DEUXIÈME PARTIE
LE PARCOURS DE LA FORMATION
SALÉSIENNE
Eclairé par la personne du Christ et par son Evangile vécu selon l’esprit de Don Bosco, le salésien s’engage dans un processus de formation qui dure toute sa vie, et il en respecte les rythmes de maturation. Il fait l’expérience des valeurs de la vocation salésienne dans les divers moments de son existence et accepte l’ascèse qu’un tel cheminement comporte.
Avec l’aide de Marie, mère et maîtresse de vie, il s’efforce de devenir éducateur pasteur des jeunes, selon la forme de vie, laïque ou sacerdotale, qui lui est propre.
(Art. 98 des Constititions)
CHAPITRE CINQ
LE PROCESSUS SALÉSIEN DE FORMATION
5.1 « UN PROCESSUS DE FORMATION QUI DURE TOUTE LA VIE » 1
307. Vivre la vocation, c’est entrer dans une histoire où s’entrelacent l’initiative de Dieu et le projet de l’homme 2. C’est prendre part à un dialogue de vie où l’appel et la réponse ne sont pas des épisodes d’un moment, mais une expérience permanente de marche à la suite de Jésus. Ce qui a été dit dans les chapitres précédents à propos de la formation salésienne et des conditions pour l’assumer personnellement, se réalise à travers un cheminement de formation qui dure toute la vie.
L’expérience de la vocation de Don Bosco – expérience charismatique et de fondateur – témoigne d’une attention constante aux sollicitations de l’Esprit et d’une réponse courageuse sans cesse renouvelée. Il s’est laissé former par l’Esprit et a suivi ses impulsions avec docilité. Il s’est senti appelé et mis au défi par la réalité, surtout celle des jeunes, et il s’est donné tout entier pour répondre à tout instant dans un esprit créateur.
Les Constitutions présentent l’expérience du salésien comme « une réponse toujours renouvelée » 3: « Eclairé par la personne du Christ et par son Evangile vécu selon l’esprit de Don Bosco, le salésien s’engage dans un processus de formation qui dure toute sa vie, et il en respecte les rythmes de maturation » 4.
308.L’expérience de la vocation se déroule le long d’un unique parcours de formation où peuvent se distinguer deux moments avec des caractéristiques diverses : la formation initiale et la formation permanente.
La formation initiale, vécue déjà dans une perspective de formation permanente, va de la première orientation vers la vie salésienne à l’approfondissement des motivations et l’identification avec le projet salésien à vivre dans une Province concrète. Elle aboutit à l’incorporation pleine et à l’appartenance définitive à la Congrégation salésienne avec la profession perpétuelle et, pour les confrères appelés à la vocation salésienne dans le sacerdoce, à l’ordination sacerdotale.
« Pour le salésien, la formation initiale, plus qu’une attente, est déjà un temps de travail et de sainteté. C’est un temps de dialogue entre l’initiative de Dieu qui appelle et conduit, et la liberté du salésien qui assume progressivement les engagements de sa propre formation » 5. C’est un temps de décisions toujours plus exigeantes, de dialogue et d’interaction avec la communauté, fait de moments d’évaluation, de synthèse et d’engagement renouvelé, c’est-à-dire de tension spirituelle vers le but.
309. Avec la profession perpétuelle – et dans le cas des prêtres avec l’ordination sacerdotale – le salésien entre pleinement dans l’expérience de vie salésienne à vivre avec fidélité et l’appui de la grâce de la formation permanente.
En effet, précisément parce qu’il s’agit d’une transformation de toute la personne, le processus de formation ne peut se réduire à sa phase initiale. « La personne consacrée ne pourra jamais considérer avoir achevé la gestation de cet être nouveau, qui éprouve en lui-même, dans toutes les circonstances de la vie, les sentiments mêmes du Christ. La formation initiale doit donc être affermie par la formation permanente, prédisposant le sujet à se laisser former tous les jours de sa vie » 6.
La formation permanente consiste « dans un effort constant de conversion et de renouvellement » 7 : elle est une croissance en maturité humaine, une conformation au Christ, une fidélité à Don Bosco pour répondre aux exigences toujours nouvelles de la condition des jeunes et des milieux populaires 8. Elle est un cheminement qui se réalise selon la condition de vie de chacun.
310. Durant tout ce cheminement, l’expérience de la formation salésienne demande à la fois une égalité de base et une différenciation qui respecte et promeut la spécificité de la vocation : « La formation initiale des salésiens laïcs, des futurs prêtres et des diacres permanents, disent les Constitutions, suit d’ordinaire un curriculum de niveau égal avec les mêmes phases et avec des objectifs et des contenus semblables. Les différences sont déterminées par la vocation spécifique de chacun, les dons et les aptitudes personnelles, et par les tâches de notre apostolat » 9.
Cela suppose que chaque novice clarifie son orientation personnelle de principe (futur prêtre, diacre ou coadjuteur) durant le noviciat, pour pouvoir programmer et entrer au mieux dans la formation du postnoviciat et du stage pratique avec les différentes disciplines et activités correspondantes 10. L'orientation devra devenir définitive pour tous avant la formation spécifique qui suit le stage pratique.
311. Les Constitutions décrivent le cheminement de la vocation et de la formation qui se réalise pour le salésien en phases ou moments successifs :
– Le prénoviciat, pour approfondir l’option de la vocation et se préparer au noviciat ;
– Le noviciat, comme début de l’expérience de vie religieuse ;
– La période de la profession temporaire dans ses différentes phases :
▪L’immédiat postnoviciat, qui aide à renforcer l’assimilation de la foi, de la culture et de la vie ;
▪Le stage pratique, qui vise à la synthèse personnelle dans la confrontation vitale et intense avec l’action salésienne ;
▪La formation spécifique qui complète la formation initiale et qui, pour les séminaristes, se prolonge jusqu’à l’ordination sacerdotale ;
– La période de préparation à la profession perpétuelle, qui évalue la maturité spirituelle qu’elle requiert et conduit à l’engagement définitif ; et
– La formation permanente, qui continue le processus de maturation jusqu’à la fin de la vie.
5.2 LES CARACTÉRISTIQUES DU PROCESSUS DE FORMATION 11
312. Le processus de formation se réalise par une expérience vitale déterminée par l’identité salésienne, comporte divers éléments et présente des caractéristiques particulières.
Dans la formation s’unissent l’effort de la communauté qui veille à la croissance de chacun de ses membres, et la responsabilité personnelle de chaque confrère.
5.2.1 Processus personnalisé
Le processus de la formation se centre sur le candidat ou confrère considéré dans sa réalité concrète selon son âge, son caractère, ses dons d’intelligence et de cœur, sa famille d’origine, l’éducation qu’il a reçue, son cheminement de foi et l’itinéraire de vocation qu’il a parcouru, les expériences qu’il a vécues.
Chaque candidat et confrère a sa façon de se situer en face de l’unique projet salésien et de l’unique chemin à parcourir ; il a ses rythmes et ses modalités propres. Celui qui accompagne le processus de la formation tient compte de ces variables et aide la personne à les intégrer de façon harmonieuse, en la portant à vivre l’identité salésienne de façon sereine, fidèle et originale.
Dans le processus on fait attention aux traits caractéristiques de sa psychologie et aux situations socioculturelles qui influencent en quelque façon sa disponibilité à la formation et son rythme.
Attentif à ces caractéristiques, celui qui conduit le processus aide le candidat et le confrère à mûrir progressivement ses options et à prendre les décisions au bon moment selon le degré de maturité requis, sans hâte mais aussi sans retards injustifiés et nuisibles. Il est très utile à ce sujet de procéder selon un projet personnel approprié aux buts spécifiques de la formation.
5.2.2 Processus communautaire
313. À travers les diverses médiations, la communauté accueille et accompagne le candidat et le confrère en formation, le soutient de son aide, lui donne la possibilité d’une confrontation sérieuse dans la recherche de la volonté de Dieu et opère le discernement nécessaire. Elle lui assure une vie communautaire qui le formera en lui offrant un milieu et des moyens qui favorisent sa croissance.
La communauté provinciale aussi l’associe à son projet de formation et constitue un noyau animateur qui l’accompagne et qui favorise la convergence de tout et de tous vers les objectifs à rejoindre.
Dans son cheminement, le salésien, à son tour, apporte à la communauté la richesse de ses dons de nature et de grâce.
5.2.3 Processus unitaire et diversifié
314. Le processus de la formation se déroule à travers des phases et des expériences diversifiées qui font avancer dans un unique mouvement harmonieux toutes les dimensions de la formation – humaine, spirituelle, intellectuelle, éducative et pastorale. En même temps, dans les divers moments, selon le but particulier de chaque phase, domine une dimension spécifique qui enrichit les autres de sensibilités, de motivations et de contenus nouveaux.
En tant que sujet responsable de la formation dans un contexte déterminé, la Province assure l’unité de l’expérience de la formation de tout le processus dans le déroulement de ses diverses phases, dans les diverses communautés de formation et diverses activités de formation permanente.
5.2.4 Processus continu et progressif
315. Le candidat et confrère approfondit son identification avec le projet salésien, développe son aptitude et renforce ses motivations par une action progressive et continue : chaque phase est une continuation de la précédente et une préparation à la suivante. Le passage d’une phase à l’autre est délicat et mérite un accompagnement attentif.
Le principe de la progressivité implique d’être attentif à la qualité à la fois comme but, comme pédagogie et comme critère de discernement, et d’organiser le processus avec un réalisme et une souplesse favorables à la formation.
Ce processus continu et progressif ne se termine jamais. Se « configurer » au Christ à la suite de Don Bosco est un travail constant pour toute la vie.
5.2.5 Processus inculturé
316. Les Constitutions chargent les Provinces de mettre en œuvre le processus de la formation selon les exigences de leur contexte culturel 12 : les exigences qui proviennent du candidat et de sa culture et celles qui dérivent du contexte où le charisme doit s’exercer.
Le charisme est fondamentalement un fait intérieur – suivre le Christ de plus près comme l’a fait Don Bosco – et il doit se traduire dans la vie concrète en imprégnant toute l’existence du salésien sous toutes ses formes individuelles et communautaires. C’est sa personne tout entière qui doit être prise et transformée par le charisme.
Cela implique que les valeurs charismatiques assument et transforment chaque aspect de la culture, en s’incarnant en elle, dans le contexte concret où il vit. Il s’ensuit que le processus de la formation, attentif à la situation concrète du candidat, devra conduire à une assimilation profonde du charisme par celui qui l’accueille et à un changement de mentalité. L’identification progressive à la vocation transforme les habitudes personnelles et les relations avec autrui, avec Dieu, et la vie même de la communauté salésienne, jusqu’à ce que le charisme devienne pour tout l’humain le levain qui lui donne un visage original 13.
Ce processus, qui requiert le dialogue et le discernement, doit se faire dans la communion avec la communauté tant locale, provinciale que mondiale.
ORIENTATIONS ET NORMES POUR LA PRATIQUE
317. Pour assurer l’unité et la continuité de l’expérience de la formation initiale, qui se déroule en périodes successives, en diverses communautés et parfois dans diverses Provinces, il est nécessaire de la réaliser selon un projet unitaire et de favoriser la liaison entre les phases et la convergence des interventions.
318. Les phases de la formation qui préparent à la pleine incorporation dans la Congrégation par la profession perpétuelle sont nécessaires tant au candidat qu’à la communauté pour discerner, en collaboration réciproque, la volonté de Dieu et pour lui correspondre. Les objectifs de la formation de ces périodes doivent également être rejoints par ceux qui entrent dans la Société après avoir accompli les études prévues par le curriculum de la formation 14.
319. Durant la formation initiale, les confrères seront aidés à approfondir la nature de la consécration, à se former de solides convictions sur sa valeur éducative et à assumer une disposition de formation permanente 15.
320. L’admission aux diverses étapes de la formation, à la profession, aux ministères et aux ordinations et l’évaluation des objectifs atteints pour chaque période de formation se fondent sur la constatation effective des points positifs qui prouvent l’aptitude et la maturité requises pour assumer la tâche et la capacité d’aborder dans de bonnes conditions la phase suivante de formation. L’absence de contre-indications ne suffit pas, ni non plus l’obtention des objectifs académiques 16.
321. On accordera une attention particulière aux moments de passage d’une étape à l’autre, selon une pédagogie qui aide le confrère à assumer en toute conscience et responsabilité sa nouvelle situation dans la formation.
On ne permettra pas de commencer une étape de formation ni d’assumer des tâches ((professions, ministères, ordres) pour lesquels l’intéressé n’est pas apte 17.
Dans ce cas, on placera le confrère en formation dans la situation qui lui permettra au mieux d’atteindre l’aptitude requise.
Sans oublier la progressivité de l’expérience de la formation, on évitera de prolonger des situations à problèmes ou d’indécision qui n’offrent pas de perspectives sérieuses d’amélioration.
322. L’organisation du processus de formation tiendra compte des différentes formes de l’unique vocation salésienne :
– Les salésiens clercs et coadjuteurs seront conscients des caractéristiques de la forme spécifique de leur vocation et développeront leur intégration réciproque, en évitant de mettre tout sur le même pied et de se fermer à la complémentarité ;
– Les formateurs connaîtront, présenteront et feront apprécier l’identité salésienne sous ses diverses formes : laïque, sacerdotale et diaconale.
323. On cherchera à clarifier l’orientation spécifique de la vocation, coadjuteur ou futur prêtre, durant le noviciat et avant la profession, pour pouvoir caractériser la formation durant la période des vœux temporaires et programmer les activités et les études correspondantes 18. L’orientation de la vocation devra devenir définitive pour tous avant la formation spécifique qui suit le stage pratique.
324. « Les possibilités concrètes de vivre dans la Congrégation la laïcité consacrée sont multiples et variées. Ce pluralisme exige que les Directoires provinciaux de la formation prévoient un curriculum sérieux, mais souple et adaptable tant à la nature propre des diverses tâches qu’aux possibilités concrètes des candidats » 19.
325. La formation initiale doit renforcer le sens d’appartenance à la Famille salésienne et au Mouvement salésien où des consacrés et des laïcs vivent des projets différents de vocations, et partagent l’esprit et la mission 20. En particulier :
– On fera connaître la nature et les aspects caractéristiques de la Famille salésienne et des différents groupes ;
– « [Que] soient présentés les contenus et les valeurs de la laïcité ; [que] soient habilités les jeunes confrères à croître et à mûrir ensemble, à acquérir la capacité d’être des formateurs et des animateurs de laïcs, à promouvoir les vocations laïques » 21 ;
– On soulignera chez les salésiens l’aptitude à travailler selon des projets dans le cadre de la communauté éducatrice et pastorale ;
– Le Projet provincial de formation prévoira des contenus et des expériences diversifiées et progressives de formation réciproque et complémentaire entre salésiens et laïcs pour la formation initiale et permanente ; la programmation tiendra compte de la nature différente de leurs vocations et des temps de maturation humaine, affective et apostolique 22.
326. Durant la formation initiale on tiendra compte des rites de provenance ou d’appartenance des confrères et de la préparation indispensable pour exercer la mission dans des contextes de rites différents 23.
327. Les critères et les normes qui se réfèrent aux aptitudes du candidat, aux conditions, aux empêchements et aux conditions requises pour l’admission au prénoviciat et au noviciat, pour la première profession, pour le renouvellement de la profession temporaire, pour la profession perpétuelle et pour les ministères et les ordres sont amplement indiqués et commentés dans « Critères et normes pour le discernement des vocations salésiennes. Les admissions ».
1 C 98
2 Cf. C 1
3 C 195
4 C 98
5 C 105
6 VC 69
7 C 99
8 Cf. C 118
9 C 106
10 Cf. CGS 660 ; CG21 299
11 Quand nous parlons du processus de la formation, nous nous référons surtout à la formation initiale. Plus loin nous parlerons de façon spécifique de la formation permanente.
12 Cf. C 101
13 Cf. vecchi j., Levez les yeux et regardez les champs qui se dorent pour la moisson. Notre engagement missionnaire en vue de l’an 2000, ACG 362 (1998), p. 19-20
14 Cf. C 107
15 Cf. CG24 167
16 Cf. C 108
17 Cf. Le projet de vie des salésiens de Don Bosco, vol. III, p. 126
18 Cf. CGS 660, CG21 299
19 CG21 301
20 Cf. CG24 142
21 CG24 147
22 Cf. CG24 142
23 Pour les candidats des divers rites orientaux, il faut se rappeler qu’il est prescrit de demander le Nihil obstat de la Congrégation pour les Eglises orientales – avec le permission annexe de « bi-ritualisme » – selon le canon. 517 §2 du Codex Canonum Ecclesiarum Orientalium, 1990. La demande du candidat, accompagnée de l’avis du Provincial, sera transmise au Secrétariat général.