La_vie_comme_priere


La_vie_comme_priere

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1.1 Page 1

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2,2 LAVIE COMME PRIÈRE
Père Ivo COELHO
Conseiller pour la îormation
ORIENTATIONS ET DIRECTIVES 33
Dans sa présentation des documents du CG 27, parlant de la
« grâce d'unité ", le Recteur Mqieur écrit :
le chemin pour répondre avec générosité
" La grâce d'unité est
et être nous-mêmes:
Salésiens consacrés, frères au service des jeunes. Dans l'accueil
de ce don, nous rencontrerons un trait caractéristique de notre
spiritualité qui est l'union avec Dieu ; elle permet l'unification de
notre vie : prière et travail, action et contemplation, réflexion et
apostolat " (CG 27, p. L2). Le Chapitre lui-même a choisi l'Icône
de la Vigne et des Sarments comme symbole de l'unité profonde
entre le fait d'être mystiques dans l'Esprit, prophètes de la fra-
ternité et serviteurs des jeunes. Nous souhaitons offrir Ia présen-
te réflexion pour aider à cette unification qui nous fait devenir
contemplatifs dans l'action (cf. C 1-2), des personnes avec « un
projet de vie d'une profonde unité », corrrrs celui de notre Père
Don Bosco (C 2L).
Indubitablement, notre üe est caractérisée par le travail in-
lassable, dans la fidélité à Ia devise
surtout par I'exemple de notre Père
" travail et tempéranss », et
Don Bosco. Mais ce travail,
ne devient-il pas bien souvent un grand risque, un obstacle à
notre prière ? Nous
prièresl entendues
ne pensons pas seulement aux prières [" les
comme pratiques de piété, mais surtout
"
à
l'union avec Dieu qui doit caractériser toute notre vie. En nous
souvenant de Ia belle phrase de sainte Thérèse de Jésus, selon
laquelle " l'oraison mentale n'est pas autre chose que de l'amitié,
s'agissant bien souvent d'être toutes seules avec Celui dont nous
savons qu'Il nous aime ,,'la question est la suivante : comment
faire de notre üe l'expérience de Dieu, une rencontre d'amour
' "Que no es otra cosa oracidn mental, a mi parecer, sino tratar de amistad, estando
muchas veces tratando a solas con qüen sabemos que nos ama" (S. Teresa de Jesris, Vjda
8, 5).

1.2 Page 2

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34 ACTES DU CONSEIL GÉ,NÉRAL
avec Lui ? Et comment notre mission pourrait-elle donner " à
toute notre existence son allure concrète ,, (C 3), de manière que
la üe devienne prière ?
Notre Règle de Vie, dans sa première section où l'on présente
I'identité fondamentale du Salésien, déclare :
" Quand
rience de
il
la
travaille au
paternité de
salut
Dieu
de la jeunesse, le Salésien fait l'expé-
et raüve continuellement en lui-même
la dimension divine de son activité : "Sans moi, vous ne pouvez rien
fare" (Jn 15,5). il entretient son union avec Dieu, conscient qu'il
faut prier sans cesse, en un dialogue simple et cordial avec Ie Christ
üvant et avec le Père qu'il sent tout proche. Attentif à la présence
de l'Esprit et faisant tout par amour de Dieu, il deüent, comme Don
Bosco, contemplatif dans l'action " (C I.2).
Comment pouvons-nous transformer cet idéal en réalité ? Il
convient d'apporter ici une clarification nécessaire : il ne s'agit
pas d'enlever leur importance aux pratiques sacramentelles et
de piété, à travers lesquelles se concrétise notre dialogue avec Ie
Seigneur. Au-delà de ces pratiques, nous nous demandons, au
contraire, comment notre üe et notre travail pourraient devenir
expérience de Dieu.
.. La vie corrme prière » : identité de l'oraison salésienne
II me semble qu'à cette question, essentielle pour notre üe
d'apôtres consacrés, répond d'une manière extraordinairement
riche I'article 95 de nos Constitutions qui a pour titre, en effet :
" La uie comme prière " ;
n Plongé dans le monde et les soucis de Ia üe pastorale, le Salésien
apprend à rencontrer Dieu à travers ceux à qui il est envoyé. S'iI dé-
couwe les fruits de l'Esprit dans la vie des hommes, spécialement
desjeunes, il rend grâce en toute chose ; quand il partage leurs pro-
blèmes et leurs souffrances, il invoque pour eru( la lumière et la for-
ce de Sa présence. Il puise à la charité du Bon Pasteur dont il veut
être le témoin, et participe aux richesses spirituelles que sa com-
munauté lui offre. Le besoin de Dieu perçu dans l'engagement apos-
tolique Ie porte à célébrer la liturgie de la üe jusque dans l"'activi-

1.3 Page 3

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ORIENTATIONS ET DIBECTIVES 35
infatigable sanctifiée par Ia prière et l'union à Dieu, qui doit être
la caractéristique des fils de Don Bosco" ,,.
Pour souligner quelques éléments de ce très beau texte, je
voudrais me reporter à la version préalable des Constitutions od
experimentum dlr Chapitre Général Spécial (L972). Le texte ex-
primait alors plutôtLaproblématique de la synthèse entre prière
et travail : " Au Salésien, plongé dans le monde et les préoccupa-
tions de la üe apostolique, rencontrer Dieu dans la liberté et
lCastapiot snatnasnaéuitcéundd'uonutefiulsnepceountstsa'taavtiéonrerréedllieffieet icleoncpatref,omisai"s.
en même temps elle impliquait une certaine dichotomie qui reve-
nait de nouveau à la frn lorsque l'on disait : . Le besoin intérieur
de Dieu nous porte à üwe en Lui la liturgie de la vie, en nous
offrant nous-mêmes dans le travail quotidien, "comme sacrifice
üvant, saint, capable de plaire à Dieu" (Rm l2,L) ,, (C 67,1972).
Cela aussi est vrai et reflète toute la tradition spirituelle de
l'Église, mais nous pouvons nous demand.er : n'est-.ô p.. trop gé-
nérique, et cela ne peut-il pas s'appliquer à toute sorte de travail
et à tous les types de spiritualité ?
Mais l'article actuel essaye de dépasser cette éventuelle dicho-
tomie dans sa racine même : c'est-à-dire dans la manière de com-
prendre salésiennement le rapport entre notre travail et l'union
avec Dieu. Nous pouvons ajouter que cela n'a pas été facile : en
effet, le processus d'élaboration de cet article - un wai joyau de
spiritualité salésienne - n'a trouvé une synthèse réussie et lumi-
neuse que dans sa dernière rédaction, vers la fin du Chapitre. On
le voit dès Ie début de l'article qui présente un contraste explicite
alaveüceleptaesxttoeraple, cléedSenatl:é"siPelnonappdraennsdleàmroenndecoent tlreesrsoDuiceisudàe
'Alors que I'union avec Dieu est le thème de C l2,l'article C g5 sur la üe comme priè-
re occupe une place tout à fait spéciale dans les Constitutions, venant précisément à la fin
- même, non seulement
seigneur " mais aussi
du chapitre YI
de la Deuxième
(et au
Partie
début du chapitre VII)
de nos constitutions :
E"nEvnoydéisalaougxuejeauvneecs
le
en communautés - à la süte du Christ. Le CG 22 était extrêmement sensible à la structure
des Constitutions, et la place de C 95 fait une sorte de synthèse non seulement de notre vie
de prière mais aussi de toute notre üe. II traite precisément de la üe co--e prière.

1.4 Page 4

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36 ACIES DU CONSE/. GÉNÉRAL
travers ceujr à qui il est envoyé ,,. Et à la fin, est soulignée Ia
même idée : " Le besoin de Dieu perçu dans l'engagement
apostolique... ».
Je voudrais vous inviter à une lecture attentive et soignée de
cet article pour y découwir quelques éléments précieux consti-
tuant une critériologie qui nous aide à discerner si notre action
devient waiment prière, expérience de Dieu. En même temps,
cette critériologie nous offre les " conditions de possibilité » pour
Ie réaliser.
1. En premier lieu, nous trouvons un élément essentiel et
indispensable : le fait d'être au milieu des jeunes et auec eux. Cette
« présence active et amicale,, (C 39), que nous appelons .. assis'
tance ,r, rr'â rien à voir avec celle d'un gendarme qui se préoccupe
seulement de maintenir l'ordre ; elle ne constitue pas non plus
seulement une « base " qui permette de faire ensuite des choses
plus
coup
importantes. Nous
de choses , mais à
sommes appelés non pas à "
être comme Jésus épiphanie,
faire beau-
révélation,
üsage du Père. Notre mission consiste à être " signes et porteurs "
de son amour (C 2). La présence salésienne constitue une média-
tion concrète de la présence du " Dieu-avec-nous » ; et en quelque
sorte, nous pouvons dire qu'elle est une anticipation de ce que
Jésus a demandé au Père pour nous tous : " Père, ceux que tu
m'as donnés, je veux que je suis, ils soient eux aussi avec
ntsi " (Jn 17,24). Cet " être-avec " constitue le noyau de Ia vie éter-
nelle : être avec Dieu et avec tous nos frères et sceurs.n Nous ne
o II vaut la peine de s'arrêter sur Ia présence salésienne comme anticipation de Ia üe
éternelle et essentiellement comme une manière d'être avec Dieu et avec tous nos frères
et sceurs. Sur le premier point, cf. J. Ratzinger, "My Joy is to Be in Thy Presence: On the
Christian Belief in Eternal Life", in J. Ratzinger, God is Near Us: The Eucharist, th'e Heart
ofLife (.San Francisco: Igaatius Press, 2003). Sur le second point, cf. la suggestion saisis-
sante
bilité
de J. Alison que " Ia
d'être pour toqjours
djoainesplraojpooiedeanàslJuénseusg]ra"n(dHebc1é2,2b)raéttiaoint ,parvéeccisuénmeemntu,l,tiItaudpoesdsie-
personnes, lès bons, les mauvais, les dépressifs, mais tous des êtres humains et donc des
personrres aimées ". cf. J. Alison, .B aising Abel:
zo#oz (New York, Crossroad, 1996), 189. "
The Recouery of the Eschatological
est ton trésor, là aussi sera ton
Imagi-
cceur "
(Mt 6,21). Le Coeur de Jésus est sans aucun doute centré sur le Père et sur nous tous, ses
frères et sceurs.

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ORIENTATIONS ET DIRECTIVES 37
pouvons pas ignorer qu'il s'agit là d'un des aspects nous
sommes tous appelés à grandir: nous tous, et pas seulement les
jeunes confrères (appelés parfois d'une manière significative
" assistants ").
2. Notre présence doit avoir une caractéristique très concrè-
te : la conscience de la m,ission. Le texte constitutionnel ne dit
pas simplement " à travers les personnss » pâs plus que " à tra-
vers les jeunes » seulement, mais explicitement * à trauers ceux à
qui il [e Salésien] est enuoyé ". Malgré notre bonne volonté, nous
ne trouverons pasi le Seigneur si nous ne le cherchons pas en ceux
à qui Lui-même nous envoie. Cela constitue un des éléments es-
sentiels de l'obéissance salésienne, entendue comme Ia recherche
constante et passionnée de la volonté de Dieu, à l'exemple de Jé-
sus : « Ma nourriture, c'est de faire la volonté de Celui qui m'a en-
voyé " (Jn 4,34). Ce n'est pas toujours facile, en particulier
lorsque le travail n'est pas « gratifiant ».
3. Dans ce mouvement vers les jeunes à qui nous sommes en-
voyés, nous trouvons une dialectique intéressante : Dieu nous at-
tend en ces destinataires de notre mission ; mais en même temps
nous sommes appelés à leur apporter son amour salvifique : une
dialectique qu'en un certain sens nous trouvons aussi dans les pa-
roles de Jésus, en Mt 25,31-46. Cela me semble l'élément central
si la üe salésienne doit devenir prière. Cela peut se résumer dans
la phrase « quitter Dieu pour Dieu " pourvu qu'elle soit bien com-
prise et que ce ne soit pas simplement une excuse bienvenue pour
abandonnel la " prièrs » poür le « travail » ou üce-versa.
4. L'action éducative et pastorale en faveur des jeunes pré-
suppose we analyse de la réalité sur la base de la foi et de la mis-
sion salésienne : elle implique de regarder la réalité des jeunes
auec le regard de Jésus, Bon Pasteu4 dans le style de Don Bosco.
Cette " Iecture " déterminera si une action est waiment salésien-
ne ou si nous en sommes réduits à être, comme le répète le Pape
François, une simple O.N.G. qui travaille pour Ia promotion de Ia
jeunesse. Ce " regard pastoral » - âv€c " I'attention sereine, qui

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38 ACTES DU CONSEIL GÉNÉRAL
sait être pleinement présent à quelqu'un sans penser à ce qui
vpireionrtitaépsésv"an(Lgaéulidqauteos
Si',226) - nous permettra
dans notre travail et de
de discerner
reconnaître
les
en
même temps " I'action de l'Esprit " dans la üe des jeunes : autre-
ment nous courrions le risque de travailler beaucoup mais en
négligeant Lamission - un danger bien réel, vu la compledté de Ia
réalité des jeunes.
5. Une caractéristique de la prière salésienne, soulignée dès
Ie début de notre Règle de Vie, est son rapport inséparable d'avec
la vie, à I'exemple de Don Bosco qui " a vécu I'expérience d'une
prière humble, confiante et apostolique, qui unissait spontané-
ment l'oraison et la vie " (C 86). Le même article se termine en
affirmant
en elle ,, :
que Ia prière salésienne "
sommet et source, comme
adhère à la vie et se prolonge
le dit le Concile Vatican II en
parlant de l'Eucharistie.
Il ne s'agit donc pas de " laisser à la porte de Ia chapelle " nos
soucis, nos projets pastoraux, nos enthousiasmes et nos désillu-
sions. Dans ce cas, qui entrerait pour dialoguer avec Dieu ? une
personne vide, sans identité, sans histoire, sans motifs pour ren-
contrer le Seigneur... Comme nous l'avons vu, I'article 95 parle
explicitement du " besoin de Dieu, perçu flans l'engagement
apostolique ".
6. En essayant de rendre ce point encore plus concret, Ie mê-
me article indique, d'une manière brève mais très importante,
tcduoaamntsimolneanuvtiitelaelsededdsieffhénoroemsnmjteeuesns,e..ssfpor"cmiSasl'eislmd',eécndoteudpweresièjreleeusnnferausisi,tss[eendteSdale'lEélssaipesrni]it
rend grâce en toute choseu; quand il partage leurs problèmes et
leurs souffrzurces, il invoque pour etD( Ia Iumière et la force de Sa
présence ". La prière de louange et
contemplation de I'action de I'Esprit
de
en
rernerciernent naît de la
nos jeunes (on a de nou-
veau besoin ici du regard de foi du Bon Pasteur: nous devons
6 L'article constitutionnel crte Ep 5,20 ;j'ajouterais, pour ma part, Ph 4,6 (le furte
paulinien de la Messe de Don Bosco).

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OBIENTATIONS ET DIRECTIVES 39
nous rappeler que Jésus loue et remercie le Père même après l'in-
succès de sa prédication dans les villes du lac ! - Mt L1,25-30). La
prière de demande et de supplication surgit de la participation à
leurs problèmes et difficultés ; et il me plairait d'ajouter une for-
me de prière typique du médiateur-apôtre, parfois trop oubliée :
Ia prière d'intercession (" afin que le dessein du Père s'accomplis-
se en chacun d'eux " - C 86) et même la prière de réparation
(dans son sens le plus authentique).
7. Enfin, parmi de nombreux autres aspects, je voudrais sou-
ligner Ia rlirnension communautaire de notre prière : " (Le Sa-
Iésien) particip.e aux richesses spirituelles que sa communauté lui
offre " (C 95). A la lumière de tout ce que nous venons de dire, ne
pourrait-on pas entendre également cette dimension comme un
partage coïLrnunautaire de I'expérience de Dieu de chaque confrè-
re ? Comme il serait beau si, dans la communauté, nous pouvions
exprimer et partager la manière dont chacun de nous " découwe
Dmiieuce"uxchqeuz insoosndtersetsintéastaàireJsér!uJsealpeemnseetàcle'icuôxnqeudi 'Esemsmoanüt sre:npdaurs-
dans ce üllage, il y a un échange réciproque de " rencontres avec
Jésus Ressuscité », eui culmine avec la présence du Seigneur lui-
même I (cf. Lc 24,33-35).
Concrètement.
Tout cela constitue indubitablement un idéal, un objectif que
nous n'atteignons pas toujours dans notre vie quotidienne.
D'autre part, il s'agit d'un élément-clé de notre spiritualité, un
des éléments fondamentaux, comme on le disait au début: la
" grâce d'unité ", l'appel à devenir « mystiques dans l'Esprit " et
« contemplatifs dans l'action ». Q'ss1 aussi, me semble-t-il, Ie
point d'arrivée de la vie comprise en clé de forntation pernxanen-
/e ;je voudrais donc souligner un mot-clé qu'intentionnellement
je n'ai pas mentionné jusqu'à présent : " le Salésien apprend à
rencontrer Dieu... ". Ce mot indique qu'un apprentissage est in-
dispensable, un apprentissage de l'effort personnel en premier

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40 AcTEs DU 3aNSEIL GÉNÉRAL
lieu, mais sûrement aussi un apprentissage du temps, de l'accom-
pagnement, d'expériences qui rendent possible ce fait d'" aP-
prendre ". Il ne faut pas croire que chaque rencontre et chaque
travail avec les jeunes deüennent automatiquementprière et ren-
contre auec Dieu. En d'autres termes, après avoir réfléchi sur le
« euoi ", il est nécessaire d'insister aussi sur le o eomtnent »» .
Cependant, avant de continuer, je voudrais faire remarquer
que le . quoi " dont il a été question plus haut est largement pra-
tiqué et, en ce sens, est déjà un « comment ". " Notre être dépend
de la manière de voir et de la mesure dont cette vision deüent
stable dans notre intentionnalité. Nous n'arrivons pas à voir, ce-
pendant, à travers le simple acte de regarder mais à travers un en-
traînement de notre üsion à I'aide des métaphores et des symboles
qui constituent nos conüctions centrales "t. Par conséquent, quel
que soit l'effort de changer notre vie, acquérir une üsion correcte
est beaucoup plus important que l'exercice, si diligent soit-il, de la
force de volonté. Jésus - nous dewions nous en souvenir - faisait
abondamment usage d'images. " La force de volonté est n'est pas
un moteur fiable sur lequel s'appuyer pour obtenir l'énergie inté-
rieure ; une image correcte, au contraire, silencieusement et inexo-
rablement, nous entraîne dans Ie domaine de la réalité qui est en
même temps le domaine de l'énergie "'. Le chemin vers la üe com-
me rencontre avec Dieu ou, mieux, l'union avec Lui, comporte une
formation de notre vision qui ne peut être sous-évaluée.
Il reüent à chaque Proünce, et à chaque communauté locale,
de trouver les moyens les plus adaptés pour s'orienter vers cette
" identité salésienne ". Mais
la " critériologie » proposée
nous
plus
pouvons également retourner à
haut qui nous offre en même
u "We are as we come to see and as that seeing becomes enduring in our intentionality.
We do not come to see, however, just by looking but by training our üsion through the
metaphors and symbols that constitute our central conüctions." Stanley Hauerwas,Vision
and Virtue (Notre Dame: University of Notre Dame Press, 1981), 2.
'"Willpower is a notoriously sputtery engine on which to rely for internal enerry, but
a right image silently and inexorably pulls us into its field of reality, which is also a freld
of energy." Eugene H. Peterson, Und.er the Unpredictoble Plant: An Exploration in Voca-
tional Holiness (Grand Rapids: Willirm B. Eerdmans / Leominster: Gracewing, 1992),6.

1.9 Page 9

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ORIENTATIONS ET DIRECTIVES 41
temps aussi " des conditions pour pouvoir " arriver à ce point.
Le premier critère est une condition nécessaire (mais non
suffrsante !) : si nous ne faisons pas l'effort d'être avec les jeunes,
il n'y a pas de possibilité de découwir I'action de Ia grâce en eux.
Nous constatons aujourd'hui, en différentes parties de Ia Congré-
gation, une certains " prise de distances " d'avec les jeunes de Ia
part de nos confrères -jeunes ou non - et surtout une certaine
déualuation de l'assistance: comme si nous avions " des choses
prelunscoimntrpeoratavenctelessàjefuanirees"r.éNelosu(spacrofuorisontrsolpe
risque de perdre
difficiles à gérer)
la
et
nous nous réfugions dans la rencontre uirtuelle, à travers de nom-
breux moyens modernes de communication - même si quelquefois
nous pourrions arriver à " l'offrir à Dieu " ! - Mais ce n'est pas
la bonne voie, ce n'est pas cela qui nous fera devenir " de bons
pasteurs des jeunes " à l'exemple de Don Bosco. Il est donc indis-
pensable d'offrir à nos confrères jeunes I'expérience d'être avec
Ies jeunes, en les éduquant (ceci est indispensable !) au wai sens
de l'assistance salésienne : et cela se fait non seulement en paroles
mais aussi par l'exemple.
Le second,le troisième etle quatrième critères comportent, en
fait, une rééducation de notre façon de voir: la conscience de Ia
mission, la conscience de la dialectique entre Dieu qui nous
attend dans les jeunes et notre vocation comme épiphanie, le
" regard pastoral ". Il ne suffit pas d'" être avec les jeunes " : il
faut le faire avec le sens delamission, qui dérive directement de
l'obéissance comprise comme recherche et accomplissement de la
volonté de Dieu. I1 est nécessaire de rechercher des stratégies et
des lignes d'action pour renforcer ce sens « de la foi " dans le tra-
vpauirleamveecntepuex,rseonnnéeülstan" tdatonustl'taycpteiodn'inédducdautivaelisemt epaosutodraele".cIhl oniex
suffit pas de faire de " bonnes choses », ou mêrle de " découwir
Dieu " en chaque personne. Nous sommes appelés à trouver Dieu
précisément dans ]a " jeunesse pauwe, abandonnée, en péril "
(C 26), " en priorité [en] Ia jeunesse masculine ,, (R 3) et non pas
en n'importe quelle personne.

1.10 Page 10

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42 AcrEs DU coNsEtL GÉNÉBAL
y
a
Le cinquième critère est Ia dialectique
un rapport ütal entre lss " pratiques
entre " prière " et üe. Il
de piété » - communau-
taires et personnelles - et la üe. Jésus lui-même a senti le besoin
de passer de longs moments en prière. L'amour est avant tout un
état plutôt qu'un acte. Mais il a besoin d'actes, de moments spé-
ciaux qui le révèlent, l'afflrrment, le célèbrent,le partagent, le for-
tifient. Il est important de dépasser une attitude de dichotomie.
Le Dieu que nous découwons en ceux à qui nous sommes envoyés
est le même Dieu que nous invoquons, céIébrons et remercions
dans nos temps de prière formels et informels.
Le Salésien a besoin de moments de silence pour revoir et re-
viwe sa journée, pour rendre grâce et pour intercéder. Il ne peut
pas se permettre de négliger les moments de tranquillité imbri-
qués dans la structure de Ia vie communautaire. Ces pratiques et
ces moments sont des éléments importants dans la dialectique de
notre parcours vers l'union d'amour qu'est la vie comme prière.
Notre vie et notre travail entrent dans ces moments, nos inten-
tions se purifient, nos yeux s'ouvrent et notre vision s'éclaire
pour voir l'æuwe de Dieu dans Ia vie de ceux à qui nous avons été
envoyés.
C'est le moment de prêter attention à l'inütation de nos Cha-
pitres Généraux récents et de soigner particulièrement Ia prière
personnelle et la méditation où chacun exprime " dans l'intimité
sa façon personnelle d'être fils de Dieu, de lui manifester sa re-
connaissance, de lui confier ses désirs et ses préoccupations apos-
toliques », ên souvenant que pour Don Bosco, l'oraison menta-
le était « une garantie de persévérance joyeuse dans la vocation ",
car " elle renforce notre intimité avec Dieu, nous préserve de la
routine, sauvegarde la liberté de notre cceur et nourrit notre dé-
vouement » envers ceux à qui nous sommes envoyés (C 93 et 88).
Comme communautés provinciales et locales, nous avons be-
soin de prêter une attention renouvelée aux récollections men-
suelles et à la retraite spirituelle annuelle, qui sont " des occa-
sions particulières d'écoute de Ia parole de Dieu, de discernement

2 Pages 11-20

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2.1 Page 11

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ORIENTATIONS ET DIRECTIVES 43
de sa volonté et de purifrcation du cceur ", et qui " redonnent à
notre vie spirituelle sa profonde unité dans le Seigneur Jésus et
maintiennent üvante en nous l'attente de son retour " (C 91).
On dewait ajouter ici également l'accompagnement spirituel
qui " éduque » notre regard, qui nous aide à développer l'intelli-
gence de Ia contemplation et la capacité de discerner la présence
de Dieu et l'action de grâce chez nos destinataires (voir CG 27,
67,2). Ainsi en sera-t-il également de l'accompagnement pastoral
au cours des premières années de ministère - et ici, les Maîtres
des novices, Ies Directeurs et les Guides spirituels des postno-
üces, des stagiaires et des jeunes confrères en formation spéci-
fique ont une responsabilité tout à fait spéciale. Dans les pre-
mières années de la formation particulièrement, nous apprenons
et nous sommes aidés à reconnaître la dimension divine de notre
actiüté. Nous découvrons " qu'il faut prier sans cesse, en un dia-
logue simple et cordial avec le Christ üvant et avec le Père " ;
nous apprenons à être attentifs " à la présence de l'Esprit », et à
faire " tout par amour de Dieu " (C l2).
Il n'est pas nécessaire de présenter à la suite la sixième condi-
tion. Mais il vaut la peine de s'arrêter sur la septième,la dimen-
sion communautaire, car elle répond à f insistance de nos Cha-
pitres Généraux récents sur les formes communes de prière, aus-
si bien anciennes que nouvelles. Une des difficultés quant à la
prière communautaire est le partage fraternel, en particulier de
notre expérience de Dieu.Il n'est pas facile de nous " rééduquer "
sur ce point. Il est sans aucun doute plus facile de le faire avec les
jeunes confrères au début de la vie salésienne, mais même dans
leur cas, on ne peut considérer la chose comme acquise. Il est né-
cessaire de trouver des temps appropriés de partage communau-
taire (y compris la lectio diuina), pour les éduquer (et nous édu-
quer nous-mêmes) à prier ensemble en partant des expériences
de notre travail éducatif et pastoral : prière de remerciement, de
demande, d'intercession, de réparation... De plus, ces expériences
renforcent et approfondissent d'une manière extraordinaire la vie
fraternelle, à en devenir presque un thermomètre : il n'y a

2.2 Page 12

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44 AcrEs DU coNsgr GÉNÉRAL
pas de communication en profondeur, le niveau de vie commu-
nautaire est très superficiel et parfois presque inexistant.
Je demande que le Directeur de chaque communauté, après
avoir personnellement étudié et médité cette réflexion que je pro-
pose, inüte chacun de ses confrères à faire la même chose, et ren-
de possible un temps communautaire d'échange et de dialogue,
en s'appuyant sur les questions suivantes ou d'autres sem-
blables : Quels aspects me frappent le plus ? Dans quels aspects
aurais-je/aurions-nous besoin de croître ? Quelles étapes pour-
rais-je/pourrions-nous franchir dans cette direction ?
J'invite particulièrement les Maîtres des novices, les Direc-
teurs et les Guides spirituels à tous les niveaux de formation à
imaginer des moyens d'accompagner les jeunes confrères, en tant
que personnes indiüduelles et en tant que communautés, dans
leur cheminement vers la vie comme prière.
Chers confrères, invoquons ensemble I'assistance de la Vierge
Marie, " modèle
Joseph, " maître
de
de
prière
la vie
et de charité
intérieure ,,
pastorale " (C 92),
de notre Père Don
de saint
Bosco et
d'une multitude de confrères, grands et petits, parmi lesquels le
bienheureux Artémide Zatti et le vénérable Simon Srugr, qui ont
vécu la grâce d'unité et intercèdent maintenant pour nous.