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STUDI
CENT ANS D'ÉCOLE SALESIENNE EN BELGIQUE
Henri Delacroix
Précisons d'emblée que nous ne parlerons que des écoles tenues par les
Salésiens. Une autre étude aurait dû s'imbriquer dans celle-ci. Elle aurait traité des
écoles salésiennes tenues par les Filles de Marie Auxiliatrice.
***
C'est dans la nuit du 7 au 8 décembre 1887, que fut décidée la fondation de la
première école salésienne de Belgique: un orphelinat. Don Bosco en donna, de
vive voix, l'assurance à Mgr Doutreloux, évêque de Liège, présent ces jours-là au
Valdocco.1
Un vaste orphelinat sera inauguré à Liège le 8 décembre 1891, dans les
meilleures conditions, grâce à l'inlassable activité de Mgr Doutreloux, l'un des plus
insignes coopérateurs salésiens de Belgique.
Cent années d'existence ne vont pas sans évolution. Il revient à l'histoire d'en
mesurer l'ampleur.
Notre méthode consistera, à relever les événements majeurs qui ont marqué
cette évolution et à évaluer leur impact sur l'école salésienne de Belgique.
Après l'exposé de chaque événement peut surgir la question: comment les
salésiens ont-ils réagi pour rester fidèles à la pédagogie de leur maître?
Nous refusons de répondre. Tel n'est pas l'objet de cette étude. Nous nous
limitons à faire le relevé des événements qui ont créé des conditions
1 Il faut souligner la hâte quasi fébrile avec laquelle l'évêque se mit à l'oeuvre. Le 21
décembre 1887, quelques jours après son entrevue avec don Bosco, il écrit à don Rua qu'il va lui
envoyer M. Helleputte, professeur à l'Université catholique de Louvain, l'architecte qu'il a choisi
pour bâtir l'orphelinat liégeois. Le 2 janvier 1888, seconde lettre à don Rua; Mgr y reparle de la
visite de l'architecte (ASC 38 Liège). Celui-ci arrive à Turin le 21 janvier 1888, porteur d'une
troisième lettre, dans laquelle Mgr Doutreloux adresse à don Rua une requête: «J'ose demander
pour ce chrétien modèle la faveur d'être admis en présence de don Bosco pour en recevoir la
bénédiction», MB XVIII 441.

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Henri Delacroix
nouvelles d'existence pour l'école salésienne en Belgique. Nous ne tenterons pas
d'évaluer les efforts consentis par les salésiens pour actualiser, au cours de ces
cent années, la pédagogie de don Bosco dans leurs écoles.
Pour mesurer l'évolution de l'école salésienne, dans un pays, il faut bien
connaître le point de départ de cette évolution. Dans le cas de la Belgique, ce
point de départ postule deux préalables: - tout d'abord, une connaissance exacte
du type d'école créé par don Bosco au Valdocco; ensuite, la parfaite continuité
pédagogique entre l'internat du Valdocco et les premiers orphelinats salésiens
belges, ouverts respectivement à Liège en 1891, à Tournai en 1895, et à Grand en
1902.
Premier préalable
L'école-internat du Valdocco fut, pour bien des salésiens des premières gé-
nérations, un prototype! Il a été reproduit, du vivant même de don Bosco, puis
après sa mort, un peu partout dans le monde.
Pour connaître l'internat du Valdocco, il est indispensable d'en rappeler la
genèse.
Il faut même une brève allusion aux années où Jean Bosco est préparé à
comprendre la jeunesse pauvre et abandonnée. En effet, Jean Bosco a connu et
vécu presque toutes les situations des enfants pauvres et abandonnés, ses futurs
protégés: orphelin, témoin de la famine de 1817, privé d'école, petit emigrant
demandeur d'emploi, garçon de ferme, étudiant en retard, faisant tous les métiers
pour joindre les deux bouts.2
Partout, Jean Bosco a séduit les jeunes; mais il a aussi beaucoup souffert et
il porte les cicatrices de ses blessures.
Ordonné prêtre en 1841, il s'inscrit au «Convitto» et y complète sa forma-
tion pastorale. Son maître, don Cafasso, lui fait découvrir la jeunesse des prisons.
Il en demeure horrifié. Alors se confirme dans son esprit une option apostolique:
il faut prévenir le malheur des jeunes.
Vers la fin de 1841, il commence à s'occuper de jeunes abandonnés. Ceux-ci
s'agglutineront autour de lui, les dimanches et les fêtes. L'Oratoire de don Bosco
est né. Après maints déménagements, il se fixe au hangar Pinardi dans le quartier
du Valdocco.
2 À vingt ans Jean Bosco entre au séminaire. Il le découvre très peu familial. Il écrit: «S'il
arrivait qu'un supérieur vint à passer au milieu des séminaristes, chacun fuyait au plus vite à
droite et à gauche, sans trop savoir pourquoi. C'était la bête noire», MO 91 - SA 99. Le sigle
MO renvoie à G. Bosco, «Memorie dell'Oratorio». Le sigle SA renvoie aux «Souvenirs autobio-
graphiques», traduction française du précédent, par A. Barucq, Paris 1978.

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Cent ans d'école salésienne en Belgique
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Juillet 1846. Don Bosco est malade à mourir.3 Il découvre à quel point les
jeunes lui sont attachés, et à quel point il leur est nécessaire.4
Novembre 1846. Trois mois de convalescence se sont écoulés. Don Bosco
revient au Valdocco. Sa mère l'accompagne. Ils occuperont deux chambres de la
maison Pinardi. Les jeunes affluent. Le hangar-chapelle les reçoit les dimanches et
les fêtes, et aussi en semaine pour les cours du soir. La poussée des jeunes va
obtenir de don Bosco qu'il réponde à tous leurs besoins.
Les pièces de la maison Pinardi sont louées l'une après l'autre. Deux Oratoires,
l'un à Porta Nuova en 1847, l'autre au quartier de Vanchiglia en 1849, vont
permettre à don Bosco de dégorger celui du Valdocco.
Sur ces entrefaites, au printemps de 1847, l'oeuvre de l'Oratoire prend une
orientation supplémentaire. Un internat s'amorce timidement.5
Don Bosco nous raconte lui-même les premiers développements de son
école-internat dans deux manuscrits autographes, l'un de 1854, l'autre de 1862.
Citons quelques extraits de ce dernier qui a pour titre: Aperçu historique à propos
de l'Oratoire St. François de Sales.6
«Parmi les jeunes qui fréquentent les Oratoires, il s'en trouva de tellement
pauvres et abandonnés, que pour eux tous les soins se seraient avérés inutiles, si on
ne leur avait trouvé un endroit où les loger, les nourrir, les vêtir. Actuellement la
maison qui jouxte l'Oratoire pourvoit à ces besoins... Elle fut louée en 1847 et elle
reçut quelques garçons parmi les plus pauvres. À cette époque, ils allaient
travailler en ville et rentraient à l'Oratoire pour manger et dormir.
La grande misère qui, des villages de province, criait à l'aide, nous décida à
accepter aussi des garçons qui ne venaient pas des Oratoires de Tu-
3 Don Bosco se jugeait lui-même arrivé en fin de vie. «J'étais content de finir mes jours,
après avoir donné une forme stable à l'Oratoire», MO 190 - SA 186.
4 «Ce fut une consternation générale. Elle était si vive qu'on n'eût pu en imaginer de plus
grande. À chaque instant des bandes de garçons venaient frapper à la porte, demandant des
nouvelles...
J'entendais leurs dialogues... et j'en étais ému. Je sus par après ce que l'affection avait fait
faire à mes jeunes. Spontanément ils priaient, jeûnaient, assistaient à des messes, communiaient.
Ils se relayaient... devant l'image de Marie Consolatrice... (pour) conjurer l'auguste Mère de Dieu
de bien vouloir leur conserver leur pauvre don Bosco», MO 190 - SA 186-187.
5 «Il advint que par une pluvieuse soirée de mai, très tard, un jeune homme d'une quinzaine
d'années se présenta trempé jusqu'aux os...
— Si tu veux, dit ma mère, je l'installerai pour cette nuit...
— Où?
— Ici dans la cuisine», MO 199-200 - SA 195-196.
6 Cenni storici intorno all'Oratorio di S. Francesco di Sales, in P. BRAIDO, Don Bosco per
la gioventù povera e abbandonata in due inediti del 1854 e del 1862, in P. BRAIDO, Don Bosco
nella Chiesa a servizio dell'umanità, Rome 1988, pp. 74-80, passim.

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Henri Delacroix
rin. Une chose en appelant une autre, des garçons abandonnés nous arrivèrent de
toutes parts; ils fourmillaient. Alors on décida de n'accepter que des garçons de 12
à 18 ans, orphelins de père et de mère, totalement pauvres et abandonnés.
Constatant que le travail dans les fabriques de la ville avait sur ces garçons
une influence néfaste, on agrandit les locaux existants et l'on construisit un nou-
veau bâtiment (à présent, en effet, les internes sont sept cents). Les ateliers sont
maintenant dans la maison: tailleurs, cordonniers, relieurs, menuisiers et impri-
meurs.
Il y a aussi des étudiants qui, par leur aptitude aux études et une conduite ir-
réprochable, se montrent dignes d'être aidés. L'ardent désir de beaucoup d'entre
eux de faire des études secondaires nous a fait revenir sur les conditions d'admis-
sion. Nous acceptons donc certains étudiants qui ne sont ni abandonnés, ni tota-
lement pauvres, mais dont l'aptitude aux études et la conduite morale donnent
l'assurance d'une honorable et chrétienne réussite dans une carrière scientifique».
Plus loin dans ce même texte, don Bosco ajoute, à propos des résultats ob-
tenus:
«Chaque année, nous arrivons à placer plusieurs centaines de garçons chez de
bons patrons où ils apprennent leur métier. D'autres, nombreux, sont rendus à leur
famille d'où ils avaient fugué... Les enfants qui, chaque année, entrent à l'internat et
en sortent, sont environ trois cents».
Puis don Bosco reparle des étudiants:
«Beaucoup d'étudiants s'engagent dans la carrière ecclésiastique... Un certain
nombre d'entre eux enseignent ici dans la maison, font le catéchisme dans les
Oratoires, assistent les jeunes dans les ateliers, dans les dortoirs».
Ce texte nous informe bien sur les destinataires de l'internat du Valdocco en
1862, et fait percevoir d'emblée une nette différence entre les apprentis et les étu-
diants, — quant à leur «recrutement», — et aussi quant à la durée de leur séjour à
l'Oratoire.
Les apprentis, selon le Règlement, ne sont admis à l'internat que s'ils sont
orphelins de père et de mère et complètement abandonnés. En fait la pratique fut
plus souple.
Les critères suivis pour l'acceptation des étudiants sont différents. Il n'est pas
exigé qu'ils soient orphelins ou complètement abandonnés. Par contre, deux
conditions doivent absolument être remplies: une aptitude remarquable aux études
et une conduite irréprochable.
Il semble aussi que le séjour des apprentis à l'Oratoire, vers 1862, soit souvent
bref. Don Bosco parle d'un important mouvement annuel des

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Cent ans d'école salésienne en Belgique
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élèves.7 Ce mouvement annuel semble se situer plutôt dans la section des appren-
tis,8 et beaucoup moins dans celle des étudiants. La population estudiantine au
début de l'année 1863 comptait 341 élèves, répartis sur les cinq années de l'en-
seignement secondaire.9 Certains étudiants demeuraient cinq années à l'Oratoire.
Cette situation ne datait pas de 1862. En effet, trois classes secondaires existaient
dès 1856, et cinq dès 1859.
En fait, don Bosco, non seulement avait toujours songé à préparer des jeunes
au sacerdoce, mais, depuis 1855, il s'y était employé systématiquement.10 Ensuite
don Bosco chercha, parmi ses amis du clergé, des prêtres qui lui enverraient des
«latinistes». Dans la biographie de l'abbé Panetti, mort à vingt ans, en 1895, à la
maison de Liège, don Francesia parle d'un certain don Angelo Rigoli. Ce curé de
Casal-Litta «faisait le recruteur [da cacciatore] pour nous et, très expert dans ses
choix, il savait cueillir avec sagacité, ceux qui, le temps venu, pourraient être
offerts au Seigneur».11
Don Ceria, dans un raccourci saisissant, nous donne une vue d'ensemble de
l'«Oratoire» en 1862. «En cette fin d'année, l'Oratoire a désormais acquis sa
physionomie et ses traits essentiels. Il compte six cents internes et autant d'externes
[au patronage]; il possède église et maison, cinq années d'enseignement secondaire
et six ateliers, une école primaire, des cours du
7 P. BRAIDO, o.c., p. 79.
8 Nous trouvons confirmation de cette position dans un article de D. VENERUSO: "L'ins-
titut de Sampierdarena ainsi que celui du Valdocco se préparait à devenir... un exemple du passage
de la formule «atelier» à la formule «école professionnelle»... Le vieil apprentissage qui durait à
grand-peine les quelques mois d'une année scolaire... allait être remplacé par un programme
couvrant plusieurs années". Il metodo educativo di san Giovanni Bosco alla prova, in P. BRAIDO,
o.c, p. 141.
9 Don Bosco, dans une lettre datée du 4 février 1863 et adressée au «Regio Provveditore
agli studi», précise la population de ces cinq classes: en 5ème, 64 élèves; en 4ème, 40; en 3ème,
94; en 2ème, 53; en 1ère, 90, MB VII 394.
10 «Si l'oeuvre des vocations avait progressé lentement... elle prit cette année-là [1855] un
développement extraordinaire... Don Bosco se mit plus systématiquement à parcourir les
villages des campagnes... Giuseppe Buzzetti me raconta, à plusieurs reprises, que don Bosco
rentrait rarement de ses courses apostoliques sans ramener avec lui un orphelin ou un garçon
donnant de bonnes espérances de vocation», MB V, pp. 392-394 passim.
Don Bosco créa à l'Oratoire, grâce aux étudiants, un milieu dont bénéficièrent aussi les
apprentis. Ce qui expliquera les vocations de coadjuteurs qui furent nombreuses notamment au
cours des premières décennies de la vie de la congrégation.
Le Commandeur MORENA, commissaire royal à la liquidation des biens ecclésiastiques à
Rome, dira à don DALMAZZO, Procurateur général près le Saint-Siège de 1879 à 1887: «Tandis
que nous cherchons à nous défaire des religieux et à empêcher les vocations ecclésiastiques, don
Bosco, à notre barbe, avec une constance digne d'une meilleure cause, nous fabrique des prêtres
à la vapeur», MB V 412.
11 G.B. FRANCESIA, Memorie biografiche del chierico G.B. Panetti, S. Benigno Canavese
1896, p. 27.

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Henri Delacroix
soir et du dimanche, la grande maîtrise des étudiants et la musique instrumentale
des apprentis. Enfin, il dispose d'une société de trente-neuf membres, sûre garantie
pour l'avenir».12
Dans l'évocation rapide de la genèse de son internat, don Bosco a omis de
parler de sa personne. Or le succès de son oeuvre au Valdocco ne tient ni à la
création de l'école d'apprentissage ni à celle de l'école latine, mais bien à la
pédagogie qui y est pratiquée.
Au fait don Bosco, devenu directeur d'un gros internat de six à septcents
pensionnaires, est resté le don Bosco, directeur de l'Oratoire d'avant l'internat. C'est
un homme qui, tel un aimant, attire irrésistiblement les jeunes,13 et c'est un prêtre
soucieux de leur formation religieuse.
Dans le document de 1862, cité plus haut, il nous livre le secret de l'attrait
qu'il exerce sur les jeunes: «Ce qui par-dessus tout attire les jeunes à l'Oratoire ce
sont: «le buone accoglienze», la façon d'accueillir. Une longue expérience m'a
appris que pour arriver à de bons résultats, dans l'éducation des jeunes, il faut tout
spécialement savoir se faire aimer et arriver par là à se faire respecter.14
Don Bosco sexagénaire, rédigeant les Mémoires de l'Oratoire, exprimera
aussi, très clairement, en de nombreux endroits, ses mobiles apostoliques.15
La vie, à l'internat du Valdocco, était exclusivement constituée des
composantes voulues par don Bosco, et les éducateurs étaient pratiquement tous
des salésiens, formés par lui dès leur prime jeunesse.16
Cependant l'Oratoire n'était pas une serre chaude. En 1855, par exemple, les
élèves s'occuperont, en ville, des malades du choléra. À partir de
12 E. CERIA, San Giovanni Bosco nella vita e nelle opere. Turin 1938, p. 178.
13 «C'est vrai: l'obéissance et l'affection de mes enfants tenaient de la folie», MO 158 SA
160.
14 Cenni storici, in P. BRAIDO, o.c., pp. 67-68.
15 L'oeuvre de l'Oratoire était établie «dans le but de s'occuper de la jeunesse la plus
abandonnée... après l'avoir amenée à remplir ses devoirs religieux», MO 142 - SA 147. Quand
don Bosco regroupe ses jeunes aux «Molazzi», il se plaint d'un gros ennui: «Il était impossible de
distribuer la sainte communion qui pourtant est le pilier de notre éducation», MO 145 - SA 149.
- Les cours du soir à ses garçons lui donnent la possibilité «de les instruire de la religion, et c'était
là le but de notre sollicitude», MO 183 - SA 180. - Il décrit une journée de dimanche à l'Oratoire.
C'est un équilibre harmonieux de pratiques religieuses, de loisirs, de catéchisme et de classes, le
tout baignant dans une atmosphère de joie exubérante, MO 174-178 - SA 172-176.
Ajoutons une observation de don Bosco qui corrigera l'impression de facilité que donnent
les citations qui précèdent. Dans la vie de Fr. Besucco, parue en 1864, il écrit: «C'est une chose
très difficile d'arriver à ce que des jeunes prennent goût à la prière», OE XV [355].
16 Entre 1850 et 1888, don Bosco a formé, à l'Oratoire même, des générations de salésiens
qui emporteront, aux quatre coins du monde, l'image du prototype incomparable: l'Oratoire du
Valdocco. À la mort de leur père ils seront 774. Cfr. M. WIRTH, o.c., p. 264.

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Cent ans d'école salésienne en Belgique
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1863, ils vivront l'extraordinaire aventure de la construction — en quatre ans — de
la basilique de Marie Auxiliatrice. Bientôt — dès 1875 — les expéditions
missionnaires leur feront respirer l'air du grand large.17
Don Bosco, directeur d'internat, ne se laisse absorber totalement et directe-
ment ni par l'administration, ni par les études, ni par la discipline. L'administration,
il la confie au préfet, le culte au catéchiste, la discipline et les études aux conseil-
lers.
Il reste toutefois au centre de l'activité déployée par ses collaborateurs.
L'équipe directrice de l'Oratoire lui est très soudée.
Don Bosco précisera dans les «Règlements» les tâches du préfet, du caté-
chiste, des conseillers. Chose curieuse, qui montre combien était grande la
transparence de l'autorité, lors de la lecture solennelle du Règlement de la maison
en début d'année scolaire, la partie précisant les devoirs des supérieurs était lue,
elle aussi, devant l'assemblée des élèves.
Le rôle central que jouait don Bosco à l'Oratoire est bien décrit dans le livre
où le P. Vespignani raconte l'année 1876-77 qu'il vécut dans la maison du Val-
docco. Citons-en ce passage significatif; «Don Bosco se tenait en étroite (intima)
relation avec les maîtres et les assistants et aussi avec les élèves, surtout ceux des
classes supérieures. Sa chambre était fort fréquentée spécialement durant les deux
dernières heures de l'étude du soir».18
Don Bosco veut surtout créer et maintenir, dans la mesure du possible parmi
tant de jeunes, une relation personnelle, (individuelle ou collective), avec ses
enfants.
Quand un nouveau pensionnaire entre à l'Oratoire, don Bosco tâche de le
rencontrer, de lui parler seul à seul, de gagner sa confiance. L'enfant lui ouvre son
coeur. Souvent don Bosco obtient que l'enfant règle tout le passé par une confes-
sion générale et prenne un nouveau départ avec l'aide de don Bosco devenu son
ami.
Pour don Bosco, le ministère des confessions jouit d'une priorité absolue.
«Pendant quarante-six ans, tant qu'il en eut la force, il se tint à la disposition de ses
fils; chaque matin, avant et pendant la messe de communauté; chaque soir, mais
plus particulièrement les samedis, les veilles des grandes fêtes ou des clôtures de
retraites, jusqu'à des heures impossibles».19 Ce témoignage est vrai. Il faut
toutefois se souvenir des longues absences de don Bosco, de ses nombreux
voyages et de ses occupations croissantes.
La pédagogie pratiquée à l'Oratoire se caractérise par une «présence»
17 Quinze expéditions missionnaires s'échelonnent entre 1875 et 1888.
18 G. VESPIGNANI, Un anno alla scuola del Beato don Bosco (1876-77), Turin 1932, p. 62.
19 A. AUFFRAY, Un grand éducateur, saint Jean Bosco, 4ème édition. Paris 1937, p. 364.

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particulière de l'éducateur à l'enfant. Don Bosco l'a décrite dans un exposé
systématique intitulé: Méthode préventive dans l'éducation de la jeunesse.20 Don
Bosco attend de ses collaborateurs-éducateurs une présence constante et amicale
auprès des jeunes. À preuve, la lettre de Rome, datée de mai 1884, où il tance, avec
beaucoup de doigté et de charité, les salésiens de l'Oratoire qui pratiquement sont
en train de brader sa pédagogie. Il rappelle son exemple et ses enseignements.21
Un témoin oculaire, don Vespignani, nous décrit don Bosco traitant avec ses
enfants: «À l'heure du frugal petit déjeuner22 et au milieu d'un jeu des plus
endiablés, un cri tout-à-coup éclatait et des applaudissements: Viva don Bosco! et
c'était la course vers don Bosco pour aller le saluer, lui baiser les mains,23 quêter
son sourire, une parole. Lui, arrivait de l'église et se dirigeait vers sa chambre; mais
cette traversée de la cour ressemblait à une lente et joyeuse procession. Don Bosco
s'arrêtait à chaque pas, parlait à l'un et à l'autre, d'appétit, de santé, d'être toujours
ses amis, et son regard paternel répandait comme une ondée d'allégresse, de bonne
volonté, d'enthousiasme pour le bien».24
Les enfants de l'Oratoire qui ainsi entouraient avec tant de spontanéité, leur
père dès qu'il paraissait sur la cour, s'approchaient de lui avec la même confiance et
facilité pour le colloque intime de la confession. «Quand j'ai du chagrin, disait
Dominique Savio, je vais trouver mon confesseur».25
Don Bosco créait dans sa maison une ambiance légère, mais toute prégnante
de religion. Il disait à ses salésiens: «Le jeune aime plus qu'on ne le croit qu'on lui
parle de ses intérêts éternels. Il comprend alors qui l'aime ou ne l'aime pas
vraiment».26
Cette évocation de l'internat du Valdocco s'avérait indispensable pour nous
faire une idée du type d'orphelinat qui sera créé à Liège, à Tournai et à Gand. Ces
trois orphelinats ont constitué l'ossature même de l'oeuvre salésienne en Belgique.
Ils furent trois copies conformes de l'internat du Valdocco. Leur évolution
pédagogique constitue l'objet principal de cette brève étude.
20 OE XXIX, [99-109].
21 Lettre de Rome, in MB XVII 107-114.
22 Le petit déjeûner, à cette époque, était pris sur la cour de récréation.
23 On baisait la main de son curé en Italie. C'était dans les moeurs jusqu'au milieu de ce
XXème siècle.
24 G. VESPIGNANI, o.c., pp. 69-70.
25 G. BOSCO, Vita del giovanetto Savio Domenico. Turin 1859, p. 69, in OE XI [219].
Édition française - traduction Barucq A., Dominique Savio, par Don Bosco, Paris 1978, p. 96.
26 MB VI 386.

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Cent ans d'école salésienne en Belgique
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Deuxième préalable
Il n'y a pas de solution de continuité «pédagogique» entre l'Oratoire du
Valdocco et les trois premiers orphelinats salésiens de Belgique. Les pourparlers
concernant l'orphelinat liégeois datent du vivant même de Don Bosco en 1883.27
Ceux concernant celui de Tournai datent de 1886.28
À Liège, l'évêque désire absolument que son orphelinat copie le modèle de
l'Oratoire du Valdocco. Il aurait pu simplement s'en inspirer, puis le confier à des
prêtres de son diocèse.29 Non. Il veut des salésiens. Les premiers directeurs des
trois orphelinats, les Pères Fr. Scaloni, A. Ronchail et L. Mertens 30 n'ont pas
d'autre ambition que de faire comme faisait don Bosco. Ils y sont aidés par toute
leur formation, par leur communauté salésienne, et par les liens très étroits qui les
unissent à la Maison-mère et au Recteur majeur don Rua. Celui-ci viendra
plusieurs fois en Belgique.
Les trois orphelinats sont des copies conformes de l'internat du Valdocco,
parce qu'ils ont les mêmes destinataires, les mêmes éducateurs, les mêmes
règlements que l'Oratoire du Valdocco et parce qu'ils pratiquent scrupuleusement
la même méthode d'éducation.
Les mêmes destinataires, c'est-à-dire des enfants privés de milieu familial et
souvent en retard au plan scolaire; des enfants à qui il faut, de toute nécessité,
assurer le gîte, le vêtement, le couvert, l'apprentissage d'un métier, et même, à
certaines conditions, des études en vue de l'état ecclésiastique.31 Les orphelins
arrivant à la maison salésienne devaient être aidés dans le choix d'un métier.32 Les
éducateurs intervenaient dans ce choix. On peut penser que parmi les orphelins
certains étaient spécialement invités à passer
27 Mgr Doutreloux, évêque de Liège, adressa par lettre datée du 19 août 1883, une de-
mande officielle de fondation.
28 ASC 126,2 de Robiano Mathilde.
29 L'enseignement ne lui était pas étranger. Mgr Doutreloux avait été sous-directeur au
collège Saint-Quirin à Huy, puis directeur du petit séminaire à Saint-Trond.
30 Quand ils assument la direction des orphelinats, ces trois prêtres ont respectivement 30,
29 et 38 ans.
31 Concernant ces derniers citons l'art. 5 des Constitutions approuvées en 1874: «...Notre
Société aura surtout à coeur de former à la piété ceux qui montreront une aptitude spéciale pour
l'étude et se rendront recommandables par leur bonne conduite. Quand on devra recevoir des
enfants pour les études, qu'on accepte de préférence les plus pauvres, ceux qui seraient dans
l'impossibilité de les faire ailleurs, pouvu qu'ils donnent quelque signe de vocation à l'état
ecclésiastique», OE XXV [43].
32 Les métiers enseignés dans les trois maisons de Liège, Tournai et Gand étaient la me-
nuiserie-sculpture, la cordonnerie, la coupe et confection. Il faut ajouter pour Liège l'imprimerie
en 1891-92 et la mécanique en 1892-93. Cfr. O. BOSSUYT, Het salesiaanse technisch onderwijs
1891-1914 (Thèse de licence en Pédagogie, Louvain 1977), p. 219.

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Henri Delacroix
à la section des «latinistes». En outre il y avait, comme au Valdocco, des latinistes
non-orphelins. Don Bosco, ayant constaté que la voie traditionnelle des études
conduisant au sacerdoce n'était ouverte qu'aux fils de la classe bourgeoise, avait
décidé de recruter des candidats au sacerdoce dans la paysannerie et dans la classe
ouvrière.33 Il se tourna vers «ceux qui maniaient la pioche et le marteau».
On lit dans l'«Écho de l'Orphelinat St-Charles ou l'Orphelin reconnaissant»,
de septembre-octobre 1905, p. 76: La maison de Tournai «cherche simplement à
aider quelques enfants dans le coeur desquels Dieu a déposé le germe d'une
vocation divine afin que leur manque de ressources n'entrave pas la réalisation de
leurs saints désirs».
Confirmation de ce point de vue dans la circulaire que le P. Mertens, directeur
de l'orphelinat Saint-Jean-Berchmans à Liège, adressait aux curés, en 1909: «Notre
vénérable Père Don Bosco... nous oblige, nous Salésiens, à travailler à la culture de
ces vocations sacerdotales et religieuses, en venant en aide aux familles pauvres ou
incapables de payer la pension exigée dans la plupart des établissements».34
Tous les enfants reçus dans les trois orphelinats, que ce soit pour l'école
professionnelle ou pour l'école latine, ont un commun dénominateur: ils sont
pauvres. Sans l'aide de l'orphelinat, ils ne pourraient prétendre à recevoir une
formation valable. D'autre part, sans l'aide des Filles de Marie Auxiliatrice (FMA),
les Salésiens n'auraient pas été en mesure d'assurer aux enfants le vêtement et le
couvert. Les FMA ont été une aide irremplaçable dans les orphelinats de Liège,
Tournai et Gand.
Les mêmes éducateurs.35 Le premier directeur de la maison de Liège, le Père
Francesco Scaloni, né le 30 août 1861, est à l'Oratoire le 11 mars 1876. En 1881, il
entre au noviciat de San Benigno (Piémont) et y fait profession le 7 octobre 1882.
Il a 21 ans. Il passera encore une année en Italie avant d'être envoyé en France. Il
aura donc vécu, tout proche de don Bosco et des premiers salésiens, durant plus de
7 années. Il travaille ensuite, de 1883 à 1891, dans les maisons salésiennes de
France, ouvertes par don Bosco: Nice
33 II s'en expliqua lui-même dans son «Aperçu historique sur la Congrégation de St.
François de Sales», Rome 1874, p. 4 - OE XXV [233].
34 Archives salésiennes Liège - Chronique de l'Orphelinat St-Jean-Berchmans, au 20 avril
1909.
35 Don Bosco dans une conversation avec don Barberis lui disait: «Toutes les congréga-
tions..., à leurs débuts, ont eu des personnes compétentes et intelligentes qui aidaient le fondateur
ou plutôt s'associaient à lui. Chez nous, non: ils étaient tous élèves de don Bosco. Cela me coûta un
travail fatigant et continu d'environ trente années, avec pourtant l'avantage qu'ayant tous été
éduqués par don Bosco, ils en avaient les méthodes et les façons de faire». Extrait de la
Chronique de don Barberis au 17 mai 1876, MB XIII 221.

2 Pages 11-20

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2.1 Page 11

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Cent ans d'école salésienne en Belgique
19
(souvent visitée par don Bosco) et Marseille - puis Paris. Ces maisons étaient
conçues sur le modèle du Valdocco, avec des apprentis et des latinistes.
Le premier directeur de la maison de Tournai, le P. Albin Ronchail, né le 13
avril 1866, entre à la maison de La Navarre le 11 novembre 1878. En 1881, il
rejoint Francesco Scaloni, son aîné de 5 ans, au noviciat de San Benigno et fait
profession entre les mains de don Bosco le même jour que Francesco (7-10-1882).
Il a 16 ans. Il demeurera encore 2 ans à San Benigno avant d'être envoyé à la
maison de Lille qui vient d'ouvrir ses portes. Il travaillera 11 ans en France, à Lille
puis à Ruitz, avant d'être nommé directeur à Tournai, en 1895.
Quant au premier directeur de Gand, Louis Mertens, prêtre de l'archidiocèse
de Malines, après dix ans d'apostolat dans des maisons d'éducation, il fait un choix
mûrement réfléchi et devient salesien. Durant trois années il travaille sous le
direction du P. Scaloni à Liège (1899-1902) avant d'assumer la direction de
l'orphelinat de Gand.
Le personnel des trois orphelinats était presqu'exclusivement salesien. Ce
personnel donnait trois garanties de fidélité à la pédagogie de don Bosco:
— Il venait des maisons salésiennes où il avait été élevé.
— Il avait reçu une formation pédagogique théorique, au moins au noviciat.
— Il avait fait ses premières armes dans une maison italienne ou française
bien lancée.
Étant donné leur ambition de former de vrais chrétiens et des futurs prêtres,
les salésiens essaieront, dans la mesure du possible, de faire tout eux-mêmes. Ils ne
recourront à du personnel externe qu'en cas de force majeure. Ainsi s'explique que
les trois orphelinats, à eux seuls, occupaient, par exemple en l'année scolaire
1913-1914, 67 salésiens, alors que les autres oeuvres n'en occupaient que 18.36 Les
Filles de Marie Auxiliatrice seront nombreuses aussi dans ces orphelinats pour y
assurer les services de buanderie et de cuisine.
L'esprit de famille régnait dans ces orphelinats comme au Valdocco. Nous
lisons dans le Bulletin salesien de mai 1898, trois ans après l'ouverture de la
maison de Tournai, la description de la fête patronale du directeur de la maison, le
P. Albin Ronchail. En voici un extrait significatif: «Confrères, professeurs, chefs
d'ateliers, enfants, tous s'étaient multipliés pour donner à la solennité le plus d'éclat
possible. Et qui s'y serait refusé? Quel est le salesien, quel est l'enfant de don Bosco
qui ne voit dans le Direc-
36 Antoing 3, Aywaille 4, Ixelles 4, Maison de Famille à Liège 3, Verviers 4.

2.2 Page 12

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20
Henri Delacroix
teur d'une maison salésienne l'image du grand don Bosco, lui-même image vivante
de la bonté infime du Père Céleste... Une séance récréative a clos cette journée tout
entière remplie de cette joie franche et libre et de cet esprit de famille qui est le
cachet particulier, le charme si vrai des Oratoires salésiens».37
Les mêmes règlements. Nombreux furent les internats salésiens qui vécurent
durant des décennies dans une scrupuleuse fidélité aux traditions salésiennes,
grâce aux Règlements. Si le mot évoque la caserne, les règlements salésiens n'ont
rien de militaire. Ils n'en sont pas moins très étudiés. Don Bosco les a écrits et
pratiqués, puis constamment améliorés. Déjà en 1862, don Bosco soulignait
l'importance qu'il attribuait à ces Règlements. Il écrivait dans «Cenni storici»: «Il y
a un règlement fait exprès qui règle toute chose, soit pour l'église, soit pour les jeux,
soit pour les classes».38 «Don Bosco, écrit le P. Wirth, réglait la marche de son
oeuvre avec un sens très poussé de l'organisation».39 «En parcourant ces longues
listes de règles minutieuses et pleines de cordialité, on découvre le génie de saint
Jean Bosco... idéaliste et réaliste tout à la fois».40
Après les Règlements ce furent les Chapitres généraux qui, par leurs Déli-
bérations, réglèrent les activités des maisons salésiennes.
Enfin don Rua, successeur de don Bosco inculquait inlassablement la fidélité
à don Bosco, à sa pédagogie et à sa spiritualité.
La même méthode d'éducation. Celle que don Bosco donnait à ses pension-
naires de l'Oratoire dépendait en grande partie des conditions de vie que crée tout
internat. Pour éduquer, l'internat dispose d'autres moyens que l'école. Don Bosco
était passé maître dans l'art de former ses élèves, notamment grâce à l'assistance.
Les éducateurs de don Bosco ne sont pas seulement des enseignants, ils partagent
toute la vie de leurs élèves, — un peu comme les parents font avec leurs enfants —.
Ils sont avec les enfants partout: à la cour, à la chapelle, au théâtre, dans les dortoirs,
aux prières du soir, où ils écoutent — en même temps que les élèves — le «mot du
soir» du directeur qui est le père de la maison. Cette présence n'est pas appelée
«surveillance», mais «assistance», et elle se veut fraternelle, paternelle, amicale.41
37 Bulletin salésien, mai 1898, pp. 129-130.
38 P. BRAIDO, o.c., p. 68.
39 M. WIRTH, Don Bosco et les Salésiens, Turin 1969, p. 165. Dans cet ouvrage, le P.
Wirth consacre tout le chapitre 13 à ces Règlements salésiens.
40 M. WIRTH, o.c., p. 171.
41 «La méthode préventive gagne l'amitié de l'enfant: l'assistant est pour lui un bienfaiteur
qui le prévient, veut le rendre meilleur et lui épargne ennuis, punitions et déshonneur». G. Bosco,
Le système préventif dans l'éducation de la jeunesse, OE XXIX [102], chap. I, 3.

2.3 Page 13

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Cent ans d'école salésienne en Belgique
21
Parce que l'éducation est une affaire de personne à personne, une relation doit être
établie et développée entre l'éducateur et chaque enfant. Et cela demande de la part
de l'éducateur d'innombrables interventions individuelles en sus des interventions
collectives.
Don Bosco s'était engagé à fond dans ce travail, et il y entraîna ses jeunes
collaborateurs. Ceux-ci ont vécu ce radicalisme évangélique, en un premier temps,
sans le dire. La profession religieuse ne fit que ratifier ce qu'ils vivaient depuis
longtemps.42
Cette méthode d'éducation crée un milieu familial, une maison. Maison! Le
mot est cher aux Salésiens. Il évoque accueil, liberté, paternité, vie partagée dans le
travail, les loisirs, la prière.
Le Père Fr. Desramaut a évoqué avec bonheur, dans plusieurs de ses livres,43
le climat des maisons-internats d'autrefois. En lisant ces pages, le pensionnaire que
je fus, de 1926 à 1929, à la maison de Liège, avait l'impression de se retrouver dans
ses meubles.
I. L'ÉVOLUTION
1891 - Départ en flèche
La première école salésienne belge disposa, dès son inauguration, de beaux et
grands locaux qui permirent aussitôt l'ouverture des ateliers et des classes latines.
En 1892-93, l'école comptait déjà 86 apprentis et 18 étudiants. Six ans plus tard, les
apprentis seront 116 et les étudiants 68, soit 184 élèves au total, tous pensionnaires
à longueur d'année.44
Les classes latines répondaient à un schéma classique. L'école professionnelle
était une nouveauté, du moins en tant qu'école du jour, offrant F apprentissage de
plusieurs métiers. Cette école occupa une place importante en Belgique parmi les
rares écoles professionnelles du jour. En 1909-1910,
42 G. BOSCO, Cenni storici - «De tout le personnel de cette maison et des oratoires, y
compris le personnel de service, personne n'est rémunéré, chacun travaille gratuitement», in P.
BRAIDO, o.c., p. 81.
43 Fr. DESRAMAUT Fr., Don Bosco à Nice, Paris 1980, chap. IV, V, VI; L'orphelinat Jé-
sus-Adolescent de Nazareth en Galilée, Rome 1986, chap. VII; Souvenirs d'enfance et de
jeunesse d'un orphelin de Giel en Normandie entre 1938 et 1950, Cahiers salésiens n. 14-15,
avril-octobre 1986, Lyon; G. NYCKEES, J'étais pensionnaire à Melles en 1937, dans «Don Bosco
France» n. 116, janvier 1987; article présenté par Fr. Desramaut.
44 A. DRUART, Le recrutement salésien en Belgique 1891-1914, RSS Luglio-Dicembre
1984, Tableau VIII, p. 257.

2.4 Page 14

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22
Henri Delacroix
les écoles professionnelles du jour n'étaient encore que 7, dont les 2 écoles
salésiennes de Liège et de Tournai, et ces 2 écoles se plaçaient en tête du classe-
ment des 7 écoles, notamment en raison du nombre de métiers qu'elles ensei-
gnaient.45 Au fait, les écoles professionnelles salésiennes bénéficiaient de l'expé-
rience acquise par les écoles salésiennes d'Italie et de France.46
Les écoles professionnelles salésiennes de Liège, Tournai et Gand s'affir-
mèrent rapidement, moins par le nombre de leurs élèves, vu leur condition de
pensionnaires et d'orphelins, que par la qualité de leur enseignement.47
Toutefois cet enseignement était profondément différent de celui qui est
dispensé de nos jours dans les écoles techniques ou professionnelles. En fait le
métier s'apprenait à l'atelier par une pratique progressive. La durée de présence des
élèves à l'atelier est suggestive. Ils s'y trouvaient pratiquement dès après le
déjeuner jusqu'à 18 h. Les cours théoriques représentaient un complément d'école
primaire. Nous disons complément, mais bien des orphelins accusaient d'impor-
tants retards scolaires et certains arrivaient à l'orphelinat qui ne savaient ni lire ni
écrire.48 Le salésien coadjuteur Daniel De Geyter, profès en 1913, me raconta, dans
une interview du 25 octobre 1969, qu'il devait subir les quolibets des maîtres
d'apprentissage quand, le premier à le faire, il commença à donner, à Liège, des
cours de technologie mécanique. Il dut aussi insister pour que l'on plaçât, dans la
matinée, les cours de dessin des mécaniciens, après qu'il eut constaté qu'au cours
du soir leurs bras tremblaient d'avoir travaillé à l'étau toute la journée.
D'après les registres des points obtenus aux examens, de 1891 à 1931,
45 O. BOSSUYT, o.c, p. 245-246.
46 MB XVIII 184. Le IVème Chapitre général ouvert à Valsalice (Turin), le 1er septembre
1886, rédigea la «Magna Charta» de l'école professionnelle salésienne. Elle représentait le fruit
de trente années d'expérience. Voir au vol. XVIII des MB, à l'appendice 39, pp. 700-702, la
«Délibération» sur ce sujet.
Le lecteur français lira aussi avec plaisir 6 pages d'un rapport écrit par un industriel lié-
geois après sa visite à l'école professionnelle du Valdocco, peu avant la mort de don Bosco, in
MB XVIII 793-798: J. BEGASSE, Une visite à Don Bosco, article paru dans le Supplément à la
Gazette de Liège du 5 février 1888.
Quand les maisons de la province de Paris furent fermées, après le vote funeste du sénat
français, le 4 juillet 1903, plusieurs salésiens français vinrent renforcer les maisons belges. Ils
arrivaient avec une expérience mûrie au long des vingt-huit années de présence salésienne en
France. L'annuaire de la congrégation donne pour l'année 1899-1900: 74 salésiens et 56 novices
(moitié clercs, moitié coadjuteurs) dans la province de Paris, et 141 salésiens et 37 novices, dont
13 coadjuteurs, dans la province du Midi.
Depuis la 1ère maison fondée à Nice en 1875, vingt autres avaient ouvert leurs portes en
France et quelques-unes en Afrique du Nord.
47 O. BOSSUYT, o.c., pp. 178-179 et 202-204.
48 Bulletin salésien, décembre 1906, p. 315. Il exista donc des classes primaires dans les
orphelinats.

2.5 Page 15

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Cent ans d'école salésienne en Belgique
23
à Liège, les cotes étaient données en trois domaines: le travail en classe; le travail à
l'atelier; le cours de dessin.49
D'ailleurs les élèves progressaient à l'atelier et en classe de façon indépen-
dante. En d'autres mots, la gradation de l'enseignement à l'atelier ne correspondait
pas à celle des classes.
L'apprentissage se faisait selon 8 degrés, plus tard selon 10 degrés: les
commençants (2 degrés); les apprentis (4 degrés); les demi-ouvriers (2 degrés); les
ouvriers (2 degrés).
Les écoles délivrèrent relativement peu de diplômes: souvent les élèves
partaient dès qu'ils pouvaient gagner de l'argent.50
Telle fut la situation des 3 premières et principales écoles salésiennes de
Belgique, à leurs débuts. Il fallait la rappeler pour mesurer l'évolution qu'elles
connaîtraient immanquablement.
1896 - Premiers subsides de l'État
Les trois écoles professionnelles de Liège, Tournai et Gand furent subsidiées
respectivement à partir de 1896, 1905 et 1908. Comme nous le rappelions plus
haut, les écoles professionnelles mettaient leurs élèves au travail, en atelier,
pendant quasi la journée entière. La pratique du métier représentait, grosso modo,
8 heures par jour.
Notons que les subsides émanent du Ministère de l'Industrie et du Travail. Le
fait est significatif.51
Pour les cours théoriques, qui ne représentent guère que deux heures par jour,
les apprentis utilisaient, matin et soir, les locaux de classe des latinistes. Ils
disposaient en outre d'une grande salle de dessin. Ces cours théoriques compre-
naient la langue maternelle, l'arithmétique, le dessin. Les cours de technologie
furent introduits assez tardivement.
49 Archives salésiennes Liège: Résultats des examens (1891-1931).
50 O. BOSSUYT, o.c., p. 219-251. L'auteur a établi des tableaux statistiques couvrant 32
pages.
51 Le Ministère de l'Instruction Publique fut créé le 17 décembre 1932. Avant cette date
renseignement avait relevé, du 17 juin 1878 au 10 juin 1884, d'un éphémère Ministère de
l'Instruction Publique rendu célèbre par la première guerre scolaire. À partir du 16 juin 1884,
l'enseignement dépendit du Ministère de l'Intérieur. Le 25 mai 1895 naquit le Ministère de
l'Industrie et du Travail. Ses compétences étaient assumées auparavant par le «Ministère de
l'Agriculture, de l'Industrie et des Travaux Publics». À partir du 1er mai 1907 jusqu'au 17
décembre 1932 exista un «Ministère des Sciences et des Arts» qui assuma les tâches de l'ancien
«Ministère de l'Instruction Publique» (1878-1884). Ce Ministère traitait les affaires de rensei-
gnement primaire et de l'enseignement secondaire, mais non celles de l'enseignement technique
el professionnel.

2.6 Page 16

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24
Henri Delacroix
La pratique du métier était enseignée par des coadjuteurs et par des «pro-
fesseurs» laïques, tandis que, dans tous les ateliers, des abbés ou des prêtres
veillaient à la conduite et à l'application des élèves. Ces abbés donnaient les cours
théoriques avant le petit déjeuner et après 18 h.
Nous avons mis entre guillements le mot «professeurs». En effet, ces maîtres
d'apprentissage, venus de l'extérieur, étaient des ouvriers, qualifiés certes, mais
sans la moindre préparation pédagogique. Il fallait les initier à la pratique du
Système préventif. Le directeur devait leur faire des conférences trimestrielles.
Les religieux salésiens, chargés de la section latine, comme ceux chargés de
l'école professionnelle, se réunissaient chaque semaine pour donner aux élèves des
notes de conduite, d'application, de politesse. Ces notes étaient lues publiquement,
chaque semaine, devant les élèves réunis en salle d'étude.
Les subsides auraient permis, à la rigueur, de faire fonctionner les ateliers
même sans les coadjuteurs.
Nous avons relevé que, durant l'année scolaire 1913-1914, il y avait 16
coadjuteurs à Liège, 5 à Tournai et 2 à Gand.
Les «professeurs» laïques de ces écoles professionnelles salésiennes de Bel-
gique, entre 1891 et 1914, vont du tiers à la moitié de l'ensemble des enseignants.52
Incidence
Cette intervention de l'État comportait évidemment le respect des conditions
requises pour l'obtention des subsides et l'inspection éventuelle. Ces subsides, tout
bienvenus qu'ils fussent, créaient une réelle influence de l'État sur l'école. L'école
devait se conformer aux critères suivis par l'État dans l'élargissement des subsides.
Ces subsides permettaient de prendre du personnel salarié en qualité de
maîtres d'apprentissage. Ce n'étaient évidemment pas des salésiens formés, comme
pouvaient l'être des coadjuteurs, des clercs et des prêtres salésiens. Leur influence,
plus ou moins éducative, se ressentait de cette absence de formation spécifique-
ment salésienne.
1900 - Ouverture à l'Église locale
Outre les trois orphelinats et les deux maisons de formation [noviciat,
52 O. BOSSUYT, o.c., p. 109.

2.7 Page 17

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Cent ans d'école salésienne en Belgique
25
scolasticat de philosophie à Hechtel (1896) et de théologie à Grand-Bigard (1904)],
soit 5 grosses communautés, l'annuaire de 1914 signale en Belgique 5 maisons
filiales (case succursali). Elles furent ouvertes à la demande, sous une forme ou
sous une autre, des Églises locales.
Mgr Doutreloux obtint de don Rua la prise en charge, par les salésiens, le 24
mai 1900, du Cercle des Jeunes Ouvriers à Verviers et, le 27 avril 1902, d'un foyer
pour jeunes ouvriers à Liège (Maison de famille). Notons au passage que la
province belge avait été créée le 20 janvier de cette même année 1902. Le P. Fr.
Scaloni, premier directeur de la maison de Liège, quitta cette fonction et devint
provincial, en résidence dans cette même maison de Liège.
Une autre maison filiale fut ouverte dans le diocèse de Liège, à Aywaille
(1907). L'annuaire durant de longues années donne comme adresse Aywaille puis
Remouchamps: il s'agit de la même oeuvre. Cette oeuvre est devenue peu à peu
une école secondaire bien assise, avec de l'enseignement général, technique et
professionnel. Elle possède un internat.
En 1915 le P. Blain, directeur à Verviers, jugea utile d'offrir aux «Jeunes
Ouvriers» une formation professionnelle. La maison de Verviers devint, au cours
des ans, une grande école technique et professionnelle.
Quant à la Maison de famille, située au n° 31 de la rue St. Laurent à Liège, les
salésiens la quittèrent en 1920. Elle fut absorbée par une école technique et
professionnelle, promise à un bel avenir: l'Institut diocésain Saint-Laurent situé au
n° 29 de la même rue, et en pleine expansion.
«En octobre 1908, l'évêque de Tournai s'adressait aux Supérieurs salésiens
leur demandant un prêtre pour diriger l'école primaire d'Antoing, que venait de
fonder le doyen Laurent».53 L'école ouvrit ses portes le 11 octobre 1909.
Une autre école primaire, paroissiale elle aussi, fut prise en charge par les
salésiens, à Ixelles (Bruxelles), le 29 septembre 1910. Une école professionnelle
s'y ajouta peu après.54
Ces deux écoles primaires furent remises au clergé paroissial: Ixelles en 1925,
Antoing en 1935. La section professionnelle d'Ixelles sera transférée à Wo-
luwe-Saint-Pierre durant l'année scolaire 1924-1925.
Les salésiens avaient donc pris en charge, outre le Cercle des Jeunes Ouvriers
à Verviers en 1900 et la Maison de Famille à Liège en 1902, trois
53 A. DRUART, Les débuts des salésiens de don Bosco en Belgique 1891-1914, Louvain
1975, p. 51.
54 Concernant cette dernière, cfr. O. BOSSUYT, o.c., pp. 39-44 et en fin de l'ouvrage, les
tableaux statistiques.

2.8 Page 18

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26
Henri Delacroix
écoles, respectivement à Remouchamps en 1907, à Antoing en 1909 et à Ixelles en
1910.
Incidence
Quelle fut l'incidence de ces nouvelles oeuvres sur l'ensemble de l'oeuvre
salésienne en Belgique?
Ces oeuvres n'ont guère modifié la structure de la province belge. Avec
l'oeuvre pour les immigrés italiens à Diedenhofen en Lorraine, elles constituaient
un groupe de 6 maisons succursales, comptant en moyenne trois confrères par
oeuvre.
On ne peut faire grief aux salésiens de s'être occupé, en plus des orphelinats,
de ces écoles. Don Bosco avait, de son vivant, ouvert des écoles.55
Le seul grief qui puisse être fait aux salésiens, serait de ne pas avoir reven-
diqué suffisamment d'indépendance, lors de l'acceptation de certaines d'entre elles.
Ce qui est le plus significatif, dans ces nouvelles oeuvres, c'est qu'elles sont
une participation de la congrégation salésienne à l'effort de la communauté
chrétienne pour la promotion d'un enseignement primaire catholique face aux
écoles neutres de l'État, instituées depuis la loi Van Humbeek de juin 1879.
C'est aussi leur condition d'externat. La province belge va progresser dans
cette direction, après la guerre de 1914-1918, et à nouveau s'ouvrir, par le biais de
l'externat, aux besoins des Églises locales.
1901 - Décret du Saint-Office
Un décret du Saint-Office, en date du 24 avril 1901, interdit à tous les supé-
rieurs salésiens d'entendre les confessions de toute personne sous leur dépendance.
Le bien-fondé du décret semble évident. Il s'agissait de sauvegarder la liberté
des pénitents. Don Rua tenta vainement de sauver la fidélité qu'il avait promise à
don Bosco, puis obéit au Saint-Office. Dès l'année scolaire 1901-1902, le cata-
logue annuel de la Congrégation présenta une importante innovation. Après les
noms des supérieurs composant le «Chapitre», apparut, sous le titre «Confesseurs»,
un groupe de prêtres n'exerçant aucune autorité dans la maison.
55 Borgo S. Martino, Lanzo Torinese, Varazze, Alassio, Este...

2.9 Page 19

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Cent ans d'école salésienne en Belgique
27
Incidence
Ce décret fut perçu, par les salésiens, comme une lourde épreuve. Pourquoi?
Parce qu'ils avaient l'impression de renoncer, par là, à l'image exacte du directeur
telle qu'ils l'avaient reçue de don Bosco. À leurs yeux, les maisons salésiennes
couraient le risque, non imaginaire, de perdre leur physionomie originale, si la
paternité spirituelle du directeur s'estompait.
L'image du directeur salésien devait rester fidèle à don Bosco. Or don Bosco
visait à obtenir la confiance totale des jeunes, parce qu'il voulait leur donner le
meilleur de lui-même. Prêtre, il leur donnerait aussi la richesse de la grâce par les
sacrements.
«On ne peut imaginer un don Bosco qui n'aurait pas confessé et dirigé spiri-
tuellement ses garçons... Quand il était question du choix d'un directeur, le critère
était d'ordre spirituel. Un confrère pouvait être savant, plein d'initiative et saint
par-dessus le marché, il n'était pas élu, s'il n'avait pas le don de gagner les coeurs.
On demandait le charisme d'un père spirituel, à celui qui devait devenir le père la
famille».56
Don Bosco voulait néanmoins que la liberté des pénitents fût entière. Il était
d'une incroyable sensibilité dans ce domaine. Pour préserver cette liberté, il voulait
que le directeur fût déchargé de toute tâche disciplinaire; il n'assisterait pas aux
séances où on jugeait la conduite des élèves, il n'informerait pas lui-même les
parents sur la conduite des élèves; il ne contrôlerait pas la correspondance des
pensionnaires etc..
Citons le P. Ceda: «Tout directeur apparaissait aux yeux de la communauté
entière comme revêtu d'une paternité spirituelle».57
Pour universelle que fût la portée du décret du Saint-Office, il n'en frappait
pas moins les directeurs des maisons belges, entre autres le Père L. Mertens, (mort
en odeur de sainteté en 1920), qui fut directeur de 1902 à 1919, à Gand d'abord, de
1902 à 1907, puis à Liège de 1907 à 1919.
1908 - Les Salésiens français ouvrent
une école à Melles-lez-Tournai (Belgique)
Le 1er juillet 1901 la loi Waldeck-Rousseau mit les congrégations de France
en demeure d'introduire, dans les trois mois, une demande d'autori-
56 A. L'ARCO, Don Rua a servizio dell'amore. Turin 1971, pp. 78-79. Traduction française
de A. Gillet, Michel Rua, Successeur de Don Bosco, Liège 1972, pp. 74-75.
57 E. CERIA, Annali III, deuxième partie, p. 171.

2.10 Page 20

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28
Henri Delacroix
sation de subsister. Le 4 juillet 1903, le sénat français rejeta la demande
introduite par le Père Joseph Bologne, provincial des salésiens de Paris. Les huit
maisons de la province de Paris furent fermées. En août 1903, le P. Pourvéer,
directeur de la maison de Dinan, déménagea toute sa maisonnée sur l'île de
Guernesey (possession anglaise).
Un certain nombre de salésiens gagnèrent les maisons belges de Liège et de
Tournai; cette dernière devint même la maison provinciale de FranceNord de
1904 à 1906. Cette année-là, le P. Bologne quitta la charge de provincial. Le Père
Virion, déjà responsable des cinq maisons qui dans le Midi avaient traversé la
tourmente (Nice, La Navarre, Marseille, Montpellier et Romans), devint
provincial pour toute la France.
Entre-temps des salésiens français regroupèrent quelques vocations tardives
(des Français) à Froyennes, puis les transférèrent à Melles à quelques kilomètres
de Tournai.58 Des jeunes étudiants (des Français eux aussi) se joignirent aux
vocations tardives.
En 1962 la communauté salésienne de Melles reprit le collège de Bailleul
(arrondissement de Dunkerque) et la maison de Melles fut fermée. Les vocations
tardives avaient quitté Melles pour Maretz (département du Nord) en 1932.
Incidence
Grâce aux maisons de vocations de Guernesey (Grande Bretagne), Melles
(Belgique) et Sion (Suisse), la province de Paris put se reconstituer après la
guerre de 1914-1918.
1911 - Une école au Katanga
L'ancien Congo Belge avait d'abord été propriété du roi Leopold II. En
1908, le Congo devint une colonie de l'État belge. Celui-ci demanda aux
Salésiens en 1910 d'ouvrir, au Katanga, une ou deux écoles professionnelles pour
les Noirs.59 Plus tard une école fut ouverte pour les Blancs.
58 Jusqu'à la fin de la guerre 14-18, la maison de Tournai fut pratiquement desservie par
des salésiens français. Le Père Patarelli, niçois, dirigea la maison de 1903 à 1919.
59 «Si le gouvernement belge avait demandé les salésiens au Katanga, et si ceux-ci avaient
accepté, c'était bien pour l'enseignement». L. VERBEEK, Ombres et clairières, Rome 1987, p. 30.
Voir aussi les pages 26 à 30.
«La semaine dernière, j'ai eu l'occasion de rencontrer Monsieur le Ministre des Colonies
et de lui transmettre l'espoir que vous avez bien voulu me donner d'accepter au Congo belge

3 Pages 21-30

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3.1 Page 21

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Cent ans d'école salésienne en Belgique
29
Les salésiens, presque tous belges durant le premier demi-siècle de leur
présence au Katanga, créèrent diverses écoles: collège, petit séminaire, école
professionnelle, école normale...
En fait, ils devinrent aussi missionnaires et couvrirent un territoire qui, de
préfecture en vicariat apostolique, formerait le diocèse de Sakania.
Incidence
Les Salésiens du Katanga, dès 1911, constituent le quatrième jalon de la
présence salésienne en Afrique, après Oran en 1891, Le Caire en 1896 et le Cap de
Bonne Espérance la même année 1896.
Cette présence en Afrique centrale est devenue un solide bastion et la
première province salésienne érigée (1959) en Afrique. Au chapitre général de
1977-1978, un nouvel élan sera donné à l'oeuvre salésienne avec le «Projet
Afrique». Aujourd'hui les Salésiens sont présents en 31 pays africains.60
1919 - École destinée exclusivement aux vocations
La maison d'Hechtel regroupait en 1912-13 des novices, des étudiants en
philosophie et des élèves terminant leurs études secondaires. En 1913, la maison
vit partir ses étudiants en philosophie: les Français pour Montpellier et les Belges
pour Grand-Bigard. Restaient les novices et les élèves venus de Liège, Tournai et
Gand.61
Le P. Montagnini, maître des novices, cumula la charge de directeur de la
maison, durant la guerre. En 1919, le P. Claeys, aumônier militaire démobilisé, fut
nommé directeur à Grand-Bigard. Le noviciat y fut transféré. Là, se trouvèrent
réunis novices, philosophes et théologiens.
Ces derniers furent l'un après l'autre envoyés dans les maisons, où les besoins
en personnel étaient grands, notamment avec le retour progressif des salésiens
français dans leur patrie, et avec les sept salésiens allemands restés dans leur pays,
la guerre finie.
En 1919, le P. Deckers (34 ans) est nommé directeur de la maison
la direction d'une ou deux écoles professionnelles. - Monsieur le Ministre s'en est vivement
réjoui». - Lettre du Cardinal Mercier aux Supérieurs de Turin en date du 30 mars 1910. ASC
Élisabethville SFS II.
60 Africa salesiana. Rome, Dicastère des Missions 1988, p. 13.
61 Une note manuscrite glissée dans l'annuaire 1915 du Secrétariat général des Salésiens.
et parlant de la situation créée par la guerre, nous apprend qu'«à Hechtel la plupart des élèves de
seconde et de rhétorique sont allés s'engager dans l'armée belge».

3.2 Page 22

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30
Henri Delacroix
d'Hechtel. Elle possède une ferme et des terrains. Les trois frères Mallet, princi-
paux bienfaiteurs de la maison, avaient souhaité que les salésiens y commencent
une école agricole.62
Quelques citations du Bulletin salésien nous permettent d'apprécier le rapide
développement de l'oeuvre que le P. Deckers lança en faveur des vocations.
— «Hechtel. Institut Saint Louis où 52 internes sont à l'étroit. Un tiers des
élèves apprend en plein air l'art de l'horticulture. Les deux autres tiers se livrent, en
chambre basse, à l'art des humanités».63
— «Heureuse maison qui bâtit parce qu'elle a trop de vocations et qu'elle a
dû cette année refuser du monde. L'institut en a pour l'instant 80: tout ce qu'il peut
contenir».64
— Ordination du Père Jules Hovelaque par Mgr Kerkhofs, évêque auxiliaire
de Liège «qui n'est allé si loin que pour montrer tout l'intérêt qu'il porte à une
maison qui contient déjà 150 futurs prêtres, élevés à des prix dépassant toute
concurrence».65
En 1929 le P. Deckers est nommé directeur de la maison de Courtrai, ré-
cemment ouverte.
Il commence par accueillir des vocations tardives.66 Il en avait reçu la per-
mission de Mgr Waffelaert, évêque de Bruges. Pour créer des classes d'humanités
et accueillir de jeunes élèves désireux de devenir prêtres, le P. Deckers, au dire du
Père F. Staelens, se montra très habile.67
En fait, la maison de Courtrai devint une pépinière de vocations. Le Bulletin
salésien nous montre une photo d'un groupe imposant de plus de cent élèves,
latinistes et vocations tardives, moins de 5 ans après l'arrivée du P. Deckers.68
62 F. STAELENS, De Salesianen van Don Bosco in België met bijzondere aandacht voor hun
aanwezigheid in Vlaanderen (Thèse de licence en Histoire, Louvain 1987), p. 25.
63 Bulletin salésien, mars-avril 1922, p. 53.
64 BS mars-avril 1925, p. 59.
65 BS juin 1927, p. 189. L'article est illustré d'une photo qui montre un nouveau grand
bâtiment construit à angle droit des maisons Mallet. - Durant les grandes vacances, précisément
de cette année 1927, je suis allé en colonie de vacances à la maison d'Hechtel. Je venais de
terminer la 4ème latine. Nous avions pour assistants les abbés A. Gillet et Fl. Cerfont. Je revois
parfaitement les lieux et j'ai le souvenir précis du contraste que faisait le nouveau bâtiment avec les
pauvres petites maisons Mallet où plus de vingt générations de novices et de «philosophes»
avaient passé depuis 1896.
66 Le BS de juillet 1931, p. 220, donne la photo du groupe des vocations tardives.
67 F. STAELENS, o.c., pp. 108-110.
68 BS janvier 1935, p. 21; voir aussi, dans les numéros suivants du Bulletin Salésien, deux
autres photos, l'une montrant un groupe de vocations tardives venues de la JAC (Jeunesse
agricole catholique), l'autre présentant un groupe de vocations tardives, venues de la JOC
(Jeunesse ouvrière catholiqe).

3.3 Page 23

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Cent ans d'école salésienne en Belgique
31
Incidence
Si l'on se réfère à l'action de don Bosco en faveur des vocations, on ne peut
qu'approuver l'orientation apostolique choisie par le P. Deckers. Il rejoignait la
pensée de don Scaloni, provincial, qui, dans une note adressée à don Albera, le 28
mars 1911, écrivait: «Il est certain que les écoles techniques ne seront jamais des
jardins où les vocations s'épanouiront; d'autre part, nous avons un impérieux
besoin de vocations nombreuses pour conserver et développer nos oeuvres, tant
demandées pour le bien des âmes et le soutien de la société en péril».69
Le P. Deckers se sentit aussi encouragé par l'exemple qui lui venait de haut.
Don Rinaldi en ces années-là, de 1923 à 1931, ouvrit les juvénats d'Ivrea, Penango
et Bagnolo, pour les vocations missionnaires. C'était le temps du pape Pie XI, le
pape des missions, et c'était aussi l'époque de l'abbé Cardijn: la JOC et la JAC
étaient en plein essor. Enfin, en Flandre, c'était l'époque enthousiaste du passage
du régime linguistique français au régime linguistique néerlandais dans l'ensei-
gnement secondaire et universitaire. Les maisons d'Hechtel, Gand et Courtrai,
situées en pays flamand, étaient directement concernées par cette transition.
L'éventail des oeuvres salésiennes en Belgique s'ouvrait de plus en plus.
Deux maisons de vocations sont venues s'ajouter aux orphelinats.
1923 - Des orphelinats acceptent des apprentis externes
Les trois anciens orphelinats de Liège, Tournai et Gand ne comptaient que
des internes, soit parce qu'orphelins, soit parce que latinistes. Ces maisons n'étaient
donc pas destinées à recevoir la jeunesse locale dans leurs ateliers et dans leurs
classes.
En 1924, les salésiens ouvrirent, à Bruxelles (Woluwe-Saint-Pierre), l'or-
phelinat Saint-Georges, destiné aux orphelins de la guerre 1914-1918.
L'orphelinat accepta cependant, dès son ouverture, des apprentis externes. Il
faisait suite, en effet, à la section professionnelle pour élèves externes que les
salésiens avaient ouverte à l'Institut Saint-Philippe à Ixelles (Bruxelles) déjà avant
la guerre 14-18.
Le Bulletin salésien de janvier-février 1924 signale, à l'Oratoire SaintCharles
à Tournai, l'acceptation, en septembre 1923, d'apprentis externes. Il précise que
cette oeuvre «s'imposait». En fait, il n'existait pas, dans la ville
69 ASC 3122 Belgio-Nord 1891-1911.

3.4 Page 24

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32
Henri Delacroix
de Tournai, d'école professionnelle catholique. Ici encore, les salésiens ont
répondu à l'attente de l'Église locale.
L'orphelinat de Gand avait lui aussi des apprentis externes. Le Bulletin salé-
sien de mars-avril 1925 donne une population totale de 211 élèves dont 145
internes. Or, par principe, les étudiants étaient tous internes. Les 66 externes
comptent probablement des apprentis.
Cette arrivée d'apprentis externes nécessita peut-être le transfert des cours qui
se donnaient avant le déjeuner et dans la soirée. Nous disons peut-être parce qu'à
Woluwe-St-Pierre, en 1934, l'horaire des apprentis comportait encore des cours
avant 8 h et après 16 h.
L'arrivée des apprentis externes n'a exclu aucun pensionnaire. Les internats
tournèrent à plein rendement comme auparavant.
L'augmentation de la population scolaire nécessita toutefois des construc-
tions, mais non pour augmenter le nombre des pensionnaires. Le P. Pastol,
directeur à Liège de 1931 à 1935, construisit le bâtiment dit «des étudiants»; le P.
Laloux, directeur à Tournai, de 1931 à 1936, fit de même; le P. Moermans,
directeur à Gand de 1933 à 1937, mena à bonne fin d'importantes constructions; le
P. Nysen, directeur à Courtrai, de 1935 à 1941, édifia la nouvelle chapelle.
Seul l'orphelinat liégeois restera fermé aux apprentis externes jusqu'à la 2ème
guerre mondiale, pour ne pas concurrencer l'institut diocésain d'enseignement
technique et professionnel Saint-Laurent.
Incidence
L'arrivée des apprentis externes dans les écoles professionnelles a-t-elle
modifié la pédagogie pratiquée dans ces écoles?
Répondons d'abord que dans les orphelinats concernés (Gand, Wo-
luwe-Saint-Pierre et Tournai), les étudiants tous internes, plus les apprentis
internes, garantissaient le maintien de l'esprit et des traditions salesiennes héritées
du Valdocco, tant au plan religieux: messe quotidienne, prières du soir et mot du
soir, compagnies, etc… qu'au plan des loisirs: grands jeux, musique instrumentale,
maîtrise, théâtre, etc… Tout se déroulait dans l'internat comme avant l'arrivée des
apprentis externes.
Ceux-ci trouvaient dans l'école salésienne un milieu chrétien et des maîtres
chrétiens. Dans plusieurs écoles, les élèves externes étaient conduits chaque matin
à la chapelle pour y réciter les prières et entendre, de la bouche du directeur, le mot
du matin. Ils suivaient l'exercice de la bonne mort et la retraite annuelle. Ils priaient
avec les internes au début et à la fin des classes et des ateliers. Mais la messe
quotidienne ne les concernait pas, ni les

3.5 Page 25

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Cent ans d'école salésienne en Belgique
33
compagnies, ni le petit clergé; ils ne participaient pas aux cérémonies religieuses et
profanes des dimanches et des fêtes; leur vie sacramentelle n'avait comme recours
que leur paroisse. L'école, à l'instar des collèges diocésains, exigeait probablement,
à cette époque, la preuve de leur assistance à la messe dominicale dans leur
paroisse.
Reconnaissons qu'en acceptant des élèves externes dans leurs ateliers, les
orphelinats rendaient un précieux service à l'Église locale. Ajoutons qu'à Verviers,
l'école exclusivement externe, était heureusement complétée par le patronage.
Autre question: en acceptant des apprentis externes, les salésiens encou-
raient-ils le reproche d'avoir abandonné les orphelins?
En réponse, citons le témoignage du P. Chevet, directeur de la maison de
Liège de 1921 à 1927: «Pour obéir aux intentions du fondateur, Mgr Doutreloux,
je n'acceptais que des orphelins, semi-orphelins ou assimilables. J'orientais vers
l'institut Saint-Laurent les fils de bourgeois cossus. Ce n'est pas dans notre milieu
de recrutement qu'on pouvait s'enrichir».70
Sans doute la nature de la population de l'internat évolua-t-elle insensible-
ment. La présence d'apprentis externes, évidemment non-orphelins, et l'excellente
réputation des ateliers, amenèrent des parents habitant loin de l'école, à demander
l'internat pour leur fils. À l'époque, les transports n'étaient pas ce qu'ils sont
devenus depuis, l'internat s'imposait dans bien des situations.
Il faut signaler aussi que le nombre des orphelins était en régression. La si-
tuation de la classe ouvrière s'était améliorée.71 La mortalité précoce était enrayée
depuis que des savants comme Pasteur (1822-1895) et Koch (18431910) avaient
révolutionné l'étiologie des maladies contagieuses. Enfin les lois sociales avaient
pourvu au sort des veuves et des orphelins; 72 des allocations permettaient, aux
tuteurs ou autres répondants, d'élever les orphelins.
En 1949-50, le P. Fr. Lehaen, provincial, à qui je faisais remarquer la place
disponible à Farnières, où je venais d'être nommé directeur, me suggéra d'accepter
des orphelins. On organiserait un embryon d'école primaire. Je pris contact avec
les Soeurs de Saint Vincent de Paul, rue Redingen, à Louvain. Leur orphelinat, me
dirent-elles, comptait surtout des enfants de
70 Archives de Belgique-Sud, P. CHEVET, Les salésiens français en Belgique, p. 23.
71 «La Belgique a été après l'Angleterre, le premier pays d'Europe à s'industrialiser et à
connaître, après des débuts extrêmement durs, un développement, puis une prospérité excep-
tionnels»; J-M. FAUX, Les marginalisés dans une Europe riche: le cas de la Belgique, in «Études -
Pro mundi vita», mai 1988, p. 22.
72 Les fonctionnaires de l'État (et assimilés) connaissent la retenue faite sur leur traitement
sous le sigle CVO: Caisse des Veuves et Orphelins.

3.6 Page 26

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34
Henri Delacroix
parents séparés. Ceux-ci venaient voir leur enfant à tour de rôle. Elles ajoutèrent
«Ces parents veulent avoir leur enfant à proximité. Vous n'aurez pas de ces
enfants-là dans les Ardennes».
À peu de temps de là, les «philosophes» de Farnières animèrent une soirée à
l'orphelinat de La Roche-en-Ardenne. Quelle ne fut pas ma surprise d'apprendre
qu'il était à moitié vide. On n'organisa pas d'orphelinat à Farnières.
Un fait reste certain. Pendant des décennies il y a, eu dans les orphelinats
salésiens, des orphelins, des enfants classés comme cas sociaux, placés par des
juges, des procureurs du roi, des commissions d'assistance publique ou des
organismes s'occupant de l'enfance malheureuse, comme par exemple «La
Famille».
Il faut donc refuser d'admettre que les pensionnats des salésiens aient aban-
donné les orphelins (du moins pour la période qui précéda les retours en famille, à
chaque week-end). Les archives des orphelinats possèdent de nombreuses pièces à
conviction. Plus tard les salésiens belges ouvriront des maisons exclusivement
destinées aux enfants abandonnés ou en difficulté.
1931 - La population des écoles salésiennes belges en 1931-1932
Le P. Freddy Staelens sdb nous présente dans sa thèse un tableau très sug-
gestif.73
Enseignement primaire
Humanités
Enseignement professionnel
180 - 185 - - - - - - 365
- - 45 175 35 100 175 60 - 590
- 60 200 - - 200 100 215 155 930
Pour établir ce tableau il a utilisé les pages 365-382 de l'ouvrage «Un
73 F. STAELENS, o.c., p. 115.

3.7 Page 27

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Cent ans d'école salésienne en Belgique
35
siècle d'enseignement libre».74 Il note avec humour: «Les chiffres de cette source
doivent être utilisés avec discernement, les nombres sont arrondis par le haut».
À la lecture de ce tableau on constate que les trois écoles néerlandophones
comptent 100 apprentis et 385 aspirants au sacerdoce.
Les trois orphelinats francophones: Liège, Tournai et Woluwe-SaintPierre
groupent 615 apprentis et 205 latinistes.
Nous pensons que, dans ces orphelinats, les directeurs, préfets et catéchistes
sont très pris par l'école professionnelle en expansion et qu'ils s'en remettent
généralement au seul conseiller des latinistes pour l'éducation de ces derniers, et
même pour leur recrutement!75
Les vocations demandent des soins assidus. À l'Oratoire de Turin, où les
étudiants devinrent majoritaires dès 1856,76 don Bosco faisait des conférences aux
aînés. Il leur offrit, jusqu'aux dernières semaines de sa vie, la possibilité de se
confesser à lui.
La situation des latinistes était donc privilégiée à Hechtel et à Courtrai, où
toute la communauté était au service exclusif des vocations et de leur recrutement.
Il est évident que si le recrutement des latinistes à Hechtel et à Courtrai avait
fait défaut, la maison perdait sa raison d'être. Enfin ces deux maisons, à cette
époque, n'étaient connues du public que sous l'étiquette «vocations».
Incidence
Les nombreux latinistes néerlandophones (flamands et hollandais) envoyè-
rent beaucoup de candidats au noviciat salésien et marquèrent heureusement
l'évolution de la province. Les jeunes salésiens néerlandophones, ne pouvant pas
tous faire leur stage pratique (trois années) dans les seules maisons flamandes
(Gand, Hechtel et Courtrai), prêtèrent main-forte surtout dans les 5 écoles profes-
sionnelles francophones: Liège, Tournai, Verviers, Remouchamps et Wo-
luwe-Saint-Pierre (exclusivement francophone jus-
74 Cet ouvrage parut en 1935 sous les auspices de «La Revue Catholique des Idées et des
Faits». Trente ans plus tard il fut réédité sous le haut patronage de Mgr Van Wayenbergh et de
Mgr Descamps respectivement recteur honoraire et recteur en charge de l'Université de Louvain.
Le P. Staelens cite la première édition.
75 L'annuaire 1927 de la Congrégation mentionne le P.A. Lhermitte à la maison de Wo-
luwe-Saint-Pierre (Bruxelles) avec la charge de recruteur (Inc. Vocaz.). De 1929 à 1932 il est
repris parmi les confesseurs à la maison de Liège, puis il devient directeur (1932-1939) à
Verviers d'abord, puis à Tournai.
76 M. WIRTH, o.c, p. 46.

3.8 Page 28

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36
Henri Delacroix
qu'en 1943). D'autres partirent pour les missions et en particulier pour le Congo
belge.
Ces «triennistes» devinrent les jeunes prêtres qui, après la seconde guerre
mondiale, permirent d'ouvrir, en Flandre, d'importantes écoles techniques et
professionnelles.
Entre-temps ces très nombreuses vocations avaient provoqué la fondation de
3 maisons de formation: le scolasticat de philosophie en 1928, celui de théologie
en 1935 et la maison pour salésiens universitaires en 1938.
Le registre des inscriptions au noviciat belge, conservé aux archives provin-
ciales de Belgique-Sud, donne, pour les années qui vont de 1919-1920 à
1939-1940, les chiffres suivants d'après la maison salésienne d'origine:
Courtrai
24
Élisabethville
3
Farnières
2
Gand
120
Woluwe-Saint-Pierre 3
Grand-Bigard
Hechtel
Ivrea
Ixelles
5
Liège
109
133
Melles
3
2
Oud-Heverlee
1
7
Tournai
51
La progression de la population des écoles professionnelles, bien amorcée par
l'exposition extraordinaire organisée par le P. Pastol en 1926 à Wo-
luwe-Saint-Pierre, créa peu à peu, dans l'opinion publique, l'idée que «les salésiens
sont — pour les métiers —»; qui dit «salésiens», dit «enseignement technique».
Survint la seconde guerre mondiale...
1945 - Démocratisation progressive de l'enseignement
La guerre 1939-1945 terminée,77 une ère nouvelle s'ouvrit. Où en était l'en-
seignement en Belgique? Il avait été rendu obligatoire jusqu'à 12 ans, dès 1914.
Puis, en 1921, le ministre Destrée avait prolongé l'obligation scolaire de 2 années.
L'enseignement primaire comportait 8 années, de 6 à 14 ans, réparties en 4 degrés,
chacun de 2 années.
Le 4ème degré fut organisé dans les écoles primaires. Il groupait donc les
enfants de 12 à 14 ans.
À 14 ans, la masse des jeunes entrait dans le monde du travail. Un appren-
tissage était organisé dans certaines usines.
Après la guerre, la technicité croissante de l'industrie et du commerce
77 Les événements suivants marquèrent la fin de la guerre: le 25 avril 1945, les troupes
américaines et soviétiques firent leur jonction sur l'Elbe; le 30 avril, Hitler vraisemblablement se
suicida; le 15 août, le Japon capitula. L'Europe allait rapidement renaître de ses cendres.

3.9 Page 29

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Cent ans d'école salésienne en Belgique
37
souligna l'insuffisance du bagage scolaire des enfants sortis du 4ème degré. Le
marché de l'emploi se désintéressa de cette jeune main-d'oeuvre.
Entre-temps le niveau de vie s'élevait rapidement. Les parents, n'ayant plus
besoin du maigre salaire de leurs enfants de 14 ans, se soucièrent plutôt de leur
faire prendre des diplômes pour accéder à des postes plus rémunérateurs.
L'État encouragea cette tendance, non pas en prolongeant l'obligation sco-
laire, mais par des mesures sociales, notamment en versant des allocations aux
parents qui avaient des enfants aux études.
Rapidement se créa un afflux d'élèves dans les écoles,78 surtout dans les éco-
les techniques et professionnelles.
Or l'enseignement libre jouissait, particulièrement depuis la première guerre
scolaire,79 de la confiance des familles. L'affluence des écoliers posa de gros
problèmes aux écoles catholiques. Il fallut construire sans arrêt.
Les vieilles maisons salésiennes ajoutèrent de nouveaux bâtiments aux an-
ciens. Les salésiens flamands, disposant de nombreux confrères,80 ouvrirent cinq
nouvelles écoles: à Hoboken (1947), Halle (1953), Helchteren (1954), Haacht
(1961) et Zwijnaarde (1962). Deux nouvelles écoles francophones furent ouver-
tes, à Huy (1960) et à Woluwe-Saint-Lambert (1963).
Incidence
La démocratisation de l'enseignement était un bien. L'Église revendiquait
son droit d'ouvrir des écoles pour les enfants baptisés et l'opinion publique accor-
dait ses faveurs aux écoles catholiques.
78 À titre d'exemples signalons la croissance de la population scolaire de l'école techni-
que Don Bosco de Tournai et de l'école technique Don Bosco de Gand.
À Tournai:
1955-1956
1956-1957
1957-1958
1958-1959
307 élèves
416 élèves
569 élèves
688 élèves
1959-1960
1960-1961
1967-1968
1977-1978
824 élèves
889 élèves
1.089 élèves
1.359 élèves
À Gand: 1955-1956 353 élèves 1965-1966 1.051 élèves
1960-1961 652 élèves 1975-1976 1.241 élèves
79 La loi Van Humbeek, votée en juin 1879, avait institué un enseignement primaire laï-
que et neutre sous le contrôle de l'État. Les catholiques créèrent alors leurs écoles. Mgr Doutre-
loux, dans sa lettre du 19 août 1883 à don Bosco, parle de ses écoles. Il écrit: «J'en ai au-delà de
600 dans mon diocèse et elles me coûtent plus d'un million annuellement». Cfr. A. DRUART, Les
lettres de Mgr Doutreloux à Don Bosco, dans RSS, juillet-décembre 1983, p. 281.
80 C'étaient les novices entrés en force dès l'année 1930-1931. Deux années de philoso-
phie suivaient le noviciat, puis un stage pratique de trois ans et enfin quatre ans de théologie.
L'ordination sacerdotale se situait donc dix ans après l'entrée au noviciat. De nombreuses ordi-
nations eurent lieu à partir de 1940.

3.10 Page 30

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38
Henri Delacroix
Les communautés salésiennes connurent alors, par la force des choses, un
certain type de directeur-constructeur. Il fallait construire et trouver l'argent
nécessaire. La tâche fut énorme, écrasante.
Dans le même temps, les écoles techniques et professionnelles durent engager
beaucoup de personnel laïque, vu la population scolaire en constante croissance.
Le système préventif était chose inconnue de ce personnel nouveau.
La proportion de religieux, dans chaque école, se trouva progressivement de
plus en plus réduite.
Il faut noter ici que le surcroît de population scolaire se situa entièrement dans
le monde des élèves externes. En effet, il n'était pas question d'augmenter le
nombre des pensionnaires. Pour eux, il aurait fallu bâtir des dortoirs, des
réfectoires, des salles d'étude, et même agrandir les chapelles.
À propos de l'entrée d'apprentis externes dans les ateliers, nous avions posé la
question: cette arrivée a-t-elle modifié la pédagogie pratiquée dans les écoles?
Nous répondions que les effectifs des internats demeuraient inchangés et donc que
les traditions salésiennes étaient maintenues.
La démocratisation progressive va accentuer la croissance des externes à un
point tel que la physionomie de l'école en sera profondément modifiée.
1953 - Promotion des écoles techniques (loi du 23.07.53)
Dans l'entre-deux-guerres ces écoles avaient vu croître leur population.
D'orphelinats qu'elles étaient à leur origine, elles avaient accueilli des élèves
externes.
Nous avons dit que la scolarité s'était spontanément prolongée après la 2ème
guerre. Spontanément, en ce sens que le législateur n'avait pas obligé les jeunes à
aller à l'école au-delà de leur 14ème année. Le législateur avait indirectement
influencé cette prolongation par des mesures d'ordre social (subsides aux parents,
bourses d'études, subsides aux écoles).
Les écoles qui enseignaient les «humanités anciennes (gréco-latines)» et les
«humanités modernes (langues modernes-sciences)» avec leurs 6 années d'un
enseignement général, plutôt abstrait et difficile, ne résorbaient qu'une faible partie
des nouveaux élèves. La majorité des jeunes se tourna vers les écoles techniques.
Ces écoles comptaient généralement 4 années d'apprentissage qui se situaient
entre 14 et 18 ans, puisque la fréquentation de l'école primaire était obligatoire
jusqu'à 14 ans, sauf pour les jeunes qui commençaient les «humanités» ou qui
s'inscrivaient à une «école moyenne» = 3 années.

4 Pages 31-40

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4.1 Page 31

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Cent ans d'école salésienne en Belgique
39
Alors le législateur permit aux enfants, ayant terminé la 6ème primaire,
d'entrer dans une école technique. Les deux premières années se substitueraient au
4ème degré. Ces 2 années furent appelées: les prétechniques et les préprofes-
sionnelles.
Le 4ème degré des écoles primaires vit fondre sa population.
Cette formule d'enseignement, avec les prétechniques et les préprofession-
nelles, s'accompagna d'un net renforcement des cours généraux: langue maternelle,
deuxième langue, mathématiques, sciences, et cours techniques.
Le nombre d'heures consacrées à l'apprentissage en atelier diminua, au point
que les maîtres d'apprentissage se désolaient de devoir attribuer des diplômes à des
garçons de 16 ans qui n'avaient certes pas acquis la connaissance du métier comme
leurs prédécesseurs qui fréquentaient l'école de 14 à 18 ans.
Il est temps à présent d'expliquer le sens attribué en Belgique aux expressions
«enseignement technique» et «enseignement professionnel».
Depuis toujours il existe une grande variété d'écoles: littéraires, scientifiques,
artistiques, techniques.
Étant donné que la civilisation moderne exige des compétences accrues et
dans tous les domaines, la scolarité se prolongea spontanément au-delà de l'âge de
14 ans et beaucoup déjeunes se tournèrent vers les écoles techniques. Mais les
responsables de l'enseignement technique s'aperçurent que nombre d'enfants ne
pouvaient assimiler cet enseignement parce que lui aussi était trop abstrait. Il
fallait créer un enseignement plus concret. L'idée gagna rapidement du terrain. Dès
1953 une loi promulgua, le 23 juillet, une structure double pour l'enseignement
technique: d'une part l'enseignement technique proprement dit et d'autre part
l'enseignement professionnel. Tous deux comportent deux cycles de trois ans pour
des élèves de 12 à 18 ans. Après le premier cycle, l'élève accède - soit à une
quatrième année de finalité, couronnée par un diplôme d'école technique se-
condaire inférieure; - soit au second cycle aboutissant à un diplôme de technicien.
Il en va de même pour l'école professionnelle qui délivre des brevets.
On saisit mieux la différence entre ces deux types d'école si on remarque que,
pour être admis en première année technique, l'élève doit avoir achevé avec fruit la
sixième année d'école primaire, tandis qu'un élève qui n'aurait même pas terminé
l'école primaire est admis en deuxième professionnelle s'il atteint l'âge de 13 ans.81
D'autres différences encore distinguent l'école professionnelle de l'école
81 Cfr. art. 21 de l'arrêté royal promulgué le 01.07.1957 un exécution de la loi du
29.07.1953.

4.2 Page 32

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40
Henri Delacroix
technique. Par exemple, alors que toutes deux doivent consacrer au moins vingt
périodes de cinquante minutes par semaine aux cours théoriques, l'école techni-
que en consacre davantage tandis que l'école professionnelle ne les dépasse pas et
privilégie les travaux d'atelier. De plus, il va sans dire que les cours théoriques se
situent à des niveaux différents.
Sans l'école professionnelle, nombre d'enfants ne trouveraient pas d'accès à
la profession.
Ajoutons que, par la suite, le législateur perfectionna encore la structure de
l'enseignement technique. Il créa pour le deuxième cycle de l'école technique
deux formules:
— l'une dite «de finalité»;
— l'autre appelée «de transition». Celle-ci avec un programme plus poussé,
notamment en mathématiques et en sciences, ouvre l'accès à l'enseignement tech-
nique supérieur, soit de type court (2 ans), soit de type long (4 ans) et même à
l'université.
Incidence
Les écoles techniques et professionnelles salésiennes ont progressivement
réalisé ces structures; - en Belgique-Nord, à Haacht, Halle, Helchteren, Hoboken,
Sint-Denijs-Westrem, Sint-Pieters-Woluwe; - en BelgiqueSud, à Huy, Liège,82
Remouchamps, Tournai, Verviers. Deux écoles complétèrent leur structure en
créant des sections d'enseignement supérieur: l'école d'Hoboken (Anvers) pos-
sède un enseignement supérieur technique de type long,83 et l'école de Tournai
organise de l'enseignement supérieur de type court (graduais).
Les écoles salésiennes qui organisent de l'enseignement général sont: en
Belgique-Nord, Haacht, Hechtel, Kortrijk, Zwijnaarde; - en BelgiqueSud, Liège,
Remouchamps, Tournai, Woluwe-Saint-Lambert.
À la construction de bâtiments et à leur financement vint s'ajouter, pour les
directeurs des écoles, la complexité d'une administration scolaire de plus en plus
importante. Il fallait obtenir l'agréation des différentes formes d'enseignement:
dossiers sur dossiers durent être préparés pour le Ministère de l'Education natio-
nale.
82 En 1960, tandis que j'étais directeur de la maison de Liège, l'inspecteur de l'État, M.
De Bruyne, me décida à ouvrir, à côté de la section technique de mécanique, une section pro-
fessionnelle de mécanique. Il me dit: «Si vous ne le faites pas, on dira que votre école technique
accepte le "tout-venant". Votre section professionnelle dégorgera la section technique des
élèves trop faibles pour suivre les cours généraux de l'école technique».
83 Katholieke Industríële Hogeschool Antwerpen (1200 étudiants en 1988).

4.3 Page 33

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Cent ans d'école salésienne en Belgique
41
La population des écoles techniques et professionnelles allait croissant.
Jusqu'au Pacte scolaire (1958), les latinistes restèrent stationnaires. En effet,
ils se recrutaient encore d'après certains critères de sélection, et on les voulait
pensionnaires.
Tout l'effort financier porta sur la construction des classes, des ateliers, des
laboratoires, des salles de gymnastique, des salles de dessin pour les apprentis
externes: ateliers et classes qu'il fallait équiper à grands frais.
Dans la maison salésienne du type «apprentis-étudiants», c'est-à-dire à Gand,
Woluwe, Tournai et Liège, les latinistes se trouvèrent réduits à la portion congrue.
1954 - La guerre scolaire
L'État a évidemment des droits dans le domaine de l'éducation de la jeunesse.
Il ne peut admettre, par exemple, que la négligence des parents introduise dans la
vie publique des éléments analphabètes, asociaux ou dangereux. L'État a le droit,
au nom de la collectivité, d'imposer la scolarité jusqu'à un certain âge, de fixer un
programme minimum de formation physique, intellectuelle, morale, sociale.
Il a le droit de contrôler la compétence des éducateurs qui offrent leurs ser-
vices aux parents, tout comme il contrôle la compétence des architectes, des
médecins, etc..
L'État a de plus le devoir d'aider les citoyens, sans distinction, dans la mesure
où son aide est indispensable. Or son aide est indispensable dans l'organisation et
le financement de l'enseignement. Il s'agit d'un service public, intéressant le bien
commun au premier chef.
Mais étant donné que l'école enseigne et éduque, et que croyants et incroyants
n'ont pas la même conception de la vie, l'État doit soutenir plusieurs types d'école.
En Belgique, l'unanimité n'a jamais existé à ce sujet. Cela nous amène à rappeler
brièvement l'histoire de la politique scolaire en Belgique, après la Ilème guerre
mondiale.
En 1950-1954, la politique belge est dirigée par une majorité socialechré-
tienne. Le ministre de l'Éducation nationale, Pierre Harmel, est membre du parti
social chrétien. Devant l'explosion scolaire dont nous avons parlé, il promeut
l'enseignement officiel et l'enseignement libre. Pour la première fois, les collèges
catholiques, («humanités anciennes et modernes»), reçoivent des subsides. Cette
politique va évidemment dans le sens de la démocratisation de l'enseignement.
En 1954, le parti socialiste, qui prône l'école unique, arrive au pouvoir en
faisant cartel avec les libéraux. Dans son programme électoral, il n'a rien

4.4 Page 34

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42
Henri Delacroix
dit de ses intentions secrètes concernant l'école. En fait, il renverse aussitôt la
vapeur et contredit la tendance Harmel. M. Leo Collard, socialiste, ministre de
l'Éducation nationale, prend des mesures discriminatoires qui lèsent, de multiples
façons, tous les niveaux de l'enseignement libre, depuis l'école primaire jusqu'à
l'université. Cette persécution larvée de l'école libre déclenche une réaction très
puissante qui, de proche en proche, gagne tout le pays. Une seconde guerre sco-
laire est déclarée (Voir la note 79). Les chrétiens, et avec eux tous ceux qui n'ad-
mettent pas que l'État s'érige en unique maître à penser, réagissent avec de plus en
plus de conviction. Les plus vifs débats d'idées emplissent les organes de presse.
L'opinion est sensibilisée à l'idée de liberté: les libertés se tiennent toutes, - liberté
de pensée, liberté de parole, - liberté d'association... «La liberté de l'école est une
chance pour la liberté tout court», dira plus tard Mgr Decourtray, lors d'un sem-
blable conflit politique en France.
Rappelons quelques dates et quelques faits précis. Le 1er février 1955, le
ministre de l'Éducation nationale Léo Collard dépose sur le bureau des Chambres
un projet de loi sur l'enseignement. «Le projet tend à l'étatisation entière de l'en-
seignement... Le comité national de défense des libertés démocratiques 84 décide
une grande manifestation de protestation pour le 26 mars 1955; le 16 mars le
bourgmestre de Bruxelles interdit cette manifestation... Le 26 mars la manifesta-
tion se déroule quand même, mais est dispersée par la police».85
Après de solides débats parlementaires, la loi est votée — gauche contre
droite — par les deux Chambres. «Le 10 juillet 1955 une manifestation, cette fois
autorisée par le gouvernement, réunit à Bruxelles plus de 100.000 personnes.
L'opposition devait se poursuivre pendant toute la durée du gouvernement».86
C'est dans cette effervescente générale que les évêques créèrent une institu-
tion qui marquerait, durant des décennies, l'enseignement catholique en Belgique.
1957 - Le Secrétariat National de l'Enseignement Catholique (S.N.E.C.)
Le 12 février 1957, les évêques de Belgique créèrent un secrétariat na-
84 Le C.D.L.D. créé le 24.09.1954.
85 Le Pacte scolaire et son application. Aperçu historique. Documents CEPESS. Bruxelles
1960, pp. 22-23.
86 Ib., p. 32.

4.5 Page 35

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Cent ans d'école salésienne en Belgique
43
tional de l'enseignement catholique chargé d'assurer la coordination et l'unité de
l'enseignement catholique en Belgique.
Les directions des écoles avaient depuis longtemps senti la nécessité de se
grouper en fédérations.87 Les autres composantes de la communauté scolaire
avaient fait la même expérience, en premier, le personnel enseignant88 et plus tard
les associations de parents.89
Au cours de la guerre scolaire, toutes ces instances prirent une conscience
renouvelée des droits des parents concernant l'éducation de leurs enfants, des
droits de l'Église et de ses devoirs vis-à-vis des enfants baptisés, et aussi des
droits des enseignants des écoles libres.
La création du SNEC répondait au besoin de collaboration, d'une part entre
les Fédérations pour résoudre leurs problèmes communs, surtout face aux mesu-
res injustes du gouvernement anticlérical, et d'autre part entre les Fédérations et
les Syndicats chrétiens du personnel. Cette collaboration deviendrait, quelques
années plus tard, indispensable pour établir le «Statut du personnel».
Incidence de la guerre scolaire sur les écoles salésiennes
«Loin d'aboutir à diminuer la population des établissements libres, on devait
constater un accroissement constant de cette population, la communauté chré-
tienne faisant un effort énorme pour réunir les sommes nécessaires permettant de
subsister tant que la loi ne serait pas revisée».90
Les écoles salésiennes n'ont pas vécu en marge de ce sursaut de la cons-
cience chrétienne, mais y ont participé avec toutes leurs forces. Le personnel
laïque de ces écoles s'est senti plus solidaire de tout l'effort de l'enseignement
libre.
La population des écoles techniques salésiennes augmenta considérablement
durant ces années troublées (cfr la note 78 pour les écoles de Tournai et de
Gand).
A noter que des salésiens, tant de Belgique-Nord que de Belgique-Sud, ont
toujours apporté une collaboration stable et qualifiée aux activités du S.N.E.C.
87 Fédérations - des écoles primaires catholiques (1911) - de l'enseignement moyen catho-
lique (1911) - des écoles techniques catholiques (1919) - des écoles normales catholiques
(1920) - de l'enseignement spécial catholique (1931).
88 Syndicats - des instituteurs chrétiens (1893) - du personnel de l'enseignement techni-
que (1920) - du personnel de l'enseignement moyen et normal (1950).
89 Les associations de parents sont groupées en fédérations régionales et celles-ci en une
confédération nationale des associations de parents (C.N.A.P.).
90 Le Pacte scolaire et son application, o.c, p. 32.

4.6 Page 36

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44
Henri Delacroix
1958 - Le Pacte scolaire
À l'approche des élections législatives, fixées au 1er juin 1958, «le 18 mai
1958, une vaste manifestation, groupant, cette fois encore, plus de 100.000
personnes, défilait dans les rue de Bruxelles, à l'initiative du C.D.L.D., qui
renouvelait son appel au jugement de la population.
Le 1er juin 1958, le parti social chrétien (P.S.C.) remportait la majorité ab-
solue au Sénat et gagnait 8 sièges à la Chambre; la coalition gouvernementale ne
tenait plus la majorité dans aucune des deux Assemblées. Le gouvernement
démissionnait».91
Le 20 novembre 1958, les trois partis traditionnels -— sociaux-chrétiens,
socialistes et libéraux — firent la paix et signèrent le célèbre «Pacte scolaire».
C'est un compromis «à la belge»: un accord politique sur un désaccord philoso-
phique. Le 29 mai 1959, une loi très détaillée mit ce pacte en application.
II. 1959-1989 LES TRENTE DERNIÈRES ANNÉES
Cette période est très mouvementée: dans l'Église, avec le Concile Vatican II;
dans la société civile, avec le boom des «golden sixties», suivi de près par la crise
économique du pétrole; et l’autre crise, celle-là culturelle, de 1968.
La Belgique durant ces décennies passe par les phases préparatoires à la
fédéralisation. Les trois partis politiques traditionnels sociaux-chrétiens,
socialistes et libéraux deviennent six partis indépendants: trois pour la Com-
munauté néerlandophone et trois pour la Communauté francophone. En 1988, la
fédéralisation est un fait accompli.
Au niveau de l'Éducation, ce ne sera plus l'État central qui en aura la res-
ponsabilité, mais les Communautés linguistiques.
À noter que c'est durant l'année 1959 que la province salésienne de Belgique s'est
scindée en trois: la province de Belgique-Sud, la province de BelgiqueNord et la
province d'Afrique centrale.
***
Entre-temps, tandis qu'avec le Pacte scolaire l'enseignement libre progresse
et se donne de puissantes structures, la chute des vocations vide peu à
91 Ib., p. 35.

4.7 Page 37

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Cent ans d'école salêsienne en Belgique
45
peu les écoles catholiques de leurs prêtres, de leurs religieux, de leurs religieuses.
Ces écoles ne fermeront pas pour autant leurs portes. Les laïcs remplaceront
prêtres et religieux. Les écoles salésiennes subsisteront.
Tout ce que nous venons d'évoquer prêterait à de longs commentaires. Ce
serait une page d'histoire à écrire. Nous en écrirons seulement la CHRONIQUE et
pointerons quelques facteurs qui, de l'extérieur, ont influé sur la pédagogie de
l'école salêsienne en Belgique:
1959, loi pour l'application du Pacte scolaire;
1965..., chute du nombre des vocations;
1969, enseignement rénové;
1972, la participation;
1973, loi pour la révision du Pacte scolaire;
1989, communautarisation de l'enseignement.
1959 - Loi du 29 mai 1959 pour l'application du Pacte
Cette loi définit les principes d'une législation scolaire globale. Elle rend ef-
fectif l'art. 17 de la Constitution sur la liberté d'enseignement en accordant une aide
financière égale aux réseaux d'enseignement, à savoir:
— aux écoles de l'État; (cet enseignement est dit officiel; il est obligatoire-
ment neutre);
— aux écoles organisées par les provinces ou les communes; (cet ensei-
gnement est aussi appelé officiel; il peut être confessionnel ou non);
— aux écoles libres dont plus de 90% sont catholiques.
Les dispositions de cette loi qui importent le plus aux écoles catholiques et
donc aux écoles salésiennes sont les suivantes:
La liberté du choix du père de famille implique l'existence, à une dis-
tance raisonnable, d'écoles officielles et d'écoles libres (art. 4).
La loi précise les responsabilités des autorités scolaires et les désigne
par les termes «pouvoir organisateur». Cette dénomination sera désormais
utilisée dans tous les documents relatifs aux institutions scolaires.92
92 L'art. 2 de la loi contient la disposition suivante: «Le pouvoir organisateur d'un établis-
sement d'enseignement est l'autorité, la ou les personne(s) physique(s) ou morale(s) qui en
assume(nt) la responsabilité».
Dans l'enseignement libre, pour les écoles secondaires et supérieures, la structure juridi-

4.8 Page 38

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46
Henri Delacroix
Chaque pouvoir organisateur jouit de la liberté concernant ses pro-
grammes, ses horaires hebdomadaires, sa pédagogie.
La possibilité d'introduire la religion dans l'horaire hebdomadaire
est garantie.
L'enseignement dans les écoles officielles et dans les écoles libres est
gratuit jusqu'à la fin de l'enseignement secondaire (art. 12).
La loi fixe les conditions pour qu'une école ou une section soit admise
aux subventions.
Des subventions-traitements sont accordées pour les membres du
personnel directeur et enseignant ainsi que pour les surveillants-éducateurs...
(art. 27). Ces traitements sont identiques à ceux du personnel de l'État; ils
sont payés directement aux intéressés.
Ces subventions-traitements ne sont accordées qu'aux membres du
personnel qui possèdent les titres requis ou jugés suffisants (art. 28).
Des subventions de fonctionnement sont accordées aux écoles sur
base du nombre d'élèves réguliers. Au moins 20% de ces subventions doivent
être affectés aux salaires du personnel d'entretien des locaux. (Des subven-
tions pour l'équipement étaient aussi prévues; elles furent supprimées à
partir de 1988).
Les membres du personnel directeur, enseignant et d'éducation ont
droit à une pension à charge de l'État comme s'ils faisaient partie du per-
sonnel enseignant de l'État.
Dans l'enseignement libre, les membres du personnel, quoique ré-
tribués directement par l'État, sont engagés par leur pouvoir organisateur
sur base d'un contrat individuel de droit privé. Comme il s'agit cependant
d'un contrat «sui generis», la loi décide d'instituer des commissions paritaires
spéciales pour l'enseignement libre subventionné et de confier à ces commis-
sions paritaires la mission d'établir un statut de stabilité d'emploi et un statut
de régime disciplinaire applicables au personnel de l'enseignement privé
subventionné.
Les arrêtés d'exécution de cette loi se sont succédés au cours des années et ont
marqué l'organisation des écoles libres. Relevons les principaux arrêtés:
que la plus adaptée pour constituer un pouvoir organisateur est celle d'une association sans but
lucratif (en abrégé A.S.B.L.). H s'agit d'une personne morale jouissant de la personnalité
juridique (Loi du 27 juin 1921).
Dans chacune des deux provinces salésiennes belges il existait déjà une A.S.B.L. pour
chaque maison (propriétaire des biens de cette maison) et une par province. Dans chaque
province, il fut décidé que l'A.S.B.L. «provinciale» serait le pouvoir organisateur des écoles
salésiennes d'enseignement secondaire et supérieur.

4.9 Page 39

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Cent ans d'école salésienne en Belgique
47
Arrêtés concernant les minima de population dans les différents types d'ensei-
gnement
Ces minima étaient une des conditions à remplir pour obtenir les subventions.
Au-delà des minima les subventions allaient croissant à mesure que croissait la
population scolaire, d'où parfois la chasse aux élèves!
L'arrêté royal du 19 octobre 1959 fixa les minima de population pour l'en-
seignement moyen libre. Cet arrêté concernait donc aussi les écoles apostoliques
des religieux.
Incidence
Les directeurs de juvénats furent convoqués au siège de la Fédération de
l'Enseignement moyen catholique à Bruxelles, (j'en étais).
Nous nous trouvâmes, religieux de toute robe, face à une estrade où se te-
naient le directeur général du Secrétariat national de l'enseignement catholique
(S.N.E.C), Mgr Daems, et les vicaires généraux chargés de l'enseignement dans les
diocèses.
Il nous fut expliqué que pour bénéficier du Pacte et notamment pour toucher
les subsides-traitements et les subsides de fonctionnement, ainsi que pour obtenir
l'homologation des diplômes, deux conditions devaient être remplies: atteindre les
minima de population scolaire et présenter un corps professoral muni des titres
voulus.
Atteindre les minima de population scolaire signifia en fait renoncer à un
recrutement sélectif. Présenter un corps professoral avec les titres voulus signifia
engager des enseignants laïques.
Bientôt la multiplication des options dans l'enseignement secondaire exigea
une population scolaire toujours plus nombreuse et un corps professoral toujours
plus étoffé.
Les maisons de vocations devinrent des collèges.
Arrêtés concernant les titres requis ou jugés suffisants
Une des conditions pour qu'une école puisse être admise aux subventions
était que les membres du personnel soient titulaires des titres exigés dans les écoles
de l'État pour la même fonction (titres requis) ou tout au moins de titres jugés
suffisants. Des arrêtés royaux déterminèrent des listes détaillées de titres jugés
suffisants pour l'exercice des diverses fonctions dans l'enseignement subvention-
né.

4.10 Page 40

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48
Henri Delacroix
Incidence
Parmi ces titres figurait le «certificat de prêtrise», comme titre requis pour
l'enseignement de la religion, comme titre jugé suffisant pour remplir les fonctions
de directeur, sous-directeur et surveillant-éducateur et pour l'enseignement d'un
nombre assez diversifié de matières. La plupart des salésiens occupés dans les
écoles répondaient donc aux conditions de titres et ils reçurent un traitement de
l'État. Les jeunes confrères en stage pratique dans les écoles pouvaient être
nommés surveillants-éducateurs sur base de leur diplôme d'enseignement se-
condaire. Plusieurs confrères entreprirent des études universitaires afin d'acquérir
les «titres requis». Cet effort n'était pas nouveau. Il avait débuté en 1935.
Le «Pacte scolaire» ne prévoyait aucune aide de l'État pour les constructions
scolaires de l'enseignement libre. Les écoles salésiennes, surtout celles où se
trouvait une communauté salésienne nombreuse, purent cependant construire sans
l'aide de l'État, grâce à la mise en commun des traitements des confrères actifs dans
l'enseignement. De même les confrères admis à la pension comme enseignants
purent valider leur ancienneté et apporter à leur communauté une pension de
retraite appréciable.
Arrêtés concernant les commissions paritaires et le statut du personnel
Les commissions paritaires pour l'enseignement libre subventionné voulues
par la loi furent créées par l'arrêté royal du 08.05.1962. La plus importante de ces
commissions était la «Commission centrale nationale paritaire de l'enseignement
libre subventionné».
Comme certains membres de cette commission paritaire centrale n'apparte-
naient pas à l'enseignement catholique, le S.N.E.C. jugea utile de créer au sein de
l'enseignement catholique une commission paritaire centrale officieuse qui
préparerait les textes à discuter ensuite en commission paritaire nationale offi-
cielle.
Ainsi fut préparé un document important intitulé «Statut de stabilité et statut
disciplinaire du personnel laïc subventionné et administratif, des établissements
libres subventionnés». La commission paritaire approuva ce texte en sa séance du
24 mars 1965 et l'arrêté royal du 8 avril 1965 rendit cette décision obligatoire pour
tout l'enseignement libre subventionné.
Cet arrêté fut annulé par le Conseil d'État le 30 novembre 1967.93
93 Cette annulation était l'aboutissement d'une manoeuvre d'un syndicat dissident comptant,
à l'époque, un petit nombre de membres du personnel de l'enseignement catholique qui contestait
la régularité de la composition de la commission centrale nationale paritaire. Depuis

5 Pages 41-50

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5.1 Page 41

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Cent ans d'école salésienne en Belgique
49
En 1968, la Commission paritaire centrale de l'Enseignement catholique dé-
cida de reprendre toutes les dispositions de ce «statut» sous forme d'une conven-
tion collective d'application pour l'enseignement catholique.
Ce statut essayait de résoudre plusieurs problèmes délicats. Il établissait une
procédure en vue de la «nomination définitive» des membres du personnel.94 Il
fixait les peines disciplinaires en cas d'infractions aux obligations du personnel et
la procédure à suivre pour les appliquer. Il garantissait aux membres du personnel
le droit de recours contre les peines qu'ils jugeraient imméritées ou exagérées.
Enfin, pour que les pouvoirs organisateurs puissent sauvegarder la spécificité de
leur enseignement, il contenait la disposition suivante: «...le membre du personnel
doit satisfaire aux conditions que le pouvoir organisateur impose lors de l'enga-
gement, de façon expresse à titre résolutoire ou non, eu égard au caractère
particulier, aux nécessités spéciales ou à la tendance idéologique de l'enseignement
dispensé dans l'établissement...» (art. 2).
Sur base de cette dernière disposition, le S.N.E.C, établit un «Règlement
général du personnel». Ce règlement déterminait les conditions à l'engagement, les
conditions de nomination définitive, les obligations du personnel, les procédures
administratives, etc. Il prévoyait aussi la possibilité de dissolution du contrat.
L'article 30 contient, entre autres, les dispositions suivantes: «Le contrat d'enga-
gement est annulé de plein droit et sans indemnité:
— dès que le membre du personnel quitte l'Église catholique romaine;
—…
— dès que le membre du personnel se trouve dans une situation personnelle
ou matrimoniale incompatible avec les lois de la morale catholique ou violant
gravement les lois de l'Église catholique...»
Pour augmenter la sécurité juridique des pouvoirs organisateurs, les contrats
d'engagements stipulèrent que le contrat d'engagement, le statut du personnel et le
règlement général «constituaient un tout indivisible».95
lors, les ministres de l'éducation nationale ne sont pas parvenus à reconstituer cette commission
paritaire, faute d'accord suffisant des parties concernées.
94 Il était en effet nécessaire que les membres du personnel de l'enseignement libre soient
nommés à titre définitif pour pouvoir jouir de nombreux avantages sociaux comme leurs
collègues de l'État (congés de maladie, pension à charge du Trésor public...).
95 Par suite de l'évolution de la législation sur le travail, le «statut de 1968» fut revu par la
commission paritaire centrale de l'enseignement catholique, une première fois le 12 juillet 1977,
une deuxième fois le 08 juillet 1985. En juillet 1977, un document lui fut joint: «Chambre
déontologique de l'enseignement catholique». Cette chambre, composée paritairement, devait
donner un avis préalable à toute décision du pouvoir organisateur à l'occasion de litiges
déontologiques. Cette formule n'a pas donné les résultats escomptés.

5.2 Page 42

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50
Henri Delacroix
Incidence
Dans les faits, il devint très difficile de licencier un membre du personnel à
partir du moment où il avait obtenu sa nomination définitive. Dans plusieurs cas,
des membres du personnel licenciés s'adressèrent au tribunal du travail et souvent
obtinrent gain de cause. Plusieurs pouvoirs organisateurs furent condamnés à
payer des indemnités compensatoires de préavis très élevées.
De nombreux pouvoirs organisateurs, y compris des pouvoirs organisateurs
salésiens, furent amenés à tolérer la présence dans leurs écoles de professeurs
divorcés et remariés plutôt que de risquer d'être obligés de payer des indemnités
supérieures à leurs moyens.
1965... - Chute des vocations
Les mesures prises, de 1954 à 1958, par le gouvernement anticlérical, visaient
à affaiblir l'enseignement libre; elles obtinrent l'effet contraire. Ensuite le Pacte
scolaire assura la viabilité de l'enseignement libre.
Les écoles salésiennes, de plus en plus peuplées d'élèves externes, auraient dû
pouvoir compter sur de nombreux jeunes salésiens. Un phénomène se produisit qui
s'étendit à tous les pays occidentaux: la chute des vocations. Les diocèses,96 et les
congrégations, salésiens compris,97 furent frappés.
L'absence de salésiens jeunes se fit sentir surtout dans les internats. Les sa-
lésiens âgés ne pouvaient plus animer les récréations, assister dans les dortoirs, les
salles d'étude, accompagner les promenades.
Entre-temps certaines tendances se faisaient jour: la semaine de cinq jours à
l'école, le retour des pensionnaires à chaque week-end.
La crise du pétrole accéléra l'évolution. La pénurie d'essence amena le gou-
vernement à interdire la circulation automobile le dimanche (les fameux diman-
ches de décembre 1973). La hausse exhorbitante du prix du mazout
96 Dans l'entre-deux-guerres, le cardinal Van Roey, archevêque de Malines, comptait
chaque année près de cent entrées dans son grand séminaire. Il fit bâtir un séminaire supplé-
mentaire à Wavre-Sainte-Catherine. Mgr Charue, évêque de Namur, fit quêter dans toutes les
églises de son diocèse, pendant des années, pour construire un nouveau séminaire. Ces
séminaires sont restés vides.
97 En 1964, la province belge méridionale décida d'envoyer ses huit étudiants en philo-
sophie — il n'y avait que deux élèves en première année — rejoindre les philosophes français à
Andrésy. En 1965, les deux seuls novices rejoignirent aussi les novices français.
En 1969-70 la province de Belgique-Nord compta cinq novices alors que dix ans plus tôt
elle en avait vingt-quatre.

5.3 Page 43

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Cent ans d'école salésienne en Belgique
51
fit le reste. Les écoles fermeraient dès le vendredi 16h00. La semaine scolaire de
cinq jours fut décidée le 1er janvier 1974.
Les pensionnaires rentrèrent en famille dès le vendredi. Ce fut le coup de
grâce pour de nombreuses activités parascolaires et pastorales traditionnelles: les
chorales, les fanfares, les compagnies, les processions, le petit clergé, les pièces de
théâtre, les grand-messes en musique avec prédicateur «de circonstance»
disparurent. Le rideau tomba sur tout ce passé.
Les internes ne sont plus que des «externes qui logent». Comme les externes,
ils ne sont présents à l'école que 183 jour sur 365.98
Les salésiens commencèrent aussi à se raréfier dans les «cadres» des écoles.
Ces cadres formaient autrefois le conseil de la maison. Sous l'autorité du
directeur, ces cadres pratiquaient une subsidiante codifiée dans les Constitutions et
les Règlements, où les tâches de chacun étaient détaillées et protégées contre
l'arbitraire éventuel d'un directeur trop «original».
Ces cadres étaient en contact journalier avec les pensionnaires sur les cours
de récréation, mais aussi dans de grands locaux de rassemblement:
— le directeur leur parlait chaque jour au mot du soir; "
— le préfet, qui généralement surveillait le réfectoire, les voyait aux quatre
repas;
— le catéchiste à la chapelle;
— le conseiller à la lecture des notes hebdomadaires.
Le Pacte scolaire substitua, à ces cadres salésiens, ceux copiés des écoles de
l'État, à savoir:
Dans toute école, un directeur et un éducateur-économe. Là où l'école atteint
250 élèves, s'ajoute un secrétaire de direction, et si les élèves sont 600, un
sous-directeur est nommé. Cela ne fait encore que quatre personnes pour de
grosses écoles qui atteignent fréquemment le millier d'élèves.
Toutes les prestations du personnel étant rétribuées par l'État, elles doivent lui
être notifiées. D'où la nécessité d'une importante administration.100 Le centre
d'intérêt du directeur risque de basculer du pôle éducation vers le pôle
administration.
98 Les FMA disparurent aussi de toutes les maisons des salésiens, sauf de Farnières
(Grand-Halleux), alors qu'elles avaient été présentes dans les internats de Liège, Gand, Tournai,
Hechtel, Courtrai et Woluwe-Saint-Pierre.
99 Le Père E. Ceria fait une analyse approfondie de la valeur pédagogique du mot du soir
dans ANNALI III. Turin 1946, pp. 856-869.
100 Cfr. les «Monographies des fonctions du Secrétaire de direction, de
l'ÉducateurÉconome...», Licap, Bruxelles, 1980, où sont énumérées les nombreuses tâches
administratives

5.4 Page 44

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52
Henri Delacroix
Or la relation «direction-élèves» est indispensable. Certains élèves passent six
années, parfois douze, dans une même école. Les parents n'auront jamais, avec les
professeurs, qu'une relation épisodique et temporaire. Il faut donc que s'établisse
une relation continuée avec le personnel de direction.
On ne voit pas bien comment un directeur d'école fort peuplée peut rencontrer
les élèves et le personnel enseignant et promouvoir un projet éducatif dans la
structure scolaire établie depuis le Pacte.101
La liberté pédagogique dont jouit tout pouvoir organisateur selon le Pacte est
en fait limitée.
Enfin, avec la chute des vocations, la présence d'une communauté salésienne
au sein de l'école fut menacée.
Une communauté habitant l'école, présente et abordable en tout temps, créait
un riche tissu de relations humaines et un authentique esprit de famille.
Les salésiens, en raison de leur pédagogie, étaient très présents aux élèves.
«Le professeur que l'on ne voit qu'en classe, disait don Bosco, est professeur et rien
de plus, mais s'il partage la récréation des jeunes, il devient comme un frère».102
L'apparition des surveillants-éducateurs, depuis le Pacte scolaire, démobilisa
les enseignants: «Les récréations, et le temps de midi, cela regarde les surveil-
lants-éducateurs».
On voit des cours de récréation grouillantes d'élèves avec un ou deux sur-
veillants-éducateurs. Les enseignants se retrouvent ensemble dans la salle des
professeurs.
Le matin les élèves, peu avant le début des cours, s'agglutinent sur les cours et,
quand l'heure sonne, l'essaim se fractionne en petits groupes sous la conduite des
professeurs. Tout l'effort éducatif se limite-t-il à l'enseignement entre les quatre
murs d'une classe? N'y aura-t-il pas une action éducative de l'école en tant que
telle?
Incidence
Les communautés salésiennes assuraient la pastorale scolaire et maintenaient
vivante la pratique du système préventif. Il revient à présent aux laïcs d'intervenir
aussi sur ces deux plans.
de ces responsables qui sont bien plus des gens de bureau que des éducateurs en contact avec les
jeunes.
101 W. Miller, président du syndicat chrétien de l'enseignement moyen et normal libre,
parle «d'usines à enseigner qu'il faudra peut-être un jour décentraliser pour renouer le dialogue
avec l'élève». Forum, 1-15 avril 1987, p. 5. La revue Forum est l'organe officiel du S.N.E.C.
102 Lettre de Rome, MB XVII 111.

5.5 Page 45

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Cent ans d'école salésienne en Belgique
53
Pastorale. Le catéchiste, aidé de ses confrères, pratiquait une pastorale
héritée des internats et plutôt tributaire du calendrier liturgique: célébration des
fêtes, dimanche des missions, exercice mensuel de la bonne mort, retraite annuelle,
fête de don Bosco, de Marie Auxiliatrice, etc.
À présent, les élèves ne sont à l'école que les jours ouvrables. Les points
faibles de la pastorale actuelle sont deux: absence du titulaire officiel de cette
activité et difficulté de la mettre «à l'horaire».
Seul le directeur sera en mesure de sauvegarder la pastorale scolaire,
d'appuyer les enseignants qui acceptent de l'animer, de cautionner leurs
initiatives.103
Pédagogie salésienne. La province de Belgique-Nord organise à l'intention
des enseignants laïques des journées de formation pédagogique.
L'éducateur salésien, qui veut le bien des jeunes, doit être prêt à faire «un tas
de choses» pour eux, outre leur donner des cours.104 Il doit aimer ce qu'ils aiment.
À l'initiative du provincial de Belgique-Nord, un journaliste a écrit un large
reportage sur la présence de Don Bosco en Flandre aujourd'hui. Nous transcrivons
un témoignage recueilli de la bouche du Père M. Den Haerynck, directeur de
l'école technique de Helchteren. Celui-ci, après avoir expliqué que les élèves
possèdent, dans leur journal de classe, le texte de la Règle de vie de l'école,
poursuit en ces termes: «Parce que la Règle de vie est d'abord vécue par les
enseignants, nous réussissons à rester en étroite relation avec nos élèves. Aussi
sommes-nous toujours avec eux, non pour les contrôler ou les surveiller, mais pour
leur être proches et marcher avec eux: don Bosco appelait cela «l'assistance»...
Bien donner cours, c'est beaucoup, mais c'est loin de suffire. Notre façon d'être
avec nos jeunes, en classe et hors de la classe, le climat que nous créons avec eux,
voilà ce qui fait de notre école, une école de don Bosco. C'est pourquoi, ici, tout se
fait «ensemble» autant que possible: travailler ensemble en classe, partager
ensemble la récréation, organiser ensemble le parascolaire, préparer ensemble les
fêtes religieuses, créer ensemble la vie de l'école, que ce soit une journée de détente,
la commémoration de nos défunts, ou la fête de Noël».105
103 Le P.O. porte aussi la responsabilité de la pastorale scolaire. «Dans le choix et
l'admission des membres dans un P.O. il faut comprendre que la responsabilité pastorale est
primordiale pour celui-ci». Forum, 15-30 juin 1988, p. 9.
Pareille recommandation vaut aussi pour le choix et l'admission de nouveaux enseignants.
Ce sont eux qui pourront réaliser une pastorale.
104 Voir notre brochure: La gratuité dans la relation éducative. Köln 1975.
105 MARK DELTOUR, Zeg voor mij ben je iemand. Altiora, Averbode 1988, p. 68.

5.6 Page 46

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54
Henri Delacroix
1969 - L'enseignement secondaire rénové
En 1969, l'État inaugura dans ses écoles une profonde réforme pédagogique.
En 1970, l'enseignement libre expérimenta cette réforme dans quelques-unes de
ses écoles. En 1971, une loi donna un cadre légal à la réforme. (Loi du 19 juillet
1971).
La réforme ne fut pas imposée à toutes les écoles et les arrêtés d'exécution
distinguèrent deux types d'enseignement secondaire:
— l'enseignement secondaire organisé suivant les structures de la loi de
1971; il fut appelé officiellement «enseignement secondaire de type I», mais dans
le langage courant il fut généralement désigné par l'expression «enseignement
rénové»;
— l'enseignement secondaire organisé suivant les structures traditionnelles.
Il fut appelé enseignement secondaire de type II.
Les deux cycles de trois ans furent maintenus dans le type II; ils furent rem-
placés dans le type I par trois degrés de deux années (dénommés, dans les pre-
mières années de la réforme, degré d'observation, degré d'orientation, degré de
détermination).
Quelques idées maîtresses
Notons quelques idées maîtresses de la rénovation, ainsi que les moyens
adoptés pour les appliquer.
1. Chaque enfant est une personne originale, hors série. «Pourronsnous
percevoir la personne vivante de chaque enfant avec son «mystère», c'est-à-dire
avec ses ressources réelles, absolument cachées, ignorées de tous, de lui-même, de
ses parents et de son entourage? Éduquer un écolier, c'est cela: faire sortir de lui
cette réussite imprévisible».106
Moyen: L'élève du premier degré a la possibilité de s'essayer à l'abstrait, à
l'artistique, au littéraire, au technique sous l'oeil attentif des éducateurs. Les
activités en classe, les activités complémentaires, les activités libres sollicitent
l'élève: c'est un éveil.
2. L'élève est un être fragile, en devenir. Il doit être accompagné. L'accom-
pagnement étant le fait de plusieurs éducateurs, ceux-ci, vu l'unité de l'enfant,
doivent concerter leur action.
106 P. VIVIER, L'enseignement secondaire aujourd'hui. Supplément à Humanités Chré-
tiennes, février-mars, 1978-79, p. 15.

5.7 Page 47

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Cent ans d'école salésienne en Belgique
55
Moyen: Conseil de classe hebdomadaire, pour confronter les avis, coordon-
ner les efforts, prendre le pouls d'une classe, fixer les objectifs par classe.
Le conseil de classe crée «l'équipe» parmi les professeurs et renouvelle sans
cesse le projet éducatif.107
3. Les sources culturelles, nombreuses aujourd'hui, peuvent présenter un
danger de dispersion. Il revient à l'école d'organiser des programmes qui intègrent
aux données irremplaçables du passé les éléments nouveaux de la vie actuelle.
Moyen: «Si les enseignants restent figés sur leurs positions, ils consolident
leur isolement et demeurent paralysés et impuissants devant le changement qui
s'opère. Ils devront ouvrir des portes, poser des jalons, distribuer des outils pour
analyser un texte, un document, conduire des intérêts, profiter d'un regard attentif
et pousser toute la personne à la recherche. Vouloir la réussite de chaque élève, par
des outils pédagogiques appropriés, exige générosité et inventivité».108
4. L'école doit préparer l'enfant à entrer dans un monde en mutation. Il ne
suffit pas que l'enfant apprenne. Il doit s'entraîner à apprendre par lui-même.
Moyen: Enseigner à manipuler les outils du savoir (à consulter, observer,
comparer, classer...). Mettre les élèves en état de se donner à euxmêmes les
instruments utiles quand il le faudra.
5. Au sortir de l'école primaire, il n'est plus possible de faire un choix défi-
nitif de tel type d'études en vue de telle carrière.
Moyen: L'enseignement de type I ménage une suite de carrefours. L'élève doit
faire des choix à la fin de la première, de la deuxième, de la quatrième année.
Pour réaliser sa réforme, le législateur y a mis le prix
Les classes de première et de deuxième années ne comptent pas plus de 24
élèves. Une heure sur quatre sera dédoublée (2 professeurs). Des heures sont
prévues pour les activités complémentaires, pour les activités libres, pour les
rattrapages. Ces heures, auxquelles il faut ajouter l'heure hebdoma-
107 Le bulletin mensuel rédigé par le titulaire, sous l'éclairage du conseil de classe, est
conçu selon un modèle très étudié. Il aide l'élève dans son autoévaluation, et informe les parents
en vue des choix à faire parmi les options.
108 P. VIVIER, o.c., pp. 14-16.

5.8 Page 48

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56
Henri Delacroix
daire du conseil de classe, sont payées. Elles entrent dans la composition du
full-time des enseignants.
Évolution de la réglementation concernant le type I
À partir de 1980, l'état des finances publiques imposa des restrictions bud-
gétaires. Le législateur subventionna les écoles pour un nombre global d'heures de
cours calculé sur base du nombre d'élèves. Au directeur, après consultation des
enseignants, de répartir au mieux ces heures. Vu cette réduction du taux d'enca-
drement, des outils pédagogiques propres à la rénovation (les conseils de classes,
entre autres) trouvèrent de moins en moins de place dans les écoles.
Incidence
Le «Rénové» rencontrait les idées de Don Bosco.
- Souci de la personne
«Don Bosco se refusait à ne voir dans un jeune qu'une demi-personne. Pour
lui, c'était un interlocuteur à part entière et il pensait qu'il l'était aussi pour
Dieu».109
- Accompagnement de l'enfant
L'éducateur selon Don Bosco est d'abord un assistant. «L'assistant, loin de
prendre son parti des faux pas ou de les sanctionner purement et simplement,
s'applique à les prévenir. Don Bosco attachait une telle importance à cet as-
pect... qu'il qualifiait toute sa méthode de préventive».110
- Conseil de classe
Le conseil de classe rejoint la «séance des notes» à laquelle faisait suite la
«lecture des notes». Ces notes, concertées chaque semaine par les éducateurs,
étaient lues devant les élèves réunis et prêtaient à d'utiles commentaires de la
part du conseiller.
- Ouverture aux sources culturelles
Musique, théâtre, séances académiques, jeux, célébrations solennelles,
109 Page de garde de l'édition française de la vie de Dominique Savio par Don Bosco. Paris
1978.
110 Fr. DESRAMAUT, Saint Jean Bosco. Namur 1958, p. 26.

5.9 Page 49

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Cent ans d'école salésienne en Belgique
57
grandes randonnées d'automne avaient leur place dans la vie de l'Oratoire,
tandis que Don Bosco découvrait devant ses élèves de vastes horizons mis-
sionnaires.
«Quand on pense à ce qu'on mangeait et comment nous étions nourris, nous
nous étonnons aujourd'hui d'avoir pu vivre ainsi sans avoir à en souffrir et
sans nous plaindre. Mais nous étions heureux, nous vivions d'affection. On
baignait dans un monde d'idées splendides dont nous étions remplis et on ne
pensait à rien d'autre».111
- Les options
Don Bosco avait organisé dans son internat des ateliers et des classes latines.
Une certaine réorientation pouvait se faire au sein même de l'Oratoire du
Valdocco.
- Don Bosco se soucie des plus faibles et ne se cantonne pas dans l'éducation des
élites.
1972 - La participation
En préparation à la révision du Pacte scolaire, l'enseignement catholique s'est
doté de structures de participation. Participation de qui?
Les premiers ayants-droit, dans une école, sont les enfants. Ils ont droit à une
éducation valable. Les parents, rerésentants naturels de leurs enfants, défendent ce
droit.
L'autorité, que toute école exerce vis-à-vis des enfants, est en fait une autorité
déléguée. S'il est évident que les pouvoirs organisateurs et les enseignants ont une
responsabilité dans l'école, il est tout aussi évident que l'exercice de cette res-
ponsabilité postule l'agrément et si possible la collaboration des parents.
L'Eglise, quant à elle, a reçu du Christ mission d'évangéliser. Elle a le droit
d'ouvrir des écoles.
Dans l'enseignement catholique belge l'idée de participation a effectivement
pris corps en 1972.
Le 14 septembre 1972, fut fondée une association représentant les pouvoirs
organisateurs de l'enseignement catholique auprès des autorités. Elle est habilitée à
jouer ce rôle parce qu'elle a la personnalité juridique comme toute association sans
but lucratif (A.S.B.L.) constituée selon la loi de 1921.
111 Chanoine G. BALLESIO, MB IV 337.

5.10 Page 50

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58
Henri Delacroix
C'est l’«Association représentative des pouvoirs organisateurs de l'enseignement
catholique» (A.R.P.O.E.C).
Répondant au voeu de la Conférences de Évêques, quatre organisations ont
décidé de constituer ensemble le Conseil général de l'Enseignement catholique
sous la haute autorité des Évéques. Le C.G.E.C. a été constitué le 2 décembre
1972.
Ces quatre organisations sont: l'A.R.P.O.E.C, la Confédération nationale des
Associations de Parents (C.N.A.P.), les Centrales chrétiennes du personnel
(c'est-à-dire les syndicats), et la Conférence des Évêques.
La promotion de l'enseignement catholique en Belgique se base donc sur la
collaboration des quatre groupes de personnes qui portent une responsabilité
spécifique dans cet enseignement.112
Par la suite, le C.G.E.C. a mis en place des organes de participation:
1. - dans chaque diocèse, la «Commission diocésaine de planification et de
coordination» (C.D.P.C.).
Elle est constituée de 16 membres ayant voix deliberative: 4 membres sont
désignés par l'évêque, 4 membres représentent les P.O. et sont désignés par
L'A.R.P.O.E.C, 4 membres représentent les enseignants et sont désignés par les
syndicats chrétiens, 4 membres représentent les parents et sont désignés par la
C.N.A.P.
La Commission est chargée, entre autres, de prendre des décisions concernant
les demandes d'ouverture d'options nouvelles dans les écoles.
2. - à un niveau régional, des «Commissions régionales de planification et de
coordination» où collaborent, avec compétence d'avis ou de décision, suivant les
cas prévus dans le statut, les responsables de la pastorale régionale, les P.O., les
directions d'écoles, les délégué(e)s des organisations représentatives des ensei-
gnants et des parents.
Ces commissions préparent ou réalisent, au plan régional, la planification et
la coordination.
3. - au plan local, les efforts consentis jusqu'à ce jour pour mettre en place un
organe de participation n'ont pas encore abouti. À signaler cepen-
112 L'État ne peut revendiquer d'être le pédagogue exclusif. Il ne se fait pédagogue que
quand son devoir de suppléance l'y oblige, ou à la demande des parents voulant un enseignement
non-confessionnel.
Pour les écoles catholiques, l'État belge se cantonne dans le rôle de bailleur de fonds dis-
tribuant équitablement, entre les réseaux, l'argent des contribuables destiné à l'Éducation
publique.

6 Pages 51-60

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6.1 Page 51

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Cent ans d'école salésienne en Belgique
59
dant que les écoles qui comptent au moins cent membres du personnel sont tenues
d'organiser un Conseil d'entreprise; mais il s'agit d'un organe paritaire
(employeurs-employés) sans la participation des parents.
Incidence
Autrefois les écoles-orphelinats relevaient des autorités de la congrégation;
presque tout le personnel était salésien. Les directeurs scolaires étaient aussi
supérieurs de communauté et dépendaient de l'ordinaire salésien: le provincial.
À présent les écoles salésiennes de Belgique s'adressent à la jeunesse du lieu
scolarisée jusqu'à dix-huit ans.
Comme les autres écoles du réseau libre, elles doivent être considérées
comme une émanation de la communauté chrétienne locale, soucieuse d'éducation
chrétienne dans le domaine de l'enseignement.
Les salésiens, parce qu'ils sont encore le pouvoir organisateur de ces écoles,
en portent la responsabilité avec les parents et les enseignants dans le cadre des
organes de participation établis aux différents niveaux de l'enseignement
catholique.113
D'oeuvre exclusivement congrégationnelle, l'école salésienne est devenue
une oeuvre de l'Église locale.
Les salésiens ont pour tâche spécifique de maintenir, sur le terrain, la
pédagogie née du charisme de don Bosco.
1973 - Révision du Pacte scolaire (Loi du 11.07.1973)
La résolution n° 32 du pacte scolaire de 1958 contenait la disposition
suivante: «Au cas où la situation qui est à la base de ce pacte venait à se modifier
profondément, après une période de douze ans, la même procédure serait instituée
pour examiner les problèmes nouveaux».
Les écoles catholiques se trouvaient de plus en plus en difficulté au plan des
constructions. L'accroissement de la population scolaire les avait forcées à
construire. Elles s'étaient endettées et arrivaient à la limite de leurs possibilités,
alors que de nouvelles constructions s'imposaient et que des bâtiments vétustés
devaient être remplacés. Pour garantir la liberté du père de famille concernant le
choix de l'école, il fallait obtenir une aide de l'État
113 L'ancien conseil de communauté a été petit à petit dépossédé de son autorité dans l'école
notamment à cause de la diminution constante du nombre des confrères et de l'accession des
laïcs aux postes de commande.

6.2 Page 52

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60
Henri Delacroix
au plan des constructions.
Le Gouvernement, soucieux de résoudre ce problème et d'autres problèmes
suscités par l'application de la loi du 29 mai 1959, déposa un projet de révision de
cette loi de 1959. Après de longues discussions, une loi fut votée (loi du
11.07.1973). Nous nous limiterons à examiner quatre points ayant fait l'objet de
cette loi.
1. Les constructions scolaires
Avant 1958, il existait un Fonds des constructions scolaires et parascolaires
de l'État. La loi du 29 mai 1959 créa un Fonds des constructions scolaires pro-
vinciales et communales. La loi du 11 juillet 1973 créa deux fonds supplémen-
taires et réorganisa les fonds existants sous les dénominations suivantes:
1. Fonds général des bâtiments scolaires;
2. Fonds des bâtiments scolaires de l'État;
3. Fonds des bâtiments scolaires provinciaux et communaux;
4. Fonds national de garantie des bâtiments scolaires.
L'art. 13 de la loi contient la disposition suivante: §4. Seuls entrent en ligne de
compte pour l'intervention des quatre fonds:
a) les établissements scolaires qui répondent aux critères d'un plan de ra-
tionalisation et de programmation;
b) les travaux qui répondent aux normes physiques et financières fixées.
Incidence
Au cours des dernières années, de nombreuses écoles catholiques, et en par-
ticulier plusieurs écoles salésiennes, ont sollicité l'intervention du quatrième fonds,
le Fonds national de garantie des bâtiments scolaires. Le mécanisme est le suivant:
— Le pouvoir organisateur qui répond aux conditions requises établit un
projet de construction.
— Ce projet est soumis à l'approbation du Fonds national de garantie.
— Si le projet est approuvé, le pouvoir organisateur contracte un emprunt de
longue durée (20 à 30 ans suivant les cas) auprès d'un organisme financier agréé, et
cela avec la garantie de l'État.
— Le pouvoir organisateur peut utiliser jusqu'à 25% des subventions an-
nuelles de fonctionnement pour payer les annuités de cet emprunt. Si ces

6.3 Page 53

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Cent ans d'école salésienne en Belgique
61
25% ne suffisent pas, il doit évidemment disposer d'autres ressources.
— Le pouvoir organisateur paie un intérêt de 1,25%. Le solde des intérêts est
payé directement par le Fonds national de garantie à l'organisme financier.
2. Rationalisation
Dès 1966, le gouvernement fut confronté à un développement excessif de
l'offre d'enseignement. Tous les réseaux s'efforçaient d'ouvrir de nouvelles écoles
et de nouvelles sections. Les dépenses scolaires dépassaient les possibilités
budgétaires de l'État. D'où le vote en 1966 d'une loi tendant à freiner temporaire-
ment le développement des réseaux scolaires.
La loi du 11 juillet 1973 impose au gouvernement de faire publier au plus tôt
des arrêtés royaux relatifs à la rationalisation et à la programmation, et cela pour
tous les réseaux et pour tous les niveaux d'enseignement (de l'enseignement
maternel, à l'enseignement supérieur). Les mesures de rationalisation visent à
supprimer les établissements de taille trop faible et les sections ou options trop peu
fréquentées. Les normes de programmation fixent les conditions de création de
nouvelles écoles, de nouvelles sections ou options.
L'analyse de cette réglementation sort du cadre de cet article. Signalons ce-
pendant que l'arrêté relatif à l'enseignement secondaire imposa la création d'une
structure supplémentaire: les «Centres d'enseignement secondaire». Ces centres
doivent regrouper des établissements voisins organisant autant que possible
différentes formes d'enseignement: enseignement général, enseignement techni-
que, enseignement artistique, enseignement professionnel. Les normes pour créer
deux fois une même option, à l'intérieur d'un centre d'enseignement secondaire,
sont très sévères.
Incidence
Plusieurs écoles salésiennes de Belgique-Sud durent fusionner avec d'autres
écoles, notamment les écoles de Huy et de Remouchamps.
La fusion de deux écoles entraîne toujours la perte d'un emploi de directeur et
d'un emploi d'éducateur-économe. Signalons aussi les difficultés d'organisation si
les deux points d'implantation sont distants.
3. Statut du personnel
Il était apparu qu'il fallait renoncer à établir ce statut par la voie d'une com-
mission paritaire. Le législateur modifia en conséquence la loi du 29

6.4 Page 54

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62
Henri Delacroix
mai 1959, en y ajoutant un article 12bis contenant des dispositions très précises:
— «Les statuts du personnel de l'enseignement de l'État et du personnel de
l'enseignement subventionné garantissent la protection, en dehors de l'école, de la
vie privée contre des décisions arbitraires du pouvoir organisateur».
— Les dispositions statutaires pour tous les réseaux d'enseignement sub-
ventionné (c'est-à-dire: enseignement provincial, enseignement communal et
enseignement subventionné libre) seront fixées d'une manière uniforme par un
arrêté royal délibéré en conseil des ministres.
— Ces dispositions statutaires doivent, autant que faire se peut, être identi-
ques à celles de l'État.
Différents projets de statut se sont succédés depuis 1973. Tous ont fait l'objet
de critiques du Conseil d'État, des hommes politiques et des principaux intéressés
(pouvoirs organisateurs et syndicats). Aucun n'a pu être soumis, jusqu'à présent, à
l'approbation du conseil des ministres.
4. La mise en disponibilité par perte d'emploi et la réaffectation
L'emploi dans l'enseignement est toujours à la merci de la population scolaire.
Celle-ci peut parfois tomber en dessous des normes (soit par suite de la dénatalité,
soit à cause de la désaffection des élèves vis-à-vis de telle école, soit à cause du
succès ou de l'insuccès des options). Des membres du personnel doivent alors être
mis en disponibilité par perte partielle ou totale d'emploi. S'ils étaient nommés à
titre définitif, ils n'ont pas droit à des indemnités de chômage, car ils sont assimilés
à des agents de l'État. La loi du 11 juillet 1973 décida qu'ils continueraient à
bénéficier d'une subventiontraitement en attendant de retrouver un emploi, mais
qu'ils devraient être réaffectés dans une fonction équivalente devenant vacante
dans une école du même réseau.
L'arrêté royal relatif à la réaffectation a été publié dès 1973. Il se justifiait
pour des raisons sociales, mais il impose des contraintes supplémentaires aux
pouvoirs organisateurs. Lorsqu'un emploi devient vacant dans une école, la liberté
du directeur dans le choix d'un candidat est fortement diminuée puisqu'il doit offrir
cet emploi par priorité aux membres du personnel mis en disponibilité dans
d'autres écoles du réseau et qui attendent une réaffectation. Comme cet arrêté
s'applique aussi bien pour des pertes partielles que pour des pertes totales d'emploi,
il a eu pour conséquence que, surtout dans l'enseignement secondaire, l'emploi de
plusieurs professeurs a dû être fractionné entre plusieurs écoles.

6.5 Page 55

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Cent ans d'école salésienne en Belgique
63
Incidence
Le provincial qui autrefois répartissait ses confrères dans les écoles au mieux
des possibilités de la province, se trouve à présent limité par de nombreuses
contraintes légales.
S'il veut introduire un salésien, muni des titres voulus, dans une école salé-
sienne, il faut d'abord qu'il y existe un emploi vacant. Un emploi peut devenir
vacant dans une école, soit par suite d'un accroissement de la population scolaire,
soit par suite de la démission, de l'admission à la pension ou du décès d'un membre
du personnel. Si un tel emploi existe et qu'aucun membre du personnel ne doive
l'occuper par réaffectation, le salésien pourra être engagé à titre temporaire. Cet
engagement temporaire pourra être renouvelé d'année en année jusqu'au moment
où le salésien ne sera plus soumis aux contraintes de la réaffectation et pourra être
nommé à titre définitif. Durant cette période d'engagement temporaire, le salésien
risque de devoir céder sa place, totalement ou partiellement, à un enseignant
nommé à titre définitif et mis en disponibilité par perte d'emploi; c'est la réaffec-
tation.
Quand le salésien aura obtenu la nomination définitive, si un jour il est mis
lui-même en disponibilité, il devra accepter d'être réaffecté, pour le nombre
d'heures perdues, dans une autre école du même réseau, mais pas nécessairement
salésienne.
À l'endroit d'un confrère nommé définitivement, le provincial ne jouit plus de
la même liberté de manoeuvre qu'autrefois. Il ne pourra le changer d'école, sans
risque de perte de la nomination définitive, qu'en opérant une permutation avec un
salésien remplissant les mêmes fonctions à titre définitif. S'il l'affecte à des
activités qui impliquent que ce confrère quitte l'enseignement pour un temps assez
long, ce confrère ne pourra y rentrer qu'en recommençant tout le processus décrit
ci-dessus.
1989 - La communautarisation de l'enseignement
Sauter de l'année 1973 à l'année 1989 ferait supposer que rien ne s'est passé
entre-temps. C'est bien le contraire! La vaste opération de rationalisation a mis du
temps à s'achever... et l'est-elle jamais? Simultanément, la mixité s'installait dans
les écoles libres tant au niveau des enseignants que des élèves, parfois à l'occasion
de la fusion de deux petites écoles locales, l'une de filles, l'autre de garçons.
Quant à la communautarisation, elle a existé longtemps114 dans les
114 En mars 1955, Pierre Harmel, ministre «sortant» de l'Education nationale, écrivait à

6.6 Page 56

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64
Henri Delacroix
faits avant d'exister en droit. Il y avait, depuis des années deux ministres de
l'Éducation nationale, avec deux administrations qui souvent adoptaient des
pratiques différentes.
Le 8 août 1988, la Belgique unitaire est devenue un État fédéral. L'éducation
serait transférée, à partir du 1er janvier 1989, aux deux communautés linguisti-
ques: la néerlandophone et la francophone (et partiellement à la communauté
germanophone).
L'article 17 de la Constitution fut modifié. Il consacre désormais le principe
d'égalité des enfants, des parents, des membres du personnel et des établissements
devant la loi ou le décret.115
Toutefois l'article 17 ajoutait: «la loi et le décret prennent en compte les dif-
férences objectives, notamment les caractéristiques propres à chaque pouvoir
organisateur, qui justifient un traitement approprié».
Si des inégalités de traitement se font jour, et qu'elles soient estimées abusi-
ves, par exemple par un réseau d'enseignement, elles pourront être déférées à une
Cour d'arbitrage qui devra juger du respect ou non de l'article 17.
Incidence
Les Communautés, vu leur autonomie, pourront édicter des règles différen-
tes.
Les écoles libres néerlandophones jouiront de l'appui du parti socialchrétien,
premier parti de Flandre. Tandis que les écoles libres francophones n'auront, au
plan politique, que l'appui du parti social-chrétien, qui, dans la Communauté
francophone, ne représente qu'environ un quart de l'électorat.
Les écoles des deux provinces salésiennes de Belgique présenteront des vi-
sages de plus en plus différents.
propos de la loi préparée par son successeur le socialiste Leo Collard: «Devant cette nouvelle loi
de malheur [allusion à la loi Van Humbeek, voir la note 79], il est à craindre que la Flandre à
nette majorité chrétienne ne soit tentée de se tourner vers une solution séparatiste ou fédéraliste».
Le Nouveau Courrier d’Informations, n° 3.
Au courant du même mois de mars 1955, le président national du parti socialiste, Max
Buset, déclarait: «Camarades! Je vous annonce que les projets Collard seront intégralement votés
devant les Chambres. Les écoles officielles vont pousser partout comme des champignons, et
ainsi, nous gagnerons la Flandre à notre cause et le socialisme emportera la majorité absolue».
L'Éducateur belge, 15 avril 1955.
113 Les décrets émanent des Communautés.

6.7 Page 57

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Cent ans d'école salésienne en Belgique
65
POUR CONCLURE
Le succès de l'enseignement libre auprès de la population est tel qu'au plan
national cet enseignement est nettement majoritaire.
Les nombreux élèves entraînent aussi les nombreux enseignants. Mais, tant
au niveau des élèves qu'au niveau des enseignants, la pratique religieuse est en
baisse.
Les pouvoirs organisateurs de l'enseignement libre s'engagent à l'égard des
parents à enseigner et à éduquer les élèves sur base de la conception de vie fondée
sur la foi et sur la morale catholiques. Le personnel dans le contrat d'engagement
qu'il signe est tenu de respecter ce projet éducatif.
«Une école n'est pas chrétienne parce qu'elle est juste, mais parce qu'elle se
réfère à Jésus-Christ. Une école chrétienne n'est pas chrétienne parce qu'il n'y a pas
de problèmes de foi, de problèmes de morale, de problèmes de pratique religieuse
dans son corps enseignant; elle est chrétienne dans la mesure où, quelle que soit
l'épaisseur de l'aventure personnelle de chacun de ses membres, chacun continue à
penser qu'on ne peut pas donner de meilleure référence à des enfants pour leur
entrée dans une existence heureuse et transformante que Jésus-Christ. Ce Jésus que
l'on trahit tous chaque jour autant qu'on lui est fidèle, mais dont l'amour ne se
démentira jamais».116
L'école libre, chrétienne et salésienne, demeure une oeuvre de choix, ouverte
à l'apostolat des membres de la Famille salésienne, parce qu'école, parce que libre
et chrétienne, parce que salésienne.
— Parce qu'école. Il faut rencontrer les jeunes où ils se trouvent. Or l'école
est un lieu obligé.
— Parce que libre et chrétienne. Les parents et les jeunes qui la choisissent le
font pour divers motifs, mais ils savent où ils vont et ils sont disposés à prendre
l'école libre telle qu'elle se veut.
— Parce que salésienne. Nos écoles portent une riche tradition. Elles sont
desservies par environ trois mille adultes que les directions des écoles ont choisis
généralement en connaissance de cause, dans la mesure du possible.
L'heure est au laïcat chrétien, justement appelé «le géant endormi». Qu'il se
réveille!
116 R.P. LAMBERT, s.j. dans Forum 1-15 mai 1988, p. 7.