compagnie de ses frères et de ses sœurs, qui ont reçu le même appel. Son destin est de durer « jusqu’à Son retour », en
écrivant d’une plume toujours nouvelle la longue histoire des amis et des disciples de Jésus.
Cette nouveauté ne fut pas facile à comprendre. Le changement introduit par Jésus dans l’usage courant, en hommage
au plan originel de Dieu - « au commencement, il n’en était pas ainsi » - était trop radical. C’est pourquoi Jésus lui-
même affirme - respectivement à propos de la fidélité matrimoniale et du célibat pour le Royaume - que « ce n’est pas
tout le monde qui peut comprendre cette parole, mais ceux à qui Dieu l’a révélée » : « il y a des gens qui ont choisi de
ne pas se marier à cause du Royaume des cieux. Celui qui peut comprendre, qu’il comprenne » .
« Qu’est-ce alors que ce règne de Dieu qui habilite à renoncer au mariage ? C’est l’amour paternel, maternel et conjugal
de Dieu pour l’homme, dont parle toute l’Ecriture ; la douce seigneurie du Père, à travers le Christ, dans l’Esprit, à qui
on décide de répondre avec un amour filial et conjugal. La racine de la virginité chrétienne, c’est la perception de
l’irruption du Royaume » .
Si Jésus prêche le Royaume, les apôtres, eux, prêchent le Christ, qui en incarne la plénitude définitive. La virginité fait
mémoire de Lui. Il est le Royaume, qui, en esprit et en vérité, réoriente l’humanité vers le destin de grâce préparé par le
Père.
L’Apocalypse voit dans la virginité le signe de l’épouse, qui « descend du ciel, d’auprès de Dieu » et qui, de la terre,
monte vers Lui. Elle signifie donc la proximité du Christ Seigneur, la joie de l’accompagner dans des communautés en
liesse, qui s’expriment par un cantique nouveau plein de beauté et de mystère, tension soutenue de l’espérance d’une
rencontre définitive. Par la découverte enthousiasmante du Christ, « l’état religieux […] s’efforce d’imiter de plus près
et il représente continuellement dans l’Eglise cette forme de vie que le Fils de Dieu a prise en venant au monde pour
faire la volonté du Père et qu’il a proposée aux disciples qui le suivaient » .
Notre vœu est un signe qui indique le Christ : vivant, ressuscité, présent dans son Eglise, capable de susciter l’amour,
cet amour que chante l’Eglise depuis des siècles dans son histoire et dans la liturgie.
Par la chasteté, le religieux devient l’image et les prémices de l’Eglise, toute donnée, pour toujours et en exclusivité, à
son Seigneur. Son identification avec l’Eglise se fait et s’exprime surtout par le don total de soi. « Il n’y a aucune
virginité qui soit féconde et pleine de signification en elle-même […] ; elle n’acquiert son sens et sa fécondité que du
don total dans l’Eglise » .
La virginité chrétienne tient ou tombe avec le mystère de la croix, avec l’ouverture de la plaie du côté et la naissance de
l’Eglise qui en provient, comme « corps et épouse du Christ ». Cette expressivité de l’Eglise est la raison pour laquelle
en chaque vœu se retrouvent aussi les deux autres. « L’obéissance est la pauvreté de l’esprit par amour, et la virginité,
qui est une pauvreté du corps par amour, ne devient féconde que là où elle a comme présupposé le sacrifice spirituel » .
Sous ce profil aussi la chasteté nous rend semblables au Christ qui « est riche et est devenu pauvre à cause de nous » . À
l’exemple du Christ mort nu sur la croix nue, le religieux se trouvera, à la fin de son existence, comme un homme sans
famille et sans fortune, qui n’a rien bâti pour son propre compte et dont les yeux sont fixés sur Dieu qui, seul, peut
donner une signification à son existence.
La chasteté exprime ainsi une forme mûre de liberté, qui est l’option de se donner sans compter, de réaliser de façon
insolite une dimension personnelle, de se livrer totalement à sa mission sans rien rechercher ni garder pour soi. Tel est
le témoignage que bien des missionnaires d’hier et d’aujourd’hui - et beaucoup de confrères salésiens parmi eux - ont
donné et donnent à l’Eglise lorsque, aux avant-postes de la mission, ils ne cessent de donner tout, jusqu’à leur vie,
souvent exposée à des risques mortels, par fidélité au peuple qui leur est confié. On découvre ainsi la présence active du
mystère pascal dans le cœur de la Congrégation et de nos meilleurs frères. L’histoire de l’Eglise, en particulier dans les
pays de mission, et les chroniques dramatiques de ces dernières années confirment largement que nous ne nous payons
pas de mots, mais que nous essayons de lire « des faits d’Evangile ».
Cette totalité inconditionnelle de l’oblation est le cœur de la chasteté de Marie qui, en prononçant Ecce ancilla Domini,
« Voici la servante du Seigneur » , unit la chasteté la plus élevée et le don total de soi au projet de Dieu.
2. CHATETÉ ET CHARISME SALÉSIEN
Dans le sillage d’une tradition.
Il n’est pas nécessaire de rappeler l’attention que Don Bosco portait à la vertu de pureté : il y voyait un point essentiel
de la croissance chrétienne du jeune, une garantie du climat éducatif de la maison salésienne et un préalable pour que le
salésien et le jeune se donnent au Christ et à l’Eglise.
Ses contemporains sont unanimes à témoigner de la fascination que conférait à Don Bosco l’exercice de cette vertu,
pour devenir un des traits les plus limpides de sa sainteté. Il n’est donc pas étonnant que notre saint Fondateur rêva les
salésiens caractérisés par la chasteté et situa cette vertu au carrefour des exigences de l’éducation, de la marche
personnelle à la suite du Christ et des besoins prophétiques au service des jeunes et du peuple de Dieu.
Notre Père a certainement bénéficié d’un don extraordinaire pour aider les jeunes à vivre avec joie la chasteté. Dans une
note, le P. Giovanni Bonetti fait à propos de Don Bosco la remarque suivante : « Plusieurs fois je l’ai entendu parler en
chaire sur ce sujet. Mais chaque fois j’ai trouvé dans ses paroles une nouvelle force, chaque fois j’ai été plus résolu à
faire n’importe quel sacrifice par amour de cet inestimable trésor » .
En relisant la pratique de Don Bosco , on se convainc que la qualité globale du milieu éducatif, la paternité affectueuse
de Don Bosco lui-même, éducateur et confesseur, la proposition continuelle des moyens surnaturels (Eucharistie,
Pénitence, amour de Marie), l’esprit de mortification et la fuite des occasions, un style de vie plein de joie et proposé de