La visite décisive d‟un missionnaire
En 1893, arrive à Turin, en provenan-
ce de Agua de Dios, en Colombie, un mission-
naire, le Père Miguel Unia. Malade et fatigué,
le Père a déjà une certaine renommée pour son
action auprès des lépreux. A cette même épo-
que, Luis fait ses études de philosophie à Val-
salice, près de Turin. Il a
entendu parler du Père
durant son noviciat.
La Mère Ana
Maria Lozano, une des
fondatrices de la Congré-
gation des Filles des
Sacrés Cœurs nous a
conservé le récit de Luis
lui-même sur sa ren-
contre avec Don Unia.
Elle l’a rédigé d’après
ses propres paroles.
L’événement
remonte à 1894. Luis a
19 ans. Arrive le mois de
mai, mois de Marie.
Le récit de Luis
« Tandis que
j’étais à Valsalice, nous arrivons au mois de
mai, consacré à ND Auxiliatrice. Nous nous
préparons tous à le célébrer avec ferveur. Le
23 avril, je suis nommé avec d’autres compa-
gnons pour arranger l’autel de la sainte Vierge
et commencer l’exercice du mois. J’avais senti
un vif désir d’être missionnaire. Je m’enthou-
siasmais beaucoup sur ce que j’avais écouté de
ceux qui partaient en Amérique. Quand j’eus
terminé d’arranger l’autel, je rédigeais sur un
petit morceau de papier mon désir d’aller en
Colombie et je demandais cette grâce à la sain-
te Vierge. J’allais vers la statue de la Vierge.
Je mis le papier entre la Vierge et l’enfant ,
tout près de leur cœur, et j’attendais de toute
ma foi et avec confiance. Ma prière fut exau-
cée. Au terme de la neuvaine, arriva à Turin
Don Unia. Le Recteur Majeur don Rua l’en-
voya à Valsalice pour choisir entre les candi-
dats ses missionnaires. « Quelle fut ma stupeur
et ma joie quand entre les 188 jeunes qui
avions le même désir, il fixa son regard sur
moi, et dit : « Celui-ci est pour moi ! » Ensui-
te il m’appela à part et me demanda si je vou-
lais aller en Colombie, à Agua de Dios, au
lazaret des lépreux. Avec une joie très vive, je
lui répondis que « oui ». Tout ceci me parais-
sait un rêve. »
Arrivée à Agua de Dios
En mai 1894, Luis a donc rencontré à
Valsalice le Père Unia. Le 6 août de la même
année, il arrive à Agua de Dios, littéralement
« Eau de Dieu ». Le lazaret comprend 2000
habitants dont 800 lépreux. Musicien, Luis
organise un orchestre. Il commence sa mission
par le théâtre, la musique. Il met sur pied
une fanfare, et la pauvre « cité de la misè-
re » prend un air de fête inespéré. Il sera le
premier à fonder un cinéma en Colombie.
Ce sera celui de Agua de Dios.
En 1895, vient à Agua de Dios,
pour se soigner, Oliva Sanchez, d’une famil-
le pieuse de classe moyenne,
de la bourgade de Tabio, au-
jourd’hui proche de Bogotà.
Elle a 28 ans. Elle rencontre
Luis, avec qui elle dialogue.
Ordonné prêtre, il deviendra
son confesseur.
Quand Dieu prépare
son œuvre
En mai 1897, une famille très
chrétienne se transporte à
Agua de Dios pour ne pas
laisser seul Don Eduardo
Lozano, chef de famille, ma-
lade de la lèpre. Son épouse
et ses enfants sont sains. A
son arrivée, toute la famille
connaît le Père Luis encore
séminariste. Elle participe à
sa première messe. Il devient
le confesseur et le Directeur spirituel de
toute la famille. Ana Maria qui a presque 15
ans et Carmelita qui en a à peine 9, se sen-
tent fortement attirées vers les sœurs de la
Présentation chez lesquelles Ana Maria est
très appréciée pour ses qualités et ses servi-
ces. Tout semble bien marcher jusqu’à ce
qu’elle soit refusée dans la Congrégation
comme fille de malade. Elle en parle au
Père Luis. Que faire pour devenir religieu-
se ?
Luis n’aura de cesse de demander
à ses supérieurs, à son évêque l’autorisation
de fonder cette nouvelle congrégation. Fina-
lement, son évêque acceptera et les jeunes
filles pourront célébrer leur profession reli-
gieuse. Jean Paul II redira au jour de la Béa-
tification de Luis, le 14 avril 2002 : « C’est
toujours dans l’Eglise la seule Congréga-
tion qui peut accueillir des lépreuses. » Ana
Maria Lozano sera de longues années supé-
rieure de la Congrégation. Sa cause de sain-
teté vient d’être introduite à Rome.
De nombreuses lettres
Elles nous révèlent sa joie et son
union à Dieu. Un seul exemple. Dans une
lettre du 5 juin 1909, écrite de Contratacion,
où Luis a été envoyé et éloigné des jeunes
de sa congrégation commençante, il raconte
son voyage.
« Comme vous le savez, nous
avons quitté Bogotà le vendredi 28 mai.
Arrivés à Zipaquirà, j’ai contemplé, d’assez
loin, l’église. J’ai salué mon Jésus
et de multiples souvenirs sont re-
venus à mon imagination en pen-
sant à cette ville, à cette église où
la sœur Rosa et la sœur Limbania
ont passé tant d’années. Je les ai
recommandées à Dieu et nous
avons poursuivi notre voyage vers
Nemocon. Là, dès que j’ai pu, je
suis allé à l’église, je me suis age-
nouillé devant l’autel, j’ai supplié
Jésus et Marie Auxiliatrice de re-
cevoir mon sacrifice et de protéger
notre voyage. A midi, nous som-
mes partis pour Ubaté. J’allais
avec le R. Père Aime, tirant par le
licou une mule. Là commencèrent
les péripéties. La selle du Père
Cataneo, qui est petit et maigre, se
retourna et il tomba
« solennellement », tout endolori,
tandis que la mule s’en retournait à
Nemocon, jetant à terre les baga-
ges, déchirant les courroies, et
traînant les harnais dans la boue et
les flaques d’eau. J’étais mort de
rire, et je me mis avec mon cheval
à poursuivre la mule, qui, heureu-
sement, après une longue course
s’arrêta, parce que, sans savoir
comment, elle s’était pris les pattes
dans les freins. Je m’approchais et
la tranquillisais. Je me mis à ra-
masser les restes des harnais, à
récupérer les morceaux de cuir qui
jonchaient le sol, et je courais à la
rencontre des autres Pères qui
ignoraient ce qui s’était passé… »
Ces lignes nous donnent
témoignage de la foi profonde de
Luis et de sa joie toute salésienne.
« (Le Père est tombé de
sa monture). J’étais mort de rire et
je me mis avec mon cheval à pour-
suivre la mule… Dès que j’ai pu,
je suis allé à l’église, je me suis
agenouillé devant l’autel, j’ai sup-
plié Jésus et Marie Auxiliatrice de
recevoir mon sacrifice… »
Père Luis, nous garde-
rons ta joie. Nous aimons rire aussi
à Ekié. Nous ferons grandir en
nous ton amour pour Jésus. Suscite
parmi ces petits, ces enfants, ces
jeunes et ces adultes les vocations
dont ton Royaume a besoin. Merci,
Luis !
Jean Baptiste BERAUD
VARIARA Homélie 15 01 09
ANNEE 10,N°88
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