Message du Recteur Majeur aux Jeunes 2011

Message du Recteur majeur au MSJ

2011



Très chers jeunes,


Je vous salue et je vous confie mon immense joie ressentie en vous envoyant ce message. Ce sont des mots et des sentiments que je recueille devant le Seigneur Jésus, Bon Pasteur. A son cœur miséricordieux, je demande d’éclairer votre esprit, de réchauffer votre cœur et de remplir de sens et de dynamisme votre vie.

Chaque jour, je vous porte dans mon cœur et je prie sans cesse pour vous ; oui, je prie pour vous parce que, demeurer uni au Christ et me donner totalement à vous, telle est l’orientation profonde de ma vie. En ce sens, je prie toujours pour vous et quand, lors de mes visites dans les maisons salésiennes dispersées à travers le monde, je rencontre vos visages, je suis saisi de joie et je bénis le Seigneur. Dans vos yeux remplis de lumière et de joie je lis une grande envie de vivre et un désir caché de faire de votre vie quelque chose de beau. Naturellement vous posez la question : que faire et comme le faire ? Je suis frappé de voir que beaucoup d’entre vous sont encore incertains et embarrassés ; et je sais très bien que vous n’attendez pas quelque chose de certain de la part des théories et des programmes. Pour répondre à votre question, je ne peux pas alors faire autre chose que de vous parler avec le cœur de notre père Don Bosco. C’est lui qui maintenant vous parle par mon intermédiaire, c’est lui qui prend soin de votre vie présente et de votre vie future, parce qu’il veut que vous soyez heureux sur cette terre et pour toujours.


Je voudrais vous faire connaître, Chers Jeunes, ce qui m’a fait comprendre, d’une manière chaque jour plus profonde, le sens de ma vie. Ce sens, pour moi, a jailli et a trouvé un développement grâce à la rencontre faite avec une personne “vivante”.

Comme personne “vivante”, il y a eu pour moi, avant tout, ma maman Marguerite. Quand nous contemplions ensemble un beau champ de blé mûr, elle me disait : « Remercions le Seigneur, mon petit Jean. Il a été bon envers nous. Il nous a donné le pain quotidien ». Après que je lui eus raconté le rêve qui marquerait ma vie, poussée par l’intuition que seul le cœur d’une mère peut avoir, elle s’écria : « Qui sait s’il n’a pas à devenir prêtre ». Paroles simples, qui me faisaient comprendre que Dieu avait un rêve sur moi, que Dieu avait pour moi un rêve à réaliser, un dessein, un projet merveilleux, une histoire d’amour que mystérieusement et silencieusement il était en train de tisser au-dedans de moi : livrer ma vie aux jeunes, pour eux et avec eux. Tout cela me faisait rêver en grand.

Le sens religieux de la vie, ma maman ne me l’enseignait pas seulement par des paroles, mais aussi et surtout par ses exemples, comme lorsque, réveillée en pleine nuit par les voisins, pour secourir une personne gravement malade, elle se levait et en toute hâte elle courait pour apporter son aide. Elle faisait preuve de la même promptitude et du même amour lorsqu’au mendiant qui frappait à la porte elle ne refusait jamais un morceau de pain ou une soupe chaude. J’ai appris ainsi que rêver ne suffit pas, mais qu’il faut payer un prix pour que les rêves deviennent réalité. C’est elle qui m’a appris les gestes d’un comportement religieux simple, m’a fait acquérir l’habitude pour la prière, pour l’accomplissement du devoir, pour le sacrifice. Sa présence remplie d’amour et d’affection me rappelait que la vie est le cadeau le plus précieux que Dieu nous a donné et que nous devons la lui redonner riche de fruits et d’œuvres bonnes.


Au cours de ma vie, surtout quand je devais prendre des décisions importantes, j’ai rencontré d’autres personnes, éclairées par l’Esprit, qui m’ont aidé à comprendre que la vie est une vocation et un engagement de don de soi, et m’ont guidé dans l’écoute de l’appel du Seigneur et dans l’accueil de la mission qu’Il me confiait. Cette expérience personnelle m’a fortement convaincu de l’importance, pour les jeunes, de trouver un milieu où l’on respire et l’on vit les grandes valeurs humaines et chrétiennes, comme aussi de l’importance de rencontrer des adultes significatifs, des guides spirituels capables d’incarner les valeurs qu’ils proclament, en se présentant comme des témoins crédibles et des modèles de vie. A l’oratoire de Valdocco, le climat de famille que j’avais établi n’était pas celui d’une serre chaude, d’un nid, où les timides et les frileux pourraient se sentir à l’aise, sans se libérer de leur vision restreinte de la vie. Non ! Valdocco était un laboratoire où l’on développait une culture de la vocation. Pour ma part, je guidais mes fils vers leur réelle maturation d’hommes et de chrétiens selon l’esprit de liberté de l’évangile : je faisais en sorte de leur permettre de devenir des “personnes-pour-les-autres”. Les personnalités vigoureuses qui ont grandi à Valdocco en sont la preuve, de Dominique Savio à Michel Magone jusqu’aux pionniers missionnaires : Cagliero, Lasagna, Costamagna, Fagnano ; et ensuite Rua, Albera et Rinaldi, mes premiers successeurs, et tant d’autres personnages qui se détachent fortement : des prêtres et des coadjuteurs salésiens, des prêtres et des religieux non salésiens, des laïcs engagés dans la Société et dans l’Eglise. On respirait un air imprégné de l’idée de vocation, du désir de faire de sa vie un grand don à l’Eglise et à la société. Après moi, beaucoup d’autres salésiens et de laïcs de la Famille Salésienne ont fait cette même expérience dans leurs maisons.


Vous aussi, jeunes gens, vous pouvez rencontrer des personnes auxquelles vous pouvez vous référer, soit dans votre famille soit dans le milieu qui vous entoure. Il y a des personnes merveilleuses, remplies de valeurs humaines et capables de vivre et de témoigner une profonde spiritualité. Vous pouvez les regarder comme des modèles concrets pour votre vie. Ce sont des prêtres, des personnes consacrées, des laïcs, hommes ou femmes, qui vivent avec joie la plénitude de leur baptême. Sous la conduite de l’Esprit et à l’écoute de la Parole de Dieu, elles ont été capables de développer leur vie chrétienne jusqu’à faire des choix de vie marqués de courage et d’engagement. Elles sont devenues ainsi des témoins authentiques du Christ dans l’Eglise et dans la société.

Ces personnes sont, pour vous, un peu comme Jean-Baptiste, des témoins et des médiateurs de la rencontre avec Jésus. Le Baptiste, en effet, indiqua Jésus de Nazareth à ses disciples comme Celui qui pouvait satisfaire les désirs les plus profonds de leur cœur, Celui qui pouvait remplir de sens et de joie leur vie, Celui qui est vraiment “la voie, la vérité et la vie”. Les témoins d’aujourd’hui, ceux que nous rencontrons sur notre chemin, sont “nos Jean-Baptiste”. Ils sont ceux qui, une nouvelle fois, nous indiquent le Seigneur de la Vie !

Il arrive ainsi que non seulement le chemin des croyants, mais la vie de tout homme croise à un moment précis le visage et le regard de Jésus et cette rencontre peut être décisive. Depuis la rencontre avec Jésus de ces premiers disciples jusqu’à aujourd’hui, l’invitation a “capturé” beaucoup de jeunes, d’hommes et de femmes. « Nous avons trouvé le Messie » sera le témoignage apporté par André à son frère Simon. « Nous avons trouvé Celui de qui ont écrit Moïse et les prophètes, Jésus de Nazareth », déclarera Philippe à Nathanaël. « A qui irons-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle » lui dira Pierre. Pour tous, ce fut, c’est et ce sera une rencontre qui marque toute la vie. L’un des disciples de Jean se souvient même de l’instant de la rencontre avec Jésus : « Il était environ quatre heures de l’après-midi ».

A vous, comme à eux, Jésus adresse la question de fond : « Que cherchez-vous ? », ou encore mieux « Qui cherchez-vous ? ». On reste lié par cette question qui, en pénétrant le cœur, va sonder les profondeurs de notre existence : on ne peut pas se soustraire ou rester indifférent. Le mystère de la grâce met ensuite en mouvement nos attitudes en nous faisant mendier une réponse : « Maître, où demeures-tu ? ». « Venez et vous verrez », est la réponse de Jésus. Et ils allèrent, virent où il demeurait et ce jour-là ils restèrent auprès de lui. Une rencontre, une relation personnelle d’amitié qui remplit le cœur et transforme la vie, aujourd’hui comme alors. Tous ceux qui le rencontrent, qui le suivent sont fortement frappés par la profondeur et par la plénitude de sa vie. Une vie qui a été et reste pour toujours le modèle d’une vocation vécue avec une fidélité absolue envers Dieu et envers les hommes.


Quand vous vous demandez, chers jeunes, « que faire pour donner un sens plein à la vie ? », portez votre regard vers cet Homme qui nous a aimés jusqu’à se livrer totalement lui-même pour nous. En Lui se trouvent le modèle de tout projet de vie et la réponse fidèle et complète à toute vocation, parce qu’il est un Homme intensément unifié autour d’un point focal. En Lui tout – chaque énergie qu’elle soit physique, psychique, intellectuelle, effective ou volitive – est concentré autour d’un noyau qui attire et harmonise tout ce qu’Il a et tout ce qu’Il est. Il n’est pas un “homme-papillon” qui est constamment en mouvement d’une plante à l’autre à la recherche d’une belle fleur éphémère, mais un “homme-rocher”, solidement ancré sur un élément central dans lequel il plonge ses racines : cet élément unifie et harmonise sa vie avec la volonté du Père, oriente chacun de ses gestes et chacune de ses paroles, est totalement présent dans son action et sa prière. Cet élément central unifiant autour duquel gravite toute sa personne est son grand rêve, un projet de longue haleine, sa vocation.

Une des paraboles qu’il a racontées, celle de l’homme qui trouve un trésor, tandis qu’il est occupé à labourer un champ, et qui vend tout ce qu’il possède pour pouvoir en prendre possession, décrit très bien sa situation personnelle ; vraiment ce rêve lui a ravi le cœur, parce que, comme il le dit lui-même : “là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur”.

Jésus vit avec une authentique passion le don de lui-même à la cause du rêve qu’il porte dans son cœur : la prédication et la construction du Royaume de son Père, qui veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la plénitude de vie. Son existence n’est pas une existence vécue en faisant n’importe quoi ou en agissant avec mollesse. Elle est, au contraire, une existence vécue avec une intensité insoutenable. Elle est une vie pleine d’élan et de dynamisme. Ses paroles ne laissent pas de doutes : « Je suis venu jeter un feu sur la terre, et comme je voudrais que déjà il fût allumé ! ». L’image du feu est très expressive, et traduit d’elle-même l’ardeur avec laquelle Il cherche à faire aboutir la cause qu’Il a embrassée.

Ce feu est l’Esprit Saint qui nous fait devenir nouveaux, avant tout dans la prière. Le fruit de l’Esprit Saint est l’amour qui se manifeste dans la paix au-dedans de nous, dans la joie de notre milieu et dans le dynamisme de notre vie. Renouvelés par l’Esprit, nous devenons des personnes accomplies : patientes, fidèles, engagées.


Ce même feu, chers jeunes, doit réchauffer votre cœur, aujourd’hui.

Vous ne pouvez pas vous résigner à vivre votre vie comme si elle était un simple cycle biologique (naître, grandir, se reproduire et mourir) ; vous ne pouvez pas organiser votre existence comme une vie privée d’énergie, anémique, sans passion à l’égard de Dieu et du prochain. Vous ne pouvez pas gaspiller votre vie en vous réduisant au rôle de consommateurs et de spectateurs. Vous êtes appelés à devenir des protagonistes dans la société et dans l’Eglise : « vous êtes le sel de la terre et la lumière du monde », dirait Jésus.

La décision de suivre Jésus d’une manière radicale, on la prend tout entière en misant sur un pari, celui de pouvoir s’enflammer d’amour pour Dieu et de se dépenser en faveur de l’homme, spécialement de celui qui est laissé dans la plus grande pauvreté et l’abandon.

Oui, chers jeunes ! “Aujourd’hui” Dieu a besoin de vous pour “refaire” le monde. Chaque homme, chaque femme a un rêve pour lequel il lui faut vivre et dont il lui faut parler. Personnellement, poussé par l’Esprit de Jésus, j’ai toujours entretenu et développé mon rêve, et, encore aujourd’hui, je l’entretiens et le développe : un vaste mouvement d’adultes et de jeunes qui constitue une prophétie de ce nouveau monde. Un monde dans lequel chaque homme puisse obtenir justice. Un monde dans lequel soient au centre les “petits”, les derniers. Un monde dans lequel les personnes soient, entre elles, des frères et des sœurs. Ce nouveau monde peut prendre forme, devenir réel, si vous suivez Jésus, si vous prenez à cœur ses paroles et réalisez ainsi le rêve de Dieu.

Tous ensemble, nous pouvons donner vie à un grand Mouvement salésien fortement préoccupé d’aider les jeunes, surtout ceux qui vivent le plus dans la pauvreté et dans les difficultés ; et, pour cela, nous ferons des projets pour le présent et pour l’avenir, nous viserons à des objectifs importants pour le renouvellement de nous-mêmes et des autres, nous contribuerons d’une manière significative au changement du monde et du cours de l’histoire. La Famille Salésienne veut assumer cet engagement comme une vocation et comme une mission spéciale. Et vous, chers jeunes, dans cette Famille vous devez vous sentir chez vous, en sachant que vous constituez la joie et le fruit le plus mûr de notre travail.


Dans l’Eglise et dans la Famille Salésienne il y a différentes vocations, mais toujours l’œuvre d’éducation et d’évangélisation, à laquelle nous sommes appelés, enfonce ses racines dans la profondeur et dans la tendresse de l’amour de Dieu, parvient jusqu’à nous au moyen du don de soi qu’accomplit le Christ comme expression de son amour et se transmet à l’humanité au moyen du don total de soi à d’autres hommes et à d’autres femmes. La vocation n’est jamais la fuite d’une réalité hostile, perçue comme difficile ou décevante, et n’est pas non plus le choix qui aurait comme premier objectif l’efficacité apostolique, mais elle est plutôt un chemin d’amour qui porte vers l’Amour. Et de l’expérience fondamentale d’un amour, qui demande à être vécu en restant unique et exclusif, découle une manière nouvelle de voir et d’affronter la réalité. Le cœur purifié par le don de soi à Dieu et par l’Esprit Saint, devient capable de lire la beauté intérieure de chaque créature et de l’aimer d’une façon désintéressée. C’est la miséricorde elle-même de Dieu qui exerce son pouvoir sur le cœur humain et prend soin de toute douleur, de toute faiblesse.


Pour ma part, je prie pour vous, Chers Jeunes, pour qu’encore aujourd’hui beaucoup d’entre vous se laissent attirer fortement par Dieu, remplir d’admiration pour Lui, au point de Lui accorder le don total d’eux-mêmes. Si vous vous mettez au service de l’Amour, ne vous manqueront pas les joies profondes. Ce sont les joies de la fécondité qui vient de l’intimité avec Dieu et de la fatigue de l’ouvrier qui vit seulement pour la cause du Royaume.

Je prie aussi pour mes chers fils, les Salésiens, pour qu’ils puissent vivre avec joie et fidélité la grande aventure de la paternité spirituelle. Qu’ils puissent être vos guides compétents dans la recherche de sens et dans l’élaboration de votre projet de vie ; des frères sincères qui se font vos compagnons de voyage et vous rompent le pain de la Parole de Dieu qui donne la vie, illumine, réconforte sur le pénible chemin. La Parole qui ouvre à la prière et ranime le feu secret que nous portons dans le cœur. Sans cette capacité de contemplation, notre vie spirituelle et apostolique ne tient pas debout. Soyez, Chers Salésiens, des guides éclairés pour ceux qui demandent une direction spirituelle et qui pratiquent la vie sacramentelle et ecclésiale ; des maîtres sages et patients pour ceux qui s’appliquent dans la recherche de leur vocation personnelle.


Je prie, en particulier, pour que l’Esprit Saint suscite des ouvriers zélés, créatifs, capables d’aller à la rencontre de tous ces jeunes qui aujourd’hui ne frappent plus aux portes de l’Eglise. Il s’agit de jeunes qui, sur leur route vers l’étoile, voudraient rencontrer des mages plutôt que les scribes de Jérusalem ; des jeunes qui ne nous demandent pas encore ce qu’il faut croire, mais plutôt ce que signifie croire. Pour tout cela, un vrai changement de perspective pastorale est nécessaire.


Jeunes très chers et Salésiens très aimés, plaçons sous le regard maternel de Marie notre vie, perçue comme une vocation, et notre mission éducative. Marie a été Celle qui a accepté de devenir une disciple du Seigneur, en écoute continue, dans son cœur et dans sa vie, de la Parole de Dieu. Elle a été Celle qui a répondu à l’appel de Dieu par un don d’elle-même total, courageux et libre : « Voici la Servante du Seigneur ». D’elle, femme nouvelle, maîtresse de foi et d’émerveillement, la Famille Salésienne apprend à être une disciple du Seigneur et une “Mère”, qui, dans l’amour, donne la vie aux jeunes et les éduque au don généreux de leur propre vie afin d’en atteindre la plénitude.


Turin, 31 janvier 2011



[ Avec toute mon affection ]

[ en Jésus-Christ ]

[ Prêtre Jean Bosco ]

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