sabilité numérico-charismatique. » Je crois plutôt à un acte de
conversion permanente et à une réponse au Seigneur qui, « fatigué
de frapper » à nos portes, attend que nous allions le chercher et le
rencontrer... ou que nous le laissions sortir quand il frappe de l’inté-
rieur. Une conversion qui a impliqué (et compliqué) toute la vie de
Don Bosco et celle de son entourage. Don Bosco, non seulement ne
choisit pas de se séparer du monde pour rechercher la sainteté, mais
se laisse interpeller et choisit comment et dans quel monde vivre.
En choisissant et en accueillant le monde des enfants et des jeunes
abandonnés, sans travail ni formation, il leur a permis d’expéri-
menter de manière tangible la paternité de Dieu et leur a fourni des
outils pour raconter leur vie et leur histoire à la lumière d’un amour
inconditionné. Et eux, à leur tour, ont aidé l’Église à renouer avec sa
mission : « La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs est devenue la
pierre d’angle. » (Ps 117/118,22) Loin d’être des agents passifs ou
des spectateurs de l’œuvre missionnaire, ils sont devenus, à partir de
leur condition même – dans bien des cas « illettrés religieux » et
«analphabètes sociaux » – les principaux protagonistes de tout le
processus de fondation.9 La salésianité naît précisément de cette ren-
contre capable de susciter des prophéties et des visions : accueillir,
intégrer et faire grandir les meilleures qualités comme don pour les
autres, surtout pour les marginalisés et les abandonnés de qui on
n’attend rien. C’est Paul VI qui l’a dit : « Évangélisatrice, l’Église
commence par s’évangéliser elle-même... Cela veut dire, en un mot,
qu’elle a toujours besoin d’être évangélisée, si elle veut garder
fraîcheur, élan et force pour annoncer l’Évangile. »10 Tout charisme
9 Grâce à l’aide du sage Cafasso, Don Bosco a découvert qui il était aux yeux des jeunes
détenus ; et ces jeunes détenus ont découvert un visage nouveau dans le regard de Don
Bosco. Ensemble, ils ont ainsi découvert le rêve de Dieu qui a besoin de ces rencontres
pour se manifester. Don Bosco n’a pas découvert sa mission devant un miroir, mais dans
la douleur de voir des jeunes sans avenir. Le Salésien du XXIème siècle ne découvrira pas
son identité s’il n’est pas capable de souffrir avec « la foule de jeunes gens (...) sains et
robustes, à l’esprit éveillé, mais réduits au désœuvrement, (...) privés du pain spirituel et
temporel (...). [Et qui] semblaient personnifier l’opprobre de la nation, le déshonneur des
familles » (Mémoires de l’Oratoire de Saint François de Sales, 2ème décennie) ; et nous
pourrions ajouter : de notre Église même.
10 Exhortation Apostolique Evangelii nuntiandi [l’effort pour annoncer l’Évangile],
Rome, 8 décembre 1975, n. 15.
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