Missions salésiennes et inculturation
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vision mystique: la succession des rêves s'échelonnant de 1871 à 1886 a été justement prise au
sérieux par ses biographes.7 Elle traduit en effet la profondeur et l'authenticité de ce souci. La
première vision préfigurait le premier établissement en Patagonie: après la mort tragique des
premiers missionnaires, elle représentait l'accueil le plus confiant à un prêtre entouré d'une
couronne d'enfants rieurs, dans lequel il reconnut l'un de ses disciples. De fait, en 1879, les
salésiens s'entremirent entre les Indiens de Patagonie et les troupes chargées de réprimer leur
révolte, pour fonder aussitôt après les deux premières paroisses et bientôt deux circonscriptions
missionnaires.8
Ainsi l'Argentine, mais aussi le Chili et, plus au Nord, l'Uruguay, le Brésil, l'Equateur fu-
rent atteints par les salésiens, jusque dans des contrées humainement les plus reculées, comme le
Mato Grosso ou les plateaux situés à l'est de Quito, chez les Kivaros où une mission jésuite avait
antérieurement échoué. En 1888, sur les mille cinq cent quarante-neuf salésiens et filles de Marie
Auxiliatrice, deux cents, dont cinquante religieuses, travaillaient en Amérique latine.9 En 1975,
quatre mille cinq cent cinquante (dont mille cinq cent cinquante cinq religieuses) sur les trente
six mille six membres de la famille salésienne pouvaient être donnés comme missionnaires, soit
12,6%. Et le tiers environ des frères coadjuteurs, quarante sur les soixante évêques salésiens et
enfin 65% des novices étaient alors dénombrés dans le tiersmonde.10
C'est que, dans l'intervalle, une grande expansion s'était produite, notamment dans le bassin
de l'Amazone à partir de 1932, sur le Haut-Orénoque, en Bolivie, au Paraguay. En Afrique, outre
les deux extrémités septentrionale (Alexandrie d'Egypte) et australe (Le Cap), les salésiens
étaient installés depuis 1911 dans le Katanga et, de là, sur les plateaux interlacustres voisins à
l'est, au Rwanda-Urundi. Sur le continent asiatique, l'Inde et la Chine avaient été abordées en
1906. Les centres de rayonnement devaient être, en Chine, le vicariat apostolique de Shiuchow;
et, en Inde, deux diocèses en Assam et à Madras. Depuis le milieu des années vingt, des missions
avaient été fondées au Japon et en Thailand. Au Vietnam du Sud, en pleine guerre, à partir de
1955, des centres de formation avaient été créés.
Cet appel des vocations salêsiennes vers les terres lointaines est inséparable du vigoureux
élan missionnaire qui s'est manifesté au milieu du siècle dernier en Piémont et en Lombardie.
Les évêques avaient alors décidé de prendre eux-mêmes en charge la propagation de la foi en
créant cette PIME qui, à Milan, reste encore le support médiatique et financier le plus puissant de
l'ensemble des missions de l'Egli-
7 Voir A. AUFFRAY, Un grand éducateur, saint Jean Bosco, rééd. 1978, p. 299 et suiv.; et
M. WIRTH, Don Bosco et les salésiens, Torino, 1969, p. 214.
8 Le vicariat apostolique de Patagonie et la préfecture apostolique de Patagonie et de Terre
de Feu, en 1883. Voir P. SCOTTI, «Contributi dei missionari salesiani alla culturologia», dans
Missioni salesiane, 1875-1975, a cura di Pietro Scotti, LAS, Roma, 1977, p. 177-188.
9 R. CASTILLO LARA, «La presenza educativa salesiana in America latina», art. cit.
10 Voir Centenario delle missioni salesiane, 1875-1975, Discorsi commemorativi, LAS,
Roma, 1980, passim.