fr|Etrenne 2023 : Présentation - « COMME LEVAINE DANS LA FAMILLE HUMAINE D’AUJOURD’HUI. La dimension laïque de la Famille de Don Bosco. »

PRÉSENTATION DU THÈME

VUE D’ENSEMBLE DE L’ÉTRENNE 2023

ÉTRENNE 2023


COME LIEVITO NELLA FAMIGLIA UMANA D’OGGI.

La dimensione laicale della Famiglia di Don Bosco


COMO FERMENTO EN LA FAMILIA HUMANA de Hoy.

La dimensión laical de la Familia de Don Bosco


AS THE YEAST IN TODAY’S HUMAN FAMILY.

The lay dimension in the family of Don Bosco


COMME LEVAIN DANS LA FAMILLE HUMAINE D’AUJOURD’HUI.

La dimension laïque de la Famille de Don Bosco


COMO FERMENTO NA FAMILIA HUMANA HOJE.

A dimensão laical da família de Dom Bosco






Tout d’abord, je voudrais rappeler que cette Étrenne 2023 s’adresse à deux groupes de destinataires : les enfants, les adolescents et les jeunes de toutes les présences de la Famille de Don Bosco dans le monde. En même temps, elle s’adresse à tous les Groupes de la Famille Salésienne, invités à découvrir ou redécouvrir leur propre dimension laïque.


Comment peut-il y avoir deux types de destinataires aussi différents ? La réponse est simple. À la lumière de ce qui caractérise le plus notre pédagogie et notre spiritualité, nous avons l’intention d’aider les garçons et les filles, en particulier les adolescents et les jeunes, à découvrir que chacun d’eux peut être comme le levain dont parle Jésus ; comme le bon levain qui aide à grandir et à rendre le « pain de la Famille humaine » plus abondant et plus savoureux. Chacun d’eux peut être un véritable protagoniste et avoir une mission authentique aux côtés de Jésus, ou comme un bon croyant dans la religion qu’il professe.


Pour la Famille Don Bosco, l’Étrenne veut être un message clair et provocateur visant à lui faire découvrir sa dimension laïque, dans cette Famille où nous sommes tous impliqués et où la grande majorité de ses membres sont des laïcs, des hommes et des femmes de tous pays, avec leur vie laïque chrétienne qui les appelle à être un véritable levain dans cette humanité qui en a tant besoin.


Et nous, personnes consacrées dans la Famille Salésienne, sommes également invités à être « levain dans la pâte du pain de l’humanité » et à vivre en étroite collaboration, en nous laissant enrichir par la laïcité évangélique de nos frères et sœurs. Bref, nous sommes appelés en tant que Famille à nous compléter mutuellement.



Jésus dit encore :

« À quoi pourrai-je comparer le règne de Dieu ?

Il est comparable au levain qu’une femme a pris

et enfoui dans trois mesures de farine,

jusqu’à ce que toute la pâte ait levé. » (Lc 13, 20-21)



Le levain travaille silencieusement.

Le levage a lieu en silence, tout comme l’œuvre du Royaume de Dieu en son activité intérieure.


En effet, qui a jamais pu écouter le levain agir sur la farine et sur la pâte où il a été enfoui, tandis qu’il fait lever toute la masse ? Cela nous fait comprendre l’action du Royaume de Dieu. L’apôtre Paul lui-même présente le royaume sur la base de son aspect le plus intime lorsqu’il dit : « En effet, le Royaume de Dieu ne consiste pas en des questions de nourriture ou de boisson ; il est justice, paix et joie dans l’Esprit Saint. » (Rm 14, 17) Tout cela est l’action intérieure et invisible de l’Esprit ; c’est le levain enfoui dans le cœur. Et tout comme le levain accomplit son action par contact, il en est de même pour l’Évangile.


La parabole du levain choisie comme thème de l’Étrenne 2023 est une parabole de grande sagesse évangélique, d’actualité pédagogique et éducative, qui exprime la nature du Royaume de Dieu que Jésus a vécu et enseigné.


Il existe diverses interprétations théologiques de ce passage biblique. Notre choix interprétatif pour l’Étrenne de cette année est précisément de présenter le levain comme une image de la fécondité et de la croissance du Royaume de Dieu qui, dans le cœur des personnes, féconde la richesse du don de l’appel à la vie, de la vocation où Dieu nous a plantés, orientant la mission des laïcs et de toute la Famille de Don Bosco à travers le monde.


« Un peu de levain suffit pour que toute la pâte fermente » (Ga 5,9). Il est surprenant de voir comment une portion de farine double ou triple avec l’ajout d’une petite portion de levain... Le Seigneur nous dit que le Royaume de Dieu est comme le levain avec lequel on fait lever la farine (la pâte) dans la préparation du pain. Il y a quelque chose de tout à fait spécial qui caractérise le levain. C’est sa capacité à influencer « positivement » la pâte.


Parmi les ingrédients que nous utilisons pour faire le pain, le levain, comme le Seigneur le souligne dans la parabole évangélique, n’est pas le plus grand en quantité, au contraire. On en utilise très peu, mais ce qui le distingue, c’est qu’il s’agit du seul ingrédient vivant et, comme il est vivant, il a la capacité d’influencer, de conditionner et de transformer toute la pâte.


Nous pouvons donc dire que le Royaume de Dieu se présente ainsi : « Une réalité humainement petite et apparemment sans importance. Pour arriver à en faire partie, il faut être pauvres de cœur, ne pas placer notre confiance dans nos propres capacités, mais dans la puissance de l’amour de Dieu ; ne pas agir pour être importants aux yeux du monde, mais précieux aux yeux de Dieu, qui privilégie les simples et les humbles. (…) [Certes], le Royaume de Dieu requiert notre collaboration, mais il est surtout initiative et don du Seigneur. Si notre œuvre faible, apparemment petite face à la complexité des problèmes du monde, s’insère dans celle de Dieu, elle ne craint pas les difficultés. La victoire du Seigneur est certaine : son amour fera germer et fera grandir toute semence de bien présente sur la terre. Cela nous ouvre à la confiance et à l’espérance en dépit des drames, des injustices, des souffrances que nous rencontrons. La semence de bien et de paix germe et se développe parce que c’est l’amour miséricordieux de Dieu qui la fait mûrir. » (Angélus de Sa Sainteté le Pape François, 14 juin 2015).



  1. Un Royaume de Dieu qui germe dans notre monde, entre lumières et ombres



« Une fois sortis, les pharisiens se réunirent en conseil contre Jésus pour voir comment le faire périr. Jésus, l’ayant appris, se retira de là ; beaucoup de gens le suivirent, et il les guérit tous. Mais il leur défendit vivement de parler de lui. Ainsi devait s’accomplir la parole prononcée par le prophète Isaïe :

Voici mon serviteur que j’ai choisi,

mon bien-aimé en qui je trouve mon bonheur.

Je ferai reposer sur lui mon Esprit,

aux nations il fera connaître le jugement.

Il ne cherchera pas querelle, il ne criera pas,

on n’entendra pas sa voix sur les places publiques.

Il n’écrasera pas le roseau froissé,

il n’éteindra pas la mèche qui faiblit,

jusqu’à ce qu’il ait fait triompher le jugement.

Les nations mettront en son nom leur espérance. » (Mt 12, 14-21)


  • Ici, c’est Jésus lui-même qui travaille comme levain au milieu des gens les plus ordinaires, parmi les malades qui ont besoin de guérison. « Et il les guérit tous » ... c’est un visage « laïc » de Jésus, au milieu du « laos », du peuple, où il n’y a pas de différence de classe sociale ou d’origine. Ils semblent tous unis par la pauvreté et leur besoin d’aide.


  • Le fait le plus historiquement fiable de la vie de Jésus est le symbole qui a dominé toute sa prédication, la réalité qui a donné sens à toutes ses activités, c’est-à-dire le « Royaume de Dieu ». Les Évangiles Synoptiques résument l’enseignement et la prédication de Jésus dans cette phrase lapidaire : « À partir de ce moment, Jésus commença à proclamer : " Les temps sont accomplis : le règne de Dieu est tout proche. Convertissez-vous et croyez à l’Évangile." » (Mt 4,17 ; Mc 1,15 ; Lv 4,43). L’expression se retrouve 122 fois dans l’Évangile et 90 fois sur les lèvres de Jésus. Par conséquent, il est plus qu’évident que Jésus a prêché le Royaume de Dieu et non lui-même (K. Ranher).


  • Mais la parole et l’annonce du Royaume ne sont pas seulement le thème central de la prédication de Jésus, ni le point de référence de la plupart de ses paraboles et l’objet d’un grand nombre de ses paroles ; c’est aussi le contenu de ses actions symboliques qui constitue une grande partie de son ministère, c’est-à-dire l’amitié avec les collecteurs d’impôts et les pécheurs, avec lesquels il vient même s’asseoir à table. Ce sont les guérisons et les exorcismes... En effet, dans sa communion avec les marginalisés et dans sa compassion pour les plus pauvres, les derniers, les exclus, Jésus a vécu pleinement le Royaume, démontrant dans les faits l’amour inconditionnel de Dieu pour les derniers.


  • Aujourd’hui, nous reconnaissons qu’il se fait tant de bien dans notre monde, dans ce Royaume en construction ; mais nous reconnaissons aussi qu’il y a tant de souffrances : souffrances créées par notre façon d’être et d’agir comme Famille humaine. C’est pourquoi nous devons ouvrir nos yeux et nos cœurs à la « manière d’agir » de Dieu qui établit son Royaume d’une manière très spéciale. Et c’est de cette manière – en assumant sa façon d’être et d’agir – que nous devons collaborer avec Lui. Nous ne pouvons pas faire autrement si nous ne voulons pas que le Royaume cesse d’être « de Dieu » et devienne « nôtre », mais pas de Dieu.


  • En ce sens, le style de la présence du Royaume de Dieu incarné en Jésus est pertinent, comme le décrit l’Évangile à travers les paroles d’Isaïe : « Il ne cherchera pas querelle, il ne criera pas, on n’entendra pas sa voix sur les places publiques. Il n’écrasera pas le roseau froissé, il n’éteindra pas la mèche qui faiblit, jusqu’à ce qu’il ait fait triompher le jugement. Les nations mettront en son nom leur espérance. » Et ce sont toutes les nations qui espéreront – non seulement Israël – « pour rassembler dans l’unité les enfants de Dieu dispersés » (cf. Jn 11,52). L’ouverture universelle qui nous caractérise en tant que Famille Salésienne est d’une grande harmonie avec l’Évangile du Royaume. L’Église est composée de plus de 99% de laïcs... Imaginez ce que devient la proportion si l’on embrasse le monde entier. Ils sont non seulement la pâte mais aussi le levain du Royaume.


  • Parfois, notre contribution humaine ou nos peu d’efforts peuvent sembler insignifiants, mais ils seront toujours importants devant Dieu. Nous ne devons pas et ne pouvons pas mesurer l’efficacité ou les résultats de nos efforts en évaluant ce que nous investissons en eux, l’effort exigé de nous, puisque la raison ultime de tout est Dieu ; et en même temps, nous ne pouvons pas tomber dans un complexe d’infériorité ou dans de fausses justifications sur l’impossibilité de la mission et de la construction du Royaume, puisque cela bloque et paralyse.


  • Nous tenant sous les « yeux » et devant le « cœur » de notre Dieu, nous ne devons pas confondre la petitesse et l’humilité avec la faiblesse. Ce que nous pouvons faire est peu de choses face au « beaucoup » qui est exigé de nous. Cependant, ce n’est jamais « pas assez » ou hors de propos, parce que c’est Dieu qui nous fait grandir. C’est la puissance de Dieu qui vient aider. Et c’est Dieu qui, à la fin, accompagne notre engagement, nos efforts, notre pauvre levain dans la pâte. À condition de faire tout et toujours en son nom.






  1. Une famille humaine qui a besoin de...


Chaque personne est appelée – en ce monde – à découvrir le sens de sa propre existence, qui est précisément de vivre dans un style de vie sain et fraternel au sein de la Famille Humaine. Cette parabole du levain et cette proposition d’Étrenne nous poussent alors à entrer dans ce monde de grands défis à travers les dynamiques du temps et de l’histoire humaine. Le levain intégré à la masse du pain a besoin d’un temps approprié pour permettre la fermentation.


Ce temps de Dieu, le kairos, nous enseigne à entrer dans une dynamique où le temps est plus important que l’espace, comme l’a dit le Pape François.1 Surtout dans un monde où la communication virtuelle et numérique crée un habitat de réseaux, de présences instantanées et interactives ; il est très important d’approfondir le sens du temps dans nos vies, dans notre façon de communiquer, de travailler et d’être ensemble en tant que personnes.


La construction de la Famille Humaine est une responsabilité et un engagement de chacun d’entre nous. Nous connaissons le bien qui nous entoure mais aussi la douleur que nous n’avons pas encore pu surmonter dans le monde dans lequel nous vivons. Le Pape François nous le rappelle lorsqu’il affirme que « chaque génération doit faire siens les luttes et les acquis des générations passées et les conduire à des sommets plus hauts encore. C’est là le chemin. Le bien, comme l’amour également, la justice et la solidarité ne s’obtiennent pas une fois pour toutes ; il faut les conquérir chaque jour. Il n’est pas possible de se contenter de ce qui a été réalisé dans le passé et de s’installer pour en jouir comme si cette condition nous conduisait à ignorer que beaucoup de nos frères subissent des situations d’injustice qui nous interpellent tous.» 2


Et c’est pourquoi nous reconnaissons que notre Famille Humaine est une famille avec tant de besoins :


  1. Besoin de justice et de dignité pour les derniers et les rejetés (FT, 15-17 ; 18-21 ; 29-31 ; 69-71 ; 80-83 ; 124-127 ; 234).

  2. Besoin de vérité (LF 23-25 ; FT 226-227).

  3. Besoin de paix et de fraternité (FT 88-111 ; FT 216-221 ; ChV 163-167).

  4. Besoin de Dieu (LF 50-51 ; LF 1-7 ; LF 35 ; LF 58-60).

  5. Besoin de soin pour notre maison commune (cf. Laudato Si').

  6. Besoin de ...


Nous ne pouvons pas renvoyer à demain le bien que nous devons faire aujourd’hui ! Nous sommes appelés, en tant que Famille de Don Bosco, à être levain dans cette Famille Humaine. Ainsi guidés par cette vision de la dynamique évangélique du levain, nous voulons approfondir et reconnaître la richesse de la vocation spirituelle, religieuse et chrétienne des laïcs de toutes nos présences dans monde et des laïcs de la Famille de Don Bosco, valorisant dans différentes cultures et sociétés, le don de leur vie, la force de leur foi, la beauté de leur famille, leur expérience de vie et leur expérience professionnelle.


  1. Le laïc : un chrétien qui « sanctifie le monde de l’intérieur »



Une certaine habitude nous a fait un grand tort en associant la sainteté exclusivement au monachisme et pas du tout, ou si peu, à la vie des laïcs, à la vie publique. Cette séparation n’a pas été positive tout au long de l’histoire.


1. Du fait que Dieu est Père, il s’ensuit que nous sommes tous frères et sœurs. De cette fraternité universelle découle la demande de solidarité, de charité et de communion.


2. Depuis l’Incarnation du Fils, il est évident que toute réalité temporelle peut révéler le Mystère de Dieu.


3. Considérant la personne humaine comme le Temple de l’Esprit, il s’ensuit que l’être humain est l’espace le plus qualifié pour la rencontre avec le sacré : « Ne le savez-vous pas ? Votre corps est un sanctuaire de l’Esprit Saint, lui qui est en vous » (1 Co 6, 19), dit l’Écriture. 3


« Théologiquement, la laïcité de toute l’Église se comprend à partir du sens de la relation Église-monde, du sacerdoce commun, de la prophétie et de la dimension royale. Tout baptisé est membre d’une Église qui doit servir le monde pour rendre présente la volonté salvifique de Dieu et de son Royaume, même si tout baptisé exerce ou développe cette laïcité d’une manière particulière, de sorte qu’il y ait une diversité de ministères et de fonctions et, dans une certaine mesure, de "présence et de situation" dans le monde, dans l’histoire et dans la société. »4 Et c’est de la vie laïque elle-même, qui passe dans de nombreux cas par la vocation spécifique en famille et par le professionnalisme dans le monde, que les laïcs, et en particulier les laïcs chrétiens, les laïcs de la Famille de Don Bosco, sont appelés à établir, promouvoir et soutenir les valeurs évangéliques dans la société et dans l’histoire, en contribuant à la consecratio mundi, à la consécration du monde, à l’instauration du Royaume de Dieu ici et maintenant.


En tout état de cause, ce serait une grave erreur de faire croire que lorsque l’on parle de laïcité (sécularité) comme caractéristique propre à l’Église, on ne se réfère qu’à une partie des membres de l’Église, c’est-à-dire aux laïcs, comme si les vocations de consécration spéciale et ceux qui ont reçu la consécration du ministère ordonné n’avaient pas de « dimension séculière ». « [...] En reconnaissant leur dignité (des laïcs), leur fonction au sein de l’Église elle-même se clarifie ainsi que leur présence nécessaire dans l’Église. Le Concile voit la mission des laïcs dans "la gestion des affaires temporelles et leur ordre selon Dieu" et dans "l’édification du monde de l’intérieur". Les laïcs sont appelés à "rendre l’Église présente et active dans les lieux et dans les circonstances où ce n’est qu’à travers eux qu’elle peut devenir le sel de la terre". Face au monde, c'est reconnaître pleinement que l'Église a besoin des fidèles laïcs. À travers eux, elle atteint des endroits où elle ne pourrait pas aller autrement. »5


Si l’on nous dit que quelqu’un est venu chez nous, nous sortons l’accueillir. C’est l’attitude exigée du chrétien qui connaît la visite continuelle de l’Esprit au plus profond de son âme. « Vivre pour Dieu » signifie avoir une attitude de recherche de tout ce qui est riche dans l’humanité. Car seul ce qui est pleinement humain est divin. Vivre pour Dieu signifie être fidèle aux découvertes, et remplir le monde de surprise, de la « surprise de Dieu ». Et c’est aussi travailler en irradiant le désir de restaurer l’ordre temporel bouleversé, parce que trop souvent nous l’avons rendu tel avec nos actions humaines.


  1. La Famille de Don Bosco appelée à être levain


Un épisode de notre histoire salésienne est particulièrement éclairant : « C’était le 24 juin 1855, et à l’Oratoire, ce fut une double fête : un fête grandiose pour le moins... Tout Turin honorait et célébrait le saint Patron de la ville, mais c’était aussi la fête de Jean Bosco. Chacun essayait de lui manifester son affection et le prêtre répondait de grand cœur.


Le soir du 23 juin 1855, Don Bosco dit à ses garçons : « Demain, vous voulez me fêter, et je vous en remercie. Pour ma part, je veux vous offrir le cadeau que vous désirez le plus. Que chacun de vous écrive donc sur un petit billet le cadeau qu’il désire. Je ne suis pas riche, mais si vous ne me demandez pas le Palais Royal, je ferai tout pour vous satisfaire. »


En lisant les billets, Don Bosco trouva des souhaits sérieux et d’autres ridicules et extravagants : celui-ci lui demandait « cent kilos de nougat pour en avoir toute l’année », celui-là un chiot « à la place de celui que j’ai laissé à la maison ». Giovanni Roda, un ami de Dominique Savio, lui demanda « une trompette comme celle des bersagliers, parce que je veux faire partie de la fanfare ».


Mais sur le billet de Dominique Savio, Don Bosco ne trouva que cinq mots : « Aidez-moi à me faire saint ». Don Bosco appela le garçon et lui dit : « Quand ta maman fait un gâteau, elle utilise une recette qui indique les différents ingrédients à mélanger : sucre, farine, œufs, levure ... Pour devenir saint, il faut aussi une recette, et je veux te l’offrir. Elle se compose de trois ingrédients qui doivent être mélangés ensemble :

  • Premièrement : la joie. Ce qui te trouble et t’enlève la paix ne plaît pas au Seigneur. Débarrasse-t’en.

  • Deuxièmement : tes devoirs d’étude et de prière. Attention à l’école, engagement à étudier, à prier volontiers lorsque tu es invité à le faire.

  • Troisièmement : faire du bien aux autres. Aide tes camarades quand ils en ont besoin, même si cela te dérange et te demande un effort. Voilà la recette de la sainteté. 


Dominique y réfléchit. Les deux premiers « ingrédients », il lui semblait les avoir.

Quant à faire du bien aux autres, pensait-il, il pourrait faire, penser, inventer quelque chose de plus. Et à partir de ce jour-là, il a essayé. »


Comme la recette du gâteau de la maman qui comprend du sucre, de la farine, des œufs et de la levure... La recette de la sainteté a été proposée par Don Bosco à ses jeunes, en particulier à Dominique Savio (le soir du 24 juin 1855) et contient : La joie, faire ses devoirs avec application et faire du bien. Tout un programme pour être levain dans le petit espace où Dieu nous a plantés.


Nous sommes nés charismatiquement comme communauté et communion de personnes de différents milieux sociaux, états de vie, profils professionnels... mais unis par la même mission et motivés par la même charge charismatique que Don Bosco sait communiquer. Voilà la nature de l’Oratoire dans ses années de fondation, de 1841 à 1859 : c’est une période de 18 ans ! Le premier projet de Constitutions (Salésiennes) reflète encore fortement cette synergie de Peuple de Dieu qui coopère de diverses manières pour faire des jeunes les plus à risque de « bons chrétiens et d’honnêtes citoyens ». Il est indéniable que nous sommes nés dès le début comme groupe de Peuple de Dieu : telle est la nature de notre charisme et de notre mission.


Je crois être très conscient, et j’essaie de transmettre cette conscience à toute notre Famille Salésienne, appelée à être vrai levain dans le monde d’aujourd’hui, dans la Famille Humaine d’aujourd’hui ; j’ai conscience d’un fait particulièrement évident : ce n’est qu’ensemble et dans la communion que nous pouvons faire quelque chose de significatif aujourd’hui. J’ai lancé un appel fort à toute la Congrégation Salésienne sur notre mission commune avec les laïcs (un appel qui vaut pour toute la Famille de Don Bosco), et ne pas l’écouter nous conduirait dans un avenir assez proche à une situation dangereuse de non-retour. J’ai déclaré que « Notre CG24 a certainement été une réponse charismatique à l’ecclésiologie de communion de Vatican II. Nous savons très bien que Don Bosco, dès le début de sa mission au Valdocco, a impliqué de nombreux laïcs, amis et collaborateurs afin qu’ils puissent participer à sa mission parmi les jeunes. Dès le début, il "suscite le partage et la coresponsabilité chez des ecclésiastiques et des laïcs, hommes et femmes." 6 Il s’agit donc, malgré nos résistances, d’un point de non-retour car, en plus de correspondre aux actions de Don Bosco, le modèle opérationnel de la mission partagée avec les laïcs proposé par le CG24 est en fait "le seul praticable dans les conditions actuelles." ». 7


Le but ultime de la mission de Don Bosco est, avec le salut de ses jeunes, la transformation de la société. Écrire cela me fait aussi penser à l’Étrenne de 2020 (« Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel – BONS CHRÉTIENS ET HONNÊTES CITOYENS »). Le Système Préventif ne vise pas seulement l’éducation des individus « pour les rendre heureux dans le temps et dans l’éternité » : il vise à empêcher que « cette part la plus délicate et la plus précieuse de la société humaine » (Const. SDB, 1) n’entre dans un cercle vicieux de maux qui ruinent le présent et le futur de l’Église et de la société, alors qu’au contraire, elle peut être la plus grande ressource d’avenir et de croissance pour tous. La vision aussi large et courageuse de Don Bosco, son activité intense, sa résilience face aux obstacles... ne peuvent s’expliquer que dans cet horizon de transformation sociale et d’évangélisation des jeunes à l’échelle mondiale.


Je pense que c’est un élément précieux non seulement d’admiration envers notre Père, mais aussi pour valoriser le potentiel d’une présence aussi large et répandue dans le monde des jeunes que nous avons lorsque nous agissons ENSEMBLE, avec tous ceux qui partagent la même confiance dans les jeunes comme solution, comme réponse au présent et à l’avenir du monde, au lieu de se limiter à les considérer (et peut-être à les craindre) comme un problème ...


Don Bosco ne fait pas de politique mais peut parler avec tous les représentants des différents niveaux de gouvernement parce que son engagement est clairement orienté vers le bien des jeunes dont personne, ayant à cœur la société humaine et le service des autres, ne se soucie, pas même le service public qui devrait œuvrer au bien de tous, sa raison d’être politique. Notre voix commune peut trouver l’accès et l’écoute bien au-delà des frontières confessionnelles si nous incarnons ensemble aujourd’hui cette même sollicitude zélée pour les jeunes, qui nous a été léguée comme charisme : et cette façon d’être Église dans le monde, dans les périphéries est plus que jamais en ligne avec le magistère actuel de l’Église (de Gaudium et Spes à Laudato Si’... et de nombreux autres documents faisant autorité). C’est une manière d’être Église que nous ne pouvons réaliser qu’ensemble comme Famille de Don Bosco.


La complémentarité des vocations dans la Famille de Don Bosco.

Il est de plus en plus évident que si nous voulons vraiment avoir un impact efficace sur l’éducation des jeunes, l’engagement et la coresponsabilité de chacun sont importants et indispensables. Être UNIS en tant que Famille Salésienne, et toujours avec tant de laïcs de nos présences dans le monde, être unis dans la mission et la formation devient une exigence incontournable de la mission, si nous ne voulons pas demeurer insignifiants.


La communion dans l’esprit de famille et le vaste Mouvement Salésien.


Il y a des domaines où nous sommes vraiment tous dans le même bateau et où nous avons besoin de formation, comme ce qui concerne le monde numérique par rapport aux nouvelles générations ou tout le vaste domaine incontournable de l’écologie intégrale.


Nous avons tous à apprendre : si cela devient un chemin commun alors que l’apprentissage peut devenir beaucoup plus efficace et adhérer à la réalité, les dynamiques créées dans le processus d’apprentissage transforment également la façon d’exercer ensemble la mission et la formation. C’est ce nouveau type de mission qui nous fait devenir ce levain que l’Église, le monde et les jeunes attendent de nous. Nous n’y sommes pas encore parvenus. La « pâte » a changé et nous devons redevenir ce que nous sommes appelés à être ; et nous ne pouvons le faire qu’ensemble.


Après tout, c’est la même dynamique des origines. Don Bosco n’avait pas toutes les compétences et toutes les connaissances : ils se sont formés ensemble. Sans des laïcs comme Maman Marguerite et beaucoup d’autres collaborateurs du moment, et sans ses garçons, parmi lesquels Dominique Savio, pour ne citer que les plus connus, ni Don Bosco ni nous après lui ne serions les mêmes.


  1. À l’ombre d’un grand arbre avec de très beaux fruits


Dans ma lettre en conclusion du Deuxième Séminaire pour la promotion des Causes de Béatification et de Canonisation de la Famille Salésienne, je disais : « De Don Bosco à nos jours, nous reconnaissons une tradition de sainteté qui mérite attention parce qu'elle est l'incarnation du charisme qui a émané de lui et s'est exprimé dans une pluralité d'états de vie et de formes. Il s'agit d'hommes et de femmes, de jeunes et d'adultes, de personnes consacrées et de laïcs, d'évêques et de missionnaires qui, dans différents contextes historiques, culturels et sociaux, en des lieux et des époques variés, ont fait briller d'une lumière singulière le charisme salésien en représentant un patrimoine qui joue un rôle dans la vie et la communauté des croyants et pour les hommes de bonne volonté. » 8


Avec humilité et un profond sentiment de gratitude, nous reconnaissons dans la Congrégation et la Famille Salésiennes un grand arbre avec de nombreux fruits de sainteté. Ces saints sont des jeunes, des laïcs, des martyrs, des personnes qui ont rempli leur vie avec le levain de l’amour, un amour qui se donne jusqu’au bout, fidèle à Jésus-Christ et à son Évangile.


  • Un grand arbre avec de beaux fruits de sainteté tels que (entre autres) : Zefferino Namuncurá et Laure Vicuña, Albert Marvelli, Dominique Savio, Alexandrine da Costa, Attilio Giordani, les jeunes martyrs de Poznań, le jeune Bashir du Pakistan et l’Indien Boi-Bororo Simão, ou la bienfaitrice Dorothée Chopitea.


  • Que dire de la belle figure de Maman Marguerite, comme « sainteté de la porte d’à côté », la sainteté d’une mère qui a façonné le cœur de son fils bien-aimé, Jean, et qu’elle a accompagné dans la naissance de ce charisme sans le savoir, d’une manière simple, en donnant sa vie, la vie qu’elle menait auparavant et qu’elle a abandonnée.


  • Et n’oublions pas Artémide Zatti, en l’année de sa canonisation. Certes, C’était un religieux consacré, mais n’oublions pas la dimension séculière de sa sainteté, c’est-à-dire l’exercice de la charité dans la simplicité d’un petit hôpital et d’un petit village. Il est un exemple et un modèle de consécration à son peuple dans le travail quotidien, ayant Dieu comme source, motivation de sa foi et but de sa vie.


Leur vie, la vie de chacun d’entre eux et leur exemple sont comme « levain dans la pâte ».


  1. Nos jeunes comme ferment dans le monde d’aujourd’hui


  • Toute action humaine qui produit du bien pour la société ou pour les individus est liée à l’intervention de Dieu dans le monde et implique une collaboration d’amour avec la mission. Surtout dans le contexte salésien, tout ce qui concerne le bien des jeunes et leur développement intégral apporte les germes de l’Évangile. Même un verre d’eau fraîche donné au nom de Jésus. D’où la nécessité de promouvoir avec insistance la spiritualité des jeunes du Mouvement Salésien, qui touche pleinement l’apostolat et l’expérience de la foi dans tout ce qui est accompli dans l’esprit de Don Bosco, et qui génère l’adhésion, la solidarité, la construction de la communion et de la communauté avec les jeunes qui sont protagonistes et bénéficiaires de la mission salésienne aujourd’hui dans le monde.


  • Ce fait d’être levain dans le monde d’aujourd’hui est à nouveau et très sérieusement en phase avec l’Étrenne 2020, sur l’engagement à la politique et la formation que cela exige, nourri par la très riche tradition de la doctrine sociale de l’Église. « La politique est la plus haute forme de charité », disait Paul VI. Malheureusement, dans de nombreuses régions du monde, nous ne trouvons qu’un vide éducatif flagrant... En parlant des laïcs comme du levain, cet élément ne peut certainement pas être négligé. Nous avons d’excellents exemples au sein de notre Famille (Albert Marvelli) ou proches de nous (Giorgio La Pira, Julius Nyerere).


Je conclus en assurant qu’en tant que Famille Salésienne, nous voulons continuer à marcher avec nos jeunes dans toutes les parties du monde, sans oublier que le levain est l’Évangile du Christ qui vit : « Il vit, le Christ, notre espérance et il est la plus belle jeunesse de ce monde. Tout ce qu’il touche devient jeune, devient nouveau, se remplit de vie. Les premières paroles que je voudrais adresser à chacun des jeunes chrétiens sont donc : Il vit et il te veut vivant ! ».9


Le Pape François, toujours très sensible et attentif à la situation des jeunes, et ouvert à la vision de la collaboration de la Famille Humaine, dans la construction d’une société plus humaine et fraternelle, nous invite à « penser et gérer un monde ouvert » et lance cet appel fort : pour trouver la vérité et le bonheur dans la vie, la seule voie est d'aimer son prochain et de se mettre au service des autres de manière ouverte et généreuse, car « à partir de l’intimité de chaque cœur, l’amour crée des liens et élargit l’existence s’il fait sortir la personne d’elle-même vers l’autre.»10


Avec une grande espérance et une profonde confiance, j’invite toute la Famille de Don Bosco et d’une manière particulière les laïcs de cette Famille, ainsi que beaucoup d’autres de ce vaste Mouvement Salésien, à répondre de manière créative, collaborative et concrète, dans toute la mesure du possible, à cette humble proposition de l’Étrenne 2023 d’être vraiment ce levain semblable à celui de l’Évangile que réclamait Notre Seigneur Jésus.





P. Ángel Fernández Artime, S.D.B.

Recteur Majeur

1 « Ne nous faisons pas voler l’espérance, ne permettons pas qu’elle soit rendue vaine par des solutions et des propositions immédiates qui nous arrêtent sur le chemin, qui "fragmentent" le temps, le transformant en moments ; c’est le temps qui gouverne les moments, qui les éclaire et les transforme en maillons d’une chaîne, d’un processus. L’espace fossilise le cours des choses, le temps projette au contraire vers l’avenir et incite à marcher avec espérance. (Pape François, Lumen Fidei, n. 57)

2 Fratelli Tutti (FT) 8 et 11.

3 CLARETIANOS, Ciudad Redonda, « Vivir para Dios : dimensión política de la Espiritualidad Laical » PDF [Vivre pour Dieu: dimension politique de la Spiritualité Laïque]

4 BERZOSA, R., “¿Una teología y espiritualidad laical?” Revista Misión Abierta, (mercaba.org/fichas/laico).

5Nicolás Núñez, L.C., La vocación laical en la Iglesia. Una reflexión desde la perspectiva eclesiológica. Ecclesia, XXIX, n. 3-4, 2015 – p. 218. [La vocation laïque dans l’Église. Une réflexion à partir de la perspective ecclésiologique].

6 CG28, Lignes de programmation 6, p. 40 dans l’édition française, avec citation de CG24, n. 71.

7 Ibidem avec citation de CG24, n. 39.

8 ÁNGEL FERNÁNDEZ ARTIME, Lettre du Recteur Majeur en conclusion du Second Séminaire de promotion des Causes de Béatification et de Canonisation dans la Famille Salésienne, Rome Avril 2018, in ACG 428, juillet-décembre 2018, p. 79 dans l’édition française.

9 ChV, 1.

10 FT, 88.

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