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1. LETTRE DU RECTEUR MAJEUR
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« Vous Êtes une lettre du Christ,
Écrite non avec de l’encre,
mais avec l’Esprit du Dieu vivant » (2 Co 3,3)
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1.1 Informations et réflexions sur les derniers voyages |
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Visite en Albanie (IME) – Le Borgo Ragazzi « Don Bosco » de Rome – Retraite spirituelle à Fatima – Retraite spirituelle du Recteur majeur et du Conseil – Visite à la Province du Portugal – Visite en Terre Sainte – Session intermédiaire du Conseil général – Encyclique sur l’Eucharistie – Visite à la Province de Grande-Bretagne – Présences de Treviglio et de Chiari (ILE) – Visite à la Province de Sicile – Visite à la Province de Bilbao – Visite à la Province de Munich – Visite à la Province de Cologne – Fêtes en l’honneur de Marie Auxiliatrice à Turin – Visite à la Province de Vérone (IVO) – Participation à l’assemblée semestrielle de l’USG – Visite à la Province Adriatique – Conclusion : l’anniversaire de Don Bosco.
Rome, 8 septembre 2003
Bien chers confrères,
Je vous salue avec affection, en quelque partie du monde que vous vous trouviez, spécialement dans les zones lointaines et isolées ou en situation de difficulté et de risque. C’est avec préoccupation que nous avons suivi le cours des événements en plusieurs pays d’Afrique : Côte-d’Ivoire, République du Congo, Rwanda, Burundi, Liberia, qui ont été – et continuent à être – des lieux de violence, de guerre et de trouble social. Ils ont besoin de réconciliation et de paix, de stabilité et de tranquillité pour pouvoir bâtir des conditions de vie vraiment humaine. Si la mort de tant d’innocents provoque l’horreur, le sort d’enfants, d’adolescents et de jeunes sans espérance ni avenir fait de la peine. Je voudrais vous rejoindre tous et vous dire encore que je suis auprès de vous et que j’apprécie votre généreux dévouement. Je vous encourage donc à rendre témoignage de l’amour de Dieu pour les jeunes.
Ecrivant à la communauté de Corinthe, saint Paul répond à ceux qui contestaient son autorité d’apôtre et la légitimité de son évangile. La crédibilité de son action ne lui vient pas du témoignage d’autrui ni d’expériences ésotériques, mais de l’Esprit qui agit dans le cœur des hommes pour les changer et les rendre dociles à la parole évangélique. C’est l’existence même de la communauté qui est sa « lettre de recommandation ». La foi solide et la charité active de la communauté sont les meilleures lettres de créance : « Vous êtes cette lettre ». Et il précise aussitôt : « Vous êtres une lettre du Christ, que j’ai écrite non pas avec de l’encre, mais avec l’Esprit du Dieu vivant » (2 Co 3, 2-3). Si la première métaphore était déjà hardie, la seconde est surprenante : dans la naissance de la communauté agit la force vivificatrice de l’Esprit ; et le résultat en est la création de personnes nouvelles, ouvertes et dociles au projet salvifique de Dieu.
Je suis sûr que notre père bien-aimé Don Bosco se sent fier de ses fils, des présences éducatives et pastorales répandues en bien des pays du monde, du service rendu aux jeunes pauvres par toutes sortes d’œuvres nombreuses et que, paraphrasant saint Paul, il pourrait vous répéter : « Vous êtes ma lettre de recommandation. Vous êtres une lettre du Christ, que j’ai écrite non pas avec de l’encre, mais avec l’Esprit du Dieu vivant » (2 Co 3,3). Quant à moi, ai-je reçu une meilleure recommandation devant Dieu et le monde que vous-mêmes ? Non, parce que vous êtes aussi pour moi ma lettre du Christ.
Après ma dernière lettre circulaire, qui a suscité en de nombreux confrères, communautés et Provinces l’envie de faire une évaluation du modèle de vie consacrée que nous vivons, avec la volonté de se convertir toujours plus au Christ et à son Evangile et la volonté de réaliser une vie plus authentique et significative, plus prophétique et efficace, je m’adresse de nouveau à vous dans le désir de partager quelques nouvelles et quelques réflexions de mes derniers voyages.
Comme vous le savez, mon but est toujours de faire connaître et de valoriser tout ce que vous êtes et faites, de recueillir les défis rencontrés par la mission salésienne et de réfléchir à haute voix, en cherchant à puiser dans notre riche patrimoine salésien des réponses selon la mentalité, l’esprit et l’audace de Don Bosco.
Ce sera ma dernière lettre de ce genre, comme je vous l’ai déjà annoncé, parce que j’alternerai les lettres à contenu doctrinal avec la présentation des huit Régions de la Congrégation. Ne vous inquiétez donc pas si je ne parle pas de toutes les Provinces que j’ai visitées : ce n’est certes pas un signe d’oubli ni un manque d’estime.
Visite en Albanie (IME)
Dans la première partie de février, en une fin de semaine, j’ai fait une visite en Albanie. On célébrait le dixième anniversaire de la présence salésienne en cette partie des Balkans. Au début, elle avait été confiée par le P. Egidio Viganò à la responsabilité des quatre Provinces italiennes IME, IRO, ISI et ISA, mais, depuis 1997, elle dépend de la seule Province Méridionale.
Arrivés le 24 septembre 1992, les premiers salésiens travaillèrent, d’un côté dans le secteur catéchistique, pour aider les Eglises de tout le pays à surmonter des décennies de propagande athée et, de l’autre, dans le secteur de la formation professionnelle et le patronage-centre de jeunes, pour donner aux enfants une éducation intégrale, une formation professionnelle et une préparation au travail, indépendamment de leur situation culturelle, religieuse et sociale.
En 1999, durant la guerre du Kosovo, beaucoup de réfugiés trouvèrent un fraternel accueil dans notre camp de réfugiés de Tirana et connurent un centre qui éveilla chez eux le désir d’avoir une œuvre semblable au Kosovo. La réponse du P. Juan Vecchi fut positive et c’est ainsi que s’ouvrit notre présence de Pristina, qui, ces prochains mois, verra l’ouverture du centre professionnel.
Dès mon arrivée à Tirana, je suis resté surpris de l’accueil des jeunes qui fréquentent le patronage et le centre de formation professionnelle « Don Bosco ». Après la difficile période de la guerre, aujourd’hui avec ses 500 élèves, il est devenu le centre de formation le plus significatif du pays. La présence de Tirana comprend un ensemble d’œuvres, dont une expérience d’entreprise de jeunes. Le projet Pony-Express, en effet, donne du travail à 70 jeunes choisis parmi les orphelins qui vivent dans des structures de l’Etat, à des enfants de la rue et à des handicapés. Dans la paroisse de Marie Auxiliatrice à Tirana Nord, le patronage-centre de jeunes, en plus de ses activités habituelles d’éducation et d’animation, travaille en faveur des enfants nomades Rom en collaboration avec l’UNICEF. Là, il y a encore beaucoup à faire pour pouvoir rendre un service plus systématique à ce quartier nécessiteux.
Dans la capitale albanaise, j’ai pu constater la portée de notre présence, en voyant la grande estime qu’en ont les autorités ; celles-ci ont été présentes au débat public sur : « Les défis pour l’éducation des jeunes en un monde globalisé », où j’ai fait ressortir le motif de notre présence en Albanie : la volonté de la Congrégation et de la Famille salésienne d’être présentes là où il y a des jeunes à éduquer. Là se trouve un des fleurons du VIS, le Volontariat international pour le développement, qui a travaillé à la reconstruction du pays par le centre de Tirana, non seulement avec de l’argent, mais aussi avec des volontaires, qui mènent à bien une expérience très positive et enthousiasmante.
Durant la visite s’est célébré un autre événement important : la consécration de l’église dédiée à Don Bosco à Scutari. C’est un beau temple, qu’animera toute cette présence qui comprend la maison de formation pour aspirants et novices, le patronage-centre de jeunes, la paroisse et surtout, comme élément caractéristique, le centre catéchistique, auparavant national et actuellement diocésain. La nouvelle église est un signe de reconnaissance à Dieu pour les dix années de présence salésienne en Albanie et un encouragement à renouveler l’engagement éducatif des salésiens et de la Famille salésienne dans le pays. Dans la situation actuelle de transition du pays, il est urgent d’orienter toutes les forces à préparer les jeunes Albanais à être coresponsables et acteurs du changement.
Est également satisfaisante la part active de la Famille salésienne dans les deux œuvres de Tirana et de Scutari. Après dix années, nous nous trouvons avec une présence salésienne féconde, où la Famille de Don Bosco se développe bien. Des vocations salésiennes locales ont également vu le jour et elles aideront à renforcer et à développer cette délégation.
Une présence comme celle-là montre la capacité de la Congrégation de répondre aux nouveaux défis, ecclésiaux et sociaux, sa contribution spécifique par l’éducation dans ce pays en reconstruction et la nouveauté de sa façon de répondre aux besoins : le travail en réseau qui crée la synergie, la mobilisation des ONG pour le financement, l’engagement du volontariat, l’effort d’inculturation du charisme et le souci des vocations du lieu. À la vue de cette présence à peine née, on reste surpris de la créativité charismatique salésienne : les ressources et le personnel manquent, mais non la foi ni l’audace.
En plus de ma visite en Albanie, à la mi-juin je suis allé de nouveau dans la Province Méridionale pour la célébration du centenaire de l’œuvre de Portici. Comme en d’autres lieux, là aussi m’a été conférée la citoyenneté d’honneur, que j’ai volontiers acceptée au nom des confrères qui durant cent ans ont travaillé pour le bien de la jeunesse pauvre et nécessiteuse. C’est eux qui méritent la citoyenneté ; c’est à eux que va la reconnaissance ! Vous pourrez peut-être vous demander pourquoi parler de l’assentiment et de l’estime que l’œuvre salésienne a réussi à susciter dans la ville. C’est parce que toutes les forces politiques présentes dans la commune se sont exprimées à l’unanimité en termes si encourageants que je me suis senti fier d’être salésien et reconnaissant envers les confrères qui ont travaillé là. À Portici, Don Bosco se serait senti à l’aise !
Un moment de grande communication a été la rencontre avec les jeunes du MSJ, provenant de toute la Province. Je reste toujours étonné devant l’ouverture et la sensibilité des jeunes ; que de bien nous pouvons faire si nous sommes capables de proposer des choses de qualité ! C’est ainsi qu’a magistralement travaillé Don Bosco et que nous sommes appelés, nous aussi, à agir.
Le Borgo Ragazzi « Don Bosco » de Rome
Le fait que la maison générale se trouve à Rome rend possible la participation du Recteur majeur à de fréquentes rencontres, réunions et célébrations dans la Province Romaine. Bien que j’aie visité diverses présences, je voudrais m’arrêter sur celle du Borgo Ragazzi « Don Bosco » qui, depuis cinquante ans, rend service à des centaines d’adolescents et de jeunes de la périphérie de Rome. Je l’ai visitée au début de mars. Etaient présentes beaucoup d’autorités civiles.
En plus de la mobilisation des forces politiques et sociales qui trouvent dans le Borgo une œuvre très valable, un fait digne d’attention est, aujourd’hui comme il y a 50 ans quand elle fut créée sous l’impulsion de l’Eglise et de la Congrégation pour s’occuper des sciuscià, la volonté des confrères de continuer à « rêver » avec et pour les enfants en difficulté, à qui ils offrent diverses sortes de programmes éducatifs : la maison familiale pour enfants et mères célibataires, le centre de formation professionnelle avec 300 enfants, les projets SOS « écoute des jeunes », la semi-autonomie, le parrainage (« affido ») familial, l’animation du territoire et l’entreprise des jeunes. Il y a aussi une forme éloquente de cette sensibilité sociale qui m’a fortement étonné : la création de l’« Opération Argentine » pour aller à la rencontre des enfants pauvres de ce pays en difficulté. Je dirais qu’il n’est pas habituel de voir une œuvre sociale, qui vit précisément de l’assistance d’autrui, avoir le souci de donner de l’aide à ceux qui sont dans un plus grand besoin. Cela, c’est de la solidarité chrétienne !
Le Borgo appartient à ce genre d’œuvres qui sont significatives en elles-mêmes, par l’emplacement géographique, les destinataires, la variété des offres éducatives, l’identification des nombreux collaborateurs, et en même temps par l’implication des autorités politiques et des institutions privées, afin de résoudre en synergie un problème social et offrir de l’espoir et un avenir aux jeunes. Il ne faut pas oublier le fait que l’évêque a accepté la proposition de convertir notre église en la première paroisse de jeunes, donc avec un sens moins territorial et plus pastoral au service des jeunes, dans la ligne de l’article 40 des Constitutions, selon lequel chaque maison salésienne est une « paroisse qui évangélise » les jeunes. J’espère que nous pourrons nous montrer dignes de ce geste de confiance et réaliser un modèle de ce que pourrait signifier une paroisse de jeunes dans la ville qui est le siège du Vicaire du Christ.
Retraite spirituelle à Fatima
Du 16 au 22 mars j’ai prêché la retraite spirituelle aux directeurs SDB et aux directrices FMA des Provinces méridionales d’Italie. Même si ce n’est pas l’unique fois que des directeurs et des directrices font la retraite ensemble, je voudrais souligner son aspect positif. La Famille salésienne renforce son unité comme fruit de l’écoute commune de la Parole, de l’éclairage partagé des critères de vie et de mission salésienne, de la prière unie. Ce n’est évidemment pas la seule forme ; et il n’est pas dit que le résultat soit garanti : il dépend de la préparation et des dispositions. C’est certainement un signe non indifférent de communion.
J’ai pu constater la bonne préparation de cette expérience spirituelle, qui n’a rien laissé à l’improvisation. Elle aide à faire en sorte que tout marche bien, à assurer l’« esthétique » de la liturgie, non au sens formel mais au sens mystagogique, à créer un climat favorable à la rencontre de Dieu. Il est clair qu’en fin de compte, tout dépend de chaque participant ; mais l’atmosphère aide fortement !
Je voudrais aussi parler un peu du lieu de la retraite : Fatima, à côté du sanctuaire et de la chapelle des apparitions, avec une énorme place, qui se caractérise par le recueillement et le climat de prière ; c’est vraiment un lieu « sacré ». Je suis resté impressionné de ce qu’a pu susciter un événement simple et humble dont les protagonistes étaient trois enfants pastoureaux. Aujourd’hui à Fatima, il est possible de faire l’expérience de la force de la présence de Dieu. Il n’y a aucun doute : ce qui est humble attire le Dieu de Jésus Christ.
Ce qui me fait réfléchir, c’est le fait que toute la Congrégation, autrement dit les 17 000 confrères et novices environ, vivent chaque année une semaine de forte expérience comme celle de la retraite spirituelle. C’est la même chose pour les FMA et presque tous les groupes de la Famille salésienne. Il s’agit certainement de l’engagement institutionnel et de la possibilité personnelle les plus importants pour la rénovation et la relance spirituelles. Mais il s’impose de rappeler que le profit personnel, communautaire et institutionnel dépend de la disposition de chacun à accueillir cette grâce et à progresser dans la vie spirituelle et pastorale, sous la mouvance de l’Esprit Saint, qui opère des merveilles chez ceux qui lui sont dociles et le prennent comme guide.
En décrivant la nature et les objectifs de la récollection mensuelle et de la retraite spirituelle, l’article 91 des Constitutions présente le titre suivant : « Moments de renouvellement ». Les récollections et les retraites, avec l’effort constant de vigilance et la pratique fréquente du Sacrement de la Réconciliation, sont comme les trois éléments de base du notre route pénitentielle. Il s’agit d’une pédagogie et d’une discipline – dans le meilleur sens du terme : celui d’un itinéraire acétique pour devenir disciples – qui nous mettent à l’« école » de Jésus, en sorte qu’Il soit le Maître, et nous placent à ses pieds pour l’écouter à la façon de Marie de Béthanie, qui choisit la meilleure part. Qu’il ne nous arrive pas de tomber dans la tentation de Marte, qui voulait enseigner à Jésus ce qu’il devait faire, en renversant les rôles : « Dis à ma sœur…» (cf. Lc 10, 38-42). L’accueil et l’écoute sont au service de la réalisation de la vie chrétienne et religieuse, à considérer, selon Karl Rahner, comme un processus de conversion permanente.
Deux termes bibliques peuvent nous aider à mieux préciser la nature de ce processus et, par conséquent, à vivre de façon plus consciente ces « moments de rénovation ».
–Dans l’Ancien Testament, la forme typique pour parler de la conversion s’exprime par le verbe « shub », qui signifie « revenir », allusion claire à l’expérience originelle du rapport amoureux d’alliance entre Yahvé et Israël. Il a une évidente connotation personnaliste : retrouver l’être aimé. Le texte le plus éloquent est celui d’Osée : « Alors elle dira : “Je vais retourner chez mon premier mari, car j’étais plus heureuse alors que maintenant” […] Eh bien – oracle du Seigneur – je vais la séduire, je la conduirai au désert et je parlerai à son cœur […] Et là, elle répondra comme au temps de sa jeunesse, comme au jour où elle monta du pays d’Egypte » (Os 2, 9.16-17).
Dans le Nouveau Testament, par contre, le terme utilisé invariablement est celui de « métanoia », traduit ordinairement par « conversion », mais qui, à la lumière des nombreux textes où il se trouve, signifie mieux « renversement de l’esprit », c’est-à-dire un changement dans la façon voir, de juger et de vivre. Il d’agit en somme d’une « trans-évaluation », comme la « conversion de saint Paul » (Ac 9 ; Ga 1,15 ; Ph 3, 7-14 ; 1 Tm 1,12-16), où tout ce qu’on estimait auparavant comme valeur et gain, est à présent considéré comme une perte et objet de mépris, en face de la récupération de ce qui vaut vraiment : le Christ le Seigneur.
Je pense que les deux termes « retour » et « transformation » ne s’excluent pas l’un l’autre. En effet, nous qui avons pris l’option de croire en Lui, de Le suivre et de L’imiter, c’est-à-dire nous qui nous sommes « convertis à Lui », nous sommes sans cesse invités à « revenir à Lui ».
Se convertir au Christ, c’est donc « repartir du Christ », c’est-à-dire « retrouver le premier amour, l’étincelle inspiratrice à partir de laquelle a commencé la sequela Christi. Le primat de l’amour lui revient » (RdC 22).
Ces textes éclairent l’article des Constitutions qui affirme que ces exercices « sont des temps de reprise spirituelle ». L’expression évoque la « mémoire biblique » et nous rappelle un autre passage de l’Evangile : la scène de Jésus avec ses disciples qui rentrent de leur première expérience apostolique, enthousiasmés par « tout ce qu’ils avaient fait et enseigné ». Jésus répond à leur euphorie par l’invitation : « Venez vous aussi à l’écart dans un endroit désert, et reposez-vous un peu » (Mc 6, 30-31). Ce texte fait partie du passage qui, par excellence, indique ce que nous appelons « charité pastorale » (Mc 6, 30-44). Et de fait, comment pouvons-nous arriver à aimer en vrais pasteurs nos destinataires, sans nous reposer d’abord seuls avec Jésus ?. Chez qui et comment apprendre à avoir compassion des gens égarés, sinon auprès du Christ, comme a appris Don Bosco (cf. Const. 11) ?
La clé de compréhension du texte se trouve d’une part dans le « vous aussi» et de l’autre dans « et reposez-vous ». En effet, les évangélistes constatent tous que Jésus se retirait pour prier. Et c’est cela que Jésus appelle « se reposer », « se récupérer », expression à profonde résonance anthropologique et mystique, comme le montre notre expérience humaine, qui nous dit que rien n’est aussi réconfortant que l’intimité et la communion profonde avec Dieu. C’est à un tel repos que Jésus les invite « eux aussi ».
Notre genre de vie, qui présente de nombreuses activités et peu de pratiques de piété en commun, court le risque de nous faire tomber dans la frénésie de l’activité pour l’activité, avec sa triple conséquence : fatigue physique, « stress » psychique et superficialité spirituelle qui, au lieu de nous convertir en « contemplatifs dans l’action », fait que nous sommes, dans le meilleur des cas, des « workaholic », des maniaques du travail, ou dans le pire des cas, de simples « fonctionnaires » plus que des missionnaires.
Pour faire obstacle à ces conséquences négatives de l’activité pour elle-même et de donner de la profondeur à notre vie, de gagner en signifiance et de la remplir d’un dynamisme qui nous fasse vivre non en « bureaucrates » faisant ce que nous avons à faire, mais en « créateurs » à l’image de notre Dieu et Père créateur (cf. Jn 5, 17-18) et en « sauveurs » prolongeant l’action salvifique du Seigneur Jésus (cf. Ac 3, 1-10), l’unique manière est de devenir d’abord des « contemplatifs dans la prière ». Dans l’intimité avec le Seigneur, nous nous rappellerons que le « maître » de la vigne et de la moisson, c’est Lui, que celui « qui fait pousser la semence », c’est Lui, que celui qui scande les rythmes, c’est Lui. C’est aussi dans l’intimité avec Lui que nous apprendrons les secrets de son Royaume, que nous approfondirons son plan de salut et que nous adopterons sa charité pastorale.
Toujours selon l’article 91 de notre Projet de vie, les récollections et les retraites spirituelles nous offrent trois moyens privilégiés :
–Écouter la Parole de Dieu. À l’écoute l’article 87 attribue la capacité d’être « source de vie spirituelle, aliment pour la prière, lumière pour connaître la volonté de Dieu dans les événements, et force pour vivre notre vocation dans la fidélité », à condition que, comme la Vierge Marie, nous accueillions sans condition la Parole, la gardions précieusement en nous et la fassions fructifier.
–Purifier le cœur. Cela requiert de rectifier et d’approfondir les motivations et les significations, conscients de la valeur et du dynamisme moteur qu’ont aujourd’hui les « significations », celles qui donnent du sens à la vie, et de purifier ses sentiments, surtout ceux qui sont désordonnés tant à cause de leur dépendance excessive des manifestations extérieures d’affection, d’estime et de valorisation, qu’à cause d’un ressentiment, d’une amertume et d’une frustration.
–Discerner sa volonté. C’est, en dernière instance, ce qui importe et dont dépend notre bonheur. Ici aussi Marie, à l’annonciation, se présente comme un modèle de recherche de la volonté de Dieu dans sa vie personnelle (cf. Lc 1, 26-38). Plus qu’un fait ponctuel – comme recours dans les moments de difficulté ou dans la prise de décisions importantes – le discernement doit être une disposition de vie qui nous porte à chercher « la volonté de Dieu, ce qui est bon, ce qui est capable de lui plaire, ce qui est parfait » (Rm 12, 2b).
Le fruit est double et ne pourrait être plus désirable : avant tout gagner en unité intérieure, précisément lorsque tout favoriserait la désintégration, au point parfois de mener à des situations pathologiques ; et puis raviver l’attente du Seigneur, dont le retard de la venue pourrait nous pousser à cesser de l’attendre et à chercher simplement à survivre. En quelque sorte, c’est ce à quoi nous conduit ce temps où l’on proclame la « mort des utopies ».
Retraite spirituelle du Recteur majeur et du Conseil
Je voudrais à présent, vu sa connexion avec le thème que je viens de développer, donner mon témoignage personnel de la retraite spirituelle du Conseil général, prêchée par le P. Pierre Braido dans la dernière semaine de juin. Elle a vraiment été un « itinéraire spirituel » sous la sage conduite d’un authentique amoureux de Don Bosco, qui nous a pris par la main pour nous faire parcourir les grandes étapes de la route extérieure et intérieure de notre Père bien-aimé, de façon à nous réchauffer le cœur. En nous rappelant sa biographie, le prédicateur nous offrait quelques critères pour « Marcher vers l’avenir avec Don Bosco “prêtre des jeunes”» ; c’était en effet le thème de la retraite.
Le point de départ a été l’affirmation du principe que Don Bosco est pour nous SDB non seulement un point de référence, mais un modèle de vie ; ce qui nous pousse à le connaître et à le comprendre dans la totalité de son existence.
Le point de vue du prédicateur, qui voulait nous aider à regarder Don Bosco dans son devenir historique, nous a permis de mieux comprendre sa maturation personnelle, l’initiative de Dieu qui le guidait et le développement de son œuvre. Il nous a aussi offert une vision d’ensemble de ce qu’est la vie salésienne dans ses composantes fondamentales : son identité, sa place dans l’Eglise et son rôle social, sa mission parmi les jeunes et sa méthode d’éducation, la communauté de vie et d’action, le style des conseils évangéliques, la spécificité de sa spiritualité, le profil du salésien à former, son type d’animation et de gouvernement.
En vous présentant un petit commentaire du thème, je voudrais partager avec vous quelques points de la vaste réflexion qu’il a proposée et des résonances qu’elle a réveillées en moi.
–Marcher. Pour Don Bosco, comme pour tous les salésiens, la vocation n’est pas quelque chose d’abstrait, mais une mise en mouvement et une expérience de vie semblable à celle dont parle l’Evangile de Jean : «Viens et vois» (cf. Jn 1, 39). Don Bosco a façonné ses salésiens en racontant plus qu’en dissertant. Cela signifie que la vocation salésienne doit encore se comprendre, se présenter et se vivre de cette façon. Elle est une expérience qui devient immédiate, fascinante, convaincante, ayant des choses à proposer. C’est peut-être ce que voulait indiquer le P. Viganò quand il écrivait que « la naissance du salésien des temps nouveaux a commencé avec Don Bosco » ; il est notre « incunable ».
Aujourd’hui comme hier, nous avons besoin de mettre en œuvre la pastorale des vocations et de modeler les salésiens en « racontant », en nous référant plus souvent et explicitement à Don Bosco, à la manière du P. Barberis, un de ses biographes, qui en racontant les « Antiquités » de l’Oratoire du Valdocco, nous en donne les raisons : elles nous apprennent ce qui nous appartient, nos méthodes, notre esprit de famille ; elles renforcent en même temps notre sentiment d’appartenance, nous font sentir membres de la famille et nous rendent protagonistes.
–Vers l’avenir. Il est bien vrai que les jeunes sont notre avenir, même s’il faut dire qu’ils ne sont pas pur songe ni utopie, parce qu’ils apportent avec eux leur hérédité et leurs expériences. Pourtant Don Bosco a su être jeune et donc en syntonie avec l’avenir à force d’être au milieu des jeunes. Les exigences des jeunes et leurs besoins ont déterminé l’avenir de Don Bosco et aujourd’hui encore orientent et doivent orienter les décisions de notre Congrégation.
–Avec Don Bosco. Dans l’expérience du Valdocco il est clair qu’il y a eu une maturation de sa mission et par conséquent un passage de la joie d’« être avec Don Bosco » à « être avec Don Bosco pour les jeunes », d’« être avec Don Bosco pour les jeunes de façon stable » à « être avec Don Bosco pour les jeunes de façon stable avec des vœux ». Le fait d’être avec Don Bosco n’exclut pas « a priori » l’attention à son époque, qui l’a modelé ou conditionné, mais il requiert de vivre avec le même engagement ses options, son dévouement, son esprit d’entreprise et d’avant-garde.
–Prêtre des jeunes. Le génitif « des jeunes » est à la fois objectif et subjectif : Don Bosco est prêtre pour les jeunes, étant pour eux et à leur service ; en même temps il est prêtre des jeunes, leur appartenant et étant sollicité par eux. Il est tout entier pour les jeunes et toujours avec les jeunes. Être avec les jeunes et être à leur disposition connote profondément notre façon d’être salésiens comme Don Bosco. Nous ne pouvons pas nous imaginer éloignés, détachés, indifférents vis-à-vis des jeunes ; la proximité des jeunes est le premier pas que nous devons tous faire aujourd’hui avec décision.
Tout cela fait de Don Bosco quelqu’un de fascinant et, dans notre cas, un père à aimer, un modèle à imiter, mais aussi un saint à invoquer. À ce sujet il vaut la peine de rappeler la lettre écrite par le P. Ricaldone après la canonisation de Don Bosco, où il dit : « Il serait réductif de penser que Dieu n’aurait envoyé Don Bosco que pour les salésiens ou pour la Famille salésienne. Non ! Dieu l’a envoyé comme un don pour toute l’Eglise, pour le monde entier. Et nous devons le faire connaître et promouvoir sa dévotion ».
À la fin de la retraite nous étions vraiment satisfaits de l’expérience que nous avions faite. Si pour tous les salésiens il est important de connaître Don Bosco, pour l’avoir comme point normatif de référence, cela devient une tâche imprescriptible pour le Recteur majeur et les conseillers généraux, appelés précisément à être ses continuateurs dans la conduite de la Congrégation. Nous nous rendons compte que plus augmente la distance de notre Fondateur, plus réel est le risque de parler de Don Bosco sur la base de « lieux communs », d’anecdotes, sans une vraie connaissance de notre charisme. D’où l’urgence de le connaître par la lecture et l’étude ; de l’aimer de façon affective et effective comme un père et un maître pour son héritage spirituel ; de l’imiter en cherchant à lui ressembler, en faisant de la Règle de vie notre projet personnel. Tel est le sens du retour à Don Bosco, auquel j’ai invité toute la Congrégation et moi-même dès mon premier mot du soir, par l’étude et l’amour qui cherchent à comprendre, pour éclairer notre vie et les défis actuels. Avec l’Evangile, Don Bosco est notre critère de discernement et notre idéal d’identification. Je saisis l’occasion pour vous encourager à avoir toujours davantage Don Bosco comme référence pour la rénovation spirituelle et pastorale dans les Provinces.
Visite à la Province du Portugal
Aussitôt après la retraite à Fatima, et pour profiter de ma présence au Portugal, j’ai fait une visite d’animation à cette Province où, en plus des directeurs et du Conseil provincial, j’ai rencontré des confrères, des groupes de la Famille salésienne, des élèves de nos écoles, des enseignants et des collaborateurs laïcs, dans les œuvres de Porto, de Mogofores, de Lisbonne, de Manique et d’Estoril.
Plusieurs de ces œuvres font impression par la qualité de leurs bâtiments, le genre de leurs destinataires, la réputation qu’elles ont dans la société et devant les autorités civiles ; mais la Province compte aussi un éventail de présences variées et significatives sur le terrain de la marginalité et de la promotion sociale.
Je mentionne trois points qui caractérisent en particulier la Province du Portugal. Ce qui frappe le plus ceux qui connaissent son histoire, c’est son esprit missionnaire. Il est bon de rappeler que cette Province a été, également pour des raisons politiques, responsable de la naissance et du développement salésien à Goa, à Timor Est, à Macao, au Mozambique, au Cap-Vert et dans les Açores. Si elle a cessé d’être présente dans les trois premiers lieux, elle continue à gérer les œuvres dans les trois autres pays.
Une seconde caractéristique est la dévotion mariale du Portugal salésien, due en partie à l’influence de Notre-Dame de Fatima – il ne pourrait en être autrement –, mais aussi par la diffusion qu’y a eue la dévotion à Marie Auxiliatrice. Pour nous salésiens, la piété mariale est une preuve et une garantie de fidélité charismatique.
Je puis enfin indiquer l’intense religiosité populaire de tout le pays, qui offre de grandes possibilités pour une féconde pastorale des jeunes et des vocations de qualité. Et précisément parce que commence à se répandre laïcisme, il est important que les salésiens puissent aider les enfants à lui faire face par une éducation de la foi qui conduise à rencontrer le Christ et approfondisse des options de vie chrétienne. La prochaine béatification de la Vénérable Alessandrina da Costa devra être un motif de proposer à nouveau la sainteté salésienne des jeunes ; ce sera une façon efficace de rendre grâce à Dieu de ce don.
Visite en Terre Sainte
Au début d’avril, j’ai visité la Terre Sainte, à l’occasion de la célébration du centenaire de la Province du Moyen-Orient, fondée par don Rua en 1902, année où le premier successeur de Don Bosco érigea juridiquement 32 Provinces. La célébration avait été programmée pour le 12 mai 2002, mais l’intifada et le couvre-feu ont obligé par deux fois à la différer. Même si la situation politique n’a pas changé et même s’est aggravée avec la guerre en Iraq, j’ai décidé d’être présent parmi les confrères qui vivent depuis si longtemps dans cette lourde atmosphère.
La visite a été préparée par le Provincial avec son Conseil comme un pèlerinage. C’est pourquoi je suis allé à Nazareth, où j’ai célébré l’Eucharistie dans la Grotte de l’Annonciation avec la participation des confrères de la communauté, des Filles de Marie Auxiliatrice, d’un petit groupe de Coopérateurs et d’Anciens élèves. Ce fut une occasion pour réfléchir sur la vocation à la lumière de Marie et pour apprendre d’Elle à donner une réponse positive au projet de Dieu sur nous. C’est possible dans la mesure où nous développons les dispositions fondamentales de Marie : la recherche continuelle de la volonté de Dieu, son accueil comme projet de vie, la docilité à l’action de l’Esprit Saint de façon qu’Il soit notre guide.
Il y a eu aussi un rencontre avec les élèves et les professeurs et un moment de fête avec la participation des membres de la Famille salésienne, de la communauté éducatrice et d’autorités ecclésiastiques et civiles. Le climat continuel d’hostilité et de terrorisme, qui a privé les lieux saints de touristes et de pèlerins, a renversé la nouvelle économie palestinienne et alourdi l’atmosphère sociale.
Nous avons poursuivi par la visite de la communauté de Beit Gemal, un lieu très beau et de grande valeur, situé en contexte hébreu, où notre mission se réduit au témoignage et à l’accueil. Dans l’église de saint Etienne, nous avons célébré l’Eucharistie à laquelle ont également pris part la communauté des Sœurs de Bethlehem et de la Vierge Montée au ciel et de saint Bruno et trois frères prêtres de cette même Congrégation. Il s’agit de deux communautés religieuses de vie contemplative, qui ont été accueillies dans notre propriété pour qu’elles y établissent leur couvent.
De Beit Gemal nous nous sommes rendus à la basilique du Saint Sépulcre, où nous avons eu un temps bref mais intense de prière devant le Calvaire et au Saint Sépulcre même. Le pouvoir de la mort et le triomphe final de la vie trouvent ici leur meilleure icône. Le sanctuaire tout entier est rempli du Christ et le Christ tout entier est là, parce qu’Il a pris sur lui nos fautes et notre mort, et parce qu’Il est le premier-né de ceux qui ressuscitent des morts. Je ne puis taire l’émotion profonde que j’ai ressentie, comme Jésus devant la tombe de son ami Lazare, étant présents la force de la mort, celle qui ôte le sens à la vie, et en même temps le dynamisme de l’amour qui vainc la mort. Dommage que le temps ne nous ait pas permis de rester plus longtemps ; j’en avais besoin.
Ensuite nous nous sommes rendus à Cremisan pour rencontrer les confrères du scolasticat, formateurs et étudiants. Ce fut un moment très beau, tout comme l’ambiance de famille que j’y ai trouvée.
Enfin nous sommes allés à Bethléem, où nous avons visité la Grotte de la Nativité. J’ai pu y rester plus longtemps en prière. Je puis assurer que je vous ai rappelés tous, pendant que j’apportais avec moi les préoccupations du monde, les besoins de la Congrégation et de la Famille salésienne, les attentes et les besoins des jeunes. Le Dieu incarné, qui a fait l’expérience de ce que signifie être homme sauf le péché, est un prêtre plein de compassion qui intercède pour nous auprès du Père.
À Bethléem il y a eu ensuite une rencontre avec les jeunes du patronage et du centre de formation professionnelle, et avec les confrères de la communauté de la Maison du Pain, qui fait vraiment honneur à son nom, puisque malgré les circonstances actuelles qui réduisent son économie zéro, elle continue à distribuer gratuitement du pain chaque jour.
Le point culminant de la visite a été la célébration du centenaire, le dimanche 6 avril. On a voulu souligner la reconnaissance à Dieu plus que la fête, également parce qu’il n’aurait pas été juste de faire une fête au milieu de tant de souffrances. À la célébration eucharistique ont participé un grand nombre de prêtres salésiens et d’autres religieux. Dans mon salut d’ouverture, j’ai dit que la visite du Recteur majeur ne se voulait par une simple commémoration, mais désirait surtout signifier l’engagement renouvelé de la Congrégation en faveur des jeunes de Terre Sainte, dont nous voulons continuer à être les compagnons de route, comme le pèlerin d’Emmaüs.
À la commémoration qui a suivi dans la salle de théâtre de l’école salésienne étaient présentes des autorités civiles et ecclésiastiques. L’histoire de la présence salésienne en Terre Sainte nous y a été présentée. Il vaudrait la peine de la connaître, parce qu’elle a presque toujours été une histoire tourmentée, le plus souvent par des conflits extérieurs, mais qui de toute façon nous touchaient de près. Il faut aussi connaître le travail fait avant nous par le P. Antonio Belloni, qui a remis à Don Bosco, en la personne de don Rua, ses œuvres de Bethléem, de Cremisan et de Beit Gemal, et sa fondation « Œuvre de la sainte Famille ». Nous sommes les héritiers d’un grand homme connu à juste titre de tous, comme « Abulyatama » : le père des orphelins.
Dans mon discours final à la conclusion de la visite, j’ai indiqué aux confrères les lignes d’avenir suivantes.
–Don Bosco et le P. Belloni ont été deux prêtres sensibles aux besoins des jeunes pauvres et en difficulté. L’exercice du ministère a fait d’eux des prêtres pour les jeunes et des éducateurs de jeunes, pour les aider à approfondir, à développer toutes leurs dimensions, à trouver le sens de la vie, à être citoyens de ce monde, ouverts à Dieu et aux autres. Vous n’avez pas de meilleur patrimoine que celui-ci : les jeunes et l’éducation.
–Le P. Belloni se caractérise, entre autres, par sa capacité de s’inculturer, qui l’a amené à apprendre la langue, à pénétrer dans la culture de ses destinataires, à se faire l’un d’eux. Pour nous salésiens, c’est une concrétisation du Système préventif, qui insiste sur la nécessité que les enfants non seulement soient aimés, mais qu’ils sachent et sentent qu’ils sont aimés ; l’amour se fait affection dans la rencontre de l’autre, la proximité, la ressemblance et en pensant et parlant avec l’autre et comme lui. L’inculturation est donc une tâche essentielle de l’évangélisation et de l’éducation salésienne.
–Le secret de la fécondité éducative et pastorale de Don Bosco et du P. Belloni tient au fait que leur don total à la mission parmi les jeunes les poussa naturellement à cultiver les vocations. Celles-ci résultent de divers facteurs, dont le plus décisif est l’ambiance qui finit par se créer parmi les enfants, de façon à éveiller en eux le désir de partager notre passion pour les jeunes et leur éducation comme apôtres consacrés. Les vocations doivent donc être une priorité de notre mission sur ces terres.
–Don Bosco comme le P. Belloni, conscients des exigences que comporte le travail en faveur des adolescents et des jeunes pauvres, ont été si clairvoyants et ouverts à la société civile qu’ils ont su l’associer à leurs projets et à leurs œuvres pour pouvoir répondre aux besoins multiples de ces enfants. La route est ouverte ; elle devrait nous conduire à continuer ce travail en œuvrant davantage en réseau.
–Enfin, cette histoire tourmentée, significative par son emplacement, ses destinataires et sa mission, a été marquée par un confrère en route vers la béatification, le vénérable coadjuteur Simon Srugi, un homme qui durant sa vie déjà a impressionné don Rua. La sainteté est un des signes de ce qu’il y a eu une bonne incarnation du charisme, et elle continue à être le meilleur don que nous puissions offrir aux jeunes.
Session intermédiaire du Conseil général
En avril nous avons eu la première réunion intermédiaire du Conseil général de ces six années. L’initiative de réaliser chaque année deux Conseils intermédiaires a été voulue par le P. Vecchi, qui sentait le besoin d’une plus grande réflexion de la part du Recteur majeur et du Conseil sur des thèmes de premier ordre pour la vie de la Congrégation. En même temps, le Conseil intermédiaire garantissait la possibilité de trouver un nombre significatif de conseillers présents sur place, entre les deux sessions plénières, pour pouvoir résoudre les demandes d’autorisation qui exigent la présence d’au moins six conseillers.
Même si au cours des six années précédentes j’avais participé deux fois à ce genre de réunion et en avais vu le fonctionnement et les objectifs, je me suis à présent rendu compte de la grande valeur de cette initiative, parce qu’effectivement elle nous offre la possibilité d’une étude qui prépare la réflexion plus large au niveau de tout le Conseil. Cette fois-ci, concrètement, nous avons examiné assez bien de thèmes.
–Promotion de la vocation du salésien coadjuteur.
Nous avons voulu approfondir et concrétiser davantage l’appel du P. Vecchi aux Provinces, suite à la béatification de M. Artemide Zatti, à assumer un travail rénové, extraordinaire et spécifique pour la vocation du salésien coadjuteur. Il s’agissait de passer de la célébration, qui a caractérisé l’année de la béatification, à la préoccupation active, par des indications et des suggestions bien précises. Je saisis l’occasion pour rappeler aux Provinciaux, aux directeurs et à tous les confrères d’étudier l’orientation du conseiller pour la formation dans les Actes du Conseil général (cf. ACG 382, p. 32-46).
–Modalité de déroulement du Chapitre général.
Nous avons commencé à étudier les modalités possibles de déroulement du Chapitre général, pour répondre à l’orientation pratique du CG25 (n° 136), qui demande au Recteur majeur et à son Conseil de faire « une évaluation du déroulement des derniers Chapitres généraux dans le but d’évaluer et de proposer une modalité de déroulement plus souple et visant non seulement à réaliser les obligations des Constitutions, mais aussi à développer un examen de la situation de la Congrégation et à tracer les lignes fondamentales de la politique de la Congrégation à mettre en œuvre au cours des six années suivantes ». Nous nous rendons compte de la nécessité d’organiser un Chapitre général qui, au lieu de se consacrer à l’étude d’un thème particulier, comme dans les CG23, CG24 et CG25, parte de l’état de la Congrégation, de ses tendances, de ses défis, de ses opportunités, pour définir ensemble son projet. Nous avons déjà réfléchi assez bien et nous approchons de la conclusion à envoyer aux Provinces.
–Fragilité des vocations des jeunes confrères.
Nous avons examiné un triple point de vue :
•psychologique, devant tout problème, difficulté ou frustration ;
•moral, qui se révèle dans la difficulté d’organiser toute la vie autour des grandes options ;
•extrême, comme la perte du sens de la vie.
Même si nous avons déjà fait une première réflexion, le thème a besoin d’un approfondissement ultérieur, car l’important, c’est la consistance et la solidité plus fortes, qui s’obtiennent en devenant « humbles, forts et robustes ».
–Thèmes pour les prochains Chapitres provinciaux.
Nous avons prospecté quelques thèmes des Chapitres provinciaux, qui, d’une part doivent affronter des problèmes locaux et de l’autre, ont à répondre aux requêtes du CG25. Parmi les thèmes signalés, je rappelle : l’élaboration du Plan organique provincial ; la mise à jour de la section formation du Directoire provincial, pour l’adapter à la nouvelle édition de la « Ratio », et de la section pauvreté et administration ; la promotion de la vocation du salésien coadjuteur.
–« Don Bosco International » (DBI).
Cette association est le visage civil de la Congrégation salésienne, promotrice de divers genres de réseaux d’ONG, comme celui des Procures missionnaires, et des associations pour la réalisation des différentes dimensions du charisme salésien. « Don Bosco International » (DBI) existe déjà depuis le sexennat précédent, avec son siège à Bruxelles, et doit fonctionner toujours mieux pour que nous soyons présents comme salésiens là où se prennent des décisions qui intéressent les jeunes et l’éducation, et en même temps pour que nous ayons accès à des financements pour les œuvres de frontière.
–Le Bulletin salésien.
Il doit continuer son processus de rénovation en cherchant à développer toutes ses potentialités, et favoriser davantage la coordination.
Institut « Ratisbonne » de Jérusalem.
Il avait été créé pour favoriser le dialogue christianisme-judaïsme ; à présent, le Saint-Siège a transféré cette tâche ailleurs et nous a offert ces bâtiments pour les destiner à un institut de théologie ou à un centre important d’étude. « Ratisbonne » laisse présager des avantages non négligeables pour être une présence à Jérusalem, mais il entraîne aussi des conséquences, comme celles de l’avenir de Cremisan. Dès le premier moment la Province MOR a été impliquée à travers son Provincial et son Conseil, ainsi que la communauté de Cremisan. En ce moment, nous sommes dans la phase des pourparlers.
Ces mêmes thèmes ont été repris dans une réflexion élargie et plus approfondie durant la session plénière du Conseil général de juin et juillet ; D’autres thèmes s’y sont joints comme l’étrenne pour la Famille salésienne et la Proposition pastorale pour les salésiens pour 2004, la révision des Statuts de l’ADMA, l’évaluation du projet Fusagasugá, le « logo » de la Direction générale, et le bilan de 2003.
Encyclique sur l’Eucharistie
Le Jeudi saint de cette année, à l’occasion du vingt-cinquième anniversaire de son pontificat, le Saint-Père a présenté, à la place du message habituel adressé à tous les prêtres, la nouvelle encyclique Ecclesia de Eucharistia, une méditation sur le mystère eucharistique qui souligne le rapport étroit et inséparable entre l’Eglise et l’Eucharistie.
Par moments, le texte est très personnel, avec des passages de méditation, des allusions à la situation pastorale et des réflexions théologiques. C’est principalement une déclaration adressée à l’Eglise catholique pour lui demander que dans la considération de l’Eucharistie, elle renforce le sens du mystère, sa liaison avec la Croix et avec l’offrande de la vie de Jésus, le respect et la solennité. Cela la conduira à éviter des utilisations impropres, des ambiguïtés et des manipulations dans la célébration.
Quelqu’un a défini l’encyclique comme un petit catéchisme de la foi de l’Eglise sur l’Eucharistie. Le plus important peut-être est le rappel de la place centrale que doit occuper l’Eucharistie dans la vie personnelle de foi de chacun et dans la pratique liturgique des communautés.
Pour nous, elle devra être un outil précieux de rénovation pour la célébration de l’Eucharistie et pour le travail pédagogique, comme ce le fut pour Don Bosco. L’invitation à s’étonner devant cette manifestation de l’amour de Jésus pour nous « qui va jusqu’au bout » (n° 11) s’accompagne de la mention d’indicateurs qui révèlent une perte de la valorisation de ce Sacrement, comme l’abandon de l’adoration eucharistique, la réduction de la célébration à un moment de convivialité, la négligence dans la célébration et la perte du sens du « mystère ». Nous ne devrions pas oublier que nous sommes appelés à être des « mystagogues », pour initier vraiment les jeunes à la rencontre de Dieu.
L’encyclique commence par réaffirmer que l’Eucharistie est le don par excellence de Jésus, qui s’offre pour nous et pour notre salut ; en second lieu que l’Eucharistie édifie vraiment l’Eglise, non seulement parce que l’Eglise naît d’elle, mais parce qu’elle en fait sa nourriture et se développe en elle. ; en troisième lieu, justement parce qu’elle est un mystère de communion, l’Eucharistie est nécessairement liée à la réconciliation, dans le sens que rien ne peut nous séparer de Jésus, comme dit saint Paul, pas même la mort, sauf le péché, qui est négation et rupture de cette communion. Il nous sera profitable d’étudier cette encyclique pour continuer l’impulsion donnée par le P. Vecchi, qui avait écrit une lettre sur l’Eucharistie, où il avait déjà exprimé plusieurs de ces points.
J’invite les confrères de nos trois Régions d’Europe à se mettre à approfondir l’exhortation apostolique post-synodale Ecclesia in Europa, sur la communication de l’Evangile de l’espérance sur ce continent ; elle fera l’objet d’une attention particulière à l’occasion de la réflexion que nous ferons avec les Provinciaux de ces Régions du 1er au 5 décembre 2004.
Visite à la Province de Grande-Bretagne
La dernière fin de semaine d’avril, je suis allé dans la Province de Grande-Bretagne pour visiter quelques communautés, rencontrer les confrères et participer à deux réunions avec la Famille salésienne, à Bolton et à Chertsey, où j’ai parlé sur la vocation du salésien aujourd’hui, à commencer par le récit de ma propre vocation et de mon expérience d’inviter certains à devenir salésiens ; j’ai aussi eu la possibilité de m’étendre sur l’identité, le rôle et la mission de la Famille salésienne aujourd’hui.
Je suis resté frappé de l’accueil fraternel et amical des confrères et de tous les membres de la Famille salésienne, qui exprimait non seulement la gentillesse britannique bien connue, mais aussi l’amour et l’adhésion filiale à Don Bosco. Les journées avaient été préparées avec soin par un groupe constitué de divers membres de la Famille salésienne et ont eu une grande participation. Je suis convaincu qu’à l’avenir il faudra partout travailler de plus en plus en réseau, comme Famille de Don Bosco, en pleine syntonie, synergie et solidarité fraternelle, comme je l’ai vu faire ici.
J’ai noté avec surprise que, même si elle a deux maisons pour les confrères âgés ou malades, la Province a un beau nombre de jeunes prêtres, sur qui on peut compter pour une présence toujours plus significative et pour une pastorale des vocations plus féconde. À ce propos, dans la ligne de ce qu’écrit Jean Paul II dans l’exhortation apostolique Ecclesia in Europa, je voudrais exprimer une parole d’estime, de gratitude, de proximité et d’encouragement à tous les jeunes salésiens, prêtres et coadjuteurs, qui sont un authentique don de Dieu, un signe de son amour et d’espérance pour l’avenir (cfr. EiE 36-37), et vous inviter tous à vous engager, comme réponse à ce don, à être avec les jeunes et pour eux un signe d’espérance.
Présences de Treviglio et de Chiari (ILE)
À la fin d’avril, j’ai fait une visite à deux communautés de la Province Lombardo-Emilienne : Treviglio et Chiari. L’une et l’autre avaient préparé un programme très intense. À Treviglio ont eu lieu des rencontres avec les étudiants et les enseignants de l’école supérieure et de l’école moyenne, avec le maire de la ville, puis la visite à la Caisse rurale, qui a offert au Recteur majeur le financement pour creuser quelques puits d’eau en Ethiopie, et enfin la célébration eucharistique au sanctuaire de la Vierge des Larmes.
À Chiari, la journée a commencé par l’Eucharistie pour les enfants de l’école, qui a été suivie d’une rencontre avec les jeunes, puis de l’inauguration du bâtiment de la nouvelle école supérieure et du patronage-centre de jeunes. L’après-midi, j’ai passé du temps à rencontrer les Coopérateurs et les volontaires et à connaître l’« Auxilium », œuvre à forte valence sociale et missionnaire. J’ai été étonné de voir ce qu’on est arrivé à faire dans les cœurs et dans la vie personnelle, avant même l’action sociale, de la part de nombreux laïcs et professionnels, qui sont devenus d’authentiques samaritains modernes aidant les immigrés et les missions. Nous avons terminé la journée dans la salle de sport avec le spectacle « Le jardin du géant », qui m’a fait penser à la nécessité de faire renaître et de qualifier l’éducation à l’art et aux expressions artistiques, comme une route typiquement salésienne d’éducation et d’évangélisation.
Il s’impose de rendre grâce à Dieu pour le zèle pastoral des confrères et pour toutes les activités qu’ils exercent sur le terrain de l’éducation et du social, avec une grande préoccupation pour les plus pauvres du territoire et du monde.
Visite à la Province de Sicile
Cette année, j’ai visité deux fois la Province de Sicile. Au début de mai, je suis allé à Caltanissetta à l’occasion du cinquantième anniversaire de la présence salésienne ; il s’y est ajouté deux autres rencontres, la première à Zafferana et la seconde à Palerme, où a eu lieu la réunion de toute la Famille salésienne de Sicile. J’ai ainsi eu la possibilité de rencontrer la plupart des confrères.
Je suis retourné ensuite en Sicile en fin août pour la réunion du Mouvement salésien des jeunes, qui fut une occasion de plus de rencontrer les confrères.
Les deux visites m’ont permis de connaître cette Province et d’apprécier ce que font les confrères sur le terrain de la formation salésienne, de l’école, de la formation professionnelle, de la paroisse, de la marginalité et de la promotion humaine.
Tous reconnaissent l’engagement de plusieurs de nos confrères pour la défense des enfants maltraités et violentés dans le quartier « Santa Chiara » de Palerme, qui a obligé à dénoncer publiquement les faits et à fermer le patronage, pour le rouvrir ensuite en meilleure connaissance de cause de la part de la société civile et des autorités. En visitant « Santa Chiara », j’ai dit que c’était un lieu où les salésiens doivent être présents avec un genre d’œuvre proposant davantage encore, associant toute la Famille salésienne. Je souhaite que ce rêve devienne peu à peu une réalité pour le bien de tous les enfants, adolescents et jeunes de ce quartier socialement à risque, pour les familles qui y habitent et pour les immigrés de plus en plus nombreux.
Visite à la Province de Bilbao
La seconde semaine de mai, dans le cadre du 75e anniversaire de la maison de Pampelune, j’ai effectué une visite à la Province de Bilbao, où j’ai fait la connaissance de presque toutes les maisons : Bilbao, Santander, Pamplelune, Logroño, Burgos, Vitoria, Urnieta, Azkoitia. L’agenda des rendez-vous a prévu la visite à la salle de salésianité, très bien entretenue, diverses interviews à la radio et à la télévision, de nombreuses rencontres : évêques, autorités civiles, confrères, jeunes, enseignants, collaborateurs, membres de la Famille salésienne et sympathisants.
Les événements qui m’ont fait le plus d’impression ont été les rencontres avec les jeunes, comme celle que j’ai eue à la maison de Deusto, à laquelle ont participé de nombreux jeunes du MSJ venus des diverses présences salésiennes de le Province. Leur joie, les qualités artistiques révélées dans la représentation de la comédie musicale « Namaskar », l’accueil du message du Recteur majeur, la volonté de s’engager socialement et de vivre de façon responsable et intense la vie chrétienne nous rappellent l’immense potentiel que représentent les jeunes pour l’Eglise et pour la société, comme l’a découvert Don Bosco, qui a toujours su croire en eux.
S’ajoutent ensuite les rencontres avec la Famille salésienne, avec les communautés des Filles de Marie Auxiliatrice, avec les centres de Coopérateurs et d’Anciens élèves bien organisés et engag és, avec les groupes florissants ADMA, unis par l’Eucharistie et la dévotion à Marie Auxiliatrice, bien en syntonie avec les fondations originales de Don Bosco.
Il me faut mentionner un des salésiens les plus renommés de cette Province, le P. José Luis Carreño Echandía, ce grand missionnaire de l’Inde et des Philippines à l’exemple de saint François Xavier. Je suis allé visiter sa tombe avec vénération, admiration et reconnaissance, dans la maison du missionnaire qu’il a voulu bâtir à Alzuza. Il a été un salésien plein de qualités humaines, musicien, poète, d’intelligence vive et aiguë, un rêveur et un réalisateur, avec une audace à la Don Bosco, dont il se sentait un digne fils.
Un signe d’estime de la part des autorités civiles a été la Médaille d’or de Navarre qu’elles ont voulu assigner aux salésiens de Pampelune ; à présent, elles se disposent à collaborer à la construction du nouveau centre de formation professionnelle, en reconnaissance de ce que la Congrégation a fait dans le passé et fait dans le présent pour le développement technologique de la Navarre, par la formation professionnelle des jeunes. Il vaut peut-être le peine de rappeler que c’est une Province qui a fortement soigné, comme d’ailleurs presque toutes les Provinces d’Espagne, les centres de formation professionnelle. La relation avec les autorités et leur collaboration, là où elles sont faisables, ne sont pas négligeables, parce que l’éducation est une chose qui regarde aussi l’Etat et que nous devons travailler avec le plus grand concours possible, en sauvegardant en même temps l’autonomie et la liberté propres de la Congrégation. Cela aussi est un critère salésien important.
Enfin un dernier souvenir de ces journées a été la visite à Loyola, à la maison-musée de saint Ignace, avec une halte de prière dans la « chapelle de la conversion ». Ce qui m’a étonné le plus a été son expérience spirituelle et son cheminement intérieur. En effet, il rentra chez lui blessé par la guerre, pensant à sa « bien-aimée », et quitta sa maison épris de Dieu seul. Que s’était-il passé entre temps ? La grâce infinie de la rencontre avec Dieu ! Fier de lui-même, pensant à conquérir le monde, il avait demandé quelques livres de « chevalerie » pour s’inspirer des grands héros. Providentiellement on ne trouva dans le bâtiment que deux livres : une histoire des saints et une vie de Jésus. Malgré l’ennui qu’il en éprouvait, il commença à les lire. Plus il connaissait les grands saints, plus il se demandait : « Si saint François d’Assise a été aussi radical, pourquoi ne pourrais-je pas l’être aussi ? Si saint Dominique de Guzman a agi de la sorte, pourquoi ne pourrais-je pas le faire aussi ?». Plus il lisait l’histoire de Jésus et plus il se sentait bouleversé, disposé à commencer une vie nouvelle, à devenir son disciple, et à faire partie de sa « compagnie ». Il ne voulait faire que la volonté de Dieu et ne chercher que sa gloire. Il apprit ainsi l’art du discernement spirituel, les critères pour distinguer ce qui vient de Dieu et nous conduit à Lui de ce qui, même sous une apparence de bien, ne provient pas de Lui et ne nous mène pas à Lui. Une fois guéri, il quitta sa maison complètement transformé. Que peut suggérer saint Ignace, à nous salésiens, dans notre engagement à conduire les jeunes à la rencontre de Dieu et de Jésus ? Je pense que si nous voulons être à la hauteur de notre tâche, nous avons besoin de devenir des chercheurs de Dieu et des guides experts pour conduire les jeunes à Jésus.
Visite à la Province de Munich
À la mi-mai, aussitôt après la visite à la Province de Bilbao, je suis allé dans la Province de Munich, où j’ai eu la possibilité de visiter quelques communauté et de faire la connaissance de quelques œuvres, comme la maison d’édition Don Bosco, qui réalise un programme intéressant de publications avec d’autres maisons d’édition de la Région Europe Nord, et la maison de Waldwinkel, en faveur d’enfants porteurs de handicaps, qui est une œuvre très significative, de haute qualité éducative, en collaboration avec l’Etat, avec une gamme de propositions qui la rendent très valable.
Les motifs principaux de ma visite furent de participer au « Curatorium » de Benediktbeuern et de rencontrer la Famille salésienne de la Province. À Benediktbeuern, j’ai pu admirer la beauté et la noblesse de l’ancien monastère qui est un véritable joyau, mais surtout j’ai admiré l’éventail des sections et des programmes et, en particulier, ce qui fait la renommée de ce centre d’étude dans le monde salésien : la Faculté de Théologie et celle de Pédagogie. Dans mon discours, après avoir exprimé ma gratitude pour le service rendu dans la formation de nombreux confrères, j’ai invité à faire de Benediktbeuern un centre de théologie pour toute la Région. C’est une tâche à réaliser en un moment où la Congrégation promeut des communautés de formation et des centres d’étude inter-provinciaux, comme un service rendu aux Provinces qui ne peuvent pas avoir toutes les étapes de la formation, en esprit de coresponsabilité et avec une volonté de synergie.
La rencontre de la Famille salésienne, à laquelle ont pris part environ mille personnes, a été un vrai moment de fête, en commençant par l’Eucharistie, suivie du déjeuner, puis de l’événement musical et joyeux au théâtre. Comment ne pas remercier Dieu du don de la Famille salésienne, qui s’accroît partout, toujours plus solide et ouverte aux nouveaux défis ? Et comment ne pas recevoir ce don pour l’entretenir avec soin et le transmettre avec fidélité ?
Visite à la Province de Cologne
Le 23 avril, je me suis rendu à Bonn pour participer à la fête en l’honneur du P. Karl Oerder, qui célébrait 75 ans de vie, 50 années de profession religieuse et 25 années comme directeur de la Procure missionnaire salésienne. Même s’il n’est pas normal que le Recteur majeur participe à ces moments particuliers – il serait impossible d’accompagner tous les confrères dans leurs diverses célébrations – ma présence en cette occasion voulait exprimer la reconnaissance au nom de toute la Congrégation pour le travail inlassable, généreux, efficace, avec un grand sens de l’institution, en faveur des missionnaires d’Amérique latine, d’Asie, d’Afrique et d’Europe de l’Est.
La participation d’autorités civiles et ecclésiales, de représentants d’importants organismes du Gouvernement et de l’Eglise d’Allemagne, de très nombreux confrères et amis, a bien montré la grande estime et l’appréciation pour ce que le P. Oerder a fait au cours de ces années. Il a réussi à faire de la Procure de Bonn une vraie fenêtre par laquelle le monde allemand a pu observer la Congrégation salésienne et, à son tour, celle-ci a regardé l’Allemagne.
À l’initiative du Provincial, j’ai profité de l’occasion pour rencontrer les directeurs de la Province de Cologne. Ils m’ont présenté la situation de leurs communautés et œuvres, et donné ensuite du temps pour des questions et des réponses. Dans une société qui, peut-être pour la première fois après la seconde guerre mondiale, sent les limites de son progrès économique et social, le processus de profonde laïcisation pose de nouveaux défis à l’évangélisation et à notre présence parmi les jeunes. Pour le moment, les deux Provinces d’Allemagne opèrent un travail d’unification, qui s’achèvera en 2005.
Fêtes en l’honneur de Marie Auxiliatrice à Turin
Comme d’habitude, le 24 mai je suis allé à Turin pour la fête de Marie Auxiliatrice. Le 17 mai, elle avait déjà été précédée de la célébration du centenaire du couronnement de son image, dont le sommet a été, par après, le ive congrès international de Marie Auxiliatrice qui s’est tenu à Turin au début d’août, avec une participation de plus de 800 congressistes venus de trente pays.
Encore une fois j’ai été le témoin de l’amour de la ville de Turin pour la Madone de Don Bosco, fruit de la grande dévotion que notre Père bien-aimé a cultivée et a su répandre. La basilique n’a pas cessé d’être bondée et la procession, présidée par le Card. Severino Poletto avec ses évêques auxiliaires, a vu la Madone « marcher » le long des rues pour bénir les familles.
Un autre événement a eu lieu à cette même date, dans les chambrettes de Don Bosco : l’inauguration du nouveau portail de la Direction générale, qui est une façon très significative d’entrer en communication avec tous ceux qui sont intéressés à connaître qui nous sommes, ce que nous faisons, où nous travaillons, ce que nous proposons sur le terrain de l’éducation, de l’évangélisation, de la marginalité, de la culture, de l’action missionnaire, de la communication, de la formation, avec quelles méthodes et quels objectifs, comment nous nous organisons. Tout cela est dans la ligne de la pensée de Don Bosco : pour lui, il ne suffit pas de faire le bien, mais il est important qu’il soit connu. Le nouveau site a plus possibilités que la version précédente, avec un éventail de services, un moteur de recherche et surtout une interaction plus large. Le nouveau portail est une voie d’accès par laquelle les salésiens veulent entrer en dialogue avec le monde, en particulier celui des jeunes, et avec ceux qui veulent naviguer sur notre site. Je souhaite une grande fécondité à cet effort d’utiliser l’internet pour rénover notre engagement en faveur des jeunes, de leur éducation et de leur évangélisation, et créer une culture de la prévention.
J’ai fait une autre visite à la Province du Piémont-Val d’Aoste pour le centenaire de la naissance de saint Calixte Caravario ; à cette occasion, je me suis rendu à Cuorgnè, son pays natal dans le Canavese. La coïncidence de cette célébration avec la fête de la Pentecôte m’a permis de souligner l’action féconde de l’Esprit Saint, quand il trouve une nature bien disposée comme celle de ce jeune salésien. La commémoration civile a fait ressortir la valeur d’un tel concitoyen, ainsi que la grande estime de ce qu’a fait la Congrégation en faveur de Cuorgnè à travers l’œuvre que nous y avons. Trois jours auparavant, Oliva Gessi avait célébré le 130e anniversaire de la naissance de saint Louis Versiglia.
Visite à la Province de Vérone (IVO)
À la fin de mai, je suis allé à Vérone. Je voulais me rendre dans cette Province avant son unification désormais imminente avec celle de Venise Est. Quand cette lettre sera publiée, la nouvelle Province du nord-est d’Italie aura déjà démarré.
Je n’y suis resté qu’un jour, mais avec un agenda très chargé d’engagements : la visite aux confrères malades qui se trouvent hospitalisés dans la maison de Negrar, la rencontre avec les 800 enfants et enseignants du centre de formation professionnelle « San Zeno », avec la paroisse salésienne voisine « Domenico Savio », la bénédiction de la nouvelle chapelle de l’institut « San Zeno », la visite à l’institut « Don Bosco », où j’ai eu une rencontre avec les enfants de l’école moyenne, l’assemblée des confrères et l’Eucharistie en mémoire des jubilés.
On pourrait parfois se demander si des visites aussi brèves ont une signification. Je pense qu’il vous revient de donner la réponse. Pour ma part, je dois attester que ce sont des moments de grande communion affective, spirituelle, pastorale et de vocation, parce que rien ne bâtit autant que la communication personnelle. En regroupant les résonances que laissent les visites du Recteur majeur, je me rends compte que les confrères, les jeunes, les collaborateurs, les membres de la Famille salésienne restent motivés, comme remplis d’esprit salésien ; et cela provient justement du fait d’être le Successeur de Don Bosco. Je rappelle à quel point le P. Vecchi, déjà malade et très limité, insistait sur la nécessité de participer à quelques événements des Provinces et de la Congrégation ; il nous disait que le Recteur majeur compte non par ce qu’il fait, mais par celui qu’il représente.
Participation à l’assemblée semestrielle de l’USG
Du 28 au 31 mai, au « Salesianum » de Rome a eu lieu la réunion semestrielle de l’Union des supérieurs généraux (USG), ayant comme thème : « Le religieux, homme de dialogue au service de l’Eglise et avec l’Eglise ». Trois conférences ont éclairé le thème, puis ont eu lieu les travaux de groupe, d’abord par langues, et ensuite par charge : supérieurs généraux et vicaires.
Le choix du sujet se voulait une réponse au fait très facile à constater de la difficulté du dialogue à tous les niveaux : au sein d’une communauté religieuse et d’un institut religieux, entre la vie consacrée et la communauté ecclésiale, entre l’Eglise et le monde.
Le thème a bien montré que le dialogue est difficile, mais plus que jamais urgent, précisément en un contexte culturel et ecclésial comme le nôtre. Il est une dimension absolument nécessaire pour le développement de la personne humaine, qui est un être de relation, pour la vie des communautés, pour la mission, qui est essentiellement communication et témoignage, et pour la place à prendre dans le monde. Il est également malaisé parce qu’il implique de savoir changer ses points de vue personnels, ses convictions, ses façons de travailler ; mais il est indispensable si nous voulons rendre crédible et efficace notre témoignage de disciples de Jésus, car nous nous ne serons connus et reconnus tels que si nous nous aimons, sommes un et n’avons qu’un seul cœur et une seule âme.
À partir de l’encyclique Ecclesiam suam (1964), où Paul VI disait que « le dialogue est le nouveau nom de la charité » et citait ses quatre caractéristiques fondamentales : la clarté, la douceur, la confiance et la prudence, les rapporteurs ont montré comment le dialogue entre les cultures, entre hommes et femmes, entre nous et les pauvres, n’est possible qu’en écoutant l’autre avec attention, en cherchant à voir autrui sous le meilleur jour possible, en traitant les autres avec un respect extraordinaire, en somme en regardant les autres avec les yeux mêmes de Dieu.
La mesure de la santé d’une communauté locale ou provinciale est directement proportionnelle à la façon dont ses membres sont capables de partager les uns les autres leurs propres points de vue et leurs efforts spirituels et personnels respectifs.
Dans cette ligne, la première fiche du CG25 a voulu encourager les confrères et les communautés à promouvoir une relation interpersonnelle profonde et, par conséquent, à partager leur propre expérience de vie et de Dieu, pour arriver à former une communauté beaucoup plus solide et robuste. C’est aussi l’objectif du projet de la communauté salésienne locale, qui veut favoriser la communion des confrères à travers un processus de partage et de discernement, en commençant par l’appel de Dieu, en développant ensuite la lecture de la réalité où nous vivons et travaillons, avec ses défis, et en concluant par le choix des grandes options et objectifs à rejoindre. En effet, la vraie communion est le fruit de l’amour qui s’exprime en un projet commun, contre toute tendance à l’individualisme et à l’égoïsme.
Don Bosco est venu à la rencontre de ce besoin en cherchant à faire de sa communauté une maison et à instaurer un esprit de famille imprégnant tous les rapports. C’est ce qui permet d’assumer tant la vie de la communauté, ses joies et ses espérances, ses fatigues et ses craintes, sa dynamique interne et son itinéraire spirituel, que la question brûlante de la qualité de sa présence éducative et pastorale, sa capacité de répondre aux défis, l’implication et la formation des laïcs collaborateurs.
Le dialogue avec l’Eglise, avec les évêques et avec les autres religieux, même s’il n’est pas toujours facile, devient aujourd’hui plus que jamais indispensable et exigeant, parce qu’il requiert de dépasser les peurs et la méfiance et d’affronter ensemble les grands problèmes comme ceux de l’évangélisation, de la promotion humaine, de la justice sociale et de la culture.
Il est hors de doute que le dialogue est une valeur à apprendre et à développer le long des années de formation. Il est une expression de la spiritualité de communion, indispensable pour nous qui sommes appelés à être des artisans de communion.
Visite à la Province Adriatique
À la fin de mai, j’ai fait une visite de fin de semaine à la Province Adriatique, qui a eu son premier lieu de rencontre à L’Aquila où, le vendredi 30, le maire a conféré la citoyenneté d’honneur à toute la communauté salésienne pour ses 70 années de présence et son influence sur la ville et sur le territoire. Le lendemain matin a eu lieu la rencontre avec la communauté provinciale ; l’après-midi et le soir s’est célébrée la fête de Marie Auxiliatrice avec la Famille salésienne, comprenant la procession et un festival. Le second lieu de rencontre a été Vasto, où j’ai reçu la citoyenneté d’honneur, inauguré la salle de sport, présidé l’Eucharistie de l’Ascension du Seigneur et participé au festival organisé par les enfants des œuvres de la Province.
J’ai trouvé une Province pleine de vivacité et de vitalité, où les confrères âgés aussi semblent vivre avec l’enthousiasme des premiers temps, ancrés à la tradition salésienne sentie et vécue. J’ai vu la présence d’un groupe de jeunes confrères, qui fait penser à la possibilité d’une pastorale féconde des vocations, surtout si les communautés restent ouvertes, accueillantes et vivant au milieu des jeunes, si le Mouvement salésien des jeunes se renforce et a la capacité de faire mûrir des projets de vie. Espérons qu’il en sera ainsi.
Les 15 et 16 août, je suis allé au Colle Don Bosco pour les célébrations de l’Assomption, la consécration des enfants à la Vierge, comme l’a fait Maman Marguerite avec le petit Jean, la procession de la « Madonna del Castello » à Castelnuovo, et pour la fête du 188e anniversaire de la naissance de Don Bosco. C’est la première fois que se célébrait cette fête, et pourtant il y a eu une participation significative de confrères des communautés de la Province, ainsi que la présence des autorités civiles pour l’anniversaire de leur citoyen le plus glorieux.
Nous avons compté sur la présence de groupes de jeunes venus de Belgique, de Slovénie, de Croatie et de Pologne, sous la conduite de confrères salésiens. Il est étonnant de voir comment le Colle devient toujours plus un centre de pèlerinage pour les confrères, les jeunes et les membres de la Famille salésienne, qui s’y rendent pour connaître le berceau du père, maître et ami des jeunes : le pré du songe qui marqua sa vie en lui confiant une mission, lui indiquant un champ de travail, lui donnant une maîtresse de vie ; le lieu de nos origines et de notre communion spirituelle et apostolique. Il est vrai que c’est au Valdocco que Don Bosco approfondit son projet apostolique et qu’eut lieu la fondation de la Congrégation salésienne, de l’Institut des Filles de Marie Auxiliatrice, des Coopérateurs et de l’ADMA ; mais il est tout aussi vrai que la vie, prélude de tout don, a débuté aux Becchi et y fit ses premiers pas, dont plusieurs marquèrent pour toujours la vie de Don Bosco.
L’initiative de la communauté du Colle de célébrer la naissance de notre Père m’a semblé judicieuse et dans la ligne de ce que nous promouvons : la valorisation des « lieux saints salésiens ». Manquent encore 12 années pour le bicentenaire de la naissance et nous voulons commencer un chemin de préparation qui doit se traduire par une meilleure connaissance de Don Bosco et, surtout, par rendre efficient son charisme et sa mission dans le contexte d’aujourd’hui, par certains côtés si différent du sien. Le message du 16 août dernier était précisément dans cette direction. D’ailleurs, en bien des parties de notre Congrégation, le mois d’août est celui de Don Bosco ; ce souvenir s’est donc révélé opportun.
Voilà donc 188 ans qu’est né Don Bosco, homme de Dieu et des jeunes. Son charisme s’est prodigieusement répandu en 126 pays du monde, grâce à une foule de consacrés et de consacrées qui ont adopté son propre projet de vie, et à une armée de collaborateurs laïcs, pour rejoindre des milliers et des milliers d’enfants. Cette expansion permet à Don Bosco de dire comme saint Paul : « Vous êtes une lettre venant du Christ, écrite non pas avec de l’encre, mais avec l’Esprit du Dieu vivant » (2 Co 3,3).
Que la Vierge Marie, en la fête de sa Nativité, nous enseigne à nous ouvrir sans limites au dessein de Dieu pour l’accueillir avec générosité et joie et être ses collaborateurs pour les bien des jeunes.
P. Pascual Chávez V.
Recteur majeur