Strenna_2014_fr


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ÉTRENNE 2014
In cette article
1. Éléments de la spiritualité de Don Bosco
o 1.1. Point de départ : la gloire de Dieu le salut des âmes
o 1.2. Une racine profonde : l’union avec Dieu
o 1.3. Des outils : des valeurs invisibles traduites dans des œuvres visibles
o 1.4. Point d’arrivée : la sainteté
2. Centre et synthèse de la spiritualité salésienne : la charité pastorale
o 2.1. Charité
o 2.2. Charité pastorale
o 2.3. Charité pastorale salésienne
o 2.4. Synthèse du parcours effectué
3. Spiritualité salésienne pour toutes les vocations
o 3.1. Spiritualité commune pour tous les groupes de la Famille Salésienne
o 3.2. Spiritualité propre de chaque groupe de la Famille Salésienne
o 3.3. Spiritualité salésienne des jeunes
Une spiritualité de la vie quotidienne comme lieu de la rencontre avec Dieu
Une spiritualité pascale de la joie et de l’optimisme
Une spiritualité de l’amitié et de la relation personnelle avec le Seigneur Jésus
Une spiritualité de communion ecclésiale
Une spiritualité du service responsable
o 3.4. Spiritualité laïque et Familiale Salésienne
4. Engagements pour la Famille Salésienne
5. Conclusion
ÉTRENNE 2014
«Da mihi animas, cætera tolle»
Puisons dans l’expérience spirituelle de Don Bosco,
pour marcher sur le chemin de la sainteté
selon notre vocation spécifique
« La gloire de Dieu et le salut des âmes »

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Bien chers Frères et Sœurs de la Famille Salésienne,
Nous sommes en passe de conclure le triennium de préparation au Bicentenaire de la naissance de
Don Bosco. Nous avons consacré la première année à connaître sa figure historique, et la deuxième
année à saisir en lui le visage de l’éducateur et à actualiser sa pratique éducative. Durant cette
troisième et dernière année, nous avons l’intention d’aller à la source de son charisme en puisant
dans sa spiritualité.
La spiritualité chrétienne est centrée sur la charité, c’est-à-dire la vie même de Dieu qui, dans sa
réalité la plus profonde, est Agapè, Charité, Amour. La spiritualité salésienne n'est pas différente de
la spiritualité chrétienne qui est, elle aussi, centrée sur la charité ; il s’agit ici de la «charité
pastorale», à savoir la charité qui nous pousse à chercher « la gloire de Dieu et le salut des âmes » :
« caritas Christi urget nos » [« l'amour du Christ nous saisit »] (2 Co 5,14).
Comme tous les grands saints fondateurs, Don Bosco a vécu la vie chrétienne avec une ardente
charité et a contemplé le Seigneur Jésus dans la perspective particulière du charisme que Dieu lui a
confié, à savoir la mission auprès des jeunes. La « charité salésienne » est charité pastorale parce
qu’elle recherche le salut des âmes ; et elle est charité éducative parce que l'éducation nous permet
d'aider les jeunes à développer toutes leurs énergies à agir pour le bien ; de cette façon, les jeunes
peuvent grandir comme d'honnêtes citoyens, de bons chrétiens et de futurs habitants du ciel.
Je vous invite donc, chers frères et sœurs, membres de la Famille Salésienne, à puiser aux sources
de la spiritualité de Don Bosco, c'est-à-dire à sa charité éducative et pastorale, qui a son modèle
dans le Christ Bon Pasteur et trouve sa prière et son programme de vie dans la devise de Don
Bosco : « Da mihi animas, cætera tolle ». Nous pourrons découvrir ainsi un « Don Bosco
mystique » dont l'expérience spirituelle est le fondement de notre manière de vivre aujourd'hui la
spiritualité salésienne, dans la diversité des vocations qui s’inspirent de lui. Nous pourrons ainsi
nous-mêmes faire une forte expérience spirituelle salésienne.
Connaître la vie de Don Bosco et sa pédagogie ne signifie pas comprendre le secret le plus profond
et la raison ultime de sa surprenante actualité. Il ne suffit pas de connaître les différents aspects de
la vie de Don Bosco, ses activités ainsi que sa méthode éducative. À la base de tout cela, comme
une source qui féconde son action et son actualité, il y a quelque chose qui, souvent, nous échappe
même à nous, ses fils et ses filles : sa vie intérieure profonde, ce que l’on pourrait appeler sa «
familiarité » avec Dieu. Et qui sait si ce n’est pas justement cela que nous ayons de meilleur chez
lui, pour pouvoir l’invoquer, l’imiter, le suivre pour rencontrer le Christ et le faire rencontrer aux
jeunes.
Aujourd’hui on pourrait tracer le profil spirituel de Don Bosco à partir des impressions de ses
premiers collaborateurs, passer ensuite au livre écrit par le Père Eugenio Ceria, « Don Bosco avec
Dieu », qui fut la première tentative de synthèse pour divulguer sa spiritualité, et comparer ensuite
les différentes relectures de l’expérience spirituelle de Don Bosco faites par ses Successeurs, pour
arriver enfin aux recherches qui ont marqué un tournant dans l’étude de la manière de vivre la foi et
la religion par Don Bosco lui-même.
Ces études s’avèrent plus fidèles aux sources, plus enclines à considérer les différentes visions et les
différentes figures spirituelles qui ont influencé Don Bosco (saint François de Sales, saint Ignace,
saint Alphonse-Marie de Liguori, saint Vincent de Paul, saint Philippe Néri…) ; ces mêmes études
sont également promptes à reconnaître que son expérience a été de toute manière une expérience
originale et géniale. Il serait intéressant, au point où nous en sommes, d’avoir un nouveau profil
spirituel de Don Bosco, à savoir une nouvelle hagiographie comme la théologie spirituelle l’entend
aujourd’hui.

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Le Don Bosco « homme spirituel » a intéressé Walter Nigg, pasteur luthérien et professeur
d’histoire de l’Église à l’Université de Zurich, qui écrivait ceci : « Présenter sa figure en faisant
l’impasse sur le fait que nous avons affaire à un saint reviendrait à présenter une demi-vérité. La
catégorie du saint doit passer avant celle de l'éducateur. Tout autre classement fausserait la
hiérarchie des valeurs. D'autre part, le saint est l'homme chez qui le naturel pénètre le surnaturel ; et
le surnaturel est présent en Don Bosco de manière significative [...]. Pour nous, il ne fait aucun
doute: le vrai saint de l'Italie moderne, c’est Don Bosco ».[1]
Dans les mêmes années quatre-vingts du siècle dernier, cette opinion était partagée par le théologien
dominicain Dominique Chenu. À la question d’un journaliste qui lui demandait de lui indiquer le
nom de quelques saints porteurs d’un message d’actualité pour les temps nouveaux, le Père
répondait : « Il me plaît de rappeler, avant tout, celui qui a eu un siècle d’avance sur le Concile :
Don Bosco. Il est déjà prophétiquement un modèle de sainteté pour son œuvre qui est une rupture
d’avec la façon de penser et de croire de ses contemporains ».
À chaque époque et dans chaque contexte culturel, il s’agit de répondre aux questions suivantes :
- Qu’a reçu Don Bosco du milieu où il a vécu ?
- Dans quelle mesure est-il redevable à son contexte, à sa famille, à l’école, à l’Église, à la
mentalité de son époque ?
- Comment a-t-il réagi et qu’a-t-il apporté à son époque et à son milieu ?
- Comment a-t-il influé sur les temps qui ont suivi ?
- Comment ses contemporains l’ont-ils perçu : Salésiens, peuple, Église, laïcs ?
- Comment les générations suivantes l’ont-elles compris ?
- Quels aspects de sa sainteté nous apparaissent-ils aujourd’hui le plus intéressants ?
- Comment traduire aujourd’hui, sans la copier, la manière dont Don Bosco a interprété à son
époque l’Évangile du Christ ?
Voilà les questions auxquelles devrait répondre une nouvelle hagiographie de Don Bosco. Il ne
s’agit pas d’arriver à identifier un profil unique de Don Bosco, définitif et valable partout et
toujours, mais d’en souligner un qui soit adapté à notre époque. Il est évident que pour chaque saint,
on souligne les aspects intéressants pour leur actualité, laissant de côté ceux que l’on ne considère
pas nécessaires à l’époque où l’on vit, ou que l’on n’estime pas caractéristiques du saint.
En fait, les saints sont une réponse aux besoins spirituels d’une génération, l’illustration éminente
de ce que les chrétiens d’une époque entendent par sainteté. Évidemment, l’imitation souhaitée d’un
saint ne peut qu’être « proportionnelle » à la référence absolue qui est Jésus de Nazareth ; en effet,
chaque chrétien, dans sa situation concrète, est appelé à incarner à sa manière l’universelle figure de
Jésus, d’une manière non exhaustive, bien sûr. Les saints offrent un chemin concret et valable vers
cette identification avec le Seigneur Jésus.
Dans le commentaire de l’Étrenne que je propose à la Famille Salésienne, les trois contenus
fondamentaux que je développerai seront les suivants : des éléments de la spiritualité de Don Bosco
; la charité pastorale comme centre et synthèse de la spiritualité salésienne ; la spiritualité salésienne

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pour toutes les vocations. À la fin, j’indiquerai certains engagements concrets que je développe déjà
ici par avance.
1. Éléments de la spiritualité de Don Bosco
Parvenir à une identification précise de la spiritualité de Don Bosco n’est pas chose facile ; et ce
n’est sans doute pas pour rien que cet aspect de sa personnalité soit le moins approfondi. Don Bosco
est un homme tout donné au travail apostolique ; il ne nous fournit pas de description de ses
évolutions intérieures, ni ne nous laisse des réflexions particulières sur son expérience spirituelle. Il
n’écrit pas de journaux spirituels et ne donne pas d’interprétation de ses mouvements intérieurs ; il
préfère transmettre un esprit en décrivant les événements de sa vie, ou bien à travers les biographies
de ces jeunes. Il ne suffit certes pas de dire que sa spiritualité est la spiritualité apostolique de celui
qui exerce une pastorale active, pastorale de médiation entre une spiritualité savante et une
spiritualité populaire ; il faut déterminer le noyau de son expérience spirituelle.
Mais se pose un problème sérieux : comment enquêter sur la spiritualité de Don Bosco, vu
l’extrême pauvreté des sources de sa vie intérieure ? Laissons aux théologiens de la spiritualité le
soin d’approfondir ce thème méthodologique et essayons de repérer quelques éléments
fondamentaux et caractéristiques de son expérience spirituelle.
La spiritualité est une manière caractéristique de sentir la sainteté chrétienne et de tendre vers elle ;
c’est une manière particulière d’orienter sa vie pour cheminer vers la perfection chrétienne et la
participation d’un charisme spécial. En d’autres termes, c’est le vécu chrétien, une action conjointe
avec Dieu qui présuppose la foi.
La spiritualité salésienne comporte différents éléments : c’est un style de vie, de prière, de travail,
de rapports interpersonnels ; une forme de vie communautaire ; une mission éducative et pastorale
basée sur un patrimoine pédagogique ; une méthode de formation ; un ensemble de valeurs et
d’attitudes caractéristiques ; une attention particulière à l’Église et à la société à travers des secteurs
spécifiques d’engagement ; un héritage historique fait de documents et de textes écrits ; un langage
caractéristique ; un ensemble typique de structures et d’œuvres ; un calendrier avec des fêtes et des
commémorations propres…
Dans le cadre général de référence de l’histoire de la spiritualité du XIXème siècle, nous explicitons
certains éléments qui semblent particulièrement importants pour décrire l’expérience spirituelle de
Don Bosco : à savoir son point de départ, son enracinement profond, les outils dont il disposait et
son point d’arrivée.
1.1. Point de départ : la gloire de Dieu le salut des âmes
La gloire de Dieu et le salut des âmes ont été la passion de Don Bosco. Promouvoir la gloire de
Dieu et le salut des âmes équivaut à conformer sa propre volonté à celle de Dieu qui, justement,
veut autant la pleine manifestation du bien qui est Lui-même, ou plutôt sa gloire, que l’authentique
réalisation du bien de l’homme, qui est le salut de son âme.
Dans un rare passage de son « histoire de l’âme », Don Bosco avouera (1854) son secret à propos
des finalités de son action : «Quand je me suis destiné à cette partie du saint ministère, j’entendais
consacrer chacune de mes fatigues à la plus grande gloire de Dieu et au bien des âmes ; j’entendais
m’employer à faire des jeunes de bons citoyens sur cette terre pour qu’ils soient un jour de dignes
habitants du ciel. Dieu m’aide à pouvoir continuer jusqu’à mon dernier souffle. Ainsi soit-il.»[2]

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Dans le même texte, quelques lignes auparavant, il avait écrit :
« Ut filios Dei, qui erant dispersi, congregaret in unum. Joan. c. 11 v. 52. [« afin de rassembler
dans l'unité les enfants de Dieu dispersés. » Jn 11,52]. Les paroles du saint Évangile qui nous font
connaître le Divin Sauveur venu du ciel sur la terre pour rassembler tous les enfants de Dieu,
dispersés dans les différentes parties du monde, me semblent pouvoir s’appliquer littéralement à la
jeunesse de notre époque. Cette portion, le plus délicate et la plus précieuse de la Société humaine,
sur laquelle se fondent les espérances d’un heureux avenir, n’est pas d’elle-même pervertie […] La
difficulté consiste à trouver la manière de les [ces jeunes] rassembler, de pouvoir leur parler et leur
transmettre une morale. Ce fut la mission du Fils de Dieu ; la sainte religion ne peut faire que cela. »
[3]
À la base du choix de faire l’Oratoire [« faire le patronage »], il y a la volonté salvifique de Dieu,
exprimée dans l’Incarnation de son Fils, envoyé pour rassembler dans l’unité autour de lui les
hommes dispersés dans les méandres de l’erreur et sur de fausses voies de salut. L’Église est
appelée à répondre dans le temps à cette mission divine de salut. L’Oratoire s’inscrit donc dans
l’économie du salut ; c’est une réponse humaine à une vocation divine et non pas une œuvre fondée
sur la bonne volonté d’une personne.
Pour en avoir confirmation, nous lisons dans une chronique du 16 janvier 1861 : « Interrogé sur son
avis à propos du système de l’efficacité de la grâce, il [Don Bosco] répondit : j’ai beaucoup étudié
ces questions ; mais mon système est celui qui abonde le plus à la plus grande gloire de Dieu.
Qu’est-ce qui m’importe ? Avoir un système strict et qui envoie ensuite une âme en enfer ; ou avoir
un système souple pourvu qu’il envoie les âmes en paradis ? »[4]
Nous avons une expression analogue, du 16 février 1876, sur sa façon de procéder dans ses
initiatives : « Nous allons de l’avant en marchant toujours sur du velours; avant d’entreprendre les
choses, nous nous assurons que ce soit la volonté de Dieu qu’il en soit ainsi. Nous commençons
toujours nos affaires avec la certitude que c’est Dieu qui le veut. Une fois établie cette certitude,
nous continuons. Rencontre-t-on mille difficultés en chemin ? Peu importe, Dieu le veut et nous
faisons face avec intrépidité à toute difficulté. »[5]
Aux finalités de l’Oratoire, correspondent à l’identique celles de l’«Œuvre des Oratoires », c’est-à-
dire de la Société Salésienne, de l’Institut des Filles de Marie Auxiliatrice, des Coopérateurs
Salésiens, de l’Association des Dévots de Marie Auxiliatrice ; ils sont tous animés, motivés et
soutenus par le même objectif. Quelques citations, parmi un très grand nombre que l’on pourrait
rapporter, suffisent concernant les Salésiens.
Dans l’introduction à la première rédaction des Constitutions, Don Bosco affirmait que ses premiers
collaborateurs ecclésiastiques s’étaient associés avec la « promesse de ne s’occuper que des affaires
que leur supérieur jugerait utiles à la plus grande gloire de Dieu et au bien de leur âme. »[6] Dans le
chapitre suivant sur le but de la société, on répétait : les Salésiens « s’empressent à former un seul
cœur et une seule âme pour aimer et servir Dieu. »[7]
En outre, le 11 juin 1860, dans la supplique envoyée à l’Archevêque de Turin pour l’approbation
des Constitutions, on pouvait lire : « Nous soussignés, uniquement motivés par le désir d’assurer
notre salut éternel, nous sommes unis pour mener la vie commune afin de pouvoir vivre plus
commodément ce qui a trait à la gloire de Dieu et au salut des âmes. »[8] Ensuite, le 12 janvier
1880, il écrivait au Cardinal Ferrieri que l’objectif de l’œuvre salésienne était toujours le même : «
Je crois pouvoir assurer Votre Éminence que les Salésiens n’ont pas d’autres objectifs que de

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travailler à la plus grande gloire de Dieu, au bien de la Sainte Église, de répandre l’Évangile de
Jésus-Christ parmi les Indiens de la Pampa et en Patagonie.[9]
Du reste, Don Bosco avait déjà déterminé la même finalité pour la jeune Société de Saint François
de Sales, en écrivant aux Salésiens, dans sa circulaire du 9 juin 1867 qui précédait de deux ans
l’approbation de la Congrégation : « Le premier objet de notre Société est la sanctification de ses
membres […] Chacun doit entrer dans la Société avec le seul désir de servir Dieu le plus
parfaitement possible et de faire du bien à soi-même ; par faire à soi-même le vrai bien, on entend le
bien spirituel et éternel. »[10]
1.2. Une racine profonde : l’union avec Dieu
L’unum necessarium [l’unique nécessaire] est la racine profonde de sa vie intérieure, de son
dialogue avec Dieu, de son intense activité d’apôtre. Il ne fait aucun doute que chez Don Bosco la
sainteté resplendit dans ses œuvres ; mais il est sûrement vrai que ses œuvres ne sont qu’une
expression de sa foi. Ce ne sont pas les œuvres réalisées qui font de Don Bosco un saint, comme
nous le rappelle saint Paul : « J'aurais beau parler toutes les langues de la terre et du ciel… si je
n'ai pas la charité, s'il me manque l'amour, cela ne me sert à rien » (1Co 13) ; mais c’est une foi
vivifiée par la charité agissante (cf. Ga 5,6b) qui fait de lui un saint : « C'est à leurs fruits que vous
les reconnaîtrez [les vrais prophètes] » (Cf. Mt 7.16.20).
Tous les chrétiens sont invités à l’union avec Dieu, réelle et non seulement psychologique. L’union
avec Dieu, c’est vivre sa vie en Dieu et en sa présence ; c’est la vie divine qui est en nous par
participation ; c’est un exercice de la foi, de l’espérance et de la charité que suivent nécessairement
les vertus infuses, les vertus morales, etc. Don Bosco donne de la force évangélique à son propre
vécu, il fait de la transmission de la foi en Dieu sa raison de vivre, selon la logique des vertus
théologales : avec une foi qui devient signe fascinant pour les jeunes, une espérance qui devient
parole lumineuse pour eux, une charité qui devient geste d’amour envers les laissés-pour-compte.
Don Bosco a toujours été fidèle à sa mission de charité effective : là où un mysticisme désincarné
aurait risqué de couper les ponts avec la réalité, la foi l’a obligé à rester en première ligne dans un
acte d’extrême fidélité à l’homme dans le besoin ; là où pouvaient l’envahir fatigue et résignation,
l’espérance l’a soutenu ; là où il semblait ne plus y avoir de remède, le chemin indiqué par Paul l’a
poussé à agir : « Caritas Christi urget nos » [l'amour du Christ nous saisit] (2Co 5,14). La charité
vécue par Don Bosco ne s’arrête pas devant les difficultés : « Je me suis fait tout à tous pour en
sauver à tout prix quelques-uns. » (1Co 9,22). Ce n’était pas les échecs qu’il fallait craindre dans le
domaine de l’éducation mais l’inertie et le désengagement.
Vivre la foi : cela signifie s’abandonner avec joie et en toute confiance à Dieu qui s’est révélé en
Jésus, de sorte que l’on puisse être capable de vivre toutes les situations en termes de salut : c’est-à-
dire accueillir toutes les circonstances de l’histoire de manière à permettre à Dieu d’y manifester
son action salvifique. Aucune situation ne correspond tout à fait au vouloir de Dieu, mais l’homme
peut vivre chaque situation de manière à y accomplir toujours la volonté de Dieu.
Vivre l’espérance : cela signifie attendre chaque jour pour être capable d’accueillir son don
prochain ; cela signifie attendre chaque jour Dieu qui vient à travers les dons de sa création : il a
chaque jour un don. Il en va ainsi dans toutes les situations, même dans les situations d’échec : «
rien ne pourra nous séparer de l'amour de Dieu qui est en Jésus Christ notre Seigneur. » (Rm 8,39)

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Vivre la charité : cela signifie faire de l’instant présent un espace de l’amour de Dieu. Pour être
capable d’une attitude d’offrande de soi, il faut s’y exercer continuellement ; cela réclame un lieu
qui stimule : la mission salésienne en est un sans aucun doute.
Tout cela a été vécu par Don Bosco en esprit d’authentique prière. Il n’a pas laissé de formules de
piété, ni même une de ses dévotions particulières. Sa conception est réaliste et pratique. Seulement
les prières du bon chrétien, faciles, simples, mais dites avec persévérance. Ce qui importait à Don
Bosco, c’était que les Salésiens consacrent toute leur vie au salut des âmes et sanctifient leur travail
en l’offrant à Dieu ; la prière devait intervenir comme élévation de l’âme, comme demande et
aliment ; en d’autres mots, les « pratiques de piété » avaient une sorte de fonction ascétique. Les
résultats de cet exercice dans la vie Don Bosco sont sous les yeux de tout le monde.
Écoutons deux témoignages. Voici ce qu’un ancien élève de 45 ans, militaire et enseignant dans
l’armée, écrit depuis Florence à Don Bosco qui se trouve à Turin :
« Mon cher et bien-aimé Don Bosco, il semble que vous ayez raison de vous plaindre de moi, certes
; mais croyez aussi que je vous ai toujours aimé et que je vous aimerai toujours : en vous, je trouve
tout le réconfort dont j’ai besoin et j’admire de loin votre action ; je n’ai jamais mal parlé ni permis
que l’on parlât mal de vous ; j’ai toujours pris votre défense. Je vois en vous quelqu’un qui pourrait
retourner mon âme dans tous les sens ; je suis resté confus, en extase, électrisé par vos
raisonnements ; ils ont été forts et sincères : vous avez jeté le trouble en moi et m’avez rendu tel que
je ne pouvais que rester ébloui en voyant que vous m’aimez toujours viscéralement, oui, cher Don
Bosco. Je crois en la communion des Saints […]. Personne plus que vous ne sait et ne connaît mon
cœur, et ne pourra me dire quelle décision prendre . Je conclus donc en vous demandant de me
conseiller, de m’aimer, de me pardonner et de me recommander à Dieu, à Jésus, à la très Sainte
Vierge Marie… Je vous embrasse de tout mon cœur et je vous prie de croire que je vous aime…
»[11]
Le second témoignage est une page très émouvante du saint Don Orione à ses jeunes abbés en 1934,
l’année de la canonisation de Don Bosco :
« Je vais vous dire la raison, le motif, la cause pour lesquels Don Bosco est devenu un saint. Don
Bosco est devenu saint parce qu’il a nourri toute sa vie de Dieu, parce qu’il a nourri notre vie de
Dieu. À son école, j’ai appris que ce saint ne nous remplissait pas la tête de sottises ou de n’importe
quoi, mais il nous nourrissait de Dieu, et il se nourrissait lui-même de Dieu, de l’Esprit de Dieu. De
même que la mère se nourrit elle-même pour pouvoir ensuite nourrir son enfant, ainsi Don Bosco se
nourrissait lui-même de Dieu pour nous nourrir de Dieu nous aussi. C’est pour cela que ceux qui ont
connu le saint, et qui ont eu la grâce insigne de grandir à ses côtés, d’entendre sa parole, de
l’approcher, de vivre de quelque façon la vie du saint, ont retenu de ce contact quelque chose qui
n’est pas terrestre, qui n’est pas de l’ordre de l’humain ; quelque chose qui nourrissait sa vie de
saint. Il orientait tout vers le ciel, il orientait tout vers Dieu, et il tirait motif de tout pour élever nos
âmes vers le ciel, pour diriger nos pas vers le ciel. »
1.3. Des outils : des valeurs invisibles traduites dans des œuvres visibles
Au centre de la spiritualité de Don Bosco, il y a seulement Dieu à connaître, aimer et servir pour
son propre salut, moyennant la réalisation d’une vocation personnelle concrète : le don de soi
religieux et apostolique bénéfique, éducatif, pastoral aux jeunes, surtout les pauvres et les

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abandonnés, en vue de leur salut intégral, sur le modèle du Christ Sauveur et à l’école de Marie,
Mère et Maîtresse. Ce n’est pas pour rien, par exemple, que le substantif le plus fréquemment
employé dans un volume de ses lettres est « Dieu », et le verbe le plus utilisé, après le verbe « faire
», est le verbe « prier ».[12]
Chez Don Bosco, on a une spiritualité active ; il est tendu vers l’action, une activité intense, poussé
par l’urgence et la conscience d’une mission reçue du ciel. Le choix de l’activité intense confère au
détachement une acception particulière en vue de l’action apostolique. Si chez saint Alphonse le
détachement est surtout intérieur à l’homme, chez Don Bosco il acquiert davantage de sens dans
cette activité intense : le détachement aide à s’engager dans les œuvres que Dieu demande
d’accomplir.
Chez Don Bosco, l’on découvre le sens de la relativité des choses et, en même temps, de leur
nécessaire utilisation pour lui et pour le but qui lui tient à cœur. Il choisit donc ne pas s’attacher de
façon stricte à certains schémas, préférant une lecture plus pratique, plus pastorale et plus spirituelle
que théologique et spéculative. Sa spécificité originale est le salut des jeunes à atteindre par la bonté
affectueuse, la douceur, la joie, l’humilité, la piété eucharistique et mariale, la charité envers Dieu et
les hommes.
Le rapport entre l’amour pour Dieu et l’amour fraternel est identique aussi bien pour le chrétien en
général que pour le religieux. Il s’agit de vivre une consécration à Dieu et à sa plus grande gloire
dans un dévouement total à faire le bien pour le salut de son âme et de celle d’autrui, en une pure
offrande de soi-même sans rien garder pour soi, une oblation faite en communion avec ses frères,
dans la charité, l’obéissance et la solidarité communautaire.
Don Bosco, au titre de la sensibilité humaine et de la participation sacerdotale, a su s’insérer d’une
manière réaliste dans la société, donnant un témoignage de foi, exhortant sans respect humain,
intervenant directement, même là où, au regard de certains, il semblait compromettre la dignité
sacerdotale. Il a vécu les valeurs fortes de sa vocation mais il a su aussi les traduire en fait sociaux,
en gestes concrets, sans se replier dans le spirituel, l’ecclésial, le liturgique, au sens d’espace
exempt des problèmes du monde et de la vie.
En Don Bosco l’Esprit s’est fait vie. Il n’a pas fui en avant ni n’est resté en retard.
Fort de sa vocation, il n’a pas vécu le quotidien comme s’il n’avait pas d’horizons en vue ; comme
enfermé dans une coquille protectrice en refusant d’affronter ouvertement une réalité plus ample et
plus diversifiée ; comme limité dans un monde étroit et de peu de besoins à satisfaire ; comme dans
un lieu de répétition presque mécanique de comportements traditionnels ; comme refus des tensions,
du sacrifice exigeant, du risque, du renoncement au succès immédiat, de la lutte. Rien de tout cela.
À ce propos, une citation d’il y a 120 ans peut être intéressante ; et si ce n’était pour certains termes
employés, elle pourrait être actuelle. Il s’agit d’un témoignage « extérieur » à Don Bosco ; il nous
offre la lecture que les autres, peut-être même inspirés par les Salésiens, faisaient de son œuvre. Il
s’agit du Cardinal Vicaire de Rome, Lucido Maria Parocchi, qui écrivait en 1884 :
« Quelle est la particularité de la Société Salésienne ? Je veux parler de ce qui distingue votre
Congrégation, de ce qui constitue votre caractère propre ; de même que les Franciscains se
distinguent par la pauvreté, les Dominicains par la défense de la foi, les Jésuites par la culture, votre
Congrégation porte en elle quelque chose qui s’apparente aux Franciscains, aux Dominicains et aux
Jésuites mais qui s’en distingue par l’objet et les modalités… Qu’y a-t-il donc de spécial dans la
Congrégation Salésienne ? Quel peut bien être son caractère, sa physionomie ? Si j’en ai bien
compris, si j’en ai bien saisi le concept, son caractère spécifique, sa physionomie, sa note essentielle

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est la charité exercée selon les exigences du siècle : nos credidimus Charitati. Deus caritas est
[Nous avons cru à l’Amour. Dieu est Amour]. Le monde présent ne peut être séduit et attiré vers le
bien que par les œuvres de charité. Le monde ne veut et ne connaît rien d’autre aujourd’hui que les
choses matérielles ; personne ne veut rien savoir des choses spirituelles. On ignore les beautés de la
foi, on méconnaît les grandeurs de la religion, on refuse l’espérance de la vie à venir, on nie Dieu
lui-même. Ce siècle ne comprend de la charité que le moyen et non la fin ni le principe. Il sait
analyser cette vertu mais il ne sait pas en composer la synthèse. Animalis homo non percipit quae
sunt spiritus Dei [L'homme qui n'a que ses forces d'homme ne peut pas saisir ce qui vient de l'Esprit
de Dieu (1Co 2,14)] : ainsi parle saint Paul. Dire aux hommes de ce siècle : " Il faut sauver les âmes
qui se perdent, il est nécessaire d’instruire ceux qui ignorent les principes de la religion, il faut faire
l’aumône pour l’amour de ce Dieu qui, un jour, récompensera les gens généreux ", les hommes de
ce siècle ne le comprennent pas. Il faut donc s’adapter au monde, un monde qui vole, qui plane.
Dieu se fait connaître aux païens à travers la loi naturelle ; il se fait connaître aux Hébreux par la
Bible, aux Grecs schismatiques dans les grandes traditions des Pères ; aux protestants grâce à
l’Évangile : au monde actuel par la charité. Dites à ce siècle : je vous sors les jeunes des rues pour
qu’ils ne se fassent pas écraser par les tramways, pour qu’ils ne tombent pas dans un puits ; je vous
les place dans un pensionnat pour qu’ils n’abîment pas leur jeune âge dans le vice et la débauche ;
je les rassemble dans les écoles pour les éduquer pour qu’ils ne deviennent pas un fléau pour la
société, qu’ils ne finissent pas dans une prison ; je les appelle à moi et je veille sur eux pour qu’ils
ne se crèvent pas les yeux les uns les autres, et alors là, les hommes de ce monde comprennent et
commencent à croire ».[13]
À propos de nos œuvres, nous devons tenir compte du fait que si les laïcs apprécient nos services
sociaux, c’est souvent pour la rapidité et le caractère incisif de notre intervention, pour l’aspect
utilitaire du service, en sécularisant presque le religieux qui en est chargé, dont ils ne voient que
l’aspect philanthropique et non la charité et l’inspiration évangélique. Nos œuvres sont parfois
considérées comme des entreprises lucratives voire des entreprises de prestige au vu du manque de
la part de l’État. Les croyants eux-mêmes doutent souvent également de la valeur religieuse de nos
œuvres, même quand ils les aident et bénéficient de leurs services ; on en laisse la responsabilité
aux gestionnaires et on ne s’inspire pas de l’expérience religieuse de la Congrégation. Trop de
volontaires font peu confiance à la pertinence et à la souplesse de fonctionnement de nos œuvres. Il
y a de quoi réfléchir. Et beaucoup !
1.4. Point d’arrivée : la sainteté
Don Bosco se situe dans le droit fil de l’humanisme dévot de saint François de Sales qui propose à
toutes catégories de personnes le chemin de la sainteté. La caractéristique soulignée chez Don
Bosco est cependant une sainteté commune pour tous, chacun son propre état de vie. Il ne distingue
pas différents degrés de sainteté et refuse des analyses de ce type. Il utilise des schémas scolastiques
puisés dans la spiritualité catholique de l’époque. Sa théologie est christocentrique et eucharistique,
mariale, alimentée par l’exercice de certaines vertus, spécialement l’obéissance. La sainteté n’exclut
pas la joie et la gaieté ; Don Bosco ne demande pas de pénitences mais l’engagement qui dérive
d’une vie de grâce, dans l’accomplissement de ses propres devoirs.
Au terme classique de « dévotion » pour indiquer l’état de charité qui nous fait agir promptement et
avec diligence pour Dieu, Don Bosco préfère celui de sainteté, celle de qui vit en état de grâce
habituelle parce qu’il a réussi, avec son engagement personnel et l’aide de l’Esprit, à éviter le péché
dans les formes les plus courantes chez les jeunes : mauvais camarades, mauvaises conversations,
impureté, scandale, vol, intempérance, orgueil, respect humain, manque aux devoirs religieux…

1.10 Page 10

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Après saint François de Sales et avant le Concile Vatican II, Don Bosco nous enseigne que la
sainteté est possible pour tous, que la grâce suffisante est donnée à tous pour y parvenir et que la
sainteté dépend beaucoup de la coopération de l’homme avec la grâce. Bien sûr, la sainteté est
rendue difficile, mais non pas impossible, par différents obstacles : imperfections, défauts, passions,
démon, péché. La sainteté n’est pas impossible, vu les nombreux moyens à notre disposition :
vertus théologales, dons de l’Esprit Saint, vertus morales infuses ou acquises, effort ascétique…
Notre spiritualité court le risque de devenir inefficace parce que les temps ont changé et parce que
parfois nous la vivons superficiellement. Pour l’actualiser, nous devons repartir de Don Bosco, de
son expérience spirituelle et de son Système Préventif. Les jeunes abbés (jeunes Salésiens) du
temps de Don Bosco voyaient ce qui n’allait pas et ne voulaient pas être des religieux, mais ils
étaient enchantés par lui. Les jeunes ont besoin de « témoins », comme l’a écrit Paul VI. Il faut des
« hommes spirituels », des hommes de foi, sensibles aux choses de Dieu et prêts à l’obéissance
religieuse dans la recherche de ce qui est mieux. Ce n’est pas la nouveauté qui nous rend libres mais
la vérité ; la vérité ne peut pas être la mode, la superficialité, l’improvisation : « veritas liberabit
vos » [La vérité vous rendra libres] (Jn 8,32).
2. Centre et synthèse de la spiritualité salésienne : la charité pastorale
Nous avons vu auparavant quel « type » de personne spirituelle était Don Bosco : profondément
homme et totalement ouvert à Dieu ; en harmonie entre ces deux dimensions, il a vécu un projet de
vie assumée avec décision : le service des jeunes. Don Rua le souligne : «Pas un de ses pas, pas une
de ses paroles, pas une de ses entreprises qui n’ait eu pour but le salut de la jeunesse. »[14] si l’on
examine son projet pour les jeunes, on voit qu’il a un « cœur », un élément qui lui donne du sens, de
l’originalité : « En toute vérité il n’eut rien d’autre à cœur que les âmes. »[15]
Il y a donc une explication ultérieure et concrète de l’unité de sa vie : avec son dévouement aux
jeunes, Don Bosco voulait leur communiquer l’expérience de Dieu. Ce n’était pas seulement
générosité ou philanthropie mais charité pastorale. Celle-ci est appelée « centre et synthèse » de
l’esprit salésien.[16]
« Centre et synthèse » est une affirmation bien choisie et engageante. Il est plus facile d’énumérer
différents traits, même fondamentaux, de notre spiritualité, sans s’engager à établir entre eux un
rapport ou une hiérarchie, que d’en sélectionner un comme principal. Dans ce cas, il faut entrer dans
l’âme de Don Bosco ou du Salésien et découvrir l’élément qui explique son style.
Pour comprendre ce qu’inclut la charité pastorale, parcourons un itinéraire à trois points :
réfléchissons d’abord sur la charité, ensuite sur la spécification du mot « pastorale » et enfin sur la
caractéristique « salésienne » de la charité pastorale
2.1. Charité
Saint François de Sales écrit : «L’homme est la perfection de l’univers, l’esprit est la perfection de
l’homme, l’amour est la perfection de l’esprit, et la charité est la perfection de l’amour. »[17] C’est
une vision universelle qui place dans une échelle ascendante quatre manières d’exister : l’être, l’être
une personne, l’amour comme forme supérieure à toute autre expression, la charité comme
expression maximale de l’amour.
L’amour représente le point d’arrivée maximum de la maturation de toute personne, chrétienne ou
non. L’engagement éducatif se propose d’amener la personne à être capable de se donner dans un
amour de bienveillance.

2 Pages 11-20

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2.1 Page 11

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Les psychologues, et pas seulement Jésus-Christ, disent qu’une personnalité achevée et heureuse est
capable de générosité et de désintéressement, et parvient à vivre un amour qui ne soit pas seulement
de la concupiscence, c’est-à-dire la satisfaction d’être aimé. Différentes formes de névroses ou de
perturbations de la personnalité dérivent du fait d’être centré sur soi-même ; et les thérapies
appropriées essaient toutes d’ouvrir et décentrer vers les autres la personne atteinte.
La charité est par ailleurs le centre principal de toute spiritualité : elle n’est pas seulement le
premier et principal commandement, et donc le programme principal pour le cheminement spirituel,
mais encore la source de l’énergie pour progresser. Il y a sur la charité une abondante réflexion,
surtout en saint Paul (2 Cor 12,13-14) et en saint Jean (1Jn 4,7-21). Prenons seulement quelques
points.
La charité qui brûle en nous est un mystère et une grâce ; elle ne provient pas d’une initiative
humaine, elle est participation à la vie divine et effet de la présence de l’Esprit. Nous ne pourrions
pas aimer Dieu si Lui ne nous avait aimés le premier, nous faisant sentir et nous donnant le goût, le
désir, l’intelligence et la volonté pour correspondre à cet amour. Nous ne pourrions pas davantage
aimer notre prochain et voir en lui l’image de Dieu si nous n’avions pas l’expérience personnelle de
l’amour de Dieu.
« L'amour de Dieu a été répandu dans nos coeurs par l'Esprit Saint qui nous a été donné. » (Rm 5,5).
D’un côté, même l’amour humain n’a pas d’explication rationnelle et c’est pour cela que l’on dit
qu’il est aveugle. Personne ne réussit à déterminer avec exactitude pourquoi une personne tombe
amoureuse d’une autre.
De par sa nature d’être participation à la vie divine et communion mystérieuse avec Dieu, la charité
crée en nous la capacité de découvrir et de percevoir Dieu : la religion sans la charité éloigne de
Dieu. L’amour authentique, même seulement humain, conduit ceux qui sont loin à la foi et à
l’ambiance religieuse. La parabole du Bon Samaritain met au point le rapport religion-charité à
l’avantage de cette dernière.
Saint Jean résumera cela dans sa première lettre, en écrivant : « Mes bien-aimés, aimons-nous les
uns les autres, puisque l'amour vient de Dieu. Tous ceux qui aiment sont enfants de Dieu, et ils
connaissent Dieu. Celui qui n'aime pas ne connaît pas Dieu, car Dieu est amour. » (1Jn 4,7-8) En
saint Jean, le verbe « connaître » signifie « faire l’expérience » plutôt qu’avoir des notions exactes :
qui aime fait expérience de Dieu.
Puisque la charité est le don qui nous permet de connaître Dieu par expérience, elle nous habilite
aussi à jouir de lui dans la vision définitive : « Nous voyons actuellement une image obscure dans
un miroir ; ce jour-là, nous verrons face à face. Actuellement, ma connaissance est partielle ; ce
jour-là, je connaîtrai vraiment, comme Dieu m'a connu. » (1Co 13,12)
La charité n’est donc pas seulement une vertu particulière mais la forme et la substance de toutes les
vertus et de ce qui constitue et construit la personne : « J’aurais beau parler toutes les langues des
hommes et des anges… J'aurais beau être prophète… J'aurais beau distribuer toute ma fortune aux
affamés… et j’aurais beau avoir toute la foi jusqu'à transporter les montagnes… s'il me manque
l'amour, cela ne me sert à rien. » (1Co 13,1-3)
C’est pour cela que la charité et ses fruits sont des réalités qui perdurent et résistent au temps : «
L'amour ne passera jamais. Un jour, les prophéties disparaîtront, le don des langues cessera, la
connaissance que nous avons de Dieu disparaîtra. En effet, notre connaissance est partielle, nos
prophéties sont partielles. Quand viendra l'achèvement, ce qui est partiel disparaîtra. » (1Co 13,8-
10) cela ne s’applique pas seulement à la vie mais à notre histoire. Ce que l’on bâtit sur l’amour

2.2 Page 12

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demeure et construit notre personne, notre communauté, notre société ; tandis que ce qui se fonde et
se construit sur la haine et sur l’égoïsme se détruit.
La charité est donc le plus grand et la racine de tous les charismes à travers lequel se construit et
œuvre l’Église. Juste après avoir expliqué la finalité et l’emploi des divers charismes, saint Paul
introduit le discours de la charité avec ces mots : « Parmi les dons de Dieu, vous cherchez à obtenir
ce qu'il y a de meilleur. Eh bien, je vais vous indiquer une voie supérieure à toutes les autres. » (1
Co 12,31)
C’est le charisme principal même quand il s’exprime dans des gestes quotidiens et n’a rien
d’extraordinaire ou de voyant : « L'amour prend patience ; l'amour rend service ; l'amour ne jalouse
pas ; il ne se vante pas, ne se gonfle pas d'orgueil ; il ne fait rien de malhonnête ; il ne cherche pas
son intérêt ; il ne s'emporte pas ; il n'entretient pas de rancune ; il ne se réjouit pas de ce qui est mal,
mais il trouve sa joie dans ce qui est vrai ; il supporte tout, il fait confiance en tout, il espère tout, il
endure tout. » (1Co 13,4-7)
Pour Don Bosco et Mère Mazzarello, comme pour tous les saints, la charité est au centre de tout. Ils
y insistent avant toute chose dans leur vie. Il convient de le savoir et de le dire. De temps en temps,
en effet, il arrive qu’un membre de la Famille Salésienne en fasse l’expérience et découvre
l’importance de la charité dans un mouvement d’Église, après avoir vécu de nombreuses années
dans la spiritualité de notre charisme salésien. Et il semble qu’auparavant il n’en ait jamais entendu
parler avec efficacité ni pu le vivre avec intensité.
Dans le songe de Dix diamants – qui est une parabole de l’esprit salésien – la charité se trouve
placée devant et juste sur le cœur du personnage : « Trois de ces diamants se trouvaient sur la
poitrine… Et sur celui placé sur le cœur était écrit : charité ».[18] Dans ce rêve, ce qui est placé
devant est la partie fondamentale de notre esprit.
De plus, la charité est recommandée par nos fondateurs sous de multiples formes : comme base de
la vie de communauté, comme principe pédagogique, comme source de la vie de prière, comme
condition pour l’équilibre et le bonheur personnels, comme pratique de vertus spécifiques, tels
l’amitié et le renoncement à ses intérêts propres.
Apprendre à aimer est la finalité de la vie consacrée, qui n’est pas autre chose qu’un chemin qui
part de l’amour « et conduit à l’amour ».[19] L’ensemble de pratiques et de disciplines, de normes
et d’enseignements spirituels cherche à obtenir une seule chose : nous rendre capables d’accueillir
les autres et de nous mettre généreusement à leur service.
2.2. Charité pastorale
La charité se manifeste de plusieurs manières : l’amour maternel, l’amour conjugal, la compassion,
la miséricorde, l’amour des ennemis, le pardon. Dans l’histoire de la sainteté, ces manifestations
recouvrent tous les secteurs de la vie humaine. Salésiens (SDB) et Salésiennes (FMA), comme tous
les groupes de la Famille Salésienne en général, nous parlons d’une charité « pastorale ».
Cette expression apparaît de nombreuses fois dans les Constitutions ou Statuts des différents
groupes, documents et discours. Le concile Vatican II explique bien ce que signifie la charité
pastorale quand il se réfère à ceux qui ont le souci d’éduquer à la foi : « Ils bénéficient de la grâce
sacramentelle pour exercer en perfection la charge de la charité pastorale par la prière, le sacrifice,
la prédication […], acceptant sans crainte de donner leur vie pour leurs brebis et devenant un
modèle pour leur troupeau, aidant enfin l’Église par leur exemple à avancer chaque jour en
sainteté. »[20]

2.3 Page 13

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Le terme « pastorale » indique une forme spécifique de charité qui fait immédiatement penser à la
figure de Jésus Bon Pasteur.[21] Et ce, non seulement dans ses manières de faire : bonté, recherche
de quiconque s’est perdu, dialogue, pardon ; mais aussi et surtout dans la substance même de son
ministère : révéler Dieu à chaque homme et à chaque femme. Il y a une différence plus qu’évidente
d’avec d’autres formes de charité, qui ciblent de préférence des besoins particuliers : santé,
nourriture, travail.
L’élément typique de la charité pastorale est l’annonce de l’Évangile, l’éducation à la foi, la
formation de la communauté chrétienne, la fermentation évangélique du milieu. Elle réclame donc
une disponibilité totale et un don de soi pour le salut de l’homme, dans la perspective même de
Jésus : pour tous les hommes, pour chaque homme, même pour un seul. Don Bosco, et à sa suite
notre Famille Salésienne, exprime cette charité en une phrase : Da mihi animas, cetera tolle.
Les grands Instituts et les grands courants de spiritualité ont condensé le cœur de leur charisme en
une phrase brève. « Pour la plus grande gloire de Dieu », disent les Jésuites ; « Paix et Bien » est la
salutation des Franciscains ; « Prie et Travaille » est le programme des Bénédictins ; « Contempler
et livrer aux autres le fruit de notre Contemplation » est la règle des Dominicains. Les témoins de la
première heure et la réflexion qui a suivi dans notre Congrégation nous ont convaincus que
l’expression qui résume la spiritualité salésienne est vraiment le « Da mihi animas, cetera tolle ».
Certes, l’expression revient souvent dans la bouche de Don Bosco et a imprimé sa marque sur sa
physionomie spirituelle. C’est la maxime qui a impressionné Dominique Savio dans le bureau de
Don Bosco encore jeune prêtre (34 ans) et lui a inspiré un commentaire demeuré fameux : « J’ai
compris. Ici, on ne fait pas commerce d’argent, mais commerce d’âmes, j’ai compris. J’espère que
mon âme entrera aussi dans ce commerce. »[22] Pour ce garçon, il était donc clair que Don Bosco
ne lui offrait pas simplement l’instruction et une maison mais surtout une opportunité de croissance
spirituelle.
L’expression a été insérée dans la Liturgie : « Inspire le même amour qui nous fera chercher le salut
de nos frères en ne servant que toi seul. »[23] Il était juste qu’il en fût ainsi vu que Don Bosco avait
eu à l’esprit cette intention en fondant ses deux institutions : « Le but de cette Société, du point de
vue de ses membres, n’est rien d’autre qu’une invitation à s’unir, sous l’impulsion de ce mot de
saint Augustin : divinorum divinissimum est in lucrum animarum operari ».[24] [La plus divine des
entreprises divines est de travailler au bien des âmes].
2.3. Charité pastorale salésienne
Dans l’histoire salésienne, nous lisons : « Le soir du 26 janvier 1854, nous nous sommes réunis
dans la chambre de Don Bosco et il nous fut proposé de faire, avec l’aide du Seigneur et de saint
François de Sales, un essai d’exercice pratique de la charité envers le prochain… À partir de ce soir-
là, on donna le nom de Salésiens à ceux qui se proposèrent et se proposeraient un tel exercice ».[25]
Après Don Bosco, chacun des Recteurs Majeurs, en témoins autorisés, ont réaffirmé la même
conviction. Il est intéressant de constater que tous se sont empressés d’y insister avec une
convergence qui ne fait aucun doute.
Don Michel Rua a pu affirmer aux procès de béatification et de canonisation de Don Bosco : « Il a
laissé aux autres le soin d’accumuler des biens… et de courir après les honneurs ; Don Bosco n’a eu
vraiment à cœur que le souci des âmes : il a dit avec les faits et non seulement en paroles : Da mihi
animas, cetera tolle. »

2.4 Page 14

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Don Paul Albera, qui eut avec Don Bosco une longue habitude de vie et une grande familiarité avec
lui, atteste : « Le fil conducteur de toute sa vie était de travailler pour les âmes jusqu’à la totale
offrande de lui-même… Sauver les âmes… fut, peut-on dire, sa seule raison de vivre. »[26]
D’une façon plus marquée, et parce qu’il met au point les motivations profondes de la façon d’agir
de Don Bosco, Don Philippe Rinaldi voit dans la devise « Da mihi animas », le secret de son
amour, la force et l’ardeur de sa charité. »
Par rapport à la prise de conscience actuelle, après le redimensionnement de la vie salésienne à la
lumière du Concile, le Recteur Majeur Egidio Viganò s’exprimait ainsi : « Je reste convaincu qu’il
n’y a aucune autre expression qui synthétise et qualifie mieux l’esprit salésien que celle qu’a choisie
Don Bosco lui-même : Da mihi animas, cetera tolle. Elle indique une ardente union à Dieu qui nous
fait pénétrer le mystère de sa vie trinitaire manifestée historiquement dans les missions du Fils et de
l’Esprit comme Amour infini ad hominum salutem intentus [orienté vers le salut des hommes].[27]
D’où vient et quelle signification précise peut avoir aujourd’hui cette expression ou cette devise ? Je
dis aujourd’hui, alors que le mot âme n’exprime et n’évoque pas la signification qu’elle pouvait
avoir jadis.
Cette devise de Don Bosco se trouve dans le Livre de la Genèse 14,21. Quatre rois alliés font la
guerre à cinq autres, parmi lesquels il y a le roi de Sodome. Durant le sac de la ville, Lot, neveu
d’Abraham, est également fait prisonnier avec sa famille. Abraham en est averti. Il part avec sa
tribu, après avoir armé ses hommes. Il défait les pillards, récupère le butin et rachète les personnes.
Alors le roi de Sodome lui dit avec reconnaissance : « Donne-moi les personnes et garde le reste
pour toi. » La présence de Melkisédek, , prêtre dont on ne connaît pas l’origine, donne un sens
particulièrement religieux et messianique au texte, surtout pour la bénédiction qu’il prononce sur
Abraham. Il s’agit donc d’une situation tout à fait autre que « spirituelle ». Dans la demande du roi,
il y a cependant la nette distinction entre les « personnes » et le « reste », les choses, les biens.
Don Bosco donne à l’expression une interprétation personnelle selon la vision religieuse et
culturelle de son siècle. «Âme» indique la qualité spirituelle de l’homme, centre de sa liberté et
raison de sa dignité, espace de son ouverture à Dieu. L’expression de Gn 14,21 prend chez Don
Bosco des caractéristiques propres, dès l’instant qu’il fait du texte biblique une lecture
accommodatice, allégorique, jaculatoire, eucologique (liturgique): les animas sont les gens de son
temps, les jeunes concrets à qui il a affaire ; cetera tolle signifie le détachement des choses et des
créatures, un détachement qui, chez lui, ne se traduit pas dans le sens d’un anéantissement de soi-
même, d’un anéantissement en Dieu, comme par exemple chez les théologiens contemplatifs ou
mystiques ; chez Don Bosco, le détachement est un état d’âme nécessaire pour une liberté et une
disponibilité plus absolues par rapport aux exigences de l’apostolat même.
L’imbrication des deux significations, celle de la Bible et celle donnée par Don Bosco, indique des
choix très concrets eu égard à notre culture.
En premier lieu, la charité pastorale prend en considération la personne et s’adresse à toute la
personne ; elle intéresse d’abord et surtout la personne pour développer ses ressources. Donner des
« choses » vient après ; fournir un service, c’est en fonction du développement de la conscience et
du sens de sa propre dignité.
De plus, la charité qui regarde surtout la personne est guidée par une « vision » de celle-ci. La
personne ne vit pas seulement de pain ; elle a des besoins immédiats mais aussi des aspirations
infinies. Elle désire des biens matériels mais aussi des valeurs spirituelles. Selon l’expression
d’Augustin, « elle est faite pour Dieu, assoiffée de lui ». Le salut que la charité pastorale cherche et

2.5 Page 15

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offre est donc le salut intégral et définitif. Tout le reste est ordonné à ce salut : la bienfaisance à
l’éducation ; l’éducation à l’initiation religieuse ; l’initiation religieuse à la vie de grâce et à la
communion avec Dieu.
En d’autres mots, l’on peut dire que dans notre éducation ou dans notre promotion, nous donnons la
priorité à la dimension religieuse. Non par prosélytisme mais parce que nous sommes convaincus
qu’elle constitue la source la plus profonde de la croissance de la personne. En ces temps de
sécularisme, cette orientation n’est pas facile à réaliser.
La maxime « Da mihi animas » contient aussi une indication de méthode : dans la formation ou la
régénération de la personne, il faut y mettre le paquet et raviver ses énergies spirituelles, sa
conscience morale, son ouverture à Dieu, le souci de son destin éternel. La pédagogie de Don Bosco
est une pédagogie de l’âme, du surnaturel. Lorsqu’on arrive à atteindre ce point, alors commence le
vrai travail d’éducation. Le reste n’est qu’une préparation à cela.
Don Bosco l’affirme avec clarté dans la biographie de Michel Magon. Celui-ci passe de la rue à
l’Oratoire. Il est content et, humainement parlant, c’est un brave garçon : il est spontané et sincère ;
il joue, étudie, noue des amitiés. Une seule chose lui manque : comprendre la vie de la grâce, le
rapport avec Dieu et l’entreprendre. Il est religieusement ignorant ou distrait. Il éclate en sanglots
quand il se compare à ses camarades sur ce point et qu’il voit bien que cela lui manque. Don Bosco
parle alors avec lui. Dès lors commence le cheminement éducatif décrit dans la biographie : à partir
de la prise de conscience et de l’acceptation de sa dimension religieuse et chrétienne.
Il y a donc une ascèse pour qui est animé par la charité pastorale : « cetera tolle », « Laisse tout le
reste ». Il faut renoncer à beaucoup de choses pour sauver le principal ; on peut confier à d’autres et
même laisser tomber de nombreuses activités afin d’avoir le temps et la disponibilité pour ouvrir les
jeunes à Dieu. Et cela, non seulement dans leur vie personnelle mais également dans les
programmes et dans les œuvres apostoliques.
« Celui qui parcourt la vie de Don Bosco en suivant ses schémas mentaux, en explorant les traces de
sa pensée, trouve une matrice : le salut dans l’Église catholique, unique dépositaire des moyens de
salut. Il ressent comment le défi de la jeunesse abandonnée, pauvre, désœuvrée éveille en lui
l’urgence éducative pour l’insertion de ces jeunes dans le monde, dans l’Église, moyennant la
douceur et la charité comme méthode ; mais ce, dans une tension qui puise son origine dans son
désir du salut éternel du jeune. »[28]
2.4. Synthèse du parcours effectué
En guise de synthèse, reprenons les idées fondamentales de notre réflexion.
• Notre spiritualité est une spiritualité apostolique : elle s’exprime et se développe dans le travail
pastoral.
• L’apostolat devient une authentique expérience spirituelle, et non pas une consommation
d’énergies, de stress et d’usure, s’il est animé par la charité ; celle-ci procure des facilités, de la
confiance et de la joie dans le travail pastoral.
• La charité réalise l’unité dans notre vie personnelle ; elle équilibre et règle les tensions qui
surgissent entre l’action et la prière, entre la vie communautaire et l’engagement apostolique, entre
l’éducation et l’évangélisation, entre le professionnalisme et l’apostolat.

2.6 Page 16

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• Tout l’engagement de notre vie spirituelle consiste à raviver la charité pastorale, à la purifier, à
l’intensifier : « Ama et fac quod vis » [Aime et fais ce que tu veux].
3. Spiritualité salésienne pour toutes les vocations
S’il est vrai que la spiritualité chrétienne possède des éléments communs et valables pour toutes les
vocations, il est tout aussi vrai qu’elle est vécue avec des différences particulières et des spécificités
selon les états de vie : le ministère presbytéral, la vie consacrée, les fidèles laïcs, la famille, les
jeunes, les anciens … ont leur manière typique de vivre l’expérience spirituelle. Il en va de même
pour la spiritualité salésienne.
3.1. Spiritualité commune pour tous les groupes de la Famille Salésienne
Il y a des éléments communs pour tous les groupes de la Famille Salésienne ; ils s’inspirent tous de
Don Bosco qui est le fondateur des Salésiens, des Filles de Marie Auxiliatrice avec Mère
Mazzarello, des Salésiens Coopérateurs et de l’Association de Marie Auxiliatrice. Les autres
groupes, quant à eux, font référence à leurs fondateurs respectifs. Ces éléments sont explicités dans
la « Charte de l’Identité Charismatique de la Famille Salésienne » qu’il faut connaître et
approfondir car elle constitue la référence pour notre spiritualité de communion et pour notre
formation à la communion.
Les traits caractéristiques et reconnus par tous ses groupes se trouvent surtout dans la troisième
partie de la « Charte de l’Identité Charismatique ». Ils concernent notre vie de relation trinitaire, la
référence à Don Bosco, la communion dans la mission, la spiritualité du quotidien, la contemplation
dans l’action à l’exemple de Don Bosco, la charité apostolique dynamique, la grâce d’unité, la
prédilection pour les jeunes et les couches populaires, la bonté affectueuse, l’optimisme et la joie, le
travail et la tempérance, l’initiative et la souplesse, l’esprit de prière, la dévotion confiante à Notre
Dame Auxiliatrice.
N’oublions pas que le Système Préventif est une expression et une traduction concrète de cette
spiritualité commune. Il nous rattache à l’âme, aux attitudes et aux choix évangéliques de Don
Bosco. Le « génie » de son esprit est lié à l’actualisation du Système Préventif. C’est un Système
réussi qui sert de modèle et d’inspiration à tous ceux qui aujourd’hui œuvrent pour l’éducation dans
les différents continents, dans des contextes multiculturels et pluri religieux. C’est un modèle qui
demande à tous une réflexion continuelle pour favoriser toujours plus la place centrale des jeunes
comme destinataires et protagonistes de la mission salésienne.
3.2. Spiritualité propre de chaque groupe de la Famille Salésienne
Par ailleurs, chaque groupe de la Famille Salésienne possède des éléments spirituels qui lui
appartiennent en propre. Légitimement, de par leur origine et leur développement, les différents
groupes ont une histoire caractéristique et des aspects de la spiritualité commune qu’ils ont
soulignés d’une manière particulière, ou d’autres éléments qui leur sont originaux. Ces éléments
font la différence spécifique de chaque groupe ; il faut les connaître car ils constituent une richesse
pour l’ensemble de la Famille elle-même.
La variété est un don de l’Esprit qui n’aime ni l’uniformité ni l’homologation. Les différences
spécifiques ne doivent cependant pas devenir un prétexte pour se diviser ou s’opposer : au contraire,

2.7 Page 17

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elles doivent enrichir tout le monde et converger vers l’unité, la communion à accueillir vraiment
comme don et à réaliser comme engagement. Ces éléments propres sont présents et spécifiés surtout
dans les Règles de vie, mais aussi dans les traditions, des différents groupes
3.3. Spiritualité salésienne des jeunes
Avec le temps s’est aussi développée une spiritualité salésienne des jeunes. Au-delà des trois
biographies des jeunes Michel Magon, Dominique Savio et François Besucco, écrites par Don
Bosco, pensons aux pages qu’il adresse aux jeunes eux-mêmes à travers son manuel de piété « La
Jeunesse Instruite », aux « Compagnies » voulues par Don Bosco pour faire participer directement
les jeunes à la vie spirituelle et apostolique… Il serait intéressant de connaître les développements
de la spiritualité salésienne des jeunes dans notre histoire et dans notre tradition jusqu’à
aujourd’hui, jusqu’au moment où a même été défini de façon autorisée, et répandu, le contenu de
cette spiritualité, par le biais du Mouvement Salésien des Jeunes (MSJ). La spiritualité se trouve à la
base du MSJ, qui se développe avec l’engagement des jeunes eux-mêmes, et qui demande l’apport
d’une animation de la part des différents groupes de la Famille Salésienne. Le MSJ est, en effet, une
opportunité, un don et un engagement pour tous les groupes de notre Famille
La spiritualité salésienne des jeunes est une spiritualité adaptée à eux ; elle est vécue avec et par les
jeunes, pensée et réalisée à l’intérieur de leur propre expérience. Elle tente de générer une image de
jeunes chrétiens que l’on peut proposer aujourd’hui à ceux qui, à notre époque, vivent la condition
juvénile actuelle. Elle s’adresse à tous les jeunes parce qu’elle est conçue à l’aune des « plus
pauvres » mais, en même temps, elle est capable d’indiquer des objectifs à ceux qui désirent
progresser davantage. Elle veut aussi permettre au jeune de faire lui-même des propositions à ceux
de son âge, dans le milieu où il vit.
Une spiritualité de la vie quotidienne comme lieu de la rencontre avec Dieu
La spiritualité salésienne des jeunes considère la vie quotidienne comme lieu de la rencontre avec
Dieu. À la base de cette évaluation positive du quotidien et de la vie, il y a la foi et une manière de
comprendre l’Incarnation. Cette spiritualité se laisse guider par le mystère de Dieu qui, avec son
Incarnation, sa Mort et sa Résurrection, affirme sa présence, dans toute la réalité humaine, comme
une présence qui sauve.
Le quotidien du jeune est fait de devoir, de socialité, de jeu, de tensions rencontrées au cours de sa
croissance, de vie de famille, de développement de ses propres capacités, de perspectives d’avenir,
de demandes d’aide, d’aspirations. C’est cette réalité qui doit être assumée, approfondie et vécue à
la lumière de Dieu. Selon Don Bosco, pour devenir saint, il suffit de bien faire ce que l’on doit faire.
Il considère la fidélité à ses devoirs quotidiens comme critère de vérification de la vertu et comme
signe de maturité spirituelle.
Pour que la vie quotidienne puisse être vécue comme spiritualité, la grâce d’unité est nécessaire
pour aider à harmoniser les différentes dimensions de la vie autour d’un cœur habité par l’Esprit
Saint. La grâce rend possible la conversion et la purification ; par la force du sacrement de la
Réconciliation, la grâce permet au jeune de garder un cœur libre, ouvert à Dieu et dévoué à ses
frères.
Parmi les attitudes et expériences du quotidien à vivre en profondeur dans l’Esprit, on peut
considérer : sa vie en famille, l’amour de son travail ou de ses études, la croissance culturelle et
l’expérience scolaire, la nécessité de conjuguer les « expériences fortes » avec les « choses
ordinaires de la vie », la vision positive et réfléchie de son temps, l’accueil responsable de sa vie et

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de son cheminement spirituel progressif dans l’effort de chaque jour, la capacité d’orienter sa vie
selon un projet vocationnel.
Une spiritualité pascale de la joie et de l’optimisme
La vérité décisive de la foi chrétienne est que le Seigneur est vraiment ressuscité ! La vie définitive
avec Dieu est donc notre but ultime et c’est déjà notre but dès maintenant car il est devenu réalité
dans le corps de Jésus-Christ. La spiritualité salésienne des jeunes et une spiritualité pascale et se
laisse pénétrer par cette signification eschatologique.
La tendance la plus enracinée dans le cœur du jeune est le désir et la recherche du bonheur. La joie
est l’expression la plus noble du bonheur et, avec la fête et l’espérance, elle est caractéristique de la
spiritualité salésienne. La foi chrétienne est une annonce de bonheur radical, promesse et don de «
vie éternelle ». Ces réalités ne sont cependant pas une conquête de notre part mais plutôt un don qui
nous manifeste que Dieu est la source de la vraie joie et de l’espérance. Sans exclure sa valeur
pédagogique, la joie a avant toute une valeur théologique : Don Bosco y voit une manifestation
indispensable de la vie de grâce.
Don Bosco a compris et fait comprendre à ses jeunes que l’engagement et la joie vont de pair, que
la sainteté et la gaieté sont un binôme inséparable. Don Bosco est le saint de la joie de vivre. Ses
jeunes ont si bien appris cette leçon de vie qu’ils n’hésitent pas à affirmer, dans un langage
typiquement « oratorien », que « la sainteté consiste à vivre toujours très joyeux ». La spiritualité
salésienne des jeunes propose un chemin de sainteté simple, joyeuse et sereine.
La valorisation de la joie comme fait spirituel, source d’engagement et sa conséquence, demande de
favoriser chez les jeunes certaines attitudes et expériences : un intense climat de participation, des
relations sincèrement amicales et fraternelles, avec une expérience de joyeuse affection envers les
personnes, les fêtes de jeunes où ils peuvent s’exprimer librement et les rencontres entre groupes,
l’admiration et le goût pour les joies que le Créateur a mises sur notre route : la nature, le silence,
les activités réalisées ensemble, la joie exigeante du sacrifice et de la solidarité, la grâce de pouvoir
vivre la souffrance sous le signe de la consolation et de la Croix du Christ.
Une spiritualité de l’amitié et de la relation personnelle avec le Seigneur Jésus
La spiritualité salésienne des jeunes veut mener le jeune à la rencontre avec Jésus-Christ et rendre
possible une relation d’amitié et de confiance avec Lui, en créant un lien vital et d’adhésion fidèle.
De nombreux jeunes nourrissent un désir sincère de connaître Jésus et essaient de répondre aux
questions sur le sens de leur vie, questions auxquelles Dieu seul cependant est capable de donner
une vraie réponse.
Ami, Maître et Sauveur sont les expressions qui décrivent la centralité de la personne de Jésus dans
la vie spirituelle des jeunes. Il est intéressant de rappeler que Jésus est présenté par Don Bosco
comme l’ami des jeunes : « Les jeunes sont les préférés de Jésus », disait-il. Jésus comme maître de
vie et de sagesse, comme modèle pour tout chrétien, comme rédempteur qui donne toute sa vie dans
l’amour jusqu’à mourir pour le salut des hommes, un Jésus présent dans les petits et les pauvres.
Pour un chemin de conformité menant au Christ, il faut développer certaines attitudes et
expériences : la participation de foi dans la communauté qui vit de la mémoire de la présence du
Seigneur et le célèbre dans les sacrements de l’initiation chrétienne, la pédagogie de la sainteté que
Don Bosco a indiquée dans la réconciliation avec Dieu et avec les frères à travers le sacrement de
Pénitence, l’apprentissage de la prière personnelle et communautaire, des moments privilégiés pour

2.9 Page 19

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grandir dans l’amour et dans la relation personnelle avec Jésus-Christ, l’approfondissement
systématique de la foi éclairée par la lecture et la méditation de la Parole de Dieu.
Une spiritualité de communion ecclésiale
L’expérience et l’intelligence juste de l’Église est un des points de discernement de la spiritualité
chrétienne. L’Église est communion spirituelle et communauté qui se rend visible à travers des
gestes et des convergences également opérationnelles. C’est un service des hommes dont elle ne se
détache pas comme une « secte » qui considère bonnes seulement les œuvres qui portent le signe de
son appartenance. C’est le lieu choisi et offert par le Christ pour pouvoir le rencontrer. Il a remis à
son Église sa Parole, le Baptême, son Corps et son Sang, la grâce du pardon des péchés, les autres
sacrements, l’expérience de communion et la force de l’Esprit qui pousse à la charité envers les
frères. La Famille de Don Bosco possède dans ses trésors de famille une riche tradition de fidélité
filiale au Successeur de Pierre, de communion et de collaboration avec les Églises locales.
Précisément parce qu’ecclésiale, la spiritualité salésienne des jeunes est une spiritualité mariale.
Marie fut appelée par Dieu le Père à être, par la grâce de l’Esprit, la Mère du Verbe, pour le donner
au monde. L’Église considère Marie comme un exemple de foi ; Don Bosco l’a vécu ainsi et nous
sommes appelés à le faire nous aussi en communion avec l’Église. Marie est vue comme Mère de
Dieu et notre Mère, comme l’Immaculée, pleine de grâce, totalement disponible à Dieu, modèle de
sainteté et de vie chrétienne, en toute cohérence et totalement. Elle est aussi invoquée comme
l’Auxiliatrice, le Secours des chrétiens dans le grand combat de la foi et de la construction du
Royaume de Dieu. Elle est Celle qui protège et guide l’Église. Don Bosco la considère donc comme
la Madone des temps difficiles, soutien et support de la foi et de l’Église. En Marie Auxiliatrice,
nous avons un modèle et un guide pour notre action éducative et apostolique.
Les attitudes et les expériences à créer sont donc : l’ambiance concrète de la maison salésienne
commune où l’on expérimente l’image d’une Église pleine de fraîcheur, sympathique, active,
capable de répondre aux attentes des jeunes. Ne pas oublier les groupes, surtout la communauté
éducative qui unit jeunes et éducateurs, dans une ambiance familiale, autour d’un projet d’éducation
intégrale. Avoir aussi le souci de la participation à l’Église locale où converge toute la vie de foi des
chrétiens dans une communion visible et dans un service perceptible sur un territoire concret.
Prouver son estime et sa confiance envers l’Église universelle, perçue et vécue dans un sentiment
d’amour envers le Pape. Mettre en bonne place l’amour et l’admiration envers Marie, Immaculée et
Auxiliatrice, le culte qui lui est réservé et l’imitation de ses vertus. Soigner la connaissance à avoir
des Saints et des personnalités significatives de la pensée et des réalisations chrétiennes dans les
différents secteurs.
Une spiritualité du service responsable
La vie assumée comme une rencontre avec Dieu, le chemin d’identification avec le Christ, l’Église
perçue comme communion et service, où chacun a sa place et où les capacités de tous sont
nécessaires, font émerger et mûrir la conviction que la vie doit se vivre comme une vocation à
servir. Don Bosco demandait à ses jeunes de devenir de « bons chrétiens et d’honnêtes citoyens ».
Don Bosco, jeune et apôtre, a perçu et vécu son existence comme une vocation, à partir du rêve des
neuf ans. Il répond d’un cœur généreux à une invitation : aller vers les jeunes pour les sauver. Don
Bosco invitait ses jeunes à un « exercice pratique de la charité envers le prochain ». La spiritualité
salésienne des jeunes est une spiritualité apostolique parce qu’elle part de la conviction que nous
sommes appelés à collaborer avec Dieu dans sa mission, en y répondant avec dévouement, fidélité,

2.10 Page 20

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confiance et disponibilité totale. Les vocations apostoliques et les vocations à une consécration
spécifique sont donc proposées aux jeunes.
Le service responsable comporte certaines attitudes et expériences à favoriser : ouvrir à la réalité et
au contact humain ; promouvoir la dignité de la personne et ses droits, dans tous les contextes ;
vivre avec générosité dans sa famille et se préparer à en fonder une sur des bases du don de soi
réciproque ; favoriser la solidarité, spécialement envers les plus pauvres ; accomplir son travail avec
honnêteté et compétence professionnelle ; promouvoir la justice, la paix et le bien commun en
politique ; respecter la création ; favoriser la culture ; déterminer le projet de Dieu dans sa vie ;
mûrir petit à petit les choix progressifs et cohérents, comme le service de l’Église et des hommes ;
témoigner de sa foi et la concrétiser dans un secteur, comme l’animation éducative, pastorale et
culturelle, le volontariat et l’engagement missionnaire ; connaître les vocations à une consécration
spécifique et y être ouvert.
3.4. Spiritualité laïque et Familiale Salésienne
Les groupes de la Famille Salésienne impliquent de nombreux laïcs dans leur mission. Mais il faut
bien avoir conscience qu’on ne peut s’impliquer totalement sans partager le même esprit également.
Communiquer la spiritualité salésienne aux laïcs, coresponsables avec nous de l’action éducative et
pastorale, devient un engagement fondamental. Les Salésiens, comme aussi d’autres groupes de la
Famille Salésienne, ont formulé explicitement les éléments d’une spiritualité salésienne laïque au
Chapitre Général 24.[29] Les groupes laïcs de la Famille Salésienne, surtout les Salésiens
Coopérateurs, les Anciens et Anciennes élèves, constituent certainement une source d’inspiration
pour cette spiritualité.
En général bien conscients qu’il ne peut y avoir de pastorale des jeunes sans pastorale familiale,
nous nous interrogeons pour savoir quel type de spiritualité familiale salésienne élaborer et
proposer. Il y a des expériences de familles qui s’inspirent de Don Bosco. On n’en est qu’au début
mais c’est une piste qui nous aide à développer notre mission en faveur des couches populaires, en
plus des jeunes. Il faut promouvoir la pastorale familiale et donc partager des expériences
spirituelles avec les familles, les couples, les jeunes en les préparant à fonder une famille.
4. Engagements pour la Famille Salésienne
4.1. Engageons-nous à approfondir l’expérience spirituelle de Don Bosco, son profil spirituel,
pour découvrir le « Don Bosco mystique » ; nous pourrons ainsi l’imiter, en vivant une expérience
spirituelle charismatique. Sans nous approprier l’expérience spirituelle vécue par Don Bosco, nous
ne pourrons pas avoir conscience de notre identité spirituelle salésienne ; c’est seulement à ce prix
que nous serons disciples et apôtres du Seigneur Jésus, avec Don Bosco comme modèle et maître de
vie spirituelle. La spiritualité salésienne, réinterprétée et enrichie par l’expérience spirituelle de
l’Église de l’après-Concile et la réflexion de la théologie spirituelle actuelle, nous propose un
chemin spirituel de sainteté. Nous reconnaissons que la spiritualité salésienne est une spiritualité
vraie et complète : elle a puisé dans l’histoire de la spiritualité chrétienne, surtout celle de saint
François de Sales ; ayant sa source dans la particularité et l’originalité de l’expérience de Don
Bosco, elle s’est enrichie de l’expérience ecclésiale et elle est parvenue à la relecture et à la
synthèse mûrie d’aujourd’hui
4.2. Vivons le centre et la synthèse de la spiritualité salésienne qu’est la charité pastorale. Elle a
été vécue par Don Bosco comme une recherche de « la gloire de Dieu et du salut des âmes » ; elle
est devenue pour lui prière et programme de vie à travers le « Da mihi animas, cætera tolle ». C’est
une charité qui a besoin de s’alimenter dans la prière et de se fonder sur elle, tournée vers le Cœur
du Christ, imitant le Bon Pasteur, méditant la Sainte Écriture, vivant de l’Eucharistie, donnant sa

3 Pages 21-30

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3.1 Page 21

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place à la prière personnelle, faisant sien l’esprit de service pour les jeunes. C’est une charité qui se
traduit et se rend visible dans des gestes concrets de proximité, d’affection, de travail, de
dévouement. Faisons nôtre le Système Préventif comme expérience spirituelle et pas seulement
comme proposition d’évangélisation et méthode pédagogique ; le Système Préventif trouve sa
source « dans la charité de Dieu qui précède toute créature par sa Providence, l’accompagne par sa
présence et la sauve en donnant sa vie »[30] ; il nous dispose à accueillir Dieu en la personne des
jeunes et nous appelle à le servir en eux, reconnaissant leur dignité, renouvelant notre confiance en
leur capacité de faire le bien et en les éduquant à la plénitude de la vie.
4.3. Proposons la spiritualité salésienne selon la diversité des vocations, particulièrement aux
jeunes, aux laïcs impliqués dans la mission de Don Bosco, aux familles. La spiritualité salésienne a
besoin d’être vécue selon la vocation que chacun a reçue de Dieu. Reconnaissons les traits spirituels
communs des différents groupes de la Famille Salésienne, mentionnés dans la « Charte d’Identité »
; faisons connaître les témoins de la sainteté salésienne ; invoquons l’intercession de nos
Bienheureux, Vénérables et Serviteurs de Dieu, et demandons la grâce de leur canonisation.
Offrons aux jeunes que nous accompagnons la spiritualité salésienne des jeunes. Proposons la
spiritualité salésienne aux laïcs engagés qui partagent la mission de Don Bosco. En portant attention
à la pastorale familiale, indiquons aux familles une spiritualité adaptée à leur condition. Enfin,
invitons à faire l’expérience spirituelle même les jeunes, les laïcs et les familles de nos
communautés éducatives et pastorales ou de nos groupes et associations appartenant à d’autres
religions, ou se trouvant en situation d’indifférence par rapport à Dieu ; pour eux également
l’expérience spirituelle est possible comme espace d’intériorité, de silence, de dialogue avec leur
propre conscience, d’ouverture au transcendant.
4.4. Lisons quelques textes de Don Bosco que nous pouvons considérer comme des sources de la
spiritualité salésienne. Je vous invite avant tout à relire et à actualiser le « Songe des dix diamants »
: il nous présente le visage spirituel de chacun de nous qui nous inspirons de Don Bosco. Je vous
propose ensuite un recueil d’écrits spirituels de Don Bosco, où il apparaît comme un véritable
maître de vie spirituelle[31]. Nous pourrons ainsi puiser à des pages moins connues mais qui nous
parlent avec spontanéité du vécu spirituel salésien.
5. Conclusion
Cette fois-ci, je conclus mon commentaire de l’Étrenne non pas avec une fable mais avec le
témoignage et le message que nous a laissés le P. Pasquale Liberatore qui fut pendant plusieurs
années Postulateur pour la Cause des Saints de la Famille Salésienne, et saint lui-même, dans son
poème intitulé « Les Saints ».
Il s’agit d’un petit « credo » personnel qui résume tout ce qu’est la spiritualité salésienne,
concrétisée d’une manière authentique et valide dans les très nombreux fruits de sainteté, riches et
variés, dans la Famille Salésienne, à commencer par notre bien-aimé Fondateur et Père Don Bosco.
Nous avons trouvé ce poème dans son bureau, le jour de sa Pâque. Il y fait l’éloge des saints et
utilise une variété d’images dont nous découvrons avec plaisir la beauté. En lisant ce petit poème,
nous pouvons toucher du doigt la brillante et fine sensibilité humaine et spirituelle de nos Saints, et
sentir leur souffle plein de vie, d’amour et de bonheur en Dieu. Notons leur force intérieure et leur
expérience spirituelle que nous-mêmes sommes appelés à vivre et à proposer d’une manière
passionnée et convaincante aux autres, spécialement aux jeunes.
J’ai commencé ma charge de Recteur Majeur avec une lettre intitulée : « Salésiens, soyez des saints
! », une lettre que je considérais comme un programme pour mon Rectorat. Et je suis heureux que
mon dernier texte, en tant que successeur de Don Bosco, soit une invitation cordiale à nous abreuver

3.2 Page 22

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à sa spiritualité. Il y a ici tout ce que je voudrais vivre et proposer à vous tous, bien chers membres
de la Famille Salésienne et bien chers jeunes.
LES SAINTS
« Ils seront comme des étoiles dans le ciel : ils brilleront comme le firmament. »
Visibles par milliers
comme les étoiles à l’œil nu,
mais incomparablement plus nombreux
au télescope qui rejoint aussi ceux qui n’ont pas d’auréole.
Volcans incandescents
comme des fissures
sur le mystère du Feu Trinitaire.
Captivants romans
écrits par l’Esprit Saint
où la surprise est la règle.
Existences aux genres littéraires les plus variés
mais toujours fascinants :
du drame pathétique à la fable savoureuse.
Classiques de la syntaxe des Béatitudes,
toujours convaincants
grâce à leur joyeuse existence.
Cosmonautes de l’espace
à qui l’on doit les découvertes les plus hardies,
possibles seulement à ceux qui se distancient de la terre.
Géants si différents de nous
comme l’est toujours le génie
et pourtant tissés de la même étoffe que la nôtre.
Sujets aux erreurs et aux insuccès

3.3 Page 23

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mais hommes d’exception toujours :
on ne doit pas les banaliser sous prétexte de les sentir compagnons de voyage.
Signes de l’absolue gratuité de Dieu
qui enrichit et élève
selon les mystérieux critères de Sa libéralité.
Une paix inaltérable les habite
au-dessus de tout conflit humain,
toujours insatisfaits pourtant car ils ne cessent de viser plus haut.
En orbite autour de l’essentiel
eux, les prophètes de l’absolu.
Grands artistes
dans le règne du Beau
devant lequel tombe en extase le cœur humain.
Hommes et femmes réussis,
témoins de la secrète harmonie
entre nature et grâce.
Fous de Dieu,
amoureux au point
d’éditer un vocabulaire déconcertant.
Les plus éloignés, par instinct, de toute sorte de faute
et les plus proches, toujours,
de toute catégorie de coupables.
Scènes où le divin se donne à voir
et humbles spectateurs eux-mêmes,
sans aucune indulgence pour leur propre nullité.
Engagés dans un continuel enfouissement

3.4 Page 24

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et pourtant inévitablement lumineux
comme des villes situées sur la montagne.
Porteurs de messages éternels
au-delà du temps,
du progrès, des cultures, des races.
Paroles de feu
que le Seigneur prononce pour secouer notre indolence,
coups de baguette du Divin Maître sur le pupitre,
pour nous réveiller, élèves distraits.
Miracles vivants
devant lesquels point n’est besoin d’experts
pour accepter le caractère extraordinaire de l’Évangile vécu à la lettre.
Héroïquement détachés de l’humain
eux, spécialistes au superlatif
des façons d’être humaines.
Véritables maîtres en psychologie
qui empruntent les chemins de l’amour
pour atteindre les replis les plus secrets du cœur humain.
Capables de faire vibrer nos meilleures racines,
et, pinçant les cordes de sonorités anciennes,
infusent la nostalgie du futur.
Comme les étoiles du ciel:
si différentes les unes des autres
mais, au fond, allumées par un même feu.
Père Pascual Chávez V., SDB
Recteur Majeur

3.5 Page 25

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[1] W. NIGG, Don Bosco. Un saint pour notre temps, Turin, LDC, 1980, 75.103.
[2] Cf. J. Bosco, Plan de règlement pour l'Oratoire de garçons saint François de Sales à Turin dans
le quartier du Valdocco. Introduction in P. Braido (ed.), Don Bosco Educatore. Scritti e
Testimonianze. Roma, LAS 1997, 111.
[3] Ibidem, 108-109.
[4] D. Ruffino, Cronache dell’Oratorio di S. Francesco di Sales, n. 2, 1861, 8-9.42.
[5] G. Barberis, Cronichetta, quad 4, 52.
[6] Bosco Giovanni, Costituzioni della società di S. Francesco di Sales [1858] 1875. Testi critici,
a cura di Francesco Motto, Roma LAS 1982, 70-71.
[7] Ibidem, 82.
[8] Epistolario, ed. Motto, vol. I, 406.
[9] Epistolario, ed. Ceria, vol. III, 544.
[10] Epistolario, ed. Motto, vol. II, 386
[11] F. Motto, Ricordi e riflessi di una educazione ricevuta in Ricerche Storiche Salesiane 11
(1987), 365.
[12] F. Motto, Verso una storia di Don Bosco più documentata e più sicura, in Ricerche Storiche
Salesiane 41 (2002), 250-251.
[13] BS 8 (1884) n. 6, 89-90.
[14] Constitutions SDB 21
[15] Ibidem
[16] Cf. Constitutions SDB 10; Constitutions FMA 80
[17] Cf. SaInT FranÇOIS dE Sales, Traité de l’Amour de Dieu, Vol II, libro X, c. 1
[18] MB XV, 183 (Le fameux “songe” en totalité)
[19] Cf. Constitutions SDB 196
[20] LG 41
[21] Cfr. Jn 10
[22] Édition française : SAINT JEAN Bosco, Vie de Saint Dominique Savio, introduction,
traduction

3.6 Page 26

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et notes de Francis DESRAMAUT, Éd. Paulines, 1978, chap.8, pp.53-54
[23] Cf. Oraison pour la solennité liturgique de saint Jean Bosco
[24] MB VII, 622.
[25] MB V, 9.
[26] P. Brocardo, Don Bosco profondamente uomo - profondamente santo, LAS, Roma 1985, 84.
[27] Ibidem, 85.
[28] P. Stella, Don Bosco nella storia della religiosità cattolica, vol. II, Zurigo, PAS Verlag,
Zurigo, 13.
[29] CG24, Salésiens et laïcs : communion et partage dans l'esprit et la mission de Don Bosco,
Rome 1996, n° 89-100.
[30] Constitutions SDB 20
[31] San Giovanni Bosco. Insegnamenti di vita spirituale. Anthologie publiée sous la responsabilité
de A. GIRAUDO, LAS, Rome 2013.