la Consulte locale et à la Consulte provinciale de la Famille Salésienne, en cherchant la manière la plus adaptée pour les rendre effectives, pour qu’elles soient non seulement une occasion d’échange d’idées et d’expériences, mais surtout un instrument
qui permette de réfléchir ensemble sur les défis de la mission dans le propre territoire et de partager quelques lignes fondamentales de réponse que chaque groupe s’efforce d’assumer selon ses possibilités ;
qui permette de chercher des voies de collaboration, souple et bien articulée, dans des projets d’éducation et d’évangélisation, surtout au service des jeunes.
4.4Quelques plates-formes de collaboration et de travail en réseau à promouvoir et à développer
– L’animation du Mouvement Salésien des Jeunes,
•en développant dans les différents groupes de jeunes animés par des groupes de la FS l’engagement de partage et de participation vis-à-vis du Mouvement Salésien des Jeunes ;
•en s’impliquant dans l’accompagnement des groupes et des jeunes ;
•en partageant, dans le parcours proposé pour la formation à l’intérieur des groupes, un itinéraire d’éducation à la foi qui puisse les aider à découvrir et à assumer leur propre vocation apostolique dans l’Eglise et dans la société.
– L’animation et le développement du Volontariat social et missionnaire salésien, parmi les jeunes et les adultes, comme réponse salésienne aux grands défis du monde des jeunes d’aujourd’hui, en particulier des jeunes de plus grande pauvreté et à risque.
– La promotion de vocations au sacerdoce, à la vie religieuse et à un engagement laïque spécialisé, au service de l’Eglise et en particulier dans la Famille salésienne, au moyen de :
•la participation aux initiatives développées pour les vocations dans l’Eglise locale ;
•le témoignage de la propre vie vécue comme vocation, et la présentation des différentes vocations dans l’Eglise et dans la société, d’une manière spéciale dans la Famille Salésienne ;
•une particulière attention et un accompagnement particulier des jeunes dans leur chemin de couple avec des initiatives appropriées ;
•l’appui apporté aux familles et aux parents dans leur engagement éducatif, en développant des écoles de parents, des groupes de couples, etc..
Conclusion
Je conclus avec une prière à Don Bosco, père charismatique de toute la Famille Salésienne, composée par le P. Egidio Viganò. Elle me semble plus que jamais opportune parce qu’elle est particulièrement ajustée à ce que nous visons et constitue tout un programme. Puis, comme d’habitude, avec un récit qui illustre l’Etrenne. Saint Paul – en parlant de la réalité de l’Eglise – avait fait sienne la métaphore du corps qui “est un, et pourtant il a plusieurs membres ; mais tous les membres du corps, malgré leur nombre, ne forment qu’un seul corps” (1 Co 12,12). Pour parler de la Famille Salésienne j’ai préféré souligner en même temps que l’unité, à laquelle fait référence l’image du corps, la vitalité, le dynamisme propre du mouvement, pour lesquels j’ai employé l’image de la forêt, également pour m’en tenir à la parabole initiale de la graine qui devient arbre et de l’arbre qui devient forêt.
Voici la prière de la Famille Salésienne :
O saint Jean Bosco
Père et Maître de la jeunesse,
toi qui, docile à l’Esprit,
as transmis à la Famille Salésienne
le trésor de la prédilection
pour les petits et pour les pauvres,
Apprends-nous à être pour eux chaque jour
les signes et les porteurs de l’amour de Dieu,
et fais grandir en nos cœurs
les sentiments mêmes du Christ Bon Pasteur.
Demande pour tous les membres de ta Famille,
la bonté du cœur,
la ténacité au travail,
la sagesse du discernement,
le courage de donner un témoignage d’Eglise,
la générosité missionnaire.
Obtiens-nous la grâce
de rester fidèles à l’Alliance
que le Seigneur a scellée avec nous,
et fais que, conduits par Marie,
nous parcourions joyeusement,
avec les jeunes
la voie qui conduit à l’amour.
Amen.
Et voici le récit sous forme de métaphore :
Le hurlement du loup courut tel un frisson le long du flanc de la montagne. Un cerf, qui broutait paisiblement l’herbe grasse et mouillée par la rosée, s’effraya et partit à toute allure, en traversant la forêt de sapins.
Les imposants bois du cerf frôlaient et secouaient les branches. Un cône, gros et mûr, se détacha d’une branche de sapin et suivit la pente en roulant vers le bas, rebondit sur une roche proéminente et finit sa chute avec un bruit sourd dans un creux de terrain humide et exposé au sud.
Une poignée de graines fut projetée en dehors de son logement confortable et se répandit sur le terrain.
« Hourra ! » crièrent les graines à l’unisson. « Le moment est venu ! »
« Nous avons réussi ! Ici il n’y a pas d’écureuils ni de rats, nous sommes hors de danger ».
Elles commencèrent avec enthousiasme à germer pour accomplir la mission qui brûlait dans leur petit cœur et qui est la tâche de tout arbre : maintenir le ciel attaché à la terre. C’est pour cela que les arbres plongent des racines profondes dans la terre et tendent des branches noueuses dans le ciel. S’il n’y avait pas les arbres, le ciel se serait déjà envolé.
Donc les graines commencèrent à se nicher dans le terrain, mais elles découvrirent bien vite que d’être en grand nombre, cela provoquait quelques difficultés.
« Ecarte-toi un peu plus loin, s’il te plaît ! ».
« Fais attention ! Tu m’as mis ton germe dans un œil ! ».
Et ainsi de suite. De toute manière, en se heurtant et en jouant des coudes, toutes les graines trouvèrent une petite place pour germer.
Toutes moins une.
Une graine belle et robuste déclara clairement ses intentions : « Vous me semblez une bande d’incapables ! Entassées comme vous l’êtes, vous vous volez le terrain les unes les autres et vous croîtrez rachitiques et rabougries. Je ne veux rien avoir à faire avec vous. Toute seule je pourrai devenir un grand arbre, noble et imposant. Toute seule ! ».
Avec l’aide du vent, la graine réussit à s’éloigner de ses sœurs et planta ses racines, en solitaire, sur la crête de la montagne.
Après quelques saisons, grâce à la neige, à la pluie et au soleil elle devint un jeune sapin magnifique qui dominait la vallée, où ses sœurs étaient devenues au contraire une forêt qui offrait de l’ombre et un repos rafraîchissant aux passants et aux animaux de la montagne.
Même si les problèmes ne manquaient pas.
« Ne fais pas bouger tes branches ! Tu fais tomber mes feuilles ».
« Tu me voles le soleil ! Ecarte-toi plus loin… ».
« Vas-tu arrêter de mettre en désordre mon feuillage ? ».
Le sapin solitaire les regardait avec ironie et superbe. Lui, il avait tout le soleil et l’espace qu’il désirait.
Mais, une nuit à la fin du mois d’août, les étoiles et la lune disparurent sous une chevauchée de gros nuages menaçants. En sifflant et en tourbillonnant, le vent déversa une série de rafales de plus en plus violentes, jusqu’à ce que, dévastant tout sur la montagne, s’abattit la tempête.
Les sapins de la forêt se serrèrent l’un contre l’autre, en tremblant mais en se protégeant et en se soutenant réciproquement.
Quand la tempête se calma, les sapins étaient exténués à cause de la longue lutte, mais ils étaient saufs.
Tous moins un.
Du superbe sapin solitaire il ne restait qu’un tronçon écorné et mélancolique sur la crête de la montagne.
Au printemps suivant, les rayons de soleil caressaient des dizaines de tendres germes que la brise du soir berçait avec émotion. Entre les branches des sapins beaucoup d’oiseaux et d’écureuils avaient trouvé refuge et surmonté l’hiver et, à la base des troncs robustes, s’étaient épanouies des plantes et des fleurs de mille couleurs.
C’était le don que, sans le vouloir, le vent et la pluie de la tempête avaient fait à la montagne.
Très chers frères et sœurs, qui êtes tous des amis, je vous souhaite une année 2009 riche de grâces et je vous confie la tâche de faire vraiment de la Famille Salésienne un véritable mouvement de personnes, vaste et empreint de solidarité, en vue du salut des jeunes.
Avec mon affection, en Don Bosco
Père Pascual Chávez Villanueva
Recteur majeur
1 Benoît XVI, Homélie lors de l’eucharistie des JMJ (Sydney 20.07.2008)