Un motif, non des moindres, de souligner cet aspect est l’importance que le ministère de la Parole a pour nous,
éducateurs et pasteurs. On n’en saisit jamais aussi bien la signification, en particulier par rapport à la vie du peuple de
Dieu, que dans le contexte de l’Eucharistie.
2.4. « Moi en vous et vous en moi » .
Célébration de l’offrande du Christ au Père pour l’humanité, l’Eucharistie réalise la forme la plus intense de sa présence
parmi nous. La présence eucharistique se nomme précisément « par antonomase » présence réelle.
L’Eucharistie proclame que la Pâque a réalisé le but de l’Incarnation du Fils de Dieu, c’est-à-dire l’intention de Dieu de
faire avec l’homme la communion la plus profonde, permanente et sentie.
La Croix et la Résurrection n’ont pas effacé la présence du Christ dans l’histoire, mais l’ont portée au plus profond des
événements humains, précisément à travers le signe sacramentel de l’Eucharistie. La contemplation du pain et du vin
eucharistiques, en effet, nous fait comprendre que Jésus est vraiment l’Emmanuel, Dieu avec nous, qui a fixé pour
toujours sa demeure parmi nous.
Ce sentiment vivant de la présence de Dieu, qui caractérise notre spiritualité et que Don Bosco s’appliquait tant à
inculquer à ses jeunes et à ses collaborateurs, trouve ici sa racine et son fondement.
Aujourd’hui comme hier, il n’est possible de contempler Dieu dans l’action que si l’on apprend à voir sa présence dans
le Corps et le Sang du Christ.
C’est là que, selon l’épisode d’Emmaüs, s’ouvrent les yeux et se reconnaît le Ressuscité, jusqu’alors dissimulé sous des
traits et des paroles ordinaires. C’est là que les disciples reconnaissent la continuité entre la Crucifié et le Vivant, et
qu’ils comprennent la signification insolite de la mort de Jésus. Ainsi, c’est à la fraction du pain que l’action apostolique
authentique prend son départ, porte les signes de la rencontre réelle avec le Seigneur et se fait annonce d’une
communion avec Lui qui se vit et s’expérimente personnellement.
C’est en termes suggestifs et éclairants que la constitution conciliaire Sacrosanctum Concilium et d’autres textes
postérieurs relient entre elles les différentes formes de présence de Jésus Ressuscité et placent au sommet celle où,
contre toute attente, Jésus s’identifie au pain et au vin de l’Eucharistie célébrée en mémoire de Lui par la communauté
des disciples.
Jésus est réellement présent dans sa Parole, où il se donne déjà comme lumière et comme nourriture. Il est présent aussi
dans tous les sacrements, qui sont des « forces qui sortent du Corps du Christ » , par l’action de l’Esprit : « Lorsque
quelqu’un baptise, c’est le Christ lui-même qui baptise » , quand quelqu’un absout, c’est le Christ qui absout.
Jésus est présent dans la prière, en particulier dans la liturgie des Heures : le même Jésus, orant suprême dans son
existence de Ressuscité, nous incorpore dans sa prière, pour nous faire concélébrer la louange du Père et l’intercession
pour le monde.
Le Christ est réellement présent dans la communauté et dans le ministre qui préside la célébration , et il relie de façon
visible la communauté à son fondement qu’il est Lui-même.
Après la célébration, il prolonge sa présence dans le sacrement au profit de ceux qui le désirent ou le cherchent
(malades, ceux qui le visitent) et n’ont pu participer à la célébration ; il continue à être réellement présent dans les
pauvres et les malades : « C’est à moi que vous l’avez fait » .
Cette compréhension de la présence multiforme, mais unique, du Ressuscité donne de l’unité à notre vie. Les
sacrements, la prière liturgique, la communauté, la mission, la fraternité vécue, le service rendu à autrui : tout s’unifie
par la conviction que le Seigneur Jésus est présent à tout moment, comme Il nous l’a assuré lui-même : « Je suis avec
vous tous les jours jusqu’à la fin du monde » .
L’Eucharistie est le sacrement de sa présence, tout comme il l’est de son sacrifice : sacrement dans lequel, avec plus
d’intensité et de proximité, il se met à la portée de notre regard, de notre supplication et de notre amitié.
Cette présence ne doit pas s’entendre comme la présence d’une réalité matérielle, comme si le Corps du Christ était
enfermé, immobile ou statique ; il est au contraire vivant, rayonnant, actif et agissant. Nous n’accueillons pas un
étranger ; nous ne le faisons pas prisonnier d’un produit de nos mains. Il est le Ressuscité, le Seigneur du cosmos et de
l’histoire, qui, après avoir comblé la mesure de l’amour, exerce sur le monde sa souveraineté salvifique, sans être limité
par l’espace ni par le temps, précisément tel qu’il s’est montré après la Résurrection.
C’est un aspect du mystère qu’il nous faut longuement méditer et contempler, dans un silence imprégné de prière et de
docilité aux lumières intérieures de l’Esprit.
Si nous résistons à nos tentations de nous emparer du divin, la présence eucharistique nous ouvrira des espaces plus
humbles et plus authentiques de contemplation du Don de Dieu. Contempler un Don, ce n’est jamais simplement voir
une « chose » ; ce n’est possible que lorsque se réalise une entente entre celui qui donne et celui qui reçoit : c’est à cette
entente spirituelle avec le Christ que nous appelle la silencieuse présence eucharistique.
C’est sur cette présence que se fonde le culte eucharistique, dans ses formes publiques et privées. Sa valeur, sans cesse
proposée par le magistère de l’Eglise et l’exemple d’un cortège immense de saints, est à redécouvrir aussi par nous.
L’adoration de l’Eucharistie nous apprendra à élargir notre cœur à la dimension de celui du Christ ; elle nous révélera la
joie d’une écoute prolongée, d’une louange joyeuse et d’une intercession confiante pour les besoins de nombreux
fidèles, et surtout de tous ces jeunes que nous rencontrons ou que, peut-être, nous ne rencontrerons jamais
personnellement.
Le Pape a écrit : « La proximité avec le Christ, dans le silence de la contemplation, n’éloigne pas de nos contemporains
mais, au contraire, elle nous rend attentifs et ouverts aux joies et aux détresses des hommes, et elle élargit le cœur aux