Sommaire
Très chers Confrères,
J’ai la joie de vous présenter les Actes du 26ème Chapitre Général, qui s’est terminé, on ne peut mieux, le samedi 12 avril 2008. En effet, cette date de conclusion revêt pour nous une signification symbolique : elle nous rappelle l’entrée de Don Bosco à Valdocco le jour de Pâques 1846. Si pour lui ce jour signifia le commencement d’une nouvelle étape de sa mission, pour nous ce 12 avril 2008 représente la mise en route d’une période de six années qui nous conduira à la célébration du bicentenaire de la naissance de notre Fondateur et Père bien-aimé.
Au cours du déroulement du Chapitre vous avez déjà eu l’occasion d’être informés en temps utile au sujet de l’intense expérience salésienne vécue, de la méthode de travail suivie, des différents contenus approfondis. En outre vous aurez certainement entendu parler de ce grand événement vécu par ceux qui ont participé au Chapitre : provinciaux, délégués et invités. A présent la promulgation des décisions capitulaires nous appelle à leur application (cf. Const. 148).
La publication des Actes, avec les documents qui en font partie, rend officielles les orientations prises et marque le point de départ de la période des six années 2008 – 2014. Je souhaite que la lecture personnelle, l’étude communautaire et la mise en pratique des lignes d’action produisent comme fruit précieux le fait que le cœur de chacun de vous s’enflammera dans la même passion spirituelle et apostolique que celle de Don Bosco. Que le Seigneur Jésus, grâce à son Esprit, puisse “ouvrir votre cœur” (cf. Ac 16,14).
Dans cette présentation que je formule, je désire vous illustrer le thème, la méthode de discernement, les personnes (physiques ou morales) impliquées, l’esprit du Chapitre et les décisions prises. Cet ensemble d’éléments vous serviront de guide dans la lecture du document et surtout dans son application.
Le thème du CG26 est unitaire, même s’il est articulé en pôles thématiques. A première vue, il peut sembler que le CG26 ait traité de cinq sujets différents ; en réalité il s’agit d’un unique thème : le programme de vie spirituelle et apostolique de Don Bosco.
La devise “Da mihi animas, caetera tolle” peut être pleinement comprise si l’on connaît la vie et l’œuvre de Don Bosco, notre Fondateur et Père bien-aimé. Il s’agit, en effet, de son projet personnel de vie, qui est exprimé comme une prière personnelle. Elle doit être interprétée à la lumière du don apostolique de soi, de la créativité pastorale, du travail inlassable, en un mot de la mystique apostolique de Don Bosco, mais aussi à la lumière des renoncements affrontés, des nombreuses difficultés surmontées, des engagements tenus par Don Bosco, de son ascétique. La personne implicitement présente dans cette devise est Don Bosco ; le premier pôle “repartir de Don Bosco” la montre visiblement et la pose comme fondement de tout le reste.
Le “da mihi animas” se traduit dans l’engagement d’évangéliser les jeunes, spécialement les plus pauvres. En effet, la passion apostolique de Don Bosco et du salésien s’exprime immédiatement dans la capacité d’accueillir les urgences de l’évangélisation et d’œuvrer pour qu’à tous il soit fait don de Jésus Christ et de son évangile. Dans l’action évangélisatrice nous transmettons la passion apostolique également aux laïcs, aux familles et surtout aux jeunes ; à eux en particulier nous avons le courage de proposer la vie consacrée salésienne, à la suite de Jésus sur les pas de Don Bosco, non pas comme une possibilité de réalisation personnelle parmi d’autres, mais comme un appel de Dieu.
Le “caetera tolle” nous rend disponibles pour quitter tout ce qui nous empêche d’aller là où se trouvent les plus graves besoins des jeunes : les nouveaux fronts d’action de la mission salésienne. L’évangile est une bonne nouvelle pour les pauvres et il est proclamé par des pauvres. Les besoins les plus urgents des jeunes sont leurs pauvretés matérielles, mais aussi celles qui sont affectives, culturelles, spirituelles ; elles nous appellent à une disponibilité radicale et à laisser de côté tout le reste. Les pauvretés des jeunes nous demandent aussi d’être solidaires avec eux, de partager avec eux une vie simple et pauvre, de mettre à leur disposition les ressources que nous avons.
Les défis de la postmodernité nous appellent à surmonter la fragmentation de notre vie et de notre culture. C’est pourquoi le thème du CG26 doit nous aider à vivre la “grâce d’unité”, c’est-à-dire à accueillir le don de l’unification de notre vie, à assumer le programme de vie spirituelle et pastorale de Don Bosco comme critère d’unité, à le traduire au niveau de l’action dans nos choix personnels et communautaires, de province, de région et de congrégation.
Comme l’avait déjà fait le CG25, pour l’étude des pôles thématiques le CG26 a adopté la méthode du discernement. Le fait de prendre une méthode déjà expérimentée, utilisée aussi pour le projet de vie personnelle et le projet de vie communautaire, a facilité le travail, mais surtout a aidé à mieux mettre en valeur les capacités du discernement. Celui-ci nous a permis de cheminer sur une voie sûre et d’offrir un développement du thème capitulaire vers un projet, et pas seulement vers une étude doctrinale.
Dans l’interpellation par Dieu, au moyen du discernement, ont été repérés dans chaque pôle les appels urgents et les priorités. L’interpellation ne nous décrit donc pas d’une manière exhaustive toutes les exigences liées à un pôle thématique, mais seulement celles qui sont prioritaires ; le discernement nous a conduits à effectuer des choix. Discerner est précisément distinguer ce qui est fondamental de ce qui est secondaire à un moment déterminé, et effectuer en conséquence des choix.
Par exemple, pour repartir de Don Bosco, le CG26 a repéré et proposé trois voies principales : revenir à lui, revenir aux jeunes, renforcer l’identité charismatique et raviver la passion apostolique. De façon analogue, pour répondre à l’urgence de l’évangélisation le Chapitre a choisi ces priorités : prendre soin de la communauté salésienne de manière qu’elle soit une communauté évangélisée et une communauté évangélisatrice, mettre au centre la proposition de Jésus Christ, approfondir l’apport de l’éducation à l’évangélisation, prêter attention aux contextes régionaux. La même méthode a été ensuite suivie également pour les autres pôles.
Dans l’analyse de la situation, le discernement nous a conduits à recueillir les aspects positifs, les signes d’espoir, les ressources, mais aussi les difficultés, les retards, les défis, en rapport avec les choix fondamentaux repérés dans l’interpellation. Il en sort une vision des thèmes toute centrée sur la lecture des priorités ; on met ainsi en évidence un cadre de lumières et d’ombres, qui aussitôt nous oriente vers la recherche des voies d’action les plus opportunes.
Dans les lignes d’action de chaque pôle, nous trouvons une nouveauté : au début sont indiqués les processus à mettre en route pour le changement. C’est-à-dire que l’on fait ressortir les situations à surmonter et que l’on propose le but où les lignes d’action doivent conduire ; il s’agit de passer d’un état de faiblesse à une nouvelle configuration de la vie. Ce sont des processus de conversion des mentalités et de changement des structures ; ils indiquent notre exode et notre pâque.
Les lignes d’action présentées sont au nombre de dix-sept ; mais en réalité il s’agit de cinq grandes lignes pour mener l’action, spécifiées dans leurs modalités concrètes de réalisation. Il s’agit, en effet, fondamentalement de réaliser ces tâches : repartir de Don Bosco, répondre aux urgences de l’évangélisation, avoir le courage de proposer aux jeunes la vocation consacrée salésienne, donner un témoignage crédible de pauvreté évangélique et de vie simple, aller sur les nouveaux fronts d’action de la mission salésienne.
Les lignes d’action se spécifient au moyen des interventions ponctuelles. Celles-ci sont attribuées à différentes personnes (physiques ou morales). Il est nécessaire de remarquer qu’il n’est pas du devoir de tous de tout faire, mais aux différentes personnes (physiques ou morales) est demandé un apport spécifique. C’est avec la contribution de tous que les lignes d’action pourront être réalisées ; chacun est envoyé pour faire sa part. Voici alors l’importance des personnes (physiques ou morales) que l’on doit impliquer.
Le CG26 peut accomplir le changement désiré dans la vie de la Congrégation et donc devenir une réalité, seulement s’il y a des personnes (physiques ou morales) qui, d’une manière généreuse et responsable, en assument la mentalité et les orientations. La pluralité des personnes (physiques ou morales) impliquées est une garantie pour une action efficace.
Le CG26 s’adresse en premier lieu au salésien. Après les Chapitres généraux 23, 24 et 25 qui ont donné de l’importance à la communauté locale, le CG26 entend mettre au centre de ses attentions le confrère considéré en tant que tel. C’est lui qui a reçu de Dieu le don de la vocation salésienne ; c’est donc lui qui est appelé à répondre à ce don avec une fidélité créative et à assumer le programme spirituel et pastoral de Don Bosco “da mihi animas, caetera tolle”.
Le CG26 entend raviver dans le cœur de chaque confrère la passion apostolique et il lui propose un profil caractérisé par l’identité charismatique ; de cette façon il peut être Don Bosco pour les jeunes d’aujourd’hui. Il est appelé à avoir une vie spirituelle intense et profonde, à vivre la vie fraternelle avec familiarité et joie, à demeurer avec les jeunes, à être audacieux dans l’action d’évangélisation, à aller dans les lieux de fronts d’action de notre mission, à vivre pauvrement, à impliquer des laïcs, des familles et des jeunes eux-mêmes dans l’ardeur pastorale, à proposer aux jeunes la vie consacrée salésienne, à aimer et à faire connaître Don Bosco.
Le CG26 interpelle ensuite directement chaque communauté. En effet, dans les lignes d’action il y a presque toujours des interventions qui sont proposées à la communauté, pour que celle-ci les assume dans son cheminement. En particulier, la communauté prend l’initiative de l’action évangélisatrice, se soucie des vocations à la vie consacrée salésienne et donne son témoignage de pauvreté évangélique. La communauté évangélisée est appelée à être une communauté évangélisatrice ; son témoignage est la première proposition de vocation ; sa vie vécue dans la simplicité et dans l’austérité manifeste son amour pour la pauvreté ; elle va avec audace parmi les jeunes pauvres ; là où elle vit, elle propose de nouveau avec les jeunes l’expérience de Valdocco.
De cette façon le CG26 demande à la communauté salésienne de continuer les processus que le CG25 avait mis en route, en cherchant à leur garder encore toute leur consistance quantitative et qualitative. Dans la communauté le confrère grandit dans la “sequela” du Christ et réalise le don de soi à Dieu pour les jeunes. Il est appelé à assumer lui-même les nouvelles exigences de sa vocation ; dans le même temps la communauté qui vit la plénitude du dynamisme dont il fait preuve favorise chez lui la formation continue.
Le CG26 indique encore d’autres personnes (physiques ou morales) : la province, la région, le Recteur majeur avec le Conseil général. En mettant en valeur la subsidiarité, chacun accomplit ses tâches et tous coopèrent à la réalisation de la même interpellation et des mêmes lignes d’action. Il est hors de doute que l’action ne peut pas être limitée à ces personnes (physiques ou morales). Aussitôt entre en jeu l’implication et l’action comme protagonistes de jeunes, de laïcs et de familles et ensuite de la communauté éducative et pastorale. Comme aussi il n’est pas pensable de vivre et d’agir sans la Famille salésienne et sans la liaison avec le territoire et l’Eglise locale.
Le Chapitre Général a été un événement inoubliable, qui deviendra bien vite une page d’histoire à raconter surtout de la part de ceux qui l’ont vécu. Il s’est aussi traduit dans un beau document, qui pourtant risquerait de rester “lettre morte” sans un esprit capable de l’animer. Le CG26 est donc aussi un esprit ; nous devons alors reconnaître quel est l’esprit du CG26.
De même que l’“esprit du Concile Vatican II” est vivant et opérant, ainsi nous pouvons dire qu’il y a un “esprit du CG26” qu’il faut accueillir. Il est constitué de la même passion que celle qui brûlait dans le cœur de Don Bosco et le poussait à chercher la gloire de Dieu et le salut des âmes. Il a guidé l’Assemblée dans le discernement et dans la rédaction du document et il fait en sorte que le texte capitulaire se transforme en vie, en vitalité et en vivacité pour chaque confrère, pour les communautés, les provinces, les régions et la Congrégation tout entière.
C’est l’Esprit du Christ qui anime et vivifie. L’esprit du CG26 est un don de l’Esprit du Ressuscité pour notre Congrégation. Il a répandu l’abondance de ses dons sur nous tous dans une Pentecôte renouvelée. Il ouvre l’esprit de chaque confrère dont il réchauffe le cœur et qu’il enflamme ainsi dans une passion renouvelée, appelée à donner des fruits abondants. De cette façon le CG26 n’est pas seulement une page d’histoire ou seulement un document, mais il entre dans l’histoire pour chacun de nous et pour la Congrégation.
Le Chapitre Général a produit également quelques décisions concernant les Constitutions et les Règlements généraux ainsi que le gouvernement de la Congrégation. Certaines d’entre elles sont relatives au gouvernement central et aux régions, d’autres parlent du rapport entre la communauté salésienne et l’œuvre ainsi que de l’économe local, une autre encore est liée à nos institutions d’éducation du niveau supérieur.
En particulier, je mets en évidence l’orientation exprimée au sujet de ce qu’on appelle les “dicastères de la mission salésienne”. Le Chapitre a exprimé l’exigence d’une plus grande collaboration, menée avec une recherche d’unité plus développée, dans la mise en place et dans la réalisation de la mission salésienne. J’encourage les provinces à tenir compte de cette sensibilité et à s’en inspirer dans l’animation provinciale.
Il me semble important de faire remarquer aussi l’orientation concernant les trois régions de l’Europe. En prenant en considération les processus culturels d’unification de l’Europe, les expériences de collaboration actuellement en cours de réalisation et les restructurations des provinces, il faut intensifier les formes de coordination, favoriser les synergies, dépasser une vision de chaque région et donc avoir un regard européen.
J’estime, d’autre part, intéressante l’indication exprimée au sujet du rapport entre la communauté salésienne et l’œuvre. L’orientation offerte aidera à approfondir aussi du point de vue institutionnel et juridique ce qui avait été l’action du CG25 qui demandait de considérer comme deux authentiques personnes morales la communauté salésienne et la communauté éducative et pastorale.
Le Chapitre Général est maintenant remis à toute la Congrégation. Les provinces et les quasi-provinces, au moyen des Chapitres provinciaux, avaient déjà produit leurs lignes d’action, en déterminant les objectifs, les processus et les interventions. Maintenant, au moyen des indications du CG26, elles sont appelées à compléter le travail déjà accompli, en reportant ce qui concerne chaque salésien, les communautés locales et la communauté provinciale.
Nous nous confions à Marie Auxiliatrice. Au moyen de son intervention maternelle, pour contribuer au salut de la jeunesse, l’Esprit Saint a suscité Don Bosco (cf. Const. 1). Elle l’a guidé dans la réalisation de la mission auprès des jeunes. « C’est Elle qui a tout fait ». Elle est notre Mère et notre Maîtresse. D’Elle nous apprenons la docilité à l’Esprit Saint et la profondeur de la vie spirituelle, qui est la racine de la fécondité de notre mission. Nous Lui recommandons les défis de l’évangélisation, les vocations à la vie consacrée salésienne, les jeunes pauvres. Que Marie, notre Secours, intercède pour nous.
P. Pascual Chávez Villanueva
Recteur majeur
Rome, 11 mai 2008
Solennité de la Pentecôte
“J’ai promis à Dieu que ma vie, jusqu’à son dernier souffle, serait pour mes pauvres garçons” (Mémoires Biographiques XVIII, 258).
La passion de Don Bosco pour le salut de la jeunesse est notre héritage le plus précieux. Le 26ème Chapitre général s’est proposé de la raviver dans chaque salésien en mettant au centre de la réflexion des communautés et des provinces la célèbre devise de notre Père et Fondateur Da mihi animas, caetera tolle. Ainsi, a commencé un processus de renouveau intérieur et de réflexion, qui a débouché sur les apports parvenus à l’assemblée capitulaire afin de servir de point de départ pour ses travaux.
Pèlerins aux lieux de Don Bosco, nous avons perçu dès le début que la devise Da mihi animas, caetera tolle recueille l’expérience charismatique des origines et le témoignage de beaucoup de confrères d’hier et d’aujourd’hui. Elle nous interroge sur notre capacité à être Don Bosco dans notre temps et nous invite à être des enthousiastes de son projet de sainteté, des témoins joyeux et crédibles de l’esprit salésien, passionnés pour Dieu et dévoués aux jeunes “jusqu’au dernier souffle”. Nous nous trouvons ainsi à la source de la vie consacrée et au cœur de la mission, car dans cette devise se résument la mystique et l’ascétique qui caractérisent la vocation salésienne. Tout cela signifie, pour nous, revenir à Don Bosco et repartir avec lui pour aller à la rencontre des jeunes d’aujourd’hui.
Nous les avons rendus présents comme principaux interlocuteurs pendant toute la durée du Chapitre, en ayant le vif désir de leur révéler l’amour de Dieu. Le front d’action auprès des jeunes est aujourd’hui plus que jamais rempli de défis et de ressources ; il se présente avec des attraits et des difficultés. Il est pour nous indispensable de comprendre les attentes et les besoins des jeunes, d’apprécier les valeurs auxquelles ils sont le plus sensibles et de reconnaître les capacités qui leur sont propres. Nous devons nous rendre compte des menaces et des obstacles qu’ils doivent affronter et surmonter dans leur recherche de vie, sur la route de la liberté, dans l’expérience de l’amour. C’est notre responsabilité, au niveau de notre vocation, d’accepter le défi de cette urgence, de ne pas déserter ce front d’action qui nous appartient. L’éducation et l’évangélisation sont la contribution la plus grande que nous puissions offrir aux jeunes, à l’Eglise et à la société d’aujourd’hui dans l’esprit du système préventif, au moyen des méthodes et des contenus propres à celui-ci.
En accueillant l’invitation du Recteur majeur formulée dans la lettre de convocation, nous avons explicité le “repartir de Don Bosco” sur la base de quatre thèmes : l’urgence d’évangéliser, la nécessité d’appeler, la pauvreté évangélique et les nouveaux fronts d’action. Il ne s’agit pas de thèmes séparés, mais d’aspects constitutifs du programme de vie spirituelle et apostolique de notre Père et Fondateur. Ce sont des éléments de grande actualité, desquels découlent des engagements concrets et exigeants de renouveau. Ce sont nos priorités pour ce moment.
Nous les avons déterminées en nous mettant en résonance avec l’Eglise et à l’écoute de la Congrégation, en portant notre attention sur les différents contextes régionaux, en recueillant les témoignages les plus vivants et les plus prophétiques, en discutant sur les nouvelles pauvretés et sur les défis que l’évangélisation présente à toute l’Eglise, aussi bien dans les pays de vieille tradition chrétienne que dans les pays de mission. La discussion entre nous a été très utile pour nous, aussi bien lors des débats en assemblée que pendant les travaux de commission ; mais l’ont été encore plus le climat de prière et de fraternité qui a caractérisé notre vie en commun, et surtout la parole autorisée du Saint-Père Benoît XVI.
Nous sommes ainsi parvenus à la rédaction du texte que nous présentons maintenant, comme mémoire de l’expérience recueillie et du partage effectué lors de l’effort que nous avons accompli pour déchiffrer et interpréter les signes des temps. Dans ce texte les pôles sont articulés en :
interpellation par Dieu : avec le regard tourné, dans le même temps, vers Don Bosco et vers les jeunes, nous avons fait œuvre de discernement pour percevoir ce que Dieu veut de nous aujourd’hui ;
situation : nous avons rassemblé tout ce que les confrères nous ont offert comme fruit de leur recherche et exposé de leur expérience, et nous avons déterminé tant les aspects positifs que les aspects liés à des problèmes, en étant conscients que Dieu nous parle à travers l’histoire ;
lignes d’action : introduites par quelques idées qui peuvent favoriser le changement dans les mentalités et les structures, elles déterminent sous forme de synthèse les principales priorités que la Congrégation entend affronter au cours de la prochaine période de six années ; elles s’articulent autour d’interventions qui concernent chaque salésien, la communauté, la province, la région et le gouvernement central, et elles proposent des indications qui doivent être assumées et concrétisées dans les différents contextes.
Le fruit de notre travail arrive à présent entre les mains des confrères et devient une invitation au renouveau et à la fidélité à Don Bosco et, à travers lui, à Dieu et aux jeunes. Constituent pour nous un stimulant et un encouragement ces confrères, ces jeunes, ces laïcs et ces autres membres de la Famille salésienne, qui ont porté témoignage par la sainteté à la beauté de notre projet de vie, à la fécondité de l’esprit salésien et à la force spirituelle du Da mihi animas, caetera tolle.
Les prochaines années apparaissent pour nous salésiens comme un temps de grâce. En 2009, le 150ème anniversaire de la fondation de la Congrégation ; en 2010, le centenaire de la mort du bienheureux Michel Rua ; et, en 2015, le bicentenaire de la naissance de Don Bosco : tout cela fait de la prochaine période une saison extraordinaire. Nous aurons moyen de faire mémoire de notre expérience charismatique et d’en approfondir l’histoire, pour la faire devenir nôtre et la vivre avec la passion et le caractère radical du Da mihi animas, caetera tolle, pour la proposer et la partager avec joie et avec la puissance d’une prophétie. Nous avons devant nous un temps favorable pour revenir à Don Bosco et repartir avec lui et comme lui, passionnés pour Dieu et pour les jeunes, attentifs et dociles à l’Esprit, confiants dans la présence de l’Auxiliatrice. C’est un parcours et une grâce que nous voulons partager avec tous les membres de la Famille salésienne.
Les confrères
du 26ème Chapitre Général
“Ce que vous avez appris, reçu, entendu de moi, observé en moi, tout cela, mettez-le en pratique” (Ph 4,9).
« Le Seigneur nous a donné en Don Bosco un père et un maître. Nous l’étudions et nous l’imitons. En lui nous admirons un splendide accord de la nature et de la grâce. Profondément humain, riche des vertus de sa race, il était ouvert aux réalités de ce monde. Profondément homme de Dieu, comblé des dons de l’Esprit Saint, il vivait “comme s’il voyait l’invisible”.
Ces deux aspects se sont fondus dans un projet de vie d’une profonde unité : le service des jeunes. Don Bosco le réalisa avec une constante fermeté au milieu des obstacles et des fatigues, et avec toute la sensibilité d’un cœur généreux. “Pas un de ses pas, pas une de ses paroles, pas une de ses entreprises qui n’ait eu pour but le salut de la jeunesse… En toute vérité il n’eut rien d’autre à cœur que les âmes” » (Const. 21).
A l’écoute de l’Esprit nous sentons que nous sommes appelés à revenir à Don Bosco, considéré comme guide sûr pour marcher à la suite du Christ avec une ardente passion pour Dieu et pour les jeunes, surtout les plus pauvres.
Revenir à Don Bosco signifie l’aimer, l’étudier, l’imiter, l’invoquer et le faire connaître, en nous appliquant à la connaissance de son histoire et à l’étude des origines de la Congrégation, à l’écoute constante des attentes des jeunes et des provocations de la culture d’aujourd’hui. La richesse des sources et des études salésiennes, dont à présent nous disposons, nous permet d’approfondir les motivations qui l’ont conduit à des choix déterminés, les buts et les projets qui progressivement se sont précisés dans son action, la synthèse originale de pédagogie et de pastorale qu’il a atteinte en s’inspirant de Saint François de Sales. En particulier ces éléments nous invitent fortement à découvrir la riche humanité, qui faisait de lui immédiatement un ami des jeunes, et la profonde spiritualité, qui le poussait chaque jour à dédier sa vie à la plus grande gloire de Dieu et au salut des âmes.
Revenir à Don Bosco signifie également approfondir les multiples expressions de la transmission du charisme dans les contextes culturels des différents pays et mettre en valeur l’apport de l’expérience acquise dans la vie par de nombreuses générations de salésiens, parmi lesquels ressortent quelques brillantes figures de sainteté. Cela permet aux confrères, dans chaque Région, de redécouvrir la richesse de la tradition reçue et d’en tirer de l’inspiration pour une insertion authentique du charisme dans la culture.
Revenir à Don Bosco signifie “être dans la cour”, c’est-à-dire se tenir auprès des jeunes, spécialement des plus pauvres, pour découvrir en eux la présence de Dieu et les inviter à s’ouvrir à son mystère d’amour. Don Bosco revient parmi les jeunes d’aujourd’hui à travers le témoignage et l’action d’une communauté qui vit son esprit, animée par la même passion apostolique. Il recommande à chaque salésien de rencontrer les jeunes avec joie dans leur vécu quotidien, et pour cela de s’engager à écouter leurs appels, à connaître leur monde, à encourager leurs actions de protagonistes, à réveiller leur sens de Dieu et à leur proposer des itinéraires de sainteté selon la spiritualité salésienne. C’est sans cesse Don Bosco qui nous demande d’affronter avec audace les défis des jeunes et de donner des réponses courageuses aux crises de l’éducation de notre temps, et pour cela d’impliquer un vaste mouvement de forces au profit de la jeunesse.
Dans le rêve des neuf ans, Don Bosco a reçu Marie comme mère et maîtresse et s’est laissé guider par elle dans la mission en faveur des jeunes. C’est pourquoi, nous aussi, nous la sentons présente dans nos maisons et nous la proposons aux jeunes comme modèle spirituel et aide pour leur croissance.
En approfondissant l’itinéraire spirituel de Don Bosco et en revivant de nos jours sa passion apostolique, nous sentons que nous sommes appelés à faire resplendir la fascination de son charisme, à en montrer la beauté, à en communiquer la force d’attraction. Cela nous engage à développer un témoignage visible et crédible de notre vocation, une démarche radicale à la suite du Christ, un sens fort d’appartenance à l’Eglise, à la Congrégation et à la Famille salésienne, une claire perception de notre identité spirituelle et pastorale. Sans une proposition charismatique, qui captive et implique, le processus d’identification dans la vocation est, en effet, difficile.
Chaque salésien est appelé à regarder vers le cœur du Christ, bon pasteur et apôtre du Père, et à se mettre à sa suite, sur l’exemple de Don Bosco, avec un style de vie d’obéissance, de pauvreté et de chasteté. De cette façon il se dévoue aux jeunes avec générosité, vit avec joie sa vocation dans la communauté et trouve ainsi le chemin de la sainteté.
Don Bosco, qui remet les Constitutions à Don Giovanni Cagliero avant que celui-ci ne parte pour la Patagonie, nous indique la manière de construire aujourd’hui la forme définitive, la “belle copie”, de la Congrégation : lui être fidèles au moyen de l’observance, vécue avec conviction, de notre Règle de vie. La croix, ensuite, qui nous est remise lors de la profession perpétuelle, avec les images qu’elle porte gravées, nous invite à passer notre vie avec les jeunes et pour les jeunes jusqu'au dernier souffle, et à assumer l’invitation de Don Bosco : “cherche à te faire aimer”.
La personne de Don Bosco est toujours attirante et actuelle. Beaucoup de confrères ont le désir de mieux le connaître et de l’imiter dans leur propre vie. Un signe en est donné dans la disponibilité croissante pour participer à des temps de formation qui renvoient aux origines du charisme. Même des jeunes et des laïcs demeurent impliqués dans cet intérêt renouvelé.
Un soutien dans le parcours d’approfondissement de notre expérience spirituelle et apostolique a été offert par la publication de nouvelles études salésiennes et par l’édition critique des sources historiques. Pour éviter une connaissance purement affective ou nostalgique, nous percevons l’exigence de mettre mieux en lumière l’expérience mystique de Don Bosco et d’approfondir la richesse spirituelle et pédagogique de notre tradition, avec une particulière attention à la mise en pratique du système préventif et à son insertion dans les cultures.
En grand nombre et de qualité sont les attestations d’estime et de reconnaissance pour le service éducatif, que nous rendons dans des contextes difficiles et avec des jeunes à risque. Les demandes pressantes de vivre que tant de jeunes nous font parvenir suscitent en nous le besoin de trouver des réponses adéquates et nous donnent la conviction de l’efficacité et de l’actualité du charisme salésien dans le monde d’aujourd’hui.
Les confrères et les communautés apportent un dévouement généreux au service éducatif et pastoral. Ils réalisent un intense travail pour les jeunes défavorisés, les pauvres, les milieux populaires, au moyen d’une multiplicité d’œuvres et d’initiatives. Devant des situations d’urgence éducative, nous nous laissons interpeller et souvent nous savons trouver les moyens et les modalités pour une réponse adéquate.
La passion de quelques confrères fait tache d’huile et enthousiasme de nombreux adultes qui, de collaborateurs, deviennent coresponsables et, de cette façon, rendent possibles la vie et l’action des communautés éducatives et pastorales. Nous apprécions aussi la disponibilité de nombreux jeunes pour être des protagonistes : ils deviennent apôtres de leurs compagnons jusqu’à faire mûrir des choix de vocation à une consécration spéciale. Parfois cependant le type de gestion de l’œuvre empêche une présence plus directe des confrères au milieu des jeunes et des laïcs, en absorbant leurs énergies dans des tâches qui pourraient être confiées à d’autres.
On doit constater que, pour un bon nombre de confrères, le monde des jeunes se présente difficile et lointain, avec la crainte et la sensation de ne pas être préparés de façon adéquate. La difficulté à comprendre leurs langages accentue le fait de se sentir étranger à leur culture, et cela peut se traduire par une distance physique et affective.
Beaucoup de confrères se sont engagés dans le renouveau de la vie spirituelle. Cela se manifeste dans le climat joyeux d’un bon nombre de communautés, dans le dynamisme pastoral qui les anime et dans la profondeur de leur vie de prière. Beaucoup ont trouvé dans leur projet personnel de vie et dans celui de la communauté une aide pour leur propre croissance. Nous ne pouvons pas oublier, d’autre part, les nombreux confrères âgés et malades qui vivent avec sérénité et esprit de foi, qui offrent leur maladie pour le salut des jeunes, qui soutiennent la communauté par la prière. Là où cela s’est produit, on a constaté une heureuse implication d’adultes et de jeunes dans l’unique mission, surtout quand leur a été offert un parcours de formation.
Avec souffrance nous reconnaissons toutefois que dans les communautés sont entrés des modèles de vie marqués d’individualisme, de confort, d’embourgeoisement, d’immobilisme, de refus des signes visibles de la vie consacrée. Ce sont des dangers contre lesquels déjà Don Bosco avait mis en garde les premiers salésiens.
L’activisme et la recherche de l’efficacité, le manque d’un projet communautaire, l’individualisme, une distribution des tâches insuffisante ou désordonnée sont des obstacles à la prière, rendent fragile la vie intérieure, refroidissent les relations fraternelles, diminuent les attentions envers chaque confrère. Affaiblir l’ascétique du caetera tolle nuit à la passion apostolique, qui trouve son inspiration et son expression dans le da mihi animas.
Ces lumières et ces ombres des communautés montrent avec clarté les difficultés que rencontre notre vie consacrée pour réaliser la synthèse demandée par le Concile Vatican II entre la sequela Christi, le charisme du Fondateur et l’adaptation aux conditions changeantes des temps (PC 2).
7 Processus à mettre en place pour le changement
Pour affronter les exigences de l’interpellation par Dieu et les défis qui proviennent de la situation et pour réaliser les lignes d’action qui en découlent, il est nécessaire de convertir les mentalités et de modifier les structures, en passant :
Revenir à Don Bosco
8 S’engager à aimer, à étudier, à imiter, à invoquer et à faire connaître Don Bosco, pour repartir de lui.
12 Que le Recteur majeur avec son Conseil
Revenir aux jeunes
13 Revenir aux jeunes, spécialement aux plus pauvres, avec le cœur de Don Bosco.
18 Que le Recteur majeur avec son Conseil
Identité charismatique et passion apostolique
19 Redécouvrir le sens du Da mihi animas, caetera tolle comme programme de vie spirituelle et pastorale.
“Annoncer l’Evangile n’est pas un motif d’orgueil pour moi, c’est une nécessité qui s’impose à moi : malheur à moi si je n’annonce pas l’Evangile” (1 Co 9,16).
« “Cette Société était à ses origines un simple catéchisme”. Pour nous aussi, l’évangélisation et la catéchèse sont la dimension fondamentale de notre mission. Comme Don Bosco, nous sommes appelés, tous et en toute occasion, à être des éducateurs de la foi. Notre science la plus éminente est donc de connaître Jésus-Christ, et notre joie la plus profonde est de révéler à tous les insondables richesses de son mystère. Nous cheminons avec les jeunes, pour les conduire à la personne du Seigneur ressuscité afin que, découvrant en Lui et dans son Evangile le sens suprême de leur existence, ils grandissent en hommes nouveaux » (Const. 34).
“Le mot évangélisation a un sens très riche. Au sens large, il résume l’entière mission de l’Eglise : en effet, toute sa vie consiste à réaliser […] l’annonce et la transmission de l’Evangile, qui est « puissance de Dieu pour le salut de quiconque croit » (Rm 1,16) et qui, au sens le plus profond, s’identifie avec Jésus Christ (cf. 1 Co 1,24). […] En tout cas, évangéliser signifie non seulement enseigner une doctrine, mais plutôt annoncer le Seigneur Jésus par des paroles et des actions, c’est-à-dire se faire un instrument de sa présence et de son action dans le monde” (Congrégation pour la Doctrine de la foi, Note doctrinale sur certains aspects de l’évangélisation, n. 2). Insérés dans l’Eglise et guidés par l’Esprit, nous travaillons pour l’avènement du Royaume de Dieu, “en apportant aux hommes le message de l’Evangile, étroitement lié au développement de l’ordre temporel” (Const. 31).
La source de toute l’œuvre d’évangélisation réside dans la rencontre personnelle avec le Christ. Cette expérience est pour nous un événement quotidien qui se renouvelle dans l’écoute de la Parole de Dieu, dans la participation au mystère pascal à travers la liturgie et les sacrements, dans le partage fraternel et dans le service apporté aux jeunes.
Marie, qui la première a accueilli et porté l’annonce du Salut, nous enseigne à réaliser des communautés évangélisées et des communautés évangélisatrices. D’elle nous apprenons que la profondeur de l’expérience de Dieu est la racine de la mission et que la première et principale voie d’évangélisation est le témoignage de la foi. Ce témoignage devient plus convaincant lorsque nous nous approchons des jeunes en amis et que nous les accompagnons en pères et en maîtres, tout rayonnants de joie et d’espérance. De cette manière nous transmettons celui en qui nous croyons et nous montrons par notre vie celui que nous annonçons.
Nous percevons l’évangélisation comme l’urgence principale de notre mission, conscients que les jeunes ont le droit d’entendre l’annonce de la personne de Jésus présentée comme source de vie et promesse de bonheur dans le temps présent et dans l’éternité. Donc notre “tâche fondamentale s’avère être de proposer à tous de vivre l’existence humaine comme Jésus l’a vécue. […] Doivent être au centre de [l’] action apostolique l’annonce de Jésus Christ et de son Evangile, ainsi que l’appel à la conversion, à l’accueil de la foi et à l’insertion dans l’Eglise ; de là ensuite naissent les chemins de foi et de catéchèse, la vie liturgique, le témoignage de la charité active” (Benoît XVI, Lettre au P. Pascual Chávez Villanueva, Recteur majeur des Salésiens, à l’occasion du 26ème Chapitre général, 1er mars 2008, n. 4).
A travers l’Eglise, le Seigneur Jésus nous appelle à réaliser une nouvelle évangélisation : “nouvelle dans son ardeur, dans ses méthodes et dans ses expressions” (Jean-Paul II, Discours à l’assemblée du CELAM, 9 mars1983). Cela nous engage à préparer, avec créativité et audace, des itinéraires diversifiés pour conduire les jeunes à la rencontre personnelle avec le Christ, de manière qu’ils fassent mûrir la volonté de le suivre et deviennent des apôtres de l’Evangile, des constructeurs d’un monde nouveau. Cette tension est l’âme de toute notre intervention éducative ; nous devons la communiquer également aux laïcs en les impliquant de plus en plus dans des tâches pastorales.
L’évangélisation demande de sauvegarder à la fois l’intégralité de l’annonce et la progression par étapes dans la proposition. Don Bosco eut cette double attention pour pouvoir proposer à tous les jeunes une profonde expérience de Dieu, en tenant compte de leur situation concrète.
Dans la tradition salésienne nous avons formulé ce rapport par diverses expressions : par exemple “d’honnêtes citoyens et de bons chrétiens” ou bien “évangéliser en éduquant et éduquer en évangélisant”. Nous percevons l’exigence de continuer la réflexion sur ce délicat rapport. En tout cas, nous sommes convaincus que l’évangélisation propose à l’éducation un modèle d’humanité pleinement réussie et que l’éducation, quand elle arrive à toucher le cœur des jeunes et développe le sens religieux de la vie, favorise et accompagne le processus d’évangélisation : “Sans éducation, en effet, il n’y a pas d’évangélisation durable et profonde, il n’y a pas de croissance et de marche vers la maturité, on n’obtient pas de changement de mentalité et de culture” (Benoît XVI, Lettre au P. Pascual Chávez Villanueva, Recteur majeur des Salésiens, à l’occasion du 26ème Chapitre général, 1er mars 2008, n. 4).
C’est pourquoi, dès le premier instant, l’éducation doit s’inspirer de l’Evangile et l’évangélisation doit s’adapter à la condition évolutive du jeune. C’est seulement ainsi qu’il pourra découvrir dans le Christ sa véritable identité personnelle et croître vers la pleine maturité ; c’est seulement ainsi que l’Evangile pourra toucher en profondeur son cœur, le guérir du mal et l’ouvrir à une foi libre et personnelle.
Conscients que nous sommes appelés à éduquer et à évangéliser aussi les mentalités, les langages, les mœurs et les institutions, nous nous engageons à développer le dialogue entre la foi, la culture et les religions ; cela aidera à éclairer avec l’Evangile les grands défis présentés à la personne humaine et à la société par des changements propres à notre époque et à transformer le monde au moyen du levain du Royaume.
L’urgence de porter l’annonce du Seigneur Ressuscité nous entraîne à être confrontés à des situations qui résonnent en nous comme un appel et une préoccupation : les peuples non encore évangélisés, la laïcisation qui menace des terres de longue tradition chrétienne, le phénomène des migrations, les nouvelles et dramatiques formes de pauvreté et de violence, l’expansion de mouvements et de sectes. Nous sentons que nous sommes interpellés aussi par quelques événements, comme le dialogue œcuménique, le dialogue interreligieux et le dialogue interculturel, comme la nouvelle sensibilité pour la paix, pour la sauvegarde des droits de l’homme et pour celle de la création, comme les nombreuses expressions de solidarité et de volontariat qui de plus en plus se répandent dans le monde.
Ces éléments, reconnus dans les Exhortations apostoliques qui ont suivi les Synodes des divers continents, constituent des défis pour toute l’Eglise et nous engagent à trouver de nouvelles voies pour communiquer l’Evangile de Jésus Christ dans le respect et la mise en valeur des cultures locales. De là ressort l’exigence pour chacune de nos régions et chacune de nos provinces de s’efforcer de déterminer les formes les plus appropriées pour réaliser la mission commune dans la spécificité des contextes.
Beaucoup de confrères vivent avec intensité la passion pour Dieu et pour les jeunes. Elle se manifeste dans le désir d’une vie consacrée plus prophétique, qui se caractérise par la profondeur spirituelle, la fraternité sincère et le courage apostolique. De cette manière, en vivant et en travaillant ensemble, ils ont le sentiment de pouvoir donner un témoignage authentique et joyeux du charisme et aussi le sentiment que, par leur intermédiaire, les jeunes sont attirés à être confrontés sérieusement à la proposition chrétienne et à la vie consacrée elle-même.
D’autre part, on rencontre la superficialité spirituelle, l’activisme frénétique, le style de vie bourgeoise, la faiblesse du témoignage évangélique, le dévouement non total à la mission. Cela se traduit par l’embarras éprouvé pour faire apparaître sa propre identité de personne consacrée et par la timidité pour accomplir une tâche apostolique. La complexité de certaines œuvres risque parfois d’absorber les énergies des confrères dans des tâches de gestion, ce qui affaiblit leur engagement premier d’éducateurs et d’évangélisateurs.
L’éducation des jeunes à la foi, relancée par le CG23, voit l’engagement généreux de beaucoup de confrères pour proposer des expériences et des parcours diversifiés selon les âges, adaptés aux différentes conditions des jeunes et aux diverses réalités culturelles. Malgré cela, on constate que l’invitation à construire des itinéraires pour conduire les jeunes à rencontrer le Seigneur Jésus n’a pas été pleinement accueillie.
Nos initiatives ne sont pas toujours clairement orientées vers l’éducation de la foi. Les processus de catéchèse sont faibles et dans bien des cas ils ne suscitent pas chez les jeunes une vie sacramentelle convaincue et régulière, une véritable appartenance à l’Eglise et un courageux engagement apostolique. Le manque d’organisation et de continuité, fruit aussi d’une insuffisance de réflexion et d’étude, a parfois conduit à mettre en place une pastorale des initiatives et des événements plus que des processus. Dans d’autres cas les propositions n’ont pas été suffisamment insérées dans les parcours des églises locales.
Dans de nombreux contextes on fait l’expérience d’une certaine fatigue due à l’éloignement de la foi de la part des jeunes, aux résistances provoquées par une mentalité laïcisée répandue même parmi les familles, à un respect mal compris des traditions religieuses non chrétiennes, au manque de courage de la part des éducateurs.
Nous percevons que le charisme salésien fait partie d’une manière vivante des Eglises locales et qu’il est estimé d’elles. Le Système préventif de Don Bosco est plus actuel que jamais et jouit en tout lieu d’une grande force d’attraction. Beaucoup de jeunes sont ouverts à la recherche d’un sens pour leur vie et disposés à accueillir une proposition sérieuse et courageuse d’éducation et de vie chrétienne. Il ne manque pas de jeunes prêts à prendre un engagement personnel direct dans l’évangélisation de leurs copains du même âge, en particulier dans le cadre d’associations. D’autres au contraire, victimes du manque d’attention à leur égard de la part de la société d’aujourd’hui, ont besoin de notre aide pour parvenir à avoir conscience des demandes profondes que pourtant ils portent en eux.
Nous constatons la croissance du nombre de laïcs et de membres de la Famille salésienne qui sont coresponsables non seulement pour des questions d’organisation, mais aussi dans la prise en charge de tâches pastorales dans nos œuvres et dans leur propre milieu de vie. Souvent, cependant, nous ne nous sommes pas préoccupés d’une manière adéquate de leur offrir une formation systématique.
Nous sommes héritiers d’une forte tradition dans le domaine de la recherche et des publications relatives à la catéchèse et à la pastorale des jeunes. Nous percevons toutefois qu’il y a le danger de voir diminuer cet engagement, étant donné la difficulté rencontrée pour trouver et préparer du personnel spécialisé et pour coordonner les initiatives. Nous percevons également la difficulté rencontrée pour être présents de manière significative dans le dialogue entre la foi, la culture et les religions qui constitue aujourd’hui un défi fondamental pour notre mission.
Une impulsion a été donnée aux institutions d’éducation supérieure pour répondre aux exigences de préparation scolaire et professionnelle des jeunes. Ces centres sont fréquentés par des étudiants de nationalités, de cultures et de religions diverses. Cela comporte l’engagement d’assurer non seulement la qualité de l’enseignement et de la recherche, mais aussi l’identité salésienne et la proposition d’évangélisation.
Dans les régions de récente évangélisation nous rencontrons des milieux qui sont disposés à accueillir l’Evangile. L’emplacement en milieu populaire de nos œuvres permet le contact avec beaucoup de gens et offre la possibilité d’œuvrer de diverses manières au service de la foi. La missio ad gentes, qui est une partie essentielle de notre charisme, continue à susciter de l’enthousiasme chez des confrères qui s’offrent pour la mission et à impliquer de nombreux jeunes dans des projets de volontariat. Nous nous engageons à connaître et à comprendre les cultures, les langues, les religions et les traditions locales pour y insérer l’Evangile. Dans quelques pays en voie de développement il y a des communautés qui jouent un rôle prophétique dans le domaine de la justice sociale.
Dans les pays de longue tradition chrétienne il reste des expressions du sentiment religieux populaire qui sont une grande richesse pour la transmission de la foi et qui méritent d’être mieux conservées, développées et, si nécessaire, purifiées. Dans le monde occidental on perçoit cependant une crise diffuse de la culture qui s’inspire des valeurs chrétiennes, de manière que l’Eglise n’est plus une référence autorisée pour beaucoup de personnes et d’institutions. De là jaillit une difficulté particulière pour proposer l’Evangile et pour éduquer à la foi.
Beaucoup de nos œuvres ont une action qui se déroule dans un contexte, aux multiples religions, aux multiples ethnies et aux multiples cultures, qui présente de nouveaux défis et de nouvelles occasions à l’évangélisation. Dans ces œuvres apparaît d’une manière particulière la relation avec l’Islam, qui exige la définition de stratégies adéquates de dialogue et d’annonce. Là où n’est pas possible une annonce explicite ou immédiate de Jésus Christ, notre présence d’éducateurs chrétiens constitue un signe prophétique et dépose une graine précieuse d’évangélisation.
Pour affronter les exigences de l’interpellation par Dieu et les défis qui proviennent de la situation et pour réaliser les lignes d’action qui en découlent, il est nécessaire de convertir les mentalités et de modifier les structures, en passant :
Communauté évangélisée et communauté évangélisatrice
32 Mettre la rencontre avec le Christ dans la Parole et dans l’Eucharistie au centre de nos communautés, pour être des disciples authentiques et des apôtres crédibles.
Place centrale de la proposition de Jésus Christ
36 Proposer avec joie et courage aux jeunes de vivre l’existence humaine comme l’a vécue Jésus Christ.
40 Que le Recteur majeur avec son Conseil
Evangélisation et éducation
41 Veiller avec soin dans chaque milieu à rendre plus efficace l’intégration d’une évangélisation et d’une éducation selon la logique du Système préventif.
45 Que le Recteur majeur avec son Conseil
Evangélisation dans les différents contextes
46 Adapter à la culture le processus d’évangélisation pour apporter une réponse aux défis des contextes régionaux.
51 Que le Recteur majeur avec son Conseil
“Levez les yeux et regardez ; déjà les champs sont blancs pour la moisson” (Jn 4, 35).
« En réponse aux besoins de son peuple, le Seigneur ne cesse d’adresser des appels à le suivre et de prodiguer les dons les plus variés pour le service de son Royaume. Nous sommes persuadés que beaucoup de jeunes sont riches de ressources spirituelles et présentent des germes de vocation apostolique. Nous les aidons à découvrir, à accueillir et à mûrir le don de la vocation, qu’elle soit laïque, consacrée ou sacerdotale, pour le bien de toute l’Eglise et de la Famille salésienne. Avec la même attention, nous prenons soin des vocations d’adultes » (Const. 28).
Nous reconnaissons avec gratitude que la vocation salésienne est une grâce que nous avons reçue de Dieu. Il nous a appelés à vivre à la suite du Christ obéissant, pauvre et chaste, à l’intérieur d’une communauté fraternelle, avec une mission auprès des jeunes, selon l’exemple de Don Bosco. La générosité de confrères et l’exemple de communautés qui vivent la primauté de Dieu, l’esprit de famille et le don de soi à la mission sont la première et la plus belle proposition de vocation que nous puissions offrir aux jeunes.
Nous sommes conscients qu’un jeune découvre l’appel à la vie consacrée salésienne quand il rencontre une communauté significative, un modèle dans lequel il peut trouver son identité, une expérience de vie spirituelle et d’engagement apostolique, l’aide d’un guide qui l’accompagne vers le choix du Christ et le don de soi.
Le manque de vocations vécu par quelques provinces, tandis qu’il nous oblige à une inévitable vérification, nous interpelle à intensifier l’authenticité de notre vie et à faire grandir notre capacité à faire des propositions. Nous sommes, en effet, convaincus que Dieu continue à appeler beaucoup de jeunes au service du Royaume et que les facteurs qui peuvent favoriser leur réponse sont divers.
Nous ressentons aujourd’hui plus fortement que jamais le défi d’établir une culture de la vocation dans chaque milieu, de manière que les jeunes découvrent la vie comme un appel et que toute la pastorale salésienne devienne réellement une pastorale de la vocation. Cela demande d’aider les jeunes à surmonter la mentalité marquée d’individualisme et la culture de l’autoréalisation, qui les pousse à projeter l’avenir sans se mettre à l’écoute de Dieu ; cela demande aussi d’impliquer et de former les familles et les laïcs.
Un engagement particulier doit être porté pour susciter chez les jeunes la passion apostolique. Comme Don Bosco nous sommes appelés à les encourager à être apôtres de leurs copains, à assumer diverses formes de service ecclésial et social, à s’engager dans des projets missionnaires. Pour favoriser un choix de vocation avec engagement apostolique, on devra proposer à ces jeunes une vie spirituelle plus intense et un accompagnement personnel systématique.
Tel est le terrain dans lequel fleuriront des familles capables d’un témoignage authentique, des laïcs engagés à tous les niveaux dans l’Eglise et dans la société et aussi des vocations pour la vie consacrée et pour le ministère.
Don Bosco, tout en œuvrant avec une inlassable générosité pour encourager diverses formes de vocations dans l’Eglise, appelait quelques jeunes à demeurer pour toujours avec lui. Pour nous aussi, la proposition de la vocation consacrée salésienne, adressée aux jeunes, fait partie de la fidélité à Dieu en raison du don reçu. C’est à cela que nous pousse le désir de partager la joie de suivre le Seigneur Jésus, en demeurant avec Don Bosco, pour donner de l’espérance à de nombreux autres jeunes du monde entier.
Encourager les vocations consacrées exige quelques choix fondamentaux : la prière constante, l’annonce explicite, la proposition courageuse, le discernement sérieusement mené, l’accompagnement personnalisé. La prière doit être un engagement quotidien des communautés et doit impliquer les jeunes, les familles, les laïcs, les groupes de la Famille salésienne. L’annonce demande de mettre en valeur les multiples occasions qui se présentent dans le cours de l’année liturgique pour parler de la vocation. La proposition et le discernement exigent cette proximité cordiale qui suscite la confiance et permettent de deviner les signes de vocation qu’un jeune peut manifester. L’accompagnement demande d’aider les jeunes à intensifier leur vie spirituelle, à faire l’expérience de formes adaptées d’apostolat, à vivre l’expérience de vie en communauté, à connaître la Congrégation, à vérifier les motivations et à mettre en œuvre les dynamiques qui conduisent à une décision.
Nous reconnaissons qu’il est nécessaire que chaque province ait des communautés de vocations ou des maisons de vocations qui puissent accueillir les jeunes en recherche pour eux-mêmes d’une rencontre avec la vie consacrée salésienne. D’autre part, dans l’animation des vocations, il faut mettre en valeur, avec des modalités diverses, l’apport indispensable des familles.
Don Bosco a voulu que la Congrégation se caractérise par la présence, sous l’angle de la complémentarité, de salésiens laïcs et de salésiens marqués d’un ministère ordonné. Nous sommes donc appelés à rendre prioritaire et visible l’unité de la consécration apostolique, tout en la réalisant sous les deux formes différentes. Ce que nous pouvons faire en renforçant la primauté de Dieu et la suite radicale du Christ en tant que fondement de notre vie.
La consécration apostolique salésienne donne à la manière d’être un ministre ordonné la connotation particulière d’éducateur, en mettant l’annonce de la Parole, la célébration liturgique et la conduite de la communauté au service de la croissance des jeunes ; c’est l’apport spécifique que doit offrir le ministre aux communautés éducatives et pastorales, ainsi qu’aux Eglises locales.
La même consécration caractérise le salésien coadjuteur, en en faisant un éducateur et un évangélisateur à plein temps, capable de porter dans tous les domaines de l’éducation et de la pastorale la valeur de son état de laïc et d’être proche des jeunes et des réalités du travail (cf. Const. 45).
Conscients que la Congrégation compromettrait son identité, si elle ne conservait pas cette complémentarité, nous sommes appelés à approfondir l’originalité salésienne du ministère ordonné et à soutenir davantage la vocation du salésien coadjuteur.
Beaucoup de confrères respirent la joie de vivre et s’emploient pour établir un milieu favorable à la naissance des vocations. L’attitude d’un bon nombre de salésiens qui accueillent les jeunes avec des gestes simples mais significatifs, tels que la salutation cordiale, la conversation amicale, la présence pleine d’animation, devient un témoignage pour la vocation. L’exemple d’un âge avancé serein et actif et l’offrande patiente des confrères malades, qui savent donner à leur vie “une nouvelle signification apostolique” (Const. 53), peut faire connaître aux jeunes la beauté d’une existence donnée et encore féconde.
Le manque de vocations a sensibilisé les communautés et les confrères à la réflexion sur la manière de mener aujourd’hui une animation au sujet des vocations. En invitant les jeunes, les laïcs et les familles à se joindre à elles, beaucoup de communautés prient pour les vocations, avec différentes modalités de prière et de célébration.
D’autre part, notre vie ne manifeste pas toujours la place centrale de Dieu et un style inspiré par les béatitudes. Parfois nous ne sommes pas disponibles pour accueillir les jeunes en communauté. Nous trouvons aussi des difficultés pour assurer un accompagnement éducatif et spirituel. L’individualisme sur le plan pastoral affaiblit la valeur du “vivre et travailler ensemble” et rend peu crédible l’invitation à partager notre vie fraternelle. Les comportements qui ne sont pas en accord avec la vie consacrée, en particulier avec le vœu de chasteté, et les sorties de la Congrégation influent négativement sur les choix des jeunes. Egalement la culture propagée par les médias, qui souvent banalisent l’affectivité et offrent une image déformée de la personne consacrée, constitue un obstacle pour qu’on puisse se reconnaître dans cette vocation.
Beaucoup de communautés s’appliquent à attribuer de l’importance à la dimension de la pastorale des jeunes sur le plan de la vocation. Néanmoins, on constate le risque d’une action menée dans l’improvisation et au rythme des occasions ; souvent on propose des expériences significatives mais isolées, fruit d’activités non coordonnées entre la pastorale des jeunes et l’animation des vocations.
La crise de la famille, la mentalité courante qui est empreinte de relativisme et qui porte à un usage immodéré des biens de consommation, l’influence négative des médias sur la conscience et sur les comportements constituent un obstacle fort pour la culture des vocations. Nous n’avons pas toujours rendu sensibles de manière opportune les communautés éducatives et pastorales aux questions de l’apostolat et des vocations ; et nous n’avons pas toujours mis en valeur la coresponsabilité dei laïcs et la collaboration avec les groupes de la Famille salésienne.
La présence de nombreux jeunes dans nos milieux est l’occasion pour développer le dialogue sous l’angle de l’éducation, pour entrer en confidence, pour les aider à découvrir les desseins de Dieu sur leur vie, pour les inviter au don de soi. Cependant nous ne savons pas toujours susciter en eux le désir de devenir apôtres parmi leurs copains, au moyen de la proposition de parcours spirituels et d’engagements diversifiés de service. Nous risquons de cette façon d’abaisser au plus bas le niveau de la proposition et de ne pas savoir susciter des vocations apostoliques, en nous privant du contexte naturel dans lequel peuvent mûrir des vocations dans une consécration spéciale.
Il y a quelques provinces qui ont un engagement pour les vocations bien structuré et partagé. Elles ont mis en place des groupes de recherche, des récollections spirituelles dont le thème porte sur la vocation, des expériences de volontariat, des communautés qui constituent une proposition et de nouvelles formes de maison de vocations. Elles utilisent aussi les moyens de la communication sociale pour favoriser la connaissance du charisme de Don Bosco.
Est assez courante la pratique de faire rencontrer les confrères en formation initiale avec les jeunes en recherche de vocation ; cela s’avère particulièrement utile parce que les jeunes, au moyen de ce témoignage, peuvent découvrir la vie consacrée comme une modalité attrayante de vie chrétienne.
Les adolescents et les jeunes sont généreux, mais ils montrent des difficultés à assumer un engagement suivi. La mentalité du recrutement porte quelquefois à avoir des candidats à la vie consacrée qui présentent de la fragilité dans leurs motivations. Malheureusement certains jeunes sont introduits dans les étapes de formation sans avoir l’aptitude suffisante. D’autres ont derrière eux une situation familiale difficile qu’il faut connaître et dont il faut tenir compte de manière à ne pas compromettre leur marche vers la maturité. L’animation des vocations est orientée presque exclusivement vers les étudiants, tandis que nous négligeons les jeunes ouvriers.
Dans l’accompagnement spirituel on trouve parfois un manque de préparation chez les salésiens. En outre, dans l’organisation des initiatives et des propositions en vue de la vocation, on note encore des faiblesses tant au niveau provincial qu’au niveau local. Quand la continuité n’est pas assurée au moyen de projets, le changement de fonction des confrères engagés dans l’animation des vocations s’avère particulièrement délicat. Dans quelques provinces il n’y a pas de communautés d’accompagnement des vocations.
Beaucoup de salésiens prêtres vivent leur ministère au service des jeunes, dans un style éducatif fidèle aux intuitions de Don Bosco. Dans quelques cas cependant on rencontre un vague pastoral et une prise en charge partielle de l’identité charismatique. Cela invite à caractériser de mieux en mieux les itinéraires de la formation spécifique.
Souvent la vocation du salésien coadjuteur n’est pas connue, car il se trouve qu’elle a peu de visibilité et qu’elle est faiblement présentée. Cela dépend entre autres de sa mise en œuvre, pour la majorité des cas, dans des rôles de gestion et pas directement dans l’activité auprès des jeunes. Dans les maisons de vocations, dans les prénoviciats et les noviciats, cette figure n’est pas toujours présentée avec un relief adéquat. Dans certains contextes demeure le préjugé que la vocation du salésien prêtre est plus importante que celle du coadjuteur. Egalement la diminution de notre présence au milieu des jeunes ouvriers a pesé négativement sur la proposition de cette vocation.
Là où, au contraire, pour un nombre significatif, des salésiens coadjuteurs, culturellement et professionnellement qualifiés, sont placés dans des rôles de responsabilité, alors on favorise la visibilité de cette vocation et on suscite chez les jeunes le désir de la suivre. La naissance dans toutes les régions de l’étape de la formation spécifique du salésien coadjuteur a été positive.
Pour affronter les exigences de l’interpellation par Dieu et les défis qui proviennent de la situation et pour réaliser les lignes d’action qui en découlent, il est nécessaire de convertir les mentalités et de modifier les structures, en passant :
Témoignage comme première proposition de vocation
61 Témoigner avec courage et avec joie de la beauté d’une vie consacrée, toute donnée à Dieu dans la mission auprès des jeunes.
Vocations à l’engagement apostolique
65 Susciter chez les jeunes l’engagement apostolique pour le Royaume de Dieu avec la passion du "Da mihi animas, caetera tolle" et favoriser leur formation.
*soit convaincu que chaque jeune reçoit une mission de Dieu ; qu’il l’accompagne à la découvrir.
Accompagnement des candidats à la vie consacrée salésienne
69 Faire la proposition explicite de la vie consacrée salésienne et promouvoir de nouvelles formes pour l’accompagnement des vocations et pour la maison de vocations.
73 Que le Recteur majeur avec son Conseil
Les deux formes de la vocation consacrée salésienne
74 Développer la complémentarité et la spécificité des deux formes de l’unique vocation salésienne et assumer un engagement renouvelé pour la vocation du salésien coadjuteur.
78 Que le Recteur majeur avec son Conseil
“Si tu veux être parfait, va, vends ce que tu possèdes, donne-le aux pauvres et tu auras un trésor dans les cieux ; puis viens, suis-moi” (Mt 19, 21).
« Don Bosco a vécu la pauvreté comme un détachement du cœur et un service généreux de ses frères, dans un style de vie austère, ingénieux et riche d’initiatives. A son exemple, nous vivons nous aussi dans le détachement de tout bien terrestre et, avec un esprit entreprenant, nous participons à la mission de l’Eglise et à son effort pour la justice et la paix, en particulier par l’éducation de ceux qui sont dans le besoin. Le témoignage de notre pauvreté, vécue dans la communion des biens, aide les jeunes à surmonter l’instinct de possession égoïste et les ouvre au sens chrétien du partage » (Const. 73).
En assumant la condition humaine, le Seigneur Jésus a choisi de naître et de vivre pauvrement, s’est confié totalement au Père et a partagé la situation de vie des pauvres, en les proclamant bienheureux en tant que destinataires de la Bonne Nouvelle et héritiers du Royaume. Il a demandé à quelques-uns de tout quitter pour le suivre de plus près : par leur vie, ils annonceraient que Dieu est la vraie richesse. C’est de cet appel que naît la pauvreté du salésien, pauvreté qui exprime l’abandon confiant entre les mains du Père, la proximité et le service des pauvres, la béatitude d’une existence remplie de l’amour pour Dieu et pour les frères.
Don Bosco, homme aux humbles origines, fit l’expérience dès l’enfance des privations et des valeurs d’une existence pauvre. A l’école de maman Marguerite il apprit le goût pour le travail et la sobriété, la sérénité dans les épreuves et la solidarité avec ceux qui sont dans le besoin. En mettant une confiance totale dans la Providence, il décida de vivre pauvrement et de dépenser toutes ses énergies pour les jeunes auxquels Dieu l’avait envoyé : “Pour vous j’étudie, pour vous je travaille, pour vous je vis, pour vous je suis disposé à donner jusqu’à ma vie” (Const. 14). Le détachement de tout ce qui rend insensible à Dieu et fait obstacle à la mission est le sens profond du cetera tolle et constitue le critère pour vérifier notre manière de vivre la pauvreté.
La première manifestation de la pauvreté est la remise totale de soi à Dieu, dans la disponibilité aux exigences des jeunes ; cela comporte le renoncement à soi-même et aux projets individuels pour partager ceux de la communauté. Conscients de l’avertissement de Don Bosco au sujet des commodités de l’existence et du confort, nous sommes appelés à vivre un style de vie austère, à assumer un travail inlassable sans céder à l’activisme, à maintenir notre cœur libéré de l’attachement à des biens et à des instruments. En particulier la communauté se sent appelée à rechercher des formes institutionnelles de témoignage qui expriment une pauvreté crédible et prophétique.
En raison de notre vocation, nous sommes appelés à nourrir, avec une attention et un sens du partage, une écoute du cri des pauvres et à leur proposer l’annonce du Royaume en tant que fondement de la véritable espérance et du vrai levain d’un monde nouveau. Cela comporte le choix préférentiel pour les jeunes qui sont le plus dans le besoin, l’attention à ce qui leur est nécessaire, le partage de leur situation, l’abandon, en la surmontant, d’une mentalité qui ne connaît que des gestes d’assistance à outrance et de paternalisme, l’engagement à faire d’eux les protagonistes de leur développement.
Fidèles à notre charisme, nous ne nous contentons pas d’offrir des aides immédiates, mais nous entendons dénoncer et contrecarrer les causes de l’injustice, en contribuant à établir une culture de la solidarité, en développant par l’éducation la conscience morale, la citoyenneté active, la participation politique, le respect du milieu, en proposant des initiatives et des projets d’intervention, en collaborant avec des organismes et des institutions qui favorisent la vie. Cet engagement demande de renouveler dans les communautés et dans les milieux éducatifs la sensibilité à ces thèmes et de surmonter l’embourgeoisement qui provoque de l’indifférence au drame mondial de la pauvreté.
Don Bosco nous rappelle “que ce que nous avons n’est pas à nous, mais aux pauvres ; malheur à nous si nous n’en faisons pas un bon usage” (Const. 79). La pratique de la pauvreté demande, pour les ressources qui nous sont confiées, une gestion qui soit en accord avec les buts de la mission, responsable, transparente et solidaire. Cela signifie entre autres une présentation des comptes claire et complète, un usage raisonnable et optimal des biens immeubles, un esprit d’initiative pour trouver les ressources nécessaires pour assurer les conditions de maintien des œuvres, le respect des règles dans les contrats de travail, l’attention à la situation du milieu social dans lequel nous sommes placés, la démarche pour redécouvrir la valeur de la gratuité dans l’hospitalité et pour certains services rendus, la solidarité avec les communautés, les provinces et la Congrégation.
Les défis de l’illégalité courante, de l’injustice planétaire et de l’accaparement des biens de la part d’un petit nombre de personnes nous appellent à dénoncer ces scandales et à élaborer une culture de ce qui est essentiel, de la distribution équitable des ressources, du développement soutenable. La pauvreté assume de cette façon une forte valeur éducative : elle affirme la primauté de l’être sur l’avoir, réalise une authentique solidarité chrétienne avec les pauvres, conteste les styles de vie marqués par la consommation à outrance.
En général les confrères offrent le témoignage d’un travail généreux et d’un don de soi gratuit jusqu’à un âge avancé, en mettant au service des pauvres ce qu’ils sont et ce qu’ils ont ; malgré la diminution du nombre des confrères, les communautés font marcher de nombreuses œuvres sur des fronts diversifiés.
Parfois nous risquons de réduire l’exercice de la pauvreté à n’être qu’une question de dépendance du supérieur ; on constate aussi une gestion irrégulière de l’argent et de comptes personnels. La sobriété n’est pas toujours vécue dans la nourriture, dans le logement, dans les voyages, dans l’utilisation des instruments de communication, dans l’organisation des temps de repos, dans le soin de la santé. Dans certains contextes se produisent, d’une manière exagérée, un attachement et un soutien à la famille d’origine, qui ne sont pas en accord avec le vœu de pauvreté.
Dans de nombreuses communautés on vit le partage des biens et l’on aide les familles qui se trouvent dans la gêne. Il y a des confrères qui prêtent leurs services pour l’administration et l’entretien de la maison, mais l’augmentation en nombre du personnel salarié risque d’affaiblir la coresponsabilité dans les services communs. N’étant ni impliqués dans la gestion économique de la communauté ni suffisamment informés, certains sont portés à ne pas se rendre compte des difficultés de la maison, du coût de la vie, des problèmes quotidiens affrontés par les pauvres. Et le scrutinium paupertatis ne réussit pas toujours à modifier des pratiques incorrectes.
La formation initiale semble parfois être dépourvue de l’attention à la pauvreté évangélique vécue concrètement dans le quotidien : on connaît les implications du vœu de pauvreté, mais on n’apprend pas sur le plan de la pratique à penser et à vivre en pauvre.
Nombreuses sont les interventions pour contrecarrer les formes les plus graves de pauvreté, comme l’accueil des immigrés, les projets de soutien au développement, l’aide aux peuples éprouvés par la guerre et par des calamités naturelles, la promotion humaine dans les territoires de mission. Le travail que nous effectuons dans les institutions scolaires pour éduquer aux exigences de la justice et à la cause de la paix est important ; dans ces institutions nous proposons la culture de la solidarité au moyen d’initiatives en faveur de ceux qui sont le plus dans le besoin et en faveur des exclus. Nous travaillons pour les pauvres, mais parfois ce n’est pas auprès d’eux et avec eux : en effet, nous ne sommes pas toujours attentifs à favoriser leur action de protagonistes dans les projets de développement. On remarque chez quelques confrères la résistance pour aller vers les jeunes qui sont le plus dans le besoin et pour s’offrir à rejoindre de nouvelles présences sur le secteur d’action contre les pauvretés des jeunes.
Les structures imposantes, qui parfois ne sont plus significatives eu égard au contexte social, les moyens souvent coûteux et tape-à-l’œil, un emploi incongru de l’argent, tout cela risque de ne pas donner un témoignage de pauvreté communautaire et institutionnelle. D’autre part certaines œuvres, commencées en faveur des plus pauvres, se sont peu à peu tournées vers les classes moyennes.
De nombreux efforts ont été effectués pour obtenir une plus grande transparence dans l’administration, en particulier au moyen d’une rédaction plus soignée du bilan, une meilleure utilisation des bâtiments, un respect croissant de la réglementation en vigueur, une solidarité efficace au niveau provincial. Nous encourage le fait que des bienfaiteurs privés, des institutions ecclésiastiques et publiques continuent à avoir confiance dans notre travail et à accorder des fonds pour soutenir nos œuvres.
Pour la gestion des ressources économiques nous n’avons pas toujours la compétence nécessaire ; malgré l’engagement pour qualifier les économes, tous ne jouissent pas d’une préparation adéquate. La pratique du budget est peu courante. Dans le rapport avec les employés on note parfois un style patronal, peu respectueux de leur dignité ; il faut sans cesse nous rappeler à être plus attentifs à la pratique d’une justice sociale vis-à-vis d’eux. On a aussi du mal à rendre coresponsables les laïcs dans les choix de gestion.
Les urgences et la complexité croissante de certaines activités risquent de faire de l’œuvre salésienne une entreprise, avec le danger d’excès dans l’importance donnée au fonctionnement et dans la recherche du rendement, surtout quand s’affaiblit la préoccupation pour les buts pastoraux. Dans la conduite de projets de grandes dimensions, relatifs à de nouvelles structures et à des restructurations, on risque de perdre des énergies, du temps et de l’argent.
Pour affronter les exigences de l’interpellation par Dieu et les défis qui proviennent de la situation et pour réaliser les lignes d’action qui en découlent, il est nécessaire de convertir les mentalités et de modifier les structures, en passant :
Témoignage personnel et témoignage communautaire
86 Donner un témoignage crédible et courageux de pauvreté évangélique, portée dans la vie personnelle et dans la vie communautaire selon l’esprit du "Da mihi animas, caetera tolle".
Solidarité avec les pauvres
90 Développer la culture de la solidarité avec les pauvres dans le contexte local.
93 Que le Recteur majeur avec son Conseil
Gestion responsable et solidaire des ressources
94 Gérer les ressources d’une manière responsable et transparente, en accord avec les buts de la mission, et faire fonctionner les formes nécessaires de contrôle au niveau local, au niveau provincial et au niveau mondial.
97 Que le Recteur majeur avec son Conseil
“L’Esprit du Seigneur est sur moi, parce qu’il m’a consacré par l’onction. Il m’a envoyé porter la bonne nouvelle aux pauvres” (Lc 4,18).
« Notre action apostolique se réalise dans une pluralité de formes que déterminent d’abord les besoins de ceux dont nous nous occupons. Nous rendons effective la charité salvifique du Christ par l’organisation d’activités et d’œuvres à but éducatif et pastoral, attentifs à répondre aux besoins du milieu de vie et de l’Eglise. Sensibles aux signes des temps, nous avons le souci, dans un esprit d’initiative et d’adaptation constante, de les vérifier, de les renouveler et d’en créer de nouvelles. L’éducation et l’évangélisation de nombreux jeunes, surtout parmi les plus pauvres, nous incitent à les rejoindre là où ils sont et à les rencontrer dans leur manière de vivre, grâce à des types de service adéquats » (Const. 41).
Don Bosco, en parcourant les rues de Turin, vit les besoins de la “jeunesse en péril” et répondit promptement en ouvrant de nouveaux secteurs d’action et en agissant avec “témérité” pour “gagner des âmes à Dieu”. En parcourant les routes du monde, nous aussi, nous rencontrons les visages des jeunes immigrés, des enfants exploités par le tourisme sexuel et par le travail d’enfants mineurs, des toxicomanes, des porteurs du V.I.H. et des malades du sida, de ceux qui sont socialement désadaptés, de ceux qui sont au chômage, de ceux qui sont victimes de la violence, de la guerre et des fanatismes religieux, des enfants soldats, des enfants de la rue, des handicapés physiques et mentaux, des jeunes à risque. Nous sommes frappés à la vue de certains lieux de marginalisation dans lesquels les jeunes vivent, comme les périphéries des villes et les bidonvilles, et à la vue de certaines situations de marginalisation, comme celles des réfugiés, des indigènes, des gitans et d’autres minorités ethniques. Nous reconnaissons aussi les attentes des jeunes spirituellement et culturellement pauvres, qui sollicitent notre engagement : des jeunes qui ont perdu le sens de la vie, qui sont dépourvus d’affection à cause de l’instabilité de leur famille, déçus et amenés à constater le vide laissé en eux par la mentalité qui développe la consommation à outrance, indifférents religieusement, démotivés par les doctrines permissives, par le relativisme moral, par la culture de mort qui est répandue.
Don Bosco sentit qu’il était envoyé par Dieu pour répondre au cri des jeunes pauvres et eut l’intuition que, s’il était important de donner des réponses immédiates à leur malaise, il était encore plus important d’en prévenir les causes. Sur son exemple, nous voulons aller à leur rencontre, convaincus que la façon la plus efficace pour répondre à leurs pauvretés est justement l’action préventive. C’est pourquoi nous percevons la nécessité d’approfondir son système éducatif pour expliciter les tâches qu’il demande d’effectuer pour surmonter le malaise et la marginalisation des jeunes : éducation morale, promotion de la dignité de la personne, engagement social et politique, exercice de la citoyenneté active, défense des droits des enfants mineurs, lutte contre l’injustice et construction de la paix. En reconnaissant que, chez les jeunes pauvres, on rencontre une ouverture à l’Evangile et une disposition à l’accueillir, nous leur annonçons avec courage Jésus Christ et nous leur proposons des chemins de foi.
Il faut réserver une particulière attention à la situation actuelle de la famille qui est la première à accomplir l’éducation et qui est le premier lieu de l’évangélisation. Toute l’Eglise a pris conscience des graves difficultés dans lesquelles se trouve la famille et elle perçoit la nécessité d’offrir des aides extraordinaires pour sa formation, son développement et l’exercice responsable de sa tâche éducative. C’est pourquoi, nous aussi, nous sommes appelés à faire en sorte que la pastorale des jeunes soit de plus en plus ouverte à la pastorale familiale.
Nous sentons aussi que nous sommes interpellés par les nouvelles technologies de la communication sociale et par les défis éducatifs qu’elles posent. Les occasions de communication d’aujourd’hui deviennent pour les jeunes un moyen habituel pour se rencontrer, échanger des messages, partager avec rapidité et mobilité, mais aussi d’une manière impersonnelle et virtuelle. La culture des personal media [médias à usage personnel et privé] peut compromettre le développement de la capacité de relation vers la maturité et expose surtout les jeunes au danger de rencontres et de dépendances fortement négatives ; c’est dans cette “cour de récréation ”que nous devons nous rendre présents pour écouter, éclairer, orienter.
Nous partageons la préoccupation de l’Eglise pour les conditions futures de l’Evangile dans le monde occidental et, en particulier, en Europe. En effet, s’affaiblit de plus en plus la référence aux racines chrétiennes qui ont contribué à l’identité du continent, inspiré la pensée, les mœurs et l’art, orienté l’histoire des peuples, enrichi l’Eglise de splendides figures de sainteté, nourri pendant des siècles l’élan missionnaire dans le monde tout entier. En raison de l’interdépendance entre les peuples, le destin de l’Europe implique le monde entier et devient une préoccupation de l’Eglise universelle. S’ouvre ainsi un nouveau front d’action par rapport au passé ; pour nous Salésiens, c’est une invitation “à porter une attention croissante à l'éducation des jeunes à la foi” ( Ecclesia in Europa, n. 61).
L’attention aux nouveaux fronts d’action nous engage à renouveler notre mentalité, en développant la coresponsabilité dans les projets, qui ne sont jamais ceux d’un individu, mais ceux de la communauté salésienne et de la communauté éducative et pastorale. Les nouveaux besoins des jeunes demandent le détachement personnel d’avec des rôles, des situations et des liens qui menacent la réelle disposition à accueillir le changement, comme ils demandent aussi le courage apostolique qui dispose à repenser des initiatives et des œuvres pour mieux répondre à leurs demandes.
Un nouveau modèle de gestion des œuvres demande que soient assurées la consistance quantitative et qualitative de la communauté ; la coresponsabilité réelle des confrères et des laïcs ; la disponibilité du directeur pour son devoir principal ; la promotion de nouvelles formes de présences plus souples ; les projets menés en commun avec la Famille salésienne et le travail en réseau avec d’autres organisations et d’autres agences au service de l’éducation, en synergie avec l’Eglise et la société.
Cela permettra de faire naître des “nouvelles présences”, c’est-à-dire des projets inédits en réponse aux besoins qui se manifestent, ou de renouveler les œuvres et les propositions qui existent déjà de façon à en faire des “présences nouvelles”, c’est-à-dire plus efficacement orientées vers la mission.
Il est courant de porter l’attention sur les formes si nombreuses de pauvreté présentes aujourd’hui dans le monde et, en particulier, sur celles qui menacent le présent et l’avenir des jeunes. Et la Congrégation est fortement engagée en faveur de la croissance humaine et de la promotion sociale dans les secteurs où la pauvreté est plus évidente. Dans nos maisons les jeunes sont accueillis sans aucune forme de discrimination et notre service éducatif et pastoral est offert à tous. Sont particulièrement efficaces les œuvres qui préparent les jeunes au monde du travail en leur offrant de la valeur professionnelle et de l’accompagnement.
Dans les provinces sont nées des expériences positives pour répondre aux pauvretés qui se manifestent. On développe le travail en réseau, en collaboration avec la Famille salésienne, avec des éducateurs et des volontaires des communautés éducatives et pastorales, avec des personnes du monde tant ecclésial ou social qu’associatif, avec les organisations non gouvernementales. Des aspects positifs qui favorisent l’ouverture aux nouveaux fronts d’action sont la capacité accrue de penser et d’agir au moyen de projets, la confiance et la disponibilité des institutions, privées comme publiques, l’engagement à investir sur la formation en vue d’habiliter des salésiens et des laïcs à des réponses adéquates.
D’autre part il existe une certaine résistance à rénover, à donner une nouvelle qualité, à convertir notre mentalité. S’avère encore faible la formation de salésiens et de laïcs pour savoir lire les signes des temps et conjurer le danger de se tenir éloigné des jeunes. Ensuite, parfois, notre engagement éducatif ne réussit pas à rejoindre quelqu’un qui se trouve à l’extérieur de notre milieu de vie. Pour répondre aux nouvelles pauvretés, quelquefois les provinces se sont reposées sur l’esprit d’initiative d’un confrère sensible et elles n’ont pas toujours mis en place des initiatives programmées ensemble.
C’est une préoccupation particulière que suscite, dans presque tous les contextes, la situation de la famille. Elle est menacée non seulement par le relativisme moral qui est répandu, mais aussi par des processus qui cherchent à lui enlever sa légitimité à être une institution. On arrive même à la désagréger et à reconnaître d’autres formes d’union, avec de graves conséquences sur le plan éducatif, telles que l’abandon des enfants mineurs, le fait d’imposer à des personnes de vivre en commun, les violences à l’intérieur des familles. C’est pourquoi dans les provinces s’est accrue l’attention portée sur la famille, qui est la référence essentielle pour l’éducation, mais les engagements qui ont été pris jusqu’à maintenant sont encore insuffisants.
Se sont accrus la sensibilité et l’engagement de la Congrégation dans le domaine de la communication sociale. En sont le signe, par exemple, l’institution de la Faculté de Sciences de la communication sociale à l’UPS, la mise en œuvre de différents projets pour l’éducation à l’usage critique des médias, la présence croissante sur internet de sites d’institutions, la plus grande familiarité avec le réseau informatique tant pour les échanges personnels que pour la formation à distance, la nouvelle manière de voir du Dicastère pour organiser la communication sociale. Nous avons toutefois conscience que les mondes virtuels habités par les jeunes sont multiples et que nous ne sommes pas toujours capables de les partager et de les animer en raison d’un manque de formation, de temps et de sensibilité.
Au cours des dernières décennies nous avons assisté à un affaiblissement progressif de la présence salésienne dans quelques nations d’Europe. La diminution préoccupante du nombre des vocations a engagé les confrères à maintenir le plus possible les présences en impliquant les laïcs, à redéfinir les frontières des provinces, à construire des projets communs pour mieux répondre aux défis de l’éducation et de l’évangélisation. On perçoit que cet effort ne peut pas être maintenu sans un projet courageux de la part de toute la Congrégation.
Dans le travail en faveur des jeunes pauvres, on a obtenu, dans quelques provinces, de bons résultats en formant, en impliquant et en rendant coresponsables les laïcs. Il s’agit d’une attention de plus en plus courante, mais elle n’est pas encore assumée de façon appropriée dans toutes nos présences.
Parfois se présente un modèle d’organisation que l’on n’a pas su renouveler selon l’exigence des temps : il subsiste une mentalité héritée du style traditionnel de conduite des maisons. Cela se manifeste, par exemple, dans la rigidité de la mise en place des activités, dans l’insuffisance d’attention aux rythmes de vie des jeunes, dans la lenteur à donner de nouvelles bases ou de nouvelles orientations aux présences et aux œuvres, dans la difficulté à rendre coresponsables les laïcs dans les postes de décision.
Pour nous adapter aux conditions de l’époque qui avaient changé, nous avons souvent adopté la stratégie de l’agrandissement des œuvres, en les portant à des dimensions difficiles à gérer, au point qu’elles ne sont plus en mesure de répondre aux nouvelles pauvretés avec la souplesse et l’urgence que ces dernières demandent.
Pour affronter les exigences de l’interpellation par Dieu et les défis qui proviennent de la situation et pour réaliser les lignes d’action qui en découlent, il est nécessaire de convertir les mentalités et de modifier les structures, en passant :
Principale priorité : les jeunes pauvres
105 Effectuer des choix courageux en faveur des jeunes pauvres et à risque.
Autres priorités : famille, communication sociale, Europe
108 Apporter une attention privilégiée à la famille dans la pastorale des jeunes ; intensifier la présence éducative dans le monde des médias ; relancer le charisme salésien en Europe.
111 Que le Recteur majeur avec son Conseil
Nouveaux modèles dans la gestion des œuvres
112 Revoir le modèle de gestion des œuvres pour une présence éducative et évangélisatrice plus efficace.
Sur la base des propositions formulées par les Chapitres provinciaux, ou individuellement par des confrères, comme aussi par le Conseil Général et par l’Assemblée capitulaire elle-même, après l’examen effectué par la Commission juridique et par l’Assemblée, le Chapitre Général a adopté les décisions suivantes. Quelques-unes d’entre elles concernent des articles des Constitutions et des Règlements généraux ; d’autres sont des orientations à mettre en œuvre pour le gouvernement de la Congrégation.
décide que la quasi-Province “Marie-Auxiliatrice” du Myanmar sera transférée de la Région Asie du Sud à la Région Asie Est – Océanie, selon l’article 154 des Constitutions.
décide de maintenir l’actuelle configuration des trois Régions d’Europe et demande au Recteur majeur avec son Conseil de renforcer la coordination des Conseillers Régionaux entre eux et avec les Conseillers de secteur concernés, et de mettre sur pied le bureau prévu au numéro 129 du CG25, pour le développement des projets et la réalisation d’objectifs communs.
116 Le 26ème Chapitre Général, ayant pris acte de
en confirmant que la tâche d’animation de la Famille Salésienne est confiée au Vicaire du Recteur majeur, demande que l’équipe d’animation de la Famille Salésienne (CG25, 133) soit renforcée et qu’elle ait un Coordinateur. Au terme de la période des six années sera effectuée une vérification.
demande au Recteur majeur avec son Conseil de promouvoir des équipes menant une animation concertée entre Dicastères pour ces secteurs, et d’en confier la Coordination à l’un ou l’autre des Conseillers, en sauvegardant dans tous les cas le fait qu’il n’existe qu’une seule pastorale salésienne et qu’elle demande à être organisée.
demande au Recteur majeur avec son Conseil de développer pour le prochain Chapitre Général une vérification des structures d’animation et de gouvernement central de la Congrégation, en impliquant les Provinces.
décide que l’article 128 des Règlements généraux sera modifié au moyen de l’expression “en écrivant un seul nom sur leur bulletin de vote”.
120 Le 26ème Chapitre Général reconnaît qu’il y a actuellement dans la Congrégation une pluralité de modèles de gestion des œuvres :
En conséquence :
décide qu’est donné le pouvoir au Provincial, avec le consentement de son Conseil, et dans le cadre du Projet organique de la Province, de
décide qu’est reconnu aux Provinces le pouvoir d’insérer dans le Directoire Provincial une règle qui prévoie la possibilité, dans des circonstances déterminées, d’assigner à un laïc, nommé par le Provincial, qui aura entendu le Directeur, les fonctions de l’économe de la communauté locale. Sur invitation du Directeur, il pourra participer, sans droit de vote, au Conseil de la communauté chaque fois que l’on aura demandé sa présence.
Ce pouvoir reconnu aux Provinces demande le respect des conditions suivantes :
décide que soit modifié l’article 13 des Règlements Généraux, au moyen de la formulation suivante :
L’école, les centres professionnels et les institutions d’éducation du niveau supérieur
13 L’école aux différents niveaux, les centres professionnels et les institutions d’éducation du niveau supérieur ont pour but de promouvoir le développement intégral du jeune par l’assimilation et la relecture critique de la culture, et par l’éducation de la foi, en vue de la transformation chrétienne de la société.
Le processus éducatif, conduit dans un style salésien et avec une compétence professionnelle, technique et pédagogique reconnue, sera fondé sur de solides valeurs culturelles et répondra aux attentes des jeunes. Ses programmes s’efforceront d’harmoniser les activités de formation intellectuelle et professionnelle et celles du temps libre.
On vérifiera périodiquement la validité des contenus et des méthodologies pédagogiques et didactiques, dans leur rapport avec le contexte social, le monde du travail et la pastorale de l’Eglise.
Lettre de Sa Sainteté BENOÎT XVI à l’occasion du 26ème Chapitre Général au P. PASCUAL CHÁVEZ VILLANUEVA, Recteur majeur des Salésiens de Don Bosco
Du Vatican, 1er Mars 2008
Intervention du Cardinal Franc Rodé, CM, Préfet de la Congrégation pour les Instituts de vie consacrée et les Sociétés de vie apostolique
Da mihi animas, caetera tolle
C’est la devise que, jeune prêtre, Don Bosco a choisie et elle l’accompagna pendant toute sa vie. C’est le programme de vie de Don Bosco et de chaque Salésien,[Cf. Const. 4.] le slogan que vous avez choisi pour marquer le déroulement solennel du 26ème Chapitre Général de la Société Salésienne de Saint Jean Bosco.
Dans cette rencontre capitulaire, qui vous voit réunis, venus de pays différents et de cultures diverses, se manifestent l’abondance et la beauté des dons du Seigneur. Pour tous et pour chacun de vous et pour tous vos confrères Salésiens présents dans le monde entier, je rends grâce au Donneur de tout bien, qui, dans son infinie bonté, a fait don à l’Eglise de la grande Famille de Saint Jean Bosco.
Mes salutations et mes remerciements pour l’engagement vivant de tous les Salésiens dans l’Eglise et dans le monde ne peuvent pas ne pas aller au P. Pascual Chávez Villanueva, Recteur majeur, successeur de Don Bosco, pour Son engagement non seulement en faveur de la nombreuse Famille salésienne, mais de toute la vie consacrée.
Le Chapitre Général est le signe de l’unité dans la diversité, est une rencontre fraternelle, est un moment de réflexion communautaire, pour se maintenir dans la fidélité à l’Evangile, au charisme du Fondateur et à notre temps.[Cf. Const. 146.] C’est le moment privilégié pour ouvrir tout grand les yeux du cœur et commencer à regarder, à s’apercevoir, à évaluer ; c’est un moment favorable pour découvrir, ensemble, sur quelles routes le Seigneur vous envoie ; un passage depuis le découragement jusqu’à l’espérance, à la redécouverte de la présence du Seigneur au milieu de vous dans la Parole et dans le Pain de la vie éternelle.
Son déroulement solennel est un souvenir vivant du chemin parcouru, la réalisation du rêve du petit Jean Bosco dans l’aujourd’hui de l’histoire, pour vous projeter vers l’avenir, avec une vive espérance et une pleine confiance, dans l’œuvre du Seigneur.
La foi chrétienne, devant un monde complexe et devant ses crises, est exposée à toutes les questions et les défis sur Dieu, sur son entrée dans l’histoire en la personne de Jésus, sur la nature de l’homme et sur le sens de sa vie et de la mort. L’Eglise aussi est mise en question : son rôle et son influence dans le monde dans certains milieux sont banalisés et contestés. La vie consacrée est marquée par la crise, surtout en Amérique du Nord et en Europe : diminution numérique, incertitudes sur l’identité, tentations de renoncement et de découragement.
Revenir aux origines, redonner la place centrale à Jésus Christ, retrouver l’esprit des Fondateurs, peut nous aider à répondre avec confiance, créativité et courage à ces multiples défis.
Ces jours-ci chacun de vous est appelé à renouveler le choix fondamental pour le Christ, un choix repensé avec une claire conscience et défini dans un travail communautaire selon le projet évangélique des Constitutions : votre alliance spéciale avec le Seigneur ; une rencontre d’amour qui marque et oriente toute la vie ; le don total de vous-mêmes à Dieu et aux jeunes ; le sens de votre existence consacrée par la puissance de l’Esprit.
Après vous être arrêtés dans les années passées sur l’identité salésienne,[CG22] sur la mission auprès des jeunes,[CG23] sur le partage avec les laïcs[CG24] et sur la communauté,[CG225] pendant ces assises capitulaires votre attention se focalisera sur l’identité charismatique et sur la passion apostolique. C’est revenir au cœur de votre vocation dans l’Eglise, à l’esprit le plus pur du Fondateur.
Don Bosco ritorna, répéterez-vous en ces jours. Vous souvenant de ce que vous écrivait le Saint-Père Jean-Paul II dans la Lettre Iuvenum Patris : « “Don Bosco ritorna” est un chant traditionnel de la Famille Salésienne : il exprime le souhait d’ “un retour de Don Bosco” et d’ “un retour à Don Bosco”, pour être des éducateurs capables d’une fidélité au passé et en même temps attentifs, comme lui, aux mille besoins des jeunes d’aujourd’hui, pour retrouver dans son héritage les prémisses pour répondre encore aujourd’hui à leurs difficultés et à leurs attentes ».[Jean-Paul II, Lettre Juvenum Patris pour le centenaire de la mort de Saint Jean Bosco, Rome 31 janvier 1988, n. 13. ]
Revenir à Don Bosco et repartir de Don Bosco pour se ranimer le cœur.
Vous vous disposez donc à revenir aux sources de la spiritualité salésienne, du charisme salésien, au cœur de votre appel, qui trouve sa source dans le cœur même du Christ avec « l’attitude du Bon Pasteur qui conquiert par la douceur et le don de soi ».[Cf. Const. 11.]
Il y a cinq modalités différentes pour parler de spiritualité. Est certainement à éviter celle qui conduit au spiritualisme, presque un refuge dans un monde de l’esprit dans lequel tout s’avère parfait et raréfié ; il est nécessaire, au contraire, de conserver son caractère original de vie selon l’Esprit et l’enracinement dans l’existence quotidienne qui, avec ses fatigues et ses tensions, ses élans et ses âpretés, reflète ainsi l’épaisseur de chemins spirituels – de chaque personne et de l’Eglise – denses de vie et de mystère.
C’est seulement ainsi qu’il sera possible d’éviter cet appauvrissement des langages de la vie chrétienne qui aujourd’hui s’avèrent presque usés par un emploi trop vague, ou trop rhétorique. L’exubérance du lexique dit combien il est difficile aujourd’hui de prononcer des mots spirituels vrais, qui n’aient peur ni des incertitudes de la vie ni de la référence au mystère. La pudeur et la sobriété du mot pourront restituer à nos langages la possibilité de communiquer l’intense beauté d’une vie vécue dans la perspective de l’Evangile.
Dès le début de son existence Don Bosco se laissa guider par un unique désir : que toute sa vie soit consacrée au bien des jeunes. Son œuvre n’est pas l’expression de l’activisme, le caractère joyeux et ouvert du saltimbanque des Becchi est vraiment et proprement une consécration reçue consciemment et volontairement, une mission pour le salut intégral des jeunes.
Da mihi animas, caetera tolle. Le but de l’éducation préventive de Don Bosco – une existence humaine individuelle, sociale et religieuse accomplie – est évident dans l’expression “salut de l’âme” : la soif de la sainteté. Une sainteté “des jours de semaine”, celle que Don Bosco indique à ses jeunes et à ses premiers collaborateurs.
Une “sainteté” qui n’est pas un objectif proposé seulement à quelque “bon” garçon, à quelque élite aristocratique, mais à tous les jeunes de Valdocco : « c’est la volonté de Dieu que nous devenions tous saints ; il est très facile d’y parvenir ; une grande récompense est préparée au ciel pour celui qui devient saint ».[Bosco G., Vita del giovanetto Savio Domenico scritta dal Sacerdote Giovanni Bosco, p. 50, OE XI p. 200. ]
Dans le climat de sainteté de Valdocco ses propositions fortes et généreuses deviennent crédibles. Il « sait proposer la sainteté comme but concret de sa pédagogie »,[Cf. JP, n. 5.] rappelait le Serviteur de Dieu Jean-Paul II, en le proclamant Père et Maître de la jeunesse. « Il me plaît de considérer chez Don Bosco surtout le fait qu’il réalise sa sainteté personnelle dans sa tâche éducative vécue avec zèle et d’un cœur apostolique, et qu’il sait proposer, en même temps, la sainteté comme but concret de sa pédagogie ».[JP, n. 5.] C’est ici qu’il faut chercher « ce message prophétique, qu’il a laissé aux siens et à toute l’Eglise ».[Ibidem, n. 8.]
« C’est justement un tel échange entre “éducation” et “sainteté” qui est l’aspect caractéristique de sa personne : il est un “éducateur saint”, s’inspire d’un “modèle saint” — François de Sales —, est disciple d’un “maître spirituel saint” — Joseph Cafasso —, et sait former parmi ses jeunes un “élève saint” — Dominique Savio ».[Ibidem, n. 5.] Et nous pouvons continuer cette liste avec les bienheureux Laure Vicuña et Zéphyrin Namuncurá, le dernier, quant à l’ordre chronologique, à avoir été indiqué dans la Famille Salésienne comme exemple de sainteté, le 11 novembre de l’an passé.
Ce message prophétique que vous a laissé le Fondateur présente le visage original de votre identité charismatique, de votre consécration apostolique, de votre méthode éducative basée sur la raison, la religion et la tendre affection.[Cf. “Il Sistema Preventivo”, dans “Regolamento per le case della Società di S. Francesco di Sales”, en Giovanni Bosco “Scritti pedagogici e spirituali”, 166.]
Il est urgent de récupérer le vrai visage de la sainteté. Pour chaque Salésien, pour chaque jeune qui s’approche de vous. Pour continuer à être, comme Don Bosco, des maîtres saints de jeunes saints, des maîtres de spiritualité pour jeunes. [Cf. JP, n. 16] Pour réaliser le projet de vie que vous a laissé le Fondateur : « être dans l’Eglise signes et porteurs de l’amour de Dieu pour les jeunes, spécialement les plus pauvres ».[Const. 2.]
L’article 3 de vos Constitutions dit que votre vie est une « vie de disciples du Seigneur », et que vous vous êtes offerts totalement à Dieu « pour marcher à la suite du Christ et travailler avec Lui à la construction du Royaume ».[Const.]
En vue de cette offrande le Père vous consacre par le don de Son Esprit et vous envoie pour être apôtres des jeunes.[Cf. ibidem] Le don de l’Esprit doit envahir votre cœur de sa douce puissance pour vous rendre capables d’une pleine fidélité à votre vie de disciples. Le secret de la réussite consiste à savoir consolider constamment les liens de l’alliance avec Dieu.
En tant que consacrés au Père, vous êtes appelés à reproduire dans l’Eglise et dans le monde, au moyen des conseils évangéliques, « les traits caractéristiques de Jésus — chaste, pauvre et obéissant »,[VC, n. 1] en ayant soin de votre foi, de votre sequela Christi, de votre activité remplie d’amour pour vous conformer au Seigneur Jésus, afin d’être capables de communiquer ce vécu dans une relation d’éducation. Tout le reste peut fournir des supports, des modalités, des instruments à la tâche de plus en plus difficile de communiquer la foi, surtout aux jeunes, mais c’est là bien peu de chose en face de ce qui est demandé et auquel ne peut renoncer celui qui s’engage dans une telle entreprise, à savoir : posséder une foi vive et un amour vivant, incarnés et soutenus par une solide formation.
Telles sont votre nature profonde, votre vocation, la réalisation définitive de vous-mêmes. Les conseils évangéliques sont cette tension relationnelle, la disposition permanente au Toi. « Il n’existe pas d’autre façon de vivre digne de l’homme, en dehors de la perspective du don de soi ».[Jean-Paul II, Message pour la journée des vocations, 2003.]
Don Bosco naît alors qu’il ne s’est pas encore écoulé trente ans depuis la Révolution française. Déjà pendant tout le siècle précédent (le “siècle des lumières”) la foi avait subi des attaques au nom d’une raison divinisée qui prétend lutter contre tout ce qu’elle appelle « superstition». Au cours du XIXème siècle l’attaque se mélange, d’une manière souvent très enchevêtrée, avec les questions sociales et nationales.
L’époque de Don Bosco est donc une époque de première industrialisation, de mouvements du Risorgimento, de restaurations et de révolutions. La ville de Turin au temps du Risorgimento est une ville en forte expansion à cause de l’immigration massive de personnes venues des campagnes piémontaises, et le monde des jeunes est en proie à des problèmes très graves : analphabétisme, chômage, dégradation morale et manque de soutien religieux.
“J’ai seize ans … et je ne sais rien” : ainsi se présenta Barthélemy Garelli, le premier des enfants de Don Bosco. « A Barthélemy s’ajoutèrent d’autres jeunes – raconta lui-même Don Bosco –. Pendant cet hiver-là je réunis aussi quelques adultes qui avaient besoin de leçons de catéchisme adaptées pour eux ».[Bosco G., Memorie dell’Oratorio, adapté par Bosco T., 1985. ]
Ainsi commença l’Oratoire : avec les jeunes en recherche de travail. Don Bosco leur donna une maison, un cœur ami, une instruction et une protection, en garantissant pour eux des contrats honnêtes de travail ; il fonda des écoles professionnelles, des ateliers. Il offrit de même une aide égale aux étudiants. Il orienta les jeunes à conquérir une place dans le monde, en les aidant à obtenir de la compétence et de l’habileté sur le plan professionnel ; il les guida vers la vie chrétienne, en prenant soin de leur formation religieuse, de leur fréquentation des sacrements et de leur amour filial envers Marie.
Cet engagement est aujourd’hui encore d’actualité. Si à une époque il y avait presque seulement la cour, l’église, l’atelier, l’école, de nos jours nous sommes en présence de différents types d’institutions éducatives, d’écoles, de centres d’alphabétisation, de communautés d’accueil pour les enfants et les jeunes en difficulté, de centres de prévention contre la toxicomanie, de services de conseillers, d’interventions humanitaires en faveur des jeunes qui vivent dans la rue, de camps de réfugiés où se trouvent en grand nombre des enfants et des jeunes, des centres d’accueil pour immigrés… Toujours avec l’œil et le cœur attentifs aux endroits et aux situations où la pauvreté et la gêne ont besoin d’un surplus de compassion, de proximité, d’amour et de protection.
A notre époque où la mondialisation des secteurs de la communication et de l’économie se joint à l’extension de pauvretés et de marginalisations qui frappent surtout les jeunes générations, l’Eglise perçoit avec préoccupation l’urgente nécessité de surmonter, spécialement dans le secteur de l’éducation, le drame d’une profonde rupture entre l’Evangile et la culture, qui conduit à sous-estimer et à mettre en marge le message de salut du Christ. Aujourd’hui, plus que dans le passé, nous avons besoin d’un regard prophétique sur les temps nouveaux, si complexes et difficiles, et surtout de l’audace des saints, ayant un cœur grand et généreux.
“J’ai seize ans … et je ne sais rien”. C’est le cri qui est, nous l’entendons, répété par tant de jeunes que nous rencontrons sur notre chemin, qui semblent vivre, surtout ces années-ci, avec une nonchalance et une indifférence non seulement au sujet de la foi, mais particulièrement au sujet de l’amour dont on recherche le sens profond ou éprouve la nostalgie pour l’avoir perdu, tandis que d’une manière contradictoire on le réduit à n’être qu’un fragment du sentiment et de l’émotivité.
Nous sommes devant l’ère du vide [G.Lipovetsky, L’era del vuoto. Saggi sull’individualismo contemporaneo, 1995] à cause de l’individualisme contemporain. « Il me semble – disait le Saint-Père en répondant aux demandes des jeunes du Diocèse de Rome – que le grand défi de notre temps soit la laïcisation : c’est-à-dire une façon de vivre et de présenter le monde comme “si Deus non daretur”, c’est à dire si Dieu n’existait pas […]. La première nécessité, me semble-t-il, c’est que Dieu soit de nouveau présent dans notre vie, que nous ne vivions pas comme si nous étions autonomes, autorisés à inventer ce que sont la liberté et la vie. Nous devons prendre acte du fait d’être des créatures, constater qu’il y a un Dieu qui nous a créés et que rester dans sa volonté n’est pas une dépendance mais un don d’amour qui nous fait vivre ».[Benoît XVI, Entretien avec les jeunes, au cours de la Rencontre avec les jeunes du Diocèse de Rome, en préparation à la XXIème Journée Mondiale de la Jeunesse, Rome, jeudi 6 avril 2006.]
Il est nécessaire d’être capable de parler de la vérité, sans en avoir peur, même quand elle nous semble inconfortable. Comme le fait, continuellement, le Saint-Père.
Sur ce thème Romano Guardini écrivait : « Que celui qui parle dise ce qui est, et comment il le voit et l’entend. Donc, qu’il exprime aussi par la parole ce qu’il porte au plus profond de lui-même. Ce peut être difficile en certaines circonstances, cela peut provoquer des ennuis, des préjudices, des dangers ; mais la conscience nous rappelle que la vérité oblige ; qu’elle a quelque chose d’inconditionnel, qu’elle possède de la hauteur. D’elle, on ne dit pas : Tu peux la dire quand il te plaît, ou quand tu dois atteindre un but ; mais : Tu dois dire, quand tu parles, la vérité ; tu ne dois ni la réduire ni l’altérer. Tu dois la dire toujours, simplement, même lorsque la situation te pousserait à garder le silence, ou lorsque tu peux esquiver avec désinvolture une demande ».[R. Guardini, Le virtù, Brescia, 1972, p. 21.] Il y a, donc, un impératif auquel on ne peut pas et on ne doit pas échapper : attester que la vérité doit reprendre sa place et son emplacement cohérent non seulement dans notre prédication et notre catéchèse, mais surtout dans la vie des personnes pour qu’elles puissent aboutir à une existence chargée de sens.
Le ministère que vous exercez vous place, en premier lieu, devant la transmission de la foi. Nous le savons, celle-ci n’est pas principalement un contenu abstrait, mais un style de vie qui découle du choix de se mettre à la “sequela” du Christ et d’assumer en nous sa parole comme promesse et réalisation de soi.
« Les prêtres […] ne pourraient être ministres du Christ s’ils n’étaient témoins et dispensateurs d’une vie autre que la vie terrestre, mais ils ne seraient pas non plus capables de servir les hommes s’ils restaient étrangers à leur existence et à leurs conditions de vie. Leur ministère même exige, à un titre particulier, qu’ils ne prennent pas modèle sur le monde présent, et, en même temps, il réclame qu’ils vivent dans ce monde au milieu des hommes, que, tels de bons pasteurs, ils connaissent leurs brebis et cherchent [donc à étudier…] à la lumière du Christ les problèmes de leur temps ».[PO, nn. 3.4.]
Nos jeunes, d’autre part, vivent une profonde solitude. Elle naît souvent du fait de ne pas se sentir accueillis, acceptés pour ce qu’on est ou même du fait de se sentir refusés ; les différentes formes de trahison que la vie impose, depuis l’amitié jusqu’à l’amour, en famille ou avec ceux qui ont le même âge, font apparaître d’une manière évidente le sens profond de solitude où beaucoup sont plongés.
Je suis convaincu que nos jeunes désirent de nous un témoignage de pleine gratuité et de pardon sincère. Ils veulent être aimés pour ce qu’ils sont, mais ce n’est pas pour cela que nous devons oublier que, pour nous, aimer, c’est rechercher leur bien sans trêve et avec une extrême patience.
Le Concile écrivait dans Gaudium et spes : « L’homme vaut plus par ce qu’il est que par ce qu’il a ».[GS, n. 35.] Le contexte culturel dans lequel nous vivons vit indubitablement une primauté équivoque du faire et de l’avoir par rapport à l’être. La réponse aux demandes des jeunes n’est pas de trouver des techniques ou des initiatives concrètes : nous irions à la rencontre de l’échec. Si nous désirons faire quelque chose pour les jeunes, il est nécessaire avant tout d’être des personnes ayant un grand cœur, parce que, comme le disait en son temps Don Bosco, l’éducation est une affaire du cœur.
Cette dernière, quoi qu’il en soit, demande de notre part d’assumer la tâche de savoir récupérer avec force la rencontre interpersonnelle et les actions pour guider nos jeunes : ce sont de véritables instruments pour la transmission vivante de la foi. S’il n’y a pas de rencontre en tête à tête, la foi ne se transmet pas. Nous pouvons l’appeler direction spirituelle ou par d’autres manières, mais la tradition de l’Eglise nous apporte le fait que c’est seulement à travers la relation interpersonnelle, qui implique l’homme comme personne, que se produit la transmission de la foi.
C’est justement pour cela qu’il est indispensable de repenser votre manière d’ « être, avec un style salésien, les signes et les porteurs de l’amour de Dieu pour les jeunes, spécialement les plus pauvres ».[Cf. Const. 2.]
« Aimer ne suffit pas ». L’idéal de sainteté salésienne est de « se faire aimer ».[Cf. MB XVII, 107-114]
« Cherche à te faire aimer », c’est ce que Don Bosco conseillait à Don Rua quand il alla à Mirabello, en 1863. « Comme je ne peux pas me trouver sans cesse à côté de toi […] je te parle avec la voix d’un tendre père qui ouvre son cœur à l’un de ses fils les plus chers » ; il lui donne divers conseils parmi lesquels apparaît celui de se faire aimer.[Cf. MB VII, 524] Don Bosco insiste : « aimer ne suffit pas », il est nécessaire de savoir « se faire aimer ».
« L’art des arts est l’art de l’amour – enseignait Guillaume de Saint-Thierry –. La nature elle-même et Dieu artisan de la nature en ont réservé à eux-mêmes l’enseignement. Car l’amour, qui est suscité par le Créateur de la nature, si sa pureté naturelle n’est pas troublée par des affections étrangères, s’enseigne lui-même : mais seulement à ceux qui se laissent éduquer par lui, éduquer par Dieu. L’amour, en effet, est une force de l’âme, qui la conduit, comme en raison d’un poids naturel, au lieu et au but qui lui sont propres ».[Guillaume de Saint-Thierry, Natura e grandezza dell’amore, 1,1-2, Magnano 1990.]
L’art de l’amour, l’amour pour la vérité, on les apprend dans le style de vie du Christ chaste, pauvre et obéissant, humble et sobre, tendu vers la charité. La vie consacrée devient ainsi confessio Trinitatis, signum fraternitatis, servitium caritatis, [Cf. Vita consecrata. ] témoignage prophétique lumineux, manifestation de la forme de vie de Jésus, présence incisive à l’intérieur de l’Eglise et prophétie paradoxale et fascinante dans un monde désorienté et confus.
« Don Bosco, à des fins pédagogiques, – écrivait en 1985 le P. Egidio Viganò, Recteur majeur de la Société – concrétisait son sens de l’Église en trois comportements pratiques et fermes ; il les appelait des « dévotions ». La première allait à Jésus-Christ, présent dans l’Eucharistie ; la seconde s’adressait à Marie, modèle et mère de l’Église, honorée comme le Secours du Peuple chrétien au cours de l’histoire ; la troisième vénérait le Pape, successeur de Pierre, tête du Collège épiscopal, pour le service pastoral de l’Église entière ».[ Lettre du Recteur majeur, en ACG 315, p. 5.]
« Les fatigues, quelles qu’elles soient, sont bien peu de chose, quand il s’agit de l’Eglise et de la papauté ».[Cf. Const. 13] Amour pour le Christ, pour Marie, pour l’Eglise et le Pape. Que votre sentire cum ecclesia soit non seulement un engagement concret de la vie de chaque salésien et des Personnes en charge de responsabilité dans la Société, mais aussi un témoignage de la dimension ecclésiale de votre foi et un engagement pour éduquer les jeunes à ce sentiment.
Pour invoquer la bénédiction du Seigneur sur vous et sur votre Chapitre général ainsi que sur les engagements des prochains jours, je reprends les mots de Benoît XVI dans la Lettre encyclique Spe salvi : « La vie est comme un voyage sur la mer de l’histoire, souvent obscur et dans l’orage, un voyage dans lequel nous scrutons les astres qui nous indiquent la route. Les vraies étoiles de notre vie sont les personnes qui ont su vivre dans la droiture. Elles sont des lumières d’espérance. Certainement, Jésus Christ est la lumière par antonomase, le soleil qui se lève sur toutes les ténèbres de l’histoire. Mais pour arriver jusqu’à Lui nous avons besoin aussi de lumières proches – de personnes qui donnent une lumière en la tirant de sa lumière et qui offrent ainsi une orientation pour notre traversée ».[ Spe Salvi, n. 49.]
Que Marie, Mère de l’Eglise et Auxiliatrice des Chrétiens,[Cf. Const. 8.] Don Bosco, tous les nombreux saints et bienheureux salésiens soient vos étoiles et fassent de vous des phares d’espérance pour toute l’humanité, surtout pour les jeunes.
Rome, 3 mars 2008.
Discours du Recteur majeur, le P. Pascual Chávez Villanueva, à l’ouverture du CG26
« J’ai un vif désir de vous voir afin de vous communiquer quelque don spirituel, pour vous affermir, ou plutôt pour éprouver le réconfort parmi vous de notre foi commune à vous et à moi » (Rm 1,11-12).
Eminence Révérendissime Card. Franc Rodé, Préfet de la Congrégation pour les Instituts de vie consacrée et les Sociétés de vie apostolique,
Eminence Révérendissime Card. Raffaele Farina, Bibliothécaire et Archiviste de la Sainte Eglise Romaine,
Eminence Révérendissime Card. Miguel Obando Bravo,
Eminence Révérendissime Card. Joseph Zen,
Excellentissime Mgr Angelo Amato, Secrétaire de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi,
Excellentissime Mgr Gianfranco Gardin, Secrétaire de la Congrégation pour les Instituts de vie consacrée et les Sociétés de vie apostolique,
Excellentissime Mgr Gino Reali, Evêque de Porto et Santa Rufina,
Excellentissime Mgr Francesco Brugnaro, Archevêque de Camerino, Ancien élève et Coopérateur,
Excellentissimes Evêques Salésiens : Mgr Carlo Chenis, Mgr Zef Gashi, Mgr Stanislav Hocevar, Mgr Calogero La Piana, Mgr Basile Mvé, Mgr Pierre Pican, Mgr Peter Stump, Mgr Luc Van Looy, Mgr Adrian van Luyn, Mgr Rosario Vella,
Révérendissime Sœur Enrica Rosanna, Sous-secrétaire de la Congrégation pour les Instituts de vie consacrée et les Sociétés de vie apostolique,
Très Révérende Mère Antonia Colombo, Supérieure Générale de l’Institut des Filles de Marie Auxiliatrice,
Très chers Responsables des différents Groupes de la Famille Salésienne,
Très Révérend Père Pietro Trabucco, Secrétaire de l’Union des Supérieurs Généraux,
Très Révérend Père Mario Toso, Recteur de l’Université Pontificale Salésienne,
au nom de toute l’Assemblée capitulaire, je Vous remercie de tout cœur pour votre présence en ce moment si rempli de signification pour la Société de Saint François de Sales et je Vous exprime combien est agréable à nous tous votre participation, qui vient honorer l’ouverture de notre 26ème Chapitre Général et encourager notre travail.
Très chers Confrères Capitulaires, Provinciaux et Supérieurs de quasi-Provinces, Délégués des provinces, Observateurs invités, venus du monde entier pour prendre part à ces importantes assises de notre Congrégation bien-aimée.
A vous tous, je désire souhaiter la bienvenue avec le cœur de Don Bosco. Sentez-vous chez vous et à votre aise ! La maison de Don Bosco est votre maison. La Maison Généralice est aussi la maison de Don Bosco, comme l’a été celle de Valdocco, où nous avons voulu, en esprit de prière et de contemplation, commencer les premières heures de cette Assemblée ; comme l’a été la maisonnette des Becchi, sur la façade de laquelle est reportée l’inscription avec les paroles de Don Bosco : “C’est ma maison”.
Le thème central du Chapitre, “Repartir de Don Bosco”, est une invitation adressée à toute la Congrégation. Il nous a conduits sur les lieux où notre père et fondateur bien-aimé, docile à la voix et à l’action de l’Esprit Saint, accueillit les débuts et favorisa le développement de ce charisme, dont nous sommes les héritiers, les garants, les témoins et les communicateurs. Les Becchi et Valdocco sont le berceau de notre expérience charismatique. Là se trouve notre identité, parce que c’est là que nous sommes tous nés, comme le chante, plein de joie, le psalmiste en pensant à la ville de Dieu : “en elle, tout homme est né […] En toi, toutes mes sources” (Ps 87 [86]).
Notre ADN est le même que celui de notre père Don Bosco, dont les gènes sont la passion pour le salut des jeunes, la confiance dans la valeur d’une éducation de qualité, la capacité d’impliquer beaucoup d’individus jusqu’à fonder un vaste mouvement de personnes capables de partager, dans la mission auprès des jeunes, la mystique du “da mihi animas” et l’ascétique du “caetera tolle”. Avec vous je formule les souhaits les plus vifs pour que notre Chapitre soit le point de mise en route pour repartir de Don Bosco et parvenir à l’année 2015, moment où, dans la joie et la reconnaissance, nous célébrerons le deuxième centenaire de sa naissance.
J’ai voulu mettre au début de ce discours d’ouverture la citation de saint Paul, tirée de la lettre aux Romains, parce que, me semble-t-il, il y exprime tout ce que j’ai dans le cœur et tout ce que j’attends de ces assises. S’il est vrai que n’importe quel Chapitre Général est un événement qui dépasse quant à sa substance le seul accomplissement formel de ce qui est prescrit par les Constitutions, à plus forte raison je retiens que le CG26 doit l’être plus encore. Ce sera un événement de Pentecôte, qui aura l’Esprit Saint comme principal protagoniste ; il se déroulera entre mémoire et prophétie, entre reconnaissance fidèle aux origines et ouverture inconditionnée à la nouveauté de Dieu. Et nous serons tous des sujets actifs, avec nos responsabilités et nos attentes, riches d’expérience, disponibles à l’écoute, au discernement, à l’accueil de la volonté de Dieu sur la Congrégation.
C’est Dieu lui-même qui nous convoque : continuellement et en tout temps il appelle et il envoie ses prophètes, pour qu’il y ait pour tous la vie en abondance. Les appels de Dieu demandent de la générosité, un dévouement total et une disposition à accueillir même la souffrance pour “donner la vie” ; il ne naît pas de vie sans “les douleurs de l’accouchement”. Dieu ne nous invite pas à consolider des situations de stagnation ou plus encore de mort, mais il envoie son Esprit pour redonner la vie et la vitalité, transformer les personnes et, à travers elles, renouveler la face de la terre.
Je ne peux pas ne pas rappeler en ce moment la vision pénétrante d’Ezéchiel sur le peuple de Dieu exilé, privé du Roi, du Temple et de la Loi. Sur les ossements desséchés, sur ce peuple mort, Dieu envoie l’Esprit et voici que réapparaissent les nerfs et que croît la chair. Il recouvre ces corps de peau et souffle son haleine de vie (cf. Ez 37,8ss). Certainement la nouveauté que Dieu veut offrir au monde peut se heurter à la résistance psychologique et spirituelle mise à « renaître d’en haut » (Jn 3,3), comme ce fut le cas pour Nicodème. Au contraire, ce qui nous est demandé, c’est la disponibilité exemplaire d’Abraham qui se laisse guider par le Dieu de la promesse (cf. Gn 12,1-3) ; il ne s’accroche pas non plus au fils tant attendu et parvient à renoncer à Isaac, sans hésiter à le sacrifier pourvu qu’il ne perde pas son Dieu. Toujours dans cette logique de disponibilité, nous avons un modèle parfait d’ouverture illimitée en la Vierge Marie, prête à laisser tomber son projet de vie pour assumer celui de Dieu (cf. Lc 1,35ss).
Le CG26 vise à quelque chose de nouveau et d’inédit. Nous presse l’urgence de revenir aux origines. Nous sommes appelés à trouver de l’inspiration dans la même passion apostolique que celle de Don Bosco. Nous sommes invités à puiser aux sources premières du charisme et, dans le même temps, à nous ouvrir avec audace et créativité à des modalités nouvelles pour l’exprimer aujourd’hui. Pour nous il s’agit de savoir comment découvrir pour le même diamant, notre charisme, de nouvelles facettes qui nous permettent de mieux répondre aux situations des jeunes, de comprendre et de servir leurs nouvelles pauvretés, d’offrir de nouvelles occasions d’assurer leur développement humain et leur éducation, leur chemin de foi et leur plénitude de vie.
Il est important que chacun de nous, chers Capitulaires, entre profondément en accord avec Dieu, qui nous appelle “aujourd’hui”, afin que l’inspiration et la force de son Esprit ne soient pas contrariées dans notre cœur, mises sous silence sur nos lèvres et déformées dans leur logique (cf. Ep 4,30). Tout cela signifie que l’effort auquel nous sommes appelés est celui d’élargir le plus possible l’arc de notre réceptivité « spirituelle », pour découvrir au plus profond de nous-mêmes la volonté de Dieu vis-à-vis de la Congrégation, et pour conformer de plus en plus notre façon de penser et de parler à la Parole de Dieu. Que les paroles que chacun d’entre nous se sentira appelé à prononcer, portent le moins possible le poids de la chair, car “ce qui est né de la chair est chair, et ce qui est né de l’Esprit est esprit». (Jn 3,6).[Cf. V. Bosco, Il Capitolo : momento di profezia per tenere il passo di Dio, Elle Di Ci, Turin 1980, p 8.]
Comment vivre alors l’expérience capitulaire de façon constructive ? Quel type d’engagement chaque Capitulaire doit-il assumer ? Avec quelles attitudes participer au Chapitre Général ?
En cultivant l’esprit prophétique
La conscience d’être convoqués par Dieu réveille en nous le sens de dépendance vis-à-vis de Lui et l’acceptation profonde de la mission qu’Il nous confie. Cela exige de nous une écoute continue, humble, obéissante. A la différence d’un congrès ou d’une réunion, où souvent prévaut la dialectique, nous nous trouvons ici à vivre un moment de discernement et de débat à propos de la vie de la Congrégation et au sujet de notre charisme, qui est un grand don de Dieu pour l’Eglise et pour les jeunes.
Nous ne pouvons pas tenir le rôle de spectateurs. Cela transformerait l’événement en simple fait de chronologie ; il n’en resterait qu’un vague souvenir, incapable de faire jaillir d’authentiques dynamismes transformateurs de l’histoire. C’est précisément le devoir du prophète : mu par l’Esprit du Christ et porteur de la Parole de Dieu, il est capable de transformer l’histoire. Pour que tout cela s’accomplisse dans notre expérience, le CG26 nous propose une pleine implication de nos personnes. Tous nous sommes appelés à vivre cet événement de façon responsable, à en saisir l’importance vitale et à raviver chaque jour l’intérêt et la disponibilité pour le chemin que l’Esprit nous conduit à accomplir.
Le Chapitre sera significatif et fécond, si, au lieu d’être un simple “fait”, qui se produit dans l’espace et le temps, il devient une “expérience” profonde qui touche avant tout notre personne elle-même. Et il la touchera, si dans la réalisation du Chapitre, nous sommes capables de trouver Dieu. A partir de là commenceront une régénération et une renaissance ; alors nous pourrons faire connaître à tous les confrères de la Congrégation “ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé et ce que nos mains ont touché” (1 Jn 1,1).
La croissance personnelle et le service à rendre à la Congrégation, qui sont mis en jeu dans l’expérience capitulaire vont de pair. Souvent on entend dire que la participation à un Chapitre Général représente une expérience intense de formation permanente ; et c’est vrai. Toutefois, personnellement, je préférerais parler d’une expérience charismatique, dans le sens le plus profond du terme, c’est-à-dire d’une expérience de l’Esprit et, puisqu’il s’agit d’une assemblée, d’une véritable Pentecôte communautaire.
Il ne s’agit pas seulement de ne pas décevoir les confrères, mais de ne pas gaspiller un “temps propice”, un “kairós”, donc de ne pas décevoir Dieu et les jeunes, les deux pôles qui configurent notre identité, autour desquels tourne notre vie et au service desquels se justifie notre existence.
En opérant le discernement
Précisément parce que le Chapitre n’est pas un congrès, mais un temps de discernement, il doit être vécu avec cette attitude, qui requiert de la préparation, une sérieuse réflexion, une prière sereine et profonde, un apport personnel, une conscience de sa propre adhésion, une écoute de Dieu et de soi-même.
Dans cette perspective ont contribué à établir ce climat spirituel aussi bien les journées de spiritualité salésienne vécues aux Becchi et à Turin que la Retraite Spirituelle et les deux jours de présentation de la Congrégation à travers les Secteurs et les Régions. L’atmosphère idéale dans laquelle Dieu accomplit son œuvre et conduit l’histoire, et aussi celle de notre Congrégation, c’est la charité : “Ubi caritas et amor, Deus ibi est”.
L’Esprit agit, souffle son haleine de vie et répand ses flammes de feu là où il y a une communauté réunie au nom du Christ et unie par l’amour. C’est la communion des cœurs qui nous convoque autour du même projet apostolique, celui de Don Bosco, et rend possible l’unité dans la diversité des contextes, des cultures, des langues.
En faisant route avec le Dieu de l’histoire
Aujourd’hui la situation du monde et de l’Eglise nous demande de faire route avec le Dieu de l’histoire. Nous ne pouvons pas renoncer à notre vocation d’être, en tant que consacrés, les éléments les plus efficaces et incisifs, à la façon de la pointe de diamant, dans le Royaume de Dieu, les sentinelles du monde et les senseurs [appareils qui détectent les changements et les orientations] de l’histoire. Notre vocation à être “signes et porteurs de l’amour de Dieu” (Const. 2) nous pousse à être ce que le Seigneur attend de tous ses disciples : “le sel de la terre et la lumière du monde” (cf. Mt 5,13-14). Voilà les deux images utilisées par Jésus pour définir et caractériser ses disciples. Elles sont toutes les deux très éloquentes et nous disent que se mettre à la suite du Christ n’est pas tant déterminé par le « faire » que par l’ « être », c’est-à-dire que c’est plus une question d’identité qu’une question d’efficacité, plus un problème de présence significative que de réalisations grandioses.
Ici également, ce qui importe n’est pas tant le renouveau de la Congrégation ou son avenir que la passion pour Jésus et le Royaume de Dieu. Voilà notre espérance. Et c’est là que se trouvent la vitalité, la crédibilité et la fécondité de notre Institut. En effet, l’ouverture aux demandes, aux provocations, aux incitations et aux défis de l’homme moderne, dans notre cas à ceux des jeunes, nous libère de toute forme de sclérose, d’atonie, et d’impasse, d’embourgeoisement et nous met en route “au pas de Dieu”. Nous éviterons alors de regarder en arrière, et de devenir ainsi des statues de sel, ou bien de nous illusionner par de stériles fuites en avant, non conformes à la volonté de Dieu.
Un élément typique de Don Bosco et de la Congrégation a toujours été la sensibilité à l’histoire et, aujourd’hui plus que jamais, nous ne pouvons pas la négliger. Elle nous rendra attentifs aux demandes pressantes de l’Eglise et du monde. Elle nous fera “aller” et “sortir” à la recherche des jeunes. Cela devra se traduire dans un document capitulaire capable de remplir de feu le cœur des confrères. Ce texte constituera une véritable carte de navigation dans les années à venir. Voilà pourquoi est importante la lecture des “signes des temps”, dont j’ai voulu indiquer quelques-uns dans les ACG 394, dans la lettre de convocation du CG26.
En construisant sur le roc
Dans ma lettre circulaire, portant le titre « TU ES MON DIEU ! JE N’AI PAS D’AUTRE BONHEUR QUE TOI » (Ps 16,2) et publiée dans les ACG 382, je parlais d’une vie consacrée de type libéral qui a désormais épuisé ses possibilités et n’a plus d’avenir. On a fait des efforts de renouvellement et on a essayé de croître, mais pas exactement selon la logique d’une vie qui est consacrée avant tout à Dieu. Beaucoup d’expériences confirment l’impression qu’on a voulu construire la maison sur le sable, et non sur le roc. Toute tentative de refonder la vie consacrée qui ne nous reconduirait pas à Jésus-Christ, fondement de notre vie (cf. 1 Co 3,11), et qui ne nous rendrait pas plus fidèles à Don Bosco, notre fondateur, est destinée à échouer.
Il n’y a pas de doute que la vie consacrée est en train de vivre une période encore plus délicate que celle qui a suivi immédiatement le Concile, malgré tous les efforts de renouvellement qui ont été effectués. Devant ce panorama peut apparaître la tentation d’un simple retour à la situation du passé, dans laquelle on puisse récupérer la sécurité et la tranquillité, au prix d’une fermeture aux nouveaux signes des temps, qui nous poussent à répondre avec davantage d’identité, de visibilité et de crédibilité.
La solution n’est pas dans des choix pour effectuer une restauration ; en effet, on ne peut pas enlever à la vie consacrée la force prophétique qui l’a toujours distinguée et qui la rend dynamique et fait d’elle une contre-culture. Comme je l’ai déjà dit plusieurs fois, ce qui est mis en jeu pendant la période des six prochaines années n’est pas la survie, mais la prophétie de notre Congrégation. Nous ne devons donc pas cultiver un “acharnement institutionnel”, en cherchant à prolonger la vie à tout prix ; nous devons plutôt chercher avec humilité, avec constance et avec joie à être des signes de la présence de Dieu et de son amour pour l’homme. C’est seulement ainsi que nous pourrons être une force entraînante et fascinante.
Eh bien, pour être une présence prophétique dans l’Eglise et dans le monde, la vie consacrée doit éviter la tentation de se conformer à la mentalité répandue dans ce monde et marquée de laïcité, d’hédonisme et de tendance à user à outrance des biens de consommation, et elle doit se laisser guider par l’Esprit, qui l’a suscitée pour être une forme privilégiée de “sequela ” et d’imitation du Christ. Nous pourrons ainsi connaître et assumer la volonté de Dieu sur nous, dans cette phase de l’histoire, et l’intégrer dans notre vie avec joie, conviction et enthousiasme. « Ne vous conformez pas au monde présent, mais soyez transformés par le renouvellement de votre intelligence, pour discerner quelle est la volonté de Dieu : ce qui est bien, ce qui lui est agréable, ce qui est parfait » (Rm 12,2). Nous ne pouvons pas oublier que la vie chrétienne, et à plus forte raison la vie consacrée, n’ont pas d’autre vocation et d’autre mission que d’être « sel de la terre » et « lumière du monde ».
Sel de la terre, nous le sommes quand nous vivons l’esprit des Béatitudes, quand nous construisons notre vie à partir du Sermon sur la montagne, quand nous vivons une existence qui constitue une solution de remplacement. Il s’agit d’être des personnes qui, en face d’une société soucieuse de privilégier le succès, l’éphémère, le provisoire, l’argent, la jouissance, la puissance, la vengeance, le conflit, la guerre, choisissent la paix, le pardon, la miséricorde, la gratuité, l’esprit de sacrifice, en commençant par le cercle restreint de la famille ou de la communauté pour aller ensuite jusqu’à la société.
Jésus nous avertit cependant qu’il est possible que le sel perde sa saveur, que ses disciples ne soient pas authentiques. Il en signale les effets désastreux : « Il n’est plus bon à rien qu’à être jeté dehors et foulé aux pieds par les gens ». Ou bien nous sommes des disciples dont l’identité évangélique est claire, et alors nous sommes significatifs et utiles pour le monde, ou bien nous devons être jetés et méprisés, nous sommes des misérables, nous ne sommes rien. Le christianisme, la foi, l’évangile, la vie consacrée ont une valeur sociale et une responsabilité publique, parce qu’ils sont une vocation et une mission, et ne peuvent pas être compris et vécus “à usage privé”.
C’est le sens de l’exhortation par laquelle Jésus conclut ses déclarations : « Ainsi votre lumière doit-elle briller aux yeux des hommes ». Jésus veut que ses disciples fassent du Sermon sur la montagne un programme de vie. Douceur, pauvreté, gratuité, miséricorde, pardon, abandon à Dieu, confiance, amour porté aux autres sont donc les œuvres évangéliques que l’on doit faire resplendir, celles qui nous font devenir “sel” et “lumière”, celles qui nous aident à établir cette société de remplacement qui ne permet pas à l’humanité de se corrompre complètement.
Nous, chers confrères, nous sommes appelés à être espérance, à être lumière et sel ; nous sommes appelés à une mission envers la société et le monde, une mission qui peut être résumée en un mot : sainteté ! Etre lumière et sel veut dire être saint. L’article 25 des Constitutions présente la profession comme une source de sanctification. Après avoir parlé des confrères qui, en vivant en plénitude le projet de vie évangélique, deviennent des entraîneurs sur notre chemin de sanctification, il conclut : « Le témoignage de cette sainteté, qui se concrétise dans la mission salésienne, révèle la valeur unique des béatitudes et constitue le don le plus précieux que nous puissions offrir aux jeunes ».
Jean-Paul II nous disait : “Ce serait un contresens que de se contenter d’une vie médiocre, vécue sous le signe d’une éthique minimaliste et d’une religiosité superficielle […] Il est temps de proposer de nouveau à tous, avec conviction, ce « haut degré » de la vie chrétienne ordinaire”,[Jean-Paul II, Novo Millennio Ineunte, n. 31. Cf. aussi Repartir du Christ, n. 46.] qu’est précisément la sainteté. En paraphrasant don Bosco, je dirai qu’il est fascinant d’être saint, parce que la sainteté est luminosité, tension spirituelle, splendeur, lumière, joie intérieure, équilibre, limpidité, amour porté jusqu’à l’extrême.
S’il est vrai que la vie consacrée est « un don divin que l’Eglise a reçu de son Seigneur », « un arbre » planté « par Dieu » dans l’Eglise, un « don spécial » qui aide l’Eglise dans la mission de Salut, et qu’elle « appartient » fermement à la vie et à la sainteté de l’Eglise (cf. LG 43 et 44), il s’ensuit que le déroulement d’un Chapitre est un événement ecclésial dans le sens le plus authentique du mot. Il s’agit d’un véritable “kairós”, dans lequel Dieu agit pour porter l’Eglise à être de plus en plus l’épouse du Christ, toute resplendissante, sans tache et sans rides.
Dans une étude linguistique effectuée au lendemain de la détermination du thème du CG26, le P. Julian Fox écrivait que le mot qui revenait le plus fréquemment dans les interventions du Recteur majeur, à partir de la présentation des documents du CG25, était “passion”, uni ordinairement à “da mihi animas”. [La référence remonte essentiellement à une phrase située au n. 20 de CG25 [ACG 378, p. 34] : “Chaque communauté est formée d’hommes, plongés dans la société, qui expriment la passion évangélique du « da mihi animas, cetera tolle » avec l’optimisme de la foi, le dynamisme et la créativité de l’espérance, la bonté et le don total de la charité”. Chaque communauté exprime la passion, basée sur l’Evangile, du “da mihi animas”’. Ainsi, tandis que le RM ne fait pas en réalité mention du terme “passion“ parmi les premières choses qu’il écrivait à la Congrégation tout entière en guise d’introduction aux documents du CG25, il est alors en train d’introduire un document qui le fait, et bientôt lui-même reprend ensemble, d’une manière ou d’une autre, les deux termes “passion” et “da mihi animas” dans les lettres qui suivront. Nous pouvons dire qu’ils étaient là depuis le commencement de sa conscience d’être Recteur majeur. (J. Fox, 06.04.2006).] Sa conclusion est que le “da mihi animas” de Don Bosco est ce qui donne un contenu et du sens au mot “passion”, fréquemment employé par moi dans mes écrits ; autrement dit, le terme “passion” décrit très bien le sens du “da mihi animas”.
Ce langage s’est fait plus intense à partir du Congrès international de la vie consacrée, qui s’est déroulé à Rome à la fin de novembre 2004 et qui eut précisément comme thème du programme “Passion pour le Christ, passion pour l’Humanité”. Comme membre du Conseil exécutif et de la Commission théologique de la USG, j’ai eu la possibilité de contribuer au choix de ce thème, qui entendait souligner de nouveau la place centrale de la “passion” dans le témoignage contemporain de la vie consacrée.
A l’intérieur de la tradition salésienne et dans le contexte plus large de la vie consacrée, ce choix est effectué dans le but de nous ramener, nous qui sommes consacrés, à cultiver une puissante force entraînante, une immense énergie qui sont précisément celles du désir. L’union profonde entre “passion” et “da mihi animas” appartient à notre structure génétique, non au niveau formel, mais au niveau essentiel. Dans cette manière de ressentir les choses, qui est un don charismatique de notre fondateur, cette “passion” nous relie profondément à Dieu et aux jeunes. Le choix du thème “Da mihi animas, caetera tolle” a donc voulu aller aux racines de notre charisme, au choix “fondamental” spirituel et apostolique de Don Bosco, que lui-même a laissé comme programme de vie aux Salésiens (cf. Const. 4). Cette devise synthétise, en effet, notre identité charismatique et notre mission.
Da mihi animas exprime une mission désirée, demandée, acceptée. La mission est un don de Dieu ; c’est Lui qui veut être au milieu des jeunes par notre intermédiaire, parce que Lui-même veut les sauver, veut leur donner sa plénitude de vie ; la mission doit donc être désirée, car elle naît dans le cœur de Dieu Sauveur, et non pas de notre volonté. La mission est en outre un don qui doit être demandé ; le missionnaire des jeunes n’est le propriétaire ni de sa vocation ni des destinataires ; la mission se réalise en premier lieu dans le dialogue avec le Maître de la moisson ; cela implique une relation profonde avec Dieu, vraie condition préalable de toute mission. La mission est ensuite un don que l’on accepte ; cela demande l’identification avec le charisme et le souci de la fidélité à la vocation au moyen de la formation initiale et de la formation permanente ; ce sera cette fidélité qui nous protégera de la désaffection à l’égard de Dieu et des jeunes.
Caetera tolle représente la disposition intérieure et l’effort ascétique pour accueillir la mission. C’est un choix de détachement de tout ce qui nous éloigne de Dieu et des jeunes. Ce choix nous demande : une vie personnelle et communautaire plus simple et plus pauvre, avec, en conséquence, une réorganisation institutionnelle du travail, qui puisse nous aider à surmonter le risque d’être les gestionnaires des œuvres plus que les évangélisateurs des jeunes ; l’attention aux nouvelles pauvretés des jeunes et de nos destinataires en général ; l’ouverture aux nouveaux fronts d’action de l’évangélisation dans un engagement apostolique profondément renouvelé.
L’objectif du CG26 est de toucher le cœur du salésien, pour faire en sorte que chaque confrère soit “un nouveau Don Bosco”, un de ses interprètes aujourd’hui ! Nous avons défini ce but en disant que le CG26 veut réveiller « le cœur de chaque confrère par la passion du “Da mihi animas” ». Nous sommes certains d’atteindre l’objectif, si chaque salésien s’identifie avec Don Bosco, en l’accueillant dans sa vie comme “père et modèle” (cf. Const. 21). C’est pourquoi nous devrons renouveler notre attention et notre amour vis-à-vis des Constitutions, en en cueillant toute la force charismatique.
A ce sujet, je voudrais vous indiquer d’une manière particulière le chapitre deux des Constitutions qui nous présente l’“esprit salésien”. Nous nous souvenons de ce que Don Bosco nous a laissé par écrit dans son Testament spirituel : “Si vous m’avez aimé dans le passé, continuez à m’aimer dans l’avenir par l’exacte observance de nos Constitutions”.[TESTAMENT SPIRITUEL DE DON BOSCO, Ecrits de Don Bosco, dans CONSTITUTIONS ET REGLEMENTS, éd. 2005, p. 255. ] Et Don Rua nous répète : « Quand le Vénérable D. Bosco envoya ses premiers fils en Amérique, il voulut que la photographie le représentât au milieu d’eux en train de remettre à Don Giovanni Cagliero, chef de l’expédition, le livre de nos Constitutions. Que de choses D. Bosco exprimait avec cette attitude ! […et il nous disait :] Je voudrais vous accompagner moi-même, vous encourager, vous consoler, vous protéger. Mais ce que je ne peux pas faire, moi, ce petit livre le fera. Gardez-le comme le trésor le plus précieux ».[Lettre circulaire du 1er décembre 1909, dans Lettere circolari di Don Michele Rua ai Salesiani, Direction Générale des Œuvres Salésiennes, Turin 1965, p. 498.] Et enfin Don Rinaldi affirmait : “Tout Don Bosco se trouve en elles”.
Le thème du CG26 “Da mihi animas, caetera tolle” a comme sous-titre l’expression “Identité charismatique et passion apostolique”. En fin de compte, le renouveau profond dont a besoin la Congrégation en ce moment historique et auquel vise ce Chapitre Général, dépend de l’union inséparable de ces deux éléments. A mon avis, il faut surmonter dès le départ le dilemme classique entre “identité charismatique et influence sociale”. En réalité, c’est un faux problème : il ne s’agit pas, en effet, de deux facteurs indépendants et leur mise en opposition peut se traduire en des tendances idéologiques qui dénaturent la vie consacrée, deviennent la cause de tensions inutiles et d’efforts stériles, provoquent un sentiment d’échec. Je me demande donc : où trouver l’identité salésienne, celle qui a garanti l’influence sociale de la Congrégation, influence qui s’est manifestée dans le “phénomène salésien”, comme il fut appelé par Paul VI, fruit de son incroyable croissance en nombre de vocations et de son expansion mondiale ?
Il se produit pour nous ce que l’Eglise vit aujourd’hui. Elle « se trouve toujours devant deux impératifs sacrés qui la maintiennent dans une tension insurmontable. D’une part elle est liée à la mémoire vivante, à l’assimilation théorique et à la réponse historique relatives à la révélation de Dieu dans le Christ, révélation qui est l’origine et le fondement de son existence. D’autre part, elle est liée à la communication généreuse du Salut offert par Dieu à tous les hommes et envoyée pour cette communication qu’elle parvient à faire au moyen de l’évangélisation, de la célébration sacramentelle, du témoignage vivant et de la collaboration généreuse de chacun de ses membres. Le souci de l’identité et l’exercice de la mission sont sacrés d’une manière égale. Quand la fidélité aux origines et la préoccupation pour l’identité sont disproportionnées ou sont excessives, l’Eglise se convertit en une secte et succombe au fondamentalisme. Quand la préoccupation pour son influence aux yeux de la société et en face des causes communes de l’humanité est portée jusqu’à la limite, au point où l’on oublie ses propres sources premières, alors l’Eglise arrive au bord de la dissolution et finalement de l’insignifiance ».[O. González de Cardenal, Ratzinger y Juan Pablo II. La Iglesia entre dos milenios, Ed. Sígueme, Salamanque 2005, pp. 224 ss. ]
Voici les deux éléments constitutifs pour l’Eglise et, donc, pour la Congrégation : son identité, qui consiste dans le fait d’être composée de disciples de Jésus Christ, et sa mission, qui est centrée sur le fait que ceux-ci travaillent pour le salut des hommes, dans notre cas celui des jeunes. La préoccupation proche de l’obsession pour l’identité débouche sur le fondamentalisme et ainsi on perd l’influence. L’angoisse pour une influence sociale dans l’accomplissement de la mission, à n’importe quel prix et au détriment de l’identité en allant jusqu’à la perdre, conduit au contraire à la dissolution du fait lui-même d’“être Eglise”.
Cela signifie que la fidélité de l’Eglise, et a fortiori celle de la Congrégation, dépend de l’union inséparable de ces deux facteurs : identité charismatique et influence sociale. Souvent, en formulant ces éléments comme antagonistes ou simplement en les disjoignant, “ou identité ou influence”, nous pouvons tomber dans une conception erronée de la vie consacrée, en pensant que, s’il y a beaucoup d’identité de foi et de charisme, l’engagement social peut en souffrir et, en conséquence, il peut y avoir peu de signification de notre vie. Nous oublions que “la foi sans les œuvres est stérile” (Jc 2,20). Il ne s’agit pas d’une alternative, mais d’une intégration !
En parlant du renouveau de la vie consacrée, dans le numéro 2 du Décret Perfectae Caritatis, le Concile Vatican II proposait cette orientation de base : “La rénovation adaptée de la vie religieuse comprend à la fois [c’est moi qui souligne] le retour continu aux sources de toute vie chrétienne ainsi qu’à l’inspiration originelle des instituts et, d’autre part, la correspondance de ceux-ci aux conditions nouvelles d’existence”.
Il est donc fait référence à trois points dans ce programme de renouveau : 1) un retour continu aux sources de toute vie chrétienne ; 2) un retour continu à l’inspiration originelle des instituts ; 3) la correspondance des instituts aux conditions nouvelles d’existence. Il y a cependant un critère qui devient normatif, à savoir que les trois demandes de la réforme vont ensemble : simul [à la fois]. Il ne peut y avoir aucune rénovation adaptée si ces perspectives sont envisagées séparément. C’est peut-être en cela qu’a consisté l’erreur de certaines tentatives de réforme de la vie consacrée qui ont échoué. Dans la période qui a suivi immédiatement le Concile, tandis que quelques-uns soulignaient l’inspiration originelle de l’institut au moyen d’une forte identité, d’autres optaient pour la correspondance à la nouvelle situation du monde contemporain avec un engagement social plus fort. Ainsi les polarisations restaient toutes les deux infécondes et sans une force effective de conviction.
A plusieurs reprises j’ai partagé la profonde impression que me fit la visite à la Maison Mère des Sœurs de la Charité à Calcutta, justement en raison de la conviction particulière que Mère Teresa a su transmettre à ses Sœurs : plus tu te donnes de mal pour ceux dont personne ne s’occupe, et qui sont le plus dans la pauvreté et le besoin, plus tu dois exprimer la différence, la raison fondamentale de cette préoccupation, qui consistent dans le Christ Crucifié. L’unique forme, dans laquelle devient clair le témoignage de la vie consacrée, se réalise quand elle est capable de révéler que Deus caritas est. Mère Teresa écrivait : “Une prière plus profonde te porte à une foi plus vibrante, une foi plus vibrante à un amour plus expansif, un amour plus expansif à un don de toi-même plus altruiste, un don de toi-même plus altruiste à une paix durable”.
L’identification avec la société contemporaine, sans une profonde identification avec Jésus Christ, perd sa capacité de constituer un symbole et sa force d’inspiration. C’est seulement cette inspiration qui rend possible la différence dont la société a besoin. La seule identification avec un groupe social ou avec un programme politique déterminé, même chargé d’un impact social, n’est plus éloquente ni crédible. Pour ce but il y a d’autres institutions et d’autres organisations dans le monde d’aujourd’hui.
Voici ce que Don Bosco a su faire d’une façon extraordinaire. Dans l’article 21, notre texte des Constitutions nous le présente d’une manière magistrale, en appliquant précisément à Don Bosco les noms de Père et de Maître et en nous l’offrant comme modèle. Les raisons qui sont données sont au nombre de trois :
a) Il réussit à réaliser dans sa propre vie un splendide accord de la nature et de la grâce
Voilà donc son identité.
b) Ces deux aspects se sont fondus dans un projet de vie d’une profonde unité : le service des jeunes
Voilà en quoi réside son influence.
c) En toute vérité il n’eut rien d’autre à cœur que les âmes
Voici la grâce de l’unité.
Aujourd’hui la Congrégation a besoin de cette conversion, qui nous fasse dans le même temps récupérer l’identité charismatique et la passion apostolique. Notre engagement pour le salut des jeunes, spécialement des plus pauvres, passe nécessairement par l’identification charismatique.
En Don Bosco la sainteté resplendit à partir de ses œuvres, c’est vrai ; mais les œuvres ne sont que l’expression de sa vie de foi. L’union à Dieu, c’est vivre en Dieu sa propre vie ; c’est demeurer en Sa présence ; c’est participer à la vie divine qui est en nous. Don Bosco fit de la révélation de Dieu et de son Amour, la raison de sa propre vie, selon la logique des vertus théologales : avec une foi qui devenait signe attrayant pour les jeunes, avec une espérance qui était parole lumineuse pour eux, avec une charité qui se faisait geste d’amour à leur égard.
Très chers Confrères Capitulaires, le 3 avril 2002 j’ai été élu Recteur majeur par le CG25 et les jours suivants furent élus le Vicaire et les autres Conseillers de Secteur et de Région, avec la tâche d’animer et de gouverner la Congrégation pendant la période des six années 2002-2008. Au long de ces six années nous avons cherché à vivre avec intensité cette tâche, en nous investissant avec nos meilleures énergies.
Un peu plus d’un an après, le P. Luc Van Looy, a été appelé par le Saint-Père au ministère épiscopal comme Evêque du Diocèse de Gand, en Belgique. Cela nous a obligés à nommer un nouveau Vicaire, le P. Adriano Bregolin, et en conséquence un nouveau Régional pour l’Italie et le Moyen-Orient en la personne du P. Pier Fausto Frisoli. L’un de nous, le P. Valentín de Pablo, est décédé au cours de la Visite Extraordinaire qu’il effectuait dans la quasi-Province AFO. Deux Conseillers, le P. Antonio Domenech et le P. Helvécio Baruffi, ont été durement éprouvés par la maladie. Et enfin, le 23 janvier de cette année, le Saint-Père a nommé Evêque le P. Tarcisio Scaramussa, qui était Conseiller pour la Communication Sociale, en lui confiant la tâche importante d’Auxiliaire dans l’Archidiocèse de São Paulo.
Je remercie chacun des Conseillers : en se tenant proches de moi, ils apportèrent une collaboration loyale, généreuse et compétente dans les différentes charges qui leur étaient confiées. Et arrive aujourd’hui le moment de donner de nouveau la parole à l’Assemblée Capitulaire, qui représente la plus grande expression de l’autorité dans la vie de la Congrégation. Donc à vous tous, très chers confrères, la parole, mais aussi l’invitation à ouvrir votre cœur à l’Esprit, le grand Maître intérieur qui nous guide toujours vers la vérité et la plénitude de vie.
Je conclus en confiant cet événement, Pentecôte pour notre Congrégation, à Notre-Dame, à Marie Auxiliatrice. Elle a toujours été présente dans notre histoire et elle fera en sorte que sa présence et son aide ne nous manquent pas en cette heure. Comme au Cénacle, Marie, l’experte de l’Esprit, nous enseignera à nous laisser guider par Lui pour pouvoir « discerner quelle est la volonté de Dieu : ce qui est bien, ce qui lui est agréable, ce qui est parfait » (Rm 12,2b).
Rome, 3 mars 2008.
P. Pascual Chávez Villanueva
Recteur majeur
Hommage du Recteur majeur au Pape à l’occasion de l’audience pontificale
Très Saint-Père,
nous ressentons une grande joie et nous considérons comme un merveilleux don de Dieu de pouvoir rencontrer Votre Sainteté à l’occasion de notre 26ème Chapitre Général. Je suis heureux de pouvoir Vous présenter les membres du nouveau Conseil Général, élus la semaine dernière, et tous les autres Inspecteurs-Provinciaux, ainsi que les délégués respectifs des 96 Circonscriptions qui forment les subdivisions de notre Société Salésienne. Sont également présents quelques invités tenant le rôle d’observateurs. En tout 233 membres, qui représentent les Salésiens, au nombre de presque 16 000, qui œuvrent dans 129 pays du monde.
La joie que produit en nous la rencontre avec le Saint-Père est le fruit et l’expression de notre Charisme. En effet, notre Père Don Bosco avait l’habitude de dire : “N’importe quelle fatigue est peu de choses, lorsqu’il s’agit de l’Eglise et de la Papauté” (MB V, 577). Il avait une vision enracinée dans la certitude de la présence vivante de l’Esprit Saint dans l’Eglise, dans la conviction que le Pape est le Vicaire du Christ sur la terre, et dans la conscience que Notre-Dame est l’Auxiliatrice des Chrétiens. En cohérence avec de tels principes il favorisa et réalisa des initiatives, prit des décisions et accepta des tâches difficiles, en faisant toujours de la volonté du Saint-Père un point de référence fondamental pour son action et pour sa spiritualité. Cette façon de voir est vivante en nous, Très Saint-Père, et par là, en plus d’exprimer que nous sommes proches de la personne du Pape et en union avec elle, nous entendons exprimer notre Amour et notre plein dévouement au service de l’Eglise.
Le Chapitre qui se déroule actuellement a focalisé son attention sur un point important du Charisme de notre Congrégation Salésienne : “Da mihi animas, caetera tolle”. Cette courte prière est la devise que Don Bosco a choisie, dès les débuts, pour son apostolat parmi les jeunes. Ainsi, tout à la fois, il entendait exprimer la totale remise de lui-même à Dieu, une grande passion apostolique et la disponibilité totale pour tout renoncement, pourvu qu’il pût accomplir sa mission.
Pendant ce Chapitre Général nous avons pris en considération le don total à Dieu qui, effectué près des jeunes, animait notre Saint Fondateur et nous avons voulu y comparer le nôtre. Nous nous sommes proposé de revenir à Don Bosco et de repartir de lui avec la volonté de l’étudier, de l’aimer, de l’imiter et de l’invoquer, en nous appliquant à la connaissance de son histoire et des origines de la Congrégation ; et tout cela pour “revenir aux jeunes”, pour être à l’écoute de leurs appels et prendre en charge leurs inquiétudes et leurs attentes, à la lumière de la culture d’aujourd’hui.
Nous ressentons toute l’actualité du Charisme éducatif dont nous sommes porteurs, Très Saint-Père, et nous entendons le vivre intensément pour le bien de la jeunesse comme un apport original à la mission d’évangélisation qui est celle de l’Eglise.
Le déroulement d’un Chapitre Général est toujours aussi un moment de vérification et nous sommes heureux de pouvoir constater que nos Confrères sont en train d’œuvrer avec fidélité et efficacité dans de nombreuses parties du monde. Il y a trente ans le P. Egidio Viganò, Recteur majeur de l’époque, faisait commencer le “Projet Afrique”. Une vaste initiative de jumelages missionnaires a permis que notre présence a pu se multiplier, en s’étendant jusqu’à atteindre 42 pays du continent. A présent les Confrères en Afrique sont plus de 1 200 et, pour la plus grande partie d’entre eux, ils sont autochtones. En Amérique Latine, nous continuons à travailler avec un grand engagement dans le domaine de l’éducation. L’attention portée aux jeunes les plus pauvres vivant dans les banlieues des villes, dans la rue comme aussi dans les zones du continent de moindre développement est toujours grande. En Asie et en Océanie, où la religion catholique est peu répandue, au vu des pourcentages, nous avons une grande floraison de vocations et l’évangélisation est menée avec enthousiasme et avec fruit, surtout parmi les populations d’origine tribale. C’est le cas en Inde, en Indonésie, au Vietnam, à Timor, jusqu’aux Iles Fidgi et aux Iles Samoa. Un rêve nous reste dans le cœur, celui de nous dévouer également à la jeunesse de la grande Chine et d’accomplir le rêve missionnaire de Don Bosco. Quand il plaira au Seigneur d’ouvrir également cette porte, ce sera une grande joie pour toute l’Eglise comme aussi pour notre Congrégation.
Nous avons conscience, Sainteté, que la “missio ad gentes” est une vocation qui nous appelle avec un engagement renouvelé également vers le continent européen, comme aussi vers les zones de majeur développement du continent nord-américain et de l’Australie. Don Bosco nous pousse à rechercher de nouveaux chemins pour rencontrer également ces jeunes, qui très souvent ne présentent pas les signes d’une pauvreté matérielle, mais sont certainement d’une grande pauvreté du point de vue spirituel ; ils sont à la recherche de réponses et n’ont pas d’amis pour leur cœur ; ils sont affamés de vie et ont perdu le sens de la vie. C’est pour tout cela que le Chapitre Général est orienté vers une formulation d’un “Projet Europe”, dans le but de dessiner à nouveau d’une manière plus tranchante et efficace la présence salésienne dans ce continent. C’est-à-dire de rechercher une nouvelle proposition d’évangélisation pour répondre aux besoins spirituels et moraux de ces jeunes, qui nous apparaissent un peu comme des pèlerins sans guides et sans but.
Très Saint-Père, tandis que nous renouvelons les sentiments de notre filiale reconnaissance, nous Vous donnons l’assurance de notre prière constante pour les intentions que vous portez pour l’Eglise et pour le monde, et nous accueillons de votre part avec joie les indications qui pourront de façon plus claire marquer le chemin de notre Congrégation au cours de six prochaines années, qui nous prépareront d’une manière immédiate à célébrer le bicentenaire de la naissance de Don Bosco (1815-2015).
Veuillez voir toujours en nous des fils très dévoués et nous bénir.
Rome, 31 mars 2008.
P. Pascual Chávez Villanueva
Recteur majeur
Discours de Sa Sainteté BENOÎT XVI durant l’audience accordée aux membres du Chapitre le 31 mars 2008
Chers membres du Chapitre Général de la Congrégation salésienne,
Il m’est agréable de vous rencontrer aujourd'hui tandis que vos travaux capitulaires sont en train d’arriver à leur phase conclusive. Je remercie avant tout le Père Pascual Chávez Villanueva, Recteur majeur, pour les sentiments qu'il a exprimés au nom de vous tous, en confirmant la volonté de la Congrégation d'œuvrer toujours avec l’Eglise et pour l’Eglise, en plein accord avec le Successeur de Pierre. Je le remercie également pour le service généreux effectué au cours de la période des six années passées et je lui présente mes souhaits pour la charge qui vient de lui être renouvelée. Je salue également les membres du nouveau Conseil Général, qui aideront le Recteur majeur dans sa tâche d'animation et de gouvernement de toute votre Congrégation.
Dans le message adressé pour le début de vos travaux au Recteur majeur et, par son intermédiaire, à vous les membres du Chapitre, j’avais exprimé quelques attentes que l’Eglise place en vous, Salésiens, et j’avais aussi présenté quelques considérations pour la route de votre Congrégation. Aujourd’hui j’ai l’intention de reprendre et d’approfondir certaines de ces indications, également à la lumière du travail que vous êtes en train d’effectuer. Votre XXVIème Chapitre Général se situe dans une période de grands changements sociaux, économiques, politiques ; de problèmes aggravés sur le plan de la morale, de la culture et du milieu de vie ; de conflits irrésolus entre ethnies et nations. En ce temps qui est le nôtre il y a, d’autre part, des communications plus intenses entre les peuples, de nouvelles possibilités de connaissance et de dialogue, une confrontation plus vive sur les valeurs spirituelles qui donnent un sens à l’existence. En particulier, les appels que les jeunes nous adressent, surtout leurs demandes sur les problèmes de fond, reflètent les intenses désirs qu’ils nourrissent d’une vie pleine, d’un amour authentique, d’une liberté constructive. Ce sont des situations qui interpellent à fond l’Eglise et sa capacité d’annoncer aujourd’hui l’Evangile du Christ avec tout son poids d’espérance. Je souhaite donc vivement que toute la Congrégation salésienne, grâce aussi aux résultats de votre Chapitre Général, puisse vivre avec un renouveau d’élan et de ferveur la mission pour laquelle l’Esprit Saint, par l’intervention maternelle de Marie Auxiliatrice, l’a suscitée dans l’Eglise. Je veux aujourd’hui vous encourager et, avec vous, tous les Salésiens à continuer sur la route de cette mission, en restant pleinement fidèles à votre charisme originel, dans le contexte qui désormais est celui du bicentenaire imminent de la naissance de Don Bosco.
Avec le thème “Da mihi animas, caetera tolle” votre Chapitre Général s'est proposé de raviver la passion apostolique dans chaque Salésien et dans toute la Congrégation. Cela aidera à mieux caractériser le profil du Salésien, de manière à ce qu'il devienne de plus en plus conscient de son identité de personne consacrée “pour la gloire de Dieu” et soit de plus en plus enflammé dans un élan pastoral “pour le salut des âmes”. Don Bosco voulut que la continuité de son charisme dans l'Eglise fût assurée par le choix de la vie consacrée. De nos jours également, le mouvement salésien ne peut croître dans la fidélité à son charisme que si un noyau fort et vital de personnes consacrées continue à demeurer en son sein. C'est pourquoi, afin d’affermir l'identité de toute la Congrégation, votre premier engagement consiste à renforcer la vocation de chaque salésien à vivre en plénitude la fidélité à son appel à la vie consacrée. Toute la Congrégation doit tendre à être continuellement “une mémoire vivante du mode d'existence et d'action de Jésus comme Verbe incarné par rapport à son Père et à ses frères” (Vita consecrata, 22). Que le Christ soit le centre de votre vie ! Il faut se laisser saisir par Lui et de Lui repartir sans cesse. Que tout le reste soit considéré “comme désavantageux à cause de la supériorité de la connaissance du Christ” et que toute chose soit regardée “comme des déchets, afin de gagner le Christ” (Ph 3,8). C'est de là que naissent l'amour ardent pour le Seigneur Jésus, l'aspiration à s’identifier à Lui en en assumant les sentiments et la forme de vie, l'abandon confiant au Père, le dévouement à la mission évangélisatrice, qui doivent caractériser chaque Salésien : ce dernier doit sentir qu’il est choisi pour se mettre à la suite du Christ obéissant, pauvre et chaste, selon les enseignements et les exemples de Don Bosco.
Le processus de laïcisation, qui progresse dans la culture contemporaine, n’épargne malheureusement pas non plus les communautés de vie consacrée. C'est pourquoi il faut veiller sur des formes et des styles de vie qui risquent d'affaiblir le témoignage évangélique, de rendre inefficace l'action pastorale et de fragiliser la réponse à une vocation. Je vous demande donc d'aider vos Confrères à conserver et à raviver la fidélité à l'appel. La prière adressée par Jésus à son Père avant sa Passion, pour Lui demander de garder en son nom tous les disciples qu'Il lui avait donnés et pour ne voir se perdre aucun d'eux (cf. Jn 17,11-12), vaut en particulier pour les vocations de spéciale consécration. C'est pourquoi “la vie spirituelle doit être en première place dans le projet” de votre Congrégation ( Vita consecrata, 93). Que la Parole de Dieu et la liturgie soient les sources de la spiritualité salésienne ! En particulier que la lectio divina, pratiquée quotidiennement par chaque Salésien, et l'Eucharistie, célébrée chaque jour dans la communauté, en soient l’aliment et le soutien. C'est de là que naîtra l'authentique spiritualité du dévouement apostolique et de la communion ecclésiale. La fidélité à l'Evangile vécu sine glossa [sans commentaire] et à votre Règle de vie, en particulier un train de vie austère et la pauvreté évangélique pratiquée de manière cohérente, l'amour fidèle pour l'Eglise et le don généreux de vous-mêmes aux jeunes, notamment à ceux qui sont le plus dans le besoin et à ceux qui sont frappés d’un handicap, seront la garantie de la floraison de votre Congrégation.
Don Bosco est un exemple admirable d’une vie marquée par la passion apostolique, vécue au service de l’Eglise dans la Congrégation et la Famille salésienne. A l’école de Saint Joseph Cafasso, votre Fondateur apprit à assumer la devise “Da mihi animas, caetera tolle” comme la synthèse d’un modèle d’action pastorale inspiré de la figure et de la spiritualité de Saint François de Sales. L’horizon dans lequel se situe ce modèle est celui de la primauté absolue de l’amour de Dieu, un amour qui parvient à façonner des personnalités ardentes, désireuses de contribuer à la mission du Christ pour embraser toute la terre du feu de son amour (cf. Lc 12,49). A côté de l’ardeur de l’amour de Dieu, l’autre caractéristique du modèle salésien est la conscience de la valeur inestimable des “âmes”. Cette perception engendre, par contraste, un sens aigu du péché et de ses conséquences dévastatrices dans le temps et dans l’éternité. L’apôtre est appelé à collaborer à l’action rédemptrice du Sauveur, afin que personne ne soit perdu. “Sauver les âmes” fut donc l’unique raison d’être de Don Bosco. Le Bienheureux Michel Rua, son premier successeur, résuma toute la vie de votre Père et Fondateur bien-aimé de la façon suivante : “Pas un de ses pas, pas une de ses paroles, pas une de ses entreprises qui n’ait eu pour but le salut de la jeunesse… En toute vérité il n’eut rien d’autre à cœur que les âmes”.
De nos jours également, il est urgent d’alimenter cette passion dans le cœur de chaque Salésien. Ainsi celui-ci n'aura pas peur d'avancer avec audace dans les secteurs les plus difficiles de l'action évangélisatrice en faveur des jeunes, spécialement des plus pauvres d'un point de vue matériel et spirituel. Il aura la patience et le courage de proposer aux jeunes de vivre le même dévouement total dans la vie consacrée. Il aura le cœur ouvert pour reconnaître les nouveaux besoins des jeunes et écouter leur appel à l'aide, en laissant éventuellement à d'autres les domaines déjà consolidés d'intervention pastorale. C’est pourquoi il affrontera les exigences totalisantes de la mission avec une vie simple, pauvre et austère, dans le partage des conditions elles-mêmes des plus pauvres et il aura la joie de donner davantage à ceux qui dans la vie ont le moins reçu. La passion apostolique deviendra ainsi contagieuse et impliquera également d’autres personnes. Le Salésien devient donc promoteur du sens de l’apostolat, en aidant avant tout les jeunes à connaître et à aimer le Seigneur Jésus, à se laisser fasciner par Lui, à cultiver l'engagement pour évangéliser, à vouloir faire du bien aux jeunes de leur âge, à être les apôtres d’autres jeunes, comme Saint Dominique Savio, la Bienheureuse Laure Vicuña et le Bienheureux Zéphyrin Namuncurá ainsi que les cinq jeunes Bienheureux Martyrs de l’oratoire de Poznań. Chers Salésiens, que votre engagement soit de former des laïcs qui aient un cœur apostolique, en les invitant tous à cheminer dans la sainteté de vie qui fait mûrir des disciples courageux et d’authentiques apôtres.
Dans le message que j’ai adressé au Recteur majeur au début de votre Chapitre Général j’ai voulu remettre idéalement à tous les Salésiens la Lettre que j’ai récemment adressée aux fidèles de Rome, sur la préoccupation au sujet de ce que j’ai appelé une grande “urgence éducative”. « Eduquer n'a jamais été facile et, aujourd'hui, cela semble devenir toujours plus difficile : c'est pourquoi un grand nombre de parents et d'enseignants sont tentés de renoncer à leur devoir, et ne parviennent pas à comprendre quelle est, véritablement, la mission qui leur est confiée. Trop d'incertitudes et trop de doutes circulent dans notre société et dans notre culture, trop d'images déformées sont véhiculées par les moyens de communication sociale. Il devient difficile, dans ces conditions, de proposer aux nouvelles générations quelque chose de valable et de sûr, des règles de comportement et des objectifs qui méritent d'y consacrer sa propre vie » (Discours lors de la remise au diocèse de Rome de la Lettre sur le devoir urgent de l’éducation, 23 février 2008). En réalité, l'aspect le plus grave de l'urgence éducative est le sentiment de découragement qui gagne de nombreux éducateurs, en particulier les parents et les enseignants, face aux difficultés que présente aujourd’hui leur tâche. J’écrivais, en effet, dans la lettre que je viens de citer ceci : « Seule une espérance fiable peut être l'âme de l'éducation, comme de la vie tout entière. Aujourd'hui notre espérance est assiégée de toutes parts et nous risquons de redevenir nous aussi, comme les païens d'autrefois, des hommes “sans espérance et sans Dieu dans ce monde”, comme l'écrivait l'Apôtre Paul aux chrétiens d'Ephèse (Ep 2,12). C'est ici précisément que naît la difficulté peut-être la plus profonde pour une véritable œuvre éducative : à la racine de la crise de l'éducation se trouve, en effet, une crise de confiance dans la vie », qui, au fond, n'est rien d'autre que le manque de confiance en ce Dieu qui nous a appelés à la vie. Dans l'éducation des jeunes, il est extrêmement important que la famille soit un sujet actif. Celle-ci est souvent en difficulté pour affronter les défis de l'éducation ; bien des fois elle est incapable d'offrir son apport spécifique, ou bien elle est absente. La prédilection et l'engagement en faveur des jeunes, qui sont une caractéristique du charisme de Don Bosco, doivent se traduire en un même engagement pour l'implication et la formation des familles. Votre pastorale des jeunes doit donc s'ouvrir résolument à la pastorale familiale. S'occuper des familles n'est pas soustraire des forces au travail pour les jeunes, mais c’est au contraire le rendre plus durable et plus efficace. Je vous encourage donc à approfondir les formes de cet engagement, sur lequel vous vous êtes déjà mis en route : cela tournera même à l’avantage de l’éducation et de l’évangélisation des jeunes.
Face à ces multiples tâches, il est nécessaire que votre Congrégation assure, spécialement à ses membres, une solide formation. L'Eglise a un besoin urgent de personnes qui aient une foi solide et profonde, une préparation culturelle mise à jour, une sensibilité humaine authentique et un sens pastoral fort. Elle a besoin de personnes consacrées, qui soient capables de vouer leur vie à demeurer sur ces fronts d’action. Ce n'est qu'ainsi qu'il deviendra possible d'évangéliser efficacement. C'est donc à cet engagement de formation que votre Congrégation doit se vouer comme à l'une de ses priorités. Elle doit continuer à former avec un grand soin ses membres sans se contenter de la médiocrité, en surmontant les difficultés de la fragilité des vocations, en favorisant un solide accompagnement spirituel et en assurant dans la formation permanente la qualification pour l’éducation et la pastorale.
Je conclus en rendant grâce à Dieu pour la présence de votre charisme au service de l'Eglise. Je vous encourage dans la réalisation des objectifs que votre Chapitre Général proposera à toute la Congrégation. Je vous assure de ma prière pour la mise en œuvre de ce que l'Esprit vous suggérera pour le bien des jeunes, des familles et de tous les laïcs impliqués dans l'esprit et dans la mission de Don Bosco. Avec ces sentiments je vous donne à présent à tous, en gage d'abondants dons célestes, la Bénédiction Apostolique.
Cité du Vatican, Salle Clémentine, 31 mars 2008.
Discours du Recteur majeur, le P. Pascual Chávez Villanueva, à la clôture du CG26
Le CG 26 : Une carte de navigation vers le Jubilé de 2015 sous le pavillon du “Da mihi animas, caetera tolle”
Très chers confrères,
nous terminons aujourd’hui cette Pentecôte salésienne. Oui ! C’est ce qu’a voulu être le 26ème Chapitre Général : une Pentecôte, un moment de particulière ouverture à l’Esprit du Seigneur. Dans nos cœurs résonnent encore les mots que le Pape Benoît XVI nous a transmis dans son message lors de l’ouverture de nos assises : « Le charisme de Don Bosco est un don de l’Esprit pour le Peuple de Dieu tout entier, mais c’est seulement dans l’écoute docile et dans la disponibilité pour accueillir l’action divine qu’il est possible de l’interpréter et de le rendre, également en cette époque qui est la nôtre, actuel et fécond. […] En répandant sur les Capitulaires l’abondance de ses dons, [l’Esprit Saint] atteindra le cœur des Confrères, les fera brûler de son amour, les enflammera dans le désir de sainteté, les poussera à s’ouvrir à la conversion et les renforcera dans leur audace apostolique ».[Au Très Révérend Père PASCUAL CHÁVEZ VILLANUEVA, Recteur majeur des Salésiens de Don Bosco. … Du Vatican, 1er mars 2008, n. 1.]
En effet, c’est justement de cette façon que nous avons voulu vivre le Chapitre : sous la conduite de l’Esprit Saint, pour qu’Il fût là pour nous aider à mieux comprendre, à mettre à jour et à rendre fécond le charisme de notre Fondateur et Père. Au cours de ces journées, nous avons fait l’expérience de l’action de l’Esprit, qui enflammait notre cœur pour faire de nous des témoins éloquents et courageux du Seigneur Jésus, pour porter aux jeunes la bonne nouvelle de sa résurrection et leur proposer l’expérience joyeuse de la rencontre avec Lui.
Les journées vécues sur les lieux salésiens (Saint-François d’Assise, Valdocco, Colle Don Bosco, Basilique Marie-Auxiliatrice et Sanctuaire de la Consolata) ont été splendides, appréciées de tous pour l’occasion fournie de rester en contact immédiat avec le berceau – charismatique, spirituel et apostolique – de notre Congrégation. Pour certains, c’était la première fois qu’ils avaient la joie de visiter “nos lieux saints” ; pour d’autres, c’était la première fois qu’ils entendaient une présentation de Don Bosco, effectuée non pas tant à partir d’anecdotes de famille à raconter et pas non plus à partir de curiosités relatives à l’histoire à clarifier, mais plutôt comme une expérience spirituelle et charismatique à revivre. En somme, ces jours ont été pour tous une manière concrète et – je le souhaite – un premier pas pour “repartir de Don Bosco”.
Les fruits devront être copieux : le désir d’approfondir davantage l’héritage spirituel qui nous a été transmis, l’engagement pour faire mieux connaître Don Bosco et notre histoire salésienne, la volonté de préparer des formateurs à la réalité salésienne et, enfin, le désir de mettre plus en valeur ces lieux attachés à notre charisme.
La présentation de l’état de la Congrégation, au moyen de la relation audiovisuelle des Dicastères et des Régions, a voulu exprimer l’intention d’aller plus loin que la remise d’un livre, jointe au rapport du Recteur majeur. L’objectif spécifique a été d’informer ponctuellement les Capitulaires sur l’état de la Congrégation, pour en favoriser une vision globale et un sens de responsabilité commune. La Congrégation est l’affaire de nous tous et tous nous sommes coresponsables de sa croissance, de ses ressources, de ses défis.
La Retraite Spirituelle a été vécue comme un véritable exercice autour de l’Esprit, où a été surmontée la tentation de réduire la proposition spirituelle à un ensemble de thèmes d’étude ou de mise à jour d’ordre théologique et spirituel. Ces jours de retraite ont réussi à créer l’atmosphère de foi qui est absolument indispensable pour faire du Chapitre une expérience d’écoute de Dieu, de docilité à l’Esprit, de fidélité au Christ. Me sont apparus exemplaires – également parce qu’il n’est pas habituel de trouver cette ambiance dans d’autres expériences de Retraite Spirituelle – le silence, la prière personnelle prolongée dans l’adoration eucharistique, la célébration de la Réconciliation. Il est à noter en outre que la Retraite nous a fourni des éléments d’éclairage importants pour ce qui concerne une plus grande compréhension théologique du charisme salésien, de la mission salésienne et de la spiritualité salésienne.
Dans leur développement concret, les thèmes ont offert de significatives clés de lecture pour apprendre à être des hommes d’espérance, impliqués dans le dessein merveilleux de Dieu de sauver l’humanité, avec la mystique du “Da mihi animas”, qui fait de l’amour de Dieu la force entraînante, et avec l’ascétique du “caetera tolle”, qui nous pousse à livrer notre vie jusqu’au dernier souffle. Un élément important sous cette perspective a été l’éclairage sur la mission, qui ne consiste pas tant à réaliser des choses qu’à devenir un signe de l’amour de Dieu. Précisément cet Amour est l’unique énergie capable de libérer, en chacun de nous, les meilleures capacités. Nous ne sommes pas sans savoir que nous devons vivre tout cela sous le signe de la gratuité et de la grâce. Ce n’est qu’ainsi que l’on atteint ce don particulier de Dieu, la “grâce d’unité”, en raison de laquelle tout est consécration et tout est mission. Pour ce qui concerne les destinataires, nous avons entendu comment Don Bosco se sentit d’une manière charismatique “touché” par le danger qui pouvait constituer un risque pour le bonheur, temporel comme éternel (le “salut”), des jeunes : l’abandon dans lequel ils pouvaient se trouver vis-à-vis de Dieu et des autres, un abandon provoqué par leur pauvreté elle-même, parfois dramatique. Pour tout cela Don Bosco est pour nous un père, un maître et un modèle. A l’école de Marie Immaculée et Auxiliatrice, il voulut caractériser son identité religieuse en plaçant comme points de base de sa vie la primauté absolue de Dieu, le désir d’une continuelle union avec Lui, afin de correspondre pleinement à sa volonté (obéissance), comme expression d’un amour total (chasteté), dans le dépouillement et dans le renoncement à tout ce qui pouvait empêcher son don de soi le plus complet à la mission (pauvreté).
Je voudrais maintenant parcourir à nouveau avec vous les étapes de ce chemin de Grâce qu’a été notre Chapitre Général.
La première semaine du Chapitre (3-8 mars) a été réservée pour les procédures juridiques ordinaires (présentation et approbation du Règlement du CG26, élection des Modérateurs), et surtout pour l’étude du Rapport du Recteur majeur par les différentes Régions. Celles-ci, en réfléchissant sur le Rapport, ont repéré les grands défis qui apparaissent à partir de l’état de la Congrégation, et, en conséquence, les lignes d’avenir à présenter au Recteur majeur et à son Conseil en vue de la programmation d’animation et de gouvernement pour la période des six années 2008 – 2014.
L’étude du Rapport a été un élément fondamental pour l’approfondissement du thème capitulaire, en tenant compte du fait que, plus que jamais, ce Chapitre se proposait non pas tant l’élaboration d’un document que le renouveau de la vie de la Congrégation avec le pressant appel à “repartir de Don Bosco”. Nous être rendu compte du point où nous sommes, nous permet de mieux découvrir le chemin de “retour à Don Bosco”, les éléments à récupérer pour repartir de lui avec un élan renouvelé.
La deuxième semaine (10-15 mars) a été totalement employée dans l’étude des trois premiers pôles du thème. Ont été également présentées les questions affrontées par la Commission Juridique, spécialement celles qui avaient à voir avec la configuration du Conseil Général. Il était, en effet, nécessaire d’arriver aux élections en ayant répondu aux demandes faites par les Provinces ou individuellement par des confrères. Pour ce qui concerne l’étude des pôles du thème s’est trouvé particulièrement apprécié l’“Instrument de travail” comme point de départ de la réflexion capitulaire. Cela, d’une part, représentait la preuve évidente du bon travail accompli par la Commission Pré-capitulaire et soulignait aussi, d’autre part, la validité de l’apport offert au CG26 par les différents Chapitres Provinciaux. J’en suis heureux parce que, comme je l’avais écrit dans la lettre de convocation, le CG26, en tant que processus de réflexion, a eu son commencement justement dans les Provinces, avec l’étude des thèmes proposés et la mise en place d’un chemin de renouveau. Les Commissions ont ensuite travaillé sur un texte qui était capitulaire et non plus pré-capitulaire, un vrai document de départ et pas seulement un document d’appoint. Les apports présentés par les Commissions l’ont enrichi et perfectionné. Il s’est agi de mises au point et de changements non seulement qui étaient linguistiques, mais qui visaient surtout à répondre, d’une manière plus adéquate, à la situation selon la variété des contextes sociaux, culturels, politiques et religieux dans lesquels la Congrégation se trouve pour œuvrer. Telle a été la tâche de l’Assemblée, qui à raison est devenue ainsi le véritable auteur du document capitulaire.
La troisième semaine (17-20 mars) a été centrée plus clairement sur le travail en Assemblée, pour un partage du travail effectué par les Commissions. Ce fut alors le moment où ont pu trouver place également la pensée et la préoccupation de chacun des capitulaires qui entendaient aider à éclairer le thème, exprimer des sensibilités et des manières de voir différentes, favoriser, sur les divers aspects, un vote du document qui fût plus conscient, plus personnel, plus responsable. Il faudrait souligner le fait que c’est souvent à partir des interventions qu’est apparu ce qui nous préoccupe le plus. Ainsi, par exemple, quand on a parlé de l’urgence d’évangéliser, a été mis en évidence qu’elle doit être comprise et vécue sous la forme dans laquelle, nous salésiens, nous évangélisons ; et cela, soit pour ce qui concerne nos destinataires prioritaires (les jeunes), soit pour ce qui peut se rapporter aux modalités de l’évangélisation. Quand on parle de la nécessité d’appeler, on doit le faire avec la même conviction que celle de Don Bosco, pour aider les jeunes à découvrir le rêve de Dieu sur leur vie et les encourager à donner à Dieu au moins une occasion. Les vocations – je le disais moi-même dans le discours d’ouverture – ne sont pas une mission, mais le fruit de la mission, quand elle est bien faite. Si à cela nous ajoutons la constatation des foules immenses de jeunes qui vivent dans des situations d’extrême précarité et de lutte pour leur survie, ou d’autres qui, tout en n’ayant pas de problèmes de pauvreté matérielle, mènent une vie “sans boussole”, ou même gaspillent ce bien précieux en faisant des choix qui ne satisfont pas ou qui deviennent un chemin d’autodestruction, nous ne pouvons pas ne pas nous donner à faire pour faire mûrir des vocations. Quand nous parlons de la pauvreté évangélique, nous voyons en elle une invitation du Seigneur à faire nôtre sa béatitude, en vivant libres du souci des biens terrestres, en surmontant la tentation de l’enrichissement, en assumant un style de vie austère, simple, capable de libérer notre cœur et notre esprit de tant de choses qui font obstacle à notre don total à la mission et nous rendent ainsi moins crédibles. La richesse est un vrai danger : elle rend les hommes myopes vis-à-vis des valeurs durables (voyez le riche insensé, Lc 12,13-21), durs de cœur vis-à-vis des pauvres (voyez la parabole du pauvre Lazare et du riche qui aime à festoyer, Lc 16,19-31), idolâtres au service de Mammon (voyez les paroles prononcées par Jésus sur l’usage de l’argent, Lc 16,9-13). Il s’agit de l’un des thèmes les plus urgents, mais aussi d’un choix qui a une grande force libératrice pour nous et pour les autres. Et encore : quand nous parlons des nouveaux fronts d’action, nous devons le faire non pas en défenseurs actifs des droits de l’homme, ni en collaborateurs bien intentionnés d’ONG, mais en éducateurs consacrés, qui cherchent à répondre aux besoins des jeunes, sans porter préjudice aux œuvres que nous avons et qui accomplissent un service significatif. C’est pourquoi je confirme ici ce que j’ai dit dans “Sintesi Globale et Visione Profetica” de mon rapport initial : il est important que les œuvres répondent aux besoins des jeunes, par de nouvelles présences, là où elles sont nécessaires, ou par une présence nouvelle, là où nous sommes déjà, mais nous devons nous renouveler.[Cf. La Società di San Francesco di Sales nel sessennio 2002-2008. Rapport du P. Pascual Chávez Villanueva, Recteur majeur, p. 290. — [La traduction de ce Rapport existe en français sous le titre “Rapport du Recteur majeur au CG26 - Vision globale et regard prophétique”]. ]
La quatrième semaine (24-29 mars) a été vécue dans un climat de discernement pour l’élection du Recteur majeur, de son Vicaire et des Conseillers. Il s’agissait de l’un des objectifs principaux et, en même temps, de l’une des tâches les plus délicates du Chapitre Général. Guidés par le P. José Maria Arnaiz, nous sommes parvenus, en tant que capitulaires, à entrer dans cette atmosphère spirituelle qui nous a rendus conscients, libres et responsables pour exprimer notre avis au moyen du vote personnel. En général, toutes les élections ont été vécues avec tranquillité, même si, dans l’évaluation effectuée à la fin, on a noté le besoin de favoriser une plus grande connaissance des attentes sur chaque Dicastère ou chaque Région et de mieux définir le profil du Conseiller à élire au moyen d’informations plus soignées sur les noms des candidats possibles. Il n’y a pas de doute que dans la composition du Conseil Général interviennent de nombreux facteurs : avant tout, les sentiments de ceux dont les noms sont présentés en vue d’une candidature, ensuite la sensibilité culturelle dans le déroulement du processus, en outre le désir légitime de chercher à ce que soit représentée toute la Congrégation. Cependant, la grande convergence atteinte dans l’élection du Recteur majeur et de tous les Conseillers a été un signe de l’unité de la Congrégation dans la diversité des réalités qui la constituent.
Cette unité dans la diversité a eu l’une de ses expressions particulières dans la soirée de fête et de fraternité après l’élection du Recteur majeur. Les applaudissements prolongés à l’adresse des Conseillers qui ont terminé leur service (le Père Antonio Domenech, le Père Gianni Mazzali, le Père Francis Alencherry, Mgr Tarcisio Scaramussa, le Père Albert Van Hecke, le Père Filiberto Rodríguez, le Père Joaquim D’Souza, y compris les Conseillers décédés au cours de l’exercice de leur charge, le Père Valentín de Pablo et le Père Helvécio Baruffi) ont été l’expression de la reconnaissance pour le service accompli en faveur de la Congrégation, dans l’animation d’un Secteur ou celle d’une Région. Toujours au sujet des élections on ne peut pas ne pas souligner une nouveauté très significative, comme l’a été la nomination du premier Salésien Coadjuteur en tant que membre du Conseil Général.
La cinquième semaine (31 mars – 5 avril) a commencé par la visite au Vatican et l’Audience avec le Saint-Père. La visite à la Basilique Saint-Pierre, où nous avons été accueillis par le Card. Angelo Comastri, Archiprêtre de la Basilique, nous a donné la grâce de renouveler notre profession de foi devant la châsse des reliques de l’Apôtre Pierre et de prier devant la statue de Don Bosco, en demandant le courage de pouvoir dire comme lui à voix forte : “Da mihi animas, caetera tolle”. La rencontre avec le Pape Benoît XVI a été ensuite l’un des événements culminants du CG26, en accord avec la vision spirituelle que Don Bosco avait de l’Eglise. Les paroles du Saint-Père aux Capitulaires ont été accueillies comme des lignes éclairantes et programmatiques. Au cours des journées suivantes, les Commissions et l’Assemblée ont repris l’étude de la première rédaction effectuée par le Groupe de rédaction. On a continué ainsi le travail accompli pendant la Semaine sainte, avant la semaine des élections, en reprenant l’étude, en commission et en assemblée, des cinq pôles. On a aussi apporté un jugement de valeur sur les différents thèmes présentés par la Commission Juridique. La semaine s’est terminée par la visite aux Catacombes Saint-Calliste, où, après la célébration eucharistique et le repas de midi, nous avons voulu rappeler, dans la prière et la reconnaissance, le souvenir des Recteurs majeurs décédés, en particulier des trois derniers qui sont inhumés là dans le caveau : les Pères Luigi Ricceri, Egidio Viganò et Juan Edmundo Vecchi. Dans ma prière personnelle, j’ai voulu remercier le Seigneur pour le don fait à la Congrégation à travers chacun d’eux. En demandant l’aide et l’intercession de ceux qui furent mes prédécesseurs, j’ai demandé aussi pour tous les Confrères la grâce de savoir aller aux sources de notre propre identité (“revenir à Don Bosco”) pour trouver un chemin d’avenir (“repartir de Don Bosco”). Notre futur chemin de fidélité naît de la fidélité de ceux qui nous ont précédés.
Je ne vous cache pas que je me suis souvent demandé : « Mais cette expérience est-elle vraiment une expérience de Pentecôte ? Et l’Esprit Saint agit-il vraiment à travers nous pour rénover la Congrégation en réchauffant le cœur des confrères ? ». Je crois que oui. L’Esprit Saint ne change pas les situations extérieures de la vie, mais les situations intérieures ; Il a le pouvoir de rendre nouvelles les personnes et de transformer la terre. Il a agi avant tout en chacun de nous, en nous réunissant, en nous impliquant dans un projet commun, en nous amenant à être responsables de l’élaboration de tout ce qui rend possible une reprise d’identité, de visibilité et de crédibilité de notre vie et de notre mission.
Pour ce qui concerne le travail accompli par la Commission Juridique, elle a pris en examen chacune des propositions parvenues des Chapitres Provinciaux, de chaque confrère qui s’est exprimé, du Conseil Général, des Capitulaires. Elle devait présenter le tout d’une manière claire à l’Assemblée, qui ensuite exprimerait son avis. En lisant l’histoire de la Congrégation, nous nous rendons compte du poids qu’ont eu les divers Chapitres Généraux pour la configuration des structures d’animation et de gouvernement aux différents niveaux (local, provincial et mondial). C’est certain, pour atteindre quelques changements dans les structures, ont été nécessaires plusieurs Chapitres Généraux ; et cela n’est pas dû à la lenteur ou au manque de courage pour introduire des modifications significatives, mais vient plutôt de ce que l’on ne pouvait pas toujours avoir une vision complète de ce qui entrait en jeu avec ces choix. Le retour, même dans ce Chapitre Général, sur la réflexion à propos de certains aspects de l’actuelle configuration du Conseil Général signifie qu’il faut une étude sérieuse, avec des solutions de rechange, qui soit à même de présenter une proposition réellement innovatrice et valable dans son exhaustivité. De tout cela est née une première orientation approuvée par l’Assemblée Capitulaire : celle de faire, au cours de la période des six années, une vérification du Gouvernement central de la Congrégation (composition et fonctionnement), de manière que son service soit plus efficace et proche des confrères.
Le Chapitre a produit un document, où se trouvent cinq fiches de travail, interdépendantes, sur les grands thèmes déjà indiqués dans la lettre de convocation : “Retour à Don Bosco pour repartir de lui” ; “L’urgence d’évangéliser”, “La nécessité d’appeler”, “La pauvreté évangélique” et “Les nouveaux fronts d’action”. Ces fiches de travail ont voulu donner un caractère concret à la devise “Da mihi animas, caetera tolle”, en appliquant le schéma déjà connu par le CG25 (Interpellation par Dieu, Situation, Lignes d’action) et enrichi de quelques critères de vérification, qui indiquent les objectifs à atteindre : la mentalité à faire mûrir et les structures à changer.
Je considère que le document final est vraiment bon et constructif : il tient compte de la variété des contextes et des situations dans laquelle la Congrégation se trouve pour incarner le charisme de Don Bosco. Revient alors à chaque Région et à chaque Province le travail d’insérer dans les contextes les grandes lignes d’action, avec les interventions qui s’imposent, pour les faire répondre davantage aux situations et aux défis concrets.
Je suis sûr que tous les Confrères trouveront des pages stimulantes, capables d’aider à dynamiser leur vie et à apporter de la qualité à la mission salésienne. L’ensemble peut sans doute sembler ne pas être tellement radical ; pourtant je suis convaincu que, s’il est pris à cœur, il suscitera de l’enthousiasme et, surtout, il permettra à tous de se renouveler spirituellement et de récupérer un élan apostolique.
Le document suppose une bonne connaissance de la réalité sociale et aussi de celle de la Congrégation et il exprime le désir d’opérer dans celles-ci une transformation. Le Saint-Père nous l’a rappelé le 31 mars dans son Discours au CG26 : « Votre XXVIème Chapitre Général se situe dans une période de grands changements sociaux, économiques, politiques ; de problèmes éthiques, culturels et ambiants qui sont accentués ; de conflits irrésolus entre des ethnies et des nations. Dans cette époque qui est la nôtre, il y a, d’autre part des communications plus intenses entre les peuples, de nouvelles possibilités de connaissance et de dialogue, une rencontre plus animée sur les valeurs spirituelles qui donnent du sens à l’existence. En particulier, les appels que les jeunes nous adressent, surtout leurs demandes sur les problèmes de fond, se rapportent aux intenses désirs de vie pleine, d’amour authentique, de liberté constructive qu’ils nourrissent. Ce sont des situations qui interpellent à fond l’Eglise et sa capacité d’annoncer aujourd’hui l’Evangile du Christ avec toute sa charge d’espérance ».[Cf. Annexe 5]
En effet, on ne peut pas parler d’évangélisation ou de vocations, de la simplicité de vie et des nouveaux fronts d’action sans avoir à l’esprit le décor dans lequel nous vivons et œuvrons et les défis que sont en train de rencontrer la vie salésienne et sa mission.
Nous avons eu à l’esprit les visages et les urgences des jeunes qui sont le plus dans le besoin et sont les destinataires de notre mission. Nous les avons choisis comme “préférés” par nous, précisément parce que la prédilection pour les pauvres “est implicite dans la foi, reposant sur le Christ, en ce Dieu qui s’est fait pauvre pour nous, afin de nous enrichir de sa pauvreté”.[Benoît XVI, Discours d’Inauguration lors de la Vème Conférence Générale de l’Episcopat Latino-américain et des Caraïbes, n. 3, Aparecida – Brésil, 13 mai 2007.] Cette foi a été assumée par Don Bosco et elle est passée dans la tradition salésienne (cf. Const. 11).
Quelles sont donc les clés de lecture du document ?
Il me vient à l’esprit l’histoire de ce moine “bon et conformiste”, qui va voir son Père Abbé pour lui demander un conseil en vue d’améliorer sa vie, selon les récits des Pères du désert :
Il arriva une fois – raconte-t-on – que le Père Lot alla trouver le Père Abbé Joseph et lui dit :
Père Abbé, pour autant que je peux, je suis une petite règle, je pratique tous les petits jeûnes, je fais un peu de prière et de méditation, je garde ma sérénité et, pour ce qui m’est possible, je conserve pures mes pensées. Que dois-je faire d’autre ?
Alors le vieux moine se mit debout, leva les mains au ciel et ses doigts se convertirent en dix torches de feu. Et il dit : Pourquoi ne te transformes-tu pas en feu ? [Cité par José María Arnaiz, ¡Que ardan nuestros corazones! Devolver el encanto a la vida consagrada. Publicaciones Claretianas, Madrid, 2007, p. 34]
Voilà l’objectif à atteindre avec ce Chapitre : nous transformer en feu ! L’histoire nous reporte directement à la scène éloquente et prégnante de la Pentecôte : « Leur apparurent comme des langues de feu qui se partageaient et il s’en posa sur chacun d’eux. Ils furent tous remplis d’Esprit Saint » (Ac 2,3-4a). “Réchauffer le cœur” ne signifie pas autre chose que se transformer en feu, avoir les poumons remplis d’Esprit Saint.
Tout cela est en accord avec la devise qui a été celle du Congrès sur la Vie Consacrée (novembre 2004), au cours duquel nous avons voulu interpréter et vivre notre vie religieuse, en partant d’une grande passion pour le Christ et d’une grande passion pour l’Humanité.
A la lumière de ces deux grandes passions les priorités principales sont :
La spiritualité. Cela comporte un engagement tout à fait particulier afin que la Parole de Dieu et l’Eucharistie soient vraiment le centre de la vie de la personne consacrée et de sa communauté. Nous sommes convaincus que la personne consacrée doit être un signe et une mémoire vivante de la dimension transcendante qui existe dans le cœur de tout être humain. La communauté. Nous sommes conscients que le témoignage de la communion, ouverte à tous ceux qui en ont besoin, est fondamentale dans notre monde et devient non seulement soutien pour la fidélité des religieux, mais aussi témoignage d’une forme de vie apte à constituer une solution de rechange en face du modèle dominant, qui nous porte souvent à nous retrancher vers des formes d’individualisme.
La mission, à réaliser et à vivre surtout sur les fronts d’action missionnaire comme l’exclusion, la pauvreté, la laïcisation, la réflexion, la formation et l’éducation à tous les niveaux.
Ces lieux nous semblent être les “lieux” où les personnes consacrées doivent être présentes pour exprimer la dimension missionnaire de l’Eglise. Cependant la mission comprend aussi la “passion” – entendue comme souffrance ou hospitalisation – de tant de religieux qui continuent à prier pour l’Eglise et pour les ouvriers de la moisson, et la “passion”, comme martyre, de tant de religieux emprisonnés ou massacrés à cause du Royaume. Ils représentent la meilleure expression de l’Evangile.
Si nous voulons sentir en nous un cœur brûlant et enflammer de passion celui des confrères, nous devons parcourir la même route que les disciples d’Emmaüs. Au lendemain de ma réélection, je disais dans l’homélie : “Il s’agit, plus que d’une vie matérielle, d’un parcours chargé de mystagogie, d’un authentique itinéraire spirituel, valable aujourd’hui avant tout parce qu’il met en évidence comment se présente notre situation : celle de personnes désenchantées, avec une connaissance de Jésus mais sans expérience de foi, qui connaissent les Ecritures mais n’ont pas trouvé la Parole. C’est pourquoi on abandonne Jérusalem et la communauté apostolique et on retourne à la vie d’autrefois. Le chemin d’Emmaüs est une route qui nous porte de l’Ecriture à la Parole, de la Parole à la Personne du Christ dans l’Eucharistie, et de celle-ci nous reconduit à la communauté pour rester. Là, nous pourrons voir renforcée notre foi en rencontrant les frères : « C’est vrai ! le Seigneur est ressuscité : il est apparu à Simon ! ».”
Pendant le Chapitre, ce thème de l’urgence d’évangéliser a été précisément l’un des pôles et, en même temps, également un thème transversal. L’Apôtre Paul exprimait cela avec une sorte d’impératif existentiel : « Malheur à moi si je ne prêchais pas l’Evangile ! » (1 Co 9,16b). Ce sens missionnaire intense incarne parfaitement le commandement que Jésus adresse à ses disciples : Soyez mes “témoins […] jusqu’aux extrémités de la terre” (Ac 1,8). Don Bosco fit sien cet appel pressant de Jésus et déjà au lendemain de l’approbation des Constitutions (1874), le 11 novembre 1875, il envoya la première expédition missionnaire en Amérique Latine.
Le CG26 nous invite à nous mettre en résonance avec l’inspiration qui a été celle des débuts de Don Bosco, à savoir la dimension missionnaire de sa vie, mais aussi de son charisme. Tout cela représente un point fondamental du testament spirituel qu’il nous a laissé. Le Chapitre qui vient de se terminer nous offre l’occasion de mieux comprendre quelle est la réponse que nous sommes appelés à donner aujourd’hui.
L’urgence du souci de la mission, aujourd’hui, est particulièrement vive, en premier lieu, parce que le monde tout entier est arrivé à être une “terre de mission” ; en second lieu, parce que, de nos jours, il y a une manière différente de concevoir le souci de la mission, de réaliser la “missio ad gentes”. Celle-ci s’effectue, en effet, dans le respect des différents milieux culturels, en dialogue avec les autres confessions chrétiennes et les différentes religions, et nous engage dans la promotion de l’homme et dans le développement de la culture (cf. EN 19).
Mais d’où provenait le souci de la mission qu’avait Don Bosco ? Quelles sont les raisons de son immense zèle missionnaire ?
A mon avis il y a trois grands éléments, qui doivent constituer un point de référence pour nous tous.
Dans le Chapitre, après avoir confirmé l’urgence d’évangéliser, nous avons rappelé que, nous Salésiens, nous accomplissons cette mission selon le charisme pédagogique qui nous est propre. “La pastorale de Don Bosco ne se réduit pas à la seule catéchèse ou à la seule liturgie ; mais, elle s’étend à toutes les tâches concrètes — pédagogico-culturelles — de la vie des jeunes […] Il s’agit de cette charité évangélique, qui se traduit dans le concret […] à libérer et à promouvoir le jeunes abandonné et dévoyé”.[Cf. ACS 290, 4.2.]
Si n’est pas salésienne l’éducation qui n’ouvre pas le jeune à Dieu et à la destinée éternelle de l’homme, ne l’est pas non plus l’évangélisation qui ne vise pas à former des personnes mûres dans tous les sens et qui ne sait pas s’adapter ou n’accorde pas d’attention, en la respectant, à la condition évolutive de l’enfant, de l’adolescent, du jeune.
Il est vrai que, dans certains contextes laïcisés, l’Eglise rencontre des difficultés particulières pour évangéliser les nouvelles générations. Même si évidemment les sondages et les statistiques ne constituent pas le dernier mot et si l’on doit prendre en considération différents types du vécu religieux, qui comprennent même des formes de spiritualité intense, on ne peut pas nier que dans plusieurs pays il y a des signes d’une progressive déchristianisation. On remarque que sont plus faibles chez les jeunes aussi bien la pratique religieuse que les convictions profondes. “Il s’agit d’une tranche de la population plus sensible aux modes culturelles et certainement plus touché par la laïcisation”.[LLUIS OVIEDO TORRO’, “La religiosidad de los jóvenes”, Razón y Fe, juin 2004, p.447. ] Il semble y avoir un divorce entre les nouvelles générations de jeunes et l’Eglise. L’ignorance religieuse et les préjugés que chaque jour ils reçoivent sans esprit critique à travers certains moyens de communication ont alimenté en eux l’image d’une Eglise-institution conservatrice, qui va contre la culture moderne, surtout dans le domaine de la morale sexuelle. Il devient donc normal pour beaucoup d’entre eux de dévaluer ou de relativiser toutes les propositions religieuses qui leur sont faites.
Un autre drame particulièrement grave est la rupture qui s’est établie dans la chaîne de transmission de la foi d’une génération à une autre. Les espaces naturels et traditionnels (famille, école, paroisse) se révèlent inefficaces pour la transmission de la foi. Et, par suite, l’ignorance religieuse est en croissance dans les nouvelles générations et, ainsi, parmi les jeunes continue l’“émigration silencieuse extra-muros de l’Eglise”. “Les croyances religieuses se teintent de pluralisme et suivent de moins en moins un canon ecclésial : par suite, lentement baissent les niveaux de pratique religieuse : sacrements et prière”.[ LLUIS OVIEDO TORRO’, o.c., p. 449.]
Il n’est pas facile de définir l’image que les jeunes ont de Dieu, mais certainement le Dieu chrétien a perdu la place centrale en face d’un Dieu médiatique qui porte à la divinisation des figures du monde du sport, de la musique, du cinéma. Le jeune ressent la passion pour la liberté et ne s’arrête pas devant les portes des églises. Ils sont nombreux les jeunes qui pensent que l’Eglise est un obstacle pour leur liberté personnelle.
Devant cette situation nous pouvons nous demander : quelle éducation offrent les institutions scolaires et ecclésiales ? Pourquoi la demande religieuse a-t-elle été effacée de l’horizon de la vie des jeunes ? L’enfant, l’adolescent, le jeune sont généreux par nature et ils s’enthousiasment pour les causes qui valent vraiment la peine. Pourquoi donc le Christ a-t-il cessé d’être significatif pour eux ?
L’Eglise, si elle veut rester fidèle à sa mission de sacrement universel de salut, doit apprendre les langages des hommes et des femmes de chaque époque, de chaque ethnie, de chaque lieu. Et nous Salésiens, d’une manière particulière, nous devons apprendre et utiliser le langage des jeunes. Il n’y a pas de doute que dans l’Eglise d’aujourd’hui, mais aussi à l’intérieur de nos institutions, il existe un “sérieux problème de langage”. Au fond, il s’agit d’un problème de communication, d’insertion de l’Evangile dans les réalités sociales et culturelles ; d’un problème d’éducation à la foi pour les nouvelles générations. Voici donc un défi et une tâche pour nous aujourd’hui : être des éducateurs capables de communiquer avec les jeunes et de leur transmettre le grand trésor de la foi en Jésus Christ.
L’éducation salésienne, dans la transmission de la foi et des valeurs, part toujours de la situation concrète de chaque personne, de son expérience humaine et religieuse, de ses angoisses et de ses anxiétés, de ses joies et de ses espoirs, en privilégiant toujours l’expérience et le témoignage. Elle prend soin de la pédagogie de l’initiation chrétienne, de telle façon que le Christ soit accepté comme l’ami qui nous sauve et fait de nous des fils de Dieu plus que comme le législateur, qui nous charge de dogmes, de commandements ou de rites. On met en évidence les aspects positifs et joyeux de toute expérience religieuse, en gardant une fidélité à Don Bosco dans le rêve de ses neuf ans : “Commence donc immédiatement à leur faire une instruction sur la laideur du péché et l’excellence de la vertu”. [Don Bosco, Souvenirs autobiographiques, Apostolat des Editions, Editions Paulines, Paris 1978, p. 33.]
“Evangéliser en éduquant” veut dire, pour nous, savoir proposer la meilleure des nouvelles (la personne de Jésus) en nous adaptant et en accordant de l’attention, tout en la respectant, à la condition évolutive de l’enfant, de l’adolescent, du jeune. Le jeune cherche le bonheur, la joie de vivre et, étant généreux, il est capable de se sacrifier pour les atteindre, si vraiment nous lui montrons un chemin convaincant et si nous nous offrons comme compagnons de route compétents. Les jeunes étaient convaincus que Don Bosco les aimait, qu’il désirait leur bonheur ici sur la terre et dans l’éternité. C’est pourquoi ils acceptaient le chemin qu’il leur proposait : l’amitié avec Jésus, Voie, Vérité et Vie.
Don Bosco nous enseigne à être en même temps éducateurs et évangélisateurs (“grâce d’unité”). Comme évangélisateurs nous connaissons et nous recherchons le but : conduire les jeunes au Christ. Comme éducateurs nous devons savoir partir de la situation concrète du jeune et réussir à trouver la méthode adéquate pour l’accompagner dans son processus de marche vers la maturité. S’il est vrai que pour des pasteurs ce serait une honte de renoncer au but, pour des éducateurs ce serait un échec de ne pas réussir à trouver la méthode adéquate pour les motiver à entreprendre le chemin et pour les accompagner avec crédibilité.
Conscients que la mission est la raison pour nous d’être salésiens et que les besoins et les attentes des jeunes déterminent nos œuvres, dans le Chapitre Général, l’un des thèmes les plus débattus a été justement celui des “nouveaux fronts d’action”, où les jeunes nous attendent. Il s’agit de fronts d’action sous l’angle non seulement de la géographie, mais aussi de l’économie, de la vie sociale, culturelle et religieuse. Ici nous devons agir avec le critère qui guida les choix de Don Bosco, à savoir “donner plus à celui qui a eu moins”.
Je suis content que, depuis des années déjà, dans la Congrégation soient en train de croître la sensibilité et la préoccupation, la réflexion et l’engagement pour le monde de la marginalisation et du malaise des jeunes. Cette réalité ne représente plus un secteur particulier, identifié avec quelque œuvre spéciale ou animé seulement par quelque confrère particulièrement motivé. L’attention aux derniers, aux plus pauvres, à ceux qui sont le plus dans l’embarras est en train de devenir une “sensibilité institutionnelle” qui, peu à peu, engage l’action de nombreuses œuvres des Provinces. On a multiplié les plate-formes sociales, on a mis en place un travail en réseau et on est en train d’opérer en synergie avec d’autres agences qui travaillent dans le même domaine. C’est comme si l’on avait commencé à “sortir des murs”, en tournant à travers la ville et en écoutant le cri et l’appel au secours des jeunes. Tout cela, pour nous, signifie renouveler la prédilection pour les plus pauvres, pour les plus abandonnés et pour ceux qui se trouvent dans une situation de risque psychosocial : enfants perdus, maltraités, victimes d’abus et de brimades. Avec le cœur même de Don Bosco nous ressentons le devoir de trouver de nouvelles formes d’opposition au mal qui angoisse tant de jeunes. Nous ressentons aussi le devoir de renverser la tendance culturelle et sociale, surtout au moyen de ce qui constitue notre richesse spécifique : être porteurs d’un système éducatif qui est capable de changer le cœur des jeunes et de transformer la société. Nous ne pouvons pas donner sous couvert de “charité” ce qui leur revient au nom de la “justice”. Cette année, pendant laquelle on célèbre le 60ème anniversaire de la Déclaration des droits de l’homme, nous devons faire un pas en avant et mettre tout notre projet éducatif dans l’orbite des droits des enfants mineurs, comme je l’indiquais dans l’Etrenne 2008.
En rappelant l’expérience de Don Bosco
En nous en tenant à ce qu’écrit Don Bosco lui-même dans les “Souvenirs autobiographiques”, nous voyons que l’expérience qui l’a bouleversé et poussé à une nouvelle manière d’être prêtre a été son contact avec les jeunes de la prison de Turin. Il la rapporte avec ces mots : “La vue de cette foule de jeunes gens de douze à dix-huit ans, tous sains, robustes, à l’esprit éveillé, mais réduits au désœuvrement, mangés par la vermine, privés du pain spirituel et temporel, fut pour moi quelque chose d’horrible”.[Don Bosco, Souvenirs autobiographiques, Apostolat des Editions, Editions Paulines, Paris 1978, pp. 129-130.]
Voici un premier élément à retenir : Don Bosco a vu, a écouté, a su saisir la réalité sociale, en lire l’importance et en tirer les conséquences. De cette expérience naquit en Don Bosco une immense compassion pour ces jeunes. Dans le contact avec eux il sentit l’urgence de leur offrir un milieu d'accueil et une proposition éducative selon leurs besoins : “Je me rendis compte de ce qui faisait que plusieurs étaient ramenés là : c’est qu’ils se trouvaient de nouveau livrés à eux-mêmes. Qui sait, pensais-je, si ces jeunes avaient hors d’ici, un ami qui s’intéressât à eux, les assistât, les instruisît de la religion aux jours fériés, qui sait s’ils ne se seraient pas tenus à l’écart de la ruine et si le nombre des récidivistes ne diminuerait pas ? Je fis part de ces réflexions à Don Caffasso et, sur son conseil, je me mis en devoir de chercher comment amener (ces intuitions) à réalisation”.[Ibidem,]
Et voici un deuxième élément à percevoir dans l’expérience de notre Père Don Bosco : l’invention pastorale, celle qui le conduisit à formuler avec imagination et générosité des réponses adéquates aux nouveaux défis. Tout cela impliquait d’en porter le poids en première personne et d’organiser les structures qui fussent capables de rendre possible un monde meilleur pour ces jeunes en apportant une solution de rechange.
C’est ainsi que Don Bosco pense avant tout prévenir ces expériences négatives, en accueillant les enfants qui arrivent à la ville de Turin à la recherche de travail, les orphelins ou ceux dont les parents ne peuvent pas ou ne veulent pas s’occuper, ceux qui errent dans la ville sans point de référence affective et sans la possibilité matérielle de mener une vie digne. Il leur offre une proposition éducative, centrée sur la préparation au travail, qui les aide à retrouver confiance en eux-mêmes et le sens de leur dignité personnelle. Il offre un milieu positif de joie et d’amitié, dans lequel ils acquièrent presque par contagion les valeurs morales et religieuses. Il offre une proposition religieuse simple, adaptée à leur âge et surtout alimentée par un climat positif de joie et orientée par le grand idéal de la sainteté.
Conscient de l’importance de l’éducation de la jeunesse et des gens du peuple pour la transformation de la société, Don Bosco se fait le promoteur de nouveaux projets sociaux de prévention et d’assistance. Que l’on pense à sa relation avec le monde du travail, aux contrats avec les employeurs, au temps libre, au développement de l’instruction populaire et de la culture populaire. Même si Don Bosco ne parla pas explicitement des droits des enfants – ce n’était pas dans la culture de son temps – il œuvra en cherchant à leur redonner de la dignité et à les insérer dans la société dans des conditions telles qu’ils pourraient affronter la vie avec succès (“empowerment” [action de fortifier le jeune, pour qu’il se sente la capacité et la force d’entreprendre quelque chose]).
Voici enfin un troisième élément, à mon avis très significatif, qui a caractérisé l’expérience de Don Bosco. Il comprit qu’il n’était pas suffisant de rendre moins pénible le situation de malaise et d’abandon dans laquelle vivaient ses jeunes (action palliative). De plus en plus clairement il se sentit porté à accomplir un changement culturel (action transformatrice), au moyen d’un milieu et d’une proposition éducative où seraient impliquées beaucoup de personnes appelées à lui ressembler et à mener une mission identique à la sienne. Tout cela représenta non seulement la mise en route d’une institution (l’Oratoire de Valdocco), mais aussi le premier développement de cette institution particulière qui conduisit Don Bosco à commencer un vaste mouvement pour le salut de la jeunesse : la Famille Salésienne (cf. Const. 5). Les besoins étaient nombreux. Il chercha avant tout la collaboration de sa mère, puis celle de quelques prêtres diocésains. Avec ses meilleurs jeunes il commença la Société de Saint François de Sales, puis fonda l’Institut des Filles de Marie Auxiliatrice et mit en place l’Association des Coopérateurs. Son esprit était dans un continuel “rêve du bien des jeunes”. Son cœur vivait une continuelle “expression de l’amour de Dieu pour les jeunes”.
Nous, comme Salésiens, nous continuons à cultiver dans notre cœur cette passion pour les plus pauvres, pour les abandonnés, pour les derniers. Plus je connais la Congrégation, répandue dans les cinq continents, plus je me rends compte que, comme Salésiens, nous avons essayé d’être fidèles à ce critère fondamental d’être proches et solidaires de ceux qui sont le plus dans le besoin, en prenant à cœur ces réalités des jeunes que la société ne veut pas voir : les enfants de la rue, les adolescents pris comme soldats, les gamins employés comme ouvriers, les enfants exploités dans le maudit tourisme sexuel, les personnes dispersées à cause de la guerre, les immigrants, les victimes de l’alcool et de la drogue, les malades du SIDA, les enfants privés de sentiment religieux… Comme je le disais ci-dessus, nous constatons que de nos jours la sensibilité chez nous s’est intensifiée et, Dieu merci, elle continue à s’intensifier. Aujourd’hui le travail des pionniers a été pris en charge par l’Institution, et surtout on est en train d’acquérir une mentalité qui nous permet de nous installer partout avec cette clé de lecture, en faisant le choix en faveur de ceux qui sont le plus exclus et marginaux. C’est une grâce de sentir que dans la Congrégation est en train de croître cette mentalité : “donner plus à qui a reçu moins”.
Tandis que dans les pays en voie de développement prédominent des visages d’enfants marqués par la pauvreté matérielle, dans les pays développés la marque qui les caractérise est la perte du sens de la vie, la capitulation devant l’usage immodéré des biens de consommation, l’hédonisme, l’indifférentisme, la toxicomanie. Les réponses sont donc nécessairement à différencier.
A la lumière de ces grandes dimensions qui peuvent et doivent changer notre vie apostolique et notre activité apostolique, devient plus évident et urgent notre besoin de nous convertir à l’essentiel, à une vie pauvre, austère et simple, qui soit une expression du détachement total d’avec tout ce qui peut nous empêcher de nous livrer jusqu’au bout à ceux que le Seigneur nous a confiés.
Les dimensions mentionnées ci-dessus ont eu une première traduction dans les différentes fiches du document. En effet, les grands choix du CG26 pour la renaissance spirituelle et l’élan apostolique ont été exprimés dans les “Lignes d’action” de chacun des thèmes. Ces “Lignes d’action” nous offrent des orientations à assumer, à faire passer du papier dans la vie. Elles ne peuvent pas, en effet, être de simples déclarations d’intentions, mais doivent devenir un vrai programme de vie, d’animation et de gouvernement, ainsi que de proposition éducative et pastorale.
Pour le thème “Repartir de Don Bosco”, nous avons décidé :
Revenir à Don Bosco
Ligne d’action 1
S’engager à aimer, à étudier, à imiter, à invoquer et à faire connaître Don Bosco, pour repartir de lui.
Revenir aux jeunes
Ligne d’action 2
Revenir aux jeunes, spécialement aux plus pauvres, avec le cœur de Don Bosco.
Identité charismatique et passion apostolique
Ligne d’action 3
Redécouvrir le sens du _Da mihi animas, caetera tolle comme programme de vie spirituelle et pastorale. _
Pour le thème “Urgence d’évangéliser”, nous avons décidé :
Communauté évangélisée et communauté évangélisatrice
Ligne d’action 4
Mettre la rencontre avec le Christ dans la Parole et dans l’Eucharistie au centre de nos communautés, pour être des disciples authentiques et des apôtres crédibles.
Place centrale de la proposition de Jésus Christ
Ligne d’action 5
Proposer avec joie et courage aux jeunes de vivre l’existence humaine comme l’a vécue Jésus Christ.
Education et évangélisation
Ligne d’action 6
Veiller avec soin dans chaque milieu à rendre plus efficace l’intégration d’une évangélisation et d’une éducation selon la logique du Système Préventif.
Evangélisation dans les différents contextes
Ligne d’action 7
Adapter à la culture le processus d’évangélisation pour apporter une réponse aux défis des contextes régionaux.
Pour le thème “Nécessité d’appeler”, nous avons décidé :
Témoignage comme première proposition de vocation
Ligne d’action 8
Témoigner avec courage et avec joie de la beauté d’une vie consacrée, toute donnée à Dieu dans la mission auprès des jeunes.
Vocations à l’engagement apostolique
Ligne d’action 9
Susciter chez les jeunes l’engagement apostolique pour le Royaume de Dieu avec la passion du _Da mihi animas, caetera tolle et favoriser leur formation. _
Accompagnement des candidats à la vocation consacrée salésienne
Ligne d’action 10
Faire la proposition explicite de la vocation consacrée salésienne et promouvoir de nouvelles formes pour l’accompagnement des vocations et pour la maison de vocations.
Les deux formes de la vocation consacrée salésienne
Ligne d’action 11
Développer la complémentarité et la spécificité de deux formes de l’unique vocation salésienne et assumer un engagement renouvelé pour la vocation du salésien coadjuteur.
Pour le thème “Pauvreté évangélique”, nous avons décidé :
Témoignage personnel et témoignage communautaire
Ligne d’action 12
Donner un témoignage crédible et courageux de pauvreté évangélique, portée dans la vie personnelle et dans la vie communautaire selon l’esprit du "Da mihi animas, caetera tolle".
Solidarité avec les pauvres
Ligne d’action 13
Développer la culture de la solidarité avec les pauvres dans le contexte local.
Gestion responsable et solidaire des ressources
Ligne d’action 14
Gérer les ressources d’une manière responsable et transparente, en accord avec les buts de la mission, et faire fonctionner les formes nécessaires de contrôle au niveau local, au niveau provincial et au niveau mondial.
Pour le thème “Nouveaux fronts d’action ”, nous avons décidé :
Principale priorité : les jeunes pauvres
Ligne d’action 15 (cf. ligne d’action 13)
Effectuer des choix courageux en faveur des jeunes pauvres et à risque.
Autres priorités : famille, communication sociale, Europe
Ligne d’action 16
Apporter une attention privilégiée à la famille dans la pastorale des jeunes ; intensifier la présence éducative dans le monde des médias ; relancer le charisme salésien en Europe.
Nouveaux modèles dans la gestion des œuvres
Ligne d’action 17
Revoir le modèle de gestion des œuvres pour une présence éducative et évangélisatrice plus efficace.
Le rappel des lignes d’action du CG26 dans ce discours de clôture a le but de confirmer qu’il est important que les Régions et chacune des Provinces les assument et les “intègrent dans leur culture”. Elles seront le “message concret” du CG26, qui devra être étudié et traduit, au niveau pastoral, dans les différents contextes, en déterminant aussi des critères de vérification et des éléments d’évaluation.
Je m’arrête sur le “Projet Europe”.
Aujourd’hui, plus que jamais nous nous rendons compte que notre présence en Europe doit être repensée. L’objectif – comme déjà je le disais en m’adressant au Saint-Père à l’occasion de l’Audience accordée aux membres du CG26 – est “de dessiner à nouveau d’une manière plus tranchante et efficace la présence salésienne dans ce continent. C’est-à-dire de rechercher une nouvelle proposition d’évangélisation pour répondre aux besoins spirituels et moraux de ces jeunes, qui nous apparaissent un peu comme des pèlerins sans guides et sans but”.
Il s’agit donc de rajeunir avec du personnel salésien les Provinces qui sont le plus dans le besoin pour rendre plus significatif et fécond le charisme salésien dans l’Europe d’aujourd’hui. J’ai donc l’intention d’expliquer clairement que :
Ce projet exigera évidemment un changement structurel dans les communautés du Vieux Continent. “Vin nouveau dans des outres neuves”. Ce n’est donc pas une action de simple “entretien de structures”, mais un projet nouveau pour exprimer une présence nouvelle, à côté des jeunes d’aujourd’hui. Nous nous mettons en mouvement avec le cœur de Don Bosco, riches de sa passion pour Dieu et pour les jeunes, pour collaborer à la construction sociale d’une Nouvelle Europe, afin qu’elle ait vraiment “une âme”, afin qu’elle retrouve ses robustes racines spirituelles et culturelles, afin qu’au niveau social elle accorde une place et des chances égales à des propositions d’éducation et de culture, sans aucune forme de discrimination et de choix sentant l’exclusion sociale.
Parmi les priorités je vous signale les plus importantes :
Tout cela devrait aider les Salésiens qui travaillent dans ce contexte à parvenir à une mentalité de plus en plus européenne, fortifier la synergie entre les Provinces dans les différents secteurs et renforcer la collaboration au niveau Régional.
Que ferait Don Bosco aujourd’hui ? Nous ne le savons pas ! Mais nous savons ce qu’il a fait hier et donc nous pouvons savoir quoi faire pour agir comme lui aujourd’hui. C’est une question de connaissance et d’imitation.
Nous avons confirmé dans ce Chapitre qu’il est absolument indispensable de contempler Don Bosco, de l’aimer, de le connaître et de l’imiter, pour découvrir ses motivations les plus profondes et entraînantes, celles d’où il puisait l’énergie qui le faisait travailler pour les jeunes inlassablement ; ses convictions les plus solides et personnelles, qui le portaient à ne pas reculer, qui même le rendaient attrayant et convaincant ; ses objectifs définis et clairs, qui le faisaient avancer, avec une seule cause pour laquelle il voulait vivre : voir ses jeunes heureux ici-bas et dans l’éternité.
Don Bosco sentit le drame d’un peuple qui s’éloignait de la foi et surtout il sentit le drame de la jeunesse, pour qui Jésus a de la prédilection, qui était abandonnée et trahie dans ses idéaux et dans ses aspirations par les hommes de la politique, de l’économie, même aussi par l’Eglise. Je me demande si cette situation n’est pas, pour bien des points, semblable à celle que nous avons identifiée dans notre Chapitre Général.
Eh bien, devant une telle situation Don Bosco a réagi énergiquement, en trouvant des façons nouvelles de s’opposer au mal. Aux forces négatives de la société il a résisté en dénonçant l’ambiguïté et le caractère dangereux de la situation, “en contestant” – à sa manière, s’entend – les pouvoirs forts de son époque. Voilà ce que signifie avoir un esprit et un cœur de pasteur.
Se trouvant en pleine résonance avec ces besoins, il a cherché à donner une réponse, avec les possibilités qui lui étaient offertes par les conditions historiques et culturelles et par les conjonctures économiques du moment historique, et cela malgré des oppositions partiales du monde ecclésiastique, d’autorités et de fidèles. Il fonda ainsi des oratoires, des écoles de type varié, des ateliers d’apprentis, des journaux et des revues, des imprimeries et des maisons d’édition, des associations pour les jeunes établies selon un caractère religieux, culturel, récréatif ou social ; il construisit des églises, développa des missions “ad gentes”, des activités d’assistance aux émigrants ; il fonda deux congrégations religieuses et une association de laïcs qui continuèrent son œuvre.
Il eut du succès grâce aussi à ses dons remarquables de communicateur-né, malgré le manque de ressources économiques (toujours insuffisantes pour ses réalisations), son modeste bagage culturel et intellectuel (à un moment où il fallait des réponses de haute qualité) et le fait d’être fils d’une théologie et d’une conception sociale ayant de très fortes limites (et par suite insuffisantes pour répondre à la laïcisation et aux profondes révolutions sociales qui s’effectuaient). Toujours poussé par une hardiesse supérieure de foi, dans des circonstances difficiles, il demanda et obtint de l’aide de tous, catholiques et anticléricaux, riches et pauvres, hommes et femmes d’argent et de pouvoir, et représentants de la noblesse, de la bourgeoisie, du bas et du haut clergé.
Toutefois l’importance historique de Don Bosco, avant d’aller la chercher dans les très nombreuses « œuvres » et dans certains éléments méthodologiques relativement originaux – le fameux “système préventif de Don Bosco” –, est à découvrir dans la perception intellectuelle et émotive du problème de la jeunesse “abandonnée” avec sa portée morale et sociale ;
Ni politique, ni sociologue, ni syndicaliste “ante litteram”, simplement prêtre-éducateur, Don Bosco partit de l’idée que l’éducation pouvait faire beaucoup, dans n’importe quelle situation, si elle est réalisée avec le maximum de bonne volonté, d’engagement et de capacité d’adaptation. Il s’engagea à changer les consciences, à les former à l’honnêteté humaine, à la loyauté civique et politique et, dans cette perspective, il chercha à “changer” la société, au moyen de l’éducation.
Il transforma les valeurs fortes dans lesquelles il croyait – et qu’il défendit contre tous – en faits sociaux, en gestes concrets, sans se replier dans le spirituel et dans l’ecclésial entendu comme un espace ou une expérience exempte des problèmes du monde et de la vie. Au contraire, fort de sa vocation de prêtre éducateur, il développa un engagement quotidien qui n’était pas une absence d’horizons, mais était une dimension incarnée de la valeur et de l’idéal ; qui n’était pas une niche protectrice et un refus de la confrontation ouverte, mais était le fait de se mesurer sincèrement avec une réalité plus vaste et diversifiée ; qui n’était pas un monde limité à quelques besoins peu nombreux à satisfaire et un lieu de répétition, presque mécanique, d’attitudes traditionnels ; qui n’était pas un refus de toute tension, du sacrifice exigeant, du risque, de la lutte. Il eut pour lui et pour les salésiens la liberté et la fierté de l’autonomie. Et il ne voulut même pas lier le sort de son œuvre aux changements imprévisibles des régimes politiques.
Le théologien français bien connu, Marie-Dominique Chenu, O.P., répondait, dans les années quatre-vingt du siècle dernier, à la requête d’un journaliste qui lui demandait de lui indiquer les noms de quelques saints porteurs d’un message d’actualité pour les temps nouveaux ; il affirma sans hésiter : “Il me plaît de rappeler, avant tout, celui qui a devancé le Concile d’un siècle : Don Bosco. C’est déjà, prophétiquement, un homme modèle de sainteté pour son œuvre qui est en rupture avec la façon de penser et de croire de ses contemporains”.
Il fut un modèle pour un bon nombre ; beaucoup en imitèrent les exemples, en devenant à leur tour le “Don Bosco de Bergame, de Bologne, de Messine, etc.”.
Evidemment le “secret” de son “succès” chacun le trouve dans l’une des différentes facettes de sa personnalité complexe : entrepreneur très capable d’œuvres éducatives, organisateur clairvoyant d’entreprises nationales et internationales, très fin éducateur, grand maître, etc.. Tel est le modèle que nous avons et nous sommes appelés à le reproduire le plus fidèlement possible !
Chers confrères, nous avons vécu le CG26 dans la période liturgique du Carême et dans le temps de Pâques. Le Seigneur nous a invités ainsi à accueillir l’indication du besoin que nous avons de faire une expérience pascale, si nous voulons parvenir à la renaissance spirituelle tant désirée et au renouveau de notre élan apostolique. Il n’y a pas de vie sans mort. Il n’y a pas la mystique du “Da mihi animas” sans l’ascétique du “caetera tolle”.
Je voudrais conclure en rappelant encore une expérience particulière de Don Bosco. Pendant l’été de 1846 il tombe malade et se trouve en danger de mort. Quelques semaines après, il surmonte le mal et, convalescent, il peut revenir à l’Oratoire en s’appuyant seulement sur un bâton. Les enfants accourus l’obligent à s’asseoir sur un chaise haute, le soulèvent et le portent en triomphe jusqu’à la cour. Dans la chapelle, après les prières de remerciement, Don Bosco prononce les paroles les plus solennelles et les plus chargées d’engagement de son existence : « Chers fils, ma vie, c’est à vous que je la dois. Mais, soyez-en certains, désormais je l’emploierai totalement pour vous ».[Cf. MB II, 497-498.] Don Bosco, inspiré par l’Esprit Saint, émit, en un certain sens, un vœu inédit : le vœu d’amour apostolique, d’offrande de sa propre vie pour les jeunes, qu’il observa à tout instant de son existence. Voilà ce que signifie le “Da mihi animas, caetera tolle”, qui a été la devise qui a inspiré notre Chapitre Général. Voilà le programme d’avenir pour la renaissance spirituelle et pour l’élan apostolique avec lesquels nous voulons arriver à la célébration du bicentenaire de sa naissance.
Je formule des souhaits pour que, nous et avec nous toutes les personnes reconnues pour vivre les valeurs de la Spiritualité Salésienne et du Système Educatif Salésien, nous puissions aimer les jeunes et nous engager comme Don Bosco dans la réalisation de la mission salésienne. Je souhaite que les jeunes puissent trouver en chacun de nous (comme les enfants de l’Oratoire trouvèrent en Don Bosco à Valdocco) des personnes disponibles pour cheminer avec eux, pour construire avec eux et pour eux une présence éducative attrayante et significative, capable de proposer et d’impliquer, au point de produire un changement culturel.
Une image qui peut illustrer parfaitement ce moment historique de la Congrégation est dans l’épisode de la transmission “du manteau et de l’esprit” d’Elie à Elisée, son disciple (2 R 2,1-15). Elie cherche à plusieurs reprises à éloigner de lui Elisée, d’abord à Gilgal, puis à Béthel et à Jéricho, peut-être dans le désir de se trouver seul au moment de sa disparition. Mais Elisée veut être son principal héritier spirituel et il reste à côté de lui. Comme je souhaiterais ardemment que chacun des confrères, vis-à-vis de Don Bosco, fît sien le désir d’Elisée de recevoir une double part [celle de l’héritier principal] de l’esprit d’Elie. Devenu héritier spirituel d’Elie, Elisée recueille son manteau et, avec celui-ci, se pose sur lui également l’esprit du maître. Elisée recommence à la lettre le dernier miracle d’Elie et cela donne aux disciples des prophètes l’assurance que vraiment “l’esprit d’Elie” s’est posé sur Elisée.
A ce propos, me viennent à l’esprit les paroles de Paul VI prononcées lors de la béatification de Don Rua, quand il a dit que cette béatification représentait une confirmation de sa qualité de successeur de Don Bosco et de disciple de ce dernier, de la capacité qu’il a eu d’accueillir et de transmettre l’esprit du Père. Comme Don Rua, pour recueillir l’héritage de Don Bosco, permettons à Dieu, avec notre totale disponibilité, d’agir en nous comme il a agi en lui.
Me voici ici, Très chers Confrères, à vous remettre le fruit de ce CG26, dont vous avez été les protagonistes. Je vous remets, c’est vrai, un document, qui sera comme notre carte de navigation pour la période des six années 2008-2014, mais je vous remets surtout l’esprit du CG26. Il a voulu être une intense expérience de Pentecôte pour un profond renouveau de notre vie et de notre mission. Il représente donc pour tous les Salésiens la plate-forme de lancement de la Congrégation vers le grand jubilé salésien de 2015.
Que l’Esprit puisse souffler avec force sur la Congrégation pour qu’elle ait le courage de demander encore et toujours, avec Don Bosco : “Da mihi animas, caetera tolle”.
Rome, 12 avril 2008
P. Pascual Chávez Villanueva
Recteur majeur
Conseil Général
P MARACCANI Francesco Procurateur général
Région salésienne : AFRIQUE – MADAGASCAR
L MAKUMBA Sylvester Délégué Zambie-Malawi-Namibie-Zimbabwe
Région salésienne : AMÉRIQUE LATINE – CÔNE SUD
P STURLA Daniel Délégué Uruguay
Région salésienne : ASIE EST – OCÉANIE
L TRAN HOANG L. Francesco S. Délégué Viêt-nam
Région Salésienne : ASIE du SUD
P SEIN MYINT Edward Délégué Myanmar
Région Salésienne : EUROPE NORD
P ANDRÁSFALVY János Délégué Hongrie
Région Salésienne : EUROPE OUEST
P ECHETO Antonio Délégué Espagne – Valence
Region Salésienne : INTERAMÉRICAINE
P BIORD Raúl Délégué Venezuela
Région Salésienne : ITALIE et MOYEN-ORIENT
P SOUCCAR Bashir Délégué Moyen-Orient
Université Pontificale Salésienne
P TONELLI Riccardo Délégué UPS
Maison Généralice et Communauté du Vatican
P BOLKOVAC Stjepan Délégué RMG
Observateurs invités
Accompagnement des vocations et accompagnement spirituel
Administration (économie)
Voir : Gestion des ressources
Charisme
Communauté éducative et pastorale
Communication sociale
Constitutions
Da mihi animas, caetera tolle
Décisions du CG26
Directeur
Don Bosco
Education
Eglise
Eucharistie
Europe
Evangélisation
Famille
Famille Salésienne
Formation
Fronts d’action
Gestions des œuvres
Gestion des ressources (administration, économie)
Insertion dans la culture
Jésus Christ
Jeunes
Jeunes pauvres
Laïcs
Marie (Guide pour la mission)
Mission salésienne (auprès des jeunes)
Missions “ad gentes”
Nouveaux fronts d’action
Parole de Dieu
Passion apostolique
Pastorale
Pauvreté évangélique
Présences et œuvres salésiennes
Prière
Projet éducatif et pastoral
Réconciliation (sacrement)
Salésien coadjuteur et salésien jeune abbé
Solidarité
Spiritualité salésienne
Structures d’animation et de gouvernement de la Congrégation
Système préventif
Témoignage
Vocation – Vocations
Vocation consacrée salésienne : deux formes complémentaires