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STUDI
AUTOUR DE SIX LOGIA
ATTRIBUES A DON BOSCO
DANS LES MEMORIE BIOGRAFICHE
Francis Desramaut
Les logia de don Bosco dans la littérature salésienne
En 1898, un abbé Jaunay, qui se disait «prêtre salésien», mais qui ne fi-
gura jamais sur un catalogue de la Pieuse société de S. François de Sales, pu-
bliait par les soins de l'école professionnelle salésienne de Marseille un livret
intitulé: Don Bosco. Pensées édifiantes extraites de ses divers écrits et distri-
buées pour chaque jour de l'année.1 J'ignore si cette brochure constituait la
première collection de «logia» de don Bosco.2 En tout cas, la formule eut du
succès pendant notre siècle. En 1987, à la suite de la reproduction anastatique
des Opere edite de saint Jean Bosco,3 un épais recueil de ses considérations
imprimées était publié, après avoir été elles aussi distribuées au long de l'an-
née.4 Une nouvelle ère s'ouvrait probablement ainsi pour les logia du saint.
Car, pendant les soixante-quinze premières années du siècle, les collecteurs
avaient opté pour les seules Memorie biografiche de don Bosco, que Giovan-
ni Battista Lemoyne, Eugenio Ceria et Angelo Amadei éditèrent entre 1898 et
1939. Vers la fin de la période, le plus avisé d'entre eux intitulait un recueil à
l'intention des salésiens: Repertorio alfabetico delle Memorie biografiche di
san Giovanni Bosco. Spunti, spigolature, riferimenti.5
1 Traduction de M. l'abbé Jaunay, prêtre salésien, Marseille, Ecole typographique Sain-
tLéon, 78, rue des Princes, 1898, 120 p.
2 Le terme a été emprunté au grec des biblistes. Logos est un récit d'une certaine lon-
gueur; logion une expression particulière plus brève.
3 Rome, LAS, 1976, 37 vol.
4 E. MILANESE et L. CALVO, Un anno con Don Bosco. Meditazioni quotidiane, Casale
Monferrato, Piemme, 1987, 382 p.
5 Edition extra-commerciale, par les soins de don Pietro Ciccarelli, Colle Don Bosco,
1972, 384 p.

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Francis Desramaut
Ce «répertoire» contenait surtout, comme celui de l'abbé Jaunay, des pa-
roles édifiantes ou didactiques de don Bosco. Au mot Fazzoletto, on trouvait
par exemple: «Come mi vedete fare a questo fazzoletto, bisognerebbe che io
potessi fare di voi» (MB III, 550); au mot Giudizio: «Il difetto di modestia nel
parlare indica mancanza di giudizio» (MB III, 615); au mot Latte: «Ho dato il
fieno alla capra; è giusto ne goda il latte» (MB VIII, 1005); à l'expression Per
favore: «In privato: Per favore!, in pubblico: Voglio» (MB VIII, 76); au mot
Pietà: «Chi ha vergogna d'esortare alla pietà è indegno d'esser maestro» (MB
X, 1019); au mot Scimmione: «Scimmione sulle spalle: Ma guarda!» (MB VI,
965); au mot Prete: «Sappia che D.B. è prete all'altare... prete in mezzo ai
suoi giovani... prete nella casa del povero, prete nel palazzo del Re e dei Mi-
nistri» (MB Vili, 534); à l'expression Sistema preventivo: «Come l'Ecc. Vs. sa
due sono i sistemi in ogni tempo usati» (al Ministro Rattazzi) (MB V, 52); etc.
Les récolteurs de sentences de don Bosco ont ainsi mis depuis cent ans à
la disposition des prédicateurs, conférenciers et auteurs d'articles de vulgarisa-
tion une somme de formules et de références, qui leur facilitèrent le travail de
composition. Mais ces formules étaient-elles toutes également authentiques?
Leur signification était-elle toujours évidente? Les éditeurs de répertoires de
ce type sont partis de l'hypothèse que les «paroles» de don Bosco insérées
dans les Memorie biografiche avaient été réellement prononcées (ou écrites)
par lui et qu'elles l'avaient été dans le contexte défini par le corpus. Ils ne pre-
naient jamais garde aux procédés de composition et d'écriture du biographe
principal de la compilation, souvent imité par ses deux successeurs. Don Le-
moyne avait engrangé dans les Memorie biografiche, sans jamais pondérer
leurs assertions, tout ce que des témoins qu'il jugeait dignes de foi lui avaient
laissé sur don Bosco. Il avait simplement cherché à agencer au mieux leurs
divers témoignages en un récit ordonné et cursif. Dans l'ouvrage, le genre
«parole» est pour ce motif extrêmement bigarré. A s'en tenir aux propos entre
guillemets du seul premier volume, il y a là, selon une classification fondée
sur leur mode de rédaction, des «paroles fictives», des «paroles ajoutées», des
«paroles didactiques ou édifiantes», des «paroles documentaires», des «paro-
les historiques», des «paroles interprétées» et des «paroles construites».6
Quand elles ont été attribuées à don Bosco, de telles «paroles» ne peuvent être
uniformément prises à la lettre.
6 Qualifications par lesquelles je désignais les groupes de «paroles» du premier volume
des Memorie, dans l'ouvrage Les Memorie I de Giovanni Battista Lemoyne, Lyon, 1962, p.
364-373.

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Autour de six logia attribués à don Bosco dans les Memorie Biografiche
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Certaines furent inventées, retouchées, remaniées ou placées dans un contexte
qui en modifia la portée originelle. Elles sont problématiques.
La quantité de «problèmes» ainsi posés au commentateur est presque in-
finie. Une dissertation pourrait être écrite sur le seul Sai zufolare? de l'entre-
tien du jeune prêtre Bosco avec Bartolomeo Garelli, qui, absent du dialogue
des Memorie dell'Oratorio de don Bosco lui-même, apparaît brusquement
dans celui élaboré par don Lemoyne au deuxième volume des Memorie.1 Les
«songes» du saint entrent dans la catégorie «paroles» et entraînent à chaque
instant des questions supplémentaires, non seulement sur les propos du narra-
teur, mais encore sur l'imagination plus ou moins créatrice du songeur. Si les
études sur don Bosco demeurent vivantes, ses spécialistes pourront discourir
sur les logia des Memorie pendant plusieurs siècles.
Que faire? Que dire? Pour faire oeuvre utile, il semble bon de choisir
pour examen quelques phrases posant problème, alors qu'elles retiennent par-
fois l'attention des biographes de don Bosco. Nous en prendrons six aux vo-
lumes signés par don Lemoyne (MB I-IX). Leur lecture critique devrait per-
mettre de progresser dans deux directions: 1) rectifier, sur la mentalité de don
Bosco lui-même, des vues que des logia problématiques ont pu propager; 2)
discerner quelques traits de la mentalité du biographe don Lemoyne, qui ont
modelé son portrait de notre saint.
1. Le véritable ami (5 septembre 1867)
«Dice la Sacra Scrittura che chi trova un vero amico trova un tesoro».
(Allocution de don Bosco aux jeunes, 5 septembre 1867)
Cette citation de la Bible ne brille que par son absence de la version de
l'allocution dans les Memorie biografiche} On y lit: «La stessa sera (c'està-
dire le 5 septembre 1867) diceva (don Bosco) ai giovani: «Il Bartoli racconta,
o cari figliuoli, che nel Giappone eranvi due giovinetti cristiani. In quel tempo
scoppiava la persecuzione...». Don Bosco racontait l'histoire édifiante de ces
deux garçons. L'un avait dit à l'autre: — Ecoute, je vais trouver un moyen de
se comporter dans cette persécution; il te conviendra à toi aussi. — Comme tu
veux, avait répondu l'autre, pourvu que se hâte le jour où nous pourrons verser
notre sang pour la foi. En réalité, le premier
7 MB II, 73/25. — Il provenait d'un récit parallèle de don Bosco enregistré par Domenico
Ruffino en 1860. Sans nommer Garelli, il correspondait à celui des MO sur le 8 décembre
1841. Voir D. RUFFINO, Cronache..., I, 1860, p. 29.
8 Voir MB VIII, 930/1-32.

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Francis Desramaut
avait décidé d'abjurer sa foi. Il le fit, fut libéré et conseilla à son compagnon
de l'imiter. Mais celui-ci ne se laissa pas convaincre, repoussa la proposition
et marcha courageusement au supplice. Et don Bosco terminait l'historiette
par quelques considérations.
A cette page des Memorie, don Lemoyne recopiait l'édition d'un petit
discours de don Bosco, qu'il lisait dans ses Documenti per scrivere. Or, elle
commençait ainsi: «5 settembre. -— Così disse D. Bosco dopo le orazioni: —
Dice la Sacra Scrittura che chi trova un vero amico trova un tesoro. Il Bartoli
racconta che nel Giappone eranvi due giovinetti Cristiani. In quel tempo
scoppiava la persecuzione (...) al cospetto di Dio».9 En règle ordinaire, notre
compilateur retranscrivait scrupuleusement ses sources; et il privilégiait tou-
jours les propos qu'elles attribuaient à don Bosco. La suppression de la phrase
initiale de ce morceau du 5 septembre 1867 fut certainement délibérée. Nous
aimerions savoir pourquoi. Don Lemoyne aurait-il voulu éviter une erreur à
notre saint? Mais l’Ecclésiastique VI, 14, dit clairement: «Amicus fidelis,
protectio fortis; qui autem invenit ilium, invenit thesaurum». Au reste l'idée
lui était familière, et le chroniqueur de ce soir-là ne l'a certainement pas in-
ventée. «Beatus qui invenit amicum verum»;10 il avait eu ce bonheur à Chieri
le jour où, collégien de quelque dix-neuf ans, il avait rencontré Luigi Comol-
lo. Quelques années après, dans sa maison du Valdocco, Dominique Savio
l'avait connu grâce à Camillo Gavio et à Luigi Massaglia. Don Bosco célé-
brait volontiers les (bonnes) amitiés adolescentes.
De telles louanges n'agréaient apparemment pas à don Lemoyne. Il ap-
partenait à une génération qui subodorait aisément quelque perversion dans
ces sortes d'amitiés. Après don Bosco, probablement parce qu'ils les croyaient
suspectes, ses disciples de la fin du dix-neuvième et du début du vingtième
siècle se méfièrent des amitiés dites «particulières». L'histoire des pension-
nats de cette époque en était remplie. On observe que le Repertorio de don
Ciccarelli, au mot: Amici, qui coiffe quinze items, ne mentionne aucune ami-
tié entre adolescents. L'un des traits, qui n'est pas le moins intéressant, de la
pédagogie et de la spiritualité de don Bosco a été occulté dès les Memorie
biografiche. L'existence de «mauvais amis», tels que le petit Japonais du mot
du soir du 5 septembre 1867, ne devrait pas faire oublier aux adolescents et à
leurs éducateurs la vérité de la formule: «Qui trouve un véritable ami trouve
un trésor». Telle était en tout cas l'une des convictions
9 Documenti X, 295.
10 Ecclésiastique XXV, 12, selon la Vulgate.

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Autour de six logia attribués à don Bosco dans les Memorie Biografiche
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de don Bosco, que son disciple Giovanni Battista Lemoyne craignit de répé-
ter.
2. La double citation de Proverbes, chap. I (5 août 1860)
«Dicono i proverbi al Capo I: «Ebbero in odio la disciplina e non ab-
bracciarono il timor del Signore, e non porsero le orecchie a' miei consigli e si
fecero beffe di tutte le mie correzioni. Mangeranno pertanto i frutti delle ope-
re loro e si satolleranno de' loro consigli» (...). Degli innocenti e de' convertiti
afferma lo Spirito Santo ne' proverbi al Capo I: «Chi ascolta me, avrà riposo
senza paura, e sarà nell'abbondanza, scevro dal timore dei mali» (Songe des
quatorze tables, allocution du 5 août 1860; MB VI, 709/3-7, 23-25).
Ces deux citations munies de leurs références figurent à quelques lignes
de distance dans la version d'un songe raconté par don Bosco le 5 août 1860,
jour de la première messe solennisée de don Michele Rua. Selon nos Memo-
rie, dans son rêve don Bosco avait vu quatorze tables disposées en amphithéâ-
tre. Autour de la table inférieure, nue et sale, un groupe de garçons n'absorbait
qu'un pain immonde. «C'était l'état de péché mortel», nous assure-t-on. La
première citation du livre des Proverbes arrive ici: «Les Proverbes disent au
chapitre I: «Ils eurent en haine la discipline, ils ne ressentirent nulle crainte du
Seigneur; ils ne tendirent pas l'oreille à mes conseils et ses moquèrent de tou-
tes mes corrections. Ils mangeront donc les fruits de leurs oeuvres et se rassa-
sieront de leurs conseils». Dans le récit, d'une table à la suivante, au fur et à
mesure que la pente s'élevait, les jeunes devenaient plus joyeux et mangeaient
d'un meilleur pain. C'était, d'après le texte, les convertis. Enfin, à la table la
plus élevée, la qualité du pain, de couleur crème ou écarlate, selon qu'il reflé-
tait le visage ou le vêtement des jeunes bienheureux, était tout à fait merveil-
leuse. «C'était l'état d'innocence», explique l'auteur du récit. Et, symétrique à
la première, la deuxième citation biblique commente: «L'Esprit Saint dit des
innocents et des convertis en Proverbes, chapitre I: «Qui m'écoute trouvera le
repos sans peur, il sera dans l'abondance et ne craindra pas le malheur».
A la réflexion, ces citations de l'Ecriture surprennent par un pédantisme
fort étrange de la part d'un éducateur s'adressant à des enfants. Non content de
les proclamer mot à mot, il produit le titre du livre de la Bible et jusqu'au chif-
fre du chapitre dont il extrait solennellement ses phrases.
Mais que les amis de don Bosco se rassurent. L'une et l'autre relèvent
d'une des deux couches de gloses que don Lemoyne a encastrées dans le do-

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Francis Desramaut
cument-source de cette allocution. C'est, avec plusieurs autres, l'une des
conclusions que nous révèle l'histoire particulièrement tourmentée de ce
songe dit des quatorze tables. La note primitive figurait dans un cahier de la
chronique de Domenico Ruffino pour l'année 1860. Elle fut aménagée une
première fois par don Lemoyne pour les Documenti VII. La table, qui était
unique dans la note, fut fragmentée en quatorze, du reste à partir d'une indica-
tion fournie le lendemain par don Bosco lui-même! Et les jeunes furent répar-
tis en trois catégories formellement désignées: l'état de péché mortel, l'état de
pécheur converti et l'état d'innocence. Les formules: «C'était l'état de péché
mortel», «C'était l'état d'innocence», étaient déjà, dans cette version, des glo-
ses interprétatives. Le récit passa ensuite à son troisième stade, celui des Me-
morie biografiche VI. C'est alors que don Lemoyne glosa ses formules inter-
prétatives par les citations qui nous surprennent. La synopse des versions suc-
cessives parle d'elle-même.11
On pourrait multiplier les considérations sur ses trois colonnes. Que pen-
ser du changement de décor du songe entre le 5 et le 6 août? Dans le récit du
premier jour, une table unique va de la terre au ciel; le lendemain, rectifica-
tion: il y avait quatorze tables sur gradins en amphithéâtre. Don Bosco, qui ne
se rappelait peut-être plus très bien ce qu'il avait raconté la veille, adaptait
évidemment sa parabole onirique aux leçons qu'il voulait donner à ses gar-
çons. La chronique de Ruffino le montre à l'oeuvre. Il fallait au biographe une
extrême candeur pour croire à l'«historicité» du rêve des quatorze tables. Sa
reconstruction fut du reste parfois maladroite, car la table unique réparut par
endroits dans son récit définitif. Nous ne nous arrêterons qu'aux logia bibli-
ques, qui surgissent inopinément dans cette historiette.
La double citation des Proverbes n'émanait assurément pas d'une source
complémentaire sur le songe du 5 août 1860, comme l'imaginent naturelle-
ment les apologistes de don Lemoyne. Celui-ci a en effet semé ses Memorie
de phrases empruntées aux livres didactiques de la Bible. La plupart étaient
destinées à éclairer ou à commenter des situations. Ainsi, en Documenti I, 10,
le mémorialiste avait d'abord écrit très simplement de la mère de don Bosco,
que, jeune épousée, «Margherita era felice. La vecchia madre di France-
sco...». Dans les Memorie, sa ligne devint: «Margherita era felice, perchè "la
mente tranquilla è come un perenne convito" (Prov. XV, 15). La vecchia ma-
dre di Francesco...».12 Il se hasarda parfois à attribuer une sen-
11 La synopse des textes de Ruffino, des Documenti et des Memorie biografiche, infra,
Annexe I.
12 MB I, 30/24-26.

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Autour de six logia attribués à don Bosco dans les Memorie Biografiche
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tence de la Bible à un acteur de son histoire. Au terme d'une anecdote tou-
chant Luigi Comollo, un ami que don Bosco perdit pendant ses années de sé-
minaire, on découvre: «...e solo dopo la sua morte narrò (Giovanni Bosco) tut-
to al prevosto (c'est-à-dire à l'oncle de Luigi, qui était curé de Cinzano), che
fece le più grasse risa e ricordò il versicolo dell'Ecclesiastico: "L'amico co-
stante sarà come tuo eguale e porrà le mani liberamente nelle cose della tua
casa" (Eccli. VI, 11)». Le texte primitif de don Lemoyne 13 s'arrêtait à: «...le
più grasse risa (a quel lepido racconto)». Nul ne garantira jamais que le prévôt
de Cinzano ait eu un jour à l'esprit la sentence de Ben Sira, que don Lemoyne
lui fit monter à la mémoire tandis qu'il écoutait Giovanni Bosco.
Notre biographe n'éprouva donc nul scrupule à introduire deux versets
des Proverbes dans le songe des quatorze tables. Il est inutile de chercher une
autre origine à ces gloses didactiques, qui furent surtout très maladroites. Le
compilateur a commenté l'état de péché mortel d'abord, celui de l'innocence
ou de la grâce retrouvée ensuite, par des phrases de la Bible, dont, à la ma-
nière du temps, il forçait la signification. L'adaptation ne relevait que de lui,
non pas de don Bosco. Qui disserte sur la rhétorique du saint ou sur ses rela-
tions avec la Bible devrait donc éviter le piège que, très innocemment, don
Lemoyne lui a tendu à cet endroit. Don Bosco mémorisa-t-il jamais ces ver-
sets des Proverbes, que les Memorie biografiche ont placés curieusement
dans sa bouche un soir qu'il parlait à ses enfants?
3. La sentence: «Rendez à César...», avec ses exceptions (11 juillet 1860)
«...Ma comunque sia il Vangelo che la E.V. mi cita risponde a puntino
alla difficoltà (sur l'opposition entre le gouvernement de Turin et la religion
catholique) là dove Gesù Cristo dice: Date a Cesare quel che è di Cesare, e a
Dio quel che è di Dio. Perciò secondo il Vangelo un suddito di qualsiasi Stato
può essere buon cattolico, stare con Gesù Cristo, sentirla col Papa, fare del
bene al suo simile, e nel tempo stesso stare con Cesare, vale a dire osservare
le leggi del Governo, eccettuato il caso che si abbia a fare con persecutori del-
la religione, o con tiranni della coscienza e della libertà». (Conversation de
don Bosco avec les ministres Farini et Cavour, Turin, 11 juillet 1860; MB VI,
681/23-32).
13 Documenti I, 238; que l'on comparera avec MB I, 431/18-22.

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Francis Desramaut
Ces considérations de morale politique, mises sur les lèvres de don Bos-
co en juillet 1860 lors d'une entrevue avec des ministres du gouvernement
piémontais et à la suite des perquisitions dont il venait d'être l'objet, nous po-
sent, dans leur dernière partie, un problème singulier. Que penser de l'excep-
tion d'obéissance aux lois envisagée ici dans les cas de persécuteurs de la reli-
gion ou de tyrans violateurs de la conscience et de la liberté? Les chrétiens de
l'Eglise des premiers siècles se croyaient-ils dispensés d'obéir aux lois de
l'Empire romain parce que les empereurs les persécutaient? D'après un bon
moraliste français contemporain: «Le climat de méfiance, voire de luttes fré-
quentes, qui a souvent caractérisé dans nos pays, depuis la Révolution fran-
çaise, les rapports entre l'Eglise et l'Etat républicain (p.ex. à propos de la loi
sur le divorce) a contribué à amener une dépréciation, dans bien des conscien-
ces chrétiennes, envers les lois portées en général par le pouvoir politique.
Cependant, même quand ce pouvoir s'est proclamé laïque, dans un processus
de sécularisation, la doctrine de l'Eglise n'a pas varié: ce pouvoir, du moment
qu'il remplit les conditions de légitimité, a une origine divine (Rom. XIII, 1-7;
1 Petr. II, 13-17) et ses lois justes ont un caractère obligatoire en cons-
cience...». Après s'être référé au Nouveau Testament, cet auteur s'appuie en-
core sur Vatican II (Gaudium et spes, 74-76) et sur un document de l'épisco-
pat français Pour une pratique chrétienne de la politique (1972).14 Le logion
des Memorie biografiche attribuerait donc une erreur doctrinale à notre don
Bosco, quand il dispensait le catholique de l'observation des «leggi del Go-
verno» en cas de «persecutori della religione» ou de «tiranni della coscienza e
della libertà».
L'histoire de cette parole va nous rassurer sur son orthodoxie. Mais elle
réserve aussi plus d'une surprise. Pour rédiger ses chapitres des Memorie sur
les perquisitions de 1860, d'où ce fragment de conversation a été tiré, don
Lemoyne disposait de sources abondantes et variées. C'était pour le moins: un
récit de Giovanni Bonetti dans la Storia dell'Oratorio du Bollettino salesiano
des années 1884-1885;15 un récit manuscrit de don Bosco intitulé Le Perquisi-
zioni;16 des fragments de chroniques de Domenico Ruffino; des notes de don
Savio; un témoignage de Giuseppe Reano remis à Bonetti en février 1885; un
article de l’ Armonia daté du 29 mai 1860;17 enfin trois
14 J.-M. AUBERT, «Loi», dans Catholicisme, t. VII, Paris, 1975, col. 1006.
15 Storia dell'Oratorio, deuxième partie, chap. XI, XII et XIII.
16 Texte édité par P. BRAIDO et F. MOTTO, dans RSS, ann. VIII, 1989, p. 143-192. Nous
citerons cette édition dont les lignes ont été numérotées.
17 L'article de l'Armonia et les notes de Ruffino et de Reano ont été reproduits en appen-
dice au texte Le Perquisizioni en RSS, ann. VIII, 1989, p. 193-200; les notes de don Savio sont
supposées par des compléments figurant en Documenti VII, 160-161.

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Autour de six logia attribués à don Bosco dans les Memorie Biografiche
15
lettres contemporaines: deux de don Bosco aux ministres (Intérieur et Instruc-
tion publique) et une d'une secrétaire du cabinet du ministre de l'Intérieur à
don Bosco. A la fin du dix-neuvième siècle, les lettres exceptées, ces docu-
ments avaient déjà leur propre histoire. L'article de l’Armonìa et les éléments
de la chronique Ruffino dépendaient des témoins du Valdocco dans les jours
qui avaient suivi les événements. On voudrait être assuré que les souvenirs de
don Savio (Ascanio? Angelo?) ne confondaient pas les entrevues de don Bos-
co dans les ministères au cours de ces années soixante (Spaventa intervient...).
Don Bosco, qui rédigea vers 1875-1876 Le Perquisizioni à la suite et dans
l'esprit de ses Memorie dell'Oratorio, avait, une quinzaine d'années après les
faits, librement reconstitué les dialogues à partir de ses souvenirs personnels
et sans nullement s'imposer de répéter mot pour mot les phrases prononcées à
l'époque.18 La note Reano, témoin immédiat en 1860, était destinée à Bonetti
pour sa Storia dell'Oratorio. La version Ruffino avait déjà été amplifiée et
dramatisée dans un récit que nous lisons dans les Documenti VII.19 Enfin et
surtout, les chapitres de la Storia de Bonetti dépendaient étroitement du texte
de don Bosco Le Perquisizioni. L'auteur, qui avait été présent au Valdocco en
1860, avait joint au récit de don Bosco des coupures de journaux et de menus
détails personnels; puis il avait agencé et quelque peu délayé le tout en un ré-
cit coloré.
Cette histoire particulière des documents-sources n'intéressait pas don
Lemoyne. Il ne connaissait que des témoins menteurs et des témoins honnê-
tes. Or tous les témoins qu'il trouvait là étaient honnêtes... Fidèle à sa mé-
thode ordinaire de composition, il choisit, pour constituer l'ossature de l'his-
toire des perquisitions dans les Memorie, non pas les pièces et les témoigna-
ges les plus sûrs, dûment contrôlés l'un par l'autre, mais la version la plus
longue, la plus fournie, la plus riche de détails et donc, à son sens, la plus
«vraie», qui était celle de son confrère Bonetti dans le Bollettino salesiano. Il
avait eu soin de la coller tout entière dans le registre VII des Documenti. Tou-
tefois, soucieux comme toujours de ne laisser échapper quoi que ce soit, il la
compara avec les autres pièces subsistantes. Par exemple, le récit dérivé de
Ruffino comportait cette observation du ministre Farini à don Bosco: «Ma
non posso persuadermi come ella vivendo in un paese le cui leggi sono affatto
contrarie alle sue opinioni se ne stia là come un fantoc-
18 Voir l'introduction de P. BRAIDO et F. MOTTO, RSS, art. cité, p. 127-131, au paragra-
phe: «Un documento bifronte».
19 Documenti VII, 162-163. Ce morceau est introduit, p. 162: «Così si legge nella cronaca
di D. Ruffino».

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Francis Desramaut
cio».20 Cette image de fantoccio n'ayant pas d'analogue dans la version Bonet-
ti, don Lemoyne la réserva pour le dialogue avec Cavour, où elle sera ensuite
insérée.21 Il ne corrigea pas Bonetti par Le Perquisizioni, mais le compléta en
collationnant les deux textes. Les fragments négligés par Bonetti furent écrits
en marge des Documenti face aux passages correspondants de la Storia. Par
exemple, don Bosco avait dans son récit reproduit en ces termes les propos
d'un journal devant les maigres résultats des perquisitions au Valdocco: «Voi
governo, diceva un altro periodico, mandate uomini spregiudicati, e non più
marmotte per somiglianti affari». Bonetti avait écourté l'observation: «Il Go-
verno mandi colà uomini accorti e spregiudicati, e verrà a scoprire le fila della
trama ordita, scriveva un altro», sous-entendu: journal.22 Plus de marmotte!
Don Lemoyne inscrivit consciencieusement face à ces lignes en marge des
Documenti: «e non più marmotte per si somiglianti affari».23 Nous en avons
mille preuves, l'auteur des Memorie tenait à entasser dans son récit toute la
substance des témoignages qu'il avait récoltés.
Il élabora selon ce mécanisme la conversation avec les ministres, datée
par lui du 11 juillet 1860, au cours de laquelle le logion sur Dieu et César
avait été, croyait-il, prononcé. Il trouvait dans la Storia de Bonetti ce frag-
ment de dialogue entre Cavour et don Bosco: «...Senza dubbio D. Bosco cre-
de nel Vangelo; ma il Vangelo dice che colui, il quale è con Cristo, non può
essere col mondo; dunque se lei è col Papa e perciò con Cristo, non può esse-
re col Governo. Sit sermo vester est est, non non. Siamo schietti: o con Dio o
col diavolo. — Con questo ragionamento, rispose D. Bosco, sembra che il si-
gnor conte voglia far credere che il Governo sia" non solo contro il Papa, ma
contro il Vangelo, contro Gesù Cristo medesimo. In quanto a me stento a per-
suadermi che il conte Cavour ed il comm. Farini siano giunti a tale eccesso di
empietà da rinunziare persino a quella Religione, in cui son nati e furono edu-
cati, e verso la quale colle parole o cogli scritti si mostrarono più volte pieni
di rispetto e di ammirazione. Ma comunque sia, il Vangelo che la E.V. mi cita
risponde appuntino alla difficoltà là dove Gesù Cristo dice: Date a Cesare
quel che è di Cesare, e a Dio quel che è di Dio. Perciò secondo il Vangelo un
suddito di qualsiasi Stato può essere buon cattolico, stare con Gesù Cristo,
sentirla col Papa, fare del bene al suo simile, e nel
20 Dans un chapitre d'Aggiunte, en Documenti VII, 163; phrase dérivée du récit Ruffino.
tel qu'il a été reproduit en RSS, art. cit., p. 197.
21 Voir MB VI, 680/18-20.
22 Bollettino salesiano, janvier 1885, p. 7.
23 Documenti VII, 150, n. marg.

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Autour de six logia attribués à don Bosco dans les Memorie Biografiche
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tempo stesso stare con Cesare, vale a dire osservare le leggi del Governo, ec-
cettuato il caso che si abbia a fare con persecutori della Religione, o con ti-
ranni della coscienza e della libertà...».24
Le biographe compara ce passage avec son parallèle dans Le Perquisi-
zioni de don Bosco, où il trouvait: «Ma ditemi: Voi credete senza dubbio al
Vangelo. Noi leggiamo che colui il quale è con Cristo non è col mondo; quin-
di se voi siete col papa, non potete essere col governo. Sit sermo vester est
est, non non. — Voi, signor Conte, sembra vogliate asserire che il governo sia
contro al papa, a G.C., al Vangelo. Io non lo credo; ne sarò mai per credere
che il conte Cavour, il comm. Farini sian' giunti a tal punto di scelleratezza di
rinnegare ogni principio di moralità e di religione. Ma anche in questo caso io
credo il Vangelo abbia provveduto quando disse: Date a Cesare quello che è
di Cesare, date a Dio quello che è di Dio. Quindi se non si ha da fare coi per-
secutori della religione, io dirò sempre che la religione cattolica sotto qualun-
que forma di governo può esistere, fare del bene al suo simile, senza né urta-
re, né mischiarsi colla politica, anzi serbandosi affatto e sempre estranea. —
Ma l'est est, non non... (...)».25 Don Lemoyne vérifia les équivalences entre les
deux textes. Le remplacement de scelleratezza (don Bosco) par empietà (Bo-
netti) lui parut judicieux; de même, la transformation de la remarque: eccet-
tuato il caso..., qui va nous arrêter bientôt, ne le surprit pas. Il releva seule-
ment que ad ogni principio di moralità avait disparu du texte transposé et ins-
crivit ces mots en marge de la version des Documenti.26
Vint le temps de la rédaction. La version de Bonetti lui parut somme
toute excellente. Il se contenta de la reprendre pour ce morceau de dialogue,
sans même y intégrer ad ogni princìpio di moralità}1 Mais de ce fait, il accepta
aussi le gauchissement du logion par le disciple de don Bosco. Il nous faut re-
lire les deux textes de près. Don Bosco tirait de la dualité des pouvoirs,
qu'impliquait l'axiome: «Donnez à César ce qui est à César...», la possibilité
d'une existence catholique (può esistere) sous un régime politique séparé de
Dieu. Il exceptait les régimes persécuteurs et oppresseurs des consciences,
parce que l'existence devenait alors difficile, peut-être même impossible, aux
catholiques. Traduisons: «Si, par conséquent, on n'a pas affaire à des persécu-
teurs de la religion, je dirai que la religion catholique peut exister sous n'im-
porte quelle forme de gouvernement, qu'elle peut faire du bien à son
24 Bollettino salesiano, janvier 1885, p. 11-12.
25 Le Perquisizioni, éd. cit., lignes 705-717.
26 Documenti VII, 158, n. marg.
27 MB VI, 681/10-32.

2.2 Page 12

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Francis Desramaut
semblable, sans heurter ni se mêler de politique, au contraire en s'en tenant
éloignée parfaitement et toujours. — Mais l’est est, non non?...» Etc. Dans
son adaptation de la Storia, Bonetti suivait une interprétation plus et trop
commune de la formule. Il en déduisait un principe non pas existentiel, mais
éthique, sur l'observance de la loi civile. De l'existence catholique, il ne disait
rien. «Etre avec César» équivalait pour lui à observer les lois du gouverne-
ment, Il écrivait expressément: «...stare con Cesare: vale a dire osservare le
leggi del Governo». Les registres différaient profondément. La réserve exis-
tentielle de don Bosco sur les persecutori entraîna dans l'adaptation la réserve
éthique discutable: «eccettuato il caso che si abbia a fare con persecutori della
Religione, o con tiranni della coscienza e della libertà». Il convient de laisser
au seul Bonetti l'entière responsabilité de la dernière partie du logion sur le
Date Caesari... en 1860.
Dans les années soixante-dix, don Bosco affichait du reste, sur la sou-
mission due au pouvoir civil, des idées très différentes. Il interprétait la for-
mule Date Caesari, y compris au sens de l'obligation morale, selon des critè-
res des plus orthodoxes. Le problème des relations avec le gouvernement de
l'Italie nouvelle le tourmentait. Non expedìt. Né eletti, né elettori... Soit!
L'Eglise essayait de tenir la dragée haute aux usurpateurs des Etats pontifi-
caux et de leur sainte capitale. Lui ne trouvait de solution acceptable pour les
catholiques que dans l'application de la formule évangélique: «Rendez à Cé-
sar ce qui est à César...» Il s'expliqua devant son maître des novices Giulio
Barberis en août 1876 après l'affaire de la main tendue de Lanzo, quand, au
scandale de l'opinion intransigeante, il s'était montré publiquement dans les
meilleurs termes avec trois des principaux membres du gouvernement Agos-
tino Depretis, le premier de la Sinistra storica. «...D. Bosco finiva — pour ré-
pondre aux objections contre sa présence à la manifestation de Lanzo: — Noi
abbiamo quel detto del vangelo che dice: date a Cesare quel che è di Cesare; e
questo anche va eseguito. Noi non abbiam fatto altro che prestare un atto
d'ossequio ad un'autorità costituita. Io credo che costoro non saranno mai più
tanto nemici acerrimi dei preti...».28 Il déduisait donc de la sentence: Date
Caesari..., que tout pouvoir civil méritait le respect des sujets.
Dans une circonstance solennelle, vers la fin du chapitre général de
1877, il s'expliqua longuement sur la question devant ses principaux colla-
28 G. BARBERIS, Cronichetta autografa, cahier 8, p. 72. Ces réflexions de don Bosco à Turin
furent glosées et situées à Lanzo le jour de l'événement, par don Lemoyne en Documenti XVII,
431. De là, don Ceria les reversa en MB XII, 430/8-19. Ainsi formulé, le logion de 1876 est de-
venu lui aussi problématique.

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Autour de six logia attribués à don Bosco dans les Memorie Biografiche
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borateurs. Il convient de recopier un fragment du procès-verbal de la séance
du 4 octobre 1877. Le problème était celui du contenu du Bollettino salesia-
no. L'exception au devoir d'obéissance, qu'il repoussait, mais qui était silen-
cieusement invoquée par certains de ses auditeurs, est perceptible en filigrane
à travers ses propos. Don Bosco disait:29 «Scopo nostro è di far conoscere che
si può dare a Cesare quel che è di Cesare, senza compromettere mai nessuno;
e questo non ci distoglie niente affatto dal dare sempre a Dio quello che è di
Dio. Ai nostri tempi si dice questo essere un problema ed io se si vuole sog-
giungerò che è forse il più grande dei problemi; ma fu già sciolto dal nostro
Divin Salvatore Gesù Cristo. — (...) Mio gran pensiero è questo: studiare il
modo pratico di dare a Cesare quello che è di Cesare nello stesso tempo che
si dà a Dio quello che è di Dio. — Ma, si dice, Garibaldi è il più gran scelle-
rato, il governo lo sostiene, dunque il governo... — L'unica risposta da darsi
non è altro se non che: dunque il governo è cattivo. E con ciò? Il Signore ci
comanda di obbedire e di rispettare i superiori "etiam discolis". Finché non
comandano cose direttamente cattive, noi [lo] dobbiamo fare. Diranno di pa-
gare, e noi pagheremo. — Di più non solo porteremo rispetto a Cesare finché
non comandi cose direttamente cattive, ma anche in questo caso lo rispette-
remo. Non si farà quella cosa che è cattiva, ma si continua a prestare ossequio
all'autorità di Cesare. — Nessuno forse meglio di me vede le cattive condi-
zioni in cui si trova la Chiesa e la religione in questi tempi. Io credo che da S.
Pietro fino a noi non siano mai stati tempi così diffìcili. L'arte è raffinata ed i
mezzi sono immensi. Nemmeno le persecuzioni di Giuliano l'apostata erano
così ipocrite e dannose. E con ciò? Con tutto ciò cercheremo in tutte le cose
nostre la legalità; e se son necessarie taglie si pagheranno e se non ammetto-
no più le proprietà collettive, noi le terremo individuali, e se richiedono esami
questi si subiranno, se patenti o diplomi si farà il possibile per ottenerle e così
si andrà avanti (...) Ecco che cosa si intende di far conoscere poco alla volta e
praticamente col Bollettino Salesiano; questo principio lo faremo prevalere e
sarà fonte di immensi beni sia per la società civile che Ecclesiastica».
Essayons de suivre les méandres de la réflexion d'un don Bosco navi-
guant sensiblement à contre-courant. A partir du Date Caesar i, qui comman-
dait toute son argumentation, il posait en principe que les deux pouvoirs, le
spirituel de Dieu et le temporel de César, devaient être servis; que l'immorali-
té des gouvernants civils («le gouvernement est mauvais...») ne
29 Verbali del Capitolo I, cahier III, p. 42-44. Voir M. VERHULST, I Verbali del primo ca-
pitolo generale salesiano, Rome, Université Pontificale Salésienne, 1980, p. 292-293.

2.4 Page 14

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20
Francis Desramaut
dispensait pas du devoir de soumission à son égard; que, seuls, les ordres
d'accomplir des actes positivement mauvais n'obligeaient pas en conscience;
que, même dans ces cas limites, l'autorité de César méritait encore le respect;
que, quant à lui, il s'attachait à observer la légalité, même quand les lois et les
décrets le persécutaient; et qu'enfin, non seulement cette attitude soumise était
la seule possible dans l'attente de jours meilleurs, mais que l'Eglise comme la
société civile en retireraient d'immenses bienfaits. Don Bosco retrouvait dans
son discours aux salésiens la perspective existentielle du dialogue avec les
ministres dans Le Perquisizioni. Il ne pouvait refuser plus ouvertement l'ex-
ception d'obéissance en cas de persécution que Bonetti, dans sa Storia del-
l'Oratorio, et, à sa suite, don Lemoyne dans les Memorie biografiche lui prê-
teraient quelques années plus tard: «Donnez à César ce qui est à César, c'est-
à-dire la soumission obéissante et le respect, même quand il est persécuteur,
tyrannique et oppresseur des libertés». La deuxième partie du logion des MB
VI, 681, fut donc contestée par don Bosco lui-même, qui tendait à affirmer le
contraire.
***
La réflexion critique sur ce logion peut être poussée plus loin. On se rap-
pelle que les Memorie biografiche le situent en 1860. En effet, dans Le Per-
quisizioni, don Bosco s'est attribué la citation évangélique au cours de l'entre-
tien avec les ministres piémontais. Il aurait donc adopté ce principe de morale
politique et sociale dès 1860, au temps de l'annexion du royaume de Naples et
d'une partie des Etats pontificaux aux Etats sardes de VictorEmmanuel. Fort
bien! Mais ses écrits et les propos rapportés de lui avant 1870 ne font jamais
état de ce principe. Et nous n'avons pour preuve de la citation Rendez à César
en 1860 que son seul témoignage écrit une quinzaine d'années après l'événe-
ment. Le titre: «Don Bosco tra storia e leggenda nella memoria su "le perqui-
sizioni"», que les éditeurs du texte sur Le Perquisizioni ont donné à leur arti-
cle, nous met en garde. Comme d'autres morceaux de la pièce, ce fragment de
conversation pourrait bien relever peu ou prou de la «légende» plus que de
l'«histoire» du saint... Certains observeront probablement que, dans l'impossi-
bilité où nous serons toujours de connaître la teneur réelle des propos échan-
gés en 1860 dans les bureaux ministériels de Turin, le parti le plus sage est
d'accepter grosso modo les reconstitutions de don Bosco lui-même. Cette sa-
gesse apparente est ici moins justifiée qu'on le croirait.
L'argumentation de don Bosco en la circonstance ne nous est en effet pas
tout à fait inaccessible. En 1860, il avait parlé de sa conversation, il avait été
écouté et des notes avaient été prises sur ses dires. Le clerc Dome-

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Autour de six logia attribués à don Bosco dans les Memorie Biografiche
21
nico Ruffino (1840-1865), arrivé au Valdocco vers la mi-octobre 1859, avait
pris rang parmi les ascritti (novices) de don Bosco le 3 mai I860,30 à la veille
des «perquisitions». Dès le mois de mars précédent, ce même Ruffino avait
commencé de recueillir des témoignages sur don Bosco dans des cahiers qui
ont subsisté.31 Présent dans la maison lors des «perquisitions», il résuma, à la
date du 26 mai 1860, la première (et seule véritable) perquisition opérée chez
don Bosco.32 Il relata la deuxième «perquisition», celle du 9 juin, dans sa
seule Cronaca incompleta.33 Après quoi, dans un cahier intitulé Cronache, à la
date du 13 juin, il condensa un entretien que don Bosco venait d'avoir avec le
ministre Farini.34
La date à peu près exacte (13 juin) de cette conversation nous importe ici
pour des raisons qui apparaîtront bientôt. Elle est confirmée par des docu-
ments irrécusables. Ruffino n'a pas situé en juin un événement qui se serait
déroulé en juillet, comme la version des événements par Bonetti le ferait
croire. Le 12 juin, don Bosco, excédé par les enquêtes dont il était l'objet,
adressa au ministre de l'Intérieur Luigi Carlo Farini une longue lettre de pro-
testation.35 Depuis vingt ans, écrivait-il, il se dépensait pour les pauvres gens
de Turin sans avoir jamais perçu d'indemnité; il avait toujours agi en plein ac-
cord avec le gouvernement; il ne s'était jamais mêlé de politique; et il atten-
dait du ministre responsable de l'ordre public des conseils salutaires, non pas
des avertissements brutaux et comminatoires. Au reste, le ton de sa lettre de-
meurait mesuré. La réponse du ministère ne tarda pas. Datée du lendemain
13, elle subsiste toujours dans les archives salésiennes et mérite d'être repro-
duite. Elle disait:
«Torino addi 13 Giugno 1860. — Il Ministro dell'Interno ha ricevuto la
lettera del Signor Sacerdote D. Bosco, e per ora non essendogli concesso di
rispondere al medesimo per iscritto, gli fa conoscere che se Egli volesse veni-
re a questo Ministero prima delle cinque, di quest'oggi, o nella mattinata di
domani, conferirà con lui direttamente. — D'ordine del Ministro. — Il Segre-
tario particolare di Gab. — G. Borromeo».36
30 Telle est, tout au moins, la date indiquée par don Lemoyne en MB VI, 512.
31 Sur les cahiers de Ruffino et la chronologie de leur rédaction, voir éventuellement
l'ouvrage cité: Les Memorie I de Giovanni Battista Lemoyne, p. 142-146.
32 Ruffino nous a laissé deux notes sur cette perquisition, l'une dans Cronache dell'Orato-
rio di S. Francesco di Sales, I, 1860, p. 8-9; l'autre dans un cahier que nous désignons sous le
titre de Cronaca incompleta, 1860, p. 12-14.
33 Cahier cité, p. 15-18.
34 Cronache..., I, p. 13-14. Répétons que ces divers éléments de chroniques ont été repro-
duits en RSS VIII, 1989, p. 195-199.
35 La minute de cette lettre en Epistolario I, p. 188-190.
36 Original, ACS 126.2, Governo. L'édition de la pièce en Documenti VII, 138; et, de là,
en MB VI, 639-640, a été correcte.

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Francis Desramaut
Don Bosco fut donc invité au ministère de l'Intérieur, soit dans l'après-
midi de ce 13 juin, soit dans la matinée du lendemain 14. Il ne pouvait qu'ac-
cepter cette offre avec diligence. Il ne se rendit probablement pas au ministère
le 13 «avant cinq heures» du soir; il s'y présenta vraisemblablement dans la
matinée du lendemain 14. C'est du moins ce qui ressort du récit Le Perquisi-
zioni, qui parla d'une entrevue fixée par le ministère à onze heures du matin.37
Dans ce cas, Ruffino aurait relaté l'événement à la date de l'invitation, c'est-à-
dire au 13 juin, au lieu du 14, jour de la conversation.
La chronologie adoptée par don Lemoyne dans les Memorie ne nous au-
torise pas à situer au 13 ou au 14 juin la conversation sur la soumission à l'au-
torité civile, comme Ruffino nous y invite. Qu'en penser? Bonetti, qui lui
fournissait la texture du récit sur les Perquisizioni, plaçait l'entretien avec le
ministre le 14 juillet. Quand il rédigea ses Memorie, don Lemoyne se trouva
donc devant une double chronologie pour cet épisode: celle de l'échange de
lettres avec le ministère les 12 et 13 juin, confirmée par Ruffino, et celle de
Bonetti un mois après. En de tels cas, comme, à son jugement, nul témoin
respectable ne peut avoir tort, don Lemoyne dédoublait l'événement. L'ab-
sence de date précise pour l'entrevue dans le récit de don Bosco Le Perquisi-
zioni ne l'intrigua pas. Il conclut à deux entrevues différentes, l'une à la mi-
juin, l'autre à la mi-juillet. Et il estima que la première, puisque Bonetti n'en
avait pas parlé, avait été inutile. Il nota, pour l'entrevue du la mi-juin: «D. Bo-
sco fu puntuale, e si recò al palazzo del Ministro. Ma la freddezza colla quale
fu accolto dagli impiegati, l'annunzio che il Ministro non poteva riceverlo es-
sendo occupato in affari di stato imprevvisti, gli fecero intendere che la tem-
pesta sull'Oratorio non era ancor dissipata».38 Cette visite ne fut imaginée par
le biographe que pour combler un vide. Les témoins ne connaissaient qu'une
seule visite de don Bosco aux ministres, et une visite qui avait été utile. Don
Lemoyne eût mieux fait, après avoir constaté le silence de don Bosco lui-
même sur la date des faits, de s'en remettre à la chronique de Ruffino. Don
Bosco s'était rendu au ministère à la mi-juin, non pas à la mi-juillet.
Ruffino avait écrit:
«13. D. Bosco andò a trovare il ministro Farini per domandargli lo scopo
delle perquisizioni e pregarlo che se avesse qualche avviso, consiglio o provvi-
denza a darmi per l'oratorio volesse farlo come padre che
37 Selon ce récit, l'entrevue avait été fixée: «dimani mattina alle ore 11». Edition citée,
ligne 578.
38 MB VI, 640/7-11.

2.7 Page 17

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Autour de six logia attribués à don Bosco dans les Memorie Biografiche 23
desidera il bene de' suoi figli, non in uomo minaccioso, perché ciò cagio-
nerebbe danni irreparabili ad un'opera che costò venti anni di sollecitudi-
ne al governo ed ai privati. Le disse che fosse stato sempre in pieno col
governo, anzi nei bisogni eccezionali faceva ricorso ai due ministeri e
sempre ne aveva aiuti; che in tutti questi venti anni che esercitò il suo mi-
nistero in Torino nelle piazze, nelle carceri, negli ospedali etc. tra tutto
quello che disse, scrisse e stampò non si potrebbe trovare una sola parola
che possa essere in opposizione al governo.
«Farini le disse: Ella mi dice che sempre fu in pieno accordo col go-
verno, vuol dire adunque che le sue idee fossero come quelle di Rattazzi
etc. D. Bosco rispose: Io credo che nessuno vorrà proibirmi di pensare
nella mia testa come voglio, come neppure di poter esercitare nella mia
camera quanto debbo davanti a Dio; ma in pubblico mi guarderò ben di
fare o dire qualche cosa che sia contrario alle leggi dello stato; dobbiamo
ubbidire a Dio perché Iddio è il nostro primo padre e padrone, alle leggi
perché la forza lo vuole. — Dunque alle leggi obbedisce solo per forza.
— Adaggio, se le leggi comandano qualche cosa contro la coscienza, sì,
se però sono giuste obbedisco molto volentieri e per amore. — Ma non
posso persuadermi come ella vivendo in un paese le cui leggi sono affatto
contrarie alle sue opinioni, se ne stia là come un fantoccio. — Io sono
sempre stato persuaso che un sacerdote può esercitare il suo ministero di
carità in ogni tempo, in ogni luogo, davanti a qualunque persona sotto
qualunque governo senza ponto immischiarsi nella politica. — Vada pure
tranquillo, procuri solo di tenersi lontano dalla politica e seguiti a fare del
bene ai poveri giovani. — Io non ho a star lontano, poiché non ci sono
mai stato vicino.
«Fu condotto a Torino il Vescovo di Piacenza per sentire una predica
dal Vescovo dei Vescovi il Guardasigilli...».39
D'après cette note — qui fut assurément écrite à l'audition (ou peu après
l'audition) de don Bosco, dont on retrouve certains mots de la lettre du 12 au
ministre Farini — à la mi-juin, le prêtre du Valdocco défendit son oeuvre et
sollicita les conseils de l'autorité gouvernementale. Il répéta pour cela son ar-
gumentation écrite de la veille: il avait toujours été loyal envers le gouverne-
ment; jamais, en vingt ans, il n'avait parlé ou écrit contre lui. Mais alors, lui
aurait observé, probablement avec un demi-sourire, le ministre Farini: «Vous
êtes pour Rattazzi et ses amis!» A quoi don Bosco aurait rétorqué par une dis-
tinction entre le for interne et le for externe, ou, si l'on veut, entre le privé et
le public. Nul ne pouvait l'empêcher de penser en lui-même comme il l'enten-
dait; mais il s'était toujours gardé de parler ou d'agir publiquement en contra-
diction avec les lois de l'Etat. Il aurait alors touché au principe de morale
chrétienne: «Donnez à Dieu...» Don Bosco aurait dit:
39 Cronache..., I, p. 13-14.

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Francis Desramaut
«Nous devons obéissance à Dieu parce qu'il est notre premier père et notre
premier maître; aux lois, parce que la force nous l'impose». La remarque
tombait: «Vous n'obéissez donc aux lois que par contrainte?» Don Bosco au-
rait nuancé: «Doucement! Si les lois ordonnent ce qui est contraire à la cons-
cience, oui; mais, si elles sont justes, j'obéis très volontiers et par amour». Le
ministre se serait étonné qu'il pût vivre «tel une marionnette» dans un pays
gouverné selon des principes opposés aux siens. Et don Bosco lui aurait répli-
qué, comme il le ferait jusqu'à ses derniers jours, qu'il s'efforçait de se rendre
utile à la société, de servir son prochain, sans jamais se mêler de politique.
Farini aurait été satisfait.
Ce n'était pas la sténographie de la conversation au ministère, car don
Bosco ne s'engageait nullement à la répéter mot à mot à ses fils du Valdocco.
Mais rien ne nous autorise à douter de la simple fidélité du chroniqueur, qui
chercha visiblement à reprendre les formules mêmes qu'il avait cueillies sur
les lèvres de son maître. Ruffino nous donne là l'écho de l'unique entretien de
don Bosco au ministère à la suite des «perquisitions» de mai-juin 1860.
Dans la version postérieure du dialogue, élaborée par don Bosco au mi-
lieu des années soixante-dix, la conversation selon Ruffino a son parallèle
dans «Le Perquisizioni», là où Cavour cite la parole du Christ: Est est, non
non. De part et d'autre, le problème est celui de la soumission à un gouverne-
ment dont on ne partage pas les idées; Don Bosco explique sa conduite ap-
puyé sur la morale chrétienne. Toutefois l'argumentation diffère. Non seule-
ment le Date Caesari est absent de la note Ruffino, mais il ne pourrait y
prendre place sans rompre le mouvement de la discussion. Alors qu'en 1875-
1876, le raisonnement de don Bosco distingue entre les pouvoirs, le laïc et le
religieux, pour démontrer la possibilité d'une existence catholique sous tous
les régimes, selon la version de 1860 il distingue, pour expliquer sa soumis-
sion au pouvoir civil, le privé et le public, l'obéissance à Dieu à qui l'on se
soumet religieusement, et l'obéissance aux gouvernants, devant qui l'on plie
par force ou, dans les meilleurs cas, de bonne grâce ou «par amour». En 1860,
aucune allusion à des motifs religieux de soumission au pouvoir civil
n'émerge du dialogue reconstitué devant Ruffino. Le principe évangélique
Date Caesari n'entre d'aucune façon dans le raisonnement de morale politique
développé par don Bosco. Il en est même exclu, puisque absolument rien ne
permet de le supposer présent à l'esprit du prêtre devant le ministre. Il est
donc pour ainsi dire assuré qu'à cette date la citation Date Caesari n'intervint
pas dans la conversation de don Bosco avec Farini et Cavour (si tant est que
celui-ci ait vraiment assisté à la fin de l'entretien). Elle n'y fut introduite que
plus tard, dans la reconstruction des années 1875-

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Autour de six logia attribués à don Bosco dans les Memorie Biografiche 25
1876, en un temps où don Bosco y lisait un principe chrétien de comporte-
ment dans ses rapports avec un gouvernement prédateur du Saint-Siège. A
s'en tenir à la version de Ruffino, en 1860 il obéissait aux lois civiles
contraint et forcé, beaucoup plus que pour «rendre à César ce qui appartenait
à César», et ainsi, suivre une règle évangélique.
***
Quelques conclusions peuvent être tirées sur le logion: Date Caesari, as-
sorti de son exception, tel que les Memorie biografiche de don Lemoyne l'ont
mis dans la bouche de don Bosco face aux ministres de 1860. 1) Selon toute
vraisemblance, il ne figura pas, ce jour-là, dans la conversation avec le minis-
tre Farini (et peut-être Cavour). En 1860, don Bosco ne faisait pas encore état
de cet axiome. 2) La sentence évangélique ne fut intégrée à la conversation
qu'à partir de 1875 environ, dans le récit que don Bosco luimême composa
sur «le Perquisizioni». 3) La réserve gênante de sa finale sur la non-obligation
de l'obéissance aux persécuteurs et aux tyrans n'était pas de lui, mais de son
disciple Giovanni Bonetti dans sa Storia dell'Oratorio, répété sans discerne-
ment par l'auteur des Memorie biografiche. 4) Cette réserve était parfaitement
contraire à sa pensée aussi bien en 1860 qu'en 1876. A ces deux dates, fidèle
observateur des lois civiles — en principe tout au moins —, il se voulait loyal
envers les gouvernants légitimes, même quand, dans son for intérieur et de-
vant ses intimes, il les tenait pour des «scélérats» à la Garibaldi.
4. La direction spirituelle du jeune Bosco (1861)
«Finché non fui posto al Convitto di S. Francesco d'Assisi, non ebbi mai
una persona che si prendesse una cura diretta dell'anima mia. Feci sempre da
me quel che mi pareva meglio; ma sotto un'assidua e accurata direzione mi
sembra che avrei potuto fare più che non feci» (Propos non daté de don Bo-
sco; MB I, 316/25-29).
Sous sa forme actuelle, ce logion important des Memorie biografiche ca-
che, dans sa deuxième partie, un propos humoristique de don Bosco en 1861.
Don Bosco était convaincu de n'avoir jamais eu de véritable directeur
spirituel avant que don Giuseppe Cafasso, le futur saint (1811-1860), eût
commencé de prendre totalement soin de son âme. C'était quand, jeune prêtre
(1841), il était devenu étudiant au convitto ecclesiastico de Turin, où il allait
passer trois ans (1841-1844). Il écrivit dans ses Memorie dell'Oratorio:

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26
Francis Desramaut
«...D. Caffasso (don Bosco doublait le f) che (en 1841) da sei anni era mia
guida, fu eziandio mio direttore spirituale, e se ho fatto qualche cosa di bene,
lo debbo a questo degno ecclesiastico, nelle cui mani riposi ogni mia delibe-
razione, ogni studio, ogni azione della mia vita...».40 En 1860, don Cafasso
venait de mourir. Don Bosco avait aussitôt publié sur lui une biographie,41
qui avait naturellement entraîné dans son âme une réflexion sur le rôle de don
Cafasso dans sa propre existence.
A suivre la chronique de Domenico Ruffino, en ce jour de la fin mai
1861 il venait de parler à un groupe de jeunes du Valdocco d'un garçon à qui
un confesseur avait donné l'absolution, alors que ce pénitent lui avait caché
des fautes graves. Il l'avait convaincu de les avouer, l'avait absout sacramen-
tellement et s'en félicitait devant ses auditeurs. Sans cette intervention, écri-
vait Ruffino à l'écoute de don Bosco, «sarebbe andato alla tomba senza ag-
giustare la sua coscienza».42 Un directeur d'âmes lui avait donc été bien utile;
et les enfants de l'Oratoire avaient de la chance d'en trouver à leur disposition.
Cette réflexion ou une autre analogue paraît avoir suscité dans l'esprit de don
Bosco un souvenir de jeunesse. Ruffino écrivit à cet endroit de sa chronique:
«Fino a che (continuò D. Bosco) non fui prete al convitto io non ebbi mai
persona che si prendesse una cura diretta dell'anima mia, feci sempre da me
quel che mi pareva».43 Ces derniers mots ne surprennent pas ceux qui
connaissent sa théorie de la direction spirituelle: pour don Bosco, le directeur
«dirigeait» vraiment son «dirigé», qui n'en faisait donc pas à sa tête. Il aimait
répéter qu'au sortir du Convitto, à l'heure du choix d'un ministère, il avait
abandonné toute décision à don Cafasso, lequel l'avait destiné à une aumône-
rie de l'oeuvre Barolo; il ne se sentait pourtant guère de propension pour ce
poste. Au contraire, jusqu'à la prêtrise, faute de directeur, il s'en était toujours
remis à son propre jugement, il avait «toujours fait ce que bon lui semblait».
Cette proposition de don Bosco a reparu sans modifications importantes,
d'abord dans les Documenti, puis dans les Memorie biografiche I. L'adapta-
tion — déjà sensible — fut relativement faible. On vit seulement apparaître
après le verbe pareva un meglio, qui commençait d'infuser à la réflexion une
portée édifiante. Giovanni Bosco optait toujours pour le mieux! On lisait: «On
entendit don Bosco répéter à plusieurs reprises: — Tant que je ne fus pas pla-
cé au convitto de S. François d'Assise, je n'eus ja-
40 MO 123/67-71.
41 G. Bosco, Biografia del sacerdote Giuseppe Caffasso..., Turin, Paravia, 1860.
42 D. RUFFINO, Cronache..., 1861, 2, 3..., p. 67-68.
43 D. RUFFINO, ibid., p. 68.

3 Pages 21-30

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3.1 Page 21

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Autour de six logia attribués à don Bosco dans les Memorie Biografiche 27
mais personne qui prît un soin direct de mon âme. Je fis toujours moi-même
ce qui me paraissait le mieux (quel che mi pareva meglio)».44 Dans les Memo-
rie, le logion actuel est donc jusque-là à peu près authentique, ou, si l'on veut,
«historique». Don Bosco a bien affirmé avoir été livré à lui-même sans direc-
tion spirituelle proprement dite, jusqu'après son ordination sacerdotale.
Mais la suite pose problème. Car don Bosco n'a pas prétendu que «sotto
un'assidua e accurata direzione mi sembra che avrei potuto fare più che non
feci». Cette phrase est l'adaptation maladroite d'une réflexion enregistrée à la
suite de la précédente en 1861. Comme, à partir de don Lemoyne, elle semble
n'avoir jamais été comprise dans son véritable sens, sauf, j'imagine, par les
auditeurs immédiats du saint, il vaut la peine de s'y arrêter.
Dans les Documenti I, donc vers 1885, la finale primitive du logion per-
sistait, encore qu'atténuée par un sembra, déjà significatif de l'étonnement du
rédacteur. On lisait alors: «...che mi pareva meglio. Se avessi avuto per diret-
tore D. Bosco, mi sembra che avessi fatto molto più che non feci». En effet,
Ruffino avait écrit crûment: «...feci sempre da me quel che mi pareva, ma se
avessi avuto per direttore D. Bosco avrei fatto molto più cose che non feci».
La réflexion à première vue surprenante de don Bosco avait probablement
causé quelque remords à Ruffino lui-même (décédé en 1865, rappelons-le),
quand il avait relu sa page de chronique, car, à partir de: ma se avessi, ses
mots furent raturés l'un après l'autre sur son cahier et, à juger par l'encre et le
mouvement de la main, par ses soins. C'était le début des avatars du malheu-
reux logion. Aux lecteurs successifs, l'apparente fatuité d'un prêtre, qui affir-
mait de soi: «Si j'avais eu moi-même pour me diriger, j'en aurais fait bien
plus!» sembla incroyable dans le cas de don Bosco. Il s'était mal exprimé.
Don Lemoyne, en règle ordinaire infiniment respectueux des formules attri-
buées à son héros, commença par adoucir celle-ci dans les Documenti. Un «il
semble» la rendait moins risquée. Puis, quand il rédigea son premier tome des
Memorie biografiche (1898), il sauta le pas. La phrase devait lui être insup-
portable. Il tenta de rendre autrement l'idée qu'il croyait déceler sous ces mots.
A son estime, ce jour-là don Bosco avait voulu dire que sa valeur personnelle
eût été de beaucoup accrue si un authentique directeur de conscience l'avait
contrôlé dans sa jeunesse. Il lui restitua sa pensée. La phrase des Memorie
dûment attribuée à don Bosco: «...mais sous une direction assidue et attentive
il me semble que j'aurais pu faire plus de bien que je n'en ai fait», naquit de là.
L'embarras du rédacteur est encore
44 Documenti I, 149; ces lignes ont été reproduites telles quelles en MB I, 316/25-28.

3.2 Page 22

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28
Francis Desramaut
décelable dans le maintien du; sembra et la disparition du: molto.
En vérité, cette interprétation était fausse. Don Lemoyne ne comprenait
pas la formule du chroniqueur. La réflexion, lancée par don Bosco un jour de
mai à des jeunes gens qui buvaient toutes ses paroles, n'était qu'humoristique,
au sens assez strict donné de nos jours à une figure de rhétorique particulière.
Le lecteur nous pardonnera peut-être un bref excursus sur elle.
L'humour est, à certains égards, proche de l'ironie. Par l'ironie, une chose
est dite à la place de son contraire. L'ironie est une «figure de rhétorique par
laquelle on exprime le contraire de ce que l'on veut faire entendre. — Dans la
langue de l'ironie, "C'est du joli!", "C'est du propre!" veulent dire: "C'est hon-
teux!", "C'est répugnant!"»45 Dans le langage parlé, la mimique et renoncia-
tion restituent aux mots leur vraie signification. Que le ton du parleur soit
faussement enjoué; qu'il soit sifflant, emporté, cassant, et l'auditeur comprend
que le sens habituel des mots doit être retourné. Les choses changent dans
l'écrit. L'ironie peut fausser la communication. Elle risque d'être incomprise.
«Le contexte doit toujours la préparer avec grand soin. On a proposé un signe
de ponctuation spécial, le point d'ironie, pour désigner au lecteur la valeur in-
verse du propos».46 L'auteur auquel nous nous référons semble ne connaître
que la dure ironie de l'orgueilleux, qui écrase autrui de son dédain. Mais cette
figure peut être douce et comprehensive. «L'Ironie et la Pitié sont deux bon-
nes conseillères; l'une en souriant, nous rend la vie aimable; l'autre, qui
pleure, nous la rend sacrée», a écrit Anatole France.47 L'ironie douce est vo-
lontiers familière. Quand une mère ou un éducateur disent au petit garçon qui
a taché son tablier: «C'est du propre!», l'ironie, bien perçue, n'écrase guère.
Toutefois, quand le langage est cordial, on préfère parler d'humour plutôt
que d'ironie. Car, «l'Ironie est surtout un jeu d'esprit. L'Humour serait plutôt
un jeu de coeur, un jeu de sensibilité».48 L'humour, qui peut inclure l'ironie,
ne se confond pourtant pas avec elle. C'est «une forme d'esprit qui consiste à
présenter la réalité de manière à en dégager les aspects plaisants et insolites,
parfois absurdes, avec une attitude empreinte de détachement et souvent de
formalisme», dit excellemment un bon lexicographe
45 H. MORIER, Dictionnaire de poétique et de rhétorique, Paris, PUF, 1961, p. 217, s.v.
Ironie.
46 D'après H. MORIER, ibid.
47 A. FRANCE, Le Jardin d'Epicure, Paris, Calmann-Lévy, 1895, p. 94.
48 J. RENARD, Journal, 1er janvier 1894; coll. Bibliothèque de la Pléiade, Paris, 1965, p.
195.

3.3 Page 23

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Autour de six logia attribués à don Bosco dans les Memorie Biografiche 29
contemporain.49 La sensibilité de l'humour exclut même l'ironie proprement
dite, estime-t-on quelquefois: «L'humour se pourrait définir: une gaîté gra-
tuite, n'engageant rien, mise là pour le seul plaisir de la plaisanterie. Alors que
l'ironie (...) comporte un jugement et fait toujours une victime».50
Ce long détour n'est pas vain, même pour comprendre le langage uni de
don Bosco. En effet, ses biographes ne se sont pas toujours aperçus qu'il était
lui aussi capable d'ironie et d'humour. Ils se sont mépris sur un cas flagrant
d'ironie souriante dans un passage très connu des Memorie dell'Oratorio. A la
suite du récit en famille du songe des neuf ans, les auditeurs émettent un avis
l'un après l'autre. «Il fratello diceva: — Tu diventerai guardiano di capre, di
pecore o di altri animali. — Mia madre: — Chi sa che non abbi a diventar
prete. — Antonio con secco accento: — Forse sarai capo di briganti». Jusqu'à
cet endroit, le récit est lisse. Mais il y a alors cette ligne, que les anciens histo-
riens de don Bosco n'ont jamais comprise: «Ma la nonna che sapeva assai di
teologia, era del tutto inalfabeta, diede sentenza definitiva dicendo: — Non
bisogna badare ai sogni».51 Ironique, la relative: «che sapeva assai di teolo-
gia» signifiait à sa manière: «qui ignorait tout en science religieuse». Pour
éclairer le lecteur, don Bosco avait même aussitôt ajouté dans une sorte de pa-
renthèse: «Elle était parfaitement analphabète», qui constituait le point d'iro-
nie de sa phrase.52 Sa précaution n'a pas suffi. Don Lemoyne dans les Memo-
rie biografiche de 1898 et le P. Auffray dans sa traduction française des Me-
morie dell'Oratorio en 1951 ont pris à la lettre la proposition: «che sapeva as-
sai di teologia». Dans l'adaptation du premier: «Ma la nonna, che sapeva assai
di teologia ed era del tutto analfabeta, diede sentenza definitiva dicendo: —
Non bisogna badare ai sogni»,53 le coordonnant ed marquait l'équivalence éta-
blie dans l'esprit du rédacteur entre la relative ironique et l'avertissement qui
l'éclairait: c'était pour lui deux qualités de la nonna. Quant au P. Auffray,54
que le terme de «théologie» surprenait à propos d'une ignorante, il commença
par le remplacer par celui de «religion», qui était inexact. Puis il transforma
en concessive le lem-
49 Grand Robert de la langue française, 2ème éd., t. 5, Paris, 1985, p. 287, s.v. Humour. Les
Italiens donnent un sens beaucoup plus large au mot: Umorismo.
50 E. HENRIOT, Maîtres d'hier et contemporains. Courrier littéraire, Paris, Albin Michel,
1955, s.v. A. France, V.
51 MO 25/212-217.
52 On sait que la ponctuation originale des Memorie dell'Oratorio était très parcimo-
nieuse. Il n'y avait pas de parenthèses pour: «era del tutto inalfabeta».
53 MB I, 126/4-6.
54 «Mais grand'mère qui possédait beaucoup de religion, tout en ne sachant ni lire ni
écrire, termina la discussion en disant: "Il ne faut pas prendre garde aux songes"». (S. JEAN
Bosco, Quarante années d'épreuves, trad. A. Auffray, Lyon-Paris, Vitte, 1951, p. 14.)

3.4 Page 24

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30
Francis Desramaut
me juxtaposé et poursuivit: «tout en ne sachant ni lire ni écrire», avouant on
ne peut plus éloquemment qu'il lisait de travers la phrase teintée d'ironie de
don Bosco.
Ces observations devraient préparer à l'exacte compréhension de la pro-
position que Ruffino enregistra un jour de mai 1861. Quoi que don Lemoyne
en ait pensé, la réflexion: «...ma se avessi avuto per direttore D. Bosco, avrei
fatto molto più cose che non feci», ne peut pas être plus prise à la lettre que
l'information inattendue sur la nonna Bosco: «sapeva assai di teologia». Don
Bosco a pu estimer à part soi et même en public que, s'il avait eu un bon di-
recteur de conscience dans sa jeunesse, il eût été mieux formé et que sa réus-
site sociale eût été meilleure, comme son biographe le lui a fait dire. Mais, en
l'occurrence, quand lui-même se mit en scène après avoir évoqué ses années
passées, il ne voulut certainement pas formuler cette idée-là. Il imaginait de-
vant ses jeunes son dédoublement au collège et au séminaire de Chieri: un
Giovanni Bosco guidé par un don Bosco; et il tirait du tableau fantaisiste une
conséquence logique. Le spectacle était cocasse pour lui comme pour ses au-
diteurs. La logique de la conséquence ajoutait à la bizarrerie de la scène. Tous
les ingrédients de l'humour ironique étaient réunis: une situation invraisem-
blable, qu'il fallait évidemment prendre à rebours; une conséquence logique,
mais que le point de départ rendait impossible; et l'objectivation de soi par le
narrateur, impliquant par là un certain détachement. La formule: «Si j'avais eu
don Bosco pour directeur de conscience, j'en aurais fait beaucoup plus!», sans
les il semble et autres adoucissements de commentateurs effarouchés, n'était
destinée qu'à égayer un entretien familier. En 1861, la mimique et le ton de la
voix aidant, les auditeurs intelligents de don Bosco ne s'y laissèrent proba-
blement pas prendre. Ils reçurent la plaisanterie comme telle.
Quant à nous, cette étude d'un logion de don Bosco en MB I nous aura
appris: 1) que sa seule première partie, sur sa jeunesse sans directeur spirituel,
est historique, encore que son caractère édifiant ait été renforcé par un meglio
ignoré du témoin primitif; 2) que la réflexion de sa deuxième partie, sur son
rendement social, qui eût été meilleur avec un directeur averti, est apocryphe.
«Ma sotto... che non feci» fut une création du biographe surpris par un logion
qu'il comprenait de travers. Le logion humoristique, qui disparut dans l'aven-
ture, mérite d'être restitué à don Bosco. Il disait en riant: «Si j'avais eu un don
Bosco pour directeur de conscience à Chieri, que n'aurais-je pas fait ensuite!»
Un biographe sans finesse le prit au sérieux. Les saints courent tous les dan-
gers!

3.5 Page 25

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Autour de six logia attribués à don Bosco dans les Memorie Biografiche
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5. La vocation de don Bosco
«Ma la Vergine Maria, ci narrava più tardi D. Bosco, mi aveva indicato
in visione il campo nel quale io doveva lavorare. Possedeva adunque il dise-
gno di un piano, premeditato, completo, dal quale non poteva e non voleva
assolutamente staccarmi...» (Propos non datés; MB III, 247/11-15).
L'auteur des Memorie se dispose, sur cette page, à raconter la visite de
don Bosco en 1847 à Antonio Rosmini dans sa résidence de Stresa, en vue
d'une entrée éventuelle dans la congrégation de l’Istituto della Carità. En fait,
il retrouvera Turin, où sa «vocation» le fixait. Don Lemoyne reproduisit là
des propos qu'il tint un jour, assure-t-il, sur sa vocation et l'origine de son
oeuvre: «Mais la Vierge Marie m'avait indiqué dans une vision le champ dans
lequel je devais travailler. Je possédais donc le dessein d'un plan prémédité,
complet, auquel je ne pouvais ni ne voulais absolument pas renoncer».
Maîtres des novices et prédicateurs salésiens se sont plus depuis un siè-
cle à introduire par ces lignes leurs discours sur «la vocation de don Bosco».
Lui-même en avait parlé et dit l'origine! Toutefois, sous des dehors limpides,
ces phrases mettent bientôt mal à l'aise celui qui en analyse le contenu. La
genèse de l'oeuvre à accomplir est d'abord donnée comme essentiellement
surnaturelle et mariale. Puis, à la phrase suivante, le «plan» de don Bosco est
dit «prémédité». Il suffirait d'ôter l’ adunque de la deuxième phrase pour que
ce «projet» devienne très humain, un «plan prémédité, complet, auquel il ne
pouvait ni ne voulait absolument pas renoncer». Problème, cher don Le-
moyne!
Laissés aux seules Memorie, nous ne pourrions qu'inscrire un point d'in-
terrogation dubitatif dans la marge de cette page du tome III. Mais la méthode
de travail de notre compilateur facilite l'examen de ces sortes de questions.
Celle-ci, certainement non secondaire pour la biographie spirituelle de notre
saint, mérite de nous arrêter. Quelle était la nature du projet fondateur de ce
qui deviendra, non seulement la congrégation, mais toute la famille salé-
sienne?
Le logion retenu naquit d'une conversation entre don Bosco et trois de
ses collaborateurs les plus proches: don Rua, don Lazzero et don Barberis,55
dans la soirée du jour de l'an 1876. Barberis, auditeur très intéressé, parce
55 Michele Rua (1837-1910), qui succédera à don Bosco, était alors préfet général de la
congrégation salésienne; Giuseppe Lazzero (1837-1910), devenu conseiller général en 1874,
avait la responsabilité de la maison de l'Oratoire de Turin; Giulio Barberis (1847-1927) avait
reçu, en 1874, la charge de maître des novices, dits ascritti par don Bosco.

3.6 Page 26

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32
Francis Desramaut
qu'il avait l'intention d'utiliser les explications de don Bosco dans ses allocu-
tions aux novices, prit en l'écoutant des notes détaillées, à partir desquelles il
couvrit ensuite onze pages de chronique de sa fine écriture.56 Les premières
lignes constituent le cadre de l'entretien: «Sabbato a sera 1o Gennajo 1876. —
In quella sera il Signor D. Bosco ebbe poco da confessare, essendoché la
maggior parte era già andata nei due giorni antecedenti per poter far la comu-
nione il primo giorno dell'anno. Dopo la cena ebbe tempo a discorrere di mol-
te cose riguardanti l'oratorio antico, sul qual discorso a bello studio lo posi io
dicendogli come adesso desiderava, alla sera dopo le orazioni, raccontare ai
cherici (sic) Ascritti, qualche cosa delle antichità dell'Oratorio. D. Lazzero e
D. Rua che erano anche presenti fecero le loro congratulazioni dicendo dover
riuscir questo d'un gran bene per due grandi motivi: Io S'istruiscono delle cose
nostre, dei nostri metodi, prendendo il vero spirito della casa. — 2° Questo
serve grandemente a renderli affezionati ed attaccati all'Oratorio ed alla Con-
gregazione. Il Signor D. Bosco intanto s'introdusse a parlare e alternativamen-
te con noi tre si venne sui seguenti discorsi». Don Bosco fut donc à la source
immédiate des notes prises à cet endroit sur le cahier du maître des novices; et
il parla de son entreprise salésienne avec un soin particulier. Au reste, lui-
même remarquait aussitôt: «Veramente nei principii degli oratorii ci furon co-
se tanto importanti e tanto poetiche insieme che desidererei io stesso di poter
radunare varii e raccontarle loro».
A l'initiative de don Rua, la conversation porta d'abord sur les décennies
successives de l'Oratoire, qui avait d'abord été vagabond (jusqu'en 1846), était
devenu stable (jusqu'en 1855), avait commencé de se multiplier par des oeu-
vres proches (jusqu'en 1865) et venait enfin, en 1875, de franchir les frontiè-
res.57 Puis don Bosco lui-même rappela quelques traits de son aventure du
cimetière de S. Pietro in Vincoli avec don Tesio et sa bonne irascible; il redit
l'histoire de l'acquisition de la maison Pinardi et des fonds qui avaient permis
de la payer; il raconta la visite à l'Oratoire d'Antonio Rosmini et de Pietro De
Gaudenzi;58 il parla du marquis Gustave et du comte Camille Cavour et enfin
de l'agrégation, envisagée par beaucoup d'ecclésiastiques de Turin, de l'ora-
toire St François de Sales aux autres oratoires de la ville, ce à quoi il ne s'était
jamais résolu. Car, expliquait-il, il avait son plan.
56 G. BARBERIS, Cronichetta autografa, cahier 3, p. 46-56.
57 Répartition des décennies qui ne coïncidait pas entièrement avec celle de don Bosco
en MO.
58 Ce prêtre, qui aimait beaucoup don Bosco, était devenu évêque de Vigevano.

3.7 Page 27

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Autour de six logia attribués à don Bosco dans les Memorie Biografiche
33
Le dernier thème de la soirée, celui d'où notre logion allait être tiré,
commençait de germer. Don Bosco avait eu des velléités d'unir son oeuvre à
celle des Rosminiens et même d'entrer dans leur congrégation. Il faut à cet
endroit recopier Barberis: «Ella Sig. D. Bosco, stette ben qualche giorno a far
il noviziato dai Rosminiani? — No; m'era venuto in pensiero di farmi ascrive-
re o tra gli Oblati qui di Torino o fra i Rosminiani; frequentava le loro case
come quando rosminiani venivano a Torino passavan qui; ma vedendo bene il
loro spirito io non ne presi parte. Dalla parte mia mi pare che sarei stato ob-
bedientissimo a chiunque e troppo volentieri; ma io aveva un piano fatto e
premeditato, piano da cui non poteva e non voleva assolutamente staccarmi.
Osservai se lo potrei eseguire in qualche istituto già esistente; ma, mi avvidi
che no; e non mi feci ascrivere a nessuna istituzione, anzi pensai io a circon-
darmi di fratelli in cui potessi infondere ciò che sentiva io. Oh mi sarebbe sta-
to ben più caro, sotto la condotta altrui, cioè sotto l'obbedienza, poter condur-
re avanti il mio piano; ma quando uno è assolutamente risponsale d'una riu-
scita; ed io vedeva chiaro le file da tendere, i mezzi per riuscirvi, io non pote-
va darli a vuoto. — Insomma qui D. Bosco pareva un po' imbrogliato nel tro-
var le espressioni che dicessero quel che voleva dire ma non si lasciasse capi-
re in tutto da noi...». Le récit de la conversation du 1er janvier s'arrêtait là.
Don Barberis poursuivait sa note par des considérations que nous retrouve-
rons dans un instant.
Le lecteur attentif aura repéré dans les lignes citées la phrase: «...ma io
aveva un piano fatto e premeditato, piano da cui non poteva e non voleva as-
solutamente staccarmi», qui figure quasi mot à mot dans le logion à l'étude
ici. Et ce «plan prémédité», avec ses «file da tendere», ses «mezzi per riuscir-
vi», don Bosco le revendiquait comme sien et se disait même «assolutamente
risponsale» de sa réussite. Il avait voulu une oeuvre qui fonctionnât selon son
esprit et ses méthodes à lui. Ses projets d'entrer chez les oblats de Marie ou
chez les rosminiens avaient ainsi fait long feu.
***
Le logion des Memorie biografiche nous apprend qu'une autre interpréta-
tion s'est imposée à la tradition salésienne. Non seulement le «plan prémédi-
té» fut pour ainsi dire dicté par Marie à don Bosco; mais celui-ci avait affirmé
cette origine le jour où il en avait parlé à ses confrères. Nous sommes ici de-
vant un cas très curieux de logion sécrété par une communauté de disciples.59
59 Le rédacteur pense ici au rôle que Rudolf Bultmann attribuait à la communauté primi-

3.8 Page 28

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34
Francis Desramaut
A l'audition déjà, don Barberis crut que don Bosco avait son idée derrière
la tête quand il narrait ses tentatives sans lendemain auprès des oblats et des
rosminiens. Mieux, le chroniqueur connaissait cette idée, l'explicitait et la
couchait immédiatement sur son cahier. Il termina ainsi sa relation du 1er
janvier 1876: «A me pare schietto e netto che volesse dire così: "Maria Ver-
gine m'aveva indicato in visione il campo in cui io doveva lavorare; mi fece
vedere i mezzi da adoperarsi per riuscirvi. Io non avendo compagni e non po-
tendo da solo cercai di aggregarmi a qualche istituto in cui mi si lasciasse
compire il mio disegno insegnatomi da M.V. o mi dessero dei compagni per
poterlo eseguire. Ma trovando che lo spirito di questi istituti, poniamo pure
che fosse santissimo, non corrispondendo a quel che voleva io, me ne stetti da
solo e cercai i compagni da farmi e lasciai quei sembravan compagni già fat-
ti". — E questo par chiaro a noi che sappiamo D. Bosco avere già i suoi piani
premeditati cioè suggeritigli da Maria Vergine, per lo meno dall'anno 1843-44
in cui ebbe la celebre visione del nastro con cui legar la testa ai suoi».60 L'é-
quivalence entre les piani premeditati de don Bosco et les piani suggeritigli
da Maria Vergine commençait d'apparaître. Le surnaturalisme du chroniqueur
Barberis le détournait d'imaginer une grâce de vocation coexistant avec une
laborieuse recherche humaine. C'était l'un ou l'autre.
Le logion entama son évolution vers 1885, quand la Cronichetta de Bar-
beris fut reprise (sous la surveillance attentive du maître) pour entrer parmi
les sources de la biographie de don Bosco, désormais en préparation.61 La
dernière portion de l'entretien du 1er janvier 1876 y constitua un élément à
part sous le titre: «La vocazione di D. Bosco»,62 alors que, on aura pu le no-
ter, le mot vocazione n'avait pas figuré dans l'entretien enregistré. La péricope
ainsi désignée fut destinée à prolonger un paragraphe de la chronique nou-
velle de Barberis dit: Le Vocazioni.61, L'histoire de la vocation
tive dans l'interprétation du message de Jésus. Voir, éventuellement, A. MALET, Mythos et Lo-
gos. La pensée de Rudolf Bultmann. Lettre-préface de R. Bultmann, Genève, Labor et Fides,
1962, p. 61.
60 G. BARBERIS, Cronichetta autografa, cahier 3, p. 56.
61 II s'agit de la Cronichetta dite: di varie mani du catalogue de la Microschedatura du
Fondo Don Bosco, dont certaines pages, parce que transcrites sur des feuilles de petits registres
portant à la ronde des noms de clercs salésiens bien connus et entrés au noviciat en 1885, Euge-
nio Ceria par exemple, ne peuvent qu'être contemporaines ou postérieures à cette année-là.
62 Ce titre fut inscrit dans la marge de la Cronichetta autografa, p. 55, probablement à
l'intention du rédacteur de la Cronichetta varie mani.
63 Cronichetta varie mani, cahier III, fol. 41-45. Remarquons tout de suite que, dans le
recueil actuel des archives salésiennes, les fol. 46-54, intermédiaires entre ce titre et celui de:
La Vocazione di D. Bosco, sont absents.

3.9 Page 29

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Autour de six logia attribués à don Bosco dans les Memorie Biografiche
35
de don Bosco illustrait au mieux la «vocation salésienne». Nous découvrons
là le fragment désormais distinct de la conversation du 1er janvier: «La Voca-
zione di D. Bosco. — Ella, Sig. D. Bosco, stette ben qualche giorno a far il
noviziato dai Rosminiani? — No; m'era venuto in pensiero...» Etc. Et le mor-
ceau continue jusqu'à: «...del nastro con cui legar la testa a' suoi», incluant par
conséquent l'interprétation du chroniqueur reproduite plus haut.64 Le titre qui
coiffait désormais la péricope isolée incitait encore un peu plus le lecteur à
entendre don Bosco dans le sens de son commentateur. Quand il les redisait
aux novices, à qui, nous nous en souvenons, le récit était destiné, don Barbe-
ris sautait très vraisemblablement l'obstacle. Il faisait parler don Bosco
comme lui-même l'avait compris. C'était «schietto e netto»: «Maria Vergine
m'aveva indicato in visione il campo in cui io doveva lavorare...» Etc.
Le logion poursuivit son chemin dans l'historiographie salésienne. Vers
le milieu des années quatre-vingt, don Lemoyne reçut pour ses Documenti la
péricope isolée de la Cronichetta Barberis nouvelle manière. Dans sa compi-
lation, il répartissait les pièces selon une chronologie relativement fine. Il re-
tint le fragment de 1876 pour l'année 1847, quand don Bosco entreprit (diton)
un voyage à Stresa auprès du célèbre Antonio Rosmini.65 Et, pour ce chapitre
de son histoire, il transposa à la troisième personne les propos de don Bosco,
qui étaient à la première personne dans Barberis. Nous lisons dans le troisiè-
me registre des Documenti: «Intanto in questo stesso anno nell'autunno, deci-
devasi di fare un viaggio a Stresa. Pieno dell'idea della sua missione, cercava
di poterla consolidare e perpetuare. Prima perciò era venuto nel pensiero di
farsi ascrivere fra gli Obblati {sic) di Maria in Torino, e poi di aggregarsi ai
Rosminiani. Egli frequentava le case di questi ultimi...» Etc. La source im-
médiate du passage était bien celle que nous connaissons. Mais voyons la
suite. Un compilateur prend légitimement quelque liberté quand il transpose
un texte en je en texte en il. Il développe sa propre vision, qui est celle du nar-
rateur. L'engagement diffère. Notre biographe exprima donc «schietto e net-
to», mais à la manière de Barberis, la pensée de don Bosco sur l'orientation de
sa vie en cette année décisive. Ce fut: «...Da parte sua era disposto ad essere
obbedientissimo a chiunque gli avesse commendato, anzi avrebbe preferito
poter condurre avanti il suo piano sotto la condotta altrui, cioè guidato dal-
l'obbedienza di un superiore. Ma la Vergine Maria avevagli indicato in visio-
ne il campo nel quale doveva lavorare. Esso
64 Cronichetta varie mani, cahier III, fol. 55-56.
65 Nous ne disons rien ici de la réalité et, moins encore, de la date dudit voyage: la ques-
tion reste ouverte.

3.10 Page 30

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36
Francis Desramaut
aveva un piano fatto, premeditato, dal quale non poteva e non voleva assolu-
tamente staccarsi...» Etc.66
La transformation était acquise dans l'historiographie salésienne en ges-
tation. A l'étape des Documenti, l'interprétation de la communauté recouvrait
déjà entièrement le récit de la vocation de don Bosco. L'explication «natu-
relle» des faits disparaissait comme telle.
Nous touchons au tome des Memorie biografiche (1903), qui raconta don
Bosco en 1847. La page des Documenti sur son voyage à Stresa y fut travail-
lée selon les principes coutumiers de don Lemoyne: addition de compléments
reçus dans l'intervalle, reprise de tous les éléments documentaires, respect re-
lativement scrupuleux des formules, réorganisation logique des paragraphes et
enfin, l'occasion se présentant, dramatisation du récit par recours à la première
personne et intervention directe du héros. Don Lemoyne avait ici quelque ex-
cuse à opter pour ce procédé, car pareilles confidences ne pouvaient provenir
que de don Bosco. S'il la connut jamais, il avait probablement oublié leur ori-
gine première dans un entretien au Valdocco le 1er janvier 1876. En revanche,
le caractère surnaturel et mariai de la vocation de don Bosco ne faisait aucun
doute pour lui. L'authenticité de la phrase: «Ma la Vergine Maria...» lui était
évidente. Et il tomba dans le piège que la rétroversion lui préparait. Arrivées à
ce moment de la vie de don Bosco, les MB III, 247 commencent par dire à la
troisième personne en arrondissant à peine les phrases des Documenti:67
«...Desiderava vivamente di circondarsi di confratelli, nei quali potesse infon-
dere ciò che egli sentiva nell'ardente suo cuore. Da parte sua era disposto ad
essere obbedientissimo a chiunque nell'Istituto da lui prescelto, fosse deputato
a comandargli; anzi avrebbe preferito poter condurre avanti il suo piano, pas-
so per passo, sotto la condotta altrui, cioè guidato dall'ubbidienza di un supe-
riore». Le virage de la troisième à la première personne fut pris à l'endroit où
le ciel intervenait: «Ma la Vergine Maria, ci narrava più tardi D. Bosco,68 mi
aveva indicato in visione il campo nel quale io doveva lavorare. Possedeva
adunque il disegno di un piano, premeditato, completo, dal quale non poteva e
non voleva assolutamente staccarmi». Pour qualifier ce plan devenu surnatu-
rel, premeditato a subsisté, seul fatto est tombé; et le logion SL reçu sa forme
définitive. Un adunque — encore inconnu des Documenti — y a créé la suture
surnaturalisante entre le premier élément et la suite. En pleine cohérence avec
l'appel
66 Documenti III, 151.
67 Les modifications apportées aux Documenti ont été soulignées.
68 Dans les références des Memorie, le ci et le noi désignent toujours des membres de la
communauté salésienne, sans que don Lemoyne y soit nécessairement inclus, bien au contraire.
Il ne faut surtout pas imaginer pour ces lignes une source parallèle.

4 Pages 31-40

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4.1 Page 31

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Autour de six logia attribués à don Bosco dans les Memorie Biografiche 37
céleste du point de départ, quelques lignes plus bas, ce qui était encore un di-
segno dans les Documenti devint un mandato dans les Memorie: «...Ciò non
ostante in questo stesso anno 1847 volli osservare con maggior diligenza se
già esistesse qualche Istituzione nella quale io potessi aver la sicurezza di e-
seguire il mio mandato...».69
Assurément, don Bosco était convaincu que la Vierge Marie avait prési-
dé à la naissance de son oeuvre et à sa vocation. La structure de ses Memorie
dell'Oratorio, qui venaient d'être rédigées (1873-1875 environ pour l'essen-
tiel), suffirait à en témoigner. Il y partageait l'histoire de son oeuvre en décen-
nies, dont la première commençait, non pas en 1841 avec la rencontre du
jeune Garelli dans la sacristie de l'église S. François d'Assise à Turin, mais en
1825, aux Becchi et à la suite de son rêve primordial des neuf ans. Toutefois,
cet appel ne l'avait jamais empêché de construire des plans et de nourrir des
projets qui lui étaient propres. Il en élabora même toute sa vie. La période
1847-1849 semble avoir été particulièrement féconde. Il avait alors eu affaire
à un cercle d'ecclésiastiques, auquel beaucoup dans sa ville auraient voulu
l'intégrer. Dans l'entretien de 1876, il assurait avoir été en l'occurrence prêt à
obéir parfaitement à autrui. Sans doute, sans doute! Mais n'y reconnaissait-il
pas aussi avoir suivi son chemin tout à fait à sa tête et à sa convenance? Les
notes de Barberis interdisent d'en douter.
L'histoire de son âme, pour être honnête, doit en tenir compte. Il avait en
lui, expliquait-il en 1876, un plan «fatto, premeditato, dal quale non poteva e
non voleva assolutamente staccarsi». Nous restituerons donc à don Barberis, à
don Lemoyne et à la communauté salésienne des années 18751900 la pre-
mière phrase du logion sur «la vocation de don Bosco». «Ma la Vergine Ma-
ria mi aveva indicato in visione il campo nel quale io doveva lavorare» fut
une traduction enthousiaste de la pensée de don Bosco, telle qu'il l'exprima le
soir du 1er janvier 1876. Comme telle, la phrase est apocryphe. En outre, par
un effet de juxtaposition et surtout par un adunque conjonctif, elle a modifié
le sens de la phrase suivante. Car, isolée et débarrassée de cet adunque, cette
phrase constitue un logion authentique de don Bosco. Il a vraiment dit (ou à
peu près) au cours de l'entretien du 1er janvier 1876, que don Giulio Barberis
enregistra aussitôt et avec soin: «Possedeva il disegno di un piano, premedita-
to, completo, dal quale non poteva e non voleva assolutamente staccarmi».
Car il était personnel, il était tenace, il voulait un entourage de collaborateurs
dévoués. La volonté persévérante ne fut pas la moindre des qualités du vrai
don Bosco. La physionomie actuelle du logion de MB III, 247, ne permet plus
de le vérifier. Dommage!
69 MB III, 247/20-23. «Disegno» en Documenti III, 310.

4.2 Page 32

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38
Francis Desramaut
6. Le dérapage à la première personne dans l'histoire du jeune ressuscité
(1882)
«Io entrai nella camera, io gli dissi, egli mi rispose» (don Bosco dans
l'histoire du jeune ressuscité, Borgo San Martino, 1882; MB III, 500/19).
Dans la biographie de don Bosco, l'épisode de Carlo le ressuscité est des
plus excitantes pour l'historien.70 Elle ravit les amateurs de merveilleux. «Au
faîte de ces miracles incontestés et pour clore ce chapitre, écrivait autrefois le
P. Auffray au terme d'un paragraphe sur don Bosco thaumaturge, plaçons ce
récit qui pourrait faire hocher la tête à certains positivistes impénitents, si le
faisceau de témoignages qui le corrobore n'en établissait la solide véracité».71
A l'inverse, d'autres esprits, moins ardents et ne relevant pas pour autant de
«positivistes impénitents», ont depuis longtemps observé que don Bosco lui-
même, qui, pourtant, ne répugnait pas à être proclamé faiseur de miracles, fit
retirer celui-là de son histoire par le niçois Charles d'Espiney.72
On rétorque aux hésitants que, si le saint homme le raconta le plus sou-
vent à la troisième personne et sans se mettre lui-même en scène, un soir de
1882, à Borgo San Martino, il dérapa soudain: «Io entrai nella camera, io gli
dissi, egli mi rispose»; et qu'il reconnut ainsi à la fois l'authenticité des faits et
la place qu'il y avait tenue. Il convient de commencer par reproduire entière-
ment le passage du volume III des Memorie biografiche qui relace cet inci-
dent.
«...Se non ché una sera del 1882 si tradì senza accorgersene, raccontando
questo avvenimento ai giovani di Borgo S. Martino dopo le orazioni della sera.
Avendo egli la mente stanca all'estremo, a metà della descrizione, repentinamen-
te mutò modo di parlare, la terza persona in prima, dicendo: Io entrai nella came-
ra, io gli dissi, egli mi rispose, e proseguì la sua narrazione per lungo tratto e sul
finire ritornò alla terza persona. Lo scrittore di queste memorie era presente.
I Salesiani si guardavano alla sfuggita con occhiate significative, i giovani lo
contemplavano
70 P. STELLA, Don Bosco nella storia della religiosità cattolica, I, 2ème éd., Rome, LAS,
1979, p. 257-292, lui a consacré une longue note, assortie d'un précieux appendice documen-
taire; A. DRUART, «La résurrection de Charles», Cahiers du Groupe lyonnais de recherches salé-
siennes, 15, janvier 1969, tout un petit fascicule.
71 A. AUFFRAY, Un grand éducateur, le bienheureux don Bosco, Lyon-Paris, Vitte, 1929,
p. 292.
72 Nous la lisons sous le titre: Lève-toi à l'extrémité de C. d'EspiNEY, Dom Bosco, Nice,
Malvano-Mignon, éd. de 1881 et de 1882, p. 177-178. Le récit disparut des nombreuses édi-
tions de ce petit livre publiées à partir de cette même année 1882 par les salesiens du Patronage
Saint-Pierre de Nice. On le verra plus bas, don Bosco lui-même avait réclamé sa suppression.

4.3 Page 33

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Autour de six logia attribués à don Bosco dans les Memorie Biografiche 39
come estatici. — Quando ebbe finito, attraversò le loro file per recarsi in
camera, e mentre tutti gli facevano ressa intorno, si vedeva dal suo sguar-
do e dalle sue parole la perfetta incoscienza di ciò che era avvenuto, e
nessuno osò fargliene motto per non offendere la sua umiltà».73
Ce témoignage oculaire et auriculaire du biographe est impressionnant. L'auteur
de cette note reconnaît s'être longtemps laissé convaincre par l'observation de don
Lemoyne. Comment, dans ces conditions, douter que don Bosco ait été le principal
acteur de l'épisode de Carlo le ressuscité? Mais, comme les exemples précédents le
font prévoir au lecteur, il précipitait la besogne. Les conclusions sur les logia des
Memorie biografiche ne deviennent un peu solides qu'après l'examen attentif de leur
histoire particulière.
A cette page des Memorie, don Lemoyne adaptait en 1903 une note des Docu-
menti XLIII, qui avait été imprimée vers 1892:
Documenti XLIII, 11
In quanto alla veracità noi abbiamo
queste prove indirette:
1o D. Bosco narrò le 100 volte questo
fatto ai giovani, senza però far cenno di
sé, ma sempre con tali identiche circo-
stanze, senza mai nulla mutare o aggiun-
gere, sicché si vedeva come egli fosse sta-
to presente al fatto che eragli rimasto
impresso nella memoria.
2° Raccontando questo fatto a Borgo
S. Martino alla sera dopo le orazioni ai
giovani a metà della descrizione, mutò
senza accorgersi la terza persona in pri-
ma dicendo io gli dissi, egli mi rispose, e
ritornò alla terza persona. Ciò fu negli
ultimi anni della sua vita ed era presente
D. Lemoyne.
MB III, 500/6-22
Oltre a ciò D. Bosco lo raccontava più
di cinquanta volte ai giovani dell'Orato-
rio e centinaia di volte a quelli delle altre
sue case, senza però far mai cenno di sé,
senza far mai il nome di nessuno e senza
dare indicazioni del luogo, e omettendo
ogni particolarità che potesse dar sospet-
to trattarsi di lui, ma sempre colle stesse
identiche circostanze, senza mai nulla
mutare o aggiungere, sicché si vedeva
come egli fosse stato presente ad un fatto
profondamente rimasto impresso nella
sua memoria. Se non che una sera del
1882 si tradì senza accorgersene, raccon-
tando questo avvenimento ai giovani di
Borgo S. Martino dopo le orazioni della
sera. Avendo egli la mente stanca all'e-
stremo, a metà della descrizione, repen-
tinamente mutò modo di parlare, la terza
persona in prima, dicendo: Io entrai nella
camera, io gli dissi, egli mi rispose, e
proseguì la sua narrazione per lungo trat-
to, e sul finire ritornò alla terza persona.
Lo scrittore di queste memorie era pre-
sente.
73 MB III, 500/14-28.

4.4 Page 34

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40
Francis Desramaut
La dépendance est aveuglante. De la première ligne, où «raccontava più
di cinquanta volte ai giovani dell'Oratorio e centinaia di volte a quelli delle
sue altre case», répond à: «D. Bosco narrò le 100 volte questo fatto ai giova-
ni»; jusqu'à la dernière où: «Lo scrittore di queste memorie era presente» dé-
calque: «...ed era presente D. Lemoyne», les Memorie biografiche suivent ici
presque pas à pas la note des Documenti, quitte à l'amplifier légèrement pour
la rendre plus vivante. Toutefois, la comparaison des deux textes suscite deux
remarques: 1) L'extrême finale du récit des Memorie (reproduite plus haut),
qui décrit don Bosco après le mot du soir traversant les rangs des garçons
pour regagner sa chambre, sans que «nessuno osò fargliene motto per non of-
fendere la sua umiltà», est un élément nouveau que le texte adapté ignorait. 2)
La date de 1882 correspond à: «Ciò fu negli ultimi anni della sua vita» des
Documenti XLIII. La précision chronologique et le portrait de don Bosco à la
suite de son récit ont donc été des additions propres au biographe.
Jusqu'à preuve du contraire, il convient d'accepter ses additions, puisque
ce biographe était lui-même présent à la scène. Mais l'habitude des Memorie,
dont les auteurs se sont acharnés à transformer les dates possibles ou vrai-
semblables en dates certaines, engendre bientôt quelque doute. Et celuici est,
en l'occurrence, fondé. Car le mot du soir de Borgo San Martino et donc l'ir-
ruption de la première personne dans l'histoire du ressuscité doivent être recu-
lés de 1882 jusque vers la fin du mois de décembre 1875. Un autre témoin de
Borgo a en effet parlé et ses propos ont été enregistrés sur-le-champ.
Après la fête de Noël 1875, don Bosco, probablement parce qu'il croyait
avoir fait l'objet d'une suspense de ses pouvoirs de confesser, à lui infligée par
la curie de Turin, se retira pendant quelques jours dans sa maison de Borgo
San Martino.74 Cette école avait pour directeur Giovanni Bonetti et, pour ca-
téchiste, Giovanni Tamietti. L'un et l'autre allaient avoir un rôle à tenir dans
cette période de l'histoire de don Bosco. Le 28 décembre, Giovanni Bonetti
alerta le secrétaire d'Etat Antonelli et, par lui, le SaintSiège sur la «suspense»
inexplicable de son supérieur général.75 Quant à son confrère moins connu
Giovanni Tamietti (1848-1920), prêtre d'intelligence déliée, qui aura bientôt
une réputation de lettré et d'homme de gouverne-
74 MB XI, 481-482.
75 Nous n'avons pas à pénétrer dans cet épisode particulièrement regrettable du différend
entre don Bosco et son archevêque. Qu'il suffise de dire qu'une lettre du chanoine Chiuso à don
Rua datée du 27 décembre 1875, apprenait à ce dernier le renouvellement des pouvoirs de don
Bosco.

4.5 Page 35

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Autour de six logia attribués à don Bosco dans les Memorie Biografiche 41
ment, il rendit alors un bon service à l'histoire en narrant au maître des novi-
ces don Barberis cette anecdote de ressuscité racontée à la première personne.
Barberis l'enregistra dans sa Cronichetta autographe à la date du 5 janvier
1876. Nous y lisons: «Oggi da D. Tamietti sentii a raccontar questa di D. Bo-
sco. La è magnifica. In questi giorni scorsi in cui il sig. D. Bosco stette al
Borgo, parlando in pubblico ai giovani invitandoli ad essere sinceri in confes-
sione raccontò questo fatto. — Non son poi tanti anni che in Torino avvenne
questo fatto. Ammalò gravemente un giovane sui 15 anni...». Ce garçon; son
confesseur intervint; et, brusquement, le récit bifurqua: «...Si radunarono circa
20 persone, che poteron esser testimoni del fatto. Intanto il giovane mi chiamò
e disse: «Oh io doveva essere in luogo di perdizione, in questa ultima confes-
sione non ho osato palesare un peccato...». Puis, selon la Cronichetta: «Dopo
che i giovani andarono a dormire, riprese D. Tamietti, essendo solo più il di-
rettore ed io con D. Bosco, io domandai: — È forse lei, sig. D. Bosco, quel
prete là? — Oh perché? rispose D. Bosco. — Pare che abbia detto, quel gio-
vane mi chiamò...».76 Nous reviendrons sur la deuxième réplique de don Bo-
sco.
Une première conclusion ressort claire comme le jour de ce récit de Ta-
mietti: le mot du soir daté — après hésitation — de 1882 dans les Memorie
biografiche fut prononcé quelques jours avant le 5 janvier 1876. Le trait ré-
sumé en Documenti XLIII, 11, source des Memorie à cet endroit, est en effet
identique à celui de la Cronichetta: même lieu, Borgo San Martino; même
cadre, un mot du soir; même auditoire, les jeunes de la maison; même récit
par don Bosco, celui du jeune ressuscité; même incident, décrochement ino-
piné de la troisième à la première personne. Un fait de cette sorte ne se répète
pas dans la vie d'un homme; il fut unique dans celle de don Bosco. Le logion
dont nous sommes partis est donc né du mot du soir de Borgo San Martino
prononcé vers la fin de décembre 1875. On n'invoquera surtout pas en faveur
de 1882 le témoignage de don Ceria en MB XV, 572, selon qui: «Don Bosco
nel luglio del 1882 andò a Borgo S. Martino..., allora fu che si udì la sorpren-
dente inconscia rivelazione narrata da Don Lemoyne intorno al giovanetto
Carlo...». Pour s'exprimer ainsi, don Ceria se fondait purement et simplement
sur les Memorie biografiche III, 495-500, que nous venons de lire. Nulle autre
pièce originale ne lui avait parlé de 1882. Il faut s'y résoudre: le récit partiel-
lement en je du garçon ressuscité doit être daté de la fin décembre 1875, à
l'extrême rigueur du début de janvier 1876, certainement pas de 1882.
76 G. BARBERIS, Cronichetta autografa, cahier 3, p. 60-62; pièce reproduite dans P.
STELLA, op. cit., p. 292-293.

4.6 Page 36

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42
Francis Desramaut
Mais, s'il en va ainsi, le contexte de l'allocution diffère; et l'interprétation
que don Lemoyne a donnée de l'incident vacille. D'après les MB III, 500, don
Bosco, plongé dans la scène qu'il revivait intérieurement, ne se serait pas ren-
du compte du changement de personne, et nul ne lui en aurait fait la remar-
que. Le récit de Tamietti contredit le biographe, tout témoin direct que celui-
ci ait été du mot du soir de Borgo San Martino. Reprenons la finale de l'épi-
sode dans la Cronìchetta de Barberis. «...È forse lei, sig. d. Bosco, quel prete
là? — Oh perché? rispose D. Bosco. — Pare che abbia detto, quel giovane mi
chiamò. — Non aveva intenzione di dir quella parola io. Se l'ho detta, mi
scappò senza che l'avvertissi». E il discorso morì li».77 Au moins un auditeur
de ce soir-là a donc réagi devant don Bosco; et celuici lui a répondu en subs-
tance — car nous n'oublions pas que le témoignage Tamietti, déjà passé au
deuxième degré, fut inévitablement tiré dans un sens favorable à la réalité du
«miracle» —: «Je n'avais pas l'intention de dire ce mot je. Si je l'ai dit, il m'a
échappé malgré moi». En d'autres termes: «Je racontais une histoire. Si je m'y
suis mis en scène, ce ne fut que par inadvertance».
Un commentaire un peu rigoureux du logion en question ici ne peut que
tenir compte de son véritable contexte. «Io entrai nella camera, io gli dissi,
egli mi rispose...». Peut-être! En effet, le je unique du récit Tamietti a été
multiplié par deux et trois en passant par les Documenti pour arriver aux Me-
morie. Mais don Bosco, bien loin de monter dans sa chambre sans se rendre
compte de son «aveu», remit aussitôt les choses au point: «Cela m'a échap-
pé!» Il niait à l'avance la conclusion de ses biographes Lemoyne et Ceria.
Non: il n'admettait pas d'avoir été le prêtre confesseur du jeune ressuscité.
***
La connaissance désormais étendue que l'on peut avoir de la vie de don
Bosco permet de rapprocher le fait de Borgo de réactions analogues du saint
au cours de son existence. Jamais, écrivait don Lemoyne — qu'il faut proba-
blement croire ici sur parole, au moins pour les trente dernières années de sa
vie —jamais il ne se mettait carrément en scène dans l'histoire du ressuscité.
Mais ce rôle semble lui avoir été attribué dès que son oratoire se fut stabilisé
à Turin. L'histoire du jeune ressuscité par don Bosco circulait certainement au
Valdocco dans les années cinquante. Domenico Ruffino, arrivé à l'Oratoire en
1859, notait dans ses Cronache pour les années 1859-
77 Voir l'édition du texte dans P. STELLA, op. cit., p. 292.

4.7 Page 37

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Autour de six logia attribués à don Bosco dans les Memorie Biografiche 43
1860, sous le titre: «Fatti che si raccontano»: «Dicesi che abbia D. Bosco risusci-
tato un morto, cioè un giovane cadde infermo e venne agli estremi...». Etc.78 Elle
avait des échos jusqu'à Rome en 1858, lors du voyage que don Bosco y fit en la
compagnie du clerc Rua, nous apprend un passage des Annali II de Giovanni Bo-
netti: «Un giorno il Sacerd. D. Rua (allora però non aveva ancora alcun ordine)
trovandosi a tavola ci raccontava come i Romani, quando egli in quella città si
trovava col Signor D. Bosco, gli raccontassero il miracolo fatto dal Signor D. Bo-
sco a Torino alcuni anni prima, mostrandosi così bene informati. D. Bosco seb-
bene un poco discosto, nondimeno sentiva questo racconto, e l'osservammo a ve-
nir molto rosso in volto, quindi voltosi al narratore: Taci, gli disse con voce so-
stenuta, io non ho mai detto che fossi io, e nessuno deve saperlo».79 Dans ce té-
moignage, la phrase essentielle, qu'à notre avis la finale: «...e nessuno deve saper-
lo» commençait de gloser, était: «Je n'ai jamais dit que c'était moi!» Don Rua la
répétera en 1895 au procès de canonisation de don Bosco, où il revint sur l'inci-
dent: «...valendomi della confidenza che aveva con lui, lo richiesi una volta
(mentre io era già prete, o per lo meno prossimo al presbiterato) se fosse proprio
esso l'autore di quel fatto che a lui veniva attribuito. Egli mi rispose: "Io non ho
mai detto che fossi io l'autore di quel fatto". Non andai più oltre».80 Don Stella a
exhumé une lettre sur un incident donné comme similaire. Giuseppe Bologna
(1847-1907) était entré à l'oratoire du Valdocco le 1er septembre 1863. Il passera
en France, à des postes de direction, la majeure partie de sa vie de prêtre salésien.
Après la sortie du troisième tome des Memorie, il écrivit de Paris à don Le-
moyne: «Parigi, il 13 giugno 1904. — Molto Reverendo Sig. D. Lemoyne. Leggo
per la prima volta nel suo vol. III delle Memorie di Don Bosco, la narrazione del
fatto di un giovane Carlo, resuscitato ecc.. Mi ricordo di aver inteso raccontare da
DB stesso il detto fatto quando nel 1865 (se pur non è nel 1864) ci predicava il
triduo nella chiesa di S. Fr. di Sales, per prepararci alla Comunione pasquale.
Raccontò la cosa tal quale è descritta, parlando del prete alla terza persona, ma,
dopo aver menzionato quel sacerdote, soggiunse, "e questo prete era Don Bo-
78 D. RUFFINO, Cronache..., I, 1860, p. 34; voir ce texte dans P. STELLA, op. cit., p. 291-
292.
79 G. BONETTI, Annali, cahier II, p. 41; voir P. STELLA, op. cit., p. 271. Ce passage peut
être daté de 1862.
80 Toutefois, don Rua continuait: «...bastandomi il vedere che non negava che fosse esso,
ma solo negava di averlo attribuito a se stesso...». M. RUA, Déposition au procès informatif, ad
32um, 27 juin 1895; Actes du Procès, exemplaire de la Postulation salésienne, Rome, fol.
2707, verso. (Ce document sera cité: Procès.) Don Rua croyait donc au rôle de don Bosco dans
l'histoire du ressuscité.

4.8 Page 38

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44
Francis Desramaut
seo", e non poté aggiungere una sola parola; il singhiozzo, l'emozione, l'ob-
bligarono a ritirarsi dal pulpito. Noi siamo rimasti tutti fuori di noi stessi; e si
stette assai a lungo tempo prima che si potessero intonare le litanie. Me ne ri-
cordo come se fosse di oggi».81 Don Bologna, excellent homme au demeu-
rant, était un passionné, un brouillon et un imaginatif. De plus, rien ne lui
semblait impossible de la part de don Bosco, envers qui il professait un véri-
table culte. Il a très bien pu confondre deux histoires dans l'incident dont il
avait gardé le souvenir. Un témoignage que nous allons produire de don Bar-
beris, présent lui aussi à l'Oratoire en 1864-1865, affaiblit en effet singulière-
ment son discours. Car Barberis affirmait en 1876 n'avoir jamais entendu don
Bosco raconter lui-même cette histoire. Et, à ce qu'il semble, don Rua ne se
rappelait pas l'incident qui avait tellement frappé le jeune Bologna... Mais, à
supposer que celui-ci ne se soit pas trompé et que don Bosco ait été sérieuse-
ment ému après s'être donné comme le prêtre du miracle, le témoin ne nous
dit pas pourquoi. Il l'ignorait; et nous-mêmes l'ignorons plus encore.
Une troisième réaction de don Bosco sur l'introduction de sa personne
dans l'épisode du ressuscité date de 1882, après sa publication dans la biogra-
phie anecdotique de Charles d'Espiney chez Malvano-Mignon, à Nice. Elle a
été relatée par un témoin beaucoup plus sûr que don Bologna, qui, devenu
précocement aveugle, resta jusqu'à la fin de ses jours doué d'une merveilleuse
mémoire. Le P. Louis Cartier (1860-1945) faisait écrire le 23 avril 1940, dans
une note destinée à don Ceria au sujet de l'épisode de l'édition Malvano-
Mignon: «...Le fait de cette résurrection est mal situé puisqu'il a eu lieu à Tu-
rin et non à Rome, mais il demeure incontestable. En effet Don Bosco se plai-
gnit au Dr D'Espiney de ce qu'il avait rapporté ce fait; alors le Docteur répon-
dit à Don Bosco, «si ce fait est erroné, je le supprimerai; mais je vous prie,
mon Père, de m'affirmer que cette résurrection n'a pas eu lieu». Don Bosco
répliqua que l'on ne devait pas parler de cela, et le docteur lui dit: «Dites-moi
que ce n'est pas vrai». Don Bosco prié une 3ème fois de dire à son interlocu-
teur que ce miracle n'avait pas eu lieu, se contenta de garder le silence. Si le
miracle n'avait pas eu lieu, Don Bosco l'aurait certainement déclaré au Doc-
teur d'Espiney. Son silence est un aveu. — Le docteur Charles D'Espiney m'a
lui-même raconté l'entretien qu'il avait eu avec Don Bosco. Il me dit que Don
Bosco éprouvait une grande peine de cette publicité, sans doute, à cause de
son humilité, mais il ne put affirmer que la résurrection de Carlo n'avait pas
eu lieu. — Le Dr Charles D'Espiney
81 Lettre éditée dans P. STELLA, op. cit., p. 288-289.

4.9 Page 39

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Autour de six logia .attribués à don Bosco dans les Memorie Biografiche 45
avait rédigé au fur et à mesure qu'il les avait eues toutes ses conversations
avec Don Bosco. Moi-même je n'ai jamais oublié la conversation dans la-
quelle le Dr D'Espiney m'a raconté ce que je viens d'exposer...».82 On ne
trompait pas facilement le Mauriennais Louis Cartier. Il s'avançait quand
même beaucoup dans son interprétation des propos et des silences du Piémon-
tais madré qu'il revoyait en imagination. La publicité autour de cette histoire
peinait don Bosco «sans doute par humilité». Ce n'est pas tellement sûr! Une
seule chose est bien établie: don Bosco fut très contrarié par la publication de
ce trait dans la biographie anecdotique de Charles d'Espiney. Il refusa de par-
ler quand on l'interrogea sur son authenticité. Il avait aussi refusé à don Rua
de l'éclairer sur l'identité du prêtre confesseur.
Tel fut le contexte psychologique d'ensemble du logion: Io entrai nella
camera..., attribué à don Bosco dans l'anecdote du jeune ressuscité quand il la
raconta un soir à Borgo. Il faisait intervenir un prêtre confesseur; on l'identi-
fiait avec lui-même. Il s'y était peut-être prêté au début de sa vie sacerdotale;
mais, durant les trente dernières années de sa vie, il s'est élevé contre cette as-
similation. L'étude du texte même de l'anecdote du jeune ressuscité nous ap-
prend qu'il avait de bonnes raisons de se récrier ainsi.
***
Le fait de Carlo avait été, pour reprendre l'adjectif du P. Louis Cartier,
«incontestable». Quel fait? Celui raconté tout au long par don Lemoyne dans
ses Memorie et devenu ainsi, depuis 1903, la référence obligée des vulgarisa-
teurs de l'histoire de don Bosco? Il convient de l'examiner de près. Nous ap-
procherons ainsi peu à peu d'une solution acceptable de ce problème irritant.
Le lecteur critique discerne deux couches successives dans la version dé-
finitive de don Lemoyne. A l'étape des Documenti83 rédigés ici vers 1885, le
mémorialiste a mélangé trois pièces: un récit de Giovanni Bonetti dans un ca-
hier d'historiettes sur don Bosco,84 une note des Cronache de Ruffino 85 et
celle de la Cronichetta de Barberis à la date du 5 janvier 1876, qui a été dé-
crite plus haut. Ensuite, pour le tome III des Memorie, publié en 1903 après le
procès informatif de canonisation de don Bosco, il a intégré à sa
82 L. CARTIER, Note pour le R.p. don Ceria historiographe de S. Jean Bosco, Marseille,
23 avril 1940; éd. P. STELLA, op. cit., p. 290-291.
83 Documenti III, 169-170.
84 Initium: «Mirabile conversione di un ateo», 20 feuillets non paginés; ACS 110, Bonet-
ti. Sera cité sous le titre: Bonetti, Anecdotes.
85 Voir, ci-dessus, n. 78.

4.10 Page 40

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46
Francis Desramaut
version des Documenti des particularités provenant d'au moins six autres piè-
ces très reconnaissables dans le texte reçu: la nota citée de Documenti XLIII,
11; le chapitre «Lève-toi» de Charles d'Espiney dans les éditions Malvano-
Mignon de 1881 et de 1882;86 la déposition de Giovanni Bisio au procès in-
formatif de Turin;87 celle de don Rua au même procès;88 un passage du princi-
pal cahier de souvenirs du salésien Pietro Enría intitulé: «Enría Pietro Giu-
seppe nato...»;89 enfin l'anecdote: «Più che guarigione», du cahier de Giovanni
Turchi intitulé: Memorie in servizio della Storia.90 L'origine très diverse de ces
témoignages ne fut jamais mise en question par le compilateur. Or, à l'excep-
tion de celui de la Cronichetta Barberis, tous, plus ou moins développés, plus
ou moins ramassés, dépendaient de traditions colportées de l'un à l'autre au
Valdocco ou dans la ville de Turin. Bonetti avait inséré son récit dans un petit
cahier d'anecdotes sans références et composé à une date incertaine, où il
avait réuni, outre l'histoire du ressuscité, celles de l'athée converti, du Grigio,
de la multiplication des châtaignes et de la multiplication des hosties. Comme
nous le savons, Ruffino reprenait explicitement un: «Si dice che...». Au pro-
cès de canonisation, Giovanni Bisio se référait à une demoiselle Teresa Mar-
tano, personne sans doute méritante, mais dont les sources d'information lais-
sent perplexe; don Rua résumait le fait d'après «varie persone»; Enría répétait
Giuseppe Buzzetti et le peintre Tomatis, deux témoins sans prétention; enfin,
pas plus que Bonetti, Turchi ne mentionnait une seule source; il affirmait seu-
lement que don Bosco racontait cette histoire.
Comme il était de règle dans son grand ouvrage, don Lemoyne voulut
fondre en un récit homogène des Memorie absolument tous les détails suppo-
sés également indubitables de sa documentation. Leur caractère hétéroclite ne
lui posa aucun problème. Il en est résulté une mosaïque bariolée, si-
86 C. d'ESPINEY, Dom Bosco, Malvano-Mignon, 1882, p. 177-178.
87 G. BISIO, ad 32um, 1er avril 1895; Procès, fol. 2456 v. et 2457 r.
88 M. RUA, ad 32um, 27 juin 1895; Procès, fol. 2707 r. et v.
89 Ce cahier en ACS 110, Enria.
90 Voici ce texte que don Stella n'a pas reproduit: «Più che guarigione. — Un giovane
che frequentava l'Oratorio ammalò, si confessò da un prete di sua parochia, e ricevuto il viatico
mori desiderando parlar a D. Bosco. Questi saputo il bisogno si recò tosto ov'era desiderato.
Ma giuntovi piangenti i genitori gli annunziano con dolore il troppo tardi. D. Bosco allora
venne via? No, si avvicina al morto, ne sente compassione, prega, ed oh maraviglia! il cadavere
apre gli occhi, ed: O D. Bosco! esclama. Sappia che ho taciuto un peccato in confessione. Ah
Dio l'ha mandato. Mi pareva d'essere coi diavoli che mi volevan precipitar nell'inferno. Ora
voglio confessarmi. Qui D. Bosco ascoltarne la confessione, assolverlo, e tornarsi veder innanzi
un cadavere fu quasi una cosa sola. Tal fatto accadeva nei tempi primitivi dell'Oratorio; è D.
Bosco che lo narrò». Memorie..., p. 4-5; ACS 123 Turchi.

5 Pages 41-50

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5.1 Page 41

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Autour de six logia attribués à don Bosco dans les Memorie Biografiche 47
non un salmigondis de mauvais aloi, qu'il convient de mettre en évidence
pour préparer le lecteur à juger lui-même du texte reçu aujourd'hui de l'anec-
dote sur «Carlo le ressuscité de don Bosco».91
L'examen du récit à partir de ses sources montre tout d'abord combien
grande était la rigueur formelle de don Lemoyne dans ses exercices de compi-
lation. Il s'ingéniait à recoudre sur le costume de ses Memorie toutes les piè-
ces orginales dont il disposait en respectant au maximum leur vocabulaire et
leurs tournures syntaxiques. Cette méthode lui semblait supérieurement ra-
tionnelle. Mais il se trompait fort. L'accumulation des matières déformait (dé-
naturait la forme de) l'objet qu'il construisait. Le mélange de la paille, de
l'ivraie et du bon grain, même soigneusement malaxés, n'a jamais produit de
la bonne farine. Les souvenirs imprégnés de légendes et les notes prises à
l'audition ont été inextricablement fondus dans la rédaction finale des Memo-
rie. Ce système engendre presque nécessairement des doublets. La réflexion
du prêtre: «Je parie qu'il n'est pas mort!», unique chez les témoins qui la men-
tionnent, arrive deux fois, d'abord en clair, plus de manière voilée. Le linceul
est doublé. Le corps de l'enfant est cousu dans un drap usé (d'après Bonetti);
mais un voile supplémentaire le recouvre à la ligne suivante (d'après Barbe-
ris). A son réveil, le garçon prononce l'une après l'autre les diverses phrases
particulières que quatre des témoins lui avaient attribuées. Les on-dit répétés
par la tradition Ruffino-Bonetti et par la tradition Bisio sont accolés au té-
moignage direct de Tamietti. Les interventions des démons infernaux et de la
Dame secourable de ces traditions relevaient de légendes déjà greffées sur un
récit primitif qui les ignorait. La mixture actuelle empêche de les discerner.
Quoi qu'il en soit, dans le monde des lecteurs des Memorie biografiche,
même si les plus avertis ne jurent pas de la véracité de tous les détails de
l'épisode du jeune provisoirement rendu à la vie et que la plupart renâclent à
une résurrection proprement dite, l'épisode de Carlo fait partie de la vie de
don Bosco. Un esprit aigu comme celui de Pietro Stella ne s'est pas résolu à
l'en extraire.92
***
La persuasion d'une réalité au moins globale des faits est mal fondée.
91 Voir ce récit des Memorie, avec indication des sources fragment par fragment, cides-
sous, Annexe II.
92 Cette longue étude s'achève sans conclusion. Il semble que, d'après l'auteur, pour le
moins le fait lui-même aurait été donné comme authentique par don Bosco.

5.2 Page 42

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48
Francis Desramaut
La critique directement historique mène ici à des impasses. Les enquêtes —
que Pietro Stella s'est imposées — dans les registres de la ville de Turin pour
les années 1847-1849 sur la mort d'un jeune garçon d'une quinzaine d'années
dénommé Carlo (par le docteur d'Espiney, don Rua et don Lemoyne) ou Luigi
(par Bisio), décédé dans une auberge, parfois dite du Blanc Mûrier (en pié-
montais ou en italien); ainsi que les «indagini sui familiari»93 de cette auberge
connue, n'apporteront jamais rien. Il faut pousser à fond la critique littéraire.
Carlo de Turin fut un touchant fantôme. S'il exista jamais, il vécut à Rome au
seizième siècle et s'appela Paolo.
Car don Bosco a raconté, à Turin comme à Borgo, une histoire connue
des spécialistes de l'hagiographie. Le jésuite Giovanni Giuseppe Franco rele-
vait la ressemblance dans la lettre qu'il écrivait de Rome à don Lemoyne en
1891, au reste pour conforter le biographe dans ses certitudes sur l'événement
de Turin: «...il giovane era già passato, D. Giovanni lo risuscitò, e lo confessò
nelle circostanze presso a poco che si legge avere S. Filippo Neri risuscitato il
giovane de' Massimi...».94 L'histoire de Paolo de' Massimi avait été longue-
ment racontée par Pietro Giacomo Bacci au chapitre 12 du troisième livre de
sa Vie de saint Philippe Néri.95 L'édition illustrée dont je dispose contient
même une planche en pleine page (planche n° 28), assortie de la légende:
«Risuscita Paolo de' Massimi, lib. 3, cap. 12. Occorse nel 1583 alii 16. di
Marzo». Le fait avait donc été rigoureusement daté. D'après Bacci, Paolo de'
Massimi avait environ quatorze ans; Filippo était son confesseur; le jeune
garçon tomba malade; quand Paolo fut sur le point d'expirer, on partit à la re-
cherche de Filippo; Filippo, absent, ne put venir à son chevet; le garçon mou-
rut; le prêtre qui lui avait donné l'extrême-onction s'en fut; on prépara l'eau et
les linges pour la toilette du cadavre; sur ce, Filippo se présenta au logis; dès
l'entrée, il fut prévenu du sort du jeune homme; il se jeta au pied de son lit et
pria un demi-quart d'heure; il appela le garçon deux fois par son nom et à
haute voix: Paolo, Paolo! Paolo, comme s'il émergeait du sommeil, ouvrit les
yeux et répondit: Padre!, puis: «Io mi era scordato d'un peccato e però vorrei
confessarmi»; Filippo fit évacuer la chambre et confessa son pénitent; leur
conversation dura encore quelque temps; le saint demanda à deux reprises à
Paolo s'il mourrait volontiers; Paolo répondit affirmativement, pour revoir les
siens en Paradis; «Va, lui dit Filippo. E subito con un volto placido, e senza
alcun movimento tornò a
93 Voir la note reproduite sous ce titre dans Fondo Don Bosco, 559 C5.
94 G.G. Franco à G.B. Lemoyne, Rome, 24 février 1891; éd. MB III, 502/19-22.
95 Je la trouve dans P.G. BACCI, Vita di S. Filippo Neri fiorentino..., édition revue et
augmentée par Giacomo Ricci, Rome, Gio. Francesco Buagni, MDCCIII, p. 257-259.

5.3 Page 43

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Autour de six logia attribués à don Bosco dans les Memorie Biografiche 49
morire nelle braccia del Santo Padre». Bacci achevait son récit par l'énuméra-
tion des nombreux témoins de la scène.
Don Bosco suivait rigoureusement ce schéma quand, à Borgo San Marti-
no, vers la fin décembre 1875, il racontait l'histoire du jeune ressuscité, telle
que don Tamietti, seul de tous les témoins rassemblés à avoir parlé après son
audition, nous l'a restituée. Même âge du garçon, maladie mortelle de part et
d'autre, même absence du confesseur ordinaire qui est une personnalité
connue, participation analogue d'un prêtre du lieu, mort semblable du jeune,
préparation analogue de son cadavre, arrivée du confesseur dans les mêmes
circonstances, dialogue semblable avec les familiers; puis courte et ardente
prière du prêtre au chevet du défunt, appel du jeune par son nom, son réveil,
l'aveu d'une faute cachée en confession, brève conversation entre le prêtre et
le pénitent, observation sur l'état du corps de celuici, enfin sa mort défini-
tive..., tous éléments qui reviennent dans les deux cas. Les deux récits insis-
tent aussi sur la présence de nombreux témoins. A l'inverse de Bacci, don
Bosco ne dénommait ni l'enfant, ni le prêtre-confesseur. L'unique vraie diffé-
rence résidait dans le lieu: Rome pour Bacci, Turin pour don Bosco. Et en-
core, don Bosco avait-il réellement parlé de Turin dans son allocution de
Borgo? Les mentions de cette ville pourraient bien avoir été ajoutées par Bar-
beris à la retransmission de Tamietti, qui les ignorait peutêtre. En tout cas, la
mention la plus gênante par ses éloges du prêtre, si don Bosco passait bientôt
à la première personne, qui plaçait le confesseur dans le clergé de Turin, ré-
sulta d'une addition inter-linéaire (in Torino) dans la Cronichetta. Il est pour
ainsi dire certain que don Bosco n'a pas qualifié le «confessore ordinario» de:
«sacerdote zelante che lavorava molto in Torino nel ministero ecclesiastico».
Les péricopes supplémentaires et suspectes de la version longue de don Le-
moyne: les démons cherchant à entraîner le jeune en enfer, la Vierge les pré-
venant: «Il n'est pas encore jugé!», ne figurent ni dans Bacci ni dans Barberis.
Mieux, comme Bacci et contre don Lemoyne, la version Tamietti-Barberis
n'atténuait pas le miracle de la résurrection. Ce mot ne faisait pas peur à Bac-
ci, qui l'étalait même sur la légende de la planche 28 de son livre. «Prima di
risuscitare», écrivit Barberis en plein accord avec Bacci; «prima di risvegliar-
si», préféra prudemment don Lemoyne. Quitte à la situer (peut-être) dans sa
ville de Turin, don Bosco reprenait, pour inciter les jeunes de Borgo à se bien
confesser, un trait de la vie de saint Philippe Néri, l'un des saints qu'il
connaissait et admirait le plus.96
Don Bosco a raconté cette histoire dès les années quarante, d'après le
témoignage au vrai tardif d'un frère des Ecoles chrétiennes, alors institu-
96 Voir, ci-dessous, Annexe III, les deux récits en parallèle.

5.4 Page 44

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50
Francis Desramaut
teur à Turin, qu'Antonio Sala rencontra par hasard en 1889.97 A cette époque
déjà, il ne la localisait vraisemblablement plus à Rome et dans la vie de saint
Philippe Néri, encore que, dans la version d'Espiney, les mentions de
«Rome», où le miracle avait lieu, et de «Florence», d'où le confesseur accou-
rait, renvoient nettement au Florentin Filippo Neri, qui assista à Rome Paolo
de' Massimi. Le P. Cartier ne voyait là qu'une erreur du biographe d'Espiney.
Nous pouvons, quant à nous, y déceler un indice supplémentaire que don
Bosco prenait son récit dans la vie de saint Philippe Néri. Au cours des an-
nées suivantes, il lui arriva peut-être de se mettre lui-même en scène pour"
rendre 1' esempio plus impressionnant; la suite de l'affaire aurait par là son
explication la plus naturelle. Pure hypothèse d'ailleurs! En tout cas, sa réputa-
tion de thaumaturge aidant, l'opinion lui attribua rapidement le rôle du prêtre-
confesseur dans l'histoire du ressuscité.
C'était chose faite en 1858, quand, à Rome, l'anecdote fut racontée sous
cette forme en sa présence et en celle du clerc Rua. De même en 1860, à Tu-
rin, puisque Ruffino la classait alors dans sa chronique parmi les «fatti che si
raccontano». A Rome, don Bosco «rougit» fortement à cette sorte de récit, au
témoignage de don Rua, que Bonetti reprit dans une note de ses Annali. Il
craignait probablement quelque dénonciation de supercherie. Si la scène dé-
crite par don Bologna a un fond de vérité — ce qui est très douteux — son
émotion de 1864 ou 1865, quand il se serait attribué le rôle du prêtre dans
l'histoire, aurait par là un début d'explication. Toutefois, don Bosco raconta
l'anecdote infiniment moins souvent que don Lemoyne ne l'a prétendu. «Cin-
quante et cent fois» est d'une exagération manifeste. Giulio Barberis, auditeur
des plus attentifs de don Bosco, entré à l'Oratoire en 1861, écrivit dans sa
Cronichetta du 5 janvier 1876 à la suite de l'épisode de Borgo San Martino:
«Io questo fatto con queste particolarità non lo sapeva; ma son già undici o
dodici anni che sentii raccontare vagamente, che D. Bosco aveva risuscitato
un giovane, il quale si poté confessare e poi morì di nuovo. Allora domandai
a qualcuno se sapeva qualche cosa, e non potei venir in sodo di nulla; pure chi
me l'aveva detto asseriva averlo sentito da D. Ruffino (buon'anima), e questo
riconfermerebbe maravigliosamente».98 Autrement dit, Barberis ne se rappe-
lait pas avoir entendu don Bosco raconter lui-même cette histoire de résurrec-
tion provisoire entre 1861 et 1876. Il n'en savait pas plus que Ruffino dans
son grêle schéma de 1860.
Si notre interprétation est exacte, les réactions de don Bosco devant les
«Romains» en 1858, puis en réponse à don Rua qui l'interrogeait sur l'iden-
97 Voir MB III, 499/13-19.
98 G. BARBERIS, Cronichetta autografa, cahier 3, p. 62; voir P. STELLA, op. cit., p. 293.

5.5 Page 45

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Autour de six logia attribués à don Bosco dans les Memorie Biografiche 51
tité du prêtre-confesseur, et encore à l'adresse de Tamietti selon la Cronichet-
ta du 5 janvier 1876, et enfin à celle de Charles d'Espiney, qui s'était permis
de publier l'anecdote dans le Dom Bosco français de 1881-1882, toutes ces
réactions se comprennent aisément. D'une part, il ne niait pas la matérialité de
la résurrection momentanée d'un jeune mort avec un péché non avoué en
confession, parce qu'il se rappelait fort bien l'avoir lue ou au moins entendue
raconter; mais, de l'autre, il refusait, malgré la pression du milieu, de figurer
dans cette histoire au titre de prêtre-confesseur, parce que c'était faux. Sa va-
nité ou son humilité n'étaient pas en cause. Que d'anecdotes diurnes et, plus
encore, nocturnes (en rêve) n'a-t-il pas contées, dans lesquelles il tenait un
rôle extraordinaire! Il publia dans l'édition de 1884 de sa biographie de Luigi
Comollo un épisode de sa vie que l'on peut trouver plus merveilleux encore
que celui de Carlo: une sorte de retour au dortoir du séminaire de son ami dé-
funt pour l'assurer de son salut éternel: «Bosco, Bosco, sono salvo!» Sans le
poids victorieux de la tradition communautaire, le prêtre du jeune ressuscité
n'eût pas été identifié avec don Bosco. Mais la pression l'emporta et fut déci-
sive. Il se récria! Sans assez de netteté, estimera-t-on, puisqu'il demeura fina-
lement prisonnier du personnage façonné par le public. Il a tu les raisons de
son refus, comme on le voit par les réponses à don Rua et par l'incident d'Es-
piney tel qu'il a été relaté par le P. Cartier. L'anecdote fut répandue sous la
forme adoptée par l'entourage, qui ne manqua pas d'entasser autour d'elle illu-
sions et confusions. La relation circonstanciée de la marquise Maria Fassati,
née de Maistre, qui assurait tenir le fait de don Bosco en personne, ne mérite
pas beaucoup plus de créance que les historiettes de Bonetti, Ruffino, Enría,
Bisio et surtout de notre don Lemoyne, qui, eux aussi, firent intervenir direc-
tement don Bosco." Don Bosco se serait-il confié à la marquise autrement
qu'à don Rua, à qui il refusa de se donner pour le prêtre de l'anecdote?
Le logion qui nous a servi ici de point de départ: «Io entrai nella came-
ra...», etc., doit tout d'abord être replacé dans son véritable contexte. Don
Bosco l'a peut-être hasardé — pas plus — à Borgo San Martino, toutefois non
pas en 1882 et sans mesurer la portée de son aveu, comme le disent les Me-
morie biografiche, mais dans les jours qui précédèrent le 5 janvier 1876 et
pour se déjuger immédiatement devant un témoin dont les propos ont été
conservés. Ce dérapage dans l'histoire du jeune ressuscité fut aussitôt forcé
par les commentateurs, puisque le récit primitif ne contenait après tout
99 La note circonstanciée de la marquise Fassati a été reproduite par P. STELLA, op. cit., p.
289-290.

5.6 Page 46

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52
Francis Desramaut
qu'un seul je. Contrairement aux allégations de don Lemoyne, don Bosco cor-
rigea: «Je n'ai pas voulu m'exprimer ainsi; si je l'ai fait, ce fut par mégarde!»
Il rectifia donc lui-même sur-le-champ l'interprétation naïve de ses auditeurs.
Mais les siens ne le crurent pas. En 1876 la conviction de son rôle dans la ré-
surrection du jeune était déjà enracinée depuis au moins une vingtaine d'an-
nées dans la communauté salésienne. Nous avons aujourd'hui, quant à nous,
mille motifs de lui donner raison, de l'approuver et de rendre ce qui lui revient
à l'hagiographie catholique, probablement au P. Bacci dans sa vie de saint
Philippe Néri. Non, le prêtre de l'histoire du jeune ressuscité ne s'appelait pas
don Bosco. Lui-même l'affirmait avec persévérance. Pourquoi et de quel droit
le contredire?
***
On s'en doute, d'autres logia plus ou moins fameux attribués à don Bosco
par les Memorie biografiche de don Lemoyne résisteraient mal à des épreuves
similaires. Elles nous apprendraient par exemple que la phrase sur «le sys-
tème préventif» en éducation devant Rattazzi et celle sur «don Bosco prêtre»
devant Ricasoli ne furent pas prononcées telles que les Memorie les ont rap-
portées.
Ses amis s'en inquiéteront peut-être. Pourtant les considérations «criti-
ques» qui précèdent ne ternissent pas l'auréole authentique de don Bosco. Ses
vertus paraissent même avoir été plus éclatantes qu'on imaginait. Ce saint ga-
gne encore en humanité. Il plane moins, en raison d'une vocation «surnatu-
relle», entre le ciel et la terre. Le pédantisme lui répugne, surtout face à ses
enfants. Il plaisante volontiers sur lui-même. S'il raconte à sa manière une his-
toire de résurrection dans une perspective au reste didactique, il se défend —
mal, mais reéellement — d'y figurer en confesseur-thautaturge. La pression de
la tradition communautaire, régulièrement victorieuse, ne l'a pas toujours ser-
vi. En morale politique, il est plus avisé qu'on pouvait le craindre. Il garde sa
liberté à l'intérieur d'une idéologie catholique contraignante. Sa doctrine de
l'obéissance civile le rend plus proche de Léon XIII que des farouches intran-
sigeants de son époque, qu'ils aient été italiens à la Margotti ou français à la
Louis Veuillot.
En revanche, les défauts de méthode de son biographe don Lemoyne res-
sortent crûment à la mesure du raffinement de sa mise en oeuvre. Ses cons-
tructions les plus soignées furent les plus contestables. Parce qu'il ne critiquait
et n'évaluait jamais ses sources, ce compilateur ne les «comprenait» pas. Pour
les suivre, il lui est arrivé de faire tenir par son saint des propos auxquels il
n'avait jamais pensé et qu'il eût certainement désavoués. Une sorte de maxi-
malisme délibéré viciait son récit. D'une part, il lui fallait

5.7 Page 47

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Autour de six logia attribués à don Bosco dans les Memorie Biografiche
53
absolument tout dire. Mais ce tout n'était que la «substance» documentaire
des témoignages recueillis. Le «substantialisme» fut un trait de son esprit,
qu'il est permis de qualifier de «préscientifique», si l'on accepte le vocabulaire
de Gaston Bachelard. D'autre part, il croyait devoir attribuer à son héros le
maximum de «surnaturel», compris par lui dans le sens de miraculeux et de
merveilleux. Ce surnaturel, pensait-il, rendrait sa sainteté plus éclatante.
D'onctueuses citations de la Bible ajouteraient encore à son crédit. L'admira-
tion filiale qu'il éprouvait pour don Bosco aggravait donc le défaut et même
l'absence de rigueur critique de notre biographe. La documentation réunie par
don Lemoyne dans ses Memorie biografiche était sans prix; le traitement au-
quel il l'a soumise a été trop souvent des plus discutables.100
100 Cet article illustre diverses remarques d'une communication présentée en janvier 1989
au congrès international d'études sur don Bosco sous le titre: «Comment ont travaillé les au-
teurs des Memorie biografiche». Voir sa traduction italienne dans Don Bosco nella storia. Atti
del Io Congresso Internazionale di Studi su Don Bosco, Rome, LAS, 1990, p. 37-65.

5.8 Page 48

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54 Francis Desramaut
ANNEXES
I
Le songe des quatorze tables
RUFFINO, Cronache, Io,
1860, p. 22-23
D. Bosco riferì il se-
guente sogno che esso fe-
ce. Si trovavano tutti i
miei giovani in un ameno
luogo seduti a tavola, che
incominciavano da terra
ed andavano salendo fin-
ché quasi più non si vede-
va. I giovani che trova-
vansi al fondo della tavola
erano melanconici, man-
giavano di mala voglia ed
avevano un pane a forma
di munizione dei soldati,
ma tutto rancido che face-
va schifo. Io voleva lor
dire che gettassero via
quel pane; ma mi conten-
tai di domandargliene il
perché. Così mi risposero
che dobbiamo mangiar il
pane che ci siamo prepara-
ti e non ne abbiamo altro.
Di mano in mano che la
tavola montava erano più
allegri e mangiavano un
pane più bello fino agli
ultimi sulla cima che ave-
vano un pane che io non
so definire: pareva giallo
pareva rosso ed il colore
del pane che avevano, an-
che li vestimenti e la fac-
cia che era tutto risplen-
dente; godevano di una
allegria straordinaria
Documenti VII, 165-
166
D. Bosco alla sera rac-
contò il seguente sogno:
— Si trovavano tutti i
miei giovani in luogo a-
meno, seduti a mense che
partendo da terra andava-
no salendo finché quasi
più non se ne vedeva l'e-
stremità. Le tavole erano
quattordici, messe direi
quasi ad anfiteatro e come
divise in tre ordini. I gio-
vani che trovavansi al
fondo della tavola posta a
terra e nuda, erano mesti,
mangiavano di mala vo-
glia ed avevano innanzi
un pane a forma di quello
delle munizioni dei solda-
ti; però tutto rancido e
muffito che faceva schifo.
Il pane era in mezzo a su-
diciume e ghiande. Quei
poveretti stavano come
porci al truogolo. Io vole-
va dir loro che gettassero
via quel pane: tuttavia mi
son contentato di chiedere
perché avessero innanzi
un cibo così nauseante.
Mi risposero: — Dobbia-
mo mangiare il pane che
ci siamo preparati e non
ne abbiamo altro. — Era
lo stato di peccato morta-
MB VI, 708/18 à
710/1
D. Bosco chiudeva la fe-
sta raccontando alla sera il
seguente sogno: Si trova-
vano tutti i miei giovani in
luogo ameno come il più
vago dei giardini, seduti a
mense che da terra forman-
do gradinata, si innalzava-
no tanto che quasi più non
se ne vedeva la sommità.
Le lunghe tavole erano
quattordici disposte a vasto
anfiteatro e come divise in
tre ordini ciascuno sostenu-
to quasi da un muro che
formava ripiano. Al basso
intorno ad una tavola posta
sul nudo suolo spoglia d'o-
gni ornamento e vasellame
si vedeva un certo numero
di giovani. Erano mesti,
mangiavano di mala voglia
ed avevano un pane a forma
di quello delle munizioni
dei soldati; però tutto ran-
cido e muffito che faceva
schifo. Il pane sulla tavola
era in mezzo a sudiciume e
ghiande. Quei poveretti e-
rano come gli animali im-
mondi al trogolo. Io voleva
dir loro che girassero via
quel pane; tuttavia mi son
contentato di

5.9 Page 49

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Autour de six logia attribués à don Bosco dans les Memorie Biografiche 55
e ciascuno cerca di parte-
ciparla al altro. Ma il più
bello si è che quei giovani
li conobbi dal primo al-
l'ultimo dimodoché io ve-
dendo un giovane adesso
parmi di vederlo ancora là
al suo luogo nella tavola.
Mentre era meravigliato
di veder quello spettacolo
che non poteva capire vidi
un uomo un po' lontano,
corsi per interrogarlo, in-
tanto inciampai in qualche
cosa ed io mi svegliai tro-
vandomi nel letto. Voi mi
avete domandato un so-
gno ed io ve lo ho raccon-
tato, epperò non fatene
altro caso da quel che si
merita simile materia.
6. D. Bosco disse a cia-
scuno qual luogo aveva
nella tavola misteriosa. Le
tavole erano 14, nel dir
l'ordine che ciascuno ave-
va incominciava dalle più
alte venendo al basso...
le. Ma di mano in mano
che le mense salivano, i
giovani si mostravano più
allegri e mangiavano pane
più prezioso. Erano bellis-
simi, splendenti e di beltà
e splendore sempre cre-
scente. Le loro tavole ric-
chissime erano coperte
con tovaglie di raro lavo-
ro, sulle quali brillavano
vivande, candelabri, fiori
indescrivibili. Il numero
di questi giovani compa-
riva grandissimo. Era lo
stato dei peccatori conver-
titi. Finalmente le ultime
mense alla sommità ave-
vano un pane che non so
definire. Pareva giallo,
pareva rosso, e lo stesso
colore del pane era quello
delle vesti e della faccia
dei giovani, che splendeva
tutta di luce vivissima.
Costoro godevano di una
allegria straordinaria e
ciascuno cercava di parte-
ciparla agli altri compa-
gni. Nella loro beltà, luce
e splendore di mense, su-
peravano di gran lunga
tutti quelli che occupava-
no i gradi sottoposti. Era
lo stato di innocenza. Ma
il più bello si è che quei
giovani li riconobbi tutti
dal primo all'ultimo, di-
modoché vedendo ora un
giovane parmi vederlo
ancora là assiso nel suo
luogo a quella tavola.
Mentre io era meraviglia-
to di vedere quello spetta-
colo che non poteva capi-
re, vidi un uomo alquanto
lontano. Corsi per interro-
garlo, ma intanto in-
chiedere, perché avessero
innanzi un cibo così nau-
seante. Mi risposero: —
Dobbiamo mangiare il pa-
ne che ci siamo preparati e
non ne abbiamo altro. —
Era lo stato di peccato
mortale. Dicono i proverbi
al Capo I: «Ebbero in odio
la disciplina e non abbrac-
ciarono il timor del Signo-
re, e non porsero le orec-
chie a' miei consigli e si
fecero beffe di tutte le mie
correzioni. Mangeranno
pertanto i frutti delle opere
loro e si satolleranno de'
loro consigli». Ma di ma-
no in mano che le mense
salivano, i giovani si mo-
stravano più allegri e
mangiavano pane più pre-
zioso. Erano bellissimi,
splendenti e di beltà e
splendore sempre crescen-
te. Le loro tavole ricchis-
sime erano coperte con
tovaglie di raro lavoro,
sulle quali brillavano can-
delabri, anfore, tazze, vasi
di fiori indescrivibili, piat-
ti con preziose vivande;
tesori di valore inestima-
bile. Il numero di questi
giovani compariva gran-
dissimo. Era lo stato dei
peccatori convertiti. Fi-
nalmente le ultime mense
alla sommità avevano un
pane che non so difinire.
Pareva giallo, pareva ros-
so, e lo stesso colore del
pane era quello delle vesti
e della faccia dei giovani,
che splendeva tutta di luce
vivissima. Costoro gode-
vano di una allegria

5.10 Page 50

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56
Francis Desramaut
ciampai in qualche cosa e
mi svegliai trovandomi
nel letto. Voi mi avete
domandato un sogno ed io
ve l'ho raccontato. Però
non fatene altro caso di
quello che può meritarsi
simile materia.
6 agosto. — D. Bosco
disse in privato a
ciascheduno qual luogo
occupasse a quella mensa
misteriosa. Per dire
l'ordine che ciascuno
aveva, incominciava dalla
tavola più alta venendo al
basso...
straordinaria e ciascuno
cercava di parteciparla
agli altri compagni. Nella
loro beltà, luce e
splendore di mense,
superavano di gran lunga
tutti
quelli
che
occupavano i gradi
sottoposti. Era lo stato di
innocenza.
Degli
innocenti e de' convertiti
afferma lo Spirito Santo
ne' proverbi al Capo I:
«Chi ascolta me, avrà
riposo senza paura, e sarà
nell'abbondanza, scevro
dal timore dei mali». Ma
il più sorprendente si è
che quei giovani li
riconobbi tutti dal primo
all'ultimo, dimodoché
vedendone ora uno, parmi
vederlo ancora là assiso
nel suo luogo a quella
tavola. Mentre io era
meravigliato a quello
spettacolo che non poteva
capire, vidi un uomo
alquanto lontano. Corsi
per interrogarlo, ma
intanto inciampai in
qualche cosa e mi svegliai
trovandomi nel letto. Voi
mi avete domandato un
sogno ed io ve l'ho
raccontato. Però non
fatene altro caso di quello
che può meritarsi simile
materia.
Il giorno seguente D.
Bosco disse in privato ad
ogni alunno qual posto
occupasse a quelle mense.
Per manifestare l'ordine
che ciascuno teneva
incominciava dalla tavola
più alta, venendo alla più
bassa...

6 Pages 51-60

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6.1 Page 51

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Autour de six logia attribués à don Bosco dans les Memorie Biografiche 57
II
Carlo le ressuscité (MB III, 495/22 à 498/13)
"Un giovanetto (Bonetti, Anecdotes, fol. 6 r.) sui quindici anni (Barberis, Croni-
chetta 3, p. 60) chiamato Carlo (Rua, fol. 2707 r.), che era solito a frequentare l'Ora-
torio di S. Francesco di Sales (Bonetti, Anecdotes, fol. 6 r.) cadde (Bonetti, Anecdo-
tes, fol. 6 r.) nel 1849 (inference chronologique, probablement d'après Documenti
XLIII, 11. Documenti III, 169 écrivait: «1847») gravemente ammalato (Bonetti, Ane-
cdotes, fol. 6 r.) e in poco tempo trovossi agli estremi di sua vita (Bonetti, Anecdotes,
fol. 6 r.). Abitava in una trattoria (réduction d'une information sur la «trattoria del
Gelso Bianco», d'origine non repérée, insérée en Documenti III, 169) ed era figlio
dell'albergatore (Bonetti, Anecdotes, fol. 6 r.; «confirmé» par Documenti XLIII, 11).
Vistolo in pericolo, il medico consigliò i genitori ad invitarlo a confessarsi, e questi
dolentissimi chiesero al figlio quale sacerdote volesse che gli fosse chiamato. Egli mo-
strò gran desiderio che si andasse a chiamare il suo confessore ordinario (Barberis,
Cronichetta 3, p. 60), che era D. Bosco (d'après Bonetti, Anecdotes, fol. 6r.: «a chia-
mar D. Bosco»). Si mandò subito per lui, ma con grande rincrescimento si ebbe per
risposta che era fuori di Torino. Il giovane manifestava un grande accoramento, e si
chiese del vice parroco (Barberis, Cronichetta 3, p. 60) che tosto venne (amplifica-
tion, dès Documenti III, 169). Un giorno e mezzo dopo egli moriva (Barberis, Croni-
chetta 3, p. 60) domandando spesso di parlare con D. Bosco (note marginale d'origine
imprécise, en Documenti III, 169).
Appena D. Bosco (adaptation de Barberis, Cronichetta 3, p. 60: «Il confessore
suo ordinario») fu di ritorno, tosto gli fu detto che erano stati più volte a cercarlo per
quel giovane (Barberis, Cronichetta 3, p. 60) Carlo da lui ben conosciuto (glose e-
xplicative, d'après d'Espiney, p. 177), che trovavasi in pericolo di morte (Bonetti, A-
necdotes, fol. 6 r.) e aveva chiesto di lui (Barberis, Cronichetta 3, p. 60) con vive i-
stanze (amplification dès les Documenti III, 169). Egli affrettossi a far quella visita
(Bonetti, Anecdotes, fol. 6 r.; Barberis, Cronichetta 3, p. 60), caso mai, egli diceva,
fosse ancora in tempo (Barberis, Cronichetta 3, p. 60). Colà giunto, incontrò (Bonetti,
Anecdotes, fol. 6 r.) pel primo (coordonnant temporel) un cameriere a cui tosto do-
mandò notizie dell'infermo (Bonetti, Anecdotes, fol. 6 r.): — Troppo tardi è venuto
(Turchi, Memorie..., p. 4), gli rispose, è morto (Bonetti, Anecdotes, fol. 6 r.) da una
mezza giornata (Barberis, Cronichetta 3, p. 61)! Allora D. Bosco esclamò sorridendo:
— Ohibò! Esso donne, e voi credete che sia morto! (Bonetti, Anecdotes, fol. 6 r.).
Il servo lo guardò stupito e con aria ironica (adaptation de: «...rispose il servito-
re: — A le nen mort?», en Documenti XLIII, 11). Ma Don Bosco quasi scherzando,
replicò: — Volete giuocare una pinta che non è morto? (Documenti XLIII, 11).
In quel mentre gli altri di casa (Bonetti, Anecdotes, fol. 6 r.), che erano soprag-
giunti a queste sue parole (glose explicative), scoppiarono in dirotto pianto, asserendo
che purtroppo (Bonetti, Anecdotes, fol. 6 r.) Carlo (addition) non era più (Bonetti,
Anecdotes, fol. 6 r.). D. Bosco allora: — Debbo crederlo? (adaptation de: «quasi
scherzando rispose: Giocherei una pinta che non è morto», Bonetti, Anecdotes, fol. 6
r., qui avait été d'abord repris en Documenti III, 169, mais qui constituait désor-

6.2 Page 52

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58
Francis Desramaut
mais un doublet trop voyant de la phrase au cameriere, supra) Permettete che io vada
a vederlo (Bonetti, Anecdotes, fol. 6 r.). — E fu subito condotto nella camera mortua-
ria dove erano la madre e la zia che pregavano vicino all'estinto. Il cadavere, rivestito
per la sepoltura (Barberis, Cronichetta 3, p. 61), era avvolto e cucito, come allora so-
levasi, dentro ad un logoro lenzuolo (Bonetti, Anecdotes, fol. 6 v.), e coperto di un
velo (Barberis, Cronichetta 3, p. 61); vicino al letto una lucerna accesa (Bonetti, Ane-
cdotes, fol. 6 v.).
D. Bosco (adaptation de: «quel prete» de Barberis, Cronichetta 3, p. 61) gli si
avvicinò e pensava: «Chi sa se avrà fatto bene la sua confessione! chi sa qual destino
avrà incontrata l'anima sua!» (Barberis, Cronichetta 3, p. 61). E rivoltosi a chi lo ave-
va introdotto, gli disse: — Ritiratevi; lasciatemi solo! (d'après d'Espiney, p. 177) —
Fatta quindi una breve (Cronichetta 3, p. 61; Ruffino, Cronache I, p. 34), ma fervoro-
sa (amplification édifiante) preghiera (Barberis, Cronichetta 3, p. 61; Ruffino, Crona-
che I, p. 34), benedisse (Documenti XLIII, 11), e chiamò due volte (G. Bisio, Procès,
fol. 2456 v.) il giovane in tono imperativo: Carlo, Carlo, alzati! (d'Espiney, p. 177-
178) — A quella voce il morto cominciò a muoversi. Don Bosco nascose subito il
lume e con forte strappo d'ambo le mani scucì il lenzuolo, perché il giovane restasse
libero (Bonetti, Anecdotes, fol. 6 v.), e gli scoperse il volto (Bisio, Procès, fol. 2456
v.). Quegli, quasi si svegliasse da profondo sonno, apre gli occhi (Bonetti, Anecdotes,
fol. 6 v.) li volge attorno, si alza alquanto e dice: — Oh! Come mai mi trovo così? —
Quindi (Barberis, Cronichetta 3, p. 61) si volta (Documenti XLIII, 11), fissa lo sguar-
do su (Barberis, Cronichetta 3, p. 61) D. Bosco, e appena lo riconobbe, esclamò: —
Oh! D. Bosco! Oh! se sapesse (Bonetti, Anecdotes, fol. 6 v.)! L'ho sospirato tanto!
(Bisio, Procès, fol. 2456 v.) Io cercava appunto di Lei... (Barberis, Cronichetta 3, p.
61). Ho molto bisogno di Lei (Bonetti, Anecdotes, fol. 6 v.). È Dio che l'ha mandato
(Turchi, Memorie..., p. 5)... Ha fatto tanto bene venire a svegliarmi! (Bisio, Procès,
fol. 2456 v.).
E D. Bosco gli rispondeva: — Di' pure tutto quello che vuoi, sono qui per te
(Bonetti, Anecdotes, fol. 6 v.).
E il giovanetto proseguì: — Oh! D. Bosco; io doveva essere in luogo di perdi-
zione. L'ultima volta che mi son confessato, non osai palesare un peccato (Barberis,
Cronichetta 3, p. 61) commesso da qualche settimana (Bonetti, Anecdotes, fol. 6 v.)...
È stato un compagno cattivo (Documenti XLIII, 11) co' suoi discorsi (glose interpré-
tative?)... Ho fatto un sogno che mi ha grandemente spaventato. Sognai (Bonetti, A-
necdotes, fol. 6 v.) di essere sull'orlo di un'immensa fornace e (Bisio, Procès, fol.
2456 v.) di fuggire da molti demoni che (Bonetti, Anecdotes, fol. 6 v.) mi perseguita-
vano (Rua, Procès, fol. 2707 r.) e volevano prendermi (Bonetti, Anecdotes, fol. 6 v.);
e già stavano per avventarmisi addosso e precipitarmi in quel fuoco, quando (Bonetti,
Anecdotes, fol. 6 v.) una signora si frappone (Bisio, Procès, fol. 2456 v.) tra me e
quelle brutte bestie (glose interprétative?) dicendo: Aspettate; non è ancora giudicato!
(Bisio, Procès, fol. 2456 v.). Dopo alcun tempo d'angoscia (d'après Bisio, Procès, fol.
2457 r.) udii la sua voce che mi chiamava (Bonetti, Anecdotes, fol. 6 v.) e mi sono
svegliato (Bisio, Procès, fol. 2457 r.); e ora desidero di confessarmi (Bonetti, Anecdo-
tes, fol. 6 v.).
La madre intanto, spaventata da quello spettacolo e fuori di sé (Barberis, Croni-
chetta 3, p. 61), ad un cenno di D. Bosco (glose interprétative?), era uscita colla zia
dalla stanza e andava a chiamar la famiglia (d'après Barberis, Cronichetta 3, p. 61). Il
povero figliuolo (d'après Barberis, Cronichetta 3, p. 61), incoraggiato a non aver

6.3 Page 53

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Autour de six logia attribués à don Bosco dans les Memorie Biografiche 59
più paura di quei mostri (d'après Bisio, Procès, fol. 2457 r.), incominciò subito la sua
confessione con segni di vero pentimento, e mentre D. Bosco lo assolveva (Bonetti,
Anecdotes, fol. 6 v.) rientrava la madre colla gente di casa, che poté così essere
testimone del fatto (Barberis, Cronichetta 3, p. 61). Il figlio, rivoltosi allora alla
madre le disse (Barberis, Cronichetta, p. 61): — D. Bosco (modification
interprétative de «questo prete» en Barberis) mi salva dell'inferno (Barberis,
Cronichetta 3, p. 61).
Così stette circa due ore, pienamente padrone della sua mente (Barberis,
Cronichetta 3, p. 61). In tutto questo tempo, per quanto egli si muovesse, guardasse,
parlasse, il suo corpo rimase sempre freddo come prima di risvegliarsi (Barberis,
Cronichetta 3, p. 61; mais déplacé et modifié, car Barberis écrivait nettement: «prima
di risuscitare»). Tra le altre cose ripetè (Barberis, Cronichetta 3, p. 61) a D. Bosco
(modification interprétative; «al confessore», écrivait Barberis) di raccomandare tanto
e sempre ai giovani la sincerità in confessione (Barberis, Cronichetta 3, p. 61).
D. Bosco in fine gli disse: — Ora sei in grazia di Dio: il cielo è aperto per te.
Vuoi andare lassù o rimanere qui con noi? — Desidero andare al cielo, rispose il
giovane (d'Espiney, p. 178). — Dunque a rivederci in paradiso! (Enria, Cahier:
«Enria Pietro...», p. 74). — E il fanciullo lasciò cadere il capo sull'origliere (d'après
Bonetti, Anecdotes, fol. 6 v. et Barberis, Cronichetta 3, p. 61, légèrement amplifiés),
chiuse gli occhi (Bisio, Procès, fol. 2457 r.), rimase immobile (d'après Bonetti et
Barberis, ibid.) e si riaddormentò nel Signore (Rua, Procès, fol. 2707 v.)".
III
Les deux histoires du jeune ressuscité
Bacci, Vita di S. Filippo,
lib. III, cap. XII
...arrivato il fanciullo all'età di
quattordici anni in circa, nell'anno Mille
cinquecento ottantatre alli sedici di
Marzo si ammalò di febre continua (...)
Ma giunto il giovinetto per
quell'infermità all'ultimo della sua vita,
perche il Santo Padre havea detto, che
quando stava su lo spirare, se gli facesse
sapere, gli mandarono a dire, che se lo
volea veder vivo, v'andasse quanto prima
perche stava à malissimo termine.
Arrivato adunque chi portava
l'ambasciata a S. Girolamo trovò, che '1
Santo stava dicendo Messa: onde non
poté altrimenti parlargli; & in quel
mentre il giovine spirò, e suo Padre gli
chiuse gli occhi. E di già il Curato della
Parocchia, che gli havea dato l'Oglio
Santo, e raccomandata l'anima, si era
partito: que' di casa haveano pre-
Barberis, Cronichetta, 5 janvier 1876,
cahier 3, p. 60-62
Oggi da D. Tamietti, sentii a raccontar
quella di D. Bosco. La è magnifica. In
questi giorni scorsi in cui il Sig. D.
Bosco stette al Borgo, parlando in
pubblico ai giovani invitandoli ad esser
sinceri in confessione raccontò questo
fatto. — «Non son poi tanti anni che in
Torino avvenne questo fatto. Ammalò
gravemente un giovane sui 15 anni.
Visto il pericolo, il medico consigliò i
genitori ad invitarlo a confessarsi. Gli
domandarono i genitori qual sacerdote
volesse che si chiamasse. Egli dimostrò
gran desiderio che si andasse a chiamare
il suo confessore ordinario, sacerdote
zelante che lavorava molto in Torino nel
ministero ecclesiastico. Si mandò subito
per lui; ma con rincrescimento gli si
rispose che era fuori di Torino. Il
giovane

6.4 Page 54

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60
Francis Desramaut
parato l'acqua per lavarlo, e li panni per
vestirlo. Quando, essendo passato me-
z'hora, arrivò il S. Padre à cui Fabritio si
fece incontro à capo la scala, e piangen-
do gli disse: Paolo è morto. Rispose Fi-
lippo: E perche non m'ha vere mandato à
chiamare più presto? Replicò Fabritio:
L'habbiamo fatto ma vostra Riverenza
dicea Messa: Entrò poi Filippo in came-
ra, dove stava il fanciullo morto; e si git-
tò sopra la sponda del letto, facendo un
mezo quarto d'hora oratione con la solita
palpitatione del cuore, e tremore del cor-
po: e poi prese dell'Acqua santa, e la
spruzzò nel viso del figliuolo, e glie ne
gittò alquanto in bocca; indi soffiandogli
nel volto, con mettergli la mano in fron-
te, lo chiamò con voce alta, e sonora due
volte: Paolo? Paolo? Alla cui voce il
Giovinetto subito, come da un sonno ri-
svegliato, aperse gli occhi, e rispose, Pa-
dre: e poi soggiunse: Io mi era scordato
d'un peccato, e però vorrei confessarmi.
AU'hora il Santo Padre fece scansare al-
quanto quelli, ch'erano intorno al letto: e
dandogli un Crocifisso in mano lo ricon-
ciliò. Poscia ritornati tutti in camera, si
mise à ragionar seco della Sorella, e della
Madre, le quali ambidue erano morte,
durando il ragionamento per lo spazio di
mez'hora, rispondendo sempre il giovi-
netto con voce chiara, e franca, come se
fosse stato sano: anzi gli tornò il colore
in volto, che à tutti, che lo guardavano,
parea, che non havesse havuto mal nis-
suno. Ultimamente il Santo Padre gli
domandò se moriva volentieri: & egli ri-
spose di sì. Interrogandolo poi Filippo la
seconda volta se moriva volentieri rispo-
se parimente, che moriva volentierissi-
mo, massimamente per andar' à veder
sua madre, e sua sorella in Paradiso: on-
de il Santo Padre dandogli la benedittio-
ne gli disse. Va, che sii benedetto, e pre-
ga Dio per me. E subito con un volto
placido, e senza alcun movimento tornò
a morire nelle braccia del Santo Padre...
ne manifestò sentito rincrescimento e
mandò a chiamare il suo vice parroco.
Un giorno e mezzo dopo moriva. Il con-
fessor suo ordinario, arrivato a Torino
dopo due giorni ed informato che quel
giovane aveva mandato per lui, volle an-
dar a trovarlo, caso mai fosse ancora in
tempo. Trovò che era già morto da più
mezza giornata. Dimostrò desiderio di
vederlo e fu condotto nella camera mor-
tuaria dov'erano la madre e la zia (?, mot
raturé) che pregavano attorno all'estinto
il quale già cambiato per la sepoltura
stava coperto da un velo (fuori del suo
letto? già nella bara?). Avvicinatosi quel
prete ed osservatolo andava pensando tra
se chi sa se sia confessato bene! Chi sa
che cosa sarà di lui, e fatta breve orazio-
ne ingenuamente lo chiamò per nome. Si
sveglia come da un sonno il giovane, ri-
guarda attorno, si alza un poco e dice: oh
come mi trovo così? Poi vedendo quel
prete: oh! io cercava appunto di lei; ho
gran bisogno di Lei. La madre a questa
vista, trasecolata e spaventata, esce e va a
chiamar gente. Si radunano circa 20 per-
sone che poteron esser testimoni del fat-
to. Intanto il giovane mi chiamò e (mi
chiamò e = add. interlinéaire) disse: Oh
io doveva essere in luogo di perdizione,
in questa ultima confessione non ho osa-
to palesare un peccato, e si confessò da
quel prete. Rivoltosi alla madre disse:
questo prete mi salva dall'inferno. Stette
circa due ore in cui poté esser padrone di
sua mente. Tra le altre cose raccomandò
al confessore che raccomandasse sempre
tanto ai giovani la sincerità in confessio-
ne. Poi spirò nuovamente. Una cosa che
si osservò mirabile in questa risurezione
(sic) si è che in tutto quel tempo colui si
muovesse, guardasse, mirasse, il suo
corpo stette sempre freddo cadavere co-
me prima di risuscitare». Quindi il Sig.
D. Bosco continuò a raccomandare la
sincerità in confessione...