14-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XIV-Vol.4-Lettres


14-Oeuvres de Saint Francois de Sales-Tome XIV-Vol.4-Lettres



1 Pages 1-10

▲back to top


1.1 Page 1

▲back to top


ŒUVRES
DE
SAINT FRANÇOIS DE SALES
ÉVÊQUE ET PRINCE DE GENÈVE
ET
DOCTEUR DE L'ÉGLISE
ÉDITION COMPLÈTE
D'APRÈS LES AUTOGRAPHES ET LES ÉDITIONS ORIGINALES
ENRICHIE DE NOMBREUSES PIECES INEDITES
DÉDIÉE A N. S. P. LE PAPE LÉON XIII
ET HONORÉE DE DEUX BREFS PONTIFICAUX
PUBLIÉE SOUS LES AUSPICES DE Mgr L'ÉVÊQUE D'ANNECY,
PAR LES SOINS DES RELIGIEUSES DE LA VISITATION
DU IER MONASTÈRE D'ANNECY
TOME XIV
LETTRES VOLUME IV
ANNECY
MONASTÈRE DE LA VISITATION
MCMVI
Droits d'auteur pour tous les fichiers des Oeuvres complètes de saint François de Sales: sont mis à disposition pour
un usage personnel ou l'enseignement seulement. Dans l'usage public vous devez indiquer la source
www.donboscosanto.eu. Pas être utilisés à des fins commerciales de toute nature!
Deuxième édition
1/329

1.2 Page 2

▲back to top


ŒUVRES
DE
SAINT FRANÇOIS DE SALES
ÉVÊQUE ET PRINCE DE GENÈVE
ET
DOCTEUR DE L'ÉGLISE
TOME QUATORZIÈME
LETTRES
IVme VOLUME
1608 1610
2/329

1.3 Page 3

▲back to top


Propriété
3/329

1.4 Page 4

▲back to top


4/329

1.5 Page 5

▲back to top


5/329

1.6 Page 6

▲back to top


ŒUVRES
DE
SAINT FRANÇOIS DE SALES
ÉVÊQUE ET PRINCE DE GENÈVE
ET
DOCTEUR DE L'ÉGLISE
ÉDITION COMPLÈTE
D'APRÈS LES AUTOGRAPHES ET LES ÉDITIONS ORIGINALES
ENRICHIE DE NOMBREUSES PIÈCES INÉDITES
DÉDIÉE A SA SAINTETÉ LÉON XIII
ET HONORÉE DE DEUX BREFS PONTIFICAUX
PUBLIÉE SOUS LES AUSPICES DE Mgr L'ÉVÊQUE D'ANNECY,
PAR LES SOINS DE RELIGIEUSES DE LA VISITATION
DU IER MONASTÈRE D'ANNECY
TOME XIV
LETTRES VOLUME IV
ANNECY
MONASTÈRE DE LA VISITATION
MCMVI
Droits de traduction et de reproduction reserves
6/329

1.7 Page 7

▲back to top


Les Religieuses du 1er Monastère de la Visitation Sainte-Marie d'Annecy ayant sollicité, le
21 novembre 1904, de notre Saint-Père le Pape Pie X une bénédiction particulière en faveur de
l'Edition des Œuvres de leur saint Fondateur, Sa Sainteté a daigné les honorer d'un Bref adressé à
Mgr Campistron, Evêque d'Annecy, le 1er janvier 1905. On donne ci-après le texte et la traduction
de ce document qui a pénétré de gratitude respectueuse et rempli d'un nouveau coulage ceux qui
travaillent à l'entreprise.
7/329

1.8 Page 8

▲back to top


Index OCR
Index OCR................................................................................................................................................ 8
Pius PP. X............................................................................................................................................... 23
Pie X, Pape ............................................................................................................................................. 24
Avant-Propos.......................................................................................................................................... 25
Avis au lecteur........................................................................................................................................ 32
Lettres de Saint François de Sales. Année 1608..................................................................................... 33
CDXLIV. A Madame de la Fléchère. Il faut premièrement «avoir patience d'estre imparfait.»
Conseils pratiques pour mettre son esprit en posture de suavité. A quoi doivent servir nos chutes.
............................................................................................................................................................ 33
CDXLV. A Madame de Vallon. Le Saint donne à la destinataire des nouvelles de son mari et de sa
parenté. ............................................................................................................................................... 34
CDXLVI. A Monseigneur Pierre Fenouillet, Evêque élu de Montpellier (Inédite). Remerciements et
félicitations pour l'envoi d'une oraison funèbre; souhaits d'amitié offerts au destinataire, son futur
frère dans l'épiscopat. Message pour un ami commun. ................................................................. 35
CDXLVII. Au Roi de France. Pauvreté des curés du Bugey ; supplique en leur faveur.................... 36
CDXLVIII. A Madame de la Fléchère. L'humilité joyeuse dans les légers manquements. Les
exercices de dévotion pendant la journée. Faire comme Notre-Dame : se tenir toujours d'une main
à Notre-Seigneur. — Apprivoiser son cœur à la mansuétude. — Les prières vocales et l'oraison
mentale. .............................................................................................................................................. 37
CDXLIX. A M. Antoine des Hayes. Henri IV désire attacher le Saint au service de l'Eglise de son
royaume. Humilité et désintéressement de François de Sales ; c'est la volonté du Pape qui lui
manifestera la volonté de Dieu. .......................................................................................................... 38
CDL. Au même. Le Saint voudrait savoir de son ami les intentions de Henri IV à son égard.
Diverses raisons persuadent l'Evêque d'attendre sans inquiétude la suite des événements ; il ne veut
que la volonté de Dieu. Témoignages d'amitié. Message pour Mgr de Montpellier. ................ 39
CDLI. A la Baronne de Chantal. Rien ne se fait que sous la conduite de Dieu. Lé Saint ne veut
que Dieu pour son partage. L'objet de ses considérations en l'oraison.......................................... 40
CDLII. A la même. Il faut tout faire avec une diligence tranquille. On veut tirer l'Evêque de sa
terre et de son «parentage» ; sentiments que lui inspire ce projet. Le rendez-vous de l'âme du
Saint.................................................................................................................................................... 41
CDLIII. A Madame de Vallon (Inédite). Témoignages de dévouement à une parente. Nouvelles et
messages. ............................................................................................................................................ 42
CDLIV. A Mademoiselle Claudine de Chastel. Le vœu de chasteté: considérations qu'il faut faire
pour s'y préparer. Eloge de la sainte chasteté: vertu vraiment céleste, qui consacre à Dieu les âmes
et les corps, vouée d'abord par Notre-Dame, et après elle, par toute la troupe des cœurs vierges. —
Formule de ce vœu; il fait de notre corps une sainte relique, un calice consacré............................... 43
CDLV. A Madame de la Fléchère. Un moyen commode d'acquérir les solides vertus: se mettre en
patience avec opiniâtreté. Pour réussir dans les affaires, compter sur l'assistance de Dieu et user
d'une douce diligence. Les affaires de ce monde et les maisonnettes des petits enfants. La
chose la plus importante. Toujours recommencer: le meilleur moyen pour achever la vie
spirituelle. ........................................................................................................................................... 44
8/329

1.9 Page 9

▲back to top


CDLVI. A Monseigneur Pierre Fenouillet, Evêque élu de Montpellier (Inédite). Eloge de des Hayes,
«le grand amy» de Pierre Fenouillet et de l'Evêque de Genève. C'est surtout sur les petits lacs
d'eau douce que la barque du Saint se plaît à voguer. ........................................................................ 46
CDLVII. Au Père Jean Comes, Religieux Augustin. Différend entre les chanoines du Chapitre de
Saint-Pierre et les Augustins de Seyssel ; pour le régler, une entrevue est proposée par le Saint.
Assurance d'affectueux dévouement. ................................................................................................. 47
CDLVIII. A Madame de la Fléchère. Deux choses qu'il faut joindre ensemble. Comment
reprendre son cœur quand il a failli.................................................................................................... 48
CDLIX. A Mademoiselle Claudine de Chastel. Dieu protège les vœux qu'il a inspirés. — Il n'est pas
toujours possible ni à propos de fuir, mais il est toujours nécessaire de combattre avec opiniâtreté.
Les afflictions qui aident à bien servir Dieu. Conseils pour l'oraison. Bonheur de s'être
consacré à Notre-Seigneur.................................................................................................................. 49
CDLX. Au Cardinal Pompée Arrigoni, Secrétaire du Saint-Office (Minute). Le Saint demande au
Saint-Siège le renouvellement de plusieurs permissions qui doivent faciliter son ministère et celui de
ses prêtres. .......................................................................................................................................... 50
CDLXI. A la Baronne de Chantal. Il faut aimer l'attente que Dieu impose à l'accomplissement de nos
désirs. Projet de voyage en Bourgogne. Le sacre de l'Evêque de Lausanne. Le Saint aimé de
«beaucoup de bons veillars.» Pensées qui lui sont venues quand il faisait oraison. «Il faut bien
que les filles soyent un petit jolies.» Portrait du P. de Monchy. Le Frère Matthieu. Pour se
mêler d'exorcismes, il ne faut pas être trop crédule. Les femmes et le culte ; la part qu'elles
peuvent y prendre. Retour d'apostats. Nouvelles et messages. Mme de Charmoisy «chemine
fort bien.» ........................................................................................................................................... 52
CDLXII. A la Présidente Brulart. Le Saint n'est «point homm'extreme ;» il espère obtenir davantage
de Rose Bourgeois par une entrevue. Ne pas trop s'attacher aux pratiques de piété de son choix.
Dieu veut être servi par les exercices compatibles avec les devoirs d'état. Estime du Saint pour
l'Ordre du Carmel. .............................................................................................................................. 55
CDLXIII. A un cardinal (Fragment). Un reproche immérité. Les Savoisiens ne lisent pas de
mauvais livres..................................................................................................................................... 57
CDLXIV. A la Baronne de Chantal (Fragments). Transcription de l'Introduction à la Vie devote.
Le projet de la Visitation sourit de plus en plus au saint Evêque, Son amour pour Notre-Seigneur.
Nouvelles de la ferveur de Mme de Charmoisy. Bonheur de ne prétendre qu'à Dieu................ 58
CDLXV. A M. Pierre de Berulle. Retour à la foi d'un apostat ; M. de Bérulle y a beaucoup coopéré.
Le Saint se réjouit d'apprendre le bien qui se fait à Paris par son entremise et celle de ses amis. 59
CDLXVI. Au Baron Amédée de Villette. L'Académie Florimontane et ses premiers membres. Le
Saint promet sa visite au châtelain de Dérée, son parent, nouvellement marié.................................. 60
CDLXVII. Au Pere Pierre Dubouloz, Dominicain (Inédite). Election d'un prieur au couvent des
Dominicains d'Annecy; l'élu est prié avec une aimable insistance d'accepter cette charge................ 62
CDLXVIII. A Madame de la Fléchère. Conseils à une femme chrétienne. L'humeur mélancolique
: circonstances qui la favorisent ; nécessité et moyens de la combattre. Une parole de sainte
Angèle de Foligno. ............................................................................................................................. 63
CDLXIX. A la même. La tranquillité d'âme, mère du contentement et fille de l'amour de Dieu.
Les sujets de se mortifier plus grands dans le monde qu'en Religion. Ne s'astreindre «que tout
bellement» aux exercices de piété, est chose conseillée en certains cas. Attitude devant la
souffrance. Qu'il est permis de se plaindre à Dieu, et à quelle condition. Notre-Seigneur aime
ceux qui souffrent............................................................................................................................... 64
CDLXX. A la même (Inédite). Dispositions, pieux espoir du Saint à l'approche d'une naissance.65
9/329

1.10 Page 10

▲back to top


CDLXXI. A M. Claude-François de la Flechere. Félicitations, prédictions, prières du saint Evêque
répandues sur un berceau. .................................................................................................................. 65
CDLXXII. A Madame de la Fléchère. La vertu des vertus. Comment servir le Maître. Le
moyen de faire glorifier Dieu par le prochain. Quand les mortifications sont interdites par une
santé délicate, que faut-il faire ?......................................................................................................... 66
CDLXXIII. Au Duc de Savoie, Charles-Emmanuel Ier (Inédite). L'Evêque de Genève avertit le duc
qu'il ira en Bourgogne pour une affaire de famille............................................................................. 67
CDLXXIV. A Madame de Charmoisy. La «soigneuse assistance» des bons Anges. Exhortation à
progresser dans l'amour de Dieu. Message pour une ancienne Abbesse....................................... 67
CDLXXV. A la Baronne de Chantal. La Baronne est prévenue que le Saint est aux «portes» de
Monthelon. ......................................................................................................................................... 68
CDLXXVI. A Madame Bourgeois, Abbesse du Puits-d'Orbe. Encouragements à persévérer dans de
saintes résolutions............................................................................................................................... 69
CDLXXVII. A une religieuse. Dieu agrée extrêmement la résignation dans les maladies et
l'obéissance au médecin. Les croix qu'il faut baiser avec amour................................................... 69
CDLXXVIII. A la Baronne de Chantal. Anne-Jacqueline Coste offre spontanément au Saint de servir
les futures Religieuses qu'il méditait d'établir. ................................................................................... 70
CDLXXIX. Aux Ecclésiastiques du Bugey, du Valromey et de Gex. Les ecclésiastiques des pays
exemptés des décimes doivent envoyer à Lyon un député pour régler le paiement d'un don. ........... 71
CDLXXX. A M. Etienne Dunant, Curé de Gex. Servir Dieu où l'on est. Le labeur patient n'est
jamais stérile devant Dieu. Le désir du changement empêche le succès de l'œuvre présente. ........... 72
CDLXXXI. A la Baronne de Chantal. Accueil que fait le Saint aux désirs et aux recommandations
de la baronne de Chantal. Dieu seul est un guide indispensable. Sortir du monde, pour
plusieurs, n'est pas toujours sortir d'eux-mêmes et de leur amour-propre. La fin qu'on doit se
proposer en quittant le siècle. Une sainte Fondatrice dont la Congrégation semble donner à penser
au futur Fondateur de la Visitation. Conseil du Saint à «ceux qui se meslent des ames» et aux
personnes de piété. Son affection pour le père et les enfants de sa fille spirituelle. La jeune fille
et le seau d'eau. Messages divers................................................................................................... 73
CDLXXXII. Au Père Nicolas Polliéns, de la Compagnie de Jésus (Inédite). Témoignages d'affection
pour les PP. Jésuites de Chambéry et de sympathique dévouement à une pieuse chrétienne qui
soupirait après le cloître. .................................................................................................................... 76
CDLXXXIII. A Mademoiselle Clement. Se résigner humblement, si, malgré tous nos efforts, notre
désir n'est pas accompli. Les âmes que Dieu aime «en tout et par tout.»...................................... 77
CDLXXXIV. A la Baronne de Chantal. La fête de la Dédicace ; les cœurs et les corps, temples
mystiques dédiés à Dieu par les vœux. — La dévotion du Rosaire à Annecy. La baronne de
Chantal à l'hôpital de Beaune. ............................................................................................................ 78
CDLXXXV. A Madame de la Fléchère. Les vendanges. Comment l'Epoux divin des âmes nourrit
leur espérance et repaît leur amour. Les vendanges spirituelles. Le côté du Sauveur percé sur la
croix. Les choses temporelles doivent servir «d'eschellon» aux spirituelles. Comment il faut
considérer ses fautes. .......................................................................................................................... 79
CDLXXXVI. A Madame de Maillard, ancienne Abbesse de Sainte-Catherine. Souhaits de ferveur
par le don du cœur à Dieu. — N'aimer rien qu'en lui, par lui et pour lui. .......................................... 80
CDLXXXVII. A la Baronne de Chantal. Humilité du Saint ; sa confusion et sa peine de se voir
estimé. Se tenir dans l'indifférence. ............................................................................................... 81
CDLXXXVIII. A Madame de la Fléchère. L'insensibilité et l'indifférence religieuse : définition de
l'une et de l'autre ; celle-ci est un grand don de Dieu. ........................................................................ 81
10/329

2 Pages 11-20

▲back to top


2.1 Page 11

▲back to top


CDLXXXIX. Aux Syndics ou aux Messieurs du Conseil de Rumilly. L'église paroissiale de Rumilly
a besoin d'une restauration: difficultés de l'entreprise; encouragements à les vaincre. Affection du
Saint pour la ville; son humilité.......................................................................................................... 82
CDXC. A Madame de Mieudry. Les menues pensées de vaine gloire et les mouches. Les larmes
et les résolutions, «la tendreté de cœur et la fermeté de cœur»: choses bien différentes. — Les
pensées importunes. Ne pas tourmenter son âme. ......................................................................... 84
CDXCI. A Mademoiselle de Bréchard. Recommandations pressantes de garder son cœur, de le
mortifier et de le tenir en même temps dans la joie. Messages. .................................................... 85
CDXCII. A la Baronne de Chantal. Amiable partage de biens pour faciliter le mariage de Bernard de
Sales. .................................................................................................................................................. 86
CDXCIII. A Madame de la Chambre, Religieuse de l'Abbaye de Baume. Pourquoi il ne faut pas
remettre les Vêpres après souper. Le moyen d'être consolée pour cette vie et pour l'autre.
Messages divers.................................................................................................................................. 86
CDXCIV. A la Baronne de Chantal. Anniversaire d'une consécration épiscopale. Sentiments de
François de Sales à propos de cet événement..................................................................................... 87
CDXCV. A Mademoiselle de Traves. Témoignages d'affectueux dévouement. Ingénieuse
manière de demander à une âme chrétienne si elle aime Dieu; que faire quand on aime bien Dieu.. 88
CDXCVI. A la Baronne de Chantal. Départ de Bernard de Sales pour la Bourgogne. Souhaits et
actions de grâces à propos de son mariage. Le Saint déplore les dangers que court une âme
infidèle à ses engagements sacrés et bénit Dieu qui l'a gardé de l'erreur dès son jeune âge. Les
saints Pères et l'hérésie. Un ministre converti. «Madamoyselle de Perdreauville» et sa famille.
La manière de prêcher contre les hérétiques. ................................................................................ 89
CDXCVII. A Madame Bourgeois, Abbesse du Puits-d'Orbe. Le Saint demande à l'Abbesse de ses
nouvelles. Conseils divers. Le moyen de tirer profit de ses infirmités. Exhortation à la
dévotion. Assurance de dévouement. ............................................................................................ 91
CDXCVIII. A Madame de Rochette, Religieuse de l'Abbaye de Sainte-Catherine (Inédite). Un sujet
inépuisable de correspondance. Le Saint envoie à la destinataire des chansons spirituelles......... 92
CDXCIX. A M. Claude Bretagne. Souhaits de courtoisie à un magistrat à la fin d'une année.
Pourquoi la fuite des années ne doit pas nous attrister. ...................................................................... 93
D. A la Baronne de Chantal. Dieu favorise le dessein de la Visitation en lui préparant des âmes
d'élite. Une prétendante ; estime qu'en fait le saint Evêque. ......................................................... 94
Fragments de lettres a la Baronne de Chantal, 1605-1608 ..................................................................... 95
DI. Ne jamais reprendre le temps fixé pour l'oraison. Le crucifix matériel et le vrai Crucifix.
Comment s'accuser en confession. La simplicité, l'amitié, la petitesse. Que faire quand il arrive
des pensées mauvaises........................................................................................................................ 95
DII. Exhortation à la douceur dans les relations avec le prochain. Comment réprimer les défauts de
nos inférieurs. Aveu du Saint. Les vainqueurs du mal. ............................................................ 96
DIII. Avoir son âme en ses mains; comment elle nous échappe et les moyens de la reprendre.
Obligation d'une âme qui est toute à Dieu. Le présent, le passé et l'avenir, et l'emploi qu'il
convient d'en faire pour servir Notre-Seigneur comme il le désire. ................................................... 97
DIV. (Fragment inédit). Un «point d'importance.» Les feuilles, les fleurs et les fruits des
amitiés mondaines. Les petits renardeaux et les mouches mortes. Les amitiés mauvaises et les
amitiés de charité ; différence de leurs allures. Il faut couper les premières, et «auconteau
tranchant.» Le trouble de la Sainte Vierge à la vue d'un Ange doit servir de leçon aux âmes
pudiques. ............................................................................................................................................ 98
DV. Vertus, exercices, lieu, rang, gloire et couronne des veuves. A qui faut-il laisser les extases et la
contemplation de l'Essence divine. Tableau rapide des vertus que la très Sainte Vierge a
11/329

2.2 Page 12

▲back to top


pratiquées depuis Nazareth jusqu'au Calvaire. Les petites et les grandes vertus ; c'est par les unes
qu'on arrive aux autres. La «femme forte» et ce qu'il faut faire pour lui ressembler. Dieu, comme
un bon père, accommode ses pas aux nôtres. — Comment fortifier son cœur contre Satan et le rendre
«imprenable.» ..................................................................................................................................... 99
DVI. L'esprit naturel et l'esprit chrétien ou l'esprit de la foi ; les rébellions du premier n'empêchent
pas celui-ci de subsister et d'avoir finalement la victoire. La barque, l'aiguille marine et la «belle
estoile.» Que doit faire l'âme chrétienne au temps de la «dereliction.» Comment se conduire
dans les assauts contré la foi et dans les tentations de vanité et de vaine gloire. Les assoupissements
et les distractions. Les nuages du ciel atmosphérique et les brouillards de l'esprit. Porter
remède au mal, mais se tenir dans l'indifférence à l'égard des résultats. Le moyen d'être parmi le
monde, sans y avoir son cœur........................................................................................................... 101
DVII. Une grâce que le Saint sollicite de Notre-Seigneur pour Mme de Chantal. La présence de
Dieu dans l'âme chrétienne, d'après sainte Thérèse et saint François de Sales. ............................... 102
DVIII. La charité envers le prochain ne doit pas nous faire couvrir le mal. Blâmons le vice,
épargnons les personnes. Comment nous devons considérer les actions du prochain. La charité
et les pécheurs. ................................................................................................................................. 103
DIX. A un inconnu (Fragment inédit). Regrets adressés à un supérieur de n'avoir pas su le rencontrer
pour lui baiser les mains. .................................................................................................................. 103
DX. A la Baronne de Chantal. Impatience de Mme de Boisy de voir la conclusion du mariage de son
fils Bernard. Le Saint partage ce même désir, mais sans impatience. ......................................... 104
Année 1609 .......................................................................................................................................... 105
DXI. Aux Syndics de Rumilly. Entremise du Saint auprès des FF. mineurs Capucins en faveur de la
ville de Rumilly. ............................................................................................................................... 105
DXII. A Madame de la Fléchère. Les assoupissements des sens et la volonté résolue d'être tout à
Dieu. La miséricorde de Dieu surpasse la misère de ceux qui «en luy ont logé leurs esperances.»
Le meilleur remède contre l'appréhension de la mort. Ne pas examiner ce qui est fait, mais
penser à ce qui est à faire. Comment haïr nos défauts. Ce qui conserve «nos tares.» Désirs
illusoires de changement; c'est nous-même qu'il faut changer. ........................................................ 105
DXIII. A la même. Quand les mortifications ne manquent pas, n'en pas désirer d'autres. De quelle
plainte il se faut garder en toute façon. Les «petites tricheries quotidiennes.» La confiance
filiale des petits enfants proposée aux âmes qui aspirent à l'extrême perfection. Après les chutes,
il ne faut jamais se décourager. Dans quel cas il est sage de payer ce qu'on ne doit pas. ........... 107
DXIV. A Monseigneur Pierre de Villars, Archevêque de Vienne. L'Introduction a la Vie devote:
circonstances historiques de la publication de cet ouvrage. Pour quelles raisons l'auteur croit
devoir laisser aux grands ouvriers les grands desseins. Ouvrages moins laborieux qu'il médite
d'écrire: «un livret» de l'Amour de Dieu, un petit Calendrier et Journalier pour l'âme dévote, un
Traité de la prédication, une méthode de convertir les hérétiques. La bibliothèque du Saint en
Chablais. Jugement de Mgr Fenouillet sur l'Introduction. ........................................................... 109
DXV. A la Baronne de Chantal. Souhaits de bienvenue et offrande d'un gîte. Envoi d'exemplaires
de l'Introduction à la Vie devote. Joie du. Saint de voir que tous les siens parlent avec respect et
affection de la petite Aimée et de sa mère. Mme de Chantal attendue à Sales. De quels
documents l'auteur compte se servir pour une seconde édition de l'Introduction. L'Abbesse du
Puits-d'Orbe et son frère. Affection de François de Sales pour Marie-Aimée. ........................... 112
DXVI. A la Présidente Brulart. En quels cas une chrétienne doit être indifférente au choix du
confesseur. Les bonnes intentions et les mauvaises pensées. Dévotion de François de Sales à
sainte Thérèse. Intérêt qu'il porte à une veuve. Pourquoi les vertus des femmes mariées sont
agréables à Dieu. Unique souci d'une veuve chrétienne. Il faut être douce et suave parmi les
siens, et mettre un soin particulier à le devenir. ............................................................................... 114
12/329

2.3 Page 13

▲back to top


DXVII. A Madame de la Fléchère. Analyse d'une tentation de découragement. Comment doit
s'exercer l'apostolat des femmes chrétiennes hors de leur maison. Conduite à tenir lorsque nous
sommes préoccupés de savoir si nous avons bien fait. L'amour-propre et l'amour de Dieu. Les
heures de sommeil et la santé. Pourquoi le monde est quelquefois plus propice que le cloître à
l'acquisition des vertus...................................................................................................................... 116
DXVIII. A la Présidente Brulart. Les menues et fréquentes impatiences ; moyens de les surmonter.
Il faut être colombe à l'oraison, mais aussi dans son foyer et avec son entourage. ..................... 117
DXIX. A Monseigneur Jean-Pierre Camus, Evêque nommé de Belley (Fragment). Panégyrique en
raccourci de saint Joseph. Tableau de la Sainte Famille. François de Sales accepte avec joie de
«mettre la mitre en teste» au futur Evêque de Belley....................................................................... 118
DXX. A la Présidente Brulart. Trop différer la première Communion: grande erreur. Le visage
pâle et l'âme vermeille. Envoi d'un exemplaire corrigé de l'Introduction. ....................................... 119
DXXI. A Monseigneur Pierre de Villars, Archevêque de Vienne. Une «petite opiniastreté» de saint
François de Sales. L'Archevêque ayant refusé le titre de Monseigneur, le Bienheureux s'excuse de
le lui donner encore et lui expose les raisons de sa respectueuse obstination. ................................. 120
DXXII. A Madame Bourgeois, Abbesse du Puits-d'Orbe. Faire le bien joyeusement, sans s'attrister
de ses défauts. Tenir la clôture. Les confesseurs extraordinaires: manière d'observer la
prescription du Concile de Trente. L'administration des pensions et les avis que doit donner
l'Abbesse dans ses Chapitres. Rappeler au monastère une Religieuse absente et par quels
procédés. Conseils variés sur l'oraison, la lecture spirituelle, etc. Acquérir un grand courage au
service de Notre-Seigneur. ............................................................................................................... 122
DXXIII. A Monseigneur Pierre Fenouillet, Evêque de Montpellier. Le destinataire ayant écrit au
Saint une lettre d'affectueuse courtoisie, celui-ci lui envoie l'expression de son respect et de sa
confiance. ......................................................................................................................................... 124
DXXIV. A Mademoiselle de Traves. Le monde «n'est qu'un vray trompeur.» Considérations
proposées à une personne qui songeait à se marier. L'amour du Sauveur, de Notre-Dame et des
Saints à la très sainte unité de Dieu. ................................................................................................. 124
DXXV. A Monseigneur Pierre Fenouillet, Evêque de Montpellier (Inédite). Annonce de nouvelles.
Messages. Le nouvel Evêque de Belley. Jean-Pierre Camus songe à faire une visite à saint
François de Sales. «Une lettre toute d'amour.» ........................................................................... 125
DXXVI. A Madame Bourgeois, Abbesse du Puits-d'Orbe. Une cure difficile; le charitable Saint
prend l'avis d'un gentilhomme et d'un «viel cyrurgien» et députe à la malade le fils de celui-ci.
Conseil donné à l'Abbesse de renoncer au voyage de Savoie. Comment Dieu lui témoigne son
amour paternel.................................................................................................................................. 126
DXXVII. A la même. Offre de services spirituels. Visite annoncée. Nécessité de donner suite à
de bonnes résolutions. Exhortation à faire «beaucoup d'eslancemens de cœur sur Jesus crucifié.» 127
DXXVIII. A Madame de la Fléchère. Après un premier «choppement,» que faire? Comment
apaiser son cœur quand il est prévenu contre le prochain. — Il faut avoir de la compassion pour
celui-ci et suivre pour nous-même l'humilité. .................................................................................. 128
DXXIX. Au Duc de Savoie, Charles-Emmanuel Ier. Recommandation en faveur d'un officier sans
ressources. ........................................................................................................................................ 129
DXXX. A Madame de Cornillon, sa sœur. Les sentiments que doit exciter la perte des parents.
Mort de Mme de la Thuille. Le meilleur des souhaits. Comment il faut supporter les ennuis que
donnent les affaires temporelles. ...................................................................................................... 129
DXXXI. A Mademoiselle de Bréchard. Dieu le Père et ses images vivantes sur la terre. Que l'on
ne puisse pas communier sans ouïr la Messe, c'est une opinion nullement fondée. Les
Communions que nul ne peut refuser. La plus solide des nourritures au Ciel et sur la terre. ..... 130
13/329

2.4 Page 14

▲back to top


DXXXII. A Madame de la Fléchère. La réponse de La Faye au livre de la Croix ne vaut pas la peine
d'une réplique. Zèle de Mme de Mieudry pour la foi catholique. Messages. Quel est le vrai
esprit de Jésus................................................................................................................................... 131
DXXXIII. A la Baronne de Chantal. L'âme humaine et les afflictions de cette vie. Une réflexion
de saint Grégoire. Une vraie chimère. L'esprit de foi et la douleur. Les progrès d'un Saint
dans l'oraison. ................................................................................................................................... 132
DXXXIV. A Mademoiselle de Bréchard. L'art de cheminer sur la corde et «le baston de
contrepoidz» pour marcher assurément parmi les périls du monde. On ne peut jamais atteindre le
souverain degré de l'amour divin. — Pourquoi Dieu nous a donné notre cœur. .............................. 133
DXXXV. A la Présidente Brulart. L'Abbesse du Puits-d'Orbe désire venir en Savoie; réserves que
fait le Saint à propos de ce projet de voyage. Il se dispose à sacrer l'Evêque de Belley.
Comment réparer «le manquement» de la méditation. Pourquoi Dieu quelquefois empêche la
méditation. Les «vrayes continuelles oraysons» et «la pins dign' offrande.» La sainte Communion
en dehors de la sainte Messe. Faisons le bien avant de mourir, mais toujours avec discrétion.
Le bon plaisir de Dieu meilleur que le nôtre. ................................................................................... 134
DXXXVI. A la Baronne de Chantal. Quelques-unes des «mille douces pensees» du saint Evêque
pendant qu'il portait le Saint-Sacrement. Le pectoral de l'ancienne Loi et l'ostensoir eucharistique.
Effusions de piété. Nouvelles et messages. ............................................................................ 135
DXXXVII. A Madame de Cornillon, sa sœur. L'amitié d'un Saint pour sa sœur. — Ecercice
recommandé pour s'avancer en l'amour de Dieu. Quand les affaires réussissent-elles plus à
souhait. Pourquoi Mme de Cornillon paraît à son frère plus digne d'affection............................. 137
DXXXVIII. Au Père Claude-Louis-Nicolas de Quoex, Prieur du Monastère de Talloires. La réforme
dans un monastère demande une grande longanimité dans l'exécution et un cœur généreux. —
L'exemple de Notre-Seigneur. Les exercices de piété; l'habit, le mobilier, etc.; la «composition
exterieure» et son importance dans une Communauté. Conditions du succès. ........................... 138
DXXXIX. A M. Claude de Charmoisy. M. de Charmoisy s'apprête à quitter Turin, Un «ennemi
juré des cours.» Le Saint se réjouit à l'espoir de posséder son ami avec plus de loisir. .............. 140
DXL. A la Baronne de Chantal. La quatrième chose tout à fait ignorée de Salomon. L'ange
gardien de Celse-Bénigne. L'unique ambition d'un Saint. L'Evêque de Genève trouve son âme
«un peu plus a» son «gré que l'ordinaire,» et pourquoi. Ce qu'il veut, d'une volonté inviolable.
Le gui et les imperfections involontaires.......................................................................................... 141
DXLI. A M. Antoine Bellot (Minute inédite). Les conditions de la conférence contradictoire
proposée par les Genevois sont acceptées par le Saint. Celui-ci désire y apporter non un esprit de
contention, mais de bonne foi; entre les difficultés, il faut choisir les plus importantes et les éplucher.
Une dernière garantie à prendre. ................................................................................................. 142
DXLII. A M. Antoine des Hayes. Remerciements du Saint à son «arch'intime» qui voulait le faire
venir à Paris. Les obédiences qui entravent sa liberté. Invitation pour l'année 1611 à prêcher
dans la chaire de Saint-Gervais; hésitations de François de Sales pour accepter l'intervention de
Henri IV. Nouvelles de M. de Charmoisy et de sa rupture avec le duc de Nemours. Le Saint
désire rétablir le mari de Philothée. Un projet de pèlerinage à la Sainte-Baume. Mme de
Maignelais. La deuxième édition de l'Introduction. .................................................................... 143
DXLIII. Au Duc de Nemours, Henri de Savoie. Recommandation en faveur d'un gentilhomme, pour
lui obtenir de succéder à son père dans la charge de juge-maje du Faucigny. ................................. 146
DXLIV. Au Père Jacques-Philibert de Bonivard de la Compagnie de Jésus (Minute inédite). Raisons
et avantages d'offrir aux ministres de Genève une conférence publique. Manière de la proposer.
En quel cas il serait à propos d'engager la controverse sur les Versions. Comment; présenter la
doctrine catholique, et de la prudence requise en la formulant. Derniers avis. ........................... 147
14/329

2.5 Page 15

▲back to top


DXLV. A Madame de la Fléchère. L'attitude d'une âme chrétienne durant la maladie. Douceur et
tranquillité. Comment ne jamais trébucher. ..................................................................................... 150
DXLVI. A Dom Michel Boudet, Prieur de Pommier. Prière au destinataire de s'entremettre auprès
des sujets de sa Maison qui refusaient de payer les prémices à leur curé. ....................................... 151
DXLVII. Au Président Antoine Favre. Négociations du Saint dans le pays de Gex. Une première
Messe après soixante-treize ans d'interruption. La traversée de Genève..................................... 152
DXLVIII. Au Duc de Savoie, Charles-Emmanuel Ier. François de Sales offre au duc la deuxième
édition de l'Introduction à la Vie devote. Culte du bienheureux Amé en Savoie et en Bourgogne.
Supplique pour obtenir que le président Favre puisse transmettre à son fils René la charge de
sénateur............................................................................................................................................. 153
DXLIX. Au Roi de France, Henri IV. Remerciements adressés à Henri IV à propos du
rétablissement du culte catholique dans deux paroisses de Gex; «bien infini» qui en résultera. Le
digne héritier et imitateur de saint Louis et de Charlemagne. Zèle et prudence du baron de Lux.
.......................................................................................................................................................... 155
DL. A Madame de la Fléchère. Les suites d'une chute. Annonce d'un deuxième voyage en
Bourgogne. Les Saints ne sont pas «despiteux.» Les curiosités qu'il faut éviter.................... 156
DLI. A Madame de la Forest, Religieuse de l'Abbaye de Bons (Inédite). Les «ames revesches» et le
Saint. Pourquoi la patience est nécessaire à ceux qui veulent servir les âmes. Une Religieuse
qui avait besoin de changer d'air. Les promenades dangereuses. Envoi d'un exemplaire de
l'Introduction. ................................................................................................................................... 157
DLII. A la Baronne de Chantal. A une journée de Monthelon, le Saint prévient la Baronne qu'il va
arriver. Il demande «un petit bain de sauge» pour son pied à peine guéri d'une chute récente... 158
DLIII. A M. Pierre de Berulle. Sympathie très effective de François de Sales pour le dessein de M.
de Bérulle. Il conseille une démarche auprès du Nonce.............................................................. 159
DLIV. Aux Magistrats de la Ville de Salins. Acceptation d'une invitation à prêcher dans la ville de
Salins. ............................................................................................................................................... 160
DLV. A la Baronne de Chantal. Pourquoi nous sommes en ce monde. Absoudre, c'est donner
Jésus-Christ. Le traité du P. Arias. Le corporal envoyé par la Baronne...................................... 161
DLVI. A Madame de Boisy, sa mere. Mme de Boisy est priée par son fils de consulter le médecin
Marc Offredo. Pourquoi elle doit se dégager de certaines «petites pensees.» Le «petit advis»
que le Saint donne clairement à sa «chere Dame et bonne Mere.» .................................................. 162
DLVII. A la Baronne de Chantal. Retour de François à Annecy; il en donne avis à la baronne de
Chantal. L'abandon de tout notre être au bon plaisir divin; bonheur qu'il procure. Le sacré
oreiller de saint Jean. ........................................................................................................................ 163
DLVIII. A M. Antoine des Hayes. Nouvelles rétrospectives d'un voyage en Bourgogne.
Pèlerinage différé. François de Sales accusé auprès du duc de Savoie d'avoir fait une tentative
pour reprendre son autorité temporelle de prince-évêque de Genève; le fondement de cette calomnie.
Un mariage désiré. Dévouement des amis de M. de Charmoisy pour le tirer de sa retraite.
Trois dames destinataires de l'Introduction a la Vie devote. ............................................................ 164
DLIX. Au Père Antoine Possevin, de la Compagnie de Jésus (Inédite). Les fruits des Exercices de
saint Ignace. Progrès des conversions autour de Genève. Une paysanne missionnaire.
Rétablissement du culte catholique à Gex. Un grand nombre de genevois ébranlés; obstacles qui
s'opposent à leur retour. Le Saint raconte comment il a traversé Genève à cheval et l'émoi que son
passage a suscité dans la ville. Le mauvais vouloir des ministres à l'égard des propositions de
François de Sales. Comment l'Introduction a la Vie devote a vu le jour; cause de son succès.
Offrande d'un exemplaire au destinataire. ........................................................................................ 166
15/329

2.6 Page 16

▲back to top


DLX. A la Baronne de Chantal. Promesses pour le recrutement de la future Congrégation. Le
passage par Genève et les calomniateurs. Le dessein de François de Sales traversé. Occupations,
affections pieuses, souvenirs évoqués au cours du voyage d'un apôtre. Les grands désirs qui
remplissent le cœur d'un Saint. — Une affection que les paroles du monde ne sauraient traduire. . 170
DLXI. A la même. Ferveur d'une postulante. Les austérités corporelles et les mortifications
spirituelles; celles que le Saint désire pour les filles de sa future Congrégation.............................. 172
DLXII. A Madame de la Fléchère. Une contemplation, source de profonde tranquillité.
Sentiments qui doivent animer un cœur grandement épris de Jésus-Christ crucifié. Examen de
prévoyance fort utile. Une pauvreté qui n'en est pas une. L'appréhension de l'éternité et
l'appréhension des accidents de cette vie mortelle. La révérence envers Notre-Seigneur; en quoi
surtout elle consiste. ......................................................................................................................... 173
DLXIII. A la Baronne de Chantal. La succession des années et l'éternité. Souhaits de nouvel an.
Le temps de Dieu; récompense promise à ceux qui en usent bien. — Comment tenir son cœur
solitaire au milieu de la foule. .......................................................................................................... 174
DLXIV. A Madame de la Fléchère. L'unique guérison de certaines épreuves spirituelles. Le sang
du Calvaire et la clarté du Thabor; de ces deux montagnes, quelle est la plus désirable et la plus
fructueuse. Le pain sans sucre et le sucre sans pain. Pourquoi la connaissance de notre néant
ne doit pas nous troubler. ................................................................................................................. 175
Année 1610 .......................................................................................................................................... 176
DLXV. A une dame inconnue. Qu'il faut ravaler son courage et en même temps l'exalter.
L'unique leçon du divin Maître. Une bonne condition pour faire des progrès spirituels. Deux
choses conseillées contre les assoupissements en l'oraison.............................................................. 176
DLXVI. A la Baronne de Chantal (Fragment). La première tourière de la Visitation offre ses
services. ............................................................................................................................................ 177
DLXVII. Au Duc de Savoie, Charles-Emmanuel Ier (Minute). Sainteté du bienheureux Amédée.
Estime qu'on en fait en Savoie. C'est un devoir pour le duc de désirer la canonisation d'un tel
ancêtre et de s'employer à l'obtenir................................................................................................... 177
DLXVIII. A un gentilhomme. Charité du Saint pour ses amis: au premier il propose une honorable
alliance pour l'un des siens; il fait à l'autre de vives instances pour qu'il pardonne à son fils repentant.
.......................................................................................................................................................... 178
DLXIX. A Madame Bourgeois, Abbesse du Puits-d'Orbe (Inédite). Un chirurgien espagnol est prié
de s'employer à guérir l'Abbesse. Encouragements. Comment le Saint s'excuse de parler
brièvement de Dieu. ......................................................................................................................... 179
DLXX. A Madame de Cornillon, sa sœur. Que faire à mesure que les années s'en vont. — Les mères
chrétiennes et Notre-Seigneur, qui se comporte au rebours des autres enfants................................ 180
DLXXI. Aux Echevins de Salins. Les predications qu'il avait promises à Salins étant empêchées, le
Saint les veut «contreschanger en autant d'oraysons» pour la ville.................................................. 180
DLXXII. A la Baronne de Chantal. Pourquoi l'Evêque de Genève n'alla pas à Salins en 1610. Une
âme dont il espérait faire quelque chose de bon. — Les souhaits, le cœur et la plume d'un Saint... 181
DLXXIII. A M. Claude de Blonay (Fragment). La nouvelle Congrégation étant sur le point de
s'établir, François de Sales demande au destinataire qu'il veuille bien lui amener sa fille après
Pâques............................................................................................................................................... 182
DLXXIV. A M. Jacques de Bay. Recommandation en faveur d'un jeune étudiant savoyard. ......... 183
DLXXV. Au Duc de Nemours, Henri de Savoie. François de Sales intercède auprès du duc pour
obtenir un secours au chanoine-poète Nouvellet.............................................................................. 184
DLXXVI. A la Baronne de Chantal. Un cœur plus que paternel, dégagé et fervent au milieu des
tracas. Les petites fleurs et les arbres en Savoie, quand souffle la tempête. Petite pluie abat
16/329

2.7 Page 17

▲back to top


grand vent. La rosée de la Croix. Rendez-vous pendant le Carême: l'aimable et saint domicile
du Cœur de Jésus Notre-Seigneur. Ce qui «contenta fort» le Saint. Il n'était point dur aux
chrétiennes d'Annecy, et pourquoi. Sermon tout de flammes. .................................................... 185
DLXXVII. A Madame de Cornillon, sa sœur. Heureuse fin de Mme de Boisy. Une promesse
mutuelle. Les regrets dans les séparations. Paix joyeuse de la mère du Saint........................ 186
DLXXVIII. Au Duc de Savoie, Charles-Emmanuel Ier. Lettre d'introduction auprès de Charles-
Emmanuel, en faveur d'un ami. ........................................................................................................ 187
DLXXIX. A M. Antoine des Hayes. Une douloureuse satisfaction. Mme de Boisy assistée par son
fils; rapide éloge de la défunte. Pourquoi le Saint n'a pas de particulières nouvelles à
communiquer.................................................................................................................................... 187
DLXXX. A Monseigneur Pierre Fenouillet, Evêque de Montpellier. François de Sales apprend à son
ami la mort de Mme de Boisy. ........................................................................................................... 188
DLXXXI. A la Baronne de Chantal. Les sentiments du Saint à la mort de sa mère. François de
Sales raconte à Mme de Chantal comment Mme de Boisy a fini ses jours et combien il pleura sur «cette
bonne mere.» Invitation à venir en Savoie pour le dimanche des Rameaux. Dispositions à
prendre pour le séjour de la Baronne. Mort de la petite Charlotte. Il faut pleurer un peu sur nos
trépassés. L'Abbesse du Puits-d'Orbe, Mme de Saint-Jean, le P. de Monchy, Mlle Favre, le
monastère de Sainte-Catherine, Le «train des saintz devanciers et des simples.» Prendre pour
méthode de ne point se préparer à l'oraison, le Saint déclare le trouver «un peu dur.».................... 189
DLXXXII. A Madame de Dérée. Tout fait espérer que l'âme de Mme de Boisy a été reçue «en la main
dextre de son Dieu.» ......................................................................................................................... 193
DLXXXIII. A la Baronne de Chantal (Fragment). Souhaits de bienvenue. Les postulantes de
Dijon. Engagement avec un imprimeur............................................................................................ 193
DLXXXIV. A Madame de la Fléchère. Ne pas donner créance aux vains présages. Satan abuse
des âmes crédules; comment se garder de ses pièges. Avis variés pour les œuvres de
sanctification. Moyen de soulager le prochain et de louer la Vierge Marie. ............................... 194
DLXXXV. A une dame inconnue. Parmi les délais imposés à nos désirs, il faut garder la sainte
patience............................................................................................................................................. 195
DLXXXVI. Au Cardinal Antoine-Marie Gallo (Inédite). Le Saint s'excuse de ne pouvoir obliger le
protégé d'un Cardinal........................................................................................................................ 196
DLXXXVII. Au Pére Alexandre Ceva, de l'Ordre des Camaldules. Détresse d'un gentilhomme
genevois. La Congrégation des convertis. Charité de François de Salès................................ 197
DLXXXVIII. A la Présidente Brulart. Par plusieurs voies on va au Ciel, si l'on a pour guide la
crainte de Dieu. Contre l'amour-propre, il faut faire bon guet. C'est tenter Dieu de confier
l'âme d'une jeune fille à un jeune homme de mauvais naturel, avec l'espoir qu'il s'amendera.
Consultation particulière sur les divertissements pour Mlle Brûlart. Comment porter à la vertu une
enfant vigoureuse et de naturel un peu ardent. Un magistrat chrétien au XVIIe siècle. Un bien
grand voyage pour des femmes. Le plus grand appui pour s'avancer dans la piété. Les aumônes
fructifient comme le froment jeté en terre. ....................................................................................... 199
DLXXXIX. A Madame Bourgeois, Abbesse du Puits-d'Orbe. Une heureuse rencontre. A quelles
conditions la faiblesse n'est pas un grand mal. Ce que Notre-Seigneur ne requiert pas de nous.
Comment se mettre «sur le solide.» Le moyen de n'avoir rien à craindre. Combien de bons
médecins maladifs et d'habiles peintres bien laids. Un «pauvre chetif pere» et la seule chose qui
pouvait le contrister. Plutôt mourir que de démordre. Les Supérieures et l'observance......... 201
DXC. A Madame de la Fléchère. «Il est dangereux de marcher au chemin des proces.» Par
quelles pratiques les âmes chrétiennes témoignent-elles de la fidélité à Notre-Seigneur. ............... 203
17/329

2.8 Page 18

▲back to top


DXCI. A la Baronne de Cusy. Derniers préparatifs dans le «petit bastiment» destiné aux premières
recrues de la Visitation. Le Saint compte les y introduire à la Pentecôte. Quel sera le costume
la première année. Réponse à des objections que présentait la destinataire. Un petit Isaac... 204
DXCII. A la Baronne de Chantal. L'Institut de la Visitation, «havre de grace et de consolation.»
Méditation sur l'Evangile: Je suis la vigne. Notre-Seigneur Jésus-Christ, le tout de François de
Sales. ................................................................................................................................................ 205
DXCIII. A M. Jacques de Bay. Jacques de Bay et son zèle pour la formation chrétienne des jeunes
Savoyards. Recommandation en faveur de Jean-Antoine Rolland et de Bernardin du Nant. Le
Saint offre au destinataire deux de ses ouvrages; son humilité. ....................................................... 206
DXCIV. A la Baronne de Cusy. Une postulante que le monde dispute à la vie religieuse. Qu'elle
sonde son cœur avant d'embrasser Jésus-Christ crucifié; ce dessein demande une âme vaillante et
généreuse. Encouragements à prendre un parti décisif. Le Saint promet de s'employer avec joie
et constance à la «sainte besoigne» de la future Congrégation. ....................................................... 208
DXCV. A Madame de Charmoisy (Billet inédit). Prière de donner l'hospitalité à une postulante de la
Visitation. ......................................................................................................................................... 209
DXCVI. A la Baronne de Chantal. Une idée que le Saint trouve à son réveil. La fête du Saint-
Suaire et les paroles «extatiques» d'Isaïe. Espoir joyeux que Dieu plantera et fera fructifier la
plante du futur Institut. ..................................................................................................................... 209
DXCVII. A M. Jean-François Ranzo. Zèle de François de Sales pour la Canonisation du bienheureux
Amédée. Il propose de lui faire dédier l'oratoire de sa future Congrégation. .............................. 210
DXCVIII. A M. Roch Calcagni. Titres et aptitudes de M. de la Thuille, frère du Saint, à remplir la
charge de chevalier pour laquelle il est proposé. Le destinataire est prié de remettre des lettres
pour faire aboutir la nomination. ...................................................................................................... 213
DXCIX. Au Père Nicolas Polliens, de la Compagnie de Jesus. A un Jésuite qui s'intéressait à l'œuvre
du Saint, celui-ci raconte les circonstances qui ont donné jour aux commencements de la Visitation.
Sommaire et premier crayon de la vie religieuse proposée par manière d'essai. La clôture,
l'habit, l'Office, l'union intérieure. La pierre fondamentale. Pourquoi le Saint ne se soucie pas
des critiques. L'Institut de la Visitation et le voyage de François de Sales à Dijon en 1604....... 214
DC. Au Président Bénigne Frémyot. Mort de Henri IV. Vanité des grandeurs du monde. «Un
contemptible coup de petit couteau.» Le Roi immortel. Pourquoi le Saint espère que Dieu aura
été pitoyable au prince. Les faveurs de Henri IV pour François de Sales. Aveu du Saint; sa
gratitude............................................................................................................................................ 216
DCI. A la Baronne de Chantal. Les soucis du saint Fondateur. Ses désirs d'union à Jésus-Christ.
Pourquoi Mme de Chantal doit se «mettre sur la grandeur de courage.»...................................... 218
DCII. A la meme. Pourquoi le Saint se trouvait un peu las, mais de corps seulement. De quelles
vertus Notre-Seigneur est surtout amoureux. Un Psaume dont le chant attendrissait le cœur de
l'Evêque pendant la procession......................................................................................................... 219
DCIII. A M. Roch Calcagni. Gratitude pour la courtoise intervention du destinataire en faveur de
Louis de Sales, frère du Saint. .......................................................................................................... 220
DCIV. Au Duc de Savoie, Charles-Emmanuel Ier. Remerciements et actions de grâces de la Savoie et
de son Evêque pour la promotion d'Antoine Favre «a l'estat de premier President.» Ce qui donne
le plus de douceur à la vie humaine. Description imagée de la justice. Responsabilité et devoir
des princes dans le choix de ceux qui l'exercent en leur nom. ......................................................... 221
DCV. A M. François de Saint-Sixt. Affaire d'argent qui sépare deux frères; intervention du Saint
pour les accommoder........................................................................................................................ 222
DCVI. A la Mère de Chantal. Elévation sur la vie de saint Jean-Baptiste: sa nourriture, le miel, les
locustes représentent les deux vies, contemplative et active. Applications. Signification de ses
18/329

2.9 Page 19

▲back to top


vêtements. Un habit propre à conserver la sainteté. Obéissance du Précurseur. Ce
qu'annonçait «ce beau rossignol du bois.» ....................................................................................... 223
DCVII. A Monseigneur Pierre Fenouillet, Evêque de Montpellier (Inédite). Le trépas du «grand
Roy.» Regrets. «Le jeune et nouveau Roy.» Le vrai rendez-vous de nos «cogitations.»
Une charge obtenue «sans brigue, sans cour et sans argent.» .......................................................... 224
DCVIII. A la Mère de Chantal. Comment remplacer le jeune. Les «petites brebis» de la Mère de
Chantal. Visite de Marie à Elisabeth; amabilité de la très Sainte Vierge. Contemplation du
mystère. Un beau pèlerinage en compagnie du Sauveur. ............................................................ 225
DCIX. A Mademoiselle de Chapot. Les parents et les directeurs spirituels; l'autorité des uns et des
autres et la confiance qu'ils méritent dans l'affaire d'une vocation religieuse. S'il fallait ouïr l'avis
des premiers, qu'arriverait-il? Comment reconnaître la volonté de Dieu, parmi les empêchements.
Quand on a pris une bonne résolution, il faut la rectifier, si elle est excessive, mais non la rompre.
.......................................................................................................................................................... 226
DCX. A M. Philippe de Quoex. Pension ou dot requise pour les postulantes de la Visitation. «Il
est vray que l'on regarde encor aux facultés.» Le Chablais au XVIIe siècle. Une Congrégation
qui ne veut être «ni mendiante ni playdante.» Sommaire des Règles. Les commencements de
l'Institut donnent beaucoup d'édification; à quelles âmes offrait-il un refuge. ................................. 228
DCXI. A Madame de Travernay. Quand on souffre, il est malaisé de prier. Quels sont les malades
capables de faire oraison. Comment remplacer cet exercice, si nous sommes trop douillets. Il
faut reprendre, quand on est guéri, ses habitudes de prière. — Un «rare bien:» parler cœur à cœur
avec son Dieu. .................................................................................................................................. 230
DCXII. A la Mère de Chantal (Inédite). Les premiers jours de la Visitation. Les «douces amours
en Jesus Christ» de l'Evêque de Genève; où se portait nuit et jour sa sollicitude. ........................... 232
DCXIII. A Madame de la Forest, Religieuse de l'Abbaye de Bons. Subtilité de Satan. Le Saint
cherche à détruire le résultat d'une calomnie. Bonnes nouvelles de la Maison de la Galerie. .... 233
DCXIV. A Madame de Cornillon, sa sœur. La transfiguration en Notre-Seigneur. Le séjour des
vaines beautés et belles vanités. Encouragements à monter à la céleste vision du Sauveur. Ce qui
est pire que la mort pour une âme de Saint. Partout il faut avoir bon courage, et pourquoi........ 234
DCXV. Au Duc de Nemours, Henri de Savoie. Recommandation en faveur du sieur Bouvard pour la
charge d'avocat fiscal........................................................................................................................ 235
DCXVI. A M. Antoine des Hayes. Un trépas vraiment pitoyable. Le Saint relève le courage de
son ami, dont la mort de Henri IV semblait avoir compromis la fortune. Comment se ménager la
protection de la Providence. Souhaits pour la France et la famille royale. ................................. 235
DCXVII. A la Mère de Chantal. Hésitations à faire venir en Savoie le P. de Monchy. Souhait du
Saint pour Mme de Chantal................................................................................................................ 236
DCXVIII. A la même. La méthode de Mme de Chantal. La confession de Françon. Doux
pressentiments intimes à l'approche de la fête de la Nativité de la très sainte Vierge. La céleste
Pouponne. ......................................................................................................................................... 237
DCXIX. A Madame de Travernay. Une âme docile. L'exercice de l'amour sacré et les tribulations.
Un spectacle encourageant. .............................................................................................................. 238
DCXX. A Madame de la Fléchère. Parmi les afflictions, les unes sont plus affligeantes, les autres
plus dangereuses pour l'âme. Pourquoi le tracas des procès, plus que tout autre, ôte la paix
intérieure. La seule perte que nous devons craindre en cette vie. Comment les procès peuvent
servir à l'avancement spirituel, Exemple de Notre-Seigneur. Le moyen d'être toujours assez
riche. ................................................................................................................................................. 239
DCXXI. A M. Jean-Francois Ranzo (Inédite). Les débuts de la Congrégation. La Patronne qu'elle
a choisie. Attestation du culte rendu au bienheureux Amédée dans le monastère de Talloires et à
19/329

2.10 Page 20

▲back to top


Chambéry; à son passage dans cette ville, le prince Emmanuel-Philibert de Savoie refoit les
hommages de François de Sales. ...................................................................................................... 240
DCXXII. A Madame de la Fléchère. Condoléances sur la mort de M. d'Avully, père de la
destinataire. Raisons d'espérer que Dieu l'aura reçu dans l'Eglise triomphante. ......................... 242
DCXXIII. A la Mère de Chantal. Pourquoi François de Sales travaille avec zèle au Traitté de
l'Amour de Dieu. «Petites lanterneries» et «petites clartés.» La parfaite résignation. Une
lettre où il est parlé mignardement de Celse-Bénigne. ..................................................................... 242
DCXXIV. A Mademoiselle de Vallon (Inédite). Une nouvelle postulante pour la Maison de la
Galerie. Par quelles vertus s'entretient le désir de la vie religieuse. ............................................ 244
DCXXV. A M. Philippe de Villers. Différend avec le Chapitre de Belley, à propos des cures et
églises des paroisses vacantes. Affaire de M. de Sauzéa. La vérité est toujours la plus forte.245
DCXXVI. A Madame Bourgeois, Abbesse du Puits-d'Orbe. Le profit qu'on peut retirer d'un mal
incurable. En quels cas le monde juge sévèrement les âmes qui l'ont quitté pour le cloître; celles-
ci perdent toujours quelque chose aux sorties. Il faut avoir quelque égard à l'opinion publique.
Une ancienne coutume du monde; son pharisaïsme. Contrairement à l'esprit du siècle, c'est aux
supérieurs à gagner les inférieurs. Une abbesse et une prieure un peu refroidies; exhortation du
Saint pour ramener entre les deux sœurs l'amitié fraternelle............................................................ 246
DCXXVII. A M. Pioton. Prière de retirer un legs en faveur d'une œuvre pieuse. ........................... 248
DCXXVIII. Au Président Antoine Favre. Les curés de Valromey et le Parlement de Dijon. Le
Saint réclame l'intervention de son ami pour obtenir du Sénat une pièce utile au procès................ 249
DCXXIX. A Madame de Cornillon, sa sœur (Fragment). Les croix domestiques; il faut savoir les
bien prendre...................................................................................................................................... 250
DCXXX. A Madame de la Fléchère (Inédite). Une tranquillité fainéante et trompeuse. Quand
faut-il augmenter les Communions, au lieu de les diminuer. Le Saint, ennemi, dans ses visites,
des cérémonies, compliments et perte de temps............................................................................... 250
DCXXXI. A la Mère de Chantal. Quelques bonnes pensées pour passer l'Avent avec dévotion: trois
objets capables de ravir les cœurs en la sainte dilection................................................................... 252
DCXXXII. A Monseigneur Vespasien Gribaldi, ancien Archevêque de Vienne. Le Prélat destinataire
est prié de vouloir bien réconcilier un cimetière profané par un assassinat. .................................... 252
DCXXXIII. A la Mère de Chantal. Pratique conseillée à la Mère de Chantal pour s'attirer la spéciale
protection de Notre-Dame. ............................................................................................................... 253
DCXXXIV. Au Président Antoine Favre. Le grand tracas d'un premier Président. Le prieuré de
Contamine, les Chevaliers de Saint-Lazare et la Sainte-Maison de Thonon. Les Pères Feuillants.
L'hôtesse du Chablais. ................................................................................................................. 254
DCXXXV. A la Présidente Favre. Une lettre écrite après dix heures du soir. Les additions à une
nouvelle édition de l'Introduction à la Vie devote. Notre guide, notre nocher pendant notre
navigation. Le moyen de ne rien craindre. .................................................................................. 255
DCXXXVI. A la Mère de Chantal. Les désirs d'un Saint à propos de la manducation quotienne du
«Pain vivant et suressentiel.» Les vertus dont il embaume les âmes qui le reçoivent................. 257
DCXXXVII. A M. Celse-Benigne de Chantal. Conseils à un jeune homme qui allait à la cour de
France; à quelles âmes cette fréquentation est-elle moins dangereuse. Ses écueils, leurs pernicieux
effets. Remèdes: les «viandes spirituelles et divines.» Eviter les mauvaises lectures, Rabelais,
«cet infâme,» et les sceptiques. La vraie courtoisie. Ne pas s'embarrasser parmi les amourettes.
Faire profession ouverte de vouloir vivre vertueusement, judicieusement, constamment et
chrétiennement. Les vertueux à la philosophique. En quoi il ne faut pas marchander. Se
choisir des amis de même intention. Recourir à la direction d'un prêtre, Religieux ou séculier.
Un exercice de fainéant. — Avoir un cœur vigoureux, et pourquoi. — L'idéal d'un courtisan, d'après
20/329

3 Pages 21-30

▲back to top


3.1 Page 21

▲back to top


saint Louis; portrait de ce prince. La bravoure et la piété. Une méditation à faire souvent. Le
patron, la voile, l'ancre, le vent qu'il faut choisir pour voguer sur la haute mer du monde. ............. 258
DCXXXVIII. A la Mère de Chantal. Pourquoi ne pas se tourmenter des fâcheuses pensées qui sont
autour, du cœur. A quelle condition rien ne nous offensera............................................................. 261
DCXXXIX. A M. Pierre Rigaud (Inédite). Le Saint et son éditeur lyonnais. Celui-ci le presse «de
rendre fait» le Traitté de l'Amour de Dieu. Commande de livres................................................ 262
DCXL. A M. Jacques de Bay. Le Saint s'intéresse aux études d'un jeune annécien et demande que le
collège de Savoie de Louvain lui soit rouvert. ................................................................................. 263
DCXLI. A M. Philippe de Quoex. Dans les appointements, le Saint n'est pour personne. Pas de
particularités dans sa Congrégation; il faut que tout y «aille d'un train.» ........................................ 264
DCXLII. Au Président Antoine Favre. Les «bonnes coustumes» de Savoie. Rendez-vous pour les
âmes chrétiennes unies d'affection. Une amitié sans limites. ...................................................... 265
CDXLIII. A la Mère de Chantal (Billet inédit). Une galerie où le Saint parlait «plus a commodité» à
la Mère de Chantal. .......................................................................................................................... 266
DCXLIV. Au Président Antoine Favre (Inédite). Recommandation en faveur d'une pauvre veuve.266
DCXLV. A la Mère de Chantal. Tableau de la Nativité. Où se trouvaient en la nuit de Noël, les
bons Anges des deux Saints. Les pasteurs et la mélodie sacrée qu'ils entendent durant leur
sommeil. Le cadeau du Bienheureux au «petit Roy.» ................................................................. 267
DCXLVI. A Madame d'Aiguebelette. Les présents du Sauveur aux gens de bonne volonté. Ce que
fait la «petite trouppe» de la Visitation. ........................................................................................... 268
DCXLVII. Au Président Antoine Favre. Ce qui rend notre durée périssable, et partant plus aimable.
La pensée de l'éternité pour le Saint. L'espérance de l'éternité, et les motifs philosophiques qui
la légitiment. L'échelle qui nous conduit aux années éternelles. Souhaits de nouvel an. ....... 269
DCXLVIII. A la Mère de Chantal (Billet inédit). Les Filles de saint Bernard chez les Filles du saint
Evêque de Genève. Promesse d'un bonsoir ou d'un bonjour. ...................................................... 270
DCXLIX. A M. Antoine des Hayes (Inédite). Une amitié constante. Mariage princier et les
menaces d'une guerre........................................................................................................................ 270
DCL. A la Mère de Chantal (Billet inédit). Sollicitude pour la santé de la Mère de Chantal. ......... 272
DCLI. A la même. Souci charitable que prend le Saint pour la santé de la Fondatrice. ............. 272
DCLII. A Mademoiselle de Blonay (Fragment). La grâce d evangéliser n'est pas le privilège de tout
le monde. .......................................................................................................................................... 273
Appendice............................................................................................................................................. 274
I. Lettres adressees a Saint François de Sales par quelques correspondants .................................... 276
A. Facultés accordées par la Congrégation du Saint-Offic .......................................................... 276
B. Lettres de Mgr de Villars, Archevêque de Vienne. (Fragments) .............................................. 279
C. Lettre du P. Jacques-Philibert de Bonivard, de la Compagnie de Jésus .................................. 281
D. Lettre de Mlle Fayre. (Fragment).............................................................................................. 282
E. Lettre du Président Frémyot..................................................................................................... 282
F. Lettre du Cardinal Jean Garcia Millino.................................................................................... 283
II. Lettre de Sainte Jeanne-Françoise de Chantal a Monseigneur Jean-Pierre Camus ..................... 284
Glossaire des locutions et des mots surannés ou pris dans une acception inusitée aujourd'hui ........... 286
Index des correspondants et des principales notes biographiques et historiques de ce volume ........... 297
21/329

3.2 Page 22

▲back to top


Table de correspondance de cette nouvelle édition avec les précédentes et indication de la provenance
des manuscrits ...................................................................................................................................... 304
Table des matières ................................................................................................................................ 315
22/329

3.3 Page 23

▲back to top


Pius PP. X
Venerabilis Frater, salutem et Apostolicam benedictionem.
Quod nuper a Salesianis de Monasterio Anneciensi Virginibus quae omnium legiferi sui
Patris operum nobilem editionem accurant, ipse Nobis attulisti munus, volumina scilicet usque
adhuc edita, idque amantissimis coniunctum litteris, Nos quidem habuisse pergratum, vix attinet
dicere. In quo non solum respicienda pietas est erga sanctum Auctorem ab alumnis disciplinae
suae egregie testata, sed opportunitas etiam Ecclesiae, sacro praesertim ordini, praebita. Inest enim
in Salesio, tamquam peculiaris, ab amore profecta Jesu Christi unde totus calet, mira quaedam
persuadendi suavitas, cui non facile resisti queat, sive is mentes ab opinionum insania ad
catholicam sapientiam, sive animos a vitiositate quavis ad virtutem atque adeo ad sanctitatis
fastigia traducit. Huius tanti viri documenta ac spiritus, si modo penitus in ministris sacrorum
insederint, sane quam prodesse possunt vel hodie, quum veritati divinitus traditae et christianorum
integritati morum tam iniqua sunttempora. Quare, uti divinae providentiae beneficio factum
arbitramur ut ille, Doctoris titulo rite insignitus, Ecclesiae hac aetate eluxerit, ita divinae
benignitatis instinctu susceptum esse consilium videtur, universa quae ipse reliquisset, scripta
rursus meliusque vulgandi. Operis autem confectionem gaudemus talem exsistere, ut
prudentioribus in [V] hoc genere cumulatissime satisfaciat: id quod, praeterquam non vulgari
Sanctimonialium sollertiae et diligentiae, tribuendum est doctissimorum navitati virorum, qui pro
sua sagacitate ac peritia earum labores regunt atque adiuvant. Utrisque igitur, quas laudes a
Decessore Nostro fel. rec. Leone XIII novimus rem exordientibus tributas, easdem Nos iam
feliciter properantibus ad exitum iteramus perlibenter: simul oramus Deum, ut in reliquum
auxiliari pergat, et largam pro meritis mercedem conferat.
Haec tu, Venerabilis Frater, qui ex auctoritate huic operi advigilas, sacris istis Virginibus
ipsarumque adiutoribus significes volumus, una cum benedictione Apostolica, quam et caelestium
bonorum auspicem et praecipuae Nostrae benevolentiae testem tibi atque eis amantissime in
Domino impertimus.
Datum Romae apud S. Petrum, die I Januarii, anno MDCCCCV, Pontificatus Nostri
secundo.
PIUS PP. X. [VI]
23/329

3.4 Page 24

▲back to top


Pie X, Pape
Vénérable Frère, salut et bénédiction Apostolique.
Naguère, au nom des Filles de saint François de Sales du Monastère d'Annecy, qui
préparent avec soin une remarquable édition des Œuvres complètes de leur bienheureux Père
Fondateur, vous Nous avez remis vous-même tous les volumes parus jusqu'ici. Que ce présent,
avec la lettre pleine d'affection qui l'accompagnait, Nous ait été fort agréable, il est à peine besoin
de le dire.
Il faut voir dans cette publication, non seulement un témoignage insigne de piété rendu au
saint Auteur par les disciples de sa doctrine, mais encore une œuvre opportune pour l'Eglise, et
surtout pour le clergé. On trouve en effet chez François de Sales une qualité qui lui est propre et
qui procède de l'amour de Jésus-Christ dont il est tout embrasé: le don merveilleux de suave
persuasion, dont la force est presque irrésistible, soit pour ramener à la sagesse du catholicisme les
esprits égarés par de folles doctrines, soit pour guérir les âmes de toute mauvaise affection, les
porter ensuite à la vertu et jusqu'aux sommets de la sainteté. Quel secours assuré que les
enseignements et l'esprit d'un si grand génie, s'ils étaient une fois gravés profondément dans l'âme
des ministres sacrés, aujourd'hui surtout où la vérité divinement révélée et l'intégrité de la morale
chrétienne ont tant à souffrir de notre siècle!
Aussi, c'est par un bienfait de la divine Providence, semble-t-il, que saint François de Sales
a reçu dans notre temps un nouvel éclat avec le titre de Docteur de l'Eglise. Mais c'est encore,
croyons-nous, par une inspiration de la divine Bonté qu'on a entrepris de donner au public une
nouvelle et meilleure édition de tous les écrits qu'il a laissés. Nous Nous réjouissons que ce travail
se poursuive dans de telles conditions qu'il satisfait au-delà les plus difficiles en cette matière. Ce
succès, il faut l'attribuer non seulement à l'habileté peu commune et à l'activité des Religieuses de
la Visitation, mais aussi au zèle des hommes très instruits qui dirigent et secondent leurs travaux
de leur sagacité et de leur savoir. Aux uns et aux autres, [VII] quand la publication était à ses
débuts, Notre Prédécesseur Léon XIII, d'heureuse mémoire, a décerné des éloges; Nous les
renouvelons de grand cœur, maintenant qu'elle s'achemine heureusement vers son terme, et Nous
prions Dieu de leur continuer jusqu'au bout son assistance, et de leur accorder, selon leurs mérites,
une large récompense.
Voilà, Vénérable Frère, ce que Nous vous chargeons de dire à ces Vierges consacrées et à
leurs collaborateurs, puisque, en vertu de votre autorité, vous veillez sur cette œuvre. Aussi Nous
donnons à vous et à tous très affectueusement la bénédiction Apostolique, comme gage des biens
célestes et en témoignage de Notre toute particulière bienveillance.
Donné à Rome près de Saint-Pierre, le 1er Janvier, l'an 1905, de Notre Pontificat le
deuxième.
PIE X, PAPE. [VIII]
24/329

3.5 Page 25

▲back to top


Avant-Propos
Dans ce volume, on a recueilli les Lettres écrites depuis avril 1608 jusqu'à fin décembre
1610. Ce court espace de temps n'est qu'un fragment de la vie du Saint, mais un fragment essentiel
où l'on saisit, dans toute leur fraîcheur et dans toute leur vivacité, les énergies séduisantes de son
activité à la fois humaine et surnaturelle. N'oublions pas, en effet, qu'à cette date, François de Sales
atteint sa quarantième année, l'âge de la floraison intense, où l'esprit, fort de sa propre vigueur,
développé d'ailleurs par la culture et mûri par l'expérience, n'attend que l'impulsion des
circonstances et des hommes, sans parler de l'influence providentielle, pour porter ses fruits les
meilleurs.
Aussi, est-ce dans cette période que se produisent quelques-uns des faits les plus
significatifs et les plus dominants de sa vie: la publication du livre de l'Introduction à la Vie devote,
la fondation de l'Institut de la Visitation, les tentatives qui furent renouvelées de la part de Henri
IV pour attirer le Saint à Paris. Comme la plupart des Lettres contenues dans ce volume ont un
rapport direct à ces évenements, peut-être ne sera-t-il pas inutile d'en préciser les principaux détails
et de les grouper dans une suite d'esquisses rapides. Ces indications préliminaires fourniront
quelques vues d'ensemble sur les choses qui se passèrent au dehors. Quant à l'esprit, aux
sentiments, à la vie intérieure de saint François de [IX] Sales, telle qu'on l'appréhende et qu'on peut
la suivre à travers sa correspondance actuelle, nous essaierons aussi d'en retracer une idée
sommaire.
La publication du livre de l'Introduction à la Vie devote ouvre la série des grands faits qui
marquent d'une lumineuse auréole les belles années du saint Evêque de Genève. L'ouvrage puise
son origine dans ce grand bourdonnement de vie religieuse que nous avons déjà signalé dans
l'Avant-Propos du dernier volume1. Bien des âmes, dans le grand monde surtout, se sentaient
éprises d'un goût inconnu pour la pratique sérieuse de la religion. Elles étaient lasses et dégoûtées
de la vie bruyante et sceptique de l'époque précédente. D'autre part, les audaces dogmatiques des
protestants, leur prétention hautaine de ramener le monde au pur Evangile, leur prosélytisme
effréné avaient provoqué dans ces âmes restées fidèles une réaction puissante. De là, cette aversion
de la vie mondaine et ces aspirations vers une vie plus grave et plus religieuse.
Mais comment suivre ces appels de la grâce divine, comment réaliser ces rêves de
perfection chrétienne? Le problème restait, semble-t-il, à peu près insoluble, s'il s'agissait des âmes
obligées par leur état ou par leurs devoirs de famille à vivre au milieu du siècle. Vainement aurait-
on demandé aux livres de spiritualité d'alors de résoudre la difficulté: le charme persuasif, l'attrait
suave leur manquait. Le petit traité de l'Introduction à la Vie devote eut la bonne fortune de montrer
agréablement comment on pouvait allier ensemble ces deux choses tenues jusqu'alors comme
antipathiques: la vie de société et la pratique de la dévotion. Les Lettres de ce volume donneront
des détails sur la composition toute de circonstance de cet ouvrage2, qui eut, comme l'on sait, une
vogue immense et une célébrité universelle3. [X]
Ainsi que tous les chefs-d'œuvre de nos grands écrivains du XVIIe siècle, il fut avant tout
une œuvre d'action, une œuvre de zèle, plutôt que la réalisation d'une pensée d'art. Aussi, en dépit
de certaines particularités qui ont trait à l'époque et dont l'intérêt est perdu pour nous, l'Introduction
contient des peintures morales, des exhortations pieuses et surtout un fond de doctrine ascétique,
une direction toujours neuve, toujours sûre, toujours féconde, qui s'adapte encore à tous les temps,
à tous les pays, à toutes les conditions et à tous les caractères.
1 Pages IX-XI.
2 Voir Lettre DXIV, p. 125, et Lettre DLIX, p. 325.
3 Voir le tome III de cette Edition, pp. XXIII-XXX.
25/329

3.6 Page 26

▲back to top


Ce célèbre manuel s'adressait principalement aux personnes qui voulaient ou qui devaient
rester dans le monde. Aux âmes tourmentées d'une perfection plus haute, aux âmes qui désiraient
renoncer à la vie du siècle, et qui avaient la liberté de se retirer au delà des «marais et paluds4
François de Sales prépara un asile très particulier et tout nouveau en France, en fondant pour elles
l'Institut de la Visitation. Ce n'est pas que les Ordres religieux fissent alors défaut. Ils étaient
nombreux, au contraire, et partout disséminés, mais ils répondaient mal à la pensée du Saint.
C'étaient des arbres abîmés par les tempêtes et d'ailleurs épuisés de sève; la plupart se mouraient.
Quelques-uns, à qui l'on venait d'amputer nombre de branches mortes, poussaient à peine quelque
rare feuillage; les uns et les autres promettaient un abri peu propice à l'essaim des âmes ferventes
qui allaient devenir les ancêtres de la grande famille de la Visitation.
Nous avons déjà fait connaissance avec la baronne de Chantal, «la pierre fondamentale5
l'âme, l'ouvrière, la Fondatrice de cet Ordre illustre, autant que saint François de Sales en fut le
Fondateur. Une fois qu'elle aura fixé son séjour à Annecy, elle ne recevra plus, hélas! de longues
lettres comme autrefois. Les entretiens de vive voix, les conférences, les exhortations remplaceront
désormais la correspondance épistolaire, [XI] avec avantage sans doute pour la Bienheureuse, mais
avec une perte irréparable pour nous.
Deux figures nouvelles viennent maintenant se ranger à la suite de Mme de Chantal dans la
correspondance: Mme de la Fléchère et Mme de Bréchard. La première6, retenue dans le monde par
la vie de famille, appartient de cœur à la Visitation et s'en fit même recevoir Religieuse sur son lit
de mort. C'était une femme distinguée, d'une grande culture elle possédait les langues anciennes
et l'italien, mais son âme était encore plus grande que son esprit. On peut la regarder comme
une digne émule de l'incomparable Baronne. «Apres nostre madame de Chantal,» écrivait le Saint
en 1616, «je ne sçay si j'ay fait rencontre d'une ame plus forte en un cors feminin, d'un esprit plus
raysonnable et d'une humilité plus sincere.» Rien d'étonnant! car cette âme d'élite, comme on le
verra par les lettres si nombreuses et si intéressantes qui la concernent, ne pouvait être à meilleure
école: elle avait dû en profiter.
Mlle de Bréchard, que saint François de Sales appelait sa «chere Niece» à cause de
l'affection que lui portait Mme de Chantal7, tient de plus près à la Visitation, dont elle fut une des
premières Mères. Orpheline dès le berceau, négligée et parfois tristement délaissée par son père,
elle mena pendant plus de vingt ans une existence souffrante et humiliée. Heureusement enfin, elle
rencontra le Bienheureux. Ce fut avec elle et Marie-Jacqueline Favre que Jeanne-Françoise de
Chantal s'enferma, le 6 juin 1610, dans la maison de la Galerie, à Annecy, pour y commencer la
vie nouvelle.
L'histoire de ces premières années, qu'on peut appeler l'âge d'or de la Visitation, a été
parfois contée non sans agrément, mais aussi non sans quelques inexactitudes, plus ou moins
inconscientes, pardonnables peut-être à la fantaisie littéraire d'un historien. Quoi qu'il en soit,
l'examen de la critique ne saurait les laisser passer sans [XII] retouches. Les Lettres du présent
volume en fournissent les éléments.
Sur un bon mot que Mgr Camus prête à François de Sales8, on a prétendu qu'il avait voulu,
dans son projet initial, fonder un Ordre de Sœurs de Charité. Ce thème commode a servi de tréteau
à plus d'un biographe pour présenter à ses lecteurs d'ingénieux parallèles entre l'Evêque de Genève
et saint Vincent de Paul.
La vérité est toute différente; elle a l'avantage de rendre à notre Saint sa véritable
originalité. Voici en quoi elle consista, d'après le propre témoignage du Fondateur. «C'est une
4 Lettre DXCIX, p. 307, variante (265).
5 Ibid., pp. 306, 307.
6 Voir note (40), p. 1.
7 Voir note (263), p. 86, et Lettres DXXXI, DXXXIV.
8 «Pour moy, j'admire que j'aye fait ce que je voulois deffaire et deffait ce que je voulois faire.» (L'Esprit du
bienheureux François de Sales, Evesque de Geneve, Paris, Alliot, 1639-1641; Partie XV, section XI.)
Il faut noter que, même au rapport de Camus, la modification qu'agréa le Saint, portait seulement sur deux
points: la profession des vœux solennels et la clôture perpétuelle.
26/329

3.7 Page 27

▲back to top


Congregation simple,» écrit-il9, «instituee pour les femmes et filles qui, pour leur infirmité
corporelle ou pour n'avoir pas l'inspiration d'entreprendre des grandes rigueurs, ne peuvent entrer
es Religions formees et reformees; car la elles auront un refuge doux et gracieux, avec la prattique
des vertus essentielles de la devotion.»
«Les jeunes Religieuses ne sortent point qu'en certains cas fort rares; les anciennes sortent
pour servir les pauvres, mais avec une belle police10...» Comme on le remarquera dans cet endroit,
la grande originalité du Saint a été de rendre la vie religieuse plus accessible et moins farouche
aux yeux du monde, en lui donnant un cadre plus souple et plus libre, un extérieur plus avenant,
une apparence moins dure que celle des «Religions formees et reformees» qui existaient alors.
Si, dans l'origine, il avait voulu qu'on visitât les pauvres, ce n'était qu'à titre de dévotion11
et pour unir, dans une certaine mesure, la vie de Marthe à la vie de [XIII] Marie. Mais le saint
Fondateur eut toujours ses préférences les plus chères et les plus avouées pour les exercices de la
vie contemplative. Il faut donc laisser à saint Vincent de Paul ce qui lui appartient, et retenir comme
la propriété personnelle de l'Evêque de Genève, la conception qu'il a eue de la vie religieuse telle
qu'on la trouve formulée dans les Lettres de la présente période, telle enfin qu'elle est pratiquée de
nos jours dans les Monastères de la Visitation.
Et ici encore, qu'est-il arrivé? Bien des observateurs superficiels se sont mépris sur les
apparences faciles, sur l'extérieur humain et débonnaire, sur la façade, si l'on peut ainsi parler, de
l'édifice, jusqu'à s'imaginer que François de Sales a réellement adouci l'austérité de la vie
chrétienne et atténué peut-être les exigences des conseils évangéliques. Comment expliquer cette
illusion? Ne serait-ce pas que la bonté, la douceur admirable, la suavité de langage du saint Docteur
leur a dérobé le fond austère et crucifiant de la vie intérieure qu'il propose à ses Filles? «Elles ont,»
dit-il12, «de un' heure le mattin et une le soir d'orayson mentale, et pour le demeurant, une police
de travail, silence, obeissance, humilité, denuement de proprieté extremement stricte et autant
qu'en monastere du monde.»
La même méprise s'était produite au sujet de l'Introduction à la Vie devote. M. Olier, le
Fondateur de Saint-Sulpice, remarquait finement que, même en son temps, le véritable esprit du
saint Prélat était assez mal saisi par le commun. «Il est pourtant,» disait-il13, «dans le fond de sa
conduite (c'est-à-dire de sa direction), le plus mortifiant de tous les Saints.» Cette illusion durerait-
elle encore? Et ne voit-on pas quelques bonnes âmes glisser sans y prendre garde, sur l'austérité
foncière de la doctrine et de l'esprit de saint François de Sales, et arrêter seulement leur attention
sur la douceur et l'aménité de son style, prendre la forme en laissant [XIV] le fond, lui emprunter
ses cadres commodes, ses formules dégagées, en oubliant que les règles et les formules perdent
toute force vive, isolées de l'esprit de leur auteur?
Quelqu'un qui voudrait de nos jours organiser une vie religieuse en utilisant le cadre simple
et flexible dont François de Sales se contenta pour la Visitation, travaillerait en vain, à moins qu'il
n'eût l'âme et l'esprit de l'Evêque de Genève. Ce qui donne en réalité longue vie à une œuvre
monastique, ce ne sont pas tant les règlements qui la précisent et qui l'enserrent; c'est, plus que
tout, le souffle puissant que lui communique son Fondateur. L'Ordre de la Visitation a pu subir,
dès ses premières années, des vicissitudes et consentir à des modifications extérieures; il pourrait
en recevoir de nouvelles, si les évenements les imposaient, sans souffrir le moindre détriment
essentiel. En effet, ce qui lui assure à jamais un caractère authentique et durable, c'est l'esprit que
saint François de Sales, avant de quitter la terre, lui a laissé, comme un manteau d'Elie. En
conservant cette relique, plus précieuse encore que ses restes mortels et que ses écrits, les Filles
du Saint n'ont rien à craindre ni du temps ni des hommes.
9 Lettre DCX, p. 331.
10 Ibid., p. 330.
11 Cf. Mémoire adressé par saint François de Sales au Cardinal de Marquemont.
12 Lettre DCX, p. 330.
13 Discours sur M. de Sales.
27/329

3.8 Page 28

▲back to top


Deux ans avant les débuts de la Visitation, pendant que François de Sales et Jeanne-
Françoise de Chantal devisaient doucement sur leur projet bien-aimé, il survint une traverse qui
inquiéta momentanément leurs plus chères espérances et faillit tout changer14. Voici ce qui se
passa.
Depuis plusieurs années, et surtout depuis 1605, Antoine des Hayes ne cessait d'employer
son crédit auprès de Henri IV pour attirer et fixer à Paris le bienheureux Prélat15. Il secondait ainsi,
et non sans le savoir, les vues et les espérances de M. de Bérulle et du cercle Acarie16. De son côté,
Pierre Fenouillet, annécien d'origine et sorti naguère des rangs du clergé savoyard, avait prêché à
la [XV] cour avec éclat et venait de gagner par ce coup d'éloquence, l'évêché de Montpellier. Sans
aucune particule nobiliaire ni titre de noblesse, fils d'un simple régent de collège, l'ancien curé
d'Arenthon17 avait, à force de talent, attiré sur lui l'attention du roi. Très ami de l'Evêque de
Genève, qui l'avait recommandé tout récemment à Rome dans les termes les plus flatteurs18, il eût
vivement souhaité que son éminent compatriote quittât la Savoie pour s'établir dans la capitale.
C'est pourquoi, unissant ses démarches à celles de des Hayes, l'ami commun, il fut sur le point
d'aboutir19.
François de Sales laissait faire; même il semblait envisager non sans quelque plaisir la
perspective de venir à Paris. Il aimait tant Paris! C'était sa ville d'université; c'était le théâtre de ses
grands succès oratoires et de plusieurs conversions éclatantes. Il avait fait à Paris la rencontre de
si grandes âmes, pour ne nommer que Mme Acarie, la fondatrice des Carmélites de France, M. de
Bérulle, le fondateur de l'Oratoire, et tant d'autres personnes éminentes, qui, à cette époque,
imprimaient une direction d'exemple et de conseils aux gens du monde, avides d'une véritable et
sincère réforme. Paris souriait à son zèle d'apôtre, comme la vision d'un champ de bataille où
l'attendaient de bons combats et de belles victoires.
En Savoie, la place était plus étroite, et il faut bien l'avouer, le duc gênait parfois de son
autorité jalouse et tracassière, la noble indépendance du Saint, pourtant si humble et si dévoué.
Celui-ci s'en plaignait doucement à Antoine des Hayes et ne craignait pas de prononcer le mot de
servitude un jour que Son Altesse l'empêchait d'accepter une prédication à Paris: «Ces obediences
et «mortifications de n'oser pas estre libre quand on n'est pas serf, ne sont elles pas comparables a
celles de ceux qui ne sont pas libres par ce qu'ilz sont serfz20?» [XVI]
Un peu plus tard, nous voyons François de Sales calomnié par des flatteurs auprès de son
prince, à l'occasion d'un trait de courage qu'il aimait à raconter comme un bon tour joué à ses
diocésains récalcitrants de Genève. En pleine effervescence de calvinisme, il n'avait pas hésité à
traverser la ville avec sa suite. Le récit qu'il en fait lui-même est assez joli21. Croirait-on que le duc
de Savoie prit ombrage de cette aventure? Il pensa, ou se laissa persuader, que le Saint n'avait pu
exécuter ce coup hardi sans avoir quelque intelligence avec les habitants. François dut se défendre
et se disculper. Quand on compare à ces méfiances injustifiées du prince savoyard les avances
aimables et les «bonnes graces22» du roi Henri IV pour le bienheureux Prélat, il est aisé de conclure
de quel côté auraient penché Ses préférences, si une âme aussi détachée avait pu concevoir d'autre
ambition que celle de faire la volonté de Dieu.
La baronne de Chantal, tout de suite avertie des offres qu'on faisait à son vénéré
Conducteur, en conçut quelque inquiétude. Vite, le Saint la rassure: «Ne vous troubles point, ma
Fille... touchant la proposition qui se fait de me tirer moy mesme de ma terre et de mon parentage;
14 Voir Lettres CDXLIX-CDLI.
15 Cf. le tome précédent, note (258), p. 84.
16 Cf. Lettre DLIII.
17 Voir le tome précédent, p. 351.
18 Voir ibid., Lettre CDXXVII; cf. ci-après, note (47), p. 4.
19 Voir Lettre CDLVI.
20 Lettre DXLII, p. 182.
21 Voir les Lettres DXLVII, DLVIII, DLIX.
22 Lettre DC, p. 311.
28/329

3.9 Page 29

▲back to top


car rien ne se fera que de par Dieu, et de quel costé que j'aille sous sa conduite, tout ira fort bien
et pour vous et pour moy23
La Providence ne voulut pas ravir au bon pays de Savoie un de ses fils les plus illustres et
les plus saints. Paris avait assez d'hommes d'esprit, savants et pieux, capables de tenir tête aux
hérétiques et de diriger la réaction de ferveur qui se produisait alors. Ne fallait-il pas qu'à proximité
de Genève, la Jérusalem du Calvinisme, l'Eglise catholique fût représentée, défendue et honorée à
la face de ses irréconciliables ennemis, par le génie, le savoir et la vertu d'un homme si
irrésistiblement aimable? [XVII]
Tel en effet se montre-t-il au premier abord, et quoique à son insu, dans la libre allure et
l'honnête candeur de sa correspondance. Il porte déjà sur son front l'auréole distinctive de tous les
Saints, l'air de famille qui les rattache tous à Jésus-Christ, le divin Modèle: la douceur. Mais,
comme un air de famille qui se diversifie selon les personnes, la douceur, chez les Saints, rayonne
en mille nuances sur leurs physionomies variées. Chez François de Sales, elle est le reflet tout
original de la bonté d'une âme au fond très vigoureuse. C'est la grâce séduisante avec laquelle il
semble vouloir relever comme si ses grandes qualités en avaient besoin le don de lui-même,
soit qu'il se dévoue à l'occasion pour des inconnus, soit qu'il prolonge son attachement dans, des
liaisons durables de tendresse affectueuse avec des amis et avec les siens.
Pourquoi cette affabilité, pourquoi cette bonté charmante, sinon pour attirer tout le monde
au Bien-Aimé de son cœur, au Seigneur Jésus? Qu'on étudie à travers ses lettres l'amitié que saint
François de Sales entretenait avec les grandes âmes de cette époque, qu'on analyse la tendresse
dont il chérit ses parents: on sera ému d'admiration en découvrant que ce grand homme, si sensible
à l'amitié, n'a jamais aimé que pour le compte et pour l'amour de son Maître. C'est à la lumière de
cette idée qu'il faut lire sa correspondance avec sa sœur. «Ouy, ma chere Fille, ma Seur,» lui dit-
il24, «que je vous ayme, et plus que vous ne sçauries croire; mais principalement des que j'ay veu
en vostre ame ce digne et honnorable desir de vouloir aymer Nostre Seigneur avec toute fidelité et
sincerité.»
Cette affection surnaturelle pour ses proches n'excluait pas la tendresse naturelle du sang;
elle l'agrandissait et la fortifiait, sans rien lui ôter de sa sensibilité humaine. Aucun témoignage
plus touchant à cet égard que la lettre où le Saint raconte à la baronne de Chantal la mort de sa
mère, Mme de Boisy25. Le récit fait à la hâte et par [XVIII] reprises trahit naïvement l'exquise
sensibilité de l'amour filial. «Le cœur m'enfla fort et pleuray sur cette bonne mere plus que je
n'avois fait des que je suis d'Eglise; mais ce fut sans amertume spirituelle, graces a Dieu26.» En
pareille circonstance, et dans un endroit de ses Confessions27, saint Augustin s'excuse, pour ainsi
dire, d'avoir pleuré sa mère; il a l'air de se reprocher cette tendresse comme un défaut de résignation
chrétienne. Il est vrai que sa douleur fut moins discrète et qu'elle affecta son âme avec une grande
violence; On ne voit pas que François de Sales ait éprouvé les mêmes scrupules de rigorisme. Et
comme s'il répondait à l'objection de son illustre frère dans l'épiscopat: «Helas! il la failloit
neanmoins bien un peu pleurer,» écrit-il à propos de la sainte mort de la «pauvre petite Charlotte,»
âgée de neuf ans, une admirable fillette de la baronne de Chantal, car, ajoute-t-il, «n'avons
nous pas un cœur humain et un naturel sensible28
Reconnaissons néanmoins que chez l'Evêque d'Hippone comme chez l'Evêque de Genève,
les larmes n'arrivent qu'en dernier lieu. C'est quand saint Augustin a fermé les yeux de sa mère et
chanté joyeusement les Psaumes liturgiques, c'est quand il a mis la défunte au tombeau, qu'il songe
à sa douleur. Pareille fut la conduite de saint François de Sales: «J'eu le courage,» dit-il29, «de luy
23 Lettre CDLII, p. 15.
24 Lettre DXXXVII, p. 172.
25 Lettre DLXXXI.
26 Page 262.
27 Lib. IX, cap. XI, XII.
28 Page 264.
29 Page 262.
29/329

3.10 Page 30

▲back to top


donner la derniere benediction, luy fermer les yeux et la bouche et luy donner le dernier bayser de
paix a l'instant de son trespas.» Après quoi, son cœur se gonfla et ses larmes jaillirent.
Nous laissons au lecteur le plaisir de remarquer lui-même plusieurs autres analogies qui se
correspondent dans la lettre de saint François de Sales et les chapitres des Confessions de saint
Augustin. Ce qui appartient plus étroitement à notre sujet, c'était de signaler, à propos d'une même
situation entre deux grands Saints, [XIX] cette condescendance à la nature humaine qui, chez le
premier, se retrouve au milieu de la plus grande tristesse de sa vie, et qu'en pareille circonstance
on a peine à distinguer dans les pleurs amers du fils de sainte Monique.
Il y aurait à écrire tout un chapitre sur l'amitié surnaturelle de notre Saint pour ceux qu'il
aimait, et tout spécialement sur son amitié pour Jeanne-Françoise de Chantal. Il faut attendre que
de nouvelles lettres soient publiées. Remarquons en passant, que l'affection de cette âme angélique
marche progressivement et s'élève dans ces quelques années, vers une région de plus en plus
sereine et divine, attirant après elle l'âme de la Sainte vers l'aimable et «saint domicile» du Cœur
de Jésus30.
Intéressante aussi, bien qu'à d'autres titres, l'amitié de l'Evêque de Genève pour Camus,
l'Evêque de Belley, dont le nom apparaît pour la première fois dans ce volume31. Comment
pouvait-il exister une liaison aussi intime, aussi durable entre ces deux natures si
disproportionnées? Ce bon Camus qui fit des romans, qui batailla la majeure partie de sa vie contre
les moines, qui scandalisa la Mère Angélique de Port-Royal par ses facéties peu jansénistes, était
pourtant le fils chéri de saint François de Sales. Admettons qu'avec son caractère jovial et badin,
il servît quelquefois d'amusette à ses récréations. Si l'on ajoute quelque confiance à son livre de
L'Esprit du bienheureux François de Sales et pourquoi non32? il faut avouer que le
Bienheureux, qui avait beaucoup d'esprit, ne dédaignait pas de sourire et de plaisanter avec un si
gai voisin. Mais si le Saint l'aima beaucoup, s'il prit quelque divertissement à ses joyeux devis, ici
encore son amitié réelle pour Camus était au service du Maître. Tant que François de Sales vécut,
l'Evêque de Belley s'occupa merveilleusement de son diocèse: il prêcha, confessa, visita sans
relâche, avec une piété, avec un zèle qui nous étonne. Dès que le Saint [XX] lui manqua, cet esprit
bizarre et inquiet fut livré à tous ses caprices, non sans revoir souvent, avec fierté sans doute, mais
peut-être aussi avec quelque repentir, l'image du grand homme qui l'avait jadis aimé.
Le génie de saint François de Sales ne fait pas tort à son grand cœur. Ses lettres nous le
montrent à cette époque, doué déjà d'une grande sagesse, ayant des vues à peu près définitives sur
les hommes et sur les choses, très clairvoyant du côté de la terre et du côté du Ciel.
Quel admirable conducteur d'âmes! Quel guide sûr pour toutes les conditions de la vie
humaine! Il connaît tous les chemins, il a voyagé sur toutes les routes. Ce qu'il n'a pas vu, il le
devine. Soit pour orienter les âmes dans la voie du salut, soit pour les ramener de celle de l'erreur,
il est véritablement un Docteur, un Père de l'Eglise.
Dans les avis et les recommandations pour un jeune homme qui va à la cour33, on retrouve
sa philosophie clairvoyante, sa sagesse toute chrétienne. Il excelle dans l'art de concilier le
christianisme avec les obligations délicates d'une vie si élégante et si mondaine: ce don qu'il eut
toujours, sa qualité originale, unique. Et quelle pénétration dans les conseils! quelle discrétion et
quel tact aussi pour ne pas s'immiscer dans les questions qu'il ne croit pas de son ressort! «Je ne
parle pas,» lui dit-il34, «de l'exterieur de l'habit,... car vous sçavés trop mieux la bienseance, il ne
m'appartient pas d'en parler.» Quelle différence avec le bon moine qui censurait lourdement la
belle étoffe du sire de Joinville! Il est vrai que le sénéchal le mit vite à la raison.
30 Lettre DLXXVI, p. 253.
31 Page 139.
32 Voir toutefois la note de la page 159, où l'on trouvera, avec plus de détails sur Mgr Camus et sur cet ouvrage, un
jugement motivé de l'un et de l'autre.
33 Lettre DCXXXVII.
34 Page 379.
30/329

4 Pages 31-40

▲back to top


4.1 Page 31

▲back to top


François de Sales n'est pas moins heureux quand il s'agit de ramener les mécréants dans les
voies de la vérité. Veut-on connaître son secret? Son apologétique tient dans une ligne admirable
qui en dit plus que tous les gros livres qu'on écrit aujourd'hui sur l'art de convertir: «Qui presche
avec amour presche asses contre [XXI] les heretiques, quoy qu'il ne die un seul mot de dispute
contre eux35.» La douceur, toujours la douceur.
Ce n'est pas qu'il ignore le grand mystère de l'obstination et de l'impénitence de certaines
âmes. Il y a dans une lettre à Mme Brûlart, une réflexion qui fait penser. Si le jeune homme «est un
esprit de nature mal qualifié,... certes, c'est tenter Dieu de hazarder une fille en ses mains, sous
l'incertaine et douteuse presomption d'amendement36
Il n'attend rien non plus des chefs d'hérésie; il les connaît trop. En trois mots, il enlève leur
croquis37, avec une vivacité de touche que nous retrouverons plus tard dans l'Histoire des
Variations de Bossuet.
C'est encore à Bossuet que fait penser François de Sales dans sa célèbre lettre sur la mort
de Henri IV38. Comme lui, le sentiment de la vanité des grandeurs humaines le saisit, l'étreint. C'est
aussi le même souffle, c'est la même inspiration oratoire. «Le voyla mort d'un contemptible coup
de petit couteau39,» fait songer encore à Pascal, parlant de la fin inopinée de Cromwell. Mais les
sentiments développés dans cette admirable lettre, la part de sympathie personnelle que prend
l'auteur, les mouvements et l'économie de l'ensemble présentent déjà en raccourci une première
épreuve de l'oraison funèbre à la manière de Bossuet, quand il déplore la mort tragique de la
duchesse d'Orléans.
Cette rencontre avec le puissant orateur du XVIIe siècle n'est pas seulement intéressante
pour le lettré; elle est instructive encore pour le philosophe qui voudrait faire l'histoire naturelle
des écrivains d'une même race et d'une même époque. De ce point de vue, François de Sales, par
bien des influences non moins littéraires que morales, peut être regardé comme l'ancêtre des grands
écrivains religieux qui l'ont suivi. A l'époque où nous [XXII] sommes, sa physionomie commence
à se fixer. Les années pourront marquer plus vivement certains de ses traits; d'autres qui affleurent
à peine apparaîtront distinctement à leur tour, mais déjà l'image n'est-elle pas admirablement
expressive?
C'est cette image que nous avons essayé de reproduire d'après la correspondance de 1608
à 1610, tout en nous disant que rien ne remplacera la lecture personnelle des Lettres de saint
François de Sales; car, où est l'écrivain plus ingénu que lui, plus personnel, plus transparent? où
est l'écrivain plus charmant et plus aimable?
J.-J. NAVATEL, S. J.
Annecy, 1er octobre 1905,
Fête de Notre-Dame du Saint-Rosaire. [XXIII]
35 Lettre CDXCVI, pp. 96, 97.
36 Lettre DLXXXVIII, p. 279.
37 «Estans des plus asseurés menteurs et des plus opiniastres mattois du monde.» (Lettre DXLIV, p. 191.)
38 Lettre DC.
39 Page 310.
31/329

4.2 Page 32

▲back to top


Avis au lecteur
Des Lettres publiées dans ce volume, un grand nombre ont été revues sur les originaux,
comme il est indique d'ailleurs à la fin de chacune. Lorsqu'un Autographe provient dune
Communauté exilée ou dispersée, nous donnons son ancien domicile de France.
Les Lettres qui ne sont suivies d'aucune indication sont celles dont, à défaut d'Autographes
ou de copies authentiques, on a dû emprunter le texte à des publications antérieures. Voir à la fin
de ce volume la Table de correspondance, et l'Avant-Propos du tome XI, pp. xxv-xxvij,
Les Editeurs sont seuls responsables de l'adresse et de la date qui précèdent chaque pièce;
l'une et l'autre sont répétées à la fin quand elles figurent sur l'original, ou qu'elles sont
authentiques, quoique fournies par les textes imprimés. Les points remplaçant quelque
ènumèration de la date indiquent que cettc partie de la date est donnée, mais fautivement, par
l'édition à laquelle notre texte est emprunté.
Quand la date attribuée à une lettre n'est pas absolument sure, elle est insérée entre [ ].
Ces signes sont également employés pour les mots qu'il a fallu suppléer dans le. texte.
Les divergences qui existent entre quelques minutes et le texte définitif sont données au bas
des pages. Le commencement de la variante est indiqué par la répétition en italique des mots qui
la précèdent immédiatement au texte; la fin est régulièrement marquée par la lettre de renvoi. Les
passages biffés dans les Autographes sont enchâssés entre [ ].
Dès points placés au commencement ou à la fin des lettres indiquent un texte incomplet.
Quand les Autographes ont subi quelque mutilation, nous l'indiquons chaque fois.
A la suite de la Table de correspondance se trouve un Index, dans lequel il a été jugé à
propos de fondre les noms des destinataires avec les titres des principales notes historiques et
biographiques. Toutes les notes concernant le clergé de l'ancien diocèse de Genève sont tirées des
Registres de l'époque, conservés à l'Evêchè d'Annecy; elles sont désignées par les deux initiales
R. E.
Sauf indication contraire, tous les renseignements relatifs à la noblesse savoisienne sont
empruntés au monumental ouvrage du Comte Amèdée de Foras, si dignement continué par le
Comte de Mareschal de Luciane: Armorial et Nobiliaire de l'ancien Duché de Savoie.
32/329

4.3 Page 33

▲back to top


Lettres de Saint François de Sales. Année 1608
(Suite)
CDXLIV. A Madame de la Fléchère40. Il faut premièrement
«avoir patience d'estre imparfait.» Conseils pratiques pour
mettre son esprit en posture de suavité. A quoi doivent servir
nos chutes.
Annecy, 8 avril 1608.
Madame,
J'ay receu vostre premiere lettre avec une particuliere consolation, comme un bon
commencement de la communication spirituelle que nous devons avoir ensemble pour
l'advancement du royaume de Dieu dans nos cœurs. [1] Veuille ce mesme Dieu me bien inspirer
ce qui sera plus propre pour vostre conduitte.
Il n'est pas possible que vous soyes si tost maistresse de vostre ame et que vous la tenies
en vostre main si absolument de premier abord. Contentés-vous de gaigner de tems en tems
quelque petit advantage sur vostre passion ennemie. Il faut supporter les autres, mais
premierement, il se faut supporter soy mesme et avoir patience d'estre imparfait. Mon Dieu, ma
chere Fille, voudrions nous bien entrer au repos interieur sans passer par les contradictions et
contestes ordinaires?
Observés bien ces pointz que je vous ay dit. Preparés des le matin vostre ame a la
tranquillité; ayés un grand soin le long du jour de l'y rappeller souvent et de la reprendre en vostre
main. S'il vous arrive quelque acte de chagrin, ne vous en espouvantés point, ne vous en mettes
nullement en peyne; mais, l'ayant reconneu, humiliés-vous doucement devant Dieu et taschés de
remettre vostre esprit en posture de suavité. Dites a vostre ame: Or sus, nous avons fait un faux
pas; allons maintenant tout bellement et prenons garde a nous. Et toutes fois et quantes que vous
retomberes, faites-en de mesme.
Quand vous aures le repos, employés-le vivement, faysant le plus d'actes de douceur que
vous pourres et es occasions les plus frequentes que vous en ayes, pour petites qu'elles soyent; car,
comme dit Nostre Seigneur, qui est fidele es petites choses, on luy confiera les grandes41. Sur tout,
ma Fille, ne perdés point courage, avés patience, attendes, exerces-vous fort a l'esprit de
compassion. Je ne doute point que Dieu ne vous tienne de sa main, et bien qu'il vous laissera
40 Madeleine de la Forest, fille de Philibert de la Forest, baron de la Bâtie-d'Albanais, et de Madeleine Fléard, née vers
1565, épousa le 2 juin 1602, Claude-François de la Fléchère. Restée veuve en 1616, elle mourut le 17 août 1632.
Des grandes chrétiennes qui parvinrent sous la conduite du Saint à une perfection éminente, Mme de la
Fléchère n'est pas la moins connue. Sa foi naïve et profonde, son héroïque amour des malades et des pauvres, et plus
encore la trempe de son caractère et l'élan de sa piété, en font une digne émula de la baronne de Chantal. Par une
attention de cette même Providence qui les avait faites si semblables, ces deux âmes vigoureuses se rencontrèrent un
jour, et depuis, elles s'aimèrent comme deux sœurs. Le Bienheureux, lui aussi, on le verra par ses lettres, affectionna
Mme de la Fléchère comme une de ses plus chères filles spirituelles. «Apres nostre madame de Chantal, » écrivait-il
en 1616, «je ne sçay si j'ay fait rencontre d'une ame plus forte en un cors feminin, d'un esprit plus raysonnable et d'une
humilité plus sincere.»
Les commencements de cette direction semblent dater du Carême de 1608. Lorsqu'il venait à Rumilly, le
saint Evêque logeait ordinairement chez la noble dame. De sa maison, celle-ci, plus tard (1625), eut la délicate pensée
de faire un monastère pour les Filles de Sainte-Marie. Elle y fut enterrée, après avoir fait sur son lit de mort les vœux
de Religion dans le même Institut de la Visitation. (Cf. sa Vie, dans Les Vies de VIII veneralles Veves, etc., par la
Mère de Chaugy; Annecy, 1659.)
41 Luc., XVI, 10; Matt., XXV, 21, 23.
33/329

4.4 Page 34

▲back to top


broncher, ce ne sera que pour vous faire connoistre que s'il ne vous tenoit vous tomberies du tout,
et affin que vous luy serries la main de plus fort. [2]
A Dieu, Madame, a Dieu soyés vous entièrement, absolument, irrevocablement. Je suis en
luy,
Vostre serviteur tout dedié,
FRANÇS, E. de Geneve.
Le 8 avril 1608.
CDXLV. A Madame de Vallon42. Le Saint donne à la
destinataire des nouvelles de son mari et de sa parenté.
Annecy, 10 avril 160843.
Madame ma Cousine,
Je sçai que vous aves eu des lettres de monsieur mon cousin vostre mari44, mais je ne puis
me contenir de vous dire que monsieur de la Fleschere45, qui fut hier icy, m'asseure que jamais il
ne se porta mieux, ni monsieur de Charmoysi46. Il faut donques que vous vous en resjouissies, en
remerciant Dieu et le loüant. Je le supplie qu'il vous accompaigne tous-jours de ses saintes
consolations et, qu'en icelles, il vous rende de plus en plus sa devote.
Je suis cependant, ma Cousine,
Vostre cousin, compere, parrein et serviteur
bien humble,
FRANÇS, E. de Geneve.
X avril 1608. [3]
42 Antoinette-Françoise, fille de Charles Vidomne de Chaumont, seigneur dé Charmoisy, et de Françoise de
Bellegarde, avait épousé par contrat dotal du 14 janvier 1595, Jacques de Gex, seigneur de Vallon. (Voir le tome XII,
note (582), p. 260.) Elle testa le 25 mai 1622.
43 Migne, après Vivès, donne la date de 1603; les faits la contredisent manifestement et persuadent de lui substituer
avec certitude celle de 1608.
44 M. de Vallon était alors à Turin. (Cf. la lettre du 16 mai 1608, p. 16.)
45 Claude-François (voir sa note plus loin, et cf. ci-dessus, note (40), p. 1).
46 Claude, frère de la destinataire. (Voir le tome XII, note (510), p. 216.)
34/329

4.5 Page 35

▲back to top


CDXLVI. A Monseigneur Pierre Fenouillet, Evêque élu de
Montpellier47 (Inédite). Remerciements et félicitations pour
l'envoi d'une oraison funèbre; souhaits d'amitié offerts au
destinataire, son futur frère dans l'épiscopat. Message pour un
ami commun.
Annecy, 19 avril 1608.
Monsieur,
Il n'estoit pas besoin que vous prissies la peyne de me faire sçavoir comme j'avois perdu le
bien de recevoir de vos lettres ces deux ou trois moys passés, car jamais je ne me fusse voulu
donner cette affliction de croire que c'eust esté pour estre esloigné de vostre bonne grace, et toutes
les autres causes ne me sont pas ennuyeuses. Je vous rens mille graces de la belle orayson funebre
que vous m'aves envoyee48. Elle a double prix en mon estime, [4] estant, comm'elle est, fort ornee,
et d'un lieu que j'honnore avec une affection tres entiere.
J'attens avec un peu d'inquietude la nouvelle de vostre consecration. Il m'est advis que la
communion de ce saint caractere nous alliera de plus fort; mays en l'attendant, je ne laisseray de
prononcer souvent en mon ame le souhait solemnel: Ad multos annos49. Dieu me veuille exaucer,
Monsieur, et vous seres beni des plus durables benedictions du ciel50, et moy je deviendray autant
utilement comme je suis affectionnement,
Vostre serviteur et tres humble,
FRANÇS, E. de Geneve.
Monsieur, j'escris a nostre grand amy51, mais je vous requiers vostre intercession encor
affin qu'il continue de m'aymer. Helas, le pauvre Truitard52 me vient de supplier avec grande
instance de le recommander a monsieur de la Bretonniere53.
A Annessy, le 19 avril 1608.
47 Pierre Fenouillet, né à Annecy en 1572, préconisé évêque de Montpellier le 27 août 1608, mourut à Paris en 1653,
dans les derniers jours de novembre. Il fut célèbre en son temps: le Saint l'aima, il s'en fit aimer; mais sa gloire littéraire
a beaucoup souffert de ce redoutable voisinage. Le panégyriste disert, l'académicien de la Florimontane, fut surtout
un évêque vigilant et zélé: Unis exosus hœreticis, dit son épitaphe. Les Religieux furent sous son épiscopat, protégés,
rappelés ou réformés. Son origine annécienne, sa vénération et sa gratitude pour.le Fondateur lui firent chérir les Filles
de Sainte-Marie. Il les attira dans sa ville et jusqu'à sa mort leur fut un vrai père. Son cœur fut déposé à la Visitation,
dans la chapelle qu'il y avait fait bâtir en l'honneur de saint François de Sales. Les historiens de la littérature ne font
guère que citer son nom ; Fenouillet mériterait plus qu'une simple mention. Sa vie active et très remplie, ses œuvres
oratoires, le rôle qu'il a joué dans le clergé de France, fourniraient sans doute la matière d'une étude intéressante. (Cf.
le tome précédent, Lettre CDXXVII.)
48 A cette date, Pierre Fenouillet avait déjà publié deux oraisons funèbres; en voici les titres:
Oraison funebre sur le trespas de hault, puissant et illustre Messire Pompone de Believre, Chevalier et
Chancelier de France, prononcée en l'Eglise de S. Germain de l'Auxerrois, le 17 septembre 1607, par M. Pierre
Fenolliet, docteur en Théologie, Predicateur ordinaire du Roy; et nommé par sa Majesté à l'Evesché de Montpellier.
Paris, chez Rolin Thierry, rue S. Jacques, 1607.
Oraison funebre sur le trespas de Tres-haut, tres-puissant et tres-illustre Prince Henry de Bourbon, duc de
Montpensier, Pair de France, Souverain de Dombes, etc.. Gouverneur et lieutenant général pour le Roy en
Normandie, prononcée en la grande Eglise de Nostre-Dame de Paris, le 21e jour de Mars 1608, par Messire Pierre
Fenolliet, etc. Paris, Rolin Thierry, 1608.
Il est malaisé de savoir si c'est la première ou la seconde que désigne le Saint.
49 Pontifical. Rom. De consecratione.. in Episcop.
50 Gen., XLIX, 25.
51 Antoine des Hayes.
52 Probablement, Jean Truitard ou Truitat, «officier en la maison de Monseigneur» le duc de Nemours. (Reg. par. d
Annecy.)
53 Charles Chaliveau (voir le tome XII, note (506), p. 214).
35/329

4.6 Page 36

▲back to top


Revu sur une copie déclarée authentique, conservée à la Visitation de Montpellier. [5]
CDXLVII. Au Roi de France. Pauvreté des curés du Bugey ;
supplique en leur faveur.
Annecy, fin avril 160854.
Sire,
J'ay cinquante ou soixante curés sous ma charge au balliage de Beugey, sur lesquelz nulle
decime n'a ci devant esté imposee de la part de Vostre Majesté, a la bonté delaquelle je recours
maintenant pour eux, et eux avec moy, affin quil luy playse les exempter encores ci apres. Le
fondement de cette supplication, Sire, est a la verité bien mauvais, mais il n'en est que plus solide;
car c'est leur extreme pauvreté; puisque presque tous sont si chetifz en moyens qu'ilz n'en ont que
pour vivre miserablement. Si que Vostre Majesté commandant qu'on les laysse, elle leur fera
un'excellente aumosne, car elle leur donnera le repos, seule condition qui peut rendre leur disette
aucunement supportable, du milieu delaquelle [je prie] Dieu quil prospere Vostre
Majeste55..............................................................................................qui est...................................
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy. [6]
54 La date de cette lettre se déduit de son contenu. En 1607, l'assemblée générale du clergé de France essaya de faire
payer les décimes au clergé de Bresse, Bugey, Valromey et Gex, charge dont celui-ci avait été exempté par le traité
de Lyon (17 janvier 1601).
Les ecclésiastiques de Valromey et de Michaille constituèrent le 24 avril 1608 leur procureur, André de Sauzéa, pour
solliciter du roi le maintien de l'exemption. (R. E.) C'est donc vers le même temps que le Saint dut écrire la présente
lettre, et peut-être la confia-t-il à M. de Sauzéa. Henri IV fit droit à la réclamation, et le 28 août 1608 le Conseil d'Etat
annulait la décision de l'assemblée du clergé de France. (Cf. la lettre du 25 septembre 1608, aux Ecclésiastiques du
Bugey, du Valromey et de Gex.)
55 Les lacunes qui suivent proviennent de la mutilation de l'Autographe.
36/329

4.7 Page 37

▲back to top


CDXLVIII. A Madame de la Fléchère. L'humilité joyeuse dans
les légers manquements. Les exercices de dévotion pendant
la journée. Faire comme Notre-Dame : se tenir toujours d'une
main à Notre-Seigneur. — Apprivoiser son cœur à la
mansuétude. Les prières vocales et l'oraison mentale.
Annecy, [fin avril ou commencement de mai] 160856.
Madame,
J'ay esté bien consolé par les lettres que vous m'aves escrit, voyant que Nostre Seigneur
vous a fait gouster les commencemens de la tranquillité avec laquelle, moyennant sa grace, il nous
faut desormais continuer de le servir parmi la presse et multiplicité des affaires ausquelles nostre
vocation nous oblige. J'ay une extremement bonne esperance pour vous, parce que j'ay veu, ce me
semble, en vostre cœur une profonde resolution de vouloir servir sa divine Majesté, qui me fait
asseurer que vous userés de fidelité es exercices de la sainte devotion. Que si bien il y entrevient
beaucoup de manquemens par infirmité, il ne faut nullement s'estonner; mais, en detestant d'un
costé l'offence que Dieu en reçoit, il faut de l'autre avoir une certaine humilité joyeuse qui ayt a
playsir de voir et connoistre nostre misere.
Je vous diray briefvement les exercices que je vous conseillerois; vous les verres plus
clairement en cet escrit que je fay57. La preparation de toute la journee, qui se fait briefvement le
matin; l'orayson mentale avant disner, selon vostre loysir, pour une heure ou environ; le soir, avant
souper, une petite retraitte, en laquelle, comme [7] en maniere de repetition, vous facies une
douzaine de vives aspirations en Dieu selon la meditation du matin, ou sur quelque autre sujet.
Parmi le jour et entre les affaires, le plus souvent que vous pourres, examinés si vostre
amour est point engagé trop avant, s'il n'est point detraqué et si vous ne vous tenes pas tous-jours
par l'une des mains a Nostre Seigneur. Si vous vous treuves embarrassee outre mesure, accoisés
vostre ame et remettes-la en repos. Imaginés vous comme Nostre Dame employoit doucement
l'une de ses mains tandis qu'elle tenoit Nostre Seigneur de l'autre, ou sur son autre bras, en son
enfance; car c'estoit avec un grand esgard.
Au tems de paix et de tranquillité, multipliés les actes de douceur; car, par ce moyen, vous
apprivoyseres vostre cœur a la mansuetude. Ne vous amuses pas a combattre les menuës tentations
qui vous arrivent, par des contestes ou disputes avec elles, mais par des simples retours de vostre
cœur a Jesus Christ crucifié, comme si vous allies bayser son costé ou ses pieds par amour.
Ne vous mettes point en peyne de faire beaucoup d'oraysons vocales, et tous-jours, quand
vous prieres et que vous sentires vostre cœur porté a l'orayson mentale, laissés-l'y aller hardiment;
et quand vous ne feries que l'orayson mentale avec l'Orayson Dominicale et la Salutation
Angelique et la Creance, vous pouves vous contenter.
Je me dedie de grand courage au service de vostre ame, qui me sera dores-en-avant chere
comme la mienne propre. Nostre Seigneur soit a jamais maistre de nos cœurs, comme je suis en
luy,
Vostre serviteur,
FRANÇS, E. de Geneve. [8]
56 L'étude des lettres du 8 avril, du 19 mai 1608, leur comparaison avec celle-ci, lui font attribuer avec certitude une
même destinataire et suggèrent la date avec une grande vraisemblance.
57 Des instructions de ce genre avaient été rédigées en 1604 pour les dames de Dijon. (Cf. le tome XII, pp. 266, 333,
357 etc.)
37/329

4.8 Page 38

▲back to top


CDXLIX. A M. Antoine des Hayes. Henri IV désire attacher le
Saint au service de l'Eglise de son royaume. Humilité et
désintéressement de François de Sales ; c'est la volonté du Pape
qui lui manifestera la volonté de Dieu.
Annecy, 6 mai 1608.
Monsieur,
J'ay receu vostre lettre du 21 avril qui me fait admirer la bonté du Roy, qui non seulement
me fait lhonneur de se resouvenir de moy, mais encor de me vouloir du bien et m'estimer digne de
luy rendre du contentement au service de l'Eglise en son royaume58. Vous pouves penser,
Monsieur, si j'ay esté touché de gloyre pour cela. Si ay, a la verité, et m'y fusse laissé emporter si
la connoissance de mon insuffisance ne m'eut arresté; car cet honneur ne m'esblouyt point tant que
je ne voye bien les bornes et limites de ma capacité, lesquelles sont sans doute fort courtes et
estroittes.
Et pour cela, Monsieur, je vous supplie d'apprendre de Sa Majesté que c'est qu'elle
penseroit faire de moy et en quoy elle desireroit m'employer, car sans doute je ne suis pas bon a
beaucoup de choses; et j'ay neanmoins cette generosité de ne vouloir pas estre appliqué que pour
ce que je suis et en ce que je puis, d'autant plus quand ce seroit par la gratification et grace d'un si
grand Roy, lequel ne pense pas a me faire transplanter de ce pais en son royaume, abondant en
toutes sortes de personnes de merite, quil ne m'estime fructueux et propre a son contentement.
Et je sçai bien qu'il ny a nulle si mauvayse piece au monde qui ne soit utile a quelque chose;
mais il faut [9] luy treuver son usage et son lieu. Dieu m'a fait la grace de reconnoistre que je suis
fait pour luy, par luy et en luy. Je ne suis ni seray jamais enfant de fortune, tandis que le Ciel
m'esclairera. C'est pourquoy, ou que je sois appellé pour le service de la gloire divine, je ne
contrediray nullement d'y aller; mais sur tout en France, a l'air de laquelle ayant esté nourri et
instruit, je ne puis dissimuler que je n'aye une speciale inclination, et encor plus, la voyant sous un
Roy que je doys honnorer et estimer si hautement et qui m'oblige si extremement comm'il fait. Il
est vray que je suis en mon pais et entre les miens, avec une certaine suffisance qui me suffit et,
ce qui m'est le plus cher, avec un repos aussi grand que ma charge le peut permettre et qui meshuy
me semble asses ferme. Mais tout cela ne me tient qu'au bout des doigtz et ne me sçauroit
empescher de m'embarquer a tout autre service ou je penserois estre plus utile a la gloire divine et
au bien de l'Eglise, puisque des mon Baptesme et par vocation je suis consacré a cela.
Si donques Sa Majesté vous dit son intention particuliere, j'examineray avec Dieu et en sa
presence mes forces; et si je les sens aucunement assortissantes au service qu'elle desirera, et que
Sa Sainteté me le commande (car vous sçaves bien que sans cela je n'oserois me remuer de la
sentinelle en laquelle je suis posé), je me rendray tout prest, tout prompt, tout affectionné a suivre
la vocation divine, ne doutant nullement qu'elle ne soit telle, quand je verray se joindre les volontés
du Pape et du Roy.
C'est trop dit, ce me semble, a vous, Monsieur, qui m'aymes tant et me connoisses tant, et
qui sçaves entr'autres choses que je suis de tout mon cœur, Monsieur,
Vostre serviteur tres affectionné et bien humble,
FRANÇS, E. de Geneve.
VI may 1608, a Neci.
A Monsieur
Monsieur des Hayes.
58 Il est certain que le roi de France essaya d'attirer à Paris l'Evêque de Genève. Des propositions furent faites au Prélat,
en particulier en 1608 (cf. les Lettres CDLI, CDLII); toutefois, il est difficile de préciser quelle fut alors l'intention de
Henri IV et de savoir à quel service il désirait appliquer les admirables ressources de notre Saint.
38/329

4.9 Page 39

▲back to top


Revu sur l'Autographe conservé au Ier Monastère de la Visitation de Rouen. [10]
CDL. Au même. Le Saint voudrait savoir de son ami les
intentions de Henri IV à son égard. Diverses raisons
persuadent l'Evêque d'attendre sans inquiétude la suite des
événements ; il ne veut que la volonté de Dieu. Témoignages
d'amitié. Message pour Mgr de Montpellier.
Annecy, 6 mai 1608.
Monsieur,
Je jette cette feuill' a part affin de vous y parler avec plus de liberté et vous en laisser aussi
pour monstrer ma lettre, sil y escheoit. Vous verres donq, sil vous plait, la lettre que j'escris au
Roy, et, sil vous semble a propos, vous la luy donneres, ou si vous juges autrement, vous pourres
en parler a Sa Majesté vous mesme a vostre gré, car en ceci j'ay grandement besoin de vostre
conduite.
Je n'ay pas creu, sur une proposition si generale comm'est celle que Sa Majesté me fait
faire, de me devoir resoudre; car il se pourroit bien faire que venant a joindre et a voir le lieu ou
l'occasion en laquelle on me voudroit tirer, que je me treuverois tout a fait insuffisant au service
que l'on praetendroit de moy, ou quil ne seroit pas expedient que je me misse au change, dautant
que les changements, a mon advis, sont tous-jours dignes de consideration pour ceux qui ne sont
pas mal. Si le sujet n'en est grand et digne, on est blasmé de legereté, et l'attirail en est tous-jours
de grands frais; car il faut un peu tout dire avec vous qui aves mon cœur en main.
Apres tout cela, vous sçaves que sans l'authorité du Pape, je ne puis nullement me remuer;
et si, il m'importe que cest' authorité previenne toutes les nouvelles qu'on en pourroit avoir de deça.
Vous jugeres bien pourquoy. C'est cela qui me rend tout ceci difficile, car, pour parler en
conscience, je ne merite pas l'employte de tant de misteres. [11]
Je sçai que, la chose n'estant pas preste, il y a asses de tems pour penser a toutes ces choses;
mais encor m'a-il semblé que je vous devois ainsy tout dire naivement, affin que, selon les
occurrences, vous m'aydies a prendre les resolutions convenables. Et ce pendant, je demanderay
incessamment la clarté du Ciel et diray a Nostre Seigneur: Seigneur, que voules vous que je face59?
car je proteste devant sa souveraine Majesté, que je ne veux vouloir que sa volonté tressainte, soit
a demeurer, soit a changer de place. Et si je la sçai connoistre, je ne me veux divertir ni a droite m
a gauche du chemin qu'elle me monstrera; car ce peu de tems que j'ay a passer ne m'est rien au
prix de l'eternité. Pour donques laysser entierement la conduite de mon sort es mains de Dieu60, je
ne veux ni refuser ni accepter que je ne voye et considere que c'est.
Au demeurant, je ne doute point que vostre amitié en mon endroit n'aye beaucoup contribué
pour amplifier et aggrandir l'estime que le Roy fait de moy, de laquelle, sans mentir, je suis
honteux, et en cas que je deusse paroistre a sa veue, je serois bien en peyne de soustenir cett'
opinion. Nostre Seigneur vous conserve et aggrandisse en ses saintes benedictions, et me face la
grace de ne point paroistr'ingrat de tant de faveurs que je reçois de vous, ains de tesmoigner par
effect que je suis de coeur tout entier,
Monsieur,
Vostre serviteur plus humble et tres fidelle,
FRANÇS, E. de Geneve.
59 Act., IX, 6.
60 Cf. Ps. XXX, 16.
39/329

4.10 Page 40

▲back to top


6 may 1608.
Monsieur, on me presse de plier ce pacquet. Oseray je donq bien supplier Monsieur le
Reverendissime de Montpellier de me conserver ses graces, et sçavoir par ces trois lignes que je
suis son tres humble serviteur? Monsieur, obliges moy de le luy dire, car il est fort vray.
Revu sur l'Autographe conservé au Ier Monastère de la Visitation de Rouen. [12]
CDLI. A la Baronne de Chantal. Rien ne se fait que sous la
conduite de Dieu. Lé Saint ne veut que Dieu pour son
partage. L'objet de ses considérations en l'oraison.
Annecy, 6 mai 160861.
On parle de m aggrandir, mais c'est a bon jeu, bon argent, et du costé de dela. Cela m'a mis
en peyne, car c'est avec le tiltre de la plus grande gloire de Dieu et du service de l'Eglise. Or,
demeurés en paix, ma tres chere Fille; car il ne se fera rien que selon le bon playsir de sa divine
Majesté et. sous sa conduite.
Je ne sçai d'ou cela peut arriver que ce grand Prince continue si fort a me favoriser sans
que j'aye jamais fait nulle chose pour cela. J'ay fait responce62 (car, comme je vous dis, c'est tout
de bon) que j'estois tout a Dieu et que je luy dirois: Seigneur, que voules vous que je face63? Entre
ci et deux mois, je seray hors de cette peyne par une resolution absoluë. Priés donques bien pour
moy, ma chere Fille, affin que mon cœur se tienne pur de toutes vanités et pretentions mondaines.
Pour moy, je proteste que je ne veux que Dieu pour mon partage64, comme que ce soit. La
commodité de nos resolutions65 ne se peut bonnement perdre, mais de plus en plus faciliter,
moyennant la grace divine.
O ma Fille, quand serons nous unis a nostre Dieu de l'union parfaite? quand aurons nous
des cœurs embrasés de son amour? Courage, ma chere Fille, nous sommes destinés a cette heureuse
fin. Ne nous troublons point des sterilités, car les sterilités enfanteront en fin; ni des secheresses,
car la terre seche se convertira en sources d'eaux vivantes66. [13]
L'autre jour en l'orayson, considerant le costé ouvert de Nostre Seigneur et voyant son
cœur, il m'estoit advis que nos cœurs estoyent tout alentour de luy, qui luy faisoyent hommage
comme au souverain Roy des cœurs. Qu'a jamais soit-il nostre cœur. Amen.
67Et cette petite Aymee sera des tres mieux aymees seurs du monde, car je seray son frere.
Mais, avec tout cela, ceci ne sera que nostre alliance exterieure, car Celuy a l'œil duquel le fond
de mon cœur est ouvert, sçait bien que le lien interieur duquel il joint mon esprit au vostre est
totalement independant de tous ces accidens, qui ne peuvent ni adjouster ni diminuer a cette intime
et tres pure affection et union que Dieu a fait en nous.
FRANÇS, E. de Geneve.
61 La date attribuée à cette lettre est prouvée parcelle des deux précédentes.
62 Vide Ep. praeced.
63 Act., IX, 6.
64 Ps. LXXII, 26.
65 Vide tom. praeced. p. 293, not. (813), et pp. 295, 318.
66 Isaiae, XXXV, 7.
67 L'édition de 1626 n'étant pas une édition critique (cf. l'Avant-Propos du tome XI, pp. IX, X), toutes les fois que,
faute d'Autographe, il a fallu reproduire son texte et que, faute de documents, celui-ci n'a pu être contrôlé et justifié,
nous ne pouvons garantir l'intégrité de la lettre. C'est le cas de celle-ci. Quant aux autres, le lecteur sera averti par un
renvoi à la présente note.
40/329

5 Pages 41-50

▲back to top


5.1 Page 41

▲back to top


CDLII. A la même. Il faut tout faire avec une diligence
tranquille. On veut tirer l'Evêque de sa terre et de son
«parentage» ; sentiments que lui inspire ce projet. Le rendez-
vous de l'âme du Saint.
Annecy, [vers le 11] mai 1608.
Je receu la semaine passee quatre lettres des vostres: l'une, du jour de Pasques, les autres
trois, du 27 avril. Or, plustost que de tarder davantage, je vous veux escrire tout a la haste.
Je voy ce que vous me dites de ces bonnes ames, [14] compagnes de vos desirs68; de vos
desirs, dis je, qui se fortifient et se rendent actifs dedans vostre cœur. Helas, ma chere Fille, ilz
vous resveillent souvent l'esprit, a ce que je voy; mais croyés bien que celuy que j'ay de conduire
le tout a chef et a la gloire de Dieu m'excite aussi tres souvent (or sus, je veux dire ce mot de
vanterie), plus souvent que vous, que je croy; mais ne faut il pas tout faire avec une diligence
soigneuse, mais douce, mais tranquille, mais resignee? Eh bien, j'espere que Dieu sera nostre
guide.
Et ne vous troubles point, ma Fille, je vous prie, de ce que je vous escrivis l'autre jour69
touchant la proposition qui se fait de me tirer moy mesme de ma terre et de mon parentage70; car
rien ne se fera que de par Dieu, et de quel costé que j'aille sous sa conduite, tout ira fort bien et
pour vous et pour moy. Non, croyés-le bien, ma chere Fille (mais voyes vous, n'en parles a
personne, je vous dis tout), ce ne seroit pas sans repugnance s'il me failloit changer de logis, bien
que je ne me sente nullement attaché qu'a quelques ames, d'un lien tput purement spirituel, Dieu
mercy. Mais Dieu tiendra tout de sa main; car voyes vous, ma chere Fille, mon ame n'a point de
rendes vous qu'en cette providence de Dieu: Mon Dieu, vous me l'aves enseigné des ma jeunesse,
et jusques a present j'en annonceray vos merveilles71.
A Dieu, ma chere Fille. Tenés pour tout asseuré que je pense fort au soin de vostre ame,
laquelle m'est chere, pretieuse et aymable comme la mienne propre, et je ne la tiens que pour une
mesme. Dieu nous ayme, ma chere Fille; il sera tous-jours avec nous, nostre unique amour et
confiance. O Dieu, que je desire de bien a vostre esprit, [15] ma chere Fille! Nostre Dame soit
nostre Dame et Maistresse.
Vostre, tel que Dieu le veut et fait,
FRANÇS, E. de Geneve.
A Neci... may 1608.
68 La baronne de Chantal aimait à s'entourer de personnes éprises du désir de la ferveur et aspirant comme elle à quitter
le siècle. «Elle avait souvent avec elle des prétendantes des Carmélites, et singulièrement depuis l'année 1607, notre
très honorée Sœur et Mère Jeanne-Charlotte de Bréchard demeurait assez souvent avec elle. Depuis son retour de ce
dernier voyage de Savoie (1607), toutes ces filles dévotes et elle s'accoutumaient ensemble aux exercices religieux,
comme silence, psalmodie et semblables.» (Mémoires de la Mère de Chaugy, Ire Partie, chap. XXIV.)
69 Epist. praeced.
70 Gen., XII, 1.
71 Ps. LXX, 17.
41/329

5.2 Page 42

▲back to top


CDLIII. A Madame de Vallon (Inédite). Témoignages de
dévouement à une parente. Nouvelles et messages.
Annecy, 16 mai 1608.
Madame ma Cousine,
Par ce que monsieur de Fontaine72, partant lundi de Turin, laissa monsieur de Vallon mon
cousin en bonne santé et monsieur de Charmoysi aussi73, j'ay voulu, par cette commodité, vous en
donner l'asseurance, bien que peut estre aures vous des lettres aussi recentes que cela. Mais cet
advis ne sera pas pour cela inutile, puis qu'il me donnera sujet de me ramentevoir en vostre bonne
grace, en vous tesmoignant que si mes prieres sont favorisees au Ciel, vous vivrés tous-jours toute
consolee des consolations du Saint Esprit.
Je verray dans peu de jours mes cousines a Sainte Catherine74, ou je leur offriray tout ce
qui est en mon [16] pouvoir; mais elles ont un si bon pere et une si bonne mere, que le reste des
parens n'ont nul sujet de les servir. Au moins en auray-je tous-jours la volonté, puis que je suis,
Madame ma Cousine,
Vostre bien humble cousin, parrein, compere
et serviteur,
FRANÇS, E. de Geneve.
Je salue bien humblement monsieur du Vilars, mon bon cousin75, et luy renvoyeray bien
tost la requeste de la parroisse respondue76.
La bonne madame de Charmoysi est malade d'une grande descente, et je m'en vay tout
maintenant la voir, si cela ne l'incommode point.
A Neci, le XVI may 1608.
A Madame
Madame de Vallon.
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy. [17]
72 Antoine des Hayes, dans ses lettres à M. de Charmoisy, parle plus d'une fois du sieur de Fontaine comme d'un ami
commun. Les historiens de Savoie mentionnent aussi un gentilhomme de ce nom, noble Jean-Baptiste Fontaine, qui
épousa Jeanne Vimarcat, première femme de chambre de la princesse Marguerite de Savoie, duchesse de Parme.
«Monsieur de Fontaine» dont il est ici question semble être identique au premier, si toutefois il ne s'agit pas dans les
trois cas d'un seul et même personnage.
73 Cf. supra, Epist. CDXLV.
74 L'une des filles de Mme de Vallon, Louise-Françoise, baptisée le 21 septembre 1604, fut la filleule du Saint, entra
au couvent des Chartreusines de Mélan vers 1620 et mourut en 1660. Les «cousines» dont il est parlé ici, sont sans
doute Claudine et Charlotte-Françoise de Vallon, alors pensionnaires au monastère de Sainte-Catherine (voir le tome
précédent, note (334), p. 116); Charlotte-Françoise en devint plus tard Fabbesse et mourut le 26 avril 1672.
75 Claude de Gex (cf. le tome XII, Lettre CCXIV).
76 La famille de Gex avait sollicité du saint Evêque la concession d'une chapelle dans l'église paroissiale de Samoëns;
celle de Saint-Laurent lui fut assignée. La supplique mentionnée ici et la promesse d'y répondre paraissent se rapporter
à cette affaire.
42/329

5.3 Page 43

▲back to top


CDLIV. A Mademoiselle Claudine de Chastel77. Le vœu de
chasteté: considérations qu'il faut faire pour s'y préparer.
Eloge de la sainte chasteté: vertu vraiment céleste, qui consacre
à Dieu les âmes et les corps, vouée d'abord par Notre-Dame, et
après elle, par toute la troupe des cœurs vierges. — Formule de
ce vœu; il fait de notre corps une sainte relique, un calice
consacré.
Annecy, 18 mai 1608.
Madamoyselle,
Je croy que le desir que vous aves de vouer vostre chasteté a Dieu n'a pas esté conceu en
vostre ame que premierement vous n'ayes longuement consideré son importance: c'est pourquoy
j'appreuve que vous le facies, et le jour de Pentecoste mesme78. Or, pour le bien faire, prenés le
loysir les trois jours precedens, de bien preparer vostre vœu par l'orayson, laquelle vous pourres
tirer de ces considerations:
Considerés combien la sainte chasteté est une vertu aggreable a Dieu et aux Anges, ayant
voulu qu'elle fust eternellement observee au Ciel, ou il n'y a plus aucune sorte de playsirs charnelz
ni de mariages79. Ne seres-vous pas bien heureuse de commencer en ce monde la vie que [18] vous
continueres eternellement en l'autre? Benisses donq Dieu qui vous a donné cette sainte inspiration.
Considerés combien cette vertu est noble, qui tient nos ames blanches comme le lys, pures comme
le soleil; qui rend nos cors consacrés et nous donne la commodité d'estre tout entierement a sa
divine Majesté, cœur, cors, esprit et sentimens. N'est ce pas un grand contentement de pouvoir dire
a Nostre Seigneur: Mon cœur et ma chair tressaillent de joye en vostre Bonté80, pour l'amour de
laquelle je quitte tout amour et pour le playsir de laquelle je renonce a tous autres playsirs? Quel
bonheur de n'avoir point reservé de delices mondaines pour ce cors, affin de donner plus
entierement son cœur a son Dieu!
Considerés que la Sainte Vierge voua la premiere sa virginité a Dieu, et apres elle, tant de
vierges, hommes et femmes. Mais avec quelle ardeur, avec quel amour, avec quelle affection furent
vouées ces virginités, ces chastetés? O Dieu, cela ne se peut dire. Humiliés vous fort devant la
trouppe celeste des vierges et, par l'humble priere, suppliés-les qu'elles vous reçoivent avec elles,
non pas pour pretendre a les esgaler en pureté, mais au moins affin que vous soyes advoùee leur
servante indigne, en les imitant au plus pres que vous pourres. Suppliés-les qu'elles offrent avec
vous vostre vœu a Jesus Christ, Roy des vierges, et qu'elles rendent aggreable vostre chasteté par
le merite de la leur. Sur tout, recommandés vostre intention a Nostre Dame, puis a vostre bon
Ange, affin que desormais il luy playse, d'un soin particulier, preserver vostre cœur et vostre cors
de toute souilleure contraire a vostre vœu.
77 Une des filles de Jean-François de Chastel et de Jacqueline de Bonivard, Claudine de Chastel, avait fait vœu de
chasteté, après en avoir conféré par écrit avec le Saint. (Année Sainte de la Visitation, tome IV, p. 108.) Cette
particularité et d'autres analogies permettraient de lui attribuer la destination de cette lettre.
Avec ses quatre sœurs, dont l'une, la future Mère Péronne-Marie de Chastel, illustra plus tard les origines de
la Visitation, Claudine «avait participé à l'excellente éducation que Mme de la Chambre» (voir ci-après, note (94), p.
28) «donnait à plusieurs personnes de qualité.» Entrée à la Visitation d'Annecy, elle reçut l'habit des mains du Saint,
avec le nom de Claude-Cécile, le 26 avril 1620, et fit profession le 13 juin 1621. Elle décéda le 4 avril 1668 au
monastère de Chambéry, où elle vint tout d'abord quand il se fonda, comme il lui avait été prédit par le Bienheureux.
(Voir sa Vie dans l'Année Sainte, tome IV, p. 106.)
78 La Pentecôte tombait cette année le 25 mai.
79 Matt., XXII, 30.
80 Ps. LXXXIII, 3.
43/329

5.4 Page 44

▲back to top


Puis, le jour de Pentecoste, lhors que le prestre eslevera la sainte Hostie, offrés avec luy a
Dieu, le Pere eternel, le cors pretieux de son cher Enfant, Jesus, et tout ensemble vostre cors, lequel
vous feres vœu de conserver en chasteté tous les jours de vostre vie. La forme de faire ce vœu
pourroit estre telle:
O Dieu eternel, Pere, Filz et Saint Esprit, je N., vostre indigne creature, constituee en vostre
divine presence et [19] de toute vostre Cour celeste, prometz a vostre divine Majesté, et fay vœu
de garder et observer tout le tems de la vie mortelle qu'il vous plaira me donner, une entiere chasteté
et continence, moyennant la faveur et grace de vostre Saint Esprit. Playse vous accepter ce mien
vœu irrevocable en holocauste de suavité, et puisqu'il vous a pleu m'inspirer de le faire, donnes
moy la force de le parfaire a vostre honneur, par tous les siecles des siecles81.
Quelques uns escrivent ou font escrire ce vœu, et le signent; puis le remettent a quelque
pere spirituel, affin qu'il en soit comme le protecteur et parrein. Mais bien que cela soit utile, il
n'est pas necessaire. Vous communieres sur cela, et pourres dire a Nostre Seigneur que vrayement
il est vostre Espoux.
Mais parles-en a vostre confesseur; car s'il vous ordonnoit de ne le faire pas, il le faudroit
croire, puisque, voyant l'estat present de vostre ame, il pourra mieux juger ce qui est expedient que
moy.
Mais, ma bonne Fille, ce vœu estant fait, il faut que vous ne permetties jamais a personne
de chatouiller vostre cœur d'aucun propos d'amour ni de mariage; mais que vous ayés un grand
respect a vostre cors, non plus comme a vostre cors, mais comme a un cors sacré et a une tres
sainte relique. Et comme on n'ose plus toucher ni profaner un calice apres que l'Evesque l'a
consacré, ainsy, le Saint Esprit ayant consacré vostre cœur et vostre cors par ce vœu, il faut que
vous luy porties une grande reverence.
Au demeurant, je recommanderay le tout a Dieu, lequel sçait que je vous cheris fort
affectionnement en luy; et le mesme jour de Pentecoste, je luy offriray vostre cœur et ce qui en
sortira pour sa gloire. Qu'a jamais Jesus soit vostre amour et sa sainte Mere vostre guide! Amen.
Vostre serviteur en Jesus Christ,
FRANÇS, E. de Geneve.
A Neci, le 18 may 1608. [20]
CDLV. A Madame de la Fléchère82. Un moyen commode
d'acquérir les solides vertus: se mettre en patience avec
opiniâtreté. Pour réussir dans les affaires, compter sur
l'assistance de Dieu et user d'une douce diligence. Les
affaires de ce monde et les maisonnettes des petits enfants.
La chose la plus importante. Toujours recommencer: le
meilleur moyen pour achever la vie spirituelle.
Annecy, 19 mai 1608.
Je me resouviens que vous me distes combien la multiplicité de vos affaires vous chargeoit;
et je vous dis que c'estoit une bonne commodité pour acquerir les vrayes et solides vertus. C'est un
martyre continuel que celuy de la multiplicité des affaires; car, comme les mouches font plus de
81 Cf. Formul. votorum simpl. in Soc. Jesu usurpatam.
82 Les conseils précis de cette lettre et d'autres particularités historiques, connues d'ailleurs, persuadent que cette dame
est très vraisemblablement la destinataire.
44/329

5.5 Page 45

▲back to top


peyne et d'ennuy a ceux qui voyagent en esté que ne fait le voyage mesme, ainsy la diversité et la
multitude des affaires fait plus de peyne que leur pesanteur mesme.
Vous aves besoin de la patience, et j'espere que Dieu la vous donnera, si vous la luy
demandes soigneusement et que vous vous efforcies de la prattiquer fidellement, vous y preparant
tous les matins par une application speciale de quelque point de vostre meditation, et vous
opiniastrant de vous mettre en patience le long de la journee tout autant de fois que vous vous en
sentires distraite.
Ne perdés nulle occasion, pour petite qu'elle soit, d'exercer la douceur de cœur envers un
chacun. Ne vous confiés pas de pouvoir reuscir en vos affaires par vostre industrie, ains seulement
par l'assistance de Dieu; et partant, reposés vous en son soin, croyant qu'il fera ce qui sera le mieux
pour vous, pourveu que, de vostre costé, [21] vous usies d'une douce diligence. Je dis douce
diligence, parce que les diligences violentes gastent le cœur et les affaires, et ne sont pas diligences,
mais empressemens et troubles.
Mon Dieu, Madame, nous serons bien tost en l'eternité, et lhors nous verrons combien
toutes les affaires de ce monde sont peu de chose et combien il importoit peu qu'elles se fissent ou
ne se fissent pas; maintenant, neanmoins, nous nous empressons comme si c'estoyent des choses
grandes. Quand nous estions petitz enfans, avec quel empressement assemblions nous des
morceaux de tuyles, de bois, de la bouë, pour faire des maysons et petitz bastimens! Et si quelqu'un
nous les ruynoit, nous en estions bien marris et pleurions; mais maintenant nous connoissons bien
que tout cela importoit fort peu. Un jour nous en serons de mesme au Ciel, que nous verrons que
nos affections au monde n'estoyent que de vrayes enfances.
Je ne veux pas oster le soin que nous devons avoir de ces petites tricheries et bagatelles,
car Dieu nous les a commises en ce monde pour exercice; mais je voudrois bien oster l'ardeur et
la chaleur de ce soin. Faysons nos enfances, puisque nous sommes enfans; mais aussi, ne nous
morfondons pas a les faire. Et si quelqu'un ruyne nos maysonnettes et petitz desseins, ne nous en
tourmentons pas beaucoup; car aussi, quand ce viendra le soir auquel il se faudra mettre a couvert,
je veux dire la mort, toutes ces maysonnettes ne seront pas a propos: il faudra se retirer en la
mayson de nostre Pere83. Soignés fidellement a vos affaires, mais sachés que vous n'avés point de
plus dignes affaires que celuy de vostre salut et l'acheminement du salut de vostre ame a la vraye
devotion.
Ayés patience avec tous, mais principalement avec vous mesme; je veux dire, que vous ne
vous troublies point de vos imperfections et que vous ayes tous-jours courage de vous en relever.
Je suis bien ayse dequoy vous recommences tous les jours: il n'y a point de meilleur moyen pour
bien achever la vie spirituelle que de tous-jours recommencer et ne penser jamais avoir asses fait.
[22]
Recommandés moy a la misericorde de Dieu, laquelle je supplie de vous faire abonder en
son saint amour. Amen. Je suis
Vostre serviteur bien humble,
FRANÇS, E. de Geneve.
Le 19 may 1608.
83 Cf. Ps. CXXI, 1.
45/329

5.6 Page 46

▲back to top


CDLVI. A Monseigneur Pierre Fenouillet, Evêque élu de
Montpellier (Inédite). Eloge de des Hayes, «le grand amy» de
Pierre Fenouillet et de l'Evêque de Genève. C'est surtout sur
les petits lacs d'eau douce que la barque du Saint se plaît à
voguer.
Annecy, 23 mai 1608
Monsieur,
Je cours apres vous par ces deux motz pour vous rendre graces de la faveur que vous me
faites, si abondamment tesmoignee par vostre lettre. J'escrivis il y a quinze jours a nostre grand
amy84, et luy addressay une lettre pour Sa Majesté, que je remerciois, suivant le conseil que vous
me donnes avant que je l'eusse receu; tant mon affection, qui est vostre, a de pouvoir de tirer mon
esprit a quelque conformité du vostre, duquel, en toutes parties, il est au demeurant inferieur.
Je m'esjouis d'une joye toute particuliere sur l'advancement de ce digne amy85, duquel le
merite se fera tous-jours plus paroistre en montant, comme fait le soleil; [23] et ce grand Roy, qui
le tire apres sa prouvoyance, le portera sans doute bien plus haut.
Pour Ihonneur que Sa Majesté me fait, je l'admire d'autant plus que je ne vois rien en moy
qui n'en soit extremement indigne, et ne doute point que vostre bienveuillance en mon endroit et
celle de nostre amy ne soyent le seul vent qui enfle la voyle de ma barque pour la porter en cette
haute mer, en laquelle, si Dieu me fait passer, ce ne sera pas sans un grand danger, puisqu'elle n'est
pas pour les eaux salees de l'Ocean, mais pour nos petitz lacs d'eau douce.
Monsieur vostre cousin m'arrache cette lettre d'entre les mains, car il veut partir et il est
tard. Nostre Seigneur vous prospere, Monsieur, et je suis extremement,
Vostre serviteur tres humble,
FRANÇS, E. de Geneve,
23 may 1608.
Revu sur une copie déclarée authentique, conservée à la Visitation de Montpellier.
84 Epist. CDXLIX, CDL.
85 Henri IV avait promis à des Hayes la charge de prévôt des marchands de Paris. A la mort du roi, cette promesse fut
maintenue par la reine. En 1613, le roi Louis XIII la lui faisait encore. Antoine des Hayes occupa-t-il enfin la prévôté?
François Miron la remplit jusqu'en 1609.
46/329

5.7 Page 47

▲back to top


CDLVII. Au Père Jean Comes, Religieux Augustin86. Différend
entre les chanoines du Chapitre de Saint-Pierre et les Augustins
de Seyssel ; pour le régler, une entrevue est proposée par le
Saint. Assurance d'affectueux dévouement.
Annecy, 24 mai 1608.
Mon Reverend Pere,
Les sieurs chanoynes de mon Eglise s'accommodent fort volontier au desir que j'ay de vous
voir bien ensemblement [24] avec eux, par un appointement amiable de tous les differens qui sont
entre vous87. Il ne reste sinon de convenir du tems, du lieu et des personnes convenables a
cett'intention; sur quoy je vous prie m'envoyer quelque proposition et projet, affin que, de nostre
costé, nous taschions de concourir a vostre commodité. Et ne doutant point que messieurs vos
Religieux n'affectionnent ce parti paysible et plus sortable a nos vocations, je tiens des-ja
l'appointement pour fait, bien que, puisque vous le desirés, le proces ne se retarde point encor,
lequel neanmoins il sera bien raysonnable de sursoyer quand le jour sera marqué entre nous; ce
qui sera bien tost, si vous nous envoyés vostre intention pour ce regard.
Quant au fermier du prieuré de Sessel88, sil a quelque chose a demesler pour son particulier
avec vostre Convent, mon Chapitre n'y peut pas remedier. Que si c'est a rayson de la cure, je puis
y donner de l'ordre moy mesme, et le feray tous-jours convenablement quand il vous plaira.
Et pour le regard des paroles desreglees desquelles vous vous plaignés, nos chanoynes nient
qu'elles soyent sorties de leur Chapitre, et disent qu'au contraire on leur [25] a donné
advertissement que vos Religieux en avoyent asses proferé contr'eux. Mais les causes estant ostees,
tous ombrages, soupçons et rapportz cesseront, et, comme nous devons, et l'un et l'autre des cors
s'entretiendront par une sainte charité a cooperer l'un a l'autre pour le service du cors general de
Jesuschrist qui est l'Eglise89.
Je me res-jouis que vos Religieux ayent pris en bonne part l'advis que je vous donnay; aussi
le devoyent-ilz faire, puisqu'il sortoit d'une poitrine sincerement affectionnee a leur bien et
honneur, comme je seray tous-jours plein de ce desir. Je prie sa divine Majesté qu'elle nous rende
tous dignes du service auquel nous avons esté appellés, et suis, en ce qui regarde vostre particulier,
Mon Reverend Pere,
Vostre confrere bien humble,
FRANÇS, E. de Geneve.
24 may 1608, a Neci.
86 Jean Cornes, né à Seyssel (France), entra dans l'Ordre des Augustins et s'y distingua. D'esprit fort cultivé, docteur
en théologie de Sorbonne, provincial de France en 1586, lecteur et prédicateur de l'église de la Bienheureuse Marie
d'Aix, provincial de Narbonne en 1587, il devint le 6 août 1591 vicaire des couvents de Béziers, Montpellier, etc., et
en 1620 la Province de Toulouse l'envoyait à Rome comme definiteur, au Chapitre général. Christine de Lorraine,
grande-duchesse de Toscane, le prit en 1616 pour son théologien consulteur et pour son confesseur en 1633.
Il publia en 1636, à Florence, la Vie de saint Fiacre, Bénédictin. D'après une citation de Moréri, Jean Comes
aurait vécu encore trente ans et serait mort à Seyssel, en odeur de sainteté, à l'âge de cent onze ans. (Voir les Histoires
de l'Ordre, Herrera, Elssius, Ossinger, etc.)
87 Titulaire de la cure de Seyssel depuis 1572, le Chapitre de la cathédrale de Saint-Pierre de Genève en percevait les
revenus, à condition de pourvoir à l'administration spirituelle de la paroisse. Il voulait obliger les Augustins à payer
le prédicateur du Carême, sous prétexte que certaines dîmes leur avaient été concédées à cet effet; mais les Religieux
entendaient laisser cette charge au curé, c'est-à-dire aux chanoines d'Annecy. Tel est, semble-t-il, le différend qui
provoqua l'intervention du saint Evêque. (Cf. Fenouillet, Histoire de Seyssel, Annemasse et Seyssel, 1891.)
88 Le prieuré des Ermites de Saint-Augustin de Seyssel datait de 1327. Ce couvent eut à soutenir au XVIe et au XVIIe
siècle de longs et nombreux procès avec des gens d'église et des particuliers. Le dernier prieur devint en 1802 curé de
Seyssel; l'église du monastère a subsisté jusqu'en 1834. (Cf. ibid.)
89 Coloss., I, 18.
47/329

5.8 Page 48

▲back to top


Au R. P. en N. Sr,
Le P. Maistre Cornes, Bachelier en l'Université de Paris.
Aux Augustins de Sessel.
Revu sur l'Autographe appartenant à M. le comte de Maistre, au château de Bissy, près de
Chambéry.
CDLVIII. A Madame de la Fléchère. Deux choses qu'il faut
joindre ensemble. — Comment reprendre son cœur quand il a
failli.
Annecy, 28 mai 160890.
Madame,
Il est vray, je desire fort que quand vous penseres tirer de la consolation en m'escrivant,
vous le facies avec confiance. [26]
Il nous faut joindre ces deux choses ensemble: une extreme affection de bien et exactement
prattiquer nos exercices, tant de l'orayson que des vertus, et de nullement nous troubler ou inquieter
ou estonner, s'il nous arrive d'y commettre des manquemens; car le premier point depend de nostre
fidelité, qui doit tous-jours estre entierè et croistre d'heure en heure; le second depend de nostre
infirmité, laquelle nous ne sçaurions jamais deposer pendant cette vie mortelle.
Ma tres chere Fille, quand il nous arrive des defautz, examinons nostre cœur tout a l'heure
et demandons-luy s'il a pas tous-jours vive et entiere la resolution de servir a Dieu; et j'espere qu'il
nous respondra qu'ouy et que plustost il souffriroit mille mortz que de se separer de cette
resolution. Demandons-luy de rechef: Pourquoy donques bronches tu maintenant? pourquoy es tu
si lasche? Il respondra: J'ay esté surpris je ne sçai comment, mais je suis ainsy pesant maintenant.
Helas! ma chere Fille, il luy faut pardonner; ce n'est pas par infidélité qu'il manque, c'est
par infirmité. Il le faut donques corriger doucement et tranquillement, et non pas le courroucer et
troubler davantage. Or sus, luy devons-nous dire, mon cœur, mon amy, au nom de Dieu, prens
courage; cheminons, prenons garde a nous, eslevons nous a nostre secours et a nostre Dieu. Helas!
ma chere Fille, il nous faut estre charitables a l'endroit de nostre ame, et ne la point gourmander
tandis que nous voyons qu'elle n'offense pas de guet a pens. Voyes vous, en cet exercice, nous
pratiquons la sainte humilité.
Ce que nous faysons pour nostre salut est fait pour le service de Dieu, car Nostre Seigneur
mesme n'a fait en ce monde que nostre salut. Ne desirés point la guerre, mais attendés la de pied
coy.
Nostre Seigneur soit vostre force. Je suys en luy,
Vostre tres affectionné serviteur,
FRANÇS, E. de Geneve.
Le 28 may, en haste. [27]
90 Les analogies de cette lettre avec la lettre du 8 avril trahissent la même destinataire, et l'appellation de Madame ne
permet pas de lui donner une date ultérieure. Plus tard, le Saint ne l'appelle plus ainsi.
48/329

5.9 Page 49

▲back to top


CDLIX. A Mademoiselle Claudine de Chastel. Dieu protège les
vœux qu'il a inspirés. — Il n'est pas toujours possible ni à
propos de fuir, mais il est toujours nécessaire de combattre avec
opiniâtreté. Les afflictions qui aident à bien servir Dieu.
Conseils pour l'oraison. Bonheur de s'être consacré à Notre-
Seigneur.
Annecy, [fin mai ou commencement de juin] 160891.
Madamoyselle,
Je garderay cherement le billet de vostre vœu92 et Dieu en gardera la fermeté; il en a esté
l'autheur il en sera le conservateur. Je feray souvent pour cela la priere de saint Augustin93: Helas!
Seigneur, voyla un petit poussin esclos sous les aysles de vostre grace: s'il s'escarte de l'ombre de
sa mere, le milan le ravira; faites donq qu'il vive a la faveur et a l'abry de la grace qui l'a produit.
Mais voyés-vous, ma Seur, il ne faut pas seulement penser si cette resolution sera perdurable; il
faut tenir cela pour si certain et resolu, que jamais plus il n'en soit doute.
Vous m'obliges bien fort de me dire les deux motz que vous m'escrives de vos inclinations;
sur lesquelz je vous dis que nos affections, pour petites qu'elles soyent, deschirent nostre ame
quand elles sortent mal a propos. Tenés-les en main et n'en faites pas peu de conte, car elles valent
beaucoup selon le poids du sanctuaire.
Le desir de vous esloigner des causes n'est pas a propos au train auquel nous sommes94, car
il fait abandonner [28] le vray soin de combattre. Or, ce dernier nous est necessaire, tandis que le
premier est impossible. Et puis, ou il n'y a pas danger de peché mortel, il ne faut pas fuir, mais
vaincre tous nos ennemis et s'y opiniastrer sans perdre courage, bien que nous soyons quelquefois
vaincus.
Ouy vrayement, ma chere Fille, attendés de moy tout ce que vous pouves attendre d'un vray
pere, car j'ay certes bien cette affection la pour vous; vous le connoistres au progres, si Dieu
m'assiste.
Or sus donq, ma bonne Fille, vous voyla affligee comme il faut pour bien servir Dieu, car
les afflictions sans abjection enflent bien souvent le cœur en lieu de l'humilier; mais quand on a
du mal sans honneur, ou que le deshonneur mesme, l'avilissement et l'abjection sont nostre mal,
que d'occasions d'exercer la patience, l'humilité, la modestie et la douceur de cœur! Le glorieux
saint Paul s'esjouyt, et d'une humilité saintement glorieuse, dequoy il est, avec ses compaignons,
estimé comme les ballieures et racleures du monde95.
Vous aves, ce me dites vous, encor le sentiment fort vif aux injures. Mais, ma Chere Fille,
cet encor a quoy se rapporte-il? En aves vous des-ja beaucoup gasté de ces ennemis-la? Je veux
dire qu'il faut avoir courage et bonne opinion de faire mieux dores-en-avant, puisque nous ne
faysons que commencer et que neanmoins nous avons desir de bien faire.
91 Pour l'adresse et la date de cette lettre, voir celle du 18 mai (p. 18) et la note qui l'accompagne. Les deux lettres
s'adressent à la même personne et ont dû se suivre de près.
92 Cf. supra, p. 20.
93 Confess., 1. XII, c. XXVII.
94 Au dire de l'Année Sainte, tome IV, pp. 107, 108, Claudine de Chastel (voir ci-dessus, note (77), p. 18) eut à souffrir
sous la conduite «sévère et fort parcimonieuse» de Mme de la Chambre, très probablement Marguerite de Seyssel-la-
Chambre, fille de Jean de Seyssel et de Barbe d'Amboise, ancienne fille d'honneur de Catherine de Médicis. Elle s'était
fixée à Chambéry, où elle mourut le 28 juin 1614. (Cf. La Maison de Seyssel, tome Ier; Grenoble 1900.)
95 I Cor., IV, 13.
49/329

5.10 Page 50

▲back to top


Pour vous rendre fervente en l'orayson, desirés-la bien fort, lisés volontier les louanges de
l'orayson qui sont semees en beaucoup de livres: en Grenade96, au commencement de Bellintani97
et ailleurs; car l'appetit d'une viande fait qu'on s'entend fort a la manger.
Vous estes bien heureuse, ma Fille, de vous estre vouee a Dieu. Souvenes vous de ce que
fit saint François quand son pere le mit a nud devant l'Evesque d'Assise98: «Maintenant donques,
dit il, je pourray bien dire: Nostre Pere qui estes es cieux99Mon pere et ma mere, dit David100,
m'ont abandonné, et le Seigneur m'a pris a soy.
Ne me faites point de preface pour m'escrire, car il [29] n'est nul besoin de cela, puisque je
suis avec tant de volonté dedié a vostre ame. Dieu la benisse de ses grandes benedictions et la
rende toute sienne. Amen.
FRANÇS, E. de Geneve.
CDLX. Au Cardinal Pompée Arrigoni, Secrétaire du Saint-
Office101 (Minute). Le Saint demande au Saint-Siège le
renouvellement de plusieurs permissions qui doivent faciliter
son ministère et celui de ses prêtres.
Annecy, 10 juin 1608.
102Illustrissime et Reverendissime Domine mi Illustrissime, Révérendissime et très honoré
colendissime,
Seigneur,
Mihi ac aliis viris idoneis a me
deputandis, quoscumque haereticorum seu
alias prohibitos libros legendi et retinendi,
necnon haereticos, etiam relapsos, pœnitentes
[30] recipiendi, ac insuper sacerdotes, qui
ecclesias ac caemeteria polluta ac omnia
ornamenta ad divinum cultum necessaria
benedicere possint deputandi, matrimonia in
quarto affinitatis vel consanguinitatis gradu ab
haereticis conversis revalidandi, vota simplicia
commutandi, pugnantes in duello absolvendi,
facultatem ac authoritatem amplissimam, ad
quinquennium, Sacra Congregatio jampridem
concessit. Verum mihi pluribus aliis
cogitationibus intento, accidit ut temporis
Il y a déjà longtemps, la Sacrée
Congrégation m'avait accordé, pour moi et
pour d'autres personnes que je jugerais
capables, la faculté et la plus ample
autorisation de lire et de garder les ouvrages
[30] des hérétiques quels qu'ils fussent, et aussi
les livres défendus à un autre titre, de recevoir
les hérétiques pénitents, même les relaps, de
déléguer des prêtres pour réconcilier les églises
et les cimetières pollués et pour bénir tous les
ornements nécessaires au culte divin, de
revalider les mariages que les hérétiques
convertis auraient contractés dans le quatrième
degré d'affinité ou de consanguinité, de
commuer les vœux simples et d'absoudre les
96 Vide tom. XII huj. Edit., n. (437), p. 190.
97 Idem, not. (442).
98 S. Bonav., Legend. S. Franc., c. II.
99 Matt., VI, 9.
100 Ps. XXVI, 10.
101 Toutes les permissions sollicitées dans cette supplique ayant trait aux questions de foi, relevaient exclusivement
du Saint-Office ou Sacrée Congrégation de l'Inquisition, instituée par le Pape Paul III le 21 juillet 1542. C'est le
Souverain-Pontife lui-même qui préside ce tribunal suprême. Le cardinal le plus ancien dans la Congrégation remplit
les fonctions de secrétaire; en 1608, elles étaient exercées par le cardinal Pompée Arrigoni, du titre de Sainte-Marie
in Aquiro, et c'est lui, probablement, qui est le destinataire de la présente lettre. (Voir le tome XII, note (13), p. 3.)
102 Le texte latin est inédit; Migne, tome VI, col. 941, n'en avait donné qu'une traduction.
50/329

6 Pages 51-60

▲back to top


6.1 Page 51

▲back to top


illius spatium elaberetur antequam de nova
facultate impetranda memorise occurreret.
Quod ubi cognovi, non diutius immorandum
duxi quin103 humillimis praecibus a
Dominatione Vestra Illma et Rma contenderem
ut mihi eadem facultas, et per longius temporis
spatium, si qua fieri possit ratione,
concedatur104.
Petitionis ratio est quia plerosque
adhuc in diocæsi habemus haereticos qui
quotidie, tum publicis concionibus, tum
privatis colloquiis, ad Ecclesiae caulas
redeunt, et quia cominus, non solum cum
haereticis, sed cum haereticorum magistris
pugnare, et mihi interdum et aliis [31] etiam
per diocaesim concionatoribus105 contingit,
quod sine prohibitorum librorum lectione vix
fieri posse,106 nemo peritus dixerit. Caeterum,
quo fructu hactenus ea facultate usi fuerimus,
illud satis testatum faciet quod hominum et
mulierum haereticorum multa millia, istis
duodecim annis novissime elapsis, partim
meo, partim aliorum ministerio, haeresim
abjurarunt et in Catholicae Ecclesiae gremium
per Dei gratiam107 reversi sunt.
Quapropter, nobis ne hujusmodi
facultas desit, Illustrissimam et
Reverendissimam Dominationem, per
animarum supremum Episcopum108 et
Salvatorem, et Apostolicam quam in terris
stabilivit Sedem, obtestor.
Necii Gebennensium, X Junii 1608.
Revu sur l'Autographe conserve a la
Visitation d'Annecy. [32]
duellistes. Ces pouvoirs étaient pour cinq ans;
mais, absorbé par beaucoup d'autres pensées,
j'ai laissé écouler cet espace de temps sans
songer à demander de nouvelles permissions.
Dès que je m'en suis aperçu, je me suis hâté de
recourir à Votre Illustrissime et
Révérendissime Seigneurie, pour la prier très
humblement de m'accorder les mêmes facultés
et, s'il se peut en quelque manière, pour un
temps plus long.
Voici les raisons de ma supplique. Des
hérétiques que nous avons encore dans le
diocèse, le plus grand nombre reviennent
chaque jour [31] au bercail de l'Eglise, tant par
l'effet des prédications publiques que des
entretiens privés. De plus, il m'arrive, comme
aussi aux autres prédicateurs, d'avoir à
combattre de près à travers le diocèse, non
seulement les hérétiques, mais aussi les
ministres; or, de telles discussions sont presque
impossibles si l'on n'a pas lu les ouvrages
prohibés. Tout homme compétent le certifiera.
D'ailleurs, le profit que nous avons retiré de
cette faculté ressort assez clairement de ce fait,
que plusieurs milliers d'hommes et de femmes,
dans ces douze dernières années ont abjuré
l'hérésie, en partie par mon ministère, en partie
par celui des autres, et sont rentrés par la grâce
de Dieu dans le sein de l'Eglise Catholique.
C'est pourquoi, je supplie Votre
Illustrissime et Révérendissime Seigneurie de
vouloir bien proroger en ma faveur cette
permission. Je vous le demande au nom de
l'Evêque souverain et Rédempteur des âmes, et
du Siège Apostolique qu'il a établi sur la terre.
A Annecy en Genevois, 10 juin 1608.
[32]
103 quin[pressissimis]
104 Voir à l'Appendice I, le texte de la permission qui fut accordée le 17 juillet suivant, et le tome II de notre Edition,
p. 425.
105 concionatoribus [necesse est...]
106 fieri posse, [certum est...]
107 Dei gratiam [redierunt]
108 I Petri, II, ult.
51/329

6.2 Page 52

▲back to top


CDLXI. A la Baronne de Chantal. Il faut aimer l'attente que
Dieu impose à l'accomplissement de nos désirs. Projet de
voyage en Bourgogne. Le sacre de l'Evêque de Lausanne.
Le Saint aimé de «beaucoup de bons veillars.» Pensées qui
lui sont venues quand il faisait oraison. «Il faut bien que les
filles soyent un petit jolies.» Portrait du P. de Monchy. Le
Frère Matthieu. Pour se mêler d'exorcismes, il ne faut pas
être trop crédule. Les femmes et le culte ; la part qu'elles
peuvent y prendre. Retour d'apostats. Nouvelles et
messages. Mme de Charmoisy «chemine fort bien.»
Annecy, 25 juin 1608.
C'est encor vitement que je vous escris a cett'heure, ma chere Fille, que j'aime tendrement
et incomparablement en Nostre Seigneur. J'ay receu vos deux lettres du 24 may et 8 juin, et en
toutes deux je voy ce grand desir de vostre retraitte et tranquillité. J'en ay un, je pense, bien aussi
fort, mais il faut attendre que Dieu le veuille. Je dis quil faut l'attendre bien doucement et
amoureusement; je veux dire, quil faut aymer cett'attente, puisque Dieu la veut.
J'attens que l'on m'assigne le tems auquel je devray aller au conté de Bourgoigne pour
consacrer Monsieur l'Evesque de Lausanne109, car un gentilhomme qui manie cet affaire110 m'a
asseuré que j'y seray appellé; et cela estant, de la j'iray infalliblement vers vous, et verray le reste
des alliés de dela, chacun chez soy, sinon peut estre ceux de Dijon ou je ne pourray peut estre pas
aller, de peur de m'engager en un lieu d'ou je ne pourroys pas [33] sortir si tost qu'il seroit requis,
sans laisser beaucoup de mes [fonctions] a faire. Mais nous y penserons, et si je ne suis pas appellé
a ce sacre, je treuveray quelqu'autr'expedient. Hier nous en parlions, mon frere de Groysi111 et
moy; car, comme vous desires, il sera de la partie. J'espere que Dieu nous fera la grace de treuver
monsieur vostre beaupere plein de vie, et ce me sera une consolation incredible de le pouvoir
entretenir. Je m'imagine que je le gouverneray paysiblement, non obstant la disparité de nos eages,
car beaucoup de bons veillars m'ont aymé. Je l'honnore de tout mon cœur, et ce jourdhuy je m'en
vay luy appliquer le saint Sacrifice de l'autel, ou j'auray particuliere memoire de nos filles que je
cheris tendrement.
Quant a vous, je sçai bien que vous aves nom Jane, et que toute cet'octave vous penses que
je vous recommande a ce glorieux Praecurseur. Vrayement, l'autre jour (ce fut samedy) je faysois
l'orayson sur la grandeur de l'amour que Nostre Dame nous porte. Entr'autres choses, il me vint en
l'esprit ce qui est dit de Bala, servante de Rachel, qu'ell'enfantoit ses enfans sur les genoux et dans
le giron de sa dame, et les enfans n'estoyent plus siens, mais de Rachel sa dame112; et me sembloit
que si nous mettions, par une juste confiance, nos cœurs et nos affections sur les genoux et dans
le giron de Nostre Dame, qu'ilz ne seront plus nostres, mais a elle: cela me consoloit beaucoup. A
la fin, je me mis a luy remettre non seulement ces enfans de mon cœur, mais aussi le cœur de mes
enfans et mes enfans de cœur. Penses, ma chere Fille, si vous estes du nombre et en quel rang je
109 Jean de Watteville, fils de Nicolas de Watteville, baron de Versoix, au pays de Gex, élu évêque de Lausanne le 21
novembre 1607, était déjà Abbé de la Charité au comté de Bourgogne. Il fut sacré par l'Archevêque de Besançon, et
seulement le 18 avril 1610; la Gallia Christiana (Ecclesia Lausannensis) vante son zèle et ses vertus. Il mourut le 22
juillet 1649. Un document daté du 26 janvier 1647 et signé de son nom, atteste la vénération qu'il professait pour la
sainteté de l'Evêque de Genève.
110 Serait-ce le baron de Watteville, qui semble avoir séjourné à Annecy en 1608?
111 Bernard de Sales (voir le tome précédent, note (834), p. 307).
112 Gen., XXX.
52/329

6.3 Page 53

▲back to top


vous y mettois. O Dieu j'avois une certaine chaude suavité a vous colloquer dans ce giron sacré et
dire a Nostre Dame: Voyla vostre fille, de laquelle le cœur vous est entierement voué. Je ne
sçaurois pas dire ce que mon cœur disoit, car, comme vous sçaves, les cœurs ont un langage secret
que nul n'entend qu'eux. Il m'est venu de vous dire cela et je vous l'ay dit. [34]
Je demanday voirement a Jan113 si nostre chere Marie bienaymee portoit le moule, mais je
n'y entendois nul mal; car vous sçaves bien que j'ayme les testes bien moulées, et si cette petite
teste est moulée par la vostre, je l'en cheriray davantage. Que voules vous? il faut bien que les
filles soyent un petit jolies.
Le Pere de Monchi114 vous fut envoyé, tout ainsy que je vous escrivis: c'est a dire,
Thibaut115 luy parla d'aller servir vostre chapelle, et puis ilz m'en parlerent; et me resouvenant que
vous aviés peyne d'en treuver, je consentis qu'il allast et vous escrivis. Je veux dire que vous ne
permetties point que monsieur vostre beaupere en soit importuné, sil n'est pas a propos pour ce
service la. Je luy escris qu'il oste hardiment cet habit et qu'il prenne un habit de prestre seculier,
puisque Nostre Seigneur n'a pas voulu qu'il demeurat en lieu ou cet habit fut convenable. Il est
admirable en ces affections auxquelles, comme vous voyes, il s'abbandonne totalement, et n'est
importun qu'a force d'affectionner. Au demeurant, il est fort desireux de servir Dieu. Il a pourtant
bien un peu tort de vouloir exhorter, car il n'en a pas le talent, ce me semble. Mais il n'y a remede,
il faut supporter un peu d'indiscretion en son zele. Je ne laisseray pas de luy en [35] escrire. Je ne
sçaurpis me courroucer avec ceux qui vont simplement.
Le Frere Mathieu116 fera bien de s'en aller. Je ne me resouvins pas de vous escrire que ce
bon Pere117 a une certaine inclination aux exorcismes, laquelle ne me plait point, car il est trop
simple et credule pour cela. Si par fortune il s'en vouloit mesler, ou mesme qu'il parlast beaucoup
de ce sujet-la, dites luy que je vous ay defendu de vous entretenir de ces choses-la et de vous en
mesler, ni personne qui soit avec vous; car ce sont des discours auxquelz il s'engage plus avant
quil ne faut. Le bonhomme m'escrit que je luy die sil fera la vie active ou la contemplative, ou
toutes deux. Vous voyes bien sil est simple; je luy escris quil face la vie douce et devote. Il est fort
entendu aux cas de conscience, pour le peu de doctrine qu'il a; mais par ce qu'il n'a pas le
discernement si delicat quil seroit requis, ne vous amusés point a ses advis. Vous pourres donq
vous confesser a luy, et les autres, et tout. Quant aux cantiques, je vous asseure que je n'ay pas tant
de loysir que d'en faire il m'en a veu peut estre de ceux de M. de Lacurne118, et il a pensé que ce
fussent des miens.
Je vous ay des-ja escrit que vous pouvies accommoder les corporaux apres que le prestre
les auroit lavé en deux eaux, et qu'il n'est pas besoin de les rebenir pour s'en servir apres. Il ne faut
pas que les femmes ni les filles ministrent a l'autel, mais elles peuvent bien respondre; c'est a dire,
elles ne doivent pas ni prendre le livre ni donner les burettes. Je vous avois des-ja bien escrit ceci,
je ne sçai comme vous n'aves pas receu les lettres.
J'ay fait ces jours passés une course a Thonon pour recevoir des habiles hommes
ecclesiastiques qui s'estoyent mis entre les huguenotz par desbauche. Helas, quelle cheute avoyent
113 Sans doute un serviteur de la famille de Sales.
114 Le P. de Monchy, qui avait pour «exhorter» plus de bonine volonté que de talent, était un Religieux du Tiers-Ordre
de saint François. Après avoir desservi la chapelle du château de Monthelon, il aurait désiré être le confesseur de la
Congrégation, lorsque la baronne de Chantal se rendit en Savoie en 1610 pour l'y établir. Son désir n'ayant pas été
agréé, il resta en Bourgogne auprès de M. de Chantal pour veiller sur ses derniers jours et l'aider à mourir
chrétiennement. Ce bon ermite avait souvent confessé à Monthelon la Baronne et la future Mère de Bréchard, et «leur
ordonnoit souvant le jeune et la discipline.» C'est lui qui prêta aux premières Religieuses de la Galerie «sa chapelle,
qui consistoit à deux chasubles, un parement de lacis, des napes, chandelliers, cierges, une cloche et quantités de petits
anges de gis et de carton, dont on paroit l'autel aux grandes festes.» Mais environ un an après, il fallut la lui rendre; il
consentit toutefois à vendre la cloche avec quatre chandeliers de bois. Quant à l'argent, il ne voulut pas le toucher; la
Sœur de Bréchard dut le mettre dans sa manche. La petite scène fut contée à la Sainte qui était malade, et sans doute
elle y trouva un sujet de récréation. (Cf. Histoire de la Galerie.)
115 Pierre Thibaut (voir le tome précédent, note (980), p. 365, et ci-après, p. 44).
116 Voir le tome précédent, note (499), p. 188.
117 Le P. de Monchy.
118 Voir le tome précédent, note (975), p. 363.
53/329

6.4 Page 54

▲back to top


ilz faite! Ce m'a esté une grande consolation de les voir revenir entre les bras de l'Eglise, avec
grande violence qu'ilz se sont faite pour cela. Helas, ilz [36] estoyent Religieux119, et l'un estoit
Jesuite120. La jeunesse et vaine gloire et la chair les avoient emportés en cet abisme contre leur
propre conscience. Le Jesuite sur lotit, me racontant sa cheute, me faysoit grande pitié, et dautant
plus de joye de sa constance a revenir. O Dieu, quelle grace ay-je receue d'avoir esté tant de tems,
et si jeune et si chetif, parmi les haeretiques, et si souvent invité par les mesmes amorces, sans que
jamais mon cœur aye [37] seulement voulu regarder ces infortunés et malheureux objetz! Benite
soit la main debonnaire de mon Dieu qui m'a tenu ferme dans cet enclos.
Le bon curé de Bon121, duquel vous me parles, me demanda de vostre santé et vous honnore
d'un honneur particulier. A mon retour, je vis ma mere et fus deux jours avec elle, et, de trois motz,
les deux furent de vous et de nostre chere Aymee. Ma seur de Mayrens122 me fit promettre de vous
saluer de sa part, et hier nos dames, mais specialement la bonne Mme de Lalee123. Quant a Mme de
Charmoysi, il ne faut pas dire combien elle vous ayme affectionnement. Elle chemine fort bien et
advance de bien én mieux; je la voy souvent, au pris de vous, mais non pas si souvent que je
voudrois, par ce que je n'en ay pas la commodité pour le faire a propos. C'est hors de confession
que je parle, car en confession je la voy tous les huit jours pendant l'absence de son mari. Je vous
ay escrit par Mme de Traves124, mais tous-jours en presse.
A Dieu, ma tres chere Fille; a Dieu soyons nous entierement et eternellement. Je vous ay
appliqué plusieurs Messes ces jours passés. O Dieu, ma Fille, que ce cœur est vostre, puisque Dieu
l'a voulu et le veut; Qu'a jamais son nom soit beni! Amen.
F.
XXV juin 1608.
119 Pierre Gillette, né à Levens dans le comté de Nice, Religieux des Frères Mineurs de l'Observance, avait quitté le
bercail de l'Eglise, entraîné, comme son malheureux compagnon d'apostasie, par de vulgaires convoitises. Après un
séjour à Lausanne, touché de repentir, il fut reçu dans la communion catholique «devant le grand autel de l'eglise de
la Saincte Maison de Tonon, » le même jour que Claude Boucard1. Le charitable Evèque ne se contenta pas de rétablir
le converti dans l'état ecclésiastique. Nous savons que Pierre Gillette, déjà vice-préfet en 1609 de la Sainte-Maison de
Thonon, en fut constitué économe général par un bail signé à Thonon le 27 mars de la même année, et qu'il devint, le
28 juillet 1610, recteur et économe du prieuré de Saint-Jeoire, près Chambéry. (D'après Charles-Auguste, Histoire,
etc., liv. VII, et les notes de M. le chanoine Lavanchy, cure-archiprêtre de Thonon.)
1 Le récit de cette conversion fut publié. «Declaration de la Profession de foy de Pierre Gillette, Prestre de Nice en
Provence, avec les raisons qui l'ont r'appellé à l'Eglise Romaine; livret imprimé à Tonon, par Marc de la Rue, l'an
mille six cents et huict. Chacun en peut avoir.» (Charles-Auguste, Histoire, etc., Table des Preuves, n° 28.)
120 Né à Verdun en 1567, Claude Boucard entra jeune encore dans la Compagnie de Jésus. Vers 1590, on lui confia la
chaire de philosophie du célèbre collège de Clermont, à Paris; Pierre de Bérulle fut l'un de ses auditeurs. Professeur
de théologie en 1595 à l'Université de Pont-à-Mousson, reçu docteur l'année suivante, le brillant professeur promettait
une belle carrière, mais le succès le grisa. Frivole, il se laissa entamer par la vaine gloire, et son cœur sensuel, qu'une
vie de tiédeur rendait plus vulnérable encore, sembla le préparer à toutes les chutes. Désabusés, ses supérieurs
l'envoyèrent à Rome, mais il s'enfuit en Suisse. Là, il apostasia et, comme il arrive d'ordinaire, après avoir renié sa foi,
il profana ses vœux. Pris de remords, après huit ans passés à Lausanne dans l'enseignement de la philosophie et des
arts libéraux, il finit par écouter les pressantes objurgations de son ancien élève, déjà illustre, M. de Bérulle (cf. ci-
après, Lettre CDLXV), et vint tout repentant se jeter entre les bras de saint François de Sales, alors à Thonon. Le 15
juin 1608, le pauvre transfuge fit son abjuration, mais il retomba bientôt après. Avec une indécourageable mansuétude,
le Saint, pendant le Carême qu'il prêchait à Grenoble en 1617, releva une fois encore es pitoyable pécheur. Pourvu
d'un honnête bénéfice par les soins du miséricordieux Prélat, il passa le reste de ses jours à Annecy. Il y mourut, dit
Michel Favre (Process. remiss. Gebenn. (I), ad art. 27), «en tres bon catholique.» L'histoire de ce personnage nous
intéresse fort peu aujourd'hui, mais au XVIIe siècle, elle fit grand bruit en France et à l'étranger, et désigna à la gratitude
et à la vénération des catholiques le grand convertisseur de la Savoie. (Cf. Abram-Carayon, L'Université de Pont-a-
Mousson (Paris, 1870), liv. V; Charles-Auguste, Histoire, etc., liv. VII, IX.)
121 Né à Vollognat (Ain), institué curé de Boè'ge le 13 décembre 1590, et le 7 août 1601 de Bons, qu'il desservait dès
1597, Jean Mangier fut l'un des premiers curés établis en Chablais. Prêtre exemplaire, catéchiste infatigable, ami de
saint François de Sales, il vint parfois l'aider au début de ses travaux dans ce pays. Dans une de leurs sorties (27 mars
1603), les Genevois le firent prisonnier. Ce vaillant champion de la foi fut inhumé à Bons, le 5 juillet 1618. (D'après
les notes de M. le chanoine Gonthier.)
122 Gasparde de Cornillon, dame de Meyrens.
123 Voir le tome précédent, note (839), p. 308.
124 Voir ibid., p. 223, et plus loin, la lettre du 18 décembre 1608.
54/329

6.5 Page 55

▲back to top


Revu sur l'Autographe conservé à la Bibliothèque communale d'Amiens.[38]
CDLXII. A la Présidente Brulart. Le Saint n'est «point
homm'extreme ;» il espère obtenir davantage de Rose Bourgeois
par une entrevue. Ne pas trop s'attacher aux pratiques de
piété de son choix. Dieu veut être servi par les exercices
compatibles avec les devoirs d'état. Estime du Saint pour
l'Ordre du Carmel.
Annecy, 25 juin 1608.
Madame ma tres chere Seur,
J'ay receu vostre lettre du 16 may. Que je seray marri si les bons projetz de la reformation
du Puys d'Orbe s'esvanouissent comme cela! Si est ce pourtant que si l'esperance que j'ay d'aller
en Bourgoigne n'est point vayne, je me resoulz d'aller jusques la pour voir ce que c'est. Je ne suis
point homm'extreme, et me laisse volontier emporter a mitiger, quand on ne peut faire absolument.
Je n'escris point a Mme l'Abbesse, quoy que je le desire, par ce que je n'en ay pas le loysir,
et il faut que je luy escrive un peu a mon ayse. C'est grand cas; je pense tous-jours que si je la voy
a souhait avec toute sa trouppe, si nous ne faysons pas tout ce qui seroit desirable, nous en ferons
quelque chose; car j'ay quelque confiance en la confiance qu'ell'a en moy, qui aussi la cheris d'un
amour fort particulier en Nostre Seigneur.
Vous me parles de vostre impatience. Est ce bien une vraye impatience, ou sont ce point
seulement des repugnances naturelles? Mais puisque vous la nommés impatience je la tiendray
pour telle, et en attendant de vous en parler plus amplement a bouche devant que l'automne se
passe, je vous diray, ma chere Seur, en esprit de liberté, qu'a ce que j'ay reconneu de vous par vos
lettres, plus que par le peu de conversation que j'ay eu avec vous, vous aves un cœur qui s'attache
puissamment aux moyens de vostre praetention. Vous ne praetendes, je le sçai bien, [39] que
l'amour de nostre Dieu; pour y parvenir, il faut employer des moyens, des exercices, des prattiques.
Or, je dis que vous vous attachés puissamment aux moyens que vous goustés et voudriés tout
reduire la; c'est pourquoy vous aves de l'inquietude quand on vous empesche ou qu'on vous distrait.
Le remede seroit de prendre la peyne de vous bien persuader et bien detremper vostre esprit
en ce sentiment: c'est que Dieu veut que vous le servies ainsy comme vous estes, et par les
exercices convenables a cet estat et par les actions qui en dependent; et en suite de cette persuasion,
il faut que vous vous rendies tendrement amoureuse de vostre estat et des exercices d'iceluy pour
l'amour de Celuy qui le veut ainsy. Mays voyes vous, ma chere Seur, il ne faut pas penser a ceci
simplement en passant; il faut mettre cette cogitation bien avant dans vostre cœur et, par des
recollections et attentions particulieres, vous rendre cette verité savoureuse et bien venue dans
vostre esprit. Et croyes moy, tout ce qui est contraire a cet advis n'est autre chose qu'amour propre.
Quand a la sainte Communion, j'appreuve que vous continuies a la desirer fort frequente,
pourveu que ce soit avec la sousmission que vous deves avoir a vostre confesseur125, qui void
l'estat present de vostre ame et est si digne personnage.
Cette varieté en laquelle vostre esprit se void en l'orayson et hors de l'orayson, tantost fort,
tantost foible, tantost regardant le monde avec playsir, tantost avec degoust, ce n'est autre chose
qu'un sujet que Dieu vous laysse de vivre bien humblement et doucement, car vous voyes, par ce
125 Le P. Gentil (voir le tome XII, note (55), p. 26, et le tome XIII, p. 290).
55/329

6.6 Page 56

▲back to top


moyen, quelle vous estes de vous mesme et quelle avec Dieu; de sorte que vous ne deves nullement
vous en descourager pour cela.
Il n'est ja besoin que madame nostre chere seur l'Abbesse m'envoye un homme pour me
fair'avoir de ses nouvelles ni pour sçavoir comm'elle me pourra voir; car si je fay mon voyage,
comme j'espere, je vous advertiray [40] asses tost devant mon despart pour tout cela. Je vous
recommande a Nostre Seigneur continuellement et ay vostre dilection fort avant dans mon cœur.
Je feray part aux Sacrifices que je presente, a la Mere Prieure des Carmelines126; j'honnore
generalement tout cet Ordre, et la remercie de la charité qu'ell'use en mon endroit de prier pour
moy, qui suis des plus necessiteux de la sainte Eglise.
Qu'a jamais le saint amour de Dieu vive et regne dans nos espritz. Amen.
Vostre tres affectionné et tout dedié
frere et serviteur,
F.
A Neci, le XXV juin 1608
A Madame
Madame la Presidente Brulart.
Revu sur l'Autographe appartenant à Mlle Boissat, à Albens (Savoie). [41]
126 Louise Gallois, née à Paris le 19 novembre 1569, épousa Guillaume Jourdain, et devenue veuve vers 1597, songea
à la vie religieuse. Elle entra dans le Carmel de Paris, y prit l'habit sous le nom de Louise de Jésus, le 1er novembre
1604, fit profession le 20 novembre de l'année suivante, à Pontoise. D'abord maîtresse des novices au couvent de
Dijon, elle en devint prieure en février ou mars 1607. C'était la première fois qu'on donnait cette charge à une française.
Mère Louise de Jésus fonda en 1610, le Carmel de Chalon-sur-Saône, et celui de Besançon en 1616. Elle mourut
saintement, le 29 février 1628, dans le monastère de Dôle qu'elle avait fondé en 1614. Ses grandes vertus, ses travaux
non moins que ses épreuves, lui valent l'honneur d'être comptée parmi les premières Carmélites françaises regardées
à juste titre comme les colonnes du saint Institut. Elle conserva toujours avec Mme Acarie des relations intimes, et sans
doute eut de là l'occasion d'être connue de saint François de Sales quand il vint à Paris en 1602. (Cf. Chroniques de
l'Ordre des Carmélites, tome II; Troyes, 1850.)
56/329

6.7 Page 57

▲back to top


CDLXIII. A un cardinal (Fragment)127. Un reproche immérité.
Les Savoisiens ne lisent pas de mauvais livres.
Annecy, commencement de juillet 1608128.
Profecto si res ita haberet, justissime
non tantum indignaretur in me Sua Sanctitas,
sed negligentiam meam, imo vero
proditionem, castigaret. At in rei veritate dico:
cum generalem diocaesis meae visitationem,
nulla praetermissa parrœcia, pene exegerim,
nullum omnino reperi [42] haereticum in
parroeciis quae a Bernatibus et Genevatibus
non fuerunt occupatae, nullum librum
prohibitum, antiquis nonnullis exceptis, qui ex
mera negligentia et contemptu in alicujus
domus profundo pulvere restabant; et Catholici
nostri tantis anguntur scrupulis, ut, cum de
libro aliquo dubitant, vel in ignem projiciunt,
vel deferunt ad delegatos. Verum est Genevae
fabricari libellos multos pestilentissimos, sed
quod Sabaudi nostri eos legant, nullo modo
verum est.
Fateor postea me non tanta uti
diligentia quanta necessarium forte foret;
verumtamen in ea qua secundum tenuitatem
meam uti possum, fidelis sum et sincerus, et in
me nec perfidia nec animi defectus, siquidem
virium et insitae dotis, reperientur.
Obsecro te autem, Illustrissime
Domine, uti hilaritatis mihi in afflictissima hac
provincia necessariae protector esse velis:
pendet vero ex eo haec hilaritas, ut sciam
Sanctam Sedem de actibus meis non
contristari, ut a generali illa sua erga inferiores
benevolentia non me excludat. [43]
.... Si ce reproche était fondé, Sa Sainteté aurait
un très juste motif, non seulement de s'indigner
contre moi, mais encore de châtier ma
négligence, je dirais même ma trahison. Mais
la vérité, la voici: dans la visite générale de
mon diocèse, que j'ai presque achevée, sans
laisser aucune paroisse, je n'ai trouvé
absolument aucun hérétique dans les paroisses
qui n'ont pas été occupées par les Bernois et les
[42] Genevois, ni aucun livre prohibé, si ce
n'est quelques vieux ouvrages restés ensevelis,
soit pure indifférence, soit mépris, dans la
poussière de quelque maison. D'ailleurs, sur ce
point, nos catholiques sont pris de tels
scrupules que, si quelque livre leur paraît
suspect, ils le jettent au feu ou le remettent aux
délégués. Oui, à Genève, des libelles très
corrupteurs se fabriquent en nombre; mais que
nos Savoisiens les lisent, cela n'est nullement
vrai.
Après tout, je n'use pas, je le confesse,
de toute la diligence qui serait nécessaire;
toutefois, je mets de la fidélité et du bon
vouloir à celle que, selon ma petitesse, je puis
exercer. Enfin, si les forces et les talents
naturels me font défaut, on ne trouvera point
en moi de perfidie, ni de manque de courage.
Je vous en supplie donc, Illustrissime
Seigneur, daignez me conserver la consolation
joyeuse dont j'ai tant besoin dans cette
province si éprouvée; cette joie dépend de la
certitude que le Saint-Siège n'est pas affligé de
ma conduite et que je ne suis pas exclu de la
127 D'après Charles-Auguste (Histoire, etc., liv. VII), d'où nous tirons ce texte, «le sieur Medard, chanoine de l'Eglise
Cathedrale de Verdun1, revenant de Rome, » dit au Bienheureux «qu'il avoit appris d'un tres-illustre Prelat, que Sa
Saincteté estoit grandement indignée contre luy, d'autant qu'elle avoit sceu par les lettres du Pere Cherubin de
Maurienne, qu'il sortoit tous les jours un grand nombre de livres heretiques de la ville de Geneve, qui s'espanchoyent
par le reste du diocese...; et elle eust voulu qu'il eust pris soing d'empescher ce malheur par tous moyens.» (Cf. l'Année
Sainte de la Visitation, tome VII, p. 101.)
Il n'est pas absolument prouvé que le P. Chérubin ait fait au Saint-Siège ce rapport inexact; quoique
l'affirmation de Charles-Auguste ne semble pas gratuite, et quand bien même cette dénonciation s'expliquerait par le
zèle impétueux du célèbre Capucin, il ne convient pas de la lui attribuer sans preuves certaines. Le chanoine Médard
a pu se méprendre, confondre le Chablais avec le Valais, dont l'Evêque, Hildebrand de Riedmatten, par son attitude
indolente envers le prosélytisme des ministres protestants, semblait alors mériter les justes plaintes de Rome.
1«Médard de Medardis» fut pourvu de la trente-cinquième prébende du Chapitre de Verdun, le 11 octobre 1603. Il
mourut en 1650.
128 La date du 2 juillet, donnée dans l'édition de 1758, est démentie par les faits, puisque ce jour-là le Saint ignorait
encore la calomnie qui provoqua sa lettre.
57/329

6.8 Page 58

▲back to top


bienveillance ordinaire accordée à ses
inférieurs……………………………….[43]
CDLXIV. A la Baronne de Chantal (Fragments)129. Transcription
de l'Introduction à la Vie devote. Le projet de la Visitation
sourit de plus en plus au saint Evêque, Son amour pour
Notre-Seigneur. Nouvelles de la ferveur de Mme de
Charmoisy. Bonheur de ne prétendre qu'à Dieu.
Annecy, 4 juillet 1608.
me feroit volontier………………………………………………………………………………….
me feroit des be……………………………………………………………………………………..
series bien ayse. . . . non pas plus que moy. Or sus, ce sera a mon tour que je seray le bien venu
comme les autres; je dis plus que les autres, car je pense bien cela. Alhors nous parlerons, si nous
pouvons, de vostre misere et de l'envie que vous me dites avoir de vous plonger pour la derniere
fois au saint lavoir de Poenitence.
J'ay respondu a toutes vos lettres jusques a huy; et si, je n'ay pas beaucoup de loysir
maintenant, car voyes vous, en ces grans jours on ne me laisse point en repos, et je fay escrire a
nostre Thibaut les advis spirituelz130 desquelz je vous ay parlé131. Mais si faut il que je vous die
que la sorte de vie que nous avons choysie me semble tous les jours plus desirable et que Nostre
Seigneur en sera fort servi. Je voy bien plusieurs difficultés, mais croyant que Dieu le veut, cela
ne me donne nulle crainte: il faut seulement avoir un peu de patience. Je vous recommande, ce me
semble, de si bon cœur a Dieu, ma chere Fille; croyés que je le fay avec un'affection du tout
incomparable. Vives bien doucement, ce pendant, tous-jours aupres de Nostre Seigneur et de
Nostre Dame et de saint [44] Joseph. Mon Dieu, ma Fille, que quelquefois j'ay des bonnes et
douces affections en mon ame a l'endroit de ce Sauveur; mais, helas! je n'ay guere d'effectz en mes
mains. Je ne perds pourtant point courage.
Or sus, . . . [mon] frere de Groysi n'est pas. . . . resolution quil viendroit avec moy vers
vous, ou soit que Monsieur de Nemours fut icy ou quil n'y fut pas.
Vostre fileul132 se porte bien, et sa bonne mere l'ayme spécialement pour l'amour de vous.
Ma mere se porte bien aussi et tout le reste de la famille. Or, pour moy, je pippe a me porter bien
maintenant. Mme de Charmoysi se porte bien et ne me parle jamais que de vous, et me presse de
vous aller voir tant qu'elle peut. Je ne la voy pas si souvent que je voudrois, mais si voy-je bien
qu'elle s'affermit fort en sa resolution de bien servir Dieu.
129 Cette lettre est en partie inédite; le texte des treize premières lignes de cette page et des lignes 5-16, 19, 20 de la
page suivante paraît ici pour la première fois. Les lacunes du commencement et du milieu proviennent de la mutilation
de l'Autographe.
130 Il s'agit de l'Introduction à la Vie devote. (Cf. tome III, pp. XVII, LXV.)
131 Cf. tom. praeced., pp. 366, 375, 377.
132 Probablement Charles-Auguste de Sales, né le icr janvier 1606. (Voir le tome précédent, note (872), p. 322.) Le
jour où il fut sevré, la baronne de Chantal le présenta au prêtre pour le bénir.
58/329

6.9 Page 59

▲back to top


Or sus, je verray encor nos vefves133 avec vous, ou a Dijon: comment? O ma Fille, ne
sommes nous pas bienheureux de ne praetendre rien moins qu'a Dieu? Mais monsieur le Conte134
est il tout a fait mort, que je ne sçai ou il est, ni ce quil fait135?
A Dieu, ma chere Fille, je m'en vay aux prieres du soir qui se font devant le Saint Sacrement
pour les necessités de ce pais. Vous ny seres pas oubliee, car vous tenes un rang en mon cœur qui
ne le peut permettre. Ouy, je croy en mon ame que Dieu veut que je sois inviolablement et tres
incomparablement tout vostre.
F.
A Neci, le IIII julliet 1608.
A Madame
Madame la Baronne de Chantal, m. f. (ma fille).
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Limoges. [45]
CDLXV. A M. Pierre de Berulle. Retour à la foi d'un apostat ;
M. de Bérulle y a beaucoup coopéré. Le Saint se réjouit
d'apprendre le bien qui se fait à Paris par son entremise et celle
de ses amis.
Annecy, 6 juillet 1608.
Monsieur,
Je me retiens de vous escrire souvent pour le respect que je doy a vos dignes et religieuses
occupations, quoy que je desire tous-jours bien fort d'avoir quelque place en vostre memoire et
dilection, particulierement pour le tems de vos oraysons et Sacrifices. Mais maintenant vous aures
aggreable, je m'asseure, que je vous divertisse un peu pour vous dire que le 15 du moys passé, je
receuz l'abjuration de M. Claude Boucard, de Verdun, et le remis dans le sein de la sainte Eglise
publiquement, en l'eglise de Nostre Dame de Thonon136. Vous devés vous en resjouir par ce que
la piece que nous avons gaignee est importante, mais specialement par ce que, comme vous avies
receu de luy l'instruction de la philosophie, ainsy quil m'a dit, aussi vous avés beaucoup cooperé
par vos lettres a sa reduction en l'Eglise; et si, vous m'aves beaucoup obligé, l'asseurant que je le
servirois en ce dessein-la.
Dieu soit a jamais beni de la chaleur amoureuse duquel nul n'est esconduit ni caché137. Le
discours que ce personnage m'a fait de sa cheute et de la peyne quil a eu a prendre les resolutions
convenables pour son reddressement, me font dire du fond de mon ame: 138Nisi quia Dominus erat
in nobis, nisi quia Dominus erat in nobis139. [46]
133 Parmi ces veuves se trouvaient sans doute Mlle Jaquot (voir le tome précédent, Lettre CDXIX) et Mme de Traves.
(Cf. ci-dessus, note (68), p. 15.)
134 Sans doute Guy de Chaugy, comte de Roussillon, chevalier des ordres du roi, maître de camp, conseiller d'Etat,
etc., qui épousa en 1602, Diane de Chastellux, une amie de Mme de Chantal. (Baudiau, Le Morvand (Nevers, 1854),
tome II.)
135 Cf. tom. praeced., p. 304.
136 Vide supra, p. 37.
137 Ps. XVIII, 7.
138 Si le Seigneur n'eût été avec nous, si le Seigneur n'eût été avec nous.
139 Ps. CXXIII, 1, 2.
59/329

6.10 Page 60

▲back to top


J'ay de la consolation d'oiiir le resonnement, quoy que confus, des biens qui se font a Paris
par vostre entremise et de ces autres serviteurs de Dieu, que j'honnore de tout mon cœur140. Sa
divine Majesté soit tous-jours a vostre dextre141 pour establir de plus en plus vostre vie en son saint
amour, et je suis inviolablement,
Monsieur,
Vostre serviteur bien humble,
FRANÇS, E. de Geneve.
A Neci, le VI julliet 1608.
Monsieur, je salue bien humblement mesdames vos mere142 et tante143, et madamoyselle
de Montberaut144; sil vous plait de le leur faire sçavoir, je vous en auray de l'obligation.
A Monsieur
Monsieur de Berule,
Aumosnier de S. M.
Revu sur l'Autographe conservé au Carmel de la rue Messine, à Paris. [47]
CDLXVI. Au Baron Amédée de Villette. L'Académie
Florimontane et ses premiers membres. Le Saint promet sa
visite au châtelain de Dérée, son parent, nouvellement marié.
Annecy, 7 juillet 1608.
Monsieur mon Oncle,
Ce m'est tous-jours beaucoup d'honneur et de consolation de recevoir par vos lettres les
tesmoignages que vous me donnes de la continuation de vostre bienveuillance en mon endroit. Je
voudrois bien, en eschange, vous pouvoir aussi rendre des preuves de mon affection a vostre
service, et avoir quelques bonnes nouvelles pour vous envoyer, en lieu de celles dont il vous a pleu
me gratifier. Mais outre que je croy que vous les aves de dela les mons, j'en suis bien le plus
mauvais pescheur de cette ville. Je vous diray seulement que nostr' Academie145 [48] a receu pour
140 A cette date, du Val, Gallemand, de Brétigny, Vivien, Soulfour, Asseline, de Marillac, etc., mêlaient leur activité
et rivalisaient de zèle pour propager en France l'esprit de piété et doter la capitale d'institutions chrétiennes. Tous ces
hommes de bien se donnaient rendez-vous, avec M. de Bérulle chez Mme Acarie. Saint François de Sales, qui fut en
1602, pendant son séjour à Paris, le père spirituel de la Bienheureuse, les y rencontra souvent et gagna si bien leur
confiance que la plupart le prirent pour leur directeur.
141 Ps. CIX, 5.
142 Voir le tome XII, note (353), p. 156.
143 Voir ibid., note (354), p. 157.
144 Très probablement, Mme Acarie. (Voir le tome précédent, note (427), p. 153, et note (794), p. 286.)
145 Le Saint pouvait dire «nostr'Academie, » puisqu'il l'avait fondée, de concert avec le président Favre, pendant l'hiver
de 1606-1607. Son nom de Florimontane; son emblème, un oranger; sa devise, «Fleurs et fruits, » sentaient l'Italie et
respiraient l'âme gracieuse de l'Evêque; mais l'institution fut très française et très pratique par le genre de travaux
qu'elle se proposa. Ses constitutions sont toutes pénétrées d'une instructive sagesse: «Les seuls gens de bien et doctes
y seront receus... Le stil de parler ou de lire, » y est-il dit encore, «sera grave, exquis, plein, et ne ressentira en point
de façon la pedanterie.» Dans les leçons, «on traictera de l'ornement des langues, et sur tout de la françoise... Les
lecteurs tascheront de tout leur pouvoir d'enseigner bien, beaucoup et en peu de temps... Tous iront à qui mieux fera.»
(Charles-Auguste, Histoire, etc., liv. VII.)
Ces derniers articles et d'autres encore, prouvent que l'Académie avait organisé des cours publics qui lui
donnaient des airs de petite Université. Bientôt, Annecy devint un foyer de ferveur littéraire et scientifique, et vit se
grouper toute une élite de lettrés et d'érudits autour du saint Evêque et du grand magistrat. Ainsi les deux amis, arrivés
à l'âge mûr, restaient fidèles au culte des belles-lettres, dont l'étude avait enchanté leur jeunesse (voir leur
correspondance de cette époque). Quant à François de Sales, il continuait la tradition des Pères et des Docteurs de
l'Eglise. Comme eux, il goûtait le plaisir délicat des choses de l'esprit; il savait comme eux la prestigieuse puissance
60/329

7 Pages 61-70

▲back to top


7.1 Page 61

▲back to top


faveur la demande que monsieur Nouvelet146 luy a faitte d'une place pour vous, entre les
academiciens. Pour moy, vous pouves penser si je la pris a gloire, m'acquerant un si digne sujet.
Demain, madame de Deré147 vient a Deré148, et moy j'y iray mercredi faire la part des
honneurs du logis qui me compete, en qualité de bien humble parent du nouveau marié. Nostre
Seigneur vous prosperera tous-jours en l'abondance de ses benedictions, si luy plait d'exaucer les
souhaitz que fait continuellement, Monsieur,
Vostre serviteur bien humble et neveu,
FRANÇS, E. de Geneve.
VII julliet 1608.
A Monsieur
Monsieur le Baron de Vilette,
Conseiller d'Estat
et Ambassadeur ordinaire de S. A. en Soüisse.
Revu sur l'Autographe appartenant à M. Domenjoud, à Annecy. [49]
des lettres, mais instruit par son temps, il sentait plus vivement peut-être que ses illustres devanciers, qu'il fallait
tourner en moyen d'apostolat la beauté conquérante du savoir. L'Académie eut des débuts prospères, mais son destin
fut court; l'oranger des montagnes ne donna pas longtemps ses fleurs odorantes et ses fruits dorés; au départ du
président Favre pour Chambéry, il sembla dépérir.
L'Académie Florimontane n'était pas la première institution de ce genre; bien d'autres sociétés littéraires
avaient fleuri avant elle, en Italie et même en France; toutefois, son organisation, qui devance de vingt-sept ans la
fondation de Richelieu, est à retenir. Il est piquant aussi de le noter: Vaugelas, l'auteur des Remarques sur la langue
française, un des premiers membres de l'Académie française, l'un des fils du président Favre, dut fréquenter
l'Académie paternelle, et sans doute il y trouva la culture qui le prépara à sa destinée de grammairien.
L'Académie Florimontane du XVIIe siècle se survit aujourd'hui dans deux sociétés: l'Association Florimontane et
l'Académie Salésienne; la première date de 1851, l'autre a été fondée en 1878. Toutes deux publient chaque année un
volume de Mémoires, où l'on remarque d'intéressants travaux.
146 Voir le tome XII, note (80), p. 47.
147 Très probablement, Charlotte-Emmanuelle de Chabod, fille de Guillaume-François de Chabod, seigneur de Jacob,
comte de Saint-Maurice, et de Louise-Marguerite de Seyssel. Le 23 juin précédent, elle avait épousé le neveu du
destinataire, Bernafd de Chevron-Villette, baron et seigneur de Chevron, gentilhomme ordinaire de Son Altesse, etc.
Il portait vraisemblablement alors le nom de M. de Dérée.
148 Château situé sur les bords du lac d'Annecy.
61/329

7.2 Page 62

▲back to top


CDLXVII. Au Pere Pierre Dubouloz, Dominicain149 (Inédite).
Election d'un prieur au couvent des Dominicains d'Annecy; l'élu
est prié avec une aimable insistance d'accepter cette charge.
Annecy, 8 juillet 1608.
Monsieur nostre Maistre,
Ayant sceu que les bons Peres Religieux de cette ville150 vous avoyent esleu pour leur
Prieur, je m'en suis extremement res-jouy; et ne pouvant aller moy mesme vous faire la priere quilz
vous veulent presenter de vouloir accepter cett'election et charge, je vous envoye cet [50] escrit,
qui vous tesmoignera que jamais vous n'aves esté ni desiré ni demandé avec plus d'affection et de
sincerité que vous l'estes d'eux et de moy, qui, en particulier, m'essayeray de vous servir si
promptement en toutes occurrences, que vous n'aures pas, Dieu aydant, occasion [de vous repentir]
d'avoir gratifié mon desir. Les Religieux aussi se disposent a vous obeir et soulager si entierement
que vous ne perdres nullement le repos requis a vostr'aage et a vostre contemplation. Faites nous
donques a tous ce bien que de ne point esconduire nostre juste demande, qui regarde la gloire de
Dieu et le restablissement d'un convent tout entier.
Je me prometz bien que l'amitié que vous me portés intercedera encor pour moy en
cett'occasion; c'est pourquoy, finissant, je prieray Nostre Seigneur quil vous prospere et inspire a
nostre consolation, demeurant,
Monsieur,
Vostre serviteur tres affectionné,
FRANÇS, E. de Geneve.
VIII julliet 1608.
A Monsieur nostre Maistre,
Le R. P. de Bollo, Docteur en theologie.
A St Dominique de Chamberi.
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Saint-Marcellin.
149 «P. F. Pierre Debollo, natif» de Montmin (Haute-Savoie), «proffes de ce convent, docteur de Paris... ensuite vicaire
general de la congregation Gallicane, prieur des convents de Lion, de St Maximin, et de ce convent dès l'année 1604
jusqu'en l'année 1613, durant lequel temps... a presché par trois ou quatres diverses fois devant le Senat, avec
applaudissement... a esté grand Theologien de S. A. Charle Emanuel, a laissé quantité de beaus et bons livres.» (Livre
de la Cte des Dominicains de Chambéry; voir Mémoires de la Société Sav. d'hist. et d'archéol., 1856, tome I.) Le P.
de Bollo ou Dubouloz, mourut le 2 septembre 1613. Il est appelé dans le même Recueil: Scriptor et prœdicator
celeberrimus. Il prêcha l'Avent de 1604 et les Carêmes des années 1605, 1606 et 1613 à Annecy. Le Saint tenait sans
doute cet éminent Religieux en grande estime; il fait mention de lui dans une lettre, comme «ayant favorisé» les Dames
de la Visitation «de plusieurs saintes exhortations faites par luy en leur oratoire.»
150 Le couvent des Dominicains d'Annecy devait sa fondation (22 mars 1422) à l'influence du célèbre cardinal de
Brogny. Ces Religieux en s'établissant dans la petite ville, lui apportèrent de grands bienfaits; ils y instituèrent des
prédications pleines de fruits que multipliaient encore de beaux exemples de vertus monastiques. L'un d'entre eux,
Jacques d'Orlié, en Religion Frère Guillaume, avait laissé après sa mort (19 février 1458) une réputation de sainteté
que l'Eglise consacrera peut-être un jour.
Leur église, aujourd'hui église paroissiale de Saint-Maurice, était chère à saint François de Sales. Il y avait
reçu la première Communion et la Confirmation, il y prêcha plusieurs Carêmes. Saint-Dominique servait de rendez-
vous aux nombreuses corporations de la cité quand elles voulaient célébrer leurs fêtes. Le Monastère commença à
déchoir dès le milieu du XVIIe siècle, mais la décadence des derniers jours ne saurait faire oublier deux siècles et demi
de ferveur et d'apostolat fécond. (Cf. Mercier, Souvenirs historiques d'Annecy, 1878.)
62/329

7.3 Page 63

▲back to top


CDLXVIII. A Madame de la Fléchère. Conseils à une femme
chrétienne. L'humeur mélancolique : circonstances qui la
favorisent ; nécessité et moyens de la combattre. Une parole
de sainte Angèle de Foligno.
Annecy, 13 juillet 1608.
Madame,
Je n'ay pas respondu ci devant a vostre derniere lettre par ce que je n'ay point rencontré de
porteur asseuré, et maintenant je n'ay pas le loysir requis pour vous bien [51] satisfaire. J'ay voulu
neanmoins vous escrire pour simplement vous tesmoigner que je prie tous les jours Nostre
Seigneur pour vous; mais je dis d'un'affection toute speciale, le requerant quil vous assiste de ses
saintes consolations parmi les travaux que vostre grossesse vous donnera.
Voyes vous, Madame, je m'imagine que l'humeur melancolique se prævaudra de vostre
grossesse pour vous attrister beaucoup, et que, vous voyant triste, vous vous inquieteres. Mais ne
le faites pas, je vous prie. Si vous vous treuves pesante, triste et sombre, ne laisses pas pour cela
de demeurer en paix; et bien quil vous semblera que tout ce que vous ferés se face sans goust, sans
sentiment et sans force, ne laisses pour tant pas d'embrasser Nostre Seigneur crucifié, de luy donner
vostre cœur et consacrer vostre esprit avec vos affections telles quelles et toutes languissantes
qu'elles sont. La bienheureuse Angeline de Foligni151 disoit que Nostre Seigneur luy avoit revelé
quil n'avoit nulle sorte de bien tant aggreable que celuy qui luy estoit fait par force; c'est a dire,
que celuy qu'une volonté bien resolue luv fait contre les alanguissemens de la chair, les
repugnances de la partie inferieure, et au travers des secheresses, tristesses et derelictions
interieures. Mon Dieu, ma chere Fille, que vous seres heureuse si vous estes fidele en vos
resolutions, parmi les croix qui se presentent, a Celuy qui vous ayma si fidelement jusques a la
mort, et la mort de la croix152.
J'escriray au premier loysir sur le sujet de vostre lettre derniere153, et a Mme de Mioudri154
et a Mme de la Forest, vostre bonne seur155. Demeures avec Jesus, vives en luy et par luy, qui m'a
fait
Vostre serviteur tout dedié,
F. E. de G.
XIII jullet 1608, a Neci.
Revu sur l'Autographe appartenant à M. le baron d'Yvoire, château d'Yvoire, près de Thonon.
[52]
151 Arnaldus, Vita B. Angelae de Fulginio, c. LXII.
152 Philip., II, 8.
153 Vide Epist. seq.
154 Gasparde de Cerisier, dame de Mieudry. (Voir la lettre que le Saint lui adresse le 6 novembre 1608.)
155 Jeanne-Bonaventure, Religieuse de l'abbaye de Bons. (Voir sa note plus loin, octobre 1609.)
63/329

7.4 Page 64

▲back to top


CDLXIX. A la même. La tranquillité d'âme, mère du
contentement et fille de l'amour de Dieu. Les sujets de se
mortifier plus grands dans le monde qu'en Religion. Ne
s'astreindre «que tout bellement» aux exercices de piété, est
chose conseillée en certains cas. Attitude devant la
souffrance. Qu'il est permis de se plaindre à Dieu, et à quelle
condition. Notre-Seigneur aime ceux qui souffrent.
Annecy, 16 juillet156 1608.
Il faut sur toutes choses, ma chere Fille, procurer cette tranquillité, non point parce qu'elle
est mere du contentement, mais parce qu'elle est fille de l'amour de Dieu et de la résignation de
nostre propre volonté. Les occasions de la prattiquer sont quotidiennes, car il ne nous manque pas
de contradictions ou que nous soyons; et quand nul ne nous en fait, nous nous en faysons a nous
mesmes. Mon Dieu, ma chere Fille, que nous serions saintz et aggreables a Dieu si nous sçavions
bien employer les sujetz de nous mortifier que nostre vocation nous fournit, car ilz sont plus grans
sans doute qu'entre les Religieux; le mal est que nous ne les rendons pas utiles comme eux.
Contregardés-vous fort soigneusement en cette grossesse; ne vous mettés nullement en
peyne de vous contraindre a aucune sorte d'exercice que tout bellement. Si vous vous lasses a
genoux, assiés-vous; si vous n'aves pas d'attention pour prier demi heure, priés un quart d'heure ou
demi quart d'heure seulement.
Je vous prie de vous mettre en la presence de Dieu et de souffrir vos douleurs devant luy.
Ne vous retenes pas [53] de plaindre, mais je voudrois que ce fust a luy, avec un esprit filial,
comme feroit un tendre enfant a sa mere; car, pourveu que ce soit amoureusement, il n'y a point
de danger de se plaindre, ni de demander la guerison, ni de changer de place, ni de se faire soulager.
Faites seulement cela, avec amour et resignation entre les bras de la bonne volonté de Dieu.
Ne vous mettes point en peyne de ne faire pas bien les actes des vertus; car, comme je vous
ay dit157, ilz ne laissent pas d'estre tres bons, encor qu'ilz soyent faitz langoureusement, pesamment
et quasi forcement. Vous ne sçauries donner a Dieu que ce que vous aves, et en cette sayson
d'affliction vous n'aves pas d'autres actions. Maintenant, ma chere Fille, vostre Bienaymé vous est
un bouquet de myrrhe; ne laissés pas de le bien serrer sur vostre poitrine158. Mon Bienaymé est a
moy, et moy a luy159; tous-jours il sera dans mon cœur. Isaïe l'appelle homme de douleurs160; il
ayme les douleurs et ceux qui les ont. Ne vous tourmentes pas a beaucoup faire, mais disposes
vous a souffrir ce que vous souffrires, avec amour.
Dieu vous sera propice, Madame, et vous fera la grace de traitter de cette vie plus retiree
de laquelle vous me parles. Ou languissant, ou vivant, ou mourant, nous sommes a Dieu161, et rien
ne nous separera de son saint amour162, moyennant sa grace. Jamais nostre cœur n'aura vie qu'en
luy et pour luy, il sera a jamais le Dieu de nostre cœur163. Je ne cesseray point de l'en supplier, ni
d'estre entierement en luy,
Vostre tres affectionné serviteur,
156 Il semble bien que la présente lettre a été écrite après celle du 13 juillet, qui l'annonce et la promet (voir la page
précédente). La date du 11, donnée par l'édition de 1626, est inexacte et doit être reculée jusqu'au 16 juillet.
157 Vide Ep. praeced., p. 52.
158 Cant., I, 12.
159 Ibid., II, 16.
160 Cap. LIII, 3.
161 Rom., XIV, 8.
162 Ibid., VIII, ult.
163 Ps. LXXII, 26.
64/329

7.5 Page 65

▲back to top


Le ... julliet 1608. [54]
FRANÇS, E. de Geneve.
CDLXX. A la même (Inédite). Dispositions, pieux espoir du
Saint à l'approche d'une naissance.
Annecy, vers le 21 juillet164 1608.
Oüy, ma tres chere Fille, de bon cœur je rendray a la mayson de la Flechere le nom de
François, qui me fut donné au saint Baptesme par monsieur le Prieur de la Flechere, vostre oncle
et mon bon parrein165; mais si c'est une fille, nous en ferons une bonne Religieuse.
A Madame de la Flechere.
Revu sur une ancienne copie conservée à la Visitation de Turin.
CDLXXI. A M. Claude-François de la Flechere166. Félicitations,
prédictions, prières du saint Evêque répandues sur un berceau.
Annecy, 23 juillet 1608.
Monsieur,
Je loüe Dieu de l'heureuse arrivee de cette belle fille [55] que vous m'aves accordee pour
filleule167; madame sa mere sera un jour recompensee, je dis mesme en ce monde, des travaux
qu'elle a souffertz pour la produire, quand elle la verra, pleine de vrayes vertus, luy donner mille
sortes de contentemens. Mes foibles prieres ne luy manqueront point a cette intention, ni a vous
aussi et a madame sa mere, pour vostre longue prosperité que je souhaitteray tous-jours avec
grande affection.
Vostre commodité fera tous-jours naistre la mienne, pour lhonneur que je desire de pouvoir
aussi veritablement me nommer vostre humble compere, comme je suis sincerement
Vostre tres affectionné et fidelle serviteur,
FRANÇS, E. de Geneve.
Co 23168 julliet 1608.
164 Le contenu de ce billet donne à penser qu'il a été écrit deux ou trois jours avant la naissance attendue.
165 Voir le tome XI, note (37), p. 3.
166 Claude-François de la Fléchère, fils de Henri, seigneur de la Fléchère, Molliens, etc., et d'Etiennette de Bellegarde,
chevalier des saints Maurice et Lazare, gentilhomme de la Chambre de Son Altesse, commandeur de Vions, mourut
en 1616. Il avait épousé en 1602 la vertueuse Madeleine de la Forest, (voir plus haut, note (40), p. 1). «D'un jeune
homme qui, selon son inclination, ètoit porté à la profusion et à la vanité, ., elle en fit, » d'après la Mère de Chaugy
(Vies de VIII venerables Veves, etc.), «un miroir de devotion et de pieté.»
167 Françoise-Innocente-Madeleine de la Fléchère, née à Rumilly le 23 juillet 1608, entra au premier Monastère
d'Annecy, y prit l'habit le 28 décembre 1634, devint supérieure du couvent de Rumilly et mourut le 15 avril 1655.
Après beaucoup de résistances et de douloureuses irrésolutious, cette âme se souvint qu'elle était la fille d'une
admirable mère et la filleule d'un Saint, et jusqu'à la fin de sa vie religieuse elle pratiqua, dans le silence, les plus rares
des vertus monastiques. (Voir sa Vie, dans Les Vies de plusieurs Supérieures de l'Ordre de la Visitation Sainte Marie,
revues et corrigées par un Pére de la Compagnie de Jésus; Anneci, 1693.)
168 L'ancienne copie reproduite ici porte la date du 28 juillet; mais celle du 23 doit lui être substituée, le copiste ayant
pris sans doute l'une pour l'autre. L'affectueux intérêt que François de Saies portait à ses amis de Rumilly, la proximité
65/329

7.6 Page 66

▲back to top


A Monsieur de la Flechere.
Revu sur une ancienne copie conservée à la Visitation de Turin. [56]
CDLXXII. A Madame de la Fléchère. La vertu des vertus.
Comment servir le Maître. Le moyen de faire glorifier Dieu
par le prochain. Quand les mortifications sont interdites par
une santé délicate, que faut-il faire ?
Annecy, [août] 1608169.
Madame ma tres chere Fille (car je croy que vous voules bien que je vous nomme ainsy),
nourrissés vostre chere une en l'esprit de cordiale confiance en Dieu, et a mesme que vous vous
treuveres environnee d'imperfections et miseres, relevés vostre courage a bien esperer. Ayés
beaucoup d'humilité, car c'est la vertu des vertus, mais humilité genereuse et paisible.
Soyés fidelle a bien servir nostre Maistre, mais gardés en son service la liberté filiale et
amoureuse, sans donner des amertumes degoustantes a vostre cœur. Conservés un esprit d'une
sainte joye qui, modestement respandue sur vos actions et paroles, donne de la consolation aux
gens de bien qui vous verront, affin qu'ilz en glorifient Dieu170 qui est nostre unique pretention. Et
puisque vous ne sçauries plus exercer vostre cors en aucune mortification et aspreté de penitence
et qu'il n'est nullemenc expedient que vous y pensies, ainsy que nous demeurasmes d'accord, tenes
vostre cœur bien rangé devant son Sauveur et faites, le plus que vous pourres, ce que vous feres
pour plaire a Dieu, et ce que vous aures a souffrir selon la condition de cette vie, souffres le a
mesme intention; car ainsy Dieu vous possedera toute et vous fera la grace que vous le possederes
un jour eternellement, dont je le supplieray toute ma vie, ma tres chere Fille, et seray de tout mon
cœur,
Vostre tres humble et tres affectionné serviteur,
FRANÇS, E. de Geneve. [57]
de leur résidence, permettent en effet de supposer qu'il a appris de très bonne heure l'événement, et c'est sans doute le
lendemain, 33 juillet, qu'il a envoyé ses félicitations au père de «la belle fille.»
169 Certains détails caractéristiques semblant désigner Mme de la Fléchère comune destinataire, et aussi la date que
nous proposons.
170 Matt., V, 16; I Petri, II, 12.
66/329

7.7 Page 67

▲back to top


CDLXXIII. Au Duc de Savoie, Charles-Emmanuel Ier (Inédite).
L'Evêque de Genève avertit le duc qu'il ira en Bourgogne pour
une affaire de famille.
Annecy, 16 août 1608.
Monseigneur,
Desirant de tous-jours rendre conte a Vostre Altesse de mes actions, et m'acheminant en
Bourgoigne pour un'affaire d'un mien frere171, ou je pense arrester seulement quinze jours, je
supplie tres humblement Vostre Altesse de l'avoir aggreable, et la continuation du vœu que j'ay a
l'obeissance de ses commandemens, m'advouant,
Monseigneur,
Son tres humble, tres fidelle
et tres obeissant orateur et serviteur,
FRANÇS, E. de Geneve.
A Neci, le 16 aoust 1608.
Revu sur une ancienne copie conservée à la Visitation de Turin.
CDLXXIV. A Madame de Charmoisy. La «soigneuse
assistance» des bons Anges. Exhortation à progresser dans
l'amour de Dieu. Message pour une ancienne Abbesse.
Saint-Rambert, 21 août 1608.
Madame ma tres chere Cousine,
A mesure que je m'esloigne de vous selon l'exterieur, mon esprit retourne plus
frequemment ses yeux du costé [58] du vostre, d'avec lequel il est inseparable, et je ne manque
point d'invoquer tous les jours la bonté de nostre Sauveur sur vous et la soigneuse assistance de
vostre bon Ange pour la conservation de vostre cœur, auquel d'une ardeur nompareille, je souhaitte
toutes les plus desirables faveurs du Ciel, et sur tout cette inviolable fidelité au saint amour que
vous aves voué par tant de resolutions au cœur debonnaire de ce doux et cher Jesus. Vivés tous-
jours, ma chere Cousine, ma Fille, avec ce courage d'aggrandir perpetuellement en la dilection de
Dieu; tenés bien estroittement sur vostre poitrine et entre les bras de vos saintes resolutions Celuy
qui, par tant de signes visibles, vous a tesmoigné d'avoir eu eternellement vostre nom et vostre
cœur gravé en sa volonté pleine de bienveuillance en vostre endroit172.
Je pars pour aller voir cette chere seur que vous aymes tant173, avec laquelle vous pouves
penser si je m'entretiendray de vostre ame, laquelle je porte tous-jours presente a la mienne par
affection. Je vous supplie de visiter par lettre la bonne Madame l'Ancienne174, a laquelle vos
encouragemens seront profitables; car pour le present, je n'ay nul loysir que pour vous escrire ces
quatre motz que je fay, vous donnant la sainte benediction de Dieu, qui tous les jours me rend plus
vivement et singulierement,
171 Le mariage de Bernard avec Marie-Aimée de Chantal.
172 Cf. Is., XLIX, 16; Jerem., XXXI, 3.
173 La baronne de Chantal.
174 Jéronyme de Maillard de Tournon, ancienne abbesse de Sainte-Catherine. (Voir ci-après, la lettre que le Saint lui
adresse le 15 octobre.)
67/329

7.8 Page 68

▲back to top


Madame ma chere Cousine,
Vostre tres fidelle et tres affectionné serviteur,
FRANÇS, E. de Geneve.
A Saint Rambert, le 21 aoust 1608.
Je finis aujourd'huy ma 41 annee: priés Nostre Seigneur qu'il rende le reste de mon aage
utile a sa gloire et a mon salut. Dieu soit tous-jours au milieu de vostre cœur. [59]
CDLXXV. A la Baronne de Chantal. La Baronne est prévenue
que le Saint est aux «portes» de Monthelon.
Montcenis (près Autun), 24 août 1608.
Nous voyci a vos portes, ma tres chere Fille; mais par ce que Thibaut m'a dit qu'avec
beaucoup d'affection vous voulies estre advertie un peu devant nostre arrivee, j'ay voulu vous
aggreer, et pour cela je l'ay fait partir trois heures avant nous.
Or sus, ma chere Fille, vous l'avois-je pas escrit que ce seroit environ la feste du grand saint
Louys? Je vous porte mon esprit plein de desir de servir le vostre et faire tout le bien que nous
pourrons faire. Environ les trois heures, je vous verray, Dieu aydant; car, en passant, je veux bayser
les mains de Monsieur vostre bon Evesque175, et voir nos Capucins176, l'eglise cathedrale et ce quil
faut que je voye en vostre Autun, affin que je ne sois pas contraint d'y retourner.
Dieu soit tous-jours avec nous, ma chere Fille. C'est luy qui me rend si uniquement
Vostre F. E.
Au Mont Senis, le 24 aoust 1608.
A Madame
Madame la Baronne de Chantal, m. f. (ma fille).
Revu sur l'Autographe conservé au 2d Monastère de la Visitation de Paris. [60]
175 Pierre Saulnier (voir le tome précédent, note (797), p. 287).
176 Voir ibid., note (498), p. 188.
68/329

7.9 Page 69

▲back to top


CDLXXVI. A Madame Bourgeois, Abbesse du Puits-d'Orbe.
Encouragements à persévérer dans de saintes résolutions.
Dijon, 1er septembre 1608
Je vous avois promis, ma chere Seur, ma Fille, de vous escrire par le retour de vostre
laquay; mais l'ayant rencontré en lieu ou je ne pouvois le faire, je repare ce defaut, vous escrivant
ce soir de nostre arrivee en cette ville. Mais que vous escriray-je donques, ma chere Fille? Rien,
sinon que, a mesure que je me suis esloigné de vous corporellement, mon esprit s'est retourné plus
ardemment de vostre costé pour vous souhaitter mille benedictions. Sa divine Majesté vous les
donne tres abondantes, et vous veuille fortifier de plus en plus es saintes resolutions quil vous a
inspirees. Helas! je regrette sans doute tant d'incommodités qui s'opposent a nos desirs; mais
faysant ce qui est en nous, doucement et constamment, ce bon Dieu suppleera au reste et vous
consolera de son assistence speciale.
Je vous escriray, Dieu aydant, avant mon depart d'icy, et a mon premier loysir, je vous
mettray par ordre tout ce qui me semble propre a la reprise de nos bons propos. Ah, que je desire
de bonheur a vostre chere ame, ma Fille bien aymee! Qu'a jamais puissions nous vivre pour ce
saint amour celeste.
Je suis d'un'affection inviolable, ma chere Fille,
Vostre tres fidelle et tres affectionné serviteur,
F.
A Dijon, le [1er septembre177] 1608.
A Madame, Mme l'Abbesse du Puys d'Orbe.
Revu sur l'Autographe conservé à l'Evêché d'Orléans. [61]
CDLXXVII. A une religieuse178. Dieu agrée extrêmement la
résignation dans les maladies et l'obéissance au médecin. Les
croix qu'il faut baiser avec amour.
Annecy, 9 septembre 1608.
Je m'advise, ma chere Fille, que vous estes malade d'une maladie plus fascheuse que
dangereuse, et je sçay que telles maladies sont propres a gaster l'obeissance que l'on doit aux
medecins179. C'est pourquoy je vous veux dire que vous n'espargnies nullement ni le repos, ni les
medecines, ni les viandes, ni les recreations qui vous seront ordonnees. Vous feres une sorte
d'obeissance et de resignation en cela, qui vous rendra extremement aggreable a Nostre Seigneur;
car en fin, voyla une quantité de croix et mortifications que vous n'aves pas choisies ni voulues,
Dieu vous les a donnees de sa sainte main: receves les, baysés les, aymés les. Mon Dieu, elles sont
toutes parfumees de la dignité du lieu d'ou elles viennent.
Bon jour, ma chere Fille; je vous escris avec empressement. Que si j'avois le loysir, j'en
dirois davantage, car j'affectionne infiniment que vous soyes fidele en ces petites et fascheuses
occurrences, et que, tant au peu qu'au prou, vous disies tous-jours: Vive Jesus!
177 La date du 1er septembre, très oblitérée, quoiqu'il en reste des traces, est confirmée parle voyage du Saint.
178 Les conseils de cette lettre semblent s'adresser à une Religieuse qui avait affligé son corps de mortifications
excessives. La Sœur Bernarde de Vignod (voir le tome précédent, note (299), p. 103) se rendit très infirme à force
d'austérités; elle pourrait bien être la destinataire.
179 Cf. Eccli., XXXVIII, 1.
69/329

7.10 Page 70

▲back to top


Vostre tout et tres affectionné serviteur,
FRANÇS, E. de Geneve.
Ce 9 septembre 1608. [62]
CDLXXVIII. A la Baronne de Chantal. Anne-Jacqueline Coste
offre spontanément au Saint de servir les futures Religieuses
qu'il méditait d'établir.
Sales, 19 septembre 1608180.
Au reste, ma Fille, il faut que je vous dise que Dimanche dernier je fus tres consolé. Une
païsanne de naissance181, tres noble de cœur et de desir, me pria, apres l'avoir confessee, de la faire
servir les Religieuses que [63] je voulois establir. Je m'enquis d'ou elle sçavoit une nouvelle encor
toute cachee en Dieu. «De personne,» me dit elle, «mais je vous dis ce que je pense.» O Dieu, dis-
je en moy mesme, aves vous donques revelé vostre secret a cette pauvre servante182? Son discours
me consola beaucoup, et j'iray, tant qu'il me sera possible, encourageant et soustenant cette fille,
la croyant autant pieuse et studieuse qu'il est requis pour servir en nostre petit commencement….
180 La date fournie par la Mère de Chaugy (Vie de Sœur Anne-Jacqueline Coste) est justifiée par les faits.
181 Cette «fille pieuse et studieuse» se nommait Anne-Jacqueline Coste. Née en Savoie de parents très pauvres, bergère
entre ses montagnes, puis servante à Genève, elle vint à Annecy en 1604, entra à la Visitation le jour même qu'elle
naissait (6 juin 1610) et mourut le 25 octobre 1623, à l'âge de soixante-trois ans. (Livre du Couvent, du 1er Monastère
de la Visitation d'Annecy.)
L'histoire de cette fille des champs a été contée avec un grand charme par la Mère de Chaugy, dans Les Vies
de VII Religieuses, etc. (Annecy, 1659). Les curieux épisodes du séjour dans la cité calviniste, la rencontre
providentielle qu'elle y fit de saint François de Sales et les circonstances presque dramatiques de cette entrevue, ont
popularisé dans toutes les mémoires le souvenir de la Sœur Anne-Jacqueline. Parmi le petit groupe des nobles dames
qui commencèrent la Congrégation dans la maison de la Galerie, la figure de la montagnarde se détache avec un
piquant relief. Sans la présence de cette «païsanne» candide et forte, qui l'anime de sa foi pittoresque et de sa
courageuse activité, le tableau de ces premiers jours perdrait sans doute quelque chose de sa délicieuse ingénuité. Le
Saint suivit toujours de près la servante de l'hôtellerie genevoise; pendant vingt-sept ans, il fut son père spirituel et
l'aima comme sa fille. Elle ne fut pas moins chérie de la vénérable Fondatrice, qui écrivait après son décès: «Voilà
notre chère Sœur Anne-Jacqueline qui vient de passer à Notre-Seigneur...Vous savez la fidélité de cette pauvre Soeur,
et combien elle a toujours été humble, dévote et laborieuse; enfin, c'était l'incomparable.» (Sainte J. F. Frémyot de
Chantal, sa Vie et ses Œuvres; Lettres, vol. II (Paris, Plon, 1877), p. 193.) Aux Instituts qu'il aime, Dieu donne
toujours, à leurs débuts, des âmes qui puissent servir de modèle aux futures recrues. Ne serait-ce pas dans ce dessein
qu'Anne-Jacqueline Coste, la première des Soeurs Tourières de la Visitation, a été, selon le mot de la Mère de Chaugy,
«une fille admirable pour son rang»?
182 Cf. Matt., XI, 35.
70/329

8 Pages 71-80

▲back to top


8.1 Page 71

▲back to top


CDLXXIX. Aux Ecclésiastiques du Bugey, du Valromey et de
Gex. Les ecclésiastiques des pays exemptés des décimes doivent
envoyer à Lyon un député pour régler le paiement d'un don.
Sales, 25 septembre 1608.
Messieurs,
Par ce que, pour eviter l'imposition de decimes perpetuelles, les deputés de Bresse ont
obtenu un arrest183 qui me semble asses favorable tant au clergé de Bresse qu'a vous, et qui est
sorti au prouffit commun de tous les ecclesiastiques des pais eschangés184, il me semble que pour
concourir avec eux a l'execution dudit arrest, vous deves faire un deputé d'entre vous qui aille a
Lion, pour traitter du payement des sommes convenues pour obtenir l'exemption185. C'est
pourquoy j'ay donné la presente a monsieur Rosetan, curé de Chavornay186, affin qu'avec cette
mienne [64] lettre en main, il procure et face faire ledit deputé187, comme je vous en prie, jugeant
que ce soit vostre mieux. Dieu vous conserve, Messieurs, et je suis
Vostre confrere tres affectionné,
FRANÇS, E. de Geneve.
XXV septembre 1608, a Sales.
A Messieurs
Messieurs les Ecclesiastiques du diocaese de Geneve,
des pais de Beugey, Valromey et Gex.
Revu sur l'Autographe appartenant à M. le chanoine J.-M. Chevalier, à Annecy.
183 Voir la Lettre CDXLVII à Henri IV, fin avril 1608.
184 Le traité de Lyon (17 janvier 1601) avait donné à la France, la Bresse, le Bugey, les pays de Valromey et de Gex,
en échange du marquisat de Saluces. En outre, le duc de Savoie recouvrait la châtellenie de Gaillard.
185 Le montant de ces «sommes convenues» s'élevait à 20.000 livres tournois. Le clergé dut faire un emprunt à M.
Particelly, banquier à Lyon.
186 Jean Rosetain ou Rostaing, curé de Chavornay dès le 5 mai 1594; il sera plus tard destinataire.
187 Yves Lambertod, « prieur de Saint Jan des Advantures, » député du clergé, fit vers ce temps-là, de nombreux
voyages à ce sujet. Le 26 septembre 1608, il alla à Lyon « pour trouver deniers a emprunter pour le service du clergé.
» Mais nous ignorons si cet ecclésiastique fut chargé de la mission dont il est parlé ici. (D'après les notes de M. O.
Morel, archiviste de l'Ain.)
71/329

8.2 Page 72

▲back to top


CDLXXX. A M. Etienne Dunant, Curé de Gex188. Servir Dieu où
l'on est. Le labeur patient n'est jamais stérile devant Dieu. Le
désir du changement empêche le succès de l'œuvre présente.
Sales, 25 septembre 1608.
Monsieur mon tres cher Confrere,
Pardonnés moy, je vous prie, si j'ay tant tardé a respondre sur la premiere lettre que vous
m'aves jamais escritte: il n'en sera pas ainsy des autres, si j'ay la consolation d'en recevoir. Mais je
fus si occupé a mon despart189, que [65] je n'eus nulle sorte de loysir pour vous rendre ce devoir;
et, avec cela, je me promis bien de vostre dilection que vous interpreteries le retardement en bonne
part.
Je persiste tous-jours a vous dire que vous deves servir Dieu ou vous estes, et 190facere
quod facis. Non pas, mon cher Frere, que je veuille forclorre l'accroissement de vos bons exercices
ni la purification continuelle de vostre cœur; mais, 191fac quod facis, et melius quam facis. Car je
sçai bien que Dieu commande en la personne d'Abraham a tous ses fideles: 192Ambula coram me,
et esto perfectus193; et que beati qui ambulant in viis Domini194, et que nos peres euntes ibant195,
et in corde suo ascensiones disponebant, ut irent de virtute in virtutem196.
Ayés donques bon courage de cultiver cette vigne, contribuant vostre petit travail au bien
spirituel des ames197 quas servavit sibi Dominus, ne flecterent genua ante Baal198, in medio populi
polluta labia habentis199. Ne vous estonnés point si les fruitz ne paroissent pas encor, 200quia si
patienter opus Domini feceris, labor tuus non erit inanis in Domino201.
Helas! Monsieur, Dieu nous a nourris du doux lait de plusieurs consolations, affin que,
devenus grans, nous taschions d'ayder a la reedification des murs de Hierusalem202, ou en portant
des pierres, ou en brassant le mortier, ou en martelant203. Croyés-moy, demeurés la; faites
fidellement tout a la bonne foy ce que moralement vous pourres [66] faire, et vous verres que204 si
credideris, videbis gloriam Dei205. Et si vous voules bien faire, tenés pour tentation tout ce qui
vous sera suggeré pour changer de place; car, tandis que vostre esprit regardera ailleurs que la ou
vous estes, jamais il ne s'appliquera bien a proffiter ou vous estes.
188 La lettre est adressée à un curé et très vraisemblablement, d'après certaines indications du texte lui-même, au curé
de Gex. Le prêtre qui gouvernait alors cette paroisse était probablement Etienne Dunant. Au retour de Louvain, il avait
demandé à François de Sales, en ce temps simple Prévôt, de présider ses thèses. Il travailla dans la mission du Chablais,
y desservit la paroisse de Massongy dès la fin de 1598, et tout en gardant cette cure jusqu'au 7 juin 1611, il administra
celle de Gex depuis 1608. Il en fut institué curé le 15 mai 1611, et y demeura jusqu'en 1641. (R. E.; Archiv. paroiss.
de Massongy et de Gex.)
189 Vide supra, Epist. CDLXXIII.
190 faire ce que vous faites.
191 faites ce que vous faites, et mieux que vous ne le faites.
192 Marche devant ma face, et sois irréprochable; et que heureux sont ceux qui marchent dans les voies du Seigneur,
et que nos pères s'en allaient, et ils pensaient aux saintes montées, afin d'aller de vertu en vertu.
193 Gen., XVII, 1.
194 Ps. CXXVII, 1.
195 Ps. CXXV, 6.
196 Ps. LXXXIII, 6, 8.
197 que le Seigneur s'est réservées, afin qu'elles ne fléchissent pas les genoux devant Baal, au milieu d'un peuple aux
lèvres souillées.
198 III Reg., XIX, 18; Rom., XI, 4.
199 Isaiae, VI, 5.
200 car si vous faites patiemment l'œuvre du Seigneur, votre travail ne sera pas vain dans le Seigneur.
201 I Cor., XV, ult.
202 Ps. L, 20.
203 Cf. II Paral., II, 2, ult.; I Reg., V, 15-18.
204 si vous croyez, vous verrez la gloire de Dieu.
205 Joan., XI, 40.
72/329

8.3 Page 73

▲back to top


Or sus, tout ceci soit dit en la confiance que vous me donnes par vostre lettre, et en la
sincere amitié que je vous porte206 in visceribus ejus207 cujus viscera pro amore nostro transfixa
sunt. Je le supplie qu'il affermisse de plus en plus le zele de son honneur en vous, et suis d'un cœur
tout entier,
Vostre humble et tres affectionné confrere
et serviteur,
FRANÇS, E. de Geneve.
A Sales, le 25 septembre 1608.
CDLXXXI. A la Baronne de Chantal. Accueil que fait le Saint
aux désirs et aux recommandations de la baronne de Chantal.
Dieu seul est un guide indispensable. Sortir du monde, pour
plusieurs, n'est pas toujours sortir d'eux-mêmes et de leur
amour-propre. La fin qu'on doit se proposer en quittant le
siècle. Une sainte Fondatrice dont la Congrégation semble
donner à penser au futur Fondateur de la Visitation. Conseil
du Saint à «ceux qui se meslent des ames» et aux personnes de
piété. Son affection pour le père et les enfants de sa fille
spirituelle. La jeune fille et le seau d'eau. Messages divers.
Annecy, 29 septembre 1608.
Jesus, es entrailles duquel mon ame cherit uniquement la vostre, soit a jamais nostre
consolation, ma Fille. J'ay [67] plusieurs choses sur le cœur pour vous dire, je ne sçai si je les
pourray mettre sur le papier; car j'ay grandement pensé en vous tout le long de mon retour, je dis
grandement.
Vos troys desirs pour la vie mortelle ne me desplaysent point, car ilz sont justes, pourveu
quilz ne soyent pas plus grans que leurs objectz meritent. C'est bien fait, sans doute, de desirer la
vie a celuy que Dieu vous a donné pour conduire la vostre; mais, ma Fille, ma bienaymee, Dieu a
cent moyens, je veux dire infinis moyens, pour vous guider sans cela: c'est luy qui vous conduit
comme une brebis208. Ah! je vous prie, tenes bien vostre cœur en haut, attachés le indissolublement
a la souveraine volonté de ce tres bon cœur paternel de nostre Dieu; qu'a jamais il soit obei, et
souaivement obei par nos ames. J'auray pourtant soin de moy selon que je vous l'ay promis, et plus
pour cela, sans doute, que pour inclination que j'aye a cette sorte d'attention; car je croy bien que
Dieu veut que je veuille quelque chose pour l'amour de vous. Or, Dieu face de moy selon son
gré209.
Ma Fille, tandis que Dieu voudra que vous soyes au monde pour l'amour de luy mesme,
demeures-y volontier et gayement. Plusieurs sortent du monde qui ne sortent pour cela pas d'eux
mesmes, cherchans par cette sortie leurs goustz, leurs repos, leurs contentemens; et ceux ci
s'empressent merveilleusement apres cette sortie, car l'amour propre qui les pousse est un amour
206 dans les entrailles de Celui dont le cœur a été transpercé pour notre amour.
207 Cf. Philip., I, 8.
208 Ps. LXXIX, 2.
209 Cf. Tob., III, 6.
73/329

8.4 Page 74

▲back to top


turbulent, violent et desreglé. Ma Fille, je dis ma vraye Fille, ne soyons point de ceux la. Sortons
du monde pour servir Dieu, pour suivre Dieu, pour aymer Dieu; et en cette sorte, tandis que Dieu
voudra que nous le servions, suivions et aymions au monde, nous y demeurerons de bon cœur, car
puis que ce n'est que ce saint service que nous desirons, ou que nous le facions, nous nous
contenterons. Demeures en paix, ma Fille; faites bien ce pourquoy vous restes au monde, faites le
de bon cœur, et croyes que Dieu vous en sçaura meilleur gré que de cent sorties faites par vostre
propre volonté et amour.
Mais faut-il pas que je vous die ceci, puisque j'en ay [68] esté consolé? Je rencontray a
Chalons monsieur André Valladier (c'est ce grand praedicateur qui prescha apres moy210, estant
Jesuite): or, il me fit mille sortes d'honneurs et de caresses et me dit mille choses diverses.
Entr'autres choses, il me dit que sainte Françoise, nouvellement canonisee211, avoit esté une des
plus grandes Saintes quil est possible d'imaginer, et quil avoit luy mesme escrit sa Vie en latin, par
le commandement du Pape, et quil alloit a Paris pour la faire imprimer212. Et m'enquerant des
particularités de cette Vie, il me dit qu'ell'avoit esté quarant'ans mariee, et qu'en sa viduité ell'erigea
une Congregation de vefves qui demeurent ensemble en une mayson, dans laquelle elles observent
une vie religieuse, et personne n'entre en icelle que pour grandes causes; elles, neanmoins, sortent
pour servir les pauvres et les malades, en quoy gist leur plus particulier exercice, et que cette
mayson rend un fruit et un exemple bien grand a Romme. Vous ouïtes ce que M. Blondeau213 dit
de Paris. Vive Dieu, ma Fille, et qu'a jamais il regne en nos cœurs! Je n'avois rien sceu de tout cela
quand je vous parlois a Dijon, et a nos bonnes vefves214: c'est le Saint Esprit, sans doute, qui donne
ces mouvemens conformes en divers endroitz de son Eglise. Prions Dieu, humilions nous,
attendons en patience, et nous serons consolés.
Ce bon personnage me dit bien d'autres choses qui ne me furent pas si aggreables, car il
parloit avec grande vehemence de sa sortie215, et comme vous sçaves, j'ay grand'aversion des
espritz troubles. Il me dit que les [69] impertinentes procedures de ce Religieux duquel nous
parlasmes en carrosse216 et duquel vous aviés parlé a M. de la Curne, estoyent venues aux oreilles
du Cardinal de Givry217 et de l'Inquisition de Romme. Je fus marri dequoy il m'en parla comme de
chose que je sçavois, quoy que je n'en fisse nul semblant. Je crains, d'un costé, que cela ne
s'esvente, car ce seroit un grand scandale et appresteroit beaucoup a dire aux mondains; d'autre
part, je voudrois bien que ce mal fut reprimé, de peur quil ne se glisse en d'autres. Il me dit que le
Pere duquel vous me monstrastes la lettre a Beaune218, faysoit presqu'aussi mal. Cela me despleut
infiniment; si je vay ou il est, je m'essayeray de luy en parler.
210 A Dijon. Voir le tome précédent, note (176), p. 49.
211 Sainte Françoise Romaine avait été en effet inscrite au catalogue des Saints le 29 mai 1608.
212 L'ouvrage de Valladier parut sous ce titre: Speculum sapientiœ matronalis, ex vita Sanctœ Francisco; Romanae,
fundatricis Sororum Turris Speculorum, panegyricus. Paris, Richer, 1609. La même année, une édition en fut
donnée en français, sous le titre de: Miroir de la Sagesse matronale.
213 Plusieurs familles de ce nom, dont quelques-unes parentes de la baronne de Chantal, figurent dans les archives de
Bourgogne. Serait-il question ici de Gilles Blondeau, conseiller à la Chambre des Comptes de Paris (1596), et en 1621,
trésorier de France à Dijon, ou de Guy, seigneur de Beauvoir, qui eut des rapports fréquents avec le Saint?
214 Voir ci-dessus, note (133), p. 45.
215 André Valladier était sorti de la Compagnie de Jésus au mois de juillet; s'il faut, en croire Moreri, «les impertinentes
procedures» dont il se plaignit au Saint avaient été inspirées par la jalousie d'un Supérieur, yalladier se pourvut, parait-
il, devant le Pape Paul V, qui lui conseilla de quitter la Société. (Pour plus de détails, voir Moreri, 1740.)
216 Ce personnage, dont la charité du Saint nous a caché le nom, serait-il un ancien frère an Religion d'André Valladier?
appartiendrait-il aux abbayes de Saint-Etienne ou de Saint-Bénigne? Il est difficile de le savoir.
217 Anne de Pérusse d'Escars ou des Cars, né à Paris en 1546, entré de très bonne heure à Saint-Bénigne de Dijon, en
devint abbé commendataire en 1570. Il fut aussi nommé abbé de Molesme, de Pothières, et en. 1583, évèque de
Lisieux. Promu au cardinalat en 1596, il prit dès lors le nom de sa mère, Françoise, comtesse de Givry, et en 1604, le
titre de Sainte-Susanne. Evèque de Metz en 1608, il mourut (avril 1612) non loin de cette ville et fut inhumé dans son
église cathédrale. Partout où il parut, à Dijon, à Rome, à Metz, le cardinal de Givry s'attira la vénération publique par
le prestige d'une grande piété. Membre de plusieurs Congrégations romaines, il fut un vigilant défenseur des intérêts
catholiques. Nous savons que le «saint Cardinal» ne s'épargna point pour faire avancer l'oeuvre de la Sainte-Maison
de Thonon.
218 Vide infra, p. 76.
74/329

8.5 Page 75

▲back to top


Tout cela, ma chere Fille, me fait desirer que mes seurs, mes filles, ne s'abandonnent guere
a nulle sorte de, grande confiance qu'en la seule confession; car, mon Dieu, voyla pas des grans
dangers? Ah! je veux croire qu'il ni a pas tant de mal; mais il y en a encor moins d'estre bien
discret. Je dirois volontier a ceux qui se meslent des ames, comme saint Bernard a ses Novices:
«Je ne. veux pour cela que des ames, et que les cors ne s'en meslent point219.» Or, j'ay dit tout cela
par ce quil m'est ainsy venu, et avec un'ame que je connoy et en laquelle j'ay rayson d'avoir
confiance absolue. Serves vous des advis de tous quand il en sera besoin, mais [70] ayes peu de
confiance es hommes, quoy qu'ilz semblent des anges; je veux dire pour des confiances grandes et
entieres. Or, ceci soit dit entre nous deux.
Revenons a vostre troysiesme desir220. Il est bon aussi; mais mon Dieu, ma Fille, il ne
merite pas qu'on s'y affectionne. Recommandons le a Dieu, faysons tout bellement ce qui se peut
pour le faire reuscir, ainsy que je feray de mon costé; mais au bout de la, si l'œil de Dieu qui penetre
l'advenir, voyant que cela ne reviendroit pas peut estre ni a sa gloire ni a nos intentions, sa divine
Majesté ordonn'autrement, il ne faut pas, ma Fille, pour cela en perdre le sommeil d'une seule
heure. Le monde parlera. Que dira-on? Tout cela n'est rien pour ceux qui ne voyent le monde que
pour le mespriser, et qui ne regardent le tems que pour viser a l'aeternité. Je m'essayeray de tenir
l'affaire liee en sorte que nous le (sic) puissions voir achevee, car vous ne le desires pas plus que
moy; mais sil ne plait pas a Dieu, il ne me plait pas non plus, ni a vous, car je parle de vous comme
de moy.
J'ay treuvé ma pauvre bonne mere si tres malade a mon gré que j'en ay esté estonné; non
pas qu'elle soit alittee, mais il semble que ce soit une lassitude et acheminement a une deffaillance
de nature. Et bien, nous y ferons ce qui se pourra, et Dieu face selon son bon playsir de nous et de
tout ce qui est a nous.
Nostre livre de devotion221 n'est pas encor imprimé: quand il le sera, j'en envoyeray a tous
ceux a qui j'en ay promis. Nostre bon pere222 est venu joyeusement et a un'ame inclinee a la
devotion; mais l'embaras des affaires apporte sans doute quelque sorte d'empeschement a une
entiere praeparation qui luy seroit necessaire en ce declin de sa vie; mais elle se doit procurer tout
bellement. Je luy ay proposé la lecture de certains livres propres a cela, et il l'a receu de fort bon
cœur. Je luy suis tout dedié, non seulement pour les obligations exterieures, mais par inclination
interieure. [71]
J'ay pensé a vostre cher filz, et connoissant son humeur, je pense quil faut avoir grand soin
de son esprit affin que maintenant il se forme a la vertu, ou qu'au moins il ne panche pas au vice;
et pour cela, il le faut bien recommander au bon M. Robert223, et luy faire souvent gouster le bien
de la vraye sagesse par des remonstrances et recommandations de ceux qui sont vertueux. Je suis
tous-jours bien ayse d'avoir veu tous les enfans de ma chere Fille, car vrayement je les ayme
comme miens en Nostre Seigneur.
Demeures en paix, avec un singulier amour de là volonté et providence divine; demeures
avec nostre Sauveur crucifié planté au milieu de vostre cœur. Je vis il y a quelque tems, une fille
qui portoit un seau d'eau sur sa teste, au milieu duquel ell'avoit mis un morceau de bois; je voulus
sçavoir pourquoy, et elle dit que c'estoit pour arrester le mouvement de l'eau, de peur qu'elle ne
s'espanchast. Et donques, dores-en avant, ce dis-je, il faut mettre la Croix au milieu de nos cœurs,
pour arrester les mouvemens de nos affections en ce bois et par ce bois, affin qu'elles ne
s'espanchent ailleurs, aux inquietudes et troublemens d'esprit. Il faut tous-jours que je vous die
mes petites cogitations.
219 Vita Ia S. Bern., t. I, cc. IV, VI. (P. L., tom. CLXXXV.)
220 Le mariage de Marie-Aimée de Chantal avec Bernard de Sales.
221 L'Introduction a la Vie devote.
222 Le président Frémyot.
223 Voir le tome précédent, note (1020), p. 379.
75/329

8.6 Page 76

▲back to top


A Dieu, ma chere Fille, a laquelle je suis tout donné en Celuy qui s'est tout donné a nous,
affin qu'estant mort pour nous, ne vivions plus qu'a luy224. J'escris au bon M. le Prævost225, a l'ame
duquel j'ay un grand amour par ce qu'elle me semble bonne, ronde et franche. J'escris aussi a nostre
M. de la Curne et luy envoyé les escritz ci joins que je vous prie luy faire tenir. Vive Jesus et
Marie! Amen.
Je suis celuy que ce mesme Jesus a rendu vostre.
A Neci, le 29 septembre 1608.
Je vous escriray le plus souvent que je pourray. J'ay [72] ouvert les lettres de mon frere de
Groysi, par curiosité de savoir ce quil vous disoit et a nostr'Aymee; mais celle de Mlle de
Brechart226 ça esté par mesgarde, la prenant pour la vostre. Mme de Charmoysi vous salue et ne
sçait pas que j'escrive.
227A Madame
Madame la Baronne de Chantal.
A Monthelon.
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy.
CDLXXXII. Au Père Nicolas Polliéns, de la Compagnie de
Jésus (Inédite). Témoignages d'affection pour les PP. Jésuites de
Chambéry et de sympathique dévouement à une pieuse
chrétienne qui soupirait après le cloître.
Annecy, 1er octobre 1608.
Mon Reverend Pere,
Vostre charité vous trompe saintement en moy, qu'elle vous represente pour digne de vostre
affection et de tous vos Peres et Freres, bien qu'en verité je manque de toutes les conditions
requises pour recevoir ce bonheur; excepté de lhonneur et respect que je vous dois a tous, et
particulierement a vous, car en cela je ne veux ceder a personne. Les bons PP. Villardi228 et
Muilet229 furent receuz [73] icy avec plus de cœur que de demonstrations et plus de demonstrations
que de bonne chere. Ma gloire en eust esté accomplie, s'ilz eussent eu plus de loysir de nous
favoriser de leur presence; une autre fois, en pareille occasion, je veux implorer vostre entremise
pour obtenir du P. Recteur230 une prolongation de ce contentement pour moy.
Dieu sçait que je cheris la bonne fille Mlle Clement231, et voudrois bien la voir assouvie en
ses devotz desirs; mais, mon cher Pere, je ne pense pas que son cors puisse porter les. effortz de la
224 Cf. II Cor., V, 14, 15.
225 François le Breton, bachelier en droit canon, prêtre du diocèse du Mans, qui fut prévôt de Notre-Dame-du-Châtel
d'Autun, de 1607 à 1611. (Mémoires de la Société Eduenne, tome XIII, p. 379.)
226 Voir ci-après, p. 86.
227 L'adresse n'est pas de la main du Saint et ne porte que la première syllabe de Monthelon.
228 François Villiardi, né à Avignon le 8 février 1561, entra dans la Compagnie de Jésus le 13 mai 1579, fit profession
le 12 juillet 1601; il mourut le 18 février 1617, après avoir exercé le ministère de l'enseignement et de la prédication.
(D'après les notes du R. P. van Meurs, S.J.)
229 Le P. Antoine Millieu «Muilet» est certainement une erreur qu'il faut attribuer sans doute à la transcription
naquit à Lyon le 10 septembre 1574; admis dans la Compagnie à l'âge de dix-sept ans, profès le 6 janvier 1611, il
enseigna successivement les lettres, la philosophie et la théologie pendant plusieurs années. Recteur de Vienne et de
la maison Saint-Joseph à Lyon, socius du provincial et provincial en 1642, il mourut à Rome le 14 février 1646. Ce
Religieux est l'auteur d'un curieux poème qui a pour titre: Moyses viator: seu, Imago Militantis Ecclesiae Mosaïcis
Peregrinantis Synagogae typis adumbrata. Lugduni, 1636-1639.
230 Le P. Jean Fourier.
231 Voir le tome précédent, p. 244, et la lettre suivante.
76/329

8.7 Page 77

▲back to top


forme de vivre des Religieuses de Sainte Claire, et ailleurs en Saveye, ou la pourroit on mettre
qu'elle ne fust pire qu'au siecle? Je me suis enquis en Bourgoigne s'il y auroit moyen, mais je n'ay
sceu rencontrer. Dieu la consolera, puisqu'en luy elle a mis sa confiance; et si elle vient icy ce
Caresme prochain, j'auray plus de loysir de voir en quoy je la pourray ayder et servir en cela, car
quant a mon affection, elle y est toute entiere, comme aussi a vous honnorer toute ma vie, mon
Reverend Pere, et demeurer
Vostre confrere et serviteur
plus humble et affectionné,
FRANÇS E. de Geneve.
1er octobre 1608.
Je vous supplie de m'assister aupres de Nostre Seigneur par vos prieres, et d'impetrer la
mesme grace de vos Peres et Freres.
Au R. Pere Nicolas Polliens,
de la Compagnie de Jesus.
A Chamberi.
Revu sur une ancienne copie conservée à la Visitation de Turin.
CDLXXXIII. A Mademoiselle Clement232. Se résigner
humblement, si, malgré tous nos efforts, notre désir n'est pas
accompli. Les âmes que Dieu aime «en tout et par tout.»
[Octobre 1608.]
Madamoyselle,
Vous deves vous resigner entierement entre les mains de nostre bon Dieu, lequel, quand
vous aures fait vostre petit devoir a la sollicitation de ce dessein que vous aves, aura tres aggreable
tout ce que vous feres, encor que ce sera beaucoup moins. Bref, vous deves avoir courage a bien
procurer que vous soyes Religieuse, puisque Dieu vous en donne tant de desir.
Mais si, apres tous vos effortz, vous ne pouves pas reuscir, vous ne sçauries plaire
davantage a Nostre Seigneur que de luy sacrifier vostre volonté, et demeurer en tranquillité,
humilité et devotion, entierement remise et sousmise a son divin vouloir et bon playsir, lequel vous
reconnoistres asses quand, ayant fait vostre possible, vous ne pourres pas jouir de vos souhaitz.
Car nostre bon Dieu esprouve quelquefois nostre courage et nostre amour en nous privant des
choses qui nous semblent et qui sont tres bonnes a l'ame; et s'il nous void ardans a la poursuitte, et
neanmoins humbles, tranquilles et resignés au manquement et a la privation de la chose poursuivie,
il nous donne des benedictions plus grandes en la privation qu'il ne nous en donne en la possession
de l'estat desiré; car, en tout et par tout, Dieu ayme ceux qui, de bon cœur et simplement, en toutes
occasions et en tous accidens, peuvent luy dire: Vostre volonté soit faite233………………………
FRANÇ , E. de Geneve. [75]
232 La mention de Mlle Clément dans la lettre précédente et celle du 14 décembre 1606, semblent indiquer que la
présente lettre lui a été aussi adressée, et vraisemblablement après le 1er octobre 1608.
233 Matt., VI, 10.
77/329

8.8 Page 78

▲back to top


CDLXXXIV. A la Baronne de Chantal. La fête de la Dédicace ;
les cœurs et les corps, temples mystiques dédiés à Dieu par les
vœux. — La dévotion du Rosaire à Annecy. La baronne de
Chantal à l'hôpital de Beaune.
Annecy, 8 octobre 1608.
Nous celebrons aujourd'huy, ma chere Fille, la Dedicace de nostre Eglise; mais, entre les
Offices, je vous viens escrire cette lettre pour retourner bien tost a l'autel ou je veux, avec des
particulieres affections, faire action de graces a nostre doux Sauveur de la dedicace de nos cœurs
et de nos cors que par sa misericorde nous luy avons faitte par nos vœux. O que nous serons
heureux, ma bonne chere Fille, si nos temples234 ne sont point violés! Qu'a jamais le Saint Esprit
y reside235 et ne permette point qu'aucune irreverence y soit commise; que ce soyent des maysons
d'orayson236 et de priere, ou les sacrifices de loüange, de mortification et d'amour soyent
immolés237.
O ma Fille, que mon cœur est plein de bons souhaitz pour le vostre! Vous diray je bien ce
sentiment? Dimanche je fis un sermon du Rosaire, parce que je suis de cette Confrerie la il y a
long tems238, et presque toute cette vilette en est; et d'autant que je voulois faire entendre a mon
cher peuple pourquoy on appelloit le Chapelet Couronne, je fus contraint d'apporter le passage de
saint Paul239, auquel il appelle ses disciples, sa couronne: Demeurés ainsy, mes tres chers. O ma
Fille tres chere et tres desiree, je vous laissay en l'hospital de Beaune240, [76] pleine de desir
d'aymer, d'honnorer, de servir, d'adorer la volonté de Dieu, resignant en toutes choses, grandes et
petites, la vostre a la misericorde de la sienne; je vous laissay avec Nostre Seigneur reellement
receu en vous mesme, et cela, entre les pauvres de Nostre Seigneur. Mon Dieu, ma chere et tres
singulierement chere Fille, comme cela, vous estes et ma joye et ma couronne. Et demeurés
donques ainsy, ma tres chere: demeurés de cœur et d'esprit avec nostre Sauveur, demeurés resignee
a sa volonté, demeurés entre ses pauvres par affection. Et puisque sa volonté est que vous soyés
encor au service, et a la conduitte de vostre famille, demeurés-y en paix, avec la fidelité que vous
devés a ce saint vouloir.
Je suis celuy que Nostre Seigneur veut estre tout vostre, et tout singulierement vostre.
Le 8 octobre 1608, a Neci.
(Voir Mémoires de la Mère de Chaugy, Ire Partie, chap. XXI.) En revenant du château de
Monthelon, en 1608, le Saint s'arrêta à Beaune et visita l'Hôtel-Dieu avec le président Frémyot,
Mgr de Bourges et sa sœur, Mme de Chantal. Ce fut là que les voyageurs se séparèrent. (Cf. Bavard,
L'Hôtel-Dieu de Beaune, etc.; Beaune, 1881.)
234 Cf. I Cor., III, 16.
235 Rom., VIII, 11.
236 Isaiae, LVI, 7; Matt., XXI, 13.
237 Pss. XLIX, 14, ult., CXV, 17.
238 En effet, «pendant les premieres annees de ses estudes... il se fit inscrire en la Confrairie du Rosaire... il fit le vœu
de dire tous les jours de sa vie le Chapelet.» (Année Sainte, ancien Ms.) Au dire de Charles-Auguste, c'est à Paris,
devant Notre-Dame des Grés, qu'il s'obligea à cette pratique, et d'après sainte Jeanne de Chantal (Process. remiss.
Gebenn. (I), ad art. 5), il portait le chapelet à sa ceinture et employait une heure à le réciter, «car il meditoit en le
disant.»
239 Philip., ult., X.
240 L'édifice, vrai bijou de l'architecture du XVe siècle, et l'œuvre qu'il abritait, doivent leur fondation à Guigonne de
Salins et à Nicolas Rolin son époux, chancelier de Bourgogne. «Il faut être Sœur de l'hôpital de Beaune, » avait dit un
jour François de Sales à sa fille spirituelle, pour éprouver son obéissance.
78/329

8.9 Page 79

▲back to top


CDLXXXV. A Madame de la Fléchère. Les vendanges.
Comment l'Epoux divin des âmes nourrit leur espérance et repaît
leur amour. Les vendanges spirituelles. Le côté du
Sauveur percé sur la croix. Les choses temporelles doivent
servir «d'eschellon» aux spirituelles. Comment il faut
considérer ses fautes.
Annecy, 12 octobre 1608.
Madame,
On m'a dit que vous esties bien avant en vos vendanges: Dieu soit loué. Il faut que mon
cœur vous die ce mot que je dis l'autre jour a une autre vendangeuse, qui est bien de vos plus cheres
cousines241. [77]
Es Cantiques des Cantiques242, l'Espouse sacree, parlant a son divin Espoux, dit que ses
mammelles sont meilleures que le vin, odorantes en unguens pretieux. Mais quelles mammelles a
cet Espoux? Ce sont sa grace et sa promesse; car il a sa poitrine, amoureuse de nostre salut, pleine
de graces, qu'il distille d'heure a heure, ains de momens en momens, dedans nos espritz: et si nous
voulons bien y penser, nous trouverons qu'il est ainsy. Et de l'autre costé, il a la promesse de la vie
eternelle243, avec laquelle, comme avec un saint et amiable lait, il nourrit nostre esperance, comme
avec sa grace il repaist nostre amour. Cette liqueur pretieuse est bien plus delicieuse que le vin.
Or, comme on fait vendange en pressant les raysins, on vendange spirituellement en
pressant la grace de Dieu et ses promesses. Et pour presser la grace de Dieu, il faut multiplier
l'orayson par les courtz, mais vifs eslancemens de nos cœurs; et pour presser sa promesse, il faut
multiplier les œuvres de charité, car ce seront elles a qui Dieu donnera l'effect de ses promesses.
J'ay esté malade, et vous m'aves visité, dira-il244. Toutes choses ont leur sayson245: il faut presser
le vin en l'une et en l'autre sorte de vendange; mais il faut presser sans s'empresser, avoir du soin
sans inquietude.
Encor pensant, ma chere Fille, que les mammelles de l'Espoux soyent son flanc percé sur
la croix, o Dieu, combien cette croix est une sep tortisse, mais bien chargee! Il n'y a qu'un seul
raysin, mais qui en vaut plus que mille. Combien de grains y ont treuvé les ames saintes, par la
consideration de tant de graces et vertus que ce Sauveur du monde y a monstrees!
Faites belles et bonnes vendanges, ma chere Fille, et que les unes vous servent d'eschellon
et de passage aux autres. Saint François aymoit les aigneaux et moutons parce qu'ilz luy
representoyent son cher Sauveur246; et je veux que nous aymions ces vendanges temporelles, non
seulement parce que ce sont choses appartenantes au soin qui correspond a la demande que nous
faysons tous les jours de nostre pain quotidien247, mais aussi, et [78] beaucoup plus, parce qu'elles
nous eslevent aux vendanges spirituelles.
Tenés vostre cœur plein d'amour, mais d'un amour doux, paysible et rassis. Regardés vos
fautes, comme celles des autres, avec compassion plustost qu'avec indignation, avec plus
d'humilité que de severité.
241 Probablement, Mme de Charmoisy.
242 Cap. I, 1, 2.
243 Joan., VI, 69.
244 Matt., XXV, 36.
245 Eccles., III, 1.
246 S. Bonav., Legend. S. Franc., c. VIII.
247 Lucae, XI, 3.
79/329

8.10 Page 80

▲back to top


A Dieu, Madame; vivés joyeuse, puisque vous vous estes toute dediee a la joye immortelle,
qui est Dieu mesme, qui veuille a jamais vivre et regner au milieu de nos cœurs Je suis en luy et
par luy,
Vostre humble et tres asseuré serviteur,
FRANÇS, E. de Geneve.
Le 12 octobre 1608.
CDLXXXVI. A Madame de Maillard, ancienne Abbesse de
Sainte-Catherine248. Souhaits de ferveur par le don du cœur à
Dieu. N'aimer rien qu'en lui, par lui et pour lui.
Annecy, 15 octobre 1608.
Un seul mot, ma tres chere Fille. N'advoués vous pas le don que je fay tous les jours a Dieu
de vostre cœur? Je le luy donne comme tout mien et je le tiens pour tout mien, par ce quil me l'a
donné. Mais sil est sien et quil me l'ayt donné, ne le luy puis-je pas donner comme tout mien? Qu'a
jamais, et le vostre qui est mien et le mien qui est vostre, puissent estre tous siens, puis que, par
son immense bonté, le sien est tout nostre. Je vous conjure, ma chere Fille, [79] d'aymer bien ce
bon Dieu qui vous a tous-jours esté si doux, et de n'aymer rien qu'en luy, par luy et pour luy.
C'est ainsy que je vous cheris de toute mon ame, et suis
Vostre serviteur tres fidelle,
F. E. de G.
XV octobre 1608.
Je sçai bien que vous aures des lettres sur le sujet duquel vous me parlastes. La chere
cousine249 m'escrivit hier: ce sera un cœur tout d'or. Elle m'escrit deux motz d'un saint amour pour
vous.
A Madame
Madame l'Ancienne Abbesse
de Ste Catherine.
Revu sur l'Autographe appartenant à M. l'abbé Michaud, curé de Saint-Alban, près de Chambéry.
248 Jéronyme de Maillard, fille de Pierre de Maillard, baron du Bouchet, comte de Tournon, gouverneur de Savoie,
etc., et de Claudine de Bellegarde, dame de Montagny, entrée à l'abbaye Sainte-Catherine du Semnoz, près Annecy,
en devint l'abbesse en 1587, après Claudine de Villette, et fut remplacée par Claudine de Menthon. (Voir le tome
précédent, note (334), p. 116.)
249 Mme de Charmoisy.
80/329

9 Pages 81-90

▲back to top


9.1 Page 81

▲back to top


CDLXXXVII. A la Baronne de Chantal. Humilité du Saint ; sa
confusion et sa peine de se voir estimé. Se tenir dans
l'indifférence.
Annecy, 28 octobre 1608.
Je ne sçaurois maintenant, ma chere Fille, respondre a vostre lettre du septiesme de ce mois,
que je receus hier au soir bien tard; car il faut que je die Messe et que j'aille visiter une eglise a une
lieuë d'icy250. Je diray ce que je pourray.
Ma Fille, je ne suis que vanité, et neanmoins je ne m'estime pas tant que vous m'estimes.
Je voudrois bien que vous me conneussies bien; vous ne lairries pas d'avoir une absolue confiance
en moy, mais vous ne m'estimeries guere. Vous diries: Voyla un jonc sur lequel Dieu veut que je
m'appuye; je suis bien asseuree, puisque Dièu le veut, mais le jonc ne vaut pourtant rien. [80]
Hier, apres avoir leu vostre lettre, je me promenay deux tours avec les yeux pleins d'eau,
de voir ce que je suis et ce qu'on m'estime. Je voy donques ce que vous m'estimes, et m'est advis
que cette estime vous contente beaucoup: cela, ma Fille, c'est un idole. Or bien, ne vous fasches
point pour cela; car Dieu n'est pas offencé des pechés de l'entendement, bien qu'il s'en faille garder,
s'il est possible. Vos affections fortes s'addouciront tous les jours par les frequentes actions de
l'indifference. Revoyés une lettre que je vous escrivis au commencement, de la liberté de l'esprit251.
A Dieu, ma Fille tres chere. Je suis celuy que Dieu rend tous-jours plus vostre.
FRANÇS, E. de Geneve.
Le jour saint Simon et saint Jude, 1608.
CDLXXXVIII. A Madame de la Fléchère. L'insensibilité et
l'indifférence religieuse : définition de l'une et de l'autre ; celle-
ci est un grand don de Dieu.
Annecy, 28 octobre 1608.
Madame ma tres chere Fille et Commere,
Vous verres la lettre que j'escris a monsieur de Cisteaux252 et a madame vostre bonne
seur253. Il me reste a vous dire, selon le peu de loysir que j'ay, que j'appreuve infiniment
l'indifference que vous avés, tant en l'affaire de Bons254 qu'en toutes autres, puisque c'est en
contemplation [81] de la volonté de Dieu. Je n'ayme nullement certaines ames qui n'affectionnent
rien, et a tous evenemens demeurent immobiles; mais cela, elles le font faute de vigueur et de
250 Il visita Metz et Meythet.
251 Vide t. XII huj. Edit., Ep. CCXXXIV.
252 Nicolas Boucherat, né en 1562, Religieux de Cîteaux, docteur en théologie de l'Université de Paris, prieur de
Cîteaux, devint Général de l'Ordre en 1604. Il visita presque toutes ses abbayes, favorisa leur réforme, réunit cinq
Chapitres généraux, de 1605 à 1633, et présida aux Etats de Bourgogne au nom de Henri IV et de Louis XIII. Il mourut
le 8 mai 1625. François de Sales l'ayant rencontré à Dijon en 1608, avait reçu sa délégation pour s'employer à la
réforme de l'abbaye de Sainte-Catherine d'Annecy.
253 Jeanne-Bonaventure de la Forest, Religieuse à Bons.
254 L'abbaye de Bons, située près de Belley, en Bugey, fut fondée en 1155 par Marguerite de Savoie, fille d'Amédée
II de Savoie; elle dépendait de l'abbaye de Saint-Sulpice, qui abritait des Cisterciens. En 1608, elle n'était déjà plus un
lieu de prière, mais de scandales. «En ce lieu-la, » écrivait le Saint (2 octobre 1609), «il y a des aspicz et basilisques
plus quil ne faut pour «les tendres ames...» «L'affaire» dont il est question ici, doit se rapporter à ces tristes événements,
auxquels semble avoir été mêlée l'Abbesse elle-même, alors Jeanne de Vignod (cf. le tome précédent, note (671), p.
248), et il s'agissait sans doute d'une tentative de réforme.
81/329

9.2 Page 82

▲back to top


cœur, ou par mespris du bien et du mal. Mais celles qui, par un' entiere resignation en la volonté
de Dieu, demeurent indifferentes, o mon Dieu, elles en doivent remercier sa divine Majesté, car
c'est un grand don que celluy la. Je vous dïrois mieux ceci de bouche; mais vous l'entendres, je
pense, asses ainsy que je le dis.
C'est une tentation, de vray, de vous amuser en l'orayson a penser ce que vous aves a me
descouvrir de vostre ame, car ce n'en est pas le tems. N'escrimés neanmoins point contre ces
pensees, ains destournes-en tout bellement vostre esprit par un simple retour a l'object de vostre
orayson.
Je vous escriray avec plus de loysir a la premiere rencontre de commodité, car maintenant
il faut que je parte pour aller faire la visite d'une parroisse255, et j'ay beaucoup de gens autour. Dieu
soit au milieu de vostre cœur, ma chere Fille, et le veuille enflammer de son saint, amour. C'est
luy qui m'a rendu pour jamais
Vostre tres affectionné et fidelle serviteur,
F. E. de G.
XXVIII octobre 1608.
256Monsieur de Charmoysi arrive ce soir en cette ville.
A Madame
Madame de la Flechere.
Revu sur l'Autographe appartenant à M. Emile Roux, au château de Vogland
(Ain). [82]
CDLXXXIX. Aux Syndics ou aux Messieurs du Conseil de
Rumilly257. L'église paroissiale de Rumilly a besoin d'une
restauration: difficultés de l'entreprise; encouragements à les
vaincre. Affection du Saint pour la ville; son humilité.
Annecy, 4 novembre 1608.
Messieurs,
Je sçay que le desir de la restauration de vostre eglise parrochiale ne vous a jamais manqué.
Mais il a neanmoins esté infructueux jusques a present, ou soit que la generale condition de ce païs
despuis plusieurs annees vous ayt osté les moyens d'en chevir, ou que l'union et liaison des espritz,
si necessaire a toute bonne entreprise, vous ayt defailly.
L'annee passee258, quand j'estois avec vous, il me sembla que ce dernier empeschement fust
fort debilité, puisque je vous vis presque tous consentans pour ce regard. Mais nous demeurasmes
court au second, parce qu'encor que plusieurs d'entre vous, animés d'une sainte devotion,
donnassent leur parole devant Dieu de contribuer, si est ce que plusieurs aussi n'entrerent pas en
cette si digne deliberation selon leur devoir; et pour tous il se treuva la difficulté de l'exaction, qui
est neanmoins la piece la plus requise a l'execution, et a faute de laquelle tout a cessé, comme il
appert.
255 Vide Ep. praeced., p. 80, not. (250).
256 Cette ligne, qui paraît avoir été biffée par les éditeurs de 1626, est inédite. M. de Charmoisy revenait probablement
de Turin, où il avait accompagné le duc de Nemours, à l'occasion des mariages de Marguerite et d'Isabelle de Savoie.
257 Migne (tome VI, col. 1072) suppose que cette lettre a été adressée à «MM. du Conseil d’Annecy. » C'est une erreur.
L'objet dont elle traite, le post-scriptum qui la suit, ce que nous savons de l'histoire de Rumilly, tout persuade que les
destinataires sont les Syndics, ou MM. du Conseil de cette ville.
258 Voir la note (259) de la page suivante.
82/329

9.3 Page 83

▲back to top


Maintenant, il se presente un parti fort asseuré pour vous faire voir en un an ou deux au
plus ce que vous aves si longuement desiré, et oster de devant les yeux des estrangers une mauvaise
marque de vostre ville, laquelle, [83] au demeurant, n'en a que des bonnes. Il est vray que, comme
en toutes les choses de ce monde il y a tous-jours moyen de faire naistre des difficultés, aussi se
pourra-il faire qu'en celle-ci quelques uns en pourront susciter. Et pour cela je vous escris, vous
conjurant, par vostre propre bonheur et honneur, que vous consideriés beaucoup avant de refuser
un si bon moyen de faire une chose si utile, si necessaire et si desirable pour vostre ville, et sans
laquelle, ou je me trompe en l'estime que je fay de vos ames, ou vous ne pouves pas vivre contens
ni consolés en vos consciences. Je me prometz que cette declaration de mon affection aura quelque
poids pour vous esmouvoir, comme considerans que je n'ay nul motif que celuy de la gloire de
Dieu et de vostre bien spirituel, auquel, selon mon devoir et inclination, je suis extremement dedié,
et je puis mesme dire que j'y suis tout sacrifié et immolé.
Donnés donq, je vous prie, cette satisfaction a mon ame qui est vostre, ce bon exemple aux
autres, cette douceur a vostre vie et cette consolation a vostre posterité, que par des dissensions et
varietés de conceptions, une si bonne œuvre ne soit point remise ni divertie. Ainsy, puissies vous
longuement tous jouir de la devotion que cette restauration rendra a vos exercices spirituelz et des
biens temporelz que Dieu vous en donnera en recompense.
Je suis, Messieurs,
Vostre humble et tres affectionné en Nostre Seigneur,
FRANÇS, E. de Geneve.
A Neci, 4 novembre 1608.
Je m'essayeray de vous procurer un meilleur predicateur que celuy qui vous prescha l'annee
passee259, et cela ne me sera pas difficile, bien qu'il est impossible que jamais vous en ayes un plus
affectionné. [84]
259 Ce prédicateur dont le Saint fait si peu de cas, on devine bien que c'est lui-même. (Cf. le tome précédent, note
(1013), p. 377.) «L'annee passee» veut dire ici, sans aucun doute, le Carême passé.
83/329

9.4 Page 84

▲back to top


CDXC. A Madame de Mieudry260. Les menues pensées de vaine
gloire et les mouches. Les larmes et les résolutions, «la
tendreté de cœur et la fermeté de cœur»: choses bien différentes.
Les pensées importunes. Ne pas tourmenter son âme.
Annecy, 6 novembre 1608.
Madame,
Hasté du soudain despart de...261 vostre porteur, je vous respondray briefvement. Escrives
moy tous-jours quand il vous plaira, avec entiere confiance et sans ceremonie; car en cette sorte
d'amitié, il faut cheminer comme cela.
Mocques vous, je vous prie, de toutes ces menues pensees de vaine gloire qui se viennent
presenter a vostrè ame parmi vos bonnes actions; car ce ne sont proprement que des mouches,
lesquelles ne vous peuvent faire nul autre mal que de vous importuner. Ne vous amuses donq point
a examiner si vous y aves consenti ou non; mais, tout simplement, continues vos œuvres comme
si cela ne vous regardoit nullement.
Ne poussés pas vostre cœur a la pitié ou compassion en la meditation de la Passion du
Sauveur, car il suffit, en toutes meditations, d'en tirer de bonnes resolutions pour nostre
amendement et fermeté en l'amour de Dieu, encor que ce soit sans larmes, sans souspirs et sans
douceur de cœur; car il y a bien de la difference entre la tendreté de cœur que nous desirons parce
qu'elle console, et la fermeté de cœur que nous devons desirer parce qu'elle nous rend vrays
serviteurs de Dieu.
Ne respondes non plus aucun mot a la pensee deshonneste [85] qui vous arrive; seulement,
dites en vostre cœur, a Nostre Seigneur: O Seigneur, vous sçaves que je vous honnore; ah! je suis
toute vostre262; et passes outre, sans disputer avec cette tentation.
Ne vous troubles point du défaut de vostre examen de conscience, car il ne peut pas estre
grand, puisque vous aves désir de vous bien purifier. Il ne faut pas tourmenter son ame, quand on
la sent desireuse d'estre fidelle a Dieu. Quand vous n'aures pas vostre confesseur ordinaire, il ne
faut pas laisser d'aller a un autre, regardant a Dieu et non pas a l'homme qui confesse ou absout;
mesmement, vous confessant souvent comme vous faites.
Dieu soit tous-jours au milieu de vostre cœur. Je suis en luy, Madame,
Vostre.....
A Neci, 6 novembre 1608.
260 Gasparde de Cerisier, fille de Jacques de Cerisier. Elle épousa (contrat dotal de février 1603) Sébastien Portier,
seigneur de Mieudry, qui habitait Rumilly. La destinataire mourut le 10 octobre 1616.
261 Le nom qui manque a été laissé en blanc par le premier éditeur.
262 Ps. CXVIII, 94.
84/329

9.5 Page 85

▲back to top


CDXCI. A Mademoiselle de Bréchard263. Recommandations
pressantes de garder son cœur, de le mortifier et de le tenir en
même temps dans la joie. Messages.
16 novembre 1608.
Madamoyselle,
Le seul desir que j'ay que vous sachies que mon cœur cherit le vostre me fait escrire ces
trois motz. Conserves [86] le bien, ce cœur, pour lequel le cœur de Dieu fut triste jusques a la
mort264, et, apres la mort, transpercé par le fer265, affin que le vostre vive apres la mort et soyt
joyeux toute sa vie. Mortifies le bien en ses joyes, et le resjouisses en ses mortifications266.
Resouvenes vos petites damoyselles267 de moy, et principalement ma Marie Aymee que je
tiens pour toute mienne. Je suis,
Madamoyselle,
Vostre tres asseuré serviteur en Nostre Seigneur,
F. E. de G.
XVI novembre 1608.
Je vous escrivis l'autre jour par l'homme de Mme du Puy d'Orbe, et au bon M. de Lacurne
que je vous prie saluer de ma part.
A Madamoyselle
Madamoyselle de Brechard.
Revu sur l'Autographe appartenant à M. de Mérona, au château de Mérona
(Jura). [87]
263 Jeanne-Charlotte de Bréchard, née en 1580 et vraisemblablement au château de Vellerot, non loin de Beaune,
descendait de deux nobles familles de Bourgogne, les Bréchard et les Machecop. Orpheline dès le berceau, négligée
et parfois tristement délaissée par son père, elle mena pendant plus de vingt ans, parmi toutes sortes de périls, une
existence souffrante et humiliée. Heureusement, elle rencontra la baronne de Chantal, et, par sa vertu et par ses
malheurs, s'en fit aimer. Qui sait même, si d'être la proche parente de M. d'Anlezy, le meurtrier de M. de Chantal, ne
lui valut pas un surcroît d'obligeantes amitiés de la part de la veuve magnanime? Un jour, et par l'entremise de celle-
ci sans doute, François de Sales prit sa conduite. Ce fut pour la noble demoiselle un jour béni; dès lors, elle trouva la
paix et connut sa vocation. Le 6 juin 1610, elle s'enfermait dans la maison de la Galerie, à Annecy, pour y commencer
avec sa protectrice et Marie-Jacqueline Favre, l'Institut de la Visitation. Après son oblation (6 juin 1611), elle fonda
le Monastère de Moulins (le troisième de l'Ordre, 1616), de Nevers (1620), et en dernier lieu, celui de Riom (1623),
où elle mourut le 18 novembre 1637.
Par sa droiture d'esprit, par son activité féconde et son admirable simplicité de cœur, la Mère de Bréchard est
bien de la sérieuse et forte race des fondatrices. Eloquente, enjouée, elle a fait des cantiques dont quelques-uns ne sont
pas dénués de grâce; il semble même qu'elle avait l'intelligence des Saints Livres. Mais une faveur plus rare et plus
haute fut accordée à la troisième Religieuse de la Visitation. Longtemps la corruption respecta son corps; des guérisons
notables auraient été obtenues par son aide et par ses prières; il fut même sérieusement question, en 1709, de
commencer le Procès de sa Béatification. (Cf. Les Vies de quatre des premières Mères, par la Mère de Chaugy (Paris,
1892), et La Visitation Sainte-Marie de Riom et Jeanne-Charlotte de Bréchard, par E. Everat; Riom, 1901, 2me édit.)
264 Matt., XXVI, 38.
265 Joan., XIX, 34.
266 Les deuxième et troisième phrases de ce billet ont été interpolées par les éditeurs de 1626, dans une lettre qui sera
donnée plus loin; le reste est inédit.
267 Les trois filles de la baronne de Chantal.
85/329

9.6 Page 86

▲back to top


CDXCII. A la Baronne de Chantal. Amiable partage de biens
pour faciliter le mariage de Bernard de Sales.
16 novembre268 1608.
Jamais nostre la Thuille ne m'a tant contenté que dans ce partage des biens que nous avons
fait aimablement cette semaine entre mes freres. En fin nostre Marie bienaymee sera baronne de
Thorens269. Mais tout cela s'est passé si paysiblement et si chrestiennement, que j'en suis tout a fait
edifié et consolé…………………………………………………………………………………….
CDXCIII. A Madame de la Chambre, Religieuse de l'Abbaye de
Baume270. Pourquoi il ne faut pas remettre les Vêpres après
souper. Le moyen d'être consolée pour cette vie et pour
l'autre. Messages divers.
Annecy, 24 novembre 1608.
Madame ma tres chere Niece,
Vous ne sçauries m'obliger davantage que de prendre la confiance que vous aves en moy,
qui aussi vous cheris et honnore avec toute la fidelité que vous pouves desirer. Vous faites
dignement de donner a monsieur vostre frere271 toute la satisfaction que vous pouves, puisqu'il
vous tesmoigne tant de son amitié, et, puisqu'il le desire, c'est bien fait de vous tenir tout le jour
occupee aux ouvrages. Mais quant a remettre vos Vespres jusques a ce que vous vous retiries le
soir apres souper, oh! ma chere Niece, je ne vous le conseille pas. Non point que ce soit grand
peché, car tout au plus il n'est que veniel; mais par ce que ce sera plus d'edification pour toute
vostre compaignie et plus de satisfaction pour vostre ame, si vous vous retires demi heure devant
souper pour dire vos Vespres, faysant paroistre que cela est vostre cher ouvrage et vostre besoigne
bienaymee. Pour les autres suffrages des trespassés, [89] vous pouves bien ne les point dire du
tout, car vous n'y estes nullement obligee; si que vous pouves, sans scrupule, les laisser.
268 D'après une pièce authentique, le partage avait été fait le 14 novembre. Comme le 16 était un Dimanche, il résulte
du texte même du fragment que celui-ci a été ecrit ce jour-là même.
269 Pour obliger ses enfants à vivre ensemble, M. de Boisy avait décidé par testament, que les biens resteraient indivis;
que le partage, s'il devenait un jour nécessaire, serait-fait par François de Sales, mais que Bernard, cadet de la maison,
aurait le premier choix, et ensuite les autres; si bien que la part qui resterait devait échoir au frère aîné. Ainsi fut fait.
Bernard de Sales choisit pour sa part la maison paternelle, et devint baron de Thorens et seigneur de Sales. Cette
distribution plus qu'égalitaire n'agréa pas tout d'abord aux aînés, qui s'en croyaient lésés; mais la sagesse désintéressée
de Louis, seigneur de la Thuille, intervint et les apaisa. Les lignes de ce fragment se rapportent sans doute à cet épisode.
(Voir de Hauteville, La Maison naturelle de St Fr. de S. (Paris, 1669), Partie II.)
Ici le Saint a de la peine à contenir sa joie; pour la comprendre, il faut savoir que ces arrangements facilitaient
le mariage de son jeune frère, et par suite, donnaient plus de jour à la retraite de Mme de Chantal en Savoie. Le projet
de l'Institut se précisant de plus en plus, il fallait bien songer à son établissement.
270 Louise de Seyssel, née de François de Seyssel-la-Chambre, marquis d'Aix, lieutenant-général au gouvernement de
Savoie, et d'Isabelle de la Roche-Andry, demoiselle d'honneur de la duchesse de Savoie. Elle entra en 1603 à l'abbaye
de Baume-les-Dames (voir le tome précédent, note (313), p. 110), et mourut à Chambéry, le 30 avril 1652. Le Saint
lui avait offert un exemplaire de l'Introduction a la Vie devote (la 3me édition, 1610). Voir notre tome III, note (83), p.
LXII.
271 Louis de Seyssel, baron de Meillonnas, marquis d'Aix, vicomte de Maurienne, maréchal de camp, chevalier de
l'Ordre de l'Annonciade (1618), fut le continuateur de sa race. Après la mort de Gasparde-Juliane de Mouxy, sa
première femme, il épousa, le 8 août 1633, Adrienne-Françoise de Grammont, veuve de Jean Fournier de Marcossey,
baron d'Haussonville, et mourut à Aix, le 23 janvier 1650.
86/329

9.7 Page 87

▲back to top


Soyes tous-jours bien devote, ma chere Niece, et croyes que c'est le seul moyen de recevoir
toute consolation pour cette vie et pour l'autre272. Je recommanderay a Nostre Seigneur
madamoyselle vostre seur273, affin quil la conduise selon vostre desir. Je vous supplie de resaluer
madame vostre belleseur274 de ma part et de l'asseurer de mon service.
Si j'avois autant de liberté que je souhaiterois, vous ne tarderies guere a me voir; mais, ne
pouvant mieux, je vous visite souvent en esprit, desirant en vostre cœur, abondance de l'amour
divin. Vives joyeuse, Madame ma chere Niece, puisque vous aves bonne volonté d'estre toute a sa
divine Majesté, pour laquelle je suis tres affectionnement,
Vostre oncle et serviteur tres asseuré,
FRANÇS, E. de Geneve.
XXIV novembre 1608.
A Madame
Madame de la Chambre,
Religieuse de Baume.
A Aix275.
Revu sur l'Autographe conservé au Grand-Séminaire de Besançon. [90]
CDXCIV. A la Baronne de Chantal. Anniversaire d'une
consécration épiscopale. Sentiments de François de Sales à
propos de cet événement.
Annecy, 7 décembre 1608.
Ma tres chere Fille,
Je m'essaye de faire un tres grand renouvellement pour mon ame, parce qu'il y a demain
six ans que Dieu m'osta au monde et a moy mesme pour me donner a son Eglise et a ses brebis.
Vous sçaves que c'est le jour de ma consecration episcopale. Ah, ma Fille, qu'il me fit alhors de
graces, ce grand Dieu, et que j'en ay mal prouffité! Mais, vive sa bonté et son amour! je vay
commencer tout a cette heure a le bien servir, moyennant l'ayde de sa grace.
Revu sur le texte inséré dans le IId Procès de Canonisation.
272 Cf. I Tim., IV, 8.
273 Sans doute Marguerite de Seyssel, qui épousa (par contrat signé à Chambéry le 28 mai 1612) Charles, comte de la
Forest. Elle testa le 23 août et le 10 décembre 1655, et fut ensevelie en l'église de Sainte-Claire, à Chambéry.
274 Gasparde-Juliane de Mouxy, fille de Georges de Mouxy, conseiller et chambellan du duc de Savoie, et de Louise
de Seyssel-la-Chambre, épousa en avril 1606, Louis de Seyssel (cf. note (271) de la page précédente); mais elle ne
vécut pas longtemps. (Voir La Maison de Seyssel (Grenoble, 1900), tome Ier.)
275 Aix en Savoie, où Louis de Seyssel, frère de la destinataire, avait un château.
87/329

9.8 Page 88

▲back to top


CDXCV. A Mademoiselle de Traves276. Témoignages
d'affectueux dévouement. Ingénieuse manière de demander à
une âme chrétienne si elle aime Dieu; que faire quand on aime
bien Dieu.
Annecy, 18 décembre 1608.
Madamoyselle,
Mon frere277, qui va la, vous dira peut estre que je vous [91] cheris et honnore bien fort;
mais vous croiries peut estre bien aussi qu'il me feroit ce bon office par charité, et je desire que
vous sçachies que c'est mon cœur qui a vrayement ce sentiment-la: c'est pourquoy je l'escris ainsy
de ma main et de mon cœur.
Mais dites-moy donq, Madamoyselle, je vous supplie l'amour de Dieu regne-il pas tous-
jours en vostre ame? N'est-ce pas luy qui tient les resnes de toutes vos affections et qui dompte
toutes les passions de vostre cœur? Oh je n'en doute nullement; mais, Madamoyselle, il faut que
vous permetties a un esprit qui vous ayme cherement, de vous demander ce qu'il sçait, pour le
playsir qu'il prend d'ouyr dire et redire vostre bonheur. On demande si souvent: Vous portes-vous
bien? encor que Ton voye ceux qu'on interroge en fort bonne santé. Ayés donques aggreableque,
sans desfiance de vostre vertu et constance, je vous demande par amour: Aymes-vous bien Dieu,
Madamoyselle? Si vous l'aymes bien, vous vous plaires a le considerer souvent, a parler souvent
a luy et de luy, a vous reunir souvent a luy au tres Saint Sacrement. Qu'a jamais puisse-il estre
nostre propre cœur, Madamoyselle!
Je suis en luy,
Vostre serviteur bien humble,
FRANÇS, E. de Geneve.
18 decembre 1608. [92]
276 Probablement Claude du Plesseys, fille de Jean du Plesseys et de Louise de Vieil-Châtel, qui avait épousé le 24
juin 1598, Jean II de Choiseul de Traves. Celui-ci mourut en octobre 1605, laissant à sa veuve trois enfants et la tutelle
de cinq fils et d'une fille qu'il avait eus de Barbe de Chastellux, sa première femme. (Cf. La Chesnaye-Desbois,
Dictionnaire de la Noblesse, 1770-1786, art. Choiseul.) Voir le tome précédent, p. 223, et ci-après, la lettre du 18 avril
1609 à la même.
277 Bernard de Sales (voir ci-après, note (279), p. 93).
88/329

9.9 Page 89

▲back to top


CDXCVI. A la Baronne de Chantal. Départ de Bernard de Sales
pour la Bourgogne. Souhaits et actions de grâces à propos de
son mariage. Le Saint déplore les dangers que court une âme
infidèle à ses engagements sacrés et bénit Dieu qui l'a gardé de
l'erreur dès son jeune âge. Les saints Pères et l'hérésie. Un
ministre converti. «Madamoyselle de Perdreauville» et sa
famille. La manière de prêcher contre les hérétiques.
Annecy, 18 ou 19 décembre 1608278.
Mais dites donq la verité, ma tres chere Fille, ne voyci [pas] une extravagance, que mon
frere279 partant pour aller aupres de vous, je n'aye pas loysir de vous escrire qu'a demy? Or sus,
voyla quil s'en va avec un cœur tout vostre et desireux de vous obeir en tout; car, comme je luy ay
recommandé, il traittera de toutes choses avec vous, en l'entiere confiance et obeissance qu'un
humble et doux enfant doit rendre a sa bonne et chere mere, et en tout suivra vos advis. Dieu soit
loué a jamais! Je ne puis revoquer en doute que ce mariage ne soit son prouffit, puisque luy en
ayant si purement remis et recommandé l'evenement, il l'a conduit a ce terme. Qu'a jamais il veuille
en maintenir le lien interieur, et longuement l'exterieur.
Helas, ma Fille, que c'est un dur passage a mon esprit, de passer de ce mariage a la
dissolution de celuy que la pauvre damoyselle de Bareul280 avoit fait avec son Dieu! [93] La
pauvrette se veut donques perdre avec son mary. Les Confessions de saint Augustin et le chapitre
que je luy montray passant vers elle, devoyent suffire pour la retenir, si elle n'estoit lancee a son
precipice que par les considerations qu'elle allegue. Dieu, au jour de son grand jugement, se
justifiera contre elle et fera bien voir pourquoy il l'a abandonnee. Ah! un abisme en tire un autre281.
Je prieray Dieu pour elle, et specialement le jour de saint Thomas, que je conjureray, par son
heureuse infidélité, d'interceder pour cette pauvre ame si malheureusement infidelle.
Quelles actions de graces devons nous a ce grand Dieu, ma chere Fille! Mais moy, attaqué
par tant de moyens, en un aage fresle et flouet, pour me rendre a l'heresie, et que jamais je ne luy
aye pas seulement voulu regarder au visage sinon pour luy cracher sur le nez, et que mon foible et
jeune esprit, parcourant sur tous les livres empestés, n'aye pas eu la moindre esmotion de ce
malheureux mal: o Dieu, quand je pense a ce benefice, je tremble d'horreur de mon ingratitude.
Ma Fille, accoisons nous en la perte de ces ames, car Jesus Christ a qui elles estoyent plus cheres,
ne les laisseroit pas aller apres leur sens282, si sa plus grande gloire ne le requeroit. Il est vray que
nous les devons regretter, et souspirer pour elles comme David sur son Absalon pendu et perdu283.
Il n'y eut pas grand mal, non, en ces desdains que vous tesmoignastes parlant avec elle.
Helas! ma Fille, on ne se peut contenir quelquefois en des accidens si dignes d'abhorrissement.
278 La date du 2 décembre 1609, donnée par l'édition de 1626, est inexacte; la nôtre est justifiée par le texte. L'allusion
formelle à la fête de saint Thomas (voir la page suivante) indique le jour, et c'est le voyage du gentilhomme, porteur
de cette lettre, qui sert à préciser l'année.
Le texte entier de cette page est inédit.
279 Bernard dé Sales, qui se rendait en Bourgogne pour son contrat de mariage avec Marie-Aimée de Chantal. Ce
contrat fut signé à Thoste, le 3 janvier 1609.
280 La sympathie attristée du Saint sur le malheur de la «pauvre damoyselle» éveille notre curiosité; mais l'histoire
détaillée de la «pauvrette» et de son mari, qu'il serait si intéressant de connaître, s'est dérobée jusqu'ici à nos
recherches. Nous savons seulement que Marie de Rabutin, fille de Jean de Rabutin. et cousine germaine dumari de la
baronne de Chantal, épousa Eraste de Vins, seigneur de Bareuil. Si cette personne est celle dont parle saint François
de Sales, il avait pu la voir lors de son voyage en Bourgogne quelques mois auparavant.
281 Ps. XLI, 8.
282 Cf. Rom., I, 28.
283 II Reg., XVIII, 9-33, XIX, 4.
89/329

9.10 Page 90

▲back to top


Les epistres de saint Hierosme luy seront encores bonnes, car voyes vous, outre les tesmoignages
qui sont espars ça et la es escritz des saintz Peres en faveur de l'Eglise (car en fin ilz parlent tous
comme nous), l'esprit mesme de ces grans personnages respire par tout contre l'heresie.
L'autre jour, de grand matin, un homme grandement docte et qui avoit esté ministre long
tems, vint me voir, [94] et me racontant comme Dieu l'avoit retiré de l'heresie: «J'ay eu,» ce me
dit il, «pour catechiste le plus docte Evesque du monde.» Je m'attendois qu'il me nommast
quelqu'un de ces grandes renommees de cet aage, et il me va nommer saint Augustin. Il s'appelle
Corneille284, et maintenant fait imprimer un beau et digne livre pour la foy285. Il n'est pas encores
receu a l'Eglise, et m'a donné esperance que ce sera moy qui le recevray. Je n'ay jamais veu homme
si docte de ceux qui sont hors de l'Eglise. Helas, le bon homme s'en alla satisfait d'avec moy, disant
que je l'avois caressé amoureusement et que j'avois le vray esprit de chrestien. 286Je croy bien qu'il
adjousta que je n'estois pas des plus doctes, mais on ne me le dit pas. Mon Dieu, ma Fille, que dis-
je? J'escris a course de plume et ne pense qu'a vous parler comme entre nous deux. Je voulois dire
que ces anciens Peres ont un esprit qui respire contre l'heresie, es pointz mesmes esquelz ilz né
disputent pas contre elle. [95]
Estant a Paris et preschant en la chapelle de la Reyne, du jour du Jugement (ce n'est pas un
sermon de dispute), il se treuva une damoyselle, nommee madamoyselle Perdreauville, qui estoit
venue par curiosité; elle demeura dans les filetz, et sur ce sermon prit resolution de s'instruire, et
dans trois semaines apres, amena toute sa famille a confesse vers moy et fus leur parrein a tous en
la Confirmation287. Voyes vous, ce sermon la, qui ne fut point fait contre l'heresie, respiroit
284 Jean Corneille, né à Noves en Provence, quitta l'habit religieux, vint à Genève pour y étudier, en 1581, et après
quelques années fut élu ministre d'Orange (1586). Suspendu en raison de sa conduite qui l'avait rendu suspect, il dut
comparaître le 8 octobre 1592 devant le consistoire de Nîmes. Ses réponses et son adhésion écrite à la confession de
foi semblèrent dissiper la méfiance de ses juges et le firent réintégrer dans ses fonctions. Mais au mois d'avril 1596,
son attitude et ses relations avec les Jésuites d'Avignon excitèrent de nouveau les alarmes des pasteurs, et bientôt, son
refus de comparaître une deuxième fois devant eux, les persuada qu'il était retourné au papisme. A partir de ce moment,
on perd la trace de l'ancien ministre jusqu'en mai 1608. On le trouve alors à Paris, faisant visite à un de ses bons amis,
Pierre de l'Estoile, et lui exposant un plan de réunion des églises. (Voir Mémoires-Journaux de Pierre de l'Estoile, mai
1608.) La présente lettre nous avertit qu'il était à Annecy à la fin de cette même année. Curieuse figure que celle de
ce provençal érudit, à l'âme inquiète et remuante, tour à tour l'ami du célèbre chroniqueur parisien et de François de
Sales!
C'est la lecture du Traité de l'Eglise de du Plessy-Mornay, «le pape des huguenots, » qui lui aurait ôté la foi;
mais si «le plus docte Evesque du monde» le catéchisa, n'est-ce pas le plus aimable et le plus persuasif des Evêques
qui sans doute le convertit? (Cf. Haag, La France protestante, 1884.)
285 Ce doit être l'ouvrage mentionné par l'Estoile (ibid., 2 juin):
Joannis Cornelii provincialis Encyclopœdia (hoc est universa Institutio atque disciplina sacro-sanctae
christianae et catholicae Religionis), in qua contra tela mali illius ignita rabidorum videlicet crescent es in dies
errorum deformitates et damnatorum morum corruptelas, ver ce sapientice ac Religionis puritas defenditur et
armatur.
286 Les quatre lignes suivantes sont inédites.
287 M. de Racortis était aussi seigneur de Perdreauville; il eut quinze enfants de trois mariages successifs. C'est pour
avoir ignoré ces deux particularités, que la plupart des. historiens ont mêlé au récit de cette conversion beaucoup
d'inexactitudes.
François d'Abra de Raconis, d'origine piémontaise, naturalisé en 1549 seigneur de Neuville, de Perdreauville
et d'Havelu, ambassadeur en Suisse pour le roi, etc., épousa en troisièmes noces Rachel Bochart. C'est cette âme
obstinée dans le calvinisme, qui se rebella contre la grâce jusqu'au jour où elle fut prise dans les filets du grand
convertisseur, et avec elle, sa maison, composée d'une vingtaine de personnes. L'évenement fit grand bruit à la cour
et dans la capitale. On connaît le mot du cardinal du Perron, cité par Charles-Auguste (Histoire, etc., liv. V): «Sire, il
s'en est peu fallu que je n'aye jette tous mes livres de controverse au feu, quand j'ay.sceu que ces messieurs de Raconis,
à la conversion desquels j'ay pris tant de peine, avoyent abjuré l'heresie entre les mains de Monsieur de Sales, Evesque
de Geneve1
Trois membres de la famille de Raconis sont surtout connus dans l'histoire religieuse du temps: Matthieu de
Raconis, né du deuxième mariage de François d'Abra, se convertit en 1592, entra en 1595 chez les Capucins, où il
devint célèbre sous le nom du P. Ange; trois de ses sœurs abjurèrent dans le même temps; la quatrième, plus opiniâtre,
fut amenée à la foi par M. de Bérulle. Celui-ci n'étant pas encore prêtre, la confia au P. Benoît de Canfeld et ensuite à
Mme Acarie. Entrée au Carmel, non sans de grandes difficultés (cf. Mémoire sur la fondation... des Carmélites (Reims,
1894), t. II, p. 177), elle reçut le voile et le nom de Claire du Saint-Sacrement, au monastère de Pontoise, où elle
mourut en 1666. Le troisième personnage, Charles-François de Raconis, neveu du P. Ange, se trouvait au nombre des
90/329

10 Pages 91-100

▲back to top


10.1 Page 91

▲back to top


neanmoins contre l'heresie, car Dieu me donna lhors cet esprit en faveur de ces ames. Despuis j'ay
tous-jours dit que qui presche [96] avec amour presche asses contre les heretiques, quoy qu'il ne
die un seul mot de dispute contre eux; et c'est pour dire qu'en general, tous les escritz des Peres
sont propres a la conversion des heretiques.
288O mon Dieu, ma chere Fille, que je vous souhaitte de perfections! Une pour toutes: cette
unité, cette simplicité. Vivés en paix et joyeuse, ou au moins contente, de tout ce que Dieu veut et
fera de vostre cœur. Je suis en luy et par luy, tout vostre.
FRANÇS, E. de Geneve.
Le ... decembre ....
A Madame
Madame la Baronne de Chantal.
Revu sur le texte inséré dans le Ier Procès de Canonisation.
CDXCVII. A Madame Bourgeois, Abbesse du Puits-d'Orbe. Le
Saint demande à l'Abbesse de ses nouvelles. Conseils divers.
Le moyen de tirer profit de ses infirmités. Exhortation à la
dévotion. Assurance de dévouement.
Annecy, 19 décembre 1608.
C'est grand cas, ma chere Fille, que nul ne m'escrit de vous, ni de Dijon, ni de Bourbilly,
sinon l'autre jour madame de Chantal qui me dit qu'elle vous iroit voir. Mais que faites vous donq,
chere Fille? Voyci la cinquiesme lettre que je vous envoye despuis mon retour: penses vous pas
que ce soit a bon escient que je suis vostre pere? Voyes vous, escrives moy un peu souvent, et
envoyes a commodité vos lettres a Dijon et a Montelon, car je les recevray tous-jours asses; et si
vous ne pouves pas m'escrire (car je m'imagine que cette mauvaise jambe [97] vous tient souvent
au lit), faites que cette bonne seur289 m'escrive pour vous.
Mon Dieu, que de biens mon ame souhaite a la vostre! Faites bien vostre prouffit de vos
travaux, rendes-les fructueux par une volontaire acceptation des croix que la necessité vous
impose. Resouvenes vous de vos premiers mouvemens de devotion; car a vostre retour de Dijon,
on me dit qu'entre les rasoirs et lancettes, vous chanties des cantiques a Dieu. Prattiques
fidellement les oraysons jaculatoires, faites vous lire des bons livres et ordonnes a vos plus
confidentes filles quelles vous entretiennent de Dieu.
J'attens que ce primtems nous donne la commodité de nous revoir, et tandis, tous les jours
je prie pour vous; et certes, mon cœur vous cherit tres parfaittement en Celuy qui, pour nous, eut
convertis et des filleuls spirituels du Saint, et mourut en 1646 évêque de Lavaur, après s'être distingué par ses travaux
et ses ouvrages de controverse.
(Cette note s'inspire en grande partie des renseignements du P. Edouard d'Alençon, érudit aussi
consciencieux que bien informé. Voir Annales Franciscaines, juin 1888: «Deux Saints François.»)
1Le même Cardinal disait encore du Saint : «Si vous voulez que je les convainque (les hérétiques), j'espere, avec l'aide
de Dieu, que la doctrine qu'il m'a donnée pourra aisément faire cela; mais si vous voulez les convertir, menez-les à
Monsieur de Geneve, auquel Dieu .a baillé ceste vertu, que tous ceux ausquels il parle s'en retournent convertis.»
(Ibid.)
288 Cette fin de lettre, qui manque dans le Procès de Canonisation, est empruntée à l'édition de 1626.
289 Mme de Chantal.
91/329

10.2 Page 92

▲back to top


le sien transpercé sur la croix290. Dites vous pas tous-jours: VIVE JESUS? Ouy, ma Fille tres chere,
qu'a jamais ce grand Jesus vive et regne en nos ames! Amen.
Je salue toutes vos cheres Seurs, et a part la nostre291. Mon frere le chanoyne292 n'est pas
icy; je m'asseure quil vous escriroit; car et luy et toute nostre mayson est dedié a vostre service.
XVIIII decembre 1608.
A Madame
Madame l'Abbesse du Puy d'Orbe.
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation du Mans. [98]
CDXCVIII. A Madame de Rochette, Religieuse de l'Abbaye de
Sainte-Catherine293 (Inédite). Un sujet inépuisable de
correspondance. Le Saint envoie à la destinataire des
chansons spirituelles.
Annecy, 28 décembre 1608.
Vous faites bien, ma chere Fille, de m'escrire quelquefois sans sujet particulier, mais avec
le seul general que Jesus Christ et sa dilection, unique lien de nos cœurs, vous fournira tous-jours.
Sans doute que Dieu vous consolera tous-jours plus en cette heureuse entreprise que vous aves
faitte de ne vivre que pour luy. Continues donq courageusement, chere Fille, et demeures
invariable en ce divin propos.
Je vous envoyay des chansons spirituelles par cette porteuse294, et ne sçay comme elle ne
les vous a donnees. Il y en avoit peu parce que les copies des autres se sont esgarees; mais je les
feray rechercher, affin qu'a cela ne tienne que vous aspiries amoureusement et souëfvement en
Dieu, pour lequel nous devons souspirer toute nostre [99] vie et auquel nous souhaitons d'expirer
a la fin de nos jours. Amen.
Je suis en luy,
Vostre tres affectionné et fidelle serviteur,
FRANÇS, E. de Geneve.
28 decembre 1608.
Si vostre bonne Made (sic)295 me fait la consolation de venir me voir, faites-le moy sçavoir,
je vous prie, affin que je la reçoive plus a propos, et vous aussi.
290 Joan., XIX, 34.
291 Françoise Bourgeois, prieure du Puits-d'Orbe.
292 Jean-François.
293 Péronne de Rochette, fille de Charles de Rochette et de Françoise-Marie de Chevron-Villette, entra à Sainte-
Catherine et prit l'habit de novice le 4 mars 1607. Aidée par les avis du saint Evêque, elle se distingua bientôt par sa
ferveur, et plus tard, quand parmi ses compagnes, un groupe se forma pour embrasser décidément une vie religieuse
plus exacte, elle donna son nom. Elle eut l'occasion de se lier avec la baronne de Chantal et d'en recevoir de précieux
conseils pour sa conduite spirituelle. Les particularités de cette lettre semblent se référer à son histoire et la désigner
comme destinataire. (Voir Grossi, La Vie de la Vble Mere de Ballon (Annecy, 1695), et Mugnier, Hist. de l'abbaye de
Ste Catherine; Chambéry, 1886.)
294 La «porteuse», si la lettre s'adresse à Péronne de Rochette, pourrait être Marie-Aimée de Blonay, qui était venue
passer les fêtes de la Noël à Annecy pour y entendre les prédications de François de Sales. (Cf. ci-après, note (297),
p. 101.)
295 Cette «bonne Made» serait-ce l'Abbesse du monastère, Claudine de Menthon, ou Claudine de Rochette? Celle-ci
était sœur de Pérbnne; Religieuse comme elle à Sainte-Catherine, elle contraria souvent, par son tempérament un peu
rude, l'humeur plus douce de sa cadette. L'abbaye l'avait pour prieure le 1er août 1622; c'est peu de temps après, que
92/329

10.3 Page 93

▲back to top


A Madame de Rochette.
Revu sur une copie conservée à la Visitation de Montélimar.
CDXCIX. A M. Claude Bretagne296. Souhaits de courtoisie à un
magistrat à la fin d'une année. Pourquoi la fuite des années ne
doit pas nous attrister.
Annecy, 28 décembre 1608.
Monsieur,
Cette annee, qui se passe en ces deux jours suivans, me sera memorable pour avoir en icelle
receu le bien de [100] vostre amitié et connoissance. Avant donq qu'elle finisse, je me veux
ramentevoir en vostre souvenance, et vous supplier de me conserver en cette nouvelle annee
venante le mesme bonheur que vous m'aves donné en celle cy. Elles s'en vont bien viste, ces
annees, et nous vont ravissant apres, ou plustost avec elles; mais que nous en doit-il chaloir, puis
que, moyennant la misericorde de Dieu, elles nous vont fondre et abismer dedans une profonde
eternité?
Je suis toute ma vie, Monsieur,
Vostre bien humble serviteur,
FRANÇS, E. de Geneve.
28 decembre 1608.
A Monsieur
Monsieur Bretaigne,
Conseiller de Sa Majesté au Parlement de Bourgoigne.
A Dijon.
les généreuses dissidentes, et Péronne parmi elles, allèrent fonder à Rumilly un asile plus régulier et plus fervent.
(Voir les ouvrages indiqués à la note (293) de la page précédente.)
296 Claude Bretagne, conseiller du roi au Parlement de Bourgogne, commissaire aux requêtes du Palais, lieutenant-
général au bailliage d'Auxois, seigneur de Benoisey, etc., avait cessé de vivre en 1622. Sa femme, Claude de la Plume,
lui survécut. (Archiv. départ, de la Côte-d'Or.) Une petite-fille du destinataire, Reine-Françoise, entra à la Visitation
de Dijon. (Voir l'Année Sainte, tome IV, p. 642.)
93/329

10.4 Page 94

▲back to top


D. A la Baronne de Chantal. Dieu favorise le dessein de la
Visitation en lui préparant des âmes d'élite. Une prétendante ;
estime qu'en fait le saint Evêque.
Annecy, fin décembre 1608.
Courage, ma Fille, Dieu nous veut ayder a nostre dessein; il nous prepare des ames d'eslite.
Madamoyselle de Blonay, de laquelle autrefois je vous ay parlé, m'a declairé son desir d'estre
Religieuse297; Dieu l'a [101] marquee pour estre de la Congregation. Je luy ay dit de me laisser
gouverner son secret, et je me veux rendre bien soigneux de servir cette ame en son inspiration,
car Dieu m'a donné quelque mouvement particulier la dessus. Je tiens des-ja cette fille pour vostre
et pour mienne. [102]
297 Comme François de Sales devait prêcher en sa cathédrale les fêtes de Noël, l'Abbesse de Sainte-Catherine, invitée
par Mme de Charmoisy, descendit à Annecy pour l'entendre, accompagnée de quatre Religieuses et d'autant de
pensionnaires. Parmi ces dernières, se trouvait Marie-Aimée de Blonay. La jeune fille, qui songeait à la vie du cloître,
découvrit avec une joie candide tous ses sentiments à l'ami vénéré de sa petite enfance, car le Saint l'avait connue
presque dès le berceau, durant son apostolat en Chablais. Il la fit «promener avec luy plus d'une heure dans la salle
joignant sa chapelle... Durant ce tres-sainct et tres-aimable entretien, » ajoute-t-elle, «mon ame fut saisie de nouveaux
sentimens de la présence divine et de ses Anges.» C'est dans ce pieux colloque que l'Evêque tourna les pensées de
l'angélique enfant vers la Congrégation qui allait naître.
Les lignes de ce fragment de lettre ont été écrites à cette occasion et portent ainsi leur date. (Voir Ch.-Aug.
de Sales, La Vie de la Mere Marie Aymée de Blonay (Paris, 1655), chap. I, II.)
94/329

10.5 Page 95

▲back to top


Fragments de lettres a la Baronne de Chantal, 1605-
1608298
DI. Ne jamais reprendre le temps fixé pour l'oraison. Le
crucifix matériel et le vrai Crucifix. Comment s'accuser en
confession. La simplicité, l'amitié, la petitesse. Que faire
quand il arrive des pensées mauvaises.
a)
Le tems que nous determinons de donner a Dieu en l'orayson, donnons le luy avec nostre
pensee libre et desoccupee de toutes autres choses, avec resolution de ne jamais le reprendre, quelz
que travaux qui nous en arrivent, et tenons un tel tems pour chose qui n'est plus a nous; et encor
que vous y senties vostre misere, ne vous troubles point, ains soyes en joyeuse299, pensant que
vous estes une vrayement bonne besoigne pour la misericorde de Dieu300. [103]
b)
Quand on fait les Religieuses professes, on leur met un crucifix materiel entre les bras;
mais moy, ma Fille, je vous donne le vray Crucifix. C'est vostre Espoux. Portés le entre vos bras
et que vostre ame le tienne bien serré et n'abandonne point le pied de la Croix, luy donnant vostre
cœur souventes fois le jour.
c)
301Je vous recommande de vous accuser en confession clairement, franchement et
simplement, et ne vous empresses point pour vos confessions, pourveu que vous gardies cette
fidelité a Dieu, de ne point retenir ni excuser vos pechés: Non, non, mon Sauveur, deves vous dire,
jamais je n'oublieray vos volontés, car en icelles, vous m'aves justifiee302.
Vuides vostre cœur de toute image des choses corporelles, et simplifies vos actions et vos
paroles, tant que vous pourres. Que vostre amitié soit cordiale et sincere et sans flatterie. Faites
vous fort petite a vos yeux: c'est la vraye grandeur des vefves303.
Quand il vous arrivera des pensees mauvaises et que vous vous en appercevres, faites un
acte positif par une aspiration contraire, et ne perdes pas le tems a vouloir rien rechercher, mais
passes outre304.
298 En 1605, la baronne de Chantal commença à transcrire dans un petit livret, des extraits des lettres qu'elle recevait
de saint François de Sales. (Cf. Mémoires de la Mère de Chaugy, Partie III, chap. XV.) L'original de ce recueil n'a pas
été retrouvé. Il en existe toutefois plusieurs copies. Lès fragments donnés ici proviennent d'un ancien Ms. in-12 gardé
à la Visitation d'Annecy, lequel contient, avec une partie du «petit livret, » l'Histoire de la Galerie, etc.
Les passages que nous reproduisons ont paru pour la plupart dans le tome II des Œuvres de sainte Jeanne-
Françoise de Chantal (Paris, Plon, 1875). D'une longue et minutieuse étude, il ressort qu'ils appartiennent à des lettres
écrites de 1605 à 1608; mais comme la vénérée Fondatrice n'a pas cru devoir s'astreindre à une transcription
scrupuleuse, et que d'ailleurs notre copie n'est pas de première main, il n'est pas possible de garantir absolument
l'intégrité de ces morceaux. C'est cette difficulté qui a persuadé de les grouper ensemble et de les insérer à cette place.
Certains fragments nous ont paru inédits; nous les indiquons, mais sous toutes réserves.
299 Cf. II Cor., ult. 9.
300 Cf. tom. praeced., p. 366.
301 La phrase suivante paraît inédite.
302 Ps. CXVIII, 93.
303 Cf. tom. praeced., p. 252.
304 Cf. infra, p. 112.
95/329

10.6 Page 96

▲back to top


Il est bon de representer ses necessités a Dieu par un simple regard, et l'invoquer au
commencement de toutes vos actions. Penses que le doux Sauveur est assis dans vostre cœur
comme en son throsne, et le regardés souvent, vous humiliant fort devant luy.
Je desire que vous soyes extremement humble; que vostre cœur soit fort clair et ouvert, et
sans resérve en mon endroit. [104]
DII. Exhortation à la douceur dans les relations avec le prochain.
Comment réprimer les défauts de nos inférieurs. Aveu du
Saint. Les vainqueurs du mal.
305Quand le saint patriarche Joseph renvoya ses freres d'Egypte pour amener Jacob leur
pere, il leur donna cet advis: Ne vous courrouces point en chemin306. Je vous dis de mesme: Cette
miserable vie n'est qu'un acheminement a la bienheureuse; ah! ne nous courrouçons peint en
chemin, allons avec nos compaignes, doucement et paisiblement. Ne recevés pas les pretextes que
l'amour propre suggere pour excuser le courroux, car saint Jacques dit tout net307: L'ire de l'homme
n'opere point la justice de Dieu; combien moins celle de la femme. Et aussi, Nostre Seigneur a
formé toute sa doctrine en ces motz: Apprenes de moy que je suis doux et humble de cœur308. Bref,
le sucre ne gaste nulle sauce.
Il faut resister au mal et reprimer les vices de ceux qui sont en nostre charge, puissamment,
vaillamment, mais doucement, paisiblement. Rien ne matte tant l'elephant que l'aigneau, et rien ne
rompt tant la fureur du canon que la laine. Je ne me suis mis en cholere, pour justement que ç'ayt
esté, que je n'aye reconneu par apres que j'eusse encores plus justement fait de ne me point
courroucer.
Bref, resouvenes vous que l'espouse de Nostre Seigneur est appellee Sulamite309, c'est a
dire paisible, et que dessous sa langue est le lait et le miel; en ses levres, le rayon distillant, comme
il est dit au Cantique310 Saint Paul nous apprend de vaincre le mal311, et non [105] seulement de le
combattre. Ceux qui se courroucent combattent le mal, mais ceux qui sont doux le vainquent:
Surmontes, dit l'Apostre312, le mal par le bien.
305 Ce passage a été inséré presque textuellement dans l'Introduction a la Vie devote (voir tome III, pp. 162, 163, 165).
Le saint Evêque s'est donc servi des lettres écrites à la baronne de Chantal, pour compléter les instructions adressées
à Philothée et pour donner plus «de cors» à l'ouvrage, suivant le désir de son ami Fenouillet. (Cf. plus bas, Lettre
DXIV, p. 127.)
306 Gen., XLV, 24.
307 Cap. I, 20.
308 Matt., XI, 29.
309 Cant., VII, 1.
310 Cap. IV, 11.
311 Rom., XII, ult.
312 Ubi pag. praeced.
96/329

10.7 Page 97

▲back to top


DIII313. Avoir son âme en ses mains; comment elle nous échappe
et les moyens de la reprendre. Obligation d'une âme qui est
toute à Dieu. Le présent, le passé et l'avenir, et l'emploi qu'il
convient d'en faire pour servir Notre-Seigneur comme il le
désire.
a)
314Mon ame est au hazard, je la porte en mes mains, disoit David315. Examines souvent si
vous aves vostre ame en vos mains; si quelque passion, trouble ou inquietude vous l'a point ravie;
si vous l'aves en vostre commandement, ou bien si elle est point engagee en quelque affection; et
si vous voyes qu'elle vous soit eschappee, avant toutes choses, cherches la et la reprenes. Mais
resouvevenes vous qu'il la faut reprendre fort bellement et doucement, car si vous la voules saysir
a force de bras, vous l'effaroucheres.
Dieu soit nostre tout!
b)
Considerés souvent si vous pouves dire avec verité: Mon Bienaymé est a moy, et moy a
luy316. Voyés s'il y a quelques pieces et facultés de vostre ame ou quelque sens de vostre cors qui
ne soit pas a Dieu, et l'ayant descouvert, reprenes le ou qu'il soit, et le luy rendes, car vous estes a
luy, toute, toute.
Nostre Seigneur desire que vous ne pensies ni a vostre advancement ni a vostre
amendement, point du tout; [106] mais a recevoir et employer fidellement les occasions de le servir
et prattiquer les vertus dans chaque moment, sans aucune reflexion sur le passé ni l'avenir. Chaque
moment present doit porter son soin317, et l'unique occupation dans les retours a Dieu, est un
general abandonnement et desir qu'il destruise tout ce qui s'oppose a ses desseins.
313 Il existe deux leçons des fragments DIII-DV. Nous les avons fondues ensemble, en rectifiant et en complétant un
texte par l'autre.
314 Pour les deux alinéas suivants, cf. l'Introduction a la Vie devote, tome III, p. LXVI, note (90), et p. 312. (Voir la
note (305) de la page précédente.)
315 Ps. CXVIII, 109.
316 Cant., II. 16.
317 Cf. Matt., VI, 34.
97/329

10.8 Page 98

▲back to top


DIV. (Fragment inédit). Un «point d'importance.» Les
feuilles, les fleurs et les fruits des amitiés mondaines. Les
petits renardeaux et les mouches mortes. Les amitiés
mauvaises et les amitiés de charité ; différence de leurs allures.
Il faut couper les premières, et «auconteau tranchant.» Le
trouble de la Sainte Vierge à la vue d'un Ange doit servir de
leçon aux âmes pudiques.
Ayes memoyre de l'advis de saint Jacques318: L'amitié du monde est ennemie de Dieu.319
Gardes vous de recevoir ou nourrir aucune amitié mondaine, sous quel pretexte que ce soit; ceci
est un point d'importance.
320Vous descouvrires cette amitié par ses feuilles, par ses fleurs [et par ses fruits]. Ses fruitz,
ses feuilles et ses fleurs ne valent rien. Ses feuilles sont des paroles bien coiffees, recherchees,
inutiles, affectees, louanges tirees de vos qualités naturelles et civiles, et semblables vanités. Ostés-
vous de la, ma Fille, car l'ombre de ces feuilles est veneneuse. Les fruitz sont: distraction de cœur,
obscurcissement d'esprit, degoustement d'ame, dissipation des facultés interieures. Oh! Dieu vous
defende de ces accidens.
Saysisses, dit il au Cantique321, ces petitz renardeaux, car ilz demolissent les vignes. Telles
petites galanteries sont renardeaux qu'on ne voit presque pas: ilz sont propres a se cacher parce
qu'ilz sont petitz; ilz se fourrent insensiblement au travers de la haye de nos resolutions, mais ilz
ne laissent pas de faire un grand degast, pour [107] peu d'entree qu'on leur donne. La vraye marque
de ces renardeaux, c'est-qu'ilz ne voudroyent ni dire ni faire ce qu'ilz dient, et voudroyent qu'il ne
fust sceu de personne; ilz recherchent les tenebres et fuyent le jour; ilz recherchent des immoderés
secretz et silence. Toutes telles amitiés sont mondaines et desplaisantes a Dieu.
Ce sont ces mouches qui perdent la suavité de l'unguent, parce qu'elles sont mortes322. La
vraye amitié de charité est ronde, franche, ouverte, sans fierté, sans finesse, toute simple, point
jalouse, point affectee. O mouche morte, que fais tu dans ce miel? Que te sert il d'estre parmi
l'unguent, ni a l'unguent de te recevoir? Si tu estois vive, tu ferois le miel, et le miel te nourriroit;
tu mangerois l'unguent, et l'unguent te parfumeroit, tu emporterois le parfum ça et la: mais morte,
tu perds l'unguent.
323Coupés, tranchés ces amitiés, et ne vous amuses pas a les desnouer: il faut les ciseaux et
le couteau. Non, les nœudz sont minces, entrefichés, entortillés; vous les penseres desfaire, et les
entreficheres plus fort; vos ongles [sont] trop courtes pour passer toutes ces boucles. Ce n'est qu'au
couteau tranchant qu'on les coupe; aussi bien les cordons ne valent rien: qu'on ne les espargne
point. Ce n'est pas moy qui dis ceci, c'est Dieu.
Voyes vostre sainte Abbesse: elle se trouble voyant un Ange en forme d'homme avec
elle324, parce qu'il la louoit et qu'elle estoit seule. Sauveur de mon ame! elle craint un Ange en
forme humaine; craignes un homme, encor qu'il soit en forme d'ange, car le danger en est bien plus
grand325. C'est asses dit.
318 Cap. IV, 4.
319 Cf. tom. praeced., pp. 141, 152.
320 Cf. tom. III, pp. 206, 207.
321 Cap. II, 15.
322 Eccles., X, 1.
323 Cf. tom. III, p. 211.
324 Luc., I, 28, 29.
325 Cf. tom. III, p. 208, et supra, p. 71.
98/329

10.9 Page 99

▲back to top


DV. Vertus, exercices, lieu, rang, gloire et couronne des veuves.
A qui faut-il laisser les extases et la contemplation de l'Essence
divine. Tableau rapide des vertus que la très Sainte Vierge a
pratiquées depuis Nazareth jusqu'au Calvaire. Les petites et
les grandes vertus ; c'est par les unes qu'on arrive aux autres.
La «femme forte» et ce qu'il faut faire pour lui ressembler. Dieu,
comme un bon père, accommode ses pas aux nôtres.
Comment fortifier son cœur contre Satan et le rendre
«imprenable.»
Chacun doit aymer les vertus qui luy sont convenables, chacun selon sa vocation.326 Les
vertus d'une vefve sont l'humilité, le mespris du monde et de soy mesme, la simplicité. Ses
exercices sont l'amour de son abjection, le service des pauvres et des malades; son lieu, le pied de
la Croix; son rang, le dernier; sa gloire, d'estre mesprisee; sa couronne doit estre sa misere:
327petites vertus.328 Car, quant aux extases, insensibilités, et ces unions deifiques, eslevations,
transformations et semblables vertus, et qu'on estime distraction de servir Nostre Seigneur en son
humanité et membres d'icelle, et ne s'amuse plus qu'a la contemplation de l'Essence divine, il les
faut laisser pour les ames rares, eslevees et qui en sont dignes. Nous ne meritons pas tel rang au
service de Dieu; il le faut servir premierement es bas offices, avant que d'estre attiree a son
cabinet329.
Voyes vostre Abbesse par tout ou elle est. En sa chambre de Nazareth: elle exerce sa
pudicité en craignant; sa candeur, desirant d'estre enseignee et interrogeant; sa demission, son
humilité, se disant chambriere330. Voyes la en Bethleem: elle exerce une vie simple de pauvreté;
elle escoute les bergers comme si c'eussent esté de grans docteurs. Voyes la avec les Rois: elle ne
s'empresse point a leur faire des harangues. Voyes la en la Purification: elle va pour obeir a la
coustume ecclesiastique331. En allant et revenant de l'Egypte, elle obeit simplement [109] a saint
Joseph332. Elle ne croit pas de perdre le tems d'aller visiter sa cousine sainte Elizabeth333, par office
d'une charitable civilité. Elle cherche Nostre [Seigneur] non pas en se res-jouissant, mais en
pleurant334. Elle a compassion de la pauvreté et confusion de ceux qui l'ont invitee aux noces, leur
procurant leurs necessités335. Elle est au pied de la Croix336, humblement humble, basse, vertueuse,
et vertueusement basse.
337Dieu ne recompense pas ses serviteurs selon la dignité de l'office qu'ilz exercent. Je ne
dis pas qu'il ne faille aspirer a ces hautes et supremes vertus, mais je dis qu'il faut s'exercer aux
petites, sans lesquelles les grandes sont souvent fauses et trompeuses. Apprenons a souffrir
volontier des paroles d'abaissement et qui tendent au ravalement de nos opinions et de nos advis;
puis nous apprendrons a souffrir le martyre, a faire l'aneantissement en Dieu et 'l'insensibilité en
326 Cf. tom. praeced., pp. 392 b-392 d.
327 La fin de cet alinéa et les deux suivants sont inédits, sauf les lignes 14-17 de la p. 110.
328 Cf. tom. III, pp. 131, 132.
329 Cf. tom. praeced., pp. 162, 183, 184.
330 Luc., I, 29, 34, 38.
331 Ibid., II, 22-24.
332 Matt., II, 14, 21.
333 Luc., I, 39, 40, 56.
334 Ibid., II, 48.
335 Joan., II, 3.
336 Ibid., XIX, 25.
337 Cf. tom. III, p. 132.
99/329

10.10 Page 100

▲back to top


toutes choses. David apprit premierement a esgorger les bestes et puis a desfaire les armees338.
L'on sçait ce qu'Eliezer fit pour connoistre si Rebecca estoit propre pour estre espouse du filz de
son maistre Abraham: [ce] fut en luy demandant a boire de l'eau, espreuvant si elle en donneroit
volontier et espreuvant encores si elle en donneroit volontier a ses chameaux339. Petite courtoisie;
basse vertu, mais marque d'une bien grande.
Je ne forclos pas l'eslevation de l'ame, l'orayson mentale, la conversation interieure avec
Dieu, l'eslancement perpetuel du cœur en Nostre Seigneur; mais sçaves vous ce que je veux dire,
ma Fille? Je veux dire qu'il vous faut estre comme cette femme forte, de laquelle le Sage dit340:
Elle a mis la main a choses fortes et ses doigtz ont manié le fuseau. Medites, esleves vostre esprit,
portes-le en Dieu, c'est a dire, tires Dieu en vostre esprit: voyla les choses fortes. Mais avec tout
cela, n'oublies pas vostre quenouille et vostre fuseau: filés le fil des petites vertus, abaisses vous
aux exercices de charité341. Qui dit autrement, se trompe et est trompé.
Laisses moy le soin de vos autres desirs, je les vous garderay fort soigneusement; n'en ayes
nul souci, car [110] peut estre aussi ne vous les rendray je jamais et ne sera pas expedient; mais
asseures vous que je ne les employeray pas mal. J'en dois rendre conte a Dieu et je m'en charge.
Chemines tous-jours devant Dieu et devant vous. Dieu prend playsir a vous voir faire vos
petitz pas, et, comme un bon pere qui tient son enfant par la main, il accommodera ses pas aux
vostres et se contentera de n'aller pas plus viste que vous. Dequoy vous soucies vous? d'aller ou
d'un costé ou d'autre, d'aller vistement ou bellement? Pourveu qu'il soit avec vous, et vous avec
luy. . . .
Ne disputés jamais ni peu ni prou avec les suggestions de l'ennemy, contre la foy, contre la
chasteté, contre l'obeissance vouee et contre le dessein de tendre a la perfection. Vostre cœur est
imprenable, et ces articles en sont les fondamentales asseurances. Qu'est il besoin de disputer?
Non, pas un seul mot de replique, sinon celle de Nostre Seigneur: Arriere de moy, o Satan, tu ne
tenteras pas le Seigneur ton Dieu342.
Marches joyeusement, ma Fille, avec une extreme confiance en la misericorde de vostre
Espoux, et croyes qu'il vous conduira bien; mais laissés-le faire.
338 I Reg., XVII, 34-37 ; Eccli., XLVII, 3-8.
339 Gen., XXIV, 13-20.
340 Prov., ult., 19.
341 Cf. tom. praced., pp. 186, 202.
342 Matt., IV, 10, 7; Luc., IV, 13.
100/329

11 Pages 101-110

▲back to top


11.1 Page 101

▲back to top


DVI. L'esprit naturel et l'esprit chrétien ou l'esprit de la foi ; les
rébellions du premier n'empêchent pas celui-ci de subsister et
d'avoir finalement la victoire. La barque, l'aiguille marine et
la «belle estoile.» Que doit faire l'âme chrétienne au temps de
la «dereliction.» Comment se conduire dans les assauts
contré la foi et dans les tentations de vanité et de vaine gloire.
Les assoupissements et les distractions. Les nuages du ciel
atmosphérique et les brouillards de l'esprit. Porter remède au
mal, mais se tenir dans l'indifférence à l'égard des résultats.
Le moyen d'être parmi le monde, sans y avoir son cœur.
Resouvenes vous que nostre esprit connoissant et agissant, s'appelle ame agissante et
connoissante; [connaissant] par le discours et raysonnement naturel, il s'appelle entendement,
intelligence ou esprit humain; [112] mais connoissant et agissant par l'esprit de la foy, il s'appelle
esprit de la foy ou esprit chrestien. Or, ma Fille, il arrive quelquefois que nostre esprit n'agit que
par la clairté naturelle, et que l'esprit humain ne peut acquiescer a cette action, et beaucoup moins
l'ame sensuelle, ains se contredisent et s'opposent; et lhors il nous semble que tout est perdu, et
l'esprit, presque abandonné de toutes les facultés raysonnables et sensitives, demeure tout esperdu,
ce semble, et estonné. Mays neanmoins, en vraye verité, il n'y a nul danger, car l'esprit de la foy
demeure vif et sauve. Quand tout le reste conspireroit contre nous, nous ne sçaurions deschoir de
la grace de Dieu.
Il est vray qu'Absalon inquiete et trouble tout le royaume d'Israël contre son pere David,
en sorte que le pauvre David, tout Roy qu'il est, s'en va pleurant, piedz nus et la teste voilee, chacun
l'ayant abandonné343; mais il est Roy neanmoins, et a la fin rangera tout le reste a son obeissance.
Quand donq il vous arrivera de voir vostre ame sensuelle et vostre esprit humain se bander contre
vostre esprit chrestien, le troubler, inquieter et faire sous-lever contre luy les facultés de vostre
cœur, courage, ma Fille, un peu de patience, car nostre David, en fin, demeurera vainqueur. Que
toute la barque de nostre navire aille ou il voudra; il tirera bien quant et soy l'aiguille marine, mais
il n'empeschera pas pourtant qu'elle ne face son mouvement et qu'elle n'aye sa tendance a sa belle
estoile344.
Cette dereliction ressemble a celle que Nostre Seigneur ressentit a sa Passion345; et en
icelle, il semble que nostre ame soit comme le Prophete que l'Ange tenoit et portoit en l'air par un
de ses cheveux346. Nul remede a cela, ma Fille, que de s'humilier et attendre en patience la sainte
grace de Dieu, recommandant doucement nostre esprit entre ses mains paternelles347.
Aux tentations de la foy, humilies vous profondement devant Dieu, puis devant son Eglise,
par une sainte inclination cordiale, et faites un acte positif de foy, protestant de vouloir a jamais
croire tout ce que Dieu a revelé a son Eglise; et, sans plus disputer ni examiner [112] aucunes
choses, divertisses vostre cœur a des autres occupations, et principalement exterieures. Et bien que
la tentation vienne autour de vous, ne faites aucun semblant de la voir; mais dissimulant cette
attaque, appliques vous aux autres exercices348.
343 II Reg., XV.
344 Cf. tom. III, p. 317.
345 Matt., XXVII, 46.
346 Dan., XIV, 35.
347 Cf. Luc., XXIII, 46.
348 Cf. supra, p. 104.
101/329

11.2 Page 102

▲back to top


Aux tentations de vanité et de vaine gloire, il en faut faire le mesme, c'est a sçavoir: faire
un acte positif et contraire, et au lieu de se glorifier, s'humilier de sa propre vanité, comme disant:
Ouy, Seigneur, je suis vaine et mon esprit n'est que vanité.
Ne vous rendes pas si pointilleuse et tendre aux sentimens des tentations, que pour cela
vous soyes troublee et inquietee. Helas! ma Fille, il se faut resoudre egalement a sentir les
tentations et a n'y point consentir. Quand donq vous les sentires, penches doucement, vostre cœur
de l'autre costé et ne vous inquietes point; et bien que vos sens et vostre esprit humain semblent
tenir le parti de la tentation, ne vous estonnes nullement, pourveu que l'esprit de la foy et le
mouvement intime de vostre cœur se tournent tous-jours a vostre belle estoile.
Estonnes vous encores moins des assoupissemens et distractions qui surviennent, car ce
sont accidens naturelz. Et comme au grand monde, le ciel n'est pas tous-jours serein et descouvert,
mais souvent l'air se couvre par des nuages et brouillardz, ainsy au petit monde, qui est l'homme349,
l'esprit n'est pas tous-jours gay et clair, mais couvert quelquefois d'assoupissement qui trouble sa
clairté et empesche sa gayeté.
350Quand il vous arrive des maux, ou interieurs ou exterieurs, employés contre iceux les
remedes que je vous ay marqués, puisque Dieu vous les a donnés, mais laissés a Nostre Seigneur
le choix de donner la victoire ou aux tourmens ou aux remedes, selon son bon playsir. Cette
resignation est bien requise. Cloues vostre cœur au pied de la Croix, laissés-le la en asseurance,
tandis que par la necessité de vostre condition il faut estre parmi le monde, car ainsy nous n'y
aurons pas nostre cœur351. [113]
DVII. Une grâce que le Saint sollicite de Notre-Seigneur pour
Mme de Chantal. La présence de Dieu dans l'âme chrétienne,
d'après sainte Thérèse et saint François de Sales.
a)
J'ay fort prié Nostre Seigneur qu'il vous fist bien sentir comme il faut resigner tout vostre
soin, toutes vos agilités et souplesse d'esprit, toutes ces petites pointes de vostre entendement qui
veulent tout mesnager, voir et prevoir, entre les mains de sa Bonté souveraine et tres paternelle, ne
permettant point que vostre cœur s'inquiete, ains le faysant reposer doucement sur les bras du
Sauveur.
b)
352La presence de Dieu que la Mere Therese enseigne au 29 et 30 chapitres du Chemin de
perfection est excellente, et pense que c'est la mesme que je vous marquois, quand j'escrivois que
Dieu estoit dans nostr'esprit comme le cœur d'iceluy, et en nostre cœur comme l'esprit qui le vivifie,
et que David appelloit Dieu: Dieu de son cœur353. Usés-en hardiment et souvent, car elle est fort
utile.
Dieu soit a jamais l'ame et l'esprit de nos cœurs, ma tres chere Fille! Courage, je vous prie.
349 Vide tom. III, p. 316.
350 Cet alinéa paraît inédit.
351 Cf. supra, pp. 68, 77.
352 Ce fragment paraît inédit.
353 Ps. LXXIX, 26.
102/329

11.3 Page 103

▲back to top


DVIII. La charité envers le prochain ne doit pas nous faire
couvrir le mal. Blâmons le vice, épargnons les personnes.
Comment nous devons considérer les actions du prochain. La
charité et les pécheurs.
354Je vous conjure de ne dire jamais mal du prochain [114] ni rien qui tant soit peu le puisse
offencer. Il ne faut pas toutesfois favoriser le mal, le flatter ou le couvrir, ains parler rondement et
dire franchement mal du mal, et blasmer les choses blasmables, quand l'utilité de celuy de qui l'on
parle le requiert; car en cela, Dieu est glorifié. Et sur tout, blasmer le vice et espargner le plus que
l'on peut la personne auquel il est, d'autant plus que la bonté de Dieu est si grande, qu'un moment
seul suffit pour impetrer sa grace. Et qui pourra asseurer que celuy qui estoit hier pecheur et
meschant le soit aujourd'huy?
Quand nous regardons les actions du prochain, [voyons-les] dans le biais qui est le plus
doux, et quand [nous] ne pouvons excuser ni le fait ni l'intention de celuy que, d'ailleurs, nous
connoissons estre bon, n'en jugeons point, mais ostons cela de nostre esprit et laissons le jugement
a Dieu. Quand nous ne pouvons excuser le peché, rendons le au moins digne de compassion,
l'attribuant a la cause la plus supportable, comme a l'ignorance ou infirmité.
La charité craint de rencontrer le mal, tant s'en faut qu'elle l'aille chercher355; quand elle le
treuve, elle s'en destourne, elle le dissimule, ains elle ferme les yeux avant que de le voir; que s'il
faut le voir, elle s'en destourne …………………………………………………………………....
DIX. A un inconnu (Fragment inédit). Regrets adressés à un
supérieur de n'avoir pas su le rencontrer pour lui baiser les
mains.
[Fin 1608 ou 1609356.]
Monsieur,
Je desirois infiniment d'avoir lhonneur de vous bayser [115] les mains et vous vouer, en
presence, l'obeissance que je vous veux rendre toute ma vie, et avois marqué la ville d'Àix pour le
lieu auquel, avec moins de vostre357 incommodité, je pourrois jouir de ce bonheur lhors que vous
y viendries faire vostre visite. Mais n'en ayant pas sceu le tems, cett'occasion s'est escoulee
354 Pour ce fragment, cf. l'Introduction a la Vie de-cote, tome III, pp. 234-236, 241, 242, et voir ci-dessus, note (305),
p. 105.
355 Cf. I Cor., XIII, 5.
356 La date proposée est suggérée par une particularité: le verso de l'Autographe et le blanc laissé au recto ont servi au
Saint pour écrire la var. (1140) qui figure au tome III de notre Edition, p. 318. Cette variante représente un fragment
du XIIIe chapitre de la IVe Partie de l'Introduction a la Vie devote, deuxième édition, laquelle, parue vers septembre
1609, fut sans doute rédigée dès les premiers mois de la même année. (Cf. la Préface du tome III, pp. XVIII-XX.) Le
genre d'écriture et la couleur de l'encre de notre fragment de lettre font croire que sa date ne précède pas de beaucoup
la rédaction dudit chapitre.
Quant au destinataire, le texte semble indiquer un évêque nouvellement promu. S'agirait-il de l'Evêque de
Grenoble, Jean de la Croix, ou d'un prêtre délégué par lui, ou même d'un grand personnage? De nombreuses recherches
n'ont pas permis de le découvrir.
357 [Le Saint a passé un trait de plume sur les lignes qui précèdent; nous les avons reproduites dans notre texte pour
donner un sens complet à ce fragment qui n'est qu'une minute.]
103/329

11.4 Page 104

▲back to top


inutilement pour moy. Je cours donq d'esprit et d'affection apres vous, Monsieur, et vous supplie358
tres humblement de me vouloir
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy.
DX. A la Baronne de Chantal. Impatience de Mme de Boisy de
voir la conclusion du mariage de son fils Bernard. Le Saint
partage ce même désir, mais sans impatience.
Annecy, [fin 1608 ou 1609359.]
Je vous asseure que ma mere est dans une telle impatience [116] d'estre mere d'une fille
que vous luy aves donnee, que les continuelles presses qu'elle m'en fait me bailleroyent avec elle
de l'inquietude, si je ne me souvenois de l'edifice auquel je travaille, qui est de bien establir mon
ame dans une constante paix. Dieu m'est a tesmoin combien je desire cette belleseur et comme elle
me sera chere. Non, je ne penseray point que ce soit ma belleseur, elle me sera plus que seur et
plus que fille; mais pour cela, se faut il empresser? [117]
358 Je cours donq apres vous, Monsieur, en esprit et affection, pour vous supplier
359 Ce fragment a été écrit, semble-t-il, après le voyage du Saint en Bourgogne, qui eut lieu en août-septembre 1608.
104/329

11.5 Page 105

▲back to top


Année 1609
DXI. Aux Syndics de Rumilly. Entremise du Saint auprès des
FF. mineurs Capucins en faveur de la ville de Rumilly.
Annecy, 13 janvier 1609.
Messieurs,
J'ay eu soin de faire tenir vostre lettre au P. Commissaire360, et l'ay accompaignee d'un'autre
que j'ay escritte a mesme fin. Celuy qui les a portees m'en rapportera bien tost la response, de
laquelle je vous feray part comme desireux de vostre consolation spirituelle361, estant,
Messieurs,
Vostre bien humble et tres affectionné
en Nostre Seigneur,
FRANÇS, E. de Geneve.
XIII janvier 1609.
A Messieurs
Messieurs les Scindics de Rumilly.
Revu sur l'Autographe appartenant à M. de Morand, Le Trembley (Savoie).
DXII. A Madame de la Fléchère362. Les assoupissements des sens
et la volonté résolue d'être tout à Dieu. La miséricorde de
Dieu surpasse la misère de ceux qui «en luy ont logé leurs
esperances.» Le meilleur remède contre l'appréhension de la
mort. Ne pas examiner ce qui est fait, mais penser à ce qui est
à faire. Comment haïr nos défauts. Ce qui conserve «nos
tares.» Désirs illusoires de changement; c'est nous-même
qu'il faut changer.
Annecy, 20 janvier 1609.
Madame,
Il n'y a point a douter que vous vous expliqueries bien mieux et plus librement a vive voix
que par escrit; mais en attendant que Dieu le veuille, il faut employer les moyens qui se presentent.
360 En janvier 1609, les fonctions de Commissaire .et de Supérieur des missions étaient remplies parle P. Chérubin.
361 La «consolation spirituelle» que le saint Evêque voulait ménager à son cher peuple de Rumilly, c'était peut-être un
«meilleur predicateur» que lui-même (cf. ci-dessus, p. 84), ou peut-être encore la fondation d'un couvent de Religieux
Capucins, lesquels s'établirent en effet dans la petite ville, quelques années après.
362 Le contenu de cette lettre en désigne la destinataire. Plusieurs des conseils qu'elle renferme peuvent convenir à
d'autres personnes, mais l'ensemble, et en particulier l'alinéa où le Saint combat l'idée de quitter le monde, ne saurait
s'appliquer qu'à Mme de la Fléchère.
105/329

11.6 Page 106

▲back to top


Voyes vous, les assoupissemens, alanguissemens et engourdissemens des sens ne peuvent estre
sans quelque sorte de tristesse sensuelle; mais tandis que vostre volonté et le fond de vostr'esprit
est bien resolu d'estre tout a Dieu, il ny a rien a craindre, car ce sont des imperfections naturelles,
et plus tost maladies que pechés ou defautz spirituelz. Il faut neanmoins s'exciter et provoquer au
courage et activité d'esprit, tant quil vous sera possible.
O cette mort est hideuse, ma chere Fille, il est bien vray; mais la vie qui est au dela, et que
la misericorde de Dieu nous donnera, est bien fort desirable aussi. Et si, il ne faut nullement entrer
en defiance, car bien que nous soyons miserables, si ne le sommes nous pas a beaucoup pres de ce
que Dieu est misericordieux a ceux qui ont volonté de l'aymer et qui en luy ont logé leurs
esperances363. Quand le bienheureux Cardinal Borromee estoit sur le point de la mort, il fit apporter
l'image de [119] Nostre Seigneur mort, affin d'adoucir sa mort par celle de son Sauveur364. C'est
le meilleur remede de tous contre l'apprehension de nostre trespas, que la cogitation de Celuy qui
est nostre vie365, et de ne jamais penser a l'un qu'on n'adjouste la pensee de l'autre.
Mon Dieu, ma chere Fille, n'examines point si ce que vous faites est peu ou prou, si c'est
bien ou mal, pourveu que ce ne soit pas peché et que, tout a la bonne foy, vous ayes volonté de le
faire pour Dieu. Tant que vous pourres, faites parfaitement ce que vous feres, mais quand il sera
fait, ni penses plus, ains penses a ce qui est a faire. Alles bien simplement en la voye de Nostre
Seigneur, et ne tourmentes pas vostre esprit. Il faut hair nos defautz, mais d'une hayne tranquille
et quiete, non point d'une hayne despiteuse et troublee366; et si, il faut avoir patience de les voir, et
en tirer le prouffit d'un saint abayssement de nous mesme. A faute de cela, ma Fille, vos
imperfections, que vous voyes subtilement, vous troublent encor plus subtilement, et par ce moyen
se maintiennent, ny ayant rien qui conserve plus nos tares que l'inquietude et empressement de les
oster.
367Dieu soit aupres de madame [de Mieudry368] en cette Babilone ou elle va, et luy donne
les consolations spirituelles plus grandes que les corporelles. Je salue de tout mon cœur madame
de Mirebel369 et luy souhaite abondance du Saint Esprit.
C'est une rude tentation de se desplaire, en s'attristant, au monde, quand il y faut estre par
necessité370. La providence de Dieu est plus sage que nous. Il nous est advis que, changeant de
navire, nous nous porterons mieux; ouy, si nous nous changeons nous mesme. Mon Dieu, je suis
[120] ennemi conjuré de ces desirs inutiles, dangereux et mauvais; car encor que ce que nous
desirons est bon, le desir est neanmoins mauvais, puis que Dieu ne nous veut pas cette sorte de
bien, mais un autre, auquel il veut que nous nous exercions. Dieu nous veut parler dedans les
espines et le buisson, comm'il fit a Moyse371, et nous voulons quil nous parle dans le petit vent
doux et frais, comm'il fit a Helie372.
Sa Bonté vous conserve, ma Fille; mais soyes constante, courageuse, et vous res-jouisses
dequoy elle vous donne la volonté d'estre toute sienne. Je suis en elle, tres entierement vostre.
F. E. de G.
XX janvier 1609.
363 Cf. Pss. XXXII, 18, XXXVI, ult.
364 De Vita et rebus gestis Caroli S. R. E. Cardinalis, tituli S. Praxedis, Archiepiscopi Mediolani, libri septem, Carolo
a Basilica Petri (Bascapè) auctore (Ingolstadii, Sartorius, 1592), lib. VI, cap. VIII.
365 Coloss., III, 4.
366 Cf. supra, p. 79.
367 Cet alinéa est inédit.
368 Nous restituons ce nom, oblitéré dans l'Autographe, d'après la lettre du 23 mai 1609, l'on voit que cette personne
faisait un séjour à Genève.
369 Probablement Françoise Portier, fille de Claude-Lambert Portier, seigneur de Mieudry, et de Guillermine de Loche,
qui avait épousé (contrat dotal du 25 novembre 1590) Pierre Solliard, seigneur de Miribel, et par cette alliance était
devenue belle-sœur de la précédente. (Voir ci-dessus, note (260), p. 85.)
370 Cf. supra, p. 54, et infra, pp. 136, 137.
371 Exod., III, 2.
372 III Reg., XIX, 12.
106/329

11.7 Page 107

▲back to top


Revu sur l'Autographe communiqué par M. le chanoine Collonges, aumônier de la Visitation de
Chambéry.
DXIII. A la même. Quand les mortifications ne manquent pas,
n'en pas désirer d'autres. De quelle plainte il se faut garder en
toute façon. Les «petites tricheries quotidiennes.» La
confiance filiale des petits enfants proposée aux âmes qui
aspirent à l'extrême perfection. Après les chutes, il ne faut
jamais se décourager. Dans quel cas il est sage de payer ce
qu'on ne doit pas.
Annecy, [février] 1609.
Je vous renvoye vostre livre corrigé373, ma tres chere Fille: vous puisse-il estre aussi utile
que je souhaitte! Sans doute, il faut tant faire et refaire les resolutions de s'unir a Dieu, que nous y
demeurions engagés. Mais je desire qu'en vos ferveurs vous ne facies pas des desirs de tentations
ni occasions de mortifications; car puisque, [121] par la grace de Dieu, elles ne vous manquent
pas, il n'est pas besoin d'occuper vostre cœur a les desirer. Occupés le plustost a le preparer et
mettre en la posture requise pour les recevoir, non pas quand vous voudrés, mais quand Dieu
voudra les vous permettre.
D'avoir un peu de joye en la grace divine quand les rencontres nous succedent bien, il n'y
a point de mal, pourveu que nous les terminions en humilité. De remedier aux occurrences qui ne
vous regardent pas en particulier, mais vostre mayson, il le faut faire, avec cette remise neanmoins,
de vouloir avec un cœur esgal attendre l'evenement que Dieu disposera pour le mieux. Mais quant
a cette sorte de plainte, que vous estes miserable et infortunee, mon Dieu, ma chere Fille, il s'en
faut garder en toute façon; car, outre que telles paroles sont deshonnestes a une servante de Dieu,
elles sortent d'un cœur trop abbatu et ne sont pas tant des impatiences que des courroux.
Voyés vous, ma chere Fille, faites un particulier exercice de douceur et d'acquiescement a
la volonté de Dieu, non point pour les choses extraordinaires seulement, mais principalement pour
ces petites tricheries quotidiennes. Prepares vous y le matin, l'apres disnee, en disant Graces,
devant le souper, apres souper et le soir, et faites en vostre prix fait pour un tems. Mais faites cela
avec un esprit tranquille et joyeux, je veux dire ces exercices; et s'il vous arrive des manquemens,
humilies vous et recommencés.
C'est bien fait d'aspirer d'une generale aspiration a l'extreme perfection de la vie
chrestienne, mais il ne faut pas philosopher en particulier, sinon sur nostre amendement et sur
nostre advancement selon les occurrences quotidiennes, de jour en jour, remettant la conduitte de
nostre souhait general a la providence de Dieu, et nous jettant pour ce regard entre ses bras, comme
un petit enfant qui, pour croistre, mange de jour en jour ce que son pere luy fournit, esperant qu'il
luy fournira a proportion de son appetit et de sa necessité.
Pour ces tentations d'envie, prattiqués ce que je dis [122] au livre, des mesmes tentations374.
Puisque la Communion vous est si prouffitable, frequentés la avec ferveur d'esprit et netteté de
conscience. Vivés tous-jours joyeuse au travers de toutes vos tentations. Ne faites point pour le
373 Sans doute un exemplaire de l'Introduction à la Vie devote, dont la première édition parut à la fin de 1608 ou au
commencement de 1609. (Voir tome III, p. XVIII.)
374 Introd. a la Vie dev. (Ire edit.), Part. II, CC. XLV, LII.
107/329

11.8 Page 108

▲back to top


present d'autre penitence375, et vangés-vous de vous mesme en esprit de douceur a supporter
charitablement le prochain, visiter les malades, et ayés bon courage.
J'ay escrit despuis peu a nostre bonne seur376: c'est une fille que je cheris bien fort. La
pauvrette a esté tout plein troublee pour peu de chose; mais c'est bon signe, car cela a produit de
la crainte de Dieu. Elle a esté toute descouragee parce qu'elle croyoit d'avoir offencé. O Dieu, il
faut plustost mourir que d'offencer sciemment et deliberement; mais quand nous tombons, il faut
tout perdre, plustost que le courage, l'esperance et la resolution. Or bien, Dieu convertira le tout a
son honneur.
Vostre voysine peut fort loüablement payer derechef ce qu'elle ne doit pas, pour eviter le
mal d'un proces ou d'une discorde a son mary, si la somme n'estoit pas fort importante; car, si pour
le preserver d'une fievre corporelle, elle peut bien a son insceu employer de l'argent, pourquoy non
pour divertir une fievre spirituelle?
Bon soir, Madame ma tres chere commere, ma Fille; vostre cœur est a Dieu, vivés heureuse
d'estre si bien logee. Je suis, d'un cœur entier,
Vostre tres fidelle serviteur et compere,
FRANÇS, E. de Geneve.
Je prieray pour la filleule377. [123]
375 Cf. supra, p. 57, et infra, p. 136.
376 Probablement, Jeanne-Bonaventure, Religieuse à Bons. (Cf. ci-dessus, p. 52.)
377 Françoise-Innocente, fille de la destinataire et filleule du Saint. (Voir ci-dessus, note (167), p. 56.)
108/329

11.9 Page 109

▲back to top


DXIV. A Monseigneur Pierre de Villars, Archevêque de
Vienne378. L'Introduction a la Vie devote: circonstances
historiques de la publication de cet ouvrage. Pour quelles
raisons l'auteur croit devoir laisser aux grands ouvriers les
grands desseins. Ouvrages moins laborieux qu'il médite
d'écrire: «un livret» de l'Amour de Dieu, un petit Calendrier et
Journalier pour l'âme dévote, un Traité de la prédication, une
méthode de convertir les hérétiques. La bibliothèque du Saint
en Chablais. Jugement de Mgr Fenouillet sur l'Introduction.
Annecy, vers le 15 février 1609379.
Monseigneur,
Je receus le huitiesme de ce mois la lettre qu'il vous pleut m'escrire le 25 de l'autre
prochainement passé, et proteste que rien ne m'est arrivé, il y a long tems, qui m'ayt rempli de tant
de joye et d'honneur; car mon ame, qui reveroit la vostre d'un grand respect, desiroit par quelque
heureuse rencontre avoir quelque digne acces a vostre bienveuillance. Mais, comme le pouvois je
esperer, [124] estant cloué et affigé a ces montaignes, et si indigne de vostre consideration? Et
voyci neanmoins que Dieu a voulu me prevenir de cette consolation, de laquelle je remercie tres
humblement sa Bonté, et me sens fort obligé a la vostre qui s'y est si amiablement inclinee. C'est
un grand fruit que ce pauvre petit livre m'a rendu, et lequel certes je n'attendois pas, mais pour
lequel seul, plus que pour aucun autre duquel je me sois apperceu jusques a present, je le veux
desormais aymer et cultiver.
Vous aures bien remarqué, Monseigneur, que cette besoigne ne fut jamais faitte a dessein
projetté. C'est un memorial que j'avois dressé pour une belle ame qui avoit desiré ma direction; et
cela, emmi les occupations d'un Caresme, auquel je preschois deux fois la semaine. Elle le monstra
au R. P. Forier, lhors Recteur du college de Chamberi et maintenant de celuy d'Avignon, qu'elle
sçavoit estre mon grand amy, et auquel mesme je rendois souvent conte de mes actions. Ce fut luy
qui me pressa si fort de faire mettre au jour cet escrit, qu'apres l'avoir hastivement reveu et
accommodé de quelques petitz ageancemens, je l'envoyay a l'imprimeur: c'est pourquoy il s'est
presenté a vos yeux si mal accommodé. Mais puisque, tel qu'il est, vous le favorisés de vostre
approbation, si jamais il retourne sous la presse, je me delibere de l'ageancer et accroistre de
378 Pierre de Villars, né à Lyon le 3 mars 1545, étudia à Tournon, à Toulouse et enfin à Paris, où il fut reçu docteur en
théologie. Il succéda à son oncle Pierre, comme évêque de Mirepoix, en 1575, et comme archevêque de Vienne, en
1587. Malade, il démissionna en 1599 en faveur de son frère Jérôme, qu'il sacra lui-même, à Saint-Maurice de Vienne,
le 27 décembre de la même année. Après cinq ans de séjour à Annonay, il se retira à Lyon en 1604 et mena jusqu'à sa
mort (18 juillet 1613) une vie de prière et de bonnes œuvres. On a de lui, en deux volumes in-folio, divers écrits de
spiritualité et de théologie. Grégoire XIV songea à le faire cardinal; le saint Evêque, comme on le voit, déférait à ses
conseils, non seulement parce qu'il était son métropolitain, mais surtout à cause de sa doctrine et de sa piété. C'est
«l'un des plus saintz prelatz, » écrivait-il1, «et des plus sçavans docteurs que l'Eglise ayt eu de nostre aage.» (Cf.
Colonia, S. J., Hist. litt. de la ville de Lyon (1730), tome II.)
1Préface du Traitlé de l'Amour de Dieu, tome IV de cette Edition, p. 12. Voir encore tome VI, pp. 197, 198, et tome
XIII, pp. 48, 49.
379 Charles-Auguste (Histoire, etc., Table des Preuves, n° 57) signale trois lettres de Pierre de Villars adressées au
Saint, à propos de l'Introduction à la Vie dévote, en janvier, mars et avril 1609. (Voir à l'Appendice I ce qui nous est
parvenu de cette correspondance.) C'est à la première lettre de son métropolitain que François de Sales semble
répondre, et il résulte des premières lignes de sa réponse que celle-ci a dû être envoyée quelques jours après le 8
février.
109/329

11.10 Page 110

▲back to top


certaines pieces qui, a mon advis, le rendront plus utile au publiq et moins indigne de la faveur que
vous luy faites.
Et puisque vous m'exhortes, Monseigneur, de continuer a mettre par escrit ce que Dieu me
donnera pour l'edification de son Eglise, je vous diray librement et avec confiance mes intentions
pour ce regard. Tout me manque, sans doute, pour l'entreprise des œuvres de grand volume et de
longue haleine; car vrayement je n'ay nulle suffisance d'esprit pour cela. Il n'y a peut estre Evesque
a cent lieuës autour de moy qui ayt un si grand embrouillement d'affaires que j'ay; je suis en lieu
ou je ne puis avoir ni livres ni communications propres a telz effectz. Pour cela, laissant aux grans
ouvriers les grans desseins, j'ay conceu certains petitz ouvrages moins laborieux, et [125]
neanmoins asses propres a la condition de ma vie, non seulement vouee mais consacree au service
du prochain pour la gloire de Dieu. Je vous en representeray briefvement les argumens.
Je medite donq un livret de l'Amour de Dieu, non point pour en traitter speculativement,
mais pour en monstrer la prattique en l'observation des commandemens de la premiere Table.
Celuy ci sera suivi d'un autre, qui monstrera la prattique du mesme amour divin en l'observation
des commandemens de la seconde Table; et tous deux pourront estre reduitz en un volume juste et
maniable. Je pense aussi de pousser dehors un jour un petit Calendrier et Journalier pour la
conduitte de l'ame devote, auquel je representeray a Philothee des saintes occupations pour toutes
les semaines de l'annee380.
J'ay de plus quelques materiaux pour l'introduction des apprentifz a l'exercice de la
predication evangelique381, laquelle je voudrois faire suivre de la methode de convertir les
heretiques par la sainte predication. Et en ce dernier livre, je voudrois, par maniere de prattique,
desfaire tous les plus apparens et celebres argumens de nos adversaires; et ce, avec un style non
seulement instructif mais affectif, a ce qu'il proffitast non seulement a la consolation des
Catholiques, mais a la reduction des [126] heretiques: a quoy j'employerois plusieurs méditations
que j'ay faites durant cinq ans en Chablais382, ou j'ay presché sans autres livres que la Bible et ceux
du grand Bellarmin.
Voyla, Monseigneur, ce que mon petit zele me suggere, lequel, n'estant pas, a l'adventure,
secundum scientiam383, le tems, le peu de loysir que j'ay, la connoissance de mon imbecillité
moderera; bien que, sans mentir, vostre authorité l'ayt bien fort enflammé par le favorable
jugement que vous faites de ce premier livret, duquel encor faut-il que je vous die ce que Monsieur
nostre Evesque de Montpellier384 m'a escrit.
Il m'advertit que je me tiens trop pressé et serré en plusieurs endroitz, ne donnant pas asses
de cors a mes advis. En quoy, sans doute, je voy qu'il a rayson; mais n'ayant dressé cette besoigne
que pour une ame que je voyois souvent, j'affectois la briefveté en escrit, pour la commodité que
j'avois de m'estendre en paroles. L'autre chose qu'il me dit, c'est que, pour une simple et premiere
introduction, je porte trop avant ma Philothee; et cela est arrivé parce que l'ame que je traittois
estoit des-ja bien fort vertueuse, quoy qu'elle n'eust nullement gousté la vie devote: c'est pourquoy,
en peu de tems, elle advança bien fort.
380 Ce qu'il n'a pu faire, pressé par tant de travaux, le saint Docteur a inspiré à d'autres de l'exécuter.
Le Diaire Chrestien ou Exercices Journaliers des Chrestiens (Paris, 1628), du P. Caussin, S. J., mais plus
encore l'Annee chrestienne (Paris, 1641), du P. Suffren, S. J., semble offrir à Philothée le «petit Calendrier et
Journalier» que François de Sales pensait «de pousser dehors.» L'auteur de ce dernier recueil reconnaît expressément
qu'il en doit l'idée à l'Evêque de Genève: «Il y a plus de vingt ans, » dit-il dans la Préface, «que conferant avec ce
grand Père de la vie spirituelle... touchant l'ayde qu'on pouvoit donner aux âmes pour leur salut, ce bon Prélat me
conseilla de dresser pour elles un bréviaire spirituel (ainsi l'appeloit-il), afin que... les âmes chrestiennes eussent leurs
pratiques pour tous les jours, sepmaines, mois et diverses saisons de l'année.»
381 Si le saint Missionnaire du Chablais avait eu le loisir de rédiger le Traité de prédication qu'il rêvait d'écrire, il y
aurait fait entrer vraisemblablement la magistrale lettre à Mgr Frémyot, du 5 octobre 1604 (voir tome XII, Lettre
CCXXIX), et aussi un directoire manuscrit qu'il prêtait parfois à de jeunes prédicateurs, comme nous l'apprend Jean-
François de Blonay dans sa déposition. (Process. remiss. Gebenn. (I), ad art. 35.)
382 Il s'agit des feuilles des Controverses. (Voir tome XI, p. 115.)
383 Rom., X, 2.
384 Mgr Fenouillet.
110/329

12 Pages 111-120

▲back to top


12.1 Page 111

▲back to top


Or, a l'un et a l'autre de ces defautz, je remedieray aysement si jamais cette Introduction se
reimprime385; car, pour finir par ou j'ay commencé, l'honneur qu'elle me donne m'ayant ouvert le
chemin a vostre amitié, et l'opinion que vous aves qu'elle sera proffitable aux ames, sera cause que
je l'aymeray et luy feray tous les biens qu'il me sera possible.
Mais, mon Dieu, que dires vous de moy, Monseigneur, me voyant espancher mon ame
devant vous avec autant de naïfveté et d'asseurance, comme si j'avois bien merité l'accueil que
vous me faites et l'acces que vous me donnes? [127] Je suis tel, Monseigneur, et vostre sainte
charité me donne cette libre confiance; et, outre cela, me fait vous conjurer, par les entrailles de
nostre commun et souverain object et Sauveur, de me continuer ce bien que vous aves commencé
a me departir, non seulement me communiquant la suavité de vostre esprit, mais me censurant et
advertissant en tout ce que vostre dilection et zele vous dicteront; vous promettant que vous
rencontrerés un cœur capable, quoy que indigne, de recevoir de telles faveurs.
Dieu vous conserve longuement, Monseigneur, et vous prospere en ses graces, selon le
souhait de
Vostre tres humble et tres obeissant serviteur,
FRANÇS, E. de Geneve.
385 L'humilité du grand Docteur l'empêchait de prévoir que son ouvrage devait se réimprimer, et même plus de
cinquante fois avant 1622.
111/329

12.2 Page 112

▲back to top


DXV. A la Baronne de Chantal. Souhaits de bienvenue et
offrande d'un gîte. Envoi d'exemplaires de l'Introduction à la
Vie devote. Joie du. Saint de voir que tous les siens parlent
avec respect et affection de la petite Aimée et de sa mère.
Mme de Chantal attendue à Sales. De quels documents l'auteur
compte se servir pour une seconde édition de l'Introduction.
L'Abbesse du Puits-d'Orbe et son frère. Affection de François
de Sales pour Marie-Aimée.
Annecy, mi-février 1609386.
Mon Dieu, que vous seres la bien venue, ma chere Fille, et comme il m'est advis que mon
ame embrasse la vostre cherement! Partes donq au premier beau jour que vous verrés, apres que
vostre cheval se sera delassé, lequel, sans doute, on ne pourroit pas bien vous renvoyer sinon
despuis troys jours en ça, pour les dernieres pluyes qui sont tombees en ce païs. Je vous souhaitte
[128] bon et heureux voyage et que ma petite fille387 ne soit pas mallement du travail du chemin;
mais arrivant de bonne heure le soir et la faisant bien dormir, j'espere qu'elle fera prou.
M. de Ballon388 desire tant que vous facies vostre giste chez luy, que je suis contraint aussi
de le desirer pour la bonne amitié qu'il nous porte.
Madame du Puys d'Orbe m'avoit escrit qu'elle desiroit de venir avec vous; mais ni la sayson
n'est pas propre pour elle, ni je ne voudrois pas l'avoir en tems si incommode comme est le
Caresme. Je luy escris donq qu'elle attende le vray primtems et qu'elle vienne en litiere, affin que
si l'une de ses seurs veut l'accompaigner, elle le puisse faire sans apprehension d'aller a cheval. Je
luy envoye le livre ci-joint389, l'autre a madamoyselle de Traves selon vostre desir. Le Pere de
Monchi390 m'en demandoit un: si vous luy donnés celuy que vous avés, je vous en rendray un plus
brave icy; car encor le faut-il consoler. J'en voudrois envoyer a plusieurs personnes, mais je vous
asseure que, pour tout, il n'en est venu que trente en ce païs, et je n'ay peu fournir a la dixiesme
partie de ceux a qui j'en devois donner. Il est vray que je n'en suis pas [129] peyne, parce que je
sçai que de dela il y en a plus qu'icy. J'ay creu neanmoins que je devois en envoyer un a M. de
Chantal391, et qu'il s'offenceroit si je ne le faysois; c'est pourquoy le voyla.
386 Hérissant, qui a publié cette lettre pour la première fois, n'a pu la donner en son entier. Nous pouvons aujourd'hui
la compléter, en grande partie du moins, grace à deux fragments autographes conservés à la Visitation de Reims; ils
en sont en effet la suite et la fin authentiques, comme il ressort d'ailleurs d'une simple lecture. (Voir ci-après, note
(398), p. 131.)
387 Marie-Aimée.
388 Charles-Emmanuel de Ballon était le fils de Marguerite Le Grand et de Pierre Perrucard, barbier et valet de chambre
d'Emmanuel-Philibert, duc de Savoie, anobli le 15 mars 1563 et devenu peu de temps après, seigneur de Ballon,
Cusinens, Vanchy, etc. Il épousa (contrat dotal du 29 ou 30 avril 1586) Jeanne de Chevron-Villette, fille de Jean et
d'Alexandrine de Menthon, et nièce de la grand'mère de François de Sales, Bonaventure de Chevron-Villette. De cette
union naquirent plusieurs enfants, dont l'une, Louise, fut la célèbre Mère de Ballon. (D'après les notes de M. le comte
de Mareschal.)
Le château de Vanchy ne fut pas seulement le berceau de l'illustre fondatrice. des Bernardines réformées de
Rumilly; il abrita plus d'une fois deux grands Saints. En effet, au dire de la Mère de Ballon elle-même, Mme de Chantal
«passoit par Vanchy dans les voïages qu'elle faisoit de Savoie en Bourgogne. Comme elle logeoit toûjours au château,
» ajoute-t-elle, «j'alois volontiers la voir en sa chambre... et je me souviens qu'elle me caressoit plus que mes autres
sœurs.» (Grossi, La Vie de la Vble Mere de Ballon (Annecy, 1695), liv. Ier, chap. II.) François de Sales allait aussi à
Vanchy visiter son parent, et celui-ci réunissait alors tous ses enfants pour recevoir sa bénédiction. M. de Ballon vivait
encore en 1624.
389 La 1re édition de l'Introduction à la Vie devote.
390 Voir ci-dessus, pp. 35, 36.
391 Beau-père de la Baronne.
112/329

12.3 Page 113

▲back to top


Qu'ay-je a vous dire de plus, ma chere Fille? Mille choses, mais que je n'ay nul loysir
d'escrire, car je veux que Claude392 parte sans plus tarder. Sachés seulement, ma vraye Fille, que
je suis tout plein de joye et de contentement dequoy vostre Groysi393 parle non seulement avec
respect, mais avec un amour tout affectionné de vous et de messieurs vos peres394, et ce qui me
plaist le plus, de ma chere petite Aymee. Je vous dis la verité, il ne me sçauroit plus donner de
playsir que par la; et vrayement j'espere que tout ira fort bien et qu'il ne demeurera nul sujet de
mescontentement a personne. Ne vous repentes point de m'avoir escrit des douze cens livres395,
car vous ne vous deves nullement repentir de rien qui se passe avec moy.
Et bien, je verray donq bien des miseres, et nous en parlerons, a mon advis, a souhait.
Ma mere desire que vous facies vostre petit delassement a Sales, ou elle vous attendra pour
vous accompaigner icy; mais ne croyes pas que je vous y laisse sans moy. Non pas, certes, car ou
je vous y attendray, ou j'y seray aussi tost que je vous y sçauray396.
Je n'escris point a vostre commere397, car j'auray loysir [130] de l'entretenir bien au long.
Et si, je confesse que vous m'aves fait bien playsir de la mettre sur vostre train, bien que pour elle
il faudra peut-estre que je me mette en despense, affin qu'a son retour, elle face bon recit de ma
magnificence. Voyes vous, je ris des-ja dans le cœur sur l'attente de vostre arrivee398.
Apportes moy toutes les lettres et memoyres que je vous ay jamais envoyé, si vous les aves
encor (ce que je dis a cause du naufrage que vous fistes a vandanges399), par ce que sil faut
reimprimer l'Introduction, cela me deschargera beaucoup, y treuvant plusieurs choses pour ce
sujet; puisque l'on ne m'a encor corrigé pour la substance de ce livre-la que de m'estre trop peu
estendu400
La bonne Mme de Charmoysi fait prou; vous la treuverés bien avancee aux affections et aux
effectz de la vraye devotion. Mais mon Dieu, la voyla l'un des pieds sur le sueil de la porte de la
cour. J'espere que Dieu la tiendra par tout de sa main; au moins il luy donne des bonnes resolutions.
Je sçai que vostre venue luy sera401………………………………………………………………..
Je vous prie de bien faire tenir a la bonne Mme du Puys d'Orbe le pacquet ci joint, car il faut
luy donner satisfaction a la pauvrette. J'ayme bien son cœur par ce quil m'est bien franc. Elle
m'escrit que, pour tous les advis que je luy ay donnés pour le bon ordre de son Monastere, elle ne
pourroit pas se resoudre a rien faire sans le consentement de son frere402, qui a, dit elle, un grand
[131] pouvoir sur sa volonté. Elle m'a infiniment obligé a me parler ainsy clair.
392 L'un des serviteurs du Saint. (Voir le tome précédent, note (504), p. 188.)
393 Bernard de Sales (cf. ci-dessus, p. 93).
394 Le président Frémyot et le baron de Chantal.
395 Dans le contrat de mariage passé à Thoste le 3 janvier 1609, Bernard de Sales avait promis de «donner des bagues
et joyaulx nuptiaulx, jusques a la valeur de 1, 200 livres» à sa future épouse, «pour la bonne amour et dilection que
ledit sieur futur espoux porte a ladite damoyselle.» (Cf. Les deux filles de sainte Chantal, Pièces justificatives, A.)
396 Ce fut la première semaine de Carême, vers le 10 mars, que la Baronne arriva au terme de son voyage, avec Marie-
Aimée et la petite Françoise. Les deux enfants attirèrent tous les regards. «On les trouvait si aimables, » écrit la Mère
de Chaugy, «si bien nourries et si modestes, que l'on se pressait dans les églises et dans les maisons pour les voir.»
(Mémoires, Ire Partie, chap. XXIII.)
397 Mlle de Bréchard, qui avait tenu sur les fonts baptismaux Charlotte, fille cadette de Mme de Chantal.
398 Ici finissait le texte donné par le premier éditeur. L'Autographe de ce texte n'a pu être retrouvé. (Voir ci-dessus,
note (386), p, 128.)
399 A l'époque des vendanges de 1606, line épidémie ayant éclaté à Bourbilly, Mme de Chantal avait failli mourir
victime de son dévouement pour les malades. Il est très probable qu'elle détruisit alors, se croyant près de sa fin,
quelques-uns de ses papiers intimes. Cette destruction serait le «naufrage» dont parle le Saint.
400 Cf. supra, p. 127.
401 La lacune regrettable qui existe ici s'explique parla disposition des deux fragments écrits au recto et au verso de
l'Autographe et par l'état de l'Autographe lui-même. Celui-ci représente environ la moitié d'une page; la seconde
moitié, le bas, a été coupée et n'a pas été retrouvée. C'est cette partie disparue qui contenait la suite du premier fragment
et au verso de laquelle figurait sans doute l'adresse. (Cf. notre tome III, note (21), p. XIX.)
402 Le gentilhomme qui semblait tenir de son père cette manie d'ingérence abusive (voir le tome précédent, note (140),
p. 35) était Guillaume Bourgeois, baron d'Origny, seigneur de Crépy, etc., et de Vie de Chassenay, gentilhomme
ordinaire de la maison du roi, colonel d'infanterie, gouverneur de Semur. Il épousa Elisabeth, fille de Pierre Le Charron
et de Marguerite Sauvat. (Cf. le tome précédent, note (351), p. 124.) En 1629, il avait cessé de vivre.
113/329

12.4 Page 114

▲back to top


J'ay ouvert la lettre que mon frere403 vous escrivoit, pour curiosité que j'avois de voir le
poulet qui estoit dedans. Je n'escris point a la chere petite404, mais je sçai bien que je luy garde le
plus amoureux salut que j'aye fait a damoyselle du monde il y a seze ans.
Mon Dieu, ma Fille, que j'ay grand desir que le bon et doux Jesus vive et regne dans nos
cœurs! C'est en luy que je suis tout uniquement vostre.
F.
DXVI. A la Présidente Brulart. En quels cas une chrétienne doit
être indifférente au choix du confesseur. Les bonnes
intentions et les mauvaises pensées. Dévotion de François de
Sales à sainte Thérèse. Intérêt qu'il porte à une veuve.
Pourquoi les vertus des femmes mariées sont agréables à Dieu.
Unique souci d'une veuve chrétienne. Il faut être douce et
suave parmi les siens, et mettre un soin particulier à le devenir.
Annecy, fin février 1609.
Ma chere Seur, ma Fille,
Je ne respons qu'aux deux lettres que ce porteur m'a rendues de vostre part; car la
troysiesme, envoyee par la voye de madame de Chantal, ne m'est pas encor arrivee405. Ce m'est
beaucoup de contentement que vous [132] viviés sans scrupule et que la sainte Communion vous
soit prouffitable; sur quoy je vous dis qu'il faut donq continuer. Et pour cela, ma chere Fille,
puisque monsieur vostre mary s'inquiete dequoy vous alles a N.406, ne vous y opiniastres
nullement; car, puisque aussi bien vous n'aves pas beaucoup de grans conseilz a prendre, tous
confesseurs vous seront presque bons, mesme celuy de vostre parroisse, c'est a dire monsieur N.407,
et, quand il s'offrira encor des occasions, celuy des bonnes Meres Carmelites408. Vous sçaves tout
ce qu'il faut pour se bien conc uire avec toute sorte de confesseurs; c'est pourquoy vous pouves
aller en liberté pour ce regard. Ma chere Fille, demeurés bien douce et bien humble a vostre mary.
Vous aves rayson de ne vous point inquieter pour les mauvaises pensees, tandis que vous
aves de bonnes intentions et volontés, car ce sont celles-cy que Dieu regarde. Ouy, ma Fille, faites
bien comme je vous ay dit, car quoy que mille petites tricheries de raysons apparentes s'eslevent
au contraire, si est-ce que mes resolutions sont fondees sur des raysons fondamentales et conformes
aux Docteurs et a l'Eglise; mais je vous dis qu'elles sont tellement veritables, que le contraire est
une grande faute. Servés donq Dieu selon cela, et il vous en benira; mais n'escoutés jamais rien au
contraire, et croyés qu'il faut que je sois bien asseuré quand je parle si hardiment.
Je rens graces a la bonne Mere Prieure409, et la porte avec toutes ses Seurs en mon ame,
avec grand honneur et amour. Mais, ma Fille, il y a bien d'autres choses a vous demander pour
cette mesme devotion de la bienheureuse Mere Therese: c'est que je voudrois que vous me fissiés
403 Sans doute Bernard.
404 Marie-Aimée.
405 Donc la Sainte n'était pas encore à Annecy, où elle n'arriva que vers le 10 mars (cf. ci-dessus, note (396), p. 130):
ce qui rend très probable la date proposée.
406 Probablement le P. Gentil, S. J., confesseur de Mme Brûlart depuis 1607. (Voir le tome précédent, p. 290.)
407 Sur les registres de l'église Saint-Pierre, paroisse de la Présidente, on trouve les noms de «Vyardot» et de «Ponse
ou Ponset.»
408 Le confesseur des Carmélites dijonnaises nous est inconnu.
409 La Mère Louise de Jésus (voir ci-dessus, note (126), p. 41).
114/329

12.5 Page 115

▲back to top


extraire son image au vif jusques a la ceinture seulement, sur celle qu'on dit que ces bonnes Seurs
ont410, et allant par dela, un de nos curés qui doit y aller [133] dans sept ou huit jours, la prendroit
a son retour pour me l'apporter. Je ne traitterois pas comme cela avec toutes sortes de filles, mais
avec vous je fay selon mon cœur.
Je recommanderay au Saint Esprit la chere seur vefve411, affin qu'il l'inspire au choix d'un
mary qui luy soit a jamais a consolation. C'est le sacré mary de l'ame que j'entens; neanmoins, si
Dieu dispose de se servir d'elle encor une fois au tracas d'un mesnage complet et qu'il la veuille
exercer a la sujetion, il en faudra louer sa Majesté, laquelle sans doute fait toutes choses pour le
bien des siens412. Ah mon Dieu, ma Fille, que les vertus d'une femme mariee sont aggreables a
Dieu! car il faut qu'elles soyent fortes et excellentes pour durer en cette vocation; mais aussi, o
mon Dieu, que c'est une chose douce a une vefve de n'avoir qu'un cœur a contenter! Mais bien;
cette Bonté souveraine sera le soleil qui esclairera cette bonne chere seur, affin qu'elle sache ou
prendre son chemin. C'est une ame que j'ayme tendrement, et ou qu'elle aille, j'espere qu'elle
servira bien Dieu, et je la suivray par les continuelles prieres que je feray pour elle.
Je me recommande a celles de nostre petite fille [Madeleine413] et de N. Il est vray que
[Madeleine] est ma fille un peu plus que les autres; et me semble que tout est mien, ma Fille, en
Celuy qui, pour nous rendre siens, s'est rendu tout nostre. Je suis en luy, ma tres chere Fille,
Vostre frere et serviteur tres humble,
FRANÇS, E. de Geneve.
Faites avec un soin particulier tout ce que vous pourres [134] pour acquerir la douceur entre
les vostres, je veux dire en vostre mesnage. Je ne dis pas qu'il faille estre molle ni remise, mais je
dis, douce et suave. Il y faut penser entrant en la mayson, sortant d'icelle, y estant le matin, a midy,
a toute heure; il faut faire un principal de ce soin pour un tems, et le reste, l'oublier quasi un peu.
410 La vénérable Mère Anne de Jésus, étant prieure à Bruxelles, où elle arriva en 1607, fit exécuter à Anvers un album
de vingt-quatre planches représentant toute la vie de sainte Thérèse. Elle en envoya un exemplaire aux Carmélites de
Dijon qu'elle chérissait. La première planche de ce recueil, devenu très rare aujourd'hui, contient un portrait-médaillon
de la Sainte d'Avila.
D'autre part, le cardinal de Bérulle avait apporté à son retour d'Espagne une miniature de sainte Thérèse. A
sa mort, il la laissa au premier Monastère de Paris, du faubourg Saint-Jacques, qui la conserve encore.
C'est sans doute de l'un de ces deux portraits que saint François de Sales désirait avoir une copie.
411 Mlle Jaquot (cf. ci-dessus, note (133), p. 45).
412 Cf. Rom., VIII, 28.
413 Madeleine était la fille ainée de la Présidente. (Voir le tome précédent, pp. 228, 258, 290, et ci-après, p. 138.) Voici,
avec la date de leur baptême, le nom de ses quatre petites sœurs, que le Saint a pu connaître lors de son voyage à
Dijon, en 1608: Françoise, 5 mars 1598; Rose, 21 mars 1599; Marguerite, 12 juin 1600; Anne, 6 novembre 1601.
(Archives municipales de Dijon, B. 490 et 506.)
115/329

12.6 Page 116

▲back to top


DXVII. A Madame de la Fléchère. Analyse d'une tentation de
découragement. Comment doit s'exercer l'apostolat des
femmes chrétiennes hors de leur maison. Conduite à tenir
lorsque nous sommes préoccupés de savoir si nous avons bien
fait. L'amour-propre et l'amour de Dieu. Les heures de
sommeil et la santé. Pourquoi le monde est quelquefois plus
propice que le cloître à l'acquisition des vertus.
Annecy, [mars 1609.]
J'ay receu vos deux lettres, ma chere Fille, et voy bien clairement que tout, le mal que vous
aves eu n'a esté qu'un vray embarràssement d'esprit provenu de deux desirs qui n'ont pas esté
satisfaitz en vous: l'un estoit le desir de servir a Dieu en l'occasion qui se presentoit; l'autre, le desir
de connoistre si vous avies fidellement fait vostre devoir. Et en l'un et en l'autre vous aves eu de
l'empressement qui vous a troublee et inquietee, et puis embarrassee. Or, sans doute vous aves
bien fait vostre devoir. Vostre esprit, panchant tous-jours un peu a l'indignation, vous a fait treuver
peu ce que vous aves fait, et le mesme esprit, desirant grandement de satisfaire a son obligation et
ne se pouvant certainement persuader de l'avoir fait, est tombé en tristesse et descouragement ou
desgoust. [135]
Or sus, ma chere Fille, il se faut donq bien res-jouir en oubliant tout cela et s'humiliant bien
fort devant Nostre Seigneur, et vous resouvenant que vostre sexe et vostre vocation ne vous permet
d'empescher le mal hors de chez vous que par l'inspiration et proposition du bien, et des
remonstrances simples, humbles et charitables a l'endroit des defaillans, et par advertissement aux
Superieurs quand cela se peut414; ce que je dis pour une autre fois. A quoy j'adjouste, pour un advis
general, que quand nous ne sçavons pas discerner si nous avons bien rendu nostre devoir en
quelque occurrence et sommes en doute d'avoir offencé Dieu, il faut alhors s'humilier, requerir
Dieu qu'il nous excuse et demander plus de lumiere pour une autre fois, et oublier tout a fait ce qui
s'est passé et se remettre au train ordinaire; car une curieuse et empressee recherche pour sçavoir
si nous avons bien fait, provient indubitablement de l'amour propre qui nous fait desirer de sçavoir
si nous sommes braves, la ou l'amour pur de Dieu nous dit: Truand ou couard que j'ay esté, humilie
toy, appuye toy en la misericorde de Dieu, demande tous-jours pardon et, sur une nouvelle
protestation de fidelité, passe outre a la poursuite de ton avancement.
J'appreuve que, si ce n'est quelquefois que l'on a besoin de repos, on ne dorme pas du tout
son saoul; mais pour faire que cela ne nuyse point, en lieu de dormir, il faut un peu faire plus
d'exercice pour dissiper les humeurs que le manquement du sommeil a laissé indigestes. Et en cette
sorte, vous pourres retrancher une heure sur vostre sommeil du costé du matin, et non pas le soir,
et je m'asseure que vous vous en porteres mieux. Pour le reste des austerités, ne vous en donnes
point d'extraordinaire, car vostre complexion et vocation requiert que vous ne le facies pas415; ni
je n'appreuve pas une grande retraitte pour le present, car il est mieux, pour l'acquisition des vertus,
de les exercer emmi les contradictions; et ne faut [136] point en cela se descourager, ains user de
preparation frequente pour s'y bien comporter416.
Dieu soit tous-jours nostre unique amour et pretention, ma chere Fille, et je suis en luy tout
vostre.
FRANÇS, E. de Geneve.
414 Mme de la Fléchère, comme nous l'apprennent plusieurs épisodes de sa vie, était très pénétrée du devoir de la
correction fraternelle, et sans doute elle mettait à le remplir une rigueur que le Saint voulait tempérer.
415 Cf. supra, pp. 57, 123.
416 Cf. supra, pp. 54, 120.
116/329

12.7 Page 117

▲back to top


DXVIII. A la Présidente Brulart. Les menues et fréquentes
impatiences ; moyens de les surmonter. Il faut être colombe à
l'oraison, mais aussi dans son foyer et avec son entourage.
Annecy, vers mi-mars 1609.
Ma tres chere Fille,
Ce sera tous-jours quand je pourray que vous aures de mes lettres; mais maintenant c'est
de meilleur cœur que je vous escris, parce que M. [de] Moyron, present porteur, est mon plus
proche voysin de cette ville, mon grand amy et mon allié417, par le retour duquel vous me pourres
escrire en toute asseurance; et si l'image de la Mere Therese estoit faite418, il la prendroit, payeroit
et apporteroit, ainsy que je l'en ay prié.
Mais, ma Fille, il m'est advis que je ne vous dis pas bien par ma derniere lettre419 ce que je
desirois touchant vos menuës, mais frequentes impatiences es occurrences de vostre mesnage. Je
vous dis donq qu'il faut que vous ayes une speciale attention a vous y tenir douce, et qu'estant levee
le matin, sortant de l'orayson, revenant de la Messe ou Communion, et tous-jours quand vous
rentres en ces affaires domestiques, il vous faut estre attentive a commencer doucement, et coup
sur coup regarder vostre cœur, voir s'il est doux, et s'il ne l'est pas, l'addoucir avant toutes choses;
que s'il l'est, il en faut loüer [137] Dieu, et l'employer aux affaires qui se presentent, avec un soin
special de ne point le laisser dissiper.
Voyés-vous, ma Fille, ceux qui mangent souvent du miel treuvent les choses aigres plus
aigres et les ameres plus ameres, et se degoustent aysement des viandes aspres. Vostre ame
s'entretenant souvent aux exercices spirituelz, qui sont doux et aggreables a l'esprit, quand elle
revient aux exercices corporelz, exterieurs et materielz, elle les treuve bien aspres et fascheux; c'est
pourquoy aysement elle s'impatiente. C'est pourquoy, ma chere Fille, il faut qu'en ces exercices
vous consideries la volonté de Dieu, qui y est, et non pas la chose mesme qui se fait. Invoqués
souvent l'unique et belle colombe420 de l'Espoux celeste, affin qu'elle impetre pour vous un vray
cœur de colombe, et que vous soyes colombe non seulement volant par l'orayson, mais encor
dedans vostre nid et avec tous ceux qui sont autour de vous.
Dieu soit a jamais au milieu de vostre cœur, ma bonne et chere Fille, et nous rende un
mesme esprit avec luy421. Je salue par vostre entremise la bonne Mere422 et toutes les Seurs
Carmelites, implorant l'ayde de leur orayson. Si je sçavois que madamoyselle nostre chere seur
Jacob fust la423, je la saluerois aussi, et sa petite Françon424, comme je fay vostre Magdeleine425
qui est encor mienne.
Vive Jesus! [138]
417 L'hôtel des Paquellet de Moyron se trouvait entre la cathédrale et la rue Filaterie, donc tout proche la maison
Lambert, habitée alors par saint François de Sales. François Paquellet et Jean étaient tous deux ses amis; mais c'est ce
dernier sans doute qu'il appelle son «grand amy, » l'ayant eu pour condisciple à Paris. (Voir notre tome XII, notes
(187, 461), pp. 103, 196.)
418 Vide supra, p. 133, et infra, p. 142.
419 Epist. DXVI.
420 Cant., II, 10, VI, 8.
421 I Cor., VI, 17.
422 La Mère Louise de Jésus.
423 Mlle Jaquot, sœur de la destinataire.
424 Françoise Jaquot, fille de Palamède Jaquot et de Madeleine Bourgeois de Crépy (cf. tome XIII, note (264), p. 87),
épousa par contrat du 28 juin 1630, Gaspard d'Amanzé, chevalier, comte d'Amanzé, baron de Combles, seigneur, de
Prisy, Pulligny, Mypont, etc., conseiller ordinaire du roi, lieutenant-général au gouvernement de Bourgogne. Douze
enfants naquirent de ce mariage, cinq fils et sept filles, dont trois furent Religieuses à la Visitation de Paray. (Cf.
d'Hozier, Généalogie de la Maison d'Amanzé, etc., Dijon, 1659.)
425 Madeleine, dont il a été parlé plusieurs fois (cf. note (413), p. 134), entra au Carmel de Dijon. Elle prit part à la
fondation de Beaune (25 juillet 1619), revint à Dijon, puis à Beaune, et enfin retourna au Carmel de sa ville natale. La
Mère Madeleine de Saint-Joseph mourut dans la charge de prieure, le 24 mars 1656. On lui attribue une Vie de la
vénérable Sœur Marguerite de Beaune. (Archives du Carmel de Chalon.)
117/329

12.8 Page 118

▲back to top


DXIX. A Monseigneur Jean-Pierre Camus, Evêque nommé de
Belley426 (Fragment). Panégyrique en raccourci de saint Joseph.
Tableau de la Sainte Famille. François de Sales accepte
avec joie de «mettre la mitre en teste» au futur Evêque de
Belley.
Monseigneur,
Annecy, [fin mars] 1609.
426 Jean-Pierre Camus naquit à Paris le 3 novembre 1584. Le succès de ses prédications le fit nommer, avant même
qu'il eût l'âge canonique, à l'évêché de Belley. Il obtint de Paul V la dispense nécessaire et fut sacré dans sa cathédrale
le 30 août 1609, par les mains de saint François de Sales. Après vingt ans de ministère laborieusement dépensés, il se
démit de son siège et se retira en Normandie, dans l'abbaye d'Aunay. Il reprit bientôt la vie active en acceptant d'être
le vicaire général de l'Archevêque de Rouen, François de Harlay. A la mort de ce Prélat, l'ancien Evêque de Belley
vint à Paris et y choisit pour sa définitive retraite l'hospice des Incurables. Néanmoins, il s'était laissé nommer, en
1650, à l'évêché d'Arras; ses bulles n'étaient pas encore arrivées lorsqu'il mourut, le 25 avril 1652. Godeau prononça
son oraison funèbre.
Jusqu'ici, Camus n'a eu que des panégyristes ou des détracteurs. Il est vrai que sa vie toute remplie de pensées
et d'actes contradictoires découragerait un biographe sincère. Ce Prélat qui fit venir les Capucins à Belley en 1620, et
qui écrivait un jour au P. Recteur du collège de Chambéry: «Je suis Jesuite de cœur, dame, de tout, » (Archiv. domest.
de la Cle de Jésus) a mené presque jusqu'à sa mort une campagne furibonde contre les Religieux. Austère dans sa vie
intime, jusqu'à la rigidité, il a semé dans ses romans des peintures plus que profanes. On ne se souvient plus guère
aujourd'hui du polygraphe et du romancier si extraordinairement fécond, ni peut-être du belliqueux contempteur des
moines; on ne voit en lui que l'ami de l'Evêque de Genève et l'auteur de L'Esprit de saint François de Sales.
L'ouvrage qui porte ce nom parut en six volumes in-8°, 1639-1641. Il eut plusieurs éditions du vivant de
l'auteur. En 1840, M. Dépery en a donné une nouvelle édition. Mais déjà Collot, en 1727, avait réduit le recueil en un
volume in-8°, puis en deux petits in-12, plusieurs fois réimprimés en ce siècle.
C'est ce résumé qui a popularisé dans le public le nom de Jean-Pierre Camus, et ce sont ces extraits sans
doute qui ont fait désirer à plus d'un lettré de lire l'ouvrage en entier. Eh bien! il faut le dire, pour en finir avec une
légende: l'écrivain, à cet égard, ne mérite pas tant de sympathie et de confiance, de la part surtout des historiens qui le
citent si complaisamment. Après le consciencieux travail de M. l'abbé de Baudry: Le véritable Esprit de saint François
de Sales (Lyon, 1846), on ne peut plus regarder l'Evêque de Belley comme l'interprète fidèle de la doctrine du Saint
et le peintre exact de son âme. En des points notables, il travestit ses pensées en lui prêtant les siennes propres; et cela
n'a rien d'étonnant chez un écrivain qui se pique en maintes préfaces de ne jamais rien relire ni effacer de ce qu'il écrit,
et qui citait de mémoire, dix-sept ans après la mort de François de Sales, les propos qu'il lui attribue. Et en vérité, à
travers cette indigeste compilation, quoique mélée d'anecdotes dont beaucoup sont agréables, on ne voit pas revivre
l'âme noble, discrète et harmonieuse du grand Evêque; on y entend trop résonner le bavardage de son interlocuteur et
les éclats de son rire. Il fut l'ami du Saint, ne le nions pas; celui-ci l'aima sincèrement, et c'est sa plus belle louange,
c'est la plus solide: elle lui restera.
Ce qui donne du piquant à cette amitié, c'est qu'elle ait pu exister entre deux âmes aussi dissemblables. Mais
quoi d'étonnant? Le jeune Evêque depuis son sacre, était devenu le fils spirituel de François de Sales, et, à cause de
son inexpérience, l'objet de ses sollicitudes. Il lui témoignait la confiance et l'affection d'un vrai disciple. Tant de
démonstrations touchaient le Saint; il souriait de ses travers, tâchait de l'en guérir et loin de lui reprocher la pauvreté
de son jugement, il s'édifiait plutôt d'entendre son ami en convenir avec candeur. Quand il venait à Belley, la bonne
humeur de son hôte, féconde en saillies pittoresques, devait être au saint Evêque une récréative diversion parmi les
soucis toujours croissants de ses travaux. Le Saint lui manqua trop tôt; il eût calmé, s'il eût vécu davantage, cette
fougue, cette impressionnabilité toujours excitée, et tourné vers un apostolat plus fructueux l'activité débordante qu'il
dépensa contre les moines.
Jean-Pierre Camus fut un ami de la Visitation, mais un de ces amis contre lesquels il faut se défendre parfois.
Le 10 août 1623, la Mère de Chantal visitant à Belley ses filles, qu'il avait établies, écrivait à une Supérieure: «Hélas!
nous sommes ici où ce bon Prélat veut faire des constitutions nouvelles; il se passe des choses inouïes et que jamais
on n'eût pu penser ni attendre. O bienheureux Père de mon âme, que dites-vous? secourez-nous!» (Lettres vol. II,
Paris, 1877.) Cette confidence alarmée de la Fondatrice, son exclamation en disent long. En 1632, la Sainte écrivit
une lettre au Prélat. C'est une pièce décisive; il faut la lire. (Voir à l'Appendice II.) Elle ne révèle pas seulement le tact
éminent et l'admirable souplesse d'esprit de la femme qui l'a écrite, elle sert à faire connaître l'auteur de L'Esprit de
saint François de Sales quand il avait près de cinquante ans, et par surcroît, à justifier ceux qui, en parlant de lui, ont
pu paraître un peu trop sévères.
118/329

12.9 Page 119

▲back to top


Je prens avidement cette commodité de vous escrire, quoy qu'elle soit un peu pressante,
pour respondre a vostre derniere lettre, toute marquee de suavité, du jour [139] du grand Pere saint
Joseph, grand Amy du Bienaymé, grand Espoux de la Bienaymee du Pere celeste, qui a voulu que
son Filz celeste fust repeu entre les lys427 de cette Espouse et de cet Espoux. Je ne treuve rien de
plus doux a mon imagination que de voir ce celeste petit Jesus entre les bras de ce grand Saint,
l'appellant mille et mille fois: Papa, en son langage enfantin et d'un cœur filialement tout
amoureux428.
Or sus, venés donq, mon tres cher Frere, et que ce soit par mon ministere que vous soyes
orné de ce grand caractere du sacerdoce evangelique, affin qu'en certaine façon [140] tres veritable,
mais que le sang et la chair n'entend pas429, nous contractions par ce moyen un parentage spirituel
que la mort mesme, ni les cendres de nos cors ne pourront desfaire et qui durera eternellement, et
pour lequel mon esprit aura une reelle relation de paternité, filiation et fraternité avec le vostre.
Dieu sçait que j'irois au bout du monde pour vous mettre la mitre en teste, et serois jaloux si un
autre me ravissoit cet honneur.
FRANÇS, E. de Geneve.
DXX. A la Présidente Brulart. Trop différer la première
Communion: grande erreur. Le visage pâle et l'âme
vermeille. Envoi d'un exemplaire corrigé de l'Introduction.
Annecy, fin mars ou commencement d'avril 1609430.
N'attendes pas de moy maintenant que je vous escrive a souhait, car bien que ce soit par
mon frere431, si n'ay-je pas beaucoup de loysir et si je ne sçai s'il passera a Dijon; mais je sçai bien
pourtant qu'il fera rendre seurement ma lettre.
Ouy, ma Fille, sans doute, il ne faut pas laisser passer ces Pasques sans faire communier
vostre filz. Mon Dieu, c'est un docteur des-ja432! C'est un grand erreur, ce me [141] semble, de tant
differer ce bien en cet aage, auquel les enfans ont plus de discours a dix ans que nous n'en avions
a quinze. Vrayement, j'eusse bien desiré de luy donner la premiere Communion: ce luy eust esté
un sujet de se resouvenir de moy et de m'aymer toute sa vie. Mais bien, il n'importe pas pour luy.
J'ay receu l'image de la bienheureuse Mere Therese433, dont je suis consolé et vous en
remercie.
Je suis bien ayse de sçavoir que cette fille soit en paix avec monsieur Chevrier434.
Vrayement, je luy escrivis par M. de Moyron, qu'elle fist ce qu'elle a fait de point en point, sur une
lettre par laquelle elle me demandoit conseil.
427 Cant., II, 16.
428 Cf. Tr. de l'Am. de Dieu, Orayson dedicatoire.
429 Matt., XVI, 17.
430 L'allusion aux «Pasques» prochaines et à «l'image de la bienheureuse Mere Therese» ne laisse aucun doute sur la
date approximative de la lettre.
431 Peut-être Jean-François.
432 Ce «docteur» avait douze ans et s'appelait Denis Brûlart. Baptisé le 25 mars 1597, le fils aîné de la Présidente fut
reçu conseiller au Parlement de Bourgogne le 19 mars 1619, et premier président le 20 avril 1627. Il épousa Marie
Massol et en eut quatorze enfants. L'aîné devint en 1657 premier président au Parlement de Dijon; trois filles furent
Religieuses à Dijon, Claude et Françoise à la Visitation, Elisabeth au Carmel. (Bibl. publ. de Dijon, Fatras
généalogiques du baron de Juigné, etc.)
433 Vide supra, pp. 133, 137.
434 «Monsieur Chevrier» serait-il un parent de Jeanne Chevrier, fondatrice du Carmel de Dijon (voir le tome précédent,
note (339), p. 118), ou bien appartiendrait-il aux Chevriers de Saint-Mauris?
119/329

12.10 Page 120

▲back to top


Eh bien, ma chere Fille, Dieu soit loué: pourveu que nostre ame soit coloree du vermeil de
la charité, il ne nous doit pas chaloir que nous ayons les pasles couleurs. C'est un mal propre a
mortifier et les sens et les sentimens, car il ne laisse point de mouvement qu'il n'allanguisse,
horsmis celuy du cœur, lequel, pour l'ordinaire, il esmeut et rend plus frequent. Rendés-le bien
utile a vostre advancemerit spirituel par vostre abnegation reelle des goustz, des suavités qu'il vous
oste, non seulement quant au cors, mais encor quant a l'esprit. Vous faites bien de prattiquer mes
advis, car ilz sont selon la volonté de Dieu; et si cette maladie vous y donne plus de repugnance,
tant plus gaigneres vous en leur exercice.
Je pensois vous envoyer plusieurs livres435, mais l'imprimeur m'a manqué de parole de les
m'envoyer; je crains que vous en aurés la plus tost que moy icy. Je vous envoye neanmoins celuy-
ci, que j'ay emprunté d'une dame qui l'avoit, affin que, s'il est possible, vous ayes le [142] premier
de ma part. Il faudra corriger les autres sur iceluy, car je l'ay corrigé par tout, tant que j'ay peu.
Dieu soit a jamais nostre amour, ma chere Fille, et croyés que je suis en luy tout
particulièrement vostre.
F.
Vive Jesus!
Ne dites pas que je vous ay envoyé ce livre, jusques a ce que je puisse en envoyer
davantage.
DXXI. A Monseigneur Pierre de Villars, Archevêque de Vienne.
Une «petite opiniastreté» de saint François de Sales.
L'Archevêque ayant refusé le titre de Monseigneur, le
Bienheureux s'excuse de le lui donner encore et lui expose les
raisons de sa respectueuse obstination.
Annecy, mars-avril 1609436.
Monseigneur,
Permettés moy, je vous supplie tres humblement, cette petite opiniastreté; car vrayement,
tout aussi tost que vous aves voulu que je bannisse des lettres que je vous envoye le tiltre de
Monseigneur, mon opinion s'est soudainement deslogee de ma volonté, laquelle est
irrevocablement sousmise a la vostre; mais elle s'est sauvee dans mon entendement, ou elle s'est
tellement retranchee que je suis en peyne d'entreprendre sa sortie. Ce n'est pourtant pas que mon
entendement ne veuille ceder a vostre jugement, duquel il revere extremement l'authorité et la
reconnoist pour souveraine en son endroit; mais c'est qu'il luy est advis que vous n'aves pas bien
conceu la bonté et sincerité de ses intentions pour ce regard. Oseray-je bien disputer avec vous,
Monseigneur? Vostre [143] douceur, je pense, m'excusera; c'est simplement pour m'expliquer.
Je dis donq, avec vostre congé: premierement, que je vous puis appeller Monseigneur, et
que ce tiltre n'est pas trop grand pour vous, ni de moy ni d'aucun autre Evesque. Cela est clair par
l'authorité de tous les plus dignes Evesques de l'Eglise de Dieu, qui ont appellé de tiltres bien plus
relevés non seulement les Patriarches et Archevesques, mais les autres Evesques mesmes. Et a cet
argument ne satisfait pas la response, que tous les prestres estoyent censés saintz, heureux, peres,
et que par consequent il failloit qualifier les Evesques sur iceux: non, Monseigneur, car tous ces
tiltres regardoyent leur estat, leur dignité, leur Ordre.
435 De l'Introduction a la Vie devote.
436 La date proposée résulte du rapport de cette lettre avec celle de février 1609 au même personnage, et aussi avec les
lettres que celui-ci écrivit au Saint (cf. note (379), p. 124).
120/329

13 Pages 121-130

▲back to top


13.1 Page 121

▲back to top


Je dis secondement, que non seulement je puis vous appeller Monseigneur, mais il est
expedient que je le fasse, et seroit bon que cela se fist par tous les Evesques. Car, quelle rayson y
a-il que j'appelle les princes du siecle Messeigneurs, et non pas ceux437 quos constituit Dominus
principes populi sui438? Et ne sert a rien de dire:439 Non dominantes in cleris440; car, comme non
debetis dominari, sic nostrum subjici. Je vous supplie, pesés bien, Monseigneur, cette rayson
d'estat. Puisque nous ne pouvons refuser aux princes mondains ce tiltre d'honneur, ne ferions-nous
pas bien de nous esgaler, tant qu'en nous est, a eux pour ce regard, desquelz on peut dire que
derident nos juniores [hoc] tempore, quorum non audebant patres cum sacerdotibus minoribus
incedere441.
Je dis, troysiesmement, qu'il est bien seant; car encor que l'Italie et la France sont separees
et qu'il ne faut pas porter le langage de l'Italie en France, si est ce que [144] l'Eglise n'est pas
separee; et le langage, non pas de la cour, mais de l'Eglise de Romme, est bon par tout en la bouche
des ecclesiastiques. C'est pourquoy, puisque le Pape mesme vous appelleroit Monseigneur, il est
seant que j'en face de mesme.
Il ne reste a resoudre que l'argument fondamental de vostre volonté, mais il ne se peut
resoudre; car ce n'est que vostre humilité:442 ut qui major est dignitate, sit potior humilitate443. J'y
respons néanmoins, et dis que j'appelle ainsy tous les Evesques a qui j'escris en esprit de liberté,
et les rends esgaux quant a cet honneur exterieur, laissant a mon interieur de donner diverses
mesures de respect, sous un mesme mot, selon la diversité de mes devoirs; comme a vous,
Monseigneur, c'est, je vous asseure, avec une reverence toute cordiale, toute particuliere.
Voyla ce que je vous puis dire, allant, comme je vay dans une heure, monter en chaire.
J'attendray vos commàndemens pour y obeir, car en somme, je suis prest a deposer toute sorte
d'opinions que vous n'appreuveres pas, et suivre en tout et par tout vos volontés; mais je vous
demande pardon pour ce coup. Vostre dilection, qui souffre tout et qui est non seulement patiente,
mais debonnaire444, me rendra excusable, vous asseurant que je suis
Vostre tres humble et tres obeissant serviteur,
FRANÇS, E. de Geneve. [145]
437 que le Seigneur a établis princes de son peuple?
438 Pss. XLIV, 17, CXII, 8.
439 Ne dominant pas le clergé; car, comme vous ne devez pas dominer, ainsi est-ce de notre devoir de nous soumettre.
440 I Petri, ult., 3.
441 en ce temps-ci, les jeunes gens nous dédaignent, tandis que leurs pères n'osaient pas se comparer aux jeunes prêtres.
442 afin que le plus grand en dignité, l'emporte par l'humilité.
443 S. Greg. Mag., in Ezech., 1. II, Hom. VI, § 9. Cf. Luc., XXII, 26.
444 I Cor., XIII, 4, 7.
121/329

13.2 Page 122

▲back to top


DXXII. A Madame Bourgeois, Abbesse du Puits-d'Orbe. Faire
le bien joyeusement, sans s'attrister de ses défauts. Tenir la
clôture. Les confesseurs extraordinaires: manière d'observer
la prescription du Concile de Trente. L'administration des
pensions et les avis que doit donner l'Abbesse dans ses
Chapitres. Rappeler au monastère une Religieuse absente et
par quels procédés. Conseils variés sur l'oraison, la lecture
spirituelle, etc. Acquérir un grand courage au service de
Notre-Seigneur.
Annecy, commencement d'avril 1609445.
Ouy, ma Fille, je vous dis par escrit aussi bien que de bouche: res-jouisses vous tant que
vous pourres en bien faysant, car c'est une double grace au bon œuvre, d'estre bien fait et d'estre
fait joyeusement446. Et quand je dis en bien faysant, je ne veux pas dire que s'il vous arrive quelque
defaut, vous vous addonnies a la tristesse pour cela. Non, de par Dieu, car ce seroit joindre defaut
a defaut; mais je veux dire que vous perseveries a vouloir bien faire, et que vous retournies tous-
jours au bien, soudain que vous connoistres de vous en estre esloignee, et moyennant cette fidelité,
que vous viviés tous-jours bien joyeuse.
Pour le general, j'ay a vous dire, outre l'ancien escrit que je vous renvoye, que vous deves
tenir le cloistre et le dortoir fermé aux hommes: ainsy la closture s'en fera doucement.
Le Concile de Trente447 ordonne a tous les Superieurs et Superieures des Monasteres qu'au
moins trois fois l'annee ilz fassent confesser ceux qui sont sous leurs charges a des confesseurs
extraordinaires; ce qui est grandement [146] requis pour mille bonnes raysons. C'est pourquoy
vous l'observeres, faysant venir ou quelque bon Pere Minime, ou quelque bien devot prestre,
auquel toutes ayent a se confesser cette fois-la. Je vous ay dit la rayson pourquoy toutes s'y doivent
confesser, ce qui ne sera point grief a aucune; car celles qui voudront ne se confesseront que d'un
jour ou de deux, s'estans prealablement confessees, et celles qui voudront pourront en user
autrement.
Il faut que ce soit vous, ma Fille bienaymee, qui ayés l'administration des pensions; mais
deputés une des Dames, qui, sous vostre authorité, ayt soin de tenir le conte de ce qui s'en employe.
Il sera a propos, en ces petitz Chapitres, de recommander souvent la mutuelle et tendre dilection
des unes aux autres, et de tesmoigner que vous l'aves en leur endroit, mais particulierement envers
celle de laquelle vous m'escrives, laquelle il faut, par charité, revoquer a une bonne et douce
intelligence et confiance avec les autres. Je luy escris un petit mot448.
Vous treuveres bien, ce croy-je, les premiers advis que je vous escrivis il y a cinq ans449,
de la façon avec laquelle vous devies doucement reduire tous ces espritz a vostre bon dessein.
Vous y verres beaucoup de choses que, pour briefveté, je ne diray pas maintenant.
445 En datant cette lettre de 1606, les éditeurs précédents n'ont pas pris garde à cette phrase: «les premiers advis que je
vous escrivis il y a cinq ans.» Ces derniers mots suffiraient à dater la lettre. Elle n'a pas été écrite avant 1609. L'allusion
à la «Mort et Passion du Sauveur, » et plus encore la mention que fait le Saint de Mme de Chantal (p. 148), de sa
présence à Annecy et de son retour en Bourgogne, indiquent que la présente lettre a été écrite au commencement
d'avril.
446 Cf. Eccles., III, 12; II Cor., IX, 7.
447 Sess. XXV, cap. X.
448 La Religieuse à laquelle le Saint écrit «un petit mot, » celle qui avait quitté le monastère et son frère sont trois
personnages qu'il n'a pas été possible d'identifier.
449 Vide tom. XII, Epist. CCXXXI.
122/329

13.3 Page 123

▲back to top


Quant a celle qui est absente, il faut escrire et a elle et a son frere, que, pour la plus grande
gloire de Dieu, salut de vos ames, edification du prochain et honneur de vostre Monastere, vous
aves pris resolution avec toutes vos Seurs Religieuses de vivre plus retirees dans vostre Mayson
qu'on n'a pas fait ci devant; et que la chose estant si raysonnable et honneste, vous ne doutes point
qu'elle ne s'y veuille ranger: dont vous la conjurés et sommés, par l'obeyssance qu'elle vous a vouee
et hors laquelle elle ne peut faire son salut, luy promettant qu'elle ne treuvera, ni en vous ni es
autres, sinon une douce et tres amiable conversation, laquelle seule, outre [147] son devoir, peut
la semondre a une sainte retraitte; et choses semblables. Si pour cela elle ne revient, il faudra
l'arraysonner deux autres fois, avec des intervalles de trois semaines. Que si en fin elle ne revient,
vous luy envoyeres qu'elle se determine donques de n'estre plus receuë, et d'estre forclose de sa
place. Mais je croy que ses parens la feront revenir; et, estant revenue, vous la traitteres doucement
et avec grande patience.
Si j'oublie quelque chose, je le diray a nostre seur450, qui vous ira voir infalliblement, et
elle vous chérit bien fort. Pour vostre particulier, ne faites point faute de faire l'orayson mentale
tous les jours, a la mesme heure qu'elle se fait au choeur, si vous ne pouves pas y aller; et ce pour
demie heure. Ne vous tourmentes point encor que vous ne puissies pas avoir vos sentimens si fortz
que vous desireries, car c'est la bonne volonté que Dieu requiert451. Lisés tous les jours un quart
d'heure dans les livres spirituelz, et ce, devant qu'aller a Vespres ou que les dire, quand vous n'y
pourres pas aller.
Vous vous coucheres tous les jours a dix heures, et vous leveres a six. Quand vous seres
contrainte d'estre au lit, faites lire quelqu'une de tems en tems, selon vostre commodité. Baysés
souvent vostre croix que vous portes; renouvellés les bons propos que vous aves faitz d'estre toute
a Dieu, immediatement devant le coucher, ou y allant, ou en vostre oratoire, ou ailleurs; et faites
un plus grand renouvellement par demie douzaine d'aspirations et d'humiliations devant Dieu.
Je vous ordonne pour vostre special Patron de cette annee le tres glorieux saint Joseph, et
pour vostre Patronne, sainte Scholastique, seur de saint Benoist, de laquelle vous treuveres
beaucoup d'actions en sa Vie et en celle de saint Benoist, dignes d'estre imitees.
Voyés-vous, ma tres chere et bonne Fille, entreprenés de vous acquerir un grand courage
au service de Nostre Seigneur; car, pour asseuré, sa Bonté vous a choisie pour se servir de vous,
pourveu que vous le veuillies, pour [148] le restablissement de sa gloire et salut des ames en vostre
Mayson. Vous ne sçauries tenir un chemin plus asseuré que celuy de la sainte obeyssance: c'est
pourquoy je me resjouis grandement que vous y soyés affectionnee, pour l'intention que me
marqués. Mais resouvenés-vous donq bien de ce que je vous ay commandé de la part de Nostre
Seigneur, auquel je vous recommande, le suppliant, par sa Mort et Passion, qu'il vous comble de
son saint amour et vous rende de plus en plus toute sienne.
Pour moy, ma tres chere Seur, ma Fille bienaymee, j'ay une volonté fort entiere a vous
cherir, honnorer et servir; et jamais rien ne m'ostera cette affection, puisque c'est en ce mesme
Sauveur et pour luy que je l'ay prise, estant a jamais,
Vostre humble frere et serviteur,
tout entierement vostre,
FRANÇS, E. de Geneve.
450 La baronne de Chantal.
451 Cf. II Cor., VIII, 12.
123/329

13.4 Page 124

▲back to top


DXXIII. A Monseigneur Pierre Fenouillet, Evêque de
Montpellier. Le destinataire ayant écrit au Saint une lettre
d'affectueuse courtoisie, celui-ci lui envoie l'expression de son
respect et de sa confiance.
Annecy, avril 1609452.
Monseigneur,
C'est de tout mon cœur que je vous escris esgalement avec respect et confiance. Celle ci
procede de la connoissance que j'ay de la sincerité de vostre bienveuillance en mon endroit, et
celuy la de la multitude des riches qualités qui decorent le rang que vous tenes en l'Eglise de Dieu;
auquel, bien que je vous aye devancé quant au [149] tems, je vous voy neanmoins si loin devant
moy en toute autre façon, que c'est le moins que je veuille et doive faire que d'user exactement
d'une reciproque reverence en vostre endroit. Et si vous ne vous esties pas mis a l'extremité du plus
haut point d'honneur envers moy, je me fusse essayé de vous en rendre plus que vous ne m'en
donnes; mais il faut que je demeure vaincu, tant parce que vous sçaves tout mieux faire que moy,
que d'autant que le lieu d'ou sort l'honneur que vous me faites luy donne un poidz si excessif que
je n'ay rien qui le puisse esgaler. Mais c'est assés.
Continués, je vous supplie, Monseigneur, d'aymer celuy qui vous souhaitte toute sorte de
bonheur en la graCe de Dieu, et qui est, d'une affection inviolable,
Vostre tres humble frere
et tres obeissant serviteur,
FRANÇS, E. de Geneve.
Avril 1609.
DXXIV. A Mademoiselle de Traves. Le monde «n'est qu'un
vray trompeur.» Considérations proposées à une personne qui
songeait à se marier. L'amour du Sauveur, de Notre-Dame et
des Saints à la très sainte unité de Dieu.
Annecy, 18 avril 1609453.
Madamoyselle,
Vous voulant honnorer, cherir et servir toute ma vie, je me suis enquis de madame vostre
chere cousine, ma seur454, de l'estat de vostre cœur, duquel elle m'a dit [150] chose qui m'a consolé.
Que vous seres heureuse, ma chere Fille, si vous perseveres a mespriser les promesses que le
monde vous voudra faire, car en vray (sic) verité ce n'est qu'un vray trompeur. Ne regardons jamais
tant ce quil propose que nous ne considerions ce qu'il cele.
Il est vray, sans doute, c'est une grande assistence que celle d'un bon mari; mais il en est
peu, et pour bon qu'on l'ayt, on en reçoit plus de sujettion que d'assistence. Vous aves un grand
soin pour la famille qui est sur vos bras, mais il n'amoindriroit pas quand vous entreprendries la
452 La date est donnée par Hérissant (1758) qui a pris la lettre sur l'original.
453 La date ayant été coupée dans l'Autographe, nous adoptons celle du premier éditeur.
454 La baronne de Chantal. Elle quitta Annecy après les fêtes de Pâques, c'est-à-dire après le 19 avril, et très
probablement le Saint lui confia la présente lettre.
124/329

13.5 Page 125

▲back to top


charge d'un'autre peut estre aussi grande. Demeures ainsy, je vous prie, et croyes-moy, faites en
une resolution si forte et si sensible que nul n'en doute plus.
L'exercice auquel vous estes maintenant vous servira d'un petit martire, si vous continues
a joindre les travaux que vous y aurés avec ceux du Sauveur, de Nostre Dame et des Saintz et
Saintes qui, emmi la variété et multiplicité des importunités que leur soin leur donnoit, ont
conservé inviolablement l'amour et la vraye devotion a la tressainte unité de Dieu, en qui, pour qui
et par qui ilz ont conduit leurs vies a une fin tres heureuse. Que puissies vous donq comm'eux
conserver et sacrer a Dieu vostre cœur, vostre cors, vostr'amour et toute vostre vie.
Je suis en toute sincerité,
Madamoyselle,
Vostre bien humble serviteur en ce mesme Sauveur,
FRANÇS E. de Geneve.
Ce 18 avril 1609.
A Madamoyselle,
Madamoyselle de Traves.
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Boulogne-sur-Mer. [151]
DXXV. A Monseigneur Pierre Fenouillet, Evêque de
Montpellier (Inédite). Annonce de nouvelles. Messages. Le
nouvel Evêque de Belley. Jean-Pierre Camus songe à faire
une visite à saint François de Sales. «Une lettre toute
d'amour.»
Annecy, 20 avril 1609.
Monseigneur,
Ces quattre lignes vous asseureront que je continue de toute mon affection au desir de vous
rendre toute ma vie tres humble service, car, quant au reste des nouvelles, le porteur vous les dira
suffisamment, sinon que monsieur Valladier455 m'a escrit n'a guere une lettre toute pleyne de
lhonneur et respect quil vous porte, ne m'obligeant pas peu de m'en parler comm'a un homme tout
uny et conjoint a vous.
Nous avons depuis peu monsieur l'Evesque de Belley456 en ces quartiers, qui me fait la
faveur de me venir voir la semaine prochaine. On m'en dit tant de bien, qu'avant lhonneur de sa
connoissance, je suis forcé de luy porter une singuliere reverence.
Nostre monsieur des Hayes m'escrivit l'autre jour par monsieur de Charmoysi une lettre
toute d'amour. Il faut que je m'en glorifie au pres de vous qui, avec moy, estimés si praetieusement
son amitié. Faites moy cette faveur que de me conserver en la vostre, a laquelle je correspondray
fidellement par autant de tres humble affection [152] que vous en pouves desirer de celuy qui vous
souhaite toute prosperité et benediction, demeurant,
Monseigneur,
Vostre tres humble frere et tres obeissant serviteur,
FRANÇS, E. de Geneve.
Le 2e jour de Pasques 1609, a Neci.
A Monseigneur
455 André Valladier (voir plus haut, p. 69).
456 Jean-Pierre Camus (voir ci-dessus, note (426), p. 139).
125/329

13.6 Page 126

▲back to top


Monseigneur le Rme Evesque
de Monpelier.
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Montpellier.
DXXVI. A Madame Bourgeois, Abbesse du Puits-d'Orbe. Une
cure difficile; le charitable Saint prend l'avis d'un gentilhomme
et d'un «viel cyrurgien» et députe à la malade le fils de celui-ci.
Conseil donné à l'Abbesse de renoncer au voyage de Savoie.
Comment Dieu lui témoigne son amour paternel.
Annecy, 27 avril 1609.
Ma chere Fille,
Desirant sçavoir avant le depart de Mme de Chantal que c'est que je pouvois esperer du
gentilhomme qui croyoit de pouvoir guerir vostre jambe457, je luy fis dire par Mme de Chantal
mesme toute l'origine et le progres de vostre mal, car je ne le sçavois pas. Ce qu'ayant ouy, il perdit
sa premiere opinion et son courage, m'addressant neanmoins a un viel cyrurgien458 auquel il estime
beaucoup de choses estr'aysees qui sont difficiles aux autres, et lequel, comm' on dit, fait des petitz
miracles; et pour cela, je l'envoyay querir, affin quil oüyt [153] tout le recit de vostre fait et quil
en dit son opinion. Il vint donques, et ayant encor ouy Mme de Chantal, il respondit que non obstant
toutes les difficultés quil y avoit a la cure de ce mal, il espereroit de vous guerir, mais que pour
cela il faudroit du loysir.
Et de peur que nous n'ayons oublié quelque chose en la qualité de ce mal, qui fit la chose
plus aysee qu'elle n'est, le filz de cet homme la allant a Dijon pour autre chose, c'est a dire a la
suite d'un gentilhomme qui est fort de mes amis, j'ay fait quil ira au Puis d'Orbe mesme, affin
d'apprendre par monsieur du May459 toutes les particularités plus exactement, et apporter une
bonne et veritable description de toute l'affaire. Ce quil fera mieux qu'un autre, par ce qu'encor
quil ne soit pas cyrurgien, il y entend neanmoins quelque chose a force d'en avoir ouy parler a son
pere. Je vous prie donq, ma chere Fille, de vouloir le faire bien instruire et de luy faire donner par
escrit tout le fait; car sur cela, si son pere espere de pouvoir faire cette cure, nous vous l'envoyerions
sur le lieu, affin qu'avec toute commodité et loysir il fit ses operations.
J'ay creu que je ferois bien d'user de cette methode, affin de ne point vous engager au
voyage de deça mal a propos; duquel, si le succes n'estoit pas selon mon desir, je serois
extremement marri. Il est vray quil seroit tous-jours a mon grand contentement en ce que j'aurois
le bien de vous voir et entretenir; mais si aussi vostre santé corporelle en soufFroit, ce me seroit
bien du desplaysir. Or, le tracas d'un si long chemin pourroit sans doute vous beaucoup apporter
de peril, et, comme que ce soit, j'ay esperance de vous revoir dans quelque tems, sans tant
457 Plusieurs gentilshommes exerçaient alors la médecine à Annecy: Jean Favre, Maurice de Charrière, Jean Grandis,
Pomée, etc. Quel est celui d'entre eux qui espérait guérir Rose Bourgeois? Il est malaisé de le savoir.
458 Annecy, en ce temps-là, comptait plusieurs chirurgiens: Pierre Ribemont, Antoine Vallefroyd, Claude Desgranges,
et quelques-uns, le docteur Symène et Le Barba, étaient espagnols.
459 Pierre-Antoine Dumay, originaire de Bourgogne, mort en 1613, était devenu premier médecin de la reine
Marguerite de Navarre. Quoique établi à Toulouse, où il épousa Jeanne du Caylar, il revenait quelquefois au pays
natal. Un de ses fils, Paul, baptisé le 23 août 1585, étudia aussi la médecine à Montpellier, mais se fixa en Bourgogne
peu de temps avant son mariage, contracté le 16 mai 1610 avec Marie de Massol; il mourut à Dijon le 19 décembre
1645. (D'après les notes de M. Gabriel Dumay, membre de l'Académie de Dijon.) C'est l'un des deux, sans doute, qui
était le médecin de Rose Bourgeois.
126/329

13.7 Page 127

▲back to top


d'incommodité pour vous. Que si Dieu nous estoit [154] si misericordieux que vous puissies guerir
par l'operation de ce viel homme, alhors non seulement je ne craindrois pas de vous donner la
peyne le faire le voyage, mais je vous y provoquerois pour vous gouverner un peu a souhait en
vostre esprit.
Cette lettre n'a point d'autre sujet que celuy ci, esperant de vous escrire de rechef par a itre
voye dans peu de jours460. J'attendray donq la response par le mesme porteur, qui, partant ce
jourdhuy, ne me donne pas le loysir d'escrire a vos cheres Seurs et filles, vers lesquelles je desire
estre excusé sil vous plait. Et tandis, resouvenes vous, ma chere Fille, que Dieu vous invitant au
chemin des peynes et travaux, vous tesmoigne un doux amour paternel et quil veut rendre vostre
ame purement sienne, comm'il fera si vous vous encouragés souvent a souffrir pour l'amour de
luy, auquel soit a jamais gloire et louange.
Je suis en luy tout vostre.
F.
Le XXVII avril 1609.
A Madame
Madame l'Abbesse du Puys d'Orbe.
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy.
DXXVII. A la même. Offre de services spirituels. Visite
annoncée. Nécessité de donner suite à de bonnes résolutions.
Exhortation à faire «beaucoup d'eslancemens de cœur sur Jesus
crucifié.»
Annecy, 29 avril 1609461.
Ma tres chere Fille,
Je vous escrivis avant hier462 sur le sujet de vostre jambe; maintenant je vous escris sur
celuy de mon cœur qui vous cherit d'un amour extreme, et pour cela, pense [155] continuellement
comment, en quoy et quand il pourra tellement servir le vostre, que celuy de vostre Espoux, nostre
tres doux Sauveur, en soit satisfait et content. C'est mon deir tres ardent, principalement lhors que
je repasse en ma memoyre l'affection, la confiance et le zele avec lequel vous reposastes un jour
vostr'ame (d'autant mienne) et vostre volonté sur ma direction.
Or sus, Dieu me fera la grace qu'il ne se passera pas beaucoup de tems que je ne vous
revoye; et lhors, certes, il faudra voir une conclusion de tous nos bons desseins, affin que si nous
ne faysons pas tant de chemin que la chaleur de nostre premiere devotion nous faysoit
entreprendre, nous en fassions pour le moins autant que, tout boiteux que nous sommes, nous en
pourrons faire. Continués ce pendant vos exercices, excités en vous vostre courage, et sur tout
parforces vous de faire beaucoup d'eslancemens de cœur sur Jesus Christ crucifié.
C'est en luy que je suis, ma chere Fille, tout entierement vostre.
FRANÇS, E. de Geneve.
460 Vide Epist. seq.
461 Cette lettre, qui n'a jamais été reproduite depuis 1626, fait suite à la lettre précédente, du 27 avril, et porte ainsi sa
date avec elle.
462 Epist. praeced.
127/329

13.8 Page 128

▲back to top


DXXVIII. A Madame de la Fléchère. Après un premier
«choppement,» que faire? — Comment apaiser son cœur quand
il est prévenu contre le prochain. Il faut avoir de la
compassion pour celui-ci et suivre pour nous-même l'humilité.
Annecy, [mai 1609463.]
J'ay veu, ma tres chere Fille, cette petite infirmité qui vous estarrivee ces jours passés sur
les divers mouvemens de vostre cœur, entre l'affection de renoncer a vostre [156] propre
inclination, et l'inclination de suivre vostre goust particulier. Et bien, ma chere Fille, vous verres
que le plus grand mal que vous ayes fait c'est de vous estre troublee de vostre imbecillité; car si
vous ne vous fussies point inquietee apres le premier choppement, mais que tout bellement vous
eussies repris vostre cœur en vos mains464, vous ne fussies pas tumbee au second. Or, au bout de
tout cela, il faut reprendre courage et vous affermir de plus fort en nos saintes resolutions, sur tout
en celle de nous point inquieter, ou au moins de nous appayser a la premiere veiie et reflexion que
nous ferons sur nostr'inquietude.
Ce mot la: «Je suis bien toute deschiree, moy,» ne fut pas bon au sujet sur lequel il fut dit;
car, ma chere Fille, il nous faut bien suivre la compassion au prochain et l'humilité pour nous
mesme, ne pensans pas aysement que le prochain ayt jamais trop d'ayse, ni que nous en ayons trop
peu. Helas! nous aurons tous-jours quelque chose a faire, tous-jours quelqu'ennemi a combatre.
Ne vous estonnes point, mais quand ces mauvaises inclinations vous voudront inquieter, jettes l'œil
interieur sur le Sauveur crucifié. Ah! Seigneur, vous estes mon miel et mon sucre; addoucises ce
cœur par la douceur du vostre. Divertisses vous pour un peu, et alles vous praeparer au combat;
puis representes vous y l'autrefois, et sentant la seconde emotion, faites tout de mesme465: Dieu
vous assistera.
Je suis bien ayse de la venue de la bonne seur466, a laquelle je doy une longue response,
que je feray, Dieu aydant, avec un peu de loysir. La bonne madame la Baronne de Chantal vous
saluoit l'autre jour par une lettre.
Vive Jesus, en qui je suis tout vostre.
F. E. de G.
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Toulouse. [157]
463 L'édition de 1626 indique une seule et même destinataire pour la présente lettre et la Lettre DXVII. Or, cette
dernière a été certainement adressée à Mme de la Fléchère.
Quant à la date, elle se déduit de l'écriture et du salut de Mme de Chantal (voir à la page suivante). Ce n'est
que pendant le Carême de 1609 que les deux filles spirituelles du Saint ont pu se rencontrer ou se connaître.
464 Cf. Ps. CXVIII, 109.
465 Cf. Combat spirituel, c. XIII.
466 Il s'agit peut-être de la Religieuse de Bons, propre sœur de Mme de la Fléchère, dont le Saint parle assez souvent
(cf. plus haut, pp. 53, 133).
128/329

13.9 Page 129

▲back to top


DXXIX. Au Duc de Savoie, Charles-Emmanuel Ier.
Recommandation en faveur d'un officier sans ressources.
Annecy, 9 mai 1609.
Monseigneur,
Le capitaine La Rose467 recourt a la bonté de Vostre Altesse pour obtenir d'elle quelqu'ayde
a l'entretenement de sa pauvre famille. Et parce qu'il est l'un des plus apparens convertis qui soyent
sortis de Geneve, je supplie tres humblement Vostre Altesse de luy estre secourable, comm'elle
l'est a tous ceux qui ont leur refuge en sa debonnaireté, tandis que je continueray tous-jours a luy
souhaitter le comble des graces celestes, demeurant,
Monseigneur,
Son tres humble, tres obeissant et tres fidele
orateur et serviteur,
FRANÇS, E. de Geneve.
A Neci, 9 may 1609.
DXXX. A Madame de Cornillon, sa sœur468. Les sentiments que
doit exciter la perte des parents. Mort de Mme de la Thuille.
Le meilleur des souhaits. Comment il faut supporter les
ennuis que donnent les affaires temporelles.
Annecy, 15 mai 1609.
Mon Dieu, ma chere Fille, ma Seur, soyés joyeusement devote. Que vous seres heureuse si
vous embrasses [158] constamment ce dessein! La pauvre petite seur [de la Thuille469], qui s'en est
allee si chrestiennement et si soudainement, a bien resveillé mon esprit a l'amour de ce souverain
Bien auquel toute cette courte vie doit estre rapportee. Aymons-nous bien, chere Seur, et nous
tenons bien ensemblement a ce Sauveur de nos ames, en qui seul nous pouvons avoir nostre
bonheur. Je suis tout plein d'esperance que Nostre Seigneur sera de plus en plus fidellement servi,
obei et honnoré de vous, qui est le plus grand bien que je vous puisse souhaitter.
La multitude des ennuis que vous aves es affaires de vostre mayson (desquelz mon bon
frere470 me parla l'autre jour) vous serviront infiniment pour rendre vostre ame vertueuse, si vous
vous exerces a supporter le tout en esprit de douceur, de patience et de debonnaireté. Tenes tous-
jours bien vostre cœur bandé a cela, et considerés souvent que Dieu vous regarde de son œil
d'amour parmi toutes ces petites incommodités et brouilleries471, pour voir comme vous vous y
comportes selon son gré. Faites donq bien joliment la prattique de son amour en ces occasions, et
s'il vous arrive quelquefois de vous impatienter, ne vous troubles point pour cela, mais vous
467 Voir le tome XII, note (1001), p. 400.
468 Gasparde de Sales, sœur de saint François de Sales, épousa (contrat dotal du 23 août 1595) Melchior de Cornillon,
seigneur de Meyrens, dont le père, Raymond-Charles, était capitaine et gouverneur de la ville de La Roche. Elle aurait
eu vingt-huit enfants; M. de Foras n'a pu en retrouver que dix. Mme de Cornillon fut chèrement aimée de son
bienheureux frère; ses encouragements la soutinrent parmi bien des tracas. Grâce à cette affectueuse direction, elle
pratiqua jusqu'à sa mort (27 janvier 1639), avec une ferveur toujours croissante, les difficiles devoirs de son état.
469 Belle-sœur du Saint; elle était décédée à la fin de mars (voir le tome précédent, note (38), p. 1).
470 M. de Cornillon.
471 Ces «brouilleries» provenaient soit du beau-père de Mme de Cornillon, lequel était peut-être d'humeur chagrine,
soit de contestations survenues entre les deux familles.
129/329

13.10 Page 130

▲back to top


remettes soudainement en douceur. Benisses ceux qui vous affligent472, et Dieu, ma chere Fille,
vous benira.
Je l'en supplie de tout mon cœur, comme pour ma Seur bienaymee et ma Fille tres chere, a
laquelle je suis tout dedié.
FRANÇS, E. de Geneve.
Le 15 may 1609.
DXXXI. A Mademoiselle de Bréchard473. Dieu le Père et ses
images vivantes sur la terre. Que l'on ne puisse pas
communier sans ouïr la Messe, c'est une opinion nullement
fondée. Les Communions que nul ne peut refuser. La plus
solide des nourritures au Ciel et sur la terre.
Annecy, [mi-mai 1609.]
Or sus, ma chere Niece474, ma Fille, vous voyla donq aupres de monsieur vostre pere475 que
vous regardes comme une image vivante du Pere eternel; car c'est en cette qualité que nous devons
honneur et service a ceux desquelz il s'est servi pour nous produiré. Tenés bien vostre ame en vos
mains476 affin qu'elle ne vous eschappe ni a gauche ni a droitte; je veux dire, ni qu'elle s'amollisse
entre les affections des parens, ni qu'elle s'attriste parmi leurs passions et les diversités des humeurs
avec lesquelles il vous faut vivre.
Vrayement, je croy fort bien que vous fustes vivement touchee en vous separant de vostre
chere mere477, car elle m'escrit que, de son costé, elle fut extremement pressee; mais un jour cette
societé durera eternellement [160] s'il plaist a l'Eternel, et en attendant, demeurons tous bien unis
en son saint amour.
J'admire que monsieur N. se soit persuadé cette opinion, que l'on ne puisse pas communier
sans ouyr la Messe, car non seulement elle est sans rayson, mais elle est sans apparence de
rayson478. Puisque toutefois il faut que vous passies par la, multiplies tant plus les communions
spirituelles, que nul ne vous peut refuser. Dieu vous veut aussi sevrer, ma chere Niece, et vous
faire manger des viandes solides, c'est a dire des viandes dures, car de plus solides il n'y en a point
au Ciel ni en la terre que la sainte Communion; mais son refus, qui est plus dur a vostre ame qui
aspire a son saint amour, requiert aussi des desirs plus fortz.
Je vous escris sans loysir, ma chere Niece, ma Fille, et prie Nostre Seigneur qu'il soit tous-
jours vostre cœur. Je suis en luy entierement,
Vostre tres humble serviteur,
472 Cf. Luc., VI, 28.
473 Pour l'adresse et la date de cette lettre, cf. ci-après, Lettre DXXXIV, à la même destinataire.
474 Les témoignages d'affection quasi maternelle que Mme de Chantal prodiguait à Mlle de Bréchard avaient rendu celle-
ci un peu plus chère au saint Evêque; de là, le titre de «Niece» qu'il lui donne.
475 Jean de Bréchard, chevalier de l'Ordre du roi, seigneur de Vellerot et Saint-Pierre-en-Vaux, descendant d'une
famille très ancienne, avait épousé une demoiselle de Machecop, issue d'une vieille famille parlementaire de
Bourgogne. Dix enfants naquirent, mais les fils moururent et avec eux s'éteignit la branche des Bréchard de Bourgogne
qu'ils représentaient. Jean de Bréchard vécut jusqu'en 1617. En le quittant pour entrer à la Visitation, sa magnanime
fille Jeanne-Charlotte n'avait qu'un souci: le salut de son âme; à force de prières et de sacrifices, elle lui obtint la grâce
de mourir «enfant de l'Eglise.» (Cf. Les Vies de quatre des premières Mères, etc. (Paris, 1895), pp. 133, 134, 182.)
476 Ps. CXVIII, 109.
477 A cette date, Mlle de Bréchard était orpheline, mais on sait qu'elle avait trouvé une seconde mère dans la baronne
de Chantal. (Cf. note (263), p. 86.)
478 Cf. infra, p. 168.
130/329

14 Pages 131-140

▲back to top


14.1 Page 131

▲back to top


F. E.
DXXXII. A Madame de la Fléchère. La réponse de La Faye au
livre de la Croix ne vaut pas la peine d'une réplique. Zèle de
Mme de Mieudry pour la foi catholique. Messages. Quel
est le vrai esprit de Jésus.
Annecy, 23 mai 1609.
J'escrivis avant hier a cette bonne fille qui est a Geneve479 et luy donnay la permission qui
luy est requise pour l'usage des viandes. Quant au livre de la Croix, il est vray que le ministre La
Faye s'est essayé d'y respondre; mays il l'a fait d'une telle sorte que mes amis n'ont jamais voulu
que je prisse seulement la peyne de penser a repliquer, tant la response leur a semblé indigne, et
ont creu que mon livre fournissoit asses de defenses [161] contre ceux qui l'attaquent, sans que j'y
adjoustasse chose du monde480. Mais il n'est pas besoin d'escrire tout cela a Mme de Mioudry, que
je loue beaucoup du bon zele qu'elle a a la reduction de ces pauvres ames. J'ay sceu, il y a quelque
tems, le desir que celuy qu'elle nomme a de me rencontrer481; et certes, je ne l'ay pas moindre en
cela, esperant que s'il prestoit une fois l'oreille a la sainte parole, avec le bon jugement qu'il a et
moyennant la grace de Dieu, il pourroit voir la lumiere celeste.
Je croy bien que vous aves le cœur sujet aux secousses, ainsy que vous m'escrives; mais
vous verres que, moyennant la grace de Dieu, il s'affermira petit a petit.
Ce porteur m'a dit que monsieur vostre mary viendra demain icy et j'auray le bien de le
voir. Ma bonne cousine et la vostre482 seroit, ce me semble, bien accompaignee de cette vertueuse
damoyselle que je luy ay souhaittee, apres qu'elle mesme m'eut dit que vous luy en avies parlé;
car, connoissant cette ame-la, j'ay esperé que la réncontre seroit bonne. Je crois neanmoins que
malaysement pourra-elle sortir du lieu ou elle est.
Madame de Chantal se recommande bien fort a vous, ainsy qu'elle l'escrit par celle qui
l'avoit accompagnee483.
Tenes vostre cœur au large, et tous-jours tout remis a la Providence divine, soit pour les
grandes choses ou pour les petites, et procurés de plus en plus dans vostre cœur l'esprit de douceur
et de tranquillité, qui est le vray esprit de Jesus, qui veuille a jamais regner en nos cœurs.
F.
XXIII may 1609.
A Madame
Madame de la Flechere.
Revu sur une ancienne copie conservée à la Visitation de Turin. [162]
479 «Cette bonne fille» paraît être Mme de Mieudry, dont il est parlé à la page suivante. (Cf. ci-dessus, p. 120.)
480 Voir notre tome II, pp. XXII seq., et aussi pp. 296, 297 du tome XII.
481 Le Saint parle de la conversion d'un gentilhomme de marque, dans une lettre de décembre 1609. Il recommande,
le 31 mars 1610, un gentilhomme de Genève converti, Alexandre de Montcroissant. Ne s'agirait-il pas ici de ce même
personnage?
482 Très probablement Mme de Charmoisy.
483 Sans doute, Mlle de Bréchard.
131/329

14.2 Page 132

▲back to top


DXXXIII. A la Baronne de Chantal484. L'âme humaine et les
afflictions de cette vie. Une réflexion de saint Grégoire.
Une vraie chimère. L'esprit de foi et la douleur. Les
progrès d'un Saint dans l'oraison.
Annecy, 27 mai485 1609.
Voyci la troisiesme fois que je vous escris depuis vostre despart, ma chere Seur, ma Fille.
N. m'a bien dit de vos nouvelles et de celles de M.486, laquelle il m'a depeinte pour fort affligee;
mais je crois bien, c'estoit sa fille celle qui est morte. Helas! il faut avoir compassion a nos
miserables ames, lesquelles, tandis qu'elles sont en l'imbecillité de nos cors, sont si tres fort sujettes
a la vanité487. Comment est-il possible, disoit saint Gregoire a un Evesque, que les orages de la
terre esbranslent si fort ceux qui sont au Ciel488? S'ilz sont au Ciel, comme sont-ilz agités de ce qui
se passe en la terre? O Dieu, que cette leçon de la sainte constance est requise a ceux qui veulent
serieusement embrasser leur salut!
Il est vray que cette imaginaire insensibilité de ceux qui ne veulent pas souffrir qu'on soit
homme, m'a tous-jours semblé une vraye chimere; mais aussi, apres qu'on a rendu le tribut a cette
partie inferieure, il faut rendre [163] le devoir a la superieure, en laquelle sied, comme en son
throsne, l'esprit de la foy qui doit nous consoler en nos afflictions, ains nous consoler par nos
afflictions. Que bienheureux sont ceux lesquelz se res-jouissent d'estre affligés489 et qui
convertissent l'absynthe en miel!
Il ne faut pas que je vous die, ma chere Fille, combien affectionnement je vous recommande
a Nostre Seigneur, car c'est avec un cœur tout nouveau et qui va tous-jours s'aggrandissant de ce
costé-la. Je suys un peu plus a l'orayson qu'a l'ordinaire; car ne vous faut-il pas un peu parler de
mon ame qui est tant vostre? Graces a Dieu, j'ay un extreme desir d'estre tout a luy et de bien servir
son peuple.
A Dieu, ma chere Fille, que mon ame ayme et cherit incomparablement, absolument,
uniquement en Celuy qui, pour nous aymer et se rendre nostre amour, s'est rendu a la mort490. Vive
Jesus! vive Marie! Amen.
FRANÇS, E. de Geneve.
La veille de l'….. 1609.
484 L'édition de 1626 adresse cette lettre: A une Vefve, et s'il n'y a pas d'interpolation, la fin montre bien qu'elle a été
écrite à la baronne de Chantal.
485 La date: «veille de l'Assomption 1609» donnée par les mêmes éditeurs doit être fausse. Entre le 25 avril, jour où la
Baronne quitta Annecy, et le 14 août, le Saint dut certainement écrire plus de trois fois. «Veille de l'Assomption»
pourrait être une faute d'impression pour veille de l’Ascension.» Cette dernière date concorde très bien avec les
particularités de la lettre.
486 Rom., VIII, 20.
487 Il ne faut pas songer, étant donné le grand nombre des porteurs et des parents de la destinataire, à découvrir les
noms que cachent ces deux initiales.
488 Voici le texte de saint Grégoire le Grand (Epistolae, lib. XI, Epist. XLV, circa init.): Miror cur vos qui cor fixistis
in cœlo, verba hominum agitent in terra. La lettre n'est pas adressée à un Evêque, mais à Théoctiste, sœur de l'empereur
Maurice.
489 Cf. Matt., V, 5; II Cor., XII, 10.
490 Cf. Galat., II, 20; Ephes., V, 25.
132/329

14.3 Page 133

▲back to top


DXXXIV. A Mademoiselle de Bréchard. L'art de cheminer sur
la corde et «le baston de contrepoidz» pour marcher assurément
parmi les périls du monde. On ne peut jamais atteindre le
souverain degré de l'amour divin. Pourquoi Dieu nous a
donné notre cœur.
Annecy, [fin mai 1609491.]
Ma chere Niece,
Je vous escrivis l'autre jour492, mais mon cœur qui vous cherit tendrement, ne se peut
assouvir de vous en rendre [164] au moins ce foible tesmoignage de vous escrire le plus souvent
que je puis. Vivés toute en Nostre Seigneur, ma chere Fille; que ce soit l'eau dans laquelle vostre
cœur nage. Et comme ceux qui cheminent sur la corde tiennent tous-jours en leurs mains le baston
de contrepoidz, pour balancer leurs cors justement en la varieté des mouvemens qu'ilz ont a faire
sur un si dangereux plancher, vous deves aussi fermement tenir la sainte Croix de Nostre Seigneur,
affin de marcher asseurement parmi les perilz que la varieté des rencontres et conversations
pourront apporter a vos affections; en sorte que tous vos mouvemens soyent balancés au
contrepoidz de l'unique et tres aymable volonté de Celuy auquel vous aves voué tout vostre cors
et tout vostre cœur.493. . .
Et allés, chere Niece, je veux dire, chemines tous-jours courageusement de vertu en
vertu494, jusqu'à ce que vous ayes atteint le souverain degré de l'amour divin. Mais jamais vous ne
l'atteindres, puisque cet amour sacré n'est nomplus fini que son object, qui est la souveraine Bonté.
A Dieu, tres chere Niece, aymés-moy tous-jours constamment, en qualité de l'homme du
monde qui vous desire le plus de vrayes et solides consolations. Ouy, ma Fille, je vous souhaite
l'abondance de l'amour divin, qui est et sera eternellement l'unique bien de nos cœurs, qui ne nous
ont esté donnés que pour Celuy qui nous a donné tout le sien.
Je suys tres sincerement tout vostre, ma chere Niece, ma Fille.
FRANÇS, E. de Geneve. [165]
491 Les premiers éditeurs de cette lettre avaient inséré, après la troisième phrase, quelques lignes d'un billet envoyé à
Mlle de Bréchard le 16 novembre 1608. (Voir ci-dessus, pp. 86, 87, le texte et les notes.)
Les présentes recommandations de François de Sales semblent inspirées par les vicissitudes douloureuses
qui, en 1609 surtout, affligeaient la vie de la future Mère de Bréchard. Il n'est pas jusqu'à son vœu de chasteté, émis
en 1608 pendant la Messe du Saint, qui ne soit mentionné ici, au moins sous forme d'allusion. (Voir Les Vies de quatre
des premières Mères, etc. (Paris, 1892), pp. 164-168.)
Le rapport de tous ces faits avec la lettre semble justifier la destinataire et la date que nous lui attribuons.
492 Vide Ep. DXXXII.
493 Ps. LXXXIII, 8.
494 Cf. ci-dessus, note (266), p. 87, et voir note (67), p. 14.
133/329

14.4 Page 134

▲back to top


DXXXV. A la Présidente Brulart. L'Abbesse du Puits-d'Orbe
désire venir en Savoie; réserves que fait le Saint à propos de ce
projet de voyage. Il se dispose à sacrer l'Evêque de Belley.
Comment réparer «le manquement» de la méditation.
Pourquoi Dieu quelquefois empêche la méditation. Les
«vrayes continuelles oraysons» et «la pins dign' offrande.» La
sainte Communion en dehors de la sainte Messe. Faisons le
bien avant de mourir, mais toujours avec discrétion. Le bon
plaisir de Dieu meilleur que le nôtre.
Annecy, 30 mai 1609.
Je respons briefvement mais exactement a vostre lettre que le curé de Sessel495 m'a rendue.
Je voy l'esprit de nostre chere seur496, qui desire de venir faire un voyage et «s'en promet un grand
alegement. Encor faut-il un peu condescendre a cette pauvre fille, qui est vrayement bonne, quoy
qu'infirme; et pour cela je luy dirois volontier qu'elle vint, si je ne craignois l'inquietude et la
diversité de sentimens que messieurs vos parens en prendront. Il se peut neanmoins faire qu'ilz
l'auront aggreable; et si vous connoisses que ce soit tout a la bonne foy et simplement qu'ilz l'auront
aggreable, vous pourres fort librement luy donner courage de venir, et venir vous mesme, dans les
mesmes conditions. Je vay ainsy reservé en ce dessein, parce que je doute que les congés qu'ilz
accordent ne soyent pas donnés de bon cœur, et la dessus se disent mille choses.
Or, quand elle se resoudra de venir, il faut que ce soit sans bruit et tout simplement, comme
pour venir a Saint Trivier et a Saint Claude, et vous aussi, et la bonne madamoyselle de Puligni497
aussi, si ell'est de la trouppe, [166] affin d'eviter les curiosités de ceux qui voudront tout enquerir.
Et si, il ne faut pas que ce soit si tost, par ce que nous avons un peu de soupçon de guerre498, qui
s'evacuera, et que Monsieur le Duc de Nemours doit passer icy pour quelques jours, pendant
lesquelz je ne pourray pas l'abandonner499. Si que, si vous prenes resolution, il faudra prendre le
tems un peu bien avant, vers le moys d'aoust, sur la fin, ou sur le commencement de septembre;
car quant au moys de julliet, je seray hors d'ici, et si, il me faudra aller consacrer un digne Evesque
que nous avons a Beley, action laquelle, bien qu'elle soit courte, si est ce qu'elle me tient en suspens
par ce que je ne sçai pas le tems precisement.
Au demeurant, croyes que j'auray bien de la consolation si je vous puis voir entre nos
montaignes, qui sont toutes en fort bon air, 500et nous vous gouvernerons toutes avec du loysir,
Dieu aydant. En un mot, prenes garde que vos congés soyent donnés franchement, et cela estant,
ce me sera un grand contentement de vous voir un peu parmi nous, quoy que vous n'y seres
495 A cette époque, et depuis 1572, le service de cette cure était à la charge des chanoines de l'église cathédrale de
Saint-Pierre de Genève. Le Chapitre la faisait desservir par un vicaire, ordinairement appelé curé de Seyssel, d'où la
âifficulté de connaître son nom. (Voir ci-dessus, note (87), p. 25.)
496 L'Abbesse du Puits-d'Orbe (cf. ci-dessus, p. 159).
497 «Madamoyselle de Puligni» est vraisemblablement la propre sœur de présidente Brûlart, c'est-à-dire Madeleine
Bouigeois, veuve de Palamède Jaquot, seigneur de Puligny. (Cf. le tome précédent, note (264), p. 87.) L'appellation
de «Mlle Jaquot» que lui donne ordinairement le Saint, ne contredit pas absolument notre conjecture.
498 Ce «soupçon de guerre» provenait sans doute des représailles de Genève contre l'entreprise malheureuse du sieur
du Terrail. (Cf. Journal d'Esaïe Colladon, Genève, 1885.) On trouve un écho de cette alarme dans les Délibérations
municipales d'Annecy; en effet, on lit dans le Registre, à la date du 6 juin 1609: «Pour le bruict de guerre qui court...
la ville ordonne que l'on continuera la garde avec les rondes ordinaires, » etc.
499 Le duc de Nemours, étant tombé malade, ne vint qu'en septembre.
500 Cette fin de phrase a été supprimée par les premiers éditeurs et ceux qui ont suivi. Les ... laissés au milieu de la
phrase suivante tiennent la place d'un mot biffé, illisible. Ce n'est pas le Saint qui l'a effacé.
134/329

14.5 Page 135

▲back to top


nullement bien traittees... encor que nous voulussions; mais vous seres receues par certaine sorte
de cœur (sic) qui ne sont pas vulgaires.
Quant a la meditation, les medecins ont rayson: tandis que vous estes infirme, il s'en faut
sevrer. Et pour reparer ce manquement, il faut que vous facies au double des oraysons jaculatoires,
et que vous appliquies le tout a Dieu par un acquiescement entier a son bon playsir qui [167] vous
separe aucunement de luy, vous donnant cet empeschement la a la meditation; mais cet (sic) pour,
vous unir plus solidement a luy par l'exercice, de la sainte et tranquille resignation. Que nous
importe-il que nous soyons avec Dieu ou d'une façon ou d'autre? En verité, puisque nous ne
cherchons que luy et que nous ne le treuvons pas moins en la mortification qu'en l'orayson, sur
tout quand il nous touche de maladie, il nous doit estre aussi bon de l'un que de l'autre; outre que
les oraysons jaculatoires, les eslancemens de nostr'esprit sont des vrayes continuelles oraysons, et
la souffrance des maux est la plus dign'offrande que nous puissions faire a Celuy qui nous a sauvés
en souffrant. Faites vous lire quelque bon livre parfois, car encor cela supplee.
Quant a la Communion, continues tous-jours, et il est vray que je vous ay dit quil n'estoit
nul besoin d'ouir la Messe pour se communier les jours ouvriers501, ni mesme les jours de feste,
quand on en a ouy une devant ou qu'on en peut ouir un'apres, quoy qu'entre deux on face beaucoup
d'autres choses: cela est vray.
Pour le legat, sur l'apprehension de vostre mort, vous le pourres bien faire, mais il faut que
ce soit avec moderation, en telle sorte que cela ne soit pas a trop grande charge aux vostres, car
vous leur donneries sujet de refuser, ou de murmurer et se troubler. Je vous dis comme saint
Paul502: Faysons bien tandis que nous en avons le tems, mais tous-jours avec moderation. Ne vous
inquietes point de ne pouvoir pas servir Dieu selon vostre goust, car en bien vous accommodant a
vos incommodités vous le servires selon le sien, qui est bien meilleur que le vostre. Qu'a jamais
soit il beni et glorifié.
Vive Jesus! et je suis en luy, d'un cœur tres fidelle, tout entierement vostre.
F.
XXX may 1609.
Je salue bien humblement le bon P. Gentil.
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Reims.
DXXXVI. A la Baronne de Chantal. Quelques-unes des «mille
douces pensees» du saint Evêque pendant qu'il portait le Saint-
Sacrement. Le pectoral de l'ancienne Loi et l'ostensoir
eucharistique. Effusions de piété. Nouvelles et messages.
Annecy, 18 juin 1609.
Mon Dieu, que mon cœur est plein de choses pour vous dire, ma Fille tres uniquement
chere, car c'est aujourdhuy le jour de la grande feste de l'Eglise503, en laquelle portant le Sauveur
a la procession, il m'a, de sa grace, donné mille douces pensees emmi lesquelles j'ay eu peyne de
reprimer les larmes. O Dieu, je mettois en comparayson le grand Prestre de l'ancienne Loy avec
moy, et considerois que ce grand Prestre portoit un riche pectoral sur sa poitrine, orné de douze
pierres pretieuses, et en iceluy se voyoyent les noms des douze tribus des enfans d'Israel504. Mais
501 Cf. supra, p. 161.
502 Galat., ult., 10.
503 En 1609, la «grande feste» dont il est parlé ici, tombait le 18 juin. Le contenu de la lettre justifie cette même date.
504 Exod., XXVIII, 15-21, 29.
135/329

14.6 Page 136

▲back to top


je treuvois mon pectoral bien plus riche, encor quil ne fut composé que d'une seule pierre, qui est
la perle orientale que la Mere perle conceut en ses entrailles chastes, de la benite rosee du ciel505;
car voyes vous, je tenois ce divin Sacrement bien serré sur ma poitrine, et m'estoit advis que les
noms des enfans d'Israel estoit (sic) tous marqués en iceluy. Ouy, et le nom des filles specialement,
et le nom de l'une encor plus.
L'espervier et le passereau de saint Joseph me revenoyent en l'esprit; et me sembloit que
j'estois chevalier de l'ordre de Dieu, portant sur ma poitrine le mesme Filz qui vit eternellement en
la sienne. Ah! que j'eusse bien voulu que mon cœur se fut ouvert pour recevoir ce pretieux Sauveur,
comme fit celuy du gentilhomme duquel je vous fis le conte506; mais helas! je n'avois pas le couteau
quil failloit pour le fendre, car il ne se fendit que par [169] l'amour. Si ay-je bien pourtant eu des
grans desirs de cet amour, mais je dis pour nostre cœur indivisible.
Voyla ce que je vous puis dire507 maintenant, a ce retour de vostre cher et brave neveu508,
qui a esté si courtoys que d'arrester volontier ces quattr'ou cinq jours avec nous. Il a, a mon advis,
beaucoup de l'air de Monsieur l'Archevesque son oncle509, non seulement au visage mais encor en
l'esprit. Je n'ay pas reveu vos lettres pour faire celleci, car j'attens au depart de vostre filz510, quil
espere faire mardi prochain.
Bonsoir, ma tres chere Fille, vives toute en Dieu et pour Dieu. Je suis en luy infiniment
tout vostre. 511La chere seur512 fait tous-jours bien, et Te reste aussi. Vive Jesus! Amen.
Je salue bien humblement monsieur de Chantal et luy souhaite tout bonheur et felicité. Et
ma petite fille513, encor faut-il que je luy envoie un petit bayser d'amourette, puis qu'elle se fie en
moy; que sil estoit mal fait, je le luy donnerois pas. Je luy escriray, Dieu aydant, quand son [170]
futur l'ira voir, et a ma chere niece514 aussi. J'escris sans loysir et tout empressement, car en ces
grans jours vous sçaves comme je suis. O ma Fille, mon cœur est plus vostre que mien; a jamais
Nostre Seigneur y regne. Amen.
A Madame
Madame la Baronne de Chantal, m. f. (ma fille.)
Revu sur l'Autographe appartenant à M. le vicomte Le Rebours, à Paris.
505 Isaiae, XLV, 8.
506 Vide Tr. de l'Am. de Dieu, 1. VII, c. XII (tom. V huj. Edit., p. 48).
507 La suite de cet alinéa est inédite.
508 La sœur de Mme de Chantal, Marguerite Frémyot, mariée en 1587 à Jean-Jacques de Neufchèzes, baron d'Effrans
ou des Francs, et décédée le 19 mai 1593, laissa plusieurs enfants, parmi lesquels Bénigne et Jacques. Le premier,
connu sous le nom de baron des Francs, seigneur de Brain et de Bussy, mourut sans postérité en 1629, au siège d'Aleth,
après de brillants services dans les armées de Louis XIII.
Jacques, né le 25 octobre 1591, avait été élevé avec son frère, dans la piété et l'amour de l'étude, par le savant
Claude Robert. (Voir le tome précédent, note (1020), p. 379.) Il embrassa l'état ecclésiastique; son oncle l'Archevêque
de Bourges, le fit grand vicaire et chancelier de son Eglise, et en 1624, le 29 décembre, il le sacrait évêque de Chalon-
sur-Saône. Mgr de Neufchèzes se montra pendant trente-trois ans l'ami des pauvres, le protecteur des Réguliers, fut
député aux Assemblées du clergé en 1625 et en 1645, et mourut le 1er mai 1658. Il a vait été abbé de l'arennes, de
Saint-Etienne de Dijon, de Ferrières, etc. Sainte Jeanne de Chantal aima beaucoup l'Evêque de Chalon; fréquemment,
dans ses lettres, elle encourage et loue son zèle, tout en reprenant avec une délicatesse de mère un certain goût
d'opulence et de splendeur. Cette préférence d'affectioa fait croire que c'est de lui qu'il est fait mention ici.
509 André Frémyot.
510 Bernard de Sales.
511 La fin de la lettre est inédite. Les premiers éditeurs avaient substitué aux passages inédits un fragment étranger.
512 Probablement, Mme de Cornillon, sœur du Saint.
513 Marie-Aimée.
514 Mlle de Bréchard (cf. ci-dessus, note (473), p. 160).
136/329

14.7 Page 137

▲back to top


DXXXVII. A Madame de Cornillon, sa sœur. L'amitié d'un
Saint pour sa sœur. — Ecercice recommandé pour s'avancer en
l'amour de Dieu. Quand les affaires réussissent-elles plus à
souhait. Pourquoi Mme de Cornillon paraît à son frère plus
digne d'affection.
Annecy, 30 juin 1609515.
Ma chere Seur, ma Fille,
Je suis marry que je n'ay plus tost receu la salutation que maistre Constantin516 m'avoit
apporté de vostre part; car j'eusse eu plus de loysir de vous escrire selon mon cœur, qui est si plein
d'affection pour vous et vous cherit si fort qu'il ne peut se contenter de vous entretenir pour un peu.
Je vis avec beaucoup de contentement de sçavoir que vostre ame est toute dediee a l'amour
de Dieu, auquel vous pretendes de vous avancer petit a petit, par toutes sortes de saintz exercices.
Mais je vous recommande tous-jours plus que tout, celuy de la sainte douceur et suavité [171] es
rencontres que cette vie vous presente sans doute souventesfois. Demeurés tranquille et toute
amiable avec Nostre Seigneur sur vostre cœur. Que vous seres heureuse, tres chere Seur, ma Fille,
si vous continues a vous tenir a la main de sa divine Majesté, entre le soin et le train de vos affaires,
lesquelles reussiront bien plus a souhait quand Dieu vous y assistera; et la moindre consolation
que vous en aures sera meilleure que les plus grandes de celles que vous pourries avoir de la terre.
Ouy, ma chere Fille, ma Seur, que je vous ayme, et plus que vous ne sçauries croire; mais
principalement des que j'ay veu en vostre ame ce digne et honnorable desir de vouloir aymer Nostre
Seigneur avec toute fidelité et sincerité; a quoy je vous conjure de perseverer constamment, et de
m'aymer tous-jours bien entierement, puisque je suis, d'un cœur tout entier et fidelle,
Vostre humble frere et tres affectionné serviteur,
FRANÇS, E. de Geneve.
Le 30 juin.
515 Les éditeurs de 1626 donnent date du 30 juin; Vivès indique, mais sans preuve, 1612. Or, d'après son contenu, la
lettre semble faire suite à celle du 15 mai 1609.
516 Parmi les nombreux contemporains qui portaient ce nom, il est difficile de savoir celui dont il est parlé ici. Serait-
ce «Maistre André Constantin» qu'on voit figurer plusieurs fois, avec sa femme Charlotte Cellier, dans les Registres
paroissiaux de La Roche? C'est dans cette ville que résidaient, au moins temporairement, les beaux-parents de la
destinataire et que celle-ci mourut.
137/329

14.8 Page 138

▲back to top


DXXXVIII. Au Père Claude-Louis-Nicolas de Quoex, Prieur du
Monastère de Talloires517. La réforme dans un monastère
demande une grande longanimité dans l'exécution et un cœur
généreux. L'exemple de Notre-Seigneur. Les exercices de
piété; l'habit, le mobilier, etc.; la «composition exterieure» et
son importance dans une Communauté. Conditions du
succès.
Annecy, 10 juillet 1609.
Monsieur,
Puisque Dieu a choisi un nombre de personnes fort petit, et encor des moindres de la
Mayson en aage et [172] en credit, il faut que le tout s'entreprenne avec une tres grande humilité
et simplicité, sans que ce petit nombre face semblant de vouloir reprendre ou censurer les autres
par paroles ni par gestes exterieurs; ains que simplement il les edifie par bon exemple et
conversation518.
Le commencement estant si petit, il faut avoir une grande longanimité a la poursuitte, et se
resouvenir que [173] Nostre Seigneur, apres trente-trois ans, ne laissa que six vingtz disciples bien
assemblés, entre lesquelz il y en eut encores beaucoup de discoles. La palme, reyne des arbres, ne
produit son fruit que cent ans apres qu'elle est plantee. Il convient donq estre doué d'un cœur
genereux et de longue haleyne en un œuvre de si grande importance. Dieu a fait des reformations
par des moindres commencemens, et ne faut rien moins pretendre qu'a la perfection.
517 Claude-Louis-Nicolas de Quoex, né à Talloires vers 1574, de noble Jean-Ennemond de Quoex et de noble Jeanne
Delaval, descendait d'une famille attachée au prieuré par les offices séculiers qu'elle y remplissait. Après 1590, il prit
l'habit dans l'abbaye royale bénédictine de Saint-Martin de Savigny, diocèse de Lyon. Mais François de Sales, qui
voulait réformer Talloires, avait jeté les yeux sur son jeune ami pour en faire l'instrument de son dessein. Il le persuada
de venir s'y fixer. Ordonné prêtre par le Saint lui-même, le 18 février 1606, Religieux profès (25 novembre 1610), élu
prieur de l'abbaye (juin 1609), il exerça cette charge jusqu'en 1623, et se retira avec un Religieux pour compagnon,
nommé Pierre, dans la pittoresque solitude de Saint-Germain, où jadis François de Sales avait rêvé de finir sa vie. Il
mourut le 14 janvier 1660 et fut enseveli dans le cloître de Talloires.
Le pieux ermite de Saint-Germain avait connu de près pendant vingt-quatre ans le Saint, qui véritablement
l'aimait d'un amour paternel. Aussi appartient-il au groupe des contemporains privilégiés qui furent admis dans son
intimité. Les deux dépositions qu'il a laissées en 1627 et en 1656 sont d'un remarquable intérêt, la dernière surtout; il
y règne en effet un ton de conviction admirative, un accent ému qui la rendent touchante. Ces pages, écrites dans une
belle langue latine, prennent même un air vénérable, quand on songe que l'humble moine était un vieillard de quatre-
vingt-deux ans.
518 Le prieuré de Talloires (cf. tome XII, note (551), p. 241), «lieu à la verité grandement propre pour la vie religieuse
et que la nature a rendu tres-aymable, » (Charles-Auguste, Histoire, etc., liv. VII) fut pendant des siècles un foyer de
ferveur monastique qui abrita de vrais saints. Là, comme ailleurs, le règne abusif des abbes commendataires amena le
relâchement et la ruine de la piété. Claude de Granier, Ange Giustiniani travaillèrent en vain à restaurer la régularité
déchue. Cette rude tâche devait échoir à François de Sales. Muni des pouvoirs du Saint-Siège et de l'agrément de
l'Abbé de Savigny, dont Talloires dépendait, l'Evêque de Genève se rendit au monastère (1609) et fit procéder à
l'élection d'un prieur claustral, malgré l'opposition de quelques Religieux. Claude-Louis-Nicolas de Quoex ayant été
élu, les opposants descendirent aux pires violences. Le prestige du Saint, sa prudente fermeté eurent bientôt raison de
ces fanatiques; ils durent se retirer et il ne resta dans le monastère que les Religieux sincèrement désireux de
l'observance. C'est pour éclairer le nouveau prieur sur la conduite du petit troupeau demeuré fidèle, que François de
Sales lui adressa les présentes instructions. Jusqu'à sa mort, le Saint entretint l'ardeur des convertis par des visites
annuelles. Plus d'une fois il dut s'entremettre, tant auprès du Pape qu'auprès du duc, pour garantir la tranquillité des
Religieux, menacée de temps à autre par les abbés commendataires ou par les moines non réformés. Il songea un
moment à introduire les Feuillants dans le prieuré. Celui-ci fut détaché par le Saint-Siège de l'abbaye de Savigny
(juillet 1624), institué par Urbain VIII, chef d'ordre de la Congrégation des Bénédictins de Savoie, ou Congrégation
des Allobroges, et uni plus tard par Clément X, à la Congrégation du Mont-Cassin. L'abbaye de Talloires subsista
jusqu'à la grande Révolution.
138/329

14.9 Page 139

▲back to top


Et pour venir au particulier, mon advis est que toute vostre sainte brigade soit soigneuse de
se communier devotement, a tout le moins une fois chaque semaine. Qu'on luy apprenne de bien
et deuement examiner sa conscience tous les soirs; qu'on luy monstre a faire convenablement
l'orayson mentale, selon la disposition des sujetz; sur tout qu'on luy enseigne a obeir au directeur
tres volontairement, tres fermement et tres continuellement.
Quant a l'habit, je ne pense pas qu'il soit a propos de le changer qu'apres que l'annee sera
expiree; bien desirerois-je qu'il fust en tout le plus uniforme que faire se pourra, tant en sa forme
qu'en sa matiere, et que le froc fust large, a la façon des Benedictins reformés. Il me semble qu'on
doit garder la chemise pour l'honnesteté, pourveu toutefois que le collet ne soit pas immoderement
estendu, ains fort sobrement et d'une mesme maniere. Chacun aussi portera la ceinture et le bonnet
de mesme façon, et le tout bien proprement.
Pour le regard des litz, plus ilz seront simples, plus aussi seront ilz a propos. Que chacun
ayt le sien, et qu'ilz soyent tellement disposés, qu'en se couchant ou levant on ne se voye point les
uns les autres, affin que les yeux mesmes soyent mondes et netz.
J'appreuverois fort que ceux qui portent barbe fussent bien rasés a la teste et au menton,
selon les anciennes coustumes des Benedictins; et que, tant qu'il sera possible, on n'allast plus seul
a seul, ains tous-jours avec un compaignon.
Il sera expedient qu'aux divins Offices le petit troupeau entre, demeure et sorte
ensemblement, avec mesme [174] contenance et ceremonie, d'autant que la composition
exterieure, soit aux Offices, soit a table, soit en public, est un puissant motif pour beaucoup de
bien.
A ce commencement, il n'est pas necessaire d'adjouster aucune abstinence a celle des
vendredis et des samedis, sinon celle des mercredis, selon la vielle coustume et mitigation observee
au Monastere.
Voyla mon petit advis pour ce commencement. La fin pretenduë sera bien autre chose,
Dieu aydant: car, comme vous sçaves,519 primum in intentione est ultimum in executione. Mais
pour bien servir en cette besoigne, il faut avoir un courage inexpugnable et attendre520 fructum in
patientia521. Je sçay et voy vostre Regle qui dit merveilles; il n'est pas pourtant expedient de passer
d'une extremité a l'autre sans milieu.
Plantés bien avant, Monsieur, cette affection dans vostre cœur, de restablir522 muros
Hierusalem523: Dieu vous assistera de sa main. Sur tout prenes garde d'user de lait et de miel524,
parce que les viandes solides ne pourroyent pas encor estre maschees par les foibles dens des
invités525.
A Dieu, et ayés bon courage d'estre l'un de ceux526 per quos salus fiet in Israel527.
Vostre confrere et serviteur affectionné
en Nostre Seigneur,
FRANÇS, E. de Geneve.
D'Annessy, ce 10 julliet 1609. [175]
519 la première chose en l'intention est la dernière en l'exécution.
520 le fruit dans la patience.
521 Luc., VIII, 15.
522 les murs de Jérusalem.
523 I Mac., XII, 36.
524 Cf. Cant., IV, 11.
525 Cf. I Cor., III, 2.
526 par lesquels le salut sera fait en Israël.
527 I Mac., V, 62.
139/329

14.10 Page 140

▲back to top


DXXXIX. A M. Claude de Charmoisy. M. de Charmoisy
s'apprête à quitter Turin, Un «ennemi juré des cours.» Le
Saint se réjouit à l'espoir de posséder son ami avec plus de loisir.
Annecy, [vers mi-juillet] 1609528.
Monsieur mon Cousin,
Pressé par le sieur Pergod529 de vous representer la priere qu'il vous a ci devant faitte, je
n'ay sceu refuser, bien que, de vostre grace, monsieur de Vallon530 m'aye communiqué vos affaires,
lesquelles, comme je croy, ne vous permettront pas d'embrasser pour le present celleci.
Je n'ay encor point veu madame vostre digne compaigne et ma chere cousine despuis ses
(sic) dernieres nouvelles; je croy neanmoins qu'ell'en est trop plus contente, pour l'espoir qu'ell' en
aura de jouir plus pleynement et entierement de vostre douce presence. Pour moy, qui suis ennemi
juré des cours, j'appreuve tout ce que Dieu dispose, comme le meilleur, et me res-jouis de l'honneur
que nous aurons de vous posseder avec plus de loysir531, et tirer les fruitz aggreables de vostre
conversation et [176] de l'amitié sincere que vous portes a celuy qui vous cherit, respecte et
honnore d'un cœur tres fidelle, et qui est,
Monsieur mon Cousin,
Vostre humble cousin et serviteur,
FRANÇS, E. de Geneve.
A Monsieur mon Cousin,
Monsieur de Charmoysi, Seigr de Marclaz, Villi, etc.
Revu sur l'Autographe appartenant à Mlle Vuÿ, à Carouge (Genève).
528 D'après la lettre, le destinataire était à la veille de rentrer à Annecy; il s'y trouvait le 1cr août 1609. (Délib. municip.
d'Annecy.) Ces données justifient la date.
529 Le «sieur Pergod» est sans doute l'avocat Noël-Hugon dont la note a été donnée au tome XIII, p. 197. Il est difficile
de savoir si la «priere» que faisait celui-ci à M. de Charmoisy était l'offre ou la demande d'un service.
530 Jacques de Gex, seigneur de Vallon (voir ci-dessus, note (42), p. 3).
531 M. de Charmoisy après avoir servi pendant près de quinze ans le duc de Nemours, cessait maintenant de lui plaire.
Celui-ci, mal conseillé par des envieux, trouvait que le gentilhomme avait trop d'indépendance, qu'il avait plus
d'affection au duc de Savoie qu'à lui-même et qu'il faisait avant tout le service de Charles-Emmanuel. (Lettre de des
Hayes à M. de Charmoisy, 23 juin 1609.) On verra par la lettre du commencement d'août 1609 que saint François de
Sales n'abandonna pas son ami dans cette délicate épreuve.
140/329

15 Pages 141-150

▲back to top


15.1 Page 141

▲back to top


DXL. A la Baronne de Chantal. La quatrième chose tout à fait
ignorée de Salomon. L'ange gardien de Celse-Bénigne.
L'unique ambition d'un Saint. L'Evêque de Genève trouve
son âme «un peu plus a» son «gré que l'ordinaire,» et pourquoi.
Ce qu'il veut, d'une volonté inviolable. Le gui et les
imperfections involontaires.
Annecy, 14 juillet [1609532].
Cette fause estime de nous mesmes, ma chere Fille, est tellement favorisee par l'amour
propre, que la rayson ne peut rien contre elle. Helas! c'est la quatriesme chose difficile a Salomon,
et laquelle il dit533 luy avoir esté inconneuë, que le chemin de l'homme en sa jeunesse. Dieu donne
a monsieur N.534 beaucoup de grace d'avoir monsieur son grand pere qui veille sur luy. Que
longuement puisse il jouir de ce bonheur!
O ma Fille, croyés que mon cœur attend le jour de vostre consolation avec autant d'ardeur
que le vostre. Mais attendés, ma tres chere Seur, attendés, dis je, en [177] attendant, affin que
j'insere535 des paroles de l'Escriture536. Or, attendre en attendant, c'est de ne s'inquieter point en
attendant; car il y en a plusieurs qui en attendant n'attendent pas, mais se troublent et s'empressent.
Nous ferons prou, chere Fille, Dieu aydant. Et tout plein de petites traverses et secrettes
contradictions qui sont survenues a ma tranquillité, me donnent une si douce et suave tranquillité
que rien plus, et me presagent, ce me semble, le prochain establissement de mon ame en son Dieu,
qui est certes, non seulement la grande, mais, a mon advis, l'unique ambition et passion de mon
cœur. Et quand je dis de mon ame, je dis de toute mon ame, y comprenant celle que Dieu luy a
conjointe inseparablement.
Et puisque je suis sur le propos de mon ame, je vous en veux donner cette bonne nouvelle:
c'est que je fay et feray ce que vous m'aves demandé pour elle, n'en doutes point; et vous remercie
du zele que vous aves pour son bien, qui est indivis avec celuy de la vostre, si vostre et mien se
peut dire entre nous pour ce regard. Je vous diray plus: c'est que je la treuve un peu plus a mon gré
que l'ordinaire, pour n'y voir plus rien qui la tienne attachee a ce monde et plus sensible aux biens
eternelz. Que si j'estois aussi vivement et fortement joint a Dieu comme je suis absolument disjoint
et aliené du monde, mon cher Sauveur, que je serois heureux, et vous, ma Fille, que vous series
contente! Mais je parle pour l'interieur et pour mon sentiment; car mon exterieur, et, ce qui est le
pis, mes deportemens sont pleins d'une grande varieté d'imperfections contraires, et le bien que je
veux, je ne le fay pas537; mais je sçay pourtant bien qu'en verité et sans feintise je le veux, et d'une
volonté inviolable. Mais, ma Fille, comment donques se peut il faire que sur une telle volonté tant
d'imperfections paroissent et naissent en moy? Non certes, ce n'est pas de ma volonté ni par ma
volonté, quoy qu'en ma volonté et sur ma volonté. C'est, ce me semble, comme le guy, qui croist
et paroist sur un [178] arbre et en un arbre, bien que non pas de l'arbre ni par l'arbre. O Dieu,
pourquoy vous dis-je tout ceci, sinon parce que mon cœur se met tous-jours au large et s'espanche
sans borne quand il est avec le vostre?
Si vous demeuries de dela, je serois bien ayse d'entreprendre le service que le Reverend
Pere N. desire de moy pour cette dame; mais cela n'estant point, il me semble qu'un autre qu'elle
532 Les faits et le contenu de la lettre contredisent la date de 1615 que lui ont donnée les anciens éditeurs et
s'harmonisent mieux avec celle que nous lui attribuons. (Voir plus haut, note (67), p. 14.)
533 Prov., XXX, 18, 19.
534 Celse-Bénigne sans doute, objet des sollicitudes de son grand-père, M. Frémyot.
535 A partir de Hérissant (1758), on a imprimé: je me serve.
536 Ps. XXXIX, 1.
537 Rom., VII, 15.
141/329

15.2 Page 142

▲back to top


aura moyen de voir plus souvent, se rendra plus utile a ce bon œuvre. Et moy, cependant, je prieray
Nostre Seigneur pour elle, car sur les bonnes nouvelles que vous m'en donnes, je commence a
l'aymer tendrement, la pauvre femme. Helas, quelle consolation de voir reverdir cette pauvre ame,
apres un si dur, si long et si aspre hiver!
Je vous suis ce que Dieu sçait. Amen.
FRANÇS, E. de Geneve.
Le 14 julliet...
DXLI. A M. Antoine Bellot538 (Minute inédite). Les conditions
de la conférence contradictoire proposée par les Genevois sont
acceptées par le Saint. Celui-ci désire y apporter non un
esprit de contention, mais de bonne foi; entre les difficultés, il
faut choisir les plus importantes et les éplucher. Une dernière
garantie à prendre.
Annecy, [juillet-août] 1609539.
Monsieur,
N'ayant eu nul advis de vous sur le sujet de la conference de laquelle vous m'escrives,
despuis la premiere [179] fois que vous pristes la peyne de m'en venir parler, j'en avois laissé le
soin, bien que non pas la memoire. Mais puisque, comme vous m'advertisses, ces Messieurs de
l'autre costé ont fait choix de celuy qui parlera pour leur pretendue religion, nommé le lieu et
marqué la Version qu'eux desirent employer a cet effect, il m'est advis que c'est a bon escient qu'ilz
traittent; et en cette persuasion, je vous diray que j'accepte tres volontiers que ladite conference se
fasse dedans la ville de Geneve et que ce soit a la Version de la Bible imprimee a Anvers540, a
laquelle nous nous arrestions.
538 Noble Antoine Bellot, conseiller du roi, surintendant des tailles pour le roi en Bugey, avait aussi le titre d'«Esleu
en Beugey, Valromey et Gex.» (R. E.) Avant la Révolution, on donnait ce nom au magistrat chargé de répartir la taille
entre les subdivisions d'une circonscription financière, appelée élection.
Comme le destinataire résidait aux portes de Genève, il lui était facile d'avoir un écho de ce qui se passait
dans la ville.
539 La date de cette lettre se déduit des particularités suivantes: Le Saint, dans une lettre au P. de Bonivard (17 août
1609), s'intéresse de très près à l'organisation d'une conférence contradictoire avec les ministres de Genève, laquelle
échoua, mais qui alors semblait prochaine. Les dispositions qu'il conseille au Jésuite de prendre semblent le résultat
et comme la conclusion de réflexions et de dispositions antérieures. Or, c'est de celles-ci que la présente lettre paraît
être l'expression; les deux lettres se suivraient donc, ayant trait à une même affaire. Cette conjecture, que suggère la
comparaison des deux pièces, est d'ailleurs fortement autorisée par le témoignage de Charles-Auguste (Histoire, etc.,
liv. VII), qui résume visiblement, en les fondant en un seul récit, les considérations essentielles des deux lettres.
540 On entend par Bibles d'Anvers les diverses éditions du texte et de la Version latine des Livres Saints imprimés par
Plantin. Le texte hébreux (A. T.) et grec (N. T.) figurait dans sa Polyglotte, «cura et studio» d'Arias Montanus, en huit
volumes in-folio, sous le titre suivant: Biblia sacra, Regia, sive Antuerpiensia dicta, hebraice, chaldaice, graece et
latine, Philippi II, Regis Catholici, pietate ac studio ad sacrosanctum Ecclesiae usum, cum Praefatione Benedicti
Ariae Montant et apparatu, Christophorus Plantinus excudebat Antuerpiae, ab anno 1569 ad annum 1572. Cette Bible
est connue sous le nom de Bible royale ou Polyglotte d'Anvers.
La Version latine, dite Vulgate, avait paru dans la Biblia latina. Cette œuvre in-folio, soignée d'abord par
Henten, O. P., puis par Luc de Bruges, eut vingt-six éditions de 1547 à 1594. L'édition Vulgate officielle actuelle, dite
Clémentine, ne fut publiée qu'en 1592.
C'est surtout à la Biblia latina que saint François de Sales fait allusion. Evidemment, les ministres protestants
donnaient la préférence aux éditions des textes d'Erasme, Bèze, R. Estienne et aux Versions en toutes langues faites
par des réformés. Cependant, pour partir d'un terrain commun, ils devaient dans les controverses admettre les Bibles
d'Anvers, d'un mérite reconnu et qui n'avaient pas de caractère officiel comme la Bible papale.
142/329

15.3 Page 143

▲back to top


Mais quant a la modestie, outre ce qu'en tous lieux nous en voulons tous-jours observer
estroittement les lois, la consideration du lieu ou nous serons nous y conviera asses, et nos parties,
a ne se point desfier de nous. Il ne reste donq, ce me semble, sinon a nous bien entendre [180] sur
la fin et le but de cette action. Et pour moy je proteste que je ne m'y porteray point avec esprit de
contention, car je ne l'ay point, ni pour y faire paroistre aucune suffisance aux sciences, car je n'en
fay nulle profession, mais simplement et tout a la bonne foy pour l'esclarcissement de la sainte
verité.
Et a cette intention, je desire que nous ne [nous] employons qu'a l'examen du fond des
difficultés, et qu'on choisisse entre icelles les plus importantes pour les esplucher par les moyens
desquelz auparavant il sera requis que nous convenions ensemble; a quoy, de mon costé,
j'apporteray toute la franchise et facilité que je pourray, apres que vous m'aures adverti de la
reciproque volonté de ces Messieurs pour ce particulier.
Ce pendant, je supplie Nostre Seigneur qu'il soit luy mesme le commencement,
l'advancement et la fin de ce dessein et de toutes nos actions541, et je suis,
Monsieur,
Vostre bien humble serviteur,
FRANÇS, E. de Geneve.
A Monsieur l'Esleu Belot, a Belley,
Surintendant des tailles pour le Roy
riere la province du Beugey.
Revu sur le texte inséré dans le Ier Procès de Canonisation. [181]
DXLII. A M. Antoine des Hayes. Remerciements du Saint à son
«arch'intime» qui voulait le faire venir à Paris. Les
obédiences qui entravent sa liberté. Invitation pour l'année
1611 à prêcher dans la chaire de Saint-Gervais; hésitations de
François de Sales pour accepter l'intervention de Henri IV.
Nouvelles de M. de Charmoisy et de sa rupture avec le duc de
Nemours. Le Saint désire rétablir le mari de Philothée. Un
projet de pèlerinage à la Sainte-Baume. Mme de Maignelais.
La deuxième édition de l'Introduction.
Annecy, [commencement d'août] 1609542.
Monsieur,
Puisque je sçai que vous croyés la verité que je vous ay si souvent juree d'estre tres
absolument et invariablement vostre par inclination, par election et par un extreme amour, je ne
vous feray point d'excuse du long tems que j'ay mis a vous escrire, car je suis asseuré que vous ne
l'interpreterés nullement en mauvaise part. Laissant donq en arriere toute sorte de praefaces, je
vous remercie humblement du soin que vous avés d'acheminer le dessein de me faire jouir encor
541 Cf. Orat. penult. ad calc. Litan. omn. Sanot.
542 La nouvelle de l'arrivée récente de M. de Charmoisy, dont parle le Saint à la page suivante, sert à fixer la date; le
gentilhomme était revenu de Turin le 1er août. (Voir plus haut, note (528), p. 176.)
143/329

15.4 Page 144

▲back to top


une bonne fois de vostre presence en vostre Paris. Je dis de vostre presence, qui m'est desirable
sans fin, et en vostre Paris, ou elle me seroit concedee plus a souhait qu'ailleurs.
Mais, Monsieur, dites donq la verité, je vous supplie: ces obediences et mortifications de
n'oser pas estre libre quand on n'est pas serf, ne sont elles pas comparables a celles de ceux qui ne
sont pas libres par ce qu'ilz sont serfz? Il faut neanmoins s'y accommoder, et tout doucement, qui
est l'importance. Que j'estois ayse en cette petite ombre d'esperance que j'avois conceue de me
treuver a Paris aupres de vous, comme je faysois souvent par l'imagination, avec laquelle je prenois
le tems de cette jouissance desiree!
Et puisque je suis sur ce sujet, je diray encor quil y a trois jours que je receu une lettre de
monsieur de [182] Santeül543, qui, de la part de monsieur Perrochel544, me semont a la chaire de
Saint Gervais pour l'an 1611, et me dit que l'on en a parlé avec monsieur des Hayes, mon
arch'intime. Voyes vous, Monsieur, ce mot d'arch'intime ne m'avoit encor point esté devant les
yeux; mais, sur une si grande verité, il a esté receu de mon cœur tres intimement, et le bon monsieur
de Santeul ne me dit jamais un mot plus a mon gré.
Or, je reviens a ce que je disois: c'est que je n'ose encor dire que non, tandis que j'espere
que l'accommodement des Princes accommodera peut estre ces affaires; ni aussi je ne veux dire
qu'ouy, ne pouvant avoir null'asseurance. Monsieur de Santeul dit que, si je veux, le Roy en escrira
a Son Altesse; mais, comme vous sçavés, cest honneur seroit un petit trop chaud et pesant pour
moy. C'est pourquoy j'attendray encor un peu, avant que d'en donner la derniere resolution audit
sieur de Santeul, et ce pendant luy diray chose pour laquelle il devra conseiller a ce seigneur de ne
point s'attendre a moy; car aussi bien, en tout evenement, si j'avois ma liberté pour ce tems-la, il
me manqueroit pas de chaire en une ville ou il y en a tant.
Au demeurant, voyant que Dieu le veut, je m'arreste de tres bon cœur icy, et prens, en
eschange de la satisfaction que j'aurois de vous voir, l'ayse que j'ay a penser en vous, a parler de
vous avec ceux qui vous honnorent, et sur tout a vous cherir d'un amour tendre et respectueux,
autant qu'homme du monde.
Encor faut il que je vous die que nous avons despuis peu nostre monsieur de Charmoysi545,
avec lequel je me suis entretenu ce matin trois grosses heures sur son depart de la mayson de
Monsieur546, et ay treuvé que certes il a [183] eu plusieurs bonnes raysons de le faire, qui seroyent
trop longues a deduire; neanmoins il m'a dit que tous-jours il s'accommoderoit a ce que ses amis,
et sur tout vous et moy luy conseillerions. Certes, Monsieur a perdu un tres bon, tres utile et tres
digne serviteur, et Madamoyselle sa maistresse547 eüt eu en madame de Charmoysi une fort
vertueuse servante. Je vay pensant comme je pourrois faire pour servir d'instrument a la reparation
de tout cela, mais je voy la chose malaysee, car les oreilles de Monsieur se remplissent tous les
jours de plus en plus de persuasions contraires, que ceux qui n'ayment pas monsieur de Charmoysi
ont tout loysir et advantage de faire. Et apres une separation si entiere, il sera malaysé d'oster un
peu d'aversion des cœurs de l'un a l'autre; et celuy de Monsieur, comme vous sçaves, ayme d'avoir
ses coudees franches, et celuy de monsieur de Charmoysi est courageux, qui ne peut souffrir le
desdain. Au passage de Monsieur, je me fourreray le plus avant que je pourray en cett'entreprise,
et auray bon loysir d'y penser, puisque on ne l'attend que sur la fin du moys auquel nous sommes548.
Je ne crains sinon d'offencer ma conscience en cela, car je n'ay pas si bonn' opinion de la cour que
je ne pense que Dieu soit mieux servi hors d'icelle qu'en icelle, et saint Augustin avoit cette
543 Probablement, Denis de Santeuil (voir tome XII, note (234), p. 133).
544 Charles et Guillaume Perrochel appartenaient à la paroisse de Saint-Gervais. Le premier, seigneur de Granchamp,
conseiller d'Etat, grand audiencier de France, avait épousé Marie Varlet; le second, marié à Françoise Buisson, était
conseiller du roi en ses Conseils d'Etat et privé, maître d'hôtel de Sa Majesté et maître ordinaire de la Chambre des
Comptes. (Bibl. Nat., Chérin. 154.) Aucun indice pour découvrir lequel des deux frères avait invité saint François de
Sales.
545 Vide pag. praeced. not. (542).
546 Le duc de Nemours (cf. ci-dessus, note (531), p. 176).
547 Anne de Lorraine, fille unique de Charles de Lorraine, duc d'Aumale, et de Marie de Lorraine d'Elbeuf. Son mariage
avec le duc de Nemours, Henri de Savoie, n'eut lieu qu'en 1618.
548 Cf. supra, p. 167, not. (499).
144/329

15.5 Page 145

▲back to top


solemnelle resolution de ne conseiller jamais a personne la suite des cours549. Toutefois, la vertu
de monsieur de Charmoysi est des-ja ferme pour n'estre pas esbranslee a ce vent-lâ.
Mais si vous continues de vouloir faire le voyage a la Sainte Baume550, ne doutes pas que
vous ne m'ayes pour [184] associé a vostre pelerinage, car ce n'est pas sortir de Savoye d'aller a
Marseille, pourveu que ce soit sur le Rosne, auquel nous contribuons tant d'eaux et tant de sable;
et nostre cher petit Evesque, mais grand Praelat551, sera bien ayse de nous faire l'hospitalité en
passant, moyennant un sermon que je feray a son peuple, qui, oyant parler de Geneve, y viendra
tout entier, huguenotz et Catholiques pesle mesle. Je m'en donne des-ja au cœur joye.
Madame vostre chere partie552 me fait trop d'honneur de me vouloir du bien et se resouvenir
de moy, mais en particulier estant avec madame la Marquise de Meneley553, une des dames du
monde de laquelle j'honnore le plus [185] la vertu et constance en la pieté. Et puis qu'elles
favorisent ce chetif livret de l'Introduction a la Vie devote, je vous supplieray, dans trois semaynes,
de leur en faire a chacune un present de ceux que je vous envoyeray de la seconde edition554, et
autant que la commodité le permettra; a laquelle j'ay adjousté beaucoup de petites chosettes, selon
les desirs que plusieurs dignes juges m'ont tesmoigné d'en avoir, et tous-jours regardant les gens
qui vivent en la presse du monde.
J'escris cette lettre sans loysir et sans esprit, mais non pas sans cœur, car mon cœur est tous-
jours ou il vous peut regarder. Nostre Seigneur vous conserve, prospéré et benisse, Monsieur; c'est
le souhait de
Vostre tres humble et tres fidelle serviteur,
549 Confess., 1. VIII, c. VI; Serm. CCCII, c. XIX.
550 Vaste grotte qui s'ouvre au cœur d'un rocher gigantesque daus une montagne de la Provence, à une égale distance
d'Aix, de Toulon et de Marseille. D'après une tradition, elle aurait été sanctifiée par les pénitences de sainte Marie-
Madeleine. «Là, elle mena une vie plus divine qu'humaine, «estant sept fois le jour eslevée par les Anges, sans que
pour cela son cœur» sortist des pieds de son Sauveur.» (Sermon pour la fête de Ste Marie-Madeleine, tome X, p. 88.)
Dès les premiers temps, la Sainte-Baume fut l'objet de la piété populaire. Grâce au zèle des Religieux de Cassien, de
Saint-Benoît, de Saint-Dominique, qui firent tour à tour le service de la chapelle, la dévotion à ce pèlerinage devint
universelle, elle attira les plus illustres visiteurs. Des rois, des Papes, des Saints ont gravi la rude colline et traversé
les sentiers abruptes de la forêt vierge plus de dix fois séculaire, orgueil de la Provence, pour vénérer les vestiges de
la reine des pénitentes.
Rien de surprenant que François de Sales ait eu de l'attrait pour ce voyage de piété. Marie-Madeleine était
une de ses Saintes préférées. Il prenait plaisir à la louer; il choisissait volontiers le jour de sa fête pour les cérémonies
de vêture. Le panégyrique de la «parfumeuse» du divin Maître, qu'il donna le 32 juillet 1621 comme Sermon de vêture,
est comparable, supérieur peut-être, aux plus beaux du genre. En 1622 (le 23 novembre), quand il voyageait dans le
midi de la France à la suite du Cardinal de Savoie, le désir le reprit d'aller faire une course à la Sainte-Baume; mais il
n'en eut pas la liberté. «Monsieur de Geneve, » lui dit alors le prince Maurice, «vostre cœur est une Sainte Beaume ou
vous estes toujours solitaire.» (Année Sainte, ancien Ms.)
551 Mgr Fenouillet, évêque de Montpellier.
552 Marie Chapelle, veuve de Pierre Faure, seigneur de Berargne, avait deux enfants de ce dernier, Claire et Gilbert,
âgés de douze et dix ans, quand elle épousa (contrat du 16 juillet 1397) Antoine des Hayes. (Bibl. Nat., Dossiers bleus,
vol. 352, n° 9074.) Le Saint, quand il écrit à son ami, adresse toujours un mot de courtoisie à madame sa « partie, »
mais on ne voit pas que celle-ci se soit mise sous sa direction.
553 Charlotte-Marguerite de Gondi, née en 1570 d'Albert de Gondi, marquis de Belle-Isle, et de Charlotte-Catherine
de Clermont, était la sœur du général des Galères, l'ami de saint Vincent de Paul, et des deux Gondi qui s'étaient
succédé sur le siège de Paris. Florimond d'Halwin, marquis de Maignelais, qu'elle avait épousé en 1587, mourut trois
ans après, assassiné. Elle perdit bientôt son jeune fils. Ce nouveau malheur, en achevant de briser son cœur, découvrit
à la jeune femme le néant des joies terrestres. Dès lors, elle fut perdue pour le monde et ne vécut que pour la piété et
pour la charité. Sa jeunesse, ses bonnes grâces, son immense fortune, elle dépensa tout avec une délicate humilité au
profit des pauvres et des malheureux. Elle contribua puissamment à fonder, avec Vincent de Paul, l'œuvre des
missions, protégea affectueusement les Religieuses Capucines, dont elle aurait aimé partager la vie sévère, si le Pape
lui-même ne lui avait fait un devoir de demeurer dans le siècle. C'est elle qui fonda en faveur des filles repenties, en
1618, la Maison de Sainte-Marie-Madeleine, dirigée par les Soeurs de la Visitation; elle contribua aussi, pour une
grande part, à la fondation de l'Oratoire et du séminaire de Saint-Magloire. Il n'est d'ailleurs pas possible d'énumérer
les œuvres et les institutions qui bénéficièrent de ses largesses et du concours personnel de sa charité éminemment
active, courageuse parfois jusqu'à l'héroïsme. La marquise de Maignelais mourut en 1650, laissant la réputation d'une
sainte. Elle fut estimée comme telle par les deux Fondateurs de la Visitation.
554 Elle parut, en effet, vers le mois de septembre. (Voir le tome III de notre Edition, p. XXI.)
145/329

15.6 Page 146

▲back to top


A Monsieur
Monsieur des Hayes, Maistre d'hostel
du Roy, Gouverneur et Baillif
de Montargis.
FRANÇS, E. de Geneve.
Revu sur l'Autographe conservé au IER Monastère de la Visitation de Rouen. [186]
DXLIII. Au Duc de Nemours, Henri de Savoie.
Recommandation en faveur d'un gentilhomme, pour lui obtenir
de succéder à son père dans la charge de juge-maje du Faucigny.
Annecy, 11 août 1609.
Monseigneur,
Ayant esté prié par le sieur de Crans, juge maje de Foucigni555, d'interceder vers Vostre
Excellence affin d'obtenir la survivance de sa charge en faveur de son filz, je fay tres volontier cet
office, parce qu'il regarde un gentilhomme bien nay, qui a bon esprit et bonne ame, qui a fort bien
estudié et qui, en l'exercice de la lieutenance de son pere, quil fait il y a quelque tems, tesmoigne
qu'ayant la charge en chef, il s'en acquiteroit dignement et se rendroit utile serviteur de Vostre
Excellence; a laquelle je fay donq tres humble demande de ce bienfait pour ce viel pere qui, se
preparant a la sortie de ce monde, a cette juste ambition d'y laisser son filz au mesme service de
son Prince, qu'il a eu lhonneur d'y exercer556.
La bonté de Vostre Excellence, qui daigne me tenir en sa grace, m'a donné le cœur
d'entreprendre cette intercession envers elle, pour laquelle j'en fay journellement [187] a l'autel
envers Dieu, affin quil la comble de benedictions immortelles. C'est,
Monseigneur,
Vostre tres humble et tres obeissant serviteur
et orateur,
FRANÇS, E. de Geneve.
XI aoust 1609.
Revu sur l'Autographe conservé à Paris, Bibliothèque Nationale
(Fonds français, 3650).
555 Noble et spectable Pierre de Crans, conseiller de Son Altesse et jugemaje de Faucigny, avait épousé
successivement: Renée de Crans (contrat dotal du 9 août 1573); Lucrèce, fille de François de l'Alée, seigneur de la
Tournette (contrat dotal du 31 décembre 1598); Françoise, fille de noble Amé Pernet, bourgeois d'Annecy.
556 Le fils du «viel pere, » objet d'une recommandation si élogieuse, était sans doute Nicolas de Crans, docteur en
droit, frère cadet de Charles de Crans, seigneur de Bausse, enfants tous les deux, du premier lit. De fait, Nicolas devint
juge-maje de Faucigny; en 1616, et encore le 9 mars 1622, il exerçait cette charge. Il mourut quelques années après.
(Archiv. départ, de la Hte-Savoie, E, 1032 et 332.)
146/329

15.7 Page 147

▲back to top


DXLIV. Au Père Jacques-Philibert de Bonivard de la
Compagnie de Jésus557 (Minute inédite). Raisons et avantages
d'offrir aux ministres de Genève une conférence publique.
Manière de la proposer. En quel cas il serait à propos
d'engager la controverse sur les Versions. Comment;
présenter la doctrine catholique, et de la prudence requise en la
formulant. Derniers avis.
Annecy, 17 août 1609.
Mon Reverend Pere,
Je ne doute nullement que l'offre d'une douce et amiable conference avec ceux de Geneve558
ne soit tres utile [188] en ce tems, auquel ilz sont venus en quelque sorte de desir d'en avoir une,
au moins a ce que j'apprens par les continuelz advis que j'ay de divers propos qu'ilz tiennent. Ilz
sont, pour la plus part, en scrupule de leur religion, quoy que, quand on leur en parle directement,
ilz fassent semblant d'estre bien asseurés, par rayson d'Estat. Si donques ilz acceptent l'offre, il y
a de l'apparence d'un grand fruit; s'ilz le refusent, la gloire en demeurera pour l'Eglise, et le refus
accroistra le soupçon que plusieurs ont de n'avoir pas la rayson de leur costé. Je loueray pour cela
grandement que l'offre se face, puisqu'il ne peut nuire et peut grandement prouffiter.
Une lettre a celuy que vous escrives559, sera fort a propos; mais il faut qu'elle soit presentee
par quelqu'un qui aye asses d'asseurance pour le presser de faire responce, en cas qu'il voulust la
supprimer et faire le fin; a quoy quelque notable personne de la Franche Comté, qui fust des villes
avec lesquelles ceux de Geneve ont commerce, seroit fort sortable. Et si, il faut adjouster a
557 Le P. Jacques-Philibert de Bonivard, issu d'une famille de Savoie, né à Grenoble en 1563, entra dans la Compagnie
de Jésus le 17 juillet 1585, fut admis à la profession des quatre vœux le 14 juillet 1602 et mourut à Vesoul le 3 août
1619. Il professa la philosophie et les belles-lettres avec un réel talent, mais le ministère de la prédication le passionnait
davantage; il y employa vingt années de sa vie, avec un succès qui déconcertait les ministres. Religieux mortifié, ami
des riches et des pauvres, secourable à tous, le P. de Bonivard laissa à sa mort un renom de sainteté. Il avait, dit-on, la
grâce de voir son bon Ange; en tout cas, il fut favorisé de l'amitié de saint François de Sales et de la confiance de
sainte Jeanne-Françoise de Chantal. Eclairé de lumières surnaturelles sur le futur Institut de la Visitation, il en avait
approuvé hautement le dessein (voir le tome précédent, p. 293). Les Religieuses Annonciades, venues d'Italie en
Bourgogne au XVIIe siècle, lui doivent leur établissement dans cette province. (D'après les notes du R. P. van Meurs,
S. J.) Voir à l'Appendice I, la réponse du P. de Bonivard, à la présente lettre.
558 Voir ci-dessus, Lettre DXLI.
559 Le personnage proposé par le P. de Bonivard et agréé du Saint pour recevoir l'offre d'une conférence, était Jean
Sarasin, né en 1574 de Jean-Antoine Sarasin et de Marie Truchet. On l'appela d'abord «le jeune» pour ne pas le
confondre avec son oncle (voir note (561) de la page suivante), puis Jean Sarasin tout court, à. la mort de ce dernier,
et plus tard «l'aîné pour le distinguer de son fils. De bonne heure, il exerça des charges importantes. Membre du
Magnifique Conseil des Deux Cents le 9 janvier 1600, auditeur le 2 novembre suivant, secrétaire d'Etat le 7 janvier
1603, membre du Conseil des Vingt-Cinq le 4 janvier 1604, syndic le 6 janvier 1605, et réélu comme tel en janvier
1609, 1614, 1618, 1622; premier syndic en 1626 et 1630, il remplit entre temps l'office de lieutenant de justice
(novembre 1612, 1623, 1627, 1631), et mourut le 30 mars 1632. Avec une ténacité infatigable, Jean Sarasin dépensa
en faveur de Genève les ressources d'un esprit fertile et très avisé. Ses talents, l'ardeur de son dévouement, les services
rendus ont fait son nom glorieux dans l'histoire de la cité. De concert avec Jacques Lect, dont il devait éditer les
Œuvres en 1615, il publia en 1606 Le Citadin de Geneve1. Marié successivement à Marie Thèze (9 octobre 1600), et
à Anne Bitto, veuve de Samuel Bastier (28 novembre 1609), il eut de la première Jean-Antoine et de la seconde Jean
Sarasin, reçu médecin à Bâle en 1633. (D'après les notes de M. Chatelan, sous-conservateur de la Bibl. publ. de
Genève.)
1 Le Citadin de Geneve, ou response au Cavalier de Savoye. Se vendent à Paris, chez Pierre Le Bret, 1606.
147/329

15.8 Page 148

▲back to top


l'inscription, le titre de Conseiller du Conseil des Vingtz et cinq Seigneurs560; car il y a un autre
Sarrasin qui [189] n'en est pas561, bien qu'il soit de grand credit dans cette ville la.
Et puisque vous me sommés de vous dire franchement mon advis sur la lettre que vous luy
escrives, je vous diray que je n'appreuve pas que vous luy proposies si distinctement le dessein de
la façon de proceder que vous voules tenir, car il suffira bien de le faire quand ce viendra au joindre
et au faire; et il n'est pas expedient que maintenant vous vous engagies en aucune sorte de
controverse, d'autant qu'en traittant plus avant de la conference, vous treuveres peut estre qu'il sera
mieux de prendre un autre biais. Il seroit donq mieux pour ce coup de demeurer en cette generale
proposition, que vous monstreres que leur religion est manifestement contraire aux Saintes
Escritures, sans venir a la particuliere declaration des [190] moyens que vous voules tenir pour ce
faire; car ainsy vous ne vous obliges a rien qu'a la fin de vostre intention, et laisses les moyens en
liberté, pour les choisir par apre a vostre gré. Et si, la proposition est beaucoup plus speieuse pour
estre imposee entre des ignorans, comme sont la plus part des Conseillers de cette ville-la. Et si,
je ne laisseray pas encor de dire mon opinion sur lès moyens que vous proposes, puisque je suis
obligé a la naïfveté et franchise en l'amitié que nous avons ensemble et que je sçay que vostre
esprit correspond au mien en cela.
Cette generale controverse des Versions est grandement utile entre les gens doctes, et quand
vous ne regarderies que les ministres, elle seroit sans doute extremement a propos. Mais s'il faut
avoir soin d'esbransler le peuple, il faudra entreprendre quelque point auquel plusieurs puissent
discerner de la rayson ou du tort; car en celuy des Versions, pour peu que les ministres tiennent
contenance (comme ilz feront, estans des plus asseurés menteurs et des plus opiniastres mattois du
monde), le peuple, des-ja incliné a leur suite, demeurera plus engagé en leur parti. Et quand je dis
le peuple, je veux dire les Seigneurs des deux Conseilz, qui ne sont que marchans et certains gens
de peu.
Sur tout il m'est advis qu'il faut grandement estre attentifz a la façon de proposer la doctrine
catholique, en sorte que, comme la rayson est de nostre costé, aussi l'apparence, le lustre et la
speciosité ne nous defaillent point. Comme par exemple: sur ce que vous m'escrives, de convaincre
l'insuffisance de l'Escriture seule pour le parfait gouvernement de l'Eglise, sur ce mot
d'«insuffisance de l'Escriture,» ilz crieroyent tous blasphemant. J'aymerois donq mieux advouer
que l'Escriture est tres suffisante pour nous instruire de tout, et dire que l'insuffisance est en nous,
qui, sans la Tradition et sans le magistere de l'Eglise, ne sçaurions nous determiner du sens qu'elle
doit avoir, ni des consequences qu'on en peut tirer pour la direction et gouvernement du peuple
Chrestien; car en cette sorte, la chose demeurant la mesme, l'explication est plus specieuse et
560 Le pouvoir législatif à Genève au temps de saint François de Sales était constitué par le Magnifique Conseil des
Deux Cents. Celui-ci avait le droit de grâce et était seul qualifié pour prendre les décisions importantes.
Le Conseil des Vingt-Cinq Seigneurs, appelé aussi Conseil estroit ou Petit Conseil, se composait des
membres les plus notables du Conseil des Deux Cents et formait au sein de la République genevoise, un véritable
gouvernement aristocratique. C'était lui qui désignait les candidats aux Conseils ou aux diverses charges publiques. Il
exerçait aussi un vrai contrôle sur les questions à soumettre aux Deux Cents.
Le Conseil des Soixante comprenait le Conseil des Vingt-Cinq et l'adjonction de trente-cinq Seigneurs choisis
parmi les plus influents des Deux Cents. Il s'assemblait quand le petit Conseil ne voulait pas prendre à lui seul la
responsabilité d'une décision, laquelle n'était pas jugée devoir être portée au Conseil des Deux Cents.
Le pouvoir exécutif était confié aux-mains de quatre syndics, élus pour un an et non immédiatement
rééligibles. Tous les ans, dans les premiers jours de janvier, le peuple assemblé en Conseil général, choisissait quatre
Seigneurs entre huit membres du Conseil des Vingt-Cinq. (Mêmes références que ci-dessus.)
561 Cet «autre Sarrasin, » oncle du précédent, était le septième des onze enfants de Philibert Sarasin et de Louise de
Genin. Né le 15 avril 1553, il fut envoyé dans sa jeunesse auprès de l'amiral de Coligny, auquel Théophile, son frère,
avait servi de secrétaire. Il prit part aux guerres de religion, fut fait prisonnier et conduit à Grenoble. Revenu à Genève,
grâce à une forte rançon, Jean Sarasin entra en 1578 dans le Conseil des Deux Cents, puis des Soixante, assista en
1594 aux conférences d'Hermance, et fut envoyé en 1598 à Thonon pour les préliminaires de la conférence demandée
par le P. Chérubin. Il mourut le 8 novembre 16101. Malgré «son grand credit, » il ne fit jamais partie du Conseil des
Vingt-Cinq. (Idem.)
1De la biographie mieux connue de l'oncle et du neveu, il résulte que l'attribution de la Lettre CXVII (tome XI, p. 355)
à Jean Sarasin (1574-1632), dit «le jeune, » est inexacte. Son véritable destinataire est celui-ci.
148/329

15.9 Page 149

▲back to top


plausible a ceux aux oreilles [191] desquelz on ne fait que crier que nous mesprisons les saintes
Lettres562.
Mais je m'espanche trop, mon cher Pere, et prens a l'adventure trop de carriere. Si je croyois
que vous ne conneussies pas mon cœur, je ne traitterois pas si librement; mais je me confie en
Nostre Seigneur que vous sçaves que je ne fay rien ni dis rien avec vous que sur les gages de vostre
sincere amitié, et qu'en vous proposant mes petites pensees, vous les adjusteres a la rayson avec
autant de franchise que je les vous presente.
Je veux finir, en vous suppliant de continuer en ce bon dessein, lequel, de quel costé qu'on
le tourne, ne peut que reuscir a la grande gloire de Dieu. Continués encor, je vous supplie, a
m'aymer cordialement comme vous faites, et tandis, je prieray Nostre Seigneur qu'il vous fortifie
et benisse de plus en plus en sa grace.
Je suis tres sincerement,
Vostre humble serviteur et confrere
en Nostre Seigneur,
FRANÇS, E. de Geneve.
XVII aoust 1609, a Neci.
Hier je vous escrivis le billet ci-joint; et despuis, ayant derechef consideré l'advis du Pere
Provincial563, je le treuve entierement bon, car le retardement ne peut estre que prouffitable; car
tandis, l'ouverture se fera, a mon advis, plus grande et raysonnable par divers moyens que j'y
employeray soigneusement, Dieu aydant. En ceci, la dilation ne peut nuire, mon Reverend Pere;
et je sçai tout maintenant par un advis, que si la conference se fait, il sera voirement bien requis
que nous nous voyons, non pour autre chose, que parce que l'humeur de ce peuple la m'estant
familiere, je vous pourray dire plusieurs [192] choses qui vous serviront en cette sainte et tres
prouffitable entreprise.
Je viens de recevoir [avis] que nous ferons mieux d'attendre, pour une certaine defiance en
laquelle ilz sont, de l'armee de Flandre564. Ne doutés point que [je] ne veille a cela, et vous en
reposes sur moy.
Au Reverend Pere en N. S.,
Le P. Jacques Philibert de Bonnivard,
Theologien de la Gompaignie de Jesus.
A Besançon.
Revu sur le texte inséré dans le Ier Procès de Canonisation.
562 Le docte et prudent controversiste avait déjà adopté cette sage tactique dans ses Controverses. (Cf. tome Ier de notre
Edition, Part. II, ch. III, art. I, II.)
563 Le P. Ludovic Michaelis, né à Avignon le 5 janvier 1564, entré dans la Compagnie de Jésus le 16 mars 1580, profès
des quatre vœux le 29 septembre 1599, mourut à Avignon le 4 octobre 1632. Il avait été successivement professeur,
recteur et provincial. (D'après les notes du R. P. van Meurs, S. J.)
564 En vertu du traité de Lyon, art. 1er, le duc de Savoie pouvait se servir, pour le passage éventuel de ses troupes en
Flandre, du pont de Gresin, près de Vanchy, non loin de Genève. L'usage de ce droit était, on le conçoit, un sujet de
perpétuelles alarmes pour les genevois.
149/329

15.10 Page 150

▲back to top


DXLV. A Madame de la Fléchère565. L'attitude d'une âme
chrétienne durant la maladie. Douceur et tranquillité.
Comment ne jamais trébucher.
Annecy, 20 août 1609.
Selon la sainte et parfaitte amitié que Dieu m'a donnee pour vous, ma tres chere Fille, j'ay
de la peyne de vostre maladie. Or sus, il faut pourtant s'accommoder a non seulement vouloir, mais
a cherir, honnorer et caresser le mal, comme venant de la main de cette souveraine Bonté a laquelle
et pour laquelle nous sommes. Que puissies-vous bien tost guerir, si c'est la plus grande gloire de
Dieu, ma tres chere Fille; si moins, que puissies-vous amoureusement souffrir, tandis qu'ainsy le
requerra la Providence celeste, affin que, guerissant ou souffrant, le bon playsir divin soit exercé.
[193]
Que vous puis-je plus dire, ma chere Fille, sinon ce que je vous ay si souvent dit, que vous
allies tous-jours vostre train ordinaire le plus que vous pourres, pour l'amour de Dieu, faysant plus
d'actions interieures de cet amour, et encor des exterieures, et sur tout contournant tant que vous
pourres vostre cœur a la sainte douceur et tranquillité: a la douceur envers le prochain, quoy que
fascheux et ennuyeux; a la tranquillité envers vous mesme, quoy que tentee ou affligee, quoy que
miserable. J'espere en Nostre Seigneur que vous vous tiendres tous-jours en sa main, et que, par
consequent, jamais vous ne trebuscheres du tout. Que si, a la rencontre de quelque pierre, vous
choppes, ce ne sera que pour vous faire tant mieux tenir sur vos gardes, et pour vous faire de plus
en plus reclamer l'ayde et le secours de ce doux Pere celeste, que je supplie vous avoir a jamais en
sa sainte protection. Amen.
Je suys en luy, tres fermement tout vostre,
FRANÇS, E. de Geneve.
Le 20 aoust 1609.
565 Les conseils donnés à la destinataire et le ton général de la lettre font croire qu'elle a été adressée à Mme de la
Fléchère.
150/329

16 Pages 151-160

▲back to top


16.1 Page 151

▲back to top


DXLVI. A Dom Michel Boudet, Prieur de Pommier566. Prière au
destinataire de s'entremettre auprès des sujets de sa Maison qui
refusaient de payer les prémices à leur curé.
Annecy, 27 août 1609.
Mon Reverend Pere,
[Ayant appris par] les remonstrances que me fait le sieur [194] curé de Beaumont567, que
plusieurs des sujetz de vostre Mayson refusent de luy payer les premices, lesquelles neanmoins ilz
luy doivent comme estant ses parroissiens, avant que de prendre aucun autre expedient pour l'ayder
en sa juste intention selon mon devoir, j'ay voulu vous supplier d'user de l'authorité que vous aves
sur ces refusans, pour les reduire a la rayson, esperant que vostre sage entremise aura tout le
pouvoir requis pour l'effect de mon equitable desir, comme la mienne aura le credit envers vostre
bienveuillance d'en obtenir le secours que je souhaitte a cet honneste et bon curé, lequel, je
m'asseure, vous est des-ja asses recommandable, comme aussi il m'a tesmoigné qu'il vous honnore
et revere de tout son cœur.
Je n'employeray pas davantage de paroles pour vous exprimer mon affection en ce point,
non plus [que] pour vous offrir derechef mon humble service, que je vous supplie accepter et tenir
tous-jours pour tout asseuré. Nostre Seigneur vous conserve, mon Reverend Pere, et je suis
Vostre humble serviteur et confrere
en Nostre Seigneur,
FRANÇS, E. de Geneve.
27 aoust 1609.
Au Reverend Pere en N. S.,
Le Pere Dom Prieur de Pomiers. [195]
566 «La chartreuse de Notre-Dame de Pommier, sur le penchant du Salève, au diocèse d'Annecy, ancien diocèse de
Genève, eut pour fondateurs Amédée, comte de Genève, et Guillaume son petit-fils. Les chartes sont de 1179 et de
1252.» (Lefebvre, Saint-Bruno et l'Ordre des Chartreux, tome II; Paris, 1883.) L'invasion des Bernois dans la Savoie
du nord en 1536, dépouilla le monastère d'une grande partie de ses biens, mais le laissa subsister. La chartreuse de
Pommier disparut en 1793. Là, comme ailleurs, les fils de saint Bruno furent le sel de la terre; quand la corxuption
régnait dans la majorité des monastères, ils surent garder dans sa belle intégrité la régularité des saintes observances
et répandre autour d'eux, par l'intelligente initiative de leurs méthodes et le rayonnement de leurs vertus, la vraie
civilisation et les bonnes mœurs.
En 1609, le prieur était D. Michel Boudet; Religieux profès de la Grande-Chartreuse depuis le 8 décembre
1591, recteur à Currière, il avait été désigné en 1605 pour succéder à Ludovic Mollières. Pendant vingt-quatre ans, il
gouverna le prieuré de Pommier avec sagesse. C'était un homme fort instruit, versé dans le droit, aussi doux pour les
autres qu'il était austère pour lui-même. Son humilité, son esprit de prière, ses grandes mortifications étaient un sujet
d'admiration pour les catholiques; les genevois eux-mêmes s'inclinaient avec respect devant cette belle figure de
moine. Les Annales de l'Ordre racontent qu'une fois le pain se multiplia miraculeusement en faveur des indigents qu'il
voulait assister. Le saint Religieux mourut le 30 mai 1629. (D'après les notes de M. le. chanoine Rannaud, curé de
Saint-Julien, Hte-Savoie.)
567 François Burgiat ou Duborjal (voir le tome XII, note (408), p. 179).
151/329

16.2 Page 152

▲back to top


DXLVII. Au Président Antoine Favre. Négociations du Saint
dans le pays de Gex. Une première Messe après soixante-
treize ans d'interruption. La traversée de Genève.
Cessy, 21 septembre 1609.
Monsieur mon Frere,
Il me tarde extremement de vous revoir avec madame nostre Presidente, ma seur. Mais la
varieté des affaires que M. de Lux a treuvés icy et les resistences des ministres nous ont porté sans
rien faire jusques a ce jourdhuy de saint Mathieu, que j'ay dit la premiere Messe a Sessi despuis
73 ans. Demain nous passerons outre a faire le mesme es autres deux parroisses568, et passé demain
j'iray a Sessel, et le jour suivant je me rendray entre vos bras, Dieu aydant.
Vous aures sceu comme je traversay Geneve sous la conduite de mon bon Ange, et cela
seulement per non parer poltrone569 et pour verifier que570 qui ambulat simpliciter, ambulat
confidenter571, et avec la profession de ma qualité572. Je ne m'en vante pas, non, car il [196] y eut
peu de prudence en cette resolution-lâ; mais, comme vous sçaves, ce n'est pas ma vertu que celle
la.
Bon soir, Monsieur mon tres cher Frere; je suis, Monsieur,
568 Dès 1604, les paroisses de Cessy, Péron, Challex et Versonnex sollicitaient le rétablissement du culte catholique
(cf. tome XII, note (663), p. 296). Ce fut seulement le 5 février 1609, qu'un arrêt du Conseil du roi décréta cette
restauration pour les trois premières paroisses, avec l'obligation de restituer aux ecclésiastiques romains les églises et
les cimetières. (Voir Brossard, Histoire politique et religieuse du pays de Gex, 1851, chap. XXV.)
En dépit de cette décision, les ministres firent de vives oppositions à l'égard de Challex. A deux reprises,
Genève envoya ses magistrats auprès du baron de Lux pour obtenir que le culte catholique ne fût pas introduit dans
ce village. Satisfaction lui fut accordée. (Cf. Reg. du Conseil de Genève, 6, 8, 13 septembre 1609, d'après Claparède,
Histoire des Eglises réformées du pays de Gex, 1856.) Deux ans plus tard, en 1611, le duc de Bellegarde retira cette
concession, et Challex fut restitué à la religion romaine. (Ibid.)
569 pour ne pas sembler poltron
570 celui qui marche simplement, marche confidemment.
571 Prov., X, 9.
572 Le passage de François de Sales à travers Genève le 12 septembre 1609, n'est pas un des épisodes les moins curieux
de sa vie. Il fallait quelque courage pour s'aventurer dans la ville en ce temps-là. Tout récemment, en effet, la
Seigneurie de la cité protestante avait réglé avec des précautions ombrageuses et fort sévères l'arrivée, le passage et le
séjour des étrangers1. D'ailleurs, «l'Evesque de Geneve» restait «le seul legitime Prince sauverain de Geneve et de ses
dependences, non obstant» les prétentions contraires des «citoyens de Geneve» et des «Ducz de Savoye2.» Il y avait
donc tout à craindre d'une ville jalouse de son autonomie, menacée à tout instant de se la voir enlever par les menées
incessantes du duc de Savoie, et capable des pires excès pour la défendre contre l'apparence même d'une revendication.
Dès lors, quoi d'étonnant que l'entreprise du saint Prélat ait paru très dangereuse à tous ses amis?
Toutefois, l'Evêque de Genève ne courut pas ce risque par pure vanterie; les Saints ne sont pas des fanfarons.
Les intérêts de la religion étaient en jeu. Pour conclure le rétablissement du culte catholique dans quelques paroisses
du pays de Gex, Henri IV avait délégué le baron de Lux; un rendez-vous avait été assigné à François de Sales et à jour
fixe. Manquer l'entrevue, c'était, dit un témoin, mettre l'affaire «hors d'esperance, attendu le commandement que le
dict seigneur avoit de se retirer.» (Dép. de Pierre Magnin, chanoine de St-Pierre de Genève, Process. remiss. Gebenn.
(I), ad art. 28.) Or, le Rhône ayant grossi à la suite de grandes pluies, le passage par Genève s'imposait, pour se trouver
à Gex au jour marqué. Ecrivant à des Hayes le 4 décembre 1609, et au P. Possevin le 10 du même mois, le Bienheureux
raconte avec force détails pittoresques la périlleuse traversée. L'évenement fit sensation dans tout le pays; le duc de
Savoie le connut bientôt; mais, mal inspiré par sa défiance toujours aux aguets et par de calomnieux rapports, au lieu
d'attribuer le voyage de l'Evêque au courage de l'apôtre, il le mit sur le compite d'une ambitieuse complicité avec les
genevois ou les français. Nous verrons le Saint se plaindre de cette bizarre accusation en maintes lettres où il parle sur
un ton d'agréable humeur de son audacieux trajet. (Cf. les Lettres DLVIII-DLX.)
1 Ordonnances de la cité de Geneve, sur la reformation, estat et Police d'icelle. Revues par nos Treshonnorés
Seigneurs, et publiées le 27 juillet 1609. A Geneve, pour Michelle Nicod. M. DC. IX.
Le P. Maurice de la Morra, Capucin (voir t. XIII, (382), p. 136), qui avait été rencontré dans Genève, avait
dû comparaître devant «MM. les quatre syndiques, et luy a esté de rechef deffendu l'entree dans la ville, a peine de
chastiment corporel.» (Reg. du Cons. de Genève, 21 août 1609.)
2 Mémoire autographe de S. Fr. de Sales, publié en 1883 dans les Mémoires de l'Acad. Salés., tome VI.
152/329

16.3 Page 153

▲back to top


Vostre humble frere et serviteur,
et de madame ma chere Seur,
21 septembre 1609.
A Monsieur
Monsieur le Baron de Peroges,
Conseiller de S. A. et Senateur au Souverain Senat,
President de Genevois.
FRANÇS, E. de Geneve.
Revu sur l'Autographe appartenant à M. l'abbé Rennard,
à Mont-Saxonnex (Haute-Savoie). [197]
DXLVIII. Au Duc de Savoie, Charles-Emmanuel Ier. François
de Sales offre au duc la deuxième édition de l'Introduction à la
Vie devote. Culte du bienheureux Amé en Savoie et en
Bourgogne. Supplique pour obtenir que le président Favre
puisse transmettre à son fils René la charge de sénateur.
Annecy, 26 septembre 1609573.
Monseigneur,
Je supplie Vostre Altesse de regarder de son œil de faveur ce petit livret574 que je luy offre
en toute humilité. La devotion est son sujet, la gloire de Dieu est sa fin, et son escrivain est, par
toute sorte de devoirs, voué a l'obeyssance de Vostre Altesse. Il fut des-ja publié l'annee passee,
mais si imparfait que je n'osay pas l'exposer a la veuë d'un si grand Prince; maintenant qu'il est un
peu moins mal accommodé, j'en prens la hardiesse, porté par la seule consideration de cette douce
bonté qui a tous-jours aggreablement receu les foibles tesmoignages de mon invariable fidelité.
L'infinie varieté des occupations que ma charge me pousse incessamment sur le bras, adjouste
beaucoup a mon insuffisance, pour m'empescher de bien faire de telz ouvrages; mais s'il plaist a
Dieu de se servir de moy en cet exercice d'escrire, il m'en donnera des commodités.
J'envoye a Vostre Altesse l'attestation de l'estat de deux images et de quelques autres
particularités qui regardent l'estime que l'on a eu de la sainteté du serenissime et glorieux Amé575.
573 La date du 16 septembre donnée par Datta est inexacte. Comme cette lettre, d'après son contenu, a été écrite par le
Saint à son retour de Seyssel et qu'il était encore dans cette ville le 23 septembre (cf. la lettre précédente), c'est la date
du 26 qui est plus probable.
574 La deuxième édition de l'Introduction à la Vie devote.
575 Le «glorieux Amé» ou Amédée, fils aîné de Louis, duc de Savoie, et de la célèbre Anne de Lusignan ou de Chypre,
naquit à Thonon le 1er février 1435.
Il épousa en 1452, Yolande de France, fille de Charles VII, succéda à son père comme duc de Savoie en
1465, et mourut en odeur de sainteté à l'âge de trente-sept ans, le 30 mars 1472. (Cf. Guichenon, Hist. généal. de la
royale Maison de Savoie, 1778, tome II, chap. XXVIII.) L'Eglise l'honore le 30 mars.
En 1609, lorsque les Evêques de Verceil et de Turin firent une enquête sur les vertus d'Amédée et sur les
miracles obtenus par son intercession, François de Sales s'intéressa tout de suite à cette cause, avec ce zèle qu'il mettait
à toutes les oeuvres qui avaient pour but de glorifier Dieu et ses Saints. On verra au cours de sa correspondance les
démarches multipliées de sa piété pour propag..-parmi ses diocésains et dans son Institut de la Visitation le culte et
l'amour du bienheureux Prince. Celui-ci fut béatifié par Innocent XI, le 3 mars 1677; sa Messe et son Office propres
furent approuvés par le Saint-Siège le 22 avril 1684. (Voir Lafrasse, Etude sur la liturgie dans l'ancien diocèse de
Genève, p. 502; Genève, 1904.)
153/329

16.4 Page 154

▲back to top


Dans peu de jours, j'en [198] envoyeray un'autre de l'image que j'ay treuvee a Sesse576, revenant
de Gex ou j'estois allé pour establir l'exercice catholique en quelques parroisses577. J'ay aussi sceu
qu'au duché de Bourgoigne, en la ville de Seurre, il y a une eglise de Sainte Clere, ou il se treuve
une chapelle sous l'invocation de ce bienheureux Prince, avec son image et l'abbregé de toute sa
vie escritte en un placard affigé. C'est pourquoy, devant aller bien tost en ce païs-la pour le mariage
de l'un de mes freres avec la fille du baron de Chantal578, selon la declaration que Vostre Altesse
a faitte de l'avoir aggreable, j'envoyeray expres sur le lieu pour avoir de tout cela une attestation
authentique579, laquelle, s'il est vray ce qu'on m'a dit, sera une des plus belles marques de la sainteté
de ce glorieux Prince que l'on ait recouvert jusques a present.
Oseray-je bien, Monseigneur, présenter encor ce mien [199] souhait a Vostre Altesse? Le
sieur president Favre a mis sur le front des beaux livres qu'il a composés et que les nations
estrangeres admirent, les marques de sa fidelité envers Vostre Altesse et de l'honneur qu'il a receu
d'elle580. Or, maintenant il desire laisser les mesmes marques a son filz aisné, affin que l'une et
l'autre production tesmoigne a la posterité le bonheur qu'il a eu d'avoir esté serviteur aggreable
d'un si grand Prince. Il supplie donq Vostre Altesse de faire grace a son dit filz de la survivance
en l'estat de senateur; ce qu'obtenant, il en aura une consolation nompareille, prevoyant qu'en la
personne de son filz, il revivra apres sa mort au mesme genre de vie qu'il a suivi en vivant. Pour
cela, Monseigneur, sachant que les affections et services hereditaires sont les plus fermes, je
souhaitterois qu'il pleust a Vostre Altesse s'incliner a cette requeste, de l'enterinement de laquelle
se respandra une bonn odeur qui fera connoistre a chacun que sa providence s'estend jusques a
prendre soin des enfans de ceux qui l'ont fidellement servie, pourveu qu'imitateurs de leurs peres,
ilz s'en rendent dignes581.
Je joindray donq ma tres humble supplication avec celle dudit sieur President, et faysant
tres humblement la reverence a Vostre Altesse, je prie Dieu qu'il la prospere en toutes benedictions.
Monseigneur,
de Vostre Altesse,
Le tres humble, tres obeissant et tres fidele
serviteur et orateur,
FRANÇS, E. de Geneve.
A Neci, le ... septembre 1609. [200]
576 Le procès-verbal de ces attestations, rédigé avec le plus grand soin par les ordres de saint François de Sales, se
conserve à Turin, aux Archives de l'Etat. (Storia della Real Casa, Mazzo 50, cat. 3a.)
L'une des «deux images» se trouvait dans l'église de Saint-Dominique d'Annecy, «affigee en haut, en un pilier
de la chapelle de Nostre Dame de Confort;» l'attestation porte la date du 21 août 1609. La seconde ornait un vitrail du
chœur dans l'église du prieuré de Notre-Dame de Talloires; l'attestation est du 7 septembre 1609. Quant au tableau de
Seyssel, il était «pendant et attaché en la muraille de l'eglise du couvent des Augustins... a costé du grand autel.»
L'attestation a été dressée le 25 septembre 1609.
577 Vide supra, p. 196, not. (568).
578 François de Sales partit pour «ce païs-la» le 6 octobre suivant.
579 Ce fut Georges Rolland qui alla à Seurre pour y prendre l'attestation désirée. Dans cette ville, en effet, «en l'eglise
du devot couvent Madame Ste Claire, » au chœur, «proche le grand autel, » l'envoyé du Saint put voir «un grand
tableau... sur toile, peinct en detrempe, » représentant le bienheureux Prince. Le procès-verbal est daté du 18 octobre
1609.
580 Les dédicaces, dont l'usage est très ancien, étaient fort en honneur au début du XVIIe siècle. Antoine Favre dédia
au duc de Savoie Les Gordians et Maximins (1589), le Codex Fabrianus, etc.
581 Le duc accorda la faveur demandée, par lettres patentes en date du 1er février 1610; le Sénat ayant fait des difficultés,
Charles-Emmanuel envoya, le 25 juillet suivant, des lettres de jussion. (Archives du Sénat, Edits-Bulles, vol. XXXI.)
154/329

16.5 Page 155

▲back to top


DXLIX. Au Roi de France, Henri IV. Remerciements adressés à
Henri IV à propos du rétablissement du culte catholique dans
deux paroisses de Gex; «bien infini» qui en résultera. Le
digne héritier et imitateur de saint Louis et de Charlemagne.
Zèle et prudence du baron de Lux.
Annecy, fin septembre 1609582.
Sire,
Apres avoir donné gloire583 a Dieu pour le584 nouveau restablissement de l'exercice
catholique en deux parroisses du balliage de Gex, que monsieur le baron de Lux vient de faire585,
j'en rens graces586 a la providence royale de Vostre Majesté, de la pieté delaquelle ces pauvres
peuples ont receu ce bien infini587. Je dis infini, Sire, par ce qu'en effect, il588 regarde le salut des
ames, qui s'estend jusques a l'eternité; et non seulement des ames589 qui ont esté maintenant
favorisees de cet incomparable bonheur, mais de plusieurs autres qui, excitees par l'exemple de
celles ci et par l'odeur de la sainte affection de Vostre Majesté, minutent des tres humbles requestes
pour en obtenir une pareille grace. [201]
Quant a moy, Sire, je contemple590 en ces reparations de la sainte Eglise, une des
rares qualités qui font connoistre et reconnoistre en Vostre Majesté, le sang et le cœur du grand
saint Louys et de Charles Maigne, l'un et l'autre des plus grans restaurateurs du service de Dieu
que les Chrestiens ayt (sic) jamais veu.
Et puis que je dois ce tesmoignage a la verité, je vous diray, Sire, que celuy que jusques a
present Vostre Majesté a employé comme son instrument pour l'execution de ses591 volontés en
cet endroit592, a un zele qui ne peut rien oublier et une prudence qui ne sçauroit jamais rien gaster,
qui est tout ce qui se peut desirer en une si digne et importante affaire.
Je supplie incessamment593 Dieu quil vous face la grace, Sire, d'exalter de plus en plus sa
divine Majesté, affin que, reciproquement, il benisse et prospere de plus en plus la vostre royale,
a laquelle faysant tres h[umble]…………………………………………………………………….
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy.
582 Cette minute se rapporte par son objet à la lettre au président Favre, du 21 septembre précédent; elle a été écrite au
verso d'une lettre adressée au Saint par un de ses correspondants, le 20 septembre 1609. Ces deux particularités
justifient la date que nous lui attribuons.
583 Apres avoir [fait actions de graces]
584 pour [l'heureux]
585 Voir ci-dessus, note (568), p. 196.
586 graces [a Vostre Majesté...]
587 ce bien infini [et moy, cett' extreme consolation.]
588 il [s'estend a l'eternité et au salut des ames et...]
589 des ames [des parroisses]
590 je contemple [avec un incroyable... avec extreme consolation, ]
591 de ses [ordonnances pour ce regard...]
592 Le baron de Lux.
593 incessamment [la Bonté divine... supreme Bonté qu'ell'establisse... qu'elle rende de plus en plus heureuse et
prospere... glorifie de plus en plus vostre couronne royale, Sire, affin que, de plus en plus, vous exaltiés la sienne
divine...]
155/329

16.6 Page 156

▲back to top


DL. A Madame de la Fléchère. Les suites d'une chute.
Annonce d'un deuxième voyage en Bourgogne. Les Saints ne
sont pas «despiteux.» Les curiosités qu'il faut éviter.
Annecy, 2 octobre 1609.
Ma chere Fille,
J'ay eu fort peu de mal de ma cheute, qui ne mavoit apporté qu'une fouleure de nerfz et un
os demis; mais [202] j'en ay l'incommodité de demeurer au lict, et par consequent, de ne point
celebrer. J'espere neanmoins, Dimanche prochain, jour de mon saint François, recommencer mon
petit train, et mardi prochain, partir pour aller achever le mariage de mon frere chez nostre bonne
Mme de Chantal.
Nostre seur594 a bien fait de m'advertir de ces petites tricheries de paroles que cette pauvre
Religieuse595 va semant; car cela me peut servir et ne peut nuyre a personne, puisque je ne suis
point despiteux, et pour cela ne laisseray pas de penser a quelque moyen d'ayder cette chetifve ame
qui, a mon advis, est pleyne de legereté et inconstance, plus tost que de malice. Je fay response a
l'autre conseil que nostre seur desiroit de moy596.
Pour vous, ma chere Fille, je loüe Dieu des sentimens de l'amour que vous aves envers luy,
sur lesquelz il ne faut point faire ces curiosités, de penser que sa divine Majesté vous l'ostera pour
vostre inutilité. Non, il ne faut point avoir ces craintes; mais, en vous humiliant et reconnoissant
que vous estes toute inutile597, esperes en la grandeur de la misericorde divine qu'elle vous sera
propice de plus en plus. Il ne faut voyrement pas se haster de soy mesme; mais de recevoir les
graces que Dieu nous donne, ce n'est pas se haster, pourveu qu'on se contienne en humilité et
dedans les exercices auxquelz nostre vocation nous oblige.
Vous faites bien pour ce qui regarde l'orayson et ces distractions et petites envies
spirituelles. Ne vous amuses point a cela; mais, d'un cœur eslevé, travailles devant Dieu avec vostre
volonté superieure, vous animant au saint amour. L'exercice que vous m'aves envoyé est bon, mais
prenes garde qu'en l'execution vous n'abbandonnies point la resolution de vous mortifier es
rencontres que vostre vocation vous fera faire.
J'envoye le livre ci joint598 a nostre seur, et me reserve [203] a vous en envoyer un a mon
retour, n'en ayant pas, pour le present, que ce quil me faut pour porter ou je vay. Je vous
recommande Mme de Charmoysi qui est toute malade, a ce que me dit M. de Charmoysi, et un (sic)
bonn' œuvre que nous allons entreprendre pour le bien de plusieurs ames599.
Je suis tout entierement tout vostre en Nostre Seigneur, qui vive et regne es siecles des
siecles. Amen.
A Neci, le 2 octobre, en haste.
A Madame
Madame de la Fleschere.
Revu sur l'Autographe appartenant à M. le comte de la Fléchère,
à Saint-Jeoire (Haute-Savoie).
594 Mme de la Forest (voir la lettre suivante).
595 Vide Epist. seq.
596 Cf. Luc., XVII, 10.
597 Probablement Jeanne de Vignod, abbesse de Bons (voir ci-après, note (603), p. 206).
598 Sans doute la deuxième édition de l'Introduction à la Vie devote.
599 Cette «bonn' œuvre» était sans doute la fondation de la Visitation. Le Saint songeait en effet à prendre, pour l'établir,
les dernières mesures, de concert avec la baronne de Chantal qu'il devait rencontrer à Monthelon quelques jours après.
156/329

16.7 Page 157

▲back to top


DLI. A Madame de la Forest, Religieuse de l'Abbaye de Bons600
(Inédite). Les «ames revesches» et le Saint. Pourquoi la
patience est nécessaire à ceux qui veulent servir les âmes.
Une Religieuse qui avait besoin de changer d'air. Les
promenades dangereuses. Envoi d'un exemplaire de
l'Introduction.
Annecy, 2 octobre 1609.
Vous aves bien fait, tres chere Fille, de m'advertir des mauvayses paroles de cette pauvrette,
car cela m'est utile [204] et ne luy sera pas inutile a elle mesme pour l'advenir. Je suis certes fort
libre a parler, mais je ne pense pas avoir rien dit de tout cela. Oüy bien, peut estre, que l'experience
m'avoit apris de ne point estre dur aux ames revesches, tandis quil y avoit esperance de les gaigner
par douceur.
Je croy que quant a Monsieur de Belley601, je n'en auray parlé qu'avec le compas de la
sincere dilection avec laquelle je l'honnore, car je sens bien en mon ame que j'ay de l'affection a
son estime. Mais, ma chere Fille, il faut estre patient a ceux qui veulent servir les ames, car tous-
jours ainsy au commencement, elles sont volages, bigearres et inventrices de paroles. Qui se
voudroit desgouster pour cela, ne feroit jamais rien. Cette la auroit grand besoin de changer d'air
pour estre guerie, car en ce lieu-la il y a des aspicz et basilisques plus quil ne faut pour les tendres
ames. Dieu y mette sa sainte main. Ell' a rayson de dire que je luy parlay a son advantage, car je
ne luy parlay que pour son bien, mais sans flatterie et rondement, selon les sentimens que j'en
avois.
Mais vous, ma tres chere Fille, continues a tenir vostre cœur pur devant Dieu et
compatissant envers le prochain. Vrayement je ne voudrois nullement que si les promenades
tendent a la rencontre de ces galantz hommes, vous vous y treuvassies; mais si cette fois-la ce fut
par hazart, il n'en faut pas pour cela se scabrer. Que si neanmoins on voyoit que la chose retumbast
souvent a mesme rencontre, je vous aymerois mieux en vostre chambre. [205]
Je vous envoye un livre de la nouvelle edition602, et en envoyeray un autre a Mme vostre
jeun' Abbesse603 quand j'auray le loysir de luy escrire a propos, sans faire semblant de rien, sinon
de quelques bonnes paroles qu'elle me dit.
Nostre Seigneur soit a jamais au milieu de nous, et je suis en luy tres entierement,
Vostre serviteur,
F., E. de G.
600 La comparaison de cette lettre avec la précédente permet de lui attribuer la même date.
La destinataire, Jeanne-Bonaventure de la Forest, professe de l'Ordre de Cîteaux, était la propre sœur de Mme
de la Fléchère. Ame craintive et délicate, elle avait grand besoin que le Saint l'encourageât à la ferveur et la réconfortât
au milieu des pernicieux divertissements qui troublaient la vie monastique à Bons. (Voir ci-dessus, note (254), p. 81.)
Son nom figure, avec celui des Dames Louise de Pâquier, Louise de Ponçonas, Claude de Buissonrond, dans un acte
notarié du 28 février 1624, où il est dit qu'elles veulent établir un couvent réformé à Grenoble. (Archives départ, de la
Hte-Savoie, E. 532.) Ces trois mêmes personnes étaient venues du monastère des Ayes, situé près de Grenoble, chez
les Bernardines de Rumilly le 1er janvier 1623. La Mère de Ballon, qui avait loué leur dessein, les accompagna elle-
même à Grenoble le 22 novembre 1624, pour les aider dans leur entreprise. Toutefois, les historiens qui rapportent
cette circonstance, ne font pas mention de Jeanne-Bonaventure de la Forest.
601 Jean-Pierre Camus, évêque de Belley, que saint François de Sales avait sacré un mois auparavant.
602 De l'Introduction à la Vie devote.
603 Cette « jeun' Abbesse, » Jeanne de Vignod, sœur de Bernarde de Vignod (voir le tome précédent, note (299), p.
103), est citée par Guichenon, Hist. de Bresse et Bugey, Partie II, avec les dates de 1606-1613. Certaines allusions
dans les lettres précédentes et dans d'autres qui suivront, persuadent qu'elle était de ces âmes « revesches, volages,
bigearres » qui exerçaient, sans la lasser, la patience du Saint. Peut-être même était-ce la « pauvrette » qui, « pour
estre guerie, » avait « besoin de changer d'air. »
157/329

16.8 Page 158

▲back to top


A Madame
Madame de la Forest, Religieuse
a [Bons].
Revu sur l'Autographe conservé au 2d Monastère de la Visitation de Marseille.
DLII. A la Baronne de Chantal. A une journée de Monthelon, le
Saint prévient la Baronne qu'il va arriver. Il demande «un
petit bain de sauge» pour son pied à peine guéri d'une chute
récente.
Vers le 10 octobre 1609604.
Ma chere Seur,
Nous allons a la Messe, pour disner par apres et partir. Mais qu'il me tarde que je sois vers
vous! Je n'y seray neanmoins qu'un peu tard, car nos chevaux sont recreuz [206] des grandes
journees que nous avons faites. Si nous treuvons monsieur de Chantal couché, nous ne laisserons
pas de luy aller donner le bonsoir. Mais il faut que je prie ma bonne niece605, si elle [est] aupres de
vous, de me faire la charité d'un petit bain de sauge pour mon pied, que je vous porte un peu
boiteux606.
Bon soir, ma chere Seur, ma Fille; vostre filz607, vostre neveu608 et la Thuille609 vous
baysentles mains. Nous avons pensé amener monsieur de Charmoysi, mais la venue de Monsieur
de Nemours nous a osté cette bonne compaignie.
Nostre Seigneur soit avec vous.
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Rennes.
604 Comme le mariage de Marie-Aimée de Chantal avec Bernard de Sales fut béni le 13 octobre, ce billet a dû être
écrit peu de jours avant.
605 Mlle de Bréchard.
606 Cf. supra, p. 202.
607 Bernard de Sales.
608 Serait-ce Jacques de Neufchèzes? La Baronne, en effet dut envoyer quelqu'un des siens au-devant de François de
Sales.
609 Louis de Sales accompagnait son bienheureux frère.
158/329

16.9 Page 159

▲back to top


DLIII. A M. Pierre de Berulle. Sympathie très effective de
François de Sales pour le dessein de M. de Bérulle. Il
conseille une démarche auprès du Nonce.
29 octobre 1609.
Je vous escrivis n'a gueres en response de la lettre que vous m'avies envoyee sur le sujet de
la Congregation des prestres reformés610, vous tesmoignant le desir que [207] j'avois de contribuer
a une si utile entreprise tout ce qui depend de moy; et ne pouvant disposer de l'absence de mon
diocese requise pour cette œuvre, je vous asseurois que, si tost que je serois arrivé a Neci, j'escrirois
au Saint Pere pour avoir son commandement sur cela. Or, despuis j'ay pensé que si on pouvoit
faire [que,] de dela, le Nonce du Saint Siege qui reside a Paris611 escrivist en faveur [208] de ce
dessein la, il le rendroit fort aysé; qui m'a fait vous escrire encor des icy, pour ne rien oublier de
mon costé, de tout ce que je croyois pouvoir estre utile a faire reuscir une chose de si grand poix
pour le bien de l'Eglise. Ce sera a vous qui touchés la chose, d'en faire comme vous jugeres plus a
propos………………………………………………………………………………………………
Revu sur une ancienne copie conservée à Paris, Archiv. Nat., M. 234.
610 Depuis longtemps, les âmes que l'amour de Dieu rendait clairvoyantes soupiraient après la régénération du clergé.
Dès 1601, Pierre de Bérulle se sentait pressé de consacrer sa vie à ce noble objet. François de Sales, de l'aveu même
de Habert (La Vie du Cardinal de Bertille, Paris, 1646, liv. II, chap. III), l'avait devancé dans la conception de ce
dessein. Grand admirateur de saint Philippe de Néri, de son Institut et de ses disciples, on sait tout ce qu'il fit pour en
donner l'esprit et les règles aux prêtres de la Sainte-Maison de Thonon. Aussi, pendant son séjour à Paris en 1602,
s'intéressa-t-il vivement à cette œuvre de rénovation sacerdotale; il fut même instamment prié, et à plus d'une reprise,
d'en prendre la direction, au moins pour un temps. (Cf. tome XII, note (350), p. 155.) La lettre présente, sans doute,
répond à une invitation de ce genre. Poussé enfin par les encouragements des membres du cercle Acarie et surtout par
les sollicitations d'une sainte Carmélite, la vénérable Mère Madeleine de Saint-Joseph, Pierre de Bérulle finit par
réunir quelques disciples. La première maison fut une modeste demeure, dite du Petit-Bourbon; les premiers membres
y entrèrent le 10 novembre 1611. Par lettres patentes du 2 janvier 1612, l'approbation royale encouragea ces débuts,
et le 10 mai 1613; Paul V accordait la Bulle qui consacrait l'existence de la nouvelle société, sous le nom de
Congrégation de l'Oratoire. Malgré des emprunts notables aux Constitutions de l'Oratoire de saint Philippe de Néri,
l'Institut était une création originale et toute française. Il n'est pas besoin aujourd'hui de louer une association qui a
compté parmi ses membres le cardinal de Bérulle, les PP. de Condren, Le Jeune, Morin, Thomassin, Malebranche,
etc., et dont François de Sales a pu dire qu'il n'y avait rien de plus saint et de plus utile à l'Eglise. Le saint Evêque
professa en effet jusqu'à sa mort une très grande estime pour les fils de son illustre ami, le cardinal de Bérulle; il ne
négligea aucune démarche pour les introduire en Savoie. Ils s'établirent à Rumilly en 1634, mais sa correspondance
nous avertit qu'il s'occupait dès 1616 de les y faire venir. D'après un témoin, Guillaume de Bernard de Forax (Process.
remiss. Parisiens., ad art. 30), le Saint lui aurait dit un jour «que sa seule ambition en ceste vie seroit de se pouvoir
ranger avec les Prestres de l'Oratoire, et en ceste retraicte s'occuper a servir Dieu et escripre quelque chose a l'honneur
de Dieu et proffict des ames.»
La Congrégation de l'Oratoire fut emportée par la Révolution; Même après les trois volumes de M. Houssaye
sur M. de Bérulle, l'étude sur L'Oratoire de France au XVIIe et au. XIXe siècle de S. E. le cardinal Perraud, demeure,
malgré sa brièveté, l'histoire la plus intéressante et la plus impartiale, du célèbre Institut, de ses premiers jours de
gloire et aussi des tristes causes qui amenèrent d'assez bonne heure sa décadence.
L'ancien Oratoire a été rétabli en France le 16 août 1852, par l'initiative de M. l'abbé Pététot, alors curé de
Saint-Roch, à Paris. Rome approuva cette restauration en 1864. Par leurs talents et par la qualité de leurs travaux, les
nouveaux Oratoriens ont continué, et non sans éclat, les traditions de leurs premiers devanciers.
611 Le Nonce du Saint-Siège en ce temps-là était Robert Ubaldini, évêque de Montepulciano. Né à Florence, petit-
neveu du Pape Léon XI, docteur in utroque jure, maître de chambre de Paul V, il avait remplacé à Paris, à la fin de
1607, le Nonce Maffeo Barberini. Il fut fait cardinal le 2 décembre 1615 et retourna le 23 décembre 1616 en Italie. Ce
Prélat fit preuve de courage en soutenant contre les pernicieuses maximes d'Edmond Richer les droits du Saint-Siège.
Ancien élève des Jésuites, il se montra ouvertement l'ami du P. Coton et fut pour ses frères un fidèle appui au milieu
des persécutions que leur suscitaient les sournoises rancunes de l'Université et du Parlement. Ubaldini protégea aussi
l'Oratoire naissant avec non moins de bienveillance. Passionné pour les lettres, il honora de son amitié et gratifia de
ses largesses les écrivains et les poètes. Il laissa à la Propagande ses biens qui étaient immenses, et mourut le 22 avril
1635.
159/329

16.10 Page 160

▲back to top


DLIV. Aux Magistrats de la Ville de Salins612. Acceptation d'une
invitation à prêcher dans la ville de Salins.
Dole, 1er novembre 1609.
Messieurs,
Vous m'obligés extremement par le desir que vous aves de mes preications, lesquelles
seront utiles a vostre peuple, si Dieu me donne autant de force comm' il m'a donné [209] de courage
et d'affection de vous rendre du service. Que s'il exauce mes prieres, vous vivres tous longuement,
heureusement et saintement en ce monde, et eternellement, glorieusement et tres [heureusement]
en l'autre; car ce sont les souhaitz continuelz que je feray meshuy devant sa divine Majesté, pour
vous et pour vostre ville, estant,
Messieurs,
Vostre tres humble serviteur en Nostre Seigneur,
FRANÇS, E. de Geneve.
Jour de Toussaintz 1609, a Dole.
A Messieurs les Magistratz
de Salins.
612 Ces magistrats étaient: M. de Nancray, mayeur; échevins: MM. Musy, d'Alaise, Pelot, Cécile, Patornay, Vauldry,
Périet.
Aux premiers jours du mois d'août précédent, M. de Nancray s'était rendu à Annecy pour prier le Saint de
venir prêcher l'Avent et le Carême suivants à Salins. Celui-ci avait subordonné son acceptation à l'agrément du duc
de Savoie qui le donna. Mais dès le 11 octobre, le Conseil de cette ville apprenait que François de Sales était empêché
de tenir sa promesse. C'est sans doute pour le faire revenir sur sa décision, que MM. d'Alaise et Cécile avaient été
délégués vers lui à Dole le 1er novembre. Le Saint remit la présente lettre aux députés, mais il s'excusa tout à fait, au
moins pour l'Avent, puisque dès le jour suivant les magistrats firent des démarches pour trouver un autre prédicateur,
qui fut le P. Boitte, des Jésuites de Dole.
Ce billet se rapporterait donc aux prédications du Carême de 1610; on peut le croire, quoiqu'il n'y soit pas
fait d'allusion explicite. Quand, le jour de son arrivée dans leur ville, les échevins renouvelèrent à François de Sales
leur invitation, ils obtinrent cette fois encore une réponse presque évasive. Cette réserve nous paraît intentionnelle; le
saint Evêque aura voulu laisser en suspens la question de son retour dans ce pays. Il ne fallait pas donner prise à de
nouveaux soupçons de Charles-Emmanuel, qu'il savait déjà, peut-être, prévenu contre lui (cf. ci-dessus, note (572), p.
196, et ci-après, p. 216). Et, ce qui est plus probable, il voulait ne rien préjuger encore des difficultés que le Chapitre
de Saint-Anatoile de Salins, pour des raisons de pur formalisme, opposait à sa venue. (Délib. municip. de Salins, 2
juillet-19 novembre 1609; Délib. du Chapitre de Saint-Anatoile de Salins, 2, 4 septembre, et 2, 23 octobre 1609,
Archiv. départ, du Jura, Série G.)
160/329

17 Pages 161-170

▲back to top


17.1 Page 161

▲back to top


DLV. A la Baronne de Chantal. Pourquoi nous sommes en ce
monde. Absoudre, c'est donner Jésus-Christ. Le traité du P.
Arias. Le corporal envoyé par la Baronne.
Baume-les-Dames, 16 novembre [1609613.]
Ma chere Fille,
Je reçois une particuliere consolation a vous parler en ce langage muet, apres que tout le
jour j'ay tant parlé a tant d'autres en langage parlant. Or sus, si faut-il vous [210] dire ce que je fay,
car je ne sçai presque rien autre, et encor ne sçai je gueres bien ce que je fay.
Je viens de l'orayson, ou, m'enquerant de la cause pour laquelle nous sommes en ce monde,
j'ay appris que nous n'y sommes que pour recevoir et porter le doux Jesus: sur la langue, en
l'annonçant; sur les bras, en faysant des bonnes oeuvres; sur nos espaules, en supportant son joug,
ses secheresses, ses sterilités, et ainsy en nos sens interieurs et exterieurs. O que bienheureux sont
ceux qui le portent doucement et constamment! Je l'ay vrayement porté tous ces jours sur ma
langue, et l'ay porté en Egypte, ce me semble, puisqu'au Sacrement de Confession j'ay ouy grande
quantité de penitens qui, avec une extreme confiance, se sont addressés a moy pour le recevoir en
leurs ames pecheresses614. Oh! Dieu l'y veuille bien conserver.
J'y ay encor appris une prattique de la presence de Dieu, laquelle, en passant, j'ay resserree
en un coin de ma memoire pour vous la communiquer, si tost que j'auray leu le traitté qu'en a fait
le Pere Arias615.
Ayés un grand cœur, ma chere Fille, et estendes-le fort sous la volonté de nostre Dieu.
Sçaves vous que je dis estendant vostre corporal pour la consecration? Ainsy, dis je, puisse bien
estre estendu le cœur de celle qui me l'a envoyé, sous les sacrees influences de la volonté du
Sauveur. Courage, ma Fille, tenés vous bien serree aupres de vostre sainte Abbesse, et la suppliés
sans fin que nous puissions vivre, mourir et revivre en l'amour de son cher Enfant.
Vive Jesus qui m'a rendu tout vostre, et plus que je ne puis dire. La paix du doux Jesus
regne en vostre cœur.
FRANÇS, E. de Geneve.
Le 16 novembre... [211]
613 La date de 1605, que l'édition de 1626 et les suivantes ont donnée à cette lettre, semble être contredite par les
allusions du texte et par le rapport qu'il a avec une lettre de la fin de février 1610. Toutefois, il est moins probable que
l'avant-dernier alinéa soit de 1609. (Cf. ci-dessus, note (67), p. 14.)
614 Tous les loisirs que lui laissaient les négociations de l'affaire des salines (voir ci-après, note (624), p. 215), le Saint
les employa à prêcher dans les monastères et dans les églises et «à ouyr les confessions de ceux qui accouroyent de
tous costez.» (Charles-Auguste, Histoire, etc., liv. VII; cf. la Lettre DLX.)
615 Cet ouvrage sur l'Exercice de la presence de Dieu parut en espagnol, sa langue originale, à Valladolid, en 1593; en
italien, à Venise, 1602; en latin, à Mayence, 1605; en français, à Paris, 1605, et à Liège, 1607.
161/329

17.2 Page 162

▲back to top


DLVI. A Madame de Boisy, sa mere. Mme de Boisy est priée
par son fils de consulter le médecin Marc Offredo. Pourquoi
elle doit se dégager de certaines «petites pensees.» Le «petit
advis» que le Saint donne clairement à sa «chere Dame et bonne
Mere.»
Annecy, 29 novembre 1609.
616Madame ma Mere,
La nouvelle que mon jeune frere617 m'a donnee de vostre meilleure santé m'a fort consolé,
et neanmoins je ne laisse pas d'appreuver l'advis de mon cosin Chaudens618, que le sieur
Marcofredo619 soit consulté sur vostre santé, ou le faysant venir a Sales, ou, si vous le pouvés,
allant vous mesme a Geneve pour trois ou quattre jours; mais en ce dernier cas, il faudroit faire le
voyage bien tost pour praevenir les grandes froideures.
Si mon frere m'eut aussi bien sceu dire en quel estat estoit vostre esprit, ma consolation eut
esté plus grande; mais il ne m'a sceu dire, sinon que par fois vous esties asses joyeuse et par fois
triste, et que vous n'avies pas [212] voulu que l'on vous fit des souliers, estimant que vous ne vivrés
pas asses pour les user. Or, en tout cela, il ny a pas grand mal; mais je desire pourtant bien que,
petit a petit, vous vous desfacies et desengagies de ces petites pensees, lesquelles sont entierement
inutiles et infructueuses, et outre cela, elles tiennent la place d'autres cogitations meilleures et
aggreables a Nostre Seigneur. Il faut un petit plus mettre vostre esprit au large et a l'ayse avec
Nostre Seigneur, et ne le point charger de ces menues affections ou pensees, et vivre librement,
laissant a la providence de Nostre Seigneur ce quil luy plaira faire de vous.
Mais, avec vostre permission, je vous parleray clairement. Il faut, ma chere Mere, ne plus
vous amuser a certaines considerations qui ne servent a rien et sont de trop peu de valeur pour
occuper l'esprit; et, ayant mis doucement l'ordre qui se peut mettre aux affaires, sil (sic) vont bien,
en louer Dieu, sil (sic) ne vont pas si bien que vous desireriés, puisque vous ne pouves pas mieux
faire de vostre costé, remettre le tout entre les bras de Dieu qui, en fin, conduit toutes choses selon
quil voit expedient a nostre bien620.
Voyla mon petit advis, ma chere Dame et bonne Mere. Pour l'amour de Dieu, soyes un peu
fort courageuse; dites cent fois le jour, mais dites le de cœur: Dieu nous aydera, et vous verres qu'il
le fera. Commandes librement a vos enfans, car Dieu le veut.
Je vous envoye deux lettres de Dijon, et vous souhaittant toutes les graces que Nostre
Seigneur donne a ses loyales serventes, je demeure,
Madame ma chere Mere,
Vostre filz tres humble,
FRANÇS, E. de Geneve.
Veille saint André.
616 Voir le fac-simile placé en tête de ce volume.
617 Janus, ou Bernard: on ignore si le premier était en Savoie à cette date, et d'autre part on peut douter que Bernard, à
peine de retour à Sales (cf. ci-après, la lettre du n décembre à la baronne de Chantal), ait pu donner des nouvelles si
détaillées sur Mme de Boisy.
618 Les membres des familles Choudens étant très nombreux, il est difficile de préciser le nom du cousin mentionné
ici. Il semble pourtant que le Saint désigne l'un des deux frères, «egrege François» et «egrege Gaspard» de Choudens,
fils d'Antoine de Choudens, notaire, mort avant 1558. Le premier, qui vivait encore en 1624, apparaît comme notaire
à Gex le 26 juillet 1612; le deuxième, également notaire, figure comme témoin dans un acte de donation du 12
décembre 1603 en faveur de Bernard de Sales, et mourut avant 1622. (D'après les notes de M. Vidart, de Divonne.)
619 Marc Offredo ou Offredi, de Crémone, avait émigré à Genève dont il devint bourgeois, et mourut en 1620. Ce
savant médecin avait épousé le 13 décembre 1602, Louise Sarasin, fameuse par son étonnante précocité; toute enfant,
elle parlait, dit-on, les langues anciennes, y compris l'hébreu. (Cf. Galiffe, Notices généalogiques sur les familles
genevoises, 1830-1895, tome III.)
620 Cf. Rom., VIII, 28.
162/329

17.3 Page 163

▲back to top


A Madame ma Mere,
Madame de Boysi.
Revu sur l'Autographe conservé à Milan, Archives du prince Trivulzio. [213]
DLVII. A la Baronne de Chantal. Retour de François à Annecy;
il en donne avis à la baronne de Chantal. L'abandon de tout
notre être au bon plaisir divin; bonheur qu'il procure. Le
sacré oreiller de saint Jean.
Annecy, [fin novembre] 1609621.
Vous croires bien mieux que nous sommes venus a bon port, ma chere Fille, quand vous
en verres ce petit tesmoignage de ma main. Et bien, vous voyla donq toute resignee entre les mains
de nostre Sauveur, par un abandonnement de tout vostre estre a son bon playsir et sainte
providence. O Dieu, quel bonheur d'estre ainsy entre les bras et les mammelles de Celuy duquel
l'Espouse sacree disoit: Vos tetins sont incomparablement meilleurs que le vin622. Demeurés ainsy,
chere Fille, et, comme un autre petit saint Jean, tandis que les autres mangent a la table du Sauveur
diverses viandes, reposés et penchés, par une toute simple confiance, vostre teste, vostre ame,
vostre esprit sur la poitrine amoureuse de ce cher Seigneur; car il est mieux de dormir sur ce sacré
oreiller, que de veiller en toute autre posture…………………………………………………[214]
621 La date se déduit de l'allusion au retour du Saint à Annecy, qui eut lieu après le 24 et avant le 29 novembre.
Ce fragment est le premier alinéa d'une lettre fabriquée par les éditeurs de 1626 qui l'ont donnée sans date;
Hérissant (1758) a, sans aucune preuve, ajouté celle du 27 décembre 1609. Le même texte se continue par des emprunts
faits à la lettre du 11 décembre 1609 et finit par celle du 4 juillet 1608. (Cf. ci-dessus, note (67), p. 14, et la Table de
correspondance placée à la fin de ce volume.)
622 Cant., I, 1.
163/329

17.4 Page 164

▲back to top


DLVIII. A M. Antoine des Hayes. Nouvelles rétrospectives d'un
voyage en Bourgogne. Pèlerinage différé. François de
Sales accusé auprès du duc de Savoie d'avoir fait une tentative
pour reprendre son autorité temporelle de prince-évêque de
Genève; le fondement de cette calomnie. Un mariage désiré.
Dévouement des amis de M. de Charmoisy pour le tirer de sa
retraite. Trois dames destinataires de l'Introduction a la Vie
devote.
Annecy, 4 décembre 1609.
Monsieur,
Ayant esté pres de deux mois entiers en Bourgoigne, partie au duché623, pour assister aux
noces de mon frere de Groysi, qui doit tant estre vostre serviteur, partie au comté624, pour
l'execution d'un commandement que le Pape avoit confié a Monsieur l'Evesque de Basle625 et a
moy conjointement626, j'ay treuvé a mon retour la lettre [215] que vous avies pris la peyne de
m'escrire par le bon monsieur de Soulfour627, qui passa a Chamberi tandis que j'estois sur mon
voyage; lettre, comme toutes les autres, pleyne des marques de ce grand et fort amour que vous
me portés, et duquel je suis reciproquement amoureux de toute l'estendue de mon cœur, et autant
glorieux qu'homme du monde a qui vous le sceussies departir.
Si vos affaires retardent nostre pelerinage a la Sainte Magdeleyne628, il n'en sera que tant
plus delicieux un'autre fois, quand vous les aures heureusement achevees comme je souhaite. Et
tandis, je m'esclarciray aussi de mon costé d'un autre que j'ay treuvé a mon retour, fort
inopinement, lequel (affin que je vous le die, Monsieur, a qui je voudrois estre tous-jours tout
ouvert) consiste en un esclarcissement d'un ombrage que quelqu'insolent a fait par l'interposition
de sa calomnie, entre l'esprit de Son Altesse et moy, comme si j'avois certaine intelligence sur ma
miserable Geneve, pour y entrer et regner par autre moyen que celuy de sa grace. Le fondement
623 Ancienne province de France qui avait Dijon pour capitale.
624 Aujourd'hui, la Franche-Comté; Dole en était la capitale. Besançon appartenait alors à l'Allemagne.
625 Guillaume Rinck ou Reinck de Baldenstein, né en 1366, élu évêque de Bàle le 19 mai 1608, préconisé le 14 février
1609, sacré le 12 juillet suivant, succédait à son oncle, Jacques-Christophe Blarer de Wartensee qui lui laissait de
grands exemples. L'affaire des salines lui valut le bienfait de connaître François de Sales; le Saint fit un petit séjour à
Porrentruy et logea dans l'hôtel qu'habitait la mère du Prélat, Anastasie Blarer de Wartensee, veuve alors de Jean-
Georges Rinck. La vertueuse dame, les PP. Jésuites, tous les habitants entourèrent l'Evêque de Genève de révérence
et d'honneur. La chambre, le fauteuil lui-même dont il se servit, furent conservés avec respect. Aujourd'hui encore, au
presbytère de cette ville, on peut voir son portrait, décoré de ses armes, qu'il avait envoyé à l'Evêque de Bâle devenu
son ami. Sur la toile, on lit: AEtatis suae 50, anno 1617.
626 Voici quelle fut l'occasion de ce «commandement.» De temps immémorial, les salines du comté de Bourgogne
appartenaient par moitié au clergé de Bourgogne et aux comtes de la province. Un accord était survenu qui cédait à
ces derniers la propriété des «muyres» ou eaux salées, en échange d'une certaine redevance de sel aux Eglises. La
mort du roi d'Espagne Philippe II (1598) et du Pape Clément VIII (1603) avait fait traîner la ratification de cet
arrangement; puis d'autres controverses avaient surgi. C'est pour régler ce différend que Paul V avait délégué l'Evêque
de Bâle et l'Evêque de Genève, par des lettres de commission données à Rome le 28 janvier 1608, et fulminées par
ces Prélats à Baume-les-Dames, le 14 novembre 1609. C'est dans l'abbaye de cette ville (voir le tome précédent, note
(313), p. 110) que se tinrent les conférences. Grace à la conciliante habileté des deux arbitres, une convention fut
arrêtée à la satisfaction des deux parties: moyennant une somme d'argent payée au clergé, les comtes de Bourgogne
furent reconnus propriétaires à perpétuité des salines. Dans cette délicate affaire, François de Sales avait voulu se faire
assister de son frère Louis; la sagesse avisée du gentilhomme savoyard fit impression sur les gens du roi d'Espagne.
L'archiduc d'Autriche, Albert, et sa femme Isabelle-Claire-Eugénie, princesse de Flandre et comtesse de Bourgogne,
témoignèrent leur gratitude à François de Sales en lui offrant de riches présents.
627 Nicolas de Soulfour (voir le tome précédent, note (776), p. 284).
628 Voir ci-dessus, pp. 184, 185.
164/329

17.5 Page 165

▲back to top


du mesdisant a esté dix ou douze jours entiers que je fus a Gex ce mois de septembre passé, et ou
allant, par une certaine imprudente hardiesse, je passay tout au travers de Geneve629, apres avoir
fait dire a la porte a celuy qui marchoit immediatement devant moy, que j'estois Monsieur
l'Evesque, et escrire en la bullette: Franç. de Sales, Evesque de ce Diocaese (car il se faut un peu
estendre a dire les particularités des saillies de ma vaillance). [216]
Sur tout cela, donq, on a fait cet argument: Qu'a-il tant fait a Gex, et qui luy a donné
cett'asseurance de passer en cette ville tant ennemie du nom quil porte et de sa qualité, et en laquelle
ses praedecesseurs ne sont jamais entrés des la revolte, sans saufconduit, sans se desguiser, sans
desadvouer sa qualité? Mais en vray (sic) verité, ilz ont peu de connoissance de mon ame, s'ilz me
jugent si plein de consideration et d'apprehension que je ne puisse pas faire une petite temerité. Le
tems, mon innocence, mais sur tout la providence de Dieu, accommodera tout cela: dequoy
neanmoins j'ay escrit a Son Altesse tout ce quil m'en sembloit, ayant premierement sceu qu'elle
s'estoit laissé porter a quelque sorte de desfiance de moy; de maniere que j'en demeure en tout bon
repos. Voyla mes nouvelles d'Estat.
Quant a celles de ce pais, nous nous res-jouissons grandement en l'esperance de voir un
bon fruit du voyage de monsieur de Jacob630 et attendons que Monsieur vienne pour passer en
France, achever ce mariage que nous desirons tant et qu'on differe tant631. Nostre monsieur de
Charmoysi, ce pendant, est tout joyeux en sa mayson des chams et tesmoigne d'aymer tant sa
retraitte quil ne veut point qu'on traitte de l'en retirer; neanmoins, si Monsieur vient, je feray, si je
puis, selon vostre conseil. Je desirerois bien y pouvoir beaucoup, comm'aussi de sçavoir, le tems
estant venu, que Paris ayt un chef auquel mon cœur ayt tant d'alliance et de correspondance
d'amitié comm'il a avec vous.
J'envoye ces trois livres632 aucunement corrigés de tant de fautes que l'imprimeur y a laissé
glisser. Je les [217] offre a madame vostre chere moytié633 et un, par son entremise, a
madamoyselle de Touteville634, sinon que vous en voulussies prendre la peyne vous mesme, et un
autre a madame la Marquise de Menelay635. J'auroys honte de tout cela, si vostre faveur ne devoit
couvrir la nudité qui y est, comm' encor ce que j'ose vous addresser tant de lettres qui sont en ce
pacquet.
Nostre Seigneur vous conserve, Monsieur, et vous comble de tout bonheur; c'est le
continuel souhait de
Vostre tres affectionné et tres fidelle serviteur,
FRANÇS, E. de Geneve.
4 decembre 1609, a Neci.
Monsieur, c'est a vous a qui j'escris ainsy librement de mes nouvelles.
A Monsieur
Monsieur des Hayes,
Maistre d'hostel du Roy,
Gouverneur et Baillif de Montargis.
Revu sur l'Autographe conservé au presbytère de Gex. [218]
629 Cf. supra, Epist. DXLVII, et infra, Ep. DLIX, DLX.
630 M. de Jacob (cf. tome XI, note (431), p. 186, et note (480), p. 209) dès 1604 faisait des négociations auprès de la
cour de Henri IV pour proposer au roi le mariage du prince de Piémont, Victor-Amédée, avec Elisabeth de France. Le
«bon fruit» de ce voyage se rapportait vraisemblablement à cette affaire; c'est pour la traiter, en effet, qu'il était envoyé
en France comme ambassadeur.
631 Dans les relations diplomatiques de cette époque, il est question de deux mariages: celui de Victor-Amédée et
d'Elisabeth de France, dont le duc de Nemours s'était occupé, et le propre mariage de ce prince avec l'infante Marie-
Catherine de Savoie, ou avec Anne de Lorraine. (Cf. ci-dessus, note (547), p. 184.)
632 Trois exemplaires de la deuxième édition de l'Introduction à la Vie devote.
633 Voir ci-dessus, note (552), p. 185.
634 Marguerite d'Orléans, princesse d'Estouville ou de Touteville, était la sœur de Catherine (voir tome XII, note (231),
p. 131) et aussi son émule par les bonnes œuvres que lui inspira sa haute piété. Elle mourut à Paris, le 23 septembre
1615, dans sa quarante-neuvième année.
635 Voir ci-dessus, note (553), p. 185.
165/329

17.6 Page 166

▲back to top


DLIX. Au Père Antoine Possevin, de la Compagnie de Jésus636
(Inédite). Les fruits des Exercices de saint Ignace. Progrès
des conversions autour de Genève. Une paysanne
missionnaire. Rétablissement du culte catholique à Gex.
Un grand nombre de genevois ébranlés; obstacles qui s'opposent
à leur retour. Le Saint raconte comment il a traversé Genève
à cheval et l'émoi que son passage a suscité dans la ville. Le
mauvais vouloir des ministres à l'égard des propositions de
François de Sales. Comment l'Introduction a la Vie devote a
vu le jour; cause de son succès. Offrande d'un exemplaire au
destinataire.
Annecy, 10 décembre 1609.
Mio Reverendo Padre,
Il Padre Gioseffo Alamanni, Rettore
del Collegio di Turino637, mi ha mandato un
aviso de i frutti i quali sono stati fatti in
Salamanca per mezo degl'Esercitii
spirituali638, et questo per commissione la
quale voi gli [219] havete data per farmi questa
comunicatione. Io ve ne rendo gratie, mio
Reverendo Padre, et mi rallegro di tutto mio
core di sapere per questa occasione che non
solamente la Providenza divina vi ha
conservato in sanità insino al presente, ma
parimente mi ha conservato nella vostra
Mon Révérend Père,
Le P. Joseph Alamanni, recteur du
collège de Turin, m'a envoyé une relation des
fruits qui se sont faits à Salamanque au moyen
des Exercices spirituels; or, c'est vous qui
l'avez chargé de me faire [219] cette
communication. Je vous en remercie, mon
Révérend Père, et de tout mon cœur je me
réjouis d'apprendre ainsi que non seulement la
divine Providence vous a conservé en santé-
jusqu'à ce jour, mais que, pareillement, elle m'a
conservé en votre bienveillance, faveur que je
tiens pour bien chère et précieuse. En retour, je
636 Notre texte italien doit être une traduction de l'Autographe écrit en français, comme la lettre du 4 octobre 1605
(voir le tome précédent, p. 105).
Quant au destinataire, il ne peut être que le P. Possevin, à n'en juger que par les confidences de la lettre.
D'ailleurs cette copie a été trouvée parmi d'autres lettres certainement adressées à ce Religieux. Au revers de cette
même pièce, on trouve notées de la main du P. Possevin ces paroles: Del Sr Vescovo di Ginevra ad un Padre della
Compa di Giesu. Delle conversioni fatte di heretici et delle cose della citta di Ginevra. Le R. P. van Meurs, S. J.,
à qui nous devons ces indications et le texte de cette lettre, n'hésite pas à croire qu'elle a été adressée à l'ancien directeur
du Saint.
637 Jean-Joseph Alamanni, né à Milan en 1556, entra dans la Compagnie de Jésus le 25 mai 1572. Profès des quatre
vœux le 12 avril 1592, il mourut à Asti le 3 août 1630, après avoir enseigné, prêché et rempli plusieurs fois la charge
de recteur. Il était l'aîné de cinq frères Jésuites.
638 Il s'agit sans aucun doute de l'apostolat exercé dans cette ville par le P. Guillaume Bathe ou Bath. «Parmi les fruits
de son zèle, on compta jusqu'à trois cents conversions d'insignes pécheurs, dont le changement de vie et les œuvres
de pénitence et de vertu tenaient du prodige. A sa voix, dit un historien1, les monastères se peuplaient de jeunes gens
des plus illustres familles. Les Exercices de saint Ignace étaient l'instrument par excellence et presque unique des
merveilles que Dieu opérait par ses mains.» (Ménologe de la Cie de Jésus, Assist. de Germanie.) Ce généreux apôtre,
né à Dublin d'une noble famille irlandaise, avait quitté la cour d'Elisabeth pour la Compagnie de Jésus; après avoir
étudié la théologie à Padoue et exercé dans cette ville un fructueux apostolat, il se rendit en Espagne, séjourna à
Salamanque, au collège irlandais, et mourut saintement à Madrid, à l'âge de cinquante ans, le 17 juin 1614. Il a laissé
un ouvrage fort curieux: Janua linguarum, etc., 1611, et un travail sur les Exercices: Aparejos para administrar el
Sacramento de la Penitencia, etc., publié à Milan (1614) sous le pseudonyme de Pédro Manrique. (Cf. Distinguished
Irishmen of the XVIth century, by the Rev. Edmund Hogan, S. J. London, Burns and Oates, 1894.)
1 Tanner, S. J., Societas Jesu Apostolorum imitatrix, 1694.
166/329

17.7 Page 167

▲back to top


benevolenza, la quale io tengo per una ventura
ben cara et pretiosa per me, il quale
reciprocamente continuo in honorarvi nella
mia anima con un rispetto et amore tutto
particolare. Per conseguenza di questo, io vi
dirò brievemente alcune nuove di questa mia
diocese et come io fo, sentendomi obligato a
darvene conto.
Noi non habbiamo più alcun heretico
nei balliaggi o signorie di Ternier e Gagliard,
nè nel ducato di Chiablès, [220] dove erano
quasi tutti, già sedici anni ch'io vi fu (sic)
mandato. Una signora, la quale non si era
giamai potuta ridurre639, essendo morta questi
giorni passati, doppo havere nondimeno fatto
professione della fede catolica il giorno
medesimo ch'ella morì, et havendo ricevuto i
divini Sacramenti per le rimonstranze fattele
da una paesana sua vicina, ha fatto
grandemente maravigliare dei segreti della
bontà di Dio, coloro i quali hanno saputo
considerargli in questo fatto.
Nel balliagio di Gex, il qual adesso è
del Ré di Francia, la più parte sono anchora
hughinoti (sic), sendo in loro continuata questa
maledetta religione da settanta anni in qua che
i Bernesi lì la piantarono. Con tuttociò, doppo
nove anni in qua, noi habbiamo ristabilito
l'essercitio catolico in cinque bande640, et i due
ultimi ristabilimenti furono fatti solamente nel
mese di settembre passato641; et doppo quel
tempo, alcuni si sono ridotti, et specialmente
questo mese passato, un gentilhuomo
d'importanza642. [221]
Quanto alla città di Genevra, la
consideratione dello Stato la ritiene nella sua
infelicità; ma con tutto questo, mi pare che i
primi crepusculi del giorno spirituale
cominciano a spandere i raggi fra i suoi
habitanti, poiché grande quantità di loro
consentono che la religione catolica è migliore.
Molti la desiderano e confessano che se la
preferirebbono chiaramente, se ella fosse così
salutare a loro Stato come essa sarebbe alle
loro conscienze; e credo che se il loro edito, il
quale chiamano fundamentale, nel quale è
condennato a morte il primo che proporrà
continue à vous honorer dans mon âme avec un
respect et un amour tout particulier; c'est
pourquoi je vous dirai brièvement quelques
nouvelles de mon diocèse et ce que je fais moi-
même, car je me sens obligé de vous en rendre
compte.
Nous n'avons plus aucun hérétique
dans les bailliages ou seigneuries de Ternier et
Gaillard, ni dans le duché de Chablais, où
presque [220] tous l'étaient, lorsque j'y fus
envoyé il y a seize ans. Une dame qu'on n'avait
jamais pu convertir, est morte ces jours passés,
après avoir, néanmoins, fait profession de la
foi catholique le jour même de sa mort et reçu
les divins Sacrements, grâce aux exhortations
d'une paysanne sa voisine: grand sujet
d'admirer les secrets de la bonté de Dieu pour
ceux qui ont su les considérer dans cet
événement.
Dans le bailliage de Gex, qui appartient
maintenant au roi de France, la plupart des
habitants sont encore huguenots; car cette
maudite religion a persisté parmi eux depuis
soixante-dix ans que les Bernois l'y ont
implantée. Cependant, après neuf ans, nous
avons rétabli l'exercice du culte catholique en
cinq endroits. Les deux derniers
rétablissements furent seulement faits en
septembre dernier, et depuis lors, quelques
personnes se sont converties; notamment, ce
mois passé, un gentilhomme de marque. [221]
Quant à la ville de Genève, la raison
d'Etat la retient dans son infortune; mais il me
semble que, malgré tout, la première aurore du
jour spirituel commence à répandre ses lueurs
parmi ses habitants, puisqu'un grand nombre
d'entre eux avouent que la religion catholique
est la meilleure. Beaucoup la désirent et
confessent qu'ils la préfereraient ouvertement
à la leur, si elle était aussi salutaire à leur Etat
comme elle le serait à leurs consciences. Et je
crois que si leur édit (qu'ils appellent
fondamental), suivant lequel le premier qui
proposera le changement de religion doit être
condamné a mort, si cet édit était aboli,
plusieurs entreraient en pourparlers pour
639 Le nom de cette «dame» s'est dérobé à nos recherches.
640 Les «cinq endroits» où le culte catholique fut restauré étaient: Gex, Farges, Asserens, Cessy et Péron, et en
novembre 1601 pour les trois premières paroisses. (Cf. tome XII, p. 90.)
641 Vide supra, p. 196, not. (568).
642 Ce «gentilhomme de marque» serait-il Alexandre de Montcroissant? (Cf. ci-dessus, note (481), p. 162.)
167/329

17.8 Page 168

▲back to top


lamutatione della religione, fosse abolito643,
molti intraprenderebbono di parlare per havere
l'essercitio catolico in una chiesa della città.
[222]
Io, l'altro giorno, andando a Gex, doppo
havere celebrato la santa Messa in un villaggio
vicino644, mi venne al core di passar dentro la
città di Genevra, il che era il mio camino più
diritto; il che io feci senza alcuna
apprehensione, per una certa confidanza più
semplice che prudente. Et essendo arrivato alla
porta, il sopraintendente di quella dimandando
che io era, io feci rispondere pel mio Vicario
generale645 che era Monsignor il Vescovo. Et
sopra la dimanda che fu fatta: «Qual
Vescovo?» io feci rispondere: «Monsignore il
Vescovo di questa diocese;» et allora egli lo
scrisse sopra il suo libro di consignatione, con
queste parole: Monsre Francesco di Sales,
[223] Vescovo di questa diocese. E non sò se
egli intese il motto di diocese; almeno egli mi
lasciò entrare, e così io passai a cavallo a
traverso della città, salutato dalla più parte de
gli huomini e donne molto honorevolmente.
Dapoi, essendo io uscito et essendo
sparso fra il popolo il romore della mia passata,
fecero grande diversità di discorsi fra loro. I
seditiosi dicevano che dovevo esser ritenuto
obtenir l'exercice du culte catholique dans une
église de la cité. [222]
Naguère, allant à Gex, il me vint au
cœur, après avoir célébré la sainte Messe dans
un village voisin, de passer par Genève: c'était
mon chemin le plus direct. Je le fis sans aucune
appréhension, par une certaine hardiesse où il
entrait plus de simplicité que de prudence.
Arrivé à la porte de la ville, le préposé
demanda qui j'étais; je fis répondre par mon
vicaire général que j'étais Monsieur l'Evêque.
Et à cette question: «Quel Evêque?» je fis
répondre: «Monsieur l'Evêque de ce diocèse.»
L'homme alors l'écrivit dans son registre
d'inscriptions, avec ces mots: Monsieur
François de Sales, Evêque [223] de ce diocèse.
Je ne sais s'il comprit le mot diocèse; du moins
me laissa-t-il entrer, et ainsi je passai à cheval
au milieu de la ville, salué par la plupart des
hommes et des femmes avec un grand respect.
Après ma sortie, le bruit de mon
passage s'étant répandu parmi le peuple, on tint
à ce sujet des propos très différents. Les
séditieux disaient qu'on aurait dû me garder
pour me contraindre à renier ma dignité; les
plus honnêtes, au contraire, dirent qu'il aurait
fallu me retenir pour me traiter avec courtoisie,
en qualité de seigneur voisin et ami. Mais en
643 Parmi les Ordonnances de la Cité de Geneve, sus la Reformation, l'Estat, et Police d'icelle, reveues par nos
Treshonnorés Seigneurs, le XVII de Decembre mil cinq cens huictante huict, et publices le premier de Janvier, 1589
(Geneve Le Preux, 1589), on trouve les prohibitions suivantes:
«De la Reformation, Estat, et Liberté de la Ville. En premier lieu... il est defendu tres expressément
(conformément à l'Edict passé en Conseil general dés l'an 1539) que nul de quelque estat, qualité et condition qu'il
soit, n'ait à procurer ni prattiquer secretement ni ouvertement, directement ou indirectement, et en quelque maniere
que ce soit, d'abolir et faire cesser le cours de la Parole de Dieu et du sainct Evangile, ici purement annoncé, ni
introduire en ceste dite Cité et au territoire d'icelle aucune autre Religion à ce contraire. II. Pareillement, que nul
n'ait à parler, pourchasser, ni avancer aucun moyen quel qu'il soit, tendant à aliener, accorder, changer ni alterer
directement ou indirectement, secretement ou ouvertement en quelque façon et maniere que ce soit la Seigneurie, Estat
et Souveraineté de ceste cité de Geneve, ... ains que chacun soit tenu de tout son pouvoir maintenir la saincte
Reformation Evangelique qu'il a pleu à Dieu establir au milieu de nous, ensemble la liberté et estat souverain de ceste
dite Cité. Et est commandé et enjoint à tous ceux qui ont devoir à icelle, qui appercevront quelques telles pratticques
et menees, de les reveler et rapporter promptement à nosdits Treshonnorés Seigneurs: Le tout de ce que dessus à peine
aux contrevenans ou consentans de perdition et confiscation de corps et biens.»
Cet édit, dont nous soulignons les derniers mots, est sans doute celui dont le Saint souhaitait l'abolition.
Déjà, dans les Cries1, soit publications faites le 12 mars 1550, on trouve un article ainsi conçu: «7. Item, que
nul ne soit si osé ni si hardi en manière quelconque procurer ni pratiquer, secrettement ni ouvertement, de abolir ou
faire cesser la parole, prêche et sermon de Dieu et de son saint Evangile, ni de avancer ni revenir à la loi papistique,
sus peine de perdition de la vie
644 Saint-Julien en Genevois, d'où il partit, en effet, dans la matinée du 12 septembre. (Cf. Charles-Auguste, Histoire,
etc. liv. VII.)
1 Les Cries de 1550, inédites, sauf erreur, se trouvent aux Archives de Genève, dans un volume manuscrit intitulé:
Nouveau Recueil de Règlemens; compilation faite en 1777, en vue de la redaction d’un Code genevois.
Le même article est reproduit, avec de légères variantes, dans les Cries des 28 février et 5 mars 1560: Les
Cries faites en cette cité de Geneve, l’an mille cinq cens soixante. Avec privilege. Chez Artus Chauvin. Cette
publication a été réimprimée à Montpelier, 1879. (D’après les notes de M. E. Rivoire, de Genève.)
645 Jean Favre (voir le tome précédent, note (713), p. 265).
168/329

17.9 Page 169

▲back to top


per costringermi a rinegare il mio grado; i più
honesti, pel contrario, dissero che bisognava
ritenermi per carezzarmi in qualità di signore
vicino et amico. Ma communemente, hanno
preso per un malvagio presaggio ch'io habbia
havuto l'assicuranza di passare freddamente fra
loro con le mie insigni di Vescovo et di dire
alla loro porta ch' io era il loro Vescovo, il che
non è giamai avenuto dapoi che si ribellarono.
Io mi sono spesso offerto di andare per
convincere la loro dottrina di falsità, se mi
dessero sicurezza della mia persona e di quei
che verrebbono meco, et ho fatto portar loro la
parola per gente di qualità, con uno scritto
sottoscritto di mia mano et sigillato; ma giamai
non hanno voluto, [224] essendo stati impediti
da i ministri646. Hor io ho voluto dirvi questa
particolarità perciochè mi è stato scritto d'Italia
che in Turino hanno raccontato il fatto
altrimente circa la mia passata per Genevra et
io sarò ben allegro che voi lo sappiate nel
modo che veramente è passato.
Nel restante, una virtuosissima et
devota gentildonna di questa città647 dove io fo
la residenza, essendo andata a Chiamberì e
trattando delle cose spirituali col Padre
Forerio, Rettore del Collegio, gli mostrò certi
avisi i quali io le haveva dati. Et egli havendoli
veduti, mi costrinse molto ch'io volessi fargli
stampare, il che in nissun modo havevo
deliberato; e finalmente io fui costretto di farlo
l'anno passato. Sono poi stati ristampati la
seconda volta e ben tosto gli ristamparanno la
terza. Il libro è stato ben ricevuto in Francia,
per rispetto della novità dell' argomento, il
quale non ha la mira ad altro che ad aiutare i
mondani.
Io ho creduto che voi gradireste se io ve
ne mandassi [225] un essemplare per modo di
novità; questo è perchè io l'ho fatto con questa
occasione, supplicandovi di riceverlo come
cosa che viene da colui che vi honora, vi
riverisce et ama di tutto il suo core, et prega
Dio che vi empisca di ogni santa prosperità.
Vostro humile et affettionatissimo
servitore,
FRANCESCO, Vescovo di Ginevra.
A Neci, i dieci di Decembre 1609.
général, ils ont regardé comme un mauvais
présage l'assurance que j'ai eue de passer
froidement parmi eux avec mes insignes
d'Evêque, et de dire à leur porte que j'étais leur
Evêque; jamais pareille chose n'était arrivée
depuis leur révolte. Souvent je leur ai offert de
me rendre auprès d'eux pour convaincre leur
doctrine de fausseté, à la condition d'en
recevoir quelque garantie pour ma personne et
pour ceux qui viendraient avec moi; je leur ai
meme fait porter la parole par des gens de
qualité, avec un écrit signé de ma main et
cacheté: jamais ils ne l'ont voulu; ils en ont été
empêchés par les [224] ministres. J'ai voulu
vous raconter cette aventure parce qu'on m'a
écrit d'Italie qu'à Turin le fait de mon passage
par Genève a été présenté autrement; je serai
donc bien aise que vous sachiez comment la
chose s'est réellement passée.
Au demeurant, une très vertueuse et
dévote dame de cette ville où je fais ma
résidence, s'étant rendue à Chambéry et traitant
de choses spirituelles avec le P. Fourier,
recteur du collège, lui montra certains avis que
je lui avais remis. Le Père les ayant vus, me
pressa fort de les faire imprimer; ce à quoi je
n'avais nullement pensé. Enfin je fus contraint
de le faire l'année passée; depuis ils ont été
réimprimés une seconde fois et bientôt ils le
seront de nouveau pour la troisième. L'ouvrage
a été bien accueilli en France à cause de la
nouveauté de son contenu qui ne vise qu'à aider
les gens du monde.
J'ai cru que si je vous en envoyais un
exemplaire, à titre de [225] publication
nouvelle, vous l'auriez pour agréable; voilà
pourquoi je vous l'adresse par cette occasion.
Je vous supplie de le recevoir comme venant
de quelqu'un qui vous honore, vous révère et
vous aime de tout son cœur, et qui prie Dieu de
vous combler de toute sainte prospérité.
Votre humble et très affectionné
serviteur,
FRANÇOIS, Evêque de Genève.
Annecy, le 10 décembre 1609.
646 François de Sales fait allusion aux tentatives qu'il fit pour entrer en discussion publique avec les ministres genevois;
ceux-ci se dérobèrent. L' «écrit de sa main» qu'il leur adressa pour leur proposer la conférence est daté du 6 août 1605;
il trouvera place dans les Opuscules. (Cf. Charles-Auguste, Histoire, etc., liv. VI, et les Lettres DXLI, DXLIV.)
647 Mme de Charmoisy.
169/329

17.10 Page 170

▲back to top


DLX. A la Baronne de Chantal. Promesses pour le recrutement
de la future Congrégation. Le passage par Genève et les
calomniateurs. Le dessein de François de Sales traversé.
Occupations, affections pieuses, souvenirs évoqués au cours du
voyage d'un apôtre. — Les grands désirs qui remplissent le cœur
d'un Saint. Une affection que les paroles du monde ne
sauraient traduire.
Annecy, 11 décembre 1609.
Et en fin je viens a vous, ma chere Seur, ma Fille, des-ja tout recreu d'avoir tant escrit, mais
resolu neanmoins de vous escrire tant que je pourray, tout a l'abandon, selon quil me viendra648.
Oüy, [mon ame649,] ma Fille, je vis la bonne M. David, [226] qui me plait fort650. J'en vis
un'autre a Dole, damoyselle de fort bon lieu651 et qui a extremement bonne mine, un peu ma parente
(car ell'est de ce pais), et qui vous vit a Dijon ou ell' estoit allé conduire une Religieuse Carmeline.
En fin, nous n'aurons que trop de gens, c'est a dire, plus que nous ne pourrons recevoir.
Mais, ma chere Fille, c'est la Providence de nostre cher Seigneur qui vous retient un peu
la, car voyci qu'a mon arrivee, j'ay treuvé des nouvelles qu'on m'avoit fait une grande calomnie en
nostre court, propre a me mettre en la disgrace de ce Prince qui, des quelque tems en ça,
tesmoignoit tant de m'aymer. Et moy, qui ay quelquefois du courage, je me suis fort plaint par une
lettre652, de laquelle la consequence peut estre diverse, mais tous-jours universellement a la gloire
de Dieu et a ma consolation. Or, j'en attens l'evenement, et ne voudrois pas que vous fussies icy
qu'apres que cette bourrasque sera passee, qui sera bien tost, Dieu aydant. Mais quand je l'appelle
bourrasque, dame, ne penses pas que j'en sois agité, nomplus certes que de la moindre chose du
monde; car il ny a en cela pour tout, aucun sujet de mon costé que ce beni passage que je fis a
Geneve, que les calomniateurs ne peuvent s'imaginer que j'aye fait sans avoir quelqu'intelligence
avec les habitans653. Helas! ceux qui me connoissent sçavent que je ne pensay jamais a intelligence
et que je fay mille traitz de courage par une vraye simplicité; non pas certes simplicité d'esprit (car
je ne veux pas parler doublement avec vous), mais simplicité de confiance. Or tout cela n'est rien,
et je ne le dis aussi [227] qu'a vous, a laquelle je ne puis rien celer de ce qui me regarde.
Cependant, voyci pas une chose notable? A mon arrivee, j'ay treuvé que la moytié de nos
esperances pour l'erection d'un monastere ou je croyois de pouvoir attirer nos bonnes Carmelines
est abbatue, car l'une des filles que nous esperions y devoir contribuer ne s'est peu resoudre a quiter
le monde. Sur cela, celuy qui manie toute la barque et duquel depend l'autre fondatrice, sans que
je luy en eusse jamais parlé, sans quil en eut jamais rien apperceu, me va proposer que la mayson
estant achettee et presque praeparee pour une douzaine de filles, il seroit bon de l'employer a la
Congregation de quelques dames devotes654, selon que jadis il avoit ouy discourir a un vieux
648 Je raye ce mot non pas de mon coeur, mais du papier.
649 Le Saint a d'abord rayé ces deux mots; ensuite il a écrit ce qui se lit en marge.
650 Les membres de la famille qui portait le nom de David étaient fort nombreux en Bourgogne, mais les détails nous
manquent pour identifier «la bonne M. David.» Il ne semble pas que cette vocation soit venue à maturité. La postulante
serait-elle «Dlle Jeanne de Requeleyne, veuve de noble Claude David, avocat au Parlement de Bourgogne et conseiller
des Etats particuliers du Comté d'Auxonne»? (Quittance du 19 avril 1598, Archiv. départ, de la Côte-d'Or, E. 21664.)
651 Probablement Marie de Mouxy, veuve de Louis de la Touvière, seigneur d'Escrilles ou des Crilles. Elle entra plus
tard à la Visitation. Sa notice sera donnée plus loin.
652 La lettre que François de Sales écrivit à cette occasion ne nous est pas parvenue.
653 Cf. Epist. DLVIII, DLIX et not. (572), p. 196.
654 Pour l'intelligence de cette lettre et des lettres ultérieures qui lui feront écho, il faut exposer avec un peu de clarté
cette affaire assez mal connue jusqu'ici des historiens.
170/329

18 Pages 171-180

▲back to top


18.1 Page 171

▲back to top


Capucin italien655. Je ne luy respondis rien, et maintenant il est revenu, et ayant parlé avec luy sur
ce sujet, il ny a quasi moyen de le luy arracher de l'esprit. Pour moy j'attens, et si je voy de la
conformité je ne [228] refuseray pas ce parti; mais Dieu sera avec nous, sil luy plait, pour tout cela.
Je vous escriray dores en avant le succes de tout, affin que, selon cela, par apres nous traittions de
vostre venue a Salins ou non656.
J'escris a nostre M. de Vaucroissant657, qui'a tort, certes, sil croit que je ne l'ayme pas
parfaittement, car certes, je le cheris tout entierement; mais voyes vous, quelques fois l'ardeur de
l'amitié s'evapore en jalousie. Je vous envoye les lettres que j'oubliay a vous porter de Mme
Vignod658, qui est tres bonne fille. Escrives un mot a la bonne Mme la Presidente659, car ell'a le
cœur gros aussi bien que monsieur de Vaucroissant, et dit qu'elle ne le merite pas.
Nous avons fait un fort heureux voyage au comté, et que j'y ay prié Dieu de bon cœur pour
vous au saint Suaire660, que l'on monstra publiquement, a ma contemplation; a la sainte Hostie661
et a nostre cher Saint Claude, ou je fus logé en vostre logis, et pris playsir a [229] voir le lieu ou
je receu vostre confession, et fus consolé a representer ce cœur qu'en qualité de pere je presentay
la premiere fois a l'autel de Saint Claude662. J'ay presque presché par tout et a mon gré, c'est a dire
Le Saint désigne certainement le baron et la baronne de Cusy, et ceux-ci sont très probablement Bérold de
Pingon et sa femme, beaux-parents de Louis de Sales. Jean-Bérold, en effet, mort en 1624, né à Cusy le 4 janvier
1561, d'Emmanuel-Philibert de Pingon, baron de Cusy, et de Philiberte du Breul, était un homme fort dévot. Sur son
invitation expresse, les confrères de la Sainte Croix avaient fait halte dans son château, au retour de leur pèlerinage
d'Aix. (Voir tome XI, Lettre XXIII.) Tout marié qu'il était, il menait une vie de Capucin. Il aimait d'ailleurs chèrement
les Religieux de ce nom, se fît leur bienfaiteur et voulut mourir revêtu de leur habit. Charlotte de Vautravers, qu'il
avait épousée après le 4 avril 1585, faisait profession, elle aussi, d'une grande piété. En 1606, tous les deux désiraient
entrer en Religion (voir le tome précédent, pp. 156, 157). De telles aspirations les inclinèrent l'un et l'autre à fonder à
Annecy, avec l'agrément du saint Evêque, un monastère de Carmélites. La maison qui avait été acquise, devait être
«en partie payee des deniers» de leur nièce, Mlle de Chapot. Mme de Cusy, que la Règle du Carmel effrayait peut-être,
recula, et sa parente se désista comme elle pour se tourner vers une Religion plus douce. (D'après un Ms. inédit de la
Mère de Brèchard, conservé à la Visitation de Périgueux.) Ne serait-ce pas elle qui « ne s'est peu résoudre a quiter le
monde»? Celui qui maniait «toute la barque» ne sut pas, malgré son vouloir, l'empêcher de chavirer, ou du moins,
comme on le verra, la conduire au bon port que souhaitait le Saint. (Cf. les lettres des 23 avril, 2, 24 et 28 mai, et 3
juillet 1610.)
655 Il y avait plusieurs Capucins italiens en Savoie à cette époque; il est impossible de nommer celui-ci.
656 La Sainte avait sans doute formé le projet de voir à Salins son bienheureux conducteur l'année suivante, à l'occasion
du Carême qu'il devait y prêcher. (Cf. ci-dessus, note (612), p. 209.)
657 Probablement le prieur du monastère de ce nom. Issu de l'abbaye de Val-des-Choux, le prieuré de Val-Croissant
ou Vauxcroissant fut fondé en 1216. par Guillaume de Mont-Saint-Jean, au diocèse d'Autun, non loin de Saulieu. Il
compta parmi ses prieurs, en 1585, Dom Frémyot, frère du président Frémyot et oncle de la baronne de Chantal.
658 Bernarde de Vignod, Religieuse de l'abbaye de Sainte-Catherine.
659 Sans doute la présidente Favre.
660 Le saint Suaire de Besançon (voir le tome précédent, note (706), p. 262).
661 La sainte Hostie que vénéra le Saint à Dole est célèbre dans les fastes de l'Eucharistie. Le lundi de Pentecôte, 26
mai 1608, dans l'église des Bénédictins de Faverney, au diocèse de Besançon (Hte-Saône), on vit suspendu en l'air, au
milieu d'un incendie, sans aucun support, le vase sacré qui renfermait deux hosties consacrées, restées intactes. Plus
de dix mille personnes accourues des villages voisins purent contempler ce prodige, dont la certitude d'ailleurs fut
canoniquement reconnue le 10 juillet suivant. Les Dolois réclamèrent l'une des deux hosties et, non sans difficulté
l'obtinrent de l'abbé de Faverney, Alphonse Doresmieux. La translation eut lieu du 15 au 20 décembre 1608, et
provoqua d'imposantes manifestations de foi et de piété. Jean Boyvin (1575-1650), se fit le poète et l'architecte de la
sainte Hostie. Il en est aussi le principal historien. Le récit pittoresque qu'il a laissé du miracle a été publié seulement
de nos jours, sous le titre de Relation fidèle du miracle de Faverney, Besançon, 1839.
En 1794, la Révolution ne se contenta pas de profaner la Sainte-Chapelle de Dole; elle détruisit l'auguste
relique qui, pendant près de deux siècles, fut la gloire et la protection de la vieille capitale de la Franche-Comté.
662 Le 24 août 1604, François de Sales, accompagné de Mme de Boisy sa mère et de Jeanne de Sales, avait rencontré à
Saint-Claude la baronne de Chantal, Mme Brûlart et sa sœur, l'Abbesse du Puits-d'Orbe. (Cf. tome XII, note (858), p.
343.) Les pieux pèlerins, durant leur séjour, logèrent sous le même toit, tout proche de l'église de Saint-Claude, chez
un très honnête bourgeois, nommé Henri Rosset, dont l'epouse, une très vertueuse femme, se nommait Jacqueline
Michaud. Anne, leur fille, alors âgée de dix ans, devint plus tard la douzième Religieuse de la Visitation; on sait
combien elle illustra, par la rare beauté de sa vie contemplative, les origines de l'Institut. (D'après la Vie manuscrite
de la Mère Rosset, par la Mère de Chaugy, conservée à la Visitation d'Annecy.) François de Sales fait allusion à ce
séjour et rappelle ici les souvenirs de l'entrevue de Saint-Claude.
171/329

18.2 Page 172

▲back to top


utilement. La bonne Mme de Baume663 fut bien consolee, quoy qu'accablé de tant de gens qui me
demandoyent confession664 je n'eu pas tout le loysir que je desirois pour l'entretenir, car outre cela,
j'avois mon grand affaire sur les bras665.
Ouy, ma Fille tres chere, je dis tout incomparablement, je vous donneray un beau livre666
ou j'escriray, mais je veux attendre la troysiesme edition, a laquelle j'apporteray un soin tout
particulier; mays ce pendant, je ne laisseray pas de vous en donner de cette seconde par la premiere
commodité. Je n'ay nulles nouvelles de monsieur de Berulle.
Ce n'est pas icy la grande lettre que je vous veux escrire, car vous voyes bien que je Cours
a toutes brides. Vous ne sçauries croire combien je sens mon cœur plein de grans desirs de servir
Nostre Seigneur. Certes, ma Fille, mes affections sont si grandes, ce me semble, que j'espere de le
faire un jour, apres que je me seray bien humilié devant Dieu. Vive Dieu! ma chere Fille, il m'est
advis que tout ne m'est plus rien qu'en Dieu, auquel neanmoins et pour lequel j'ayme plus
tendrement que jamais ce que j'ayme, et sur tout nostr'ame. O il est vray, ma Fille, j'ay ce sentiment
lâ. [230]
Encor vous veux je dire que vostre filz667 a bien porté une si douce et aggreable humeur
tout au long du voyage, que je l'ayme beaucoup plus que fraternellement, et sur tout quand il parle
avec suavité de sa petite famme. Dieu est bon, ma Fille, soyons donq bons aussi.
Bon soir, ma Fille, Dieu soit a jamais nostre tout. Je suis en luy plus vostre que je ne sçauray
jamais dire en ce monde, car les paroles de cet amour ny sont pas.
La pauvre petite seur668, est toute grosse, a ce que son mari m'a dit, qui se plaint de quoy
ell'est un peu melancolique; je pense que dans quatre jours elle viendra.
Vive Jesus et Marie! Amen.
XI decembre 1609, a Neci.
Ne parles a personne de l'affaire de la cour.
A Madame
Madame la Baronne de Chantal.
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Dijon.
DLXI. A la même. Ferveur d'une postulante. Les austérités
corporelles et les mortifications spirituelles; celles que le Saint
désire pour les filles de sa future Congrégation.
Annecy, [vers mi-décembre] 1609669.
Vostre Anne Jacqueline670 me contente tous-jours plus. La derniere fois qu'elle se confessa,
elle me demanda [231] licence, pour se preparer et accoustumer, dit elle, a estre Religieuse, de
jeusner les Advens au pain et a l'eau, et d'aller nudz pieds tout l'hiver. O ma Fille, il vous faut dire
ce que je luy respondis, car je l'estime aussi bon pour la maistresse que pour la servante: que je
desirois que les filles de nostre Congregation eussent les pieds bien chaussés, mais le cœur bien
663 Marguerite de Genève, abbesse de Baume-les-Dames (voir le tome précédent, note (313), p. 110).
664 Cf. supra, p. 211, not. (614).
665 L'affaire des salines.
666 De l'Introduction à la Vie devote.
667 Bernard de Sales.
668 Mme de Cornillon, sœur du Saint.
669 Le Saint, dans la lettre précédente (p. 330), promet à Mme de Chantal une longue lettre. Ce fragment aurait-il fait
partie de cette dernière? En tout cas, l'allusion aux «Advens», fait penser qu'il doit avoir été écrit vers la mi-décembre.
670 Anne-Jacqueline Coste (voir ci-dessus, note (181), p. 63).
172/329

18.3 Page 173

▲back to top


deschaussé et bien nud des affections terrestres; qu'elles eussent la teste bien couverte et l'esprit
bien descouvert, par une parfaitte simplicité et despouillement de la propre volonté.
DLXII. A Madame de la Fléchère. Une contemplation, source
de profonde tranquillité. Sentiments qui doivent animer un
cœur grandement épris de Jésus-Christ crucifié. Examen de
prévoyance fort utile. Une pauvreté qui n'en est pas une.
L'appréhension de l'éternité et l'appréhension des accidents de
cette vie mortelle. La révérence envers Notre-Seigneur; en
quoi surtout elle consiste.
Annecy, vers mi-décembre [1609671].
C'est la verité, ma tres chere Fille, que rien ne nous peut donner une plus profonde
tranquillité en ce monde que de regarder souvent Nostre Seigneur en toutes les afflictions qui luy
arriverent despuis sa naissance jusques a sa mort; car nous y verrons tant de mespris, de calomnies,
de pauvreté et indigence, d'abjections, de peynes, de tourmens, de nudités, d'injures et de toutes
sortes d'amertumes, qu'en comparayson de cela nous connoistrons que nous avons tort d'appeller
afflictions et peynes et contradictions ces petitz accidens qui nous arrivent, et que nous avons tort
de desirer de la patience pour si peu de chose, puisqu'une seule petite goutte de modestie suffit
pour bien supporter ce qui nous arrive. [232]
Je connois fort bien l'estat de vostre ame et m'est advis que je la voy tous-jours devant moy
avec toutes ces petites esmotions de tristesse, d'estonnement et d'inquietude qui la vont troublant,
parce qu'elle n'a pas jetté encor asses avant les fondemens de l'amour de la croix et de l'abjection
dedans sa volonté. Ma tres chere Fille, un cœur qui estime et ayme grandement Jesus Christ
crucifié, ayme sa mort, ses peynes, ses tourmens, ses crachatz, ses vituperes, ses disettes, ses faims,
ses soifz, ses ignominies, et quand il luy en arrive quelque petite participation, il en jubile d'ayse
et les embrasse amoureusement. Vous deves donques tous les jours, non pas en l'orayson, mais a
part, en vous proumenant, faire une reveuë de Nostre Seigneur entre les peynes de nostre
Redemption, et considerer quel bonheur vous sera d'y participer; voir en quelle occasion ce bien
la vous peut arriver, c'est a dire les contradictions que vous pourres avoir en tous vos desirs, mais
sur tout es desirs qui vous sembleront plus justes et legitimes, et puis, avec un grand amour de la
Croix et Passion de Nostre Seigneur, vous vous deves escrier avec saint André672: «O bonne croix,»
tant aymee de mon Sauveur, quand me recevres-vous entre vos bras?
Voyes vous, ma tres chere Fille, nous sommes trop delicatz d'appeller pauvreté un estat
auquel nous n'avons ni faim, ni froid, ni ignominies, mais seulement quelques petites
incommodités en nos desseins. Quand nous nous reverrons, resouvenes moy que je vous parle un
peu de cette tendresse et delicatesse de vostre cher cœur, car vous aves sur tout besoin, pour vostre
paix et repos, d'estre guerie de cela avant toutes choses, et de bien former en vous l'apprehension
de l'eternité, en laquelle quicomque pense souvent, il se soucie fort peu de ce qui arrive en ces trois
ou quatre momens de vie mortelle673.
671 Le ton de la lettre semble désigner Mme de la Fléchère pour destinataire et les allusions du texte rendent très probable
la date proposée.
672 In Actis ejus.
673 Cf. II Cor., IV, 17.
173/329

18.4 Page 174

▲back to top


Puisque vous estes apres a jeusner la moitié des Advens, vous pouves continuer jusques a
la fin. Je veux bien que vous communiies, voire deux jours suivans, quand il y aura des festes.
Alles bien devotement a la Messe apres disner: c'est a la vielle façon des Chrestiens. [233] Nostre
Seigneur ne regarde pas a ces petites choses; la reverence consiste au cœur, il ne faut pas nourrir
vostre esprit en ces petites considerations.
A Dieu, ma tres chere Fille, tenes moy bien tous-jours pour tout vostre, car en vraye verité
je le suis. Dieu vous benisse. Amen.
FRANÇS, E. de Geneve.
DLXIII. A la Baronne de Chantal. La succession des années et
l'éternité. Souhaits de nouvel an. Le temps de Dieu;
récompense promise à ceux qui en usent bien. Comment tenir
son cœur solitaire au milieu de la foule.
Annecy, 29 décembre 1609674.
Voyci, ma tres chere Fille, cette annee qui se va abismer dans le gouffre ou toutes les autres
se sont jusques a present aneanties. O que l'eternité est desirable au prix de ces miserables et
perissables vicissitudes! Laissons couler le tems, avec lequel nous nous escoulons petit a petit pour
estre transformés en la gloire des enfans de Dieu675.
C'est la derniere fois676 de cette annee que je vous escris, ma chere Fille. Hé, que je vous
souhaitte de benedictions, et avec quelle ardeur, cela ne se peut dire. Helas! quand je pense comme
j'ay employé le tems de Dieu, je suis bien en peyne qu'il ne me veuille point donner son eternité,
puisqu'il ne la veut donner qu'a ceux qui useront bien de son tems.
Il y a trois mois que je suis sans vos lettres, mais je croy que Dieu est avec vous, ce m'est
asses. C'est luy que je vous desire uniquement. Je vous escris sans loysir, [234] car ma chambre
est pleine de gens qui me tirent; mais mon cœur est solitaire toutefois, et plein de desir de vivre a
jamais tout pour ce saint amour, qui est l'unique pretention de ce mesme cœur. Au moins, parmi
ces jours sacrés, mille desirs m'ont saysi de vous donner le digne contentement que tant vous
souhaittes de mon ame comme de la vostre mesme, en m'avançant soigneusement a cette sainte
perfection a laquelle vous aspires et pour laquelle vous respires en la faveur de ce cœur, qui,
reciproquement, vous souhaitte sans fin toute la plus haute union avec Dieu qui se peut treuver icy
bas.
C'est l'unique souhait de celuy que Dieu vous a donné.
FRANÇS, H. de Geneve.
674 Si la fin de cette lettre n'est pas interpolée, on peut lui attribuer la date de 1609, toute autre année étant contredite
par les allusions du texte.
675 II Cor., III, ult.
676 Jusqu'à Vivès (1856-1858), les éditeurs avaient: «premiere fois.»
174/329

18.5 Page 175

▲back to top


DLXIV. A Madame de la Fléchère. L'unique guérison de
certaines épreuves spirituelles. Le sang du Calvaire et la
clarté du Thabor; de ces deux montagnes, quelle est la plus
désirable et la plus fructueuse. Le pain sans sucre et le sucre
sans pain. Pourquoi la connaissance de notre néant ne doit
pas nous troubler.
[1609 ou 1610677.]
Certes, ma chere Fille, ce n'est pas que je n'aye un cœur tout tendre pour vous, mais je suis
tellement tracassé d'encombriers, que je ne puis pas escrire quand je veux. Et puis, vostre mal, qui
n'est d'autre chose que de secheresse et aridité, ne peut estre remedié par lettre; il faut en presence
ouyr vos petitz accidens, et encor, apres tout, la patience et resignation en est l'unique guerison.
Apres l'hiver de ces froidures, le saint esté arrivera et nous serons consolés. [235]
Helas! ma Fille, nous sommes tous-jours affectionnés a la douceur, suavité et delicieuse
consolation; mais toutefois, l'aspreté de la secheresse est plus fructueuse. Et quoy que saint Pierre
aymast la montaigne de Thabor678 et fuist la montaigne de Calvaire, celle ci toutefois ne laisse pas
d'estre plus utile que celle la, et le sang qui est respandu en l'une, est plus desirable que la clairté
qui est respandue en l'autre. Nostre Seigneur vous traitte des-ja en brave fille; vivés aussi un peu
comme cela. Mieux vaut manger le pain sans sucre que le sucre sans pain.
L'inquietude et chagrin qui vous arrive de la connoissance de vostre neantise n'est pas
aymable; car encor que la cause en est bonne, l'effect neanmoins ne l'est pas679 Non, ma Fille, car
cette connoissance de nostre neantise ne nous doit pas troubler, ains adoucir, humilier et abbaisser;
c'est l'amour propre qui fait que nous nous impatientons de nous voir vilz et abjectz. Or sus, je
vous conjure par nostre commun amour, qui est Jesus Christ, que vous vivies toute consolee et
toute tranquille en vos infirmités. Je me glorifie en mes infirmités, dit nostre grand saint Paul680,
affin que la vertu de mon Sauveur habite en moy. Ouy, car nostre misere sert de throsne pour faire
reconnoistre la bonté souveraine de Nostre Seigneur.
Je vous souhaitte mille benedictions. O Seigneur, benissés le cœur de ma tres chere Fille,
faites-le brusler comme un holocauste de suavité a l'honneur de vostre divine dilection; qu'elle ne
cherche aucun autre contentement que le vostre, ne requiere autre consolation que celle d'estre tres
parfaittement consacree a vostre gloire. Jesus soit a jamais au milieu de ce cœur et que ce cœur
soit a jamais au milieu de Jesus; Jesus vive en ce cœur et ce cœur en Jesus.
Je suis en luy, plus vostre que vous ne sçauriés croire, ma chere Fille.
Vostre tres affectionné serviteur,
FRANÇS, E. de Geneve. [236]
677 Cette lettre, donnée par les premiers éditeurs sans indication de date ni de destinataire, paraît, d'après sa teneur,
avoir été adressée à Mme de la Fléchère. Elle ne renferme aucun renseignement qui puisse aider à mieux préciser la
date.
678 Matt., XVII, 4.
679 Cf. tom. praeced., p. 167.
680 II Cor., XII, 9.
175/329

18.6 Page 176

▲back to top


Année 1610
DLXV. A une dame inconnue. Qu'il faut ravaler son courage et
en même temps l'exalter. L'unique leçon du divin Maître.
Une bonne condition pour faire des progrès spirituels. Deux
choses conseillées contre les assoupissements en l'oraison.
Annecy, 3 janvier 1610681.
Vous me dites trois bons motz, ma tres chere Fille, en la lettre que j'ay receue de vous: que
vous faites une grande violence pour empescher l'eslevement de vostre courage et prattiquer
l'amour de l'abjection (c'est a quoy vous vous estudies maintenant), et que vous [trouvez] vos desirs
plus disposés au vouloir divin qu'auparavant. Il faut bien tous-jours faire ainsy, ma chere Fille; car,
comme dit Nostre Seigneur, le Royaume des cieux souffre violence et les violens le ravissent682.
Plus la sainte humilité vous coustera de travaux, plus elle vous donnera de grace. Continues donq
courageusement a bien ravaler vostre courage par humilité et a l'exalter par charité; car ainsy vous
monteres et descendres, comme les Anges sur la sainte eschelle de Jacob683. Estudies bien cette
leçon, car c'est l'unique leçon de nostre souverain [237] Maistre: Apprenes de moy que je suis
debonnaire et humble de cœur684.
Que vous seres heureuse, ma chere Fille, si vous vous resignes pleynement au vouloir de
Nostre Seigneur. Ouy, car ce saint vouloir est tout bon et sa disposition toute bonne; mieux ne
pouvons nous marcher que sous sa providence et conduite.
Mais sçaves vous ce qui me plait? C'est que vous me dites que vous me parles a cœur
ouvert; car, ma chere Fille, c'est une bonne condition pour avancer selon l'esprit que d'avoir le
cœur ouvert pour la fidele et naifve communication que nous devons faire entre nous, d'autant que
Nostre Seigneur, qui se plait tant a communiquer son esprit aux siens685, se plait aussi beaucoup a
voir que nous nous entrecommuniquions les nostres, pour nous entresoulager et ayder.
Marches donq comme cela, ma chere Fille, et ne vous troubles point pour vos
assoupissemens, contre lesquelz il faut faire deux choses: l'un' est de changer souvent de
contenance en l'orayson, comme de tenir tantost les mains croisees sur l'estomach, tantost jointes,
tantost bandees, tantost estre debout, tantost a genoux sur un genoux, tantost sur l'autre, a mesure
que les assoupissemens vous arriveront. La seconde chose c'est d'eslancer souvent des paroles
exterieures, de bouche, semees parmi vostr'orayson plus ou moins dru, selon que plus ou moins
vous vous verres attaquee des assoupissemens.
Dieu vous siot a jamais favorable, ma chere Fille, affin que vous cheminies bien avant en
son saint amour, pour lequel je vous cheriray toute ma vie; et me recommandant de plus en plus a
vos prieres, je suis
Vostre bien humble serviteur,
FRANÇS, E. de Geneve.
3 janvier 1610, a Neci.
681 La partie de l'Autographe où se trouve le nom de la destinataire est collée sur un carton; il n'est donc pas possible
de le connaître, et le texte à cet égard ne donne aucune lumière.
C'est d'après les éditeurs précédents que nous donnons la date de l'année, mais sans la garantir, car 10 et 20
se confondent parfois sons la plume du Saint, et ici encore le texte ne permet pas de dissiper l'incertitude.
682 Matt., XI, 12.
683 Gen., XXVIII, 12.
684 Matt., XI, 29.
685 Cf. Luc., XI, 13.
176/329

18.7 Page 177

▲back to top


Revu sur l'Autographe conservé à Paris, à l'Hôtel-Dieu. [238]
DLXVI. A la Baronne de Chantal (Fragment). La première
tourière de la Visitation offre ses services.
Annecy, commencement de 1610686.
Cette bonne servante pretendue687 me demande souvent quand Madame viendra. Voyes
vous, ma Fille, vostre venue luy est bien a cœur, parce qu'elle espere de servir bien Dieu en vostre
personne et en celle des filles et femmes qui seront si heureuses que de vous suivre en la petite,
mais sainte et aymable retraitte que nous meditons.
DLXVII. Au Duc de Savoie, Charles-Emmanuel Ier (Minute).
Sainteté du bienheureux Amédée. Estime qu'on en fait en
Savoie. C'est un devoir pour le duc de désirer la canonisation
d'un tel ancêtre et de s'employer à l'obtenir.
Annecy, [janvier 1610688.]
Monseigneur,
Il y a quelque tems que j'envoyay a Vostre Altesse Serenissime plusieurs memoires689
touchant l'stime et [239] veritable opinion que tout ce païs de deça avoit tous-jours eue de la
sainteté du bienheureux Duc Amedee troisiesme690; et je croyois que Vostre Altesse, considerant
ces honnorables tesmoignages de l'eminente sainteté d'un Prince auquel elle appartient de si pres,
seroit suffisamment incitee a en desirer la canonisation. Mais attendant de jour a autre qu'on fist
quelque bon dessein pour cela et n'ayant point de telles nouvelles, je supplie tres humblement
Vostre Altesse de me pardonner si, avec un peu de chaleur, je luy represente ma pensee sur ce
sujet; car en une grande affection on ne se peut pas bien-retenir.
Ce grand Saint et Vostre Altesse aves un devoir mutuel l'un a l'autre; car Vostre Altesse
luy succedant, et selon le mesme sang et selon le mesme sceptre, elle luy appartient comme un filz
a son pere, Vostre Altesse donq le doit honnorer en tout ce qu'elle peut, comme sa charité l'oblige
de proteger, secourir et eslever Vostre Altesse. Ni ces liens reciproques ne sont point rompus par
la mort, car ce sont des liens de l'amour sacré, qui est aussi fort pour les conserver que la mort
pour les dissoudre691.
686 La baronne de Chantal arriva en Savoie le 4 avril. L'allusion à sa venue semble donc justifier la date attribuée à ce
fragment.
687 Anne-Jacqueline Coste (cf. ci-dessus, Lettre DLXI).
688 Cette lettre n'a pas été écrite très longtemps après celle du 25 septembre 1609, car elle lui fait suite, et d'autre part
il n'est guère probable que le Saint l'ait envoyée au mois de décembre 1609. Averti alors et préoccupé de la calomnie
répandue contre lui à la cour de Turin (cf. ci-dessus, pp. 216, 227, François de Sales a dû attendre un moment plus
favorable pour s'intéresser à la canonisation du bienheureux Amédée. La date proposée se déduit de ces circonstances.
689 Vide Ep. DXLVIII.
690 Ce prince porte le nom d'Amédée IX dans l'histoire; mais comme duc, il est le troisième de sa dynastie.
691 Cant., ult., 6.
177/329

18.8 Page 178

▲back to top


Or, les miracles que Dieu a faitz en faveur de ce grand Prince, la grande estime de la sainteté
d'iceluy que sa divine Providence a nourrie dans le cœur des peuples qui ont le bonheur d'estre
sous sa couronne et de plusieurs autres circonvoysins, les histoires qui celebrent si hautement la
pieté de sa vie692, ce sont, Monseigneur, tout autant de sommations que ce saint Prince vous fait
de luy faire les honneurs qui sont dus a son [240] excellente sainteté. Nul ne luy a ce devoir en
pareil degré avec Vostre Altesse, nul n'a le pouvoir si grand de le luy rendre, ni, par consequent,
nul n'en doit avoir un vouloir si ardent.
Je prie Dieu qu'il comble de celestes benedictions Vostre Altesse, de laquelle je suis
infiniment,
Monseigneur,
Tres humble, tres obeissant et tres fidelle
orateur et serviteur,
FRANÇS, E. de Geneve.
DLXVIII. A un gentilhomme693. Charité du Saint pour ses amis:
au premier il propose une honorable alliance pour l'un des siens;
il fait à l'autre de vives instances pour qu'il pardonne à son fils
repentant.
Annecy, 8 janvier 1610.
Monsieur,
Mais seray-je donq ainsy esconduit es prieres que je fay a ceux que je cheris et honnore
tant, et pour choses si honnestes et si justes? Monsieur d'Avully694 me fait attendre plus
longuement, a mon advis, que ne merite une bonne et favorable resolution du mariage que je luy
ay proposé695. Et vous, Monsieur, me refuseres-vous la grace que je vous ay requise, de voir et
recevoir monsieur vostre filz, qui recourt a vostre sein paternel [241] pour y vivre meshuy avec
toute humilité et obeissance qu'il vous doit rendre? Donnes-moy, je vous conjure, Monsieur, ce
contentement, que ce soit par mon entremise que ce bonheur arrive a ce filz, affin qu'il sache que
je tiens un rang en vostre bienveuillance aussi grand que celuy que vous tenes en mon honneur et
respect.
Encor faut-il, Monsieur, que j'adjouste a ma supplication ce mot de mon mestier. Tandis
que les peres exercent leur severité a l'endroit de leurs enfans par necessité, ilz leur doivent preparer
de la douceur en leur volonté, affin que la rigueur qui les a chastiés ne les accable pas, degenerant
en dureté et fierté. Cet enfant se jette a vos pieds, et je vous supplie de le recevoir paternellement,
ce pendant que je m'essayeray de vaincre aussi de l'autre costé monsieur d'Avully. Que si, tout en
retour de mon attente, je suis par tout rejetté, je cesseray cet office d'interceder vers l'un et l'autre,
mais non jamais d'estre,
Monsieur,
Vostre serviteur bien humble,
FRANÇS, E. de Geneve.
692 On peut voir dans les Vies du Bienheureux Amédée, publiées par J.-F. Ranzo (Turin, 1612) et par F. Maleto (Turin,
1613) de nombreux témoignages sur les vertus du Prince, recueillis dans les auteurs qui les ont précédés.
693 Les conjectures que permet la teneur de la lettre sont trop vagues pour révéler le nom du destinataire et celui de
son fils. Il semble néanmoins que le premier était à la fois l'ami du Saint et de M. d'Avully.
694 Antoine de Saint-Michel, seigneur d'Avully (voir tome XI, note (451), p. 198).
695 Renée de Saint-Michel d'Avully épousa (contrat dotal du 28 août 1611) Prosper de Montvuagnard. Le contrat de
1616 (voir le tome précédent, note (292), p. 101) a dû être fait après le mariage. S'agirait-il ici de ce projet d'alliance?
178/329

18.9 Page 179

▲back to top


A Neci, le 8 janvier 1610.
DLXIX. A Madame Bourgeois, Abbesse du Puits-d'Orbe
(Inédite). Un chirurgien espagnol est prié de s'employer à guérir
l'Abbesse. Encouragements. Comment le Saint s'excuse de
parler brièvement de Dieu.
Annecy, 16 janvier 1610.
Je vous escrivis n'a gueres, ma chere Fille, et tous-jours hastivement, comme je fay encor
maintenant, et vous envoyay l'advis que j'avois eu du cyrurgien [242] espaignol696. Le
gentilhomme a qui j'avois confié le soin de luy parler arrivera bientost icy, et j'apprendray plus
particulierement ce quil aura dit touchant l'esperance de vous guerir, et tout au plus tard, je vous
escriray des Salins697.
Au demeurant, ma chere Fille, tenes vous fort aupres de Nostre Seigneur, aggrandisses
tous-jours vostre courage en son amour. Tenes vous ferme en l'enclos de vos resolutions, et vous
souvienne que vous n'aures jamais bien que par lâ.
Que dires vous dequoy je vous escris si peu? Mais je ne puis mieux faire, et puisque je ne
puis vous parler davantage de Dieu, je m'en vay parler a Dieu de vous. Ce grand Dieu soit a jamais
en nos cœurs. Je suis en luy, tout entierement et perpetuellement vostre.
F.
Le XVI janvier 1610.
Revu sur l'Autographe appartenant à Mme Farghon, à Issoire (Puy-de-Dôme).
696 Voir plus haut, note (458), p. 153. Dans un ancien petit livre de comptes (Archives de Thorens-Sales), on lit ceci:
«Pour l'apoticaire des Espagnols, des drogues fournies en maladie de la feue dame (de Pingon, qui mourut le 33
novembre 1609), et le medecin Le Barba, espagnol.»
Le «Sr docteur Sy mene, Yspagnol, » figure dans un acte des Registres paroissiaux d'Annecy, du 17 avril
1608.
697 François de Sales, en effet, espérait aller à Salins pour y prêcher le Carême (cf. ci-dessus, note (890), p. 309; mais
il en fut empêché pour des raisons qui sont expliquées ci-après, note (704), p. 245.
179/329

18.10 Page 180

▲back to top


DLXX. A Madame de Cornillon, sa sœur. Que faire à mesure
que les années s'en vont. Les mères chrétiennes et Notre-
Seigneur, qui se comporte au rebours des autres enfants.
Annecy, fin janvier 1610698.
Il ne faut pas que le premier mois de l'annee passe que je ne vous salue, ma tres chere Fille,
ma Seur, en vous [243] asseurant tous-jours du parfait amour que mon cœur porte au vostre, auquel
je ne cesse point de desirer toutes sortes de benedictions. Mais aussi, ma chere Seur, je le vous
recommande, vostre pauvre cœur: ayés bien soin de le rendre de plus en plus aggreable a son
Sauveur, et de faire que cette annee soit plus fertile que l'autre en toute sorte de saintes actions; car
a mesure que les annees s'en vont et que l'eternité s'approche, il nous faut aussi redoubler le courage
et relever nostre esprit en Dieu, le servant plus attentivement en tout ce que nos vocations et
professions nous obligent.
Je voudrois bien pouvoir vous envoyer les livres que je vous ay promis699 et a madame de
Cornillon ma commere700; mais je ne m'en suis pas treuvé un seul. Il faut donq avoir un peu de
patience avec moy, comme avec un mauvais payeur.
Ce pendant, chere Seur, prenés bien courage a faire vostre enfant; je dis celuy du cors et
celuy du cœur, mais sur tout celuy du cœur, qui est Nostre Seigneur, lequel vous voules, je
m'asseure, produire en vostre vie et en vous mesme beaucoup mieux d'ores en avant. Mais c'est un
enfant lequel, au rebours des autres, soulage, nourrit et maintient sa mere; aussi faut il bien, ma
Fille, que vous metties toute vostre esperance, vostre amour et vostre confiance en luy, car en cette
sorte vous vivres toute joyeuse, contente.701 ……………………………………………… [244]
DLXXI. Aux Echevins de Salins702. Les predications qu'il avait
promises à Salins étant empêchées, le Saint les veut
«contreschanger en autant d'oraysons» pour la ville.
Annecy, 3 février 1610.
Messieurs,
Ayant appris par messieurs les coeschevins de vostre ville qui ont pris la peyne de venir
icy703, ce que vous leur aves confié pour me dire, il ne me reste que de vous prier de croire que je
conserveray cherement en mon ame l'affection avec laquelle je vous avoys dedié les predications
698 Les souhaits du nouvel an, l'allusion à l'enfant attendu, les livres promis rendent cette date très vraisemblable.
699 Des exemplaires de la deuxième édition de l'Introduction à la Vie devote.
700 Sans doute Eglantine de Moreau, que le beau-père de la destinataire, Raymond-Charles de Cornillon, avait épousée
en secondes noces (contrat dotal du 17 septembre 1603). Le Saint l'appelle «ma commere» parce qu'elle avait
probablement tenu au baptême avec lui un enfant, soit de Gasparde, soit d'une autre famille.
701 La lettre, à laquelle manquent les clausules finales, semble se terminer ici. Elle se continuait, dans l'édition de 1629
et les suivantes, par un fragment que nous avons rejeté plus loin, d'après les indications mêmes du texte qui porte avec
lui sa date.
702 Voir ci-dessus, note (612), p. 209.
703 Les députés chargés de cette mission désagréable furent MM. Guyon Cécile et M. Romanet. (D'après une note
annexée à l'Autographe de cette lettre.)
180/329

19 Pages 181-190

▲back to top


19.1 Page 181

▲back to top


que vous aviés desirees de moy pour ce Caresme704, lesquelles je veux contreschanger en autant
d'oraysons que je feray pour le bonheur de vostre ville. [245]
Dieu donques soit a jamais vostre protecteur, et je suis en luy de tout mon cœur,
Messieurs,
Vostre tres affectionné serviteur,
FRANÇS, E. de Geneve.
3 febvrier 1610, a Neci.
A Messieurs les Capitaines
et Eschevins de la ville de Salins.
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Dole.
DLXXII. A la Baronne de Chantal. Pourquoi l'Evêque de
Genève n'alla pas à Salins en 1610. Une âme dont il espérait
faire quelque chose de bon. — Les souhaits, le cœur et la plume
d'un Saint.
Annecy, 5 février 1610.
Cette lettre sera courte, tres chere Fille, car je n'ay nul loysir. Elle vous dira donq seulement
qu'avanthier j'ay sceu que je n'irois pas a Salins ce Caresme, parce que Monsieur l'Archevesque de
Besançon705 a resolu a [246] ceux de cette ville-la, qu'il ne vouloit pas que j'y allasse706; et il est
leur Prelat. Le pourquoy de cela, je ne le sçay pas bien707; mais, a le dire entre nous, il ne sera pas
grandement pris en bonne part de tous. Quant a moy, j'en suis bien ayse, quoy que je fusse resolu
d'y aller de bon cœur.
704 L'Archevêque de Besançon avait absolument refusé aux Salinois de donner leur chaire à l'Evèque de Genève;
François de Sales ne sut jamais bien pourquoi. Or, voici quels furent les motifs de ce refus. L'opposition était d'abord
venue des chanoines de Saint-Anatoile. Ils protestaient contre le droit que s'attribuait lé magistrat de la ville de choisir
le prédicateur. Il ne lui appartient pas, disaient-ils, «d'enjamber si en avant, estant choses merement spirituelles et au
dela de sa portee et puissance.» (Délib. du Chapitre de Saint-Anatoile, 23 octobre 1609, Archiv. départ, du Jura, Série
G.) Le différend fut porté devant l'Archevêque, et ce dernier le trancha en faveur du Chapitre.
Il est permis de le penser: Ferdinand de Rye, fidèle et dévoué sujet de la monarchie espagnole, voyait dans
François de Sales un prélat français de cœur, très sympathique à Henri IV. La politique commandait donc la réserve.
Cette considération dut singulièrement alléger son regret de priver les Salinois de la parole et des exemples d'un Saint.
(Voir ci-dessus, note (612), p. 209, et les Lettres DLXXII, DLXXIX, DLXXX.)
705 Ferdinand de Rye de Longwy, né vers 1556, cinquième et dernier fils de Gérard de Rye et de Louise de Longwy,
étudia à Dole, puis à Rome. Nommé prieur de Saint-Marcel (1580), d'Arbois, d'Acey, etc., il était archevêque de
Césarée in partibus et haut-doyen du Chapitre de Besançon quand, par un choix personnel de Sixte V, il fut promu en
1586 au siège de cette église, dont il prit possession en 1589. Cette même année, son frère Joachim renonça en sa
faveur à l'abbaye de Saint-Claude. Ferdinand de Rye gouverna son diocèse pendant près de cinquante ans; il y résida,
protégea les Ordres religieux, aida les uns à s'établir, les autres à se réformer, créa et développa les institutions
chrétiennes, soutint et releva son peuple parmi les calamités de la guerre, et de concert avec le Parleront, gouverna la
Franche-Comté avec autant de fermeté que de sagesse. Enfin, pour que rien ne manquât à une si belle vie, elle s'acheva
dans un acte superbe d'héroïsme. Quand la petite ville de Dole, au mois de mai 1636 était pressée de trente mille
soldats, le magnanime vieillard s'enferma dans la ville assiégée. Enthousiasmés par le patriotisme du grand
Archevêque, les Dolois firent reculer l'armée de Condé (15 août). Ferdinand de Rye, déjà malade, ne survécut que
quelques jours au triomphe; il mourut le 20 août, au village de Fraisans. (Cf. Loye, Histoire de l'Eglise de Besançon,
Besançon, 1902; D. P. Benoît, Hist. de l'abbaye de Saint-Claude, 1892, tome II, chap. XXXIII.)
706 Vide supra, p. 245.
707 Voir ci-dessus, note (702), p. 245.
181/329

19.2 Page 182

▲back to top


Mon frere708 vous envoyera son laquay dans peu de jours, en attendant d'y aller luy mesme,
apres qu'il aura demeslé quelques affaires de deça. Madamoyselle Favre s'est enfin resoluë, avec
le bon congé de son pere, d'estre toute a Nostre Seigneur et de demeurer ma fille plus que jamais,
et je croy que nous en ferons quelque chose de bon709.
J'escoute de toute part ce que Dieu demande de moy; priés le, ma chere Fille, qu'il en dise
ce bon mot, que je suis sien710. Ouy certes, je le suis de tout mon cœur, quoy que miserable et
chetif. Je ne manque point a la promesse faite de l'orayson; car il faut que de tems en tems je vous
en rende conte711.
La pauvre chere seur712 est toute grosse, et vrayement fort bonne, ainsy que j'ay veu par la
reveuë annuelle qu'elle a faite ces jours passés avec grande devotion. 713Je vay mettre la main au
livre de l'Amour de Dieu, et m'essayeray d'en escrire autant sur mon cœur comme je feray sur le
papier. [247]
Bon jour, mon unique, ma tres chere, mon incomparable chere Fille. Soyés toute a Dieu.
J'espere tous les jours plus en luy que nous ferons prou en nostre dessein de vie. Mon Dieu, j'escris
a perte d'haleyne.
Le 5 février 1610.
DLXXIII. A M. Claude de Blonay (Fragment). La nouvelle
Congrégation étant sur le point de s'établir, François de Sales
demande au destinataire qu'il veuille bien lui amener sa fille
après Pâques.
Annecy, 8 février 1610.
Monsieur mon cher Frere,
Je vous donne advis que, par la divine misericorde, le tems de la Visitation s'approche714;
je veux dire qu'en fin nos conclusions sont prises et que nous attendons a ce primtems madame de
Chantal pour commencer nostre petite Congregation, a laquelle vous sçaves que le Saint Esprit a
destiné vostre fille, que je tiens pour mienne715. Il m'est tombé ce matin dans l'esprit, pensant a
elle, que c'est singulierement a son ame que s'addressent les paroles de l'Espoux sacré716: Debout,
hastés-vous, mon amie; car en fin, Amie c'est son nom, et l'Espoux l'appelle par son nom propre.
708 Sans doute Bernard.
709 Ces paroles avertissent fort discrètement qu'avant d'être à Notre-Seigneur, d'autres sentiments s'étaient disputé le
cœur de la jeune fille, ingénument amoureuse de liberté et piquée du désir de plaire. C'est au sortir d'un bal à Chambéry,
où les dames s'étaient promis de la voir briller, qu'elle se résolut de quitter le monde et de n'aimer que Jésus-Christ.
Cet attrait se précisa sous la tranquille et souple direction du Saint, «le Pasteur charitable» de «cette blanche brebis, »
et l'on verra plus tard que son espoir d'en faire «quelque chose de bon» ne fut pas déçu. On sait en effet qu'elle fut la
première et la plus glorieuse recrue de l'Institut de la Visitation.
Le récit de cette conversion est conté avec un vif agrément par la Mère de Chaugy, dans Les Vies de IV des
premieres Meres. (Voir à l'Appendice I, le fragment d'une lettre de Jacqueline Favre au Saint.)
710 Cf. Ps. CXVIII, 94.
711 Cf. le tome précédent, pp. 76, 318.
712 Mme de Cornillon.
713 La phrase suivante et les trois dernières lignes de cette lettre avaient été interpolées par les premiers éditeurs dans
la Lettre DLXXVI; voir ci-après, note (729), p. 254.
714 Cf. Luc., XIX, 44; I Petri ult., 6.
715 Cf. ci-dessus, Lettre D. Marie-Aimée de Blonay ne se trouva pas prête pour entrer avec les premières
commençantes. Elle se disposait sans doute à venir les rejoindre à l'automne, quand un événement tragique, l'assassinat
de son frère, Gabriel de Blonay (18 novembre 1610), retarda tristement l'exécution de son dessein jusqu'au 25 janvier
1612. (Voir la lettre à Mgr Gribaldi, 1er décembre 1610.)
716 Cant., II, 10, 13.
182/329

19.3 Page 183

▲back to top


Dites donq a cette chere fille Amie qu'elle vienne de bon cœur nous treuver. Mais, mon
cher Frere, soyés genereux; dites luy vous mesme qu'il faut qu'elle oublie [248] son peuple et la
mayson de son pere717; mais non pas son pere, car elle s'en souviendra tous-jours devant Dieu, qui
est nostre Pere commun. Tenes donq nostre chere fille preste pour nous l'amener aussi tost apres
Pasques, car nous esperons commencer environ ce tems la718.
A Neci, 8 fevrier 1610.
DLXXIV. A M. Jacques de Bay. Recommandation en faveur
d'un jeune étudiant savoyard.
Annecy, 12 février 1610.
Quod a me petiit vir clarissimus
Dominus Ludovicus Bonierius, ut filium suum
Laurentium719, optimae indolis adolescentem,
tibi pro tua in me benevolentia commendarem,
non debui neque potui praetermittere; tum quia
is mihi amicissimus semper extitit, tum etiam
quia hac data occasione mei apud te
recordationem excitabo, et [249] simul
obtestabor ut quem hactenus non solum
dilexisti, sed dilectionis etiam perenni signo
cohonestasti720, deinceps impense diligere ne
desinas.
Vale in Christo Domino, vir clarissime,
et mihi Sabaudisque tuis diu fœliciter que vive.
Reverentiae tuae,
Frater in Christo et servus,
FRANÇS, Episcopus
Gebennensis.
Annessii Allobrogum, XII Februarii
1610.
Reverdo et Clarisso viro, D. Jacobo
Baio, sacrae Theologiae Doctori
sapientissimo, et Collegii Sabaudorum
Moderatori prudentissimo.
Le sieur Louis Bonier, personnage de
grande distinction, m'a prié de vous
recommander, connaissant votre bienveillance
à mon égard, son fils Laurent, jeune homme
d'un naturel parfait. Je ne devais pas lui refuser
cela et je ne le pouvais pas non plus, étant l'ami
très cher qu'il a toujours été pour moi. Et puis,
c'était une occasion de raviver auprès de vous
mon souvenir. J'en profite aussi pour vous
[249] conjurer, après m'avoir jusqu'ici non
seulement affectionné mais honoré d'un gage
éternel d'amitié, de continuer à m'aimer bien
fort.
Salut, illustre Monsieur, dans le Christ
Notre-Seigneur. Pour ma joie et celle de vos
Savoyards, vivez longtemps, vivez heureux.
De Votre Révérence,
Frère dans le Christ et serviteur,
FRANÇOIS, Evêque de
Genève.
Annecy en Savoie, 12 février 1610.
Au Révérend et très illustre M. Jacques
de Bay, très savant Docteur en théologie et très
sage Président du Collège de Savoie. [250]
Revu sur l'Autographe conservé à Bruxelles,
Bibliothèque des PP. Bollandistes. [250]
717 Ps. XLIV, 11.
718 Le saint Fondateur espérait inaugurer le jour de la Pentecôte sa chère Congrégation; elle ne commença que le 6
juin suivant, à cause de certaines difficultés dont il sera parlé plus loin.
719 Noble Laurent Bonier, fils de noble et spectable Louis Bonier (voir tome XII, p. 223) et d'Anne Carra ou Carrel,
figure dans la liste des nouveaux avocats le 14 novembre 1613. il hérita de la seigneurie de Bonport acquise par son
père, et fut maître-d'hôtel de Madame royale, conseiller d'Etat et président aux Finances le 29 avril 1634.
720 Le Saint fait probablement allusion à la dédicace que le destinataire lui avait faite d'un de ses ouvrages. (Voir le
tome précédent, Lettre CCCLXXIX.)
183/329

19.4 Page 184

▲back to top


DLXXV. Au Duc de Nemours, Henri de Savoie. François de
Sales intercède auprès du duc pour obtenir un secours au
chanoine-poète Nouvellet.
Annecy, 18 février 1610.
Monseigneur,
Le bon monsieur Nouvelet, partie par vraye indigence, partie par une legitime ambition,
demande quelque bienfait a Son Altesse721. J'appelle son ambition legitime, parce quand il pourroit
avoir du secours d'ailleurs, je ne sçai sil le prendroit, au moins n'en auroit-il jamais tel
contentement, tant il a a cœur l'honneur de dependre de Son Altesse, a laquelle, comme Vostre
Excellence sçait, il est esperduement affectionné. Or, il m'a rendu pour cela intercesseur vers Son
Altesse; et sachant bien que sans vostr' intercession, Monseigneur, la mienne sera vayne, il desire
que, comme je demande le bienfait a Son Altesse, je supplie aussi Vostre Excellence de le luy
impetrer par une favorable recommandation; et pour marque de sa perseverance au zele quil a a
Vostre Grandeur, il vous offre une devise academique722.
Je vous supplie donq, Monseigneur, de luy departir [251] vostre faveur, et a moy lhonneur
d'estre par tout et tous-jours advoué par
Vostre Excellence,
Son tres humble et tres obeissant
orateur et serviteur,
FRANÇS, E. de Geneve.
XVIII febvrier 1610, a Neci.
A Son Excellence.
Revu sur l'Autographe conservé à Paris, chez les Prêtres de la Mission.
721 Depuis 1600 et en 1604, François de Sales s'était intéressé avec grande sollicitude à la cause du «bon monsieur
Nouvelet, » à sa vieillesse et à sa pauvreté qu'il voulait soulager et consoler (cf. tome XII, pp. 47, 379, 380). En 1610,
les nécessités du vénérable académicien avaient sans doute augmenté, sans quo pour autant ses ressources se fussent
accrues. Le duc avait fait jadis de belles promesses en faveur du chanoine-poète, mais, selon le mot du Saint (tome
XII, p. 48), c'était «aliment de caméléon.» C'est pour obtenir une assistance moins illusoire que cette supplique a dû
être écrite.
722 La mode était alors aux compositions de ce genre, et de tout temps les poètes besogneux ont pu, sans déchoir,
reconnaître ou provoquer les bienfaits de leurs protecteurs, par d'ingénieux écrits. La pièce de Nouvellet ne nous est
pas tombée sous la main.
184/329

19.5 Page 185

▲back to top


DLXXVI. A la Baronne de Chantal. Un cœur plus que paternel,
dégagé et fervent au milieu des tracas. Les petites fleurs et les
arbres en Savoie, quand souffle la tempête. Petite pluie abat
grand vent. La rosée de la Croix. Rendez-vous pendant le
Carême: l'aimable et saint domicile du Cœur de Jésus Notre-
Seigneur. Ce qui «contenta fort» le Saint. Il n'était point
dur aux chrétiennes d'Annecy, et pourquoi. Sermon tout de
flammes.
Annecy, vers le 25 février 1610723.
Non, ma chere Fille, je n'ay nulles nouvelles de vous il y a trois moys bien entiers; et si, je
ne puis croire que vous ne m'en ayes envoyé. Plus elles arrestent, plus je les souhaitte bonnes. Je
le confesse, mon cœur m'importune un peu pour ce regard, mays je luy pardonne ces petites
ardeurs, car il est paternel et plus que paternel.
Croires-vous bien ce que je vous vay dire? J'ay, il y a quelque tems, le petit livre de la
Presence de Dieu724; c'est un petit ouvrage, mais je n'ay encor sceu le lire [252] entierement, pour
vous en dire ce que je pense pour vostre service. Il n'est pas croyable comme je suis tracassé deça
et dela par les affaires; mais, ma chere Fille, vous vous troubleres si je n'adjouste que neanmoins,
graces a mon Dieu, mon pauvre et chetif cœur n'eut jamais plus de repos ni de volonté d'aymer sa
divine Majesté, de laquelle je sens une speciale assistance pour ce regard.
O ma chere Fille, que vous me fistes un jour grand playsir de me recommander la sainte
humilité725! car sçavés-vous, quand le vent s'enferme dedans nos vallees, entre nos montaignes, il
ternit les petites fleurs et desracine les arbres; et moy, qui suis logé un peu bien haut en cette charge
d'Evesque, j'en reçois plus d'incommodités. O Seigneur, sauves-nous; commandés a ces vens de
vanité, et une grande tranquillité se fera726. Tenés-vous bien ferme, et serrés bien estroittement ce
pied de la sacree Croix de Nostre Seigneur; la pluye qui y tombe de toutes pars abat bien le vent,
pour grand qu'il soit. Quand j'y suis quelquefois, mon Dieu, que mon ame est a recoy, et que cette
rosee, rosine et vermeille, luy donne de suavités! Mais je n'en suis pas esloigné d'un pas, que le
vent recommence.
Je ne sçay ou vous seres ce Caresme selon le cors; selon l'esprit, j'espere que vous seres
dans la caverne de la tourterelle727 et au costé percé de nostre cher Sauveur. Je veux bien m'essayer
d'y estre souvent avec vous; Dieu, par sa souveraine bonté, nous en face la grace. Hier je vous vis,
ce me semble, que, voyant le costé de Nostre Seigneur ouvert, vous voulies prendre son cœur pour
le mettre dans le vostre, comme un roy dans un petit royaume; et, bien que le sien soit plus grand
que le vostre, si est-ce qu'il le raccourciroit pour s'y accommoder. Que ce Seigneur est bon, ma
chere Fille! que son cœur est amiable! Demeurons la, en ce saint domicile; que ce cœur vive tous-
jours dans nos cœurs, que ce sang bouillonne tous-jours dans les veines de nos ames.
Que je suis content que nous avons retranché les aisles a Caresme prenant en cette ville et
qu'on ne le connoist presque plus! Quelles congratulations en fis-je [253] Dimanche728 a mon cher
723 Les allusions au «petit livre de la Presence de Dieu, » au «Caresme prenant» indiquent une date postérieure à 1608;
d'autres particularités excluent 1609 et l'ensemble du texte semble se rapporter à 1610. Toutefois, l'interpolation de la
fin (voir ci-après, note (729), p. 254), laisse planer quelque doute sur l'intégrité de la lettre tout entière. (Cf. ci-dessus,
note (67), p. 14.)
724 Vide supra, p. 211.
725 Vide tom. praeced. p. 360.
726 Matt., VIII, 25, 26.
727 Cant., II, 14.
728 Le dimanche de la Quinquagésime, 21 février.
185/329

19.6 Page 186

▲back to top


peuple, qui estoit venu en nombre extraordinaire pour ouyr le sermon sur le soir et qui avoit rompu
toutes conversations pour venir a moy! Cela me contenta fort, et que toutes nos dames avoyent
communié le matin, et qu'elles n'osoyent entreprendre de faire des balz sans demander licence. Et
je ne leur suis (sic) point dur, car il ne le failloit pas, puisqu'elles sont si bonnes, avec grande
devotion.729 ………………………………………………………………………………………
……………………………………………………………………………………………………...
Mon Dieu, ma tres chere Fille, que je sens tendrement et ardemment le bien et le lien sacré
de nostre sainte unité! J'ay fait un sermon ce matin tout de flammes, car je l'ay bien conneu; il le
vous faut dire a vous. Mon Dieu, que je vous souhaitte de benedictions! Mais vous ne sçauries pas
croire comme je suis pressé a l'autel de vous recommander plus que jamais a Nostre Seigneur.
Qu'ay je a vous dire davantage, sinon que nous vivions d'une vie toute morte, et que nous
mourions d'une mort toute vive et vivifiante en la vie et en la mort de nostre Roy, de nostre
Seigneur et de nostre Sauveur, en qui je suis
Vostre tres affectionné serviteur,
FRANÇS, E. de Geneve.
DLXXVII. A Madame de Cornillon, sa sœur. Heureuse fin de
Mme de Boisy. Une promesse mutuelle. Les regrets dans
les séparations. Paix joyeuse de la mère du Saint.
Sales, 4 mars 1610.
Ma tres chere Seur, ma Fille,
Consolons nous le plus que nous pourrons en ce tres-pas de nostre bonne mere, car les
graces que Dieu a [254] exercees en son endroit pour la disposer a une heureuse fin, sont des
marques fort certaines que son ame est doucement receuë entre les bras de sa divine misericorde;
si que elle est bienheureuse d'estre desprise et demeslee des travaux de ce monde730. Et nous aussi,
chere Seur, serons bienheureux a nostre tour si, comme elle, nous vivons le reste de nos jours en
la crainte et amour de Nostre Seigneur, ainsy que nous le nous sommes promis l'un a l'autre, l'autre
jour a Neci731. Sa divine Majesté nous attire en cette sorte au desir du Ciel, y retirant petit a petit
tout ce qui nous estoit plus cher icy bas.
Soyés donq bien consolee, ma chere Fille, et si vostre cœur ne peut s'empescher d'avoir du
ressentiment en cette separation, faites au moins qu'il soit tellement moderé par l'acquiescement
que nous devons au bon playsir de nostre Sauveur, que sa Bonté n'en soit point offensee, ni le fruit
qu'il a mis en vostre ventre, malmené.
Encor faut-il que je vous die ce mot pour vostre contentement: c'est que cette pauvre bonne
mere, avant que de partir de Neci, revit tout l'estat de sa conscience, renouvella toutes les bonnes
resolutions qu'elle avoit faites de servir Dieu et vint si contente de moy que rien plus; car Dieu ne
voulut pas qu'elle fust en estât de melancholie quand il la prendroit a soy.
Or sus, ma chere Seur, ma Fille, aymés moy tous-jours bien, car je suis plus vostre que
jamais. Et pleust a Dieu que vous peussies venir faire la sainte Semaine avec nous! je m'en sentirois
fort consolé. Bon jour, ma Fille; je suis
Vostre frere et serviteur tres affectionné,
FRANÇS, E. de Geneve.
729 Ici, les éditeurs précédents intercalaient trois phrases qui se trouvent textuellement et à leur vraie place dans la
lettre du 5 février 1610 (voir ci-dessus, note (713), p. 247).
730 Mme de Boisy mourut le 1er mars. (Voir ci-après, la Lettre DLXXXI.)
731 Cf. supra, p. 247.
186/329

19.7 Page 187

▲back to top


Le 4 mars 1610. [255]
DLXXVIII. Au Duc de Savoie, Charles-Emmanuel Ier. Lettre
d'introduction auprès de Charles-Emmanuel, en faveur d'un ami.
Annecy, 6 mars 1610.
Monseigneur,
Je supplie tres humblement Vostre Altesse de prester vostre oreille favorable au sieur de
Blonnay732, present porteur, qui ne desire luy parler que des choses qui luy sont aggreables,
puisqu'elle prend tous-jours playsir a l'advancement de la gloire de Dieu, de l'exaltation de la foy
et du salut des ames.
Ce mesme Dieu tout puissant face de plus en plus abonder Vostre Altesse en benedictions
et consolations celestes, qui sont les continuelz et ardans desirs que fait pour elle,
Monseigneur,
Son tres humble, tres obeissant, tres fidelle
orateur et serviteur,
FRANÇS, E. de Geneve.
VI mars 1610, a Neci.
A Son Altesse.
Revu sur l'Autographe appartenant à M. le comte J. de Fleurieu,
au château de Sassangy (Saône-et-Loire).
DLXXIX. A M. Antoine des Hayes. Une douloureuse
satisfaction. Mme de Boisy assistée par son fils; rapide éloge
de la défunte. Pourquoi le Saint n'a pas de particulières
nouvelles à communiquer.
Annecy, vers le 10 mars733 1610.
Monsieur,
Je ne sçaurois laisser partir le bon monsieur Bovard734 sans luy donner quelque marque de
la continuelle souvenance que j'ay de vostre douce bienveuillance, en laquelle, certes, mon esprit
s'esjouit grandement et plus que je ne sçaurois dire.
Je pensois estre [ce] Caresme a Salins, au comté de Bourgoigne, puisque ceux de Cette
ville-lâ m'en ayant fort conjuré, m'avoyent obtenu de Son Altesse. Mais a mesme presque que je
voulois partir, ilz m'envoyerent deux des leurs, qui m'annoncerent que Monsieur leur Archevesque
732 Probablement Claude de Blonay (voir tome XII, note (224), p. 124).
733 Mme de Boisy mourut le 1er mars; le Saint parle de cet événement comme d'une chose récente, ce qui permet de
dater avec assez de précision cette lettre dont l'Autographe est sans date.
734 Saint François de Sales a connu plusieurs Bouvard: Antoine (cf. tome Ier, note (6), p. XXXVI), secrétaire et
conseiller du duc de Nemours au Conseil de Genevois, né à La Roche et mort le 21 juillet 1636; Amédée, prêtre, à
qui le Saint fit ses premières confidences au sujet de sa vocation; Michel, qui fut avocat «au magnifique Conseil
de Genevois;» il sera destinataire en 1619. Le premier serait-il «le bon monsieur Bouvard» qui allait à Paris?
187/329

19.8 Page 188

▲back to top


leur avoit absolument refusé permission de me donner leur chaire735. Je ne sçai pas le pourquoy
selon les hommes, mais je croy que Dieu en a ainsy disposé pour une douloureuse satisfaction que
j'ay eu ces jours passés, de donner l'extreme benediction et de fermer les yeux a ma bonne mere
mourante736. Car, puisqu'ainsy il playsoit a Dieu de la retirer, ce m'est du contentement de l'avoir
servie et assistee en ces derniers travaux, et mesme dautant que c'estoit une des plus douces et
[257] innocentes ames quil estoit possible de treuver, et a laquelle la providence de Dieu a esté
fort propice en trespas, l'ayant fort heureusement disposee a cela.
Voyes vous, Monsieur, je m'allege a vous dire cecy, car c'est grand cas comme c'est un'
heureuse et souefve rencontre a un cœur aucunement blessé, de pouvoir se communiquer, quoy
que par lettres seulement, a un cœur si doux, si gratieux, si cher, si pretieux et tant amy comme le
vostre m'est par vostre bonté, en laquelle je vous conjure tous-jours de me continuer fermement,
avec asseurance que je suis sans fin ni reserve,
Monsieur,
Vostre humble et tres asseuré serviteur,
FRANÇS, E. de Geneve.
Nous attendons tous-jours que Monsieur737 vienne, et n'en avons neanmoins point de
particulieres nouvelles. Il est vray que je ne les sçaurois apprendre de mon breviaire duquel seul
je me mesle, et de prier Nostre Seigneur pour vous. J'excepte M. de Charmoysi, que je voy fort
souvent.
738A Monsieur
Monsieur des Haÿe,
Maistre d'hostel de S. M.,
Baillif et Gouverneur de Montargis.
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation du Mans.
DLXXX. A Monseigneur Pierre Fenouillet, Evêque de
Montpellier. François de Sales apprend à son ami la mort de
Mme de Boisy.
Annecy, mars 1610739.
Monseigneur,
Je n'ay garde de vous vouloir beaucoup entretenir maintenant, qu'au milieu de cette grande
et noble ville740, chacun est autour de vous pour puyser les eaux des consolations spirituelles de la
vive source que Dieu a mise en vous. Ce n'est justement que pour vous bayser humblement les
mains et vous supplier de me conserver lhonneur de vostre bienveuillance, que cette lettre se
presente a vous en mon nom.
Que si vous luy permettes de vous dire quelque chose de plus, ce sera que je viens
d'apprendre pourquoy Nostre Seigneur n'a pas voulu permettre que j'allasse a Salins; car ça esté,
comme je pense, affin que j'assistasse a la mort de ma tres bonne mere, qu'il appella a soy le
735 Vide supra, p. 245.
736 Vide supra, Epist. DLXXVII, et infra, Epist. DLXXXI.
737 Le duc de Nemours.
738 L'adresse est de la main d'un secrétaire.
739 L'Autographe n'est pas daté, mais l'objet et les termes mêmes de la lettre indiquent la date avec certitude.
740 Serait-ce Paris? Mgr Fenouillet était à Montpellier le 4 mai 1609, à Paris le 30 août 1610; malgré de nombreuses
recherches, nous n'avons pu savoir s'il y prêchait le Carême cette même année.
188/329

19.9 Page 189

▲back to top


premier de ce moys, l'ayant, par sa misericorde, premierement disposee a bien et heureusement
faire ce passage.
Voyes vous, Monseigneur, j'allege, ce me semble, de beaucoup mon coeur, en le vous
communiquant comm' a un ami auquel je porte tant d'amour, d'honneur, de respect, de reverence,
et en la bienveuillance duquel j'ay [259] tant de confiance; bref, auquel je suis d'un'affection
absolue,
Tres humble, tres obeissant et tres affectionné
frere et serviteur,
FRANCS, E. de Geneve.
741A Monseigneur
Monseigneur le Rme Evesque
de Montpelier.
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy.
DLXXXI. A la Baronne de Chantal. Les sentiments du Saint à la
mort de sa mère. François de Sales raconte à Mme de Chantal
comment Mme de Boisy a fini ses jours et combien il pleura sur
«cette bonne mere.» Invitation à venir en Savoie pour le
dimanche des Rameaux. Dispositions à prendre pour le
séjour de la Baronne. Mort de la petite Charlotte. Il faut
pleurer un peu sur nos trépassés. L'Abbesse du Puits-d'Orbe,
Mme de Saint-Jean, le P. de Monchy, Mlle Favre, le monastère de
Sainte-Catherine, Le «train des saintz devanciers et des
simples.» Prendre pour méthode de ne point se préparer à
l'oraison, le Saint déclare le trouver «un peu dur.»
Annecy, 11 mars 1610.
Mais, o Dieu, ma tres chere Fille, ne faut il pas en tout et par tout adorer cette supreme
Providence, delaquelle les conseilz sont saintz, bons et tres aymables? Et voyla qu'il luy a pleu
retirer de ce miserable monde nostre tres bonne et tres chere mere, pour l'avoir, comme j'espere
fort asseurement, au pres de soy et en sa main droitte. Confessons, ma Fille bien aymee, confessons
que Dieu est bon et que sa misericorde est a l'eternité742. Toutes ses volontés sont justes et tous
ses decretz equitables743, son bon playsir est tous-jours saint et ses ordonnances tres aymables744.
[260]
Et pour moy, je confesse, ma Fille, que j'ay eu un grand ressentiment de cette separation
(car c'est la confession que je doy faire de ma foiblesse, apres que j'ay fait celle de la bonté divine);
mais neanmoins, ma Fille, ça esté un ressentiment tranquille, quoy que vif, car j'ay dit comme
741 L'adresse n'est pas de la main du Saint.
742 Ps. CXXXV.
743 Cf. Ps. CXVIII, 137.
744 Cf. ibid., v. 39.
189/329

19.10 Page 190

▲back to top


David745: Je me tais, o Seigneur, et n'ouvre point ma bouche, parce que c'est vous [qui] l'aves fait.
Sans doute, si ce n'eut esté cela, j'eusse crié hola! sous ce coup; mais il ne m'est pas advis que
j'osasse crier ni tesmoigner du mescontentement sous les coups de cette main paternelle, qu'en
verité, graces a sa Bonté, j'ay appris d'aymer tendrement des ma jeunesse.
Mais vous voudries peut estre sçavoir comme cette bonne femme a fini ses jours. En voyci
une petite histoire, car c'est a vous a qui je parle; a vous, dis-je, a qui j'ay donné la place de cette
mere en mon memorial de la Messe, sans vous oster celle que vous avies, car je n'ay sceu le faire,
tant vous tenes ferme ce que vous tenes en mon cœur; et par ainsy, vous y estes la premiere et la
derniere. Cette mere, donq, vint icy cet hiver, et, en un mois qu'ell' y demeura, elle fit la revëue
generale de son ame et renouvela ses desirs de bien faire avec certes beaucoup d'affection; et s'en
alla la plus contente du monde d'avec moy, duquel, comm'elle disoit, ell'avoit retiré plus de
consolation que jamais elle n'avoit fait. Elle continua en cette bonne joÿe jusques au jour des
Cendres746, qu'ell' alla a la parroisse de Thorens, ou elle se confessa et communia avec tres grande
devotion, ouyt troys Messes et Vespres; et le soir, estant au lit et ne pouvant dormir, se fit lire a sa
fille de chambre747 trois chapitres de [l'] Introduction pour s'entretenir en des bonnes pensees, et
fit marquer la Protestation748, pour la faire au matin suivant. Mais Dieu, se contentant de sa bonne
volonté, disposa d'autre sorte; car, le matin estant venu, cette bonne femme se levant et pignant
(sic) elle tumbe soudainement d'un catharre, comme toute morte. [261] Mon pauvre frere vostre
filz749, qui dormoit encor, estant adverti accourt en chemise, et la fait relever et promener et ayder
par des essences, eaux imperiales et autres choses qu'on juge propres en ces accidens, en sorte
qu'elle se reveille et commence a parler, mais presqu'inintelligiblement, dautant que le gosier et la
langue estoyent saysis.
On me vient appeller icy, et j'y vay soudain avec le medecin et apoticaire, qui la treuvent
letargique et paralitique de la moytié du cors; mais lethargique en telle sorte, que neanmoins
ell'estoit fort aysee a reveiller, et en ces momens de reveil elle tesmoignoit le jugement entier, soit
par ces (sic) paroles, qu'elle s'efforçoit de dire, soit par le mouvement de sa main saine, c'est a dire
delaquelle l'usage luy estoit demeuré. Car elle parloit fort a propos de Dieu et de son ame, et prenoit
la croix elle mesme a tastons (dautant que soudain elle devint aveugle) et la baysoit. Jamais ne
prenoit rien qu'elle n'eut fait le saint signe dessus, et receut ainsy le saint Huyle. A mon arrivee,
toute aveugle et tout'endormie qu'ell'estoit, elle me caressa fort et dit: «Cet (sic) mon filz et mon
pere cettuyci;» et me baisa en m'acolant de son bras, et me baysa la main avant toutes choses. Elle
continua en mesm'estat presque deux jours et demi, apres lesquelz on ne la peut plus guere
bonnement resveiller, et le premier de mars, elle rendit l'ame a Nostre Seigneur, doucement,
paysiblement et avec une contenance et beauté plus grande que peut estre elle n'avoit jamais eu,
demeurant une des belles mortes que j'aye jamais veu.
Au demeurant, encor vous faut-il dire que j'eu le courage de luy donner la derniere
benediction, luy fermer les yeux et la bouche et luy donner le dernier bayser de paix a l'instant de
son trespas. Apres quoy, le cœur m'enfla fort et pleuray sur cette bonne mere plus que je n'avois
fait des que je suis d'Eglise; mais ce fut sans amertume spirituelle, graces a Dieu. Voyla tout ce
qui se passa.
Au demeurant, je ne me puis taire du grand bon naturel de vostre filz, qui m'a si
extremement obligé au soin et travail quil a pris pour cette mere, mais je dis avec tant de cœur,
que sil eut esté quelque estranger, je serois forcé de le tenir et jurer mon frere. Je ne sçai si je me
trompe, mais je le treuve extremement bien changé en mieux, soit pour le monde, soit
principalement pour l'ame.
Or sus, ma chere Fille, si faut il se resoudre sur cela, et louer tous-jours Dieu, quand il luy
plairoit nous visiter encor plus fortement. Si donq vous le treuves a propos, vous pourrés venir
745 Ps. XXXVIII, 10.
746 Le mercredi des Cendres tombait le 24 février.
747 Nicole Rolland (voir le tome précédent, note (883), p. 329).
748 Introd. a la Vie dev., Part. I, c. XX.
749 Bernard de Sales.
190/329

20 Pages 191-200

▲back to top


20.1 Page 191

▲back to top


pour estr'icy le jour des Rameaux750. Je dis icy, car il ni auroit point de proportion que vous fissies
les bons jours aux chams. Vostre petite chambre vous attendroit, nostre petite table, et nostre
simple et petit traittement vous sera fait et offert de bon cœur, je veux dire de mon cœur qui est
grandement vostre. Les festes passees, vous ordonneries ainsy quil vous plairoit, pour conduire
nostre petite751 chez elle.
Voyla, si cela se peut aysement. Je le desire, mais je dis, sil se peut aysement; dequoy vous
m'advertirés par le retour de ce garçon, et encor de ceux que vous amenerés, si vous amenes
quelque compaignie extraordinaire, car quant a nostre bon Baron752, je croy quil ne viendra pas
nous voir sur ce nouveau dueil, parmi lequel nous ne pourrons nous res-jouir que devotement, et
totalement en Nostre Seigneur.753 Je pense quil ne seroit pas a propos quil vinst maintenant: il faut
que je die ainsy avec vous. J'attendray ce que vous me marquerés.
Mon frere vous escrit pour le sujet du reste de la dote de ma seur754. Si cela se peut, je ny
voy nul inconvenient, car enfin vous auries vostre argent icy, outre [263] tout celuy qui depend de
moy, qui est autant vostre que nul autre, et cette dote seroit payee, quil faut aussi bien payer une
foys. Mais je laisse cela a vostre providence.
J'ay voulu sçavoir sil seroit a propos que vous prissies la une femme pour estr'aupres de ma
seur; mais mon frere m'a dit que vous ne vous missies nullement en peyne, quil accommodera si
bien tout ce quil faudra pour ma seur, que vous aurés tout sujet de contentement de luy, de maniere
quil n'est point besoin de cela. Pour vray, j'espere que ce filz la sera grandement beni pour le
service quil a rendu a ses pere et mere en leur trespas.
Maintenant je vay courant sur les chefz de vostre lettre. Nostre pauvre petite Charlotte est
bienheureuse d'estre sortie de la terre avant qu'elle l'eut bonnement touchee755. Helas! il la failloit
neanmoins bien un peu pleurer, car n'avons nous pas un cœur humain et un naturel sensible?
Pourquoy non pleurer un peu sur nos trespassés, puisque l'Esprit de Dieu non seulement le nous
permet, mais nous y semont756. Je l'ay regrettee, la pauvre petite fille757, mais d'un regret moins
sensible, dautant que le grand sentiment de la separation de ma mere osta presque toute prise au
sentiment de ce second desplaysir, duquel la nouvelle m'arriva tandis que nous avions encor le
cors de ma mere en la mayson. Dieu soit encor loué en cet endroit. Dieu nous donne, Dieu nous
oste, son saint nom soit beni758.
Helas! nostre pauvre Mme du Puis d'Orbe auroit un grand besoin d'estre assistee de pres,
car elle [est] si bonne et si cordiale que rien plus, mais si melancolique, si douillette et si delicate
de courage que rien plus. Vous voyes: je luy avoys tant tesmoigné la necessité de s'assujettir elle
mesme a la stabilité en son Monastere, et neanmoins, contre le souhait des siens, elle medite tous
les [264] jours des sorties pour ceci et pour cela. Ce n'estoit pas sortir d'aller avec vous a Bourbilly;
non, ma Fille, ce n'est pas sortir quand on sort pour mieux s'arrester et rentrer. Mais ces autres
sorties sont hors de rayson; aussi on les desseigne et delibere-on sans moy. Dieu scait, ma Fille, si
j'ayme tendrement cett'ame et si je nuis plein de desir de son bien, et que jamais je ne la veux ni
750 Mme de Chantal partit de Dijon le 29 mars et arriva en effet à Annecy le dimanche des Rameaux, 4 avril, avec ses
deux filles et Mlle de Bréchard. Le président Frémyot accepta le sacrifice de la séparation en vrai chrétien. Voir à
l'Appendice I, sa lettre admirable au Saint.
751 Marie-Aimée.
752 Sans doute le baron d'Effrans, Jacques de Neufchèzes, neveu de Mme de Chantal, qu'il accompagna à Annecy avec
le baron de Thorens. (Voir note (508), p. 170.)
753 La phrase suivante est ajoutée en marge de l'Autographe.
754 Il s'agit probablement de la seconde moitié de la dot de Marie-Aimée, la première moitié ayant été payée le 8
janvier 1609.
755 Cf. Sap., IV, 11, 14.
756 Eccli., XXII, 10, 11, XXXVIII, 16.
757 Voir le tome précédent, note (396), p. 140. Cette enfant de neuf ans était, au dire de la Mère de Bréchard (Ms. cité
plus haut, note (654), p. 228), «le plus admirable esprit qu'on sçauroit imaginer pour son aage, et d'un sy bon naturel
qu'elle estoit aymee de tout le monde.» Au milieu des accès de la fièvre qui l'emporta en quarante-huit heures, «elle
ne dit plus autre chose sinon d'apeller Nostre Seigneur de tous les noms qu'elle savoit, comme: Mon Sauveur, mon
Dieu, mon Jesus, hé Seigneur.»
758 Job, I, 21.
191/329

20.2 Page 192

▲back to top


puis abandonner, je dis quoy qu'elle fit; mais je n'ose pas la presser de loin, car cet (sic) un esprit
qui ne peut estre conduit qu'avec amour et confiance; confiance, dis-je, tous-jours nourrie de
nouvelles et continuelles demonstrations d'affection, ce qui ne se peut faire de loin. Mais bien,
quand vous seres icy, nous aviserons.
Je regrette l'accident de Mme de Saint Jean759, qui devoit arriver ou plus tost, ou plus tard,
ou jamais. Si ell'a bien jetté son esperance en Nostre Seigneur, il la tirera de ce mauvais passage
pour la faire marcher tant plus vistement vers luy. J'escriray au P. de Monchi quil souffre beaucoup,
car nous ne sommes point deshonnorables a l'Eglise, quand nous imitons Nostre Seigneur, qui a
tant souffert d'ignominies pour nostre salut760. Ou il y va du proufit spirituel, il ne faut pas craindre
les opprobres.
Ouy, ma Fille, nostre bon Dieu nous aydera, et pour la bonne commere aussi761, bien quil
faille tascher d'avoir tout ce qu'on pourra. Quand vous seres icy, nous prendrons les resolutions
convenables pour commencer nostre dessein, et verrons ce que diront nos filles de deça. [265]
Nostre Favre a fait merveilles et est maintenant toute a Dieu.
Ne dites mot de Sainte Catherine, car c'est le secret qui doit tout faire reuscir762. Je n'ay
nulles nouvelles de Paris, non pas mesme si M. de Berulle est en vie.
Quant a ces preceptes de l'orayson que vous aves receuz de la bonne Mere Prieure763, je ne
vous en diray rien pour le present; seulement je vous prie d'apprendre le plus que vous pourres les
fondemens de tout cela, car, a parler clair avec vous, quoyque deux ou trois fois l'esté passé
m'estant mis en la presence de Dieu sans praeparation et sans dessein, je me treuvasse extremement
bien aupres de sa Majesté, avec une seule tres simple et continuelle affection d'un amour presque
imperceptible mais tres doux, si est ce que je n'osay jamais demarcher du grand chemin pour
reduire cela en un ordinaire. Je ne sçai, j'ayme le train des saintz devanciers et des simples. Je ne
dis pas que quand on a fait sa praeparation, et qu'en l'orayson on est attiré a cette sorte d'orayson,
il ny faille aller; mais prendre pour methode de ne se point præparer, cela m'est un peu dur,
comm'encor de sortir tout a fait de devant Dieu sans action de grace, sans offrande, sans priere
expresse. Tout cela peut estre utilement fait, mais que cela soit une regle, je confesse que j'ay un
peu de repugnance. Neanmoins (je parle simplement devant Nostre Seigneur, et a vous a qui je ne
puis parler que purement et candidement) je ne pense pas tant sçavoir que je ne sois tres ayse, je
dis extremement tres ayse, de me demettre de mon sentiment et suivre celuy de ceux qui en doivent
par toute rayson plus sçavoir que moy; je ne dis pas seulement de cette bonne Mere, mais je dis
d'une beaucoup moindre. Apprenes donq bien tout son sentiment en cela et tous ses fondemens,
mais tout bellement pourtant et sans empressement, et en sorte qu'elle ne cuyde pas que vous la
veuillies examiner. [266] J'honnore cett'ame la de tout mon cœur, et tout son Monastere.
A Dieu, ma chere Fille, jusques a se revoir bien tost, moyennant Jesus, qui vive et regne a
jamais en nos espris. Amen.
XI mars 1610.
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Turin.
759 L'abbaye de Saint-Jean-le-Grand, d'Autun, dépendait de l'Ordre de Saint-Benoît. On attribue sa fondation à
Syagrius, évêque d'Autun, et à la reine Brunehaut. La mère de saint Odilon, abbé de Cluny, passa dans ce cloître une
partie de sa vie. Les plus grandes familles de France fournirent des abbesses à Saint-Jean. En 1610, Anne de la
Magdelaine de Ragny gouvernait les Religieuses; elle était fille de François de la Magdelaine, marquis de Ragny,
bailli d'Auxois, etc., et de Catherine de Marcilly. Mme de Saint-Jean mourut le 1er avril 1657, âgée d'environ quatre-
vingts ans. En 1611, elle s'occupait d'établir la réforme dans sa Maison. «L'accident» dont parle le Saint doit se
rapporter à cette généreuse tentative. (Gallia Christiana.)
760 Le bon Père avait-il eu quelque chose à souffrir du baron de Chantal? (Cf. ci-dessus, pp. 35, 36.)
761 Mlle de Bréchard.
762 Le secret recommandé sur Sainte-Catherine visait très probablement le projet qui se préparait silencieusement de
réformer cette abbaye.
763 La Mère Louise de Jésus, prieure du Carmel de Dijon (voir ci-dessus, note (126), p. 41).
192/329

20.3 Page 193

▲back to top


DLXXXII. A Madame de Dérée764. Tout fait espérer que l'âme
de Mme de Boisy a été reçue «en la main dextre de son Dieu.»
Annecy, 16 mars 1610.
Madame ma tres chere Cousine,
J'aurois tort d'avoir tant attendu a vous rendre les actions de graces que je vous dois, pour
la souvenance que vous aves a moy tesmoignee par le petit poulet que mon frere m'apporta, si je
n'avois esté distrait par le trespas de ma pauvre bonne mere, qui m'obligea d'estre a Sales quelque
tems, pour rendre cette derniere assistance a cette chere personne765. Mon excuse est fascheuse, je
m'asseure, a vostre cœur qui, de sa grace, aymoit fort cette amie defuncte, laquelle, de son costé,
vous honnoroit d'une affection toute dediee a vostre service. Mais, ma chere Cousine, vous seres
toute consolee quand vous sçaures qu'elle nous a laissé toutes sortes d'argumens d'esperer que son
ame est receue en la main dextre de son Dieu, qui est en fin l'unique bonheur auquel nous aspirions
en toute [occurrence] de cette basse et miserable vie mortelle. [267]
Or, il faut bien, ma chere Cousine, que vous m'aymies un peu plus maintenant, pour reparer
le manquement que j'auray en terre de l'amour que cette mere me portoit. Faites-le, je vous supplie,
chere Cousine, et soyés bien devote, tandis que je m'attens de vous revoir bien tost icy, selon
l'asseurance que vous en donnastes a mon frere, et tous-jours et par tout je seray,
Madame ma Cousine,
Vostre humble et plus affectionné cousin
et serviteur,
FRANÇS, E. de Geneve.
Oserois-je bien demander par vostre entremise, ma chere Cousine, le pardon requis a la
faute que je fay de ne point escrire a monsieur le Baron mon cousin766? Certes, c'est que je suis
fort pressé d'escrire. Mais je ne finiray jamais d'estre son serviteur bien humble.
DLXXXIII. A la Baronne de Chantal (Fragment). Souhaits de
bienvenue. Les postulantes de Dijon. Engagement avec un
imprimeur.
Annecy, vers le 25 mars 1610767.
……………………………………………………………………………………………………...
de nostre bonne mere768. Je voy que nous sommes a la veille de vostre arrivee: qu'heureuse puisse-
elle estre! C'est pourquoy je n'adjouste rien. [268]
Si ces bonnes dames vefves769 vous parlent, dites leur qu'ayant esté icy, vous les advertires
de tout, bien particulierement; car il ne les faut esmouvoir qu'extremement bien a propos, et apres
un peu d'ageancement de nostre dessein, pour lequel je viens de bien prier nostre chere Dame et
son saint Joseph.
764 Charlotte-Emmanuelle de Chabod, qui était devenue cousine du Saint en épousant, le 23 juin 1608, Bernard de
Chevron-Villette, seigneur de Dérée. (Cf. ci-dessus, note (147), p. 49.) Veuve avant 1620, elle vivait encore en 1630.
765 Vide Ep. praeced.
766 Le mari de la destinataire.
767 L'objet de la lettre, les versets du Cantique cités par le Saint permettent à la fois d'indiquer avec certitude la
destinataire, et la date avec une très grande probabilité.
768 Sans doute Mme de Boisy, récemment décédée (cf, ci-dessus, Lettre DLXXXI)
769 Il s'agit des amies de la Baronne qui avaient le désir de se joindre à elle. (Cf. pp. 15, 45, 226, 227.)
193/329

20.4 Page 194

▲back to top


Pour le premier livre que je produiray, je suis tant engagé vers Rigaud770, que je ne sçai si
je le pourray donner a Dijon; car j'ay des-ja fort lié ma liberté par ma promesse.
Or bien, venés, chere Fille, venés es montaignes771; Dieu vous y face voir l'Espoux sacré
qui tressaille es mons et outrepasse les collines, qui regarde par les fenestres et a travers la
treille772, les ames qu'il ayme. Ah, que cela fut bien chanté hier en nostre eglise et dans mon cœur!
Dieu soit a jamais nostre tout. Je suis en luy uniquement………………………………….
DLXXXIV. A Madame de la Fléchère773. Ne pas donner créance
aux vains présages. Satan abuse des âmes crédules; comment
se garder de ses pièges. Avis variés pour les œuvres de
sanctification. Moyen de soulager le prochain et de louer la
Vierge Marie.
Annecy, 27 mars 1610.
Ma tres chere Fille, Voyci comme je respons. Il n'y eut nulle offence en [269] tout ce qui
se passa touchant les presages du peril de monsieur vostre filz774; bien qu'il ne faille pas attendrir
son esprit a donner creance a ces preoccupations, mais aller doucement remettant tout ce qui nous
touche entre les mains de la divine Providence. Et mesme, quand quelque violent presage nous
arrive, tel qu'estoit celuy duquel vous m'escrives, il faut renoncer aux apprehensions qui nous en
reviennent, tant qu'il nous est possible, de peur que nostre ennemy, nous treuvant faciles a croire
telz ressentimens, n'abuse de nostre facilité. Maïs la verité est que jamais il n'abusera de chose
quelconque en vostre endroit, tandis que, comme vous faites, vous tiendres vostre cœur naifvement
et humblement ouvert a vostre guide.
Il faut bien tous-jours faire pour toutes occurrences comme vous faites pour le proces
perdu; c'est a dire, il faut tous-jours bien s'accommoder a doucement supporter ces rencontres.
Faites comme le Pere François775 vous a dit touchant le jeusne, et faites hardiment un peu
bonne collation. Pour l'orayson, vous faites bien de vous laisser aller a la mentale, quand Nostre
Seigneur vous y semond Ihors que vous dites les vocales.
Dites donq ce reste de Caresme, cinq Pater noster et cinq Ave les genoux nudz et les mains
nuës, par obeissance et pour vous conformer a Celuy qui va nud sur la croix pour nous, c'est a dire
duquel nous allons rememorer la mort.
Il est mieux de choisir quelque pauvre prestre et luy faire dire une Messe le samedy, que
de donner tous les jours un liard: ainsy vous soulageres le prochain et louëres la Vierge Marie par
une plus excellente action. Que s'il ne se treuve point de prestre qui ayt besoin de cette assistance,
je pense que Sainte Claire776 en pourra [270] estre aydee. Il est vray qu'en cas qu'il y eust d'autres
pauvres en necessité, il le leur faudroit appliquer, parce qu'alhors le soulagement du prochain est
commandé en ce que l'on peut bonnement.
770 Pierre Rigaud, imprimeur et libraire de Lyon, dont il sera parlé plus loin.
771 Cant., II, 10, 13; Luc., I, 39.
772 Cant., II, 8, 9.
773 La destinataire habitait la ville ou les environs d'Annecy, soutenait des procès, avait besoin de conseils variés et
précis: tous ces traits désignent Mme de la Fléchère avec beaucoup de vraisemblance. (Cf. les lettres du 31 avril et du
19 septembre 1610.)
774 Charles de la Fléchère que nous retrouverons plus tard.
775 Serait-ce le P. François de Chambéry? (Voir tome XI, note (419), p. 179.) Parmi les nombreux Religieux de ce
nom qui vivaient à cette époque en Savoie, on peut encore citer le P. François de Rumilly qui fit profession le 4 octobre
1602, le P. François de Côme, etc.
776 Sans doute les Clarisses d'Annecy (voir le tome précédent, note (229), p. 74).
194/329

20.5 Page 195

▲back to top


Bon soir, ma tres chere Fille, demeurés toute en Nostre Seigneur. Je suis en luy tout vostre.
FRANÇS, E. de Geneve.
Le 27 mars 1610.
DLXXXV. A une dame inconnue777. Parmi les délais imposés à
nos désirs, il faut garder la sainte patience.
Annecy, 29 mars 1610.
Madame,
Je suis extremement desplaysant du retardement que je voy pour l'arrivee du depesche que
ce porteur et vous attendes, et s'il estoit en mon pouvoir, vous auries une prompte satisfaction pour
ce regard. Or, esperant que la chose, ne peut pas aller beaucoup plus au long, je vous exhorte de
vous consoler et conserver la sainte patience, en vivant tous-jours en la crainte de Nostre Seigneur,
que je prie vous donner les graces de son Saint Esprit, et suis
Vostre humble serviteur en Nostre Seigneur,
FRANÇS, E. de Geneve.
29 mars 1610. [271]
777 La brièveté et la menue importance de ce billet atténuent le regret de n'avoir pu découvrir la destinataire.
195/329

20.6 Page 196

▲back to top


DLXXXVI. Au Cardinal Antoine-Marie Gallo778 (Inédite). Le
Saint s'excuse de ne pouvoir obliger le protégé d'un Cardinal.
Annecy, 30 mars 1610.
Illustrissimo et Reverendissimo
Signor Padron colendissimo,
Vorrei poter con efficacia servir il
Reverendo Bresa, già che così da V. S. Illma et
Rma mi viene commandato; ma la causa sua
non è stata decisa dal mio Vicario779, anzi dal
Senato secolare, il quale, secondo l'usanza di
queste bande, cognosce de possessorio. Et de
l'altro canto, quantumque le provisioni della
Santa Sede devano esser da tutti riverite,
tuttavia, già che Sua Santità non intende
pregiudicare all'alternativa de' Vescovi780,
[272] se espressamente non lo dichiara, quelli
che impetrano li beneficii han torto di
pretendere, con provisioni Apostoliche, levare
il jus delli Ordinarii. Ma in effetto, la cosa non
sta in man mia di privare il competitore del
Bresa del canonicato del quale egli è
possessore781; et così credo che V. S. Illma et
Rma mi scusarà facilmente.
Et glie bascio humilissimamente le
mani, augurandole dal Signor ogni vera
prosperità. Di V. S. Illma et Rma,
Divotissimo servitore,
FRANCO, Vescovo di Geneva.
In Annessi, alli XXX Marzo 1610.
All' Illmo et Rmo Sigr Padron colendissimo,
Monsigr il Cardinale Gallo.
Illustrissime, Révérendissime et très honoré
Seigneur,
Je voudrais pouvoir obliger efficacement le
Révérend Bresa, puisque Votre Seigneurie
Illustrissime et Révérendissime me le
commande; or, sa cause n'a pas été jugée par
mon Vicaire, mais par le Sénat séculier, lequel,
selon l'usage de ces pays, connaît du
possessoire. D'autre part, quoique les
provisions du Saint-Siège doivent être
respectées de tous, Sa Sainteté n'entend pas,
cependant, porter préjudice à l'alternative des
Evêques, à moins qu'elle [272] ne le déclare
expressément; ceux-là donc qui demandent les
bénéfices, ont tort de prétendre enlever, par des
provisions Apostoliques le droit des
Ordinaires. Et de fait, il ne m'appartient pas de
priver le compétiteur de M. Bresa du canonicat
dont il est possesseur; aussi, je crois que Votre
Seigneurie Illustrissime et Révérendissime
n'aura pas de peine à m'excuser.
Je vous baise très humblement les
mains, en vous souhaitant du Seigneur toute
vraie prospérité. De Votre Seigneurie
Illustrissime et Révérendissime,
Le très dévoué serviteur,
FRANÇOIS, Evêque de Genève.
Annecy, le 30 mars 1610.
A l'Illustrissime, Révérendissime et très
honoré Seigneur,
778 Antoine-Marie Gallo, né vers 1554, nommé d'abord évêque de Pérouse le 5 novembre 1586, reçut la pourpre de
Sixte V, avec le titre de Sainte-Agnès in Agone. Membre de plusieurs Congrégations, protecteur et bienfaiteur de la
sainte Maison de Lorette, il devint en 1591, évêque d'Osimo sa patrie, et administra cette église pendant plus de vingt
ans. Sous Clément VIII, Gallo laissa le titre de Sainte-Agnès pour celui de Sainte-Praxède, occupa successivement
sous Paul V les sièges de Preneste et de Porto, et mourut en 1620.
779 Jean Favre (voir le tome précédent, note (713), p. 265).
780 En vertu du droit de l'alternative, l'Evêque confère à certains mois les bénéfices devenus vacants; la collation de
ceux-ci à d'autres mois est réservée au Souverain Pontife. Ce droit est fixé par la neuvième Règle de la Chancellerie.
S'il n'a pas été proprement abrogé, il a cependant cessé à peu près partout d'être en vigueur, depuis que des concordats
ou accords sont intervenus entre le Saint-Siège et les différents pays.
781 Pierre Bresa, prêtre du diocèse de Genève, prétendait avoir été pourvu par le Saint-Siège, dès l'année 1606, d'un
bénéfice de résidence dans l'église de Saint-Jacques de Sallanches et demandait par une supplique datée du 2 octobre
1609, qu'il lui lut maintenu. (Archiv. des Evêques et Réguliers, Posizioni, 1613, G.) Mais en 1606, Gervais Burgal
avait été, à la mort de Nicolas Locquet, pourvu par son Ordinaire d'un canonicat à Sallanches et de la cure de Passy.
En 1609, Paul V donne à l'official de Genève commission de mettre Révérend Burgal en possession de ces deux
bénéfices, s'il le juge capable. Aussi, le 21 avril 1611, Jean Favre, vicaire général et officiai, autorise le compétiteur
de Pierre Bresa à posséder simultanément le canonicat et la cure, à condition de résider dans celle-ci. (R. E.)
196/329

20.7 Page 197

▲back to top


Revu sur l'Autographe conserve à Rome,
Chancellerie des Evèques et Réguliers. [273]
Monseigneur le Cardinal Gallo. [273]
DLXXXVII. Au Pére Alexandre Ceva, de l'Ordre des
Camaldules782. Détresse d'un gentilhomme genevois. La
Congrégation des convertis. Charité de François de Salès.
Annecy, 31 mars 1610.
Molto Reverendo Padre in Christo
osservandissimo,
Questo gentilhuomo Genevrino,
Alessandro di Montecrescenti, havendo perso
quanto haveva per essersi [274] convertito alla
santa fede catholica, è stato qui un pezzo in
refugio783; ma non trovando modo di stabilire
in queste misere valli alcun modo di vivere,
con quel poco aiuto che io gli ho potuto dare,
ecco che se ne va in Roma, ove credo che sarà
ricapitato dalla sacra Congregatione de'
convertiti784, poiché egli è di costumi et
Très Révérend et très honoré
Père dans le Christ,
Ce gentilhomme genevois, Alexandre
de Montcroissant, a perdu tout ce qu'il
possédait, pour s'être converti à la sainte foi
[274] catholique. Il est demeuré assez
longtemps ici, où il s'était réfugié. Mais ne
trouvant aucun moyen d'assurer son existence
en ces pauvres vallées, voici qu'il s'en va à
Rome avec le peu de secours que j'ai pu lui
donner. Je crois qu'il y sera accueilli par la
sacrée Congrégation des convertis, car ses
782 Ascanio Ceva, de l'illustre famille de ce nom, naquit à Garessio le 13 janvier 1538, de Jean, marquis Ceva, et de
Catherine Scarampi. Après une jeunesse intacte et laborieuse, il alla à Rome (1560), se mit sous la direction de saint
Philippe de Néri et pendant dix ans remplit l'office de secrétaire auprès du cardinal Crivelli. Il quitta cet emploi pour
entrer chez les Camaldules, à Camaldoli (Toscane), en 1570. Reçu novice le 1er novembre, avec le nom d'Alexandre,
il passa par toutes les charges, y compris celle de Majeur ou de Général. En 1596, il ramène à l'observance le monastère
de Pozzo di Strada, près de Turin. La peste qui ravagea cette ville en 1599 et 1600 lui donna l'occasion de déployer sa
charité. Charles-Emmanuel le prit pour confesseur, et quand ce prince eut fait vœu d'élever un Ermitage, c'est-à-dire
un monastère de Camaldules, le fervent Religieux, qui avait instamment sollicité cette fondation, fut désigné pour
l'administrer, par un Bref pontifical du 14 mai 1601.
L'Eremo fut bâti sur une colline entre Turin et Pecetto, dès 1601, et la première pierre de l'église posée le 2
juillet 1602. Alexandre Ceva mourut à Turin en odeur de sainteté, le 6 novembre 1612, après quarante-deux années
de vie monastique. Jusqu'à ses derniers jours, il avait observé avec une admirable continuité les vertus qui conduisent
à la perfection. Il fut l'ami du bienheureux Ancina, de saint François de Sales et la lumière de son Institut. Dès 1617,
et jusqu'en 1623, on fit des enquêtes pour instruire le Procès de sa Béatification. Quant à l'Eremo, il est devenu, depuis
1874, la maison de campagne des séminaristes du diocèse de Turin, et on y conserve avec respect les restes du
vénérable Fondateur, recueillis en septembre 1876 dans un nouveau cercueil. (Voir Chiuso, Istoria del Ven.
Alessandro Ceva, fondatore dell' Eremo di Torino; Torino, 1877.)
783 L'histoire de ce distingué gentilhomme, lettré et savant, pique la curiosité, mais il faut se résigner à l'ignorer, caries
érudits les mieux informés ont fait en vain, pour la connaître, de très minutieuses recherches. Les Procès de
Canonisation nous apprennent toutefois qu'il fut converti par François de Sales et abjura entre ses mains, qu'il fit un
séjour de quelques mois à Annecy, défrayé par le Saint, et que celui-ci, en l'adressant à Rome, «au Seminaire des
convertys, » lui donna plusieurs ducatons et les burettes d'argent de sa chapelle.
La seigneurie de Montcroissant (Jura) fut donnée par Claude-Gabriel Mouchet de Battefort, seigneur
d'Arinthod, à ses enfants naturels, qui prirent le nom de Montcroissant. Le converti genevois appartiendrait-il à cette
famille?
784 Cette œuvre, qui avait pour objet de venir en aide aux protestants convertis, devait sa fondation au bienheureux
Ancina et au P. Chérubin de Maurienne. Elle commença en 1600, soutenue par les aumônes et la protection de
plusieurs prélats et seigneurs romains, des cardinaux Borromée, Aldobrandino et de Charles-Emmanuel, duc de
Savoie.
La Congrégation s'intéressait à toutes les nécessités spirituelles et temporelles des convertis et elle y
pourvoyait avec une ingénieuse sollicitude, grâce à une organisation très avisée. L'œuvre avait des rapports avec la
Sainte-Maison de Thonon; le bienheureux Juvénal en était l'âme et le principal soutien; aussi, après sa mort, elle
197/329

20.8 Page 198

▲back to top


maniere molto honorate, et assai anco
qualificato nelle buone lettere et scientie
matematiche.
Ma perchè havendo ad ajutare molti
altri convertiti non gli ho potuto dare se non
dieci ducatoni alla sua [275] partenza, V. Pta
molto Rda farebbe cosa gratissima al Signore
Iddio se glie procurasse qualche sorte di ajuto,
per via di limosina, da Sua Altezza
Serenissima785, chè così potrebbe fare il
restante del suo viaggio. Onde, di questo
supplico V. Pta molto Rda, la quale non
potrebbe fare maggior carità appresso Nostro
Signor Giesù Christo, il quale io prego di
darglie ogni santa consolatione et prosperità.
Di V. Pta molto Rda,
Affettionatissimo servitore in Christo,
FRANCo, Vescovo di Geneva.
In Annessi, alli 31 di Marzo 1610.
Al Ven. Padre D. Alessandro Ceva,
Fondatore del sacro Eremo di Torino.
Revu sur une copie déclarée authentique,
conservée à la Visitation d'Annecy. [276]
mœurs et ses manières sont très honorables, et
même il s'est rendu assez remarquable dans les
belles-lettres et les sciences mathématiques.
Mais ayant encore à secourir plusieurs
autres convertis, je n'ai [275] pu lui donner à
son départ que dix ducatons. Aussi, Votre
Révérende Paternité ferait-elle chose très
agréable à Dieu notre Seigneur, si elle obtenait
pour lui de Son Altesse Sérénissime, quelque
sorte d'assistance à titre d'aumône. Par ce
moyen, il pourrait achever son voyage. Je
supplie donc Votre Paternité de lui faire cette
charité; il n'en saurait être une plus grande aux
yeux de Notre-Seigneur Jésus-Christ, que je
prie de vous accorder toute sainte consolation
et prospérité.
Je suis, de Votre très Révérende
Paternité,
Le très affectionné serviteur
dans le Christ,
FRANÇOIS, Evêque de Genève.
Annecy, le 31 mars 1610.
Au Vénéré Père D. Alexandre Ceva,
Fondateur du sacré Ermitage de Turin. [276]
commença à péricliter et finit par être dissoute. (Cf. Bacci, Vita del B. Giovanni Giovenale Ancina (2a ed., Roma,
1890), lib. III, cap. 1.)
785 Les relations d'amitié que le destinataire entretenait avec les Oratorieus de Rome et l'estime dont il jouissait auprès
du duc, en qualité de confesseur, avaient dû persuader le Saint de lui recommander son protégé.
198/329

20.9 Page 199

▲back to top


DLXXXVIII. A la Présidente Brulart. Par plusieurs voies on va
au Ciel, si l'on a pour guide la crainte de Dieu. Contre
l'amour-propre, il faut faire bon guet. C'est tenter Dieu de
confier l'âme d'une jeune fille à un jeune homme de mauvais
naturel, avec l'espoir qu'il s'amendera. Consultation
particulière sur les divertissements pour Mlle Brûlart.
Comment porter à la vertu une enfant vigoureuse et de naturel
un peu ardent. Un magistrat chrétien au XVIIe siècle. Un
bien grand voyage pour des femmes. Le plus grand appui
pour s'avancer dans la piété. Les aumônes fructifient comme
le froment jeté en terre.
Sales, vers le 20 avril 1610786.
Ce m'a esté un extreme contentement d'apprendre un peu plus amplement que de coustume
de vos nouvelles, ma tres chere Seur, ma Fille, bien que je n'aye pas encor tant eu de loysir pour
parler avec madame de Chantal que j'aye peu m'enquerir si particulierement, comme je desirois,
de toutes vos affaires, desquelles je pense que vous aures communiqué avec elle comme avec une
parfaitte amie. Or, pour le moins m'a-elle dit que vous chemines fidellement en la crainte de Nostre
Seigneur, qui est le grand mot de ma consolation, puisque mon ame desire tant de bien a la vostre
tres chere.
Au reste, pour respondre briefvement a la vostre, N. fit tres bien d'entrer aux Carmelines787,
car il y avoit apparence que Dieu en seroit glorifié. Mais puisqu'elle en sort par ordre des
Superieures, elle doit estimer que Dieu, se contentant de son essay, veut qu'elle le serve ailleurs;
si bien qu'elle fera mal, si, apres les premiers [277] ressentimens de sa sortie, elle n'appaise son
esprit et ne prend ferme resolution de vivre toute en Dieu, en quelqu'autre condition; car par
plusieurs voyes on va au Ciel. Pourveu qu'on ayt la crainte de Dieu pour guide, il importe peu
quelle l'on tienne, bien qu'en elles mesmes, les unes soyent plus desirables que les autres a ceux
qui ont la liberté de choysir.
Mais quant a vous, ma chere Fille, dequoy vous mettes vous en peyne pour ce regard? Vous
aves fait charité de procurer une si sainte retraitte a cette pauvre fille; s'il ne plait pas a Dieu qu'elle
y persevere, vous n'en pouves mais. Il faut acquiescer a cette Providence souveraine, laquelle n'est
pas obligee de suivre nos eslections et persuasions, mais son infinie sagesse. Si N. est sage et
humble, Dieu luy treuvera bien une place en laquelle elle pourra bien servir sa divine Majesté, ou
par consolations ou par tribulations. Cependant, les bonnes Meres Çarmelines font bien d'observer
exactement leurs Constitutions et rejetier les espritz qui ne sont pas propres pour leur maniere de
vivre.
Ma chere Fille, ce petit esbranslement de cœur que vous aves en cette occasion, vous doit
servir d'advertissement que l'amour propre est grand et gros dedans vostre cœur, et qu'il faut faire
bon guet, de peur qu'il ne s'en rende le maistre. Ah! Dieu, par sa bonté, ne le veuille jamais
786 La date est donnée sous toutes réserves; le texte avertit que Mmc de Chantal revenait de Dijon, mais elle était dans
cette ville en mars 1610 et aussi durant l'automne de 1611. La lettre, d'après les allusions qu'elle renferme, a été écrite
au retour de l'un de ces deux voyages, et probablement après le premier; toutefois, cette probabilité n'exclut pas la date
de fin décembre 1611-janvier 1612.
787 Serait-ce Marie-Marguerite Milletot, qui entra à la Visitation le 14 août 1610, après avoir fait un essai au Carmel?
Elle était fille de Bénigne Milletot, conseiller au Parlement de Dijon, ami et correspondant de François de Sales. Cette
conjecture ne tiendrait plus, si la date de la présente lettre était reculée à la fia de 1611.
199/329

20.10 Page 200

▲back to top


permettre, ains face regner sans fin en nous, sur nous et contre nous et pour nous son tres saint
amour celeste.
Touchant le mariage de cette chere fille que j'ayme bien fort788, je ne puis bonnement vous
donner conseil, ne sachant de quelle nature est ce chevalier qui la recherche. Car, ce que monsieur
vostre mary dit est veritable, qu'il pourroit, a l'adventure, changer toutes ces mauvaises humeurs
que vous me marqués; mais acela [278] s'entend s'il est de bon naturel et que ce ne soit que la
jeunesse ou la mauvaise compaignie qui le gaste. Mais, si c'est un esprit de nature mal qualifié,
comme il ne s'en void que trop, certes, c'est tenter Dieu de hazarder une fille en ses mains, sous
l'incertaine et douteuse presomption d'amendement, et sur tout si la fille est jeune et qui ayt besoin
de conduitte elle mesme; auquel cas, ne pouvant rien contribuer a l'amendement du jeune homme,
ains estant plust.ost a craindre que l'un ne serve de sujet de perte a l'autre, qu'y a-il en tout cela
qu'un evident danger? Or, monsieur vostre mary est grandement sage, et m'asseure qu'il fera toute
bonne consideration, a quoy vous le servirés; et moy je prieray, selon vostre desir, qu'il playse a
Dieu de bien addresser cette chere fille, affin qu'elle vive et viellisse en sa crainte.
De mener au bal cette fille fort souvent ou rarement, puisque c'est avec vous qu'elle ira, il
importe peu; vostre prudence doit juger de cela a l'œil et selon les occurrences. Mais la voulant
dedier au mariage, et elle ayant cette inclination, il n'y a pas du mal de l'y conduire tant souvent
que ce soit asses, et non pas trop. Si je ne me trompe, cette fille est vive, vigoureuse et de naturel
un peu ardent: or, maintenant que son entendement commence a se desployer, il faut y fourrer
doucement et suavement les premices et premieres semences de la vraye gloire et vertu, non pas
en la tançant de paroles aigres, mais en ne cessant point de l'advertir avec des paroles sages et
amiables a tous propos, et les luy faisant redire, et luy procurant des bonnes amitiés de filles bien
nees et sages.
Madame de [Chantal] m'a dit que, pour vostre exterieur et la bienseance de vostre mayson,
vous marchies fort sagement; et tant elle que mon frere de Thorens m'ont dit une chose qui m'a
rempli d'ayse: c'est que monsieur vostre mary acqueroit de plus en plus grande bonne reputation
d'estre bon justicier, ferme, equitable, laborieux au devoir de sa charge, et qui en tout vivoit et se
comportoit en grand homme de bien et bon Chrestien. [279] Je vous prometz, ma chere Fille, que
j'ay tressailli de joye a ce recit, car voyla une grande et belle benediction. Entr'autres choses, ilz
m'ont dit que tous-jours il commencoit sa journee par l'assistance de la sainte Messe, et qu'es
occasions il tesmoigne un zele solide et digne de sa qualité, a la sainte religion catholique. Dieu
soit tous-jours a sa dextre, affin qu'il ne change jamais789 que de mieux en mieux. Vous estes donq
bien heureuse, ma chere Fille, d'avoir chez vous les benedictions temporelles et spirituelles.
Le voyage de Lorette est un grand voyage pour des femmes: je vous conseille de le faire
souvent en esprit, joignant par intention vos prieres a cette grande multitude de personnes devotes
qui y vont honnorer la Mere de Dieu, comme au lieu ou premierement l'honneur incomparable de
cette maternité luy arriva. Mais puisque vous n'aves point de vceu qui vous oblige d'y aller en
presence corporelle, je ne vous conseille pas de l'entreprendre; ouy bien d'estre de plus en plus
zelee a la devotion de cette sainte Dame, de laquelle l'intercession est si forte et favorable aux
ames, que pour moy, je l'estime le plus grand appuy que nous puissions avoir envers Dieu pour
nostre advancement en la vraye pieté; et puis parler de cela, pour en sçavoir plusieurs particularités
remarquables. Qu'a jamais le nom de cette tres sainte Vierge soit beni et exalté! Amen.
Pour vos aumosnes, ma chere Fille, faites-les tous-jours un peu bien largement et a bonne
mesure, neanmoins avec la discretion qu'autrefois je vous ay dit ou escrit790; car si ce que vous
jettes dans le sein de la terre vous est rendu avec usure par sa fertilité, sçachés que ce que vous
jetteres dans le sein de Dieu vous sera infiniment plus fructueux, ou d'une façon ou d'une autre;
788 «Cette chere fille» que le Saiat aimait «bien fort» est sans doute Françoise, fille de la destinataire; elle n'avait alors
que douze ans (cf. plus haut, note (413), p. 134). Elle épousa, par contrat du 14 août 1613. (Archiv. départ, de la Côte-
d'Or, E. 1666), Claude de Saulx-Tavanes, lieutenant-général des armées du roi et fils aîné de Guillaume, le célèbre
mémorialiste français. Veuve en 1638, elle mourut vers 1663.
789 Cf. Ps. XV, 8.
790 Vide tom. praeced. p. 215.
200/329

21 Pages 201-210

▲back to top


21.1 Page 201

▲back to top


c'est a dire, Dieu vous en recompensera en ce monde, ou en vous donnant plus de richesses, ou
plus de santé, ou plus de contentement. [280]
DLXXXIX. A Madame Bourgeois, Abbesse du Puits-d'Orbe.
Une heureuse rencontre. A quelles conditions la faiblesse
n'est pas un grand mal. Ce que Notre-Seigneur ne requiert
pas de nous. Comment se mettre «sur le solide.» Le
moyen de n'avoir rien à craindre. Combien de bons médecins
maladifs et d'habiles peintres bien laids. Un «pauvre chetif
pere» et la seule chose qui pouvait le contrister. Plutôt mourir
que de démordre. Les Supérieures et l'observance.
Sales, 20 avril 1610791.
Or sus, ma chere Seur, ma Fille, je m'en vay vous escrire tant que je pourray sur le sujet de
vostre lettre, qui m'a esté rendue par la seur que vous aymés tant et qui vous cherit reciproquement
de tout son cœur792.
Il est vray, nous l'avons en fin cette chere seur, mais ce n'est pas moy pourtant qui vous l'ay
ostee; c'est Dieu qui nous l'a donnee, ainsy que, Dieu aydant, la suite le tesmoignera. Je ne doute
nullement que cette petite conversation que vous eustes ensemble a Bourbilly793 ne vous fust bien
douce, car c'est une heureuse rencontre que de deux espritz qui ne s'ayment que pour mieux aymer
Dieu; mais il ne se pouvoit pas faire que cette sensible presence durast long tems, puisque nostre
commun Maistre vous demandoit l'une la, l'autre icy, pour son service. Nous ne laissons pourtant
pas d'estre tous-jours jointz et unis, nous entretenans les uns aux autres par la commune pretention
et entreprise que nous avons.
Je suis bien ayse dequoy vous manques peu aux exercices que je vous ay marqués, car cela
monstre que les fautes que vous y faites ne proviennent pas d'infidelité, mais de foiblesse; et la
foiblesse n'est pas un grand mal, [281] pourveu qu'un fidele courage la redresse petit a petit, ainsy
que je vous conjure de faire, ma chere Fille, pour la vostre, sans vous affliger nullement de ce que
vous n'aves ni sentiment ni goust ordinairement en tous vos exercices, car Nostre Seigneur ne
requiert pas cela de nous: aussi ne depend-il pas de nous de l'avoir ou de ne l'avoir pas. C'est
pourquoy il nous faut mettre sur le solide, et considerer si nostre volonté est bien affranchie de
toutes mauvaises affections, comme seroit dureté de cœur envers le prochain, impatience, mespris
d'autruy, amitiés trop ardentes envers les creatures et semblables choses. Que si nous n'avons point
de reserve d'estre tout a Dieu, si nous avons le courage de plustost mourir que de l'offenser, et
moyennant que telles soyent les resolutions de nos cœurs et que nous les sentions tous-jours plus
fortes en nous, il n'y a rien a craindre, ni a prendre de la peyne pour n'en sentir pas lés goustz et
les sentimens. Or, voyci une bonne preuve de la fortification de ces cheres resolutions, que par la
grace de Dieu vous aves perseveré a conserver ce que je vous dis en confession794, ainsy que vous
m'asseures; car cela vaut mieux que cent mille goustz spirituelz. Faites donq tous-jours ainsy.
791 Cette lettre, Honnée jusqu'ici avec la date de 1611, est certainement de 1610; le texte et les allusions des premières
lignes ne laissent aucun doute à cet égard.
792 La baronne de Chantal.
793 Vide supra, p. 265.
794 Lors d'une visite que fit le Saint au Puits-d'Orbe en 1609.
201/329

21.2 Page 202

▲back to top


Je diray la Messe que vous me demandes, bien que jamais je n'en die point qui ne soit tres
expressement vostre; mais je n'ay peu me remettre en memoire le sujet que vous dites que je sçai;
aussi n'en est-il pas besoin.
Si madame Thenissey795 persevere a ne vouloir pas se ranger, vous n'aures point de part a
sa coulpe; cependant je me res-jouis dequoy le reste de nos articles s'observent. Et pour la
particuliere qui ne veut pas s'accommoder a la Communauté, il faut user de support et de benignité
envers elle, et Dieu la reduira au train des autres796.
Hé bien, ma chere Fille, la multitude des difficultés vous fit peur et vous eustes des pensees
de tout quitter; [282] cependant vous aves veu que tout est fait. Il en sera de mesme en tout le reste:
la perseverance vaincra tout.
Pour les pensions, elles sont bien entre vos mains, puis que nul autre ne s'en veut charger;
mais vous pourres bien faire tenir conte d'icelles a une des filles797. Vous m'aves bien fait rire
quand vous m'aves escrit que vous eussies remis lesdites pensions a chacune desdites Religieuses
la sienne, si vous n'eussies eu peur que je ne me faschasse a vous. Da, ma chere Fille, quand m'aves
vous veu fascher a vous? Je suis pourtant bien ayse que l'on craigne un peu de desplaire au pauvre
chetif pere; car vrayement vous ne me desplaires jamais, ma chere Fille, que quand vous desplaires
a Nostre Seigneur et que vous vous esloigneres de son pur et saint amour.
Il faut vrayement aller au Chapitre, malgré toute la repugnance que vous y aves798; et, apres
la lecture de la Regle, il faut dire quelque chose, quand ce ne seroit que: «Dieu nous face la grace
de bien observer ce qui a esté leu.»
En la Feste Dieu, je ne voy nul inconvenient que l'on face le tour du cloistre; car cela ne
tire point a consequence, a cause de la grandeur de la solemnité.
Helas! ma Fille, si personne ne servoit aux ames que ceux qui n'ont point de difficultés es exercices
et qui sont parfaitz, vous n'auriés point de pere en moy; et il ne faut pas laisser de soulager les
autres, encor que l'on soit soy mesme en perplexités. Combien y a-il de bons medecins qui ne sont
gueres sains? et combien se fait-il de belles peintures par des peintres bien laidz? Quand donq vos
filles viennent a vous, dites leur tout bellement en charité ce que Dieu vous inspirera, et ne les
renvoyés point vuides d'aupres de vous.
Vous faites bien de faire venir ainsy des Peres Minimes799 de tems en tems, car cela
eslargira le cœur aux filles et soulagera leurs ames800. Je suis marry avec vous [283] du desgoust
qu'elles ont de vostre chapelain ordinaire; mais l'entremise des Minimes peut suppleer a tout cela,
puisque, comme vous dites, il est certes malaysé de treuver des prestres bien conditionnés et que
celuy-ci est asses capable. En fin, ma tres chere Seur, ma Fille tres chere, il faut reprendre nostre
premier courage et plustost mourir que de demordre.
Tenés-vous le plus que vous pourrés aupres de vos filles, car vos absences ne leur peuvent
donner que des sujetz de murmurer; et rien ne leur peut tant adoucir leur sujettion que la vostre,
rien ne les peut tant retenir dans l'enclos de l'observance que de vous y voir avec elles: et c'est en
cela qu'il faut se crucifier pour Celuy qui a esté crucifié pour nous. Que vous seres heureuse si
vous aymes bien vostre petit troupeau! car apres l'amour de Dieu, celuy-la tient le premier rang.
Je vous escriray tous-jours quand je pourray et tant que je pourray, et, sans varier, je
persevereray a jamais en l'affection que je vous ay une fois de si bon coeur dediee. Demeurés
ferme en cette creance, car elle est, Dieu aydant, infallible. Non, ni la mort, ni les choses presentes,
795 Voir le tome précédent, note (81), p. 14.
796 Cf. supra, p. 147.
797 Cf. supra, p. 147.
798 Cf. ibid.
799 Les Religieux Minimes avaient d'abord été établis à Dijon sur la paroisse Saint-Michel, par le maire et les échevins,
en vertu d'une délibération du 14 mars 1599. Henri IV leur délivra, au mois de janvier 1609, des lettres patentes,
confirmées par d'autres lettres du 2 décembre 1614 et vérifiées au Parlement le 1er juin 1616. Le couvent fut fondé par
les aumônes d'Anne de Bueil, femme du duc de Bellegarde, gouverneur de Bourgogne, par noble Bénigne de Frazans
et Marie des Barres sa femme, et par Michelle ces Barres, veuve de Pierre Boursault. (Cf. Fyot, Hist. de l'Eglise
abbatiale de Saint Estienne de Dijon, Dijon, 1696, Partie II, chap. XXIII.)
800 Cf. supra, pp. 146, 147.
202/329

21.3 Page 203

▲back to top


ni celles qui sont a venir, ne me separeront jamais de cette dilection que je vous porte en Jesus
Nostre Seigneur801, auquel soit honneur et gloire802.
Je suis
Vostre tres affectionné, tres asseuré et tres fidelle,
FRANÇS DE SALES.
A Sales, le 20 avril…..
Mais voyés-vous, ma tres chere Fille, ce que je vous dis, je vous le recommande bien
estroittement, car la seur m'a dit que vous voulés que je parle ainsy.
Ma chere Seur, asseurés toutes vos bonnes et bien-aymees Seurs et filles que je les honnore
et cheris tres [284] intimement, et specialement Madame vostre tres chere seu803, marry de ne leur
pouvoir escrire maintenant. Et pour vous humilier encor un peu, salués de ma part monsieur
Lafon804 et ces bonnes filles qui servent Dieu en la personne de ses servantes805; car tout cela m'est
cher.
DXC. A Madame de la Fléchère. «Il est dangereux de marcher
au chemin des proces.» Par quelles pratiques les âmes
chrétiennes témoignent-elles de la fidélité à Notre-Seigneur.
Annecy, 21 avril 1610806.
Il y a long tems, ma tres chere Fille, que j'ay la lettre ci jointe pour vous, mays je n'ay treuvé
les commodités de l'envoyer. Celle qui vous l'envoye me la donna avec des grans signes de sincere
affection en vostre endroit807. Je ne desirerois pas que vous fissies aucun vœu, ains seulement
quelques devotions particulieres destinees a cette particuliere intention808.
Tenes vous bien debout et gardés de broncher, car il est dangereux de marcher au chemin
des proces809. [285] Renouvellés tous les matins la bonn'intention que vous aves en cette poursuite
et pries specialement pour cela.
O Dieu, ma chere Fille, qu'ell'est heureuse cette chere niece810 qui s'en est allee de ce monde
avant que d'y avoir souillé ses affections811! Je prie le Saint Esprit quil donne sa sainte consolation
au pere. Je salue la chere seur, la conversation de laquelle vous recreera812.
801 Rom., VIII, 38, 39.
802 Ibid., ult., 27.
803 Françoise, prieure du Puits-d'Orbe.
804 Sans doute un serviteur de l'abbaye.
805 «Ces bonnes filles» étaient assurément des domestiques à gages, préposées aux offices de la Maison.
806 La copie conservée à Turin n'est pas datée; nous reproduisons la date que donne Migne, d'après l'Autographe.
807 La lettre jointe à celle du Saint, pourrait bien être de la baronne de Chantal, arrivée à Annecy le 4 avril. (Cf. ci-
dessus, note (750), p. 263.)
808 Cette intention particulière ne serait-elle pas la fondation de la Visitation?
809 Cf. ci-dessus, Lettre DLXXXIV, p. 170. Si dangereux que fût le «chemin des proces, » on verra par les allusions
des lettres ultérieures, que la destinataire n'en sortit pas durant la présente année, et que les années suivantes, des tracas
du même genre obsédèrent encore la noble châtelaine de Rumilly.
810 Une sœur de Mme de la Fléchère épousa (contrat du 26 février 1583) Emmanuel-Philibert Roëro, seigneur de
Bressieu. Ils eurent un grand nombre de filles. La «chere niece» défunte, si c'est une vraie nièce, ne peut être qu'une
Bressieu.
811 Cf. Sap., IV, 14.
812 La «chere seur» serait-elle Mme d'Avise, qui habitait Chambéry?
203/329

21.4 Page 204

▲back to top


Tenes bien vostre ame en vos mains813; voyla que vous alles en une bonn'occasion de
tesmoigner de la fidelité a Nostre Seigneur en la vraye prattique de la douceur, debonnaireté,
humilité, resignation et charité.
Je suis plus vostre que vous ne sçaures croire. Vive Jesus! Amen.
XXI avril.
A Madame
Madame de la Flechere.
Revu sur une copie déclarée authentique, conservée à Turin, Archives de l'Etat.
DXCI. A la Baronne de Cusy814. Derniers préparatifs dans le
«petit bastiment» destiné aux premières recrues de la Visitation.
Le Saint compte les y introduire à la Pentecôte. Quel sera
le costume la première année. Réponse à des objections que
présentait la destinataire. Un petit Isaac.
Annecy, 23 avril 1610.
Madame,
Je vous remercie de la commodité que vous m'aves donnee de vous escrire par ce porteur
sur le sujet que [286] vous desires. Il y a encor quelqu'accommodement a faire dans nostre petit
nouveau bastiment; mais ce n'est pourtant pas chose qui puisse retarder le commencement de
nostre dessein, lequel je propose devoir estre a ces prochaines festes de Pentecoste, Dieu aydant.
Vous treuverés des-ja. icy bonne compaignie815, qui n'attend que le jour heureux auquel
elle se consacrera pour une bonne fois a l'unique object de leur cœur. Je suis donq d'advis que vous
vous disposies a venir pour ce tems-lâ, et cependant nous irons, de deça, ordonnant les choses en
sorte que vous treuvies en ce nouveau genre de vie la douceur et consolation que vous sçauries
desirer816.
813 Ps. CXVIII, 109.
814 Charlotte de Vautravers de Chairin, fille de Jeanne de Seyssel-la-Chambre et de Philibert de Vautravers, dame de
Bonvillaret, la Cueille, le Crest, Montfort, épousa après le 4 avril 1585, Jean-Bérold de Pingon, baron de Cusy. (Voir
ci-dessus, note (654), p. 228.) De ce mariage naquirent Claudine-Philiberte, qui devint la belle-sœur du Saint (voir le
tome précédent, note (38), p. 1), et Amé (voir note (812) de la page suivante). La destinataire donna bien des sujets
de préoccupation à saint François de Sales et fit retarder, par ses irrésolutions, le commencement de l'Institut. (Cf. les
lettres des 2, 24 et 28 mai.) Elle vivait encore en 1634. (Cte de Mareschal, Quelques vieux papiers des Pingon, 1893.)
815 Mme de Chantal, Mlle Favre et Mlle de Bréchard.
816 Lé 11 décembre 1609, François de Sales hésitait à se prononcer sur la destination particulière que le baron de Cusy
désirait donner à la maison acquise tout d'abord pour des Carmélites. (Voir ci-dessus, p. 228.)
La présente lettre prouve que le Saint avait fini par agréer le projet du pieux Baron et avait même consenti à
s'en servir pour inaugurer son entreprise personnelle. Il faut laisser parler la Mère de Bréchard (Ms. cité note (654), p.
228): «M. de Cusy, » dit-elle «aprist le dessein que nostre B. H. Pere avoit pour la retraite de nostre Mere; et parce
qu'il la congnoissoit despuis les autres voyages qu'elle avoit fait en Savoye et savoit l'estat qu'on en faisoit partout, il
desiroit bien fort que de ces deux projets de pieté on en fist un seul, et que madame sa femme et sa niece se dediassent
a cette mesme maniere de vie... Nostre B. H. Pere, qui estoit extremement facile a condessendre en toutes les choses
de pieté, luy accorda et luy dit qu'il en communiqueroit avec nostre Mere; ce qu'il fist lors qu'elle fust arrivee. Cette
proposition donna bien de la peine a nostre chere Mere, et... n'eust esté la tres entiere obeissance et parfaite
soubmission qu'elle vouloit rendre a toutes les volontés de nostre B. H. Pere, elle ne s'y fust jamais resolue. Cela donc
fust ainsy arresté, ... et M. de Cusy en donna advis a madame sa femme, afin qu'elle se preparast pour se rendre a
Annecy environ la Pentecoste.»
204/329

21.5 Page 205

▲back to top


Pour cette premiere annee, nous vous laisserons en habit noir, avec le voyle de toyles
noyres deliees et avec le plus de simplicité quil se pourra. Mais pour ce particulier, il suffira d'y
prouvoir quand vous seres arrivee, affin que tout soit conforme. [287]
Ne vous mettes nullement en peyne de tout ce que le monde dit, car il est ennemi de la
gloire de Dieu et du bien des ames; et le Pape ne veut voyrement pas qu'on fonde des nouvelles
Religions sans congé, et a rayson, mais il n'empesche pas, ains a aggreable que l'on face ce que
nous ferons, Dieu aydant817.
Je me res-jouis avec vous de la constance avec laquelle vous aves consacré et sacrifié vostre
petit Isaac818, et prie Nostre Seigneur quil vous comble des benedictions quil donna au bon
Abraham pour un semblable sacrifice819. Je suis,
Madame,
Vostre serviteur tres affectionné et bien humble,
FRANÇS E. de Geneve.
XXIII avril 1610.
A Madame
Madame la Baronne de Cusy.
Revu sur l'Autographe conservé à Troyes, à l'Aumônerie des Dames
des SS. Cœurs, dites de Picpus. [288]
DXCII. A la Baronne de Chantal. L'Institut de la Visitation,
«havre de grace et de consolation.» Méditation sur
l'Evangile: Je suis la vigne. Notre-Seigneur Jésus-Christ, le
tout de François de Sales.
Annecy, 24 avril 1610820.
Il faut bien prendre courage, ma chere Fille, et se tenir en santé, puisque nous voyci a la
veille de nostre embarquement pour aller au havre de grace et de consolation.
J'ay bien pensé je ne sçai quoy de bon ce matin sur l'Evangile courant821, en ces paroles:
Qui demeure en moy et moy en luy, il porte beaucoup de fruit; car sans moy, vous ne pouvés rien
faire. Il m'est bien advis que nous ne demeurerons plus en nous mesmes, et que, de cœur,
d'intention et de confiance, nous nous logerons pour jamais dans le costé percé du Sauveur; car
sans luy, non seulement nous ne pouvons, mais quand nous pourrions, nous ne voudrions rien
faire.
Tout «en luy,» tout «par luy,» tout «avec luy822,» tout pour luy, tout luy.
FRANÇS, E. de Geneve.
817 On voit par ces derniers conseils, que la résolution de la Baronne n'était pas encore bien assurée.
818 Le «petit Isaac, » c'est-à-dire Amé de Cusy, ne resta pas longtemps sur le bûcher du sacrifice qui était, pour parler
sans figure, la vocation religieuse. Il avait eu la dévotion d'être Capucin; s'il essaya de le devenir, il ne persévéra pas.
L'épée lui souriant plus que le froc, il fut plus tard capitaine au régiment de Savoie, épousa le 16 juillet 1615 Suzanne
de Montmayeur, la perdit le 23 août 1626 et mourut à Cusy le 26 mai 1649. (D'après les notes de M. le comte de
Mareschal.)
819 Gen., XXII, 1-18.
820 La date est justifiée par l'indication de «l'Evangile courant, » lequel, dans l'ancien diocèse de Genève, se lisait le
jour de la vigile de saint Marc. (Cf. Lafrasse, Etude sur la liturgie dans l'ancien diocèse de Genève: «Le Missel, » art.
IV.)
821 Joan., XV, 5-11.
822 Can. Missae.
205/329

21.6 Page 206

▲back to top


Le 24 avril 1610. [289]
DXCIII. A M. Jacques de Bay. Jacques de Bay et son zèle pour
la formation chrétienne des jeunes Savoyards.
Recommandation en faveur de Jean-Antoine Rolland et de
Bernardin du Nant. Le Saint offre au destinataire deux de ses
ouvrages; son humilité.
Annecy, 26 avril 1610.
Monsieur,
J'ay receu a beaucoup d'honneur la salutation que le sieur Ramus823 m'a faitte de vostre
part, m'estimant fort heureux de vivre en vostre amitié, comm'en eschange je vous supplie de croire
que je vous respecte et revere de tout mon cœur, me sentant extremement redevable a la constante
inclination que vous avés au bien de cette mienne evesché, pour laquelle vous vous estes tous-
jours affectionné a eslever les jeunes gens qui vous sont envoyés d'icy a toutes sortes de solide
vertu, et sur tout au zele de la sainte foy catholique.
Or, en voyla encor quelques uns qui se vont rendre sous vos aisles pour ce mesme sujet,
lesquelz je suis obligé de vous recommander tous generalement, puis que tous ilz sont mes tres
chers enfans en Nostre Seigneur. Mais il y en a deux pourtant que je doys preferer en ce mien
desir, dont le premier est Jean Anthoyne Rolland824, [290] duquel la mere est de la mesme mayson
de feu monsieur le fondateur du College825 et ma proche parente, laquelle ayant plusieurs enfans,
823 En 1614, les proviseurs de Louvain déléguèrent à Annecy «le docteur Ramus, » pour venir contrôler certaines
plaintes portées sur le collège Chappuisien, à propos des Barnabites. Ce délégué serait-il le sieur Ramus mentionné
dans la présente lettre? Voici quelques notes biographiques sur deux personnages de ce nom qui vivaient à cette
époque.
Georges Ramus, annécien, fut élevé à Louvain dans la pédagogie du Porc, où, après de brillantes études, il obtint une
chaire de philosophie. Il était licencié en droit et mourut en 1613, chanoine d'Aire, dans l'Artois.
Un autre Georges Ramus figure souvent dans les Lettres de sainte Jeanne-Françoise de Chantal; il traduisit
en latin l'Introduction a la Vie devote et désirait la faire imprimer à Lyon. (Voir Lettres de la Sainte, vol. II, p. 601.)
C'est le même personnage qui paraît dans le Procès de Canonisation de François de Sales, avec les titres de
«protonotaire apostolique, docteur de Louvain, juge subdélégué.»
824 Jean-Antoine Rolland, fils d'Aimé Rolland, de Versonnex, et de Louise Chappuis (voir le tome précédent, note
(330), p. 115), frère de Georges, aumônier du Saint, fut tonsuré et minoré de la main de celui-ci le 24 mai 1603, étudia
à Louvain en 1610, et y reçut pour la promotion aux Ordres majeurs, des Lettres dimissoriales datées du 6 octobre
1612. (R. E.) Il fut anobli par patentes, le 1er mars 1621.
825 Eustache Chappuis, né à Annecy en 1499 de noble Louis Chappuis et de noble Guigone Dupuis, étudia à Turin, y
connut Bonivard, entra dans le clergé, devint doyen de Viry, chanoine de Saint-Pierre de Genève et officiai de l'Evêque
(1517). Mais ce n'était pas une stalle qu'il fallait à ce jeune homme remuant et inquiet, insinuant et audacieux. Une
éloquence naturelle, de rares talents de négociateur l'entraînèrent bientôt dans une existence des plus agitées et
servirent rapidement sa fortune. Comme ambassadeur de Charles-Quint, il séjourna en Angleterre, l'espace de dix-
sept ans, au temps même des pires débordements de Henri VIII et de ses violences sanguinaires contre les catholiques.
Mais il n'est pas prouvé, comme on l'a prétendu, qu'il se soit fait auparavant l'auxiliaire du connétable de Bourbon et
qu'il ait assisté au sac de Rome. S'il oublia plus d'une fois et gravement qu'il était homme d'Eglise, il faut savoir que
les mœurs, à l'époque où il vécut, étaient sensuelles, débridées et à demi-païennes.
Et pourtant, quoique enrichi, il fut généreux; ce diplomate cosmopolite aima sincèrement et intelligemment
sa petite patrie; il en fut le bienfaiteur intellectuel. Chappuis consacra en effet une partie de ses immenses revenus à
fonder deux célèbres institutions: le collège d'Annecy (1549-1551), où l'on devait enseigner la grammaire, les belles-
lettres et la philosophie, et surtout la crainte de Dieu, et le collège de Savoie, à Louvain (1549), qui admettait
gratuitement les jeunes gens de la Savoie, et spécialement d'Annecy, pourvu qu'ils eussent étudié d'abord au collège
Chappuisien. Ces deux établissements étaient liés l'un à l'autre par une reglementation réciproque. Ils eurent des
vicissitudes diverses, surtout le premier, du vivant même de saint François de Sales; il en sera parlé au fur et à mesure
206/329

21.7 Page 207

▲back to top


a destiné celluy ci a l'estude, comme celuy qui a plus d'apparence de bon esprit; qui me fait vous
supplier de le prendre particulierement en protection. Et si mesme, pour quelque sienne necessité,
es occasions qui se peuvent presenter, il avoit besoin de secours pecuniaire et a ma consideration
il vous playsoit l'assister, je ne manquerois nullement au remboursement, bien que sa mere et ses
freres ayent une fort bonn'intention de ne point luy defaillir en ce qui sera requis.
L'autre est Bernardin du Nant826, filz d'un fort honneste [291] pere, et qui a longuement et
fidellement servi feu Monsieur le Reverendissime mon praedecesseur, et duquel, pour cela, je doys
affectionner le bien; dautant plus que sa pauvreté et toutes les autres conditions pour lesquelles il
a esté nommé, le rendent fort recommandable. J'intercede donq pour ces deux la plus
particulierement et implore pour eux vostre bonté et charité, laquelle je me prometz me devoir
estre autant favorable comme je suis plein de desir de vous honnorer et servir.
Au demeurant, Monsieur, je vous envoye et presente deux petites pieces de mes besoignes,
de different stile et de divers sujet827. La premiere fut faitte, il y a plusieurs annees, avant que je
fusse Evesque, et ce, pour l'occasion declairee en la Prefacé828, lhors que l'œuvre de Jaques
Gretserus829 n'estoit encor point parvenue jusques icy.
La seconde est plus nouvelle, de l'edition delaquelle la Preface aussi rend fidellement la
rayson. On l'a reimprimé six foys en deux ans et en divers endroitz, mais je n'ay encor peu avoir
que des editions de Lyon, qui est en nostre voysinage; non plus que de la traduction que quelques
Peres Jesuites en ont fait faire en Italie. L'un' et l'autre sont pleynes de grandes fautes en
l'impression et de grands defautz en la composition, car un tel ouvrier que je suis, distrait et
embarassé de tant d'affaires, ne sçauroit produire chose que fort imparfaitte; mais il m'a fallu ceder
a la volonté et authorité des amis. Et ce pendant, je me confie en vostre douceur que vous aggreeres
l'offrande que je vous en fay, en contemplation de la sincerité du cœur qui vous l'offre. [292]
Dieu multiplie vos annees et, en icelles, la grace et consolation de son Saint Esprit sur
vostre personne, a laquelle je suis fort affectionnement,
Monsieur,
Bien humble confrere et fidelle serviteur
en Nostre Seigneur
FRANÇS, E. de Geneve.
XXVI avril 1610, a Annessi.
830A Monsieur
Monsieur de Baye,
Doyen de St Pierre de Louvain
et President du College de Savoye.
Revu sur l'Autographe conservé à Bruxelles, Bibliothèque des PP. Bollandistes.
qu'elles auront leur écho dans sa correspondance. Eustache Chappuis fit son testament le 13 décembre 1551, et mourut
à Louvain le 21 janvier 1556. (Voir Mercier, Souvenirs hist. d'Annecy, 1878, chap. XI, XVIII.)
826 Sans doute le fils d'Hugon Dunant ou du Nant, Claude-Bernardin, baptisé le 28 décembre 1591, qui eut pour
marraine Bernardine de Chissé de Pollinge, nièce de Mgr de Granier, et pour parrain le père même du prédécesseur du
Saint, Bernardin de Granier. (Archiv. municip. d'Annecy, Etat civil.)
827 La Defense de l'Estendart de la Ste Croix et l'Introduction à la Vie devote.
828 Vide tom. II, huj. Edit., pp. 25-27.
829 Jacobi Gretseri S. J., sacrae Theologiae in Academia Ingolstadiensi Professoris, de Cruce Christi. Tomus primus.
Ingolstadii, ex Typographia Adami Sartorii, MDXCVIII. Tomus secundus, in quo varia Graecorum Auctorum
Encomiastica Monumenta graeco-latina de SS. Cruce continentur, nunc primum ex variis bibliothecis in lucem edita.
Cum notis. MDC. Tomus tertius, Quinque libris comprehensus: quorum Primus est de nummis Crucigeris.
Secundus, de Cruciatis expeditionibus, cum Apologia pro iisdem. Tertius, de usu et cultu Crucis adversus hœreticos.
Quartus, Hymnos et Encomia Graecorum et Latinorum in S. Crucem continet. Quintus, Paralipomena tomi primi.
MDCV. (Cf. notre tome II, var. (192), p. 28, et tome X, p. CII.)
830 L'adresse est de la main de Georges Rolland.
207/329

21.8 Page 208

▲back to top


DXCIV. A la Baronne de Cusy. Une postulante que le monde
dispute à la vie religieuse. — Qu'elle sonde son cœur avant
d'embrasser Jésus-Christ crucifié; ce dessein demande une âme
vaillante et généreuse. Encouragements à prendre un parti
décisif. Le Saint promet de s'employer avec joie et constance
à la «sainte besoigne» de la future Congrégation.
Annecy, 2 mai 1610.
Madame,
A ce passage de M. le Baron vostre mari, j'ay sceu avec combien d'artifices le monde
s'estoit essayé d'esbransler vostre resolution touchant vostre retraitte831, et ay loué Nostre Seigneur
dequoy vous aves conservé vostre fermeté jusques a present. Neanmoins, maintenant que nous
sommes, ce me semble, a la veille de l'execution d'une si sainte entreprise832, il faut que je vous
parle un peu ouvertement, et que je vous conjure [293] de bien espreuver vostre cœur pour
reconnoistre si vous aures asses d'affection, de force et de courage pour embrasser ainsy
absolument Jesus Christ crucifié et donner les derniers adieux a ce miserable monde. Car voyes
vous, Madame, il est requis que vous ayes une ame vaillante et genereuse pour entrer en ce dessein,
affin que vous resisties aux suggestions que la folle sagesse du monde833 vous fera.
Il est vray que si vous entreprenés cette œuvre simplement pour Dieu et vostre salut, vous
y aures tant de consolations que rien ne vous sçauroit destourner, et la bonne compaignie en
laquelle vous seres ne vous servira pas de peu a vous bien establir; mais il ne faut pour cela que
vous laissies de bien examiner vostre courage avant que de venir. Que si vous le treuvés bon et
ferme, venés donq hardiment au nom de Dieu, lequel, s'estant rendu autheur et protecteur de ce
projet, le favorisera de plus en plus de ses benedictions et vous y donnera mille consolations que
le monde ne peut sçavoir.
Si, au contraire (ce que Dieu ne veuille), vous ne vous senties pas asses forte pour entrer
en ce chemin, il seroit bien bon de nous en advertir, affin que les autres commençassent selon leur
inviolable desir, et vous, Madame, pensassies a prendre quelque autre sorte de vie plus a vostre
gré834.
Pour moy, j'ay tellement cette sainte besoigne en recommandation, que je me sentiray bien
heureux de pouvoir m'employer a son advancement, et y serviray constamment, joyeusement et,
Dieu aydant, utilement; mais avec tant d'affection, que rien ne m'en sçauroit destourner sinon la
seule volonté de Dieu835, lequel peut [294] estre, pour mes pechés ne me treuvera pas digne de
faire ce service a sa gloire.
836J'espere en luy que vostre esprit accroistra de bien en mieux, et le suppliant qu'il vous
console et prepare, je demeureray,
831 Vide supra, Epist. DXCI.
832 La Pentecôte tombait le 30 mai, et c'était la date arrêtée pour exécuter la «sainte entreprise.» (Cf. ci-dessus, p. 249;
note (816), p. 287, et ci-après, note (884), p. 307.)
833 Cf. I Cor., I, 20.
834 Comme on le voit, le Saint n'était pas absolument rassuré sur les intentions de la respectable Baronne et sur la
stabilité de son dessein. Les perplexités de la postulante devaient durer jusqu'au moment où il fallut songer au départ.
François de Sales ne les connut pas, puisque le 24 du même mois (cf. ci-après, p. 307) le projet tenait encore, et aussi
l'espoir dé le commencer à la date convenue.
835 Les éditeurs, croyant sans doute devoir éviter la répétition du mot «Dieu», qui se lit plus haut, avaient substitué ici,
«la volonté divine», aux mots: «la volonté de Dieu.» Ce changement a dû nécessairement amener, dans la phrase
suivante, celui de luy en elle qui se voit dans les anciens textes.
836 La dernière phrase de la lettre et les clausules finales manquent dans l'Histoire de la Fondation; nous les avons
empruntées à l'édition de 1641.
208/329

21.9 Page 209

▲back to top


Madame,
Vostre tres humble serviteur,
D'Annessi, ce 2 may 1610.
FRANÇS, E. de Geneve.
Revu sur le texte inséré dans l'Histoire manuscrite de la Fondation du 1er Monastère de la
Visitation d'Annecy.
DXCV. A Madame de Charmoisy (Billet inédit). Prière de
donner l'hospitalité à une postulante de la Visitation.
Annecy, [mars-mai 1610837.]
Ma chere Fille,
Praesupposant que cela ne vous incommode pas, je seray bien ayse que vous logies en
vostre logis de la ville Mlle d'Escrilles; et pour les meubles, ce qui sera [295] requis je le feray
prendre ceans, ou mesme je la logerois, si cela vous estoit beaucoup incommode, parce qu'ell' est
icy comm' estrangere.
Je vous donneray simplement le bon jour ce matin.
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Nantes.
DXCVI. A la Baronne de Chantal. Une idée que le Saint trouve
à son réveil. La fête du Saint-Suaire et les paroles
«extatiques» d'Isaïe. Espoir joyeux que Dieu plantera et fera
fructifier la plante du futur Institut.
Annecy, 5 mai 1610.
Ma chere Fille,
Il faut bien dire que nostre Congregation me soit a cœur, puisque j'y songe, contre ma
coustume, et la treuve comme une idee a mon resveil. Dieu y veuille mettre sa bonne et puissante
main.
O ma Fille, que je fus consolé hier sur le sujet de la mort et sepulture du Sauveur! car les
paroles d'Isaie, qu'on lisoit a la Messe pour la feste du Saint Suaire, estoyent extatiques838. O. Dieu,
837 La destinataire habitait Annecy; elle était dévouée aux intérêts de saint François de Sales. Mme de Charmoisy
semble désignée plus que toute autre par ces indications; d'autres renseignements nous apprennent qu'elle n'était pas
absente d'Annecy à cette époque.
Quant à la date, elle est très vraisemblablement antérieure à la fondation de la Visitation, c'est-à-dire au 6
juin 1610. Elle se déduit des dispositions où se trouvait la voyageuse, Mlle d'Escrilles. C'était une postulante pour le
petit monastère de la Galerie (cf. ci-dessus, note (651), p. 227). S'il avait été ouvert quand elle vint à Annecy, le Saint
aurait-il pris le souci de lui chercher un logis ailleurs?
838 Ces paroles «extatiques» se lisaient à l'Epître du jour; elles sont tirées d'Isaïe, chap. LXII, 11, LXIII, 1-7.
Le texte de la Messe du Saint-Suaire se trouve dans le Missel du Saint, conservé à Chambéry, chez M. le
chanoine Collonges, avec ces particularités, qu'il est sur feuille volante, collée après l'Office de sainte Monique, entre
209/329

21.10 Page 210

▲back to top


si ce Sauveur a tant fait pour nous, que ne ferons-nous pas pour luy? S'il a exhalé sa vie pour nous,
pourquoy ne reduirons-nous pas toute la nostre a son service et plus pur amour? En fin, je
m'imagine que Nostre Seigneur plantera cette plante, l'arrousera de ses benedictions et la fera
fructifier en sanctification. [296]
Certes, l'autre jour, en recommandant ce projet a sa divine Majesté, je me confondois
extremement dequoy elle se servoit pour cela de mon cœur et du vostre, je veux dire de nostre
cœur; car, bien que la rayson ne le veuille pas, si est-ce que je ne sçai separer ce cœur en deux, ni
en me resjouissant, ni en me confondant. Nous serons trop heureux de rendre ce service a sa Bonté
celeste.
Dieu soit vostre Dieu, ma chere Fille, Dieu soit vostre Dieu; et vostre cœur, que vous luy
aves dressé, soit sa mayson839 et son autel, sur lequel nuit et jour il fasse ardre et luire le feu de son
saint amour840. O Dieu, qui nous fera la grace de nous combler de charité? Recommandés-moy a
vostre Abbesse.
FRANÇS, E. de Geneve.
Ce 5 may 1610.
DXCVII. A M. Jean-François Ranzo841. Zèle de François de
Sales pour la Canonisation du bienheureux Amédée. Il
propose de lui faire dédier l'oratoire de sa future Congrégation.
Annecy, 6 mai 1610.
Molto Illustre Signor mio,
La lettera che V. S. molto Illustre mi
scrisse per far dar principio a qualche sorte di
solennità per il giorno [297] del transito del
Beato Amedeo842, capitò nelle mie mani il
giorno dopo la festa; onde non si fece quel che
io havrei sommamente desiderato, ma si farà,
piacendo al Signore, l'anno seguente.
Da Nantua non si ha altro, nè de
Borghi, perchè le fondationi ivi fatte843 sono
Mon très Illustre Seigneur,
La lettre que Votre très Illustre
Seigneurie m'écrivit pour me prier d'inaugurer
une manière de solennité au jour du trépas du
[297] bienheureux Amédée, me parvint le
lendemain de sa fête; ainsi l'on ne put faire ce
que j'aurais vivement souhaité, mais, s'il plaît
à Dieu, on le fera l'année prochaine.
De Nantua, on n'a pas autre chose, ni de
Bourg non plus, parce que les fondations de
ces pays sont du Comte-Vert et non de notre
les pages 426 et 427, et que la date d'impression est de 1611. Mais cette Messe dut être concédée avant, et sans doute
avant le 4 mai 1610.
839 Cf. Gen., XXVIII, 21, 22.
840 Cf. Levitic., VI, 12, 13.
841 Jean-François Ranzo, né à Verceil vers 1550, suivit tout jeune la carrière des armes. Chevalier de Saint-Maurice
en 1570, préposé à la garde du château de Nice, il fit ensuite des études de droit à Bologne et fut podestat du marquisat
de Romagnano en 1583-1584. Charles-Emmanuel, qui l'aimait, le nomma d'abord son conseiller, gentilhomme de sa
chambre, et en 1604, gentilhomme ordinaire et conseiller d'Etat. (Voir Dionisetti, Notifie biografiche dei Vercellesi
illustri, Biella, 1862.) Il a écrit plusieurs ouvrages, et notamment la Vie du bienheureux Amédée. Certains manuscrits
le donnent comme ayant fait partie de la maison de saint Charles Borromée. Dans une lettre du 17 février 1615 (cf.
note (843) de la page suivante), François de Sales parle du «trespas du seigneur Ranzo.»
842 Ce jour était le 30 mars. (Voir ci-dessus, note (575), p. 198.)
843 Nous n'avons pu savoir les fondations du Comte-Vert, à Nantua. (Cf. le tome précédent, note (453), p. 165.)
Il fonda à Bourg, le 18 mai 1356, de concert avec Bonne de Bourbon, sa femme, le couvent de Saint-François
qui «a subsisté en splendeur fort longtemps, jusques à ce qu'à la prise de Bourg par le Roy Henry le Grand, on l'abbatit
pour estre trop prés de la citadelle.» Le monastère fut rebâti dès le 22 mai 1604, et l'église en fut consacrée le 31 juillet
1605 par Robert Berthelot, évêque de Damas, suffragant de Lyon. (Voir Guichenon, Histoire de Bresse et de Bugey,
Lyon, 1650; Partie II, p. 19.)
210/329

22 Pages 211-220

▲back to top


22.1 Page 211

▲back to top


del Conte Verde844 et non del nostro Beato.
Ringratio V. S. molto Illustre della [298]
imagine, et desidero sommamente di veder la
Vita845 et che le cose della Canonizatione
vadano inanzi846.
Mi è venuto in pensiero una cosa, la
qual se V. S. molto Illustre trova a proposito,
potrà molto ben riuscire ad honor di detto
Beato. Si darà principio a questa festa prossima
di Pentecoste, ad una Congregatione di
gentildonne847, di gran spirito et qualità, nella
quale si adopraranno molto [in] opere di carità
verso li poveri et ammalati, al servitio de quali
quelle benedette anime si vogliono in parte848
dedicare, secondo che in queste [299] parti
ultramontane quel essercitio si suol fare fra le
donne et elle havranno una casa nella quale
viveranno insieme, et un oratorio di gran
devotione. Hora, sta in man mia di far dedicare
quell' oratorio et quella casa al Santo che mi
parerà più a proposito. Et vedendo che la
divotione di quelle gentildonne è circa li poveri
et ammalati, alli quali il nostro Beato fu tanto
affettionato che l'essempio suo è pubblicato in
tutti li pulpiti, vorrei volontieri che detta Casa
al suo beato nome fosse dedicata849; et sarebbe
convenevole che essendo egli nato in questa
diocesi, in questa havesse la sua prima casa et
oratorio.
Bienheureux. Je remercie Votre très Illustre
Seigneurie de [298] l'image, et j'ai un extrême
désir de voir la Vie et l'avancement des affaires
de la Canonisation.
J'ai pensé à une chose qui pourrait, si
Votre Seigneurie l'approuve, contribuer
grandement à la gloire du Bienheureux. En la
prochaine fête de Pentecôte, on doit donner
commencement à une Congrégation de dames,
de grande vertu et qualité. Elles s'emploieront
à plusieurs œuvres de charité en faveur des
pauvres et des malades; c'est à leur service que
ces bénites âmes veulent en partie se consacrer,
en suivant l'usage d'après lequel, en ces [299]
pays ultramontains, ce ministère se pratique
ordinairement parmi les femmes. Elles auront
une maison où elles vivront ensemble, et un
oratoire fort dévot. Or, il dépend de moi de
faire dédier cet oratoire et cette maison au
Saint que je jugerai plus à propos. Voyant donc
que la piété de ces dames les porte vers les
pauvres et les malades si chéris de notre
Bienheureux, comme le proclament toutes les
chaires, j'aimerais bien que cette Maison fût
érigée sous son vocable. Et ne conviendrait-il
pas qu'étant né dans ce diocèse, il eût ici même
sa première maison et son premier oratoire?
Mais, pour réaliser ce projet, il faudrait
que Son Altesse l'agréât et qu'elle le fît agréer
à Sa Sainteté; ce qui, à mon avis, sera très
844 Amédée VI, né à Chambéry le 4 janvier 1334 d'Aimon le Pacifique et d'Yolande de Montferrat, succéda tout jeune
à son père et mourut de la peste au château de Saint-Etienne, près de Campobasso, non loin de Naples, le 2 mars 1383,
laissant de Bonne de Bourbon qu'il avait épousée en 1355, Amédée VII et Louis, mort au berceau.
Ce long règne affermit la Maison de Savoie, car ce prince chrétien fut toujours heureux dans ses armes et sut
profiter de la paix pour doter son peuple de sages institutions. Dans un célèbre tournoi donné à Chambéry en 1348, le
jeune comte de Savoie, âgé de quatorze ans, fit admirer les grâces séduisantes de sa jeunesse; les couleurs qu'il avait
choisies pour son armure, son doursier et son écuyer, étaient vertes; de là, le nom de Comte-Vert qu'il porte dans
l'histoire. (Cf. Guichenon, Hist. généal. de la royale Maison de Savoie, tome Ier.)
845 L'original de cette biographie se conserve aux Archives de Turin (Storia della Real Casa, Mazzo 90, cat. III) et
porte ce titre: Vita del Beato Amedeo, terzo duca di Savoia, di Gio. Francesco Ranzo, di Vercelli, al Seren. Vittorio
Amedeo, Prencipe di Piemonte. Le manuscrit, qui est daté du 6 avril 1610, ne fut imprimé qu'en 1612.
846 Ces affaires de la Canonisation n'avançaient pas beaucoup, malgré qu'on eût l'air de se remuer de tous côtés pour
les faire aboutir. Le seigneur Ranzo et le P. Maleto qui s'en occupaient à Turin, y mirent, à ce qu'il semble, plus de
zèle que d'ordre et d'exactitude. Sur ce dernier point, la lettre que François de Sales adressa au cardinal Maurice le 17
février 1615, est significative. Le 18 décembre 1611, le Nonce de Turin écrivait au cardinal Borghese: «On parle
encore du bienheureux Amédée. On parle de tant de choses ici, mais quand vient-on à l'exécution!» (Àrchiv. Vaticanes,
Nunz. di Savoia, vol. 161.)
847 Cf. les lettres du 2 et du 24 mai.
848 On pourra remarquer l'importance de cette restriction «in parte», que les éditeurs précédents avaient négligé de
traduire. Dans la toute première pensée du Saint, ses filles devaient vivre de prière et d'oraison. La visite des pauvres
et les exercices de charité, tels qu'il les régla, ne devaient pas déranger leur vie contemplative. (Cf. le tome précédent,
note (848), p. 310, et ci-après, note (876), p. 306.) Les biographes modernes se sont donc mépris en écrivant que
François de Sales avait rêvé «la Sœur de Charité, » et que «la visite des malades et des pauvres» était le «but définitif»
de son Institut. (Voir Bougaud, Hist. de Ste Chantal, tome Ier, chap. XIII, XIV.)
849 Voir la lettre du 39 septembre 1610, à Rauzo. Malgré le désir du Saint, la chapelle de la Galerie ne fut jamais dédiée
au bienheureux Amédée.
211/329

22.2 Page 212

▲back to top


Ma acciò io potessi far questo, sarebbe
conveniente che Sua Altezza ne fosse contenta,
et facesse che Sua Santità ciò havesse grato; il
che, secondo che io penso, sarebbe cosa
facilissima a Sua Altezza se commandasse che
in Roma se ne facesse instantia, atteso che già
anticamente è stato tanto venerato questo
Beato in questa diocesi. V. S molto Illustre vi
pensarà, et se me avvisarà dell'intentione di
Sua Altezza, io non [300] mancarò di far
quanto dal canto mio sarà convenevole; ma la
supplico bene che sia quanto prima, per mia
consolatione.
In tanto supplico Nostro Signore che a
V. S. molto Illustre dia ogni vero contento.
Di V. S. molto Illustre,
Affettionatissimo servitore,
FRANCo, Vescovo di Geneva.
In Annessi, alli 6 di Maggio 1610.
Al molto Illre Sigr mio,
Il Sigr Francesco Ranzo,
Gentilhuomo et Consigliere di S. A. Serma.
Turino.
facile à Son Altesse, si elle ordonne qu'on fasse
à Rome des instances à ce sujet, d'autant plus
qu'anciennement déjà, le Bienheureux était
très vénéré dans ce diocèse. Votre très Illustre
Seigneurie voudra bien penser à cette affaire.
Si, ensuite, elle daigne m'informer des
intentions de Son Altesse, je ne manquerai pas
de faire, de [300] mon côté, tout ce qui sera
convenable; mais je vous prie que ce soit au
plus tôt, pour ma consolation.
En attendant, je supplie Notre-Seigneur
d'accorder à Votre Seigneurie tout vrai
contentement.
De Votre très Illustre Seigneurie,
Le très affectionné serviteur,
FRANÇOIS, Evêque de Genève.
Annecy, le 6 mai 1610.
A mon très Illustre Seigneur,
M. François Ranzo,
Gentilhomme et Conseiller de Son Altesse
Sérénissime.
Turin. [301]
Revu sur une copie déclarée authentique,
conservée à Turin, Archives de l'Etat. [301]
212/329

22.3 Page 213

▲back to top


DXCVIII. A M. Roch Calcagni850. Titres et aptitudes de M. de la
Thuille, frère du Saint, à remplir la charge de chevalier pour
laquelle il est proposé. Le destinataire est prié de remettre des
lettres pour faire aboutir la nomination.
Annecy, 18 mai 1610.
Monsieur,
Estant icy de retour851, j'ay treuvé le bon monsieur de Monthou mort852, et mon frere, le
sieur de la Thuille, nommé par le Conseil a Monseigneur853 pour estre prouveu de l'estat de
chevallier, nomination a laquelle ni mondit frere ni moy n'avions seulement pas pensé854. [302]
Mais la voyant faitte, j'ay creu que je devois au bien de mondit frere une très humble supplication
a Son Excellence, affin quil luy playse de nous gratifier de cet honneur, lequel est certes plus grand
que nous ne meritons, mais qui ne peut tumber en une personne plus fidelle au service de Son
Excellence que mondit frere sera; a quoy j'adjouste que l'estude quil a fait asses fructueusement en
droit, pourra encor le rendre moins inutile en cette place, si Dieu et Monseigneur l'y conduisent.
La lettre donq ci jointe est pour ce sujet, et celle qui est addressee a monsieur Desfrenes
aussi855, qui me fait vous supplier de la rendre le plus tost quil vous sera possible, et comme pour
l'amy; car encor que nous ne vous ayons jamais rendu aucun service qui nous puisse acquerir cette
qualité, si avons nous bien eu ce desir, et moy particulierement, qui, priant Nostre Seigneur quil
vous conserve et accompaigne, suis,
Monsieur,
Vostre serviteur tres affectionné,
FRANÇS, Evesque de Geneve.
XVIII may 1610, Annessi.
A Monsieur
Monsieur Roc Calcanie,
Escuyer de la grande escurie de S. E.
Revu sur l'Autographe appartenant à M. le comte Morandi, à Plaisance. [303]
850 Roch Calcagni, «escuyer de la grande escurie» du duc de Nemours et frère du malheureux P. Ange Calcagni, était
issu d'une noble famille de Plaisance. Le Saint bénit son mariage avec Marguerite de Chavanes, dans la chapelle du
palais épiscopal, le 19 juin 1618. Ils n'eurent qu'une fille, Jeanne-Marie. (Archives de M. le comte Morandi, Plaisance.)
851 Le Saint était à la chartreuse de Mélan, le 15 et le 16 mai.
852 Marius, seigneur de Monthouz, fils aîné de François de Monthouz et de Claudine de l'Alée ou Lalée, épousa
Marguerite Marc. Ils furent enterrés dans l'église de Saint-Dominique d'Annecy, à deux jours de distance, le 18 et le
20 mai 1610. (Reg. paroiss. d'Annecy.)
853 Le duc de Nemours.
854 M. de la Thuille (Louis de Sales) fut en effet nommé en 1610, chevalier du Conseil de Genevois, par le duc de
Nemours. (Cf. tome XII, note (165), p. 95.)
Le Conseil de Genevois était surtout une cour judiciaire à laquelle devaient ressortir toutes les causes d'appel
des juges de Genevois, de Beaufort, de Faucigny et autres terres. Elle fut instituée à la suite du traité du 14 août 1514,
qui donnait en apanage à Philippe de Savoie-Nemours les susdites terres. Ce Conseil dura jusqu'à l'occupation de la
France par François Ier qui le conserva au duc de Nemours. Emmanuel-Philibert, duc de Savoie, lui accorda aussi de
nombreux privilèges. Toutefois, le Conseil présidial dépendait du Sénat qui jugeait en dernier ressort les appels du
Faucigny et du Genevois. Aussi, les conseillers au présidial de Genevois ambitionnaient-ils d'obtenir un siège à la
cour suprême de Chambéry.
Supprimé après la mort de Henri II, dernier duc de Genevois (14 janvier 1659), rétabli le 10 décembre 1675,
par un édit de Jeanne-Baptiste, duchesse de Savoie, le Conseil de Genevois cessa tout à fait d'exister avec Victor-
Amédée II, en 1713.
855 M. Desfrenes ou Dufresne est très probablement le secrétaire du duc de Nemours.
213/329

22.4 Page 214

▲back to top


DXCIX. Au Père Nicolas Polliens, de la Compagnie de Jesus856.
A un Jésuite qui s'intéressait à l'œuvre du Saint, celui-ci raconte
les circonstances qui ont donné jour aux commencements de la
Visitation. Sommaire et premier crayon de la vie religieuse
proposée par manière d'essai. La clôture, l'habit, l'Office,
l'union intérieure. La pierre fondamentale. Pourquoi le
Saint ne se soucie pas des critiques. L'Institut de la Visitation
et le voyage de François de Sales à Dijon en 1604.
Annecy, 24 mai 1610.
857Mon Reverend Pere,
L'inviolable affection que j'ay vouee a vostre sainte Compaignie858 et l'honneur particulier
que je dois a vostre personne, me fera acquiescer a vostre pieux, saint et [304] curieux859 desir,
non seulement sans peyne, ains860 avec suavité.
Sachés donq, mon cher Pere, que quelques ames devotes me proposerent, il y a un an,
l'establissement d'une Religion de filles, avec offre d'une861 bonne somme d'argent pour faire le
bastiment et fondement. Et moy862, sçachant combien de filles desiroyent la retraitte du monde,
qui ne la pouvoyent treuver es Religions ja establies, j'acceptay l'offre et promis toute mon
assistance pour ce projet863.
Monsieur le Baron de [Cusy,] qui m'avoit apporté l'ambassade, acheta une petite mayson
au faubourg, en lieu extremement propre pour864 bastir et commencer a dresser ce petit edifice; en
sorte qu'en peu de tems il le rendit commode pour loger une douzaine de personnes, avec
l'ornement d'un petit oratoire, affin que celles qui seroyent si heureuses que de vouloir servir
d'exemple aux autres, s'y puissent865 retirer et commencer a faire essay du dessein. Tost apres,
voyci que l'on me fit entendre qu'il n'y avoit que la moitié des moyens que l'on avoit proposé, et
despuis l'on mit en doute de866 beaucoup de commodités temporelles qui devoyent arriver avec
856 D'après le texte même de cette lettre, le destinataire était d'origine savoyarde, ami du Saint et de résidence à
Chambéry: tous ces traits conviennent au P. Polliens et ne semblent convenir qu'à lui. (Voir le tome précédent, note
(1023), p. 380, et ci-dessus, Lettre CDLXXXII.)
Il fut, disent ses anciens biographes, assez peu doué pour l'érudition et les belles-lettres, mais très porté à la
piété et aux exercices de la charité. Ce Religieux se fit surtout remarquer par sa dévotion envers la Vierge et les Saints
de son Institut, non moins que par sa scrupuleuse et constante observance des Règles. (Archiv. de la Cle de Jésus.)
857 [Notre texte est emprunté à l'Histoire manuscrite de la Fondation du 1er Monastère de la Visitation d'Annecy. La
Mère de Chaugy fait précéder la lettre des paroles suivantes: «Nous avons trouvé une de ses responses faite a un Pere
Jesuite, qui declare naivement tout son dessein; voicy ses propres mots: L'inviolable affection, » etc. L'absence des
clausules finales et de la date donnerait à penser que nous sommes en présence d'une minute. D'autre part, l'annaliste
n'avait pas besoin de reproduire les premières et souvent, on le sait, elle négligeait les dates.
La leçon parue pour la première fois dans l'édition de 1641 présente avec le texte du Ms., bon nombre de
divergences; nous reproduisons celles-ci sous forme de variantes, mais sans pouvoir affirmer qu'elles proviennent
toutes d'une source authentique. L'éditeur n'aurait-il pas pris la liberté de corriger le style du Saint, comme il l'a fait
pour ses Sermons et pour d'autres de ses lettres?]
858 a vostre Compaignie
859 me fera satisfaire a vostre pieux
860 mais
861 de
862 le bastiment. Et moy
863 Cf. supra, p. 228.
864 propre a bien
865 affin que celle qui seroit si heureuse de vouloir servir d'exemple aux autres, se puisse
866 des moyens qu'on avoit proposé, et despuis quelque tems en ça on mit en doute
214/329

22.5 Page 215

▲back to top


une personne, laquelle avoit premierement chaudement867 entrepris de venir, et puis s'estoit tout a
coup rafroidie868.
Parmi tout cela, il me fallut surseoir le dessein d'eriger [305] un Monastere reformé869; et
neanmoins, pour donner lieu a une tres honneste870 retraitte a quelqu'ame bien resolue et
saintement impatiente de se retirer du tracas du monde, je leur ouvre la porte d'une petite assemblee
ou Congregation de femmes et871 filles vivant ensemble par maniere d'essay, sous des872 petites
Constitutions pieuses. Nous commencerons avec la pauvreté, parce que nostre Congregation ne
pretendra de s'enrichir que de bonnes œuvres.
Leur clausure sera telle pour le commencement: aucun homme n'entrera chez elles que pour
les occurrences qu'ilz peuvent entrer es monasteres reformés. Les femmes aussi n'y entreront point
sans873 licence du Superieur, j'entens de l'Evesque ou de son commis. Quant aux Seurs, elles
sortirons874 pour le service des malades apres l'annee de leur Noviciat, pendant lequel elles ne
porteront point d'habit different de celuy des femmes du monde; mais sera noir, et elles le
ravaleront875 a l'extremité de l'humilité et modestie chrestienne.
Elles chanteront le petit Office de Nostre Dame, pour avoir en cela une sainte et divine
recreation. Au surplus, elles vacqueront a toute sorte de bons exercices, notamment a celuy de la
sainte et cordiale union interieure876. J'espere que Dieu877 sera glorifié en ce petit dessein, et,
comme vous a dit le Pere Recteur878, la pierre [306] fondamentale que Dieu nous donne pour iceluy
est une ame d'excellente vertu et pieté, ce qui me fait tant plus croire que la chose reuscira
heureusement.
Mon cher879 Pere, vous estes capable des humeurs, facultés et moyens de ce païs, et jugeres
bien, comme je pense, que ne pouvant pas mieux faire, il est bon de faire cela. Je sçai que je
m'attireray des contrerollemens sur moy, mais je ne m'en soucie pas; car, qui fit jamais bien sans
cela? Ce pendant, plusieurs ames se retireront aupres de Nostre Seigneur,880 treuveront un peu de
refrigere et glorifieront le saint nom du Sauveur, qui, sans cela, demeureroyent avec les autres
grenouilles es marais881.
Voyla, mon cher Pere, le sommaire et premier crayon de l'ouvrage, que Dieu conduira a la
perfection que luy seul sçait, et pour lequel mon courage est incomparablement animé, croyant
que Dieu l'aura aggreable. Vostre882 candeur et sainte bonne foy m'oblige a vous dire naïfvement
tout cecy, et encor adjouster que je suis883 filz et serviteur bien humble du Pere Recteur, qui sçait
867 premierement avec ardeur
868 Cette personne aussi prompte à s'enthousiasmer qu'à se refroidir, était la nièce de la baronne de Cusy. (Voir ci-
dessus, note (654), p. 228, et ci-après, note (896), p. 312, et la lettre du 3 juillet à Mlle de Chapot.)
869 formé
870 tres konneste et chrestienne
871 et de
872 de
873 sans la
874 elles ne sortiront que
875 mais il sera noir, et elles le rendront
876 L'exposé qui précède et ces dernières lignes montrent que si le Saint songeait à l'office de Marthe pour ses futures
Religieuses, il voulait qu'elles pussent surtout vivre de la vocation de Marie-Madeleine. (Cf. plus haut, note (848), p.
299.)
877 et cordiale orayson. J'espere que Nostre Seigneur
878 Le P. Fourier n'était plus recteur à Chambéry, mais à Avignon depuis avril 1608; c'est de lui néanmoins que parle
le Saint, comme il semble évident, par les dernières lignes de la page suivante.
879 Mon tres cher
880 Nostre Seigneur et
881 demeureroyent engage es avec les autres grenouilles dans les marais et paluds.
882 aggreable. Je laisse a vostre prudence de communiquer toutes ces particularités a qui vous jugeres a propos. Le
commencement se fera dans peu de jours, Dieu aydant; et puisque vous le desires, je vous tiendray adverti en confiance
du progres, car vostre
883 m'oblige a traitter avec vous sans reserve et d'estre
Vostre tres humble confrere et serviteur,
FRANÇS, E. de Geneve.
Je suis
215/329

22.6 Page 216

▲back to top


bien que nostre Congregation, qui se commencera dans peu de jours884, est le fruit885 du voyage de
Dijon, pour [307] lequel je ne peus jamais regarder les choses en leur face naturelle; et mon ame
estoit secrettement forcee a penetrer un autre succes qui tumboit si directement sur le service des
ames, que j'aymois mieux m'exposer a l'opinion et a la mercy des bons qu'a886 la cruauté de la.
calomnie des mauvais. Or887, j'espere que les jours suivans jugeront les precedens de ma vie, et le
dernier les jugera tous888.
……………………………………………………………………………………………………...
889D'Annessi, 24 may 1610. [308]
DC. Au Président Bénigne Frémyot890. Mort de Henri IV.
Vanité des grandeurs du monde. «Un contemptible coup de
petit couteau.» Le Roi immortel. Pourquoi le Saint espère
que Dieu aura été pitoyable au prince. Les faveurs de Henri
IV pour François de Sales. Aveu du Saint; sa gratitude.
Annecy, 27 mai 1610.
Ah! Monsieur mon amy, il est vray, l'Europe ne pouvoit voir aucune mort plus lamentable
que celle du grand Henri IV891. Mais qui n'admireroit avec vous l'inconstance, la vanité et la
perfidie des grandeurs de ce monde? Ce Prince, ayant esté si grand en son extraction, si grand en
la valeur guerriere, si grand en victoires, si grand en triomphes, si grand en bonheur, si grand en
paix, si grand en reputation, si grand en toutes sortes de grandeurs: hé, qui n'eust dit, a proprement
parler, que la grandeur estoit inseparablement liee et collee a sa vie, et que, luy ayant juré une
884 Hélas! cette inauguration tant désirée fut retardée par un fâcheux contre-temps, au moment même où le Saint
formulait son espoir si chèrement caressé. Mme de Cusy devait se rendre à Annecy «environ la Pentecoste; mais, »
raconte la Mère de Bréchard (Ms. cité note (654), p. 228), «Nostre Seigneur, qui en avoit ordonné autrement, permit
que plusieurs considerations, pensees et aprehentions entrerent dans l'esprit de cette bonne dame; si qu'elle commença
a douter si c'estoit la volonté de Dieu qu'elle fust Religieuse... Petit a petit, la tentation se fist plus forte, de maniere
que quelques jours avant qu'il fallust partir, les cofres estant desja faits et toutes choses preparees, elle se mist en
oraison et demanda a Dieu. Un signe pour congnoistre sa volonté de laquelle elle estoit en doute, et que ce signe fust
de luy envoyer une bonne maladie, s'il ne luy plaisoit pas qu'elle poursuivit son dessein. Or, soit que Dieu l'exauçast
a point nommé, ou que le travail de son esprit fit une violente reflection sur le corps, elle tomba malade la nuit avant
le jour de son premedité despart, d'une grosse fievre, avec un grand vomissement de sang ; de sorte que la pauvre
dame croyoit mourir la nuit mesme et disoit a Nostre Seigneur avec un cœur grandement dolent et affligé: «Hé, mon
Dieu, je vous avois bien demandé un signe, mais non pas la mort.» La dessus, elle se résout entièrement de demeurer
en la condition ou elle estoit; dequoy monsieur son mary fut affligé au possible, et fallut qu'il allast faire une honneste
excuse a nostre B. H. Pere. Je croy que s'il n'eust esté grandement vertueux, a peine eust il pris cette jolie commission,
mais il sçavoit se conformer en tout au bon plaisir de Dieu. Tout ceci se passa pendant le sejour que nostre Mere fit a
Sales... Apres y avoir sejourné six semaines, on s'en retourna a Annecy la veille de la Pentecoste, ou se treuva M. de
Cusy qui estoit venu annoncer la rupture de son dessein... Qui fut bien aize de cette nouvelle, ce fut nostre chere Mere
qui congnoissoit apertement, par le sentiment interieur que Dieu luy en donnoit, que ce meslange n'estoit pas
expedient: cela la soulagea du tout.» (Cf. ci-dessus, note (816), p. 287.)
885 nostre Congregation est le fruit
886 des bons que de fuir tout a fait
887 des mauvais ou
888 Cf. I Cor., III, 13, et tom. XII, Epist. CCXI.
889 [L'a date, qui manque dans le Ms., est donnée d'après l'édition de 1641.]
890 D'après sa teneur, cette lettre s'adresse à un vieillard, sujet dévoué de Henri IV, très ému par sa mort tragique, et
ami du Saint, non toutefois jusqu'à l'intimité. Quelques-unes de ces particularités excluent des Hayes qu'on a donné
comme destinataire, et toutes s'appliquent au père de la baronne de Chantal. (Cf. tome XII, note (822), p. 326.)
891 Le roi était mort assassiné, le 14 mai.
216/329

22.7 Page 217

▲back to top


inviolable fidelité, elle esclatteroit un feu d'applaudissement a tout le monde par son dernier
moment, qui la termineroit en une glorieuse mort? Non certes, Monsieur, il sembloit bien qu'une
si grande vie ne devoit finir que sur les despouilles du Levant, apres une finale ruine et de l'heresie
et du Turcisme. Ces quinze ou dix huit ans que sa forte complexion et santé, et que tous les vœux
de la France et de plusieurs gens de bien hors de la France luy promettoyent encor de vie
vigoureuse, eussent esté suffisans pour cela: et voyla qu'une si grande suite de grandeurs aboutit
en une mort qui n'a rien de grand que d'avoir esté grandement funeste, lamentable, miserable et
deplorable; et celuy que l'on eust jugé [309] presque immortel, puisqu'il n'avoit peu mourir parmi
tant de hasars, desquelz il avoit si longuement fendu la presse pour arriver a l'heureuse paix de
laquelle il avoit esté jouissant ces dix annees dernieres, le voyla mort d'un contemptible coup de
petit couteau et par la main, d'un jeune homme inconneu, au milieu d'une ruë!
Enfans des hommes, jusques a quand seres-vous si pesans de cœur? Pourquoy cherissés-
vous la vanité et pourquoy pourchassés-vous le mensonge892? Tout ce que ce monde nous fait voir
de grand, ce n'est que fantosme, illusion et mensonge. Qui eust dit, je vous supplie, Monsieur mon
cher amy, qu'un fleuve d'une vie royale, grossi de l'affluence de tant de rivieres d'honneurs, de
victoires, de triomphes, et sur les eaux duquel tant de gens estoyent embarqués, eust deu perir et
s'esvanouir de la sorte, laissant sur la greve et a sec tant de navigans? N'eust-on pas plustost jugé
qu'il devoit aller fondre dans la mort, comme dans une mer et un ocean, par plus de triomphes que
le Nil n'a d'emboucheures? Et neanmoins, les enfans des hommes ont esté trompés et deceuz en
leurs balances893 et leurs presages ont esté vains.
Mon Dieu, Monsieur, que ne sommes-nous sages par tant d'experiences! Que ne
mesprisons-nous ce monde, lequel en tout est si fresle et si imbecille! Que ne nous tenons-nous
aux pieds de ce Roy immortel qui a triomphé de la mort par sa mort, et duquel la mort est plus
aymable que la vie de tous les rois de la terre? Vous estes bien heureux, Monsieur, de faire ces
considerations; mais vous seres tres heureux, si, a la suite d'icelles, vous entres es resolutions
convenables, exhalant le reste de vos vieux jours comme un encens, par le feu de l'amour unique
du Roy de l'eternité. L'affection que j'ay a vostre chere et belle ame me fait dire cela sans necessité.
Au demeurant, le plus grand bonheur de ce grand Roy defunct, fut celuy par lequel, se
rendant enfant de l'Eglise, il se rendit pere de la France; se rendant brebis du grand Pasteur, il se
rendit pasteur de tant de [310] peuples, et convertissant son cœur a Dieu, il convertit celuy de tous
les bons Catholiques a soy. C'est ce seul bonheur qui me fait esperer que la douce et
misericordieuse providence du Pere celeste aura insensiblement mis dans ce grand cœur royal, en
ce dernier article de sa vie, la contrition necessaire pour une heureuse mort. Ainsy prié-je cette
souveraine Bonté qu'elle soit pitoyable a celuy qui le fut a tant de gens; qu'elle pardonne a celuy
qui pardonna a tant d'ennemis, et qu'elle reçoive cette ame reconciliee a sa gloire, qui en receut
tant en sa grace apres leurs reconciliations.
Pour moy, je le confesse, les faveurs de ce grand Roy en mon endroit me sembloyent
infinies, mettant en consideration ce que j'estois, lhors qu'en l'annee 1602 il me fit des semonces
d'arrester en son royaume894, qui estoyent capables d'y retenir, non un pauvre prestre tel que
j'estois, mais un bien grand Prelat. Or, Dieu disposoit autrement. Et j'ay esté extremement consolé
que ce royal courage m'ayant une fois departi sa bienveuillance, ayt si longuement et
gracieusement perseveré a m'en gratifier, comme mille tesmoignages qu'il en a faitz a diverses
occasions m'en asseurent; et bien que je n'aye jamais receu de sa bonté que la douceur d'estre en
ses bonnes graces, si m'estimé-je extremement redevable a continuer mes foibles prieres pour son
ame et pour le bonheur de sa posterité.
892 Ps. IV, 3.
893 Ps. LXI, 10.
894 Ces «semonces» se renouvelèrent plus d'une fois dans la suite. (Cf. tome XIII, note (258), p. 84.) Henri IV, dit
Charles-Auguste (Histoire, etc., liv. V), «a souvent1 tasché de le retenir aupres de soy, jusques à employer à cet effect
tous ceux qu'il sçavoit estre puissans en sa familiarité, comme la Duchesse de Mercœur, la Princesse de Longueville,
le sieur des Haye, » etc.
1«Par cinq differentes fois, » dépose sainte Jeanne-Françoise de Chantal (Process. remiss. Gebenn. (I), ad art. 45).
217/329

22.8 Page 218

▲back to top


Je ne finirois pas aysement de parler d'un Prince digne de tant de memoire, mais me voyci
pressé de donner ma lettre. Dieu soit vostre tout, Monsieur; je suis en luy,
Vostre tres affectionné serviteur,
FRANÇS, E. de Geneve.
A Neci, le 27 may 1610. [311]
DCI. A la Baronne de Chantal. Les soucis du saint Fondateur.
Ses désirs d'union à Jésus-Christ. Pourquoi Mme de
Chantal doit se «mettre sur la grandeur de courage.»
Annecy, 28 mai895 1610.
Ce sera donq demain que vous aures des pensees et des soucis; car je commence d'en avoir
de bien particulieres sur nostre future Mayson, pour les choses temporelles896. Et quant aux
spirituelles, il me semble que Nostre Seigneur en aura le soin sans souci, et qu'il y respandra mille
benedictions.
Ma Fille, il faut que je vous die que je ne vis jamais si clairement combien vous estes ma
fille que je le voy maintenant, mais je dis que je le voy dans le cœur de Nostre Seigneur; c'est
pourquoy n'interpretés pas a [312] desfiance ces petitz motz que je vous escrivis l'autre jour: mais
nous en parlerons une autre fois.
O ma Fille, que j'ay de desirs que nous soyons un jour tout aneantis en nous mesmes pour
vivre tout a Dieu, et que nostre vie soit cachee avec Jesus Christ en Dieu897! Oh! quand vivrons-
nous nous mesmes, mais non pas nous mesmes, et quand sera-ce que Jesus Christ vivra tout en
nous898? Je m'en vay un peu faire d'orayson sur cela, ou je prieray le cœur royal du Sauveur pour
le nostre. Je suis, en Jesus Christ, plus vostre, et admire ses accroissemens899. Ouy, je le dis tout
de bon, je ne pensois pouvoir ce que je puis en cela, et treuve une source qui me fournit des eaux
tous-jours plus abondantes. Ah! c'est Dieu, sans doute.
Il nous faut bien mettre sur la grandeur de courage, pour servir Dieu le plus hautement et
vaillamment que nous pourrons; car, pourquoy pensons-nous qu'il ayt voulu faire un seul cœur de
895 La date du 5 juin donnée par Hérissant (1758) est plus que douteuse, puisqu'à cette date, Mme de Chantal était à
Annecy auprès du Saint et les «choses temporelles, » c'est-à-dire les négociations pour l'achat de la maison de la
Galerie, allaient aboutir. Il est bien plus probable que cette lettre a été écrite le 28 mai, la Baronne étant encore à
Thorens.
896 Les soucis du Saint pour la «future Mayson» lui venaient du désistement de la baronne de Cusy (cf. ci-dessus, note
(810), p. 286, et note (884), p. 307), qui renversait tous ses plans. En effet, «a la veille de se retirer, » écrit la Mère de
Bréchard (Ms. cité, note (654), p. 228), «il ni avoit point de maison, parce qu'on avoit fait estat de celle que M. de
Cusy avoit achetee, qui estoit en partie payee des deniers de cette damoiselle sa niece» (voir ci-après, lettre du 3 juillet
1610), «laquelle voyant que sa tante se departoit de son entreprise, demeura aussy pour luy faire compagnie; de
maniere qu'il estoit question de se pourvoir d'une maison. Le bon Prelat, qui s'estoit atendu a celle la, se treuva un peu
empesché, car il vouloit commencer sa Congregation sans plus de retardement. Or y avoit il double traité a faire pour
avoir celle dont j'ay cy devant parlé, car il failloit sçavoir si M. de la Pesse, a qui elle avoit esté, voudroit que nous
entrassions dans le marché que les autres avoient fait avec luy, et si ceux qui avoient advancé les deniers de l'achat se
contenteroient de nous pour leur remboursement. Enfin, apres toutes sortes de pour-parlers...la maison fut asseuree.
«Me voila le plus content du monde, » dit alors le Bienheureux, «car j'ay trouvé un nid pour mes petits poussins.»
Quelques jours après, le 6 juin, fête de la sainte Trinité et de saint Claude, l'Ordre de la Visitation était officiellement
établi.
897 Coloss., III, 3.
898 Cf. Galat., II, 20.
899 Ce membre de phrase n'est pas très intelligible et paraît incomplet; la destinataires dû supprimer quelques
expressions gênantes pour son humilité.
218/329

22.9 Page 219

▲back to top


deux, sinon affin que ce cœur soit extraordinairement hardi, brave, courageux, constant et
amoureux en son Createur et son Sauveur, par lequel et auquel je suis tout vostre.
FRANÇS, E. de Geneve.
DCII. A la meme. Pourquoi le Saint se trouvait un peu las, mais
de corps seulement. De quelles vertus Notre-Seigneur est
surtout amoureux. Un Psaume dont le chant attendrissait le
cœur de l'Evêque pendant la procession.
Annecy, 10 juin 1610900.
Or il est vray, chere Seur, ma Fille, j'ay esté un peu las de cors; mais d'esprit et de cœur,
comme le pourrois-je [313] estre, apres avoir tenu sur ma poitrine et tout joignant mon cœur un si
divin epitheme, comme j'ay fait ce matin tout au long de la procession? Helas! si j'eusse eu mon
cœur bien creux par humilité et bien abbaissé par abjection, j'eusse sans doute attiré ce sacré gage
en moy, il se fut caché dedans moy; car il est si amoureux de ces vertus, qu'il s'eslance a force ou
il les void.
Le passereau treuve un repaire et la tourterelle un nid ou elle met ses poussins, dit
David901. Mon Dieu, que cela m'a attendri quand on a chanté ce Psalme! car je disois: O chere
Reyne du Ciel, chaste tourterelle, est-il possible que vostre poussin ayt maintenant pour son nid
ma poitrine? Cette parole de l'Espouse m'a bien encor touché: Mon Bienaymé est mien, et moy je
suis toute sienne902; il demeure entre mes mammelles903; car je le tenois la. Et celles-ci de l'Espoux:
Metz-moy comme un cachet sur ton cœur904. Helas! ouy, ma Fille; mais ayant osté le cachet, je ne
voy point l'impression des traitz d'iceluy en mon cœur. Y a-il une douceur comparable?
Quant a l'affaire, je ne sçaurois que dire, sinon qu'en une heure on se peut resoudre au
moins mal905; et la resolution prise, on se doit donner du contentement sur ce que, de quel costé
que l'on retourne les affaires de ce monde, il se treuvera tous-jours beaucoup de choses a desirer
et redire. En sorte qu'apres qu'on s'est determiné, il ne faut plus s'amuser a souspirer apres les
imaginations des choses meilleures, mais a bien passer les difficultés presentes, lesquelles aussi
bien ne sçaurions [314] nous eschapper sans en rencontrer d'autres aussi fortes, puisque tout en est
plein.
Bon soir, ma tres chere Fille; le divin Sauveur, unique amour de nostre cœur, soit nostre
eternel repos. Amen.
FRANÇS, E. de Geneve.
900 La déposition de François Favre (Process. remiss. Gebenn. (I), ad art. 38) est à citer ici. Elle sert à dater la lettre;
elle explique aussi à quelle occasion elle fut écrite. Un jour, «appres la procession» de la Fête-Dieu, «en laquelle il
avoit porté le Sainct Sacrement par toute la ville, qui dura de deux ou trois heures, une personne devote» la Mère
de Chantal, «manda sçavoir de luy comme il se portoit, car la chaleur avoit esté grande. Il luy respondit ces mots
par un billet: II est vray, j’ay esté un peu las, » etc. De ce témoignage, il résulte que la destinataire était à Annecy.
L'appellation de «Seur» et une autre allusion (voir la note suivante) confirment la date de 1610. La Fête-Dieu, cette
année-là, tombait le 10 juin.
901 Ps. LXXXIII, 4.
902 Cant., II, 16.
903 Ibid., I, 12.
904 Ibid., ult. 6.
905 «L'affaire» mentionnée se rapporte sans doute à la maison de la Galerie. L'abri était trouvé, mais il fallait le payer,
et la déposition elle-même du vendeur, M. de la Pesse, nous avertit que l'achat ne fut fait qu'après le 6 juin 1610. (Cf.
ci-dessus, note (896), p. 312, et ci-après, note (937), p. 325.)
219/329

22.10 Page 220

▲back to top


DCIII. A M. Roch Calcagni. Gratitude pour la courtoise
intervention du destinataire en faveur de Louis de Sales, frère du
Saint.
Annecy, 15 juin 1610.
Monsieur,
Nous nous sentons extremement obligés, mon frere906 et moy, a vostre courtoysie, du soin
que vous aves eu de faire reussir le desir que nous avions quil fut mis au service de Son
Excellence907. Si jamais nous sommes capables de vous tesmoigner nostre gratitude par nos
services, vous pourres, Monsieur, les exiger comme chose que nous vous devons et que, de bon
cœur, nous reconnoissons vous devoir rendre.
Et ce pendant, en vous en rendant graces, je prie Nostre Seigneur quil vous conserve et
prospere, et suis,
Monsieur,
Vostre humble serviteur,
FRANÇS, E. de Geneve.
XV juin 1610, a Neci.
Monsieur, je vous supplie d'impetrer, sil se peut, une copie de la façon de recevoir ceux qui
se presentent a la Confrairie de Nostre Dame des Carmes908, car j'ay [315] esgaré celle que j'avois,
et neanmoins je suis requis de recevoir quelques dames909.
A Monsieur
Monsieur Roch Calcagne,
Escuyer de S. E.
Revu sur l'Autographe appartenant à M. le comte Morandi, à Plaisance.
906 Louis de Sales.
907 Vide supra, Epist. DXCVIII.
908 On sait que l'érection canonique de cette Confrérie est exclusivement réservée aux Généraux de l'Ordre; mais ils
délèguent ce pouvoir, moyennant certaines formalités.
909 Il est difficile et d'ailleurs il n'y a pas lieu de connaître leurs noms.
220/329

23 Pages 221-230

▲back to top


23.1 Page 221

▲back to top


DCIV. Au Duc de Savoie, Charles-Emmanuel Ier.
Remerciements et actions de grâces de la Savoie et de son
Evêque pour la promotion d'Antoine Favre «a l'estat de premier
President.» Ce qui donne le plus de douceur à la vie humaine.
Description imagée de la justice. Responsabilité et devoir
des princes dans le choix de ceux qui l'exercent en leur nom.
Annecy, 15 juin 1610
Monseigneur,
La promotion de monsieur Favre a l'estat de premier President de Savoye910 a donné une
joye si universelle aux peuples de deça, que s'il se pouvoit bonnement faire, [316] ilz en iroyent,
je pense, porter mille et mille actions de graces aux pieds de Vostre Altesse. Mays ne pouvans
faire cette si juste demonstration de l'obligation qu'ilz en ont a la providence de Vostre Altesse, il
m'a semblé, Monseigneur, qu'en qualité de pasteur de la plus part d'iceux, joignant leurs tres
humbles affections a la mienne, je devoys, pour eux et pour moy en commun, rendre ce
tesmoignage de la grande redevance que nous en avons a la bonté de Vostre Altesse, a laquelle
nous sommes bien glorieux d'en devoir tout le remerciment, puisqu'elle seule, sans aucun'autre
consideration que de nostre bien et de son service, a fait cette digne election.
Certes, Monseigneur, rien ne donne tant de douceur a la vie humaine que la droitte
administration de la justice, et la justice, quoy que tous-jours une en elle mesme, ayant sa source,
comm'une belle eau, en la poitrine des Princes souverains en terre, coulant par les espritz des
magistratz rudes, malpolis et raboteux, elle se rend autant nuysible qu'elle devoit estre utile, et
mesmes jusques la que, comme parle un sacré Prophete911, ell'est convertie en absinte. Mais
passant entre les peuples par les mains de gens doctes, bien affectionnés et equitables, elle remplit
les provinces de bon heur et de suavité; estant es uns, comm'un torrent impetueux qui ravage tous
les bords qu'il accoste, et es autres, comm'une douce riviere qui rend amenes les rivages qu'elle
detrempe. C'est aussi le plus grand garend que les Princes puissent avoir (lhors qu'a leur tour ilz
seront censurés a l'heure de leur mort), d'avoir commis leur authorité a des gens capables de la
bien manier; car n'ayans peu faire comme Dieu, qui, quand il luy plait, donne la suffisance a ceux
auquelz il a remis l'authorité, ilz l'auront jointe au plus pres qu'ilz auront sceu, donnant l'authorité
a ceux quilz auront reconneu avoir la suffisance.
Les magistratz, Monseigneur, representent la souveraine majesté des Princes sur les biens
et vies des sujetz; c'est pourquoy les Princes, par une sainte jalousie, doivent avancer es offices,
des personnes qui les sachent bien [317] representer. Et comm' Alexandre ne vouloit estre peint
que par la main de l'unique Apelles912, aussi les Princes ne devroyent jamais permettre que leur
souveraineté fut exprimee que par les plus rares et dignes espritz du monde, ne pouvans jamais
910 Antoine Favre fut créé premier président du Sénat de Savoie par lettres patentes du 20 juin 1610; il remplaçait
Charles de Rochette qui mourut le 28 mai précédent. Cet évenement ne passa pas inaperçu, soit à Annecy, soit à
Chambéry; aussi a-t-il été spécialement consigné par les annalistes de cette époque. «M. le President Favre, » disent
les Petites Annales d'Annecy (Mugnier, Annecy, 1885), «ayant presidé au Conseil de Genevois l'espace de 13 ans et
quelques mois, a esté choisi par Son Altesse pour premier President au souverain Senat de Savoye, ou il est entré sans
aucune faveur. Suyvant quoi, ce mardy 6 juillet 1610, le dict sieur President Favre a tenu sa derniere audience au dict
Conseil de Genevois, en fin de laquelle il a dict adieu a la ville par une fort belle harangue. Et le lendemain, 7 du dict
mois, il est parti pour s'en aller a cheval, accompagné de quatrevingt et dix personnes.».
Et nous savons par le Registre des Entrées du Sénat, que le jeudi suivant, 8 juillet, à sept heures du matin, le
grand ami du Saint fut reçu et installé à Chambéry, «en l'estat et charge de premier President, » et qu'il tint l'audience
publique dans la salle ordinaire de Saint-Dominique.
911 Amos, V, 7.
912 Plin., Hist. nat., 1. XXXV, c. X (al. XXXVI).
221/329

23.2 Page 222

▲back to top


mieux faire connoistre la grandeur de leurs ames qu'au choix de celles qu'elles employent et
eslevent.
Vostre Altesse, donq, recevra mille louanges des nations estrangeres en la promotion de ce
grand personnage duquel elles connoissent la doctrine avec admiration, comme les voysines font
la probité par experience; et nous la supplions tres humblement d'aggreer ce ressentiment que nous
en faysons, plein de souhaitz qu'il playse a Dieu d'aggrandir et prosperer vostre couronne, de
laquelle je suis,
Monseigneur,
Tres humble et tres obeissant serviteur et orateur,
FRANÇS, E. de Geneve.
XV juin 1610.
A Son Altesse.
Revu sur l'Autographe appartenant à Mme Boarelli di Verznolo, à Saluces.
DCV. A M. François de Saint-Sixt913. Affaire d'argent qui sépare
deux frères; intervention du Saint pour les accommoder.
Annecy, 22 juin 1610.
Monsieur,
Bien que jusques a present je ne vous aye peu accommoder, monsieur vostre frere et vous,
au different [318] que vous aves ensemble914, si veux-je esperer qu'un jour je le pourray faire. Mais
ayant entendu que monsieur vostre dit frere a consigné es mains de M. Bonod915 certaine quantité
qu'il praetend seulement vous estre deue, j'ay pensé que, en attendant une plus entiere resolution,
vous deviés pour cette fois et sans consequence, vous contenter de prendre cela. Je vous en prie
donq de tout mon cœur, en quoy vous tesmoigneres combien vous m'aymes; car desirant cela avec
affection comme je le desire, si vous m'aymes, vous le feres sans difficulté et sans replique.
Atant, je prie Nostre Seigneur quil vous accroisse en ses graces et benedictions, et suis,
Monsieur,
Vostre confrere tres affectionné,
FRANÇS, E. de Geneve.
XXII juin 1610, a Neci.
A Monsieur
Monsieur de St Sixt,
Archidiacre de l'eglise de La Roche.
913 Docteur de Louvain, élu en 1600 archidiacre de l'église de La Roche, François de Saint-Sixt était l'un des fils de
noble Pierre de Saint-Sixt, écuyer du duc de Savoie, et de Huguette Comte. Il fit construire l'ancienne chapelle de la
Bénite-Fontaine, unie le 24 octobre 1620, par ordonnance épiscopale, à la mense de la Collégiale de La Roche, et
mourut en 1632.
914 François fut, avec son père, héritier universel de son oncle, noble François de Saint-Sixt, par testament du 27 août
1578. Dans ce testament, étaient en outre nommés trois frères de l'archidiacre: Claude, Jacques et Révérend Dom
Laurent, prieur de la chartreuse de Ripaille. C'est sans doute à propos de cette succession, que des différends surgirent
dans la famille.
Noble Claude, né le 4 juin 1570, teste le 4 juin 1648 au château de Saint-Sixt. On le voit en 1604, gentilhomme de
bouche de Son Altesse; en 1622, commandant dans la ville de Montmélian, et en 1628, gouverneur du fort et préside
des Allinges. Il épousa successivement Gasparde Achard, Claudine de Rochette, Antonie Vuy. (D'après les notes de
M. le comte de Mareschal.)
915 Ce M. Bonod devait être un notaire; il nous est inconnu.
222/329

23.3 Page 223

▲back to top


Revu sur l'Autographe appartenant à M. le chanoine Collonges,
aumônier de la Visitation de Chambéry. [319]
DCVI. A la Mère de Chantal. Elévation sur la vie de saint Jean-
Baptiste: sa nourriture, le miel, les locustes représentent les deux
vies, contemplative et active. Applications. Signification
de ses vêtements. Un habit propre à conserver la sainteté.
Obéissance du Précurseur. Ce qu'annonçait «ce beau
rossignol du bois.»
Annecy, 23 ou 24 juin [1610916.]
Ne faut il pas, ma chere Seur, que ne pouvant vous voir, je vous aille au moins donner la
bonne feste en esprit? O Dieu, que voyci un grand Saint qui se presente aux yeux de nostre ame!
Quand je le considere dans ces desertz, je ne sçai si c'est un Ange qui fait semblant d'estre homme,
ou un homme qui pretend de devenir Ange. Quelles contemplations! quelles eslevations d'esprit
fait-il la dedans!
Sa viande est admirable917; car le miel represente la suavité de la vie contemplative, toute
ramassee sur les fleurs des mysteres sacrés. Les locustes representent la vie active, car la locuste
ne chemine jamais sur terre, ni ne vole jamais en l'air, mays, par un mysterieux meslange, tantost
on la voit sautante et tantost touchante la terre pour reprendre son air; car ceux qui font la vie active
sautent et touchent terre alternativement. Elle vit de la rosee et n'a point d'exercice que de chanter.
Ma chere Fille, bien que, selon nostre condition mortelle, il nous faut toucher terre pour donner
ordre aux necessités de cette vie, si est-ce que nostre cœur ne doit savourer que la rosee du bon
playsir de Dieu en tout cela et doit tout rapporter a la louange de Dieu.
Mais ce que cet ange terrestre est habillé de poil de chameaux918, que signifie-il? Le
chameau, bossu et [320] proprement fait a porter les fardeaux, represente le pecheur. Helas! pour
gens de bien que soyent les Chrestiens, ilz doivent neanmoins se resouvenir qu'ilz sont environnés
du peché; et si le peché ne les touche pas, au moins y a-il tous-jours du poil des cogitations, des
tentations et des dangers. Ah, que c'est un habit propre a conserver la sainteté, que la robbe de
l'humilité!
Hé, voyés, je vous prie, ce saint jeune homme enfoncé dans la solitude: il y est par
obeissance, attendant qu'on l'appelle pour venir au peuple. Il se tient esloigné du Sauveur, qu'il
connoissoit et baysoit par affection des le ventre de sa mere919, affin de ne point s'esloigner de
l'obeissance, sçachant bien que de treuver le Sauveur hors de l'obeissance, c'est le perdre tout a
fait.
Au demeurant, il naist d'une vielle sterile, pour nous apprendre que les secheresses et
sterilités ne laissent pas de produire en nous la sainte grace; car Jean veut dire grace.
Mais sur tout, ma chere Fille, voyés que tout aussi tost que son pere Zacharie eut escrit le
nom de ce glorieux enfant sur ses tablettes, il commence a prophetizer et chanter le beau cantique
916 C'est surtout pour la Mère de Chantal que le Saint réservait les charmantes effusions de son âme contemplative; il
semble donc que cette méditation lui a été adressée. La fin paraît avoir été tronquée. La date de 1610 n'est pas sûre,
mais toute autre serait moins probable encore.
917 Matt., III 4.
918 Ibid.
919 Luc., I, 41, 44.
223/329

23.4 Page 224

▲back to top


Benedictus Dominus Deus Israël920. Certes, ce nom bien gravé dans nos cœurs, je veux dire,
l'honneur et l'imitation de ce Saint, nous fera prophetizer et benir Dieu abondamment.
J'ayme ce beau rossignol du bois, qui, estant tout voix et tout chant, sortant sur les advenuës
de Judee, annonce le premier la venue du Soleil921. Je le prie qu'il vous donne de son miel, de ses
locustes et qu'il vous communique son manteau.
FRANÇS, E. de Geneve. [321]
DCVII. A Monseigneur Pierre Fenouillet, Evêque de
Montpellier (Inédite). Le trépas du «grand Roy.» Regrets.
«Le jeune et nouveau Roy.» Le vrai rendez-vous de nos
«cogitations.» Une charge obtenue «sans brigue, sans cour et
sans argent.»
Annecy, 24 juin 1610.
Monseigneur,
Entre plusieurs considerations qui m'ont rendu de l'ennuy sur le trespas du grand Roy que
la France, avec le monde, vient de perdre, j'ay receu celle de la perte que vous y aves faite; car il
vous aymoit et avoit une grande connoissance des raysons pour lesquelles il vous pouvoit encor
aymer davantage. Mais il faut adorer la Providence souveraine et benir ses decretz. C'est a elle que
je recommande de tout mon cœur le jeune et nouveau Roy et tout ce grand royaume.
Je me prometz de vos nouvelles de rechef, au passage que vous feres a Lion, allant a la
cour922. Mon Dieu, que nostre grand amy923 aura esté touché rudement de ce coup! car son merite
ne treuvera peut estre pas des yeux qui le regardent clairement, comme faisoyent les yeux de ce
digne Monarque. Mays revenons tous-jours a cette Providence, car c'est le vray rendes vous de nos
cogitations.
Nous sommes icy sans nouvelles. M. nostre cher President924 s'en va pour presider a toute
la justice de Savoye, plus glorieusement qu'on n'a pas fait il y a quelque tems925; car il a cet honneur
sans brigue, sans cour et [322] sans argent, n'ayant point eu d'autre intercession que ses merites,
quoy que Monseigneur de Nemours ayt contribué sa recommandation a l'inclination de Son
Altesse.
Dieu vous prospere de plus en plus, Monseigneur, et je suis sans fin,
Vostre tres humble frere
et tres affectionné serviteur,
FRANÇS, E. de Geneve.
Jour de saint Jean 1610, Annessy.
Revu sur une copia déclarée authentique, conservée à la Visitation de Montpellier.
920 Ibid., I, 63, 64, 67-79.
921 Matt., III, 1, 2; Luc., III, 15, 16.
922 Mgr Fenouillet était en effet à Paris le 30 août (cf. la Lettre DCXVI).
923 Antoine des Hayes.
924 Antoine Favre.
925 Voir ci-dessus, Lettre DCIV. En quittant Annecy, le Président eut la gracieuse pensée de laisser au Bienheureux,
«sa maison, gratuitement... protestant que ce n'estoit qu'un petit gage de son amitié... ce que le Serviteur de Dieu
accepta avec remerciement.» (Charles-Auguste, Histoire, etc., liv. VII.) On voit encore au n° 18 de la rue Sainte-
Claire, la maison qui a servi de résidence à un grand magistrat et à un grand Saint. (Voir sur cet hôtel, une intéressante
notice, Gonthier, Œuvres historiques, tome II.)
224/329

23.5 Page 225

▲back to top


DCVIII. A la Mère de Chantal. Comment remplacer le jeune.
Les «petites brebis» de la Mère de Chantal. Visite de Marie à
Elisabeth; amabilité de la très Sainte Vierge. Contemplation
du mystère. Un beau pèlerinage en compagnie du Sauveur.
Annecy, 30 juin 1610926.
Mais que je suis ayse, ma chere Fille, que ces deux filles de nostre cœur927 ne puissent pas
jeusner demain, et qu'en eschange elles ayent des petites mortifications involontaires; car j'ayme
singulierement le mal que la seule election du Pere celeste nous donne, au pris de celuy que nous
choysissons. Mais vous, qui estes robuste, jeusneres donq en pain et eau. Cela s'entend, ma chere
Fille (car vous ne l'entendres pas, si je ne le vous dis), cela s'entend l'annee qui vient, sil y escheoit;
car pour [323] celleci, vrayement, il faut estre Juifve aux Juifz et Grentile aux Gentilz928, manger
avec les mangeans et rire avec les rians, dit le grand Apostre de ce jourdhuy929. Or, paisses donq
vos petites brebis, ma chere Fille.
Mais demain, vous verres la pauvre petite jeune Dame, enceinte du Filz de Dieu, qui vient
doucement occuper l'esprit de son cher et saint mari pour avoir le congé de faire la sainte visite de
sa vielle cousine Elizabeth; vous verres comme elle dit a Dieu a ses cheres voysines pour trois930
moys qu'elle pense estre aux chams et es montaignes931; car ce mot est bon. Je pense que toutes la
laissent avec tendreté, car elle estoit si aymable et amiable qu'on ne pou voit estre avec elle sans
amour, ny la laisser sans douleur.
Elle entreprend son voyage avec un peu d'empressement; car l'Evangeliste le dit932, que ce
fut hastivement. Ah! les primices des mouvemens de Celuy qu'ell'a en ses entrailles ne se peuvent
faire qu'avec de la ferveur. O saint empressement qui ne trouble point et qui nous haste sans nous
præcipiter! Les Anges se disposent a l'accompaigner, et saint Joseph a la conduire cordialement.
Je voudrois bien sçavoir quelque chose des entretiens de ces deux grandes ames, car vous prendries
bien playsir que je vous le dise. Mais penses que la Vierge ne sent que ce de quoy ell'est pleyne et
qu'elle ne respire que le Sauveur; saint Joseph, reciproquement, n'aspire qu'au Sauveur qui, par des
rayons secretz, luy touche le cœur de mille extraordinaires sentimens. Et comme les vins enfermés
dans les caves ressentent sans la sentir l'odeur des vignes florissantes933, ainsy le cœur de ce saint
Patriarche ressent, sans la sentir, l'odeur, la vigueur et la force du petit Enfant qui fleurit en sa belle
vigne. O Dieu, quel beau pelerinage! Le Sauveur leur sert de bordon, de mante et de petite bouteille
a vin, a vin dis je, qui res-jouit les Anges et les hommes934, et qui enivre Dieu le Pere d'un amour
demesuré935. [324]
Bonsoir, chere Seur, ma Fille; bonsoir encor, mes cheres Filles, recommandes moy a cette
chere Maistresse de nos vies936.
Revu sur l'Autographe conservé au 2d Monastère de la Visitation de Marseille.
926 Les allusions au jeûne, à la fête de la Visitation, à celle de saint Paul, ne laissent aucun doute sur la date.
927 Les Sœurs Favre et de Bréchard.
928 I Cor., IX, 20.
929 Rom., XII, 15.
930 Ici l'Autographe a été coupé; les sept lignes qui suivent sont empruntées à l'édition de 1626.
931 Luc., I, 56, 39.
932 Ibid., v. 39.
933 Cant., II, 13.
934 Ps. CIII, 15.
935 Immédiatement après cette phrase, l'édition de 1626 et les suivantes donnent sur le même thème une addition assez
longue; mais une comparaison attentive avec le texte précédent fait reconnaître qu'elle a été interpolée par les premiers
éditeurs.
936 Cette clausule n'existe pas dans les éditions précédentes.
225/329

23.6 Page 226

▲back to top


DCIX. A Mademoiselle de Chapot937. Les parents et les
directeurs spirituels; l'autorité des uns et des autres et la
confiance qu'ils méritent dans l'affaire d'une vocation religieuse.
S'il fallait ouïr l'avis des premiers, qu'arriverait-il?
Comment reconnaître la volonté de Dieu, parmi les
empêchements. Quand on a pris une bonne résolution, il faut
la rectifier, si elle est excessive, mais non la rompre.
Annecy, 3 juillet 1610.
Madamoyselle,
Vous aves opinion que vostre desir de vous retirer du monde ne soit pas selon la volonté
de Dieu, puisqu'il [325] ne se treuve pas conforme a celuy de ceux qui, de sa part, ont le pouvoir
de vous commander et le devoir de vous conduire. Si c'est de ceux a qui Dieu a donné le pouvoir
et imposé le devoir de conduire vostre ame et vous commander es choses spirituelles, certes vous
aves rayson; car en obeissant a ceux-la, vous ne pouves pas faillir, bien qu'eux se peuvent tromper
et vous mal conseiller, s'ilz le font, principalement, regardant ailleurs qu'a vostre seul salut et
advancement spirituel. Mais si ce sont ceux que Nostre Seigneur vous a donnés pour directeurs es
choses domestiques et temporelles, vous vous decevres vous mesme de les croire es choses
esquelles ilz n'ont point d'authorité sur vous. Que s'il failloit ouyr les advis des parens, la chair et
le sang sur des telles occurrences, il se treuveroit peu de gens qui embrassassent la perfection de
la vie chrestienne. Voyla le premier point.
Le second est que, puisque non seulement vous aves desiré de vous retirer, mais vous le
desireries encor s'il vous estoit permis de ceux qui vous ont retenue, c'est un signe manifeste que
Dieu veut vostre retraitte, puisqu'il continue son inspiration parmi tant de contradictions, et vostre
cœur, touché de l'aymant, a tous-jours son mouvement du costé de la belle estoille, quoy que
rapidement destpurné par les empeschemens terrestres. Car en fin, vostre cœur, que diroit-il s'il
n'estoit empesché? Vous diroit-il pas: Retirons-nous d'entre les mondains? Il a donq encor cette
inspiration; mais parce qu'il est empesché, il ne la peut ou ne l'ose pas dire. Rendés-luy sa liberté
affin qu'il la die, car il ne vous sçauroit mieux dire; et cette parole secrette qu'il dit tout bellement
en soy mesme: Je voudrois bien, je desirerois bien sortir d'entre les mondains, c'est la vraye volonté
de Dieu. En quoy vous aves tort (et pardonnés a ma naïfve liberté de langage), vous aves tort, dis-
je, d'appeller les [326] empeschemens qui vous sont donnés a l'execution de cette inspiration,
volonté de Dieu, et le pouvoir de ceux qui vous empeschent, pouvoir de Dieu.
937 François de Sales, dans ses lettres du 11 décembre 1609 (p. 228) et du 34 mai 1610 (p. 305) parle d'une personne
dont la défection fit échouer l'érection d'un monastère de Carmélites, celui que projetait en premier lieu la famille de
Cusy. D'autre part, François Viollon de la Pesse raconte dans sa déposition (Process. remiss. Gebenn. (I), ad art. 25),
qu'il traita avec le Saint de la vente d'une maison du faubourg de la Perrière, «pour le prix de sept centz escuz d'or,
lesquels» lui «furent promis par une damoyselle nommee Chappot.» Huit mois après, celle-ci changea d'avis et se
maria. C'est alors que le Serviteur de Dieu prit lieu et place de cette personne et s'engagea à payer le prix de ladite
maison.
Le récit de la Mère de Bréchard (voir ci-dessus, note (896), p. 312) semble se rapporter à cette même affaire;
il y est question aussi d'une fondatrice qui promet son concours, puis le retire et met le Saint dans la nécessité d'entrer
dans son marché. Elle est donnée comme étant la nièce de Mme de Cusy.
Réunis, tous ces traits désignent évidemment une même personne et de plus font penser qu'elle doit être la
destinataire de la présente lettre, surtout si on les rapproche des avis qui terminent celle-ci. D'après l'Armorial et
Nobiliaire de Savoie, une Jeanne-Françoise de Chapot ou Chappot, fille de noble Claude, seigneur de Cezarche, épousa
par contrat de mariage du 29 janvier 1613, noble François ou Jean-François de Mandollaz, seigneur de Cernex. Elle
se remaria (contrat dotal du 25 juillet 1616) avec noble Vincent du Crest de Mentbonnex et testa le 4 septembre 1643.
226/329

23.7 Page 227

▲back to top


Le troisiesme point de mon advis est que vous n'estes nullement en indifference devant
Dieu, puisque le desir de la retraitte qu'il vous a donné, est tous-jours dedans vostre cœur, quoy
qu'il soit empesché de faire son effect; car la balance de vostre esprit tend de ce costé la, bien qu'on
donne du doigt de l'autre costé pour empescher le juste poids.
Le quatriesme, c'est que si vostre premier desir a esté excessif en quelque chose, il le faut
corriger, et non point le rompre. Je me fais entendre, que vous avies offert la moitié de vos biens,
ou bien le payement de cette mayson, qui est maintenant dediee a Dieu938. Peut estre fut-ce trop,
eu esgard que vous avies une seur chargee de grosse famille, a laquelle, selon l'ordre de charité,
vous eussies plustost deu appliquer vos biens. Or sus, il faut corriger cet exces, et venir en cette
mayson avec une portion de vostre revenu, autant qu'il est requis pour vivre sobrement, en laissant
tout le reste a qui vous voudres, et mesme reservant la portion susdite, apres vostre mort, pour ceux
a qui vous en voudres faire du bien. En cette sorte, vous corrigeres l'exces et conserveres vostre
dessein, et n'y aura rien en cela qui n'aille gayement, doucement et saintement.
En fin, prenés courage a faire une bonne resolution absolue; et bien que ce ne soit pas peché
de demeurer ainsy en ces foiblesses, si est-ce que sans doute on perd beaucoup de commodité de
bien advancer et recueillir des consolations grandement desirables.
Je vous ay voulu familierement esclarcir de mon opinion, estimant que vous me feres le
bien de ne point le treuver mauvais. Dieu vous donne les saintes benedictions que je vous souhaitte
et la douce correspondance [327] qu'il desire de vostre cœur; et je suis en luy, avec toute sincerité,
Madamoyselle,
Vostre tres affectionné serviteur,
FRANÇS, E. de Geneve.
Le 3 julliet...., a Neci.
938 L'étude des projets successifs de fondation qui cédèrent la place à rétablissement de la maison de la Galerie, les
circonstances dans lesquelles celle-ci fut acquise, persuadent que la date de 1610 doit être substituée à la date de 1612,
donnée à la présente lettre par l'édition de 1626 et les suivantes.
227/329

23.8 Page 228

▲back to top


DCX. A M. Philippe de Quoex. Pension ou dot requise pour les
postulantes de la Visitation. «Il est vray que l'on regarde
encor aux facultés.» Le Chablais au XVIIe siècle. Une
Congrégation qui ne veut être «ni mendiante ni playdante.»
Sommaire des Règles. Les commencements de l'Institut
donnent beaucoup d'édification; à quelles âmes offrait-il un
refuge.
Annecy, vers le 20 juillet 1610939.
Monsieur,
J'ay conferé sur vostre lettre avec les Dames qui sont desja congregees et avec ceux qui les
conseillent, et ont esté d'advis de mettre en condition aux filles et femmes qui entreront en leur
Congregation, que, passé la premiere annee, elles apporteront un fons d'argent ou de terre, sur
lequel elles puissent estre entretenues; et cela pour autant que, comme vous sçaves, en ce païs on
ne fait jamais bien les payemens des pensions, ains tout se revoque en proces.
Or, ce fons peut estre donné en deux façons: car ou il est reversible aux parens apres le
trespas de celle pour laquelle il est donné, et lhors on le demande plus gras et tel qu'il egale en
revenu la nourriture de la fille; ou bien on le donne simplement pour demeurer par apres a la
Congregation, et lhors on se contente de moins. Comme par exemple: jeudi on reçoit une fille
d'une fort [328] honnorable famille de cette ville940: pour la premiere annee du Noviciat, elle donne
200 florins; au bout de l'annee, sa mere donne absolument 4000 florins en fons. Monsieur le
premier Praesident941 en fera de mesme, hormis en la quantité, car il donnera davantage; et ainsy
de toutes les autres. Il est vray que l'on regarde encor aux facultés, car une damoyselle qui seroit
de bonne volonté et n'auroit pas moyen de tant faire, on se contente de moins.
Or, il faut parler avec vous a cœur clair. En Chablaix, on est un peu mauvais payeur. C'est
pourquoy, si cette bonne damoyselle942 peut, il faut qu'ell'ayt une somme de trois ou quatre mille
florins pour un coup, ou un fond qui les vaille, ou en fin une piece a jouir par elle mesme, qui porte
200 florins annuelz, reversible a ses parens quand elle mourra. Il seroit mieux que ce fut un fond
un peu moindre et quil fut absolument a elle. Tout cela se fait ainsy, dautant que cette Congregation
n'est encor point rentee, ni ne veut estre ni mendiante ni playdante.
Quant aux Regles, voyci le sommaire943, en attendant de vous faire avoir un double de
toutes. Ceste Congregation reçoit femmes vefves et filles indifferemment, mais non pas les filles
qu'elles n'ayt (sic) 17 ans944. Elles font un'annee de probation et, quand il est expedient, deux et
trois; et c'est lhors qu'en la premiere annee, elles n'ont pas encor donné tesmoignage asseuré de
leur amendement. Apres leur Noviciat, on les reçoit solemnellement, non point aux vœux, car on
n'en fait point de [329] solemnel, mais a l'establissement ou dedicace, a la forme que le
939 La date se déduit du texte lui-même (voir la note (940) de la page suivante).
940 Le jour de cette réception fut le 33 juillet, fête de sainte Marie-Madeleine. La jeune novice reçue, et qui sera plus
tard destinataire, était fille de Claude Roget et de Marie Dupanloup; elle s'appelait Claude-Françoise. (Cf. tome XI,
note (125), p. 44, et note (559), p. 249.)
941 Le président Favre.
942 Cette «bonne damoyselle» doit être la fille de Guy Joly de Vallon. Elle était du Chablais et, comme on peut le voir
par la lettre du 28 octobre 1610, elle pouvait songer dès le mois de juillet à la Visitation, où elle entra d'ailleurs en
1617.
943 Cf. supra, pp. 306, 307.
944 Ou le Saint a voulu parler de la réception à l’oblation, ou bien il faut croire à une distraction, car dès l'âge de quinze
ans, Claudine Roget fut reçue pour la probation, et on lit dans la Constitution XLIIIe: «On ne recevra aucune fille pouf
entrer en la Congregation qui n'ayt quinze ans accomplis.»
228/329

23.9 Page 229

▲back to top


bienheureux Cardinal Borrhomee a dressee pour les Urselines945, peu de choses changees, paucis
mutatis. Neanmoins elles font le vœu de chasteté simple, par l'advis du confesseur et de la
Superieure. En leur establissement, elles offrent leur ame, leur cors et l'usage de leurs biens a Dieu
et a Nostre Dame, pour estre le tout employé a son honneur, selon les Regles de la Congregation;
mais cela se fait par une belle ceremonie.
Les hommes n'entrent point en leur mayson en façon que ce soit, ni les femmes aussi
qu'avec licence in scriptis. Les jeunes ne sortent point qu'en certains cas fort rares; les anciennes
sortent pour servir les pauvres, mais avec une belle police, a la forme des Dames de la Torre di
Specchi946.
Elles disent les Heures de Nostre Dame seulement, en un chant fort devot. Elles se levent
l'esté a cinq heures et couchent a dix; l'hiver a six, et se couchent a dix et demi. Elles ont de un'heure
le mattin et une le soir d'orayson mentale, et pour le demeurant, une police de travail, silence,
obeissance, humilité, denuement de proprieté extremement stricte et autant qu'en monastere du
monde. Elles communient toutes les festes et Dimanches. Si quelqu'une ne veut pas suivre l'esprit
de la Congregation, [330] sa punition est d'estre mise dehors, en luy rendant neanmoins ce qu'ell'a
apporté; mais cela seulement apres tout essay de les corriger. Il ny a point de jeusne que l'ordinaire
de l'Eglise, sinon le vendredi et vigiles de Nostre Dame.
Ell'est instituee sous le tiltre de la Visitation de Nostre Dame947. Le commencement est fort
plausible et rend beaucoup d'edification; il y vient des filles de Chamberi, Grenoble948 et
Bourgoigne. Or en fin, c'est une Congregation simple, instituee pour les femmes et filles qui, pour
leur infirmité corporelle ou pour n'avoir pas l'inspiration d'entreprendre des grandes rigueurs, ne
peuvent entrer es Religions formees et reformees949; car la elles auront une (sic) refuge doux et
gracieux, avec la prattique des vertus essentielles de la devotion950.
945 En 1568, saint Charles Borromée avait fait venir à Milan douze Ursulines de la Maison primitive fondée à Brescia
par sainte Angèle Mérici, le 35 novembre 1535. Sur les conseils de l'Archevêque, ratifiés et confirmés en 1572 par
une Bulle de Grégoire XIII, les Ursulines commencèrent à vivre en communauté, adoptèrent certaines observances
uniformes, firent des vœux simples et vécurent comme dans une clôture mitigée. C'est le même saint Prélat qui, en
1581, nommé visiteur apostolique des Sœurs à Brescia, confirma leur soumission à la juridiction immédiate des
Evêques. (Cf. Postel, Hist. de sainte Angèle Mérici, Paris, 1878, tome Ier, liv. II, chap. IV, et liv. III, sect. 1re.)
946 Les Dames de la Torre di Specchi étaient des Oblates du monastère de Sainte-Marie-la-Neuve, dans la ville de
Rome, de l'Ordre de Saint-Benoît, de la Congrégation dite du Mont-Olivet, fondée près de Sienne en 1319, par le
docteur Bernard Tolomei. Le 25 mars 1433, elles fixèrent leur demeure dans une maison appelée la Tour des Miroirs.
Sainte Françoise Romaine avait d'abord été l'âme de la petite Communauté. En 1536, à la mort de son mari, elle en
fut nommée la supérieure, et l'on sait comme elle en devint la gloire. Le monastère existe encore, à la même place et
avec le même nom; sauf quelques légères modifications dans le costume et la clôture, les Règles sont aussi restées les
mêmes que du temps de la Sainte. (Cf. ci-dessus, p. 69.)
947 Cf. infra, p. 349.
948 De Grenoble, il ne vint personne dans les premières années de l'Institut; peut-être le Saint attendait-il alors de cette
ville une postulante qui ne vint pas.
949 Cf. Préface des Constitutions.
950 Les Règles que le saint Evêque de Genève traçait à sa Congrégation naissante offrent plus d'une divergence avec
les Règles qui se pratiquent aujourd'hui. Mais il faut le dire, s'il a eu tout d'abord la vision assez nette de son oeuvre,
du moins dans ses grandes lignes, François de Sales n'a pas prétendu la dessiner d'avance et dans tous ses détails.
Comme tous les grands Fondateurs, il était trop sage pour tracer des règles minutieuses a priori, en dehors du contrôle
rassurant que donne l'expérience, et il était trop respectueux des intentions de la Providence, pour les devancer par de
hâtives reglementations. L'Institut de la Visitation est précisément le fruit patient et longuement mûri des inspirations
du Ciel, du génie du Fondateur, et de sa pensée fortifiée par l'observation et corroborée par l'approbation des sages.
229/329

23.10 Page 230

▲back to top


Je remercie M. d'Alemand951. La reformation de vostre Talloyres, que j'ay sur les bras952,
m'empeschera [331] d'aller si tost vers [vous], et quand j'y iray, nous prendrons le logis ou de Mme
du Foug, ma tante, mon ancienne hostesse953, ou de Mme d'Allemand, ma comere954.
Nostre Seigneur soit tous-jours au milieu de nos cœurs, et je suis tout en luy,
Vostre confrere plus humble et tres affectionné,
FRANÇS, E. de Geneve.
A Monsieur
Monsieur de Quoex,
Recteur de Ste Catherine.
Thonon.
Revu sur l'Autographe conservé au Collège des PP. Jésuites de Grand-Côteau
(Louisiane, Etats-Unis).
DCXI. A Madame de Travernay955. Quand on souffre, il est
malaisé de prier. Quels sont les malades capables de faire
oraison. Comment remplacer cet exercice, si nous sommes
trop douillets. Il faut reprendre, quand on est guéri, ses
habitudes de prière. — Un «rare bien:» parler cœur à cœur avec
son Dieu.
Annecy, 21 juillet 1610.
Madame ma tres chere Fille,
Je vous escrivis avant hier seulement pour accompaigner une lettre que la bonne
madamoyselle d'Escrilles956 [332] envoyoit a monsieur vostre mari, son frere957; mays j'ayme bien
mieux vous escrire maintenant sur le sujet de vostre lettre.
951 Si c'est M. d'Allemand (l'initiale M. est souvent employée indifféremment pour Monsieur et pour Madame), le
Saint désigne très vraisemblablement François du Nant, dit de Russin, seigneur d'Allemand, Maugny, etc., fils de
noble Jacques du Nant et probablement de Françoise-Gasparde de Clavel, sa seconde femme. (Cf. tome XI, p. 343.)
Il était, le 16 décembre 1629, lieutenant-colonel du régiment du prince Thomas, et mourut avant le 13 octobre 1631;
il avait épousé Bénigne de Marchand de Citey. (Voir note (954) de la page suiv.)
952 Pour faire cette réforme, l'Evêque de Genève avait reçu toute autorité de l'Abbé de Savigny et nne délégation du
Saint-Siège le 31 mars 1610. Le 35 octobre suivant, il se rendit à Talloires avec le sénateur de Buttet pour remplir sa
mission. Philippe de Quoex, d'une famille de Talloires, était, de plus, le frère de Claude-Louis-Nicolas de Quoex,
prieur du Monastère. (Cf. ci-dessus, note (518), p. 173.) Aussi, tout ce qui touchait à la réforme devait intéresser le
destinataire.
953 Voir tome XI, note (268), p. 114, et note (766), p. 344.
954 Mme d'Allemand, «comere» du Saint, est la femme de François du Nant (voir note (951) de la page précédente).
Fille de noble et puissant Philippe de Marchand, seigneur de la Chatellaine, et de Marguerite Gagnefin, elle épousa en
deuxièmes noces (contrat dotal du 13 octobre 1631) noble Philippe de Lucinge, baron d'Arenthon, et testa le 9 octobre
1650.
955 La destinataire, Péronne de Montfalcon, une des plus chères filles spirituelles de l'Evêque de Genève, avait épousé
(contrat dotal du 10 mai 1598) Balthazard de Mouxy, seigneur de Travernay (voir la note de la page suivante). Elle
eut trois enfants; la seconde de ses filles, Anne-Françoise, fut filleule du Saint. Elle testa le 17 avril 1629. Son père
était Jean de Montfalcon, seigneur de Chitry, etc., conseiller d'Etat, lieutenant-général et gouverneur du duché de
Savoie, et sa mère, Adriane du Breul ou Breuil.
956 Marie de Mouxy, veuve d'Escrilles (cf. ci-dessus, note (836), p. 295).
957 Balthazard de Mouxy, fils de Pierre-Marc, seigneur de Travernay, et d'Antoinette de Saint-Jeoire. Après avoir testé
le 34 ou 25 août 1616, il mourut le 7 octobre suivant. Il fut seigneur de Chitry, de Lupigny, gentilhomme de la chambre
de Son Altesse, capitaine d'une compagnie de cavalerie, etc.
230/329

24 Pages 231-240

▲back to top


24.1 Page 231

▲back to top


Tandis que nos cors sont en douleur, il est malaysé d'eslever nos cœurs a la consideration
parfaitte de la bonté de Nostre Seigneur; cela n'appartient qu'a ceux qui, par des longues habitudes,
ont leur esprit entierement contourné du costé du Ciel. Mays nous, qui sommes encor tous tendres,
nous avons des ames qui se divertissent aysement au sentiment des travaux et douleurs du cors;
c'est pourquoy, ce n'est pas merveille si durant vos maladies vous aves intermis l'usage de l'orayson
interieure. Aussi, en ce tems-lâ, il suffit d'employer les prieres jaculatoyres et saerees aspirations;
car puisque le mal nous fait souvent souspirer, il ne couste rien de souspirer en Dieu et a Dieu et
pour Dieu, de plus que de souspirer pour fayre des plaintz inutiles.
Mais maintenant que Dieu vous a rendu vostre santé, il faut bien, ma chere Fille, reprendre
vostre orayson, au moins pour demi heure le matin et un quart d'heure le soir avant souper; car
despuis qu'une fois Nostre Seigneur vous a donné le goust de ce miel celeste, ce vous Sera un
grand reproche si vous vous en degoustés, et mesmement puisque il vous l'a fait gouster avec
beaucoup de facilité et de consolation, ainsy que je me resouviens fort bien que vous me l'aves
advoué. Il faut donq bien prendre courage, et ne point permettre que les conversations et cette
vayne sujettion que nous rendons a ceux que nous hantons, vous prive d'un si rare bien comm'est
celuy de parler cœur a cœur avec son Dieu.
Vous m'obliges certes beaucoup de me donner un peu des nouvelles de vostre ame, car la
mienne l'ayme cherement et ne se peut empescher de desirer de sçavoir en quel estat elle se treuve;
mais la varieté des desseins que monsieur vostre mari a eu de vous faire revenir icy [333] et de
vous faire demeurer aux chams m'a retenu de vous en demander. Faites moy donq ce bien, je vous
supplie, de m'escrire quelquefois, avec asseurance que je vous donne de tous-jours vous respondre,
comm'aussi de correspondre fidelement a lhonneur que vous me faites de me vouloir du bien, par
une tres sincere affection a vostre service.
Dieu soit a jamais au milieu de vostre cœur pour le remplir et fayre abonder en son saint
amour: ce sont les souhaitz journaliers, Madame ma chere Fille, de
Vostre plus humble compere et serviteur,
FRANÇS, E. de Geneve.
XXI julliet 1610.
Je suis fort affectionné serviteur de madame vostre chere seur958 et de Mlle la petite niece,
ma fille959, que j'honnore de tout mon cœur960.
Revu sur l'Autographe conservé à l'Hôtel-Dieu de Québec (Canada).
958 C'était Anne de Montfalcon, qui épousa d'abord Anne, baron de Chauvirey en Comté, et ensuite Jean-Claude de
Clermont-Mont-Saint-Jean. Son testament est daté du 7 février 1613. Parmi ses enfants, on peut nommer Jacqueline
de Chauvirey, née du premier mariage; Anne-Françoise et Françoise, issues du second.
959 La «petite niece» mentionnée ici, doit être Jacqueline de Chauvirey. Nous la retrouverons plus tard sous le nom de
Mme du Châtelard, et alors il sera parlé d'elle plus en détail.
960 Ce post-scriptum est inédit.
231/329

24.2 Page 232

▲back to top


DCXII. A la Mère de Chantal (Inédite). Les premiers jours de la
Visitation. Les «douces amours en Jesus Christ» de l'Evêque
de Genève; où se portait nuit et jour sa sollicitude.
Annecy, [juillet-août] 1610961.
Je vous remercie, ma chere Seur, ma Fille, de vos deux billetz. Ce sera bien fait de faire
remedier au mal de [334] la bonne niece962, duquel elle m'avoit voyrement parlé, mais avec tel
mespris, que je pensois estre fort peu de chose. Dieu soit loué!
Hier monsieur de Lux me fit sçavoir que monsieur vostre [père963] se portoit fort bien.
Dormés jusques a six, voire jusques a sept, si vous en aves besoin.
Aujourdhuy je n'ay encor fait qu'un peu d'orayson, mais j'en feray, Dieu aydant; car je vous
veux bien rendre rayson de ce que si justement et charitablement vous desires pour nostr'ame. La
seur964 se porte mieux, et moy fort bien.
Je salue ces cheres filles qui sont autour de vous: ce sont mes douces amours en Jesus
Christ, et vous, ma chere Fille, vous estes mon propre cœur en Celuy qui, pour avoir le nostre,
nous presente le sien tout a descouvert. Je salue bien ma chere petite965 et ma seur Françoise966;
mais a present je regarde si [fort] nostre Congregation, que j'y suis nuit et jour. C'est pourquoy je
resalue ces967………………………………………………………………………………………
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Autun. [335]
961 Le ton, les particularités de ce billet disent assez qu'il est des premiers jours de la Visitation.
962 Par le billet du 7 septembre 1610, on voit (p. 344) que la Sœur de Bréchard était alors souffrante. C'est elle qui
paraît être désignée ici; dans ces commencements, le Saint lui donnait souvent le titre de «niece». (Cf. ci-dessus, note
(474), p. 160.)
963 Le mot est déchiré dans l'Autographe, mais « père » est bien vraisemblable. M. Frémyot vécut jusqu'au 20 ou 21
janvier 1611.
964 Ici, la première lettre est oblitérée; on ne peut dire s'il y a Ma ou La, mais on peut croire qu'il s'agit de Mme de
Cornillon, souffrante au cours de cette année, comme on le voit par les lettres du Saint.
965 Marie-Aimée.
966 Françoise de Chantal.
967 Le bas de l'Autographe est coupé.
232/329

24.3 Page 233

▲back to top


DCXIII. A Madame de la Forest, Religieuse de l'Abbaye de
Bons. Subtilité de Satan. Le Saint cherche à détruire le
résultat d'une calomnie. Bonnes nouvelles de la Maison de la
Galerie.
Annecy, 2 août 1610.
Ma chere Fille,
Je respons a vostre lettre du 23 julliet. Si je pouvo.is parler a celuy duquel tant de gens
parlent968, certes, je luy dirois fort franchement tout ce que je croirois estre propre a le retirer a
soy, a Dieu, a son Eglise; mais je ne pense pas qu'il fut a propos de traitter cela par lettres. Helas,
que nostr'ennemi est subtil et comme il nous conduit insensiblement aux precipices! Or, ne pouvant
donq autre chose, je prieray pour ce personnage, que je cheris tendrement et de tout mon cœur.
Je suis marri que l'on ayt poussé aux oreilles de Madame de Bons969 la calomnie delaquelle
vous m'advertisses. C'est pour luy oster la creance qu'elle pourroit prendre en mes advis, lesquelz,
a l'aventure, luy seroyent utiles; mais je ne sçaurois empescher sa credulité, ni la malice des
calomniateurs. Je sçai bien, pourtant, que vrayment je n'ay parlé ni en vert ni en gri d'elle a
monsieur de Lux. Seulement, me parlant d'oster les970 [scandales qui esto]yent a Belley, je luy dis
simplement......me.............................................................................................................................
il luy ostera du cœur tous ces empeschemens du peché971. [336]
Ma tres chere Fille, soyes tous-jours bien douce et suave, aymant amoureusement les
creatures pour lesquelles Nostre Seigneur est mort d'amour972. Mme Vignod, de Sainte Catherine973,
ira de dela, et je croy qu'ell'edifiera sa seur974, car c'est vrayement une fille tout absolument remise
en Dieu. Nostre petite mayson de ces Dames devotes se confirme fort au bien et s'accroist en
nombre de personnes toutes bonnes975.
Je prie sa divine Majesté qu'a jamais elle vive et regne dedans nos cœurs, et je suis, en elle,
tout fidellement vostre.
F.
2 Aoust 1610.
976[A Madame]
[Madame de] la Forest,
Religieuse a Bons.
Revu sur l'Autographe conservé au Noviciat de la Compagnie de Jésus
d'Arlon (Belgique). [337]
968 A cette époque, les scandales n'étaient pas rares dans les monastères déchus. L'abbaye de Saint-Sulpice, près de
Belley, a laissé un triste renom. Le personnage «duquel tant de gens» parlaient, serait-il un apostat de cette Maison ou
d'une abbaye voisine?
969 L'Abbesse, Jeanne de Vignod (cf. note (877), p. 306, et Lettres DL, DLI).
970 Le bas du feuillet a été coupé; les premiers mots seulement peuvent être restitués entre crochets [ ]. Cette mutilation
montre bien qu'il s'agissait d'une affligeante aventure.
971 L'Autographe étant sans doute encadré, cette première ligne du verso disparaît en partie dans la reproduction
photographique. Il est difficile de savoir s'il faut lire du péché ou au péché.
972 Cf. Galat., II, 20.
973 Voir le tome précédent, note (299), p. 103.
974 L'Abbesse de Bons.
975 La «petite mayson» attirait à elle de temps à autre de nouvelles recrues. Après la Sœur Claude-Françoise Roget
(voir ci-dessus, note (940), p. 329), ce fut le tour de Péronne-Marie de Chastel, qui se présenta le 26 juillet, suivie, le
14 août, de Marie-Marguerite Milletot.
976 Cette partie d'adresse, que nous rétablissons entre crochets [ ], a été coupée par le fait de la mutilation dont il est
parlé note (970) de la page précédente.
233/329

24.4 Page 234

▲back to top


DCXIV. A Madame de Cornillon, sa sœur. La transfiguration en
Notre-Seigneur. Le séjour des vaines beautés et belles
vanités. Encouragements à monter à la céleste vision du
Sauveur. Ce qui est pire que la mort pour une âme de Saint.
Partout il faut avoir bon courage, et pourquoi.
Annecy, [6 août 1610977.]
Ma tres chere Seur,
Ce n'est que justement pour vous donner le bon soir que je vous escris, et vous tenir
asseuree que je ne cesse point de vous souhaiter mille et mille benedictions du Ciel, et a monsieur
mon frere, mais particulierement celle d'estre tous-jours transfiguree en Nostre Seigneur. O que sa
face est belle et que ses yeux sont doux et esmerveillables en suavité, et que c'est chose bonne
d'estre aupres de luy en la montaigne de la gloire978! C'est la, ma chere Seur, ma Fille, ou nous
devons loger nos desirs et affections, non en cette terre, ou il n'y a que des vaines beautés et belles
vanités.
Or sus, graces a ce Sauveur, nous sommes a la montee du mont Thabor, puisque nous avons
des fermes resolutions de bien servir et aymer sa divine Bonté: il nous faut donq encourager a une
sainte esperance. Montons tous-jours, ma chere Seur, montons sans nous lasser, a cette celeste
vision du Sauveur; esloignons-nous petit a [338] petit des affections terrestres et basses, et aspirons
au bonheur qui nous est preparé.
Je vous conjure, ma chere Fille, de bien prier Nostre Seigneur pour moy et qu'il me tienne
dores en avant dans les sentiers de sa volonté, affin que je le serve en sincerité et fidelité. Voyes
vous, ma tres chere Fille, je desire ou de mourir ou d'aymer Dieu; ou la mort ou l'amour, car la vie
qui est sans cet amour est tout a fait pire que la mort. Mon Dieu, ma chere Fille, que nous serons
heureux si nous aymons bien cette souveraine Bonté qui nous prepare tant de faveurs et
benedictions! Soyons bien tous a elle, ma Fille, parmi tant de tracas que la diversité des choses
mondaines nous presente. Comme voulons-nous mieux tesmoigner nostre fidelité qu'entre les
contrarietés? Helas, ma tres chere Fille, ma Seur, la solitude a ses assautz, le monde a ses tracas;
par tout il faut avoir bon courage, puisque par tout le secours du Ciel est prest a ceux qui ont
confiance en Dieu, et qui, avec humilité et douceur, implorent sa paternelle assistance.
Vous marches tous-jours entre nos saintes resolutions, je m'en asseure; ne vous fasches
donques point de ces petitz assautz d'inquietudes et chagrins que la multiplicité des affaires
domestiques vous donne. Non, ma chere Fille, car cela vous sert d'exercice a prattiquer les plus
cheres et aymables vertus que Nostre Seigneur nous ayt recommandé979. Croyés-moy, la vraye
vertu ne se nourrit pas dans le repos exterieur, non plus que les bons poissons dans les eaux
croupissantes des marais980. [339]
977 La première édition indique Mme de Cornillon comme destinataire de la présente lettre, et d'ailleurs le caractère
intime de cette exhortation pénétrée d'affection et de confiance, est tout à fait dans le ton des lettres du Saint à sa sœur.
Mais un léger doute subsiste: le texte de 1626 se termine par un fragment interpolé, tiré de la lettre autographe du 5
décembre 1610 à la Présidente Favre. La présente lettre n'aurait-elle pas été également adressée à celle-ci? Les mots
de «Monsieur mon frere» (ligne 4) n'infirmeraient pas cette conjecture; sous la plume de François de Sales, ils peuvent
désigner aussi bien Antoine Favre que M. de Cornillon.
La date du jour semble indiquée par l'allusion au mystère de la Transfiguration; celle de l'année est moins
certaine. Toutefois, les autres lettres écrites à la même destinataire ne permettent pas de la placer avant 1610.
978 Cf. Matt., XVII, 4.
979 Matt., XI, 29.
980 Les deux derniers alinéas de cette lettre, que nous soudons ici parce qu'ils paraissent se faire naturellement suite,
sont séparés dans les anciennes éditions, par l'intercalation d'un fragment de la lettre du 5 décembre à la présidente
Favre. (Voir la note précédente, et ci-après, note (1087), p. 373; cf. ci-dessus, note (67), p. 14.)
234/329

24.5 Page 235

▲back to top


DCXV. Au Duc de Nemours, Henri de Savoie.
Recommandation en faveur du sieur Bouvard pour la charge
d'avocat fiscal.
Annecy, 18 août 1610.
Monseigneur,
Puysque le sieur de la Valbonne est actuellement receu au Senat981 et que Vostre Excellence
a gratifié le sieur Arpeaud de la judicature de Genevois982, je la supplie tres humblement de
favoriser le sieur Bouvard de l'estat de son advocat fiscal983, l'asseurant en toute verité que la
recommandation que ci devant j'ay faitte de la personne et merites d'iceluy, se treuvera moindre
que le sujet ne requeroit, et qu'984.................................de Vostre Excellence........ne sçauroit faire
un choix plus utile a son service que celuy de cet homme lâ, vertueux, sçavant, laborieux et nourri
es lettres par la grace de Vostre Excellence.
Je prie Nostre Seigneur quil vous prospere, Monseigneur, et comble Vostre Grandeur de
ses benedictions. Ce pendant, je vivray heureux d'estre,
De Vostre Excellence,
Tres humble et tres-obeissant orateur et serviteur,
FRANÇS, E. de Geneve.
XVIII aoust 1610, a Neci.
A Son Excellence.
Revu sur l'Autographe appartenant à la famille Berthet, à Annecy. [340]
DCXVI. A M. Antoine des Hayes985. Un trépas vraiment
pitoyable. Le Saint relève le courage de son ami, dont la mort
de Henri IV semblait avoir compromis la fortune. Comment
se ménager la protection de la Providence. Souhaits pour la
France et la famille royale.
Annecy, 30 août 1610.
Ce papier vous portera simplement des paroles qui sortent du fond de mon cœur sur la
derniere lettre que j'ay receüe de vostre part, il y a pres de six semaines.
Certes, le trespas de ce grand Roy m'a touché de compassion en cent façons et par cent
motifz, car vrayement il a esté pitoyable. Mais vostre consideration a tenu l'un des premiers rangs
a m'assaillir de desplaysir; car, mon Dieu, cet excellent esprit de Prince avoit seulement commencé
a vous çonnoistre, et voyla qu'il est ravi a vostre fortune affin qu'elle ne vive plus si heureuse. Mais
981 René Favre de la Valbonne avait été installé le 11 août (voir p. 200).
982 Claude-Nicolas Arpeaud ou Arpiaud, fils de Jean-Louis Arpeaud, baptisé à Annecy le 28 janvier 1577, épousa
d'abord en 1606 Françoise Burin, sépulturée le 3 septembre 1617, et ensuite Amable de Mandolle, morte le 13
novembre 1642. (Reg. paroiss. d'Annecy.) Il fut avocat fiscal de 1604 à 1610, et jugemaje de 1610 à 1639; en cette
dernière qualité, il fit au mois de janvier 1623, l'ouverture du testament de saint François de Sales.
983 Michel Bouvard (cf. note (734), p. 257) n'obtint pas la charge que le Saint sollicitait pour lui, car l'année suivante,
Henri Ouvrier était avocat fiscal.
984 L'Autographe est détérioré; il n'est pas possible de rétablir les mots qui manquent.
985 Le texte et tout ce qu'on sait ae l'affection de Henri IV pour des Hayes indiquent celui-ci comme destinataire.
235/329

24.6 Page 236

▲back to top


faites, mon cher Monsieur, que je cheris a l'esgal de mon cœur, faites tous-jours vivre
courageusement vos vertus qui, aussi bien, sont immortelles, et je me prometz ce contentement de
voir qu'un peu d'interruption que la perte de ce grand Roy fait a vostre bonheur, ne servira que de
reprise d'haleine a vostre fortune; car en fin, c'est Dieu qui manie les resnes du cours de nostre vie,
et nous n'avons point d'autre fortune que sa providence, laquelle sera tous-jours specialement sur
vous quand vostre amour sera special en son endroit. Je la supplie de tout mon cœur qu'elle soit
speciale a la France et a son petit Roy et a sa grande Reyne986.
Je vous avois escrit sur ce sujet bien tost apres le coup; mais, a ce que je voy, mes lettres
ne vous sont point venues en main. Oh bien, vous aves la Monsieur [341] de Montpellier987, et
m'asseure que vostre mutuelle prudence aura apporté tout le soulagement a vos espritz qui se peut
recevoir. Pour moy, Monsieur, je; vous conjure de croire que vous n'aves point de cœur au monde
qui soit plus absolument en la pensee du bien qu'il a d'estre si parfaittement aymé de vous.
Dieu vous benisse et prospere de plus en plus en ses graces et consolations, et suis
irrevocablement,
Monsieur,
Vostre tres humble et tres affectionné serviteur,
FRANÇS, E. de Geneve.
30 aoust 1610.
DCXVII. A la Mère de Chantal. Hésitations à faire venir en
Savoie le P. de Monchy. Souhait du Saint pour Mme de
Chantal.
Annecy, 4 ou 5 septembre 1610988.
Ma tres chere Seur, ma Fille,
Ce bon hermite989, venu de la part du P. de Monchi990, me dit hier au soir que si ledit P. de
Monchi venoit, il reviendroit aussi avec luy, par ce qu'il s'estoit mis sous son obeissance et l'avoit
pris pour Superieur. Cela, ma [342] chere Fille, me tient encor plus en opinion de differer encor
un peu a le faire venir, en luy parlant neanmoins en sorte que s'il vouloit venir, il n'en fut pas du
tout forclos; car, pour parler entre nous deux, sil vient sur ma parole, il me sommera de le si bien
accommoder que j'en auray bien de la peyne, ce quil ne feroit pas sil venoit d'autre façon; car le
bonhomme va selon son esprit, et je ne desire point de luy donner aucun sujet de plainte.
Mais dites moy vostre advis sur cela, ma tres chere Fille, a laquelle je souhaite
incessamment un parfait engloutissement en l'amour tres pur de Nostre Seigneur, auquel soit
honneur et gloire991.
986 Marie de Médicis.
987 Mgr Fenouillet (cf. ci-dessus, p. 322). A la mort du roi, ce Prélat fit un office funèbre à Montpellier et porta la
parole. Mais arrivant à Paris, à la vue de tant d'éloges et d'oraisons qui avaient été publiés, il fut pressé d'étendre plus
au long ce qu'il avait dit dans sa cathédrale. L'ouvrage parut sous ce titre: Discours funebre sur la mort de Henry le
Grand, Roy de France et de Navarre. A Paris, chez Rolin Thierry, 1610. (Le Privilège est du 3 décembre.)
Ces renseignements sont donnés par l'auteur lui-même dans la dédicace qu'il fit de son Oraison funèbre à
Marie de Médicis.
988 D'après les allusions qu'il renferme, ce billet a été écrit quelques jours avant le billet suivant, lequel est du 7
septembre.
989 Ce «bon hermite» nous est inconnu.
990 Voir ci-dessus, pp. 35, 265.
991 Rom., ult., 27.
236/329

24.7 Page 237

▲back to top


Bonjour, ma tres chere Fille, ma Seur. Nostre Baron992 a peyne de penser au retour, mais il
me semble tous-jours qu'il l'y faut disposer.
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de San Remo (Italie).
DCXVIII. A la même. La méthode de Mme de Chantal. La
confession de Françon. Doux pressentiments intimes à
l'approche de la fête de la Nativité de la très sainte Vierge. La
céleste Pouponne.
Annecy, 7 septembre 1610993.
Je treuve certes encor meilleur (sic) la methode que vous dites, d'escrire au P. de Monchi
tout nuement vostre pensee, ma tres chere Fille, car apres cela il ny aura rien a dire994. Ce bon
Frere qui est icy995, ne partira que jeudi996, car tout aujourdhuy j'ay esté tant tracassé quil n'est pas
possible de plus. [343]
Ne jeusnes pas997, ma tres chere Fille, ni nostre fille de Brechard998; car, quant a vous, je
me souviendray bien, apres que vous seres bravement guerie, de vous faire jeusner un samedi en
eschange.
Envoyes moy nostre Françon999, que nous confesserons ce soir. Parles amiablement, mais
gravement, au bon enfant M. de Grenier, lequel j'espere fera quelque chose de bon1000.
Nostre cher neveu1001 a certain desir de ne retourner pas vers le pere1002, mais je n'y vois
point d'apparence. Il faut bien tout cet hiver pour la digestion de nostre resolution1003.
Au demeurant, je me suis treuvé ce matin, avec une certaine douceur et tranquillité d'esprit,
sans aucun ressentiment de l'estonnement que mon cœur avoit eu, que j'ay conneu clairement que
la venue de Nostre Dame s'approchoit, par un presentiment de sa douce lumiere. J'ay envie de vous
parler un peu bien a loysir de cela.
Cependant, bon soir, ma tres chere Fille, ma Seur; faites bien la cour a cette celeste
Pouponne qui nous arrive, et luy demandes sa grace pour impetrer celle de son Filz. Jamais je n'eu
tant de sainte affection que j'en ay pour nostre ame et nostre tres unique cœur.
A Madame
Madame de Chantal,
ma tres chere Fille.
992 Sans doute Jacques de Neufchèzes, baron d'Effrans, «nostre Baron» et «nostre cher neveu» paraissant désigner le
même personnage. (Voir la page suivante.)
993 La date de cette lettre est justifiée par les faits auxquels elle fait allusion.
994 Cf. Epist. praeced.
995 Sans doute le même Religieux dont il est parlé dans le billet précédent.
996 Le 9 septembre.
997 La Règle prescrivait le jeûne pour la fête de la Nativité de la très sainte Vierge.
998 Voir ci-dessus, Lettre DCXII.
999 Françoise de Chantal avait alors onze ans.
1000 Ce «bon enfant» était sans doute Denis de Granier, neveu de Mgr Claude de Granier, et connu dans l'histoire
littéraire sous le nom d'Auger de Mauléon. Il ne réalisa pas, hélas! les espérances qu'il donnait alors au successeur de
son oncle. Ses tristes aventures seront contées quand il sera destinataire.
1001 Jacques de Neufchézes (voir note (993) de la page précédente).
1002 Le président Frémyot; le père de Jacques était mort.
1003 Nous ne savons si cette «resolution» concernait l'avenir à régler du «cher neveu, » ou si elle se rapportait à
l'organisation progressive de l'Institut naissant.
237/329

24.8 Page 238

▲back to top


Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Metz. [344]
DCXIX. A Madame de Travernay1004. Une âme docile.
L'exercice de l'amour sacré et les tribulations. Un spectacle
encourageant.
Annecy, 11 septembre 1610.
Madame,
Mais moy, j'ay bien de la consolation de vous voir recevoir si doucement les essais que je
fay au service de vostre chere ame, laquelle voyant marquee de plusieurs graces celestes, je ne
puis que je n'ayme tendrement et puissamment. C'est pourquoy je luy souhaitte de plus en plus
beaucoup d'avancement au saint amour de Dieu, qui est la benediction des benedictions.
Or, vous sçavés, ma tres chere Fille, que le feu que Moyse vit sur la montaigne1005
representoit ce saint amour, et que, comme ces flammes se nourrissoyent entre les espines, aussi
l'exercice de l'amour sacré se maintient bien plus heureusement parmi les tribulations qu'emmi les
contentemens. Vous aves donq bien occasion de connoistre que Nostre Seigneur desire que vous
proffities en sa dilection, puisqu'il vous donne une santé presque tous-jours incertaine et plusieurs
autres exercices.
Mon Dieu, ma tres chere Fille, que c'est chose douce de voir Nostre Seigneur couronné
d'espines sur la croix et de gloire au Ciel! car cela nous encourage a recevoir les contradictions
amoureusement, sçachans bien que, par la couronne d'espines, nous arriverons a la couronne de
felicité. Tenés vous tous-jours bien serree et jointe a [345] Nostre Seigneur, et vous ne sçauries
avoir aucun mal qui ne se convertisse en bien.
Madame,
Vostre humble et tres affectionné serviteur
et compere,
FRANÇS, E. de Geneve.
Le 11 septembre 1610,
1004 La destinataire avait une santé incertaine; elle était «commere» de François de Sales. Or, déjà Mme de Travernay
avait été assez longtemps malade (cf. ci-dessus, p. 333); en lui écrivant le 21 juillet précédent, le Saint se signe
«compere.» C'est donc à elle que la présente lettre semble avoir été adressée.
1005 Exod., III, 1, 2.
238/329

24.9 Page 239

▲back to top


DCXX. A Madame de la Fléchère1006. Parmi les afflictions, les
unes sont plus affligeantes, les autres plus dangereuses pour
l'âme. Pourquoi le tracas des procès, plus que tout autre, ôte
la paix intérieure. La seule perte que nous devons craindre en
cette vie. Comment les procès peuvent servir à l'avancement
spirituel, Exemple de Notre-Seigneur. Le moyen d'être
toujours assez riche.
Annecy, 19 septembre 1610.
Ma tres chere Fille,
J'ay sceu la multitude de vos peynes et je les ay recommandees a Nostre Seigneur, affin
qu'il luy pleust de les benir de la sacree benediction de laquelle il a beni celles de ses plus chers
serviteurs, affin qu'elles soyent employees a la sanctification de son saint nom en vostre ame.
Et faut que je confesse qu'encor qu'a mon advis les afflictions qui regardent les personnes
propres et celles des proches1007 soyent plus affligeantes, neanmoins celles des proces me donnent
plus de compassion, parce qu'elles sont plus dangereuses pour l'ame. Combien de gens avons-nous
veu, en paix dans les espines des maladies et perte des amis, perdre la paix interieure dans les
tracas [346] des proces exterieurs? Et voyci la rayson, ou plustost la cause sans rayson: nous avons
peyne de croire que le mal des proces soit employé de Dieu pour nostre exercice, parce que nous
voyons que ce sont les hommes qui font les poursuittes; et, n'osans pas nous remuer contre cette
Providence toute bonne, toute sage, nous nous remuons contre les personnes qui nous affligent et
nous en prenons a eux, non sans grand peril de perdre la charité, la seule perte delaquelle nous
devons craindre en cette vie.
Or sus, ma tres chere Fille, quand voulons nous tesmoigner nostre fidelité a nostre Sauveur,
sinon en ces occasions? Quand voulons nous tenir en bride nostre cœur, nostre jugement et nostre
langue, sinon en ces pas si raboteux et proches des precipices? Pour Dieu, ma tres chere Fille, ne
laissés pas passer une sayson si favorable a vostre avancement spirituel, sans bien recueillir les
fruitz de la patience, de l'humilité, de la douceur et de l'amour de l'abjection. Souvenés-vous que
jamais Nostre Seigneur ne dit un seul mot contre ceux qui le condamnerent, il ne les jugea point;
il fut jugé et condamne a tort, et il demeura en paix et mourut en paix, et ne se revengea qu'a prier
pour eux1008. Et nous, ma tres chere Fille, nous jugeons nos juges et nos parties, nous nous armons
de plaintes et de reproches. Croyés-moy, ma tres chere Fille, il faut estre forte et constante en
l'amour du prochain; et je dis cecy de tout mon cœur, et sans avoir esgard ni a vos parties, ni a ce
qu'ilz me sont, et m'est advis que rien ne me touche en ces rencontres que la jalousie de vostre
perfection.
Mais il faut que je cesse, et je ne pensois mesme en tant dire. Vous aures Dieu tous-jours
quand il vous plaira: et n'est-ce pas asses estre riche? Je le supplie que sa volonté soit vostre repos,
et sa Croix vostre gloire1009, et je suis sans fin,
Vostre tres humble et invariable
serviteur en luy,
FRANÇS, E. de Geneve,
Le 19 septembre 1610. [347]
1006 L'adresse que nous donnons semble être confirmée par les lettres du 21 avril et du 24 novembre de cette année
1610, à Mme de la Fléchère.
1007 Dans les éditions précédentes, on lit: «et celles des pechés.» Cette version concorde mal avec la suite du texte; ne
devrait-on pas lire plutôt celle que nous lui substituons?
1008 Luc., XXIII, 34.
1009 Cf. Galat., ult., 14.
239/329

24.10 Page 240

▲back to top


DCXXI. A M. Jean-Francois Ranzo (Inédite). Les débuts de la
Congrégation. La Patronne qu'elle a choisie. Attestation
du culte rendu au bienheureux Amédée dans le monastère de
Talloires et à Chambéry; à son passage dans cette ville, le prince
Emmanuel-Philibert de Savoie refoit les hommages de François
de Sales.
Annecy, 29 septembre 1610
Molto Illustre Signor osservandissimo,
All' ultima di V. S. molto Illustre
rispondo con queste quatro righe, lasciando poi
al signor Collaterale de Quoex1010, latore, di
dire anco il restante secondo che insieme
n'habbiamo ragionato.
La Congregatione di queste
gentildonne1011 è eretta con molta sodisfattone
de' buoni che le vedono; et dovendo mandare a
Roma per havere la benedittione et qualche
Indulgenze da Sua Santità, tentaremo anco se
l'oratorio potrà dedicarsi all' onor del beato
Amedeo1012, [348] se bene la Congregatione ha
desiderato per Patrona la Beata Vergine della
Visitatione per molti rispetti1013.
Et quanto alla Messa celebrata nel
monasterio di Talloyres al honor di detto beato
Principe, non ho potuto cavar altro se non che
il signor Claudio Nicolò de Quoex, fratello del
signor latore, il quale è Priore claustrale di
detto Talloyres1014, essendo giovine Novitio
rispondeva le Messe, e si ricorda molto bene di
haver veduto detta Messa in antiquo messale et
di haver spesse volte risposto alla Messa
medesima del beato Amedeo1015, celebrata da
Très Illustre et très honoré Seigneur,
Je réponds par ces quatre lignes à la
dernière lettre de Votre très Illustre Seigneurie,
en laissant au porteur, M. le collatéral de
Quoex le soin de dire le restant, d'après les
entretiens que nous en avons eus ensemble.
La Congrégation de ces dames est
érigée à la grande satisfaction des gens de bien
qui la voient. Aussi, comme je dois faire
demander à Rome la bénédiction de Sa
Sainteté avec quelques Indulgences, je verrai si
l'oratoire peut être dédié à l'honneur du
bienheureux Amédée. Cependant, pour plus
d'un motif, la Congrégation [348] a désiré
comme Patronne la Bienheureuse Vierge de la
Visitation.
Quant à la Messe célébrée en l'honneur
du bienheureux Prince au monastère de
Talloires, je n'ai pu recueillir que ceci: M.
Claude-Nicolas de Quoex, frère du porteur et
prieur claustral de Talloires, étant jeune
Novice, servait les Messes. Or, il se rappelle
très bien avoir vu dans un ancien missel cet
office, et d'avoir servi ladite Messe du
bienheureux Amédée, célébrée par un de ses
1010 Claude de Quoex (voir tome XII, note (138), p. 84).
1011 La Visitation.
1012 Vide supra, p. 300.
1013 C'est donc de très bonne heure, et dès le 1cr juillet 1610, que le bienheureux Fondateur voulut que sa petite
Congrégation s'appelât: la Visitation de Nostre Dame. Le titre de Filles de Sainte Marthe (cf. le tome précédent, note
(815), p. 294), puis celui d'Oblates de la sacree Vierge lui avaient d'abord souri, mais il fut détourné de ce dessein par
des clartés particulières que Dieu lui donna, et il adopta l'appellation définitive de Religieuses de la Visitation Sainte-
Marie, «parce qu'il trouvoit dans ce mistere, » disait-il, «mil particularités spirituelles qui luy donnoient une lumiere
specialle de l'esprit qu'il desiroit etablir dans son Institut... La voix publique nomma» les «premieres Meres, les Saintes
Maries, a cause de la grande modestie qui paroissoit en elles.» (Année Sainte, ancien Ms., et Hist. de la Fondation du
1er Mtère d'Annecy.) C'est sous ce dernier nom qu'elles furent connues durant tout le XVIIe siècle.
1014 Voir ci-dessus, note (518), p. 172.
1015 Dans le procès-verbal de la visite faite à Talloires le 7 septembre 1609 (Turin, Archiv. de l'Etat, Storia della Real
Casa, Mazzo 5o, cat. 3a), on lit: «Ayant d'avantage veu une Messe dressee a l'honeur de Dieu et du bienheureux Amé,
anotee de notes de plainchant, escripte de la main de son dit oncle, » (Amédée de Quoex, oncle de Claude-Louis
Nicolas) «qui se chantoit a haute voix a la dicte eglise, estant pour maintenant perdue par le deces du R. P. N. Duche,
decedé en l'office de prieur claustral, qui lors en estoit saisy... Claude Estienne Nouvellet, docteur en la sacree
240/329

25 Pages 241-250

▲back to top


25.1 Page 241

▲back to top


un suo zio che pur era Priore claustrale et si
chiamava [349] Amedeo1016. Ma del messale
non ci n' è più cosa alcuna, essendo detto Priore
stato un pezzo absente alli studii.
Bisogna anco ch'io dica che essendo
andato a far riverentia all' Altezza del Signor
Principe, che passo l'altro giorno in
Ciamberi1017, egli fu, et io con lui, nella capella
di Santo Amedeo nella chiesa di San
Francesco; et è una capella tanto authentica et
l'imagine posta sopra l'altare in tal modo, che
altrimenti non si potrebbe fare, nè con maggior
decoro se fosse per San Pietro1018. [350]
Et con questo, pregho nostro Signor
Iddio che a V. S. molto Illustre dia ogni vero
contento.
Di V. S. molto Illustre,
Affettionatissimo servitore in Christo,
FRANCO, Vescovo di Geneva.
In Neci, alli XXIX di Settembre 1610.
Al molto Illustre Sigr osservandissimo,
Il Sigr Giovan Francesco Ranzo,
Gentilhuomo della Camera di S. A.
Serma.
Revu sur l'Autographe appartenant à M.
Gaspard Cassinis, à Turin.
oncles qui [349] était aussi prieur claustral et
se nommait Amédée. Mais du missel, il ne
reste aucune trace, parce que ledit prieur est
resté longtemps absent pour cause d'études.
Je dois ajouter que j'allai présenter mes
hommages à Son Altesse Mgr le Prince, qui
passa l'autre jour à Chambéry. Il se rendit, et je
l'accompagnai, dans la chapelle de Saint-
Amédée, à l'église Saint-François. C'est une
chapelle tellement authentique et l'image est
placée sur l'autel de telle façon, qu'on ne
saurait, s'il s'agissait de saint Pierre, disposer
les choses autrement, ni avec plus d'apparat.
[350]
Sur ce, je prie Dieu notre Seigneur
d'accorder à Votre très Illustre Seigneurie tout
vrai contentement.
De Votre très Illustre Seigneurie,
Le très affectionné serviteur
dans le Christ,
FRANÇOIS, Evêque de Genève.
Annecy, le 29 septembre 1610.
Au très Illustre et très honoré Seigneur,
M. Jean-François Ranzo,
Gentilhomme de la Chambre de Son Altesse
Sérénissime.
theologie et chanoinne en l'eglise cathedrale de Saint Pierre de Geneve, né au dit Talloyres, aagé de septante ans, »
s'était «souvente foys aidé avec les autres a chanter une Messe dressee» à l'honneur du Bienheureux, «laquelle se
celebroit a l'autel de Nostre Dame de Consolation...»
1016 Amédée de Quoex, né en 1515, mourut le 30 septembre 1595, après avoir exercé avec autant de piété que de
dévouement pour sa Communauté la charge de prieur claustral avant 1592. (Talloires Martyrologium et Obituarium,
Musée Britannique, Ms. 22495.) Il fut singulièrement dévot au Bienheureux dont il portait le nom.
1017 Emmanuel-Philibert de Savoie, le troisième fils de Charles-Emmanuel et de Catherine-Michelle d'Autriche, naquit
le 17 avril 1588 et mourut à Palerme en 1624. Envoyé en 1603, avec ses deux aînés à la cour d'Espagne, il en revint
en 1606 et y retourna eu 1610 pour recevoir le titre et la charge de «généralissime de la Mer1.» En cette qualité, il
mena en Sicile en 1614 les galères espagnoles pour s'opposer à la descente des Turcs. Grand Prieur de Castille et de
Léon dès l'âge de dix ans, il était encore Chevalier de l'Ordre de Saint-Jean de Jérusalem, prince d'Oneille et vice-roi
de Sicile. (D'après Guichenon, Hist. généal. de la royale Maison de Savoie, tome II, chap. XXXVI.)
1 Il se rendait précisément dans ce pays, lorsqu'il fit halte à Chambéry, où François de Sales alla le saluer. Voici ce
qu'on lit dans les Entrées du Sénat, au sujet du passage du prince dans cette ville:
«12 septembre, dimanche. Mgr le Prince Philibert est arrivé a Chambery environ les onze heures du matin.
Mgrs du Senat sont allés au devant jusqu'à la croix... pres de Montmelian, et non en corps. Du dit jour, environ 4
heures, le Senat a esté en corps, avec les robes noires et le bonnet de velours, visiter et saluer Mgr le prince Philibert
au chasteau. La Chambre des Comptes a fait de mesme. Le 14, [le prince] est parti pour son voyage d'Espagne.»
1018 L'église de Saint-François à Chambéry, bâtie au XVe siècle par les Mineurs conventuels, est aujourd'hui la
cathédrale, mais il ne s'y trouve plus de chapelle dédiée au bienheureux Amédée.
241/329

25.2 Page 242

▲back to top


DCXXII. A Madame de la Fléchère1019. Condoléances sur la mort
de M. d'Avully, père de la destinataire. Raisons d'espérer que
Dieu l'aura reçu dans l'Eglise triomphante.
Septembre-octobre 1610.
Madame,
Je regrette avec vous la perte que nous avons faite de la presence de monsieur vostre
pere1020, et loüe neanmoins [351] Nostre Seigneur avec vous du gain qu'il a fait, en eschange de
cette miserable vie mortelle, avec la tres heureuse vie celeste a laquelle il a esté appellé. Cette
grace si signalee par laquelle il fut retiré d'entre les bras de l'erreur pour estre remis au giron de la
sainte Eglise militante, me fait croire que sa divine Majesté ne l'aura pas retiré du giron de la
militante que pour le loger en celuy de la triomphante, puisque mesme, quoy qu'il soit mort au
milieu de l'heresie1021, il est neanmoins trespassé en la foy et union de cette sainte Eglise militante,
sa mere et mere de tous les enfans de Dieu.
Soyés donq toute consolee en cette veritable confiance, ma chere Seur, et continues avec
fermeté a servir sa divine Majesté en pureté et sincerité. Je la supplie qu'elle regne par son saint
amour au milieu de nos cœurs, et suis,
Madame,
Vostre tres humble serviteur et frere
en Nostre Seigneur,
FRANÇS, E. de Geneve.
A Madame
Madame de la Flechere. [352]
DCXXIII. A la Mère de Chantal. Pourquoi François de Sales
travaille avec zèle au Traitté de l'Amour de Dieu. «Petites
lanterneries» et «petites clartés.» La parfaite résignation.
Une lettre où il est parlé mignardement de Celse-Bénigne.
Annecy, 9 octobre 16101022.
Je n'ay garde, ma tres chere Fille, de me rendre negligent en la besoigne que Dieu m'a mise
en main pour la gloire de son saint amour1023, car c'est la verité que je n'en sçaùrois chevir qu'avec
un grand effort, dautant que cet amour est un abisme des cœurs et des espritz. Je desire fort de
vous entretenir tout un' apres disner, mais tenes un peu bien prest ce que vous aves a me dire, et
vos petites lanterneries, dans lesquelles, si je puis, je mettray aussi des petites clartés, affin que vos
lanternes ne soyent pas du tout inutiles.
1019 Madeleine de Saint-Michel, qui avait épousé François de la Fléchère (voir tome XI, note (456), p. 199).
1020 M. d'Avully (ibid., note (451), p. 198).
1021 Il décéda en effet à Genève, où la maladie l'avait saisi; mais il eut la dévotion de demander les derniers Sacrements
qu'il reçut dans le mystère, des mains du «Reverend sieur Nicolas Gottry, chanoyne de la cathedrale de Geneve et
lhors curé de Cholex.» (Process. remiss. Gebenn. (I), dép. d'Antoine Bouvard, ad art. 9.)
La date de cette mort, arrivée au mois de septembre 1610, fixe d'une manière approximative celle de cette
lettre.
1022 Cette lettre, que Migne date de 1614, est sûrement de 1610. C'est ce que prouvent les billets du 3 et du 5 décembre,
relatifs à la sainte Communion; la mention de la fête de saint Denis, tombant cette année-là un samedi, et la présence
du Saint à Annecy le lùndi suivant.
1023 Le Traitté de l'Amour de Dieu.
242/329

25.3 Page 243

▲back to top


J'avois dit a M. Michel1024 que vous communieries; et ce grand Saint1025 merite bien qu'on
face soigneusement sa feste, quand ce ne seroit que pour apprendre a porter nos testes et que nos
testes ne nous portent pas, qui est la perfaite resignation.
Je vis des hyer la lettre du bon Pere, et pour ce qui me regarde, je vous en entretiendray la
centiesme partie d'un quart d'heure, car il ny a pas pour davantage. Mais quant a vostre Celse
Benigne, gardes bien que vous savouriés delicieusement tout ce qui est dit si joliment de luy, car
c'est vostr'enfant. Dieu luy donnera beaucoup de grandes perfections et solides, sil exauce mes
[353] prieres. Je verray voir si je pourray gaigner l'esprit de nostre Seur Jaqueline, et seray bien
discret a la persuader1026. Voyla donq la chere lettre que je vous renvoye, car je ne voudrois estre
plus longuement depositaire d'un escrit qui parle de Celse Benine si mignardement.
Bon soir, ma tres chere Seur, ma Fille; soyes bien toute a Nostre Seigneur. Je le supplie
quil vous face abonder en son tressaint amour et toutes nos cheres filles1027. Je vay escrire a la
petite seur1028 par monsieur son mari qui s'en reva. Lundi, Dieu aydant, nous dirons le reste. Sa
divine Majesté remplisse et occupe a jamais tout nostre cœur. Amen.
Revu sur l'Autographe conservé à Lyon, paroisse de Saint-Joseph.
1024 M. Michel Favre, aumônier du Saint et confesseur de la Visitation d'Annecy, exerça ce dernier ministère jusqu'à
sa mort (24 avril 1633). Sa note sera donnée plus loin.
1025 Saint Denis, que l'art chrétien représente portant sa tête dans les mains.
1026 Pour servir la Mère de Chantal et ses filles, la «Seur Jaqueline» n'était ménagère ni de son temps, ni de sa peine,
ni de son sommeil: elle manquait de discrétion. Il semble donc que le Saint fut prié par la Mère de Chantal d'intervenir
auprès de l'intrépide tourière, afin de l'engager à être moins rigide à soi-même.
1027 La Communauté comprenait alors, les Sœurs Favre, de Bréchard, Roget, de Chastel, Milletot, Anne-Jacqueline
Coste. Peut-être Françoise de Chantal était-elle avec sa mère à cette date.
1028 Marie-Aimée.
243/329

25.4 Page 244

▲back to top


DCXXIV. A Mademoiselle de Vallon1029 (Inédite). Une
nouvelle postulante pour la Maison de la Galerie. Par quelles
vertus s'entretient le désir de la vie religieuse.
Annecy, 28 octobre 1610
Madamoyselle, Vostre desir de vivre toute a Nostre Seigneur m'est extremement aggreable,
et vous tesmoigneray combien [354] j'en [ai de mon1030] costé pour vous en faire reuscir
heureusement, quand monsieur vostre pere1031 apportera ce qui est requis de sa part. Et ce pendant,
nourrisses cherement la sacree inspiration que Dieu vous a donnee, par tous les bons exercices qui
peuvent establir vostre cœur en l'humilité, douceur et pureté; car si vous jettes ainsy vostre fiance
en cette souveraine Bonté, ell'abbregera les jours pour vous faire plus tost jouir de la retraitte a
laquelle elle vous appelle.
Donnes moy part a vos prieres, puisque je suis,
Madamoyselle,
Vostre tres affectionné et bien humble
en Nostre Seigneur,
FRANÇS, E. de Geneve.
XXVIII octobre 1610.
Madamoyselle
Madamoyselle de Vallon.
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Montpellier. [355]
1029 Claudine de Vallon (cf. ci-dessus, note (942), p. 329), fille de Guy Joly, seigneur de Vallon, et de Marguerite de
Prez, naquit en 1593, entra à la Visitation, reçut à la vêture (19 avril 1617) le nom de Sœur Claude-Catherine et fit
profession le 23 mai 1618. Assistante et directrice à Marseille (1633-1634), elle revint à Annecy, fut supérieure à
Thonon de 1631 à 1635, puis reprit à Annecy les charges de sacristine et de directrice, gouverna la Maisou de Fribourg
(1643-1646) et retourna, pour n'en plus sortir, à la Sainte-Source, où elle fut conseillère et surveillante. Elle mourut le
26 avril 1677, après soixante années de vie religieuse.
Mlle de Vallon était une chablaisienne fort attachée aux erreurs du calvinisme; une fois éclairée, cette âme
droite et ferme ne revint plus en arrière j elle répondit à sa vocation avec une exactitude et une piété qui ne se
démentirent jamais. (D'après le Livre du Couvent, du 1er Monastère de la Visitation d'Annecy et la Lettre circulaire
du 22 juin 1678.)
1030 L'Autographe est déchiré; les mots qui manquent sont ajoutés entre crochets [ ].
1031 Le père de la destinataire, Guy Joly, fils de noble Georges, seigneur de Drusilly, et de Pernette Thibaud, avait
épousé Marguerite de Prez, dame de Drusilly; celle-ci vivait encore le 24 mars 1609. Il mourut à Anthy et fut enterré
à Thonon le 17 janvier 1618. Le seigneur de Vallon figure, dans l'histoire du Chablais, parmi les gentilshommes que
le zèle de François de Sales ramena au catholicisme, et, de l'aveu d'un déposant converti en même temps que les frères
Joly, le Saint «prit une tres grande peyne» pour les instruire. (Process. remiss. Gebenn, (I), dép. d'Antoine de Prez, ad
art. 11.)
244/329

25.5 Page 245

▲back to top


DCXXV. A M. Philippe de Villers1032. Différend avec le Chapitre
de Belley, à propos des cures et églises des paroisses vacantes.
Affaire de M. de Sauzéa. La vérité est toujours la plus
forte.
Annecy, 4 novembre 1610.
Monsieur mon bon Pere,
A ce renouvellement des entrees de la cour, me voyci a vostre porte, requerant quil vous
playse avoir le soin et de l'affaire de ce porteur1033 et de celle que j'ay pour la cure des Abergemens
contre le Chapitre de Belley1034, qui a le tort principalement en ce quil me veut priver de la garde
des cures et eglises parrochiales vacantes1035, contre toute rayson, contre toute coustume et contre
les [356] articles que nous avions signés et arrestés par composition amiable1036, mais articles
lesquelz ayans esté rompuz de leur part, je ne restabliray pas si aysement; puysque mesme je
reconnois tous les jours plus clairement que leurs provisions du doyenné de Seyserieu sont foibles
et imbecilles, au pris de celles de monsieur de Vitré1037, et que d'ailleurs ces messieurs ne songent
qu'a s'avancer sur l'authorité de l'Evesque, qu'a pervertir la discipline ecclesiastique et qu'a nous
introduire des methodes contraires aux Conciles. Je vous supplie donq de me bien favoriser pour
ce regard.
Et quant a l'affaire de M. de Sauzea, j'ay appris chose qui m'a despieu; et c'est que sa partie
a remis son droit a M. Gontier, homme puissant et de grand credit1038, comm'on me dit. Neanmoins,
la verité est tous-jours la plus forte.
1032 Voir le tome précédent, note (103), p. 23. M. de Villers mourut vers mars 1621 et fut regretté du Saint comme un
parent. Une de ses petites-filles, Anne-Thérèse de Villers, entra à la Visitation de Dijon.
1033 Le porteur était probablement André de Sauzéa (voir le tome précédent, note (741), p. 271, et la page suivante).
L'affaire qui le concernait se rapportait sans doute au doyenné de Belley. Au mois de janvier 1604, il présentait des
Bulles par lesquelles le Pape Clément VIII l'avait pourvu du décanat de Belley. Or, messire Jean Mermet, docteur en
droit, archidiacre de la cathédrale de Saint-Jean de Belley, prétextant avoir été nommé auparavant à ce bénéfice,
s'opposa le 20 avril 1605, à la mise en possession d'André de Sauzéa. Malgré cette opposition, ce dernier fut iustallé,
mais ce ne fut pas sans de grandes difficultés, car le compétiteur ne voulut pas sortir du siège, et la mise en possession
se fit «par attouchement d'ycelle place.» (R. E.)
1034 Cf. infra, Epist. DCXXVIII.
1035 Voici d'où venaient les difficultés que suscitait au Saint le Chapitre de Belley. Celui-ci affirmait avoir un droit de
patronage sur trente-sept églises du Bugey, Valromey et Chautagne, dépendantes du diocèse de Genève, et entre autres,
sur la cure des Abergements. Le prieur de Nantua, alors Mgr André Frémyot, prétendait aussi avoir un droit semblable
sur ce dernier bénéfice. Malgré les réclamations des opposants, saint François de Sales s'en tint aux prescriptions du
Concile de Trente et fit mettre au concours ladite cure, le 29 avril 1610. Les examinateurs la décernèrent à Claude de
Cheynel, qui fut jugé le plus capable parmi les concurrents. (R. E.)
1036 Dans la même assemblée du 29 avril 1610 (voir la note précédente), une transaction avait été présentée comme
ayant été contractée entre François de Sales et Jean-Claude de Migieu, primicier, chanoine et procureur du Chapitre
de Belley, le 1er septembre 1609. (R. E.) Cet arrangement serait-il la «composition amiable» mentionnée ici?
1037 La cure de Ceyzérieu était alors disputée par Antoine Boudon, chanoine de Belley, et Jacques Leynez, licencié en
droit-canon. A la suite d'un procès, ce dernier, qui avait reçu l'institution pour ce bénéfice le 19 janvier et le 23 juin
1605, l'abandonne à M. Boudon, moyennant une pension, par un accord passé le 10 novembre 1620. (R. E.)
«Monsieur de Vitré, » autre compétiteur de ce même doyenné, est vraisemblablement Dom Eustache Le Compasseur,
Religieux et chambrier de l'abbaye d'Ambronay, fils de Bénigne Le Compasseur, seigneur de Vitré ou Vitrey.
1038 L' «homme puissant et de grand credit» pourrait être l'un des Gonthier dont les noms suivent:
Jean Gonthier, seigneur du Sauvement, conseiller-clerc au Parlement de Dijon (1602), sans doute le même qui figure
comme greffier au Parlement dans son contrat de mariage avec Marie Camus, fille de Jean Camus, seigneur de Saint-
Bonnet. Gaspard Gonthier, conseiller aux requêtes du Palais à Dijon (1619). Palamède Gonthier, élu du Roi aux
Etats de Bourgogne en 1613. Claude Gonthier, chanoine et prévôt de la Sainte-Chapelle de Dijon en 1643. (Archiv.
départ, de la Côte-d'Or.)
245/329

25.6 Page 246

▲back to top


Je n'escriray point pour ce coup a madamoyselle ma chere mere1039, par ce que ce porteur
me presse et m'a treuvé entre mille embarassemens; mais il ne passera beaucoup de jours que je
ne repare ce defaut. Ce pendant je prieray Nostre Seigneur pour vous, Monsieur, et pour [357] elle,
comm'estant inviolablement de tous deux, avec un cœur tout filial,
Bien humble et tres asseuré serviteur,
FRANÇS, E. de Geneve.
4 novembre 1610.
A Monsieur
Monsieur de Vilers,
Advocat au Parlement.
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Valence.
DCXXVI. A Madame Bourgeois, Abbesse du Puits-d'Orbe. Le
profit qu'on peut retirer d'un mal incurable. En quels cas le
monde juge sévèrement les âmes qui l'ont quitté pour le cloître;
celles-ci perdent toujours quelque chose aux sorties. Il faut
avoir quelque égard à l'opinion publique. Une ancienne
coutume du monde; son pharisaïsme. Contrairement à l'esprit
du siècle, c'est aux supérieurs à gagner les inférieurs. Une
abbesse et une prieure un peu refroidies; exhortation du Saint
pour ramener entre les deux sœurs l'amitié fraternelle.
Annecy, 6 novembre 1610.
Certes, j'ay bien eu du contentement de sçavoir de vos nouvelles apres tant de tems que
j'avois demeuré sans en recevoir, ma tres chere Fille, par vous mesme; car, que me peuvent dire
de certain, de vous ni de vos affaires, tous les autres?
Mays, ma tres chere Fille, en fin tous les remedes humains se sont treuvés inutiles pour la
guerison de cette pauvre jambe, qui vous donne une peine qu'il faut sagement convertir en
pœnitence perpetuelle. A la verité, j'ay tous-jours eu cette cogitation, que toutes ces applications
reusciroyent tres mal, et que c'estoit un coup que la Providence celeste vous avoit donné, affin de
vous donner sujet de patience et mortification. O quelz tresors pouvies vous assembler par ce
moyen! Il le faut faire dores en avant, et vivre comm'une veritable rose1040 entre les espines1041.
Mays on m'a escrit que vous esties au Puy d'Orbe avec de vos Filles, et le reste estoit
demeuré a Chatillon1042. Cela est vray, car l'eusse [on pas dit1043, je l'eusse deviné. Mais ça esté
1039 Jeanne de Villers, femme du destinataire (voir tome XIII, note (103), p. 23).
1040 La destinataire, on le sait, s'appelait Rose.
1041 Cf. Cant., II, 2, et t. praeced., pp. 27, 62.
1042 La Communauté du Puits-d'Orbe fut transférée entièrement en 1619 à Chatillon-sur-Seine, alors du diocèse de
Langres. Ce fut le 23 février 1641, que des Constitutions furent données aux Révérendes Mères Abbesse et
Religieuses, par les soins de Dom Jean de Boucher de Flogny, grand-prieur et grand-vicaire de l'abbaye de Moutier-
Saint-Jean et en cette qualité, supérieur regulier de l'abbaye du Puits-d'Orbe.
1043 On lit dans l'Autographe: «car l'eusse...» au lieu de «je l'eusse deviné, » que portent les imprimés. Comme le bord
du papier a été coupé et laisse voir après IV final de «l'eusse» le trait d'une autre lettre, on peut supposer que le Saint
avait écrit: «car l'eusse on pas dit, » etc. La fin de cette phrase et le commencement de la phrase suivante, qui ont
246/329

25.7 Page 247

▲back to top


pour peu, ce me dites-vous,] et pour un bon et legitime sujet. Je le croy; mays croyes moy aussi,
ma tres chere Fille, que comme les filles qui ont quitté le monde devroyent ne le jamais vouloir
voir, aussi le monde qui a quitté les filles ne le (sic) voudroit jamais voir, et pour peu qu'il les voye,
il s'en fasche et murmure. C'est la verité aussi que l'on perd tous-jours quelque chose aux sorties
qui peuvent, voire mesme avec quelque perte temporelle, estre evitees. Pour cela, si vous escoutes
mes advis, vous sortires le moins quil vous sera possible, et mesme pour ouyr les sermons, puisque
vous aures bien le credit d'avoir quelquefois le praedicateur en vostre oratoire, qui dira des choses
toutes propres pour vostre assemblee.
Certes, il faut avoir quelque egard a la voix commune, et faut beaucoup faire de choses
pour eviter les bruitz des enfans du monde. Certes, si je sçavois, disoit ce grand spectacle de
religion et de devotion, saint Paul1044, si je sçavois qu'en mangeant de la chair je donnasse du
scandale au prochain, je n'en mangerois jamais a l'aeternité. Contentes en cela messieurs vos
parens, et je croy qu'apres vous pourres confidemment leur demander du secours pour vous bien
loger, car il me semble que je les [voy qui disent: Pourquoy loger a] commodité des filles1045…..qui
sortent [359] et vont parmi le monde? Et le desplaysir qu'ilz ont de ces sorties fait qu'ilz en
exagerent la quantité et qualité. C'est l'ancienne coustume du monde de treuver qu'il luy est loysible
de parler des ecclesiastiques a toute main, et croit que pourveu qu'il ayt quelque chose a dire sur
iceux, il ni aura plus rien a dire sur ses partisans.
Or sus, ni auroit pas moyen que vous sçeussies treuver le biays par lequel il faut prendre et
garder le cœur et l'affection de madame la Prieure nostre seur1046? car encor que selon le monde
c'est aux inferieurs a rechercher la bienveuillance des superieurs, si est ce que selon Dieu et les
Apostres c'est aux superieurs a rechercher les inferieurs et les gaigner; car ainsy fait nostre
Redempteur, ainsy ont fait les Apostres, ainsy ont fait, font et feront a jamais tous les Praelatz
zelés en l'amour de leur Maistre. Je confesse que je n'admire nullement que vos proches se
scandalizent de voir la froideur de l'amitié qui est entre deux seurs naturelles, deux seurs
spirituelles, deux seurs Religieuses. Il faut remedier a cela, ma tres chere Fille, et ne permettre pas
que cette tentation dure. Il se peut faire qu'ell'ayt le tort, mais du moins aures vous celuy la, de ne
la pas ramener a vostre amour par le tesmoignage continuel et incessable de celuy que vous luy
deves selon Dieu et le monde.
Vous voyes de quelle liberté j'use a vous1047 [dire mes sentimens, ma chere Fille, car vous
estes] une fille que je desire estre tous-jours victorieuse de la victoire que l'Apostre annonce1048:
Ne soyes point vancu (sic) par le mal, mais vainques le mal par le bien. Si je vous parlois
autrement, je vous trahirois; et je ne puis ni ne veux vous aymer que tout a fait paternellement, ma
tres chere Fille, que je prie Nostre Seigneur vouloir combler de graces [360] et [de] ses
consolations, saluant tres humblement toute vostre chere compaignie.
Vostre tres humble frere et serviteur,
F. E. de Geneve.
VI novembre 1610.
A Madame
Madame l'Abbesse [du] Puys d'Orbe.
Chatillon.
disparu par suite de la mutilation de l'Autographe, [sont empruntés au texte imprimé, ainsi que les mots insérés entre
crochets [ ] à la fin de cette page.
1044 I Cor., VIII, ult.
1045 Après ce mot, une ligne a été coupée; les éditions n'en ont pas tenu compte et poursuivent comme s'il n'y avait
aucune lacune. Il n'est pas possible de restituer'la phrase absente.
1046 Françoise Bourgeois, sœur de l'Abbesse.
1047 La dernière ligne de la troisième page de l'Autographe est coupée entièrement; le texte se continue en marge de la
même page, par ces mots: «une fille que je desire estre tous-jours» etc. La suite de la phrase que nous rétablissons
entre crochets [ ], paraît mieux s'accorder avec le contexte que celle des éditions précédentes et a pu tenir dans une
ligne de l'Autographe.
1048 Rom., XII, ult.
247/329

25.8 Page 248

▲back to top


Revu sur l'Autographe conservé à Saint-Loup-sur-Aujon (Haute-Marne),
au Pensionnat du Coeur Immaculé de Marie.
DCXXVII. A M. Pioton1049. Prière de retirer un legs en faveur
d'une œuvre pieuse.
Sales, 9 novembre 1610.
Monsieur,
Je vous prie de prendre la peyne de retirer le legz fait a la Sainte Mayson, duquel ou vous
ou l'hoir aves adverti M. de Blonnay, affin qu'il soit employé, selon l'intention du legataire, en une
œuvre grandement pieuse [361] qui se praesente maintenant1050. Et puysque le sieur de Blonnay
vous en escrit encor, je n'employeray rien de plus pour ce sujet, qui suis tous-jours de tout mon
cœur,
Monsieur,
Vostre plus humble, tres affectionné serviteur
en Nostre Seigneur,
FRANÇS, E. de Geneve.
A Sales, 9 novembre 1610.
A Monsieur Piotton,
Advocat au Souverain Senat.
1049 Le destinataire est, ou Jean Pioton, nouvel avocat à la rentrée du 3 novembre 1605, connu par son humeur
batailleuse, ou François Pioton.
Celui-ci, ami et allié de la famille de Blonay, est peut-être le fils de Claude Pioton, châtelain d'Abondance.
Né vers 1573, il devint avocat au souverain Sénat de Savoie. Son entente des affaires, une inclination naturelle à rendre
service en firent un très précieux ami pour la Visitation. C'était aussi un fils spirituel de saint François de Sales, qu'il
eut sans doute l'occasion de rencontrer chez les de Blonay. La Fondatrice l'appelle son «bon très cher frère.» Le nom
de ce saint homme apparaît à tout instant dans ses Lettres, où l'on voit qu'il la seconda efficacement dans les fondations
de Chambéry, Evian, Thonon, etc. François Pioton accompagna la Mère de Chantal à la fondation de Turin (1638); il
revint en Savoie l'année suivante et fut ordonné prêtre le 25 mai 1641, dans l'église de la Visitation. (R. E.) Le 25
septembre 1643, le Ier Monastère le désigna officiellement pour la charge de confesseur qu'il avait déjà remplie à titre
provisoire pendant seize mois. M. Jean-Paul Truitat lui succéda au mois d'octobre 1648. (Archiv. de la Visitation
d'Annecy.) M. Pioton mourut en odeur de grande piété, nous ne savons à quelle date.
1050 Décédé juste deux mois auparavant (voir ci-dessus, note (1021), p. 352), M. d'Avully avait peut-être fait un legs
à la Sainte-Maison, lui, son bienfaiteur de la première heure. (Cf. tome XII, p. 450.) Dans ce cas, «l'hoir» (l'héritier)
serait l'un des fils du défunt, Gabriel, ou François-Melchior.
248/329

25.9 Page 249

▲back to top


DCXXVIII. Au Président Antoine Favre. Les curés de
Valromey et le Parlement de Dijon. Le Saint réclame
l'intervention de son ami pour obtenir du Sénat une pièce utile
au procès.
Annecy, 20 novembre 1610.
Monsieur mon Frere,
Quelques curés de Valromey ont des proces a Dijon ausquelz j'ay deu intervenir pour les
droitz de l'evesché1051. Or, nous sommes reduitz a devoir preuver que nous avons ci devant conferé
les cures par le concours, et que, quand il est arrivé quelque proces devant le Senat pour ce regard
le Senat a jugé selon ce concours et en faveur d'iceluy. C'est pourquoy ce porteur [362] recourt a
vous affin quil vous playse favoriser la supplication quil presentera, pour obtenir une declaration
propre pour fayre foy au Parlement de Digeon de ce que nous avons allegué, ainsy que je viens de
dire.
J'en parlay l'autre jour a monsieur l'advocat general1052, qui me dit que malaysement
obtiendrions-nous une telle declaration, mais que le Senat feroit bien faire un'information par un
commissaire deputé de sa part, qui pourroit servir autant que l'attestation mesme; ce qui suffiroit,
car je ne suis point attaché a la maniere. Je vous supplie donq, Monsieur mon Frere, de nous
gratifier en cett'occasion, laquelle nous est importante et qui regarde une grande suite.
Je prieray ce pendant Nostre Seigneur quil vous conserve et prospere de plus en plus,
demeurant,
Monsieur mon Frere,
Vostre tres humble frere et serviteur,
FRANÇS, E. de Geneve.
XX novembre 1610.
A Monsieur
Monsieur Favre, Baron de Peroges,
Conseiller d'Estat de S. A.,
Premier President de Savoye.
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation du Mans. [363]
1051 Ces procès se rapportent probablement aux contestations qui avaient surgi à propos d'une nomination faite par le
Saint à la cure des Abergements. (Voir ci-dessus, note (1035), p. 356.) Nous savons en effet que le Chapitre de Belley
protesta contre la nomination qui fut faite, malgré son opposition, de Claude de Cheynel, le 29 avril précédent. (R. E.)
1052 Pierre Favier du Noyer de Lescheraine (voir tome XII, note (348), p. 154), qui épousa Marguerite, fille de Jean
Boysson ou Buysson, et à la mort de celle-ci, Dlle Philiberte, fille de noble Etienne Mareschal, avait été reçu avocat
général le 29 août 1601.
249/329

25.10 Page 250

▲back to top


DCXXIX. A Madame de Cornillon, sa sœur (Fragment). Les
croix domestiques; il faut savoir les bien prendre.
Sales, 23 ou 24 novembre 16101053.
J'ay appris que mon frere1054 et vous, estes tous-jours, et de plus en plus, exercés par les
volontés de monsieur vostre pere1055. Ma Fille, si vous sçaves bien prendre cette croix, vous seres
bien heureuse, car Dieu vous donnera en eschange mille benedictions, non seulement en l'autre
vie, mais mesme en celle cy; mais il faut estre courageuse et perseverante en douceur et patience.
Madame de Chantal se recommande mille fois tres affectionnement a vous et vous souhaitte
continuellement accroissement de l'amour de Dieu.
Bon jour, ma chere Fille, ma Seur; je suis
Vostre frere tout vostre,
FRANÇS, E. de Geneve.
A Sales, d'ou je pars vendredy pour aller a mon devoir en ces Advens1056. [364]
DCXXX. A Madame de la Fléchère (Inédite). Une tranquillité
fainéante et trompeuse. Quand faut-il augmenter les
Communions, au lieu de les diminuer. Le Saint, ennemi, dans
ses visites, des cérémonies, compliments et perte de temps.
Sales, 24 novembre 1610.
Or sus, il faut donq bien tous-jours perseverer, ma tres chere Fille, a colloquer vivement
toute vostre confiance en Nostre Seigneur parmi ce grand embarras d'affaires qui sont dessus vos
bras, qui vous servira de juste sujet pour vous bien fonder en la resignation et tranquillité; car la
tranquillité qui n'est pas exercee par la tempeste est une tranquillité faineante et trompeuse.
Mais pourquoy dites-vous, ma chere Fille, que s'il vous faut aller a Chambery1057 vous
craignes d'interrompre vos exercices, et particulierement celuy de la Communion? O Dieu, ma
Fille, un peu de diligence de plus vous conservera vos exercices sains et sauves entre tous ces
tracas. Il s'en faut bien garder de quitter le manger quand il faut travailler; au contraire, il le faut
accroistre. Ayés bon courage, ma chere Fille, il faut bien tenir nostre cœur a l'espreuve de toutes
rencontres.
Vrayement je desire fort de vous aller voir, mais je voudrois, s'il se pouvoit, que ce fust
sans avoir occasion de m'engager en ceremonies, complimens et perte de tems ailleurs, comme je
crois la chere seur1058 vous devoir avoir dit; car si ce n'eust esté cette consideration, puisque j'avois
1053 La date de 1611 n'est pas absolument improbable, mais les salutations de Mme de Chantal, le lieu d'où cette lettre
est partie, semblent justifier plutôt la date proposée pour ce fragment, lequel, croyons-nous, a été interpolé par les
éditeurs précédents. (Voir plus haut, note (701), p. 244.)
1054 Melchior de Cornillon, mari de la destinataire (voir ci-dessus, note (467), p. 158).
1055 Raymond-Charles de Cornillon, seigneur de Meyrens, Bardonnenche, etc., qui exerçait la patience de sa belle-
fille, avait épousé en premières noces (contrat dotal du 14 février 1567), Philiberte, fille de François de Thoyre, et en
secondes noces, Eglantine de Moreau. (Cf. ci-dessus, note (700), p. 244.) Il mourut en 1616.
1056 Le prédicateur de l'Avent 1610 fut un Capucin, et sans doute le P. François de Chambéry (cf. ci-après, note (1091),
p. 375); mais le Saint prêcha aussi durant la sta'tion. (Voir tome VIII, pp. 62-67.)
1057 La destinataire s'y rendait souvent pour ses procès.
1058 Peut-être Mme d'Avise, sœur de Mme de la Fléchère.
250/329

26 Pages 251-260

▲back to top


26.1 Page 251

▲back to top


le pied a l'estrier, je fusse retourné de Chambery1059 par devers vous. Or bien, comme que ce soit,
[365] nous demeurerons tous-jours bien unis, Dieu aydant, au desir de servir et aymer parfaitement
nostre Sauveur.
Je vous escris sans loysir. A Dieu, ma tres chere Fille, a Dieu soyons nous a jamais. Amen.
Je suis en luy, tres entierement tout vostre et
Vostre plus humble compere et serviteur,
FRANÇS, E. de Geneve.
24 novembre 1610.
A Madame de la Flechere.
Revu sur une ancienne copie conservée à la Visitation de Turin.
1059 Le Saint paraît avoir été à Chambéry entre le 9 et le 30 novembre. (Cf. ci-dessus, p. 363, et ci-après, p. 373.)
251/329

26.2 Page 252

▲back to top


DCXXXI. A la Mère de Chantal. Quelques bonnes pensées pour
passer l'Avent avec dévotion: trois objets capables de ravir les
cœurs en la sainte dilection.
Annecy, 28 novembre 1610.
Vous voules, ma tres chere Fille, quelques bonnes pensees qui aydent a nos Seurs a passer
les Advens avec autant de devotion qu'elles en ont le desir. Que vous diray je, ma Fille, sinon que
la sainte Eglise Romaine, nostre mere, conduit aujourd'huy ses enfans a Sainte Marie la Majeure
pour y faire la station et y commencer les Advens1060. Faysons en de mesme, ma tres chere Fille;
entrons en esprit dans l'intention de la sainte Eglise, et dans cette unité, retirons nous aupres de la
sacree Vierge, nostre bonne Mere et Maistresse.
Nous verrons dans ce mois trois objetz, non seulement capables d'occuper nos ames, mays
qui doivent [366] ravir nos cœurs en la sainte dilection. Le premier objet, c'est Marie conçeùe sans
peché; le second, saint Jean, l'enfant de la grace, criant au desert pour faire aplanir les chemins1061
pour FEspoux qui doit arriver; le troisiesme, ce mesme Espoux et Sauveur arrivant par sa sainte
naissance, qui nous fait chanter joyeusement a Noël l'Emmanuel Dieu avec nous1062.
Voyla asses dequoy mediter, ma Fille, jusques a ce que je vous voye avec la chere petite
trouppe, que Dieu veuille benir.
Revu sur un ancien Manuscrit de l'Année Sainte de la Visitation,
conservé au 1er Monastère d'Annecy.
DCXXXII. A Monseigneur Vespasien Gribaldi, ancien
Archevêque de Vienne1063. Le Prélat destinataire est prié de
vouloir bien réconcilier un cimetière profané par un assassinat.
Annecy, 1er décembre 1610.
Monseigneur,
Je reçois un extreme desplaysir du malheur arrivé ces jours passés a Saint Paul1064; malheur
environné de cent deplorables circonstances. Mays celle du violement du cimetiere me regardant,
affin d'y donner le plus digne et [367] prompt remede que je puis, je vous supplie tres humblement,
Monseigneur de vouloir, en quelque journee aggreable, prendre la peyne de faire la reconciliation
1060 Les stations, marquées aujourd'hui encore au missel romain, étaient autrefois des processions de tout le clergé et
de tout le peuple, qui se rendaient à une église désignée, pour la célébration de l'Office et de la sainte Messe. Le
premier dimanche de l'Avent, la «station» était à Sainte-Marie ad Praesepe ou Sainte-Marie-Majeure. Cette allusion
liturgique indique la date de la lettre.
1061 Is., XL, 3, 4; Matt., III, 1-3.
1062 Is., VII, 14; Matt., 1, 23.
1063 Voir sa notice au tome XII, note (51), p. 24.
1064 Dans la paroisse de Saint-Paul, près d'Evian, le 18 novembre précédent, le fils de Claude de Blonay, Gabriel de
Blonay, avait été assassiné par Georgios ou Georges Hyos du Nant, dit de Russin. Celui-ci fut «convaincu par les
preuves resultaut du proces, d'avoir de propos deliberé et de guet apend, » avec la complicité de «Charron, pedagogue
de ses enfants, et Claude Requet (ou Reguet) agredy le dict sieur Gabriel de Blonnay estant au cimetiere avec messire
Claude Orset, curé du lieux (sic), et icelluy de Blonnay tué, massacré et assassiné avec supercherie... le 18 novembre
dernier, passé environ les trois heures de l'apres midi...» (Arrêt criminel du 26 mai 1611, publié par M. Duplan, Evian-
les-Bains, 1897.) Plus tard, il sera parlé des suites de ce tragique événement.
252/329

26.3 Page 253

▲back to top


requise1065; en quoy vous favoriseres infiniment ce pauvre peuple qui, ne pouvant mais du crime,
ne laysse pas de souffrir la privation de cette commodité spirituelle, et m'obligeres de rechef a
vostr'obeissance, a laquelle pour tant d'autres raysons je suis tout voué et dedié.
Cependant je prieray Nostre Seigneur quil vous prospere et multiplie vos ans en sa
benediction, qui est le souhait ordinaire de celuy qui, vous baysant tres humblement les mains, se
tient glorieux d'estre,
Monseigneur,
Vostre tres humble et tres obeissant
filz et serviteur,
FRANÇS, E. de Geneve.
1 decembre 1610.
A Monseigneur
Monseigneur le Rme Archevesque de Vienne.
A Evian.
Revu sur l'Autographe conservé au château de Marin (Chablais),
Archives de Blonay. [368]
DCXXXIII. A la Mère de Chantal. Pratique conseillée à la Mère
de Chantal pour s'attirer la spéciale protection de Notre-Dame.
Annecy, 3 décembre 1610.
Sur ces nouveaux courages que nous prenons, je voy arriver la feste de la Conception de
Nostre Dame, feste de tres particuliere devotion a ceux qui sont voués et dediés a son service.
Affin donques qu'elle prene en sa speciale protection nostr'ame et nostre Congregation, nous
commencerons ce jour la a communier quotidiennement1066; et je vous en advertis a l'avantage,
affin que ces jours d'entredeux soyent employés a la preparation de la reception d'un si excellent
benefice. Ces grans Saintz qu on celebre ces jours, viennent a propos pour nous ayder: saint
Nicolas, saint Ambroyse, et demain sainte Barbe. Dimanche1067, c'est le jour des louanges de saint
Jean Baptiste prononcees magnifiquement par le Sauveur de nos ames1068.
C'est le bon jour que je vous donne, ma tres chere Fille, sans pour cela vouloir dire que je
ne vous aille voir quand je pourray.
Revu sur l'Autographe conservé à Versailles, dans la Maison de Notre-Dame
de la Retraite au Cénacle. [369]
1065 En tant que lieu sacré, parce que bénit, le cimetière de Saint-Paul avait subi une profanation, à cause du meurtre
qui s'y était commis. Pour le réconcilier, c'est-à-dire pour le bénir de nouveau, le Saint recourait à un évêque, sans
doute parce que ce cimetière avait reçu la bénédiction solennelle dite consécration, laquelle est un acte de l'ordre
épiscopal. (Voir à l'Appendice I, les Facultés délivrées à François de Sales par la Congrégation du Saint-Office, le 17
juillet 1608.)
1066 Le 8 décembre 1641, la Mère de Chantal disait que ce jour lui était «bien particulier, car, » ajoutait-elle, «il y a
aujourd'hui trente-un ans accomplis que, par le commandement de notre bienheureux Père, je communie tous les jours,
indigne que je suis de cette grâce.» (Mémoires de la Mère de Chaugy, Partie II, chap. XXXII.) De ces paroles et de
l'allusion à la fête de sainte Barbe, on a pu déduire avec certitude la date de ce billet.
1067 Secunda Adventus.
1068 Matt., XI, 2-10.
253/329

26.4 Page 254

▲back to top


DCXXXIV. Au Président Antoine Favre. Le grand tracas d'un
premier Président. Le prieuré de Contamine, les Chevaliers
de Saint-Lazare et la Sainte-Maison de Thonon. Les Pères
Feuillants. L'hôtesse du Chablais.
Annecy, 5 décembre 1610.
Monsieur mon Frere,
Avec mille actions de graces des deux dernieres lettres [que1069] vous aves pris
l'incommodité de m'escrire emmi ce grand tracas qui vous accable1070, je vous supplie de ne jamais
faire aucune sorte d'effort pour me donner ce contentement; car encor que je confesse quil soit
grand, si est ce que celuy de vostre conservation et repos m'est incomparablement plus grand.
Je me res-jouis de la bonne volonté du sieur chevalier Buccio; je doute pourtant que Son
Altesse n'apporte quelqu'excuse a la nomination, a cause de la praetention que messieurs de Saint
Lazare ont d'employer le nom de la Sainte Mayson pour accroistre la leur [de ce bien]1071; mays
les essays ne peuvent point nuyre et peuvent reuscir. O Dieu, j'ay le coeur a demi gasté des alarmes
qu'on [370] me donne d'une rude guerre pour nostre Prince1072, bien que j'espere en cette
souveraine Providence qu'elle reduira le tout a nostre profit.
Les bons Peres Feuillans escrivent aux leurs de Thurin pour l'affaire de Talloyres1073, et
moy encor avec eux. Je vous supplie de commander a du Pont1074 de les remettre au premier qui
passe en Piemont. Ces Peres sont revenuz tous pleins de respect et d'amour cordial pour vous et
toute vostre mayson.
La fille1075 se porte bien et tous-jours bonne fille, je veux dire tous-jours meilleure. Madame
du Foug, ma tante, et, comme je crois, vostre hostesse de Thonon, me prie par une lettre, que je
vous recommande l'affaire qu'ell'a au Senat. Je ne sçai quel il est; mays elle, ell'est certes digne de
faveur pour mille raysons, entre lesquelles celle-ci me presse, qu'ell'a esté nostre Rahab1076 en
Chablaix1077. Hormis que toute sa vie ell'a esté de bonne reputation, la comparayson est bonne.
[371]
1069 L'Autographe de cette lettre a été bien détérioré par l'humidité; quelques mots sont complètement effacés, d'autres
le sont en partie. Nous plaçons entre crochets [ ] ceux qui ont disparu de l'original et dont la plupart se trouvent dans
le texte publié pour la première fois par Hérissant (1758).
1070 En arrivant à Chambéry, Antoine Favre trouva tant d'affaires à résoudre, qu'il dut siéger neuf mois de suite et à
toutes les audiences.
1071 La Sainte-Maison de Thonon avait droit aux revenus du prieuré de Contamine (voir tome XII, note (552), p. 241),
qui lui avait été uni par la Bulle d'érection du 13 septembre 1599. Le prieur commendataire, qui pouvait garder le
bénéfice jusqu'à sa mort, ne pouvait pas le résigner entre les mains d'un autre. Philippe Buccio (voir ibid., note (21),
p. 5) essaya en vain jusqu'en 1615 d'usurper ce dernier droit. A la date de cette lettre, «le sieur chevalier Buccio»
voulait-il résigner son bénéfice en faveur d'un membre de la Sainte-Maison? C'est sans doute de cette «bonne volonté»
que François de Sales se réjouit. On verra la suite de cette affaire dans les lettres ultérieures.
1072 A cette date, l'Espagne avait désarmé (voir ci-après, note (1153), p. 398), mais Charles-Emmanuel songea alors à
tourner ses armes contre Genève. Cette ville se mit aussitôt en bonne défense contre les entreprises du duc. Les Bernois
vinrent à son secours, renforcés par bon nombre de gentilshommes français, de la religion prétendue réformée. Marie
de Médicis, touchée des malheurs que cette campagne allait entraîner, finit par persuader Charles-Emmanuel d'y
renoncer. Ainsi cette «rude guerre» n'eut pas lieu.
1073 Pour réformer Talloires, le Saint avait songé à y établir les PP. Feuillants. (Cf. ci-dessus, note (518), p. 173.)
«L'affaire» dont il esi parlé ici doit se apporter à ce dessein, lequel, comme on sait, n'aboutit pas.
1074 Me Jean Dupont, d'abord secrétaire de M. de la Roche, premier président de la Chambre des Comptes, figure dans
les Délibérations municipales d'Annecy, au 12 avril 1610, comme secrétaire d'Antoine Favre, et ce même jour, la ville,
pour reconnaître ses services, lui délivre gratuitement des lettres de bourgeoisie.
1075 Sœur Marie-Jacqueline Favre.
1076 Josue, II.
1077 Cette «Rahab» du Chablais dont le Saint gardait un souvenir si reconnaissant, lui fut en effet, dans les mauvais
jours, une hôtesse toute secourable. Quand le grand Missionnaire vint se fixer à Thonon, «damoiselle Jeanne de
Maney, vefve de noble François du. Foug, Procureur fiscal du «luché de Chablais, » y demeurait. «Elle avoit des-ja
254/329

26.5 Page 255

▲back to top


Je prie Nostre Seigneur quil vous renforce de plus en plus pour porter le [faix] quil a imposé
sur vos espaules, et que ce soit par apres [tres] longuement, car ce sera tres heureusement. Je suis,
Monsieur [mon Frere],
Vostre tres humble frere et serviteur,
FRANÇS, [E. de] Geneve.
51078 decembre 1610.
Revu sur l'Autographe conservé à Paris, au Carmel de la rue Denfert-Rochereau.
DCXXXV. A la Présidente Favre1079. Une lettre écrite après dix
heures du soir. Les additions à une nouvelle édition de
l'Introduction à la Vie devote. Notre guide, notre nocher
pendant notre navigation. Le moyen de ne rien craindre.
Annecy, 5 décembre 1610.
1080Ne penses pas, ma Seur tres chere, que je n'aye de la peyne a demeurer tant sans vous
escrire, et principalement [372] maintenant qu'au rapport des bons Peres Feuillans1081 vous estes
encor un peu tendre en santé. Certes, je voudrois bien tous les jours vous envoyer quelque petite
marque de la souvenance que j'ay de vostre dilection; mais je suis quelquefois sans loysir et d'autres
fois sans commodité. Or bien, encor vous escris-je maintenant apres dix heures du soir, pour
accompaigner le livre ci joint qui me semble un peu plus correct que ceux des autres editions, bien
que je ne l'aye pas veu que par ci par la; et, outre ce, il y a trois chapitres: Des habitz, Des desirs
et Quil faut avoir l'esprit juste1082. Tel quil est, il part de l'homme du monde qui vous souhaite plus
de benedictions cælestes.
Je n'eu pas le loysir de me resouvenir, quand je fus a Chamberi1083, de vous dire que je vous
avois envoyé une copie des principaux statutz de la Visitation; et si, je ne me souviens pas par qui
de fort long temps obligé toute la maison de Sales par un grand nombre de services, procedez de son amitié et de celle
de son mary; mesmes qu'elle avoit des-ja souvent receu le Bienheureux François dans sa maison, tant pour y prendre
sa refection que pour estudier. Elle luy offrit de nouveau une partie de son logis avec une franchise tres-grande, car
elle l'aymoit souverainement...» (Charles-Auguste, Histoire, etc., liv. II.)
1078 Sur l'Autographe, ce quantième est illisible; Hérissant le donne d'après l'original. On peut l'en croire, car à cette
même date, nous avons une lettre à la présidente Favre.
1079 Philiberte Martin de la Perouse, fille de Michaud ou Michel Martin, seigneur de la Perouse et Clartans, et de
Guillemette du Tartre, était veuve de noble Claude Daniel lorsqu'elle épousa, avant le 29 septembre 1606, le président
Antoine Favre, dont la première femme, Benoîte Favre, était décédée avant le 18 mai de cette même année. Elle fut
enterrée le 11 janvier 1624, dans l'église des Franciscains (Sainte-Marie-Egyptienne), où le 1er mars suivant, le cercueil
de son mari devait la rejoindre. Le Général de la Grande-Chartreuse, Dom Bruno d'Affringues, écrivait le 18 janvier
1624 à son ami le Président: «... Le decez de Madame vostre femme... m'a faict soudain ressentir en l'ame l'aigreur et
la douleur que vous en souffrez, perdant en icelle un precieux thresor de toute honnesteté et vertu et une ferme colonne
de vostre maison.» (Voir Mugnier, Hist. d'Antoine Favre, 1902-1903, chap. XV, XXII.)
Ces louanges ne paraissent point excessives; elles sont d'ailleurs justifiées par les regrets d'Antoinê Favre qui
semble n'avoir pu survivre à sa perte. François de Sales tenait la Présidente en singulière estime; cela se voit au ton
des lettres qu'il lui adresse et aussi par les mentions qu'il fait d'elle en écrivant à d'autres correspondants.
1080 Cet alinéa et le suivant sont inédits.
1081 Vide Ep. præced.
1082 Les trois chapitres dont parle le Saint avaient déjà figuré dans l'édition princeps, mais dans la seconde édition, ils
furent « oubliés par mesgarde, » comme le dit l'Auteur lui-même dans l'Avis au lecteur de la troisième édition. (Voir
tome III, p. 3.)
1083 Cf. ci-dessus, p. 350, et note (1059), p. 365.
255/329

26.6 Page 256

▲back to top


je les envoyay. Oseray-je bien vous prier de faire tenir la lettre ci jointe a la petite Chatel1084? C'est
sa bonne seur qui la m'a envoyee; et je puis bien dire sa bonne seur, car vrayement elle l'est1085.
Mais et nostre fille1086 et tout, est bien la vrayment bonne fille. Toute leur Mayson vous salue,
notamment Mme de Chantal qui vous honnore et cherit ardemment.
1087Gardes bien de laysser convertir vostre soin en troublement et inquietude, et toute
embarquee que vous estes sur les vagues et parmi les vens de plusieurs tracas, regardes tous-jours
au Ciel et dites a Nostre Seigneur: O Dieu, c'est pour vous que je vogue et navige, soyes ma guide
et mon nocher. Et puis consoles vous, que quand nous serons au port, les douceurs que nous y
[373] aurons, effaceront les travaux pris pour y aller. Or, nous y allons parmi tous ces orages,
pourveu que nous ayons le cœur droit, l'intention bonne, le courage ferme, l'œil en Dieu et en luy
toute nostre fiance. Que si la force de la tempeste nous esmeut quelquefois un peu l'estomach et
nous fait un petit tourner la teste, ne nous estonnons point, mays soudain que nous pourrons,
reprenons haleyne et nous animons a mieux faire.
Bonsoir, ma tres chere Seur, ma Fille. Craignons [Dieu] et nous ne craindrons point autre
chose; aymons Dieu et nous aymerons tout'autre chose. Je suis en luy tout vostre et
Vostre humble frere et serviteur,
FRANÇS, E. de Geneve.
5 decembre 1610.
A Madame
Madame la premiere Presidente de Savoye.
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Dietramszell (Bavière).
1084 Sans doute Claudine de Chastel (voir plus haut, pp. 18, 28).
1085 Sœur Péronne-Marie de Chastel, dont la note sera donnée plus loin.
1086 Sœur Marie-Jacqueline Favre.
1087 Toute cette fin de lettre, à l'exception du dernier alinéa qui est inédit, a été publiée parles éditeurs de 1626 comme
appartenant à la lettre du [6 août 1610, ] donnée ci-dessus, p. 338.
256/329

26.7 Page 257

▲back to top


DCXXXVI. A la Mère de Chantal. Les désirs d'un Saint à
propos de la manducation quotienne du «Pain vivant et
suressentiel.» Les vertus dont il embaume les âmes qui le
reçoivent.
Annecy, 5 décembre 16101088.
Mon Dieu, ma chere Fille, certes il me tarde que je vous voye. Au reste, je me porte fort
bien, et vostre cœur, tout autant que je le puis connoistre. J'ay prié avec une ardeur tres particuliere
ce matin pour nostre advancement au saint amour de Dieu, et me sens des plus grans desirs que
jamais au bien de nostre ame. Ah! Ce [374] dis-je, o Sauveur de nostre cœur, puisque meshuy nous
serons tous les jours a vostre table pour manger non seulement vostre pain, mays vous mesme, qui
estes nostre pain vivant1089 et sur essentiel1090, faites que tous les jours nous facions une bonne et
parfaite digestion de cette viande tres parfaitte, et que nous vivions perpetuellement embausmés
de vostre sacree douceur, bonté et amour.
Je vay au sermon du Pere François1091; ce soir j'en fay un a Sainte Claire1092. Mais l'autre
soir, ce sera vers demain, il faut escrire a Dijon, car mardy nous envoyerons; mais si je puis, je
vous verray.
Bon soir, unique et tres chere Seur, ma Fille. Je ne veux pas que vous jeusnies cette annee.
[375]
1088 L'allusion à la Communion quotidienne que la Sainte commença à faire le 8 décembre suivant (cf. ci-dessus, Lettre
DCXXXIII), la mention du P. François et du sermon que le Saint fit lui-même à Sainte-Claire, garantissent la date
proposée.
1089 Joan., VI, 51.
1090 Matt., VI, 11.
1091 Nous savons par les Délibérations municipales d'Annecy, que le prédicateur de l'Avent en 1610 était un «celebre
Capucin.» D'après la présente lettre, il s'appelait P. François. On peut donc croire qu'il s'agit ici du P. François de
Chambéry. (Cf. tome XI, note (419), p. 179, et ci-dessus, note (1056), p. 364.)
1092 Le Saint prêcha sur saint Jean-Baptiste, dont il est fait mention dans l'Evangile du jour. (Voir tome VIII, p. 64.)
257/329

26.8 Page 258

▲back to top


DCXXXVII. A M. Celse-Benigne de Chantal1093. Conseils à un
jeune homme qui allait à la cour de France; à quelles âmes cette
fréquentation est-elle moins dangereuse. Ses écueils, leurs
pernicieux effets. Remèdes: les «viandes spirituelles et
divines.» Eviter les mauvaises lectures, Rabelais, «cet
infâme,» et les sceptiques. La vraie courtoisie. Ne pas
s'embarrasser parmi les amourettes. Faire profession ouverte
de vouloir vivre vertueusement, judicieusement, constamment et
chrétiennement. Les vertueux à la philosophique. En quoi
il ne faut pas marchander. Se choisir des amis de même
intention. Recourir à la direction d'un prêtre, Religieux ou
séculier. Un exercice de fainéant. — Avoir un cœur
vigoureux, et pourquoi. L'idéal d'un courtisan, d'après saint
Louis; portrait de ce prince. La bravoure et la piété. Une
méditation à faire souvent. Le patron, la voile, l'ancre, le vent
qu'il faut choisir pour voguer sur la haute mer du monde.
Annecy, 8 décembre 1610.
Monsieur,
En fin donq vous alles faire voyle et prendre la haute mer du monde en la cour. Dieu vous
veuille estre propice, et que sa sainte main soit tous-jours avec vous.
Je ne suis pas si paoureux que plusieurs autres, et n'estime pas cette profession-la des plus
dangereuses pour les ames bien nees et pour les courages masles, car il n'y a que deux principaux
escueilz en ce gouffre: la vanité, qui ruine les espritz molz, faineans, feminins et flouetz, et
l'ambition, qui perd les cœurs audacieux et presomptueux. Et comme la vanité est un manquement
de courage, qui, n'ayant pas la force d'entreprendre l'acquisition de la vraye et solide louange, en
veut et se contente d'en avoir de la fause et vuide, aussi l'ambition [376] est un exces de courage
qui nous porte a pourchasser des gloires et honneurs sans et contre la regle de la rayson. Ainsy, la
vanité fait qu'on s'amuse a ces folastres galanteries qui sont a louange devant les femmes et autres
espritz minces, et qui sont a mespris devant les grans courages et espritz relevés, et l'ambition fait
que l'on veut avoir les honneurs avant que les avoir merités. C'est elle qui nous fait mettre en conte
pour nous, et a trop haut prix, le bien de nos predecesseurs, et voudrions volontier tirer nostre
estime de la leur.
Or, Monsieur, contre tout cela, puisqu'il vous plaist que je vous parle ainsy, continués a
nourrir vostre esprit des viandes spirituelles et divines, car elles le rendront lort contre la vanité et
juste contre l'ambition. Tenes bon a la frequente Communion, et croyés-moy, vous ne sçauries
faire chose qui vous affermisse tant en la vertu, lit pour bien vous asseurer en cet exercice, ranges-
1093 Nous pourrions proposer d'autres destinataires, mais c'est encore en faveur de Celse-Bénigne de Chantal que les
probabilités semblent le moins contestables. (Cf. tome XII, note (827), p. 328.)
Celse-Bénigne était à la cour en 1613. En 1610; il avait quinze ans, et sans doute, déjà il laissait paraître les
qualités et les défauts de sa race. Les conseils de cette lettre lui conviendraient assez bien. En tout cas, si le départ du
jeune gentilhomme avait été décidé en novembre-décembre 1610, il dut être différé par la maladie et la mort de son
grand-père le président Frémyot.
258/329

26.9 Page 259

▲back to top


vous sous le conseil de quelque bon confesseur, et le priés qu'il prenne authorité de vous demander
conte en confession des retardemens que vous feres en cet exercice, si par fortune vous en faisies.
Confesses-vous tous-jours humblement, et avec un vray et expres propos de vous amender.
N'oubliés jamais (mais de cela je vous en conjure) de demander a genoux le secours de Nostre
Seigneur avant que de sortir de vostre logis, et de demander le pardon de vos fautes avant que
d'aller coucher.
Sur tout, gardés vous des mauvais livres, et pour rien du monde ne laissés point emporter
vostre esprit apres certains escritz que les cervelles foibles admirent, a cause de certaines vaines
subtilités qu'ilz y hument, comme cet infame Rabelais et certains autres de nostre aage, qui font
profession de revoquer tout en doute, de mespriser tout et se mocquer de toutes les maximes de
l'antiquité. Au contraire, ayés des livres de solide doctrine, et sur tout des chrestiens et spirituelz,
pour vous y recreer de tems en tems.
Je vous recommande la douce et sincere courtoysie qui n'offense personne et oblige tout le
monde, qui cherche plus l'amour que l'honneur, qui ne raille jamais aux [377] despens de personne,
ni piquamment, qui ne recule personne et aussi n'est jamais reculee, et si elle l'est, ce n'est que
rarement; en eschange dequoy, elle est tres souvent honnorablement avancee.
Prenés garde, je vous supplie, a ne vous point embarrasser parmi les amourettes, et a ne
point permettre a vos affections de prevenir vostre jugement et rayson au choix des sujetz
aymables; car, quand une fois l'affection a pris sa course, elle traisne le jugement comme un
esclave, a des choix fort impertinens et dignes du repentir qui les suit par apres bien tost.
Je voudrois que d'abord, en devis et maintien et en conversation, vous fissies profession
ouverte et expresse de vouloir vivre vertueusement, judicieusement, constamment et
chrestiennement. Je dis vertueusement, affin qu'aucun ne pretende de vous engager aux
desbauches. Judicieusement, affin que vous ne fassies pas des signes extremes, en l'exterieur, de
vostre intention, mais telz seulement que, selon vostre condition, ilz ne puissent estre censurés des
sages. Constamment, parce que, si vous ne tesmoignes pas avec perseverance une volonté esgale
et inviolable, vous exposeres vos resolutions aux desseins et attaques de plusieurs miserables ames
qui attaquent les autres pour les reduire a leur train. Et je dis en fin chrestiennement, pour ce que
plusieurs font profession de vouloir estre vertueux a la philosophique, qui neanmoins ne le sont ni
ne le peuvent estre en façon quelconque, et ne sont autre chose que certains fantosmes de vertu,
couvrant a ceux qui ne les hantent pas leurs mauvaise vie et humeurs par des ceremonieuses
contenances et paroles. Mais nous, qui sçavons bien que nous, ne sçaurions avoir un seul brin de
vertu que par la grace de Nostre Seigneur1094, nous devons employer la pieté et la sainte devotion
pour vivre vertueusement; autrement, nous n'aurons des vertus qu'en imagination et en ombre. Or,
il importe infiniment de se faire connoistre de bonne heure tel qu'on veut estre tous-jours; et en
cela, il ne faut pas marchander.
Il vous importera aussi infiniment de faire quelques [378] amis de mesme intention, avec
lesquelz vous puissies vous entreporter et fortifier; car c'est chose toute vraye que le commerce de
ceux qui ont l'ame bien dressee, nous sert infiniment a bien dresser ou a bien tenir dressee la nostre.
Je pense que vous treuveres bien aux Jesuites, ou aux Capucins, ou aux Feuillans, ou mesme hors
des monasteres, quelque esprit courtois qui se res-jouira si quelquefois vous l'alles voir pour vous
recreer et prendre haleyne spirituelle.
Mais il faut que vous me permetties de vous dire quelque chose en particulier. Voyés-vous,
Monsieur, je crains que vous ne retournies au jeu, et je le crains parce que ce vous sera un tres
grand mal: cela, en peu de jours, dissiperoit vostre cœur et feroit flestrir toutes les fleurs de vos
bons desirs. C'est un exercice de faineant; et ceux qui se veulent donner du bruit et de l'accueil
jouant avec les grans, disans que c'est le plus court moyen de se faire connoistre, tesmoignent qu'ilz
n'ont point de bonne marque de merite, puisqu'ilz ont recours a ces moyens propres a ceux qui,
ayans de l'argent, le veulent hazarder; et ne leur est pas grande la louange d'estre connus pour
1094 Cf. Joan., XV, 5.
259/329

26.10 Page 260

▲back to top


joueurs, mais s'il leur arrive de grandes pertes, chacun les connoist pour folz. Je laisse a part les
suites des choleres, des espoirs et forceneries, desquelz pas un joueur n'a aucune exemption.
Je vous souhaitte encor un cœur vigoureux pour ne point trop flatter vostre cors en
delicatesse au manger, au dormir et telles autres mollesses; car en fin, un cœur genereux a tous-
jours un peu de mespris des mignardises et delices corporelles. Neanmoins Nostre Seigneur dit1095
que ceux qui s'habillent mollement sont es maysons des rois; c'est pourquoy je vous en parle. Et
Nostre Seigneur ne veut pas dire qu'il faille que tous ceux qui sont es cours s'habillent mollement;
mais il dit seulement que, coustumierement, ceux qui s'habillent mollement se treuvent la. Or, je
ne parle pas de l'exterieur de l'habit, mais de l'interieur; car pour l'exterieur, vous sçavés trop mieux
la bienseance, il ne m'appartient pas d'en parler. [379]
Je veux donq dire que je voudrois que parfois vous gourmandassies vostre cors a luy faire
sentir quelques aspretés et duretés, par le mespris des delicatesses et le renoncement frequent des
choses aggreables aux sens; car encor faut-il quelquefois que la rayson fasse l'exercice de sa
superiorité et de l'authorité qu'elle a de ranger les appetitz sensuelz.
Mon Dieu, je suis trop long, et si, je ne sçai ce que j'escris, car c'est sans loysir et a diverses
reprises. Vous connoisses mon cœur et treuveres tout bon.
Encor faut-il pourtant que je vous die ceci. Imaginés-vous que vous fussies courtisan de
saint Louys: il aymoit, ce Roy saint (et le Roy est maintenant saint par innocence1096), qu'on fust
brave, courageux, genereux, de bonne humeur, courtois, civil, franc, poly; et neanmoins, il aymoit
sur tout qu'on fust bon Chrestien. Et si vous eussies esté aupres de luy, vous l'eussies veu rire
amiablement aux occasions, parler hardiment quand il en estoit tems, avoir soin que tout fust en
lustre autour de luy, comme un autre Salomon, pour maintenir la dignité royale; et un moment
apres, servir les pauvres aux hospitaux, et en fin marier la vertu civile avec la chrestienne, et la
majesté avec l'humilité. C'est, en un mot, ce qu'il faut entreprendre, de n'estre pas moins brave
pour estre Chrestien, ni moins Chrestien pour estre brave. Et pour faire cela, il faut estre tres bon
Chrestien, c'est a dire fort devot, pieux et, s'il se peut, spirituel; car, comme dit saint Paul1097,
l'homme spirituel discerne tout: il connoist en quel tems, en quel rang, par quelle methode il faut
mettre en œuvre chaque vertu.
Faites souvent cette bonne pensee, que nous cheminons en ce monde entre le Paradis et
l'enfer, que le dernier pas sera celuy qui nous mettra au logis eternel et que nous ne sçavons lequel
sera le dernier, et que, pour bien faire le dernier, il faut s'essayer de bien faire tous les autres. O
sainte et interminable eternité, bienheureux qui vous considere! Ouy, car qu'est-ce que [ce] [380]
desduit de petitz enfans que nous faysons en ce monde pour je ne sçai combien de jours? Rien du
tout, si ce n'estoit que c'est le passage a l'eternité. Pour cela donq il nous faut avoir soin du tems
que nous avons a demeurer ça bas, et de toutes nos occupations, affin que nous les employons a la
conqueste du bien permanent.
Aymés-moy tous-jours comme chose vostre, car je le suis en Nostre Seigneur, vous
souhaittant tout bonheur pour ce monde et sur tout pour l'autre. Dieu vous benisse et vous tienne
de sa sainte main. Et pour finir par ou j'ay commencé: vous alles prendre la haute mer du monde,
ne changés pas pour cela de patron, ni de mat, ni de voyle, ni d'ancre, ni de vent. Ayés tous-jours
Jesus Christ pour patron, sa Croix pour arbre, sur lequel vous estendies vos resolutions en guise
de voyle; vostre ancre soit une profonde confiance en luy, et allés a la bonne heure. Veuille a
jamais le vent propice des inspirations celestes enfler de plus en plus les voyles de vostre vaysseau
et vous faire heureusement surgir au port de la sainte eternité, que de si bon cœur vous souhaite
sans cesse,
Monsieur,
Vostre plus humble serviteur,
FRANÇS, E. de Geneve.
Ce 8 decembre 1610.
1095 Matt., XI, 8.
1096 Louis XIII, né le 27 septembre 1601, avait à cette époque neuf ans.
1097 I Cor., II, 15.
260/329

27 Pages 261-270

▲back to top


27.1 Page 261

▲back to top


DCXXXVIII. A la Mère de Chantal. Pourquoi ne pas se
tourmenter des fâcheuses pensées qui sont autour, du cœur. A
quelle condition rien ne nous offensera.
Annecy, [8 décembre 16101098.]
En fin ce beau jour, si propre pour aller vers vous, ma tres chere Fille, s'escoule ainsy sans
que j'aye ce [381] contentement; au moins faut que je supplee en quelque sorte par ce petit mot,
que je sauve d'entre les affaires que certains Religieux m'apportent.
Bon soir donq, ma tres chere Fille. Ayés bien soin de soulager doucement vostre pauvre
cœur; gardés-vous bien de luy sçavoir mauvais gré de ces fascheuses pensees qui luy sont autour.
Non, ma Fille, car le pauvret n'en peut mais, et Dieu mesme ne luy en sçait aucun mauvais gré
pour cela; au contraire, sa divine sagesse se plaist a voir que ce petit cœur va tremblotant a l'ombre
du mal, comme un foible petit poussin a l'ombre du milan qui va voltigeant au dessus de luy1099;
car c'est signe qu'il est bon, ce cœur, et qu'il abhorre les mauvaises fantasies.
Mais, ma tres chere Fille, nous avons nostre Mere, sous les aisles de laquelle nous faut
fourrer. Recourons a la Croix, et l'embrassons de cœur; demeurons en paix a l'ombre de ce saint
arbre. Mon Dieu! il est impossible que rien nous offense, tandis qu'avec une vraye resolution nous
voulons estre tout a Dieu; et neanmoins nous sçavons bien que nous le voulons.
Bon soir de rechef, ma tres chere Fille; ne vous inquietés point, mocqués-vous de l'ennemy,
car vous estes entre les bras du Tout Puissant. Dieu soit a jamais nostre force et nostre amour!
Demain, moyennant sa grace, nous vous irons voir, ma tres cherement unique Fille de mon cœur.
[382]
1098 La dernière phrase de la lettre avertit qu'elle s'adresse à la Mère de Chantal.
Quant à la date du 8 décembre 1610, on peut la conjecturer avec quelque vraisemblance, de l'appellation de
«Fille», laquelle fait penser aux premières années de la Visitation. Les allusions à la Sainte Vierge et la mention des
«Religieux» (cf. ci-dessus, pp. 371, 373) servent à confirmer le quantième proposé.
1099 Cf. S. Aug., Conf., 1. XII, c. XXVII.
261/329

27.2 Page 262

▲back to top


DCXXXIX. A M. Pierre Rigaud1100 (Inédite). Le Saint et son
éditeur lyonnais. Celui-ci le presse «de rendre fait» le Traitté
de l'Amour de Dieu. Commande de livres.
Annecy, 14 décembre 1610.
Monsieur Rigaud,
Je suis marri que vous ayes eu l'incommodité d'envoyer expres ce porteur qui m'a rendu les
livres que vous luy avies confiés. Il est, au demeurant, hors de mon pouvoir de rendre fait le Traitté
de l'Amour de Dieu de quelque tems, pour le peu de loysir que mes continuelles occupations me
laissent, quoy que je sois soigneux de n'en perdre pas un seul moment. Mais quand il sera en estat
d'estre envoyé, je vous avertiray quelques semaines devant, affin que vous ayes ce qui sera [383]
convenable pour l'edition, en suite de ce que ci devant je vous en ay dit et escrit a monsieur le
Suffragant1101.
Je vous prie de m'envoyer par la premiere commodité le livre de La Venerie, de Jaques du
Fouilloux1102, et celuy d'Esperron1103, et un petit livret du Combat spirituel, de ceux qui sont
nagueres traduitz1104.
Dieu vous conserve et prospere, et je suis,
Monsieur Rigaud,
Vostre bien humble et affectionné a vous
faire service,
1100 Pierre Rigand était l'aîné des enfants de Claudine Dumergue, la fille d'un imprimeur, et du fameux Benoît Rigaud.
A la mort de celui-ci (23 mars 1597), sa maison fut administrée sous la raison sociale; Heritiers de Benoist Rigaud.
Pierre imprima jusqu'en 1657. Il avait pour enseigne: A la Fortune, et pour légende: Invidiam Fortuna domat. Quand
il édita les ouvrages de l'rançois de Sales, il dirigeait l'imprimerie sous son propre nom. (Cf. Baudrier, Bibliographie
lyonnaise, Lyon, 1895-1904.)
Pierre Rigaud figure en bonne place dans la corporation des imprimeurs lyonnais du XVIIe siècle, si justement
célèbres par leur savoir, le bon choix des livres qu'ils publièrent et la beauté de leur exécution. Après trois siècles, on
admire encore leur résistante solidité. La clientèle de François de Sales n'a pas nui à la célébrité de l'imprimeur lyonnais
qui habitait «en rue Mcrciere, au coing de riie Ferrandiere, » et sa fortune n'en a pas souffert. En 1613, il avait gagné
vingt mille francs avec les réimpressions de l'Introduction à la Vie devote. (Process. remiss. Gebenn. (I), dép. de
François de Ronis, ad art. 44.) Pierre Rigaud voulut un jour témoigner sa gratitude à l'Auteur et lui offrit quatre cents
écus d'or. Le Saint, dépose François Favre (Process. remiss. Gebenn. (II), ad art. 51), les refusa, puis sur les instances
de l'imprimeur, les accepta: «Ils serviront, » dit-il, «à fournir la dot d'une jeune fille pieuse et pauvre, appelée de Dieu
à la vocation religieuse.»
1101 Robert Berthelot, docteur de Paris, de l'Ordre des Carmes, évêque de Damas, avait été choisi par l'Archevêque de
Lyon, Albert de Bellièvre, comme suffragant aux fonctions pontificales. C'est lui qui approuva l'Introduction à la Vie
devote, le 4 août 1608 (voir notre tome III, p. 11*) et le Traittè de l'Amour de Dieu, le 20 mai 1616, en décernant de
grands éloges à la doctrine et à l'Auteur. Le 13 février 1600 il était alors provincial des Carmes, Frère Berthelot
avait déjà donné l'approbation à la Defense de l'Estendart de la sainte Croix; enfin, ce fut encore lui qui approuva la
première édition des Constitutions de la Visitation (1619). «Monsieur le Suffragant» visita le Saint à son lit de mort,
avec de grands témoignages d'affection. Quand le corps du Bienheureux fut embaumé, «on le revestit avec des habits
pontificaulx que Monseigneur l'Evesque de Damas presta, lesquels despuis il a gardé avec beaucoup d'honneur,
comme reliques.» (Process. remiss. Gebenn. (I), dép. de Georges Rolland, ad art. 53.)
1102 Jacques du Fouilloux, seigneur de Bouille (1521-1580). Le «livre» demandé par saint François de Sales porte le
titre suivant:
La Venerie de Jacques de Fouilloux... dedié au Roy tres-chrestien, contenant plusieurs preceptes et des
remedes pour guerir les chiens de diverses maladies. Poitiers, 1560. L'ouvrage eut un grand succès, fut souvent
réimprimé au XVIe et au XVIIe siècle, et traduit en plusieurs langues. De nos jours, une nouvelle édition a été publiée
à Angers (1844), par Jérôme Pichon.
1103 Charles d'Arcussia, né au château d'Esparron en 1545, et mort en 1617. La Fauconnerie d'Esparron, ouvrage
souvent réimprimé et traduit, parut à Aix en Provence, en 1598. C'est l'édition in-40 de Rouen (1647) qui est la plus
recherchée comme étant la meilleure.
1104 Denis de Santeuil avait donné une traduction du fameux opuscule en 1608. (Voir tome Ier, note (14), p. XLIV, et
tome XII, note (221), p. 122.) L'intéressante dédicace qu'il en fait à François de Sales est datée du 1er janvier. Cette
traduction serait-elle celle que désigne le Saint?
262/329

27.3 Page 263

▲back to top


FRANÇS, E. de Geneve.
XIIII decembre 1610, a Neci.
A Monsr
Monsr Rigaud, marchand libraire.
A Lion.
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Bourg-en-Bresse. [384]
DCXL. A M. Jacques de Bay. Le Saint s'intéresse aux études
d'un jeune annécien et demande que le collège de Savoie de
Louvain lui soit rouvert.
Annecy, 16 décembre 1610.
Monsieur,
La bonté d'Anthoyne Gard1105, bourgeois de cette ville, me rend fort desireux du bien de
son filz Jean Baptiste, lequel ayant esté receu ci devant en vostre college1106, est decheu de cette
grace quil tenoit de vostre faveur. Je vous supplie donq de tout mon cœur, Monsieur, qu'il vous
playse le restablir en ce bonheur, sans lequel il est a craindre qu'il ne perde tout celuy du reste de
sa vie. Et outre le contentement que vous aures d'avoir exercé une telle charité a l'endroit de toute
un' honnorable famille, faysant revivre l'enfant qui sembloit perdu1107, vous me rendres de plus en
plus obligé de [385] vous honnorer avec le respect que, pour plusieurs autres raysons, je veux et
dois rendre a vos merites.
Et me promettant cette gratification de vostre bienveuillance, je demeureray a vous
souhaitter toute sainte consolation caeleste, et seray tous-jours,
Monsieur,
Vostre humble confrere et serviteur
en Nostre Seigneur,
FRANÇS, E. de Geneve.
XVI decembre 1610, a Neci.
A Monsieur
Monsieur de Bay,
Docteur et Lecteur en la sainte Theologie, Doyen de St Pierre,
President du College de Savoye a
Louvain.
1105 Antoine Gard était officier domestique du duc de Nemours.
1106 Jean-Baptiste Gard, annécien, né en 1588, fit ses études à Louvain, reçut la prêtrise dès mains du Saint (2 avril
1616), devint prêtre d'honneur, puis chanoine de Notre-Dame de Liesse en 1621, et recteur de Saint-Maurice avant
1627. Il mourut le 26 juin 1658, archiprêtre des Machabées. (R. E. et Reg. paroiss.) Le bienheureux Evêque vantait
«sa vertu, sa pieté, sa suffisance» quand il le proposa au duc de Nemours pour la stalle du Chapitre de Notre-Dame.
(Lettre du 4 mars 1621.) Pendant la peste de 1629 et 1630 qui désola Annecy, sa conduite fut héroïque. Jean-Baptiste
Gard déposa en 1656, et sa déposition est remarquable autant par la précision des détails que parle ton de filiale
vénération qui accompagne ses récits. Pour attester que la réputation de sainteté de François de Sales dépassait les
montagnes de Savoie, il raconte le fait suivant (Process. remiss. Gcbenn. (II), ad art. 16): «Lors que j'allay a Louvain,
il me fit la grace de me donner une lettre de faveur pour me faire recevoir au college. Il l'addressoit au premier
President, nommé Jaques de Bayo, qui estoit premier Professeur de cette Université fameuse, qui aiant receu ladite
lettre, la baisa reveremment, et l'aiant leue et releue avec veneration, la fit lire publiquement a table, disant tout haut
que c'estoit la lettre d'un Sainct, et que nous estions trop heureux d'avoir un si sainct Evesque pour nostre Pasteur et il
pleura de joye, et me dit qu'il garderoit cette lettre comme une relique.»
1107 Cf. Luc., XV, 24.
263/329

27.4 Page 264

▲back to top


Revu sur l'Autographe conservé à Bruxelles, Bibliothèque des PP. Bollandistes.
DCXLI. A M. Philippe de Quoex. Dans les appointements, le
Saint n'est pour personne. Pas de particularités dans sa
Congrégation; il faut que tout y «aille d'un train.»
Annecy, 17 décembre 1610.
Monsieur,
Voyla vostre porteur1108 que nous vous renvoyons despéché. Je serviray madame
d'Avully1109 en tout ce qu'il [386] me sera possible, notamment en l'un et en l'autre des articles que
vous me marques.
Et quant au premier, bien que je n'aye pas accoustumé d'estre pour personne es
appointemens, attendu que ma qualité m'invite tous-jours a la neutralité pour penser la paix1110, si
est-ce que, si elle le veut ainsy, je me dispenseray de lettre pour ce coup, et M. de la Roche1111, qui
est dehors, estant venu, je luy parleray a mesme effect.
Quant au second, je pense qu'il faudra attendre qu'elle vienne icy pour voir le train de cette
Congregation, affin que, selon le jour qu'elle prendra, on regarde de luy donner satisfaction, s'il se
peut1112. Neanmoins, je veux bien dire que malaysement pourroit-on luy permettre d'avoir une fille
de chambre qui ne fust pas de la mayson, mais ouy bien qu'elle fust specialement servie par mie
de celles qui seront en la mayson. C'est affin que tout, la dedans, aille d'un train. Certes, pour moy,
je souhaitterois fort de la voir bien consolee en cette vocation la.
Ne me faites point d'excuses a m'escrire bien ou mal, car ne me faut nulle sorte d'autre
ceremonie que de m'aymer en Nostre Seigneur, selon lequel je suis
Vostre plus humble confrere,
FRANÇS, E. de Geneve.
Ce 17 decembre 1610. [387]
1108 Hérissant (1758) donne: «Voyla vostre prestre.» Il a sans doute mal lu; ne serait-ce pas pour le mot que nous
substituons?
1109 Florise de Boyvin, fille aînée de noble et puissant seigneur messire François de Boyvin, baron du Villars (cf. tome
XII, note (1046), p. 417), épousa M. d'Àvully par contrat du 10 octobre 1608 (voir tome XI, note (451, 453), pp. 198,
199). Elle vivait encore le 13 décembre 1634. A la mort de son mari (cf. ci-dessus, note (1021), p. 352), son hoirie se
trouva fort embrouillée. Des sommes promises à Florise par son contrat de mariage, ne lui furent pas payées; de là,
des contestations avec les héritiers du défunt, des procès, des tentatives d'«appointemens» qui n'avaient pas encore
abouti en 1612. (Archiv. de la Visitation d'Annecy, Collection J. Vuÿ.)
1110 Jerem., XXIX, 11.
1111 Sans doute Jean Joly, seigneur de la Roche et d'Alery (voir le tome précédent, note (977), p. 364). La Mère de la
Roche, sa fille, dit dans sa déposition, en parlant du Saint (Process. remiss. Aurelianensis, ad art. 28): «Une grande
partie de son temps s'employoit a apaiser des querelles, a suprimer des proces... et mon pere... y assistoit presque
ordinairement
1112 Mme d'Avully désirait sans doute faire un essai de la vie religieuse dans la maison de la Galerie. Les Annales de
l'Institut ne disent pas si elle donna suite à son dessein.
264/329

27.5 Page 265

▲back to top


DCXLII. Au Président Antoine Favre. Les «bonnes coustumes»
de Savoie. Rendez-vous pour les âmes chrétiennes unies
d'affection. Une amitié sans limites.
Annecy, 17 décembre 1610.
Monsieur mon Frere,
Ce n'est que simplement pour contenter mon cœur que je vous escris maintenant, car il faut,
quand je puis, suppleer au bonheur que j'avois d'estre aupres de vous par ce petit allegement. Et
puis, encor faut-il garder les bonnes coustumes a vous souhaiter les bonnes festes; car, de
m'attendre au bien que nous avions presque esperé, de vous voir a nos beaux Offices en ces si
dignes solemnités, c'est chose que le tems et les affaires ne me peuvent permettre, si ce n'est en
cette façon ordinaire par laquelle vous estes tous-jours present a mon ame, et principalement a
l'autel et le jour de Nouel, environ lequel j'eu cette si chere grace de vous voir. Mais combien y a-
il1113? Certes, je n'y pense point, car il me semble que nostr'amitié est sans limites, et qu'estant si
fort naturalisee en mon cœur, ell'est aussi ancienne que luy. Ce pendant, continuons, Monsieur
mon Frere, en cette si digne et si rar'affection, affin que non seulement Monsieur le Rme de Saint
Paul1114, mais tout le monde l'admire et loue desormais.
Je suis tous-jours un peu en peyne de la santé de madame nostre chere Presidente1115, bien
qu'on m'asseure [388] que son mal n'est pas plus grand quil faut pour seulement luy faire prendre
les præservatifz d'un plus grand. Dieu vous donn'a tous deux les bonnes et belles festes, et vous
conserve longuement et heureusement.
Je suis, Monsieur mon Frere,
Vostre tres humble frere et serviteur,
FRANÇS, E. de Geneve.
XVII decembre 1610, a Neci.
1116Monsieur mon Frere, ce porteur m'a dit comm'il a sceu, ou plus tost comm'il n'a pas
sceu, la supplication que mon frere de Thorens vous fait1117; et ça bien esté asses pour y faire
adjouster la mienne, que je sousmetz neanmoins a vostre jugement.
A Monsieur
Monsieur Favre, Baron de Peroges,
Conseiller d'Estat de S. A., premier President dé Savoye.
A Chamberi.
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation du Mans.
1113 Il y avait dix-sept ans. Ce fat à Annecy, et le 24 décembre 1593, qu'eut lieu la première entrevue entre ces deux
hommes qu'une «si digne et si rar' affection» devait unir pour jamais. (Cf. tome XI, p. 420.)
1114 Sans doute Thomas Pobel, l'un des consécrateurs du Saint (voir sa notice au tome XI, note (785), p. 356). François
de Sales lui donna toujours le titre d'«Evesque de Saint Paul, » malgré qu'il n'eût jamais pris possession de ce siège.
1115 Cf. supra, p. 373.
1116 Ce post-scriptum est inédit.
1117 Cf. infra, p. 391.
265/329

27.6 Page 266

▲back to top


CDXLIII. A la Mère de Chantal (Billet inédit). Une galerie où le
Saint parlait «plus a commodité» à la Mère de Chantal.
Annecy, 18 décembre 16101118.
Demain, ma tres chere Fille, je ne sçaurois voir cette grande Seur1119, sinon quil y eut chose
qui pressast; car [389] ne ferons-nous pas l'exhortation? et apres cela, il sera nuit. Or, quand je
l'iray voir, je veux gaigner une bonne heure pour me promener avec vous en la galerie, car on y
parle plus a commodité1120.
Marcelle1121 desire de se confesser avant ces festes, et je luy avois dit que ce fut mercredi;
mais je voy qu'il faudra remettre a jeudy, ou plustost a vendredy matin.
1122mon unique Fille, que j'ay de tendre et forte affection pour nostre cœur, et que je suis
pressé de le recommander incessamment a Nostre Seigneur!
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Bourg-en-Bresse.
DCXLIV. Au Président Antoine Favre (Inédite).
Recommandation en faveur d'une pauvre veuve.
Annecy, [vers le 22 décembre 16101123.]
Monsieur mon Frere,
Ce n'est pas pour faire les remercimens que je doy a vostre perseverance au desir du bien
des nostres, que je vous escris maintenant; ce n'est que pour vous supplier humblement de favoriser
de vostre juste protection cette [390] pauvre vefve1124, que monsieur de Conflens1125, a mon advis
tant de vos serviteurs et de mes amis, m'a instamment recommandee. Je vous en fay donq
supplication, et vous souhaite et a madame vostre chere Praesidente, ma tres chere seur, Monsieur
mon Frere, ce que vous pouves imaginer du cœur de
Vostre tres humble frere et serviteur,
FRANÇS, E. de Geneve.
1118 Les particularités de ce billet s'accordent avec cette date; elles excluent 1612, époque où lés Sœurs quittèrent la
Galerie, et aussi 1611, date où la Mère de Chantal et le Saint furent tour à tour absents d'Annecy aux environs de la
Noël et de la Pentecôte.
1119 Probablement la Sœur Marie-Jacqueline Favre, que les deux Fondateurs appelaient leur «grande Fille.»
1120 Cette «galerie» couverte, propice aux entretiens, d'où la première maison de la Visitation avait pris son nom, avait
été jetée comme un pont par-dessus la voie publique, pour unir la cour et le verger de l'habitation.
1121 Marcelle était probablement une fille de petite condition.
1122 Les points de suspension remplacent un ou deux mots coupés dans l'Autographe.
1123 L'objet de la lettre, l'écriture et le rapprochement avec la lettre du 17 décembre, suggéré par la mention du baron
de Thorens (voir la page précédente), persuadent que celle-ci a dû être écrite à la date proposée.
1124 Le 24 décembre 1610, Antoine Favre recommande à Charles-Emmanuel la veuve du capitaine du Frenay, «fort
pauvre, » exposée, si elle n'était secourue, à retourner à Genève d'où on l'avait retirée après sa conversion. (Voir
Mugnier, Correspondance du Président Favre, 1903, tome Ier.) Ne serait-ce pas cette même personne que le Saint
recommande à son ami?
1125 M. de Conflans parle ainsi de lui-même dans sa déposition, le 21 mai 1632 (Process. remiss. Gebenn. (I), ad 2um
interrog.): «Je me qualiffie noble et spectable Anthoine de Boege, dict de Conflens, conseillier de Monseigneur le Duc
de Genevois et de Nemours, docteur es droictz et ballif au duché de Genevois. Je suis aagé d'environ 65 ans, bourgeois
et habitant de la presente ville et cité d'Annessy, originaire du lieu et parroisse de Sillingy, et fils de feu noble homme
Amed de Boege et damoyselle Pernette de Conflens, vivant de mon. revenu.» Il épousa Dlle Françoise Crassus, veuve
de noble Guigues Viollon, seigneur de la Pesse, et en secondes noces, Jeanne-Aimée de Mouxy. Antoine de Conflans
fut le premier syndic d'Annecy et juge des terres pour Philippe de Lorraine et Marie de Luxembourg. Il figure parmi
les témoins que prit le Saint quand il fit son testament, le 6 novembre 1622.
266/329

27.7 Page 267

▲back to top


Nous attendons mon frere de Thorens pour vous faire la response que vostre lettre pleyne
de faveur requiert1126.
A Monsieur
Monsieur Favre, Baron de Peroges,
Conseiller d'Estat de S. A.
et son premier President.
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Saint-Marcellin. [391]
DCXLV. A la Mère de Chantal. Tableau de la Nativité. Où se
trouvaient en la nuit de Noël, les bons Anges des deux Saints.
Les pasteurs et la mélodie sacrée qu'ils entendent durant leur
sommeil. Le cadeau du Bienheureux au «petit Roy.»
Annecy, 25 décembre [16101127.]
Hé, vray Jesus! que cette nuit est douce, ma tres chere Fille! «Les cieux,» chante
l'Eglise1128, «distillent de toutes pars le miel;» et moy je pense que ces divins Anges qui resonnent
en l'air leur admirable cantique, viennent pour recueillir ce miel celeste sur les lys ou il se treuve,
sur la poitrine de la tres douce Vierge et de saint Joseph. J'ay peur, ma chere Fille, que ces divins
Espritz ne se mesprennent entre le lait qui sort des mammelles virginales, et le miel du Ciel qui est
abouché sur ces mammelles. Quelle douceur de voir le miel succer le lait1129!
Mais je vous prie, ma chere Fille, ne suis-je pas si ambitieux que de penser que nos bons
Anges de vous et de moy se treuverent en la chere trouppe des musiciens celestes qui chanterent
en cette nuit? O Dieu, s'il leur playsoit d'entonner de rechef aux oreilles de nostre cœur cette mesme
celeste chanson, quelle joye, quelle jubilation! Je les en supplie, affin que gloire soit au ciel, et en
terre paix aux cœurs de bonne volonté1130.
Revenant donq d'entre les sacrés mysteres, je donne ainsy le bon jour a ma chere Fille; car
je croy que les pasteurs encor, apres avoir adoré le celeste Poupon que le Ciel mesme leur avoit
annoncé1131, se reposerent un peu. Mais, o Dieu, que de suavités, comme je pense, a leur sommeil!
Il leur estoit advis qu'ilz oyoyent tous-jours la sacree melodie des Anges qui les avoyent salués si
[392] excellemment de leur cantique, et qu'ilz voyoyent tous-jours le cher Enfant et la Mere qu'ilz
avoyent visité.
Que donnerions-nous a nostre petit Roy que nous n'ayons receu de luy1132 et de sa divine
liberalité? Or sus, je luy donneray donques a la sainte grand'Messe la tres uniquement fille
bienaymee qu'il m'a donnee. Hé, Sauveur de nos ames, rendés-la toute d'or en charité, toute de
myrrhe en mortification, toute d'encens en orayson, et puis recevés-la entre les bras de vostre sainte
protection, et que vostre cœur die au sien: Je suis ton salut1133 aux siecles des siecles. Amen.
Vostre tres affectionné pere et serviteur,
FRANÇS, E. de Geneve.
1126 Cf. supra, p. 389.
1127 Le ton de la lettre, l'appellation de «ma Fille» inclinent à proposer la présente date. Le texte ne s'accorderait pas
avec les années antérieures, et plus difficilement avec les années suivantes.
1128 Ad Mat., Respons. post 2am Lect.
1129 Cf. Cant., IV, 11.
1130 Luc., II, 14.
1131 Ibid., 8-11.
1132 Cf. I Cor., IV, 7.
1133 Ps. XXXIV, 3.
267/329

27.8 Page 268

▲back to top


DCXLVI. A Madame d'Aiguebelette1134. Les présents du Sauveur
aux gens de bonne volonté. Ce que fait la «petite trouppe» de
la Visitation.
Annecy, 30 décembre 16101135.
Or bien, ma tres chere Fille, nous finissons cett' annee en un jour. A la suite de la bonne
dame defuncte1136, [393] nous finirons nos annees pour commencer nostre eternité. Ah! ma Fille,
c'est cett'eternité que sur tout je vous souhaitte tres heureuse, et a cause d'elle vous vivés tous-jours
presente a mon cœur, qui se res-jouit de voir que vous perseveres a vouloir de tout le vostre servir
sa divine Majesté en sainteté et pureté1137. Faites bien cela, ma chere Fille, et parmi les orages des
affaires importuns de ce miserable siecle, affermisses-vous souvent aupres de ce Sauveur qui est
venu apporter la paix, la douceur, la tranquillité aux gens de bonne volonté1138.
Nostre pauvre Mme de Chantal a eu un' attaque pareille a celle du moy s d'aoust dernier,
mais maintenant elle est presque guerie, et toute cette petite trouppe fait bien devant Dieu et devant
les hommes1139, nostre Chastel1140 particulierement. La chere cousine1141 fait de mesme, et je né
manqueray pas a luy faire vos recommandations.
Bon jour et tres bon an, ma tres chere Fille; je Vous escris sans haleyne et loysir, et suis
entierement tout vostre……….. [394]
1134 Françoise-Melchionne, fille de Françoise-Melchionne de Maillans et de Guillaume du Four, premier syndic de
Chambéry, conseiller d'Etat et juge-maje de Savoie, avait épousé par contrat dotal du 12 février 1581, Jean-Claude
Balland; elle devint ensuite (24 février 1591) la femme de René de Chabod-Lescheraine, seigneur d'Aiguebelette, des
Echelles, etc. Celui-ci, après même qu'il eut vendu au président Favre la première de ces seigneuries, continua à en
porter le nom. Mme d'Aiguebelette n'eut qu'un fils et ce fut de son premier mariage; elle mourut avant René de Chabod,
comme on le voit par le testament de celui-ci (26 février 1633).
La destinataire habitait Chambéry; elle avait sans doute connu le saint Directeur lors de son premier Carême
prêché dans cette ville (1606). L'intimité de la présente lettre fait penser que d'autres lettres ont dû précéder celle-ci.
Mmc d'Aiguebelette ne serait-elle pas la «Dame inconnue », destinataire des lettres données au tome XIII, pp. 173,
320?
1135 L'allusion à la maladie de la Mère de Chantal et à la «petite trouppe» de ses filles rend cette date à peu près
certaine.
1136 « De Fruite, » qui se lit dans les éditions précédentes, doit être une erreur de lecture pour «defuncte».
1137 Cf. Luc., I, 74, 75.
1138 Ibid., II, 14.
1139 Rom., XII, 17; II Cor., VIII, 21.
1140 Sœur Péronne-Marie (cf. ci-dessus, note (975), p. 337.).
1141 Sans doute Mme de Charmoisy, désignée sûrement par une mention identique dans une lettre du 15 décembre 1611
à Mme d'Aiguebelette.
268/329

27.9 Page 269

▲back to top


DCXLVII. Au Président Antoine Favre1142. Ce qui rend notre
durée périssable, et partant plus aimable. La pensée de
l'éternité pour le Saint. L'espérance de l'éternité, et les motifs
philosophiques qui la légitiment. L'échelle qui nous conduit
aux années éternelles. Souhaits de nouvel an.
Annecy, 31 décembre 16101143.
Monsieur mon Frere,
Je finis cette annee avec le contentement de vous pouvoir presenter le souhait que je fay
sur vous pour la suivante. Elles passent donq, ces annees temporelles, Monsieur mon Frere; leurs
mois se reduisent en semaines, les semaines en jours, les jours en heures et les heures en momens,
qui sont ceux-la seulz que nous possedons, mais que nous ne possedons qu'a mesure qu'ilz perissent
et rendent nostre duree perissable, laquelle pourtant nous en doit estre plus aymable; puisque cette
vie estant pleine de miseres, nous ne sçaurions y avoir aucune plus solide consolation que celle
d'estre asseurés qu'elle se va dissipant, pour faire place a cette sainte eternité qui nous est preparee
en l'abondance de la misericorde de Dieu, et a laquelle nostre ame aspire incessamment par les
continuelles pensees que sa propre nature luy suggere, bien qu'elle ne la puisse esperer que par des
autres pensees plus relevees que l'Autheur de la nature respand sur elle.
Certes, Monsieur mon Frere, je ne suis jamais attentif a l'eternité qu'avec beaucoup de
suavités; car, dis-je, comme est-ce que mon ame pourroit estendre sa cogitation [395] a cette
infinité, si elle n'avoit quelque sorte de proportion avec elle? Certes, tous-jours faut-il que la faculté
qui atteint un object ayt quelque sorte de convenance avec iceluy1144. Mais quand je sens que mon
desir court apres ma cogitation sur cette mesme eternité, mon ayse prend un accroissement
nompareil; car je sçay que nous ne desirons jamais d'un vray desir que les choses possibles. Mon
desir donq m'asseure que je puis avoir l'eternité: que me reste-il plus que d'esperer que je l'auray?
Et cela m'est donné par la connoissance de l'infinie bonté de Celuy qui n'auroit pas creé une ame
capable de penser et de tendre a l'eternité, s'il n'eust voulu luy donner les moyens d'y atteindre.
Ainsy, Monsieur mon Frere, nous nous treuvons au pied du Crucifix, qui est l'eschelle par laquelle,
de ces annees temporelles, nous passons aux annees eternelles.
Or, je souhaitte donq sur vostre chere ame que cette annee prochaine soit suivie de plusieurs
autres, et que toutes soyent utilement employees pour la conqueste de l'eternité. Vives longuement,
saintement et heureusement entre les vostres icy bas parmi ces momens perissables, pour revivre
eternellement en cette immuable felicité pour laquelle nous respirons.
Voyla comme mon cœur s'espanche devant le vostre, et fait des saillies qu'il ne feroit pas
sans cette confiance que luy donne l'affection qui me rend
Vostre tres humble frere et serviteur,
FRANÇS, E. de Geneve. [396]
1142 C'est sous toutes réserves que nous attribuons la lettre à ce destinataire. La première édition (1626) l'adresse: A
son Frere d'alliance; les éditeurs suivants, à partir de Hérissant (1758), l'attribuent au président Favre, mais sans
fournir la preuve de cette attribution.
1143 Migne, au tome VI, col. 952, dit en note, à propos de la présente lettre: «Nous en avons retrouvé la date qui est:
Le 31 décembre 1610;» mais il ne donne pas les raisons de son affirmation.
1144 S. Thom., Ia IIae, Qu. V, art. I.
269/329

27.10 Page 270

▲back to top


DCXLVIII. A la Mère de Chantal (Billet inédit). Les Filles de
saint Bernard chez les Filles du saint Evêque de Genève.
Promesse d'un bonsoir ou d'un bonjour.
Annecy, juillet-décembre 16101145.
Voyla cette petite trouppe de Sainte Catherine qui vous va voir1146, m1147. Vous ne
connoisses que ma cousine de Ballon1148, mais les autres ne laissent pas d'estre bonnes filles; je les
vous recommande, m. La chere fille de la haut1149 m'a escrit avec beaucoup de salutation pour
vous.
Sil se peut, pour chose du monde je vous iray donner le bon soir, ou ce sera lundi matin
pour le bon jour.
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy. [397]
DCXLIX. A M. Antoine des Hayes1150 (Inédite). Une amitié
constante. Mariage princier et les menaces d'une guerre.
Vanchy, 8 mai 1610.
Monsieur,
Ce gentilhomme, qui est fort de mes amis1151, partant d'aupres de monsieur le baron de Lux
pour aller droit a la court, je luy donne ces quatre ou cinq motz qui vous asseureront de la
continuelle passion avec laquelle mon cœur vous honnore, respecte et cherit.
Et pour dire quelque chose sur le sujet de la derniere lettre que vous me fistes lhonneur de
m'escrire, je croy bien que meshuy cett' heureuse alliance delaquelle nous nous res-jouissons
tant1152, me mettra en autant de liberté quil m'en faut pour pouvoir jouir un bon jour de la douceur
de vostre conversation, si toutefois la guerre a laquelle il semble que tant d'inclinations
1145 Outre l'écriture, qui paraît autoriser la date de 1610, nous savons que les visites des Dames Bernardines
commencèrent dès les premiers temps de la Visitation. (Voir la note suivante.)
1146 «Souvent elles estoient visitées des Dames de Sainte Catherine, pour parler des choses spirituelles. Quant elles
arrivoient à l'heure du diner, quoi qu'il ni eut rien de prêt dans la maison que ce qui estoit sur la table des Seurs, elles
leur donnoient de bon cœur leurs petites portions, s'abandonnant à la divine Providence, sans, jamais teimoigner de la
peine de leur arrivée, ni manquer de les recevoir avec toute la cordialité possible.» (Hist. de la Galerie.) Déjà, et de
très bonne heure donc, les Filles de saint François de Sales attiraient à elles les âmes par l'affabilité cordiale de leur
abord.
Il est difficile de nommer les membres de la «petite trouppe.»
1147 Cet m serait-il employé pour «ma mie» que nous trouvons ailleurs sous la plume du Saint?
1148 Sans doute Sœur Louise-Thérèse de Ballon, professe à Sainte-Catherine depuis le 4 mars 1607 (cf. ci-dessus, note
(388), p. 129). Elle sera plus tard destinataire.
1149 Ce doit être Sœur Bernarde de Vignod, que la Mère de Chantal connaissait. (Cf. ci-dessus, p. 229.)
1150 Cette lettre est arrivée trop tard pour être insérée à la place que lui assignait sa daté.
1151 Le Saint logeait sans doute au château de Vanchy quand il écrivit ce billet. Le gentilhomme auquel il le confia,
pourrait être l'un des fils de son hôte, M. de Ballon. (Voir ci-dessus, note (388), p. 129.)
1152 L' «heureuse alliance» dont il est ici question, doit être le mariage de Victor-Amédée, prince de Piémont, avec
Elisabeth de France (cf. ci-dessus, note (630), p. 217). Ce mariage, agréé de Henri IV, fut ajourné par la mort du roi
et à cause des guerres qui occupèrent les deux pays. En 1619, Elisabeth était mariée au futur roi d'Espagne; Victor-
Amédée épousa alors Christine de France, deuxième fille de Henri IV.
270/329

28 Pages 271-280

▲back to top


28.1 Page 271

▲back to top


conspirent1153, ne [398] me sert de nouvel empeschement. Dieu en face selon sa plus grande gloire
et vous veuille de plus en plus prosperer, avec madame vostre chere partie et toute vostre famille,
jusques a vostre petit nouveau né Anthoyne1154, au nom duquel je porte des-ja bien de l'affection
pour estre le nom du pere, auquel je suis si absolument,
Monsieur,
Tres humble et tres affectionné serviteur,
FRANÇS, E. de Geneve.
A Avanchy, le 8 may 1610.
Monsieur de Charmoysi triomphe tous-jours au mespris de la cour1155 et m'est advis que
nous aurons de la peyne de luy en faire reprendre le goust.
A Monsieur
Monsieur des Hayes, Maistre d'hostel de S. M.,
Gouverneur et Baillif de
Montargis.
Revu sur l'Autographe communiqué par M. Robert de Courcel, Archives du Port Courcel,
à Vigneux (Seine-et-Oise). [399]
1153 Henri IV avait eu beaucoup à se plaindre du roi d'Espagne, et, comme il l'écrivait le 10 novembre 1602, «des
mauvaises practiques» qu'il avait faites pour exciter des troubles en son royaume. D'autre part, Charles-Emmanuel,
qui avait épousé l'infante Catherine, l'une des filles de Philippe II, «enrageant de despit de ce que son bon beau-père
ne luy avoit laissé pour supplément du partage de sa femme, qu'un crucifix et l'image de la Vierge, » n'était pas moins
irrité contre Philippe III son beau-frère, dont il n'avait pu obtenir davantage. Unissant leurs rancunes, le duc de Savoie
et Henri IV conclurent à Brussol, le 25 avril 1610, par l'intervention de Bullion et de Lesdiguières, un traité par lequel
ils s'engageaient dans une guerre offensive et défensive contre l'Espagne. Le but était la conquête du Milanais, qui
serait échu à Charles-Emmanuel, tandis qu'il aurait cédé la Savoie à la France. Le roi avait su gagner à sa cause les
Vénitiens, le grand-duc de Florence, le Pape, les princes et les républiques secondaires. (D'après Poirson, Hist. du
règne de Henri IV, 1866, tome IV, liv. VIII, chap. II.)
Le 8 mai 1610, le Saint pouvait croire prochaine cette guerre à laquelle «tant d'inclinations» conspiraient. Six
jours après, Henri IV mourait assassiné. «Par cette déplorable mort, » dit Guichenon (Hist. gènèal. de la royale Maison
de Savoie, tome II, chap. XXXVI), «le Duc se vit éloigné de ses espérances, exposé à la haine des Espagnols et sur le
point de voir la guerre en son pays.»
1154 Cet enfant dut mourir tout jeune, car les fils de des Hayes ne portent pas le nom d'Antoine, ou bien le nouveau-né
de 1610 a-t-il cessé de le porter plus tard.
1155 Cf. ci-dessus, note (531), p. 176.
271/329

28.2 Page 272

▲back to top


DCL. A la Mère de Chantal (Billet inédit). Sollicitude pour la
santé de la Mère de Chantal.
Annecy, [fin 1610-16111156.]
Je vous souhaite une bonne, douce et salutaire purgation, ma tres chere Fille, et prie Nostre
Seigneur quil vous comble de benedictions. Ce soir, Dieu aydant, j'iray voir comme vous vous
seres portee, et ce pendant, bon jour, ma tres chere Fille.
Revu sur l'Autographe conservé à la Visitation de Nancy.
DCLI. A la même. Souci charitable que prend le Saint pour
la santé de la Fondatrice.
Annecy, [fin 1610-1611.]
Je vous souhaite infiniment le bon soir, ma tres chere Fille toute mienne1157, et sur tout
craignant que l'evacuation ne vous laisse quelqu'incommodité de lassitude, alteration et chaleur.
Mais je sçai bien pourtant que vous souffriries tout cela bien doucement, car vous estes bien sage,
ma chere Fille, et ne treuveres jamais rien de trop dur de ce que Nostre Seigneur vous envoyera.
[400]
O je supplie ce Sauveur qu'il rende nostre cœur tout sien par effect, comm'il l'est, il y a long
tems, par affection! Ouy certes, ma toute mienne tres chere Fille, nous n'avons point d'affection en
nostre cœur que pour sa divine Bonté et ne voudrions pas en souffrir aucune, pour petite qu'elle
fut.
Bonsoir, ma toute mienne chere Fille. Demeures en paix, et vive Jesus! La chere niece1158
me dira comme vous aves fait.
Revu sur l'Autographe conservé à Chambéry, chez les PP. Capucins.
1156 L'appellation de «Fille» fait croire que ce billet et le suivant ont été écrits entre 1610 et 1612, peut-être pendant
l'une des maladies de la Mère de Chantal, fin 1610 (cf. ci-dessus, p. 394); fin janvier-mars 1611.
1157 L'Autographe porte ici et plus bas (lig. 3, 7 de la page suivante) t. m. Ces deux abréviations signifient sans doute:
«toute mienne.»
1158 Saint François de Sales appelait «nieces» les Soeurs Favre et de Bréchard, mais c'est la dernière qui devait soigner
la Mère de Chantal et qui paraît être désignée ici.
272/329

28.3 Page 273

▲back to top


DCLII. A Mademoiselle de Blonay (Fragment). La grâce d
evangéliser n'est pas le privilège de tout le monde.
[1610-16111159.]
Ma chere Fille, je vous sçay bon gré de cette remarque1160; mais voyes vous, tout le monde
n'a pas receu de Dieu la grace d'evangeliser comme son Filz, le doux [401] Jesus, avec le miel et
le lait sous la langue1161. Il faudra pourtant que le cher pere soit adverti de ce defaut tout
doucement; Dieu nous en fera naistre les occasions1162.
1159 La lettre d'où ce fragment est tiré a été écrite assurément avant l'entrée de Mlle de Blonay à la Visitation (25 janvier
1612); il est difficile d'en préciser la date. Charles-Auguste (voir la note suivante) place le fait après la mort de Gabriel
de Blonay. (Cf. ci-dessus, note (1064), p. 367.)
1160 Pour connaître «cette remarque, » il faut citer Charles-Auguste (La Vie de la Mere Marie Aymée de Blonay, 1655,
chap. IV): «Le seigneur de Blonay preschoit presque ordinairement les Dimanches et les Festes après Vespres, et
souvent avec tant de chaleur, que le zele l'emportoit; et sa chere fille ayant appris que cette violence n'estoit pas
approuvée de tout le monde, elle creut qu'un petit advis estoit necessaire a ce cher pere; mais le respect filial ne
souffrant pas qu'elle le donnast elle mesme, elle s'advisa de le faire sçavoir au sainct Evesque.» C'est ce fragment qui
fut la réponse.
1161 Cant., IV, 11.
1162 L'occasion se rencontra, ou plutôt fut amenée par le Saint; et ici encore il faut laisser parler l'historien de la Mère
de Blonay: «Ce tres-sage correcteur, dans un entretien de recreation, ayant engagé insensiblement le seigneur de
Blonay à raconter comment avant que d'estre d'Eglise il se faschoit contre ses soldats vicieux, luy dit tres-
agreablement: Mon cher frere, dites la verité, vous avez encore un peu retenu de cette humeur de capitaine, et
quelquesfois, quand vous corrigez vos parroissiens, vous vous imaginez peut-estre avoir encore a faire à vos soldats;
cependant il y a bien à dire entre les qualitez de capitaine et de pasteur, de soldats et de brebis, car celles-cy doivent
estre conduites avec douceur et patience. Il n'acheva pas la periode, mais la laissa au bon jugement de celuy qu'il
corrigeoit.»
273/329

28.4 Page 274

▲back to top


Appendice
274/329

28.5 Page 275

▲back to top


Les notes marginales indiquent la corrélation des pièces de l'Appendice avec le texte des Lettres
de saint François de Sales.
275/329

28.6 Page 276

▲back to top


I. Lettres adressees a Saint François de Sales par quelques
correspondants
A. Facultés accordées par la Congrégation du Saint-Offic
1163DOMINICUS, Episcopus Ostiensis, Pinellus1164; FR. HIERONIMUS BERNERIUS,
Episcopus Portuensis, Asculanus1165; FR. ANNAS DE CARS, tituli Sanctae Susannae, de
Givry1166; LAURENTIUS, tituli Sancti Laurentii in Pane et Perna, Blanchettus1167; POMPEIUS,
tituli Sanctae Balbinae, Arigonius1168; ROBERTUS, tituli Sanctae Mariae in Via, Bellarminus1169;
ANTONIUS, tituli Sancta Crucis in Hierusalem, Zapata1170, et FERDINANDUS TABERNA,
tituli Sancti Eusebii1171, nuncupati Presbyteri, miseratione Divina, Sanctae Romanae Ecclesiae
Cardinales, in [405] universa Republica Christiana adversus haereticam pravitatem generales
Inquisitores a Sancta Sede Apostolica specialiter deputati: Reverendo in Christo Patri Domino
Francisco, Episcopo Gebennensi, salutem in Domino sempiternam.
Cum in generali Congregatione sanctae Romanae et universalis Inquisitionis habita in
Palatio Apostolico montis Quirinalis, coram Sanctissimo Domino nostro Domino Paulo, divina
Providentia Papa Quinto1172, ac nobis, die infrascripta, nomine Reverendae Paternitatis tuae
supplicatum fuerit, quatenus ad animarum salutem, ac haeresum et errorum confutationem eidem
Paternitati tuae infrascriptas facultates concedere dignaremur, ut haereticos quoscumque, etiam
relapsos, reconciliandi; cum haereticis jam conversis, qui matrimonia in quarto consanguinitatis
gradu nulliter contraxerunt, ut de novo contrahere possint dispensandi; diaecesanorum vota
commutandi; pugnantes in duello ab excommunicatione absolvendi; Regulares extra claustra
degentes coercendi; quoscunque haereticorum libros legendi et retinendi, eosque etiam aliis
permittendi; deputandi nonnullos confessarios idoneos in suadiaecesi, qui haereticos redeuntes in
foro conscientiae absolvere, ac etiam aliquas personas ecclesiasticas quas per eandem diaecesim
vestes sacras et alia ad divinum cultum necessaria benedicere possint.
Nos, quibus in primis cordi est, ut omnis haeretica pravitas e mentibus hominum tollatur et
oves aberrantes ad caulam Dominici gregis sedulo reducantur, cunctorum Christi fidelium saluti
provide consulatur, ac summopere cupientes, ut sancta Catholica et orthodoxa fides ubique floreat
et augeatur, auctoritate Apostolica nobis in hac parte commissa, Paternitati tuae ac aliis octo viris
ei benevisis, doctis, piis et zelo Catholicae fidei praestantibus, quique ex librorum haereticorum
lectione perverti nequeant, ut omnes, et quoscunque prohibitos libros etiam in Indice Romano
librorum prohibitorum damnatos, ad effectum haereses et errores redarguendi et confutandi,
secreto et per vos ipsos tantum et sine aliorum scandalo aut periculo Iegere et retinere libere et
licite absque censurarum et poenarum incursu possitis et valeatis, injuncto tamen vobis: Venerabili
Paternitati tuae, ut tam praesentium literarum exemplum, quam librorum prohibitorum
1163 Vide Epist. CDLX.
1164 Dominique Pinelli, né à Gênes le 21 octobre 1541, évêque de Fermo, cardinal en 1586, archiprêtre de Sainte-
Marie-Majeure, plus tard légat de Pérouse, mourut le 9 août 1611.
1165 Jérôme Bernier, lombard, Dominicain (1540-1611), évêque d'Ascoli, fait en 1586, par le Pape Sixte V, prêtre-
cardinal du titre de Saint-Thomas, puis de Sainte-Marie sur la Minerve, etc., et évêque de Porto.
1166 Vide supra, p. 70, not. (217).
1167 Vide tom. XII, p. 3, not. (14).
1168 Vide ibid, not. (13), et supra, not. (57), p. 30.
1169 Robert Bellarmin, Jésuite (1542-1621), créé cardinal par Clément VIII, le 3 mars 1599. Il sera plus tard
destinataire.
1170 Antoine Zapata, né à Madrid vers 1550, évêque de Cadix, puis de Pampelune, plus tard archevêque de Burgos, fut
fait cardinal en 1604, par Clément VIII, se démit de ses charges en 1632, et mourut en 1638, le 6 mai.
1171 Ferdinand Taberna milanais, nommé cardinal en 1604, évêque de Novare, mourut le 29 août 1619.
1172 Vide tom. praeced., p. 69, not. (220).
276/329

28.7 Page 277

▲back to top


praedictorum, quos hujusmodi nostrae facultatis vigore leget aut retinebit, notam quam primum
exhibeat Reverendo admodum in Christo Palri Domino Archiepiscopo Viennae1173, uttempore
hujus facultatis elapso, vel post obitum Paternitatis tuae, si ea [406] interim forte ex hac vita
migrare contigerit, libri praedicti ei consignentur, ut provideat diligenter ne ad aliorum manus
perveniant, sed per eum tradantur igni comburendi; dictis autem octo viris ab ea deputandis, ut
librorum prohibitorum quos legent aut retinebunt Paternitati tua notam quamprimum ad eundem
effectum exhibeant.
Praeterea Paternitati tuae, ut omnes et quoscunque suos diaecesanos ad eam in aliquo suae
diaecesis loco constitutam, seu residentem sponte venientes utriusque sexus, ac tam laycos quam
clericos saeculares et cujusvis Ordinis Regulares, haereticos, schismaticos et a sancta Catholica
fide aberrantes, illorumque credentes, etiam in haereses et errores semel relapsos, non tamen Italos,
Hispanos, aut alios ex partibus in quibus Sanctum Inquisitionis Officium exerceretur, nec eos qui
in judicio de haeresibus accusati vel condemnati fuerunt, aut pluries in eas relapsi, in eadem
Paternitatis tuae diaecesi commorantes, de quibus nihilominus Sanctissimus Dominus noster Papa
aut hoc sacrum Inquisitionis Officium consulatur, poenitentes quidem ab excommunicationis,
suspensionis et interdicti, aliisque ecclesiasticis sententiis, censuris et poenis, quas propter
haereses et excessus hujusmodi quomodolibet incurrerint, dummodo corde sincero et fide non ficta
coram notario et testibus publice vel privatim, prout casus exegerint et Paternitati tuae magis
expedire videbitur, haereses, schisma et errores suos ac alios quoscunque detestati fuerint,
anathematizaverint et abjuraverint, ac in gremium sanctae matris Ecclesiae recipi et admitti
humiliter postulaverint, atque praestito per eos jurejurando promiserint de caetero ab hujusmodi
haeresibus, schismate eterroribus, ac aliis similibus excessibus poenitus abstinere, in forma
Ecclesiae consueta, injuncta inde eis et eorum cuilibet, pro modo culpae, poenitentia salutari, et
aliis injungendis, prout eorum saluti Paternitas tua expedire cognoverit, per se ipsam in utroque
foro absolvere, et in gremium sanctae matris Ecclesiae recipere et reconciiiare [licebit]; nec non
ut universos et singulos suos diaecesanos, qui libros haereticorum seu alias prohibitos, etiam in
Indice Romano librorum prohibitorum damnatos, scienter legerint vel retinuerint, haereticorum
quoque et schismaticorum receptatores, fautores et defensores qui in illorum haeresibus non
adhaeserunt, et in futurum ab hujusmodi perniciosa lectione, vel retentione et excessibus praedictis
abstinere firmiter proposuerint, similiter ab excommunicationis et aliis ecclesiasticis sententiis,
censuris et poenis, quibus propterea fuerint innodati, in eadem forma Ecclesiae consueta, injunctis
eisdem poenitentiis salutaribus et aliis injungendis, in utroque foro pariter absolvere et liberare.
Et insuper, ut cum eisdem poenitentibus qui clerici saeculares, vel [407] cujusvis Ordinis
Regulares fuerint, super irregularitate per eos, tum haeresum, schismatis et errorum, quam lectionis
vel retentionis librorum haereticorum, seu alias prohibitorum, ac excessuum hujusmodi, aut alias
praemissorum duntaxat occasione contracta; quoad executionem Ordinum tantum, non autem
quoad habilitationem obtinendi vel retinendi beneficia ecclesiastica, dignitates et officia, iis tamen,
qui haeretici fuerint, et in sacris Ordinibus constituti ab altaris ministerio, et omnium
Sacramentorum administratione perpetuo vel ad tempus arbitrio Paternitatis tuae suspensis, si aliud
canonicum impedimentum non obsistat, poenitentia vel ejus parte peracta, et suffragantibus meritis
in utroque foro dispensare.
Ac praeterea, ut cum singulares casus occurrerint, vel alias Paternitati tuae expedire
videbitur, aliquos sacerdotes saeculares vel cujusvis Ordinis Regulares idoneos, et ad sanctum
Poenitentiae Sacramentum ministrandum praevio examine a Paternitate tua approbatos, et in dicta
diaecesi Gebennensi constitutos seu residentes, qui haereticos, schismaticos et delinquentes
praedictae diaecesis Gebennensis ad eos sponte venientes, et ad sanctae matris Ecclesiae gremium
recipi et admitti humiliter postulantes, abjuratis per eosdem verbo in ipso Sacramento Pcenitentias,
haeresibus, schismate et erroribus suis, ac aliis quibuscunque praestitoque jurejurando, quod talia
deinceps non committent, si in haereses et errores relapsi non sint, aut de eis in judicio inditiis
praeventi vel condemnati, in forma Ecclesiae consueta, impositis eisdem pcenitentiis salutaribus
1173 Jerome de Villars, frere de Pierre (voir ci-dessus, note (411), p. 134), fut sacre archeveque de Vienne le 27
decembre 1599 et mourut titulaire de ce siege, le 18 janvier 1626.
277/329

28.8 Page 278

▲back to top


et aliis injungendis, in foro conscientiae duntaxat, citra ullam habilitationem aut dispensationem,
absolvere praedicti sacerdotes possint, et quilibet eorum possit, eligere et deputare Paternitas tua
possit et valeat.
Insuper, de speciali mandato praedicti Sanctissimi Domini nostri Papae vivae vocis oraculo
nobis facto, eidem Paternitati tuae, ut cum haereticis suae diaecesis ad fidem Catholicam conversis
et reconciliatis, qui matrimonia in quarto consanguinitatis vel affinitatis gradu nulliter
contraxerunt, ut denuo non obstante hujusmodi impedimento, matrimonia in facie Ecclesiae,
servata forma Concilii Tridentini, contrahere possint, dispensare, prolem susceptam et
suscipiendam legitimam nuntiando. Vota etiam eorundem diaecesanorum (castitatis et Religionis
duntaxat exceptis), in alia pietatis opera commutare; eos qui in singulari certamine seu duello
hactenus pugnaverunt, a sententia excommunicationis et aliis poenis hac de causa per ipsos
incursis, absolvere et liberare; Regulares quoscunque sine licentia et obedientia suorum
Superiorum in diaecesi Paternitatis tuae extra claustra degentes coercere; ac tandem sacerdotes
aliquos Paternitati tuae benevisos, qui in dicta diaecesi existentes corporalia, pallas, vestes [408]
sacras et alia ornamenta ad divinum cultum necessaria, in quorum benedictione non intervenit
sacra unctio, benedicere; ecclesias, oratoria et caemeteria pollutas et polluta, cum aqua a
Paternitate tua, vel alio Catholico Antistite, gratiam et communionem Sanctae Sedis Apostolicae
habente, [benedicta,] reconciliare possint, et quilibet eorum possit, Paternitas tua eligere et
deputare valeat1174: licentiam, facultatem et auctoritatem ad quinquennium proxime futurum, a
data praesentium duntaxat duraturam, harum serie ac tenore damus, concedimus et impartimur,
non obstantibus in contrarium facientibus quibuscunque; volumus autem ut praedictis facultatibus
cum suis diaecesanis duntaxat et non cum aliis Paternitas tua uti valeat.
In quorum omnium et singulorum praemissorum fidem et testimonium presentes literas
gratis expeditas, per infrascriptum nostrum et praedictae sanctae universalis Inquisitionis
Notarium fieri et manibus nostris subscriptas, sigilli ejusdem sanctae Inquisitionis quo in talibus
utimur, jussimus et fecimus appensione muniri.
Datum Romae, in generali Congregationi dictae sanctae Inquisitionis, decimo sexto
kalendas Augusti, anno a Nativitate Domini Nostri Jesu Christi millesimo sexcentesimo octavo,
Pontificatus praedicti Sanctissimi Domini nostri Papae anno quarto.
DOMcus, Eps Ostiensis, Card. PINELLUS.
Fr. HIER., Epus Portuensis, Carlis.
Fr. ANNAS, Carlis, DE GIVRY.
L. Carlis BLANCHETTUS.
P. CarIis ARIGONIUS.
R. CarIis BELLARMINUS.
FERDs, Carlis Sti Eusebii.
ANDREAS DE PETTINIS, Sanctae Romanæ
et nostrae Inquisitionis Notarius.
Revu sur l'original inédit, appartenant à M. le comte de Roussy de Sales,
au château de Thorens-Sales. [409]
1174 Cf. Epist. DCXXXII et not. (1065), p. 368.
278/329

28.9 Page 279

▲back to top


B. Lettres de Mgr de Villars, Archevêque de Vienne. (Fragments)
I
………………………………………………………………………………………
1175Le livre spirituel que vous venez de mettre sur la presse de l'imprimeur1176, me ravit,
m'eschauffe, m'extase tellement, que je n'ay ny langue, ny plume dont je puisse vous exprimer
l'affection qui me transporte en vostre endroict, pour l'amour de ce grand et signalé service que
vous en rendez à la divine bonté et l'inestimable fruict qui en reviendra à tous ceux qui seront si
heureux que de le lire ainsi qu'il faut.
Mais, que falloit-il attendre d'un Evesque de Geneve tel que vous, sinon quelqu'œuvre entre
autres, qui mist fin à l'infamie de Geneve, dont toute l'Europe a esté infectée d'heresie? Je ne nie
pas que les livres si doctement escrits par tant de Docteurs excellans, dont le Cardinal Bellarmin
est le souverain, n'ayent grandement servy contre les heresies de ce siecle; mais je veux bien aussi
dire et sous-tenir que ceux qui ont escrit sur la morale et de la devotion n'y ont pas apporté moins
de remede. Et je pourrois, je voudrois, je devrois passer outre, et les preferer en ce cas, s'il estoit
question de la debattre sur le champ; car l'erreur n'estant que la matiere des heresies et l'obstination
la forme, la doctrine qui illumine l'entendement remedie à la matiere; mais la vertu, la devotion,
l'ardeur de la pieté qui fleschist la volonté et en desloge l'opiniastreté, domine sur la forme qui
tient le preciput en l'essence: de maniere qu'à ce compte, il faut, ou que la doctrine des controverses
cede à celle de la pieté et devotion, ou au moins qu'elle se l'associe tellement, qu'en luy concedant
sa necessité, elle recognoisse que, sans elle, on n'advance rien, car tout pecheur est ignorant. Et,
quoy qu'au syllogisme speculatif il puisse dire: «Je vois le bien et l'appreuve,» parce que
l'entendement est vaincu par la verité, si est-ce qu'au syllogisme practic, il confessera qu'il suit le
mal, d'autant que la [410] passion mal reiglée l'emporte, de façon que, quand le feu de la
concupiscence est tombé sur les ames passionnées, elles ne voyent point le soleil. Il faut donc
bonifier la volonté pour empescher qu'elle ne nuyse a l'illumination efficace de l'entendement,
attendu mesmes que les livres spirituels commencent par la doctrine purgative, pour despouiller
les ames de toutes les mauvaises habitudes incompatibles au vray Christianisme.
Or, Monsieur, continuez de servir d'instrument à la divine Sapience, r'embarrant l'erreur
des heretiques par la doctrine des controverses, et conduisant les volontez depravées au chemin de
la vertu par vos traictez de pieté et de devotion. C'est sans doute que la reformation des mœurs
esteindra les heresies avec le temps, comme la depravation les a causées, puis que l'heresie n'est
jamais le premier peché.
Excusez, s'il vous plaist, ma prolixité; il a fallu que j'aye contenté mon ame, de vous
signifier son aise et contentement sur vostre beau et bon livre que je ne puis assez loüer.
………………………………………………………………………………………
25 janvier 1609.
1175 Vide Epist. DXIV.
1176 L'Introduction à la Vie devote.
279/329

28.10 Page 280

▲back to top


II
………………………………………………………………………………………
1177Vostre dessein des deux Traictez sur les deux Tables, disposera des eschelles et degrez
aux cœurs de ceux qui seront si heureux que de les lire, relire et retenir; car ils arriveront par ce
moyen au supreme faiste de la charité qui accomplist la loy et qui est vrayement le tout homme;
comme sans icelle, tout homme, pour grand qu'il puisse estre en tout le reste d'excellence, doit
dire: Je ne suis rien.
Le dessein du Calendrier sera la tablature dont Philothée se servira sur le clavier de son
espinette, organizée pour conserver sa memoire des plus beaux airs spirituels que la necessité du
corps et les autres occupations exterieures luy font interrompre actuellement plus souvent qu'elle
ne voudroit. Ces cinquante deux semaines, quoy que reïterées par plusieurs années, ne luy dureront
rien, luy representant les deux septenaires de gloire spirituelle et corporelle qui suivront le grand
Jubilé qui ne finira jamais.
Par les deux derniers projects que vous destinez, ce sera pepiner le monde de predicateurs
qui fassent de mesme que vous; et je m'oseray promettre (s'il plaist à Dieu que vous puissiez
esclorre ces [411] belles conceptions) une si acile et nombreuse reduction des desvoyez, soit en la
doctrine, soit aux mœurs, que l'on sera contrainct d'advouër que l'on n'avoit encore point treuvé de
semblable methode.
Et puis, vous appeliez tout cela de petites entreprises de courte haleine, de basse estoffe!
Et je persiste en tout ce que ma precedente vous representoit de la valeur de vostre livre, au dessus
des grands et immenses volumes de plusieurs qui s'essayent de combattre l'heresie, dont
l'obstination ne peut estre vaincue que par la melioration des volontez, s'il faut user de ce terme: à
quoy la reformation des mœurs sert directement.
Faictes donc, Monsieur, que ce vostre zele, qui est vrayement selon la science des Saincts,
execute ce que vous me daignez communiquer. Pour mon symbole, je n'y peux contribuer que
ceste tres-instante requisition que je vous en fais, pour la gloire de Dieu et service de son Eglise.
………………………………………………………………………………………
Mars 1609.
III
………………………………………………………………………………………
Je ne desadvouë pas que je n'aye faict une grande feste de vostre Introduction en plusieurs
bonnes compagnies; mais ce n'est pas ma recommandation qui l'a mise en vogue: elle vole de ses
propres aisles, elle est douce de son propre succre, elle est embellie et enrichie de ses propres
couleurs et joyaux. Celuy qui a de bon vin, n'a point besoing d'enseigne........................................
Avril 1609. [412]
1177 Vide Epist. DXIV, pp. 125-127.
280/329

29 Pages 281-290

▲back to top


29.1 Page 281

▲back to top


C. Lettre du P. Jacques-Philibert de Bonivard, de la Compagnie de
Jésus
Monseigneur,
1178Nostre R. P. Provincial1179 s'en retournant en France, layssa charge a nostre R. P.
Recteur1180 que l'on ne passast plus avant en l'affaire duquel je vous avois escrit1181, sans son
expresse communication; ce qui tirera l'execution en longueur, et non sans ma langueur. Spes enim
quæ differtur affligit animam; sed qui venit mittere ignem in terram, nec aliud vult nisi ut ardeat,
eam reponit spem in sinu meo, ut quamvis me occiderit, sperem in eam; supliant en toute humilité
Vostre Reverendissime Seigneurie d'aggreer recommander le tout a Nostre Seigneur, tant au
famillier colloque du tres hault Sacrifice, comme en ses ferventes oraisons et sublimes elevations
d'esprit a Dieu, afin que par sa toute puissante misericorde et paternelle providence, il ouvre les
portes de salut a ceux qui s'amusent en l'ombre de mort. Hic zelus comedit me, qui ut sit secundum
scientiam et spiritum Jesu Christi, libentissime dirigar consiliis Apostolicis et sapienti potestate
Superiorum.
Je me doubte bien que ce delay se procure pour ce que nos Superieurs m'ayant accordé a
Gray pour le saint Advent et Caresme, ils ne voudroyent que l'on entamast besogne qui me tint
engagé en ce temps la. Je vois bien qu'aux approches que nous en ferons, l'on ne pourroit estre si
libre a s'entendre en la conference selon que la necessité le pourroit requerir. Sur quoy, attendant
vostre saint advis, je pourray escrire a nostre Reverend Pere General1182, gardant la subordination
de la pleyne puissance par laquelle il peut disposer de ses sujets; veu mesme que si, suivant ce que
nostre R. P. Recteur propose, il est de besoing que le R. P. Provincial de Lyon y entrevienne et
qu'en cela je deusse respondre a luy (selon que le pourroit [413] exiger ce qui se passera), des le
commencement l'on aye prouveu a telle suave disposition, que le cours d'une si bonne entreprise
ne soit entrecoupé.
Et pour l'heureuse conduitte d'un si salutaire ouvrage, je suplieray Dieu, le Createur et
Gouverneur de l'univers, Monseigneur, vous conserver en toutes prosperités et vous combler de
ses dons celestes, pour les despartir heureusement a tout vostre troupeau, vous remettant les clefs
de tout le bercail pour le rameiner au vray pasturage de vie.
De vostre Reverendissime Seigneurie,
Tres humble et indigne serviteur,
JAQUES PHRT BONIVARD.
De Besançon, le 24 septembre [1609].
Revu sur une ancienne copie inédite, conservée à la Visitation d'Annecy.
1178 Vide Epist. DXLIV.
1179 Vide supra, p. 192, not. (563).
1180 Le P. René Ayrault, recteur du collège de Besançon, de 1608 à 1616.
1181 Cf. Epist. DXLI, et p. 189, not. (559).
1182 Claude Aquaviva, né le 15 septembre 1543, Général des Jésuites le 19 février 1581, mourut en 1615, le 31 janvier.
281/329

29.2 Page 282

▲back to top


D. Lettre de Mlle Fayre. (Fragment)
………………………………………………………………………………………
1183Je n'ay plus besoin de chercher le chemin de la vertu; monsieur de Boisy1184, en vôtre
absence, Monseigneur, me le montre si clairement, que je n'ay qu'à l'embrasser et affectionner.
Contre la liberté que mon esprit ayme si fort, je travaille, selon mon premier desir, à me rendre
obeyssante, et je ne puis être touchée lâchement en ce dessein, puis qu'il y a des couronnes
eternelles jointes à une temporelle, qui est l'honneur d'être eternellement vôtre fille.
Monseigneur, je tacheray de me conserver [ce bonheur,] me soumettant entierement à vos
volontez
[Fin octobre-novembre 16091185.] [414]
E. Lettre du Président Frémyot
Monseigneur,
1186Ce papier devroit estre marqué de plus de larmes que de lettres, puis que ma fille, en
laquelle, pour ce monde, j'avois mis la meilleure partie de ma consolation et du repos de ma
miserable vieillesse, s'en va et me laisse pere sans enfans. Toutesfois, à vostre exemple,
Monseigneur, qui sur le decez de Madame vostre mere avez pris une ferme et constante resolution
sur la volonté de Dieu1187, je me resous et conforme à ce qui plaist à Dieu; et puis qu'il veut avoir
ma fille pour son service en ce monde, pour la rendre, par ce chemin, en sa gloire eternelle, je veux
bien monstrer que j'ayme mieux son contentement avec le repos de sa conscience, que mes propres
affections.
Elle s'en va donc consacrer à Dieu, mais c'est à la charge qu'elle n'oubliera pas son pere,
qui l'a si cherement et tendrement aymée. Elle emmeine deux gages, l'un desquels j'estime heureux,
puis qu'il entre en vostre beniste famille; l'autre, je voudrois bien qu'elle voulust nous le conserver.
Pour son fils, j'en auray le soing qu'un bon Pere doit aux siens; et tant que Dieu aura aggreable de
me laisser en ceste vallée de pleurs et de miseres, je le feray instituer en tout honneur et vertu.
Je vous supplie tres-humblement, Monseigneur, de me continuer tousjours vos bonnes
volontez, et croire que je ne desire rien plus, apres les graces et benedictions de ce bon Dieu que
j'implore, et dont j'ay bien besoing, que d'estre conservé en vostre souvenance, et demeurer toute
ma vie,
Monseigneur,
Vostre tres-humble et tres-affectionné serviteur,
FREMIOT.
Dijon, 29 mars 1610. [415]
1183 Cf. p. 247, not. (709).
1184 Jean-François de Sales.
1185 Cette lettre a dû être écrite pendant le séjour de saint François de Sales en Bourgogne.
1186 Cf. p. 263, not. (750).
1187 Vide Epist. DLXXXI.
282/329

29.3 Page 283

▲back to top


F. Lettre du Cardinal Jean Garcia Millino1188
1189Illustre et molto Reverendo Monsignore,
Il Rev. Giovanni Sauli, sacerdote di Verduno in Lorena, è venuto qui et ha esposto alla
Santità di Nostro Signore che 166 heretici calvinisti delle città di Losana et Geneva vogliono
tornare alla fede cattolica con le famiglie loro et abiurare l'heresie in mano di V. S. a Tunone;
rapresentando che non possono conferirsi (sic) altrove con le famiglie, senza pericolo della vita di
molti di essi, facendo instanza che si conceda a lei facoltà di assolverli et reconciliarli in utroque
foro. Di che essendosi trattato in Congregatione del Santo Officio avanti Nostro Signore a XI del
presente, la Santità Sua si è contentata dar ampia facoltà a V. S. di assolvere detti heretici, con le
amiglie loro, in utroque foro, procurando di farli prima instruir bene negl'articoli della fede
cattolica contro l'heresie tenute, et che per l'avvenire, per mezzo di sacerdoti dotti et prudenti, siano
mantenuti et conservati nella purità della fede cattolica; confidando Sua Beatitudine et questa sacra
Congregatione nella molta bontà, prudenza et zelo di lei in procurare la salute dell' anime, ch' Ella
darà in ciò quelli buoni ordini et avvertimenti che saranno in ciò necessarii, piacendole, a suo
tempo, dare avviso de' nomi et cognomi delle persone che assolverà et reconciliarà in vigore della
presente, per farne relatione a Sua Beatitudine.
Et a V. S. tra tanto mi offero et raccommando.
Di V. S. Illustre et molto Reverenda,
Come fratello,
Il CARDINALE MILLINO.
Di Roma, li 13 di novembre 1610.
Revu sur le texte inséré dans le IId Procès de Canonisation. [416]
1188 Jean Garsia Millino, né en 1573, cardinal le 11 septembre 1606, mourut le 1er octobre 1629.
1189 Le texte italien de cette lettre est inédit.
283/329

29.4 Page 284

▲back to top


II. Lettre de Sainte Jeanne-Françoise de Chantal a Monseigneur
Jean-Pierre Camus1190
VIVE JÉSUS !
Mon tres-honoré et très-cher Seigneur,
Vous avez laissé cette petite ville toute parfumée de la suavité de votre douce, dévote et
débonnaire conversation, particulièrement Messeigneurs nos bons prélats, qui en parlent avec
grand sentiment. Mais surtout nos pauvres Sœurs sont demeurées tellement consolées de l'entretien
de la pure dilection, qu'elles regrettent avec moi de n'avoir su jouir plus souvent du bonheur de
votre désirable présence.
Il est vrai, mon très-cher Seigneur, à vous parler dans la pure vérité, que j'étais
intérieurement sollicitée du désir de vous parler d'un sujet que ces bonnes âmes ne savent pas; et
bien que ma bassesse et la révérence que je porte à votre mérite et que je dois à votre dignité
combattissent cette pensée, néanmoins c'était elle qui m'excitait à vous prier souvent de nous venir
voir, et à me plaindre à votre bonté de ce que vous ne le faisiez pas. Or je croyais que par votre
absence je serais défaite de cette secrète excitation, et néanmoins je m'en trouve plus pressée et si
fort que je ne puis l'anéantir sans scrupule; c'est pourquoi, mon très-cher Seigneur, me confiant en
votre débonnaireté et humilité, et prosternée en esprit à vos pieds, je vous supplie et conjure, avec
toute la révérence qui m'est possible, par la pure dilection que vous avez à notre divin Sauveur, et
par l'amour que vous portait et que vous portez à notre Bienheureux Père, de vous déporter d'écrire
contre les Religieux, et de prendre garde aussi de ne heurter personne, ni en général ni en [417]
particulier, pour chétive qu'elle soit, dans vos livres, ni d'y rien dire qui puisse émouvoir des
contentions ou réfutations, car tout cela ne fait qu'engendrer beaucoup d'offenses contre notre bon
Dieu, les Religieux qui répondent n'ayant pas assez de mortification pour le faire avec l'humilité
et le respect qu'ils doivent à votre digne personne et à votre qualité.
Ce mépris que l'on donne des Religieux peut aussi grandement diminuer la piété des
peuples, qui est fort soutenue et accrue par leurs bons exemples et doctrine, et de plus, mon très-
cher Seigneur, les ennemis de la sainte Eglise se fortifient dans leurs erreurs, et font des trophées
et des risées quand ils voient que ses propres enfants se dévorent l'un l'autre, et surtout quand les
pères, qui sont Messeigneurs les prélats, découvrent les plaies de leurs enfants, avec confusion, et
que les enfants ne le souffrent dans la soumission qu'ils doivent; cela, dis-je, donne un grand
scandale, ce qui ne peut apporter qu'un très-grand détriment à la très-sainte Epouse de Notre-
Seigneur. Il vous a donné une âme et un esprit propres pour écrire de son divin amour, et enrichir
l'Eglise d'infinité de traités de dévotion, pour le bien et avancement des âmes: c'est la sainte
occupation que ceux qui vous honorent désirent maintenant à votre aimable loisir, afin que, par le
moyen de cette pure dilection de notre divin Sauveur, dont votre chère âme est si parfaitement
amoureuse, vous preniez garde dorénavant d'épargner dans vos écrits les Religieux. Vous voyez
qu'ils ne reçoivent pas avec profit vos avertissements, et qu'il y a grand risque, si cela n'est bientôt
étouffé par votre bonté et charitable support, qu'il ne s'allume un feu qui éteigne celui de la sainte
charité en plusieurs âmes, et ne cause de très-grands scandales en l'Eglise de Dieu, ainsi que
plusieurs bien sensés appréhendent et prévoient qu'il arrivera infailliblement, si votre débonnaireté
et votre zèle à la plus grande gloire de Dieu ne vous fait supporter sans revanche l'insolence d'une
réponse que l'on dit avoir été faite à un de vos livres, laquelle, étant si extravagante et éloignée de
la vérité et du respect qui vous est dû, ne peut porter coup contre l'estime que l'on a de v.otre
véritable vertu.
Oubliez donc, mon très-cher Seigneur, cette offense, à l'imitation du divin Sauveur, qui en
avait reçu de bien plus grandes de ceux pour qui il demanda pardon en les excusant, et vous
1190 Voir ci-dessus, note (426), pp. 139-141.
284/329

29.5 Page 285

▲back to top


souvenez aussi, mon bon Seigneur, de la modestie et douceur avec laquelle notre Bienheureux
Père parle en la préface de l'Amour divin, de celui qui l'avait si insolemment bafoué en pleine
chaire: il attribue cette faute à son zèle. Vous chérissez si tendrement l'esprit de ce Bienheureux,
[418] imitez-le, mon très-cher Seigneur, en sa patience à tout supporter, et en cette prudence
charitable qui le tenait attentif à ne dire ni écrire jamais aucune chose qui pût tant soit peu blesser
le général, ni les particuliers d'aucun Ordre, ni décrier personne du monde, pour vile et chétive
qu'elle fût. L'on voit cette vérité dans ses écrits, où il oblige par témoignages d'honneur et d'estime
tout le monde, et particulièrement les Ordres religieux qu'il révérait et aimait, et disait que c'était
l'une des plus saines parties de l'Eglise. Quand il en savait quelque défaut, il les couvrait tant qu'il
pouvait, et s'employait soigneusement à les aider à réparer: je l'ai vu dans cette pratique seize
années; avec combien de charité, de travail et d'écrits il se conduisait! les sensibles douleurs qu'il
ressentait quand leurs défauts et ceux des ecclésiastiques venaient en évidence, parce que la
mésestime de telles personnes diminue et affaiblit grandement la piété des peuples, qui est fort
soutenue et conservée par leurs bons exemples.
Monseigneur mon très-cher frère, votre bonté me pardonnera-t-elle la confiance que je
prends de lui dire ainsi simplement tout mon sentiment? Certes, après la gloire de Dieu, j'ai été
excitée par le véritable amour que je vous dois et veux vous rendre toute ma vie, et prie Dieu de
vous donner la sainte inspiration d'employer dorénavant ce talent qu'il vous a donné pour écrire de
sa pure dilection, et par ce moyen enrichir la sainte Eglise de plusieurs traités utiles à ses enfants.
Permettez-moi, Monseigneur, de vous supplier de me donner quelques petits témoignages que
vous n'aurez point désagréé ma simplicité et confiance en votre bonté, car mon cœur aurait une
bonne touche s'il pensait avoir fait quelque chose qui vous déplût, ayant tant de désirs de se voir
continuer l'honneur de votre précieuse amitié……………………………………………………..
[Annecy, 1632.]
D'après l'Autographe conservé à la Visitation d'Annecy. [419]
285/329

29.6 Page 286

▲back to top


Glossaire des locutions et des mots surannés ou pris dans
une acception inusitée aujourd'hui1191
(L'astérisque désigne les mots qui ont paru dans le Glossaire des tomes précédents.)
*A pour avec (v. p. 26, lig. 5), contre (p. 283, II. 9, 10), de (pp. 39, lig. 21; 119, lig. 2; 204, lig.
1; 388, lig. 5, etc.), en (pp. 78, lig. 6; 113, lig. 1; 311, II. 10, 21), en signe de (p. 290, lig. 1) envers,
à l'égard de (p. 133, lig. 13), par (pp. 184, lig. 27; 261, lig. 30), pour (p. 387, lig. 20).
AAGE pour vie, temps (v. pp. 59, 142).
ABBATU pour anéanti (v. p. 228).
ABHORRISSEMENT horreur (voir p. 94). Cf. l'ital. ABORRIMENTO.
*ACCOISER apaiser, rendre coi, calme (v. p. 8). Cf. le lat. ACQUIESCERE.
ACCOISER (s') s'apaiser, se tranquilliser (v. p. 94).
ACCOMMODEMENT de l'ital. ACCOMODAMENTO, aménagement (voir p. 287).
*ACCOMMODER pour finir de préparer (v. p. 36), pourvoir, ordonner (pp. 125, 198).
ACCOSTER pour côtoyer (v. p. 317).
A CE pour ce (v. p. 248).
ACOLANT entourant le cou (voir p. 262).
*ACTION pour cérémonie (voir p. 167).
*ADDRESSER pour diriger (voir p. 279).
*ADMIRABLE pour singulier, étrange (v. p. 35).
*ADMIRERpour trouver étonnant, s'étonner (v. pp. 24, 161, 360).
*ADVENTURE, AVENTURE (a l') pour peut-être (v. pp. 127, 192, 278, 336).
ADVISER (s') pour s'apercevoir (v. p. 62).
*ADVOUÉ pour reconnu, approuvé (v. p. 252).
AETERNITÉ, ETERNITÉ (a l') éternelle, éternellement (v. pp. 260, 359).
*AFFECTER pour rechercher (voir p. 127). [421]
AFFECTION pour désir, ardeur (v. pp. 175, 195, 261).
*AFFECTIONNEMENT avec affection (v. pp. 5, 38, etc.)
*AFFIGÉ fixé, attaché, suspendu (v. pp. 125, 199).
*AGEANCEMENT pour arrangement, disposition (v. p. 269).
AGGRANDIR pour faire croître, donner une part plus large (v. p. 12), élever en dignité (p.
13).
*AGILITÉ (d'esprit) promptitude d'esprit (v. p. 114).
*AINS mais, mais plutôt, mais encore, et aussi.
AINSY COMME comme (v. p. 40).
AIR pour vol (v. p. 320).
*ALANGUISSEMENT langueur (v. pp. 52, 119).
ALENTOUR pour autour (v. p. 14).
ALIENÉ du lat. ALIENUS, éloigné, détaché (v. p. 178).
*AMENE — du lat. AMŒNUS, d'un aspect agréable, riant (v. p. 317).
*A MESME à mesure (v. p. 57), à l'instant même (p. 257).
*AMIABLE qui a lieu par voie de conciliation (v. p. 25), doux, gracieux, aimable (pp. 78, 147,
etc.), amical (pp. 188, 279, etc.)
*AMIABLEMENT aimablement, gracieusement (v. pp. 125, 344, 380).
1191 Nous n'avons pas songé à dresser ici, pour ce volume, en toute rigueur scientifique, le Lexique de saint François
de Sales. Un tel travail, à peine est-il besoin de le dire, ne pourra être établi qu'après l'achèvement de cette publication.
Notre but a été surtout de rendre provisoirement service aux lecteurs français ou étrangers qui seraient peu familiarisés
avec les particularités du vieux langage. On voudra bien, en se servant de ce recueil, se souvenir de la pensée d'ordre
tout pratique qui l'a inspiré.
286/329

29.7 Page 287

▲back to top


AMOINDRIR pour devenir moindre, diminuer (v. p. 151).
*APPARENT pour marquant (voir p. 158). Cf. le lat. APPARENS.
*APPERT (il) il paraît évident (v. p. 83).
APPLICATIONS pour remèdes appliqués (v. p. 358).
*APPOINTEMENT pour arbitrage dans les différends (v. p. 387).
*APPREHENSION sentiment, idée vive (v. p. 233).
APPRESTER pour prêter (v. p. 70).
*APPRIVOYSER pour accoutumer (v. p. 8).
*ARDRE du lat. ARDERE, brûler (v. p. 297).
ARGUMENT pour raison, motif (v. p. 267).
*ARRAYSONNER chercher à persuader, chapitrer (v. p. 148).
*ARRESTER pour rester, demeurer, se fixer (v. pp. 58, 170, 311), tarder (p. 252).
ARRESTER (s') pour demeurer, rester (v. p. 183).
ASPRE pour dur, désagréable au goût (v. p. 138).
*ASSEURÉ (estre) pour être en assurance, en sécurité (v. pp. 80, 189).
ASSEURE (pour) pour sûr, assurément (v. p. 148).
*ASSEURER (s') pour être sûr (v. p. 98), s'affermir, se fortifier (p 377).
ASSOUVI contenté, satisfait (voir p. 74).
*ATANT là-dessus, sur ce (voir p. 319).
*ATTENDRE A (s') pour compter sur (v. p. 183).
ATTENDRIR... A pour amollir... jusqu'à (v. p. 270):
AU pour à (v. p. 185, lig. 9).
*AUCUNEMENT pour quelque peu, en quelque façon, d'une manière quelconque (v. pp. 6,
10, 168, 238, etc.)
AUX pour dans les, chez les (v. pp. 41, 379, II. 5, 6).
*AVANCER pour faire avancer, mettre en avant (v. p. 317).
AVANCER SUR (s') empiéter (voir p. 357).
AVANTAGE (a 1') d'avance, par avance (v. p. 369).
AVIDEMENT pour avec empressement (v. p. 139).
*AYSE pour consolation, plaisir, contentement (v. pp. 183, 396).
*BAILLER donner (v. p. 117).
*BANDE pour attentif, appliqué (v. p. 159), tendu (p. 238).
BASILISQUE du lat. BASILISCUM, basilic (v. p. 205).
*BENEFICE pour bienfait (v. pp. 94, 369).
BIEN pour plaisir, bonheur (voir p. 162). [422]
BIENS pour bonnes œuvres, bien (v. p. 47).
*BIGEARRE bizarre (v. p. 205).
*BONNEMENT facilement (voir p. 262).
BORDON bourdon de pèlerin (voit p. 324).
*BOUT DE LA après tout après cela (v. p. 71).
*BRAVE pour joli (v. p. 129).
*BRIGADE de l'ital. BRIGATA, compagnie, assemblée (v. p. 174).
*BROUILLERIES difficultés, petites disputes intestines (v. p. 159).
*ÇA BAS ici-bas (v. p. 381).
* CARESME PRENANT les trois jours qui précèdent le mercredi des Cendres (v. p. 253).
*CARESSER pour faire des démonstrations vives d'amitié, faire bon accueil (v. pp. 95, 193).
CARESSES pour démonstrations d'amitié (v. p. 69).
*CARMELINE Carmélite.
*CE ceci, cela.
* CEANS ici (v. p. 296).
287/329

29.8 Page 288

▲back to top


*CELEBRER pour dire la Messe (v. p. 203).
* CE PENDANT, CEPENDANT pour pendant ce temps, en attendant (v. pp. 12, 44, 156, etc.)
CETTE LA celle-là (v. p. 205).
*CETTUYCI celui-ci (v. p. 262).
*CHALOIR importer (v. pp. 101, 142).
CHAMBRIERE servante (v. p. 109).
*CHAMS (aux, des) pour à la campagne, en voyage (v. pp. 263, 324, 334), de la campagne (p.
217).
CHEFZ pour points principaux (v. p. 264).
*CHEVIR venir à bout (v. pp. 83, 353).
*CHOPPEMENT faux pas (voir p. 157).
CIVIL qui appartient à la sociabilité (v. p. 107).
*CLAIR pour clairement (v. p. 132).
CLAIREMENT pour avec clairvoyance (v. p. 322).
*CLAUSURE du lat. CLAUSURA, clôture (v. p. 306).
*COGITATION du lat. COGITATIO, pensée (v. pp. 40, 72, 120, etc.)
COIFFÉ pour apprêté (v. p. 107).
*COLLOQUER du lat. COLLOCARE, placer, mettre (v. p. 365).
*COMME pour comment, par quels moyens (v. pp. 4, 40, 184, etc.)
COMMIS pour délégué (v. p. 306). Cf. l'ital. COMMESSO.
COMMUNE pour publique (voir p. 359).
COMMUNION pour participation commune (v. p. 5).
COMPETER du lat. COMPETERE, appartenir en vertu de certains droits (v. p. 49).
COMPOSITION pour manière d'être, maintien (v. p. 175).
CONDITIONNÉ pourvu des qualités requises (v. p. 284).
CONFONDRE (se) pour s'humilier (v. p. 297).
CONGREGEES du lat. CONGREGATAE, réunies, assemblées (v. p. 328).
CONJOINT uni (v. p. 178).
*CONJURÉ pour juré (v. p. 121).
CONSIDERER pour réfléchir (voir p. 84).
*CONTE pour compte.
CONTÉ pour comté (v. p. 33).
CONTEMPLATION (a ma; a vostre) à ma considération, à votre considération (v. pp. 229,
51).
*CONTEMPLATION (en) en vue, en considération (v. pp. 81, 292).
CONTEMPTIBLE du lat. CONTEMPTIBILIS, méprisable (v. p. 310).
*CONTENTION du lat. CONTENTIO, dispute (v. p. 181).
*CONTESTE pour combat, débat, discussion (v. pp. 2, 8).
CONTINUER pour maintenir (voir p. 258).
*CONTREGARDER (se) se tenir sur ses gardes (v. p. 53).
CONTREROLLEMENT critique (v. p. 307).
CONTRESCHANGER EN remplacer par (v. p. 245).
*CONVERSATION pour commerce, [423] rapports (voir p. 147), société (p. 176).
CORDIAL pour du cœur (v. p. 112).
*COUCHER pour se coucher (voir p. 377).
COULPE du lat. CULPA, faute, culpabilité (v. p. 282).
*COURAGE pour cœur, bonne volonté, esprit (v. pp. 8, 210, 237, 311).
COY pour ferme, assuré (v. p. 27).
*CREANCE pour Credo (v. p, 8), croyance, confiance (pp. 284, 336).
CREDIT de l'ital. CREDITO, autorisation, faveur (v. p. 359).
*CURIOSITÉ pour recherche curieuse, inquiète (v. p. 203). Du lat. CURIOSITAS.
*CUYDER du lat. COGITARE, croire, penser (v. p. 266).
288/329

29.9 Page 289

▲back to top


*DAMOYSELLE (voir MADAMOYSELLE appellation usitée jadis à l'égard de toute femme
mariée qui n'était pas noble, ou qui, étant noble, n'était pas titrée (v. pp. 93, 96, 227).
*DE pour une partie de, un certain nombre de (v. p. 359, lig. 2).
DEBILITÉ pour amoindri (v. p. 83).
*DEÇA (de) ici, d'ici, de ce côtè-ci, de ce pays (v. pp. 11, 340, 265, 316, etc.)
*DEDANS dans (v. pp. 15, 78).
*DEDIÉ pour voué au service de quelqu'un (v. p. 41).
*DEDIER pour dévouer, consacrer (v. pp. 71, 84, 279, etc.)
*DEDUIRE exposer en détail (voir p. 184). Du lat. DEDUCERE.
DEFAILLY manqué (v. p. 83).
*DEFAUT pour déficit (v. p. 86).
DEGOUSTANT pour décourageant (v. p. 57).
*DEGOUSTEMENT dégoût (voir p. 107).
*DELA (de) de là, de là-bas, là-bas, près de vous (v. pp. 13, 48, 130, etc.)
*DELIBERER (se) se proposer (voir p. 125).
DEMARCHER s'écarter (v. p. 266).
DEMESLE pour débarrasse (voir p. 255).
*DEMEURANT (le) le reste du temps (v. p. 330).
DEMISSION désir d'abaissement (v. p. 109). Du lat. DEMISSIO.
*DEPART pour sortie (v. p. 183).
*DEPESCHE pour pièce expédiée (v. p. 271).
*DEPORTEMENT manière de se comporter (v. p. 178).
*DERELICTION du lat. DERELICTIO, délaissement, désolation (v. pp. 52, 112).
*DES pour depuis (v. p. 217).
DESDUIT divertissement (voir p. 381).
*DESENGAGER (se) s'affranchir (v. p. 213).
DESFAIRE pour détruire, renverser (v. p. 126).
DESHONNESTE pour peu séant (v. p. 122).
DES ICY d'ici, de ce lieu (voir p. 209).
DESPECHÉ pour pourvu de messages (v. p. 386).
*DESPITEUX pour susceptible, porté à la rancune (v. p. 203).
*DESPLAYSANT fâché (v. p. 271).
DESPRIS délivré, dégagé (voir p. 255).
*DES QUE pour depuis que (voir pp. 172, 262).
DES QUELQUE TEMS EN ÇA depuis quelque temps (v. p. 227). Cf. l'ital. DA QUALCHE
TEMPO IN QUA.
DESREGLÉ pour injurieux (voir p. 25).
*DESSEIGNER projeter (v.p.265).
*DESSOUS pour sous (v. p. 105).
*DESSUS pour sur (v. p. 365).
DETRAQUÉ détourné (v. p. 8).
DETREMPER EN pénétrer de (v. p. 40).
*DEVANT pour avant, auparavant (v. pp. 41, 122, 168, etc.)
DEVANT QUE pour avant de (v. p. 148).
DEVOT pour serviteur dévoué (v. p. 3).
DE VRAY vraiment, en vérité (v. p. 82). [424]
*DEXTRE droite (v. pp. 267, 280). Du lat. DEXTER.
DIGESTION pour examen lent et profond (v. p. 344).
*DILATION du lat. DILATIO, action de différer, ajournement (v. p. 192).
DISCOLE d'humeur difficile, revêche (v. p. 174). Du grec DUSCOLOS.
DISCOURS pour récit (v. p. 46), raison (p. 142).
289/329

29.10 Page 290

▲back to top


*DISJOINT du lat. DISJUNCTUS, séparé (v. p. 178).
DISPUTER pour argumenter, discuter (v. pp. 95, 111).
DISTRAIT pour empêché, empêtré, dérangé par (v. pp. 267, 292).
*DIVERTIR pour détourner (voir p. 12), distraire (pp. 46, 157), écarter (p. 84), prévenir (p.
123), tourner (pp. 113, 333).
*DONT pour ce dont, de quoi (v. p. 57).
*DORES-EN-AVANT, D'ORES EN AVANT dorénavant.
*DRESSÉ, DRESSER pour dédié, consacré, dirigé, réglé (v. pp. 297, 379), diriger, régler (p.
379).
*DRU fréquemment (v. p. 238).
*DU TOUT pour tout a fait, complètement (v. pp. 2, 136, 353, etc.)
EAGE âge (v. p. 34).
EFFORTZ pour austérités, rigueurs (v. p. 74).
*EMBARASSEMENT, EMBARRASSEMENT embarras (v. pp. 135, 357).
*EMMI au milieu de, dans, parmi (v. pp. 125, 136, 169, etc.)
*EMPLOYTE emploi (v. p. 11).
EN pour par, de, au (v. pp. 8, 78, 323).
*EN ÇA ancien terme de palais pour jusqu’à présent, jusqu'ici (voir var. (866), p. 305). Cf.
l'ital. IN QUA.
*ENCOMBRIER encombre, empêchement (v. p. 235).
ENFANCES pour enfantillages (v. p. 22).
*EN LIEU pour en échange, au lieu (v. pp. 48, 136).
ENNUY pour peine, tristesse (voir p. 322).
*ENSEMBLEMENT ensemble (voir pp. 34, 159, 174).
ENTENDRE A (s') pour prendre goût à (v. p. 29).
*ENTRE CI entre le moment présent, le jour présent (v. p. 13).
ENTRECOMMUNIQUER (s') se communiquer réciproquement (voir p. 238).
ENTREDEUX (d') d'intervalle (voir p. 369).
*ENTREFICHER embarrasser, serrer fortement (v. p. 108).
*ENTREPORTER (s') porter, se soutenir mutuellement (v. p. 379).
ENTRESOULAGER (s') se soulager mutuellement (v. p. 238).
* ENTRETENEMENT entretien (v. p. 158).
*ENTRETENIR (s') pour se tenir mutuellement (v. pp. 26, 281).
*ENTRE VENIR intervenir, se mêler (v. p. 7).
*ENVERS pour auprès de (voir p. 280).
ENVOYER pour mander (voir p. 148).
*ESCHEOIT (s'il y) s'il est nécessaire, s'il y a lieu (v. pp. 11, 323).
ESCRIMER pour s'escrimer, lutter avec persistance (v. p. 82).
*ESJOUIR (s') se réjouir (voir pp. 23, 29, 257),
*ESLANCEMENT pour élan (voir p. 168).
ESLANCER jeter, lancer (voir p. 238).
ESLECTIONS pour vues personnelles (v. p. 278).
*ESLEVEMENT enflure, exaltation orgueilleuse (v. p. 237).
*ESMERVEILLABLE qui émerveille, ravit (v. p. 338).
*ESMOUVOIR pour exciter, déterminer (v. pp. 142, 269, 374).
ESPRIT pour état d'âme (v. p. 166).
*ESTABLIR du lat. STABILIRE, rendre stable, affermir (v. p. 294).
ESTONNÉ pour saisi, frappé (voir p. 71). [425]
*ET SI pour aussi, cependant, et encore, pourtant.
ÉVACUER (s') pour se dissiper (v. p. 167).
*EVENEMENT pour issue (v. pp. 93, 227).
290/329

30 Pages 291-300

▲back to top


30.1 Page 291

▲back to top


EXACTION action d'exiger ce qu’un autre doit ou a promis (voir p. 83).
EXPRIMÉ pour représenté (voir p. 318).
EXTRAIRE pour tirer (v. p. 133).
EXTRAVAGANCE pour chose extraordinaire (v. p. 93).
EXTREME pour excessif, extraordinaire (v. p. 378).
FAIRE pour constituer, nommer (v. pp. 64, 65).
FAIRE PART pour donner part (v. p. 41).
FASCHEUX pour pénible (voir p. 267).
*FAUTE (a) a défaut (v. pp. 83, 120).
*FEINTISE feinte, dissimulation (v. p. 178).
*FIANCE confiance (v. pp. 355, 374).
FLOUET fluet, faible, léger (voir pp. 94, 376).
*FONDRE pour jeter, se perdre (v. pp. lor, 310). Du lat. FUNDERE.
*FORCE (a) avec force, avec impétuosité (v. p. 314).
*FORCENERIE acte de forcené, acte violent (v. p. 379).
*FORCLORRE empêcher, exclure, mettre dehors (v. pp. 66, 110, 148, 343).
*FORME pour formule (v. p. 19).
FORME (a la) à la manière (voir p. 330).
*FORMÉ qui a reçu sa constitution définitive (v. p. 331).
FORT (de plus) plus fortement (v. pp. 2, 5).
FORTIFICATION pour affermissement (v. p. 282).
*FORTUNE (par) par hasard (voir pp. 36, 377).
*GARDER pour prendre garde (v. pp. 285, 353).
*GASTÉ pour détruit (v. p. 29), blessé, meurtri (p. 370).
GLOIRE, GLOYRE pour vanité, plaisir (v. pp. 9, 74).
*GOUVERNER pour entretenir, prendre le soin de, diriger (v. pp. 34, 102, 155, 167).
GRACE (de vostre) volontiers de voire part (v. p. 176).
*GRAND CAS (c'est) c'est une chose surprenante (v. pp. 39, 97, 258).
GRATIFIÉ pour satisfait, agréé (v. p. 51).
GRIEF pour pesant, à charge (voir p. 147). Du bas-lat. GREVEM.
HABILE pour intelligent et instruit (v. p. 36).
*HASTIVEMENT promptement, à la hâte (v. pp. 125, 242, 324).
HAZARD (estre au) exposé à toute aventure, a tout péril (v. p. 106).
HISTOIRE pour relation (voir p. 261).
HOIR du lat. HERES, héritier (voir p. 361).
*HONNESTE pour raisonnable (voir p. 241).
*HUMEUR pour caractère, tempérament (v. p. 192).
HUMEURS goûts, tendances, mœurs (v. pp. 307, 378).
*HUY aujourd'hui (v. p. 44).
IL N'EST pour ce n'est (v. p. 20).
*IMBECILLE du lat. IMBECILLIS, faible (v. pp. 310, 357).
*IMBECILLITÉ du lat. IMBECILLITAS, incapacité, faiblesse (v. pp. 127, 157, 163).
*IMPERTINENT hors de propos et offensant (v. p. 70), hors de propos (p. 378). Négatif de
pertinent (lat. PERTINENS), à propos.
IMPORTANCE (l') pour l'important (v. p. 182).
INCESSABLE du lat. INCESSABILIS, incessant (v. p. 360). [426]
INCREDIBLE du lat. INCREDIBILIS, incroyable (v. p. 34).
*INDIGESTE pour non digéré (v. p. 156).
291/329

30.2 Page 292

▲back to top


INTERMIS interrompu (v. p. 333). Du lat. INTERMITTERE.
*IRE du lat. IRA, colère (v. p. 105).
*JA certes, déjà (v, pp. 40, 305).
*JOIGNANT (tout) tout près de (v. p. 314).
JOINTE pour atteinte (v. p. 317).
JOLIMENT pour doucement, de bon cœur (v. p. 159).
JOUIR (piece a) dont on aura la jouissance, les revenus (v. p. 329).
*JOURDHUY (ce) aujourd'hui (voir pp. 155, 196, etc.)
LAIRRIES ancienne forme de laisseriez (v. p. 80).
*LANTERNERIE petite difficulté (v. p. 353).
*L'AUTREFOIS pour de nouveau, une autre fois (v. p. 157).
*LEGAT du lat. LEGATUM, legs (v. p. 168).
LETARGIQUE, LETHARGIQUE qui est en léthargie (v. p. 262).
*LHORS pour alors (v. pp. 22, 96, etc.)
LIEU pour auteur (v. p. 5).
LOCUSTE du lat. LOCUSTA, sauterelle (v. pp. 320, 321).
*MADAMOYSELLE (voir DAMOYSELLE) (v. pp. 47, 91, 129, etc.)
MAIN (a toute) sans ménagement (v. p. 360).
MALLEMENT mal (v. p. 129). Cf. l'ital. MALAMENTE.
*MANQUEMENT pour absence, privation, manque (v. pp. 75, 268, 376, etc.)
MANTE pèlerine (v. p. 324).
*MARRI, MARRY fâché (v. pp. 22, 171, etc.)
MEMORIAL pour memento (voir p. 261).
*MESHUY désormais (v. pp. 10, 210, etc.)
*MESMEMENT surtout (v. pp 86, 333).
MINISTRER du lat. MINISTRARE, servir (v. p. 36).
*MINUTER projeter (v. p. 201).
MONDE du lat. MUNDUS, pur (voir p. 174).
MOULE partie fondamentale et caractéristique du chaperon ou coiffure des dames en France,
de 1550 à 1625 (v. p. 35).
*NAVIGER naviguer (v. p. 373).
*NEANTISE néant (v. p. 236).
*NET pour pur (v. p. 174).
*NOURRIR pour élever, entretenir, instruire (v. pp. 10, 240, 340, etc.)
*NOURRITURE pour entretien (v. p. 328).
*NUDITE pour dépouillement (voir p. 332).
NUEMENT simplement, ingénument (v. p. 343).
*OBEDIENCE du lat. OBEDIENTIA, obéissance (v. p. 182).
ORATEUR titre que prenaient autrefois les gens d'Eglise écrivant a des souverains (v. pp. 158,
200, etc.)
*OR SUS parole d'encouragement. Cf. l'ital. ORSU.
PALUD du lat. PALUS, lieu marécageux, étang (v. var. (881), p. 307).
*PAR AINSY ainsi (v. p. 261).
*PAR APRES ensuite, dans la suite.
PARCOURIR SUR pour parcourir (v. p. 94).
*PAR DELA là où vous êtes (voir p. 133).
292/329

30.3 Page 293

▲back to top


*PAR DEVERS auprès de (voir p. 365).
*PARENTAGE parenté, lien de parenté (v. pp. 15, 141).
PARFORCER (se) s'efforcer le plus possible (v. p. 156).
PARROCHIALE paroissiale (voir pp. 83, 356). Du lat. PAROCHIA.
PARTICULIER pour détail (voir p. 181). [427]
*PARTIE familier: femme a l'égard du mari (v. pp. 185, 399).
*PASSER pour dénouer, défaire (v. p. 108).
PERDRE du lat. PERDERE, gâter (v. p. 108).
*PERDURABLE du lat. PERDURABILIS, éternel, qui dure toujours (voir p. 28).
*PETIT (un) pour un peu.
PIPPER A exceller à (v. p. 45). Cf. Richelet et Furetière.
PIQUAMMENT d'une manière piquante (v. p. 378).
*PLAINDRE pour se plaindre (voir p. 54).
*PLAINT pour plainte (v. p. 333).
*PLAYSEVOUS qu'il vous plaise (v. p. 20).
*POIX pour poids (v. p. 209).
*POLICE règlement, sage organisation (v. p. 330).
POULET pour billet d'amitié (voir pp. 132, 267).
*POUR pour quant à (v. p. 24), par (p. 141).
*POUR CE QUE parce que (voir p. 378).
POUSSÉ pour fait parvenir, retentir (v. p. 336).
POUSSER DEHORS pour produire, publier (v. p. 126).
PRETENTION, PRETENTION pour but où tendent les désirs de quelqu'un (v. pp. 39, 57, 137,
etc.)
*PRESAGER prédire, annoncer (v. p. 178). Du lat. PREFISAGIUM.
*PRESOMPTION du lat. PRÆSUMPTIO, supposition, espérance téméraire (v. p. 279).
PRESSE pour demande pressante, insistante (v. p. 117).
PRESSE pour serré par la douleur (v. p. 160).
PRETENDUE pour qui a donné son nom (v. p. 239).
*PRIS, PRIX (au) en comparaison (v. pp. 38, 234).
PROPORTION (il n'y auroit point de) il ne conviendrait pas (v. p. 263).
PROPOS dessein, résolution (voir p. 99), sujet (p. 178).
PROPOS (a) pour convenable (voir p. 35).
*PROSPERER pour faire prospérer (v. pp. 6, 49, 200, etc.)
*PROU beaucoup (v. pp. 62, 120, etc.)
*PROUVOIR du lat. PROVIDERE, pourvoir (v. pp. 287, 302).
PROUVOYANCE (tirer apres sa) entourer, suivre quelqu'un de sa protection (v. p. 24).
*PROVIDENCE pour sagesse (voir p. 264).
*PUREMENT pour franchement, sincèrement (v. p. 266).
*QUAND pour quant (v. p. 40).
QUANT ET SOY avec lùy (voir p. 112).
*QUE pour comme, sans que, car, de, dont (v. pp. 15, 18, 148, 189, etc.)
*QUE C'EST QUE qu'est-ce que (v. pp. 9, 153).
*QUE L'ORDINAIRE pour qu'à l'ordinaire (v. p. 178).
*QUI pour ce qui.
QUIETE du lat. QUIETUS, calme (v. p. 120).
RAMENTEVOIR EN rappeler à, entretenir (v. pp. 16, 101).
RANGE pour recueilli, discipliné (v. p. 57).
REBENIR bénir de nouveau (voir p. 36).
*RECOMMANDATIONS pour salutations, compliments (v. p. 394).
293/329

30.4 Page 294

▲back to top


*RECOUVERT pour découvert (v. p. 199).
*RECOY (a) du lat. REQUIETUM, en repos (v. p. 253).
REDDRESSEMENT action de corriger (v. p. 46).
*REDUCTION pour conversion, retour (v. pp. 46, 126, 162). Cf. le lat. REDUCTIO, action de
ramener.
*REFORMATION du lat. REFORMATIO, réforme (v. pp. 39, 174, 331).
*REFRIGERE du lat. REFIUGERJUM, rafraîchissement (v. p. 307).
REGARD (pour ce, pour le) sur [428] ce point, en ce qui concerne, à cet effet, à ce sujet, à cet
égard (v. pp. 25, 122, 174, 252, 362, etc.)
*REGARDER DE tâcher de, avoir soin de (v. p. 387).
REJETTE pour éconduit (v. p. 242).
*RELIGION pour Ordre religieux (v. pp. 288, 305, 331).
REMEDIÉ secouru, guéri (voir p. 235).
REMEMORER pour faire commémoration, célébrer le souvenir d'un événement (v. p. 270).
REMIS pour abandonné (v. p. 337).
REMISE pour abandon (v. p. 122).
REMONSTRANCE pour réclamation (v. p. 194).
RENDU pour remis (v. p. 383).
RENFORCER pour fortifier, augmenter les forces (v. p. 372).
REPAIRE pour retraite (v. p. 314).
REPOSER SUR pour confier à (voir p. 156).
*REPRESENTER pour présenter de nouveau (v. p. 230).
REPRISE pour recommencement après une interruption (v. p. 61).
REQUERIR demander avec insistance, prier, supplier (v. pp. 5, 52, 136).
*RESALUER pour saluer (v. p. 90).
*RESOLU répondu en donnant une solution, une décision (v. p. 246).
*RESOLUTION du lat. RESOLUTIO, décision, solution (v. pp. 183, 241, 319).
RESONNER pour faire résonner (v. p. 392).
*RESOUDRE (se) pour prendre un parti, une détermination (v. pp. 11, 263).
*RESOUVENIR pour faire ressouvenir (v. p. 87).
*RESPECT pour égards (v. p. 46). Du lat. RESPECTUS.
RESPONDU ce a quoi on a fait réponse (v. p. 17).
*RESSENTIMENT pour peine, chagrin (v. pp. 255, 261, 278), impression (p. 270).
RESSENTIMENT (faire) témoigner de la satisfaction, de la gratitude (v. p. 318).
RESSERRÉ pour logé avec soin (v. p. 211).
RESVEILLÉ pour excité (v. p. 159).
RETARDEMENT retard (v. pp. 66, 192, etc.)
REUNIR (se) pour s'unir (v. p. 92).
*REVA (s'en) s'en retourne (voir p. 354).
REVENGER (se) se venger (voir p. 547).
REVEUË considération, contemplation générale (v. p. 233).
*REVOQUER du lat. REVOCARE, rappeler, ramener (v. p. 147).
REVOQUER (se) pour réduire (v. p. 328).
*RIERE dans (v. p. 181). Cf. le Dictre de Godefroy.
*ROMPRE pour interrompre (voir p. 254).
SACRER du lat. SACRARE, dédier, consacrer (v. p. 151).
SAYSI pour paralysé (v. p. 262).
SCABRER (se) s'effaroucher (voir p. 205).
*SEMONCE pour invitation, sollicitation (v. p. 311).
*SEMONDRE inviter, solliciter (v. pp. 148, 183, etc.)
SENTINELLE pour poste, place (v. p. 10).
294/329

30.5 Page 295

▲back to top


SEP (une) un cep (v. p. 78).
*SI pour cependant, pourtant, encore, mais; s'il (v. p. 49).
SI AY locution affirmative (v. p. 9).
SI EST CE il n'en est pas moins vrai (v. p. 39).
*SI EST CE QUE il n'en est pas moins vrai que, néanmoins, toutefois (v. pp. 83, 133, 144, etc.)
SIL pour si cela (v. p. 170).
*SI MOINS sinon (v. p. 193).
SIMPLE pour à vœux simples (voir p. 330).
*SI QUE de sorte que (v. pp. 6, 90, etc.)
SI TRES tellement (v. p. 71).
SI TRES FORT si fort (v. p. 163).
SIX VINGTZ cent vingt (v. p. 174).
*SOIGNER pour pourvoir, veiller à quelque chose (v. p. 22). [429]
*SOIN pour souci (v. p. 151).
SOLEMNEL pour formel; ou du lat. SOLLENNIS, habituel (v. p. 184).
*SOUAIVEMENT, SOUEFVEMENT suavement (v. pp. 68, 99).
*SOUEFVE suave (v. p. 258).
*SOUVENTES FOIS, SOUVENTES-FOIS maintes fois, souvent (v. pp. 104, 172).
SPECIEUX subtil (v. p. 191).
SPECIOSITÉ subtilité, habileté (v. p. 191).
SPECTACLE pour modèle (v. p. 359).
STUDIEUX du lat STUDIOSUS, soigneux, dévoué (v. p. 64).
*SUCCEDER du lat. SUCCEDERE, réussir (v. p. 122).
*SUCCES de l'ital. SUCCESSO, issue (v. pp. 154, 229, 308).
*SUFFISANCE pour aisance, capacité, talent (v. pp. 10, 125, 317, etc.) Du lat.
SUFFICENTIA.
*SUITE pour conséquence pour l'avenir (v. p. 363).
*SUR pour au sujet de (v. p. 142).
SUR CELA pour après-cela (voir p. 20).
SURESSENTIEL plus que nécessaire (v. p. 375).
SURSOYER surseoir (v. p. 25).
*TANDIS pendant ce temps (v. pp. 98, 155, etc.)
*TANT pour si fort, tellement (voir pp. 235, 269. 391).
TANT MIEUX pour d'autant mieux (v. p. 194).
*TANT PLUS d'autant plus (voir pp. 142, 161, etc.)
TANT SOUVENT aussi souvent (v. p. 279).
*TARE pour défaut (v. p. 120).
*TENDRE pour faible, impressionnable, délicat (v. pp. 34, 113, 373, etc.)
TENDRESSE pour sensibilité, impressionnabilité (v. p. 233).
*TENDRETÉ du lat. TENERITAS, attendrissement, tendresse (v. pp. 85, 324).
TILTRE pour prétexte, raison apparente (v. p. 13).
TIRER pour importuner, distraire (v. p. 235).
TORTISSE tordue plusieurs fois (v. p. 78). Du lat. pop. TORTICIUM, dérivé de tortum, supin
de TORCERE. Cf. Dictre de Hatzfeld et Darmesteter.
TOST (si) pour bientôt (v. p. 332).
TOUT AINSY QUE pour comme (v. p. 35).
TOUT A L'HEURE pour sur-le-champ (v. p. 27).
*TOUTES FOIS ET QUANTES autant de fois, toutes les fois (voir p. 2).
TRAIN pour manière d'être et de vivre, allure, genre de vie (v. pp. 378, 387).
TRAIN (aller d'un) pour avoir une manière d'être, une allure uniforme (v. p. 387).
TRAVAIL pour fatigue, peine (v. pp. 129, 263).
295/329

30.6 Page 296

▲back to top


TRAVAUX pour souffrances, douleurs, efforts pénibles (v. pp. 52, 103, 155, etc.)
TRAVERS (au) au milieu, à travers (v. pp. 52, 216).
*TRICHERIE pour chose de peu d'importance, bagatelle, futilité, légèreté (v. pp. 22, 122, 133,
203).
TROP MIEUX trop bien (voir p. 379).
*TROP PLUS extrêmement (voir p. 176).
*TROUBLEMENT trouble (v. pp. 72, 373).
TRUAND misérable (v. p. 136).
TUMBER EN pour échoir à (voir p. 303).
TURCISME mahométisme (voir p. 309).
VANTERIE louange qu'on se donne a soi-même (v. p. 15).
VENANTE qui vient, prochaine (v. p. 101).
VENANT A JOINDRE venant à rencontrer (v. p. 11).
VIENDRA AU JOINDRE (quand ce quand on en viendra à l'exécution (v. p. 190). [430]
*VERS pour chez, auprès de, avec (v. pp. 94, 155, 269, etc.)
*VIANDE pour mets, aliments, nourriture (v. pp. 138, 175, 320, etc.)
*VIF du lat. VIVUS, vivace (voir p. 112).
*VILETTE petite ville (v. p. 76).
VIOLEMENT profanation (voir p. 367).
*VISITATION du lat. VISITATIO, visite (v. p. 248).
VISITER pour éprouver (v. p. 263).
*VISTEMENT, VITEMENT en hâte, vite (v. pp. 33, 111, 265).
*VITUPERE mépris (v. p. 233).
VŒU — pour dévouement (v. p. 58).
VOIREMENT, VOYREMENT vraiment, à la vérité (v. pp. 35, 203, etc.)
VOÜEE pour consacrée (v. p. 29), dont on a fait le vœu (p. 111).
VUIDE pour vain (v. p. 376). [431]
296/329

30.7 Page 297

▲back to top


Index des correspondants et des principales notes
biographiques et historiques de ce volume1192
ABERGEMENTS (Différend pour la cure des). Voir CHAPITRE
DE BELLEY……………………………………………………...
ACADÉMIE Florimontane……………………………………….
Aiguebslette Françoise-Melchionne du Four (dame de Chabod-
Lescheraine et d')…………………………………………………
ALAMANNI Jean-Joseph, Jésuite, Recteur de Turin……………
ALLEMAND Bénigne de Marchand de Citey (dame d’)………...
ALLEMAND François du Nant de Russin (seigneur d')…………
ALLIANCES princières…………………………………………..
ALTERNATIVE (droit d') pour la collation des bénéfices………
AMÉDÉE VI de Savoie. Voir COMTE-VERT…………………..
AMÉDÉE IX (Bienheureux), duc de Savoie……………………..
ANNE DE LORRAINE…………………………………………..
ARPEAUD OU ARPIAUD Claude Nicolas……………………...
Arrigoni Pompée. Cardinal……………………………………….
AVULLY Antoine de Saint-Michel (seigneur d')………………...
AVULLY Florise de Boyvin (dame d')…………………………...
AVULLY Renée de Saint-Michel d'……………………………...
BALLON Charles-Emmanuel Perrucard de……………………....
BAREUIL Marie de Rabutin? (dame dè)…………………….…...
BATHE ou BATH Guillaume, Jésuite……………………………
Bay Jacques de……………………………………………………
BEAUNE (hôpital de)…………………………………………….
BELLEY (Affaire du doyenné de)………………………………..
Bellot Antoine…………………………………………………….
BERTHELOT Robert (Carme), Suffragant de Lyon et Evêque de
Damas…………………………………………………………….
Bérulle Pierre, Cardinal de………………………………………..
Blonay Aimée de (Marie-Aimée, Religieuse de la Visitation)……
Blonay Claude de…………………………………………………
BLONAY Gabniel de (Assassinat de) ……………………………
BLONDEAU (M.) ………………………………………………..
Boisy Françoise de Sionnaz (dame de)…………………………...
BONIER Laurent…………………………………………………
Bonivard Jacques-Philibert* (de) Jésuite…………………………
BONS (abbaye de)……………………………………………….
BOUCARD Claude……………………………………………….
BOUCHERAT Nicolas, Général de l'Ordre de Cîteaux………….
Boudet Michel, Prieur de Pommier………………………………
BOURG (Couvent de Saint-François à)………………………….
Pages 356, 362
» 48
» 393, 393
» 219
» 331, 323
» 331
» 217, 398
» 272
» 298
» 198, 199, 240, 299,
349
» 184
» 340
» 30, 30
» 352
» 386, 387 [433]
241
» 129
» 93
» 219
» 249-290, 385
» 76
» 356
» 179, 179
» 384
» 46, 207
» 99, 101, 248, 401, 401
» 248, 401, 402
» 367
» 69
» 212
» 249
» 188, 188,413
» 81
» 37
» 81
» 194, 195
» 298
1192 Les pages des Lettres sont indiquées par des chiffres ordinaires; les caractères et les chiffres gras désignent les
noms des correspondants et leurs notes biographiques. Quant aux autres notes, leurs titres sont donnés en caractères
ordinaires.
Les noms suivis d'un astérisque * indiquent les auteurs ou les destinataires des pièces qui figurent dans
l'Appendice.
Dans cet Index, on a donné aux personnages la désignation que leur attribue le texte des Lettres. (Cf. tome
XII, note (1239), p. 491.)
297/329

30.8 Page 298

▲back to top


BOURGEOIS Guillaume, baron d'Origny………………………. »
Bourgeois Rose, Abbesse du Puits-d'Orbe………………………. »
BOUVARD (MM.)………………………………………………. »
BOUVARD Michel……………………………………………… »
BRÉCHARD Jean de…………………………………………….. »
Bréchard Jeanne-Charlotte (de), Religieuse de la Visitation…….. »
BRESA Pierre……………………………………………………. »
Bretagne Claude………………………………………………….. »
BRETON François (le), Prévôt de Notre-Dame-du-Châtel d'Autun »
BRULART Denis………………………………………………… »
BRULART (filles de la Présidente)……………………………… »
BRULART Françoise……………………………………………. »
BRULART Madeleine (Madeleine de Saint-Joseph, Carmélite)...
Brulart Marie Bourgeois (dame)………………………………… »
Buccio Philippe. Voir SAINTE-MAISON………………………. »
Calcagnl Roch……………………………………………………. »
Camus Jean-Pierre*, Evêque de Belley………………………….. »
Cardinal (un)…………………………………………………….. »
Ceva Alexandre, Religieux de l'Ordre des Camaldules………….. »
CEYZÉRIEU (Compétitions pour le doyenné de)……………….. »
Chambre Louise de Seyssel (la), Religieuse de Baume………….. »
Chantal Celse-Bénigne de Rabutin………………………………. »
CHANTAL Charlotte de Rabutin………………………………… »
Chantal Jeanne-Françoise Frémyot* (Sainte), baronne de……….. »
Chantal (Mère de)…..……………………………………………. »
CHANTAL Marie-Aimée de Rabutin…………………………… »
CHAPITRE DE BELLEY (Différend avec le). Voir
ABERGEMENTS………………………………………………… »
CHAPITRE DE SAINT-PIERRE DE GENÈVE et la cure de »
Seyssel. Voir SEYSSEL…………………………………………..
Chapot ou Chappot Jeanne-Françoise? (de). Voir CUSY et »
VISITATION……………………………………………………..
CHAPPUIS Eustache……………………………………………. »
131
61, 97, 146, 153, 155,
242, 281, 358
257
340
160
86, 86, 160, 164
273
100, 100
72
141
134
278 [434]
134, 138
39, 132, 137, 141,
166, 277
370
302, 302, 315
139,139,417
42
274, 274
357
89, 89
376, 376
264
13, 14, 15, 33, 44, 60,
63, 67, 76, 80, 88, 91,
93, 101, 103, 105,
106, 107, 109, 111,
114, 114, 116, 128,
130, 131, 163, 169,
177, 206, 210, 214,
226, 230, 231, 234,
239, 246, 252, 260,
263, 268, 289, 296,
312
3131193,320, 323, 334,
342, 343, 353, 366,
369, 369, 374, 381,
389, 392, 397, 400,
400, 417
88, 93, 130
356, 357, 362
25, 166
228, 287, 305, 312,
325, 325
291
1193 L'inauguration officielle de la Visitation eut lieu le 6 juin 1610; à partir de cette lettre, écrite quelques jours après,
nous adopterons cette appellation en parlant de la Fondatrice.
298/329

30.9 Page 299

▲back to top


Charles-Emmanuel Ier, duc de Savoie……………………………. »
Charmoisy Claude Vidomne de Chaumont (seigneur de)……….. »
Charmoisy Louise du Chastel (dame de)…………………………
Chastel Claudine de (Claude-Cécile, Religieuse de la Visitation).. »
CHAUVIREY Jacqueline de……………………………………... »
CHÉRUBIN DE MAURIENNE, Capucin. Voir MÉDARD…….. »
Chevron-Villette Amédée (de). Voir VILLETTE………………... »
CHEVRON-VILLETTE Bernard (de). Voir DÉRÉE……………. »
CHIRURGIENS d'Annecy et CHIRURGIENS espagnols. Voir
MEDECINS……………………………………………………… »
CHOUDENS François et Gaspard……………………………….. »
Clément (Mlle) …………………………………………………… »
COLLÈGE CHAPPUISIEN……………………………………... »
COLLÈGE DE SAVOIE A LOUVAIN…………………………. »
Comes Jean, Augustin……………………………………………. »
COMTE-VERT de Savoie. Voir AMEDEE VI………………….. »
CONFLANS Antoine de Boëge (seigneur de)…………………… »
CONGRÉGATION DES CONVERTIS…………………………. »
CONGRÉGATION DU SAINT-OFFICE*……………………… »
CONSEIL DE GENEVOIS………………………………………. »
CONSTANTIN André…………………………………………… »
CORNEILLE Jean……………………………………………….. »
CORNILLON Eglantine de Moreau (dame de)………………….. »
Cornillon Gaspardede Sales (dame de)…………………………... »
CORNILLON Melchior (de), seigneur de Meyrens……………... »
CORNILLON Raymond-Charles de……………………………... »
COSTE Jacqueline (Anne-Jacqueline, première tourière de la
Visitation) ……………………………………………………….. »
CRANS Nicolas de………………………………………………. »
CRANS Pierre de………………………………………………… »
CURES DU BUGEY…………………………………………….. »
CUSY Amé de Pingon…………………………………………… »
Cusy Charlotte de Vautravers (baronne de). Voir CHAPOT et
VISITATION…………………………………………………….. »
CUSY Jean-Bérold de Pingon (baron de). Voir CHAPOT et
VISITATION. …………………………………………………… »
DAVID Jeanne de Requeleyne? (dame)…………………………. »
DÉRÉE Bernard de Chevron-Villette (seigneur de). Voir
CHEVRON-VILLETTE…………………………………………. »
Dérée Charlotte-Emmanuelle de Chabod (dame de)……………..
Destinataires inconnues……………..……………..…………….. »
Destinataires inconnus……………..……………..……………… »
DOMINICAINS d'Annecy……………..………………………... »
DUBOULOZ Pierre, Dominicain……………..…………………. »
DUMAY ou DU MAY Pierre-Antoine……………..…………… »
DUNANT OU DU NANT Claude-Bernardin…………………… »
DUNANT Etienne, curé de Gex……………..………………….. »
DUPONT OU DU PONT Jean……………..……………………. »
Ecclésiastiques de Bugey, Valromey et Gex EFFRANS OU DES
FRANCS Bénigne de Neufchèzes (baron d')…………………….. »
58, 158, 198, 239,
256, 316
176, 176 [435]
58, 295
18, 18, 28, 28
334
42
48
49
153, 243
212
75
291
291
24, 24
298
391
275
30, 405
302
171
95
244
158, 158, 171, 243,
254, 338, 364
158
159, 364
63, 354
187
187
6
288
228, 286, 286, 293,
294, 307, 312
228, 287, 307, 312
227
49 [436]
49, 267, 267
237, 271
115, 241
50
50, 50
154
291
65, 65
371
64
299/329

30.10 Page 300

▲back to top


EMMANUEL-PHILIBERT DE SAVOIE……………………….. »
ESCRILLES ou DES CRILLES Marie de Mouxy, dame d' (Marie-
Madeleine, Religieuse de la Visitation)………………………….. »
ESPARRON Charles d'Arcussia (seigneur d')…………………… »
ESTOUTEVILLE ou DE TOUTEVILLE Marguerite d'Orléans
(princesse d')……………..……………..………………………… »
FAVIER Pierre du Noyer de Lescheraine…………….………….. »
Favre Antoine……………..……………..………………………. »
FAVRE Jacqueline* (Marie-Jacqueline, Religieuse de la
Visitation)…………….……………..……………..…………….. »
FAVRE Michel, Aumônier de saint François de Sales………….. »
Favre Philiberte. Martin de la Perouse (dame)…………………... »
FAVRE René, seigneur de la Valbonne……………..…………… »
Fenouillet Pierre, Evêque de Montpellier………………………... »
Fléchère Claude-François de la………………………………….. »
FLÉCHÈRE Françoise-Innocente-Madeleine (de la), Religieuse
de la Visitation……………..……………..……………………… »
Fléchère Madeleine de la Forest (dame de la)…………………... »
Fléchère Madeleine de Saint-Michel d'Avully (dame de la)…….. »
FONTAINE Jean-Baptiste? de…………..…………..…………....
Forest Jeanne-Bonaventure (de la), Religieuse de Bons…………. »
FOUG Jeanne du Maney (dame du)…………..………………….. »
FOUILLOUX Jacques du…………..…………..………………… »
FRANÇOIS DECHAMBERY, Capucin…………..……………... »
FRANÇOIS (Père), Capucin…………..…………..……………... »
Frémyot Bénigne*…………..…………..…………..……………. »
Gallo Antoine-Marie, Cardinal…………..…………..…………… »
GALLOIS Louise (Louise de Jésus, Prieure du Carmel de Dijon).. »
GARD Antoine et Jean-Baptiste…………..…………..…………. »
GENÈVE (Alarmes et représailles de)…………..……………… »
GENÈVE (Anciennes ordonnances de la cité de)…………….…. »
GENÈVE (Passage de saint François de Sales à travers)………… »
GENÈVE au XVIIe siècle (Pouvoirs législatif et exécutif de)…… »
GENÈVE (Projet d'une conférence avec les ministrès de)…….…. »
GEX (Le culte catholique partiellement rétabli dans le pays de)»
GILLETTE Pierre…………..…………..…………..…………….. »
GIVRY Anne de Pérusse d'Escars ou des Cars (Cardinal de)……. »
GONTHIER (membres de la famille)……..…………..………….. »
GRANIER Denis (Auger de Mauléon) de…………..……………. »
Gribaldi Vespasien, ancien Archevêque de Vienne……………… »
GROISY Bernard de Sales (seigneur de). Voir SALES et
THORENS…………..…………..…………..…………………… »
GUERRES du duc de Savoie…………..…………..…………….. »
Hayes Antoine des…………..…………..…………..……………. »
HAYES Marie Chapelle (dame des)…………..………………..... »
170
350
227
384
218
363
196, 316, 322, 362,
370, 388, 390, 395
247, 414
533
372, 372
200, 340
4, 4, 23, 149, 152,
259, 322, 342
55, 55
56
1, 1, 7, 21, 26, 51, 53,
55, 57, 77,81, 119,
121, 135, 156, 161,
193, 202, 232, 235,
269, 285, 346, 351,
365 [437]
16
204, 204,336
371
384
270, 364, 375
270
309, 415
272, 272
41
385
167, 193
222
196
189
179, 225
196, 221
37
70
357
344
367
130
371, 398
9, 11, 23, 182, 215,
257, 341, 398
185
300/329

31 Pages 301-310

▲back to top


31.1 Page 301

▲back to top


Henri IV…………..…………..…………..…………..………….. »
HENRI IV (son dessein d'attirer saint François de Sales à Paris).. »
HOSTIES de Favernay et de Dole (saintes)…………..…………. »
JAQUOT OU DE JAQUOT Françoise…………..………………. »
JAQUOT OU DE JAQUOT Madeleine Bourgeois (dame de).
Voir PULIGNY…………………………………………………...
JOLY Guy. Voir VALLON……………………………………… »
LAMBERTOD Yves…………………………………………….. »
MAGDELAINE DE RAGNY Anne (de la), Abbessede Saint-
Jean-le-Grand. Voir SAINT-JEAN………………………………. »
Magistrats et Echevins de Salins. Voir SALINS………………… »
MAIGNELAIS Charlotte-Marguerite de Gondi (marquise de)….. »
Maillard Jéronyme (de), ancienne Abbesse de Sainte-Catherine»
MANGIER Jean, curé de Bons…………………………………… »
MÉDARD(chanoine).Voir CHÉRUBIN DE MAURIENNE……. »
MÉDECINS d'Annecy. Voir CHIRURGIENS…………………... »
MICHAELIS Ludovic, Jésuite, Provincial de Lyon……………... »
Mieudry Gasparde de Cerisier (dame de)………………………… »
MILLETOT Marie-Marguerite, Religieuse de la Visitation……... »
MILLIEU (Muilet) Antoine, Jésuite……………………………… »
MILLINO Jean Garsia*, Cardinal……………………………….. »
MINIMES de Dijon……………………………………………… »
MIRIBEL Françoise Portier (dame de)………………………….. »
MONCHY (Père de)……………………………………………… »
MONTCROISSANT Alexandre de……………………………… »
MONTFALCON Anne de……………………………………….. »
MONTHOUZ Marius de………………………………………… »
MOYRON François et Jean Paquellet de………………………… »
Nemours Henri de Savoie (duc de Genevois et de)……………… »
NEUFCHEZES Jacques (de), Evêque de Chalon-sur-Saône…….. »
NOUVELLET Claude-Etienne…………………………………... »
OFFREDO OU OFFREDI (Marcofredo) Marc………………….. »
ORATOIRE (Congrégation de 1')……………………………….. »
PERROCHEL Charles et Guillaume…………………………….. »
Pioton Jean ou François?…………………………………………
Polliens Nicolas, Jésuite…………………………………………. »
POMMIER (chartreuse de)………………………………………. »
Possevin Antoine, Jésuite………………………………………… »
PUITS-D'ORBE (Transfert de la Communauté à Chatillon-sur-
Seine)…………………………………………………………….. »
PULIGNY Madeleine Bourgeois (dame de). Voir JAQUOT……. »
QUOEX Amédée (de), Prieur de Talloires………………………. »
Quoex Claude-Louis-Nicolas (de), Prieur de Talloires………….. »
Quoex Philippe de………………………………………………... »
RACONIS (famille de)…………………………………………… »
RAMUS Georges?……………………………………………..…. »
Ranzo Jean-François……………………………………………… »
Rigaud Pierre……………………………………………………... »
RINCK OU REINCK DE BALDEINSTEIN Guillaume, Evêque
de Bâle……………………………………………………………. »
ROCHE Jean Joly (seigneur de la) ……………………………… »
6, 201
9, 311
229
138 [438]
166
355
65
265
209, 209, 245, 245
185
79, 79
38
42
153
192
85, 85
277
73
416
283
120
35
275
334
302
137
187, 251, 340
170
251
212
207
183 [439]
361, 361
73, 304,304
194
219
359
166
350
172, 172
328, 386
96
290
297, 297, 348
383, 383
215
387
301/329

31.2 Page 302

▲back to top


ROCHETTE Claudine (de), Religieuse de l'abbaye de Sainte-
Catherine…………………………………………………………. »
Rochette Péronne (de), Religieuse de l'abbaye de Sainte-
Catherine…………………………………………………………. »
ROGET Claudine (Claude-Françoise, Religieuse de la Visitation) »
ROLLAND Jean-Antoine………………………………………… »
ROSAIRE (St François de Sales et la Confrérie du)…………….. »
ROSSET Anne (Anne-Marie, Religieuse de la Visitation). Voir
SAINT-CLAUDE………………………………………………… »
ROUSSILLON Guy de Chaugy (comte de)…………………….. »
RYE DE LONGWY Ferdinand (de), Archevêque de Besançon»
SAINT-CLAUDE (Pèlerinage à)………………………………… »
SAINT-JEAN-LE-GRAND (abbaye de)………………………… »
SAINT-JEAN-LE-GRAND (Abbesse de). Voir MAGDELAINE
DE RAGNY……………………………………………………… »
SAINT-SIXT Claude de………………………………………….. »
Saint-Sixt François (de), archidiacre de la Collégiale de La Roche »
SAINT-SIXT (membres de la famille de)………………………..
SAINTE-BAUME (Projet de pèlerinage à la)…………………… »
SAINTE-CATHERINE (Les Sœurs de la Visitation et les Dames
de)……………………….……………………………………..… »
SAINTE-MAISON de Thonon et le prieuré de Contamine...……. »
SALES Bernard (de). Voir GROISY et THORENS……………... »
SALES Louis (de). Voir THUILLE……………...……………..... »
SALINES (Affaire des) ……………...……………...…………… »
SALINS (Carême de). Voir MAGISTRAT……………................ »
SANTEUIL Denis de……………...……………...…………….... »
SARASIN Jean……………...……………...…………….............. »
SARASIN Jean (oncle du précédent)……………...……………... »
SAUZEA André de……………...……………...……………....... »
SEYSSEL Gasparde-Juliane de Mouxy (dame de)…………….... »
SEYSSEL Louis (de), marquis d'Aix……………...……………... »
SEYSSEL Marguerite de……………...……………...………….. »
SEYSSEL (prieuré et cure de). Voir CHAPITRE DE SAINT-
PIERRE DE GENÈVE……………...……………...……………. »
Syndics de Rumilly……………...……………...……………....... »
TALLOIRES (prieuré et réforme de)……………...…………….. »
THERESE (portrait de sainte)……………...……………............. »
THORENS Bernard de Sales (baron de). Voir GROISY et
SALES……………...……………...……………...……………... »
THUILLE Louis de Sales (seigneur de la). Voir SALES………... »
TORRE DI SPECCHI (Dames de la)……………...…………….. »
TRAVERNAY Balthazard de Mouxy (seigneur de)…………….. »
Travernay Péronne de Montfalcon (dame de)……………............. »
Traves Claude de Plesseys (dame de)……………...…………….. »
TRUITARD OU TRUITAT Jean……………...……………......... »
UBALDINI Robert, Evêque de Montepulciano, Nonce en France »
URSULINES de Milan……………...……………........................ »
VALLADIER André……………...……………...……………..... »
Vallon Antoinette-Françoise Vidomne de Chaumont (dame de)»
VALLON (filles de Mme de)……………...……………................. »
100
99, 99
329
290
76
230
45
245, 246
230
265
265
319
318, 318, 319 [440]
319
184
397
370
88, 93, 130
88, 302
215
209, 243, 245
384
189
190
6, 356
90
89
90
25, 166
83, 118
173, 331, 371
133
88
88, 302
330
333
332, 332, 345
91, 91, 150
5
208
330
69
3, 3, 16
16 [441]
302/329

31.3 Page 303

▲back to top


Vallon Claudine Joly de (Claude-Catherine, Religieuse de la
Visitation)…………………………………………………………
VALLON Guy Joly (seigneur de). Voir JOLY………………….. »
VANCHY (château de)………………………………………….. »
VAUXCROISSANT OU VAL-CROISSANT (prieuré et Prieur
de)………………………………………………………………… »
Vignod Bernarde (de), Religieuse de l'abbaye de Sainte-Catherine »
VIGNOD Jeanne (de), Abbesse de Bons………………………… »
Villars Pierre* (de), Archevêque de Vienne……………………... »
Villers Philippe de……………………...……………………....... »
Villette Amédée de Chevron (baron de). Voir CHEVRON-
VILLETTE……………………...……………………................... »
VILLIARDI François, Jésuite……………………......................... »
VISITATION (La véritable pensée du Saint sur le genre de vie de
la) ……………………...……………………...…………………. »
VISITATION (Origines de la): La Maison de la Galerie. Voir
CHAPOT et CUSY……………………...……………………...... »
» Le nom donné à la nouvelle Congrégation……………………... »
» Les premières Sœurs……………………...……………………. »
VITRE ou VITREY Eustache Le Compasseur (de), Religieux
d'Ambronay……………………...…………………….................. »
WATTEVILLE Jean (de), Evêque de Lausanne…………………. »
329, 354, 354
355
129
229
62
206
124, 124, 143, 410,
411, 412
356, 356
48
73
299, 306, 331
312, 314, 325, 390
349
337
357
33 [442]
303/329

31.4 Page 304

▲back to top


Table de correspondance de cette nouvelle édition avec
les précédentes et indication de la provenance des
manuscrits
NOUVELLE
ÉDITION
CDXLIV………
CDXLV……….
CDXLVI………
CDXLVII……..
CDXLVIII…….
CDXLIX………
CDL…………...
CDLI…………..
CDLII…………
CDLIII………...
CDLIV………...
CDLV…………
CDLVI………..
CDLVII……….
CDLVIII………
CDLIX………..
CDLX…………
CDLIXI mutilée
entière
PROVENANCE DES
MSS.
……………………….
……………………….
Montpellier. Visitation
(Copie)……………….
Annecy. Visitation.......
……………………….
Rouen. Visitation (1er
Monastère)……….......
Idem………………….
……………………….
……………………….
Annecy. Visitation.......
……………………….
……………………….
Montpellier. Visitation
(Copie)……………….
Bissy (Chambéry). Cte
de Maistre
……………………….
……………………….
Annecy. Visitation…...
……………………….
Amiens.Bibliothèque
communale…………...
PREMIÈRE
PUBLICATION1194
Epistres spirituelles
1626, 1. IV…………….
…………………………
…………………………
Datta, II, p. 33…………
Epistres spirituelles
1626, 1. II……………...
Hérissant, Opuscules, IV,
p. 33……………………
Ibid., p. 35……………..
Epistres spirituelles
1626, 1. IV…………….
Ibid…………………….
…………………………
Epistres spirituelles
1626, 1. VI……………..
Ibid., 1. V………………
…………………………
Mém. de la Société Sav.,
vol. VI (1861-1862)…...
Epistres spirituelles
1626, 1. IV…………….
Ibid., 1. V……………...
…………………………
Epistres spirituelles
1626, 1. II……………...
Annales
de
la
Philosophie chrétienne, t.
X (1854)……………….
ÉDITIONS
MODERNES
Vivès, X, p. 287
Migne, V, col. 674
Viv. XII, p. 1
Mig. V, col. 408
Inédite
Viv. VI, p. 264
Mig. VI, col. 650
Viv. XII, p. 58
Mig. V, col. 1555
Viv. IX, p. 366
Mig. V, col. 675
Viv. IX, p. 368
Mig. V, col. 677
Viv. X, p. 317
Mig. V, col. 702
Viv. X, p. 160
Mig. V, col. 569
Inédite
Viv. X, p. 288
Mig. V, col. 678
Viv. X, p. 329
Mig. V, col. 718
Inédite [443]
Mig. VI, col. 1346
Viv. X, p. 428
Mig. V, col. 840
Viv. XII, p. 131
Mig. V, col. 1613
Mig. VI, col. 941
(traduction)
Viv. IX, p. 370
Mig. V, col. 680
1194 Les indications qui figurent dans cette colonne sont données sous toutes réserves, et pour des raisons déjà exposées
dans l'Avant-Propos du tome XI.
La numérotation des pièces étant souvent très inexacte dans les éditions du XVIIe siècle, quand nous
remontons à celles-ci, au lieu de citer le numéro d'ordre des Lettres, nous indiquons seulement la série, soit le Livre
dans lequel elles sont insérées.
304/329

31.5 Page 305

▲back to top


CDLXII……….
CDLXIII………
CDLXIV p. 44,
II. 1-13
II. 14-22
p. 45, II. 1-4
II. 5-16, 19, 20
fin…...............
CDLXV……….
CDLXVI………
CDLXVII……..
CDLXVIII…….
CDLXIX………
CDLXX……….
CDLXXI………
CDLXXII……..
CDLXXIII…….
CDLXXIV…….
CDLXXV……..
CDLXXVI…….
CDLXXVII……
CDLXXVIII
(fragmt)………..
CDLXXIX…….
CDLXXX……..
CDLXXXI
mutilée………...
entière………....
Albens (Savoie). Mlle
Boissat……………….
……………………….
Limoges. Visitation….
Idem………………….
Idem………………….
Idem………………….
Paris. Carmel de la rue
Messine………………
Annecy. M.
Domenjoud…………..
Saint-Marcellin.
Visitation……………..
Yvoire
(Thonon).
Baron d'Yvoire……….
……………………….
Turin. Visit. (Copie)
Idem………………….
……………………….
Turin. Visit. (Copie)…
……………………….
Paris. Visitation (2d
Monastère)…………...
Orléans. Evêché……...
……………………….
……………………….
Annecy. Chanoine J.-
M. Chevalier…………
……………………….
……………………….
Annecy. Visitation…..
Epistres spirituelles
1626,1. III……………..
Vie du Saint, par Charles-
Auguste, liv. VII………
…………………………
Epistres spirituelles
1626, 1. IV…………….
…………………………
Epistres spirituelles
1626, 1. IV……………..
Etudes religieuses S. J.,
mars 1868……………...
Revue
Savoisienne,
janvier-février 1894……
…………………………
Datta, II, p. 17…………
Epistres spirituelles
1626, 1. IV…………….
…………………………
Hérissant, VI, p. 50……
Epistres spirituelles
1626, 1. IV…………….
…………………………
Epistres spirituelles
1626, 1. III……………..
Blaise, Nouvelles inédites
(1833), p. 46; Béthune
(1833), t. XVI, p. VI…..
Blaise, Nouvelles inédites
(1833), p. 10…………...
Epistres spirituelles
1626, 1. IV…………….
Vie de Sœur A. J. Coste,
16591195, chap. XII…….
Mémoires de l'Académ.
Salés., t. II (1880)……...
Epistres spirituelles
1629, 1. V……………...
Epistres spirituelles
1626, 1. IV……………..
Datta, II, p. 19…………
Viv. X, p. 291
Mig. V, col. 684
Viv. X, p. 375
Mig. V, col. 687
(cf. IX, col. 1185)
Inédites
Viv. X, pp. 346,
347
Mig. V, col. 737
Inédites
Viv. X, p. 347
Mig. V, col. 737,
738
Inédite
Viv. X, p. 294
Mig. VI, col. 640
Viv. XII, p. 114
Mig. V, col. 1600
Inédite
Viv. XII, p. 44
Mig. V, col. 1546
Viv. XII, p. 127
Mig. V, col. 1610
Inédite
Viv. X, p. 295
Mig. V, col. 689
Viv. VII, p. 322
Mig. VI, col. 880
Viv. X, p. 312
Mig. VI, col. 858
Viv. X, p. 297
Mig. V, col. 690
[444]
Viv. X, p. 298
Mig. V, col. 690
Viv. VII, p. 141
Mig. V, col. 646
Viv. X, p. 299
1195 Les Vies de VII Religieuses de l'Ordre de la Visitation Sainte Marie ecrites et dediees a Madame la Princesse
Chisi (sic), par la Mere Françoise Madelene de Chaugy, Superieure du premier Monastere de cet Ordre. A Annessy,
par Jacques Clerc, MDCLIX.
305/329

31.6 Page 306

▲back to top


CDLXXXII…...
CDLXXXIII…..
CDLXXXIV…..
CDLXXXV…...
CDLXXXVI…..
CDLXXXVII
CDLXXXVIII...
CDLXXXIX…..
CDXC…………
CDXCI
1re
phrase…………
2e et 3e..
suite
CDXCII
(fragment)…….
CDXCIII……...
CDXCIV
(fragment)……..
CDXCV……….
CDXCVI p. 93...
suite….
CDXCVII……..
CDXCVIII…….
CDXCIX………
D (fragment)…..
DI (fragments)...
Turin. Visit. (Copie)…
……………………….
……………………….
……………………….
Saint-Alban
(Chambéry).
M.
Michaud, curé………..
……………………….
Chateau de Vogland
(Ain). M. E. Roux……
……………………….
……………………….
Château de Mérona
(Jura). M. de Mérona...
Idem………………….
Idem………………….
……………………….
Besançon.
Grand-
Séminaire…………….
IId Procès de Canonis...
……………………….
Ier Procès de Canonis
Idem. (Voir note (288),
p. 97………………….
Le Mans. Visitation….
Montélimar. Visitation
(Copie)……………….
……………………….
……………………….
Annecy. Visitation
(Ancien Ms.)…………
…………………………
Epistres spirituelles
1626, 1. VI……………..
Ibid., 1. II………………
Ibid., 1. VII…………….
…………………………
Epistres spirituelles
1626, 1. IV……………..
Ibid…………………….
…………………………
Blaise (1821), II, p. 107
…………………………
Epistres spirituelles
1626, 1. IV…………….
…………………………
De Hauteville, La Maison
naturelle de S. Fr. de
Sales (1669), Part. II…..
…………………………
Instructions et pratitiques
de piété, 16881196………
…………………………
Epistres spirituelles
1626, 1. VII……………
…………………………
…………………………
Hérissant, II, p. 434……
Charles-Auguste, Vie de
la Mere de Blonay
(1655), chap. II…………
Œuvres de Ste J.-F, de
Chantal, 1. II (1875)……
Mig. VI, col. 641
Inédite
Viv. XI, p. 491
Mig. V, col. 1516
Viv. X, p. 304
Mig. V, col. 691
Viv. X, p. 306
Mig. V, col. 692
Mig. VI, col. 1071
Viv. X, p. 308
Mig. V, col. 694
Viv. X, p. 260
Mig. V, col. 650
Mig. VI, col. 1072
Viv. X, p. 309
Mig. V, col. 694
Inédite
Viv. XII, p. 29
Mig. V, col. 1536
Inédite
Viv. XII, p. 2
Mig. V, col. 695
Viv. X, p. 316
Mig. V, col. 701
Inédite
Viv. IX, p. 388
Mig. V, col. 730
(Voir not. (285), p.
95)
Mig. VI, col. 942
[445]
Inédite
Viv. X, p. 319
Mig. V, col. 703
Viv. VII, p. 147
Mig. V, col. 702
(Voir note (301),
p. 104)
1196 Instructions et pratiques de piété pour communier saintement, avec des lettres spirituelles sur divers sujets, tirées
des Manuscrits originaux nouvellement trouvez de S. François de Sales. Dédié a Madame de Maintenon. Paris, Hélie
Josset, 1688.
306/329

31.7 Page 307

▲back to top


DII (fragments)..
DIII (fragments).
DIV (fragment)..
DV p. 109,
II. 1-7
II. 8-26
p. 110, II. 1-13,
18, 25
suite..........
DVI pp. 111-113
dernier alinéa…..
DVII (fragts) a)...
b)…….
DVIII (fragment)
DIX (fragment).
DX (fragment)..
DXI……………
DXII…………..
DXIII………….
DXIV………….
DXV pp. 128-
131
(II. 1-6)……….
II. 7-19………...
suite…………...
DXVI………….
DXVII………....
DXVIII………..
DXIX
(fragment)…….
DXX…………..
DXXI………….
Idem………………….
Idem………………….
Idem………………….
Idem………………….
Idem………………….
Idem………………….
Idem………………….
Idem………………….
Idem………………….
Idem………………….
Idem………………….
Annecy. Visitation…...
……………………….
Le Trembley (Savoie)
M. de Morand………..
Chateau de Marlins
(Albens). M. Emile
Boissat……………….
……………………….
……………………….
……………………….
Reims. Visitation…….
Idem………………….
……………………….
……………………….
……………………….
……………………….
……………………….
……………………….
Ibid., et voir note (305), p.
105…………………….
Ibid., et voir note (314), p.
106……………………..
…………………………
Œuvres de Ste J.-F. de
Chantal, t. II……………
…………………………
Œuvres de Ste J.-F. de
Chantal, t. II……………
Ibid……………………..
…………………………
Œuvres de Ste J.-F. de
Chantal, t. II……………
…………………………
Cf. Introd. à la Vie dev.,
P. III, ch. XXVIII, XXIX
…………………………
Mémoires, par la Mère de
Chaugy (Paris, 187 4),
Part. Ire, ch. XXII………
…………………………
Epistres spirituelles
1626, 1. IV…………….
Ibid., 1. III……………..
Ibid., 1. I……………….
Hérissant, II, p. 162…...
…………………………
…………………………
Œuvres, 1641, t. II, epist.
XXXIX…………………
Epistres spirituelles
1626, 1. IV……………..
Epistres spirituelles
1626, 1. III……………..
Œuvres, 1641, t. II, 1
epist. L…………………
Epistres spirituelles
1626, 1. II……………...
Ibid., 1. I……………….
Inédit
Inédites
Inédit
Inédit
Inédit
Mig. VI, col. 1073
Viv. X, p. 320
Mig. V, col. 704
(V. not. (367), p.
120)
Viv. XII, p. 39
Mig. V, col. 1543
Viv. IX, p. 380
Mig. V, col. 709
Viv. X, p. 322
Mig. V, col. 705
Viv. XI, p. 12
Mig. V, col. 1024
Viv. XI, p. 371
Mig. V, col. 1388
Viv. XII, p. 62
Mig. V, col. 1558
Viv. XII, p. 112
Mig. V, col. 1599
[446]
Viv. XII, p. 185
Mig. V, col. 1695
Viv. X, p. 338
Mig. V, col. 722
Viv. XII, p. 81
Mig. V, col. 1570
Viv. VII, p. 137
307/329

31.8 Page 308

▲back to top


DXXII…………
DXXIII………..
DXXIV………..
DXXV…………
DXXVI………..
DXXVII……….
DXXVIII……...
DXXIX……….
DXXX………...
DXXXI……….
DXXXII………
DXXXIII……...
DXXXIV……...
DXXXV………
DXXXVI pp.
169, 170 (II. 1-3)
II. 4-10………...
II. 11-12……….
suite…………...
DXXXVII……..
DXXXVIII…….
DXXXIX……...
DXL…………..
DXLI………….
DXLII…………
DXLIII………...
DXLIV………..
DXLV…………
……………………….
……………………….
Boulogne-sur-Mer.
Visitation…………….
Montpellier. Visitation.
Annecy. Visitation……
……………………….
Toulouse. Visitation….
……………………….
……………………….
……………………….
Turin. Visit. (Copie)
……………………….
……………………….
Reims. Visitation…….
Paris. Vicomte Le
Rebours………………
Idem………………….
Idem………………….
Idem………………….
……………………….
……………………….
Carouge (Genève) Mlle
Vuÿ…………………..
……………………….
Ier Procès de Canonis
Rouen. Visitation (1er
Monastère)……………
Paris. Biblioth. Nat.
(Fonds français, 3650).
Ier Procès de Canonis
……………………….
Ibid., 1. IV……………..
Hérissant, II, p. 176……
Instructions et prat. de
piété. (Voir note (1196),
p. 445)…………………
…………………………
Le
Correspondant,
janvier 1881……………
Epistres spirituelles
1626, 1. V……………...
Ibid., 1. IV……………..
Datta, II, p. 35…………
Epistres spirituelles
1636, 1. V……………...
Œuvres, 1641, t. II, epist.
X……………………….
…………………………
Epistres spirituelles
1636, 1. IV…………….
Ibid…………………….
Ibid., 1. II………………
Ibid., 1. VII………….…
…………………………
Epistres spirituelles
1626, 1. VII……………
…………………………
Epistres spirituelles
1626, 1. IV…………….
Vie du Saint, par le P. de
la Rivière (1624), 1. III,
chap. XVII……………..
J. Vuÿ, La Philothée
(1878), II, p. 277………
Epistres spirituelles
1626, 1. VII……………
…………………………
Hérissant, Opuscules, IV,
p. 41……………………
Etudes religieuses S. J.,
mars 1900………………
…………………………
Epistres spirituelles
1626, 1. V……………...
Mig. V, col. 611
Viv. VI, p. 220
Mig. V, col. 566
Viv. X, p. 324
Mig. V, col. 713
Viv. X, p. 325
Mig. V, col. 713
Inédite
Viv. XII, p. 111
Mig. V, col. 1598
Viv. IX, p. 386
Mig. VI, col. 645
Viv. X, p. 328
Mig. V, col. 717
Viv. X, p. 326
Mig. V, col. 716
Mig. VI, col. 943
Viv. X, p. 337
Mig. V, col. 723
Viv. XII, p. 29
Mig. V, col. 1536
Viv. X, p. 331
Mig. V, col. 714
Viv. X, p. 164
Mig. V, col. 570
Inédites
Viv. X, p. 165
Mig. V, col. 571
Inédite
Viv. X, p. 432;
Mig. V, col. 849
Viv. VII, p. 148
Mig. V, col. 720
Viv. X, p. 518
Mig. V, col. 977
[447]
Inédite
Viv. VII, p. 188
Mig. V, col. 776
Inédite
Viv. X, p. 339
Mig. V, col. 724
308/329

31.9 Page 309

▲back to top


DXLVI………..
DXLVII……….
DXLVIII………
DXLIX………..
DL…………….
DLI……………
DLII…………..
DLIII (fragment)
DLIV………….
DLV…………...
DLVI………….
DLVII
(fragment)……..
DLVIII………..
DLIX………….
DLX pp. 226,
227
(II. 1-8)………..
p. 227………….
pp. 228, 229
(II. 1-13)……….
II. 14-18
p. 230, II. 1-3….
II. 4-17………...
II. 18-26………
fin……………..
DLXI (fragment)
DLXII…………
……………………….
Mont-Saxonnex (Hte-
Sav.) Abbé Rennard….
………………………..
Annecy. Visitation……
Saint-Jeoire
(Hte-
Savoie). Cte de la
Fléchère………………
Marseille. Visitation (2d
Monastère)……………
Rennes. Visitation……
Paris. Archives Nat., M.
234 (Copie)…………..
……………………….
……………………….
Milan. Archives du
prince Trivulzio………
……………………….
Gex. Presbytère……...
Archives de la
Compagnie de Jésus….
Dijon. Visitation……...
Idem…………………
Idem…………………
Idem…………………
……………………….
Idem…………………
……………………….
……………………….
……………………….
Datta, II, p. 26…………
…………………………
Datta, II, p. 27…………
Epistres spirituelles
1626, 1. I………………
Datta, II, p. 11…………
…………………………
…………………………
Etudes religieuses S. J.,
août 1877………………
Hérissant, II, p. 202……
Epistres spirituelles
1626, 1. VII……………
Datta, II, p. 30…………
Epistres spirituelles
1626, 1. IV…………….
Hérissant, II, p. 212……
…………………………
…………………………
Vie du Saint, par Charles-
Auguste, liv. VII……….
…………………………
Epistres spirituelles
1626, 1. IV…………….
…………………………
Epistres spirituelles
1626, 1. IV…………….
…………………………
Vie de Sœur A. J. Coste,
chap. XII. (Voir note
(1195), p. 445)…………
Epistres spirituelles
1626, 1. V……………...
Viv. VI, p. 267
Mig. VI, col. 645
Mig. VI, col. 944
Viv. VII, p. 151
Mig. VI, col. 646
Viv. IX, p. 328
Mig. V, col. 374
Viv. X, p. 225
Mig. VI, col. 636
et 1074
Inédite
Viv. X, p. 334
Mig. V, col. 726
Viv. X, p. 341
Mig. V, col. 729
Viv. X, p. 128
Mig. V, col. 551
Viv. X, p. 343
Mig. VI, col. 648
Viv. X, p. 345
Mig. V, col. 736
Viv. IX, p. 393
Mig. V, col. 734
Inédite
Mig. VI, col. 945
Viv. X, p. 344
Mig. V, col. 736,
et VI, col. 945,
946
Mig.VI, col. 946,
947
Viv. X, p. 346
Mig. V, col. 737,
et VI, col. 947
Mig. VI, col. 947
Viv. X, p. 346
Mig. V, col. 737,
et VI, col. 947
Mig. VI, col. 947,
948 [448]
Viv. X, p. 342
Mig. V, col; 730
Viv. XII, p. 162
Mig. V, col. 1638
309/329

31.10 Page 310

▲back to top


DLXIII………...
DLXIV………...
DLXV…………
DLXVI
(fragment)…….
DLXVII……….
DLXVIII……...
DLXIX………..
DLXX…………
DLXXI………..
DLXXII……….
DLXXIII
(fragment)……..
DLXXIV………
DLXXV……….
DLXXVI……...
DLXXVII……..
DLXXVIII……
DLXXIX……...
DLXXX………
DLXXXI
mutilée………..
entière………...
DLXXXII……..
DLXXXIII
(fragment)……..
DLXXXIV…….
……………………….
……………………….
Paris. Hôtel-Dieu…….
……………………….
……………………….
……………………….
Issoire (Puy-de-Dôme)
Mme Farghon…………
……………………….
Dole. Visitation
……………………….
……………………….
Bruxelles. Bibliothèque
des PP. Bollandistes….
Paris. Prêtres de la
Mission……………….
……………………….
……………………….
Chateau de Sassangy.
(Saône-et-Loire). Cte de
Fleurieu………………
Le Mans. Visitation….
Annecy, Visitation…..
……………………….
Turin. Visitation……..
……………………….
……………………….
……………………….
Ibid., 1. VII…………….
Ibid., 1. V……………...
Blaise, Nouvelles
inédites (1833), p. 48….
Vie de Sœur A. J. Coste,
chap. XII. (Voir note
(1195), p. 445)…………
Epistres spirituelles
1626, 1. I……………….
Hérissant, II, p. 221……
…………………………
Epistres spirituelles
1629, 1. VI……………..
Hérissant, II, p. 227…....
Ibid., p. 229. (Voir note
(713), p. 247)………….
Charles-Auguste, Vie de
la Mere de Blonay
(1655), chap. IV………..
Annuaire de l'Université
catholique de Louvain
(1848), p. 253………….
Blaise, Nouvelles inédites
(1833), p. 50…………...
Epistres spirituelles
1626, 1. IV. (Voir note
(729), p. 254)…………..
Ibid., 1. V………………
Datta, II, p. 34…………
Hérissant, Opuscules, IV,
p. 32……………………
Datta, II, p. 43…………
Epistres spirituelles
1626, 1. II……………...
Datta, II, p. 36…………
Datta, II, p. 44…………
Hérissant, V, p. 277……
Epistres spirituelles
1626, 1. IV…………….
Viv. X, p. 212
Mig. V, col. 617
Viv. XII, p. 157
Mig. V, col. 1634
Viv. X, p. 347
Mig. VI, col. 881
Viv. VI, p. 279
Mig. V, col. 825
Viv. X, p. 349
Mig. V, col. 738
Inédite
Viv. XII, p. 38
Mig. V, col. 1541
Viv. VII, p. 154
Mig. V, col. 740
Viv. X, p. 353
Mig. V, col. 741
Viv. VII, p. 155
Mig. V, col. 742
Viv. VII, p. 156
Mig. VI, col. 883
Viv. IX, p. 553
Mig. V, col. 727
Viv. V, p. 354
Mig. V, col. 742
Viv. VII, p. 159
Mig. VI, col. 650
Viv. VII, p. 158
Mig. V, col. 743
Viv. VII, p. 170
Mig. VI, col. 656
Mig. V, col. 744
Viv. VII, p. 160
Mig. VI, col. 651
[449]
Viv. VII. p. 167
Mig. VI, col. 657
Viv. XI, p. 457
Mig. V, col. 1490
Viv. X, p. 355
Mig. V, col. 749
310/329

32 Pages 311-320

▲back to top


32.1 Page 311

▲back to top


DLXXXV……..
DLXXXVI……
DLXXXVII…...
DLXXXVIII…..
DLXXXIX……
DXC…………..
DXCI………….
DXCII…………
DXCIII………..
DXCIV………..
DXCV…………
DXCVI………..
……………………….
Rome. Chancellerie des
Evèques et Réguliers
Annecy. Visitation
(Copie)……………….
……………………….
……………………….
Turin. Archiv. de l'Etat
(Copie)……………….
Troyes. Aumônerie des
Dames des SS. Cœurs..
……………………….
Bruxelles. Bibliothèque
des PP. Bollandistes….
Annecy. Visit. (Hist. de
la Fondation)…………
Nantes. Visitation…….
……………………….
Hérissant, Opuscules, IV,
p. 29……………………
…………………………
Blaise, Nouvelles inédites
(1833), p. 11……………
Epistres spirituelles
1626, 1. III……………..
Instructions et prat. de
piété. (Voir note (1196),
p. 445)……………........
…………………………
Revue cath. du dioc. de
Troyes, 26 janvier 1883..
Epistres spirituelles
1626, 1. IV…………….
Annuaire de l’Université
catholique de Louvain
(1848), p. 254………….
Œuvres, 1641, t. II, epist.
XII et XLIII……………
…………………………
Epistres spirituelles
1626, 1. VI…………….
Viv. X, p. 358
Mig. V, col. 751
Inédite
Viv. VII, p. 168
Mig. VI, col. 859
Viv. X, p. 381
Mig. V, col. 788
Viv. X, p. 389
Mig. V, col. 797
Mig. VI, col. 949
Viv. X, p. 359
Mig. V, col. 752
Viv. VII, p. 171
Mig. V, col. 752
Inédit
Viv. VII, p. 173
Mig. V, col. 753
DXCVII……….
DXCVIII………
DXCIX texte…..
variantes………
DC…………….
DCI……………
DCII…………..
DCIII………….
DCIV………….
DCV…………...
DCVI………….
DCVII…………
Turin. Archiv. de l'Etat
(Copie)……………….
Plaisance.
Comte
Morandi………………
Annecy. Visit. (Hist. de
la Fondation)………...
……………………….
……………………….
……………………….
……………………….
Plaisance. Cte Morandi.
Saluces. Mme Boarelli di
Verzuolo……………..
Chambéry. Chanoine
Collonges…………….
……………………….
Montpellier. Visitation
(Copie)……………….
Datta, II, p. 46…………
Pératé, La Mission de Fr.
de S. dans le Chablais
(1886), Append………..
Œuvres, 1641, t. II, epist.
DLIV…………………..
Epistres spirituelles
1626, 1. V……………...
Ibid., 1. IV……………..
Ibid., 1. VII…………….
Pératé………………….
Datta, II, p. 50…………
Mémoires de l’Académ.
Salés., 1. II (1880)……..
Epistres spirituelles
1626, 1. VII……………
…………………………
Viv. VI, p. 268
Mig. VI, col. 657
Viv. VII, p. 174
Mig. V, col. 754
Viv. IX, p. 395
Mig. V, col. 756
Viv. VII, p. 177
Mig. V, col. 761
Viv. XII, p. 333
Mig. V, col. 1677
Viv. VII, p. 178
Mig. VI, col. 661
[450]
Viv. XII, p. 331
Mig. V, col. 1683
Inédite
311/329

32.2 Page 312

▲back to top


DCVIII………..
DCIX………….
DCX…………..
DCXI………….
DCXII…………
DCXIII………..
DCXIV………..
DCXV…………
DCXVI………..
DCXVII……….
DCXVIII………
DCXIX………..
DCXX…………
DCXXI………..
DCXXII………
DCXXIII……...
DCXXIV……...
DCXXV………
DCXXVI……...
DCXXVII……..
DCXXVIII…….
DCXXIX
(fragment)……..
DCXXX……….
DCXXXI………
DCXXXII……..
DCXXXIII…….
Marseille. Visitation
(2d Monastère)………..
……………………….
Grand-Coteau
(Louisiane, Etats-Unis)
Collège des PP. Jésuites
Québec
(Canada).
Hôtel-Dieu…………...
Autun. Visitation…….
Arlon. (Belgique).
Noviciat de la
Compagnie de Jésus….
……………………….
Annecy.
Famille
Berthet……………….
……………………….
San Remo (Italie).
Visitation…………….
Metz. Visitation………
……………………….
……………………….
Turin. M. Gaspard
Cassinis………………
……………………….
Lyon. Paroisse de St-
Joseph………………..
Montpellier. Visitation.
Valence. Visitation…..
Saint-Loup-sur-Aujon
(Hte-Marne).
Pensionnat du Cœur
Immaculé de Marie…..
……………………….
Le Mans. Visitation….
……………………….
Turin. Visit. (Copie)…
Annecy. Visitation
(Ancien Ms. de l’Annee
Sainte)………………..
Marin
(Chablais).
Archives de Blonay….
Versailles. Maison de
N.-D. de la Retraite…..
Epistres spirituelles
1626, 1. VII……………
Ibid., 1. VI……………..
Etudes religieuses S. J.,
juillet 1878…………….
Epistres spirituelles
1626, 1. II………………
…………………………
Collection de Précis hist.
et mélanges religieux, 1er
sept. 1874………………
Epistres spirituelles
1626, 1. III……………..
Revue Savoisienne, mai
1863……………………
Hérissant, II, p. 266……
Datta, II, p. 346………..
Hérissant, V, p. 89…….
Epistres spirituelles
1626, 1. V……………...
Ibid…………………….
…………………………
Etudes religieuses S. J.,
mars 1868……………...
…………………………
…………………………
…………………………
Instructions et prat. de
piété. (Voir note (1196),
p. 445)…………………
Hérissant II, p. 274…….
…………………………
Epistres spirituelles
1629, 1. VI……………..
…………………………
…………………………
Mémoires de l'Académ.
Salés., t. VI (1883)…….
…………………………
Viv. XII, p. 236
Mig. V, col. 1686
Viv. VII, p. 316
Mig. V, col. 849
Viv. X, p. 395
Mig. V, col. 804
Inédite
Viv. XII, p. 25
Mig. V, col. 1533
Viv. IX, p. 401
Mig. V, col. 766
Viv. X, p. 419
Mig. VI, col. 833
Viv. X, p. 443
Mig. V, col. 1431
Viv. X, p. 364
Mig. V, col. 767
Viv. X, p. 365
Mig. V, col. 767
Inédite
Mig. VI, col. 974
Inédite
Mig. VI, col. 1060
Viv. VI, p. 119
Mig. V, col. 509
Viv. VII, p. 183
Mig. V, col. 769
Mig. VI, col. 952
Viv. XII, p. 39
Mig V, col. 1542
Inédite [451]
Mig. VI, col. 950
Mig. VI, col. 951
312/329

32.3 Page 313

▲back to top


DCXXXIV……
DCXXXV 2
premiers alineas
3e alinea……….
fin……………..
DCXXXVI……
DCXXXVII…...
DCXXXVIII…..
DCXXXIX……
DCXL…………
DCXLI………..
DCXLII pp. 388,
389…………….
post-script……..
DCXLIII………
DCXLIV………
DCXLV……….
DCXLVI………
DCXLVII……..
DCXLVIII…….
DCXLIX………
DCL…………...
DCLI………….
DCLII
(fragment)…….
Paris. Carmel de la rue
Denfert-Rochereau…...
Dietramszell (Bavière)
Visitation…………….
Idem………………….
Idem………………….
……………………….
……………………….
……………………….
Bourg-en-Bresse.
Visitation……………..
Bruxelles. Bibliothèque
des PP. Bollandistes….
……………………….
Le Mans. Visitation….
Idem………………….
Bourg-en-Bresse.
Visitation…………….
Saint-Marcellin.
Visitation…………….
……………………….
……………………….
……………………….
Annecy. Visitation…...
Vigneux (Seine-et-
Oise). Archives du Port
Courcel……………….
Nancy. Visitation…….
Chambéry. PP.
Capucins……………...
……………………….
Hérissant, II, p. 436……
…………………………
Epistres spirituelles
1626, 1. III……………..
…………………………
Hérissant, V, p. 83…….
Œuvres, 1641, t. II, epist.
V……………………….
Hérissant, V, p. 85…….
…………………………
Annuaire de l'Université
catholique de Louvain
(1848), p. 257………….
Hérissant, II, p. 285……
…………………………
…………………………
…………………………
…………………………
Epistres spirituelles
1626, 1. VII……………
Datta, II, p. 179………..
Epistres spirituelles
1626, 1. VII……………
…………………………
…………………………
…………………………
…………………………
Charles-Auguste, Vie de
la Mere de Blonay
(1655), chap. IV….[452]
Viv. VII, p. 185
Mig. V, col. 769
Inédits
Viv. XII, p. 26
Mig. V, col. 1533,
1534
Inédite
Viv. XI, p. 396
Mig. V, col. 1429
Viv. IX, p. 403
Mig. V, col. 771
Viv. XI, p. 397
Mig. V, col. 1430
Inédite
Viv. VII, p. 187
Mig. V, col. 776
Mig. VI, col. 951
Inédit
Inédit
Inédite
Viv. XII, p. 196
Mig. V, col. 1655
Viv. XI, p. 10
Mig. VI, col. 736
Viv. XII, p. 202
Mig. V, col. 1660
Inédit
Inédite
Inédit
Mig. VI, col. 1093
313/329

32.4 Page 314

▲back to top


APPENDICE
NOUVELLE
ÉDITION
A………………
B. I…………
II…………
III (fragment)
C……………….
D (fragment)…..
E……………….
F……………….
Appendice II…..
PROVENANCE DES
MSS.
Thorens-Sales. Comte
de Roussy de Sales…..
……………………….
……………………….
PREMIÈRE
PUBLICATION1197
I
…………………………
Vie du Saint, par Charles-
Auguste, liv. VII……….
Ibid……………………..
………………………. Ibid……………………..
Annecy. Visit. (Copie)
……………………….
……………………….
IId Procès de Canonis...
…………………………
Vie de la Mere M. J.
Favre, 16591198, ch. XIV
Vie du Saint, par
Charles-Auguste, liv. VII
…………………………
II
Annecy. Visitation…... …………………………
ÉDITIONS
MODERNES
Inédite
Viv. IX, p. 378
Mig. V, col. 707
Viv. IX, p. 384
Mig. V, col. 712
Viv. IX, p. 380
Mig. V, col. 708
Inédite
Viv. X, p. 277
Mig. V, col. 666
Viv. X, p. 357
Mig. V, col. 750
Mig. VI, col. 949
(traduction)
Migné, Œuvres de
Ste J.-F. de
Chantal, II, col.
626
Plon, 18791199,
Lettres, IV, p. 121
[453]
1197 Les indications qui figurent dans cette colonne sont données sous toutes réserves, et pour des raisons déjà exposées
dans l'Avant-Propos du tome XI.
La numérotation des pièces étant souvent très inexacte dans les éditions du XVIIe siècle, quand nous
remontons à celles-ci, au lieu de citer le numéro d'ordre des Lettres, nous indiquons seulement la série, soit le Livre
dans lequel elles sont insérées.
1198 Les Vies de IV des premieres Meres de l'Ordre de la Visitation Sainte Marie, ecrites et dediees a N. S. P. le Pape
Alexandre VII, par la Reverende Mere Françoise Madelene de Chaugy, Superieure du premier Monastere de cet
Ordre. A Annessy, par Jacques Clerc, MDCLIX.
1199 Sainte Jeanne-Françoise Frèmyot de Chantal, sa Vie et ses Œuvres. Paris, Plon, 1879.
314/329

32.5 Page 315

▲back to top


Table des matières
Bref de Sa Sainteté Pie X………………………………………………………………………..V
Avant-Propos……………………………………………………………………………………IX
Avis au Lecteur……………………………………………………………………………...XXIV
ANNÉE 1608
(Suite)
LETTRE CDXLIV A Mme DE LA FLÉCHÈRE. Il faut premièrement «avoir patience d'estre
imparfait. Conseils pratiques pour mettre son esprit en posture de suavité. A quoi doivent
servir nos chutes…………………………………………………………………………………...1
CDXLV A Mme DE VALLON. Le Saint donne à la destinataire des nouvelles de son mari
et de sa parenté…………………………………………………………………………………….3
CDXLVI A Mgr FENOUILLET (Inédite). Remerciements et félicitations pour l'envoi d'une
oraison funèbre; souhaits d'amitié offerts au destinataire, son futur frère dans l'épiscopat.
Message pour un ami commun…………………………………………………………………….4
CDXLVII AU ROI DE FRANCE. Pauvreté des curés du Bugey; supplique en leur faveur6
CDXLVIII A Mme DE LA FLÉCHÈRE. L'humilité joyeuse dans les légers manquements.
Les exercices de dévotion pendant la journée. Faire comme Notre-Dame: se tenir toujours
d'une main à Notre-Seigneur. — Apprivoiser son cœur à la mansuétude. — Les prières vocales et
l'oraison mentale..............................................................................................................................7
CDXLIX A M. DES HAYES. Henri IV désire attacher le Saint au service de l'Eglise de son
royaume. Humilité et désintéressement de François de Sales; c'est la volonté du Pape qui lui
manifestera la volonté de Dieu…………………………………………………………………….9
CDL AU MÊME. Le Saint voudrait savoir de son ami les intentions de Henri IV à son égard.
Diverses raisons persuadent l'Evêque d'attendre sans inquiétude la suite des événements; il ne
veut que la volonté de Dieu. Témoignages d'amitié. Message pour Mgr de Montpellier.........11
[455]
CDLI A LA BARONNE DE CHANTAL. Rien ne se fait que sous la conduite de Dieu.
Lé Saint ne veut que Dieu pour son partage. L'objet de ses considérations en l'oraison..........13
CDLII A LA MÊME. Il faut tout faire avec une diligence tranquille. On veut tirer
l'Evêque de sa terre et de son «parentage»; sentiments que lui inspire ce projet. Le rendez-vous
de l'âme du Saint………………………………………………………………………………….14
CDLIII A Mme DE VALLON (Inédite). Témoignages de dévouement à une parente.
Nouvelles et messages……………………………………………………………………………16
CDLIV A Mlle DE CHASTEL. — Le vœu de chasteté: considérations qu'il faut faire pour s'y
préparer. Eloge de la sainte chasteté: vertu vraiment céleste, qui consacre à Dieu les âmes et les
corps, vouée d'abord par Notre-Dame, et après elle, par toute la troupe des cœurs vierges. —
Formule de ce vœu; il fait de notre corps une sainte relique, un calice consacré.............................18
CDLVA Mme DE LA FLÉCHÈRE. Un moyen commode d'acquérir les solides vertus: se
mettre en patience avec opiniâtreté. Pour réussir dans les affaires, compter sur l'assistance de
Dieu et user d'une douce diligence. Les affaires de ce monde et les maisonnettes des petits
enfants. La chose la plus importante. Toujours recommencer: le meilleur moyen pour
achever la vie spirituelle.................................................................................................................21
CDLVI A Mgr FENOUILLET (Inédite). Eloge de des Hayes, «le grand amy» de Pierre
Fenouillet et de l'Evêque de Genève. C'est surtout sur les petits lacs d'eau douce que la barque
du Saint se plaît à voguer................................................................................................................23
315/329

32.6 Page 316

▲back to top


CDLVII AU PÈRE COMES. Différend entre les chanoines du Chapitre de Saint-Pierre et
les Augustins de Seyssel; pour le régler, une entrevue est proposée par le Saint. Assurance
d'affectueux dévouement…………………………………………………………………………24
CDLVIII A Mme DE LA FLÉCHÈRE. Deux choses qu'il faut joindre ensemble. Comment
reprendre son cœur quand il a failli................................................................................................26
CDLIX A Mlle DE CHASTEL. — Dieu protège les vœux qu'il a inspirés. Il n'est pas toujours
possible ni à propos de fuir, mais il est toujours nécessaire de combattre avec opiniâtreté. Les
afflictions qui aident à bien servir Dieu. Conseils pour l'oraison. Bonheur de s'être consacré
à Notre-Seigneur............................................................................................................................28
CDLX AU CARDINAL ARRIGONI. Le Saint demande au Saint-Siège le renouvellement
de plusieurs permissions qui doivent faciliter son ministère et celui de ses prêtres.......................30
CDLXI A LA BARONNE DE CHANTAL. Il faut aimer l'attente que Dieu impose à
l'accomplissement de nos désirs. Projet de [456] voyage en Bourgogne. Le sacre de l'Evêque
de Lausanne. Le Saint aimé de «beaucoup de bons veillars.» Pensées qui lui sont venues
quand il faisait oraison. «Il faut bien que les filles soyent un petit jolies.» Portrait du P. de
Monchy. Le Frère Matthieu. Pour se mêler d'exorcismes, il ne faut pas être trop crédule.
Les femmes et le culte; la part qu'elles peuvent y prendre. Retour d'apostats. Nouvelles et
messages. Mme de Charmoisy «chemine fort bien»..................................................................33
CDLXII A LA PRÉSIDENTE BRULART. Le Saint n'est «point homm'extreme;» il espère
obtenir davantage de Rose Bourgeois par une entrevue. Ne pas trop s'attacher aux pratiques de
piété de son choix. Dieu veut être servi par les exercices compatibles avec les devoirs d'état.
Estime du Saint pour l'Ordre du Carmel........................................................................................39
CDLXIII A UN CARDINAL. Un reproche immérité. Les Savoisiens ne lisent pas de
mauvais livres................................................................................................................................42
CDLXIV A LA BARONNE DE CHANTAL. Transcription de l'Introduction à la Vie devote.
Le projet de la Visitation sourit de plus en plus au saint Evêque. Son amour pour Notre-
Seigneur. Nouvelles de la ferveur de Mme de Charmoisy. Bonheur de ne prétendre qu'à
Dieu...............................................................................................................................................44
CDLXV A M. DE BERULLE. Retour à la foi d'un apostat; M. de Bérulle y a beaucoup
coopéré. Le Saint se réjouit d'apprendre le bien qui se fait à Paris par son entremise et celle de
ses amis..........................................................................................................................................46
CDLXVI AU BARON DE VILLETTE. L'Académie Florimontane et ses premiers membres.
Le Saint promet sa visite au châtelain de Dérée, son parent, nouvellement marié...................48
CDLXVII AU PÈRE DUBOULOZ (Inédite). Election d'un prieur au couvent des
Dominicains d'Annecy; l'élu est prié avec une aimable insistance d'accepter cette charge..........50
CDLXVIII A Mme DE LA FLÉCHÈRE. Conseils à une femme chrétienne. L'humeur
mélancolique: circonstances qui la favorisent; nécessité et moyens de la combattre. Une parole
de sainte Angèle de Foligno……..................................................................................................51
CDLXIX A LA MÊME. La tranquillité d'âme, mère du contentement et fille de l'amour de
Dieu. Les sujets de se mortifier plus grands dans le monde qu'en Religion. Ne s'astreindre
«que tout bellement» aux exercices de piété, est chose conseillée en certains cas. Attitude devant
la souffrance. Qu'il est permis de se plaindre à Dieu, et à quelle condition. Notre-Seigneur
aime ceux qui souffrent………………………………………………………………………….53
[457]
CDLXX A LA MÊME (Inédite). Dispositions, pieux espoir du Saint à l'approche d'une
naissance…………………………………………………………………………………………55
CDLXXI A M. DE LA FLÉCHÈRE. Félicitations, prédictions, prières du saint Evêque
répandues sur un berceau………………………………………………………………………...55
CDLXXII A Mme DE LA FLÉCHÈRE. La vertu des vertus. Comment servir le Maître.
Le moyen de faire glorifier Dieu par le prochain. Quand les mortifications sont interdites
par une santé délicate, que faut-il faire?.........................................................................................57
316/329

32.7 Page 317

▲back to top


CDLXXIII AU DUC DE SAVOIE (Inédite). L'Evêque de Genève avertit le duc qu'il ira en
Bourgogne pour une affaire de famille…………………………………………………………..58
CDLXXIV A Mme DE CHARMOISY. La «soigneuse assistance» des bons Anges.
Exhortation à progresser dans l'amour de Dieu. Message pour une ancienne Abbesse………58
CDLXXV A LA BARONNE DE CHANTAL. La Baronne est prévenue que le Saint est aux
«portes» de Monthelon…………………………………………………………………………...60
CDLXXVI A L'ABBESSE DU PUITS-D'ORBE. Encouragements à persévérer dans de
saintes résolutions………………………………………………………………………………..61
CDLXXVII A UNE RELIGIEUSE. Dieu agrée extrêmement la résignation dans les
maladies et l'obéissance au médecin. Les croix qu'il faut baiser avec amour…………………62
CDLXXVIII A LA BARONNE DE CHANTAL. Anne-Jacqueline Coste offre spontanément
au Saint de servir les futures Religieuses qu'il méditait d'établir…………………………………63
CDLXXIX AUX ECCLESIASTIQUES DU BUGEY, DU VALROMEY ET DE GEX. Les
ecclésiastiques des pays exemptés des décimes doivent envoyer à Lyon un député pour régler le
paiement d'un don………………………………………………………………………………..64
CDLXXX A M. DUNANT. Servir Dieu où l'on est. Le labeur patient n'est jamais stérile
devant Dieu. — Le désir du changement empêche le succès de l'œuvre présente………………65
CDLXXXI A LA BARONNE DE CHANTAL. Accueil que fait le Saint aux désirs et aux
recommandations de la baronne de Chantal. Dieu seul est un guide indispensable. Sortir du
monde, pour plusieurs, n'est pas toujours sortir d'eux-mêmes et de leur amour-propre. La fin
qu'on doit se proposer en quittant le siècle. Une sainte Fondatrice dont la Congrégation semble
donner à penser au futur Fondateur de la Visitation. Conseil du Saint à «ceux qui se meslent
des ames» et aux personnes de piété. Son affection pour le père et les enfants de sa fille
spirituelle. La jeune fille et le seau d'eau. Messages divers................................................67
CDLXXXII AU PÈRE POLLIENS (Inédite). Témoignages d'affection pour les PP. Jésuites
de Chambéry et de sympathique dévouement à une pieuse chrétienne qui soupirait après le
cloître……………………………………………………………………………………………73
[458]
CDLXXXIII A Mlle CLEMENT. Se résigner humblement, si, malgré tous nos efforts, notre
désir n'est pas accompli. Les âmes que Dieu aime « en tout et par tout»…………………….75
CDLXXXIV A LA BARONNE DE CHANTAL. — La fête de la Dédicace; les cœurs et les
corps, temples mystiques dédiés à Dieu par les vœux. — La dévotion du Rosaire à Annecy. La
baronne de Chantal à l'hôpital de Beaune………………………………………………………..76
CDLXXXV A Mme DE LA FLÉCHÈRE. Les vendanges. Comment l'Epoux divin des
âmes nourrit leur espérance et repaît leur amour. Les vendanges spirituelles. Le côté du
Sauveur percé sur la croix. Les choses temporelles doivent servir «d'eschellon» aux spirituelles.
Comment il faut considérer ses fautes…………………………………………………………77
CDLXXXVI A L'ANCIENNE ABBESSE DE SAINTE-CATHERINE. Souhaits de ferveur
par le don du cœur à Dieu. — N'aimer rien qu'en lui, par lui et pour lui…………………………79
CDLXXXVII A LA BARONNE DE CHANTAL. Humilité du Saint; sa confusion et sa
peine de se voir estimé. Se tenir dans l'indifférence…………………………………………..80
CDLXXXVIII A Mme DE LA FLÉCHERE. L'insensibilité et l'indifférence religieuse:
définition de l'une et de l'autre; celle-ci est un grand don de Dieu……………………………….81
CDLXXXIX AUX SYNDICS OU AUX MESSIEURS DU CONSEIL DE RUMILLY.
L'église paroissiale de Rumilly a besoin d'une restauration: difficultés de l'entreprise;
encouragements à les vaincre. — Affection du Saint pour la ville; son humilité…………………83
CDXC A Mme DE MIEUDRY. Les menues pensées de vaine gloire et les mouches. Les
larmes et les résolutions, «la tendreté de cœur et la fermeté de cœur»: choses bien différentes. —
Les pensées importunes. Ne pas tourmenter son âme…………………………………………85
CDXCI A Mlle DE BRÉCHARD. Recommandations pressantes de garder son cœur, de le
mortifier et de le tenir en même temps dans la joie. — Messages……………………………….86
317/329

32.8 Page 318

▲back to top


CDXCII A LA BARONNE DE CHANTAL. Amiable partage de biens pour faciliter le
mariage de Bernard de Sales……………………………………………………………………88
CDXCIII A Mme DE LA CHAMBRE. Pourquoi il ne faut pas remettre les Vêpres après
souper. Le moyen d'être consolée pour cette Vie et pour l'autre. — Messages divers………89
CDXCIV A LA BARONNE DE CHANTAL. Anniversaire d'une consécration épiscopale.
Sentiments de François de Sales à propos de cet événement…………………………………91
CDXCV A Mlle DE TRAVES. Témoignages d'affectueux [459] dévouement. Ingénieuse
manière de demander à une âme chrétienne si elle aime Dieu; que faire quand on aime bien Dieu.91
CDXCVI A LA BARONNE DE CHANTAL. Départ de Bernard de Sales pour la
Bourgogne. Souhaits et actions de grâces à propos de son mariage. Le Saint déplore les
dangers que court une âme infidèle à ses engagements sacrés et bénit Dieu qui l'a gardé de l'erreur
dès son jeune âge. Les saints Pères et l'hérésie. Un ministre converti. «Madamoyselle de
Perdreauville» et sa famille. — La manière de prêcher contre les hérétiques……………………93
CDXCVII A L'ABBESSE DU PUITS-D'ORBE. Le Saint demande à l'Abbesse de ses
nouvelles. Conseils divers. Le moyen de tirer profit de ses infirmités. Exhortation à la
dévotion. — Assurance de dévouement………………………………………………………….97
CDXCVIII A Mme DE ROCHETTE (Inédite). Un sujet inépuisable de correspondance.
Le Saint envoie à la destinataire des chansons spirituelles……………………………………….99
CDXCIX A M. BRETAGNE. Souhaits de courtoisie à un magistrat à la fin d'une année.
Pourquoi la fuite des années ne doit pas nous attrister………………………………………….100
D A LA BARONNE DE CHANTAL. Dieu favorise le dessein de la Visitation en lui
préparant des âmes d'élite. Une prétendante; estime qu'en fait le saint Evêque……………..101
FRAGMENTS DE LETTRES A LA BARONNE DE CHANTAL
1605-1608
DI Ne jamais reprendre le temps fixé pour l'oraison. Le crucifix matériel et le vrai Crucifix.
Comment s'accuser en confession. La simplicité, l'amitié, la petitesse. Que faire quand il
arrive des pensées mauvaises…………………………………………………………………...103
DII Exhortation à la douceur dans les relations avec le prochain. Comment réprimer les défauts
de nos inférieurs. Aveu du Saint. Les vainqueurs du mal…………………………….….105
DIII Avoir son âme en ses mains; comment elle nous échappe et les moyens de la reprendre.
Obligation d'une âme qui est toute à Dieu. Le présent, le passé et l'avenir, et l'emploi qu'il
convient d'en faire pour servir Notre-Seigneur comme il le désire……………………………..106
DIV (Fragment inédit). Un «point d'importance.» Les feuilles, les fleurs et les fruits des
amitiés mondaines. Les petits renardeaux et les mouches mortes. Les amitiés mauvaises et
les amitiés de charité; différence de leurs allures. Il faut couper les premières, et «auconteau
tranchant.» Le trouble [460] de la Sainte Vierge à la vue d'un Ange doit servir de leçon aux
âmes pudiques…………………………………………………………………………………..107
DV Vertus, exercices, lieu, rang, gloire et couronne des veuves. A qui faut-il laisser les extases
et la contemplation de l'Essence divine. Tableau rapide des vertus que la très Sainte Vierge a
pratiquées depuis Nazareth jusqu'au Calvaire. Les petites et les grandes vertus; c'est par les unes
qu'on arrive aux autres. La «femme forte» et ce qu'il faut faire pour lui ressembler. Dieu, comme
un bon père, accommode ses pas aux nôtres. Comment fortifier son cœur contre Satan et le
rendre «imprenable»……………………………………………………………………………109
DVI L'esprit naturel et l'esprit chrétien ou l'esprit de la foi; les rébellions du premier
n'empêchent pas celui-ci de subsister et d'avoir finalement la victoire. La barque, l'aiguille
marine et la «belle estoile.» Que doit faire l'âme chrétienne au temps de la «dereliction.»
Comment se conduire dans les assauts contré la foi et dans les tentations de vanité et de vaine
gloire. Les assoupissements et les distractions. Les nuages du ciel atmosphérique et les
brouillards de l'esprit. Porter remède au mal, mais se tenir dans l'indifférence à l'égard des
résultats. Le moyen d'être parmi le monde, sans y avoir son cœur………………………….111
318/329

32.9 Page 319

▲back to top


DVII Une grâce que le Saint sollicite de Notre-Seigueur pour Mme de Chantal. La présence
de Dieu dans l'âme chrétienne, d'après sainte Thérèse et saint François de Sales………………114
DVIII La charité envers le prochain ne doit pas nous faire couvrir le mal. Blâmons le vice,
épargnons les personnes. Comment nous devons considérer les actions du prochain. La
charité et les pécheurs…………………………………………………………………………...114
DIX A UN INCONNU (Fragment inédit). Regrets adressés à un supérieur de n'avoir pas su
le rencontrer pour lui baiser les Mains…………………………………………………………..115
DX A LA BARONNE DE CHANTAL. Impatience de Mme de Boisy de voir la conclusion
du mariage de son fils Bernard. Le Saint partage ce même désir, mais sans impatience…….116
ANNÉE 1609
DXI AUX SYNDICS DE RUMILLY. Entremise du Saint auprès des FF. mineurs Capucins
en faveur de la ville de Rumilly………………………………………………………………...118
DXII A Mme DE LA FLÉCHÈRE. Les assoupissements des sens et la volonté résolue d'être
tout à Dieu. La miséricorde de Dieu surpasse la misère de ceux qui «en luy ont logé leurs [461]
esperances.» Le meilleur remède contre l'appréhension de la mort. Ne pas examiner ce qui
est fait, mais penser à ce qui est à faire. Comment haïr nos défauts. Ce qui conserve «nos
tares.» Désirs illusoires de changement; c'est nous-même qu'il faut changer……………….119
DXIII A LA MÊME. Quand les mortifications ne manquent pas, n'en pas désirer d'autres.
De quelle plainte il se faut garder en toute façon. Les «petites tricheries quotidiennes.»
La confiance filiale des petits enfants proposée aux âmes qui aspirent à l'extrême perfection.
Après les chutes, il ne faut jamais se décourager. Dans quel cas il est sage de payer ce qu'on ne
doit pas………………………………………………………………………………………….121
DXIV A Mgr DE VILLARS. Introduction a la Vie devote: circonstances historiques de la
publication de cet ouvrage. Pour quelles raisons l'auteur croit devoir laisser aux grands ouvriers
les grands desseins. Ouvrages moins laborieux qu'il médite d'écrire: «un livret» de l'Amour de
Dieu, un petit Calendrier et Journalier pour l'âme dévote, un Traité de la prédication, une méthode
de convertir les hérétiques. La bibliothèque du Saint en Chablais. Jugement de Mgr Fenouillet
sur l'Introduction………………………………………………………………………………..124
DXV A LA BARONNE DE CHANTAL. Souhaits de bienvenue et offrande d'un gîte.
Envoi d'exemplaires de l'lntroduction a la Vie devote. Joie du Saint de voir que tous les siens
parlent avec respect et affection de la petite Aimée et de sa mère. Mme de Chantal attendue à
Sales. De quels documents l'auteur compte se servir pour une seconde édition de l'Introduction.
L'Abbesse du Puits-d'Orbe et son frère. Affection de François de Sales pour Marie-
Aimée…………………………………………………………………………………………...128
DXVI A LA PRÉSIDENTE BRULART. En quels cas une chrétienne doit être indifférente
au choix du confesseur. Les bonnes intentions et les mauvaises pensées. Dévotion de
François de Sales à sainte Thérèse. Intérêt qu'il porte à une veuve. Pourquoi les vertus des
femmes mariées sont agréables à Dieu. Unique souci d'une veuve chrétienne. Il faut être
douce et suave parmi les siens, et mettre un soin particulier à le devenir………………………132
DXVII A Mme DE LA FLÉCHÈRE. Analyse d'une tentation de découragement.
Comment doit s'exercer l'apostolat des femmes chrétiennes hors de leur maison. Conduite à
tenir lorsque nous sommes préoccupés de savoir si nous avons bien fait. L'amour-propre et
l'amour de Dieu. Les heures de sommeil et la santé. Pourquoi le monde est quelquefois plus
propice que le cloître à l'acquisition des vertus…………………………………………………135
[462]
DXVIII A LA PRÉSIDENTE BRULART. Les menues et fréquentes impatiences; moyens
de les surmonter. Il faut être colombe à l'oraison, mais aussi dans son foyer et avec son
entourage……………………………………………………………………………………….137
319/329

32.10 Page 320

▲back to top


DXIX A Mgr CAMUS. Panégyrique en raccourci de saint Joseph. Tableau de la Sainte
Famille. François de Sales accepte avec joie de «mettre la mitre en teste» au futur Evêque de
Belley…………………………………………………………………………………………...139
DXX A LA PRÉSIDENTE BRULART. Trop différer la première Communion: grande
erreur. Le visage pâle et l'âme vermeille. Envoi d'un exemplaire corrigé de l'Introduction…141
DXXI A Mgr DE VILLARS. Une «petite opiniastreté» de saint François de Sales.
L'Archevêque ayant refusé le titre de Monseigneur, le Bienheureux s'excuse de le lui donner encore
et lui expose les raisons de sa respectueuse obstination………………………………………..143
DXXII A L'ABBESSE DU PUITS-D'ORBE. Faire le bien joyeusement, sans s'attrister de
ses défauts. Tenir la clôture. Les confesseurs extraordinaires: manière d'observer la
prescription du Concile de Trente. L'administration des pensions et les avis que doit donner
l'Abbesse dans ses Chapitres. Rappeler au monastère une Religieuse absente et par quels
procédés. Conseils variés sur l'oraison, la lecture spirituelle, etc. Acquérir un grand courage
au service de Notre-Seigneur…………………………………………………………………...146
DXXIII A Mgr FENOUILLET. Le destinataire ayant écrit au Saint une lettre d'affectueuse
courtoisie, celui-ci lui envoie l'expression de son respect et de sa confiance…………………..149
DXXIV A Mlle DE TRAVES. Le monde «n'est qu'un vray trompeur.» Considérations
proposées à une personne qui songeait à se marier. L'amour du Sauveur, de Notre-Dame et des
Saints à la très sainte unité de Dieu………………………………………………………….....150
DXXV A Mgr FENOUILLET (Inédite). Annonce de nouvelles. Messages. Le nouvel
Evêque de Belley. Jean-Pierre Camus songe à faire une visite à saint François de Sales. «Une
lettre toute d'amour»……………………………………………………………………………152
DXXVI A L'ABBESSE DU PUITS-D'ORBE. Une cure difficile; le charitable Saint prend
l'avis d'un gentilhomme et d'un «viel cyrurgien» et députe à la malade le fils de celui-ci. Conseil
donné à l'Abbesse de renoncer au voyage de Savoie. Comment Dieu lui témoigne son amour
paternel…………………………………………………………………………………………153
DXXVII A LA MÊME. Offre de services spirituels. Visite annoncée. Nécessité de
donner suite à de bonnes résolutions. Exhortation à faire «beaucoup d'eslancemens de cœur sur
Jesus crucifié»………………………………………………………………………………….155
[463]
DXXVIII A Mme DE LA FLÉCHÈRE. Après un premier «choppement,» que faire?
Comment apaiser son cœur quand il est prévenu contre le prochain. — Il faut avoir de la
compassion pour celui-ci et suivre pour nous-même l'humilité………………………………..156
DXXIX AU DUC DE SAVOIE. Recommandation en faveur d'un officier sans
ressources……………………………………………………………………………………….158
DXXX A Mme DE CORNILLON, SA SŒUR. — Les sentiments que doit exciter la perte des
parents. Mort de Mme de la Thuille. Le meilleur des souhaits. Comment il faut supporter les
ennuis que donnent les affaires temporelles…………………………………………………....158
DXXXI A Mlle DE BRÉCHARD. Dieu le Père et ses images vivantes sur la terre. Que
l'on ne puisse pas communier sans ouïr la Messe, c'est une opinion nullement fondée. Les
Communions que nul ne peut refuser. La plus solide des nourritures au Ciel et sur la
terre……………………………………………………………………………………………..160
DXXXII A Mme DE LA FLÉCHÈRE. La réponse de La Faye au livre de la Croix ne vaut
pas la peine d'une réplique. Zèle de Mlle de Mieudry pour la foi catholique. Messages.
Quel est le vrai esprit de Jésus………………………………………………………………….161
DXXXIII A LA BARONNE DE CHANTAL. L'âme humaine et les afflictions de cette vie.
Une réflexion de saint Grégoire. Une vraie chimère. L'esprit de foi et la douleur. Les
progrès d'un Saint dans l'oraison………………………………………………………………..163
DXXXIV A Mlle DE BRÉCHARD. L'art de cheminer sur la corde et «le baston de
contrepoidz» pour marcher assurément parmi les périls du monde. On ne peut jamais atteindre
le souverain degré de l'amour divin. Pourquoi Dieu nous a donné notre cœur……………….164
320/329

33 Pages 321-330

▲back to top


33.1 Page 321

▲back to top


DXXXV A LA PRÉSIDENTE BRULART. L'Abbesse du Puits-d'Orbe désire venir en
Savoie; réserves que fait le Saint à propos de ce projet de voyage. Il se dispose à sacrer l'Evêque
de Belley. Comment réparer «le manquement» de la méditation. Pourquoi Dieu quelquefois
empêche la méditation. Les «vrayes continuelles oraysons» et «la pins dign' offrande.» La sainte
Communion en dehors de la sainte Messe. Faisons le bien avant de mourir, mais toujours avec
discrétion. — Le bon plaisir de Dieu meilleur que le nôtre…………………..………………...166
DXXXVI A LA BARONNE DE CHANTAL. Quelques-unes des «mille douces pensees»
du saint Evêque pendant qu'il portait le Saint-Sacrement. Le pectoral de l'ancienne Loi et
l'ostensoir eucharistique. Effusions de piété. Nouvelles et messages…………………….169
[464]
DXXXVII A Mme DE CORNILLON, SA SŒUR. — L'amitié d'un Saint pour sa sœur. —
Exercice recommandé pour s'avancer en l'amour de Dieu. Quand les affaires réussissent-elles
plus à souhait. Pourquoi Mme de Cornillon paraît à son frère plus digne d'affection…………171
DXXXVIII AU PRIEUR DE TALLOIRES. La réforme dans un monastère demande une
grande longanimité dans l'exécution et un cœur généreux. — L'exemple de Notre-Seigneur. Les
exercices de piété; l'habit, le mobilier, etc.; la «composition extérieure» et son importance dans
une Communauté. — Conditions du succès……………………………………………………172
DXXXIX A M. DE CHARMOISY. M. de Charmoisy s'apprête à quitter Turin, Un
«ennemi juré des cours.» Le Saint se réjouit à l'espoir de posséder son ami avec plus de
loisir…………………………………………………………………………………………….176
DXL A LA BARONNE DE CHANTAL. La quatrième chose tout à fait ignorée de Salomon.
L'ange gardien de Celse-Bénigne. L'unique ambition d'un Saint. L'Evêque de Genève
trouve son âme «un peu plus a» son «gré que l'ordinaire,» et pourquoi. Ce qu'il veut, d'une
volonté inviolable. — Le gui et les imperfections involontaires……........................................177
DXLI A M. BELLOT (Minute inédite). Les conditions de la conférence contradictoire
proposée par les Genevois sont acceptées par le Saint. Celui-ci désire y apporter non un esprit
de contention, mais de bonne foi; entre les difficultés, il faut choisir les plus importantes et les
éplucher. Une dernière garantie à prendre……………………………………………….....179
DXLII A M. DES HAYES. Remerciements du Saint à son « arch'intime » qui voulait le
faire venir à Paris. Les obédiences qui entravent sa liberté. Invitation pour l'année 1611 à
prêcher dans la chaire de Saint-Gervais; hésitations de François de Sales pour accepter
l'intervention de Henri IV. Nouvelles de M. de Charmoisy et de sa rupture avec le duc de
Nemours. Le Saint désire rétablir le mari de Philothée. Un projet de pèlerinage à la Sainte-
Baume. Mme de Maignelais. La deuxième édition de
l'Introduction………………………………………....182
DXLIII AU DUC DE NEMOURS. Recommandation en faveur d'un gentilhomme, pour lui
obtenir de succéder à son père dans la charge de juge-maje du Faucigny……………………..187
DXLIV AU PÈRE DE BONIVARD (Minute inédite). Raisons et avantages d'offrir aux
ministres de Genève une conférence publique. Manière de la proposer. En quel cas il serait
à propos d'engager la controverse sur les Versions. Comment [465] présenter la doctrine
catholique, et de la prudence requise en la formulant. — Derniers avis……………………….188
DXLV A Mme DE LA FLÉCHÈRE. L'attitude d'une âme chrétienne durant la maladie.
Douceur et tranquillité. Comment ne jamais trébucher……………………………………..193
DXLVI AU PRIEUR DE POMMIER. Prière au destinataire de s'entremettre auprès des
sujets de sa Maison qui refusaient de payer les prémices à leur curé…………………………..194
DXLVII AU PRÉSIDENT FAVRE. Négociations du Saint dans le pays de Gex. Une
première Messe après soixante-treize ans d'interruption. La traversée de Genève………….196
DXLVIII AU DUC DE SAVOIE. François de Sales offre au duc la deuxième édition de
l'Introduction à la. Vie devote. Culte du bienheureux Amé en Savoie et en Bourgogne.
Supplique pour obtenir que le président Favre puisse transmettre à son fils René la charge de
sénateur…………………………………………………………………………………………198
321/329

33.2 Page 322

▲back to top


DXLIX AU ROI DE FRANCE. Remerciements adressés à Henri IV à propos du
rétablissement du culte catholique dans deux paroisses de Gex; «bien infini» qui en résultera.
Le digne héritier et imitateur de saint Louis et de Charlemagne. Zèle et prudence du baron de
Lux……………………………………………………………………………………………...201
DL A Mme DE LA FLÉCHÈRE. Les suites d'une chute. Annonce d'un deuxième voyage
en Bourgogne. Les Saints ne sont pas «despiteux.» Les curiosités qu'il faut éviter……..202
DLI A Mme DE LA FOREST (Inédite). Les «ames revesches» et le Saint. Pourquoi la
patience est nécessaire à ceux qui veulent servir les âmes. Une Religieuse qui avait besoin de
changer d'air. Les promenades dangereuses. Envoi d'un exemplaire de l'Introduction….204
DLII A LA BARONNE DE CHANTAL. A une journée de Monthelon, le Saint prévient la
Baronne qu'il va arriver. Il demande «un petit bain de sauge» pour son pied à peine guéri d'une
chute récente……………………………………………………………………………………206
DLIII A M. DE BERULLE. Sympathie très effective de François de Sales pour le dessein
de M. de Bérulle. — Il conseille une démarche auprès du Nonce………………………………207
DLIV AUX MAGISTRATS DE LA VILLE DE SALINS. Acceptation d'une invitation à
prêcher dans la ville de Salins…………………………………………………………………..209
DLV A LA BARONNE DE CHANTAL. Pourquoi nous sommes en ce monde. Absoudre,
c'est donner Jésus-Christ. Le traité du P. Arias. Le corporal envoyé par la Baronne…………210
DLVI A Mme DE BOISY, SA MERE. Mme de Boisy est priée par [466] son fils de consulter
le médecin Marc Offredo. Pourquoi elle doit se dégager de certaines «petites pensees.» Le
«petit advis» que le Saint donne clairement à sa «chere Dame et bonne Mere»……………….212
DLVII A LA BARONNE DE CHANTAL. Retour de François à Annecy; il en donne avis à
la baronne de Chantal. L'abandon de tout notre être au bon plaisir divin; bonheur qu'il procure.
— Le sacré oreiller de saint Jean……………………………………………………………….214
DLVIII A M. DES HAYES. Nouvelles rétrospectives d'un voyage en Bourgogne.
Pèlerinage différé. François de Sales accusé auprès du duc de Savoie d'avoir fait une tentative
pour reprendre son autorité temporelle de prince-évêque de Genève; le fondement de cette
calomnie. Un mariage désiré. Dévouement des amis de M. de Charmoisy pour le tirer de sa
retraite. Trois dames destinataires de l'Introduction à la Vie devote………………………..215
DLIX AU PÈRE POSSEVIN (Inédite). Les fruits des Exercices de saint Ignace. Progrès
des conversions autour de Genève. Une paysanne missionnaire. Rétablissement du culte
catholique à Gex. Un grand nombre de Genevois ébranlés; obstacles qui s'opposent à leur
retour. Le Saint raconte comment il a traversé Genève à cheval et l'émoi que son passage a
suscité dans la ville. Le mauvais vouloir des ministres à l'égard des propositions de François de
Sales. Comment l'Introduction à la Vie devote a vu le jour; cause de son succès. Offrande
d'un exemplaire au destinataire………………………………………………………………....219
DLX A LA BARONNE DE CHANTAL. Promesses pour le recrutement de la future
Congrégation. Le passage par Genève et les calomniateurs. Le dessein de François de Sales
traversé. Occupations, affections pieuses, souvenirs évoqués au cours du voyage d'un apôtre.
Les grands désirs qui remplissent le cœur d'un Saint. — Une affection que les paroles du monde
ne sauraient traduire…………………………………………………………………………….226
DLXI A LA MÊME. Ferveur d'une postulante. Les austérités corporelles et les
mortifications spirituelles; celles que le Saint désire pour les filles de sa future Congrégation…231
DLXII A Mme DE LA FLÉCHÈRE. Une contemplation, source de profonde tranquillité.
Sentiments qui doivent animer un cœur grandement épris de Jésus-Christ crucifié. Examen de
prévoyance fort utile. Une pauvreté qui n'en est pas une. L'appréhension de l'éternité et
l'appréhension des accidents de cette vie mortelle. La révérence envers Notre-Seigneur; en quoi
surtout elle consiste……………………………………………………………………………..232
[467]
DLXIII A LA BARONNE DE CHANTAL. La succession des années et l'éternité.
Souhaits de nouvel an. Le temps de Dieu; récompense promise à ceux qui en usent bien.
Comment tenir son cœur solitaire au milieu de la foule………………………………………..234
322/329

33.3 Page 323

▲back to top


DLXIV A Mme DE LA FLÉCHÈRE. L'unique guérison de certaines épreuves spirituelles.
Le sang du Calvaire et la clarté du Thabor; de ces deux montagnes, quelle est la plus désirable
et la plus fructueuse. Le pain sans sucre et le sucre sans pain. Pourquoi la connaissance de
notre néant ne doit pas nous troubler……………………………………………………………235
ANNÉE 1610
DLXV A UNE DAME INCONNUE. Qu'il faut ravaler son courage et en même temps
l'exalter. L'unique leçon du divin Maître. Une bonne condition pour faire des progrès
spirituels. Deux choses conseillées contre les assoupissements en l'oraison………………..237
DLXVI A LA BARONNE DE CHANTAL. La première tourière de la Visitation offre ses
services………………………………………………………………………………………….239
DLXVII AU DUC DE SAVOIE. Sainteté du bienheureux Amédée. Estime qu'on en fait
en Savoie. C'est un devoir pour le duc de désirer la canonisation d'un tel ancêtre et de s'employer
à l'obtenir………………………………………………………………………………………..239
DLXVIII A UN GENTILHOMME. Charité du Saint pour ses amis: au premier il propose
une honorable alliance pour l'un des siens; il fait à l'autre de vives instances pour qu'il pardonne à
son fils repentant………………………………………………………………………………..241
DLXIX A L'ABBESSE DU PUITS-D’ORBE (Inédite). Un chirurgien espagnol est prié de
s'employer à guérir l'Abbesse. Encouragements. Comment le Saint s'excuse de parler
brièvement de Dieu…242
DLXX A Mme DE CORNILLON, SA SŒUR. — Que faire à mesure que les années s'en vont.
Les mères chrétiennes et Notre-Seigneur, qui se comporte au rebours des autres enfants……243
DLXXI AUX ECHEVINS DE SALINS. Les prédications qu'il avait promises à Salins étant
empêchées, le Saint les veut «contres-changer en autant d'oraysons» pour la ville…………….245
DLXXII A LA BARONNE DE CHANTAL. Pourquoi l'Evêque de Genève n'alla pas à Salins
en 1610. Une âme dont il espérait faire quelque chose de bon. — Les souhaits, le cœur et la
plume d'un Saint………………………………………………………………………………...246
DLXXIII A M. DE BLONAY. La nouvelle Congrégation étant sur le point de s'établir,
François de Sales demande au destinataire qu'il veuille bien lui amener sa fille après
Pâques…………………………………………………………………………………………..248
[468]
DLXXIV A M. DE BAY. Recommandation en faveur d'un jeune étudiant savoyard…….249
DLXXV AU DUC DE NEMOURS. François de Sales intercède auprès du duc pour obtenir
un secours au chanoine-poète Nouvellet………………………..................................................251
DLXXVI A LA BARONNE DE CHANTAL. — Un cœur plus que paternel, dégagé et fervent
au milieu des tracas. Les petites fleurs et les arbres en Savoie, quand souffle la tempête.
Petite pluie abat grand vent. La rosée de la Croix. Rendez-vous pendant le Carême: l'aimable
et saint domicile du Cœur de Jésus Notre-Seigneur. Ce qui «contenta fort» le Saint. Il n'était
point dur aux chrétiennes d'Annecy, et pourquoi. — Sermon tout de flammes…………………253
DLXXVII A Mme DE CORNILLON, SA SŒUR. — Heureuse fin de Mme de Boisy. Une
promesse mutuelle. Les regrets dans les séparations. Paix joyeuse de la mère du Saint…254
DLXXVIII AU DUC DE SAVOIE. Lettre d'introduction auprès de Charles-Emmanuel, en
faveur d'un ami………………………………………………………………………………….256
DLXXIX A M. DES HAYES. Une douloureuse satisfaction. Mme de Boisy assistée par
son fils; rapide éloge de la défunte. Pourquoi le Saint n'a pas de particulières nouvelles à
communiquer…………………………………………………………………………………...257
DLXXX A Mgr FENOUILLET. François de Sales apprend à son ami la mort de Mme de
Boisy……………………………………………………………………………………………259
DLXXXI A LA BARONNE DE CHANTAL. Les sentiments du Saint à la mort de sa mère.
François de Sales raconte à Mme de Chantal comment Mme de Boisy a fini ses jours et combien
il pleura sur «cette bonne mere.» Invitation à venir en Savoie pour le dimanche des Rameaux.
323/329

33.4 Page 324

▲back to top


Dispositions à prendre pour le séjour de la Baronne. Mort de la petite Charlotte. Il faut
pleurer un peu sur nos trépassés. L'Abbesse du Puits-d'Orbe, Mme de Saint-Jean, le P. de
Monchy, Mlle Favre, le monastère de Sainte-Catherine. Le «train des saintz devanciers et des
simples.» Prendre pour méthode de ne point se préparer à l'oraison, le Saint déclare le trouver
«un peu dur»………………………………….............................................................................260
DLXXXII A Mme DE DÉRÉE. Tout fait espérer que l'âme de Mme de Boisy a été reçue «en
la main dextre de son Dieu»……………………………………………………………………..267
DLXXXIII A LA BARONNE DE CHANTAL. Souhaits de bienvenue. Les postulantes
de Dijon. — Engagement avec un imprimeur…………………………………………………..268
DLXXXIV A Mme DE LA FLÉCHÈRE. Ne pas donner créance aux vains présages. Satan
abuse des âmes crédules; comment se [469] garder de ses pièges. — Avis variés pour les œuvres
de sanctification. Moyen de soulager le prochain et de louer la Vierge Marie………………269
DLXXXV A UNE DAME INCONNUE. Parmi les délais imposés à nos désirs, il faut garder
la sainte patience………………………………………………………………………………..271
DLXXXVI AU CARDINAL GALLO (Inédite). Le Saint s'excuse de ne pouvoir obliger le
protégé d'un Cardinal…………………………………………………………………………...272
DLXXXVII AU PÈRE CEVA. Détresse d'un gentilhomme genevois. La Congrégation
des convertis. Charité de François de Sales............................................................................274
DLXXXVIII A LA PRÉSIDENTE BRULART. Par plusieurs voies on va au Ciel, si l'on a
pour guide la crainte de Dieu. Contre l'amour-propre, il faut faire bon guet. C'est tenter Dieu
de confier l'âme d'une jeune fille à un jeune homme de mauvais naturel, avec l'espoir qu'il
s'amendera. Consultation particulière sur les divertissements pour Mlle Brûlart. Comment
porter à la vertu une enfant vigoureuse et de naturel un peu ardent. Un magistrat chrétien au
XVIIe siècle. Un bien grand voyage pour des femmes. Le plus grand appui pour s'avancer
dans la piété. Les aumônes fructifient comme le froment jeté en terre………………………277
DLXXXIX — A L’ABBESSE DU PUITS-D'ORBE. Une heureuse rencontre. A quelles
conditions la faiblesse n'est pas un grand mal. Ce que Notre-Seigneur ne requiert pas de nous.
Comment se mettre «sur le solide.» Le moyen de n'avoir rien à craindre. Combien de
bons médecins maladifs et d'habiles peintres bien laids. Un «pauvre chetif pere» et la seule
chose qui pouvait le contrister. Plutôt mourir que de démordre. Les Supérieures et
l'observance……………………………………………………………………………………..281
DXC A Mme DE LA FLÉCHÈRE. «Il est dangereux de marcher au chemin des procès.»
Par quelles pratiques les âmes chrétiennes témoignent-elles de la fidélité à Notre-Seigneur……285
DXCI A LA BARONNE DE CUSY. Derniers préparatifs dans le «petit bastiment» destiné
aux premières recrues de la Visitation. Le Saint compte les y introduire à la Pentecôte. Quel
sera le costume la première année. Réponse à des objections que présentait la destinataire.
Un petit Isaac……………………………………………………………………………………286
DXCII A LA BARONNE DE CHANTAL. L'Institut de la Visitation, «havre de grace et de
consolation.» Méditation sur l'Evangile: Je suis la vigne. Notre-Seigneur Jésus-Christ, le
tout de François de Sales……………………..............................................................................289
DXCIII A M. DE BAY. Jacques de Bay et son zèle pour la [470] formation chrétienne des
jeunes Savoyards. Recommandation en faveur de Jean-Antoine Rolland et de Bernardin du
Nant. Le Saint offre au destinataire deux de ses ouvrages; son humilité…………………….290
DXCIV A LA BARONNE DE CUSY. Une postulante que le monde dispute à la vie
religieuse. — Qu'elle sonde son cœur avant d'embrasser Jésus-Christ crucifié; ce dessein demande
une âme vaillante et généreuse. Encouragements à prendre un parti décisif. Le Saint promet
de s'employer avec joie et constance à la «sainte besoigne» de la future Congrégation...............293
DXCV A Mme DE CHARMOISY (Billet inédit). Prière de donner l'hospitalité à une
postulante de la Visitation………………………………………………………………………295
DXCVI A LA BARONNE DE CHANTAL. Une idée que le Saint trouve à son réveil.
La fête du Saint-Suaire et les paroles «extatiques» d'Isaïe. Espoir joyeux que Dieu plantera et
fera fructifier la plante du futur Institut…………………………………………………………296
324/329

33.5 Page 325

▲back to top


DXCVII A M. RANZO. Zèle de François de Sales pour la Canonisation du bienheureux
Amédée. Il propose de lui faire dédier l'oratoire de sa future Congrégation………………..297
(DCXLIX) A M. DES HAYES (Inédite).1200 Une amitié constante. Mariage princier et
les menaces d'une guerre………………………………………………………………………..298
DXCVIII A M. CALCAGNI. Titres et aptitudes de M. de la Thuille, frère du Saint, à remplir
la charge de chevalier pour laquelle il est proposé. Le destinataire est prié de remettre des lettres
pour faire aboutir la nomination………………………………………………………………...302
DXCIX AU PÈRE POLLIENS. — A un Jésuite qui s'intéressait à l'œuvre du Saint, celui-ci
raconte les circonstances qui ont donné jouraux commencements de la Visitation. Sommaire et
premier crayon de la vie religieuse proposée par manière d'essai. La clôture, l'habit, l'Office,
l'union intérieure. La pierre fondamentale. Pourquoi le Saint ne se soucie pas des critiques.
L'Institut de la Visitation et le voyage de François de Sales à Dijon en 1604……………….304
DC AU PRESIDENT FRÉMYOT. Mort de Henri IV. Vanité des grandeurs du monde.
«Un contemptible coup de petit couteau.» Le Roi immortel. Pourquoi le Saint espère que
Dieu aura été pitoyable au prince. Les faveurs de Henri IV pour François de Sales. Aveu du
Saint; sa gratitude……………………………………………………………………………….309
DCI A LA BARONNE DE CHANTAL. Les soucis du saint Fondateur. Ses désirs d'union
à Jésus-Christ. Pourquoi Mme de Chantal doit se «mettre sur la grandeur de courage»………312
[471]
DCII A LA MÊME. Pourquoi le Saint se trouvait un peu las, mais de corps seulement.
De quelles vertus Notre-Seigneur est surtout amoureux. Un Psaume dont le chant attendrissait
le cœur de l'Evêque pendant la procession……………………………………………………...313
DCIII A M. CALCAGNI. Gratitude pour la courtoise intervention du destinataire en faveur
de Louis de Sales, frère du Saint………………………………………………………………..315
DCIV AU DUC DE SAVOIE. Remerciements et actions de grâces de la Savoie et de son
Evêque pour la promotion d'Antoine Favre «a l'estat de premier President.» Ce qui donne le
plus de douceur à la vie humaine. Description imagée de la justice. Responsabilité et devoir
des princes dans le choix de ceux qui l'exercent en leur nom…………………………………..316
DCV A M. DE SAINT-SIXT. Affaire d'argent qui sépare deux frères; intervention du Saint
pour les accommoder…………………………………………………………………………...318
DCVI A LA MÈRE DE CHANTAL. Elévation sur la vie de saint Jean-Baptiste: sa
nourriture, le miel, les locustes représentent les deux vies, contemplative et active. Applications.
Signification de ses vêtements. Un habit propre à conserver la sainteté. Obéissance du
Précurseur. Ce qu'annonçait «ce beau rossignol du bois»………………...............................320
DCVII A Mgr FENOUILLET (Inédite). Le trépas du «grand Roy.» Regrets. «Le jeune
et nouveau Roy.» Le vrai rendez-vous de nos «cogitations.» Une charge obtenue «sans
brigue, sans cour et sans argent»………………………………………………………………..322
DCVIII A LA MÈRE DE CHANTAL. Comment remplacer le jeune. Les «petites brebis»
de la Mère de Chantal. Visite de Marie à Elisabeth; amabilité de la très Sainte Vierge.
Contemplation du mystère. Un beau pèlerinage en compagnie du Sauveur…………………323
DCIX A Mlle DE CHAPOT. Les parents et les directeurs spirituels; l'autorité des uns et des
autres et la confiance qu'ils méritent dans l'affaire d'une vocation religieuse. S'il fallait ouïr
l'avis des premiers, qu'arriverait-il? Comment reconnaître la volonté de Dieu, parmi les
empêchements. Quand on a pris une bonne résolution, il faut la rectifier, si elle est excessive,
mais non la rompre……………………………………………………………………………...325
DCX A M. DE QUOEX. Pension ou dot requise pour les postulantes de la Visitation. «Il
est vray que l'on regarde encor aux facultés.» Le Chablais au XVIIe siècle. Une Congrégation
qui ne veut être «ni mendiante ni playdante.» Sommaire des Règles. Les commencements
de l'Institut donnent beaucoup d'édification; à quelles âmes offrait-il un refuge……………….328
[472]
1200 Cette lettre nous a été communiquée trop tard pour être insérée dans le corps du volume, à la place que lui assignait
sa date.
325/329

33.6 Page 326

▲back to top


DCXI A Mme DE TRAVERNAY. Quand on souffre, il est malaisé de prier. Quels sont
les malades capables de faire oraison. Comment remplacer cet exercice, si nous sommes trop
douillets. Il faut reprendre, quand on est guéri, ses habitudes de prière. Un «rare bien:» parler
cœur à cœur avec son Dieu…………………………………………………………………….332
DCXII A LA MÈRE DE CHANTAL (Inédite). Les premiers jours de la Visitation. Les
«douces amours en Jesus Christ» de l'Evêque de Genève; où se portait nuit et jour sa
sollicitude………………………………………………………………………………………334
DCXIII A Mme DE LA FOREST. Subtilité de Satan. Le Saint cherche à détruire le résultat
d'une calomnie. Bonnes nouvelles de la Maison de la Galerie……………………………..336
DCXIV A Mme DE CORNILLON, SA SŒUR. — La transfiguration en Notre-Seigneur. Le
séjour des vaines beautés et belles vanités. Encouragements à monter à la céleste vision du
Sauveur. Ce qui est pire que la mort pour une âme de Saint. Partout il faut avoir bon courage,
et pourquoi………………………………..……………………………………………………338
DCXV AU DUC DE NEMOURS. Recommandation en faveur du sieur Bouvard pour la
charge d'avocat fiscal…………………………………………………………………………..340
DCXVI A M. DES HAYES. Un trépas vraiment pitoyable. Le Saint relève le courage de
son ami, dont la mort de Henri IV semblait avoir compromis la fortune Comment se ménager
la protection de la Providence. Souhaits pour la France et la famille royale……………….341
DCXVII A LA MÈRE DE CHANTAL. Hésitations à faire venir en Savoie le P. de Monchy.
Souhait du Saint pour Mme de Chantal……………………………………….......................342
DCXVIII A LA MÊME. La méthode de Mme de Chantal. La confession de Françon.
Doux pressentiments intimes à l'approche de la fête de la Nativité de la très sainte Vierge. La
céleste Pouponne……………………………………………………………………………….343
DCXIX A Mme DE TRAVERNAY. Une âme docile. L'exercice dé l'amour sacré et les
tribulations. Un spectacle encourageant…………………………………………………….345
DCXX A Mme DE LA FLÉCHÈRE. Parmi les afflictions, les unes sont plus affligeantes, les
autres plus dangereuses pour l'âme. Pourquoi le tracas des procès, plus que tout autre, ôte la paix
intérieure. La seule perte que nous devons craindre en cette vie. Comment les procès peuvent
servir à l'avancement spirituel. Exemple de Notre-Seigneur. Le moyen d'être toujours assez
riche…………………………………………………………………………………………….346
DCXXI A M. RANZO (Inédite), Les débuts de la Congrégation. La Patronne qu'elle a
choisie. Attestation du culte fendu au bienheureux Amédée dans le monastère de Talloires et
[473] à Chambéry; à son passage dans cette ville, le prince Emmanuel-Philibert de Savoie reçoit
les hommages de François de Sales…………………………………………………………….348
DCXXII A Mme DE LA FLÉCHÈRE. Condoléances sur la mort de M. d'Avully, père de la
destinataire. Raisons d'espérer que Dieu l'aura reçu dans l'Eglise triomphante……………..351
DCXXIII A LA MÈRE DE CHANTAL. Pourquoi François de Sales travaille avec zèle au
Traitte de l'Amour de Dieu. «Petites lanterneries» et «petites clartés.» La parfaite
résignation. Une lettre où il est parlé mignardement de Celse-Bénigne……………………353
DCXXIVA Mlle DE VALLON (Inédite). Une nouvelle postulante pour la Maison de la
Galerie. Par quelles vertus s'entretient le désir de la vie religieuse…………………………354
DCXXV A M. DE VILLERS. Différend avec le Chapitre de Belley, à propos des cures et
églises des paroisses vacantes. Affaire de M. de Sauzéa. La vérité est toujours la plus
forte……………………………………………………………………………………………..356
DCXXVI A L'ABBESSE DU PUITS-D'ORBE. Le profit qu'on peut retirer d'un mal
incurable. En quels cas le monde juge sévèrement les âmes qui l'ont quitté pour le cloître; celles-
ci perdent toujours quelque chose aux sorties. Il faut avoir quelque égard à l'opinion publique.
Une ancienne coutume du monde; son pharisaïsme. Contrairement à l'esprit du siècle, c'est
aux supérieurs à gagner les inférieurs. Une abbesse et une prieure un peu refroidies; exhortation
du Saint pour ramener entre les deux sœurs l'amitié fraternelle…………………………………358
DCXXVII A M. PIOTON. Prière de retirer un legs en faveur d'une, œuvre pieuse………361
326/329

33.7 Page 327

▲back to top


DCXXVIII AU PRÉSIDENT FAVRE. Les curés de Valromey et le Parlement de Dijon.
Le Saint réclame l'intervention de son ami pour obtenir du Sénat une pièce utile au procès……362
DCXXIX A Mme DE CORNILLON, SA SŒUR. — Les croix domestiques; il faut savoir les
bien prendre……………………………………………………………………………………..364
DCXXX A Mme DE LA FLÉCHÈRE (Inédite). Une tranquillité fainéante et trompeuse.
Quand faut-il augmenter les Communions, au lieu de les diminuer. Le Saint, ennemi, dans ses
visites, des cérémonies, compliments et perte de temps………………………………………..365
DCXXXI A LA MÈRE DE CHANTAL. Quelques bonnes pensées pour passer l'Avent avec
dévotion: trois objets capables de ravir les cœurs en la sainte dilection………………………..366
DCXXXII A Mgr GRIBALDI. Le Prélat destinataire est prié de vouloir bien réconcilier un
cimetière profané par un assassinat……………………………………………………………..367
DCXXXIII A LA MÈRE DE CHANTAL. Pratique conseillée à [474] la Mère de Chantal
pour s'attirer la spéciale protection de Notre-Dame…………………………………………….369
DCXXXIV AU PRÉSIDENT FAVRE. Le grand tracas d'un premier Président. Le prieuré
de Contamine, les Chevaliers de Saint-Lazare et la Sainte-Maison de Thonon. Les Pères
Feuillants. — L'hôtesse du Chablais……………………………………………………………370
DCXXXV A LA PRÉSIDENTE FAVRE. Une lettre écrite après dix heures du soir. Les
additions à une nouvelle édition de l'Introduction à la Vie devote. Notre guide, notre nocher
pendant notre navigation. Le moyen de ne rien craindre……………………………………372
DCXXXVI A LA MÈRE DE CHANTAL. Les désirs d'un Saint à propos de la manducation
quotienne du «Pain vivant et suressentiel.» Les vertus dont il embaume les âmes qui le
reçoivent………………………………………………………………………………………...374
DCXXXVII A M. DE CHANTAL. Conseils à un jeune homme qui allait à la cour de France;
à quelles âmes cette fréquentation est-elle moins dangereuse. Ses écueils, leurs pernicieux
effets. Remèdes: les «viandes spirituelles et divines,» Eviter les mauvaises lectures,
Rabelais, «cet infâme,» et les sceptiques. La vraie courtoisie. Ne pas s'embarrasser parmi
les amourettes. Faire profession ouverte de vouloir vivre vertueusement, judicieusement,
constamment et chrétiennement. Les vertueux à la philosophique. En quoi il ne faut pas
marchander. Se choisir des amis de même intention. Recourir à la direction d'un prêtre,
Religieux ou séculier. Un exercice de fainéant. — Avoir un cœur vigoureux, et pourquoi. —
L'idéal d'un courtisan, d'après saint Louis; portrait de ce prince. La bravoure et la piété. Une
méditation à faire souvent, Le patron, la voile, l'ancre, le vent qu'il faut choisir pour voguer sur
la haute mer du monde…………………………………………………………………………..376
DCXXXVIII A LA MÈRE DE CHANTAL. Pourquoi ne pas se tourmenter des fâcheuses
pensées qui sont autour du cœur. — A quelle condition rien ne nous offensera…………………381
DCXXXIX A M. RIGAUD (Inédite). Le Saint et son éditeur lyonnais. Celui-ci le presse
«de rendre fait» le Traitté de l'Amour de Dieu. — Commande de livres……………………….383
DCXL A M. DE BAY. Le Saint s'intéresse aux études d'un jeune annécien et demande que
le collège de Savoie de Louvain, lui soit rouvert………………………………………………...385
DCXLI A M. DE QUOEX. Dans les appointements, le Saint n'est pour personne. Pas de
particularités dans sa Congrégation; il faut que tout y «aille d'un train»……………………….386
DCXLII AU PRÉSIDENT FAVRE. Les «bonnes coustumes» de [475] Savoie. Rendez-
vous pour les âmes chrétiennes unies d'affection. — Une amitié sans limites………………….388
CDXLIII A LA MÈRE DE CHANTAL (Billet inédit). Une galerie où le Saint parlait «plus
a commodité» à la Mère de Chantal…………………………………………………………….389
DCXLIV AU PRÉSIDENT FAVRE (Inédite). Recommandation en faveur d'une pauvre
veuve……………………………………………………………………………………………390
DCXLV A LA MÈRE DE CHANTAL. Tableau de la Nativité, Où se trouvaient en la
nuit de Noël, les bons Anges des deux Saints. Les pasteurs et la mélodie sacrée qu'ils entendent
durant leur sommeil. Le cadeau du Bienheureux au «petit Roy»……………………………393
DCXLVI A Mme D'AIGUEBELÊTTE. Les présents du Sauveur aux gens de bonne volonté.
Ce que fait la «petite trouppe» de la Visitation………………………………………………393
327/329

33.8 Page 328

▲back to top


DCXLVII AU PRÉSIDENT FAVRE. Ce qui rend notre durée périssable, et partant plus
aimable. La pensée de l'éternité pour le Saint. L'espérance de l'éternité, et les motifs
philosophiques qui la légitiment. L'échelle qui nous conduit aux années éternelles. Souhaits
de nouvel an…………………………………………………………………………………….395
DCXLVIII A LA MÈRE DE CHANTAL (Billet inédit). Les Filles de saint Bernard chez les
Filles du saint Evêque de Genève. — Promesse d'un bonsoir ou d'un bonjour…………………397
DCXLIX (Voir ci-dessus, note (1200), p. 471)………………………………………………398
DCL A LA MÈRE DE CHANTAL (Billet inédit). Sollicitude pour la santé de la Mère de
Chantal………………………………………………………………………………………….400
DCLI A LA MÊME. Souci charitable que prend le Saint pour la santé de la Fondatrice….400
DCLII A Mlle DE BLONAY. La grâce d evangéliser n'est pas le privilège de tout le
monde…………………………………………………………………………………………...401
APPENDICE
I
LETTRES ADRESSÉES A SAINT FRANÇOIS DE SALES
PAR QUELQUES CORRESPONDANTS
A FACULTÉS ACCORDÉES PAR LA CONGRÉGATION DU SAINT-OFFICE………405
B LETTRES DE Mgr DE VILLARS, ARCHEVÊQUE DE VIENNE. I………………..410
………………………………………………………………………………………………….411
II………………………………………………………………………………………….412 [476]
C LETTRE DU P. JACQUES-PHILIBERT DE BONIVARD, DE LA COMPAGNIE DE
JÉSUS…………………………………………………………………………………………..413
D LETTRE DE Mlle FAYRE………………………………………………………………..414
E LETTRE DU PRÉSIDENT FRÉMYOT …………………………………………………415
F LETTRE DU CARDINAL JEAN GARCIA MILLINO………………………………….416
II
LETTRE DE SAINTE JEANNE-FRANÇOISE DE CHANTAL A Mgr JEAN-PIERRE
CAMUS………………………………………………………………………………………...417
Glossaire des locutions et des mots surannés……………………………………………………421
Index des correspondants et des principales notes biographiques et historiques de ce volume…433
Table de correspondance de cette nouvelle Edition avec les précédentes, et indication de la
provenance des Manuscrits……………………………………………………………………..443
[477]
328/329

33.9 Page 329

▲back to top


REPRODUCTION PHOTOGRAPHIQUE
PAR L'IMPRIMERIE FRANÇAISE DE MUSIQUE
ET REPRODUCTION PHOTOMÉCANIQUE
PARIS 1949 - Imprimé en FRANCE
329/329