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VOLUME II

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1.3 Page 3

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MEMOIRES BIOGRAPHIQUES
DE
JEAN BOSCO

1.4 Page 4

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1.5 Page 5

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%ffiffi
R
W
-T'
Michel RUA
prêtre

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1.7 Page 7

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MEMOIRES BIOGRAPHIQUES
DE
JEAN BOSCO
recueillis par
JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
prêtre salésien
EDITION HORS COMMERCE
VOLUME II
SAN BENIGNO CANAVESE
ECOLE TYPOGRAPHIQUE ET LIBRAIRIE SALESIENNES
1901

1.8 Page 8

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Propriété littéraire.
Tous les droits de reproduction et de traduction
sont résemés à la Librairie éditrice italienne.
Editrice S.D.B.
Edizione extra commerciale
Direzione Generale Opere Don Bosco
Via della Pisana, 1111
Casella Postale l8JlJ
00161 Roma
Tipografia lstituto Salesiano Pio Xl - Via Umbertide, 11 - 0018'l Roma
Finito di stamparc: Luglio 1997

1.9 Page 9

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PREFACE
En signe de mon affection pleine de respect,
j'offre à mes confrères le second volume des Mémoires
Biographiques qui concernent le bien-aimé fondateur et
père de notre Pieuse Société de St François de Sales.
J'espère qu'ils apprécieront mon nouÿeau travail et qu,ils
prieront pour moi, afin que je puisse le mener à son
terme.
Pour le développement des faits contenus dans
ce livre, j'ai suivi une manière de procéder identique à
celle que j'avais présentée dans la préface du pre-
mier volume, puisant aux sources j'avais appris les
récits précédemment décrits. Elle me fut en outre d'un
grand secours la lecture attentive des æuvres publiées
au moyen de I'imprimerie par notre cher Don Bosco,
afin d'en connaître toujours mieux l'esprit, la foi, la

1.10 Page 10

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VIIT
charité et les intentions ; comme me furent également
très utiles quelques-uns de ses écrits autographes dont je
prêsente ici les titres :
1o Mémotres de l'Oratoire de 1835 à 1855 ;
à l,usage exclusif des Membres salésiens, dans lesquels il
décrit les débuts de son Institution Providentielle. De ces
mémoires I'inoubliable D. Jean Bonetti a tiré une riche
matière pour rédiger ses Cinq lustres d'Histoire de I' Oratoire
Salésien, æuvre d'une autoritê incontestable, puisque confor-
tée par le témoignage d'un grand nombre d'anciens élèves qui
furent interrogés avec diligence par l'auteur consciencieux.
2" Mémoires pour mes fils les Salésiens, qui
contiennent des règles suggérées par I'expérience et que
D. Bosco laissait comme en héritage à son Successeur
dans la difficile direction de toutes les Institutions.
3o Biographie du Prêtre Joseph Cafasso pré-
sentée en deux oraisons funèbres : il y raconte les vertus
héroiques de son maître et directeur spirituel, la sainte amitié
intime qui le liait à lui, si bien que par contrecoup se trouvent
esquissées plusieurs années de sa propre vie.
J'ai êcrit ce volume seulement pour les Salé-
lésiens, mais selon les consignes de nos Supérieurs,

2 Pages 11-20

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2.1 Page 11

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IX
j'entends que I'on n'en fasse pas de publicité, que I'on n'en
réalise pas de traductions, de copies, de contrefaçons, de
résumés, d'extraits dans quelque but que ce soit ; qu'on ne le
mette pas entre les mains de personnes qui ne sont pas de
notre Pieuse Société car, ainsi qu'à une source, elles
puiseraient matière pour l'impression de louanges envers Don
Bosco ; et cela tant que le Saint-Siège n'aura pas rendu son
jugement autorisé. Je le mets donc selon les formalités né-
cessaires sous la protection des lois en vigueur.
En tête du livre, pour témoigner ma vénération et
mon affection profondes envers notre incomparable Recteur
Majeur, D. Michel Rua, j'ai placé son portrait : la raison
principale parmi beaucoup d'autres est que se trouve racontée
en ces pages la première rencontre qu'il fit, encore enfant,
avec le cher D. Bosco.
Que le Seigneur et Marie Auxiliatrice daignent
bénir les personnes qui liront ces pages et celui qui les a
écrites.
Turin, 2 février 1901
Fête de la Purification de Marie
JEAN-BAPTISTE LEMOYNE
prêtre de la Pieuse Société
de St François de Sales

2.2 Page 12

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2.3 Page 13

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DECLARATION DE L'AUTEUR
En conformité avec les décrets d'Urbain VIII, du 13 mars
7625 et du 5 juin 1631, avec également les décrets de la Sacrée
Congrégation des Rites, je le déclaré solennellement : à l'exception
des dogmes, des doctrines et de tout ce,que la Sainte Eglise Romaine
a défini, en toute autre chose qui concernerait des miracles, des
apparitions et des Saints non encore canonisés, je n'entends ni ajouter
ni réclamer d'autre foi que I'humaine. En aucune façon je ne veux
devancer le jugement du Siège Apostolique, dont je fais profession et
me glorifie d'être un fils très obéissant.

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Nihil obstat:
Pour la Pieuse Société Salésienne
Turin, 1 Mars 1901
Paul Albera, prêtre
Directeur Spirituel.
Pour I'Autorité Ecclésiastique
San Benigno Canavese, 19 Mars 1901
André Ciocchetti, prêtre
Curé.

2.5 Page 15

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CHAPITRE I
Situation
pirations
-danLsalecoPnisépmiraotniot nen.de1s84se1ct-es.
Charles-Albert
et
ses as-
Notre récit de la vie de D. Bosco est parvenu à l'an-
née 1841. Dans le Piémont régnaient la paix et la sécurité.
Sur l'espace de dix-huit ans, Charles-Albert avait eu la gloire
d'être davantage le père que le prince de son peuple, d'ai-
mer la loi de Dieu, de vénérer l'Eglise... Grâce à lui le
Piémont conserva une place respectée parmi les puissances
d'Europe, grâce à lui fleurit le commerce, furent prospères
les finances, droite la justice, connu et béni le nom de
sarde sur les rivages les plus éloignés... Politique libre de
toute influence étrangère, attitude d'indépendance absolue..' (1)-
Son armée et sa flotte étaient formidables pour le pe-
tit, mais belliqueux Etat qu'était le royaume sarde. Le
nom de ce Roi êtait glorieux en raison de son courage
manifesté l'an 7823 en Espagne dans la défense de Fer-
dinand VII contre la révolution victorieuse et dans la prise
(1) SoLARO DE LA MARGHERITA, Memorandum storico politico,
Turin, 1851, p. 551. 571.

2.6 Page 16

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2
du fort Trocadero. Oui, Prince digne de régner, puisque, en 1835,
aux injonctions des ministres de France et d'Angleterre, De Broglie
et Lord Palmerston, qui ne pouvaient souffrir que Don Miguel
au Portugal et Don Carlos en Espagne fussent soutenus du poids
de son autorité et grâce au concours efficace de ses conseils, de
ses arrnes et de ses deniers, il répondait vouloir être Roi chez
lui. Les relations internationales, menées d'une main sûre, le
maintenaient en haute réputation devant les grandes puissances.
En même temps, il donnait le bon exemple à ses su-
jets, se montrant sincèrement religieux. I1 fréquentait les Sa-
crements, lisait et commentait sans cesse I'Ecriture Sainte, d'où il
tirait de salutaires et surnaturels avertissements, et à Turin il as-
sistait fréquemment à des neuvaines et à d'autres pratiques reli-
gieuses publiques.
Mais en lui, Charles-Albert, demeuraient toujours vifs
les fantasmes de gloire entrevus à travers ses rêves de jeunesse.
Il pensait succéder à I'Autriche dans Ia possession de l'Italie du
Nord afin de se constituer, en toute sincérité de piété, le bou-
clier et l'épée de la Papauté. Et il était déterminé à vaincre ou
à mourir pour cette cause. Des personnages de grande autorité
s'unissaient aux flatteurs et enflammaient de plus en plus sa
passion. Ils ne lui faisaient entendre alentour que des paro-
les de profonde vénération pour I'Eglise, de grand zèle pour la
cause de Dieu, accompagnées de soupirs pour les dangers dont
était menacé le SainrSiège du fait de la présence des Autri-
chiens en Italie. Les hypocrites, qui voulaient faire de l'Eglise,
si cela leur était possible, une servante de I'Etat, protestaient
contre les lois de Joseph II et déclaraient que délivrer les
Evêques et le Clergé de la Lombardie de l'oppression dans la-
quelle ils se trouvaient équivalait à délivrer de la tyrannie des
Turcs les Chrétiens de Syrie. Tous ces discours, tenus par des
personnes rusées et pendant une longue suite d'années, enlevèrent à

2.7 Page 17

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-)
Charles-Albert, de façon absolue, la lumière qui était nécessaire
pour discerner la vérité (1).
Il manifestait ses sympathies pour le Comte Hilarion
Petitti, pour Promis, pour le Comte Frédéric Sclopis, ainsi que
pour le Comte Gallina et Robert d'Azeglio, I'un et l'autre
carbonari et conjurés de 1821, tous partisans des nouvelles idées
libérales et conseillers de libertés politiques. Ces personnes lui
faisaient des suggestions, et lui se figurait pouvoir se servir du
concours des sectes comme d'un instrument qu'ensuite il casserait
une fois Ie but atteint. Et, en effet, sur I'invitation des libéraux
du Piémont, les Chefs des sociétés secrètes de toute Ia pénin-
sule, désormais persuadés par expérience que les révolutions
violentes n'auraient en rien servi, venaient de nuit en secret à
Turin et, introduits par les pièces du vestiaire et de la salle
d'armes du Roi, ils avaient des audiences clandestines avec
Charles-Albert. Comme ces sectes étaient alors dispersées, sans
unité pour s'entendre, sans discipline, sans espoir de réussite,
sans but déterminé, il fallait organiser ces forces et les diriger
vers l'unité apparente de but qui avait été commune à toutes
les sectes : Une nation libre et indépendante. Des messa-
gers mystérieux et très secrets étaient envoyés de Turin vers
toutes les régions d'Italie, ainsi qu'à Bruxelles et à Paris.
Pendant ce temps-là, à Turin, pour propager la nouvelle idée
nationale, était fondé par le Comte Camille Cavour le Club de
la Société du Whist, les messieurs, attirés par l'appellation
inoffensive de ces réunions, pourraient être initiés avec prudence
aux aspirations désirées. Le Roi voulait rendre libre I'Italie
pour y faire fleurir la religion et la justice ; et, c'est certain, s'il
avait réussi, il aurait après la victoire converti ou fait disparaî-
tre le libéralisme, qu'à ce moment-là il caressait comme moyen.
(1) SoLARo DE LA MARGHERITA, Memorandum.

2.8 Page 18

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4
Espérance ingénue ! un démon ne se convertit pas et ne disparaît pas :
introduit chez quelqu'un comme allié, il y porte avec lui la trahison
et la mort.
De ces menées, rien ne transpirait en public, tandis que
depuis des années un travail toujours plus désastreux était ac-
compli avec astuce par les sectes dans chaque région d'Italie et
spécialement dans le Royaume Pontifical en vue d'abattre les
trônes et I'Eglise Catholique. Pour ce faire les chefs suprêmes de
la Maçonnerie avaient écrit depuis 1819 et 1820 une Instruction
permanente qui révélait les intentions les plus secrètes de la sec-
te et [qui servirait de] code et [de] guide aux initiés de plus haut
niveau, choisis par conséquent pour guider et commander tout le
mouvement de la maçonnerie et des sectes, spécialement en Ita-
lie. L'Instruction est de la teneur suivante :
" Après que nous nous sommes constitués en organisme d'action
et que (passé les événementspolitiques de 1814 et ceux de 1815)
l'ordre arecommencéàrégneraussibien dans la vente fvoir*p. 16]
la plus éloignée que dans la plus proche du centre, il y a main-
tenant une idée qui a toujours grandement préoccupé les hommes
qui aspirent à la régénération universelle. Et I'idée est celle de la
libération de l'Italie, d'où doivent sortir, un jour donné, la libéra-
tion du monde entier, la république fratemelle et l'harmonie de
I'humanité. Cette idée n'a pas encore été comprise par nos frères de
France. Ils croient que I'Italie révolutionnaire ne peut que conspirer
dans I'ombre, distribuer quelques coups de poignard à des poli-
ciers ou à des traîtres, et en même temps supporter tranquillement
le joug des faits accomplis au-delà des monts, pour I'Italie, mais
sans l'Italie. Cette erreur nous fut déjà plusieurs fois fatale. Il ne
faut pas la combattre en paroles ; ce qui serait la répandre de
plus en plus : il faut la tuer par les faits. Et ainsi, au milieu des
soucis qui ont le privilège d'agiter les esprits les plus vigoureux
de nos ÿentes, il en est un que nous ne devons jamais oublier.

2.9 Page 19

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5
" La Papauté a sans cesse exercé une action décisive sur les
destinées de l'Italie. Avec le bras, avec la voix, avec la
plume, avec le cæur de ses innombrables Evêques, re-
ligieux, religieuses et fidèles de toutes les latitudes, la
Papauté trouve n'importe des gens prêts au sacrifice,
au martyre, à l'enthousiasme. Partout elle veut, elle a
des amis qui meurent pour elle, et d'autres qui se dé-
pouillent par amour pour elle. Elle est un immense levier
dont quelques Papes seulement ont compris toute la puis-
sance. Et encore ils ne l'ont employé qu'avec réserve. Au-
jourd'hui il ne s'agit pas de reconstituer à notre service ce
pouvoir momentanément affaibli : notre but final est celui de
Voltaire et de la révolution française ; c'est-à-dire l'a-
néantissement complet du Catholicisme et même de l'idée
chrétienne. Si celle-ci demeurait debout sur les ruines de
Rome, elle serait plus tard à même de le rétablir et de le
perpétuer. Mais pour parvenir avec plus de certitude à ce
but et ne pas nous préparer nous-mêmes des déceptions qui
retardent indéfiniment et compromettent la réussite de la
cause, il ne faut pas suivre les conseils de ces vantards de
Français, de ces nébuleux Allemands, de ces Anglais mé-
lancoliques qui croient pouvoir tuer le Catholicisme tantôt par
une chanson obscène, tantôt par un sophisme, tantôt par
un sarcasme grossier arrivé en contrebande comme les co-
tons anglais. Le Catholicisme a une vie qui résiste à bien
autre chose. Il a vu des adversaires plus implacables et
plus terribles : et bien souvent il a pris un malin plai-
sir à bénir avec son eau sainte les plus enragés d'en-
tre eux. Laissons donc nos frères de ces pays se dé-
fouler avec leurs intempérances de zèle anticatholique : per-
mettons-leur de se moquer de nos Madones et de notre
dévotion apparente. Grâce à ce passeport nous pourrons
conspirer tout à notre aise, et parvenir, petit à petit, à no-
tre but.

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6
" Donc la Papauté est, depuis mille sept cents ans, inhérente
à I'histoire d'Italie. L'Italie ne peut ni respirer ni se mouvoir
sans la permission du Pasteur Suprême. Avec lui, elle a les
cent bras de Briarêe ; sans lui, elle est condamnée à une
impuissance pitoyable, à des divisions, à des haines, à des
hostilités, depuis la première chaîne des Alpes jusqu'au der-
nier chaînon des Apennins. Nous ne pouvons pas, nous,
vouloir un tel état de choses : il faut rechercher un remède
à cette situation. Eh bien, le remède est trouvé. Le Pape,
quel qu'il soit, ne viendra jamais vers les sociétês secrètes :
c'est aux Sociétés secrètes qu'il appartient de faire le pre-
mier pas vers l'Eglise et ÿers le Pape, dans le but de les
vaincre tous les deux.
" Le travail, auquel nous nous préparons, n'est l'æuvre ni d'un
jour, ni d'un mois, ni d'une année. Il peut durer bien des
années, un siècle peut-être : mais dans nos rangs le soldat
meurt et la guerre continue. Ce n'est pas que nous ayons
I'intention de gagner le Pape à notre cause ni d'en faire
un néophyte de nos principes ou un propagateur de nos
idées. Ce serait un rêve ridicule. Et de quelque manière
que puissent tourner les événements, si même il arrivait
qu'un Cardinal ou un Prêlat, de sa pleine bonne volonté et
non par piège, entrât dans nos secrets, ce ne serait pas
une raison pour désirer son élévation au Siège de Pierre.
Cette élévation serait même notre ruine. En effet, de mê-
me qu'il aurait étê conduit à I'apostasie par la seule
ambition, de même la soif du pouvoir le conduirait
nécessairement à nous sacrifier. Celui que nous devons
rechercher et attendre, à la façon dont les Hébreux at-
tendent [la venr"] du Messie, c'est un Pape selon nos be-
soins... Avec ce seul [Pape-là] nous marcherions plus
sûrement à l'assaut de l'Eglise qu'avec les petites brochures
de nos frères de France et même qu'avec I'or de I'Angle-
terre. Et voulez-vous en savoir la raison ? La raison en est

3 Pages 21-30

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3.1 Page 21

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7
qufavec celui-là seul, pour broyer le rocher sur lequel Dieu
a bâti son Eglise, nous n'avons plus besoin du vinaigre
d'Hannibal ni de la poudre à canon, et encore moins de
nos bras; car nous tiendrons le petit doigt du successeur de
Pierre engagé dans le complot : et ce petit doigt vaudrait
pour cette croisade tous les Urbains II et tous les Saints
Bernards de la Chrétienté. Nous ne doutons point d'arriver à
ce but suprême de nos efforts. Mais quand et comment ?
L'inconnue ne se voit pas encore. Néanmoins, comme rien ne
doit nous détourner du projet esquissé, et qu'avant tout on
doit y prêter son concours comme si le succès devait
couronner demain l'æuvre à peine êbauchée, nous voulons, en
cette Instruction quî devra être tenue cachée aux simples
initiés, donner aux Chefs de la Vente Suprême quelques
conseils qu'ils devront inculquer aux frères sous forme d'En-
seignement ou de Memorandum. Une chose de grande im-
portance, déjà exigée impérieusement par la plus élémentaire
discrétion, c'est que jamais on ne laisse entrevoir à quï
conque que ces conseils sont des Ordres de la Vente
Suprême. Le Clergé est trop directement mis en cause I et il
ne nous est pas permis, par les temps qui courent, de
badiner avec lui comme nous le faisons avec ces petits rois
ou ces princes de rien qu'on . envoie promener d'un simple
souffle.
" Il y a peu à faire avec les vieux Cardinaux et avec les
Prélats au caractère décidé. Il faut laisser ces incorrigibles de
l'école de Consalvi; et rechercher, au contraire, dans nos stocks
de choses populaires et de choses impopulaires, les arrnes
qui utiliseront ou ridiculiseront le pouvoir entre leurs mains.
Un mot bien inventé (calomnieux) que I'on répand avec art
dans certaines bonnes familles chrétiennes passe aussitôt dans
les cafés, des cafés sur les places ; un mot peut, quelquefois,
tuer un homme. Si un Prélat arrive de Rome en province
pour exercer un emploi public, il faut aussitôt s'informer de

3.2 Page 22

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8
son caractère, de ses antécêdents, de ses qualitês, de ses défauts ;
spécialement de ses défauts. Est-il pour nous un ennemi ?...
Aussitôt enveloppez-le dans tous les filets que vous pourrez.
Faites-lui une rêputation à même d'effrayer les enfants et les
femmes, en le dépeignant cruel et sanguinaire : racontez quel-
que petit fait atroce qui puisse facilement s'imprimer dans I'es-
prit du peuple. Quand par la suite les joumaux étrangers
apprendront de nous ces faits qu'ils sauront bien enjoliver et
colorer comme ils en ont I'habitude, pour le respect que
l'on doit à la vérité (sic), à vous alors de montrer ou mieux de
faire montrer par quelque imbécile respectable le numêro du
joumal sont rapportés les faits des personnages en question.
Comme I'Angleterre et la France, l'Italie ne manquera jamais
de plumes qui sachent dire des mensonges utiles pour la
bonne cause. Avec un journal en main il velra sur I'im-
primé le nom de son Monseigneur présenté comme Délégué
ou de son Excellence comme Juge, le peuple n'aura pas
besoin d'autres preuves. Le peuple ici parmi nous, en ltalie,
est dans I'enfance du libéralisme. Il donne sa foi à présent aux
libéraux, comme plus tard il croira à n'importe quelle autre
chose.
" Ecrasez donc, écrasez I'ennemi quel qu'il soil, quand il est puis-
sant à force de médisances et de calomnies, mais surtout
écrasez-le lorsqu'il est encore dans l'æuf. C'est à la ieunesse, en
effet, qu'il faut viser ; il faut séduire les jeunes: il est néces-
saire que nous attirions la jeunesse, sans qu'elle s'en aperçoive,
sous le drapeau des sociétés secrètes. Mais il faut opérer avec
une très grande prudence. Pour nous avancer à pas comptés, mais
sûrs, en cette voie périlleuse deux choses nous sont absolument
nécessaires. Vous devez avoir I'aspect d'une colombe : mais en
même temps vous devez être rusés comme le serpent. Vos
parents, vos enfants, vos femmes elles-mêmes devront toujours
ignorer le secret que vous portez en vous. Et s'il vous plaisait,
pour mieux tromper les yeux scrutateurs, d'aller vous confesser

3.3 Page 23

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9
souvent, vous êtes autorisés à garder, même avec le confesseur,
le silence le plus absolu sur ce sujet. Car, vous le savez, la
moindre révélation, le plus petit indice qui vous aurait échappé
au Tribunal de la Pénitence ou ailleurs peut nous conduire à
de grandes calamités : et celui qui révèle, volontairement ou
involontairement, .soascrit par le fait même la sentence de sa
mort (par poignard ou par poison).
" Or donc pour fabriquer un Pape selon notre cæur, il s'agit a-
vant tout de fabriquer à ce Pape futur une génération digne du
Royaume que nous nous souhaitons. Il faut laisser de côté les
anciens et les hommes mûrs. Allez droit, au contraire, à la
jeunesse êt, si c'est possible, jusqu'ri l'enfance. Ne parlez
jamais avec les jeunes de choses obscènes ou impies.
Maxima debetur puero reverentia [le plus grand respect est à
I'enfant]. N'oubliez jamais ces paroles du poète : car elles vous
serviront de sauvegarde contre la licence dont il est néces-
saire de s'abstenir dans l'intérêt de la cause. Pour faire
fleurir et fructifier notre cause dans les familles, pour avoir
droit d'asile et d'hospitalité au foyer domestique, vous devez
vous présenter sous toutes les apparences de I'homme plein
de gravité et de moralité. Une fois que votre bonne répu-
tation sera établie dans les collèges, dans les lycées, dans
les universités et dans les séminaires : une fois que vous
vous serez gagné la confiance des professeurs et des jeu-
nes, faites en sorte que notamment ceux qui entrent dans
l'armée ecclésiastique désirent converser avec vous. Parlez-leur
de I'antique splendeur de la Rome des Papes. Il y a tou-
jours dans le cæur de tout italien un désir de la Rome
républicaine. Brouillez avec habileté ces deux souvenirs :
excitez, échauflez ces natures si inflammables vers l'idée de
I'orgueil patriotique. Commencez par leur offrir, mais tou-
jours en secret, des livres innocents, des poésies pleines
d'ardeur et d'exaltation pour la nation : peu à peu vous
conduirez I'esprit de vos disciples au degré voulu de fermentation.

3.4 Page 24

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10
Lorsque sur tous les points à la fois des Etats de l'Eglise
ce travail de tous les jours aura répandu nos idées com-
me la lumière, alors vous pourrez vous rendre compte com-
me est sage le conseil dont nous prenons à présent I'ini-
tiative.
" Les événements qui, à notre avis, se précipitent trop appelle-
ront nécessairement, d'ici quelques mois, une intervention
armée de l'Autriche. Il y a des fous qui s'amusent à jeter
allègrement les autres au milieu des dangers ; néanmoins ces
fous, à un moment donné, entraînent avec eux jusqu'aux
sages. La révolution qui se prépare en Italie (les mou-
vements de 1820 et 1821) ne produira que malheurs et pros-
criptions. Rien n'est mûr : ni les hommes ni les choses ; et
rien ne sera mûr pendant longtemps encore. Mais grâce à
ces futurs malheurs vous pourrez facilement faire vibrer une
nouvelle corde au cæur du jeune clergé. Cette corde sera la
haine de l'étranger. Faites en sorte que l'Allemand devienne
ridicule et odieux même avant son intervention que I'on
prévoit. A I'idée de la suprématie papale mêlez toujours le
souvenir des guerres entre le Clergé et I'Empire. Ressusci-
tez les passions mal assouvies des Guelfes et des Gibelins,
et ainsi, peu à peu, vous vous f.erez, à peu de frais, une
réputation de bon catholique et d'amant de la patrie. Cette
réputation de bon catholique et de bon patriote ouvrira à
nos doctrines le cæur du jeune clergé et des couvents
eux-mêmes. D'ici quelques années ce jeune clergé aura, par
la force des choses, envahi tous les emplois. Il gouverne-
rà, administrera, jugera, formera le conseil du souverain, ou
sera appelé à élire le futur Pape. Ce Pape, comme la
plupart de ses contemporains, sera nécessairement plus ou
moins imbu lui aussi des principes italiens et humanitaires
que nous commençons à présent à mettre en circulation.
C'est un petit grain de sénevé que nous confions à la
terre, mais le soleil de justice (?) le développera jusqu'à la

3.5 Page 25

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11
plus haute puissance : et vous verrez un jour quelle riche
moisson naîtra de cette petite semence.
" Dans la voie que nous traçons à nos frères, il y a de
nombreux obstacles à vaincre et des difficultés de plusieurs
sortes à surmonter. On en triomphera par I'expérience et Ia
sagacité. Le but est si beau qu'il est nécessaire de déployer
toutes les voiles au vent pour y arriver. Vous voulez rê-
volutionner I'Italie ? Recherchez le Pape dont nous vous
avons fait le portrait. Vous voulez établir la royauté des
élus sur le trône de la prostituée de Babylone ? Faites en
sorte que le clergé marche sous votre drapeau, croyant
marcher sous le drapeau des Saintes Clefs. Vous voulez
faire disparaître le dernier vestige des tyrans et des oppres-
seurs ? Tendez vos filets comme Simon, fils de Jean :
tendez-les au fond des sacristies, des séminaires, et des cou-
vents, plutôt qu'au fond de la mer : et si vous ne précipi-
tez rien, nous vous promettons une pêche plus miraculeuse
que celle de St Pierre. Le pêcheur de poissons devint pê-
cheur d'hommes : vous pêcherez des amis au pied même de
la Chaire Apostolique. Vous aurez ainsi pêché une révolu-
tion revêtue de la tiare et de la chape, précédée de la
croix et du gonfalon : une révolution qui n'aura besoin que
d'une bien petite aide pour mettre le feu aux quatre coins
du monde.
" Que chaque acte de notre vie tende donc à la découverte de
cette pierre philosophale. Les alchimistes du Moyen Age perdi-
rent leur temps et leur argent dans la recherche de ce rêve. Le
rêve des sociétês secrètes (avoir un Pape comme complice)
s'accomplira pour cette simple raison qu'il est fondé sur les
passions de l'homme. Ne nous décourageons donc pas à cause
d'une déception ni à cause d'un revers ni à cause d'une dé-
faite : préparons nos armes dans le silence des Ventes, pointons
toutes nos batteries, soufflons sur toutes les passions, sur les
pires comme sur les plus généreuses : et tout nous porte à croire

3.6 Page 26

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t2
que ce plan réussira un jour, même au-delà de nos plus hautes espé-
rances* ".
Après l'échec des mouvements de 1821, les chefs envoyè-
rent de nouveaux conseils à leurs adeptes : " La défaite peut nous
aider dans nos moyens de combat ; il suffit d'exciter sans cesse les
esprits et de tirer profit de tout... L'entrée des étrangers dans la police
intérieure est une arme puissante qu'il faut manier avec adresse :
... en ltalie il faut rendre odieux l'étranger de sorte que soit considéré
comme une offense, même par les patriotes sincères, le secours venu
de l'extérieur lorsque Rome sera assiégée par la révolution ; ... en
attendant, à Rome prenez garde... discréditez les curés par tous
les moyens... semez l'émotion, l'agitation chez les gens de la rue
avec ou sans raison ; agitez sans cesse.. . ayez des martyrs et des
victimes,... nous trouverons toujours quelqu'un pour dépeindre les
choses au mieux qui nous convienne (1) ".
Pendant ce temps-là, pour que soient exécutées leurs vo-
lontés, s'êtait établi à Rome l'un des principaux sectaires, membre de
la haute maço4nerie et chef occulte de cette dernière en Italie. Il
occupait une position diplomatique auprès d'une légation italienne.
Noble, riche, éloquent, érudit, mais surtout rusé, hardi, imposteur,
corrompu et cynique, il recevait d'immenses sommes de la part des
Juifs de Prusse, d'Angleterre, de Silésie, du Portugal, de Hongrie et
d'ailleurs dans I'espoir de pouvoir bientôt détruire le Christianisme et
faire renaître I'antique Jêrusalem. Ce monsieur révélait ses projets et
ses désirs sataniques contre I'Eglise dans la lettre que voici adressée à
I'un de ses complices :
(1) [Un. traduction de ces conseils se trouve en] CRETINEAU JOLY, L'Egtise
Romaine en face de la révol., Vol. II, pages [33-3a dans la première édition de
1859 chez Plon ; figure ici la traduction directe des Memorie Biografiche].
* pn CRETINEAU JOLY, une traduction de cette Instruction pages 82-90.

3.7 Page 27

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13
" Cher Vindex ...
" Un jour, si nous triomphons et si, pour pérenniser notre triom-
phe, il devient nécessaire de répandre quelques gouttes de sang,
il ne faut point que nous accordions aux victimes désignées
le droit de mourir avec dignité et avec fermeté. De telles
morts ne sont bonnes qu'à maintenir I'esprit d'opposition et à
donner au peuple des martyrs dont il aime toujours voir le
sang-froid. C'est un mauvais exemple !... L'homme qui a be-
soin d'être porté à bras-le-corps sur l'échafaud n'est plus un
homme dangereux. Par contre s'il y monte de pied ferme et
regarde la mort le front impassible, quoique coupable, il au-
ra toujours la faveur des foules.
" Je ne suis pas cruel : j'espère que je n'aurai jamais I'instinct
sanguinaire. Mais qui veut la fin veut les moyens. Or je
dis que, dans un cas donné, nous ne devons pas, nous ne
pouvons pas, même dans l'intérêt de I'humanité, nous laisser
charger de martyrs malgré nous. Crois-tu peut-être qu'en pré-
sence des premiers chrétiens les Césars n'auraient pas mieux
fait d'atténuer et de bloquer au 'profit du Paganisme toutes
ces héroïques démangeaisons d'aller au ciel, au lieu de lais-
ser s'accroître la faveur du peuple au moyen d'une belle
mort ? N'aurait-il pas êtê mieux d'adoucir chez eux la force
de l'âme en abrutissant le corps ? Une drogue bien pré-
parée, et mieux encore administrée, qui aurait affaibli le
patient jusqu'à la prostration aurait été, à mon avis, d'un
effet salutaire. Si les Césars avaient employé dans cette
affaire les Locustes de leurs temps, je suis persuadé que
notre vieux Jupiter Olympien et tous ses petits Dieux de
second ordre n'auraient pas succombé aussi misérablement et
le Christianisme n'aurait certainement pas eu des succès si
heureux.

3.8 Page 28

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t4
" On appelait ses apôtres, ses prêtres, ses vierges à mourir dé-
chirés par les lions dans I'amphithéâtre ou sur les places
publiques sous le regard d'un peuple attentif. Ses apôtres, ses
prêtres, ses vierges, poussés par un sentiment de foi, d'i-
mitation, de prosélytisme et d'enthousiasme, mouraient sans
pâlir et en chantant des hymnes de victoire. Il y avait de
quoi donner I'envie de mourir; et on a vu de tels caprices.
Est-ce que les gladiateurs n'engendraient pas des gladiateurs ?
,Si ces pauvres Césars avaient eu l'honneur de faire partie
de la Haute Vente, je leur aurais simplement dit de faire
prendre aux plus hardis de ces néophytes une boisson pré-
parée sur ordonnance ; et I'on n'aurait pas parlé d'autres
conversions car on n'aurait plus trouvé de martyrs. En effet,
on ne trouve plus d'êmules ni par imitation ni par attrac-
tion lorsqu'orz traîne sur l'échafaud un corps inerte, une
volonté inerte, et des yeux qui pleurent sans attendrir. Les
Chrétiens ont été aussitôt très populaires, parce que le peu-
ple aime tout ce qui le frappe. S'il avait vu des faiblesses,
des peurs et une masse tremblante et fiévreuse, il aurait
sifflé ; et le Christianisme était fini au troisième acte de la
tragi-comédie.
" Si je crois devoir proposer ce moyen (des poisons), c'est pour
un principe de politique humaine... Ne faites jamais en sor-
te que la mort sur l'échafaud soit glorieuse, sainte, coura-
geuse, heureuse: et vous aurez rarement besoin de tuer.
" La révolution française, en laquelle il y eut tant de bon,
s'est trompée sur ce point. Louis XVI, Marie-Antoinette et
la plus grande partie des victimes de cette époque sont
sublimes dans leur résignation, dans leur grandeur d'âme...
Ce n'est pas cela dont nous avons besoin. Dans une occa-
sion donnée faisons en sorte qu'un Pape et deux ou trois
Cardinaux meurent comme de pauvres vietlles avec tou-
tes les palpitations de l'agonie et dans la peur de la mort :
et vous aurez paralysé toutes les plus petites envies d'imiter

3.9 Page 29

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15
ce sacrifice. Vous épargnerez les corps, mais vous aurez tué
I'esprit.
" C'est le moral que nous devons frapper : nous devons blesser
le cæur... Si le secret est fidèlement gardé, tu verras à I'oc-
casion I'utilité de ce nouveau genre de médicament. Un petit
calcul a suffi pour anéantir Cromwell. Que nous faudrait-il pour
épuiser le plus robuste des hommes et le montrer sans énergie,
sans volonté et sans courage entre les mains de ses bourreaux ?
S'il n'a pas Ia force de cueillir la palme du martyre, il n'en aura
pas I'auréole : et par conséquent il n'aura ni admirateurs ni néo-
phytes. Nous aurons ainsi coupé court aux uns et aux autres: et
c'est un grand concept d'humanité en révolution qui nous aura
inspiré une telle précaution. Je te la recommande pour ton
Mémento (l) ".
Malheureux, hypocrites, blasphémateurs et insensés ! U-
ne Bande fondée sur les passions humaines pourra-t-elle abattre
I'Eglise qui s'appuie sur la toute-puissance divine ? Il est écrit :
Non est consilium contra Dominum (2). Et Jésus lui-même, après
avoir solennellement promis que portae inferi non praevalebunt
[les portes de I'enfer ne l'emporteront pas], indiqua jusqu'à quel point
parviendrait la méchanceté humaine, mais il assura ses Apôtres
que, s'agissant de la gloire de Dieu, si mortiferum quid biberint,
non eis nocebit (3). Dieu permet les batailles contre son Eglise :
Si me persecuti sunt, et vos persequentur (4) : mais elle aura
toujours la victoire.
(1) CryIlrÀ CATTOLICA 1875, série IX, vol. VII, p. 329. - [une rra-
duction de cette lettre en] CRETINEAU JOLY, L'Eglise Romaine en face de la
révolution, vol II, pages h02-105].
(2) pr 21 ,30 [Ni sagesse ni prudence ni conseil n'existent devant Yahvé].
(3) Uc 16,18 [S'ils boivent un poison mortel, il ne leur fera pas de ma[.
(4) Jn15,2O [S'ils m'ont persécuté, ils vous persécuteront aussi].

3.10 Page 30

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t6
Durant toutes ces années, les membres des sectes avaient
fidèlement suivi les règles indiquées par leurs chefs dans
I'Instruction de 1819, au préjudice de beaucoup d'âmes. Ils pri-
rent la décision de cacher leurs pièges et dirent : Qui les décou-
vrira ? (1). Mais la divine Providence qui veille sur ses élus fit
apparaître au grand jour les machinations des ennemis : D. Bos-
co lui-même, dès le début de sa vie de prêtre, put connaître
leurs programmes malveillants et suivit les différentes phases de
leur réalisation ; on peut même dire que dès ce moment-là il tint
comme placés devant ses yeux, tous ensemble dans un cadre, les
événements qui se succéderaient, qu'en conséquence il prédisposa
son esprit, il étudia ses voies, il se prémunit contre les obstacles
qu'il rencontrerait, et qu'ainsi il progressa. avec sûreté dans sa
mission très importante. Cent fois il nous répéta: " Dans tout ce
qui était en train de se produire, il n'y eut pour moi rien de
nouveau ni d'inattendu. Je connaissais tout, j'avais tout prévu sans
craindre de me tromper ". Au cours de cette histoire on verra
qu'il disait bien la vérité.
(1) Ps 6a,6.
N.B. - Dans les références bibliques, la présentation française des Memorie
différera parfois du texte original italien : celui-ci se servait de la vulgate ; celle-là
suit en général les traductions actuelles de la Bible en français.
- Pour certaines citations bibliques, il convient de conserver l,expres-
sion de la Vulgate, vu son rapport avec le contexte qui en fait usage ; d'où la
mention qui apparaîtra de temps à autre : " D'après la Vulgate ,'.
* Vente: section locale du Carbonarisme.

4 Pages 31-40

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4.1 Page 31

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t7
CHAPITRE II
Elan et consolation de D. Bosco dans l'exercice du saint mi-
fNnoiosittrèterrè-eDsa-vmiveeU--n
bienfait n'est jamais perdu
La bénédiction et la prière
Les conseîls évangéliques -
-dMeorLDtief.iscBapotiaosscnto.ill-es
de
Sc
Don Bosco est prêtre. Pour lui, le ministère sacré est
I'idéal de son existence ; il est I'objet d'un amour très ardent,
objet enfin atteint après avoir été intensément désiré au long de
tant d'années ; il est le principe moteur de toutes ses pensées, de
toutes ses actions, qui avec une énergie toujours croissante le
lancera sur le terrain de la gloire de Dieu et de la conquête des
âmes. Contemplant chaque jour entre ses mains le très saint
Corps de Jésus Christ, mouillant ses lèvres de Son Sang très
précieux, il ravivera de plus en plus sa foi, il allumera toujours
mieux son amour qui le pressera à répandre sur les fidèles les
trésors dont la bonté divine lui a confié le dépôt. Dans les â-
mes il reconnaît la plus grande des æuvres de la toute-puissance
de Dieu sur la terre, I'objet d'une dilection qui va jusqu'au sacri-
fice de la croix, et c'est pourquoi, s'identifiant à leur Sauveur, il
ne souffrira pas de retard pour se mettre à travailler à leur salut.
Pour cette entreprise, c'est également la vue de tant de pièges
tendus aux imprudents qui le fera bnjler de ferveur.

4.2 Page 32

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18
D. Bosco passa les premiers mois de sacerdoce au pays
natal. Son frère Joseph avait dissous depuis deux ans le métayage du
Susambrino devenu propriété du chevalier Pescarmona, et il avait
rétabli aux Becchi son habitation ainsi que la chambre de D. Jean.
Toutefois ce dernier passait la majeure partie du temps au pres-
bytère, auprès de son cher curé le Théol[ogien] Cinzano, rendant
en paroisse tous les services qu'il pouvait. Porter la communion
aux malades, leur administrer le Sacrement de I'Onction, les
assister charitablement dans les derniers moments, prendre part
à toutes les autres cérémonies religieuses, telle êtait son oc-
cupation quotidienne pendant ce temps, ainsi que I'attestèrent à
D. Second Marchisio les anciens du pays qui ajoutèrent que
bien volontiers il s'entretenait avec les enfants, les instruisait et
les encourageait à la vie chrétienne. Ce qui est aussi confirmé
par D. Bosco lui-même dans son manuscrit bien connu : " En
cette année 1841, dit-il, comme mon curé manquait de vicaire,
j'en fis fonction pendant cinq mois. J'éprouvai le plus grand
plaisir à travailler. Je prêchais tous les dimanches, je rendais
visite aux malades, je leur administrais les sacrements, hormis
la Pénitence, puisque je n'avais pas encore subi I'examen pour
confesser. J'assistais aux inhumations, je tenais en ordre les
livres paroissiaux, je faisais des certificats de pauvreté ou d'autre
sorte. Mais mon régal était de faire le catéchisme aux enfants,
de m'entretenir avec eux, de parler avec eux. De Morialdo [= Mu-
rialdo ; prononcer Mourialdol ils venaient souvent me rendre visite ;
quand je rentrais chez moi, j'étais toujours entouré par eux.
Dans le village, d'autre part, ils commençaient également à
devenir mes compagnons et amis. Au sortir de la maison
paroissiale, j'étais toujours accompagné par une troupe d'enfants
et, partout je me rendais, j'étais toujours entouré de mes
petits amis qui me faisaient fête ".
Il éprouvait une joie toute particulière à baptiser les nou-
veau-nés, et I'on remarqua qu'en ces mois-là, au livre des Baptêmes,

4.3 Page 33

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t9
pour presque tous les garçons, Louis figurait comme prénom prin-
cipal, ou bien encore venait en second lieu : il voulait, pour autant
que cela dépendait de lui, les placer depuis leur enfance sous la garde
de I'angélique Protecteur de la pureté, afin qu'il les défendît contre les
dangers qui menacent une si belle vertu.
Comme il le dit lui-même, il prêchait en paroisse cha-
que dimanche. Ayant beaucoup de facilité pour expliquer la parole
de Dieu, il était souvent recherché pour prêcher, pour proclamer des
panégyriques, jusque dans les villages voisins. Il fut invité à com-
poser celui de St Bénigne à Lavriano [= 16u.i..o] vers la fin d'Octobre
de cette année-là. " J'acceptai de bon gré (dit le manuscrit), car ce
village était la patrie de mon ami et collègue D. Jean Grassino,
devenu ensuite curé de Scalenghe. Je désirais procurer de I'hon-
neur à cette solennité et c'est pourquoi je préparai et j'êcrivis
mon discours dans une langue populaire, mais châtiée ; je le
soignai bien, persuadé d'en acquérir de l'honneur. Mais Dieu vou-
lait donner une terrible leçon à ma vanité. C'était un jour de fête
et avant de partir je devais célébrer la Messe dans des conditions
commodes pour la population : iI me fut donc nécessaire d'utiliser
un cheval afin d'arriver à temps pour prêcher. Après avoir par-
couru la moitiê de la route en trottant et en galopant, j'étais arrivé
dans la vallée de Casal Borgone, entre Cinzano et Bersano [= Berzano
di San Pietro], lorsque d'un champ semé de millet s'élève à l'impro-
viste une multitude de moineaux ; effrayé par leur envol et leur bruit,
mon cheval se met à courir à travers les chemins, les champs et les
prés. Je me tins quelque peu en selle, mais m'apercevant qu'elle glis-
sait sous le ventre de I'animal je tentai une manæuvre d'équitation ;
alors la selle qui n'était plus en place me poussa vers le haut et je
tombai à la renverse sur un tas de pierres cassées. Un homme
put de la colline voisine observer la pitoyable situation et, accom-
pagnê de I'un de ses serviteurs, il courut à mon aide. M'ayant trouvé
sans connaissance, il me porta chez lui et me coucha dans le meil-
leur lit qu'il avait. Ayant reçu les soins les plus charitables, au bout

4.4 Page 34

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20
d'une heure, je revenai à moi et me rendis compte que je me trouvais
ailleurs que chez moi.
ne vous inquiétez pas
-d'êtrNeeaviloleuusrfsaiqteusepcahsedzevsoouusc.i,Icdiit
mon
il ne
hôte,
vous
manquera rien. J'ai déjà envoyé chercher le médecin ; et quelqu'un
d'autre est parti en quête du cheval. Je suis un paysan, mais je
ne manque pas du nécessaire. Vous sentez-vous très mal ?
- Que Dieu vous récompense pour tant de charité, mon bon ami.
Je crois qu'il n'y a pas grand mal ; peut-être une fracture à l'épaule que
je ne peux plus remuer. est-ce que je me trouve ici ?
hu-mbVleousesrvêitteesurs, usur rlnaocmomlliéneBrdineaB*.erMsaonioa, ucshseizj'aJeiarnoCulaélomssao,bvoosstree,
et moi aussi j'ai eu besoin des autres. Oh! comme il m'en est arrivé
lorsque j'allais sur les foires et sur les marchés.
En attendant le médecin, racontez-moi quelque chose.
- Oh! comme j'en aurais à raconter; écoutez-en une. Voilà plu-
-sieurs années, en automne, j'étais allé à Asti avec ma petite bourrique
faire des provisions pour I'hiver. Au retour, j'étais alors arrivé dans les
vallons de Morialdo, ma pauvre bête, très chargée, tomba dans un
bourbier et demeura immobile au milieu du chemin. Tout effort pour
la relever s'avéra inutile. Il était minuit, avec un temps très sombre et
pluvieux. Ne sachant plus que faire, je me mis à crier en appelant au
secours. Quelques minutes après, on me répondit d'une chaumière
voisine. Vinrent un jeune abbé et son frère accompagnés de deux
autres hommes qui portaient des flambeaux allumés. Ils m'aidèrent à
décharger la bête, la tirèrent hors de la boue, puis me conduisirent
avec toutes mes affaires jusque chez eux. J'étais à demi mort ; et tout
était barbouillé de boue. Ils me nettoyèrent, me restaurèrent au moyen
d'un merveilleux dîner, puis me donnèrent un lit très moelleux. Au
matin, avant de partir, j'ai voulu donner comme il se doit quelque
dédommagement ; le jeune abbé refusa tout en ajoutant : Il peut
se faire que demain nous ayons besoin de vous !
* Brina = " la gelée blanche " ; par allusion à ses cheveux.

4.5 Page 35

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27
A ces mots je me sentis pris d'émotion et l'autre aperçut mes lar-
mes
-
-
'
N-on
Si je
- Vous vous sentez mal ? me dit-il.
! répondis-je, ce récit me plaît tant qu'il m'émeut.
savais quoi faire pour cette bonne famille ! Oui,
de
braves
gens !
--LCaomfammeniltles'Bapopsecloaito-eull,eco?mme on dit au pays, Boschetti*. Mais
pourquoi vous montrez-vous si ému ? peut-être connaissez-vous cette
famille ? Il est vivant, il se porte bien ce jeune abbé ?
m-illeCfeojiesucnee
abbé, mon
qu'il a fait
bon ami, est ce prêtre auquel vous rendez
pour vous. C'est lui-même que vous avez
porté chez vous et placé dans ce lit. La divine Providence a voulu
nous faire savoir par ce fait que tout se paie en ce monde.
" Chacun peut imaginer l'émerveillement et le plaisir de ce bon
chrétien, et les miens, car dans le malheur Dieu m'avait fait tomber
entre les mains d'un tel ami. Sa femme, une sæur, d'autres parents et
des amis furent en grande fête en apprenant qu'était arrivé chez eux
celui dont ils avaient tant de fois entendu parler. Il n'y eut pas d'égard
qui ne me fût prodigué. Arrivé peu après, le médecin trouva qu'il n'y
avait pas de fractures, et c'est pourquoi quelques jours plus tard je
pus, sur le cheval retrouvé, me remettre en chemin à destination de
ma patrie. Jean Brina m'accompagna jusque chez moi, et tant qu'il
vécut nous avons toujours conservé les plus chers souvenirs d'amitié.
" Après cet avertissement, j'ai pris la ferme résolution de vouloir à
I'avenir préparer mes discours pour la plus grande gloire de Dieu et
non pour apparaître savant et lettré ""
C'est la résolution prise par D. Bosco en cette circonstan-
ce ; mais bien d'autres observations nous viennent spontanément sur
ce fait. Avant tout [nous remarquons] comme est précis le Seigneur pour
* Boschetti : en piémontais Bosco se prononçait Boschèt; d,où la sorte
de diminutif local pour désigner les Bosco des Becchi.

4.6 Page 36

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22
accomplir ses promesses ! Il a dit : " Heureux qui pense au pauvre
et au faible : au jour de malheur, Yahvé le délivre ; Yahvé le garde,
il lui rend vie et bonheur sur terre : oh ! ne le livre pas à I'ap-
pétit de ses ennemis ; Yahvé le soutient sur son lit de douleur;
tu refais tout entière la couche il languit (1) ". La famille de
maman Marguerite fut toujours généreuse et hospitalière envers
quiconque se trouvait dans le besoin : jamais un pauvre n'était
reparti les mains vides du seuil de sa maison ; personne n'était
arrivé chez elle à I'heure d'un repas sans recevoir I'invitation cor-
diale et insistante à s'asseoir à table. Mais plus d'une fois elle fit
I'expérience de la générosité de Dieu lorsqu'Il la récompensait en
retour de ce qu'elle faisait pour les pauvres. Une nouvelle preuve
en est le fait ci-dessus rapporté.
De plus, nous ne devons pas laisser passer sans I'ob-
server I'humilité bien-aimée qui resplendit constamment dans le
manuscrit de D. Bosco. Il parle de lui pour s'accuser ; mais
tandis qu'il s'accuse de tant de défauts, nous voyons lente-
ment éclore autour de lui des faits pleins de charme, comme
pour le démentir. Depuis le moment il était jeune abbé
au Séminaire, il avait recours à une activité ingénieuse pour
être utile aux malades à travers l'invocation de Marie. Cette
activité consistait à distribuer deb pastilles de mie de pain
ou bien des sachets contenant un mêlange de sucre et de
farine de mais, en imposant à ceux qui recouraient à sa
science médicale la condition de s'approcher des Sacrements
et de réciter un nombre donné d'Ave, de Salve Regina ou d'autres
prières à Notre-Dame. La prescription du médicament et des
prières était tantôt donnêe pour trois jours, tantôt pour neuf.
Les malades guérissaient, même si leur situation êtait des
plus graves. De village en village s'était répandue la nouvelle, et
(1) Ps 4t,r-4.

4.7 Page 37

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23
grande était l'affluence vers le nouveau médecin qui s'attirait une
confiance sans cesse nouvelle, grâce au bon résultat de ses soins.
A partir de ce moment-là il reconnaissait toute l'efficacité des priè-
res faites à Notre-Dame. Peut-être que la Vierge Marie elle-même
lui avait accordé de façon évidente la grâce des guérisons et que
lui, au moyen de cet artifice des pastilles et des poudres, se
cachait pour ne pas être un objet d'admiration. De ce moyen il
continua à se servir encore tandis qu'il était prêtre au Convitto
; il Ecclesiastico [= Maison d'Etudes ecclésiastiques]
se décida à y met-
tre fin à la suite d'un fait vraiment singulier.
En 1844 à Montafia tomba malade de fièvres persistan-
tes M. Turco et aucune ordonnance médicale ne parvenait à le
guérir. La famille recoumt à D. Bosco : après avoir conseillé la
Confession et la Communion, il remit pour le malade une boîte
des habituelles pastilles à prendre chaque jour selon un nombre
donné, en récitant d'abord trois Salve Regina. Ayant pris les
premières pastilles, M. Turco guérit parfaitement. Tous en furent
émerveillés. Le pharmacien se dépêcha de se rendre à Turin et,
se
et
présentant
I'expédient
à D. Bosco, il
puissant dont
lui dit
Vous
ê: t-es
Je respecte votre talent
l'inventeur et qui s'est
montré dans les faits capable de faire tomber la fièvre de façon
sûre. Je ne peux m'empêcher de vous prier de vouloir me ven-
dre une bonne quantité de votre remède, ou bien de m'en
révéler le secret, afin que tout le village de Montafia n'ait pas
Jecàhm'aecbizoaélurpurrauiisrissleéiécplieahptaponrmrueoravtcreiosineiuonvên,atirdmepeappsapotadiues'rantviutluletd.rsee-eéctcohDjnean.paBn'otaersetnocirloaeeisdqpeiunlmuegsedr.uéer-daideiunrRentse:npdt-eeréus
pastilles, s'en procura quelques-unes qui se trouvaient conservées
dans les familles, puis il en fit attentivement l,analyse chimique.
-cgiueénrMisdoaenisssejsesoanntmeéivstridoeeuntvtaeevseic!ci-luqui Ieiil
du pain ! dit-il. Et pourtant les
se rendit chez un autre pharma-
décomposa les pastilles ; ils les

4.8 Page 38

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24
examinèrent et tous les
n'y a
venu
pas de doute
à son tour à
T!u-rin
dLeeubxrucoitnccoluurreutntd'a-ns
Çrssf du pain ! Il
le pays. M. Turco,
rendre visite à D. Bosco pour le remer-
cier, lui rapporta l'étrange ragot sur les pastilles de pain et le
pacsceeurvisrefatfsaciasidnefeceoem-liutteileenrcsétmov!étnértolchreéloiurspdtloeSeDnadd.lsveieBetcsoRcroeseeticngodm,inueqaotunm?sei,éineldvuuitocraiay.ndma-tenemqtnuats.eAnod-lpnoarrêasDtVsret'oquBuuciloseeseadccuévoetce.lozau-unvrViéqeocruOtuieetéhs,-
ment recours à I'efficacitê des bénédictions.
Et Mgr Jean Bertagna affirme qu'étant jeune garçon, il
a vu, dès les premières années du sacerdoce de D. Bosco,
beaucoup de personnes de Castelnuovo venir avec un grand
empressement I'appeler dans I'espoir que sa bénédiction re-
donnerait la santé à leurs malades. tls avaient bien raison
d'espêrer de la sorte ; car sa confiance dans la force de la
prière et dans la puissance de la bénédiction sacerdotale, qui
s'appuyait sur les promesses faites par Notre Seigneur Jésus
Christ dans son saint Evangile, n'avait pas de limites. Donc
dès ce moment-là, en tant qu'homme qui en avait I'autorité, per-
suadé que Dieu ne I'abandonnerait pas, il commença à bénir, ce
qu'il continua ensuite de faire jusqu'à la fin de ses jours.
Et les grâces que les fidèles, ils en étaient persuadés,
avaient obtenues du Seigneur par l'intercession de la Très
Sainte Vierge Marie et à travers la bénédiction et les priè-
res de D. Bosco se comptent par milliers et par milliers
chaque année. C'est une chaîne surprenante de merveilles qui
sans intemrption étaient en train de s'entrelacer avec les ac-
tivités de D. Bosco, les animant, les soutenant, les multipliant
sans cesse, de sorte que s'était installée Ia persuasion uni-
verselle que la vie de D. Bosco ne consistait qu'à bénir
continuellement et que dans n'importe laquelle de ses entre-
prises tout obtiendrait une heureuse réussite.

4.9 Page 39

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25
Et cela n'est pas surprenant lorsqu'on pense que D. Bos-
co était un homme de très grande foi. Il croyait avec une adhésion
des plus totales de l'esprit et dans un accord parfait de la volonté
toutes les vérités révélées par Dieu. Et cette adhésion profonde,
spontanée, constante, sans I'ombre du moindre doute, ne fut
jamais démentie par I'un de ses actes ni l'une de ses paroles au
cours de toute sa vie. Il manifestait souvent une grande joie
d'avoir êtê fait chrétien et d'être devenu fils de Dieu au
moyen du Baptême. Il ne cessait de magnifier sa chance
d'avoir eu une mère très pieuse qui, de bonne heure, I'avait
instruit dans le Catéchisme et guidé dans la piété. De ces
faveurs si remarquables, il rendait grâces au Seigneur matin
et soir. Mille fois on l'entendit inculquer la reconnaissance à
Dieu pour nous avoir fait naître dans le giron de la Sainte
Eglise Catholique et recommander de correspondre à cette
grâce en professant courageusement et sans respect humain la
foi devant les hommes par la fuite du péché et I'observan-
ce de la loi divine. Aux termes qu'il employait pour rappeler
la pensée de la présence de Dieu, on voyait qu'il I'avait
toujours devant I'esprit. Il n'arrivait jamais à quelqu'un de
s'approcher de lui sans qu'il parlât d'une véritê ou d,une
pensée de foi. Il le faisait avec une particulière adresse,
sans aucun effort et tout naturellêment ; parfois il le faisait
aussi en parlant de choses matérielles, d'affaires et même
lorsqu'il voulait amuser par quelque facétie. Et il savait par-
ler de Dieu d'une manière si aimable, au point de rendre
agréable Ia conversation même à ceux qui n'auraient jamais
voulu entendre parler de religion. Il êtait si pénétré tout
entier des pensées de la foi que I'esprit de foi sous-tendait
toutes ses pensées et toutes ses actions. Il révélait cette
disposition intérieure dans la crainte salutaire qu,il avait d'of-
fenser la sainteté de Dieu et sa justice ainsi que dans
l'horreur très grande qu'il portait au péché. Il évitait avec un
soin empressé non seulement ce qui évidemment était mal, mais

4.10 Page 40

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26
également ce qui pouvait en avoir même seulement l'apparence.
Parfois il se faisait des scrupules pour des actions et des paroles
que I'on aurait pu considérer comme vertueuses ou du moins
exemptes de toute imperfection.
D'où, chez lui, ce désir efficace de tendre à la perfection.
C'est pourquoi on le voyait depuis ce temps-là pratiquer les trois
conseils êvangéliques : chasteté, pauvreté et obéissance avec un
engagement tel qu'on ne pouvait en trouver de plus grand chez
une personne liée par les væux. Qui ne le connaissait pas I'ad-
mirait mais ne savait pas s'expliquer la cause d'une si grande
observance; cependant quelques-uns, peu nombreux, de ses com-
pagnons d'école et de Séminaire à Chieri, auxquels il faisait part
de ses secrets, en dirent le motif à D. François Dalmazzo qui
était prêt à en têmoigner sous la foi du serment. D. Bosco s'était
donné à Dieu par un vceu perpétuel, quand, encore jeune abbé, il
demeurait au Séminaire. Au pied de I'autel de Marie, il lui offrait
la pureté de son cæur. Sagement empêché d'entrer alors dans un
Ordre religieux vers lequel il se sentait fortement appelé, tandis qu'il
obéissait à la voix du Supérieur, il liait sa liberté pour être prêt au
service Divin à tout moment de sa vie. Et c'est pour cela qu'il ma-
nifestait également tant d'amour pour la mortification et pour Ia
pauvreté. Pareillement pendant les mois qu'il passa chez lui au cours
de ces vacances et ensuite pendant les premières annêes de son séjour
à Turin, il rappelait sans cesse la
Ce qui se mange avec le pain n'est
leçon de Maman Marguerite :
pas nécessaire : c'est pour les
-ri-
ches ; nous, nous sommes pauvres et nous devons vivre en pauvres.
-CeuSx oqnuitraallianiednet
vie était
autrefois
marqué d'une continuelle mortification.
au Susambrino et à présent aux Becchi
pour lui rendre visite ou pour prendre une leçon de grammaire
étaient parfois conduits par lui dans la vigne et recevaient en cadeau
quelque beau fruit. Pour sa part cependant, on ne le vit jamais goûter,
en ces occasions, de raisin, de pêches, d'une autre espèce de fruits
qui, en cette saison, abondaient dans tous les vignobles. Il s'était

5 Pages 41-50

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5.1 Page 41

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27
fait une loi rigoureuse de ne jamais manger ni boire en dehors
du temps des repas. Il était et il fut toujours admirable dans son
comportement moral, de sorte que, semblait-il, une auréole de
modestie enveloppait sa personne, étincelait en chacun de ses
gestes. Il était très hostile à toute sorte de curiosité : on ne le
voyait plus assister à un spectacle, quel qu'en fût le genre, à
I'exception des divertissements dans lesquels parfois il était acteur
pour amuser les jeunes.
Mais sa très vive foi apparaissait de façon particulière
dans la célébration du Saint Sacrifice. Joseph Moglia, Jean Filip-
pello et Joseph Turco, des amis de son âge, rapportent qu'en ces
mois d'été ils allèrent souvent assister à sa Messe et qu'ils
restèrent toujours grandement édifiés de son attitude, de sa
dévotion, de sa ferveur, et aussi que plusieurs des assistants en
furent émus jusqu'aux larmes. Et D. Jean Turchi affirme : " Je
n'ai pas connu de prêtre qui eût une foi plus vive que D. Bosco.
Un homme, qui n'aurait pas eu sa foi, n'aurait pas accompli ce
qu'il a f6i1 rr.
Apôtres. En
v-érit"é
Ayez foi
je vous
en
le
Dieu, disait Jésus
dis, si quelqu'un
Christ
dit à
à ses
cette
montagne : ' Soulève-toi et jette-toi dans la mer', et s'il n'hésite
pas dans son cæur, mais croit que ce qu'il dit va arriver, cela
lui sera accordé. C'est pourquoi je vous dis : tout ce que vous
demanderez en priant, croyez que vous l'avez déjà reçu, et cela
vous sera accordé (1) ". La foi seule, jointe à une très profonde
humilité et à une mortification de tout soi-même, est I'explica-
tion de tant de merveilles accomplies par D. Bosco.
(1) u" 17,22-24.

5.2 Page 42

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28
CHAPITRE III
Des visites qui
D. Lacqua
s' imposent
Singulière
aenvetonutteurjuesticLea-
Lt ancien maître
caractéristique de
D. Bosco - D. Charles Palazzolo - Etudes particulières.
Afin d'occéder au désir qu'avec insistance on lui expri-
mait, afin également de manifester son inaltérable reconnaissance
envers tous ceux qui lui avaient fait du bien, ou même lui avaient
témoigné de la bienveillance, D. Bosco, dans les premières semai-
nes de son sacerdoce, rendit visite à Moncucco à la bonne fa-
mille des Moglia; il fit ensuite une sortie jusqu'à Pinerolo, chez
des personnes haut placées, les Strambio : il leur était attaché en
raison des liens d'amitié qu'il nouait avec leurs trois fils ; et dans
le même temps il se porta à Fenestrelle, il prêcha sur I'in-
vitation du Curé, son ami. Mais il n'oublia pas son ancien maître
D. Lacqua : c'est lui qui I'avait initié aux premiers rudiments de
la lecture et de l'écriture ; nous I'avons déjà vu, il s'était retiré à
Ponzano et, à présent, il avait dépassé les quatre-vingt-six ans.
Lui ayant annoncé par lettre son bonheur d'avoir atteint le but si
attendu et d'être enfin prêtre, il lui promettait I'une de ses visi-
tes. D. Bosco conserva la réponse du vénérable vieillard parmi
ses papiers les plus chers, et nous sommes bien heureux de
pouvoir la reproduire ici :

5.3 Page 43

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29
Ponzano, le 28 juillet 1841
Très cher ami et élève très aimé,
Voici en peu de mots la réponse à votre lettre très courtoise
('écris encore aujourd'hui avec la familiarité et la liberté d,un maître
envers son élève) ; je I'ai reçue, lue et relue plusieurs fois hier soir.
Je suis heureux et je me réjouis à l'extrême de votre promotion au
grade sacerdotal; un honneur et une rêcompense assurément dus
et destinés par le ciel à vos mérites. Je vous suis très obligé pour
I'attention que vous avez eue de demander.comment était satisfait
mon désir de vie solitaire et retirée, et je vous en rends mille et
mille grâces. Pour I'année prochaine je dois encore, aux termes du
contrat de capitulation, prêter mon faible service à cette Commu-
ne;bienque si j'avais voulu, j'aurais pu fin juin arrêter sans délai
mon emploi et battre la retraite ; mais à présent Ia route est fermée.
Plutôt que d'accepter un autre poste de, Service public ou une Au-
mônerie, pensatis pensandts fayant pesé le pour et le contre], j'estime pré-
férable de continuer comme ça dans cet emploi qui en rêalité consti-
tue une occupation facilex pour le pauvre vieux que je suis ; êtant
donné que I'hiver le nombre des écoliers ne dépasse jamais les douze
ou quinze, et qu'après Pâques l'école se réduit à un écolier, voire à zé-
ro. Ou même le mieux de tout sera de retoumer au pays paternel pour
terminer mes jours je les ai commencés. Dulcis amor patriae,
dulce videre srzos [le doux amour de la patrie, il est doux de revoir les siens] :
mais ce qui est certain, c'est que cela sera comme Dieu voudra.
J'accepte bien volontiers I'agréable proposition des Messes que dans
votre gentillesse vous me confiez... et je continuerai favente Deo
[avec l'aide de Dieu] à célébrer sur votre compte jusqu' au milieu de
* Littéralement : une " panade '1, soupe facile à faire ; d'où ici le sens figuré.

5.4 Page 44

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30
septembre prochain, ou jusqu'à votre arrivée tant désirée. Marianne
se porte bien et vous salue.
La page est presque remplie, c'est pourquoi je mets un point final et
en vous attendant d'un cæur grand ouvert, vous et votre maman, sl
fieri potest [si cela est possible], je vous souhaite beaucoup de bien et
suis de façon immuable
Votre D. LACQUA.
P.S. Je vous prie de transmettre mes respectueuses salutations à
Monsieur Joseph Scaglia et à toute sa famille, lorsque I'occasion se
présentera pour vous.
Après avoir célébré la neuvaine et la fête de Notre-Dame
du Rosaire, D. Bosco put tenir sa promesse. Le14 octobre fut le
jour choisi pour la sortie à Ponzano. Y attendaient D. Bosco, en
compagnie de I'ancien maître, Marianne, la sæur de sa mère, à
laquelle il devait d'avoir pu commencer ses études, et le Curé, une de
ses vieilles connaissances.
Je reprends la description minutieuse d'une promenade,
pour l'avoir entendue des lèvres mêmes de D. Bosco qui était très
heureux dans ces récits et dans le rappel de chacune de leurs
plus petites circonstances. Ce qu'il faisait avec tant d'ingéniosité et
tant de goût, au point de faire transparaître le tendre souvenir d'u-
ne impression indélébile gravée non seulement dans I'esprit, mais
davantage dans le cæur. De ses paroles émanaient la sainteté de
ses buts, la correction de ses comportements, même quand il rap-
portait une de ses anecdotes sous le seul aspect d'une joyeuse
récréation. Il n'avait rien à regretter, même légèrement, rien dont
il ait eu à rougir. Il rappelait, souriait, savourait, se réjouissait de
ces temps passés, et c'était pour lui un grand réconfort de main-
tenir bien vives, grâce à ces évocations, la curiosité et I'allêgresse de

5.5 Page 45

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31
ses jeunes. Auxquels il apportait ainsi un encouragement à demeu-
rer dans la crainte d'offenser Dieu au cours de leurs récréations :
ils pouvaient faire tout le vacarme qu'ils voulaient, mais at-
tention à conserver la chère innocence. D. Bosco disait souvent :
" N'appelez pas divertissement une joumée qui laisse des re-
mords dans le cæur ou la peur des jugements de Dieu ! ".
Donc, ayant choisi pour compagnon de voyage un brave
garçon et s'étant fait enseigner la route, D. Bosco partit de bon
matin de Montaldo il avait êté hébergé chez le Recteur.
Après s'être arrêté pour prendre le repas de midi avec le curé de
Cocconato et s'être remis en chemin, il dépassa Cocconito ; bien
que l'heure fût déjà avancée, il se mit en route dans la direction
de Ponzano. Par malheur cependant il s'était trompé de chemin et
se trouva perdu dans une épaisse forêt. La nuit s'approchait, le
ciel se couvrait de gros nuages denses et un orage semblait im-
minent. Toutefois D. Bosco et son compagnon continuèrent encore
un bout de ce sentier, quand dans la nuit obscure ils finirent par
perdre même le sentier battu. Seule source pour illuminer le ciel :
de continuels éclairs, accompagnés de fracassants coups de tonnerre.
On n'y voyait plus et, par surcroît de malheur, se déchaîna une
pluie à seaux qui en peu de temps les trempa de la tête aux pieds :
I'obscurité et les fourrés trop épais finirent par rendre impossible
la poursuite du voyage. Que faire ? Ils se rendirent devant I'ad-
versité, puis ayant trouvé un endroit il leur sembla être quel-
que peu à l'abri, ils s'assirent pour attendre que se calmât un peu
la violence de la tourmente. La solitude, l'obscurité, les éclairs,
les coups de tonnerre, le sifflement du vent, le craquement des
branches qui se cassaient, le gémissement lugubre d'un oiseau dé-
rangé dans le sommeil leur inspiraient de l'épouvante. Ils demeu-
raient silencieux. Mais à la fin, à cause de l'achamement et de la
fureur de l'orage, ils prirent la décision de chercher refuge d'une ma-
nière ou d'une autre. Après avoir récité une prière à Marie, D. Bosco
' - se leva et dit à son compagnon Allons dans cette direction ; en

5.6 Page 46

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32
qauveoliqr uuenepnedurocithnemouinséd, éilbsouecnhteernodnisre. n-t
Ils firent
le cri d'un
ainsi
coq.
et,
Ce
après
chant
les ranima pour continuer avec plus d'ardeur leur voyage : et
voici, au fur et à mesure qu'ils avançaient, d'abord I'aboiement d'un
chien, puis le miaulement d'un chat, et en demier I'apparition d'une
lumière qui indiquait la proximité des maisons.
village ! -
voyageurs.
s'écrièrent d'une
Ils se hâtèrent dans
seule voix, tout
cette direction et
jo-yeOuxh,
! voici un
nos deux
une agréable odeur
de pain qui cuisait venait à leur rencontre. IIs ne tardèrent pas à
voir quelques personnes en train de travailler autour d'un four. Ils
s'approchèrent ; mais dès qu'ils s'aperçurent de leur présence, ces
gens, laissant tout, s'enfuirent rapidement chez eux, s'enfermèrent
effrayés, laissant ceux qui venaient d'arriver à I'improviste dans la stu-
peur et dans la constemation. D. Bosco s'approcha de cette maison :
- §r3ys7 pas peur, disait-il i yenez dehors ; nous sommes de braves
gens : nous avons perdu notre route et nous arrivons à peine à tenir
debout, trempés par la pluie ; nous ne voulons vous faire aucun
mal ; venez vous occuper
C'êtait parler à des sourds
de votre pain, autrement il va
; ils n'écoutaient aucune sorte
brûler. -
d'explica-
tions. Après une intense prière, ils ouvrirent un peu la porte, seule-
ment ce qu'il fallait pour pouvoir surveiller dehors, et se firent voir
quelques hommes armés, les uns d'un couteau, les autres d'un trident,
d'autres d'un faucillon : d'une voix rude ils interrogèrent D. Bosco lui
demandant qui il
D. Bosco, je suis
était, et à quel village il
un pauvre prêtre, et ce
voulait
garçon
arriver. - Moi, dit
est un de mes amis ;
nous allions en direction de Ponzano, mais malheureusement nous
avons perdu la route : tranquillisez-vous ; nous ne voulons vous faire
- aucune sorte de mal. Pendant ce temps, I'orage ayant cessé et
beaucoup de personnes êtant venues autour des étrangers, il rassura
quelque peu ceux qui se tenaient armés, si bien qu'ils sortirent, retour-
nèrent à leur four et entamèrent la conversation avec D. Bosco.
Pressés de dire pourquoi ils s'étaient laissés gagner par tant
de peur, ils répondirent que ces régions étaient infestées d'assassins,

5.7 Page 47

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33
qui, la nuit précédente, justement dans ce village, avaient com-
mis un meurtre. Ils ajoutèrent que les carabiniers du roi bat-
taient la campagne à la recherche des malfaiteurs qui jusqu'a-
lors n'étaient pas tombés en leur pouvoir. D. Bosco demanda
alors la faveur d'être accompagné à Ponzano ; mais les paysans,
étonnés, lui firent savoir qu'il était trop éloigné de son but.
I les pria d'avoir la charité de lui prêter quelques vête-
ments, vu qu'il n'avait plus un fil de son habit d'où I'eau
ne dégouttât ; et I'humidité avait pénétré jusqu'à la peau.
Ces bonnes gens s'excusèrent en disant qu'elles étaient pauvres ;
mais elles lui indiquèrent un riche monsieur qui demeurait à
peu de distance : il pourrait le pourvoir du nécessaire. D. Bosco
leur demanda de lui donner un guide, car il ne connaissait
pas le pays. Après avoir quelque peu hésité, ils s'armèrent
de tridents et de faucillons, tellement on avait peur des as-
sassins, et partirent avec D. Bosco et son compagnon. Ayant
pris un étroit sentier qui serpentait sur une hauteur, ils dé-
bouchèrent au pied d'un château qui dominait toute la
bourgade. Le chemin êtait enfoncé entre deux hautes haies,
mais lorsqu'ils arrivèrent au mur qui servait d'enceinte, voici
que retentirent les aboiements rageurs de deux gros mâtins.
Le groupe marqua le pas, car il était dangereux de s'a-
vancer, et à haute voix on appela le propriétaire, en an-
nonçant I'arrivée de deux passants égarés. Le propriétaire, un
certain M. Moioglio, un de ces petits vieux d'autrefois bien
simples, tout cæur et toute charité, vint aussitôt, appela les
chiens, qu'on aurait pris pour deux veaux, et introduisit chez
lui D. Bosco et son jeune, leur faisant un accueil des plus
agréables et affectueux. Bien que la nuit fût déjà très avan-
cêe, il avait dans son salon un certain nombre d'amis avec
lesquels il avait I'habitude de se récréer en d'honnêtes jeux. A
I'apparition de D. Bosco tous se levèrent, et le vieillard, invitant
le prêtre à s'asseoir, I'interrogea sur son identité. Dès qu'il sut
qu'il venait de Castelnuovo, il énuméra les connaissances qu'il avait

5.8 Page 48

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34
dans ce pays, et la famille Bertagna et telle maison et telle au-
tre et le curé et I'aumônier et D. Lacqua ; et se félicitant de
I'arrivée de personnes qui connaissaient ses amis, tout de suite il
leur fit ôter leurs vêtements mouillés et couvrit D. Bosco de son
manteau. Puis il ordonna de préparer un bon dîner qui fût à
même de les restaurer. Ils s'étaient mis à table, et le vieillard
ne finissait pas de parler de mille choses, étant d'agréable con-
versation, puis,
Moi, au château,
quand ils se levèrent, il dit à D.
j'ai la Chapelle, et si Vous voulez
nBoousscoac:co-r-
der demain une faveur, nous poulrons assister à votre Messe.
Ce sera un grand cadeau que vous ferez à mon épouse qui pro-
fesse une grande
consentit avec un
dtoétvaoltipolnaipsioruert,lecsomchpolèsteesmde'nétgléispeu.is-é,
D. Bosco
il alla au
lit vers minuit. Le lendemain à I'aube la. cloche annonçait la
Messe au château et tous les gens des hameaux environnants
accoururent pour y assister.
D. Bosco voulait reprendre aussitôt sa route pour Pon-
zano, mais ce bon monsieur ne permit absolument pas qu'il partît,
et il le conduisit visiter le château qui était d'un aspect sévère
au point de vous donner des frissons dans le dos. Après avoir fait le
tour extérieur des murailles, D. Bosco observa I'entrée d'obscures
galeries qui pénétraient dans la colline. Yoyez, lui disait le
propriétaire, personne n'a osé explorer ces souterrains qui, paraît-il,
sont très étendus, car ici, c'est certain, ont leur refuge voleurs, assas-
sins et peut-être batteurs de fausse monnaie. Ces gens vont, viennent,
tantôt ils sont là, tantôt ils n'y sont pas, mais il n'y a pas d'homme
assez courageux pour avoir la hardiesse de pénétrer là-dedans. Jus-
qu'à présent les carabiniers eux-mêmes ne se sont pas risqués à cette
expédition. A nous il appartient de garder le silence, car un mauvais
coup est vite arrivé, et chacun tient à sa peau. Parfois nous rencon-
trons ces visages menaçants qui ne sont pas du pays, et on ne sait pas
le motif
château,
qui les mène ; mais
entre autres choses,
il
il
nluoiums coonntrvaieunnt edbeedlliessbimibluiolethr.èq-ue
Au

5.9 Page 49

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35
D. Bosco, pour garder l'agréable souvenir d'un accueil aussi hos-
pitalier, choisit et demanda un livre intitulê: Résumé d'Histoire
de l'Eglise de Laurent Berti, de Florence. Le propriétaire le lui
céda volontiers. D. Bosco écrivit à la dernière page : L'an 1841,
le 14 octobre, après avoir marché plusieurs heures dans la nuit
obscure, sur une route incertaine, je finis par arriver au
château des Merli (Merletti), près de Moncalvo, je fus reçu
et traité avec la plus généreuse hospitalité par monsieur
Moioglio, pharmacien, à qui j'ai acheté ce livre pour avoir de
mon hôte
conserva
touunjoaugrrséacbelelivsroeupverènsir.d-e
luBio.sAcoprJèesaunn. -copDieounxBroespcaos
de midi, ce bon monsieur voulut accompagner Don Bosco et son
compagnon pendant un bon bout de chemin en direction de
Ponzano.
Dans le récit de cette singulière aventure D. Bosco ne
laissa jamais transpirer la moindre chose qui aurait fait allusion
à un déplaisir, à une inquiétude à propos des désagréments en-
durés. Les contrariétés de tout genre deviennent pour lui source
de plaisanterie et de joyeux souvenirs. La patience et la tran-
quillité d'esprit sont toujours la caractéristique de D. Bosco. Son
cæur plein de gentillesse n'oublie plus un bienfait reçu. D'autre
part sa générosité ne laisse jamais sans quelque compensation
les désagréments, les dérangements, les dépenses supportées pour
lui. Ici il achète un livre. ailleurs il marchandera une mesure de
vin ou de grain, à d'autres il fera cadeau de livres ou d'objets
de dévotion, ou encore il enverra ce que sa mère a su faire croître
dans la cour ou dans le jardin, voire ce qu'on lui a offert de meilleur.
Avec les personnes de service il ne lésinera pas pour donner un
pourboire, le laissant au moment de partir sur la petite table de la
pièce il a passé la nuit et disant à qui parfois l'interrogeait
ccoonmfpideennsteiellceemlueintqu: i-a
Il n'est pas juste que demeure sans ré-
dû, à cause de nous, subir un accroisse-
ment de travail supplémentaire.

5.10 Page 50

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36
En cet automne, D. Bosco ne manqua pas de rendre é-
galement visite à I'ancien sacristain-chef de la cathédrale de Chie-
ri, D. Charles Palazzolo, qui avait célébrê sa première Messe le
même jour que D. Bosco. Nous avons déjà vu comment D. Bos-
co lui avait appris la langue latine. Lorsque notre D. Jean était
au séminaire, Palazzolo allait prendre auprès de lui les cours de
philosophie et de théologie qu'il recevait écrits de manière claire
et intelligible sur deux ou trois feuilles et qu'il apprenait par
cæur, à la lettre, au coup par coup. Il passait ensuite ses exa-
mens auprès des professeurs du séminaire avec une rêussite
toujours honorable. En plus de l'aide dans les êtudes, D. Bosco
lui procura aussi un secours de 1000 lires de la part d'une
personne charitable. Plus tard, au jour de l'ordination sacerdotale,
comme il le fit pour d'autres compagnons, il I'exhorta à deman-
der au Seigneur, au moment de la première Messe, la grâce qu'il
désirait le plus, I'assurant qu'il serait certainement exaucé. Par la
suite D. Palazzolo continua à prendre auprès de D. Bosco des le-
çons particulières de morale, en venant à I'Oratoire. Il fut un
saint prêtre qui travailla avec zèle et très grand fruit au tribu-
nal de la pénitence et il dirigea pendant un bon moment le
Sanctuaire St-Pancrace, auprès de Pianezza. C'est à D. Bosco qu'il
était redevable de sa chance aussi grande. I lui en garda tou-
jours une profonde reconnaissance et, heureux d'avoir la dignité
sacerdotale, il s'employa à son tour à promouvoir les vocations
ecclésiastiques. instruisant les jeunes, les plaçant à I'Oratoire et
les secourant des épargnes qu'il pouvait faire. Il vécut jusqu'en
1885, atteignant presque quatre-vingt-dix ans. Venant parfois ren-
dre visite à son ami, par I'affection et la reconnaissance qu'il lui
témoignait, il manifestait combien il était digne de l'amitié de
D. Bosco.
Il ne faut pas croire, malgré tout ce qui a été dit jusqu'ici,
que D. Bosco perdait son temps en visites. Il se permit seulement
celles qui s'imposaient par pur devoir de reconnaissance ou pour d'au-

6 Pages 51-60

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6.1 Page 51

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5t
tres liens particuliers. Du reste il se tint toujours occupé soit au
presbytère soit dans sa maison des Becchi, ne s'accordant pas de
détente ou de repos en dehors du nécessaire. Continuant sa lec-
ture favorite de I'Histoire de l'Eglise, il s'appliqua à l'étude de la
Théologie Morale, comme l'assure D. Giacomelli ; il obtint ainsi
le grand avantage d'en connaître par cæur un bon nombre de
traités, au moment il dut commencer les cours de Morale
pratique au Convitto à la fin des vacances. En même temps il
s'adonna à préparer des plans et des thèmes de sermons. Il avait
le défaut, pendant qu'il prêchait, de laisser s'échapper facilement
des mots qui rimaient ; cela venait des poésies classiques, si
nptaoanmrtlôebtrreqauuvseeelqsc,udeqeucsr'iirltiimqsuaeevsa!pita-psatrrloucpæi udbriise. an-iveenitMllataannits.EDtt.sBDeso. sBccooons,cficdoeesrnéstpesodnee-t
dait toujours en souriant tranquillement:
Il faudra que j'y pense, et cela bien avant,
De ne point trop parler ni prêcher en rimant.
Les compagnons riaient et plaisantaient. Cependant, dès
le début, il s'appliqua fortement à écrire avec diligence ses ser-
mons et, grâce à une attention qui réclamait des efforts, il ne
tarda pas à se corriger de ce défaut. Et, à ce propos, Turco,
Filipello et Moglia affirmaient qu'à I'entendre prêcher, eux-mêmes,
ainsi que leurs parents et leurs compatriotes, en retiraient tou-
jours de salutaires impressions pour la vie éternelle. Une préoc-
cupation toute particulière, que D. Bosco s'était fixé de garder,
était de se faire comprendre par les gens du peuple et par les
jeunes ; c'est pourquoi il faisait tous ses efforts pour que sa
prédication devînt le plus possible adaptée à un auditoire popu-
laire, c'est-à-dire pour que sa manière de parler fût certes
correcte, mais accessible à la compréhension de tous. eu,il ait
bien réussi à atteindre son but peut être attesté par tous ceux
qui, comme nous, eurent la chance de I'entendre prêcher.

6.2 Page 52

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38
CHAPITRE IV
Propositions
Ecclesiastico
- Abandon
dàd'eelmaTpuDloriiivnsin--e
Conseil de D. Cafa Le Convitto
D. Bosco dans sa marche vers Turin
Providence - Les instruments qu'elle
utilise.
Les voconces d'automne touchaient désormais à leur fin
et Don Jean Bosco, qui comptait déjà vingt-six ans, devait penser à
son avenir et se constituer une situation.
Trois emplois lui étaient offerts. Le premier consistait à ê-
tre précepteur dans une noble famille de Gênes, avec le salaire de
mille lires par an. Les parents et les amis cherchaient à pousser Mar-
guerite pour qu'elle persuadât D. Jean de la convenance draccepter ce
poste. Comme lui auraient été fournis la nourriture et le vêtement,
I'entier salaire aurait amélioré les conditions de sa famille. Mais la
bonne Marguerite, entrevoyant que derrière les portières de soie ne
: régnait pas toujours l'innocence des mceurs, répondait
- chez les riches ?... Qu'est-ce qu'il en ferait lui de mille lires,
Mon fils
qu'est-ce
que j'en fais moi, qu'est-ce qu'en fera son frère, si par après Jean
devait perdre son âme ? -
vice de Chapelain dans sa
Il lui
petite
avait été proposé également le ser-
bourgade de Morialdo avec l'aug-
mentation de la rétribution habituellement donnée jusqu'alors au prê-
tre ; bien plus, ces villageois avaient déclaré, en leurs insistances, être

6.3 Page 53

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39
prêts à lui doubler le salaire vu leur désir de le retenir comme maître
au milieu de leurs enfants. Le troisième emploi était celui de Vicaire à
Castelnuovo, il était très aimé de ses compatriotes et notamment
du Thêologien Cinzano .
Avant d'embrasser un parti, D. Bosco avait I'habitude de
se fixer pour but en premier lieu la gloire de Dieu et le salut de l'âme,
puis il examinait à fond si, par cette décision, il atteindrait ce but aus-
si noble. Il priait donc Dieu de l'éclairer et, en même temps, il deman-
dait conseil à des personnes savantes et pieuses. Parvenu à une certi-
tude morale que son projet était approuvé par le Seigneur, il se résol-
vait à I'accomplir. Telle fut sa pratique constante durant toute sa vie.
S'agissant donc de prendre une décision définitive dans
une question d'une si grande importance, D. Bosco se rendit à Turin
pour demander conseil à D. Joseph Cafasso, afin de connaître et de
faire Ia volonté de Dieu. Le Saint Prêtre, répétiteur des cours de
morale au Convitto Ecclesiastico Saint-François d'Assise, était deve-
nu depuis plusieurs annêes le guide de notre D. Jean pour les affaires
spirituelles et temporelles ; il écouta toutes les offres de bons salaires,
les insistances des parents et des amis, son bon vouloir de se dédier
tout entier au travail évangélique, et puis il lui dit sans hésiter un
instant : - Vous avez besoin d'étudier la morale et la prédication :
renoncez pour I'heure à toute proposition et venez au Convitto.
Ce que peut être le Convitto Ecclesiastico de Turin, il n'est
pas de prêtre désormais, du moins en Italie, qui ne le sache. Cepen-
dant pour satisfaire tous les lecteurs, j'en donnerai un bref aperçu.
Au début de ce siècle devenait célèbre à Turin un
très digne ecclésiastique, le Théologien Collégial Louis Guala,
Recteur de l'Eglise Saint-François d'Assise. Homme de mceurs irré-
préhensibles, de piété sincère, ne visant pas son intérêt, riche de
science, de prudence et de courage, il se faisait aimer des bons

6.4 Page 54

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40
et estimer des mauvais. Très dévoué au Souverain Pontife au temps
de la domination française, en union avec le P. Lanteri et d'autres
personnages célèbres, il avait tenu une très active correspondance
avec Pie VII prisonnier à Savone, I'informant de ce qui arrivait et
transmettant à l'Eglise les volontés du Pape sur bien des points
de discipline ecclésiastique. Ame d'un Comitê qui s'était cons-
titué pour secourir le Souverain Pontife au moyen d'offrandes gé-
néreuses, le Théol. Guala et le Banquier Gonella devinrent suspects
à la potice et ils ne furent sauvés que grâce à une charmante
équivoque. Le mandat d'arrêt était émis contre le Théologien
Gonella et le Banquier Guala. Le fait que les gendarmes s'étaient
inutilement portés à la recherche de personnes aussi mal dê-
signées, mit sur leurs gardes les inculpés. qui, après avoir fait
disparaître tous les papiers compromettants, se cachèrent jus-
qu'au moment ils obtinrent, grâce aux bons offices de
personnages haut placés et au manque de preuves, de ne plus
être importunés.
Donc ce prêtre, pieux et cultivê, qui connaissait très bien
les besoins de son temps, considéra comme une chose très im-
portante que les jeunes ecclêsiastiques, une fois accompli le cours
des études au Séminaire, s'appliquàssent pendant quelque temps à
acquérir la morale pratique, avant d'entrer dans l'exercice du
ministère sacré. Hautement persuadé de cela, le sage Théologien
commença dès l'année 1808 à exercer chez lui quelques nou-
veaux prêtres au moyen de conférences de morale adéquates. Ce
service continua jusqu'à l'année 1818 : c'est alors qu'après la fin
du gouvernement de Napoléon Ier et la libération, par la solda-
tesque, du Couvent des Frères Mineurs Conventuels situé près
de I'Eglise Saint-François d'Assise, Guala établit en ce lieu un
Convitto avec un Règlement approprié pour jeunes prêtres. Le
roi Charles-Félix I'autorisait en 7822 à accepter des dons et des
legs, et lui attribuait pour habitation la partie invendue du
Couvent supprimé. L'Autorité ecclésiastique apporta elle aussi son

6.5 Page 55

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41
appui efficace à la sainte institution, et Monseigneur Colomban
Chiaverotti, Archevêque de Turin, nommait par son décret du 4 juin
1823 le même Guala comme Recteur du Convitto dont il approuvait
le Règlement préparé par ce prêtre. Méditation, lecture spirituelle,
deux confêrences par jour, leçons de prédication, commodités pour
étudier, lire et consulter de bons auteurs, telles étaient les occupations
des prêtres du Convitto.
lmmense fut le bien que Guala procura aux diocèses du
Piémont, notamment à celui de Turin, à travers cette fondation.
Il réussit premièrement à arracher les ultimes racines qui res-
taient du jansénisme ; doctrine détestable qui, par un rigoris-
me arbitraire et condamné, décourage les âmes dans la voie du
salut éternel, les éloigne et les prive de I'usage des sources vitales
de la divine Rédemption. Entre autres énormités, elle enseignait
ceci : le pênitent même s'il est coupable de fautes à peine graves n'est
pas digne d'absolution, sinon après des mois et des années d'aus-
tères pênitences ; la Communion réclame des dispositions an-
géliques et un chrétien n'est jamais suffisamment préparé pour
s'approcher de la Table Eucharistique. Contre ces erreurs désas-
treuses avait surgi au siècle précédent le Docteur St Alphonse,
Fondateur des Rédemptoristes, et ses æuvres sont toutes un anti-
dote très efficace contre elles. C'est pourquoi le Théol. Guala
s'employa à diffuser en Piémont les æuvres de ce Saint, im-
primées en France et reçues clandestinement en raison de I'hos-
tilité du Gouvernement et de ses conseillers pas trop catho-
liques. Il se servait au besoin d' un certain Giani, qui était
son pénitent, sculpteur, originaire de Cerano in Vall' lntelvi,
au-dessus du lac de Côme: à tous ceux qui se présentaient à la
librairie dans le magasin de Hyacinthe Marietti [ctani] donnait à
un prix peu élevé, voire gratuitement, La pratique de l,amour
envers Jésus Christ, Les gloires de Marie, Le grand moyen de
la prière, Les visites au Très Saint Sacrement. Bien vite ces
livres précieux coururent dans les mains d'un très grand nombre de

6.6 Page 56

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42
religieux, de religieuses et notamment de jeunes étudiants. Avec
les ouvrages ascétiques le Thêol. Guala faisait distribuer aux prê-
tres la Théologie Morale du Saint et l'Homo Apostolicus, qui en
constitue le rêsumé. Il les donnait directement à un grand nom-
bre de prêtres de ses connaissances, tandis que Giani en faisait
cadeau aux curés et à d'autres ecclésiastiques lorsqu'ils venaient
au magasin du Typographe Marietti faire provision de livres, ou
encore en enveloppait les précieux volumes, sans qu'ils fussent
demandês, dans les paquets de ceux qui par écrit passaient
commande de livres.
Par ce moyen beaucoup d'idées commencèrent à être rec-
tifiées et beaucoup de personnes se mirent à retourner sur le
droit chemin. Grâce à une telle activité ingénieuse, sainte et
héroïque, une grande partie du clergé fut en outre amenée à êtu-
dier les principes moraux de St Alphonse. En ces jours-là, parmi
les théologiens, était très agitée la question du probabilisme, comme
on I'appelle, et du probabiliorisme. Les promoteurs du premier sui-
vaient les avis du Docteur Saint Alphonse de Liguori dont les ceuvres
avaient été par I'Eglise louées et proclamées exemptes de toute censu-
re ; et les partisans du second s'en tenaient au contraire aux opinions
de quelques auteurs rigides dont Ia pratique, non réglée par la pruden-
ce, pouvait conduire à un rigorisme déraisonnable et pernicieux pour
les âmes. Or le Théologien Guala visa avec I'institution du Convitto
Ecclesiastico à enlever cette dissension et, en plaçant au centre de
chaque opinion la charité et la mansuétude de Notre Seigneur Jésus
Christ, il réussit à la faire cesser en grande partie, obtenant que St Al-
phonse devînt le Maître de nos Ecoles de Morale, pour le plus
grand avantage des fidèles et la tranquillité des consciences.
Toutefois au début, dans son enseignement à ses élèves, il dut
faire lire l' [ouvrage d'] Alasia qui était le texte adopté dans les
écoles, tout en consultant sans cesse St Alphonse, qu'il avait I'ha-
bitude d'appeler NOTRE SAINT. En ce temps-là combattre les opi-
nions d'Alasia était dangereux. Les leçons étaient menées avec la

6.7 Page 57

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43
plus grande circonspection ; en effet, si l'information de cette nouvel-
le orientation donnée aux études de la Morale était parvenue aux
oreilles des Directeurs de l'Intruction dans l'Archidiocèse, elle aurait
suscité de lourds obstacles pour l'æuvre sainte entreprise.
Comme bras droit, le Théologien Guala avait D. Joseph
Cafasso, son suppléant dans les conférences de morale et son succes-
seur par la suite. Avec une vertu qui résistait à toute épreuve, avec un
calme prodigieux, avec une adresse et une prudence admirables, avec
une piété remarquable et tout à la fois simple et modeste, D. Cafasso
fit tout à fait disparaître du Piémont I'acrimonie qui, chez quelques
probabilioristes, demeurait encore contre les disciples de Liguori, et il
coopéra efficacement à former un clergé instruit et exemplaire.
Une mine d'or se cachait également dans un Prêtre turi-
nais, le Théologien Félix Golzio, alors étudiant au Convitto. Dans sa
vie cachée il fit peu de bruit, mais inlassable dans le travail, d'une
humilité et d'une science profondes, il était un grand appui pour Guala
et pour Cafasso qui I'aimaient et l'estimaient hautement.
L'exercice du ministère de ces trois Prêtres ne se réduisait
pas aux limites du Convitto et de I'Eglise attenante ; mais il s'étendait
bien au-delà. Les prisons, les hôpitaux, les Institutions de bienfaisan-
ce, les malades à domicile, les palais des grands et les taudis des pau-
vres, les villes et les villages voisins connurent par expérience les ef-
fets salutaires de la charité et du zèle de ces trois flambeaux du Clergé
turinais ; bien plus de leur lumière et de leur chaleur bienfaisantes,
même après leur extinction, jouissent encore les Diocèses Piémontais
grâce aux nombreux disciples qu'ils laissèrent. Qu'il suffise de nom-
mer parmi ces derniers le Théologien Jean-Baptiste Bertagna, compa-
triote de notre D. Bosco, Evêque Titulaire de Capharnaüm, quelque
temps Coadjuteur de Turin, et à son tour excellent maître de Morale.
A l'école de ces grands modèles du Sacerdoce, de ces

6.8 Page 58

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44
maîtres éminents était donc invité D. Bosco. Sage était le conseil de
D. Cafasso. En dehors du Convitto il demeurait difficile pour D. Bos-
co de mener une étude complète et bien faite de la morale pratique
qui était nécessaire à sa mission future très diversifiée : parce
que, dans son pays natal, il aurait êté obligé de s'en tenir à une
étude personnelle insuffisante par rapport au besoin, ou parce
qu'en dehors de son pays natal, privé .de moyens, il aurait se
procurer la subsistance par des occupations étrangères au Minis-
tère sacré et par des relations excessives avec des personnes du
monde. Par le passé, le manque de cet Institut bienfaisant avait
entraîné la pénurie de confesseurs experts pour toutes sortes de
personnes et causé par conséquent une certaine difficultê dans le
peuple chrétien pour fréquenter les Sacrements. Et à présent
D. Bosco ne profitera pas de cette bénédiction du ciel pour se
rendre apte à guider des milliers et des milliers d'âmes, de tout
âge, de tout sexe, de toute classe sociale, de tout ordre et grade
sacerdotal et religieux ? Le prêtre doit avoir une science capable
de distinguer entre " le sacré et le profane, l'impur et le pur (1) "
et de ne pas imposer des obligations que n'impose certainement
pas la loi. De plus les conseils de D. Cafasso étaient des ordres
et des inspirations célestes pour D. Bosco. Et crest pourquoi il en
accepta de bon grê la suggestion et, renonçant généreusement à
tout emploi lucratif, voire à la sainte satisfaction qui le portait à
s'occuper sans tarder des jeunes de son village, dans le pressentiment
que Dieu lui aurait plus tard confié tant et tant d'autres jeunes il se
décida à entrer au Convitto Ecclesiastico.
De ce fait, le 3 novembre 1841, en l'Eglise de Castelnuo-
vo il célébrait la Messe alors qu'il se mettait en route pour s'é-
tablir à Turin. Ce que furent ses pensêes et ses sentiments en
ce moment solennel, il nous semble le trouver rapporté sur un
(1) I-v to,to.

6.9 Page 59

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45
vieux papier écrit de sa main à une époque de peu postérieure à
cette année-là:
" Les paroles du Saint Evangile : Ut filios Dei, qui erant dispersi,
congregaret in unum (1) qui nous font connaître que le Divin
Sauveur est venu du ciel sur la terre pour réunir ensemble tous
les fils de Dieu dispersés dans les différentes parties de la terre,
il me semble qu'on puisse les appliquer à la lettre à la jeunesse
de nos jours. Cette portion, la plus délicate et la plus précieuse,
de la société humaine sur laquelle se fondent les espérances d'un
avenir heureux n'est pas par elle-même de caractère pervers. Une
fois enlevées la négligence des parents, la paresse, la rencontre
de mauvais camarades à laquelle ils sont particulièrement exposés
les dimanches et jours de fête, il s'avère très facile d'introduire
dans les tendres cæurs les principes d'ordre, de bonnes mæurs,
de respect, de religion ; en effet, s'il arrive parfois qu'ils soient
déjà détraqués à cet âge, ils le sont plutôt par irréflexion
que par méchanceté consommée. Ces jeunes ont vraiment be-
soin d'une main bienfaisante qui prenne soin d'eux, les édu-
que ensuite à la vertu, les éloigne du vice. La difficulté
consiste à trouver un moyen de les réunir, de pouvoir leur
parler, les former à la morale. Telle fut la mission du Fils
de Dieu : cela ne peut être fait que par sa sainte Reli-
gion. Or cette Religion, qui est éternelle et immuable en soi,
qui fut et sera sans cesse et à jamais en tout temps la maîtresse
des hommes, contient une loi si parfaite qu'elle sait se plier aux
événements des temps et s'adapter au caractère divers de tous les
hommes. Parmi les moyens susceptibles de répandre I'esprit de
religion dans les cæurs en friche et à l'abandon, on retient les
Oratoires... Lorsque je me suis donné à cette part du Ministère
Sacré, j'entendis affecter chacune de mes fatigues à la plus grande
(1) fn 11,52 [Pour rassembler dans I'unité les enfants de Dieu dispersés].

6.10 Page 60

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46
gloire de Dieu et en faveur des âmes, j'entendis m'employer à faire
de bons citoyens sur cette terre, pour qu'ensuite ils fussent un jour de
dignes habitants du ciel. Dieu m'aide à pouvoir continuer ainsi
jusqu'au dernier souffle de ma vie ".
De ces lignes il transparaît que l'idée première qui lui ait
été manifestée dans les rêves fut celle d'un seul troupeau conduit
par un seul pasteur, la mission même de Jésus Christ. Il aspirait à
réunir non seulement les enfants de Turin et des environs, mais aussi
ceux de toutes les nations de la terre, chrétiennes et païennes, catho-
liques, schismatiques, hérétiques, sauvages et civilisées, et à faire
connaître à toutes le vrai Dieu et son Fils Jésus Christ. Sa charité
ne devait pas avoir de limites. " IJn amour tendre envers le prochain,
écrivait St François de Sales, est l'un des plus grands, des excellents
dons que la divine bonté puisse faire aux hommes ". Et c'est pourquoi
: dans sa décision D. Bosco s'écrie Sauvons la jeunesse !
D. Bosco s'éloigne de Castelnuovo, mais " ses chemins
sont chemins de délices, tous ses sentiers mènent au bonheur (1) ".
Il est dépourvu de moyens humains, n'a pas d'argent en poche, mais
dans son cæur habite Jésus Christ ; enraciné dans la charitê et rempli
de la plénitude de Dieu, il s'abandonne en " Celui dont la puissance...
est capable de faire... infiniment au-delà de tout ce que nous pouvons
demander ou concevoir (2\\ ", et de ce fait il chemine en toute
simplicité et avec confiance il s'avance vers cette ville qui, au moins
confusément, lui avait été précédemment annoncée.
C'est, nous semble-t-il aussi, à ce voyage qu'il faisait al-
lusion lorsque nous I'entendîmes prononcer à Alba le panégyrique de
Saint Philippe Néri. Il entra dans le sujet ex abrupto et d'une manière
(1) Pr 3,17.
(2) vp t,zo.

7 Pages 61-70

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7.1 Page 61

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47
poétique. Il imagina se trouver sur I'une des collines de
Rome, la ville étendue devant lui, et voir un jeune homme
qui, fatigué par un long chemin, s'arrête absorbé en de gra-
ves pensées, le regard fixé sur ce splendide panorama... Puis
il continuait : Approchons-nous et interrogeons-le.
homme, qui êtes-vous et que contemplez-vous avec
t-antJde'uanne-
xiété ?
e-t
Je suis un
une pensée
pauvre étranger ; je contemple
occupe mon esprit ; mais je
cette grande ville,
crains que ce ne
soit folie ou témérité.
- Laquelle ?
en-fanMtse,
vouer
qui
au bien de tant de pauvres
par manque d'instruction
âmes, de tant de pauvres
religieuse marchent sur
la route de la perdition.
-
br-e
Etes-vous instruit
J'ai fréquenté peu
des savants.
?
d'écoles
et
je
ne
suis
pas
compté
au
nom-
ch--aritARavbieelenzm-v;eonjutesmdnee'asdimopnoanyesenmusnomnmapoarrticereolsanu?cdheaqpueaijno,urh. ormis celui que
sa--geAJmsv'eenzsr-2tvioaruciescnodrdde'aésuéptrgaelrisqecuhs',uanraietvée.czhM-vaomeusbsrpedeenbsdamsesraieeisseontsséot?nrotituendeosnimt pI'ule-
corde tirée d'un mur à l'autre sur laquelle je place mes habits et
tout mon trousseau.
so-urcCeosmemtenstandsonscituvaotuiolenz-evnoturespsraennsdrneoumn,esaænsuvsraevoaiur,sssai ngsigraens--
tesque ?
m-éritÇesrgqstuvi rmaie:
c'est justement le
donne à réfléchir.
manque de
Dieu d'autre
moyens et de
part qui m,en
inspire le courage, Dieu qui des pierres suscite des fils
d'Abraham, ce même Dieu est celui qui...
pe-ndAitimleezd-viaoluosguNeo, trdeé-Dcraimviet
I?'as-peDct.
Bosco, à ce moment, sus-
du jeune homme, l'éclair

7.2 Page 62

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48
dans les yeux devant une telle demande, son sourire, sa réponse.
Il
-PfiunPisithDipli.papBreolusNci oédreeim,ntarrénapdodernadn3ist-
Ç616ent vous appelez-vous ?
le jeune homme.
son sujet, développant pour ses
audi-
teurs la mission accomplie à Rome par St Philippe. Eh bien, quand
ialuedûittepurrosnocnocrérigleesamàovtso:ix-
Philippe
basse : -
Néri
Jean
!Bo-scopl!usJeda'nunBopsacromi!
les
Ces splendides images, en effet, durent se trouver dans
son esprit, lorsque, depuis les collines de Soperga [= superga;
prononcer Souperga], il vit apparaître la ville de Turin. Son zèle
était si grand, sa confiance si totale d'être aidé par la divine
Providence qu'il était prêt à ne jamais reculer en face de n'impor-
te quelle fatigue ou de n'importe quel danger. Dans les entreprises
qui lui étaient proposées, il observait si elles étaient nécessaires
ou de grande utilité pour la gloire de Dieu et le salut des âmes,
ensuite il étudiait les moyens auxquels il s'accrocherait, les choi-
sissait avec un rare bon sens et les mettait à exécution allant de
I'avant avec un vrai courage et avec la certitude que le Seigneur
ne I'abandonnerait pas. C'est seulement à travers cette constatation
que nous pouvons nous expliquer le grand bien qu'il a accompli.
De toutes ses æuvres on peut dire sans elreur que cæpit et
perfecit [il commença et acheva], aucune ne resta à moitié, malgré
les difficultés et les dépenses ênormes qu'il dut rencontrer.
En plus de cela, non seulement Dieu et sa Très Sainte
Mère lui avaient déjà tracé la route, mais, tout au long de
celle-ci, ils avaient disposé, en des lieux et des moments op-
portuns, des compagnons et des coopérateurs qui sous toutes
les formes seraient ses auxiliaires puissants. D. Bosco écrivait
plus tard aux membres du Comitê du Cercle Catholique de
Dinan le 31 octobre 1887 : " La Divine Providence, comme pour
ôter tout mérite à mon abandon total à ses volontés, au cours
de ma vie déjà longue, a toujours fait en sorte que je trouve sur

7.3 Page 63

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49
mon chemin des âmes remplies d'un héroïque esprit de sacrifice,
des cæurs incomparablement généreux ". Et parmi ces personnes
il y eut un très grand nombre de prêtres, hommes de grande
sainteté, si bien que nous avons entendu D. Bosco lui-même ré-
: péter " L'æuvre des Oratoires et de la Pieuse Société de St François
de Sales est l'æuvre du Clergé ". Le premier fut D. Cafasso, au su-
jet duquel on entendit souvent D. Bosco s'exprimer en des ter-
mes de profonde gratitude, ce qu'il laissa par écrit sur l'un de
: ses papiers " Si j'ai accompli quelque chose de bien, je le dois à ce
digne ecclésiastique, entre les mains de qui je remis chacune de mes
décisions, chaque projet, chaque action de ma vie ".

7.4 Page 64

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50
CHAPITRE V
Accueil au
D. Cafasso -
Convitto - Vie
Modèle recopié.
commune
-
Le Théol. Guala et
Lo trodition rapporte qu'à Turin le Couvent St-François
d'Assise, I'on avait établi le Convitto Ecclesiastico, a été fon-
en 1210, en même temps que celui de Chieri, par St François
d'Assise lui-même venu en Piémont. En 1834, par décret de I'Ar-
chevêque, St François de Sales et St Charles Borromée, qui avaient
fondé et promu des institutions semblables, avaient été, déclarés
Protecteurs de ce Convitto, et le Bienheureux Sébastien Valfrè,
véritable modèle de sainteté sacerdotale, en avait été proclamé le
Patron.
A peine parvenu en ces lieux, D. Bosco se rendit aussi-
tôt dans le bureau de D. Cafasso. Ce dernier, ainsi qu'il avait I'habitu-
de de faire avec tous les étudiants du Convitto, s'avança pour le ren-
contrer sur le pas de la porte, avec un doux sourire aux lèvres et avec
toute I'expression de la bonté d'un père. Il s'informa sur la manière
dont il avait passé les vacances, s'intéressa à sa santé, demanda des
nouvelles des parents, du curé, d'autres prêtres du pays et de sa propre
famille, et, pour finir, à travers quelques paroles affectueuses, il lui
expliqua la substance du règlement et I'esprit de la Maison. Il termina
en lui disant que c'était chose entendue : il n'aurait rien à payer pour la
pension, telle était la décision du Supérieur le Théol. Guala.

7.5 Page 65

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51
En ces temps-là, le Convitto possédait de nombreuses ren-
tes : un grand nombre d'étudiants avaient obtenu de payer un prix
réduit de pension, certains avaient été acceptés gratuitement. A
quelques-uns D. Guala et D. Cafasso avaient en secret remis la
somme nécessaire pour payer à I'Econome la pension complète,
afin que personne ne vînt à connaître la gêne de leurs honorables
familles.
D. Bosco, pénétré de vive gratitude, prit congé de D. Ca-
fasso et courut chez le Supérieur, homme vénérable sur les
soixante-six ans, pour le remercier de sa générosité ! Il le trouva
la tête un peu penchée, assis devant le bureau, souffant de
rhumatismes aux jambes. Aux marques d'un accueil joyeux et
cordial D. Bosco s'aperçut que D. Cafasso avait parlé au Supérieur
en sa faveur. Lui fut attribuée une pièce meublée avec simplicité,
mais d'une netteté irréprochable, car la propreté et le bon ordre
régnaient partout dans cette Maison, signes extérieurs de l,ordre
spirituel et moral.
Le soir venu, rentrês en leur maison, tous les nouveaux et
les anciens du Convitto, regroupés çà et en petits cercles, re-
nouvelaient les relations commencées au Séminaire, en nouaient
fraternellement de nouvelles et, en des conversations animées, mais
non bruyantes, attendaient la sonnerie de la cloche. Ils entrèrent à la
Chapelle et vint le Supérieur qui entonna le Veni Creator avec une
expression de recueillement et de joie. Ainsi s,ouvrait l,année sco-
laire.
Dans les premiers jours on expliquait les règles qui étaient
peu nombreuses, empreintes d'une grande modération et rédigées
de manière à ce qu'en fût possible l'observance même en dehors de la
communauté, afin que les prêtres fussent incités à la continuer au
milieu du monde, lorsqu'ils seraient livrés à eux-mêmes. prière du
matin et du soir, assistance à la Messe pour ceux qui n'étaient pas

7.6 Page 66

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52
encore prêtres, avec le chant avant la Communion d'un couplet de
cantique ; visite au Saint Sacrement, récitation du Chapelet, médita-
tion d'une demi-heure et un quart d'heure de lecture spirituelle ; autant
d'exercices en commun. Confession hebdomadaire, mortification le
vendredi, silence en dehors des heures de récréation, récollection
mensuelle ; deux conférences d'enseignement par jour, puis travail
d'étude dans la salle commune ; promenade le soir régulièrement deux
par deux, en évitant les endroits les plus fréquentés de la ville ; inter-
diction d'assister aux spectacles publics ou de s'arrêter dans les cafês.
Notons au passage que D. Bosco a mis en vigueur, spé-
cialement dans les Maisons où il y a des étudiants, les anciennes pres-
criptions gouvemementales pour les pratiques de piété ; et que plus
tard pour ses Salésiens il ajoutait celles du Convitto Ecclesiastico.
Voilà sa vie : accroître sans cesse sa science pratique, s'appuyer sur
l'expérience des aînés, réunir des moyens pour atteindre le but que lui
indiquait la Divine Providence.
Le Théol. Guala exigeait que le Règlement fût observé
dans toutes ses prescriptions ; aucune punition n'étant fixée pour qui
aurait transgressé, car les étudiants devaient être traités en hommes et
non comme des enfants, si quelqu'un n'avait pas obéi malgré plusieurs
avertissements, il était prié de se procurer un autre domicile. Il se
montrait plutôt sévère avec les étudiants du Convitto, il était toujours
derrière eux dans toutes leurs démarches ; en cas de manquement, il
appelait tout de suite le fautif à fournir une explication de ses actes. [l
avait cependant le pardon facile, si le coupable reconnaissait sa faute.
Il exigeait que chacun des étudiants du Convitto s'appliquât à mettre
en pratique, en chaque action, I'avertissement du Très saint Concile
de Trente, Sess XXIII chap. I De Reforrn.. " Sic decet omnino
clericos in sortem Domini vocatos vitam moresque suos ita com-
ponere, ut habitu, gestu, incessu, sermone, aliisque omnibus nihil
nisi grave, moderatum ac religione plenum praeseferant. Levia
etiam delicta, quae in ipsis maxima essent, effugiant, ut eorum ac-

7.7 Page 67

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53
tiones cunctis afferant venerationem " l" Ainsi il convient tout à fait que
les clercs appelés à former la part du seigneur règlent leur vie et Ieurs mæurs de
sorte que, dans le comportement, I'attitude, la démarche, la conversation et tout le
reste, ils ne présentent rien qui ne soit grave, modéré et plein de sentiment reli-
gieux. Les manquements même légers, qui chez eux seraient très grands, qu,ils les
évitent afin que leurs actions soient cause de vénération envers l'ensemble tout
entier "].
D. Cafasso leur répétait sans cesse : " Devenez saints ! Le
Prêtre ! C'est un grand mot, une grande dignité, mais tout à la fois de
grandes obligations qui exigent des vertus en proportion. Un prêtre
peut être considéré par les hommes comme un saint et ne pas l'être
devant Dieu. Un tiers des vertus propres à l'ecclésiastique suffit pour
le faire passer en odeur de sainteté auprès des hommes, tandis qu,il ne
peut pas l'être aux yeux de Dieu qui voit le secret des cæurs. Un
prêtre, qui I'est vraiment, va facilement au paradis au moment de la
mort ; mais s'il n'est pas prêtre entièrement, il est beaucoup plus
probable qu'il tombe en enfer qu'en purgatoire ',.
Et de sainteté sacerdotale, les étudiants du Convitto en
avaient continuellement deux modèles sous les yeux. Le Théol. Guala
dirigea le Convitto pendant 3l bonnes années. Cet homme de grande
pénitence, de jeûnes et de cilices, tous le voyaient très fidèle au
Règlement commun. Jusqu'à 10 heures, il se tenait à son con-
fessionnal près de I'autel de I'Immaculée, priant ou confessant.
Ensuite il montait à la chaire d'enseignement pour la conférence du
matin. Le reste du jour, il prêchait, rendait visite à des malades et à
des prisonniers, distribuait de fortes aumônes aux familles des
pauvres. Il avait l'habitude d'aller à la citadelle pour confesser et
réconforter les soldats condamnés à être fusillés. Le temps de
récréation, il le passait en partie avec ses étudiants en compa-
gnie de D. Cafasso. Or il était rare, à cette époque, de voir en
de telles institutions les Supérieurs se lier d,amitié avec leurs
disciples.

7.8 Page 68

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54
D. Cafasso, entré au Convitto le 28 janvier 1834 comme
simple étudiant, prit le 29 juin 1836 les pouvoirs de confession et fut
nommê en cette même année chargé de cours de morale, partageant a-
vec le Théol. Guala les fatigues de l'enseignement jusqu'en 1844.Il é-
tait, pourrais-je dire, une copie parfaite de toutes les vertus du Théol.
Guala et, bien que petit, fluet et quelque peu rempli de défauts dans sa
personne, il mena pourtant toujours sans répit son continuel travail en
chaire, au confessionnal, dans Ia salle de cours, dans les prisons et
dans l'assistance des condamnés à mort par les tribunaux d'affaires
criminelles. D,aspect plutôt sérieux, il recevait les demandes des étu-
diants avec plus de complaisance que le Théol. Guala qui, en raison
de cela, leur disait en bien des cas : Ite ad Joseph [Allez voir Joseph],
c'est-à-dire Cafasso. Ce dernier prenait grand soin de la santé corpo-
relle des étudiants du Convitto, et il était enclin à permettre aux plus
faiblards la promenade du matin et à les dispenser de I'abstinence de
viande, leur ordonnant de n'avoir en cela aucune sorte d'inquiétude,
mais d'obéir. Qu'ils se conservassent robustes afin de fournir un grand
travail, tel était son désir. Lui pourtant se mortifiait beaucoup, étant
d'une extrême rigueur pour lui-même les jours de jeûne.
" Mais rien n'est aussi merveilleux dans la vie privée de D. Ca-
fasso que son exactitude à observer les règles du Convitto : c'est ainsi
qu'à son sujet D. Bosco s'est exprimé dans ses écrits. En tant que
supérieur, il aurait pu se dispenser sur plusieurs points, soit en raison
de sa santê précaire, soit pour le poids et la multitude des occupations
qui d'une certaine manière I'accablaient. Mais il s'était fixé dans l'es-
prit que le plus efficace des commandements d'un supérieur réside
dans le bon exemple et le fait de précéder les sujets dans I'accomplis-
sement des devoirs respectifs. C'est pourquoi dans les plus petites
choses, dans les pratiques de piétê, pour se rendre aux conférences,
aux heures de la méditation, des repas, il se comportait comme une
mécanique que le son de la cloche portait quasi instantanément à ac-
complir le devoir indiqué. Un jour, je m'en souviens, on lui apporta
un verre d'eau dont il avait besoin. Il I'avait déjà en main, quand il en-

7.9 Page 69

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55
tendit la sonnerie pour le Chapelet. Il s'arrêta de boire, déposa le verre
edVtioss-ujeele,rzee-nvtdoeiutnssim,umimteeévdroiéautpseomanredrniivtte-iàrl,eczveotetuenlecpozrr-aevtoiqàuusteempdrpeésfpépiréoetuér ru:cne-tvteerpBreruvder'eeza., ul-uài
une prière aussi précieuse que le Chapelet que nous disons en I'hon-
neur de Marie ? ".
D. Cafasso tenait la conférence du soir. De l'étude longue,
profonde, non interrompue sur les auteurs les plus célèbres en matière
de morale, des confrontations entre les opinions d,Alasia et de St Al-
phonse et de l'attention aux notes de cours de son vénéré maître il a-
vait retiré une singulière facilité à cueillir au vol le fond d'un problè-
me et à résoudre au pied levé même les cas les plus difficiles et les
plus embrouillés. Dans les annotations sans nombre qu,il a laissées en
marge de ses volumes, il présente les questions les plus importantes
avec un tel ordre, une telle clarté, une telle concision et une telle
précision qu'il s'avère très facile de les comprendre et plus encore de
les retenir. De ces annotations remises en ordre et complétées, il tira
plus tard un résumé substantiel de toute la morale, connu sous le nom
de trattatelli [petits traités] qu'il laissa lui-même entre les mains de plu-
sieurs étudiants du convitto et dont tous à qui mieux mieux tiraient
des copies. C'est un gros volume d'environ 400 pages.
Ce saint prêtre, ce maître expert dans I'art de bien diriger
les âmes, D. Bosco le choisit dès le tout début du cours comme
directeur spirituel et, à partir de ce moment-là, il se confessa à lui
toujours régulièrement chaque semaine. Il lui professait une grande
vénération, avec I'affection et le respect d,un fils, parce qu,il était son
compatriote mais plus encore son guide sûr dans la voie de la per-
fection et de la sainteté lui demandant toujours conseil en chacune de
ses actions ou entreprises. Bien plus D. Bosco voulut prendre comme
modèle D. cafasso : il sut tellement recopier en lui-même cet exem-
ple qu'un grand nombre de mots, de faits, de méthodes et de trucs du
maître furent, dans le but de promouvoir la gloire de Dieu et le salut

7.10 Page 70

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56
des âmes, reproduits de très nombreuses fois au cours de sa longue
vie. A ses yeux, la conduite de D. Cafasso semblait répéter en per-
manence I'exhortation de I'Apôtre Paul: Imitatores mei estote, sicut
et ego Christi.' Soyez mes imitateurs, comme je Ie suis du
Christ (1).
(1) t co a,to.

8 Pages 71-80

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8.1 Page 71

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57
CHAPITRE VI
mSIepisseèpcrtreaisscolehnupsmit-aoinyeaLsbel-esedPceorsouprjsheéuatniueexsdpuàauVl'vaérbneéasrna-dbotenDCe-ortntoiDeler.ngtBaoo.bslecoaudadness
Lo mystérieuse flamme, qui poussait D. Bosco à prendre
soin de la jeunesse, s'alluma de plus en plus dans son cæur, lors de
son arrivée au convitto, à la vue de la misère et de I'abandon dans les-
quels se trouvaient de nombreux jeunes dans la capitale du piémont.
Dans les localités importantes, dans les villes plus peu-
plées la jeunesse présente un spectacle certainement bien plus pitoya-
ble que dans les villages de campagne. A qui passe à côté des bou-
tiques et des usines il arrive bien souvent d'entendre retentir des
ricanements équivoques, de grasses chansons triviales, des jurons
et des cris et, parmi les voix d'adultes, se distinguer aussi celle
du jeune qui, parfois, frappé et poursuivi par un patron inhumain,
pleure, s'emporte de rage, s'endurcit et se renferïne en des pen-
sées de haine et de vengeance. En longeant les maisons en cons-
truction, on voit des enfants âgés de huit à douze ans qui ont
encore tant besoin des soins et des caresses d'une mère, qui sont loin
de leur village, servir les maçons, passer leurs journées à monter et
descendre sur des êchafaudages mal assurés, au soleil, au vent, à la
pluie, gravir les raides échelles à barreaux, chargés de chaux, de
briques et d'autres poids, n'ayant aucun autre secours éducatif que

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58
de grossières engueulades, un coup ou un morceau de brique
lancé en guise d'avertissement, ou encore une taloche à I'impro-
viste, et tout cela accompagné souvent de blasphèmes. On ren-
contre d'autres gosses, à peine couverts de haillons, que les
parents par négligence, par paresse ou par vice, envoient dans
la rue ou les y jettent, ne voulant pas y aller eux-mêmes' Par-
fois c'est la nêcessité d'un travail ou d'une course à effectuer qui
les fait prendre cette décision afin de pouvoir fermer le taudis,
s'enlevant ainsi toute inquiétude pendant leur absence pour les
pauvres objets qui s'y trouvent. Pourtant souvent c'est le résultat
d'un calcul : en contraignant les enfants à demander l'aumône aux
passânts, en les habituant ainsi à la mendicité et à l'oisiveté, ils
pourront se débarrasser de la dépense nécessaire à leur procurer
le pain. Et ces pauvres gamins sont au coin des rues, le long
des cours d'eau, dans les avenues, salis de boue et de poussière,
à courir, s'amuser, se bagarrer sans que personne ne leur donne
de conseils pour la vie étemelle ; et ils ne voient autour d'eux
qu'exemples malsains, misère et méchanceté qui précocement em-
poisonnent leurs tendres petites âmes. De temps en temps il
arrive qu'on tombe sur un groupe de voyous désæuvrés, ri-
caneurs, provocateurs qui portent gravée sur le visage la marque
de la dépravation, misérables qui bientôt, entraînés par leurs per-
fides compagnons et par leurs passions vers quelque délit, ont
pour perspective les travaux forcés ou peut-être même l'échafaud ;
et il n'y a personne qui pense à leur tendre à temps la main
pour les sauver de la justice, la divine comme I'humaine. A la
tombée de la nuit, on voit ces bandes d'ouvriers qui, rentrant du
travail, montent à la mansarde aux odeurs répugnantes ou des-
cendent dans les profondeurs secrètes de certaines salles souter-
raines, et là, je dirais presque empilés pour pouvoir à un grand
nombre payer le loyer, ils prennent le repos après la journée fa-
tigante. Et au milieu d'eux des mioches, privés de parents proches
ou par eux abandonnés, respirent I'air corrompu de ces igno-
bles abris et ternissent en ces compagnies les premières fleurs de

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59
leur vie, n'entendant jamais une bonne parole, une recommandation
chrétienne.
Cet affligeant tableau se présenta à D. Bosco dans toute
son horreur dès les premiers jours de son séjour à Turin. Après avoir
mis en ordre ses affaires au Convitto, ainsi que lui-même nous I'a
raconté plusieurs fois, il voulut tout de suite se faire une idée de la
condition morale de la jeunesse de la capitale en en parcourant les di-
vers quartiers au cours de ses promenades quotidiennes. Ces jeunes
ainsi délaissés, vagabonds, au milieu de bandes provocantes étrei-
gnaient son cæur et le faisaient gémir de compassion. Parfois rencon-
trant à I'improviste ces pauvres petits, il les appelait à lui, leur donnait
en cadeau une médaille ou une petite pièce de monnaie et les interro-
geait sur les premières vérités de la foi, mais ils ne savaient répondre.
Les dimanches et jours de fête surtout il prolongeait ses
explorations et ressentait de la peine à voir un grand nombre de jeu-
nes de tout âge qui, au lieu de se rendre à l'Eglise, erraient à travers
les rues et sur les places à regarder avec un émerveillement stupide
les personnes parfumées qui, étalant leur luxe, allaient et venaient au-
près d'eux sans se soucier de I'indigence d'autrui, tandis que derrière
le vitrage d'infâmes bistrots, à la lumière de lanternes noircies par la
fumée, d'autres picolaient et faisaient la fête, les cartes à jouer en
main. Ces bandes, notamment celles qui aux alentours de la citadelle,
dans les prés au-delà de l'octroi et dans les faubourgs jouaient de ma-
nière inconvenante, bagarraient, blasphémaient et tenaient des propos
obscènes, pour ne rien dire de pire, étaient pour lui la traduction, sur
un mode vivant et dans sa vérité, du rêve qu'il avait fait à l'âge de dix
ans, et il avait de plus en plus la conviction que c'était le champ à
cultiver que lui avait désigné la vénérable dame, la Sainte Vierge.
Plus d'une fois, à voir ce prêtre s'avancer bien seul parmi
eux et s'arrêter à les observer, ces jeunes garçons effrontês se
moquaient de lui ; mais leurs railleries et leurs insultes sonnaient

8.4 Page 74

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60
à I'oreille du jeune prêtre à la façon des cris poussés par le prophète :
Parvuli petierunt panem, et non erat qut frangeret eis (1). Des enfants
affamés demandaient le pain de la parole de Dieu et il n'y avait per-
sonne à être touché de compassion envers eux et à le leur partager. Et
donc, chemin faisant, il méditait en lui-même sur le moyen de les ras-
sembler en un endroit dans le plus grand nombre possible, de les
soustraire à ces dangers, de les tirer du désæuvrement et des mauvai-
ses compagnies, de leur prêter assistance, de les instruire, de leur fai-
re respecter le dimanche et les jours de fête, de les porter aux Sacre-
ments. D. Bosco comprenait qu'ils n'allaient pas au catêchisme parce
que personne ne les envoyait ou ne veillait à ce qu'ils s'y rendissent.
Les Curés s'occupaient avec ardeur dans le ministère sacré
et il y avait beaucoup à faire. En général, les citadins avaient le souci
d'envoyer leurs enfants à I'Eglise et la plupart les y accompagnaient ;
mais il y avait deux catégories nombreuses réellement à I'abandon. En
ces jours-là, Turin commençait à s'agrandir, les usines s'accroissaient,
et donc accouraient pour ces travaux des milliers d'ouvriers, anciens
et jeunes, venus du pays de Biella et de la Lombardie. Ils partaient de
leurs villages avec une instruction, mais ici ils ne savaient où aller ni
comment se présenter aux Curés, et par suite oubliaient les vérités ap-
prises et n'accomplissaient pas les devoirs du bon chrétien. Egale-
ment, dans les quartiers plus éloignés qui n'êtaient pas trop accessi-
bles aux prêtres, une partie du peuple se tenait à l'écart des paroisses
et vivait dans une grande ignorance des choses de la religion.
D. Bosco voyait donc un champ très vaste ouvert à son zè-
le ; mais, se rappelant la prudente maxime de St François de Sales :
" Suivre et non précéder les pas de la Divine Providence ", quoique
avec un peu de sainte impatience, il attendait I'heure êtablie par elle.
(1) lln 4,4 lLes petits enfants réclament du pain : personne ne leur en parta-
ceI

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6l
Si ce n'est que le tableau de la désolation et du mas-
sacre que produisent chez les jeunes le manque de religion et le
mauvais exemple n'était pas encore complet dans l'esprit de D. Bosco.
Pour s'en former une idée exacte, il avait besoin de se rendre dans les
hôpitaux, de s'enfoncer dans les misérables mansardes des pauvres, de
pénétrer dans les prisons, où tous ils se regroupent, les malheurs
que l'irréligion et Ia comrption des mæurs précipitent sur les êtres
humains touchés par la misère. Et la Providence Divine avait donc
disposé que, depuis le Convitto, D. Bosco pourrait se rendre en de tels
endroits pour y redoubler I'ardeur de son zèle pour le salut des jeunes.
Le Théol. Guala, homme au cæur très généreux, avait I'ha-
bitude d'envoyer chaque semaine aux prisonniers, surtout à ceux du
Correctionel [sic], du tabac, du pain et même de I'argent ; et pour ce
service de charité il mettait à contribution les étudiants du Convitto
qui allaient faire le Catéchisme dans les prisons.
D'autre part D. Cafasso, rattaché depuis plusieurs années à
la Compagnie de la Miséricorde composée de trois cents confrères,
était comptê parmi les huit qui seuls avaient été choisis pour visiter
les prisons et secourir les détenus dans leurs besoins spirituels et tem-
porels ; parmi eux il était le plus zélé..Les prisons étaient, peut-on di-
re, son élément et les prisonniers ses enfants. Visiter tant de malheu-
reux était un besoin de son cæur. Désireux que son disciple et compa-
triote D. Bosco se joignît à lui sur le terrain, convoité, de son activité,
il le conduisit donc aux prisons. De la manière dont s'exprime D. Bos-
co pour décrire les prodiges du vénérê maître dans les prisons, nous
pouvons bien dêduire quelles ont été ses premières impressions lors-
qu'il le suivit, et qu'il en partageait les sentiments et les pensées.
" Le prêtre Cafasso y entre, dit D. Bosco. Ne I'effraient ni les
sentinelles ni les gardiens ; il passe les portes de fer et les
grosses grilles ; il ne s'émeut pas au bruit des verrous ; ne I'ar-
rêtent ni I'obscurité ni I'insalubrité ni la puanteur du lieu. Dans

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62
l'un de ces bouges on rit et on ricane, dans un autre on chante,
et ce sont des hurlements qui tiennent plus d'animaux que d'hu-
maines créatures ; et lui ne se montre pris ni de nausée ni de
gêne : il ne donne même pas de signe d'appréhension à se trou-
ver au milieu d'une foule nombreuse de prisonniers dont un seul
sèmerait la terreur dans un groupe de voyageurs et dans I'armée
elle-même. D. Cafasso est parmi eux. [ci on maudit, on se bat,
là-haut on tient des propos obscènes, là-bas on vomit d'hor-
ribles blasphèmes contre Dieu, contre la Ste Vierge et contre les
Saints. Devant un tel spectacle le courageux prêtre éprouve dans
son cæur une amère douleur profonde mais ne se démoralise pas.
Il lève les yeux au ciel, s'offre lui-même à Dieu en sacrifice, se
met sous la protection de Marie qui est un refuge sûr des pé-
cheurs. Dès qu'il commence à parler à ce nouveau genre d'au-
diteurs, il s'aperçoit tout de suite qu'ils sont devenus malheu-
reux, voire dégradés, parce que leur infortune a êté le résultat
d'un manque d'instruction religieuse plutôt que de leur propre
méchanceté. Il leur parle de religion, et il est écoutê ; il s'offre
à revenir, et il est attendu avec plaisir. L'intrépide ministre de
Jésus Christ continue ses catêchismes, invite à l'aider d'autres
prêtres et notamment ses êtudiants du Convitto, réussit enfin à
gagner le cceur de ces gens perdus. On commence les sermons,
on introduit les confessions. D'une telle manière, grâce à I'ceuvre
d'un seul homme, ces prisons qui, en raison d'imprécations, de
blasphèmes et d'autres vices propres à une brute, semblaient être
des fosses de l'enfer, devinrent une habitation d'hommes qui re-
connaissent être des chrétiens, qui commencent à aimer et à
servir le Dieu Créateur et à chanter des louanges à l'adorable
Nom de Jésus ".
Cependant si ces fruits consolants suscitent dès le début u-
ne grande joie chez D. Bosco, c'est une émotion très vive qu'il éprou-
ve, empreinte d'épouvante et de pitié tout à la fois. Rencontrer dans
les prisons des bandes de jeunes et même d'enfants, âgés de douze à

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63
dix-huit ans, tous sains, robustes et d'esprit éveillé ; les voir
inactifs et grignotés par les insectes, en manque de pain spirituel
et de pain temporel, expier en ces liëux de détention, par une
triste réclusion et plus encore par les remords, les fautes d'une
dépravation précoce, tout cela provoque I'horreur chez le jeune
prêtre. Il voit, personnifiés en ces malheureux, l'opprobre de la
patrie, le déshonneur de la famille, I'infamie d'eux-mêmes ; il
voit surtout des âmes rachetées et affranchies par le sang d'un
Dieu pousser au contraire des gémissements dans l'esclavage du
vice, et avec le risque le plus évident d'être éternellement perdues.
Cherchant la cause d'une si grande dêpravation, remar-
quée en ces pauvres jeunes, il lui sembla la trouver non seule-
ment dans le fait qu'ils ont été laissés par leurs parents dans un
déplorable abandon au moment même de leur première entrée
dans la vie, mais bien plus dans leur éloignement des pratiques re-
ligieuses aux jours de fête. Convaincu de cela, D. Bosco disait :
Qui sait, si ces jeunes avaient pu avoir un ami capable de
prendre un soin amoureux d'eux, de leur apporter assistance et
instruction dans la religion aux jours de fête, qui sait s'ils ne se
seraient pas tenus à l'êcart des mauvaises actions et de la ruine,
et s'ils n'auraient pas évité de venir et de retourner en ces lieux
de détention ? En tout cas, c'est sûr, le nombre de ces petits
prisonniers aurait grandement diminué. Ne serait-ce pas une cho-
se de la plus haute importance pour la religion et pour la so-
ciété civile d'en tenter à I'avenir l'expérience au profit de centai-
nes et de milliers d'autres enfants ? Et il priait le Seigneur de
bien vouloir lui ouvrir la voie pour qu'il se dévoue à cette
æuvre de sauvetage en faveur de la jeunesse. Il en communiqua
la réflexion à D. Cafasso, dont il reçut approbation et encou-
ragement et, suivant son conseil et avec ses lumières, il se mit
tout de suite à étudier le moyen de la concrétiser, abandonnant
l'heureux aboutissement à la divine Providence, sans laquelle se
font vains tous les efforts de I'homme.

8.8 Page 78

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64
Par ailleurs, dans sa générositê envers tous les pauvres, le
Théol. Guala, accompagné de D. Cafasso, portait d'ordinaire en per-
sonne à domicile les meilleures aumônes ; il se servait aussi, au
besoin, des étudiants du Convitto par I'intermédiaire desquels périodi-
quement il secourait un très grand nombre d'individus et de familles
qu'il savait se trouver dans la gêne. Et de cela il chargea pareillement
D. Bosco, lui donnant des conseils appropriés de prudence et des
avertissements opportuns afin de porter les pauvres à recevoir éga-
lement, en même temps que la charité matérielle, la charité spirituelle
de paroles douces et aimables et de chrétiennes exhortations.
D. Bosco montait donc vers ces mansardes basses, étroites,
misérables et sales, aux murs noircis, qui servaient de dortoir, de
cuisine, de salle de travail pour des familles entières, où vivaient et
reposaient le père, la mère, les frères et les sæurs, au détriment des
convenances que I'on peut imaginer. Si un malade y était couché, le
visiteur devait quelquefois enjamber trois, quatre paillasses, dont
l'intérieur était broyé et empuanti par une longue utilisation, pour
arriver au coin gisait le pauvre malheureux claquant des dents à
cause de la fièvre ou transi, et lui dire au nom de Dieu un mot de
réconfort. A I'apparition de cet ange consolateur les visages émaciés
et pâles de ces pauvres ouvriers, de ces malheureuses mamans, de
ces tendres enfants s'éclairaient bien vite d'un doux sourire. Et que de
louanges envers les noms de Don Cafasso et du Théol. Guala s'é-
levaient notamment de la bouche des pauvres mères ! Certaines
d'entre elles ignorant les vérités éternelles, d'autres se tenant en marge
de I'Eglise et des Sacrements par honte de leur pauvreté, d'autres
encore irritées et attristées à cause de leur misère ne pouvaient
assurément pas transmettre à leurs rejetons le sentiment religieux
ni I'instruction religieuse qu'elles n'avaient pas elles-mêmes.
D'autres enfin, âmes du Seigneur, s'étant rêsignêes à leur indi-
gence, pleuraient la mauvaise conduite des enfants pervertis par
les exemples paternels ou par les mauvais compagnons. On ren-
contrait parfois des hommes en qui s'était évanoui I'amour pour la

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65
famille, car la voix de la nature se tait, toute affection se détruit, et
tout aussi bien le plus puissant des sentiments finit par s'éteindre,
lorsque I'immoralité s'ajoute à la misère. En présence de leurs propres
enfants, ils osent blasphémer, railler la religion d'une bonne mère et,
dans leur ébriété, insulter de la manière la plus grossière la compagne
que Dieu leur a donnée, allant jusqu'à la frapper. Le sentiment d'hu-
manité apporte la compassion, et la philanthropie les consolations,
mais c'est seulement dans la charité que vient le sacrifice, et préci-
sément grâce à ce sacrifice la religion de Jésus Christ opère des
miracles. L'aumône donne le droit de parler franchement et la
sainte parole est écoutée d'abord avec déférence, puis elle émeut,
et enfin avec le temps elle opère même de splendides conversions.
Ces scènes passaient toutes sous les yeux de D. Bosco, qui en
retirait toujours une profonde impression et qui se persuadait de
plus en plus de la nécessité de fortifier les jeunes dans les pen-
sées de la foi pour résister aux tentations du mal provoquées par
le poids des privations et de la pauvreté.
Mais Ie Seigneur voulait révéler à notre D. Bosco un autre
tableau des misères humaines. Un jour en ces premiers mois, il ren-
contra le vénérable Cottolengo ; ce dernier le regarda en face et lui
demanda de ses nouvelles, puis il lui dit : " Vous avezl'air d'un brave
homme ; yenez travailler dans la Petite Maison de la Divine Provi-
dence, le travail ne vous manquera pas ". D. Bosco lui baisa
la main. promit et, en son temps, il tint parole.
Toujours est-il que quelques jours plus tard, en compa-
gnie d'autres étudiants du Convitto, il se rendit à Valdocco.
L'(Euvre Pie de Cottolengo êtait, dêjà en ces temps, devenue co-
lossale. Commencée avec des débuts bien minces en 1827, sans
revenu fixe, ayant seulement ce que la Divine Providence de cha-
que jour lui fournissait par l'intermédiaire de personnes charita-
bles, elle prospérait au point de compter alors 1800 personnes
des deux sexes : orphelins abandonnés, gens incapables de travailler,

8.10 Page 80

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66
estropiés, paralysés, hébétés, épileptiques, sujets atteints d'ulcères,
malades incurables touchés par toutes sortes d'infirmités plus ou
moins graves et répugnantes, qui avaient été rejetés des autres hôpi-
taux parce que les règlements empêchaient de les recevoir. Et tous ac-
cueillis gratuitement, traités avec la plus grande bonté et pourvus de
la subsistance convenable et de tous les soins nêcessaires à leur état.
De très éminents médecins leur prêtaient même une assistance gratui-
te. De nombreuses et diverses catégories, ou plutôt familles, de per-
sonnes consacrées êtaient chargées de la direction spirituelle et de la
direction temporelle. Des prêtres de la ville venaient en grand nombre
entendre les confessions avec un grand esprit d'abnêgation. Tout cela
continue toujours, multiplié par quatre. C'est une véritable porte du
ciel, car ils sont très nombreux les pensionnaires qui mourraient ail-
leurs sans les réconforts religieux ; sont soignés de la même maniè-
re les chrétiens [voir * p. 67) et les non-catholiques quelle que soit la
secte à laquelle ils appartiennent, protestants [voir * p. 67], hérétiques,
juifs ou païens ; et presque tous se réfugient dans le giron de I'Eglise.
On ne peut compter les âmes sauvêes par cette æuvre providentielle.
En y entrant D. Bosco vit resplendir sur la grande porte la
devise qui expliquait le secret de tant de miracles : Charitas Christi
urget nos [La charité du Christ nous p.esse]. Et, s'étant agenouillé devant
I'image de Marie placée dans le vestibule des salles, il fut ému aux
larmes en lisant sur I'arc : Infirmus eram et visitastis me fJ'étais malade
et vous n-'ayez visité]. Puis il demanda à être présenté au vénérable Père
Fondateur. Celui-ci l'accueillit avec amour et sollicitude et lui fit visi-
ter ces vastes locaux. Chaque coin inspirait la charité et la ferveur.
Toutefois D. Bosco y trouva des motifs de tristesse, bien que ce sen-
timent fût adouci par la consolation. Il voyait dans certaines salles de
malades les lits occupés par de pauvres jeunes sur lesquels l'ange de
la mort étendait déjà ses ailes. Ces visages abîmês, ces toux
opiniâtres, ce total effondrement de forces, [tout cela] lui mani-
festait clairement que l'habitude du vice avait flétri ces pauvres
fleurs du jeune âge. Il leur adressa quelques mots de réconfort et ils

9 Pages 81-90

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9.1 Page 81

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67
l'écoutèrent en acceptant, résignés, la volonté de Dieu et à son
sourire ils répondaient à leur tour par un sourire mélancolique. " Oh,
comme cette jeunesse a besoin d'être prémunie et sauvée ! " pen-
sait D. Bosco.
Après avoir fini lentement le tour de cette citadelle de la
douleur chrétienne, au moment D. Bosco allait prendre congé, le
vénérable Cottolengo, touchant et serrant entre ses doigts les manches
de la soutane de D. Bosco, s'écria : " Mais vous avez une soutane de
tissu trop fin et trop léger. Procurez-vous-en une qui soit d'êtoffe
beaucoup plus forte et très consistante, afin que les jeunes puissent s'y
accrocher sans la mettre en morceaux... Viendra un moment elle
vous sera déchirée par tant de monde ! ".
Ce fait nous fut rapporté par le Chan[oine] Dominique
Bosso, l'un des successeurs de Cottolengo, qui encore enfant était
présent et n'oublia plus la prophétie. Le moment prévu par le
vénérable Cottolengo n'est plus si éloigné, et le spectacle d'immenses
multitudes de jeunes gens entourant D. Bosco se produira précisément
dans la région même est implantée la Petite Maison de la Divine
Providence.
* sic:"chrétien"ausens, limitéàtortici,de "catholique"...Les protestants,
non-catholiques, ne sont-ils pas chrétiens ?

9.2 Page 82

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68
CHAPITRE VII
LLDqeeuisvipipnlerreoesjme-utiièvdreBenesatsr-trOheélraLaletatimoonimryseiGssds*aeio-rnDel.ldiL,eBepoDsise.cdrorBiseopasovfcoesoni.ctdiolaenmssejednuteanleelas-àProTCvuiodipenaninc-es
Vivement impressionné par les scènes douloureuses qui
- s'offrirent à lui à Turin scènes vécues par une jeunesse si nombreu-
se qui suivait la route du déshonneur et de la perdition, qui n'observait
pas la loi divine car elle I'ignorait, qui offensait son Créateur sans Ie
- connaître ou presque D. Bosco éprouvait en perrnanence un inten-
se besoin de s'occuper de cette jeunesse sans tarder et avec empresse-
ment. Son cæur innocent était grandement peiné à la pensée qu'en
majeure partie ces pauvres âmes étaient misérablement perdues parce
qu'elles n'étâient pas instruites dans les vérités de la foi ; et, gémissant
avec le Prophète lsaie, il s'écriait : " Oh! oui, ce peuple n'a pas eu
I'intelligence des choses du salut, c'est pourquoi le shéol a élargi sa
gorge, a ouvert ses gouffres démesurés, et y tomberont leurs cham-
pions, le peuple, les grands et les puissants (1) ".
(1) [D'après la Vulgate : Is] 5,13-14.
* ; " Oratorio festivo " : " Oratoire des dimanches et des jours de fête " il sera
plus simple de réduire l'expression à " Oratoire ".

9.3 Page 83

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69
" A peine entré au Convitto St-François, comme il l'écrit dans ses
souvenirs, je me retrouvai aussitôt avec une bande de jeunes qui
me suivaient par les avenues et par les places et même dans la
sacristie de l'Eglise de I'Institution. Mais je ne pouvais m'occuper
d'eux directement par manque de local ". Cependant chaque fois
que, prêcisément dans la sacristie de SrFrançois, il lui arrivait
de se voir au milieu de gosses, tout de suite il leur adressait la
parole avec tant d'affection et de sagesse qu'ils étaient sans ces-
se autour de lui. Parfois il se portait à l'écart dans les petites sal-
les attenantes à la sacristie et, là, il leur faisait un peu de caté-
chisme, les exhortait au bien, Ies invitait à revenir et les stimu-
lait à s'approcher des sacrements dans les conditions convena-
bles. Cet afflux continuel d'enfants provoquait un certain bruit,
un certain dérangement, ce qui causait parfois chez le sacristain
de I'agacement et même il les grondait et les maltraitait. C'est ce
que D. Cafasso et les compagnons de D. Bosco au Convitto ra-
contaient aux jeunes abbés Cagliero, Anfossi, Fusero et autres. "
Depuis plusieurs années déjà, en période d'été, note encore D. Bos-
co lui-même, D. Cafasso faisait chaque dimanche un catéchisme
aux garçons maçons dans une petite pièce contiguë à la sacristie
de I'Eglise SrFrançois d'Assise. Cependant le poids des occupations
de ce prêtre lui fit interrompre une activité qui lui était si agréable.
Je la repris vers la fin de 1841 ".
Néanmoins aucune æuvre particulière n'était encore com-
mencée en faveur des jeunes gens. D. Bosco attendait le moment fixé
par le Seigneur : il était très résolu à en favoriser, bien que pauvre
instrument, toutes les volontés.
Ayant demandé conseil à Dieu dans une prière persévéran-
te et remplie de ferveur, et à D. Cafasso, avec lequel il avait souvent
discuté en vue de rassembler ces jeunes auprès de I'Eglise St-François
d'Assise, de leur faire le Catéchisme, de les amuser par d'honnêtes di-
vertissements afin de les soustraire aux dangers de la rue et des places

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70
et à I'abandon total à eux-mêmes, il prit la décision de se présenter à
l'Archevêque et de s'entendre avec lui, pour avoir de plus en plus
confirmation de la volonté divine et obvier à des difficultés qui pour-
raient par la suite venir à son encontre. Le Théol. Guala et D. Cafasso
qui le guidaient en tout et qui étaient en termes intimes avec
Mgr Fransoni, I'avaient recommandé à ce dernier. Après avoir en-
tndeoanudtsouueltnedajeeufasnuietitpberieêlentrsedpeplsaursfloeairsmdlpueleprsérocajipet pt-rdoebaMstiOgon.rasFtoreairtnesssoa-nbi éluDnéi. dBaiccoctsioocron-
pastorale. A partir de ce moment-là s'établit une grande relation
de familiarité entre le saint Prélat et le prêtre rempli de zèle,
qui ne fit aucun pas dans le développement de ses projets per-
sonnels sans l'avoir tout d'abord consulté.
Retourné au Convitto, D. Bosco demeura quelques jours
à réfléchir sur le quand et le comment lancer son æuvre ; il attendait
une occasion pour concrétiser son projet : or voici qu'un fait divers
inattendu vient lui en ouvrirlavoie. Onétaitle 8 décembre 1841,
fête solennelle de l'lmmaculée Conception de I'Auguste Mère de
Dieu. D. Bosco ressentait dans son cæur plus vivement qu'à I'ordi-
naire le désir de se constituer une famille de jeunes gens parmi les
plus nécessiteux et les plus délaissés..Mais une famille, pour qu'elle
soit bien ordonnée, éduquée et défendue, a besoin d'une mère riche
d'amour. Or Mère très compatissante de cette institution et Protectrice
puissante de ses membres, qui devait l'être sinon la grande Vierge
Marie ? Et c'est précisément en un jour consacré à sa plus belle
gloire que la Reine Céleste voulut que I'Oratoire trouvât son
commencement.
A l'heure fixée, dans la sacristie de St-François d'Assise,
D. Bosco était sur le point de revêtir les ornements sacrés pour célé-
brer la Messe. Il attendait que quelqu'un vînt la lui servir. Au milieu
de la sacristie, se toumant d'un côté et de I'autre, se tenait un jeune de
14-15 ans, dont les habits pas trop propres et I'allure de voyou per-

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7t
mettaient de savoir qu'il n'appartenait à une famille ni riche, ni
aisée. Debout, le chapeau à la main, il regardait les objets du
culte avec sur le visage l'étonnement de quelqu'un qui aurait en de
rares occasions vu de telles choses. Or voici que le sacristain, un
certain Joseph Comotti, homme d'une délicatesse plus que médiocre
et montagnard, s'en alla vers lui et lui dit brusquement :
fais-tu ici ? Tu ne vois pas que tu gênes le monde
-?
Que
Vite,
dépêche-toi, va servir la Messe à ce prêtre.
Le jeune garçon, à entendre de telles paroles, demeura
comme abruti ; tout tremblant de peur devant le regard sévère du
sacristain et balbutiant des propos incohérents, il répondit:
Je ne sais pas : je ne suis pas capable.
- Viens, répliqua I'autre ; je veux que tu serves la Messe.
- Je ne sais pas, reprit le jeune garçon encore plus mortifié ; je ne
-I'ai jamais servie.
ftlua-nnqeuCaosnmat imsuenpnact,osucspoemdrevmipreinleatd!Mcilreicasoslneet,isnpauocaruiisrt.qtau-ino,i
- tu ne sais pas ? Et lui
Espèce de grand bêta ; si
viens-tu dans la sacris-
tie
en
? Va-t'en
raison de
tsoautgdraendseuitsetu. p-éfaEctti,onc,omenmme oleinsjeduenetemn'paspqaus 'bilonu'geén
faut pour le dire il saisit le plumeau et les coups tombaient sur
les épaules du pauvre garçon, tandis que celui-ci cherchait à s'enfuir.
- Que faites-vous ? cria à haute voix au sacristain D. Bosco ému ;
- pourquoi battre comme ça ce jeune garçon ? Que vous a-t-il fait ?
Mais le sacristain en totale furie ne l'écoutait pas. Pendant ce temps,
se voyant mal parti et ne connaissant pas quelle issue débouchait dans
I'Eglise, le jeune s'était engagé dans la porte qui débouchait dans la
petite chapelle de la chorale, poursuivi par I'autre. ne trouvant au-
cune sortie, il retourna dans la sacristie, puis ayant finalement trouvé
une échappatoire, il s'enfuyait à toutes jambes sur la place.
D. Bosco appela pour la seconde fois le sacristain et, le vi-
sage plutôt sévère, il lui demanda : - Pour quel motif avez-vous

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72
battu ce jeune garçon ? Qu'a-t-il fait de mal pour le traiter de la
sorte ?
- Pourquoi vient-il dans la sacristie, s'il ne sait pas servir la Mes-
se?
-
-
-
-
De toute façon, vous avez mal agi.
En quoi cela peut-il vous importer ?
Cela m'importe énormément : c'est un de mes chers amis !
Ç6mmsnt, s'écria le sacristain surpris : c'est votre ami ce drôle
d'oiseau ?
Vo- usCearvtaeiznebmaetntut
: tous les
quelqu'un
persécutés sont mes plus chers
qui est connu des Supérieurs.
amis.
Allez
l'appeler à l'instant, car j'ai besoin de lui parler, et ne revenez
pas avant de I'avoir trouvé, autrement je rapporterai au Recteur
de I'Eglise votre manière de traiter les enfants.
: A cet ordre se calma la colère démesurée du sacristain il
déposa le plumeau et, au cri de toder, toder (1), il courut après
le jeune ; il le chercha, le trouva dans une rue voisine et, I'ayant
assuré d'un meilleur traitement, le conduisit près de D. Bosco. Le
pauvre gars s'approcha tout tremblant et en larmes à cause des
coups reçus.
te-ndreAsss-etuedtédjà'afafescsitsion.à la Messe ? lui demanda le prêtre, plein de
Non, répondit-il.
-- Viens donc y assister ; après j'aurai à te parler d'une affaire qui te
fera plaisir.
D. Bosco avait un seul désir: adoucir I'affliction de ce
malheureux et ne pas le laisser sur de sinistres impressions contre les
employés de la sacristie ; mais bien plus élevês étaient les desseins de
(l) Toder est un mot piémontais de plaisanterie ou de raillerie populaire par
lequel on appelait les hommes de nation allemande.

9.7 Page 87

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73
Dieu qui voulait en ce jour poser la base d'un grand édifice. Ce
dialogue avait été interrompu par le sacristain : celui-ci revenait
accompagné d'un autre jeune qu'il avait cherché pour servir la
Messe.
Après avoir célébré la Sainte Messe et pris un moment
convenable pour l'action de grâces, D. Bosco fit venir à lui son
candidat et le conduisit dans une chapelle de I'Eglise où il s'assit la
figure rejouie et, I'assurant qu'il n'avait plus à craindre de coups, il se
mit à I'interroger ainsi : - Mon bon ami, comment t'appelles-tu ?
- Je m'appelle Barthêlemy Garelli.
- De quel pays est-tu ?
- Je suis d'Asti.
- Quel métier fais-tu ?
-
-
Celui de maçon.
Il vit encore ton père ?
- Non, mon père est mort.
- Et ta mère ?
- Ma mère, elle aussi, est morte.
_- Quel âge as-tu ?
J'ai seize ans.
- Sais-tu lire et écrire ?
- Je ne sais rien.
co-
Sais-tu chanter
avec une sorte
Non.
? - Le garçon,
d'émerveillement
s'essuyant les yeux, fixa D.
sur le visage et répondit
Bos-
:-
vo-ulaTiut
Dsa.isBsoisffcleor:?il-
Le
avait
garçon se mit à
là le signe que
rire, et c'était ce que
la confiance êtait ga-
gnée. Et il continua
première Communion
:
?
-
Dis-moi : As-tu déjà été admis à la
-
-
-
-
Pas encore.
Es-tu déjà allé à confesse ?
Oui, mais quand j'étais petit.
Et tes prières du matin et du soir, tu les dis toujours ?

9.8 Page 88

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74
Non, presque jamais ; je les ai oubliées.
-- Et tu n'as personne qui s'occupe de te les faire réciter ?
- Non.
Dis-moi : tu vas toujours à la Messe tous les dimanches ?
- Presque toujours, répondit le garçon, après une légère pause et
-en faisant une grimace.
- Vas-tu au Catéchisme ?
- Js 1's5g pn5.
tri--nePPeaotrucrmequoqoui,ie?gmraensdccoopmaimnse
plus petits que moi connaissent Ia
je suis, je n'en connais pas un
Doc-
mot:
c'est pourquoi j'ai honte de me mettre au milieu d'eux pour ces
cours-là.
- Si je te faisais moi-même un catéchisme à part, viendrais-tu m'é-
couter ?
- J'y viendrais de bon gré.
- Viendrais-tu volontiers en cet endroit ?
Oui, oui, pourvu qu'on ne me donne pas de coups de bâton.
- Sois tranquille, personne ne te maltraitera plus, comme je t'en ai
-déjà donné I'assurance ; dorénavant même tu seras mon ami et tu
auras à parler avec moi et avec personne d'autre. Quand veux-tu donc
que nous commencions notre catéchisme ?
- Quand ça vous plaît.
- Ce soir peut-être ?
- Oui.
Veux-tu même maintenant ?
-- Oui, même maintenant et avec beaucoup de plaisir.
D. Bosco se mit alors à genoux et, avant de commen-
cer le catéchisme, il récita rn Ave Maria, pour que Notre-Dame
lui donnât la grâce de pouvoir sauver cette âme. Cet Ave plein
de ferveur et la droite intention furent féconds de grandes cho-
ses ! Puis D. Bosco se leva et fit le signe de la croix pour
commencer ; mais son élève ne le faisait pas, car il en ignorait

9.9 Page 89

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75
le procédé et les paroles : et c'est pourquoi dans cette première leçon
le maître s'attarda à lui enseigner Ia manière de faire le signe de la
croix et à lui faire connaître Dieu Créateur et le but pour lequel Il
nous a créés et rachetés. Après une demi-heure environ il le congédia
avec une grande bienveillance ; et I'assurant qu'il lui enseignerait à
servir la Messe, il lui donna en cadeau une médaille de Marie : il
obtint la promesse que le jeune reviendrait le Dimanche suivant.
- Ensuite il ajouta : Ecoute, je désirerais que tu ne viennes pas seul,
mais que tu conduises ici quelques autres de tes copains. J'aurai de
nouveau un cadeau à faire à toi et à tous ceux qui viendront avec toi.
Es-tu content ?
- - Oh ! très, très content répondit en s'extériorisant grandement
ce brave jeune ; et, lui ayant baisé la main à deux ou trois reprises, il
s'en alla.
Devant D. Bosco Garelli représentait non seulement d'in-
nombrables jeunes, mais aussi les nombreux peuples qu'il évangéli-
: serait ut filios Dei congregaret fpotr rassembler les enfants de Dieu].
Telle est la véritable origine des Oratoires. D. Bosco en fut I'ini-
tiateur et Garelli la pierre fondamentale sur laquelle la Sainte
Vierge fit descendre des grâces et des faveurs sans nombre.
Au cours de la semaine suivante, D. Cafasso eut lui aussi
à inviter un jeune garçon à lui servir la Messe ; mais ce dernier ne
savait pas et c'est pourquoi D. Cafasso le pria de revenir, afin de
le lui enseigner. A ce garçon, pour le même motif, s'en ajouta un
second. Mais D. Cafasso, ne pouvant s'en occuper, en confia le
soin à D. Bosco, qui augmentait ainsi le nombre de ses élèves.
Par suite, le Dimanche suivant, dans I'Eglise St-François
on vit un spectacle de haute valeur. Six braves garçons mal frin-
gués, conduits par Barthélemy Garelli, étaient en compagnie
des deux autres, tous très attentifs aux paroles de D. Bosco qui
leur enseignait le chemin du paradis. Malgré une mêmoire lente,

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76
grâce cependant à l'assiduité et à la concentration, en quelques
dimanches Garelli réussit à apprendre les éléments nécessaires
pour pouvoir faire une bonne Confession et, peu après, une sainte
Communion. Ensuite il apprit également à servir la Messe. A
partir de là, ce jeune fut un disciple affectionné de D. Bosco, et le
Chanoine Anfossi ainsi que d'autres le virent venir à I'Oratoire
encore après 1855.
A ces jeunes élèves d'autres encore s'ajoutèrent par la
suite au point de remplir la chapelle qu'il avait destinée à un tel
usage.
Un soir de ces premiers Dimanches, D. Bosco traversant
au moment du sermon l'Eglise pour se rendre à la sacristie vit, de-
vant un autel latéral, assis sur Ies marches de la balustrade quelques
garçons maçons qui, au lieu de demeurer attentifs, somnolaient.
Il
les interrogea à voix basse
- Nous ne comprenons rien
d:u-serPmoounr,quréopi odnodrmireenzt--vilosus:
?
ce
prêtre
ne parle pas pour nous.
in-vitaVàenveeznairvaevcemc oleis!a-utreEstàilsolens
conduisit à la sacristie et les
catéchisme. Parmi ces jeunes gens
il y avait Charles Buzzett| Germano, Gariboldo.
De cette façon, de semaine en semaine, croissait le nom-
bre de ceux qu'il fallait catéchiser ; et D. Bosco recommandait
sans cesse à ces jeunes de lui amener le plus possible de leurs
copains. Il visait à les attirer à Dieu par I'obéissance aux
commandements divins et aux lois de I'Eglise. Aussitôt il s,em-
ployait à leur faire observer I'obligation d'assister à la Messe les
dimanches et jours de fête, leur faisait apprendre les prières du
matin et du soir, inculquant vivement en eux cette pratique de
piété, et les préparait à bien se confesser. Ensuite, les premiers temps,
à la sortie du catéchisme, ils eurent la permission de prendre
leurs divertissements sur la petite place devant I'Eglise. Toutefois,

10 Pages 91-100

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10.1 Page 91

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77
cet hiver-là, D. Bosco se contenta de s'occuper de façon particu-
lière de quelques-uns des plus avancês en âge qui se trouvaient
éloignês de leurs familles, car ils n'étaient pas de Turin et a-
vaient davantage besoin d'instruction religieuse. La plupart d'en-
tre eux étaient des environs de Biella et de Milan, travaillant
surtout dans la maçonnerie. Le sacristain n'avait plus rien à
redire, ear D. Bosco, grâce à son affabilité constante et au
moyen de quelque cadeau, l'avait persuadé du grand bien qui
était en train de s'opérer. Nous I'avons connu très âgé en 1891
et il conservait de D. Bosco un cher souvenir. Ces jeunes
acquéraient avec profit la connaissance du salut, et les résultats
moraux étaient êvidents et consolants.
Pendant ce temps, avec le courage que donne le véri-
table amour du prochain, D. Bosco allait çà et là dans la ville chez
divers patrons pour recommander tel ou tel de ses protégés, pour
arracher quelque autre au désæuvrement et l'éloigner du mal.
Le jour de Noël quelques-uns de ces jeunes gens rece-
vaient en leur cæur Jésus par la communion, et la joie que faisaient
paraître leurs visages se reflétait dans le cæur de D. Bosco qui
éprouvait en lui les consolations de tous ses chers élèves. C'était pour
D. Bosco une garantie, donnée par le Seigneur, de I'assistance divine
en raison de I'humilité qui était son guide.
Tout cela il le fit toujours en accord avec ses Supérieurs
et avec le consentement de l'Autorité Ecclésiastique dont il était
très respectueux. En effet, dans le rapport qu'il envoya à Rome
en 1864 pour obtenir l'approbation de sa Pieuse société, il écri-
vit : " Depuis 1841 lorsque l'æuvre des Oratoires commençait a-
vec un simple catéchisme [organisé] le dimanche et les jours de
fête dans I'Eglise St-François d'Assise, on fit toujours tout avec
le consentement et sous la direction de Mgr Louis Fransoni,
Archevêque de Turin ".

10.2 Page 92

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78
D. Bosco était un nouvel apôtre qui commençait sa mis-
sion. En tout temps il y eut dans I'Eglise, par grâce de Dieu, des
hommes extraordinaires pour accomplir des æuvres extraor-
dinaires, qui manifestaient de toute évidence le Doigt de Dieu !
Notre siècle lui aussi, non moins digne de la pitié divine que
les autres, posséda de tels hommes en grand nombre. Je ne crois
pas me tromper en disant que parmi eux il faut compter Don
Bosco !

10.3 Page 93

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79
CHAPITRE VIII
DMUUo.tnirlBtiatifoéiucstacprtoeriaodmntian-urseiteLc-eadsudRéisètCutgrdoilbeenussvtii-tdoto'nél-SaouoqrcnuLepeaansmuccÿoeoruensrsfaé.prc.eronéuceers-ladePcmrhoaogsrtraeèltesé
-
de
-
Nous ovons dêjà dit quelque chose à propos des mérites
que les Supérieurs et les Maîtres du Convitto Ecclesiastico de Turin
eurent à former le Clergé dans le Piémont. Mais pour qu'apparaisse
toujours mieux combien a étê sage le conseil de Cafasso invitant
D. Bosco à y entrer afin de le préparer à sa future mission, il ne faut
pas taire un autre mérite très remarquable : celui d'avoir entraîné le
clergé à la lutte contre les persécutions et les tourments qui étaient
en train de mûrir pour l'Eglise. De fait, si la grande séduction dont
beaucoup, même parmi Ie clergé, furent victimes et qui était le
prélude de la guerre organisée par les sectaires contre la religion, n'a
pas eu par la suite toutes les conséquences funestes qui étaient à
craindre pour la foi de nos populations, cela est dû principalement à
l'æuvre pleine de sagesse de ce clergé formé au Convitto : celui-ci
comprit à temps la tactique des adversaires ; avec la fermeté digne
de l'ère des martyrs, il s'opposa aux fausses libertés, annonciatrices
d'irréligion et de comrption ; il conserva et alimenta parmi les
populations le feu sacré de l'esprit chrêtien, préparant dans le silence
et dans le sacrifice un réveil consolant pour sortir des utopies et le
retour à la foi, réveil et retour désormais si manifestes.

10.4 Page 94

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80
Et ici il nous semble que cela mérite la peine de donner
également une idée de l'excellente méthode suivie ordinairement
dans les conférences de morale. Nous parlons de façon particu-
lière de D. Cafasso, car à son sujet D. Bosco lui-même nous a
laissé d'abondantes informations. Mais D. Cafasso suivait D. Guala
et les successeurs cherchèrent toujours à imiter les anciens, leurs
maîtres.
Les étudiants de la conférence du matin dépassaient la
centaine : y venaient des prêtres de tous les points de la ville ; l'école
regorgeait à tel point qu'à la porte on se bousculait pour pouvoir
entrer, et sur le seuil les demiers arrivés grimpaient même sur les
épaules des compagnons.
A l'heure fixée D. Cafasso entrait immanquablement dans
la salle d'êtudes, qui servait aussi pour la conférence, et après avoir
récité avec recueillement le Veni Sancte Spiritus [Viens Esprit Saint] il
prenait place au bureau de I'enseignant. Ayant donné un regard sur le
nombreux auditoire, il faisait lire une question du Résumé d'Alasia
ainsi que la réponse correspondante. I1 proposait ensuite un ou plu-
sieurs cas tout à fait pratiques, précédemment préparés et disposés de
manière à embrasser les différents aspects de la question et à épuiser
avec ordre le sujet de façon complète ; puis il invitait tour à tour à en
donner la solution deux ou trois étudiants du Convitto auxquels il fai-
sait les remarques opportunes, car souvent les réponses étaient incom-
plètes, quelquefois opposées l'une à I'autre et même de temps en
temps à côté de la plaque ; enfin il concluait personnellement en en
donnant la solution complète, au moyen néanmoins de quelques mots
francs, précis, réfléchis et empreints de tant de bon sens pratique
qu'on ne pouvait s'empêcher de reconnaître en lui I'homme de la rai-
son. Et à ce propos, dans la biographie qu'il a écrite à son sujet,
D. Bosco observe : " Elle était remarquable la manière rapide, précise,
claire qu'il avait de répondre. Les plus compliqués des doutes, des
difficultés, des demandes disparaissaient devant lui. Lui posait-on

10.5 Page 95

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81
une question, il la comprenait rien qu'à l'énoncé ; ensuite, ayant un
instant êlevé son cæur vers Dieu, il répondait avec une promptitude et
une justesse telles qu'une longue réflexion n'aurait pas fait prononcer
un meilleur jugement. I en résultait que tous allaient à qui mieux
mieux l'écouter, et plus se prolongeaient ses conférences et ses
entretiens avec ceux qui venaient le consulter, plus grande était la
satisfaction qu'on éprouvait : c'était avec un grand regret que I'on
voyait finir la conférence ".
Il avait de plus un art assez rare et précieux, celui de ren-
dre plaisantes les matières qui par elles-mêmes étaient ardues et peu
agréables. La nature des cas proposés, la manière de les exposer, une
constante jovialité, un mélange de boutades agréées et d'anecdotes
bienvenues, le sourire qui passait sur ses lèvres rendaient vivants jus-
qu'aux sujets les plus froids et les plus pénibles. Une exception pour
" la matière dont St Paul dit " nec nominetur in vobis [" qu'elle ne soit
pas nommée : enrre vous "] il changeait totalement de méthode. Il la
traitait avec sobriété, mais à la fois avec une clarté suffisante ; il
recommandait aux étudiants de prier le Seigneur de les assister de sa
sainte grâce et il n'arrivait jamais sur un tel sujet à une plaisanterie de
sortir de sa bouche ni à un sourire de percer sur ses lèvres ; ce qui
produisait en tous la profonde impression d'un homme très réservé,
gardien très jaloux de la belle pureté.
Non seulement son enseignement illuminait I'intelligen-
ce qui pouvait connaître bien à fond la morale, mais il excitait les
cæurs à la pratiquer. Il racontait souvent des faits de prisonniers con-
damnés à mort ou de personnes dont la vie était perdue et qu'il avait
gagnées au Seigneur, et la conclusion était toujours un encouragement
au bien et au zèle pour les âmes : c'êtait un avis, une exhortation à
s'employer à pratiquer les vertus propres au prêtre, à fuir les dan-
gers, à s'appliquer à sa propre sanctification, à déposer aux pieds du
Seigneur toute action entreprise dans I'intention pure de faire seule-
ment et sans cesse sa divine volonté, à ne pas manifester trop d'amour

10.6 Page 96

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82
envers les parents, à être détachés du monde dans un esprit d'union à
Dieu, à ne jamais se refuser à la grande æuvre de charité qu'est la
réconciliation des âmes avec le Seigneur, tout cela étant présenté
comme facile, très noble et de grande consolation.
D. Bosco qui, très attentif, demeurait suspendu aux lèvres
de son maître bien-aimé au point d'en être, j'allais dire, fasciné, note
encore que " l'étude menée par D. Cafasso n'était pas seulement un
travail de bureau, mais qu'aussi il enseignait la véritable manière
d'écouter avec fruit les confessions des fidèles : il faisait remarquer
les effets et les conséquences qui proviennent tout simplement dêjà
des diverses manières de parler, d'interroger ou de conseiller ; et il le
faisait avec une telle adresse ou, je dirai mieux, avec une piété, une
science et une prudence telles que l'on ne saurait dire si la consolation
et le fruit étaient plus forts chez celui qui l'écoutait dans les confé-
rences ou chez celui qui avait la grande chance de trouver près de lui
une direction spirituelle. De provenait sa rapidité, je la dirais pres-
que inouïe, à confesser. Peu de paroles et parfois un seul soupir du
pénitent lui suffisaient pour lui faire connaître l'état d'une âme. Il ne
parlait pas beaucoup au confessionnal, mais le peu qu'il disait était
clair, exact et classique et pour ainsi dire adapté au besoin, si bien
qu'un long raisonnement n'aurait pas obtenu un meilleur effet.
Procédant en conférence par des exercices sous forme de dialogues, il
entraînait les étudiants du Convitto dans sa manière de confesser et
ses cas de morale étaient de très précieux moyens d'enseignement.
" Mais ce qui plus que tout donnait un enchantement spécial à ses
cours et à toutes ses paroles, c'était une confiance sans limites dans la
bonté et l'amour plein d'affection de Dieu envers nous. L'entendre
parler et demeurer consolê ne faisait qu'un. Une personne dit un
jyou-arceeOnrthas,ainsps'rééccshreriéantc-itee-ni:ls, -qvouiQituriausnitaeeitncshtioIjs''aierfafàaiiraneuepdpauraassdaimslue?tttcreomemnedouunetep!arI-l
tie de loto, comme s'ils attendaient du tirage au sort que vienne
le bon numéro. Ce n'est pas ainsi qu'on doit faire. Nous avons la loi

10.7 Page 97

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83
et les promesses de Jésus Christ : qui cherche à observer la loi ne doit
pas douter des promes Et il parlait du paradis comme quel-
qu'un qui avait un pied dedans et il cherchait sans cesse à en faciliter
la route aux autres. I1 insistait beaucoup sur la pratique des petites
vertus, sur le fait de ne pas laisser échapper les occasions des menus
sacrifices qui se présentent au jour le jour, répétant souvent qu'avec
les petites choses on accumule les grands trésors ".
Avec la morale, D. Cafasso enseignait aussi les règles d'é-
loquence sacrée, et il avait I'habitude d'assigner un thème de sermon
à composer dans I'espace de quinze jours ; celui qu'il avait désigné
le lirait en public pendant les conférences. Les autres composi-
tions, il les lisait ensuite en privé, y portait en marge les obser-
vations nécessaires, puis, ainsi corrigées, il les redonnait. I était
persuadé que parmi les moyens les plus valables pour détruire le
péché et au nombre des premières charges qui incombent aux
ecclésiastiques se trouve la prédication. Il faisait remarquer que
I'augmentation et la multiplication du péché dans le christia-
nisme sont causées en partie par le peuple qui n'écoute pas ou
ne pratique pas, mais en partie aussi par les prédicateurs qui
n'accomplissent pas comme il faut leur charge : ils devraient se
préparer par l'étude de la théologie, de l'Ecriture, des Pères, de
l'histoire de l'Eglise, et par la prière et le bon exemple.
ll inculquait I'idée de composer des sermons adaptés à I'in-
telligence de I'auditoire, simples dans la période et dans les termes,
ordonnés, débarrassés de toute phrase triviale ou grossière, respec-
tueux envers les fidèles qui écoutent, courts pour ne pas les écæurer,
empreints d'horreur pour toute allusion irritante ou personnelle, inté-
ressants par les comparaisons tirées des choses concrètes, des élé-
ments de la vie courante, riches d'exemples pris de I'Ecriture Sainte et
de l'histoire de I'Eglise, humbles s'ils font comprendre que l'orateur
fait cause commune avec le peuple en se plaçant au nombre des pé-
cheurs, sauf lorsqu'est traité un sujet scabreux. Il se montrait peu ami

10.8 Page 98

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84
des panégyriques de pur éloge et des conférences polémiques. Il
disait de ces demières que tenues dans les grandes villes,
abondent les prédicateurs de Carême, par un conférencier doté
des qualités voulues pour combattre les elreurs du jour, elles
sont très appropriées à faire savoir à un certain nombre
d'auditeurs que la religion a ses sublimitês et ses ineffables
beautés secrètes ; mais il affirmait que pour les situations cou-
rantes on peut considérer toujours meilleur un catéchisme bien
réfléchi, toujours plus fructueuse une instruction bien menée,
toujours plus louables les sermons et les panégyriques moraux
qui font aimer la vertu, abhorrer le vice et qui parlent au cæur,
car l'incrédulité se tient plus dans le cæur que dans I'esprit et, si
le cæur est guéri, les préventions s'évanouissent et la foi re-
vient. " Pas tant de philosophie, disait-il, pas tant de mots qui se
terminent en isme : positivisme, matérialisme, spiritisme, socia-
lisme et que sais-je ; qu'on y trouve : paradis, observance des
commandements de Dieu, prière, dévotion à Notre-Dame, fré-
quentation des Sacrements, fuite de I'oisiveté, des mauvais com-
pagnons, des occasions dangereuses, charité envers le prochain,
patience dans les afflictions, et ne terminez aucun sernon sans
une allusion aux vérités éternelles ".
ll voulait qu'on laissât de côté certains sujets trop profanes,
plus adaptés aux séances récréatives qu'aux cérémonies d'Eglise ; et il
ne pouvait tolérer que les thèmes sacrés fussent traités de manière
purement humaine et soutenus à grand renfort d'arguments, car
de cette façon, disairil, ils cessent d'être parole de Dieu. Il
conseillait de ne pas entrer dans des questions discutées par les
théologiens, de laisser de côté certains thèmes qui conduisent u-
niquement à susciter une crainte excessive et un grand découra-
gement : tels sont la prédestination, le nombre restreint des élus, la
difficulté de la route vers le ciel. " Qu'on préfère les réflexions qui
donnent du courage et attirent au bien : confiance dans la miséricorde
de Dieu et dévotion à Marie même dans les cas les plus désespérés

10.9 Page 99

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85
et dans les contingences les plus difficiles. Voulez-vous, ajoutait-il,
inspirer une crainte salutaire ? Parlez de la mort certaine, de I'in-
certitude de l'heure de cette mort; parlez des jugements de Dieu, des
peines horribles de l'enfer ; faites comprendre qu'un seul péché
suffit pour se damner. Qu'on dise hautement que la route du pa-
radis est difficile pour qui ne sait pas se résoudre, mais facile
pour qui a bonne volonté. Lorsqu'une personne y met vraiment
tout son cæur, les difficultés s'évanouissent, Dieu I'aide de sa
grâce, abondent les consolations et les attraits; et si on rencon-
tre un passage plus pénible, il y a tant de compensations qu'on
ne sent presque pas le poids des difficultés. L'obstacle le plus
fort contre lequel on devrait toujours combattre tient en ce qu'on
veut servir Dieu et le monde en même temps. Présentons l'utili-
de la vie vraiment chrétienne, en en dépeignant les avantages
temporels et étemels, durant la vie et dans la mort : la paix du cæur,
les joies de la prière, I'entente familiale, la bonne réussite dans les
affaires, le réconfort de la bcnne conscience. Parlons du paradis,
parlons-en souvent; dépeignons-le de manière à faire naître dans
les cæurs un vif désir de le posséder (1) ".
Il n'y a pas lieu de dire combien D. Bosco tirait profit de
ces leçons. Désireux comme il l'était de bien réussir à guider les âmes
au tribunal de la pénitence et d'attirer toute personne à I'amour de
Jésus Christ, il s'appliqua d'arrache-pied à l'étude de la morale pra-
tique, si bien qu'en elle il se distinguait parmi tous ses compagnons. Il
suivait avec une intense attention tous les cours, ceux du Théol. Guala
comme ceux de D. Cafasso, mettant à profit tous leurs enseignements
avec la perspicacité d'intelligence avec laquelle nous le verrons
plus tard imaginer et accomplir tant de desseins grandioses. Il avait
pu également obtenir les petits traités dont plus haut nous avons
(1) p. Giuseppe Cafasso etc. du Chan. JACQUES COLOMBERO, Curé
de Ste-Barbara à Turin. Imp. et Lib. Canonica Frères, Turin 1895.

10.10 Page 100

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86
parlê : ils présentent beaucoup de cas de conscience résolus dans les
conférences ; ayant eu une copie pour lui, il se les transforma
en suc et en sang. L'esprit, la science, la pratique de D. Cafasso se
transmirent tout entiers en lui. La même charité dans l'accueil
des pénitents, la même précision dans les interrogations et la
même brièveté dans les confessions, si bien qu'en peu de minutes
il dénouait des consciences très embrouillées ; la même concision
dans les quelques mots d'excitation au regret qui touchaient le
cæur et y restaient gravés ; la même prudence pour suggérer les
remèdes. Qui eut la chance de se confesser à lui se rappelle toujours
l'onction et la force de ses conseils.
En 1880 il conservait encore près de lui ces petits traités et
ces camets, signe que plus d'une fois au cours de sa vie très occupée il
avaitf.ait un retour vers cette science nécessaire à un prêtre. Devant,
en effet, donner parfois une décision sur des cas très importants et
difficiles, sur des doutes de consciences très confus, même dans ses
demiers jours sa réponse saisissait aussitôt le næud de Ia question, et
Ia solution était toujours selon les conclusions de D. Cafasso.
D. Michel Rua le confirme, durant toute sa vie D. Bosco
s'appliqua sans cesse à l'étude de la Théologie Morale avec I'acharne-
ment que réclamait D. Cafasso : ce dernier avait l'habitude de dire que
ne peut être considéré sans péché mortel le prêtre confesseur qui
passerait une année entière sans revoir quelque traité de Morale. Et
c'est pourquoi il devint très habile en tout secteur du ministère sacré et
pour chaque personne, quel qu'en fût le type, le sexe ou la condition,
et en chaque circonstance il portait un jugement et prononçait une
sentence avec une grande exactitude, obtenant aussi de Dieu le don de
deviner les péchés que les pénitents taisaient par honte, cela nous fut
rapporté par beaucoup.
Au cours de cette période d'études, D. Bosco continua à
donner des preuves non douteuses de son amour pour la belle vertu

11 Pages 101-110

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11.1 Page 101

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87
de la chasteté et d'un soin très appliqué à la conserver intacte.
Tant que le devoir ne le lui imposa pas, il ne s'aventura pas à
toucher aux deux traités De Matrtmonlo [sur le Mariage] et De sexto
[Sur le Sixième Commandement] et, quand la nécessité le demanda, il
en éprouva une grande peine. Lorsqu'il avait à traiter directement
ou indirectement des vices opposés à la pureté, une vive rougeur
empourprait son visage. Il évitait avec application d'entrer en des
discussions qui se rapportaient à ce sujet; et au cas il ne
pouvait pas se dérober, il s'en débarrassait vite avec une singu-
lière désinvolture. Invité par le conférencier à tenir le rôle du
pénitent, il avait toujours I'habitude de proposer des cas touchant
les enfants, à cause de la répugnance qu'il avait à faire mention
de sujets délicats. Consulté sur ce point par un compagnon, il
conservait une attitude apte à provoquer de la réserve chez celui
qui I'interrogeait et, une fois donnée une bonne réponse, s'il fallait
conduire un raisonnement prolongé, il I'exhortait à avoir recours
aux auteurs. c'est ce que nous a rapporté plusieurs fois D. Giacomelli,
son compagnon au Convitto pendant une année.
A l'étude de la morale et de l'éloquence sacrée D. Bos_
co joignait aussi celle de I'histoire de l,Eglise ; et c,est pourquoi
il veillait une grande partie de la nuit : il eut la patience de lire
entièrement même orsi, tout en consultant attentivement les
Bollandistes. De cette façon, il se préparait aux nombreuses
discussions qu'il devrait plus tard soutenir avec les protestants.
On peut donc à juste titre répéter à son sujet l,éloge qui fut
gravé sur la tombe du Théol. Guala : Voluptatem in labore, vitam
in vigilia posuit [tt ptaça le plaisir dans le rravail, il vécut dans la veil-
lel.
Et cette privation de sommeil et de repos, notamment en
hiver, était aussi un effet de sa constante mortification. Le matin, au
lieu d'un café, qui I'aurait réconforté, il se contentait d'un petit bout de
pain sec, et bien des fois il s'en abstenait également. Il jeûnait tous les

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88
vendredis et souvent aussi le samedi- Bien que sa mère, qui ve-
nait quelquefois lui rendre visite, fût disposée à lui apporter des
fruits ou du vin, il ne lui en fit cependant jamais la demande ;
et si parfois il en recevait, il partageait bien vite avec les com-
pagnons, s'en privant de bon c@ur comme déjà auparavant il a-
vait coutume de faire au Séminaire' D. Maurice Tirone, Curé à
Salassa Canavese, écrit : " Deux prêtres, qui furent compagnons
de D. Bosco au Convitto, me racontèrent, et plus d'une fois, le
fait suivant vécu à cette époque-là. Lorsqu'on servait à table le
midi ou le soir une soupe meilleure qu'à I'ordinaire, que faisait
D. Bosco ? Allez vite de l'eau ! Saisissant dans sa main la carafe
d'eau, il finissait par obtenir une lavasse bonne à donner aux
chiens de chasse, et ensuite il s'en délectait savoureusement ; aux
compagnons qui lui en faisaient des reproches, il répondait sim-
plement en toute tranquillité :
choses se cachent sous ces
d-euxElmleotess!t
sPi lechinaeudveic!to-ireQsuuer
de
le
sens du goût, amour de la pénitence, humilité, pour qu'on n'ad-
mirât pas sa vertu ".
Donc en raison de sa diligence et de son profit dans les é-
tudes, comme aussi de sa piété singulière et de ses autres belles
vertus, il était I'objet de I'estime de ses compagnons de sacer-
doce et de ses supérieurs D. Cafasio et D. Guala, ainsi que nous
le certifait Mgr Jean-Baptiste Bertagna: le rendait également cher
à ces supérieurs une obêissance prompte qui ne ressentait aucu-
ne difficulté et n'admettait aucun retard. Après le repas de midi,
les supérieurs du Convitto avaient l'habitude de faire distribuer à
la porte de I'Institution une bonne quantité d'aliments, et chaque
jour y accouraient nombreux les pauvres, sûrs de ne pas en
repartir les mains vides. Certains jours de la semaine ils ré-
pandaient également leurs largesses par des aumônes pécuniaires
à une troupe de pauvres diables qui, à heures fixes, venaient
attendre à la sacristie. Souvent pourtant, empêchés par leurs
lourdes occupations et ne pouvant venir pratiquer cette æuvre de

11.3 Page 103

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89
charité personnellement, ils en confiaient la charge à D. Bosco : il
présidait aux distributions et remettait dans les mains des indigents
I'argent qui lui avait été consigné à cet effet. Ce n'était certes pas
une occupation agréable, car le désordre un peu bruyant de ces
réunions, les désagréments, les récriminations, les lamentations, I'im-
politesse, les insistances de certains exigeaient une grande patience
chez celui qui, spécialement dans les débuts, voulait maintenir l'ordre.
Au cours d'une circonstance de ce genre il arriva un fait qui se serait
plusieurs fois répété sans une grande vigilance. D. Bosco distri-
buait les aumônes ; les pauvres faisaient la queue. Une mendiante,
qui avait déjà reçu sa pièce de monnaie, fit un détour, alla se
placer à la fin de la file et de nouveau s'approcha de D. Bosco,
tdseaonvndenazé,ntuvonlaeusmpcièahciener,pfmroèuarerb,loaqnunseeecvdooanumdseemf!oeliusI.'ia-dveitzMDd.oaBnisnoésjeeco?.vol-uuisVaopiuodsnédjliàet
la mendiante ; je croyais que la main gauche ignorait ce que
pdoonunrcaeitttleafomisajeinvodurosidteo.n-ne
testable, on l'a déjà raconté
Vous
une
pour
avez raison, s'écria D. Bosco : et
seconde
d'autres
pièce.
pieux
- Ce fait
personnages
incon-
et on
peut bien dire que nil sub sole novum [rien de nbru"u, sous le soleit] ;
mais cependant il nous fait connaître combien la douceur de cæur
et la charité furent admirables en D. Bosco.

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90
CHAPITRE IX
LLlacaeepripstpivlqapirluuelreeedmims-ireséieerpmrrVicsmehisanabintnitseedtné-psf.aouiturCerluoerMrssrealdciretieeiuoxDn-sd. eeMBfoftéerstachctvoouadé-ieel s-sauEvixveVciceuivrpeàsriuoDld'nO.esnrBaàcotesoctir-oraev!eL-reest
Lo coroctéristique des æuvres de Dieu est de commen-
cer à partir de peu, pour ensuite se développer merveilleusement,
contre I'attente commune : d'où resplendit plus clairement à I'esprit
humain que c'est du Ciel que viennent leur inspiration et leur soutien.
Telle fut même, nous le velrons, l'empreinte de l'æuvre de D. Bosco,
qui dans sa prudence n'était pas pris de précipitation. Il l'appela
du titre d'Oratoire, vu son rôle principal qui était d'aider à fréquenter
I'Eglise et à accomplir la prière. La religion et ses pratiques, la vertu,
l'éducation morale et par suite le salut de l'âme en sont le but ; la
récréation, les divertissements, le chant et l'école, que plus tard
il fit, ne sont que les moyens.
Au cours de ce premier hiver Don Bosco s'employa à con-
solider le petit Oratoire. Bien que son but fût de recueillir seulement
les garçons et les jeunes qui se trouvaient le plus en danger ou qui a-
vaient le plus besoin d'instruction religieuse, avec une préférence pour
ceux qui étaient sortis de prison ; cependant, afin de mieux assurer
entre tous la discipline et la moralité, dès les premiers mois il invita

11.5 Page 105

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9l
et attira à son Oratoire quelques autres jeunes aux mæurs éduquées,
de bonne conduite et déjà instruits. Ces derniers, formés par ses soins,
commencèrent à l'aider à conserver I'ordre parmi leurs compagnons,
à faire la lecture et aussi à chanter des cantiques, toutes choses
qui rendaient toujours plus profitable et agréable I'assemblée des
dimanches et des jours de fête. D. Bosco s'aperçut dès lors que sans
le chant et [sans] la lecture de livres amusants, mais honnêtes, ces
réunions auraient été comme un corps sans vie. Le jour de la
Purification, le 2 février 1842, il y avait déjà une vingtaine de
belles voix qui purent faire retentir le choeur de l'église de louan-
ges à I'auguste Mère de Dieu, en chantant pour la première fois :
Louez Marie, ô langues fidèles. Le jour de l'Annonciation le nom-
bre des jeunes dépassait déjà la trentaine. Ce jour-là on fit un peu fête
en l'honneur de la Mère du Ciel, chacun s'approchant le matin des
Sacrements. Le soir ensuite comme le chæur ne pouvait plus les
contenir, ils se transportèrent dans la Chapelle voisine située en ar-
rière de la sacristie. Quelques semaines plus tard ils étaient cinquante.
Alors à I'Oratoire on procédait de la façon suivante : Cha-
que matin de fête on donnait aux jeunes l'occasion de s'approcher
des Sacrements de la Confession et de la Communion ; mais un
Dimanche par mois était fixé pour'accomplir tous ensemble cette
pratique religieuse. La célébration tant estimée était toujours annon-
cée à I'avance par D. Bosco, qui à travers des paroles peu nombreuses,
mais cordiales exhortait tous à bien se confesser et communier ;
ensuite il les aidait et les préparait avec des marques admirables de
patience et de charité. Pour les confessions prêtaient toujours leur
concours le Théol. Guala et Don Cafasso. D. Bosco se rappelait le
temps écoulé depuis que chaque jeune s'était confessé, afin d'en-
courager avec la plus grande charitê ceux qui, comme il le re-
marquait, en avaient le plus besoin.
Le soir ensuite, à une heure déterminée ils se réunissaient
dans le petit Oratoire indiqué plus haut, où se faisait un peu de lecture

11.6 Page 106

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92
spirituelle, était chanté un cantique, suivait le Catéchisme, après quoi
était racontêe une histoire exemplaire en guise de sermon ; à la fin
était distribué quelque objet soit à tous soit par tirage au sort.
Entre-temps les jeunes s'étaient renouvelés, car, une fois
arrivées les rigueurs du froid et suspendus les travaux de construction,
beaucoup êtaient retournés dans leurs familles ; mais avec l'éclo-
sion du printemps, ils retournèrent à Turin et coururent de nouveau
retrouver D. Bosco. Parmi eux venait en premier Charles Buzzetti,
alors simple garçon maçon et par la suite maître-maçon : il con-
duisait avec lui pour la première fois à Turin son petit frère
Joseph afin qu'il apprît son métier. Le brave gamin s'attacha tel-
lement à D. Bosco et à ces réunions des dimanches et jours de
fête, auxquelles il participait avec constance d'une manière exem-
plaire, que par la suite il eut à renoncer à se rendre en famille à
Caronno Ghiringhello, comme avaient l'habitude de faire au début
de chaque hiver les autres, ses frères et amis.
Le Théol. Guala et D. Cafasso se réjouissaient grandement
de ce regroupement d'enfants dont le nombre allait en augmentant à
chaque fête. D. Bosco avait fait remarquer à D. Cafasso que, pour in-
citer ces jeunes à persévérer, venir] aux réunions des dimanches et
jours de fête, il était nécessaire de leur donner des petits cadeaux et
qu'il n'avait pas d'argent pour le faire ; mais D. Cafasso lui avait rapi-
: dement répondu
Que cela ne vous fasse pas difficulté ; aux dé-
- - penses nécessaires, j'y penserai moi. De fait lui et le Théol. Guala
lui apportaient de temps à autre des petites revues, des livres, des mé-
dailles, des crucifix à offrir à titre de récompense ; parfois ils remet-
taient des morceaux de tissu pour faire des vêtements à quelques-uns
des plus nécessiteux ; et même à certains de ces derniers ils fournis-
saient la nourriture pendant plusieurs semaines, jusqu'à ce qu'ils fus-
sent en mesure de la gagner par leur travail. Souvent, fini le Catéchis-
me, D. Cafasso faisait distribuer à tous des produits alimentaires dans
le réfectoire du Convitto, et aux plus assidus il faisait don de vestes,

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93
de gilets, de chaussures, de sabots, de chemises et d'autres choses,
dont il voyait qu'ils avaient besoin. tl advint aussi qu'il remit de
I'argent à D. Bosco afin que ce dernier se procurât par lui-même le
nécessaire pour une loterie. D. Bosco alors, non habitué à manier de
I'argent et spécialement les grosses monnaies, n'en connaissait pas
encore trop bien Ia valeur. Certes, nous le croyons, il ne s'imaginait
pas devoir au cours de sa vie en manier une quantité énorme, de toute
sorte, de toute frappe et de tout métal précieux, provenant de toutes
les parties du monde ! Ayant un jour reçu une pièce d'or, croyant
qu'elle ne valait que 20 lires, il entra dans un magasin et commanda
de quoi avoir pour la valeur d'un marengo, [synonyme de napoléon d'or].
Ayant mis la pièce de monnaie sur le comptoir, il vit que Ie marchand,
msaannsdraieanudsisrie, tluDi .reBnodsaciot ,ecnevirno'ensnt epuafsliurensm. a-rengPoouqruqeuojiecveociu,sdea-i
- donné ? Non, répondit le commerçant ; c'est [un doublon de Savoie],
une pièce de 28 [tires] et demie !
En ces fêtes, dans lesquelles les jeunes s'approchaient en
groupe des Sacrements, D. Cafasso et D. Guala allaient leur rendre
visite et leur racontaient quelque anecdote, dont les jeunes se mon-
traient très friands. Quand il arrivait que D. Bosco devait s'absenter,
ils le faisaient remplacer par un étudiant du Convitto, et eux-mêmes
venaient y faire le catéchisme.
Et pourtant, bien que ces deux prêtres se fussent toujours
montrés si favorables et bienveillants, cependant l'âme de l'Oratoire,
l'incomparable ami, bien plus le père très tendre de ces jeunes était
sans cesse D. Bosco. En lui était comme innée la prédisposition de
s'occuper des pauvres laissés à I'abandon. Les manières affables, dont
il faisait preuve envers la jeunesse, étaient tout à fait opposées à la
méthode de sévérité en vigueur jusqu'alors. Pour ces jeunes il con-
sacrait non seulement les dimanches et les jours de fête, mais aussi
aux jours ouvrables le temps de la promenade et quelques autres
heures, suivant la permission obtenue du Supérieur. Il allait çà et

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94
là, sur les places, dans les rues et même dans les ateliers, invitant les
petits ouvriers, qui livrés à eux-mêmes les dimanches et les jours de
fête dépensent en jeux et en friandises le peu de sous gagnés durant la
semaine : ce qui était, il le savait par expérience, la source de beau-
coup de vices et la cause pour laquelle bien vite même les bons
occasionnent leur propre ruine et deviennent dangereux pour les
autres. Et il prenait notamment pour cible ceux qui, arrivés de loin-
tains villages, ne connaissaient ni églises ni copains. De plus
lorsqu'il apprenait que l'un de ses amis était privé de son em-
ploi ou se trouvait chez un mauvais patron, il se dépensait avec
un soin plein d'affection pour lui trouver du travail et le confier
à un patron honnête et chrétien. Ne se contentant pas de cela, il
allait presque chaque jour leur rendre visite au milieu des tra-
vaux, dans les boutiques et dans les usines,.et il adressaitune
parole à I'un, une demande à un autre, donnait un signe de bien-
veillance à celui-ci, faisait un cadeau à celui-là, et les laissait
tnqpoeuaus'tursongneaqsnvu,se.icq-puureni nLebdeijesosnoiveiinsvioitdneleods nicndtioiubeulrsebs.o?mn-- apirnêF5tt'iesrnen;asallfenaiemmisneaatniieeàtnnnttloecaueuusssrspaisavepuorlvavnriiesscsierqjuaedeueulxs--
garçons aussi paternellement secondés les dimanches et jours de
fête ainsi que les jours ouvrables .et rendus, grâce à la religion,
toujours plus fidèles et ponctuels pour le travail. De plus ils
s'affectionnaient tellement à D. Bosco que le rencontrer était tou-
jours considéré comme un moment de bonheur et de fête et ils
le saluaient par des ovations cordiales et enthousiastes.
Il arriva un jour que, près de I'hôtel de ville, D. Bosco
rencontra un jeune de son Oratoire qui venait de faire des emplettes.
Ce jeune tenait en main, parmi les autres provisions, un verre rempli
de vinaigre et une bouteille d'huile. A la vue de D. Bosco, le gosse se
mddiistitaenàntscraieualtanetril:dbe-ajottaieitEelset-stàupcacraiuepmrae:bsle-ddeeVsefiavsiermeDac.inoBmsomsl'ucenoeje!cf-oanistrDe?.I'Ba-uotsrceeo.t
lui
en
Le

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95
garçon, qui était fou de joie, mit la bouteille sous son bras et cria de
nouveau
pour ce
f:ai-re
Vive D. Bosco ! et il battit
il avait laissé tomber verre,
des mains. Naturellement
bouteille et tout ce quril
tenait, et les récipients se brisèrent. A ce bruit il demeura un instant
comme stupéfait et se mit ensuite à pleurer disant que, rentré
chez lui, il recevrait de sa mère des coups
mal auquel on va remédier aussitôt lui, dit
tdoeutbdâetosnu.it-e
Crest un
D. Bosco ;
viens avec
qui pleurait
menoci.or-e.
Et il conduisit dans une boutique le [garçon]
Ayant raconté l'anecdote à la marchande, il la
pria
fait,
de servir
répondit
au
la
mjeaurcnheantodeut;ceetqvuo'iul sa,vqauitipêetredsu-v.o-us
Dap. rBèsosacvoo!ir-verLa l'bhruaivlee
dame prit un
et le vinaigre
verre et une
elle remit le
Ce sera vite
?bo-uteJiellesueist
tout au jeu-
ne garçon. -
- Vingt-deux
Quelle somme je vous dois
sous ; mais je vous avertis que
? demanda D. Bosco.
tout est déjà payé !
Ce n'était pas une moindre affection que lui portaient les
jeunes qu'il avait formés à la fonction de catéchistes. Ils étaient
étudiants et en guise de récompense il leur donnait quelque leçon
particulière pour reprendre les questions entendues au cours, en
leur expliquant les passages plus difficiles des auteurs latins, et en
corrigeant leurs devoirs de manière à ce qu'ils pussent tirer pro-
fit des corrections. Ces jeunes, comme avaient I'habitude de faire
certains autres jeunes ouvriers au moment du repos, couraient
s'entretenir avec lui même au cours de la semaine, et plus d'une
fois certains amenaient leur famille. De la sorte I'influence bien-
faisante de D. Bosco s'étendait plus largement même en dehors
du Convitto.
Or il arriva que la famille Verniano, par I'intermédiaire
de son jeune garçon nommé Emile, noua des relations avec lui,
et tantôt le père, tantôt Ie fils, tantôt les filles, accompagnées de
la maman, vinrent lui rendre visite le jeudi dans la salle du
parloir. Cette famille êtait composée de huit enfants, et tous étaient

11.10 Page 110

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96
très avides d'entendre la parole de D. Bosco. Pourtant à ce
demier déplaisait grandement leur peu de modestie dans la ma-
nière de s'habiller. Les filles qui n'approchaient pas encore des
10 ou 12 ans étaient pardonnables, mais on ne pouvait excuser
celles qui dépassaient les dix-huit. Cependant ne voulant pas don-
ner un avis qui eût l'air d'un reproche acerbe, soit parce que tel-
le était la mode, soit parce que la famille était bonne et ne
retenait pas comme une faute cette liberté [qu'elle considérait comme]
non immodérée, il attendit le moment opportun. Un jour toute
cette maisonnée était venue tenir conversation avec lui. Il parlait
et avait devant lui I'une de ces petites filles, qui se tenait
bouche bée à l'écouter. Tout à coup Don Bosco lui adresse la
-pppmaaliécsrpoaDrdltiesiiuose-netmo.pnuo-adti,sis:c.aOo-pnmuotPuim:,orequd-nuretçomaainaJtmàneildepivzmrri-oesmeuelodsasi-r,etaummrisébapèlqienoruesnqei;dutits'teuilisl'aevmbounruetarssseod?soittoan-vuanietienezssJc:ie.uojn-nenteeedneOolteexihss-.
la gronder continuellement pour sa vanité. Elle n'ajamais fini de
les laver et lorsque cela lui semble au point, alors elle les
parfume
continua
Dav. eBcosdceostoloutrinoénvseorsdolaranpteetsit.e-,
Et pourtant je te dis,
que tu méprises tes bras.
-ras,Ejet pvoeuruqxuodie?madnedqeuredlleanfasçloan
?pri-èrePqarucee
que lorsque
tu ailles au
tu mour-
paradis ;
mais, c'est certain, tes deux bras seront jetés à brûler dans le
fdfeaeuu.mt Eaalvt;ocimer lpaoaintei'eennstce-ecne,fecpr'e,asjset laenisnesmive:êupaxriuspearms?oyi-nasllMaerua. i-spujregEanttoepiroefuarietsatnrqiteunili
sait
moi
pour combien de
aussi, s'écria I'une
tdeemspps.lu-s
Mais ce conseil me concerne
grandes, en rougissant ; et moi,
moi qui en plus ai le cou découvert
monteront des bras jusqu'au cou et
J'ai compris, conclut la mère : j'ai
cI?o'em-ntporuiEsreh!robiniletnmto;euletrseevnfilateimenrtm. de-'sy
porter remède et je vous remercie de l'avertissement que vous
m'ayez donné.

12 Pages 111-120

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12.1 Page 111

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97
Comme resplendissent en cette admonition la prudence et
la modestie ! D. Bosco est toujours le même ; mais à prêsent qu'il
est prêtre, iI ne répugne pas à s'entretenir avec toutes sortes de
personnes. Ainsi dit St Paul : " Je me suis fait tout à tous, afin de
les sauver tous (1) ". Désormais il tournera également ses attentions
sacerdotales vers les jeunes filles, qui elles aussi sont des créatures de
Dieu, rachetées par le Sang de Jésus Christ ; mais nous admirerons
toujours en lui une très grande réserve dans les manières comme dans
les paroles.
Et ses relations ne se limitaient pas aux familles des jeu-
nes qui fréquentaient I'Oratoire, mais elles commençaient à s'étendre
également à des personnes importantes, à des prêtres séculiers et ré-
guliers ; et même avec eux D. Bosco n'hésitait point à faire ses
salutaires observations quand et comme il lui semblait opportun.
Entre autres venaient lui rendre visite au Convitto quel-
ques Pères d'un illustre Ordre religieux. La conversation de l'un d'eux
tombait souvent sur un théologien, savant et saint, ami de D. Bosco,
qui, après avoir suivi le conseil d'entrer dans cet Ordre, avait êtê ac-
cepté et admis se présenter] à I'examen, mais ne fut pas reçu et ne
put entrer parmi les novices. En raison de cela l'ami de D. Bosco était
devenu, aux yeux de ce Père, ignorant, dépourvu d'intelligence et de
jugement, et c'est sous ces traits qu'il le présentait quand il discutait
avec D. Bosco, faisant également souvent de semblables panégyri-
ques sur tel ou tel autre prêtre. Plusieurs fois D. Bosco laissa dire et
garda le silence ; mais finalement un jour il ne put supporter davanta-
ge la légèreté de ce critique et sur un ton un peu irrité il reprit ainsi
- I'accusation d'ignorant : Mais si des personnes I'ont invité, si elles
I'ont admis se présenter] à I'examen, c'est signe qu'elles étaient per-
suadées qu'il était un homme de quelque envergure ! Le désappointe-
(l) r co s,zz.

12.2 Page 112

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98
ment ne ferait pas trop
mortifié garda le silence
honneur à leur perspicacité
et n'osa plus retoumer sur le
! - Le
sujet.
critique
A raconter ce fait et d'autres semblables, D. Bosco, tandis
qu'il manifestait la douloureuse impression qu'il éprouvait à entendre
certaines critiques, exhortait tous à ne jamais parler en mal de quel-
qu'un, et encore moins des membres appartenant au clergé ou à un
Ordre religieux, car c'est une chose tout à fait contraire à la charité et
qui laisse toujours une très mauvaise impression chez quiconque a un
tant soit peu de jugement.

12.3 Page 113

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99
CHAPITRE X
sPàeonlrasD?eissi.ga-nBneotmeDsrcei.eonstBs-oa-sucCoLhCcaaoarntPiétvéâcitqhtiouinsegt-dnedieLsauenpsssreisrcoédencesnpiDearrit.sst.ooCnnassfal-esssopImlduapsrnesasgslreiéosanbpslereis-t
Au Convitto D. Bosco n'avait en rien perdu de sa ma-
nière de faire pleine d'allégresse, qui faisait de lui le prince de toute
conversation. Comme au séminaire et dans les écoles de Chieri, il a-
vait sans cesse quelque nouvelle trouvaille pour égayer le groupe. Ce-
pendant dans ses tours et ses blagues il gardait toujours une attitude
calme, souriante, pas du tout inconvenante dans les gestes ou la dê-
marche, et ne s'abandonnait jamais à des crépitements de rires. Ra-
contons ici une autre anecdote qui démontre encore davantage qu'une
éminente piété et un zèle apostolique peuvent très bien s'associer avec
un tempérament facétieux. De ces charmantes récréations tiraient un
très grand plaisir même le Théologien Guala et D. Cafasso, qui pour-
tant étaient des hommes [remplis] de tant de bon sens et de sérieux.
Il y avait au Convitto un certain D. C..., homme jovial
et on ne pouvait plus extravagant, qui se prêtait fort bien à
maintenir dans la joie les groupes, laissant parfois aussi rire un
peu à ses dépens. Cet homme avait acheté auprès des Juifs un

12.4 Page 114

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100
pardessus si classique pour la forme et la vieillesse qu'il était devenu
proverbial parmi les étudiants du Convitto. En conséquence il n'osait
plus l'endosser. Un beau jour D. Bosco lui fit arriver le pardessus
à sa place d'étude. Parvenue I'heure d'étudier, D. C... se dispose
àQauus'me'asistl-isceeeuoqidrueeeltca'essseatnlqlteuu.eMnçaapi?saqq-uueotisq'?éuciilrilerue-gti-aiclrda;eusematiiteiludxeeneIvt'eormeiecboacnrernaaspîat:qsu-oent
caban. Tout d'abord il s'irrite, mais ensuite ne sachant pas comment
tournerait l'affaire, il le prit et I'emporta au milieu des rires de tous.
Une autre fois D. Bosco lui joua le même tour à table au
réfectoire;et alors D. C... un peu fâché enferma son pardessus dans
une malle, et ensuite dans le plus grand secret possible il l'envoya
chez lui à Turin, interdisant à ses parents de le.laisser voir à quicon-
que. Cependant ils ne tinrent pas compte de la défense.
A I'arrivée du carnaval, D. Bosco se délectait beaucoup
à titre de passe-temps à présenter des tours de passe-passe. Par suite il
se concerta avec I'Abbé Fava en vue de rire à propos du pardessus de
dDe.C.c.r.é-ationA,lonrosu?s
dit un soir I'Abbé à
voulons nous divertir
D.Bosco,
?
à
un
moment
- Oui, rions un peu, ajoutèrent le . Théol. Guala et D. Cafasso, qui
étaient d'accord avec D. Bosco.
Donc à vous, D. Bosco, dit I'Abbé ; faites-nous un bon tour.
-- Mais quel tour dois-je faire ? reprit D. Bosco.
Ceux qui se trouvaient autour en énumèrent de nombreux.
D. Bosco écoutait et gardait le silence, mais il dit finalement :
vous le choix pour demander tout ce qui vous plaira de mieux,
-
et
A
moi
aussitôtje vous le ferai apparaître devant vous sur une petite table.
Imaginez les choses les plus ridicules et toutes furent de-
mandées : celui-là voulait un chat, un autre un moineau vivant,
celui-ci des æufs, l'autre un poulet rôti. Au milieu de tant de cris

12.5 Page 115

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101
se
de
leva la
D. C....
voix
de
I'Abbé
Fava
:
-
Faisons apparaître le caban
La proposition fut très applaudie et fit oublier toutes les
autres. D. Bosco s'excusait en disant que cela n'était pas possible ;
et D. C...
cæur, car
cmrioanapuasrsdeitsôstu: s-
Faites-le pourtant, si vous
je I'ai laissé à la campagne,
en
je
avez le
l'ai mis
sous clef et personne ne peut me le prendre.
Ayant capitulé dans I'intervalle, D. Bosco se fit donner
une baguette, se ceignit la taille avec une serviette : puis il chanta, et
dit des paroles mystérieuses. Tous avaient mal aux côtes à cause des
rires. Ensuite comme découragé il assura qu'il ne pouvait réussir. On
le pria avec de vives insistances, il renouvela les signes cabalistiques,
et à un moment il s'écria :
Constantinople, mais nous le
blaient, tandis que D. Bosco
ff-aeirsoanisSt irvléeepnnécitere,ricàpiap!rt-oseunstLeelnes
caban est à
rires redou-
chæur quel-
ques grands mots étranges, sonores, incompréhensibles.
Alors il commanda que fût porté au milieu de la pièce
un petit bureau appartenant à I'un des étudiants du Convitto. Il
I'ouvrit, et puis il invita tous à témoigner qu'il était vide : il le ferma
de nouveau, le rouvrit, pour la seconde fois il fit voir à tous que dans
Ie tiroir il n'y avait rien, et I'ayant refermé il donna la clef au Théol.
Guala, qui devait la tenir à la vue de tous en la pointant vers D. Bos-
- Faites, faites donc disait avec assurance D. C..., tandis
qu'un sourire sardonique de complaisance se promenait sur ses lèvres.
Ayant pris I'allure d'une personne inspirêe, et fendant len-
tement l'air avec sa baguette, D. Bosco prononça quatre mots, de ceux
qui ne se trouvent pas dans toutes les langues du monde et finit par
calriet ro:uv-rir.
Çrs5t
Dès
fait
qu'il
!-
eut
la
il donna alors la clef à D. C... pour qu'il
clef entre les mains, D. C... s'écria ébahi :
- Mais c'est la clef de ma malle. - Et il ouvrit, et voici que s'étale

12.6 Page 116

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't02
sous les yeux de tous le fameux pardessus. Elles sont indescripti-
bles la surprise et I'allégresse des étudiants du Convitto. D. C..' de-
meura bouche
éloignons-nous
bée.
d'ici,
Et D. Cafasso
autrement on
mdiet u:rt-dePrioreu.r
I'amour
de
Dieu
La joie du cæur est la vie de I'homme, et un trésor iné-
puisable de sainteté (1). Toutefois bien plus chères étaient pour
D. Bosco d'autres récréations que l'on prenait avec D. Cafasso.
Nous rapporterons ici une page écrite par D. Bosco lui-même.
" Tous les jours après le repas il y avait un peu de récréation. Et
c'était le moment d'un autre merveilleux enseignement de D. Cafas-
so. ses étudiants suçaient comme du lait la belle manière de
vivre en société ; d'avoir affaire au monde sans se faire esclave du
monde ; et devenir de vrais prêtres munis des vertus nêcessaires,
pour former des ministres capables de donner à César ce qui est à
César, à Dieu ce qui est à Dieu. D. Cafasso racontait également les
conversions de pécheurs auxquelles il avait assisté dans les hôpitaux,
dans les prisons et en d'autres lieux, procurant un plaisir et un
avantage sans limites aux étudiants du Convitto. Ceux-ci ensuite,
tandis que D. Cafasso n'était pas présent, avaient mille choses à
raconter de leur cher instructeur. Parmi les très nombreux faits,
dont j'ai été témoin oculaire, je sélectionne le suivant, qui est
plaisant et curieux.
" Pour préparer les prisonniers à célébrer une fête qui était en
l'honneur de la Vierge Marie, D. Cafasso avait employé une se-
maine entière à instruire et encourager les détenus d'un quartier,
c'est-à-dire d'une grande salle, se trouvaient environ quarante-cinq
des plus fameux prisonniers. Presque tous avaient promis de
s'approcher de la confession à la veille de cette solennité. Mais,
arrivé le jour établi, personne ne se résolvait à entreprendre la
(1) si so,zz [D'après la Vulgate]

12.7 Page 117

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103
sainte opération de se confesser. Il renouvela I'invitation, rappela
brièvement ce qu'il leur avait dit les jours précédents, évoqua la
promesse qui lui avait êtê laite ; mais, fût-ce respect humain,
fût-ce ruse du démon ou autre vain prétexte, personne ne voulait
se confesser. Que faire alors ?
" La charité pleine d'ingéniosité de D. Cafasso saura quoi faire.
Riant il s'approche d'un [homme] qui à son aspect semble le
plus grand, le plus fort et le plus robuste des prisonniers.
Sans mot dire, de ses petites mains il le saisit par la
barbe fournie et longue. Le détenu tout d'abord pensait que
D. Cafasso agissait pour rire, c'est pourquoi d'une manière
courtoise, pour autant qu'on peut attendre d'une telle person-
ne, il dit : - Prenez-moi tout entier, mais laissez ma barbe
tranquille.
-Je ne vouslaissepluspartir, tantque vous ne serez pas venu
vous confesser.
vo----uMsMEDalaitatiiessmisss.eo.cm.reiaojmqieiupojenaeisevjoenvvu'oyosnuuevvssoaveuliaesnleiuspzaxsa,leslpev. apor,sautssmapnneatercqtoimurn.e'féecvshsoaeuprs.penreezvopulusss,eeret zjepnaes
confessé.
- Je ne suis pas préparé.
-
"
Je vous préparerai
Certainement si ce
moi.
prisonnier
avait
voulu,
il
aurait
pu
se déga-
ger des mains de D. Cafasso avec la plus Iégère des tapes ;
mais fût-ce respect de la personne, ou mieux fruit de la
grâce du Seigneur, le fait est que le prisonnier capitula, et
se laissa tirer par D. Cafasso dans un angle de la grande
salle. Le vénérable prêtre s'assied sur une paillasse, et pré-
pare son ami à la confession. Mais quoi ? En peu de temps
ce demier se montre ému, et au milieu des larmes et au
milieu des soupirs, il put à peine terminer l'aveu de ses
fautes.

12.8 Page 118

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104
" Apparut alors une grande merveille. Celui qui auparavant refu-
sait en blasphémant de se confesser allait ensuite vers ses com-
pagnons en proclamant n'avoir jamais été aussi heureux durant sa
vie comme en ce jour. Puis il fit tellement et dit tellement que
tous n'eurent plus qu'à faire leur confession.
" Qu'on veuille appeler ce fait, que je choisis parmi des milliers
d'un tel genre, miracle de la grâce de Dieu, ou qu'on
veuille le dire miracle de la charité de D. Cafasso, on est
forcé de reconnaître en lui I'intervention de la main du
Seigneur.
" Il est bon de noter ici que ce jour-là D. Cafasso confessa jus-
qu'à une heure très avancée de la nuit, et que, les disposi-
tifs de fermeture et les portes de Ia prison n'ayant pas êté
[laissés] ouverts pour lui, il était sur le point de devoir dormir
avec les prisonniers. Mais à un certain moment de la nuit en-
trent les policiers et les gardiens, armés de fusils, de pisto-
lets et de sabres, et ils se mettent à faire la visite habi-
tuelle, tenant des lumières aux extrémités de quelques tringles
de fer. Ils allaient çà et en observant si par hasard ap-
paraissaient des fentes sur les murs, ou dans le plancher, et s'il
n'y avait pas à craindre des machinations ou des désordres parmi
les prisonniers. A voir un inconnu ils se mettent tous à crier :
-pliceai rm?lQeerQun, uaimicveaêantiestlsàec-vn?eoldua-issna?enEtolt:uùs-iavfnousuQtlaeuptzeate-svnfoadpuirtoeessssad-ivlebleoleru,s?p,co-aqnurseleeDvs.iolsCpuaolIef'leazicns-ivsteoooruusvrseocnfruaiteliarneeittt
tousd'uneseulevoix: - Anêtez, arrêlez! et dites-nous qui vous
êtes.
- Je suis D. Cafasso.
so-nDn.'êtCesa-fvaosusso..p.!ascopmamrtiepntl.u..s?
à
tôt
cette heure...? pour
? nous ne pouvons
quelle rai-
plus vous
laisser sortir sans en faire un rapport au directeur des prisons.
-
mais
Cela m'est égal ;
préoccupez- vous
portez même Ie rapport à qui vous voulez,
bien de vos intérêts, puisqu'à l'approche de la

12.9 Page 119

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105
nuit vous deviez venir voir et faire sortir ceux qui étaient étrangers
aux prisons. C'était votre devoir, et vous êtes fautifs pour ne pas l'a-
voir fait.
" Tous gardèrent alors le silence, puis agissant avec D. Cafasso à la
bonne franquette et le priant de ne pas rendre public ce qui était
arrivé, ils lui ouvrirent la porte, et pour en gagner la bienveillance, ils
I'accompagnèrent jusque chez lui. "
Alors à Turin les prisons étaient au nombre de quatre : u-
ne dans les tours près de Porta Palazzo, une autre rue St-Dominique
dans le local qui fut par la suite occupê par la Maison de
Bienfaisance, la troisième au Correctionel [sic] près de l'église des
Sts-Martyrs, la quatrième dans les sous-sols du Sénat. Toutes étaient
I'objet des pensées et des préoccupations de Don Cafasso dans son
zèle, dans sa charité, mais cette dernière l'était de façon spéciale.
Le règlement des prisons avait été ordonné dans une li-
gne chrétienne par Charles-Albert en 1839. On y prescrivait la Sainte
Messe, une instruction religieuse et une heure de catéchisme tous les
dimanches et jours de fête. Les Aumôniers étaient aussi tenus chaque
mercredi et chaque jeudi de rendre visite aux prisonniers et d'ensei-
gner la doctrine chrétienne tous les jours du Carême. Pour aider les
Aumôniers à préparer les détenus à la fête de Pâques, D. Cafasso y
envoyait les êtudiants du Convitto trois fois par semaine, avec un do-
mestique qui les suivait porteur d'un panier rempli de tabac et de ciga-
res, répartis en de nombreux paquets. A la porte des prisons ils étaient
distribués aux catéchistes, pour qu'ils en fissent don à leurs élèves peu
aimables.
Au commencement D. Bosco avait éprouvé une certaine
répugnance à accomplir un tel service ; ces salles voûtées humides,
malsaines, le triste aspect des détenus, I'idée de se trouver au milieu
de personnes marquées de souillures dues à d'horribles iniquités et
même jusqu'à du sang, ltout cela] le bouleversait. Il s'arma de courage

12.10 Page 120

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106
en pensant toutefois à ce que dira le divin Juge au jour suprême : 1n
carcere eram et venistis ad me (1). Il commença donc les catéchis-
mes à sa classe Certes les débuts n'étaient pas trop encourageants :
les uns riaient, les autres faisaient des interrogations hors de propos,
d'autres parlaient à voix basse avec les compagnons voisins, ou enco-
re on baillait bruyamment. Mais il ne se découragea pas devant ce peu
de correspondance, Ies traitant toujours avec le plus de charité, de
patience et de mansuétude. En discutant familièrement avec ces mal-
heureux, grâce à ses belles manières et à sa douceur dans les ins-
tructions il se les attacha tellement qu'ils désiraient ardemment l'avoir
souvent avec eux. Et il parlait tant et se prodiguait tant qu'il réussit à
gagner le cæur de beaucoup et à les reconduire sur le chemin du salut.
Formé par D. Cafasso, lors même de ses premiers essais, il était
admirable pour inspirer une grande confiance en la miséricorde
de Dieu, ainsi que nous I'attestent les témoins du fait.
Cependant ce qui faisait sans cesse saigner son cæur si
affectueux, détait les pauvres jeunes, que la société était obligée d'en-
fermer ici comme des êtres nuisibles, sans avoir rien su faire d'autre
pour eux. Certains expiaient des délits supérieurs à leur âge. D. Bosco
s'aperçut que le nombre de ces misérables augmentait chaque jour ; et
ceux-là mêmes qui, une fois la peine purgée, étaient remis en
liberté, bien vite, après quelques jours, retournaient en ce lieu
chargés de nouveaux délits et d'une nouvelle condamnation. Il
observa aussi, avec émerveillement et surprise, que cela arrivait
également chez ceux, nombreux, qui en raison de la crainte et
des souffrances endurées étaient sortis de prison avec le ferme
propos d'une vie meilleure. Et demeurant là ils apprenaient les
manières de mal faire les plus raffinêes, se corrompaient da-
vantage et ils en ressortaient toujours pires. Et pourtant parmi
ces infortunés il y en avait beaucoup au cæur bon, capables d'ê-
(1) Ut 25,36 U'êtais en prison et vous êtes venus me voirl

13 Pages 121-130

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13.1 Page 121

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t07
tre la consolation de leur famille, mais avilis, aigris par de durs
traitements, contraints à se nourrir seulement de pain noir et d'eau
(car alors dans les prisons on vivait pire que maintenant), re-
gimbant dans leur volonté aux ordres, parce qu'il fallait obéir par
force, ayant le regard torve et le sarcasme aux lèvres. D. Bosco
s'approchait d'eux, prononçait des paroles d'affection, de foi et
aussi de plaisanterie. Il secouait leur ennui par des récits amu-
sants, il calmait en eux les humeurs méchantes, il intercédait
pour eux auprès des gardiens, et par son zèle ardent, mais tout
rempli de tendresse il exerçait sur eux un véritable empire, une
fascination irrésistible. Les jeunes I'attiraient et réciproquement
ils étaient attirés par lui. " Et au fur et à mesure, écrit-il, que je
leur faisais goûter la dignité de I'homme, qui est raisonnable et
doit gagner le pain de sa vie par un travail honnête et non par
le vol ; dès qu'on faisait trouver au principe moral et reli-
gieux un écho dans leur esprit, ils éprouvaient au cæur un plai-
sir, dont ils ne savaient pas donner la raison, mais qui les
faisait se rêsoudre à devenir meilleurs. Et, en effet, beau-
coup changeaient de conduite dans la prison elle-même, d'autres
une fois sortis vivaient de manière à ne plus y être conduits ".
Bref, en grand nombre, ils goûtaient dans la prison les doux ef-
fets de la miséricorde divine et trouvaient I'ouverture de la porte
du ciel.
Son catéchisme terminé, D. Bosco sortait de ces murs
profondément impressionné et de plus en plus résolu à se donner
tout entier, et à tout prix, au soulagement de tant de maux et tant
de peines de lajeunesse pauvre. Lorsque quelques-uns de ces jeunes
prisonniers étaient libérés et que leur domicile était trop éloigné de
l'Oratoire et qu'il ne croyait pas prudent de les admettre aussitôt
au milieu de ses élèves, D. Bosco commença également à les
confier à quelques personnes, dévoués Messieurs et braves artisans,
pour qu'ils fussent rassemblés le Dimanche, surveillés et conduits à
la sanctification des fêtes. Il ne manquait pas cependant de demander

13.2 Page 122

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108
des renseignements sur leur conduite, de leur rendre visite, de les
encourager et de les secourir. Dès ce temps-là déjà il s'apercevait
combien il est difficile de guérir certains d'entre eux, alors qu'ils ont
vécu longtemps dans le désordre, et il comprenait que le seul moyen
de les préserver du vice à l'avenir était de les recueillir en des endroits
protégés sûrs, où l'on pourrait leur donner une éducation religieuse,
les prémunissant contre tant de périls que seuls ils ne pourraient
surmonter. Mais comment faire ?
Entre-temps D. Bosco retirait de ces visites aux prison-
niers de nombreux enseignements pour la bonne réussite dans l'é-
ducation de lajeunesse. Il se persuadait de plus en plus de la nécessité
d'utiliser des moyens charitables avec ces malheureux et âvec tous les
jeunes, si l'on veut obtenir d'eux quelque chose ; et plus tard il
insistait sur ce point et donnait à ses coopérateurs I'assurance qu'un
jeune même de caractère âpre et rebelle cède facilement vers le bien,
lorsqu'il se voit traité avec amour. Il apprenait cependant de plus en
plus vivement quelle êtait la cause qui entraînait tant de pauvres
jeunes en ces lieux d'expiation. Les larmes aux yeux il racontait à ses
jeunes, accompagnant son récit d'anecdotes émouvantes qui lui é-
taient arrivées pendant son service de catéchiste dans les prisons,
comment beaucoup de prisonniers, notamment des jeunes, affir-
maient avoir été conduits à mal agir soit par le mauvais exemple
d'un compagnon soit par la négligence de leurs parents, notamment
en ce qui concerne l'instruction religieuse. Et c'est pourquoi il in-
culquait sans cesse la fuite des mauvais compagnons et insistait
sur le bon exemple chez les parents et sur la nécessité de bien
instruire les jeunes dans les choses de la religion, afin de les
maintenir sur le droit chemin et de les sauver.
Pendant ce temps-là le carême touchait à sa fin et a-
vec la plus grande application les catéchistes préparaient les pri-
sonniers à satisfaire au précepte pascal. D. Cafasso accompagné
de plusieurs autres prêtres alla les confesser. La fête de Pâques,

13.3 Page 123

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109
cette année-là, tombait le 29 mars. A la fin de la cérémonie de la
Communion générale, D. Cafasso, selon son habitude, vint les félici-
ter. Dès que s'ouvrirent les vantaux des prisons, se produisit une véri-
table
vive
noovtaretiobnie.n-faiteVuirv, enoDt.reCpaèfarses!o
la confusion, il les fit ranger en file
!-et-toUunctersiaofoiut-irsoiancnatdlmeà étcoshuatleecussnbprdau'reittussx-diel
distribua deux petits pains de farine blanche, qui leur paraissaient du
gâteau, et un fruit.
Ces distributions il avait I'habitude de les faire 'quatre fois
l'an, aux plus grandes solennités. Et en même temps il leur recom-
mandait de dire un Ave Maria pour lui, afin qu'il pût sauver son âme ;
ensuite il provoquait leur hilarité au moyen d'une anecdote et de
plusieurs boutades. Et ces pauvres diables de rire, et certains de
demander avec familiarité une faveur pour du tabac, des chemises,
des caleçons, des pantalons, de l'argent, etc., ce que le bon prêtre leur
procurait tout de suite ou le jour suivant. Par ailleurs tous les lundis,
mercredis, vendredis il se rendait aux prisons du Sénat, il distri-
buait des aumônes jamais inférieures à deux lires, par I'intermédiaire
du gardien il fournissait la soupe et autres réconforts aux malades, et
parfois encore des sommes d'argent pour leurs familles. Il continua
ainsi tant que ne vint pas I'interdiction du Gouvemement. En outre à
beaucoup de ces malheureux coupables le saint prêtre obtenait du Roi
Charles-Albert la grâce de la libération.
Dans tout ce saint apostolat, dans I'exercice de cette æu-
vre sublime de miséricorde, D. Cafasso prenait pour compagnon
D. Bosco, auquel il confiait aussi plusieurs fois par an des instructions
catéchétiques spéciales : c'est ce qu'attestaient avoir entendu rapporter
D. Rua, Bonetti, Enria et bien d'autres anciens élèves de l'Oratoire ;
ainsi il l'entraînait pour les plus belles tâches du ministère sacerdotal,
dans lesquelles se rejouissait tant l'âme de D. Bosco.

13.4 Page 124

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110
CHAPITRE XI
jpDcoaou.nrirBftéioouresnnncecoàeaesAcstlépitohcmnoriintsdeseesàMRpl'aeaotsruisiserbao-dineneesnLra-cehtmraAaiériuetdetars-eillseépLvmiéarniitrepuamreceulelmlenestiuèrs-reeelig-siCéerhuiLaex'qoudepene-
Piémont.
Quelques mois srétaient écoulés depuis que D. Bosco se
trouvait au Convitto, lorsque le Curé de Castelnuovo rencontrant
Don Cafasso lui demanda s'il n'avait rien découvert de particulier
chez [o. Bosco] à propos de l'éloquence sacrée. Don Cafasso lui répon-
dit qu'à sa connaissance c'était un prêtre comme il faut, mais qu'il
n'avait jusqu'alors rien observé d'extraordinaire au sujet de sa maniè-
re de prêcher, puisqu'il ne s'était pas présenté d'occasion ; Don Cinza-
no lui
mons
dit :
d'un
-carêSmi veouosuvdo'uulneez
le connaître, envoyez-le
neuvaine, sans l'avertir
donner les ser-
auparavant, et
après vous
position, et
en verrez
comme il
lleuiasrurlitvaat.it-
D. Cafasso accepta la pro-
de devoir envoyer un prêtre
pour prêcher pendant neuf jours à l'Hospice de la Charité, il en
chargea D. Bosco, ne l'avertissant toutefois que la veille au soir.
D. Bosco obéit et alla accomplir sa mission. Entre-temps le Curé
ci-dessus nommé, rencontrant de nouveau D. Cafasso, lui demanda :
- Eh bien, avez-vous fait I'essai avec D. Bosco ? Est-ce vrai ce que

13.5 Page 125

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111
je vous ai
fasso ; je
dit
I'ai
sur son habiletê à prêcher ? -
invité à mener une neuvaine
à
Oui, répondit Don Ca-
I'Hospice de la Charité
sans qu'il fût préparé. Je viens de I'entendre ce matin ; je lui ai
demandé s'il avait encore suffisamment de matière pour continuer les
serrnons et il m'a
mener toute la
répondu oui.
neuvaine au
-graDnde
la sorte D.
étonnement
Bosco
de D.
continua à
Cafasso et
de tous les autres qui savaient que tous ces serrnons avaient été
improvisés à cause des saintes embûches qui lui furent ten-
dues. C'est ce que nous racontait le Théologien Cinzano. La grà-
ce spéciale qu'il avait demandée au Seigneur, à savoir qu'en tout
lieu et en toute circonstance sa parole fût sans cesse efficace, lui
avait été abondamment accordêe. D. Bosco avait déjà êcrit un
certain nombre de prédications qui traitaient de la Vierge Marie
et de divers saints, mais il ne s'était pas encore occupé de met-
tre sur le papier d'autres sujets dogmatiques et moraux. C'est
pourquoi, afin de ne pas être en d'autres occasions pris au dé-
pourvu et pour que sa parole réussît à apporter un avantage
majeur aux âmes, en cette année 1842 il commença à préparer
ses conférences en vue de la prédication. Nous possédons les
manuscrits suivants, que l'on conserve jalousement avec la date
du jour ils furent terminés.
Introduction à la retraite spirituelle. - 2 avr\\l 1.842.
Le péché mortel. - 17 avril 1842.
La mort du pécheur. - 1 juillet 1842.
Avec la mort finit le temps et commence l'éternité. - 17 juillet
L842.
La miséricorde de Dieu. - 20 juillet 1842.
Les deux bannières. - 23 juillet 1842.
Instintion de l'Eucharistie. - 12 août 1842.
De la fréquence de la Sainte Communion. - 22 août 1842.
Nous possédons de lui beaucoup d'autres sermons, mais
d'année incertaine, et de cette année-là encore un seul sur la Visitation

13.6 Page 126

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tt2
de la Vierge Marie ; il porte en marge I'inscription : Le 9 juin 1842
au Pensionnat des Petites Orpheltnes. Nommant ici Notre-Dame
il me semble bon de mentionner qu'une de ses plus grandes joies
était de prêcher sur Elle. Nous l'avons nous-mêmes entendu com-
mencer ainsi l'exorde en parlant du Rosaire. " Si en ce jour il
m'était donné de m'élever à la contemplation des choses cê-
lestes, de me présenter devant Ie trône de la Vierge Bénie, oh,
comme je voudrais vous décrire de manière adéquate, mes frères,
sa sainteté immaculée, sa beauté, la grandeur de ses mêrites et
de ses miséricordes, sa dignité en tant que Mère de Dieu...
Mais malheureusement nous sommes encore de pauvres pèle-
rins êloignés de la patrie et de notre chère Mère... Toutefois
nous avons la foi et remplis de cette dernière nous parlerons
de la Vierge Marie toute compatissante, toute bienveillante
pour nous... ". Sur ses lèvres, de telles paroles revêtaient un
charme inexprimable que l'on ne pouvait plus jamais oublier et
les cæurs palpitaient de la plus tendre dévotion envers la Mère
céleste.
Non seulement du haut de la chaire, mais chaque jour
et à toute heure du jour il avait I'habitude de parler d'Elle ; é-
tant donnê qu'il avait le cæur très brûlant d'affection pour la Reine
du ciel et de la terre et I'esprit rempli d'inépuisables sujets pour en
exalter la puissance, la gloire et la bonté matemelle, jamais il ne
manqua à la résolution prise de raconter chaque jour une ac-
tion, une gràce, un miracle de cette toute-puissante Dame. D'au-
tant plus que ses prodiges et ses apparitions multiples au 19ème
siècle rendaient de temps en temps visible sa continuelle pro-
tection en faveur de l'église catholique et de tous les fidèles.
Les auditeurs ne faisaient jamais défaut, car ou bien il les ren-
contrait ou bien il allait les chercher, en conformitê avec la
résolution prise. Passionné pour l'Immaculée Conception, ce à
quoi il croyait fermement, bien que I'Eglise ne l'eût pas enco-
re proclamé comme dogme de foi, il se procurait et distribuait un

13.7 Page 127

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113
grand nombre de ces médailles dites miraculeuses, pour que
les fidèles les missent à leur cou. D'un côté la médaille
porte I'effigie de Marie qui, debout sur le globe terrestre, tient
sous ses pieds un serpent, tandis que de ses mains étendues,
ouvertes, abaissées partent des faisceaux de rayons illuminant la
terre, symbole de grâces et de bénédictions. Autour on lit I'ins-
cription : O Marie, conçue sans péché, priez pour nous qui
aÿons recours à ÿous. Au revers se trouve la lettre M avec
au-dessus la croix et au-dessous deux cæurs ; le cæur de Jésus
entouré d'une couronne d'épinès, et le cæur de la Vierge trans-
percé par un glaive ; à l'ensemble enfin douze étoiles forment
une couronne. Cette mêdaille, symbole de protection divine, pro-
pagatrice d'un nouveau titre de Notre-Dame, avait été un don du
ciel.
Le soir du 18 juillet 1830, Catherine Labouré, fille de
la Charité de St Vincent de Paul, dormait dans I'un des grands
dortoirs de la maison du noviciat à Paris. L'horloge sonnait
onze heures et demie, lorsque la novice se sentit appeler
pteamretnrot iésvfeoilised, eellseuitteir:a-quSeælquureLpabeouurlée!
r-ideaSu'étdanut
parfai-
lit du
côté d'où elle avait entendu la voix, et à sa stupeur elle
vit un petit enfant de quatre à cinq ans. Il était vêtu d'un
lin très blanc et de sa tête blonde, comme de toute sa
frêle personne, partaient de très vifs rayons qui illuminaient
tout ce qui était autour de lui, et d'une voix suave et harmo-
nteieVusieergileluti'adtteitn:d-.
pensait : Me lever
Viens, viens dans la chapelle : la Très Sain-
-?
La Sæur comme en extase, mais indécise,
Sortir de cette salle ? Je serai découverte
par l'une des compagnes qui sont nombreuses !... Et le joli petit
enfant
crains
répondant à la pensée de
rien : il est onze heures et
[Sæur] Labouré
demie, tout le
majoountdae:d-ort,Neet
jbeillteeetnievnitdersasiecoemt spuaigtnIi'ee.n-fant
A ces mots Sceur Catherine s'ha-
qui sans cesse près d'elle marchait

13.8 Page 128

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tL4
à gauche, émettant des rayons de lumière, tandis que les
lampes des corridors s'allumaient à son passage. La stupeur et
l'érnerveillement de la novice s'intensifièrent lorsque parvenue à
la porte de la chapelle, qu'elle savait être solidement fermée,
elle la vit s'ouvrir toute grande au seul contact du doigt de son
guide et trouva la chapelle tout illuminée précisément comme
lors de la Messe de minuit à NoëI. Parvenue à la table de
communion, Sæur Labouré s'agenouilla en cet endroit, et l'en-
fant entré dans le chæur s'arrêta debout sur la gauche. Ils
semblaient longs à Sæur Catherine ces moments d'attente.
Enfin vers minuit le céleste guide s'écrie pour
Voici la Sainte Vierge, la
distinctement sur le côté
vdoriociit!d-e
A
la
cet instant
chapelle un
|e2vlsle1fle1nIte-nd
bruit léger,
léger, semblable au frou-frou d'un vêtement de soie. Et voici
qu'apparaît une Dame d'une incomparable beauté, couverte d'une
robe blanche tirant sur le jaune, avec un voile bleu ; elle
vient s'asseoir dans le chæur à la gauche de I'autel. Sæur
Labouré en restait comme perplexe, luttant intérieurement a-
vec le doute, et immobile. Alors I'enfant, formulant d'une
voix forte et sévère un reproche à la Sæur, lui demanda si la
Reine du ciel ne pouvait pas revêtir I'aspect qui lui plaisait le
plus pour apparaître à une pauvre créature ! La Sæur sentit en
un instant s'évanouir chacun de ses doutes, et suivant l'élan
de son cæur, elle alla se jeter aux pieds de Marie, posant
familièrement ses mains jointes sur les genoux de [Notre-Dame],
comme elle l'aurait lait avec sa maman. Qui pourra décrire
tous les sentiments intenses éprouvés en cet instant par I'heu-
reuse novice ? La Sainte Vierge I'instruisit alors sur la
manière de se comporter dans les peines qui l'affligeaient,
êt, lui indiquant de la main gauche le pied de I'autel, elle
lui intima I'ordre de venir se jeter en cet endroit pour ou-
vrir son cæur : de ce lieu elle recevrait toutes les conso-
lations dont elle aurait besoin. Puis, avec une immense tristesse
et les larmes aux yeux, elle lui prédit accompagnées de nombreux

13.9 Page 129

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115
détails la nouvelle révolution française jusqu'à 1877, les
calamités de toutes sortes qui frapperaient le monde, les
insultes dont sera couvert N. S. Jésus Christ, les grâces qui
seront accordées à toutes les personnes qui les demanderont,
grands ou petits: et I'assurant que celui qui croira reconnaîtra sa
visite et la protection de Dieu, elle annonça à la novice qu'el-
le lui donnerait une mission, à savoir de faire frapper une
médaille, selon le dessin qu'elle lui présenterait lors d'une
seconde vision, et de la faire connaître à tout le monde
par I'intermédiaire de l'autorité ecclésiastique, promettant de
grandes grâces à quiconque la porterait au
avoir ainsi conversé avec [sæu.] Labouré, la
cSoua.in-te
Après
Vierge
disparut comme une ombre légère qui se dissipe. Sæur
Catherine se leva comme hors d'elle-même à cause de
I'ineffable violence de tant de sublimes sentiments. Et l'en-
fnaonutvecaéuleàsteladitga: u-cheEdllee
leasjtepuanretieno! v-ice,Piul isl'ascecopmlpaaçgannat
de
au
dortoir, émettant le long du chemin des rayons de lumière.
Ensuite il disparut. Sæur Catherine était près de son lit et
l'horloge sonnait deux heures. Les prophéties de Notre-Dame
qui étaient en train de se vérifier, la rapide diffusion de la
médaille par centaines de millions, les miracles et les con-
versions sans nombre de pécheurs obstinés, et la confirma-
tion du Saint-Siège prouvèrent la vérité de l'apparition de
Marie : ce fut là une première proclamation de son Imma-
culée Conception.
Le bruit d'un tel événement et des faits merveilleux qui
s'ensuivirent remplissait alors tout le monde chrétien. Mais en cette
annêe 7842 une nouvelle apparition très lumineuse vint confirmer la
première. D. Bosco la racontait aussitôt aux jeunes de son Oratoire
pour les inciter à la dévotion et à la confiance en Marie, et puis en ces
termes il en laissait la description dans son premier Résumé d'Histoire
de l'Eglise : " Alphonse Ratisbonne, [appartenant à I'une] des plus riches

13.10 Page 130

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116
familles israélites de Strasbourg, n'était que haine contre la reli-
gion catholique, principalement parce que son frère Théodore s'é-
tait converti au christianisme et dédié ensuite au ministère
sacerdotal. Venu à Rome pour son plaisir, il entra en fa-
miliarité avec le Baron de Bussières, autrefois protestant et à
présent converti à la foi catholique : ce demier, insistant en vain
pour faire ouvrir à Ratisbonne les yeux vers la vérité, le pria
de prendre au moins une médaille de Marie Immaculée. Pour ne
pas se montrer discourtois I'israélite, riant comme un fou de
telles décisions chez le Baron, se la laissa passer au cou.
Sortis dans Rome le jour suivant, ils entrent dans une
église et Bussières, ayant une affaire à traiter au couvent
attenant, pria le juif de I'y attendre pendant quelque temps.
Le Baron revint ; il cherche çà et Ratisbonne et le voit
à genoux, immobile, en pleurs devant une chapelle de I'An-
ge Gardien. Il le secoue doucement deux ou trois fois et
finalement Alphonse comme secoué d'un profond sommeil, tout
mouillé de larmes, sort la médaille de la Vierge, I'embrasse
btveaunpedt,êremjemeel'nati,t,vluaeen.se-prrréesIlecnodcneetmreda'asnuadterpeousintprienpresoetnrnnee,ss'dé,êclsreiiarenctæv:iuv-remsJoeellnictli'taléei
par les plus tendres mouvements il se met à parler ainsi :
-parRuensetéasgeitualtidoannisnelxpgrilmisaeb, leto. uJteàlècvoeulpesjeyemuxeestentotiustpl'réis-
difice a disparu : un plein flot de lumière se déverse à tra-
vers cette chapelle. au milieu de ces splendeurs radieuses,
debout au-dessus de I'autel, pleine de majesté et de douceur,
j'ai vu la Vierge Marie telle qu'elle est sur cette médaille.
Elle me fit signe de la main de m'agenouiller: alors je me
sentis sous l'effet d'une force inésistible me porter dans Sa
direction et il semblait qu'elle me disait : 'Bien ! bien ! '. Elle ne
dit mot, mais j'ai tout compris. Pendant un instant je pus voir
la beauté immaculêe de son visage. A bien trois reprises en-
core j'essayai de la contempler, mais je ne pus lever les yeux plus

14 Pages 131-140

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14.1 Page 131

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117
haut que les mains bénies, d'où sortaient de vifs rayons de grâ-
claes.coPnunisaieslsleandcisepdaerust.- ritéEsnccaetshobrlieqfuseinss. tQanutastolurzi efujtocuormsmaupnrièqsu,êele
31 janvier 1842, Alphonse reçut le saint Baprême. Plus tard il em-
brassa l'état ecclésiastique, fonda la Congrêgation religieuse des
Dames de Sion et il vécut et mourut comme un saint. Le Souve-
rain Pontife ordonna que le fait fût soumis à un examen canonique
et il en résulta qu'il s'agissait d'un véritable et remarquable mira-
cle. Ce fut une conversion instantanée et parfaite, comme celle de
St Paul, un prodige plus grand que la vie redonnée à un mort.
Tandis qu'au moyen de ces faits extraordinaires se diffu-
sait de plus en plus la dévotion à Marie Immaculée, un autre
événement religieux rallumait en Piémont I'amour envers Jésus et
envers sa Sainte Passion. A Turin, pour les noces du prince
héritier Victor-Emmanuel avec Marie-Adélaïde de Lorraine, Archi-
duchesse d'Autriche, on présentait le 2l avril, depuis les loges du
Palais Madame, au regard et à la vénération des peuples le très
saint Suaire. L'immense place et les rues débordaient de person-
nes de toutes conditions, de tous âges, et de tous pays, qui pour
manifester leur foi allaient en grande joie vénêrer la Sainte
Relique et contempler en elle la face divine et les plaies des
mains , des pieds et du côté de notre Divin Sauveur. D. Bosco
également y accourut et avec lui tous les jeunes de l,Oratoire.
Lui qui était d'une extrême tendresse envers les douleurs du
Sauveur et [celles] de sa divine Mère se servit de cet émouvant
spectacle pour éveiller chez ses jeunes une haine implacable
pour le péché et un amour très ardent envers Jésus Rédempteur,
ce qu'il faisait sans cesse au cours de toute sa vie chaque fois
qu'il avait I'occasion de parler de la Passion du Seigneur et des
douleurs de sa Très Sainte Mère.

14.2 Page 132

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118
CHAPITRE XII
Un grand deuil pour l' Eglise de Turin Prévisions du
acCVeuoéstnnreàvéitrdtaCoebaus-leitlelpCnLouoaouttvroroel.Detnr.agBioteo-sscpoiPr-itruéetCellenttiàuorneSsadcneto'Ilngantrpaerzeilom'Ei-ègrleisEeann-nvéaecaUdnne-
Un grond deuil allait envahir la ville de Turin. Le vénéra-
ble Cottolengo, I'homme suscité par Dieu au secours de toutes
sortes de maladies et de misères humaines, rendait saintement sa
belle âme à Chieri le 30 avril.
Quelques années auparavant, à ce grand serviteur de Dieu
qui s'attardait à parler avec le roi Charles-Albert au palais royal, près
d'une fenêtre qui donne sur la place située au-dessous, le Souverain
manifestait quelque crainte au sujet du sort futur de la Petite Maison :
-avezC-vhoeursCdhéanopiennes,édàisvaoitt-riel,
que le Seigneur vous
successeur ? Si jamais
garde ; mais
vous mouriez,
que deviendrait votre Institution
lengo, doutez-vous de la divine
P?ro-videOnhceM?ajVesotyée, z-vpoounsdait
Cotto-
en bas
qu'on relève la sentinelle à la porte d'entrée ? Un soldat murrnure un
mot à l'oreille du compagnon, celui-ci s'arrête I'arquebuse sur l'épaule,
I'autre s'en va, et, sans que personne ne s'en soit aperçu, la sentinelle

14.3 Page 133

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tt9
continue et fait très bien son devoir. Il en sera ainsi pour la
Petite Maison. Je suis un moins que rien : lorsque la divine provi-
dence le voudra, elle dira un mot à un autre qui viendra prendre mon
poste et
lui,
y
il
ffeinrairalaitgsaardgea. r-de
Le jour tant de fois prédit et désiré par
pour aller au paradis, était donc arri-
; et le Chan. Anglesio lui succédait pour monter la garde à la
Petite Maison, dont, selon la prophétie du saint fondateur, il étendit
les constructions jusqu'à la Doire.
Il est superflu de faire ici les éloges d,un homme, qui
sous peu sera élevé aux honneurs des autels et dont tout le monde
connaît la sainteté. Toutefois je ne dois pas passer sous silence
I'une de ses paroles prononcée peu de jours avant sa mort. Le
troisième dimanche après Pâques, il avait terminé, au monastère
du suffrage, son discours sur le désir du paradis et il se dirigeait vers
la sacristie ; mais, ayant effectué deux pas, il revint aussitôt en arrière,
et se plaçant à côté de I'autel il fixa dans les esprits avec une ardente
insistance I'idée de prier pour sa Majesté le roi charles-Albert
et pour toute la famille royale ; puis, levant les bras et les yeux fixés
au ciel comme quelqu'un qui cherche un secret et qui, I'ayant trouvé,
demande dans la prière que ce secret ne s,accomplisse pas, il s'é-
Dccrhiieaau,rlelp'âsam-rAeclebpseémrntéo!tt.rs.é.es-udi'vuiensteidlpesroepftoounitnd.tesQdudoeeuvlseouuusrlpae:itn-ssiiognnTi?faienrt
qu,il y aura
Ie serviteur de
En ces temps-là le Piémont était dans sa législation I'un
des royaumes les plus catholiques du monde. Toutefois les li-
béraux mettaient de temps en temps en avant de prétendus
nouveaux droits de l'Etat, qui causaient du tort à I'Eglise : mère
compatissante, elle condescendait parfois à céder sur un point de
discipline afin d'empêcher des maux plus grands. Le Gouver-
nement avait mis certaines limitations à I'acceptation des novices
dans les maisons religieuses, et cela en vue du recrutement
militaire.

14.4 Page 134

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r20
Mais n'est-il pas juste d'offrir à Dieu pour son service les
prémices de ses créatures ? N'est-ce pas à lui de les choisir à travers
les vocations ? Le Pape Saint Grégoire n'a-t-il pas, pour cette raison,
annulé comme contraire à Ia loi de Dieu le décret de l'Empereur Mau-
rice, qui interdisait aux militaires d'entrer dans la vie monastique ?
Il est vrai que la limitation indiquée ci-dessus semblait à
première vue causer peu de tort aux vocations religieuses ; ce-
pendant avec elle s'ouvrait aux autoritês civiles une nouvelle voie
pour s'introduire dans les affaires ecclésiastiques.
Voici ce qui fut donc décidé par le Gouvernement, avec
I'accord de l'Eglise : pour accepter des novices encore assujettis au
service militaire, les Supérieurs des Ordres religieux demanderont le
consentement de l'Evêque du diocèse se trouve le couvent ; ils
n'admettront pas les jeunes gens âgés de plus de vingt ans ; et les E-
vêques foumiront chaque année aux ministre de la guerre et de la ma-
rine la liste de ceux qui sont admis au noviciat. On interdit aussi aux
Supérieurs d'éloigner de I'Etat les novices avant le recrutement ; aux
mêmes il fut prescrit de transmettre à I'Evêque les noms de ceux qui
ne continuaient pas à mener la vie du cloître ; et enfin chaque novice,
pour être exempt du service militaire, devait avant de tirer le numéro
de recrutement faire la demande d'entrer en religion et ne pas sortir de
I'Etat sans verser la caution prescrite par le règlement. Ces disposi-
tions étaient annoncées aux fidèles par Mgr Fransoni dans les circu-
laires des 9 juillet et 15 novembre 1842. Cependant Mgr Fransoni, qui
connaissait bien les hommes dans son expérience, apercevait dans
cette controverse les gerrnes de beaucoup d'autres et bien plus graves.
A la même époque le Comte Camille de Cavour avait
fondé une société qui porta le titre d'Association Agricole. Elle
semblait orientée vers le bien des gens, de la ville comme de la
campagne. Son but moral apparent êtait de faire, notamment des
cultivateurs, des êléments de la construction sociale : conduire les

14.5 Page 135

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127
peuples vers de grandes entreprises, en favorisant I'union des forces ;
faire fraterniser les centres urbains et les communes des provinces
dans les congrès. Le but politique secret était d'éduquer les citoyens à
la pratique des discussions publiques, une préparation et un essai anti-
cipé du système parlementaire. EIle eut quatre mille membres, parmi
lesquels le premier inscrit fut Charles-Albert, une bibliothèque, des
réunions, publiques comme privées, et un journal propre. Le Roi en
fit président le Marquis César Alfieri de Sostegno, glorieux reste des
conjurés de 1821, qui devait modérer les excès démocratiques.
On commençait en outre à préparer et publier grâce à des
écrivains choisis une encyclopédie populaire : tandis qu'elle favorisait
le progrès scientifique et littéraire, elle était destinée à allumer l'étin-
celle apte à maintenir vif dans le Piémont ce feu patriotique qui devait
peu à peu se raviver dans toutes les autres provinces d'Italie (1).
Le ferment révolutionnaire, qui se cachait sous tout cela,
donnait bien sûr à pronostiquer en mal de I'avenir, et nous sommes
d'avis que le vénérable Cottolengo, alors qu'il prononça les mots
suivis de points de suspension, prévoyait tous les événements qui
soudainement plus tard se succédèrent quelques années après.
Un autre deuil plus intime peinait le cæur de Don Bosco
le mois suivant: la mort de cet ange de pureté qu'était le jeune
abbé Joseph Burzio. Au séminaire, il était presque victime d,u-
ne calomnie : D. Bosco en avait pris la défense et, avec perspi-
cacité et très grande prudence, il avait déjoué I'intrigue et a-
droitement fait triompher l'innocence. A présent jeune homme de
vingt ans, novice des oblats de Marie, et toujours en étroite rela-
tion avec D. Bosco, après avoir prophétisé le lieu de sa mort, de
(1) PREDARI, I primi vagiti etc. [les premiers vagissemenrs = l,aube],
p.27-68.

14.6 Page 136

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722
Pinerolo il avait été conduit à Turin pour recevoir une plus gran-
de assistance dans sa maladie, mais il y succombait au Couvent
Notre-Dame de consolation le 20 mai. Son corps était enseveli dans
les sous-sols de I'Eglise, sous I'autel de la Sainte Vierge, parmi
les tombes de ses autres confrères.
En attendant, la première année de Convitto pour D. Bosco
touchait désormais à sa fin. Selon le règlement la clôture devait
se faire avec la retraite spirituelle à Sant'Ignazio, sur les hauteurs
de Lanzo.
C'est au nord de Lanzo Torinese que se dresse à 910 mè-
tres au-dessus du niveau de la mer un sommet isolé des Alpes, appelé
Bastia. C'est un mont en grande partie rocheux et stérile, ombragé ce-
pendant çà et par des châtaigniers, des sapins et des mélèzes.
Sur cette cime, en raison d'un væu fait au 16ème siècle par les popu-
lations des alentours, pleines de dévotion pour St Ignace de Loyola' et
en raison de l'apparition du saint au milieu de mystêrieuses splen-
deurs, de chants et d'harmonies très suaves, s'élevait une Chapelle en
son honneur. Tout de suite commencèrent de nombreux pèlerinages
venus des quatre coins du Piémont et principalement la veille du pre-
mier Dimanche d'Août fixée pour la solennité du Saint. En 1'677 la
Chapelle fut cédée aux Pères Jésuites, qui y construisirent I'actuelle
Eglise ainsi que le bâtiment annexe de seize chambres. Les Jésuites
furent expulsés en 7774; vers 1804 le Théol. Louis Guala commença
à se rendre dans ce lieu de solitude avec quelques compagnons pour y
vivre un court moment de retraite spirituelle ; et il continua ainsi cha-
que année et le nombre de prêtres augmenta tellement qu'ils durent lo-
ger à deux par cellule. En septembre 1808 eut également lieu la re-
traite spirituelle pour les laïcs qui y vinrent au nombre d'au moins
trente-deux. En 1814 Mgr Della Torre nomma Don Guala comme
Recteur de ce Sanctuaire, resté tant d'années à I'abandon, le destinant
à l'æuvre salutaire des retraites spirituelles. Et à partir de ce temps-là
il s'en déroula trois tours tous les ans : pour les ecclésiastiques, pour

14.7 Page 137

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123
les laics et pour l'(Euvre Pie de St Paul qui procurait des subsides. Le
Théol. Guala conserva cette responsabilité jusqu'à sa mort, et elle était
extrêmement chère à son cæur. Jusqu'en 1847, presque toujours, il
prêcha lui-même les méditations, cherchant comme prédicateurs des
conférences ce qu'il trouvait de mieux auprès du clergé séculier et
régulier : sont entre autres célèbres M. Durando de la Mission, le
Chan. Rebaudengo, les Curés Compaire et Cagnoli, ainsi que les
Jésuites Bresciani, Menini [= Minini], Mellia et Lolli. Dieu seul sait
combien d'âmes sortirent de là remplies de sainte ferveur et combien
de pécheurs se réfugièrent sous les ailes de sa miséricorde.
Dans les demières conférence au Convitto D. Cafasso fai-
sait une chaude exhortation à ses étudiants pour qu'ils prissent
part à ces retraites spirituelles et leur enseignait gentiment la ma-
nière de les suivre avec profit. D. Bosco ne devait pas être absent.
Il écrit : " Dès la première année de Convitto 1847-42 D. Cafasso
m'invita à aller avec lui à la retraite spirituelle des séculiers au
sanctuaire de Sant'Ignazio au-dessus de Lanzo Torinese. Le voya-
ge à Lanzo de D. Cafasso constituait un événement. Au jour fixé
pour le départ les cochers entraient en compétition pour le con-
duire dans leurs voitures. Tandis qu'ensuite on gravissait la montagne,
une multitude de pauvres se pressaient autour de lui pour lui deman-
der secours, et il distribuait à tous une aumône disant à chacun des
paroles appropriées.
! - A
confesser.
celui-là :
- A un
A celui-ci : -
-troisSomisere:m-pli
Prends patience dans ta pauvre-
de dévotion envers Marie ; va te
Sois obéissant à tes parents ".
A cette époque, on montait au sommet par un sentier
large, mais parfois raide. D. Bosco entra pour la première fois
dans cette belle Eglise au milieu de laquelle, témoin de I'ap-
parition du Saint, domine le haut de la roche avec les
statues de St Ignace et du compagnon qui était apparu avec lui.
L'ancien couvent avait été restauré et agrandi par le Thêologien
Guala de manière à contenir quatre-vingts personnes. Il procurait

14.8 Page 138

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t24
aux retraitants tout le confort possible convenable, et le règlement
était limité de sorte que la retraite spirituelle se déroulait dans le plus
grand ordre et la plus grande précision, allant jusqu'à prévoir toutes
les instructions à mettre en pratique dans les préparatifs et dans la
distribution des diverses fonctions au personnel de direction et de
service. C'est pourquoi les Retraites spirituelles de Sant'Ignazio ê-
taient devenues très célèbres dans tout le Piémont, et furent des
normes et des modèles suivant lesquels furent établis ou remis en
vigueur dans chaque diocèse d'aussi utiles exercices de piété.
La retraite spirituelle commença le 7 juin 1842. Elle fut
prêchée par le Père Menini, de la Compagnie de Jésus pour les confé-
rences et par le Théol. Guala pour les méditations. Cela est connu d'a-
près un écrit de D. Bosco que nous conservons : il contient les plans
des sujets traités par ces orateurs sacrés. Mais le se(non qui avait le
plus d'efficacité sur D. Bosco était ce qu'il voyait en D. Cafasso. Son
saint compatriote n'avait jamais été absent de cette retraite, ni de celle
des prêtres, bien qu'il n'y prêchât pas. Il devançait tout le monde par
son bon exemple, par un recueillement constant, étant sans cesse le
premier à toutes les célébrations, et servant plusieurs messes tous les
matins à la manière d'un enfant de chæur. D. Bosco suivait fidèlement
tous ses pas, ainsi que nous I'affirment les nombreuses personnes qui
furent avec lui à Sant'Ignazio, parmi lesquelles D. Giacomelli.
A la fin de la retraite spirituelle, D. Bosco retourna à Tu-
rin diriger son cher Oratoire ; mais, passé environ un mois, le
voyant à bout de forces, D. Cafasso l'envoya respirer l'air du
pays natal, se substituant, dans la garde des jeunes, lui et D. Gua-
la ou quelque autre prêtre qui en était chargé.
La faiblesse de la santé et le confort des transports pu-
blics auraient en cette circonstance conseiller à D. Bosco de
ne pas accomplir le voyage à pied ; mais son amour pour
la pauvreté évangélique I'emporta sur toutes les convenances.

14.9 Page 139

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125
Les quelques jours passés à Castelnuovo furent tous occu-
pés au service de ses compatriotes ; il faisait le catéchisme aux petits
enfants des Becchi, de Morialdo et de Castelnuovo, et préparait les
matériaux pour la publication de I'Histoire Sainte, de l'Histoire de
l'Eglise et d'autres petits opuscules adaptés à la compréhension des
jeunes gens, livrets qui ensuite firent un bien immense parmi le peu-
ple. D. Bosco comprenait la grandeur du don que Dieu fait à l'homme
avec le temps, et c'est pourquoi il s'en prévalait en sa faveur et en
celle des autres, n'en perdant aucune miette, suivant I'exhortation du
Sage : " Ne te prive pas des avantages d'un jour heureux, et ne
laisse perdre aucune partie du bien que Dieu te donne (1) ".
(1) si ta,ta [D'après la Vulgare].

14.10 Page 140

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126
CHAPITRE XIII
pDrdcceéoeeenntruiDdtfteaxiro.seingnsBeessaosrgstdacer-éeoisr.aslrbA'eélpeluciosgopisellueeeuclsaxodirureécerousscnnhsd-ioaounlnastLnCe-tdsuopm-rLeiednmLiecTeiaesChlreéipnstorozilo-u.amvnNoopaLirhse-seisp-pdArroeecvsOmtiisvcriohièitgaéirriennestpeseourddruésee-r
Deux gestes religieux, particulier I'un et général I'autre,
réjouissaient le cæur des êtudiants du Convitto lors de la réouverture
de la nouvelle année scolaire. Pour encourager ces prêtres et ces
jeunes abbés à invoquer et imiter les Saints Protecteurs du Convitto,
Grégoire XVI concédait, par un Rescrit du 25 septembre 1842,
l'indulgence plénière au jour de leur solennité et en celle de St Al-
phonse, pourvu que s'étant confessés et ayant communié ils se ren-
dissent en visite [de prière] dans l'Eglise Saint-François d'Assise. En
outre le même Souverain Pontife avait ordonné au monde entier
d'autres prières publiques sous forme de jubilé, pour obtenir que
le Seigneur mît fin aux fautes de la Catholique Espagne, où la faction
de D. Carlos et celle des libéraux de la Reine Isabelle se combattaient
férocement depuis longtemps. Les libéraux, après la dispersion des
Ordres religieux, I'appauvrissement du Clergé, la mise en prison et
en exil des Evêques, la suppression de la Nonciature, avaient propo-
une loi qui tendait ouvertement au schisme et soumettait l'Egli-
se à I'Etat civil. Charles-Albert protégeait les Carlistes, leur donnait

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727
secours et refuge, en accueillait les représentants, refusait de recon-
naître officiellement la Reine Marie-Isabelle, rompait les relations
commerciales avec I'Espagne, offrait un refuge dans le Piémont à
l'Evêque de Cuba et à celui de Le6n, qui, retiré dans I'ermitage de
Lanzo, y mourut ; et plus tard il accueillait à Gênes D. Carlos en
personne venu lui demander asile. Mgr Fransoni communiquait donc
à son diocèse la parole du Pape dans sa lettre du 3l octobre 1.842 et
fixait le jubilé du 27 novembre au 11 décembre de cette année-là.
Dans toutes les paroisses on commençait en conséquence les pra-
tiques de dévotion prescrites, lorsque Don Bosco reçut la lettre
suivante de I'Archevêque :
Turin, le 30 Novembre 1842.
Très Révérend Monsieur,
Je reçois une lettre du Curé de Cinzano, dans laquelle il me deman-
de de permettre à V[otre] Thes] Rév[crende] S[eigneurie] de se porter
là-bas à son secours pour dimanche prochain ; il se trouve dans un
extrême besoin en raison de ses nouveaux désagréments qui lui sont
survenus. Alors que pour ma part il n'y aurait pas de difficulté, j'ob-
serve qu'il serait nécessaire d'avoir les pouvoirs de confesser, et donc
qu'il resterait à voir si Vous êtes disposé à en subir I'examen : dans ce
cas communiquez ma présente au Théol. Guala, et je déclare qu'elle
sert de [lettre de] délégation, pour qu'en compagnie de D. Cafasso il
puisse vous faire passer cet examen.
Donc dans I'attente d'une réponse pour ma gouveme, je me déclare,
avec ma parfaite considération,
De V[otre] Thès] Rév[érende] S[eigneurie]
Très Dévoué et Très Obligé Seniteur
X LOUIS Archevêque.
A D. Bosco au Convitto St-François

15.2 Page 142

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128
Pour lui faire une telle proposition, Mgr l'Archevêque con-
naissait certainement la charité, le zèle de D. Bosco, son empres-
sement à se dévouer au bien des âmes, spécialement de la jeunesse,
ainsi que sa prudence et sa science en morale.
D. Cafasso et Ie Théol. Guala le convoquèrent donc à I'e-
xamen, le déclarèrent apte à I'audition des confessions, et lui accor-
dèrent les pouvoirs provisoires, c'est-à-dire avec I'obligation de se
présenter de nouveau à I'examen définitif que d'ordinaire on ne
passait qu'à la fin de la deuxième année d'études au Convitto. Et
c'était ici une exception extraordinaire à la règle, ainsi que l'affirmè-
rent D. Giacomelli et D. Bonetti.
C'est avec une vive joie que I'accueillit à Cinzano I'on-
cle vénérable de Comollo, et D. Bosco se disposa tout de suite à
travailler. Il prêcha une semaine entière, sur les indulgences et sur les
moyens de les gagner en allant se confesser avec soin, et les gens
affluaient même des villages voisins.
Toute particulière était la foi que D. Bosco avait dans les
saintes Indulgences, dont il cherchait à réaliser le plus grand gain
possible, ce à quoi il exhortait également les autres avec une grande
audience chaque fois que s'en présentait à lui I'occasion. Pour inciter
tout le monde à en avoir une grande estime et à s'enrichir de ce
trésor spirituel fondé sur les mérites infinis de Jésus Christ, de la
Bienheureuse Vierge et des Saints, dans ses enseignements il en
expliquait souvent I'efficacité à ses auditeurs et désapprouvait les
préjugés de ceux qui exagéraient les difficultés pour I'acquisition de
ces indulgences.
du facile et mis
Il s'écriait : -
à la portée de
Par sa grâce le Divin Sauveur a ren-
nos forces tout ce qui est utile à notre
- sanctification et au salut des âmes. Et c'est pourquoi plus tard il
en demandait et en obtenait auprès du Saint-Siège, pour ses Maisons
et pour tous les fidèles chrétiens, de très nombreuses, à gagner au
moyen de la pratique de quelque æuvre de charité et de dévotion.

15.3 Page 143

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129
Rentré à Turin D. Bosco fut en mesure d'éduquer avec le
meilleur succès ses chers jeunes gens pour le bien de leurs âmes,
pouvant même en entendre les confessions.
A ce propos, vers la fin de 1842, il écrivait sur I'un de ses
carnets ces résolutions :
" Bréviaire et confession. Je tâcherai de rêciter avec dévotion le
Bréviaire et de le réciter de préfêrence dans une Eglise, afin qu'il
serve comme de visite au Saint Sacrement.
" Je m'approcherai du Sacrement de la Pénitence tous les huit jours
et tâcherai de tenir les rêsolutions prises à chaque fois en confession.
" Lorsqu'on me demandera d'entendre les confessions des fidèles,
s'il y a urgence, j'interromprai l'office divin et raccourcirai également
la préparation et I'action de grâces de la Messe, afin d'être en mesure
d'exercer ce ministère sacré ".
Pendant ce temps D. Bosco recherchait tous les moyens
pour agrémenter le plus qu'il pouvait les réunions dominicales. Il
savait assez bien jouer de I'orgue et du piano, il avait étudié en entier
quelques méthodes parmi les plus célèbres pour apprendre la musique
instrumentale et Ie chant, et sa voix se prêtait à n'importe quel
morceau : elle montait harmonieuse jusqu'au second do de la
deuxième octave. Et donc, comme la sainte fête de Noël approchait,
il voulut préparer un petit cantique à la louange du Divin Enfant. La
poésie fut composée et écrite sur l'appui de fenêtre d'une chapelle de
I'Eglise St-François. Il la mit lui-même en musique. Voici les vers :
Ah lqu'on chante sur un air de joie,
Ah lqu'on chante sur un air d'amour.
O fidèles, il est le tendre
Dieu notre Sauveur.
Oh comme allumée resplendit chaque étoile
La lune se montre brillante et belle
Et des ténèbres se déchire le voile.

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130
Des troupes séraphiques que le ciel disperse
Crient avec joie: soit paix sur terre !
D'autres répondent : soit gloire au ciel !
Viens, viens, o paix bien-aimée,
Dans nos cæurs reposer.
O enfant, au milieu de nous
Nous te voulons garder.
La musique n'était pas selon les règles du contrepoint,
mais elle s'avérait assez affectueuse pour arracher des larmes.
D. Bosco se disposa à la faire apprendre à ses jeunes :
dépourvus de toute instruction, ils ignoraient les notes. Sa
persévérance surmonta chacun des obstacles. N'ayant pas au
début d'endroit au Convitto pour de tels exercices, il sortait
de la maison, et les gens s'arrêtaient dans la stupéfaction
de voir un prêtre au milieu de six ou huit jeunes garçons
qui, entre la rue Doragrossa et la Place de Milan, se pro-
menaient en répétant à voix basse une chanson. Cet air leur
resta tellement gravé dans I'esprit que certains de ces
chanteurs s'en souvenaient encore en 1886, si bien qu'après
tant d'années on put le transcrire avec ses notes pour un éternel
souvenir. On retrouva aussi, et on le conserve, le précieux
manuscrit de la poésie. Il fut ciranté en 1842 la première
fois chez les Dominicains, et ensuite à Notre-Dame de Con-
solation ; D. Bosco dirigeait la petite chorale et jouait de
l'orgue. Les Turinois, non habitués à cette époque à en-
tendre à la tribune les voix blanches des enfants, en furent
enthousiasmés, car alors seuls les maîtres, avec leurs voix
robustes et parfois peu sympathiques, chantaient en ces
temps-là dans les cérémonies d'Eglise.
Le premier essai ayant bien réussi, D. Bosco écrivit sur le
même motif musical le poème suivant, à chanter lors de la
Communion.

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131
Ah ! chantons sur un air de joie
Ah ! chantons sur un air d'amour,
O fidèles ici nous attend
Dieu notre Sauveur.
O comme il se montre
Bonté infinie !
En nourriture se livre à nous
Celui qui donna la vie ;
D'immenses grâces
Il nous apporte.
Des troupes séraphiques
Que le Ciel disperse
Descendent dans la joie
Du ciel sur terre ;
Et partout elles chantent
Des louanges au Seigneur.
Avec quelque retouche il fit aussi servir la même musique
pour un Tantum ergo, qui fut souvent chanté dans les Eglises pendant
près de vingt ans, notamment lors des promenades qui se faisaient de
temps à autre. Par cette méthode le peu de connaissances musicales
des élèves, utilisé en temps opportun, leur apportait une large répu-
tation et beaucoup d'affection de la part des populations .
Plus tard il mit en musique le Loués soient à jamais les
Noms de Jésus et de Marie, et sans fin soit loué le Nom de Jésus
Verbe incarné, que I'on chante encore de nos jours dans l'Eglise
Marie-Auxiliatrice, le matin à la fin du sermon. Il composa également
rn Gloria in excelsis Deo pour Castelnuovo, quand il s'y rendit les
premières fois avec ses jeunes, alors encore externes. Ce fut le début
d'une petite Messe, qui en ces temps-là sembla une merveille. Il écri-
vit ensuite un air pour le Magnificat: sous forme d'un chant choral, le
chæur alternait les versets avec |assemblée qui répétait sans cesse le
premier. Il fit de même pour les Litanies de la Sainte Vierge.

15.6 Page 146

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t32
Dans ce saint concours entre catéchiste et musicien, bien
vite s'associa à D. Bosco le jeune Abbé Louis Nasi, d'une famille
noble de Turin, diplômé en théologie en 1842, ordonné prêtre en
1844, puis Directeur Spirituel du Refuge, Chanoine du Corpus Domi-
ni fvoir * p.1341, et, tout consacré, grâce à l'action de D. Cafasso, au
ministère des confessions et des missions. Prédicateur de talent, il
fut compagnon et très grand ami du cêlèbre Chanoine Jean-Baptiste
Giordano, et monta, comme lui, dans les principales chaires d'Italie.
Animé du désir de se dévouer au service des jeunes dans les Insti-
tuts, il privilégiait, parmi ces derniers, celui de D. Bosco qui naissait
alors à peine ; et il le fréquentait avec I'enthousiasme d'un saint,
s'attirant la bienveillance des jeunes grâce aux récits plaisants et
aux exemples de vertu. Poète et artiste hors du commun, il
composait pour eux vers et musique, et, coopérant à merveille
avec D. Bosco, pendant plusieurs années il devenait au besoin
accompagnateur à l'orgue et chef de chæurs. Il aimait et aime
toujours D. Bosco d'une affection si intense qu'en 1893 il permit
aux Salésiens de publier ses serrnons, qui lui avaient éTê ar-
rachés avec une douce violence frisant la ruse, c'est-à-dire en
réveillant en lui le souvenir de D. Bosco ; et il destinait aux
Missions de la Patagonie le fruit qu'on retirerait de la vente de
l'ouvrage.
Donc le Théol. Nasi, en jouant de I'orgue, accompagnait
les petits chanteurs de D. Bosco, parmi lesquelles se trouvaient de
très belles voix, à Notre-Dame de Consolation, au Corpus Domini,
à Moncalieri dans l'Eglise des Carmélites. Parfois aussi ils montaient
dans Ia tribune de SrFrançois d'Assise. La sacristie de ce sanctuaire
devint alors la grande salle de cours de I'académie musicale prit
naissance cette école qui un jour devait chanter les Messes, les
Vêpres, les Tantum ergo, les motets des premières célébrités
musicales, telles que Cherubini, Rossini, Haydn, Palestrina, etc.
Très amateur de musique, Don Bosco faisait plus tard imprimer
sur la porte de son école de chant ces mots de l'Ecriture : Ne impedias

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133
musicam (l)
A ses premiers jeunes Don Bosco enseigna également di-
vers chants en I'honneur de Notre-Dame, et entre autres nous en
remarquons une dont à présent on ne se souvient peut-être plus :
Marie fait retentir la vallée et le mont, ainsi que I'invitation à
[honorer] Jésus dans le Saint Sacrement, qui commence par:
A la table joyeuse et royale
De l'agneau sacré accueillis,
Des vêtements purs et immaculés
De l'innocence enveloppés,
Chantons des hymnes de joie
Au Christ, vainqueur.
Les musiques, comme les paroles de ces hymnes, n'étaient
pas toujours de D. Bosco, mais de maîtres non privés de notoriété.
Toutefois certaines, que I'on reprend encore de nos jours dans les
Oratoires et les Collèges Salésiens, eurent une origine plutôt drôle,
dont ici nous voulons faire mention. Un jour D. Bosco entendit un
chæur d'ouvriers qui, vers le soir, chantaient un de leurs refrains, har-
monieux et martial, qui marquait le pAs. Sachant combien ce genre de
chant plaît aux jeunes il le retint par cæur et, connaissant Silvio Pelli-
co, qui venait se confesser au Théol. Guala, il le pria de bien vouloir
; lui écrire quelques vers [adressés] à l'Ange Gardien et en sortirent la
poésie et I'air très populaires Angelot de mon Dieu, que I'on reprend
encore maintenant dans nos Institutions. Une autre fois, passant par la
Place de Milan, il rencontra quelques jeunes chanteurs ambulants qui,
s'accompagnant à la guitare et au violon, chantaient une de leurs
histoires, profane mais honnête, au milieu d'un cercle compact de
personnes. Un jeune chantait seul le couplet et les autres en chæur le
(1) Sl :2,: [N'empêche pas la musique].

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t34
refrain. En plut grandement à D. Bosco la mélodie qui était de nature
à entrer en vogue vu son caractère populaire ; c'est pourquoi, ayant
sorti papier et crayon et s'appuyant sur le jambage du palais de la
Préfecture, dans un angle de la place de même [nom], il en écrivit les
notes. Il alla ensuite à la recherche d'un poème sacré qui pût s'adapter
à une telle musique, et il trouva celui-ci comme étant le plus ap-
proprié ; Nous sommes fils de Marie ; il est chanté avec tant d'élan
par tous les jeunes des Maisons Salésiennes.
11 est inutile de dire combien ces chants accrurent la joie et
I'enthousiasme chez les jeunes et I'admiration parmi les populations.
Un jour D. Bosco conduisit ses jeunes à Notre-Dame-du-Pilier.
Sur trois barques ils traversèrent le Pô et, lorsqu'ils furent au milieu
du fleuve, ils entonnèrent un beau cantique. En entendant ce chant,
les gens du peuple qui se trouvaient sur les berges s'arrêtèrent pour
écouter: puis, pris d'amour pour la mélodie, ils se mirent à sui-
vre la progression des barques, en marchant sur la grand-route. Et
comme parmi eux il y avait quelques trompettistes, ceux-ci
soufflèrent dans leurs trompettes et se mirent à accompagner cet air
facile, produisant un effet magique. Tous les habitants du [quartier]
Notre-Dame-du-Pilier sortirent de chez eux et, quand les barques
abordèrent, environ un millier de personnes s'étaient rassemblées pour
attendre et entourer les jeunes choristes. Ce fut un des premiers
triomphes des chanteurs de D. Bosco : il préludait aux milliers d'au-
tres qu'ils remporteraient par la suite dans toutes les parties du monde.
* Corpus Domini [" Corps du Seigneur "] : par une église, longtemps confiée
à un collège de chanoines, Turin rappelle I'endroit d'un miracle du St Sacrement.

15.9 Page 149

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CHAPITRE XIV
g-sNllaaerotaiuovcnLovnidelenlseeflCeeva-saatcstleeérDucrpohrrià..siessuGmDevumee.aseBelan-ontsaddccLeoecauo-xlrf'dgetLrreoalaautdopCecetoroseSmu-tmre- udAnDunLioéneCnsesoifrn-rréévcqcihtrute[oéJezanneteltieoetssnlau-sjeryusharnCoicseorressnîsstdddoieeee-
Grôce oux saintes activités décrites plus haut le petitOra-
toire des dimanches et jours de fête progressait en 1843 de façon mer-
veilleuse. D. Bosco était cependant assez angoissé à cause de l'étroi-
tesse de I'espace qui lui était accordé. En raison de leur nombre, le
stationnement des jeunes sur la place de I'Eglise St-François d'Assi-
se n'était plus convenable, fût-ce pour une brève récréation. Cette
église se trouvait dans le centre et de nombreuses Messes y étaient
cêlébrées, puisque les étudiants du Convitto étaient presque tous
prêtres : il y avait donc continuellement une grande affluence des
citadins pour accomplir leur devoir dominical et pour assister aux
autres cérémonies religieuses. c'est pourquoi les jeunes devenaient
aux yeux de tous un encombrement et un dérangement. Et puis
les agents de police de la ville ne pouvaient tolérer un attrou-
pement bruyant en I'un des points les plus centraux et les plus
nobles des habitations, de surcroît les rues sont très resser-
rées. C'est pour cela que D. Bosco, avant et après ses réunions, allait

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sur le parvis de l'Eglise et dans les carrefours des rues adjacentes,
pour regrouper ses amis, comme aussi pour s'assurer qu'ils ne tar-
daient pas à retourner chez eux. Face à un tel besoin, il les divisait
même en groupes selon les quartiers auxquels ils appartenaient, et
leur recommandait de ne pas faire de détours ; souvent il accompa-
gnait lui-même telle ou telle équipe.
Mais pourtant les jeux étaient nécessaires pour attirer à
fréquenter le Catéchisme cette fougueuse jeunesse ; et il les condui-
sait souvent en d'agréables promenades hors de la ville, vers des lieux
ils pourraient se divertir autant qu'ils le voudraient, sous sa pater-
nelle vigilance qui jamais ne les abandonnait ni à I'aller ni au retour.
Mais ce n'était pas toujours avantageux pour les jeunes ni commode
pour D. Bosco, et donc le Théol. Guala, qui avait reconnu la nécessité
d'un lieu fixe pour les récréations courantes, lui accorda de réunir
quelquefois ses galopins dans la cour attenante au Convitto.
De plus l'arrière-sacristie ne suffisait plus pour les ac-
cueillir tous au Catéchisme, du fait que le nombre montait déjà
jusqu'à quatre-vingts ; et le Théol. Guala leur permit d'occuper
également la sacristie. Ce qui les divisait sur deux salles et parfois sur
trois, en occupant aussi la chapelle ; D. Bosco seul n'était plus
suffisant pour les surveiller : le Théol. Guala ordonna donc qu'il fût
aidé par quelques étudiants du Convitto, entre lesquels furent
réparties les diverses classes à instruire.
Mais il y a plus : de nouveaux jeunes accouraient à l'O-
ratoire, et D. Bosco fut obligé de les diviser en deux groupes et d'or-
ganiser en deux moments différents l'instruction du catéchisme. Il en
fut ainsi pendant presque deux ans de suite. Parfois même aussi, le
soir des jours ouvrables, il faisait venir chez lui les plus lents d'esprit
et leur répétait et expliquait bien des fois les réponses du catéchisme,
jusqu'au moment où ils les savaient par cæur et en comprenaient bien
le sens.

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16.1 Page 151

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Entre-temps il ne manquait pas de s'informer auprès de
chacun de I'endroit il demeurait et du lieu où il travaillait, en vue
de pouvoir leur rendre visite à tous en temps voulu, les encourager au
bien et les recommander à leurs patrons respectifs.
Le matin de chaque fête on continuait à donner I'oc-
casion d'approcher les Sacrements. Les jeunes I'avaient tellement pris
en affection et mettaient en lui une si grande confiance que tous
voulaient se confesser à lui. Et il était bien consolant de voir son
confessionnal entouré à chaque fête par vingt, trente, quarante et
jusqu'à cinquante garçons, qui attendaient des heures et des heures
qu'arrivât leur tour pour lui confier les secrets de leur cæur. Puis il
célébrait la Messe pour eux, distribuant la Communion à un grand
nombre d'entre eux, procurant une vive émotion chez ceux qui
assistaient au spectacle de cette prodigieuse transformation morale. A
la fin il adressait une brève instruction à tout le monde à la fois.
Cela constitue une gloire pour D. Bosco d'avoir donné à
tant de jeunes du peuple I'habitude de la Communion fréquente, tan-
dis que, selon la déplorable coutume, on ne s'approchait de la sainte
table qu'à Pâques seulement, ou presque, et lorsque déjà on était avan-
en âge. D. Bosco avait bien compris les paroles de Jésus, le Béni
de Dieu : " Laissez venir à moi les petits enfants ; ne les empêchez
pas, car c'est à leurs pareils qu'appartient le Royaume de Dieu (1).
Je suis venu, pourqu'ilsaient lavie et I'aientenabondance(2)".
Le soir ils n'assistaient pas à la bénédiction, parce que
ce n'était pas commode ; mais, après le catéchisme, D. Bosco
les retenait en leur apprenant à chanter des cantiques au Seigneur
et à Notre-Dame. Mgr Bertagna, alors jeune garçon, étant venu
(1) tvtc to,ta.
(2) rn to,to.

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138
pour quelque temps à Turin, assistait parfois, invité par D. Bosco,
comme élève au milieu des autres, à ces leçons de catéchisme et de
chant.
Grandes étaient les consolations que procuraient à D. Bos-
co ces jeunes garçons. tl écrivit dans ses mêmoires : " En peu de
temps je me trouvai entouré de jeunes gens, tous respecteux de mes
avertissements, tous orientés vers le travail, dont je pouvais de façon
certaine garantir la conduite, aussi bien les jours ouvrables que les di-
manches et jours de fête. Je jetais un regard vers eux, et je voyais I'un
reconduit à ses parents, de chez lesquels il s'était enfui, l'autre, aupa-
ravant livré au désæuvrement et au vagabondage, placé chez un pa-
tron et travailleur ; celui-ci, sorti de prison, devenir un modèle pour
ses compagnons, celui-là, auparavant très ignorant des questions re-
gardant la foi, à présent tout à fait mis en route pour s'instruire dans la
religion ".
Pourtant son cæur n'était pas pleinement satisfait. Il sentait
le besoin d'une Eglise destinée seulement à ses garçons, des espaces
fermés suffisamment vastes pour la récréation, des locaux spéciaux
pour les écoles qu'il avait en projet, des arcades ou des hangars pour
protêger les élèves des intempéries lors de la saison froide ou en cas
de pluie.
Il éprouvait également un peu de peine à cause de la froi-
deur, avec laquelle le traitait quelque supérieur de second rang qui
semblait ne pas trop aimer cette nouveauté. D. Giacomelli atteste mê-
me que les jeunes gens accueillis par D. Bosco étaient seulement to-
lêrés, et avec difficulté, par la communauté. C'est une loi commune
que les æuvres de Dieu sont fondées et croissent au moyen de la sanc-
tification et des contrariétés. Et celles-ci démarraient. En effet, le ré-
gime de communauté exige le silence en bien des heures de la jour-
née ; les cérémonies publiques d'une Eglise très fréquentée exigent la
tranquillité ; mais I'une et I'autre semblaient compromis par cette ban-

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de pas toujours très silencieuse. D. Bosco lui-même voyait qu'un autre
local lui était indispensable, et il s'en ouvrit au Supérieur. Mais, bien
qu'[it rot] habitué à une vie éloignée de tout bruit et qu'il connût tous
ces inconvénients dont on se lamentait, néanmoins le Théol. Guala,
appréciant avec justesse le bien qui se faisait et plus encore celui qui
se préparait, encouragea D. Bosco à persévérer, sans s'occuper des
ragots ; et il lui donna une preuve de plus de sa protection.
D'autres fois, à l'occasion d'une solennitê, il avait distribué
aux jeunes de l'Oratoire collation ou goûter ; à présent il voulut
leur procurer une très agréable surprise, de grande valeur. A ce
moment-là la jeune escouade était formée de tailleurs de pierre, de
stucateurs, de paveurs et surtout de maçons. C'est pour cette raison
que le Théol. Guala désira que se fît une belle fête en I'honneur
de Ste Anne, patronne particulière de cette profession. C'est pour-
quoi ce jour-là le saint homme, après les cérémonies religieuses du
matin, invita tout le monde à faire collation avec lui, et, cette solution
s'imposant, il les conduisit au nombre d'environ cent dans la grande
salle dite des Conférences. Là, à leur surprise, ils furent tous abon-
damment servis en café, lait et chocolat, pain, gâteaux, frian-
dises et autres choses semblables, qui furent pour eux fort appé-
tissantes, au point qu'ils s'imaginaient être à la table du roi. " Oh ! en
cette école de morale que de 'beaux cas nous avons résolus,
nous aussi, à cette occasion, me disait I'un des rescapés ! Oui,
vraiment ! Nous faisions disparaître au pied levé les difficultés
placées devant nous, c'est-à-dire les petits biscuits, que c'en était
une merveille. Chacun peut donc imaginer combien cette fête fit
de bruit parmi nos compagnons auxquels nous la racontâmes. A
partir de ce jour, si le local l'avait permis, nous serions bien
vite parvenus à plusieurs centaines. Non moins émouvant fut le
comportement religieux, ainsi que le fruit que nous avons retiré
de cette fête. Il nous sembla vraiment que la sainte Maman de
I'Auguste Mère de Dieu nous souriait depuis le Ciel en ce
jour-là, et nous comptait parmi ses protégés. Et nous en avions

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140
bien besoin : en effet, qui ne sait à quels dangers, et en quel nombre,
se trouvent continuellement exposés les pauvres artisans, et notam-
ment les maçons ? Eh bien, à partir de ce moment-là, on ne se
rappelle pas que l'un de nous ait été victime d'un malheur ".
Ainsi le Théol. Guala encourageait D. Bosco qui, toujours
souffreteux, se montrait infatigable pour le salut des âmes. Lui, qui
I'avait secouru de ses deniers depuis le moment il était entré au
- Convitto, disait de lui : Si cet homme-là s'en tire, son action n'aura
pas sa pareille !
Tout ce que nous avons jusqu'ici raconté concernant l'Ora-
toire et D. Bosco au Convitto nous fut relaté par D. Giacomelli,
par D. Joseph Buzzetti, par le Prof. Gaidano, qui dans sa jeunesse
passa plusieurs années au Convitto, et par monsieur Bargetto, ven-
deur de coiffures ecclésiastiques attaché alors au service du Convitto
lui-même : ce demier ajouta que ce que D. Bosco possédait en propre
et de donné par les autres, il l'employait totalement pour les besoins et
les rêcréations de ses fils, ne retenant pour lui que le strict nécessaire,
qui était bien peu de chose.

16.5 Page 155

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747
CHAPITRE XV
Lbbeeasrt-ipoeutAvsoolianrsr[elidvtérraefiJinteiLtifasspsidruietpurecéomllneafetdiseesceSriva-ilnet'
Différends avec le Curé Don Cinzano
conseils de D. Bosco.
En villégiature à Rival-
-IegtnmLaezoisroable-igdoetVesisnI,tcaeelintetnsasGgi-eos-
Une fois terminé le second cours de morale pratique, Don
Bosco en subissait l'examen définitif, à la suite duquel lui étaient
délivrés les pouvoirs de confesser, le 10 juin 1843. Puis, vu l'intimité
qu'il avait avec D. Cafasso, il fut par lui invité à l'accompagner pour
quelques jours à la villégiature que le Convitto possédait à Rivalba.
Ce ne fut ni la première ni la dernière invitation accueillie avec une
vive joie. Durant le court moment il demeurait libéré des occu-
pations de Turin, Don Cafasso restait tout le jour dans sa chambre à
étudier ses serrnons et à prier, sauf une petite heure vers le soir,
pendant laquelle il se permettait un peu de délassement en se
promenant à travers les boqueteaux et en faisant une visite à la petite
Chapelle St Jean. Cette demeure solitaire et la compagnie d'un ami et
père si rempli d'amour de Dieu procurèrent à D. Bosco une ines-
timable détente et pour l'âme et pour le corps.
D. Cafasso lui fit une autre invitation, celle d'aller à
Sant'Ignazio, qui devait constituer par la suite un terrain spécial pour

16.6 Page 156

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r42
ses fatigues apostoliques. Pour rendre plus aisé l'accès au Sanctuaire
depuis Lanzo,le Théol. Guala avait commencé I'ouverture d'une voie
carrossable confortable, taillée dans le flanc est de la montagne,
ouvrage colossal qui s'étendait sur sept kilomètres et demi. La seule
partie accomplie par lui coûta plus de cent mille lires. D. Bosco, qui
admirait le zèle plein d'initiative de son Supérieur et qui savait bien le
nombre de sacrifices et de soucis qu'il supportait pour faciliter
l'ascension jusqu'à cette montagne sacrée, le Seigneur avait I'habi-
tude de parler plus intimement aux âmes et de les attirer à sa suite,
accepta de bon gré la proposition de son maître et se rendit là pour la
retraite spirituelle des séculiers.
A cette époque-là les retraites spirituelles de Sant'Ignazio
prêchées aux laïcs avaient besoin d'un peu plus de vie. Dans ce but
D. Cafasso désirait vivement la venue de D. Bosco ; et D. Bosco,
pour accéder aux saints désirs de D. Cafasso et pour coopérer à
la bonne marche d'une æuvre aussi méritoire aux yeux de Dieu,
ne manqua jamais d'y aller chaque année, jusqu'en 1875. Pen-
dant de nombreuses années il fit ce voyage à pied, partant de
Turin à 3 heures du matin et arrivant à Sant'Ignazio, avant mi-
di, vers les 10 heures. Là-haut, D. Cafasso, le Théol. Golzio et
D. Begliati faisaient de lui le maîlre de maison. D. Bosco n'y fut
jamais chargé de la prédication ; mais dès qu'il eut les pouvoirs
de confesser, presque tout le monde voulait se confesser à lui
et, lui, il écoutait tout le monde. On ne peut calculer le bien
qu'il a accompli. Au cours de cette histoire nous raconterons di-
vers faits anecdotiques qui lui arrivèrent là-bas. Lors de la ré-
création, avec ses inventions, il faisait marcher tout le monde
autour de lui, et c'était le moment il cueillait dans son filet
les plus gros poissons, en attirant sur lui leur affection au moyen
de ses belles manières.
Redescendu de Sant'Ignazio, il passa l'été à Turin s'occu-
pant du confessionnal et de ses chers jeunes gens. Toutefois quelques

16.7 Page 157

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143
semaines avant [la fête] de Notre-Dame du Rosaire, il se rendit à
Castelnuovo, coutume qu'il pratiquera toujours par la suite, notam-
ment lorsqu'il pourra obtenir d'ériger une petite Chapelle dans son
Hameau des Becchi. Cette année-là on avait ajouté dans les Litanies
de la Sainte Vierge et on chantait I'invocation Regina sine labe
concepta, ora pro noàls [Reine conçue sans le péché originel, prie pour
nous]. C'est ce qu'avait ordonné Mgr Fransoni, Rome l'ayant accordé.
Mais, tandis que nous voyons D. Bosco en compagnie de
ses chers supérieurs visant tous à promouvoir l'ordre moral, des aspi-
rations opposêes agitent le palais royal. Les relations, les secrètes
comme les ouvertes, de Charles-Albert avec le parti libéral, qui opère
à Turin, en d'autres parties d'Italie et à l'étranger, se développent cha-
que jour davantage. Tandis que Massimo d'Azeglio fait imprimer ses
romans remplis d'amour de la patrie, Balbo, catholique croyant, mais
utopiste, publie son livre Les Espérances d'Italie, exaltant l'idée de
I'union de l'Italie dans une fédération entre tous les Etats Italiens, la
seule possible : le Pape Roi de la péninsule entière, pour la raison
qu'il ne doit être sujet de personne pour la mission divine qu'il a à
accomplir, cela on ne le veut pas dans une telle fédération. Et qu'après
tout le bouclier et le chevalier de la Fédération doit être le Roi
Charles-Albert. Cette æuvre favorisa merveilleusement les idées de
I'Abbé Vincent Gioberti regroupées dans le volume intitulé La supré-
matie civile et morale des ltaliens. Ces livres étaient destinés à
rendre populaires, le plus qu'il fût possible, les nouvelles aspirations
de liberté. Et le nom et les doctrines de ces trois auteurs piémontais se
répandirent à travers toute l'Italie.
Cependant l'æuvre qui souleva le plus de bruit fut celle de
Gioberti. Dans son ouvrage, qui n'est pas exempt de très graves
erreurs, il avait su associer de manière si artificielle des louanges
flatteuses pour les ltaliens, des pensées religieuses, des éloges au
Souverain Pontife, à la Papauté, aux Saints et des excitations à ren-
dre I'Italie libre et indépendante de l'étranger, la reportant à l'ancienne

16.8 Page 158

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144
grandeur, qu'il donna le vertige à d'innombrables lecteurs, en en
duisant un grand nombre même parmi les meilleurs, y compris plu-
sieurs au sein du clergé. Il expliquait clairement que la cause natio-
nale de I'Italie était et ne pouvait consister en rien d'autre qu'en une
confédération à établir étroitement entre ses Etats avec à sa tête le
Souverain Pontife. Mais cet amour furieux de la patrie n'était que dis-
simulation. L'ami de N{azzini, sous le couvert de la religion et sous le
faux étendard de la croix, s'ouvrait la route pour commencer la révo-
I lution et réunir ensemble toutes les forces des ennemis de l'Eglise.
projetait de faire un pas à la fois ; et ne voulant faire peur à personne,
il usa d'une très fine hypocrisie pour répandre ses doctrines même
parmi les bons et le clergé. Et le 13 août 1843 il écrivait à Mamiani
que ses louanges adressées à la Papauté et à I'Eglise n'étaient que des
moyens pour concrétiser ses nouvelles pensées et les placer, pour
ainsi dire, dans un cadre. Ces louanges il fallait les montrer avec os-
tentation, pour obtenir le passeport (1).
Or D. Bosco, retourné à Castelnuovo, vit, ainsi que nous
le racontait D. Bonetti, le volume La suprématie, sur le bureau de
Don Cinzano. Lui, le bon Curé, était resté enthousiasmé par la splen-
deur du style et les idées religieuses de ce livre. Il avait connu Giober-
ti lorsque dans sa jeunesse il fréquentait l'université et rassemblait
autour de lui beaucoup d'étudiants et de jeunes abbés du séminaire,
inculquant les théories, pour lesquelles on s'enflammait le plus, de
république et de liberté de philosophie. Très aimable dans les maniè-
res, doué d'une très grande intelligence, pourvu de beaucoup d'érudi-
tion, quoique bouffi d'un orgueil démesuré, les jeunes ecclésiastiques
le considéraient même comme I'aigle du clergé subalpin. Et le Théol.
Cinzano, âme pleine d'ardeur, avaiï, chez l'abbé de cour qui vivait
d'une pension qu'il recevait du Roi Charles-Albert, admiré les
qualités qui I'ornaient, excusé certaines exagérations, mais retenu
(1) neI-,q.N, storiad'Itatia. vot.vII, p.617

16.9 Page 159

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145
les idées d'indépendance et de liberté. Et donc, à la lecture de ces
livres, son enthousiasme n'eut pas de limites. [l ne savait certaine-
ment pas que Gioberti avait écrit un article dans la Jeune ltalie,
dans lequel il avait appelé le Catholicisme : Religion de servi-
tude et de barbarie (l).
Dès qu'il aperçut ce livre, D. Bosco, sans dire un mot, fixa
le bon Curé de I'un de ses regards indéfinissables, entre le compa-
tissant et le narquois : ils valaient une réfutation et désarçonnaient
l'opposant. D. Bosco voyait que les sectes commençaient à déve-
lopper ouvertement les instructions données par leurs chefs en 1820.
D.
-de
Cinzano,
Il était
fcaocnilterecdaerréré, pluoni ddreem:anGdioab-ertiE, téqtaun'yt
trouves-tu à redire ?
devenu propagateur
Ia Jeune halie, en théorie comme en pratique, non seulement
chez les jeunes, civils et ecclésiastiques, mais aussi dans l'armée
elle-même, avaitêtê emprisonné, puis exilé en 1834. S'étant réfugié
à Bruxelles, il enseignait la philosophie dans un collège protestant.
Par suite il s'habillait en civil : il ne célébrait pas la Messe, ne
récitait pas I'office divin, ne s'approchait plus des Sacrements,
présentait des comportements libres, pour ne pas dire libertins.
Tout cela était plus que suffisant pour rendre suspecte sa doc-
trine. Mais D. Bosco préféra prendre en main ce volume, et
cueillant çà et quelques pur.àg"r, il lui fit constater que
Gioberti voulait, comme tous les hérétiques, ramener la religion
à son état initial et pas seulement /a purifier, mais /a trans-
former. Si ce n'est que D. Cinzano, qui ne voyait pas les cho-
ses de cet æil-là et jugeait que ces ereurs étaient des bévues
occasionnées par Ia précipitation pour écrire, ne se laissait pas
convaincre. A plusieurs reprises se rallumèrent ces différends, qui
n'aboutissaient à rien, et le pauvre Curé les terminait toujours
en cherchant sur un ton de plaisanterie à dominer D. Bosco par
(1) CIOSBRTI, Lettera di Demofito; dans la Giovane ltatia de7834.

16.10 Page 160

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1,46
! ti une phrase qu'il répéta fréquemment D. Bosc D. Bosc, 't ses
- un sant baloss / [c'est en piémontais : D. Bosco ! D. Bosco, tu es un saint co-
quin l].
Toutefois cette divergence d'opinions ne troubla même
pas un instant la très tendre et intime amitié qui unissait les deux
hommes de Dieu. Au contraire pour tout le reste D. Cinzano s'en
remettait aux conseils de D. Bosco avec, je dirais, la docilité d'un
enfant. Qu'en soit la preuve le fait suivant : " Je me rappelle, disait
D. Bosco lui-même, qu'au début le curé de Castelnuovo, en privé et
aussi en chaire, se montrait hostile envers celles qu'on appelle les
bigotes, en disant qu'elles faisaient perdre le temps au confesseur,
qu'elles pouvaient mieux s'expliquer, être plus concises dans leurs
exposés et ainsi de suite. A cause de cela il eut beaucoup à souffrir,
puisque personne n'allait plus se confesser à lui : en effet, en raison de
ces paroles il s'était aliéné les âmes du pays. Tous ceux qui voulaient
se confesser allaient trouver le Vicaire. Un jour il s'en lamentait au-
près de moi, et je lui rappelai le conseil de D. Cafasso : c'est-à-dire
que je I'exhortai à parler en chaire diversement, à inviter les gens à
venir fréquemment se confesser, et à ajouter que le prêtre confesse
toujours volontiers. Notamment je lui recommandai de bien traiter au
confessionnal ces bonnes dames, d'user envers elles de beaucoup de
charité et de patience comme aussi de leur confier la charge de
conduire d'autres personnes à se confesser. Le curé me remercia
et fit comme je lui avais suggéré. En peu de temps, le pays vint
tout entier se confesser à lui, et le nombre des Communions
dans cette paroisse s'accrut énormêment ".
En cela D. Bosco suivait et donnait des règles assez pré-
cises et sages pour réfréner f impatience de ceux qui trou-
vaient trop ennuyeux et pesant d'entendre certaines confes-
sions, et d'autre part il n'omettait pas de mettre en garde ceux
qui se fient trop facilement aux apparences de sainteté de ceux
qu'ils dirigent. Souvent il arrive qu'un prêtre doive confesser de

17 Pages 161-170

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17.1 Page 161

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1,47
saintes personnes, mais scrupuleuses et non obéissantes. Parfois
elles demandent à changer de confesseur, et le curé, de peur qu'el-
les ne se cassent la tête, ne veut pas le leur permettre. D. Bosco
disait : " Si ces personnes continuent à se confesser à lui, qu'il
veuille être obéi. Qu'il permette toujours qu'elles aillent vers d'au-
tres confesseurs. Et même qu'on leur facilite, et presque, je dirais,
qu'on leur conseille de changer : si par la suite elles reviennent, qu'on
les reçoive de nouveau et qu'on exige I'obéissance ; et si de nouveau
elles désirent un autre confesseur, qu'on les laisse faire ". Ces bonnes
dames, affirmait-il, pieuses, mais embêtantes, scrupuleuses, indiscrè-
tes, font beaucoup de bien, et il ne permit jamais qu'on en parlât en
plaisantant, en les appelant dévotes dans un sens de blâme. Celles
qu'on dénomme dévotes sont pour la plupart le soutien religieux d'un
village ou d'une paroisse ; et ne pas en prendre soin ou les traiter mal,
c'est comme refroidir un pays entier vis-à-vis de la fréquentation des
Sacrements. Très souvent le meilleur moyen pour faire fleurir la piété
dans une population, c'est précisément de se servir de ces braves
dames. Ce sont elles qui favorisent le culte de la maison de Dieu, qui
se dépensent pour empêcher ou enlever un scandale, qui donnent ou
recueillent les moyens de promouvoir une æuvre de bienfaisance ou
une æuvre religieuse. Et en réalité ce qui d'ordinaire les rend plutôt
pesantes n'est rien d'autre qu'un peu d'ignorance et la crainte exces-
sive ; mais bien souvent ce sont des âmes tout à fait innocentes
et elles passent des années et des années sans un péché non
seulement mortel, mais peut-être pas même véniel absolument
délibéré. Si toutefois elles sont contrariées par le confesseur, el-
les n'osent plus s'approcher de lui, en parlent avec les amies et
avec les commères, vont et viennent sans cesse avec cela en
tête, et sans le vouloir, par leurs lamentations, elles refroidissent
dans la piété tous ceux qu'elles approchent.

17.2 Page 162

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148
CHAPITRE XVI
pLDmmraeaa.nrtqitBtqrsuouoeipesssoiscèpoumpor-eoubruaierqnInnunlesiérstesereuccdecodevtnéioofCdeinrisoesnlceeavauiuttrSxsocaOhcd-réereatmitjqLoeeuiaurneentpser.drasienisgcoPeipnénannsléiet-eeno-ccecCuo-ApuvarettRierotsèinsgsrldeeees--
Le Théol. Guolo avait permis à D. Bosco de passer en-
core une année au Convitto, faveur accordée d'habitude seulement à
ceux qui se distinguaient le plus pour la piété ou pour l'étude. Et c'est
pourquoi dès la fin de la neuvaine et de la fête du Rosaire à Castel-
nuovo, D. Bosco s'empressa de retourner à St-François d'Assise,
lui furent même confiés la charge d'assistant extraordinaire ainsi que,
dans le cours de I'année, le soin de quelques étudiants du Convitto
d'esprit plus lent, réclamant une instruction plus importante.
Cette année-là vint aussi au Convitto pour commencer
ses cours de morale pratique D. Giacomelli qui, assis durant l'ensei-
gnement à côté de D. Bosco, put l'observer sans cesse très appliqué
aux leçons, nonobstant les diverses occupations que lui imposaient
I'obéissance et sa charité.
Cependant la principale de ces occupations était toujours
celle de I'Oratoire avec I'instruction du catéchisme, en laquel-
le il plaçait le principe de l'éducation morale de ses garnements.

17.3 Page 163

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149
C'est pourquoi, en demandant I'aide du Seigneur, il lui répétait
souvent : " Ta parole en se découvrant illumine, et les simples
comprennent (1) ". Et son enseignement n'était pas seulement une
répétition matêrielle des précieuses demandes et réponses conte-
nues dans le petit livre du Catéchisme, mais bien au contraire il
les renforçait à I'aide de preuves de miracles et de prophéties ti-
rés des livres saints, qui dêmontrent que Dieu lui-même a rêvé-
les vérités que I'on doit croire, que Dieu lui-même a com-
mandé par sa loi ce que I'on doit accomplir et ce que l'on doit
fuir. De cette manière les enfants comprennent le bien-fondé de
leur foi ; chose très importante sans doute, car, s'il manque la
persuasion, les croyances vacillent et les passions ainsi que
I'erreur finissent au fur et à mesure que l'on grandit par enlever
tout à fait la sainte crainte de Dieu. Et cette foi raisonnée ne
cesse jamais de prémunir contre les futures chutes ; en effet, au
dire du Psalmiste : " Comment, jeune, garder pur son chemin ?
En observant ta parole, Seigneur (2) ". Et continuellement elle
pousse vers le chemin du salut celui qui aurait le malheur de se
fourvoyer.
D'une manière particulière, pendant les catéchismes, il s'at-
tardait longuement à expliquer les dispositions nécessaires pour
bien recevoir, et avec fruit, le Sacrement de Ia Pénitence et les
avantages qui en découlent pour l'homme qui le pratique avec une
constante régularité. Il en était bien persuadé, ce n'est qu'avec la
fréquentation de ce Sacrement, et par suite de celui de la Sainte
Communion, que le jeune homme peut traverser sans commettre
de fautes la période où, avec l'âge, se développent en lui les
passions les plus dangereuses, tandis qu'elle est aussi l'unique plan-
che de salut et d'amélioration dans le repentir pour ceux que les
(1) ps 119,130.
(2) ps tts,s.

17.4 Page 164

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150
passions avaient accablés. Cette intime conviction qui l'animait
est attestée par les continuelles exhortations qu'oralement ou par
écrit il adressait à ses chers jeunes. A titre d'exemple nous rap-
portons ce qu'il écrit dans la vie de Michel Magone. Il fait une
parenthèse adressée dans son ensemble aux jeunes, et il termine
en y ajoutant également quelques avertissements très utiles pour
les confesseurs.
" Avant tout, dit-il, je vous recommande de faire ce que vous
pouvez pour ne pas tomber dans le péché : mais si par malheur
il vous arrivait d'en commettre, ne vous laissez jamais conduire
par le dêmon à le taire en confession. Pensez que le confesseur
reçoit de Dieu le pouvoir de remettre vos péchés de n'importe
quelle espèce, en n'importe quelle quantité. Plus graves seront les
fautes confessées, plus il se rêjouira dans son cæur, car il sait
qu'est bien plus grande la miséricorde divine, qui par son inter-
médiaire vous offre le pardon, et il applique les mérites infinis
du précieux sang de Jésus Christ, avec lequel il peut laver toutes
les taches de votre âme.
" Rappelez-vous que le confesseur est un père, qui désire ardem-
ment vous faire tout le bien possible, et cherche à éloigner de vous
toute sorte de mal. Ne craignez pas de perdre son estime à vous
confesser de choses graves, ou encore qu'il n'aille les révéler à
d'autres. Etant donné que le confesseur ne peut se servir d'aucune in-
formation reçue en confession pour aucun profit ni aucune perte au
monde. Dût-il même perdre sa propre vie, il ne dit et ne peut
dire à personne, et cela de façon absolue, la moindre chose relative à
ce qu'il a entendu en confession. Au contraire je peux vous assurer
que plus vous serez sincères et aurez confiance en lui, [plus] lui aussi
augmentera sa confiance en vous et il sera de plus en plus en mesure
de vous donner les conseils et les avis qui lui sembleront davantage
nécessaires et opportuns pour vos âmes.
" J'ai voulu vous dire tout cela, afin que vous ne vous laissiez
jamais tromper par le démon en taisant, à cause de la honte, un

17.5 Page 165

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151
péché en confession. Je vous assure, ô chers jeunes, que, tandis
que j'écris, j'ai la main qui tremble à penser au grand nombre
de chrétiens qui vont à l'éternelle damnation, seulement pour
avoir tu ou n'avoir pas présenté sincèrement certains péchés en
confession ! Si jamais l'un de vous faisant un retour sur sa vie
êcoulée venait à découvrir un péché volontairement omis, ou
bien avait seulement un doute à propos de la validité d'une
confession, je voudrais tout de suite lui dire : Ami, pour l,amour
de Jêsus Christ et pour le sang précieux qu'il a répandu pour
sauver ton âme, je te prie de régler les affaires de ta conscience
la première fois que tu iras te confesser, en présentant sincè-
rement tout ce qui te cause de la peine, exactement comme si
tu te trouvais sur le point de mourir. Si tu ne sais comment
t'exprimer, dis seulement au confesseur que tu as quelque chose
qui te cause de la peine dans ta vie passée. Le confesseur en a
suffisamment ; contente-toi de I'aider dans ce qu'il te dit, et
ensuite sois sûr que tout sera réglê.
" Allez fréquemment trouver votre confesseur, priez pour lui, sui-
vez ses conseils. Par ailleurs lorsque vous aurez fait le choix
d'un confesseur, dont vous reconnaissez l,aptitude pour les be-
soins de votre âme, ne le changez plus sans nécessité. Tant que
vous nravez pas de confesseur stable, en qui vous ayez [mis]
toute votre confiance, il vous manquera toujours l,ami de vo-
tre âme. Comptez aussi sur les prières du confesseur, qui au
cours de la sainte Messe prie chaque jour pour ses pénitents, a-
fin que Dieu leur accorde de faire de bonnes confessions et
qu'ils puissent persévérer dans le bien: et vous, priez aussi pour
lui.
" vous pourriez cependant sans scrupules changer de confesseur si
vous, ou le confesseur, changiez de domicile et qu'il s,avérait
pour vous très malcommode de vous rendre auprès de lui,
ou encore s'il était malade, ou si à l,occasion d,une solennité il
y avait beaucoup de monde auprès de ce confesseur. De la
même manière, si vous aviez quelque chose sur la conscience

17.6 Page 166

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152
que vous n'osiez pas déclarer au confesseur habituel, plutôt que
de faire un sacrilège, changez non pas une, mais mille fois de
confesseur.
" Si jamais ce que j'écris était lu par quelqu'un que la Divine Provi-
dence a destiné à entendre les confessions des jeunes, comme je
voudrais, omettant beaucoup d'autres choses' le prier humblement
de me permettre de lui dire respectueusement:
" 1o. Accueillez avec un amour plein de tendresse toutes sortes de
pénitents, mais spécialement les jeunes gens. Aidez-les à présen-
ter les affaires de leur conscience ; insistez pour qu'ils viennent
fréquemment se confesser. C'est là le plus sûr moyen de les te-
nir éloignés du péché. Utilisez toute votre ingéniosité, afin qu'ils
mettent en pratique les avis que vous leur suggérez pour empê-
cher les rechutes. Corrigez-les avec bonté, mais ne les grondez
jamais ; si vous les grondez, ils ne viennent plus vous trouver,
ou encore ils taisent ce pour quoi vous leur avez fait une amère
réprimande.
" 2o. Lorsque vous serez devenu leur confident, frayez-vous avec
prudence un chemin pour savoir si les confessions de la vie pas-
sée ont été bien faites. En effet, des auteurs célèbres en morale,
en ascétique et de longue expérience, des personnes faisant au-
torité qui offrent toutes les assurances d'être vraies, tombent tous
d'un commun accord pour dire que pour la plupart les premiè-
res confessions des jeunes, si elles ne sont pas nulles, sont au
moins défectueuses à cause d'un manque d'instruction, ou en rai-
son d'une omission volontaire de choses à avouer. Qu'on invite
le jeune à bien peser I'état de sa conscience, en particulier pour
la période de sept à dix, à douze ans. A cet âge on a dêjà la
notion de certaines choses qui constituent un mal grave, mais
auxquelles on attache peu d'importance, ou bien on ignore la
manière de les avouer. Que le confesseur fasse usage d'une
grande prudence et d'une grande réserve, mais n'omette pas de
faire quelque interrogation au sujet des questions qui concernent
la sainte vertu de la pureté.

17.7 Page 167

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153
" Je voudrais dire bien des choses sur le même sujet, mais je
les passe sous silence, cat je ne veux pas me présenter en maî-
tre dans un domaine je ne suis qu'un pauvre et humble disciple.
Ici j'ai dit les quelques mots qui dans le Seigneur me semblent utiles
aux âmes des jeunes au bien desquels j'entends dédier tout le temps
qu'il plaira au Seigneur Dieu de me laisser vivre en ce monde ".
Dans une monographie écrite plus tard, en 1845, pour ses
fils, les Salésiens, il s'exprime ainsi : " Lorsqu'on est demandé pour
entendre les confessions, qu'on se présente à chacun d'un cæur
joyeux, et qu'on ne fasse jamais preuve d'impolitesse, qu'on ne montre
jamais d'impatience. Qu'on prenne les enfants avec des manières
douces et avec une grande affabilité. Que jamais on ne les rudoie, et
qu'on ne manifeste pas de surprise devant I'ignorance ou devant les
choses indiquées en confession. Au cas I'on verrait la néces-
sité pour I'un d'entre eux d'être informé, qu,il soit invité en
temps et lieu voulus, mais à part. Les choses qui d'ordinaire
manquent dans les confessions des enfants, sont le regret des
péchés et la résolution. Lorsqu'il manque I'un ou I'autre de ces
éléments à cause de I'ignorance, qu'on exhorte l,enfant à s,instruire
en fréquentant le catéchisme ou en étudiant la doctrine dans les
livres, s'il est capable de lire et de comprendre ce qu,il lit.
Dans le doute cependant, s'il n'apparaît pas de faute grave, on
peut leur donner seulement la bénédiction ".
Dans sa monographie D. Bosco ajoutait quelques règles
générales pour faire du bien dans les oratoires : elles montraient
aussi combien était grande sa prudence. " Il est très important et utile
pour la jeunesse, dit-il, de faire en sorte qu'un enfant ne se sépare
jamais mécontent de nous. Au contraire, qu'on le quitte toujours avec
un petit cadeau, avec une promesse ou avec une parole qui l,incite à
venir volontiers nous trouver. II convient néanmoins de tenir ensuite
constamment les promesses faites aux enfants, ou du moins de donner
la raison pour laquelle on ne s'en est pas acquitté.

17.8 Page 168

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754
" Pour corriger avec fruit, il ne faut jamais faire de répriman-
de en prêsence des autres.
" Cherche à te faire aimer, après tu auras toute facilité pour te
faire obéir. Tu ne seras jamais trop sêvère en ce qui sert à con-
server la moralité ".
Tout cela était une conséquence de sa charité envers Dieu,
charité qui se manifestait dans la manière édifiante avec laquelle
il administrait les Sacrements, [charite] qui modelait complète-
ment ses manières de traiter avec les jeunes et ses fréquentes
exhortations en vue de les détourner de l'offense de Dieu et de
les stimuler vers son saint amour.

17.9 Page 169

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155
CHAPITRE XVII
Ldptua'eintnsesfpaéelcarteaprinmercépeedotircctduahontricéeoetnirefelnnesn[ticssodtema-mànsetenLmlç'atapisddà meéfat eiàinrecidsoetunrttaràePttteeoanmnrspaesiddgJinus-erS-Ja-DcrI.enmABsetoansl'tcoæodpuepcvoærlrea,--
Ptitéuntiitoenncsee-t
D. Bosco est
dL'Haôppuitaanutxeuarudxeqsuepléschiléss-e
frappé de purpura.
Bon nombre d'Ins-
donne pleinement -
Les conseils que D. Bosco donnait aux autres sur la ma-
nière de traiter les jeunes gens et les pénitents, il les mettait rigou-
reusement en pratique. Et, dû à cette manière d'agir, le bien im-
mense qu'il fit soit par la prédication soit dans l'administration
du Sacrement de la Pénitence, trouve uniquement son explication
dans la vive confiance et la ferme espérance qu'il nourrissait en
Dieu comme en sa fin ultime: elles modelaient complètement sa
vie. Confiant dans les mérites de J[esus] C[trnst], sans prêsomp-
tion il tenait pour sûr son salut éternel, car pour sa part l,infinie
bonté de Dieu lui accorderait le pardon des péchés, les aides néces-
saires à sa sanctification personnelle, et la grâce de la persévérance
finale. " Pendant les trente-cinq années que je vécus à côté de lui,
affirme Mgr Jean Cagliero, je ne vis jamais chez lui d,acte de dé-
fiance, je n'entendis jamais l'expression d'une crainte ou d,un doute,
je ne le vis jamais secoué par une inquiétude à propos de la bonté

17.10 Page 170

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156
et de la miséricorde de Dieu envers lui. Il n'apparut jamais trou-
blé par des préoccupations de conscience. Il parlait du Paradis avec
assez de vivacité, de plaisir et d'effusion cordiale pour passionner qui-
conque l'êcoutait, et il était évident que I'espérance des biens cé-
lestes bannissait loin de lui la crainte de la mort. Il en discutait
comme un fils parle de la maison de son père, le désir de con-
naître un jour Dieu dans sa plénitude I'enflammait, plus encore
que la récompense promise par lui ; et il puisait son courage
dans les paroles de St Paul : Nous sommes enfants de Dieu'
Enfants, et donc héritiers ; héritiers de Dieu et cohéritiers du
Christ (1) ". " Si quelqu'un, ajoutait le Théol. Ascagne Savio, lui
avait
route
?à-I'imilparouvraisittedpeomndaund:é--
D. Bosco ! Vers faites-vous
Nous allons au Paradis ".
Et cette vive confiance qui I'habitait ne concernait pas
seulement son cas personnel, mais encore celui de ses jeunes et
du prochain, en qui il savait gentiment la faire entrer et I'exci-
ttEeotur.sqIulaouin!oPuaCsrarrodéiyspeéz!t-avSiotousysoezuqvuseeenutlle:em- eSneQtigbunoeenluspr,laeaitscinreqéuclareanidgPnnaeorzaupdsaisssep!roo-nusr
le laisser vide ? Mais rappelez-vous que le Paradis coûte des
sacrifices.
grâce de
-DieOuuie, toudi e!
Nous serons sauvés au moyen de la
son aide, qui ne font jamais défaut,
vauinltsisaqluveosdfeiernio(t2re),bdointnSetvPoalounlt.éC. -ompDreenuesz-ovmounsesceholmatinines?
Vult : Dieu veut. Dieu ne ment pas, Dieu ne plaisante pas !
Omnes.' tous, il veut que tous soient sauvés... Pour sa part ilne
lâchera
que la
jamais. Tâchons de ne pas
prière faite dans ce but
escthienrf,anilloibulse.m-entPerifoficnasc,epa!rc1e1
est de foi qu'elle obtiendra ce qu'elle demande. - A entendre
(1) Rm 8,17.
(2) rrmz,q.

18 Pages 171-180

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18.1 Page 171

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157
même une seule de ses paroles, les jeunes se sentaient extrêmement
encouragés à devenir bons et vertueux afin de gagner le royaume des
cieux.
-
Il
Si quelqu'un
répondait : - Je
lui demandait
voudrais bien
:v-oir
Et moi, je serai sauvé ?
que tu ailles en enfer !
Je veux que nous soyons toujours ensemble au Paradis ! Fais ce que
tu peux et compte sur la
Vous pouvez être sûrs du
miséricorde de Dieu
salut étemel, pourvu
qquuei evsotuinsfrinépieon!die-z
aux grâces que Dieu nous fait continuellement.
A qui manifestait, à cause de ses péchés, une trop grande
crainte mêlée de
pour les pécheurs
défiance,
; il a dit
illuir-émpêomnedaqitu: '-il
Jésus Christ est mort
est venu en ce monde
pour guérir les malades et chercher et sauver les brebis égarées.
Notre-Dame est appelée avec raison refugium peccatorum [refuge
des pécheurs]. Faisons donc notre part, recourons à Elle, comptons
sur Elle, et
il exhortait
nous serons sauvés, car elle
à compter êgalement sur les
mesétritpeusisdsaentcee.tte-
Puis
bonne
Mère et à recourir et compter aussi sur I'intercession des Saints.
Grâce à cette confiance et cette espérance qui l'habitaient il
devenait un habile instrument de la miséricorde de Dieu. Pour
lui espérance, miséricorde, confession étaient synonymes. Il avait
une grande foi dans le Sacrement de la Pénitence, et il saisissait
toute occcasion pour le recommander, à temps et à contre-temps
avec une constance incomparable. Même lors de discussions avec des
personnes d'importance, il savait introduire de belle manière une
pensée qui les invitât à mettre en ordre les affaires de l'âme. Il
était bien difficile qu'il parlât plusieurs jours de suite au même
auditoire sans enseigner à bien se confesser et en inculquer la
fréquentation. Dans les sermons, dans les conférences, dans les
entretiens aux jeunes il avait toujours un point de réflexion sur
ce sujet. Son profond désir était d'emmener tout le monde au paradis,

18.2 Page 172

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158
sa crainte de voir quelqu'un dévier du bon chemin. Il s'occupait
avec un zèle ardent de la conversion des pécheurs, usant sa vie,
pour ainsi dire, à administrer le Sacrement de la Pénitence ; et sa
charité fut bien vite célèbre, au point que si I'on apprenait le re-
fus d'un malheureux de se réconcilier avec Dieu alors qu'il se trouvait
sur le point de mourir, on courait faire appel à D. Bosco comme à
I'homme désirê et jugé capable de conduire au salut ce misérable.
D'autre part, il confirmait par l'exemple ses paroles : cha-
que semaine régulièrement il se confessait à D. Cafasso ; et il le
faisait, comme il le fit toujours par la suite, non pas dans un
lieu caché, mais dans une église publique, de sorte que les fidè-
les pouvaient I'observer ; et tant dans la préparation que dans
I'accusation et dans l'action de grâces, il faisait savoir qu'il
pratiquait un acte qui mérite toute la vénération puisque établi
par Jésus Christ lui-même. Dans chacune de ses actions il imitait
en sa propre personne le Divin Modèle, qui d'abord cæpit fa-
cere fcommença à faire] et ensuite docere enseigner].
Mais voyons-le à l'æuvre. C'est en ce temps-là qu'il com-
mença à prêcher en public dans quelques églises de Turin, diri-
geant des triduums, des neuvaines et des retraites spirituelles. Ses
sermons étaient presque toujours une explication ou un développe-
ment d'un texte de l'Ecriture, avec les réflexions dogmatiques et mo-
rales opportunes, et avec un exemple édifiant bien décrit et détaillé.
ll se mit également à exercer le ministère sacré au tribu-
nal de pénitence dans l'église St-François d'Assise, s'y appliquant
tous les matins pendant quelques heures. Sa charité, le zèIe,
la rare prudence, et le doigté pour interroger ne tardèrent
pas à être connus. Au nombre de ses pénitents on comptait êga-
lement plusieurs de ses compagnons eux-mêmes prêtres ; parmi
lesquels D. Giacomelli, qui le choisit tout de suite comme con-
fesseur. Il atteste qu'auprès de D. Bosco furent aussitôt nombreux

18.3 Page 173

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159
à se grouper les fidèles qui s'entassaient devant son confessionnal.
Il s'appliquait avec tant d'amour à les écouter, que ce ministère lui
semblait être le plus agréable, le plus cher, le plus conforme à son
cceur. Quelle que fût I'heure il était appelé à l'exercer, il s'y prêtait
promptement, sans jamais faire la moindre observation contre, à cause
de la fatigue, ou à cause de I'heure inopportune, ou à cause d'une autre
occupation, excepté le moment des cours. Ses manières franches
inspiraient confiance même chez ceux qui pour un motif de dignité ou
en raison de l'âge lui étaient supérieurs. Dès qu'une personne s'ap-
prochait de lui à la sacristie en le sollicitant pour son ministère
sacerdotal, il s'apercevait au premier coup d'æil si elle était de ceux
qui pouvaient avoir de graves questions peu claires dans la conscience
et avec le
que je ne
sourire [it Olsait] : -
voudrais pas employer
Mon
mon
cher monsieur, je vous avertis
temps inutilement. S'il s'agit de
; grosses questions, ça va bien ; alors je suis content mais pour des
ddbseoiéenutnattaei;lnzst,epàçtaalsn'ao;nisu'neesongunrvsoâaucveusotàuepsncateedstnotedlnarnpoelnparsoeisnianasneuts.seas-riitetiôs,ftaClueceintisotrrénepp.aon-unovduraesViseocndiotliàma: b-mqleuesi,dNeesseset
amis.
tion
é-taitDeemlbarosuoirlltéeei,l
se gagnait
la question
la confiance ; et
difficile, plus il
plus I'accusa-
se réjouissait
à voir l'action de la miséricorde divine.
A son sujet on peut répéter ce qu'il écrivit de D. Cafasso :
" Quelques mots, un seul soupir du pénitent suffisaient pour lui faire
connaître l'état de l'âme. il ne parlait pas beaucoup au confessionnal,
mais le peu qu'il disait était clair, exact, classique, et adapté au
besoin de sorte qu'un long discours n'aurait pas obtenu un meilleur ef-
fet ". Il avait l'habitude de dire qu'en une demi-heure il réglerait
n'importe quelle confession générale. Il était bref au point qu'en
quelques heures il confessait des centaines de personnes les ren-
voyant avec une paix et une allégresse vivement ressenties. Parfois
cependant il êtait obligé d'apporter avec lui une liqueur amère, pour
faire cesser la nausée et les haut-le-cæur provoqués par I'audition de

18.4 Page 174

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160
l'exposé de certaines fautes. Une horrible puanteur qui émanait de
certaines personnes corrompues par le péché, il la sentait rien
qu'à s'approcher d'elles, avant même qu'elles n'eussent ouvert
la bouche pour parler. Parfois il leur disait avec tendresse de
passer à un autre confessionnal en face. Mais si elles insistaient
en le priant d'avoir la charité de les [confesser] lui-même, il s'y
prêtait, mais son martyre était tel qu'il lui permettait à peine de
les écouter jusqu'à la fin. Et cela faisait comprendre aux pé-
nitents la raison pour laquelle il les avait priés de s'adres-
ser à quelqu'un d'autre et ils se rendaient bien compte que
lui était évident l'état de leur conscience avant qu'ils ne le lui
eussent manifesté. Cela lui arrivait notamment lorsque se pré-
sentaient certains freluquets, qui, indifférents et presque avec le
sourire, racontaient leurs scélératesses. Cette horreur instinctive
de D. Bosco était encore plus singulière : en effet, sur certaines
fautes il savait seulement ce qui suffisait pour juger en elles la
gravité du mal, le risque de l'occasion, la nécessité de tel ou tel
remède, mais rien de plus. Monseigneur Cagliero atteste qu'à
l'âge de soixante-huit ans D. Bosco ne comprenait pas comment
étaient possibles certaines offenses de Dieu. Il porta tou-
jours une haine profonde, depuis sa tendre enfance, contre tout
ce qui pouvait d'une quelconque. façon, fût-ce le plus légè-
rement, ternir cette vertu qui rend les hommes semblables aux
anges. Cela, nous I'avons entendu bien des fois de sa propre
bouche. De tout ce qui a été rapporté on peut déduire que de-
puis cette époque déjà il était guidé par une lumière qui n'était
pas humaine.
Cependant son travail ne se déroulait pas seulement dans
les limites de l'église St-François d'Assise. D. Cafasso I'envoyait
confesser et prêcher dans les prisons, à I'Auberge des Vertus,
dans les Ecoles Chrétiennes des Frères, au Collège d'Etat
SrFrançois de Paule, à l'Institution des Fidèles Compagnes, il
faisait aussi des conférences, le catéchisme et la classe de langue

18.5 Page 175

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1.61
italienne aux jeunes filles qui y étaient éduquées ; ainsi qu'au
Pensionnat dit des Filles du Rosaire, fondé par le Père Domini-
cain Bernard Sappelli [= Sapelli], sont éduquées par une Com-
munauté de Tertiaires de St Dominique un grand nombre de
fillettes en situation critique. D. Bosco étendit aussi sa charité au
Monastère du Bon Pasteur, ouvert en 1843, avec I'appui du Comte
Solaro De La Margherita, par les Sæurs fondées en France en
1642 par le P. Eudes, dont le but est de coriger les jeunes fil-
les dévoyées et de préserver les filles qui sont sur le point de
tomber. Comme ces Sæurs tenaient aussi une classe de fillettes
pensionnaires, elles le payèrent souvent en retour de ses services
en offrant un abri aux petites sæurs des jeunes de son Oratoire
qui autrement seraient restées à l'abandon et privées de guide.
Et dans ces (Euvres comme dans plusieurs autres Maisons de
bienfaisance et d'éducation à Turin il s'appliquait au ministère
sacré non seulement durant la joumée, mais encore jusqu'à une
heure avancée de la soirée, avec la permission de D. Cafasso. Et
un tel apostolat continua pendant des années et des années
jusqu'au-delà de 1860. En toutes ces Institutions il laissa un
souvenir indélébile de son zèle et de sa prudence, ainsi que
nous le certifiait Mgr Cagliero, qui lui succéda pour la direc-
tion spirituelle en plusieurs de ces Pieuses Maisons.
D. Cafasso l'envoyait encore à l'Hôpital de la Charité, Hos-
pice d'environ un millier de personnes entre vieillards, hommes et
femmes, et enfants, garçons et filles, à I'Hôpital des Chevaliers
de I'Ordre des Sts Maurice et Lazare et à lt'Hopitat] St-Louis pour les
malades atteints de consomption incurable, trois æuvres tenues par les
Sæurs de St Vincent, appelées les Grlses à cause de la couleur de leur
costume, fondées dans la ligne des Filles de Ia Charité. En outre,
à l'occasion, il allait confesser et prêcher à I'Hôpital Majeur ou
St-Jean, les Filles de la Charité coopérèrent grandement avec
lui dans l'assistance spirituelle des malades ; parmi elles il compta
un bon nombre d'héroiques bienfaitrices pour recueillir des jeunes

18.6 Page 176

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162
laissés à l'abandon et pour subvenir aux besoins de ces derniers au
moyen de leurs propres ressources et des aumônes qu'elles savaient
obtenir de personnes fortunées. Nous ne devons pas omettre que le
nom de St Vincent de Paul sera joint, au moyen des Conférences, à de
nombreux Intemats d'accueil, fondations de D. Bosco dans toutes
les parties du monde. De plus, ayantété sollicité, D. Bosco se
ren- dait souvent dans les Hôpitaux : il s'agissait d'assister
quelqu'un dont on considérait le besoin de recevoir sa parole
lors des der- niers moments ; et parfois il se portait de son
propre chef au chevet d'un [malade] : il le savait non préparé à
la mort. Et ne l'empêchait pas de fréquenter ces salles le risque
de contracter les maladies des pauvres hospitalisés, comme I'atteste
D. Rua ; et il continua de la sorte jusqu'en 1870.
Entre-temps il n'oubliait pas la Petite Maison de la Divine
Providence ni l'invitation que lui avait faite le Vénérable Cottolengo.
Là, quoiqu'il fût encore bien jeune, se trouvaient en très grand nombre
les malades qui voulaient lui confier leurs fautes et les peines qui les
préoccupaient. Il arrivait souvent qu'il ne pouvait pas retoumer au
Convitto, si ce n'était à une heure avancée, quand déjà le chape-
let avait étê rêcitê par les étudiants du Convitto. Le Théologien
Guala, qui devait pourtant être au courânt de la permission accordée
par D. Cafasso, lui adressait de forts reproches à son arrivée :
TVdareveenaueniitlzlieà-svzefoaruveiresne-xtereeanrr,uàricéCipIo'hoàttonoIr'dhlaeaeinriutegraeo:vfe!cicxe-éhequ.uEm-itiellisetéMt :Teahni-poDll.u.OGsBh,ou!vsacomlaoua,srisséa,lpenclsioqfesmueramedizteé:fuiel-nney-
aàutlrepfroeisu.ve-
Il semble que le Supêrieur
la vertu de son disciple. En
parlait
effet,
ainsi
il le
pour
laissa
mettre
conti-
nuer plusieurs fois par semaine ses visites, si fructueuses pour les
âmes ; et, au cours d'elles, il donna la preuve d'un héroïsme sa-
cerdotal surprenant. De ces hôpitaux, où également un grand nombre
de jeunes de son Oratoire trouvèrent les soins les plus affectueux,
D. Bosco ne s'éloigna pas avant 1874: et depuis le début jusqu'en

18.7 Page 177

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163
1860 souvent il y allait trois, quatrefois parjour, tantôt sollicité,
tantôt spontanément. Vers 1845 avait éclaté une maladie épidémi-
que [provoquant du purpura] avec les pétéchies, et D. Bosco continua
à se rendre chez ces miséreux, si bien qu'il contracta lui aussi la
maladie et en garda la trace pendant tout le temps de sa vie ;
et, semble-t-il, il s'en tourmenta pas mal : c'est ce que D. Rua
observa et entendit raconter par lui. D. Sala, qui fit la toilette du
corps après la mort, le vit tout réduit dans un état à faire pitié,
comme si un herpès s'était répandu sur toute sa peau, notamment
aux épaules. Un cilice des plus horribles n'aurait pu davantage le
mettre au supplice, et peut-être Dieu le lui accorda-t-il comme
tel, pour que personne ne vînt à connaître son extraordinaire a-
mour pour la mortification et la pénitence.

18.8 Page 178

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164
CHAPITRE XVIII
A l'Hôpital
sion grâce
àSt-DJe.anB-oscUone
pécheresse obstinée,
Un péché celé au
et sa conver-
temps de la
jeunesse et avoué
confession à une
daaumme oumnedntandgeemr iomumriirne-nt,Dl'.avBeorstcisosapnt ddiet
en
le
conjurer par l'invocation à l'Ange Gardien.
Dons I'exercice du ministère sacré se produisirent pour
D. Bosco plusieurs faits vraiment surprenants, qui méritent d'être au
moins mentionnés. Nous les exposerons au fur et à mesure que nous
nous avancerons dans l'histoire de sa vie. En attendant cependant
nous ne pouvons nous empêcher d'en raconter quelques-uns.
En 1844 se trouvait en soins à I'Hôpital SrJean une pau-
vre femme tuberculeuse, au dernier stade de la maladie. Sa vie
avait êté déplorable, et I'on craignait qu'elle ne finît avec une
mort vide d'espérance. Engluée dans mille intrigues, coupable de
fautes énormes, embarrassée pour avoir causé des dommages
dans les biens de son prochain, elle n'avait plus fréquenté les Sacre-
ments depuis de nombreuseS années. Avec fureur elle résistait au
Supérieur de l'Hôpital, aux aumôniers, aux religieuses et à tous ceux
qui cherchaient à la persuader de se confesser. D. Cafasso lui-même
avait été repoussé par cette forcenée, qui avait lancé sur lui un vase.

18.9 Page 179

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165
Néanmoins le saint prêtre qui avait su par les médecins qu'à la
malheureuse il restait au plus quelques jours à vivre, et qui
regrettait de la voir s'en aller vers l'éternité dans un tel é-
-tsa'atr,rDêdt.iatBnàtosdDc'a.obBoyordsacàollapà. aEsrlonentrréarevdteoacunrlseaslaufeCsmaomlnleve,isttiolm:as'l-aavdaenAlaqleuzlei-nysteevmotreuonsut,-!
vaient dans le secteur du lit de celle qui constituait le but de sa
visite. A cette dernière il n'adressa pas un regard, il ne dit pas
un mot. Puis il continua son chemin sans s'arrêter, et s'attarda
avec une malade couchée de I'autre côté. La pauvre tuber-
culeuse suivait des yeux le prêtre et, voyant qu'il ne s'arrêtait
pas auprès d'elle, qu'il ne lui adressait pas un mot, et que de
plus il ne la
ne venez pas
regardait
?
même
pas,
dit
:
-
Et auprès de moi vous
se-,
-
-
-
Oh si, volontiers !
s'assit au voisinage
Dites-moi un mot
-bdieunrléijtpoolein.tdaitjoDu. tBao:s-co
Il y a un mot que je veux vous dire.
Et lequel ?
; il prit alors
Eh bien ?
une
chai-
-
-
Confession !
Confession ! Il y a bien longtemps que je ne me suis pas con-
fessée.
la--iAt mCloeersmcoanctofienns,fesvseosry,eezmz-v-avoioususjsem, aeIi'snattei nvmaenantl.utruainaeuttrjee
prêtre qui vou-
l'ai fait s'en al-
ler.
le-s
Ne parlons
affaires de
corde tuo [Que
pas de cela. Maintenant
votre conscience. - Et
Dieu soit dans ton cæur].
pensez à mettre en
ilcommença: Deus
ordre
sit in
do--nnMÇéraglasis1buàénnpiéqdusiecemtnioetnnj,et apnfaierncesququiuesepvovaoususpsvrnêo'têuetseàspprmêapseaprcrieoêznte.feqsuseerj.e vous ai
rie-
Mais actuellement, je ne me sens
j'irai me confesser dans une église
pas
de
: lorsque je serai gué-
Turin ; ou bien encore

18.10 Page 180

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166
dès que je pourrai, je me rendrai pour faire mes dévotions ici
dans la chapelle de I'Hôpital.
---EMItl avviosouuàsspscreérmosyebenlezt,
pouvoir encore guérir?
je me sens mieux.
mais ce n'est pas le cas.
Çommgnt cela ?
- Voulez-vous que je vous adresse un mot de la part des médecins
-ou de la part de Dieu ?
vo--usPDcaeosnldcaèedpleaaretpndacerot rDdeeiqesuumeljéqedueevcsoihnuessu;rdepissl,uqtpôuoteudredqaulnaespvsoaaurstmdpiseuéiDsriscieioeurz.dpeeIî-l
ser à votre âme. Il est actuellement quatre heures de I'après-midi
et vous avez encore le temps de vous confesser, de commu-
nier, de recevoir I'Huile sainte et la bénédiction papale. Il n'y
a plus à se faire d'illusions. Demain vous serez dans l'éter-
nité.
m--es,VJmsraavimi6seudn5et a?liadMiptaaqirsutecdejeenDn'eieesutv. poauss
possible !
parle pas
de
la
part
des
hom-
pe---nseEÇMrteeaàmrisnmmitcéseens!ç.p.om.rEnêasttnereirdènorqietnuésce,!d.je.e'a.tOfijuehirnievsq.ouuuletêsl .ma! iCdoeter!laa..i..mile
me fait peur !
cause de la peine
de
le-z
Ne craignez pas, soyez tranquille : je le connais
ça suffit. Laissez-moi toute la gêne à ce sujet.
ce
prêtre,
al-
Ainsi la pâuvre femme se confessa et, dans la nuit même, elle
mourait.
Un jour D. Bosco arrivait dans une ville : ayant appris
que s'y trouvait malade un de ses amis d'un âge très avancé, il
s'empressa de lui rendre visite, guidé par un pressentiment qui
I'inquiétait. Ce monsieur avait passé ses quatre-vingts ans au ser-
vice de Dieu et en des æuvres de charité, si bien que tout le
monde le tenait en odeur de saintetê. Cet homme aimait beauioup

19 Pages 181-190

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19.1 Page 181

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167
D. Bosco, qu'il avait connu étudiant. Par conséquent il êtait ar-
rivê chez cet [ami] : avec un vif chagrin D. Bosco apprit par les
membres de la famille qu'il se trouvait à la dernière extrémité et
avait déjà reçu tous les Sacrements et la bénédiction papale. Il
demanda de pouvoir le voir, mais ils lui répondirent que le
médecin avait interdit I'entrée à tout visiteur. Il insista, mais il
reçut pour réponse que le malade avait perdu connaissance et
donc qu'il était inutile de lui rendre visite. Toutefois D. Bosco
n'arrivait pas à se consoler et, évoquant I'ancienne familiarité, il
sut si bien exprimer ses raisons qu'on finit par le faire entrer et
le laisser seul. D. Bosco s'approcha du lit et appela le mourant
par son nom. Sa voix produisit un effet magique. Le malade se
secoua,
Bosco !
ouvrit
les
yeux,
le
fixa
et
revint
à
lui.
-
Oh c'est toi,
je-n'Ja'iapvuaism'aepmpprêischveor trdee
maladie et, me trouvant
vous rendre visite.
ici
de
passage,
vo-----ixMEMOOltunueaicrli,,mcojtitmer',raeèmmmsldeeebismrtnclaataiqliai.ut! rleleeeçzvtu-ovssuoo.sunMsaav?viiesszatgadneédilsairqseusça'uilitplearospnpSoaanrcretmirteecnuetssn!mtorotusb, llea
profond.
re-z
Remercions donc le Seigneur,
tranquille, puisque sont mises
continua
en ordre
D. Bosco, et demeu-
les affaires de votre
âme. Après une vie employée tout entière pour la gloire de
Dieu et pour le bien des autres vous pouvez être content.
Le pauvre vieillard poussa un profond soupir qui semblait un
gémissement, porta le
-
-
Eh bien ?
Il n'y a personne
regard tout autour
dans la chambre ?
et
dit
:
-
Bosco !
il
-n'ePneréstoanitnep.aNs oauinsssi.oDmemrresreseuulns.r-ideaDu.
Bosco Ie
se tenait
croyait, mais
une personne
qui n'avait pas eu le temps de se retirer et, ne voulant pas se faire voir,

19.2 Page 182

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168
elle ne remua pas ; et quarante ans plus tard elle racontait le fait sans
indiquer le nom ni des personnes ni des lieux.
- Le vieillard reprit : Dis-moi, as-tu déjà passé I'examen pour con-
fesser ?
tre-
Je l'ai déjà passé, mais
peut absoudre, même s'il
en de tels instants n'importe quel
n'a pas encore les pouvoirs de
prê-
con-
fesser.
pa-rdoAnhneBmosacofa!ibjl'easisàe,tenefaimre'eunnveecuoxnfpidaesn..c. eje;
prends pitié de moi,
dois te dévoiler un
secret.
m--oArtelEllehezbt-iedyne,p:upjieasurclneeez;mgavoromçuoesnn, tsj-'aelàvuesj'zelencomemaublshieetuanrnjtdeedevcoohumosnmtaeeimtqtreue.eujne
péché
n'osai
jamais I'avouer en confession. Toutes mes communions, y compris
la première, furent sacrilèges. Je craignais que le confesseur ne
m'enlevât son estime.
- Et maintenant dans la demière confession vous avez tout dé-
clarê ?
-
es-t
Je n'ai rien dit ! Aide-moi toi.
Oui, volontiers, et ayez pleine confiance
si bon et qui est mort Pour vous.
dans
le
Seigneur,
qui
Le vieillard se confessa, avec les sentiments de la plus profon-
de contrition. D. Bosco lui donna I'absolution. Dès qu'il eut reçu
I'absolution, il leva les yeux au ciel, et souleva les bras en s'écriant :
-CelQaudeits, osiet sbbérnaies
à tout jamais I'infinie miséricorde de
retombèrent sur le lit. Il avait rendu
Dieu !
l'âme.
-
Le jour du 31 aoùt 1844 une riche dame, épouse de
I'Ambassadeur du Portugal, devait depuis Turin se rendre dans
la ville de Chieri pour régler diverses choses. Etant une fer-
vente catholique, elle désirait auparavant mettre en ordre les
affaires de son âme. Le matin elle entra donc dans l'église
St-François d'Assise. Elle ne connaissait pas D. Bosco, et D. Bosco
non plus ne I'avait jamais rencontrée, et il ne pouvait pas la connaî-

19.3 Page 183

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169
tre pour ce qu'elle était, d'autant qu'elle était très modestement vê-
tue. Comme son confesseur habituel n'était pas là, la dame, qui
avait vu près d'un confessionnal un jeune prêtre priant à genoux
l'air très recueilli et pieux, se sentit poussée à se confesser à lui.
D. Bosco l'entendit, puis lui prescrivit la pénitence qui consistait,
semble-t-il, en une petite aumône à faire en des circonstances dé-
terminées de la journée même.
-
de- z
Père, je ne peux
Comment ? Vous
tant de richesses
pas la faire, répondit
ne pouvez pas la faire,
?
la dame.
alors que
vous
possé-
La dame resta abasourdie [cherchant à] comprendre com-
ment D. Bosco avait connu sa position sociale : elle en était certaine,
jamais elle n'avait pris d'attitude ni eu d'autre occasion pour se faire
connaître de lui. Pour
peux pas la faire
lceemttoempeénnt ietellencreé,pocnadraïtau: jo-urdP'hèurie,jeje
ne
dois
m'absenter de Turin.
D-ei
Eh bien, alors
[Anee de Dieu]
faites-en une autre : en récitant
priez votre Ange Gardien de
trois
vous
fois Angele
assister, de
vous préserver de tout mal, de manière à ne pas avoir à vous
effrayer dans l'événement qui vous arrivera aujourd'hui.
La dame resta encore plus frappée par cette parole, ac-
cepta très volontiers la suggestion et, rentrée chez elle, récita la
prière conjointement avec ses domestiques, remettant entre les
mains de son Ange tutélaire I'heureuse issue du voyage. Elle
monta en voiture avec sa fille et une femme de service et après
un long bout de chemin, parcouru à toute allure, les chevaux
tout à coup s'effarouchent, et puis s'élancent dans une course
désordonnée. C'est en vain que le cocher serre sur lui les brides,
mais ils ne sentent plus le mors. Tandis que les dames pous-
saient de grands cris et que s'était ouverte une portière de la voiture,
les roues butent dans un tas de gravier, la voiture bascule,
renverse tous ceux qui sont dedans, et se casse en mille morceaux

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170
la portière déjà ouverte. Le cocher est projeté de son siège, les
voyageuses sont dans le plus grand danger de rester écrasées, la
dame a la tête et les mains qui traînent par terre, et les chevaux
continuent à courir précipitamment. Tout cela arriva en moins de
temps qu'il n'en faut pour le dire. La dame, n'espérant plus d'au-
tre secours que celui de I'Ange Gardien, cria avec tout ce qu'elle
avait de voix l'invocation : Angele Dei, qui custos es mei etc.
[Ange de Dieu, toi qui es mon gardien etc.]. Cela fut suffisant pour la
sauver. Soudain les chevaux énervés deviennent calmes et s'arrê-
tent. Le cocher qui s'est redressé indemne les rejoint, et des gens
accourent pour relever ceux qui sont tombés. La dame qui, en
même temps que sa fille, est sortie de la voiture sans savoir
comment, demeure tranquille et sans une ombre de frayeur.
Toutes les deux réajustent leur personne du mieux qu'elles peu-
vent. L'une regarde I'autre attentivement et elles voient avec stu-
péfaction qu'aucune n'a souffert le moindre mal. D'un seul cæur
eIs'aAllesnsugietneeGcaocrendstiisneeunnetqsuaolinonrcsohuedsmeainrsé,aptuaévntéedsirs!cqe-usemLleoatscdoa:cmh-eer
Vivent Dieu et
accompagnée de
redresse la voi-
ture, et elle avait encore la force de faire plusieurs heures de rou-
te à pied et de se porter sans difficultés à sa maison de Chieri.
Il est inutile de dire quelle idée s'est alors forgée la bon-
ne dame de ce jeune prêtre qui I'avait si opportunément exhortée
à se recommander à l'Ange Gardien. Elle brûlait du désir de
retourner vite à Turin et de savoir qui il était. Parvenue à
St-François d'Assise, elle demanda à la sacristie qui, au moment
de sa confession, recevait au confessionnal qu'elle indiquait. Ayant
su que c'était D. Jean Bosco, elle alla le trouver en le remer-
ciant du salutaire avertissement. A partir de ce moment-là elle en
devint une admiratrice, et avec tous elle en répêtait les mérites
et les éloges. Et D. Bosco eut recours à elle, lorsqu'il fut ques-
tion de venir en aide à D. Charles Palazzolo, qui se trouvait dans
la gêne et désirait une vie toute donnée au ministère sacré et plus

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771
conforme à son âge déjà mûr. Elle devint une dévouée bienfai-
trice de l'Oratoire. Un cadeau de sa part consiste en la petite
ume de cristal placée de nos jours encore, dans la chambre de
D. Bosco, sur le coffret qui renferme, revêtue des ornements
sacrés, la statuette en cire de St Philippe Néri, représentation du
corps de ce Saint vénéré à Rome, à Sainte-Marie in Vallicella.
Toutes les circonstances de l'événement présenté ci-dessus
nous furent rapportées par un êcrit de cette bonne dame, par sa
femme de service, madame Thérèse Martano de Chieri, et par Don
Michel Rua.

19.6 Page 186

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1.72
CHAPITRE XIX
LFtbr'oriaoaupmnrorcpeshhateoeulsadetdéttedelar'lmunansincalehdtsiaeornpits-iess-ognLastmO-abimnsstiLati-ceélseaspCvreeeotmncvdileeéerrgsssoioûgantacssrcdsu:iueefrimnrlsusoin-t-tséstLrL-ess
consolants.
Evongéliser les prisonniers est une entreprise qu'il n'est
pas facile de réussir et qui rencontre dans la pratique bien des diffi-
cultés, alors que ces lieux d'infortune et d'infortunés ont le plus besoin
du ministère sacerdotal. Les prêtres cependant n'ont pas tous le coura-
ge de s'arrêter en ces pièces obscures, au milieu de ces verrous, de ces
grosses grilles, et de ces gueules qui suscitent le dégoût et la peur rien
qu'à les voir ; ils n'ont pas tous les qualités de prudence, d'abnégation,
de piété, de présence d'esprit et de science totalement adaptée à cette
sorte de gens. C'est pourquoi beaucoup, par ailleurs prêtres remplis de
zèle, soit par manque de santé ou de temps, soit par défaut d'une vo-
lonté digne des héros ou d'une aptitude spéciale pour ce ministère, ou
bien ne s'apprêtaient pas à la difficile entreprise, ou à la vue des nom-
breux obstacles bien vite se dégoûtaient et faisaient marche arrière.
Qu'on ajoute que I'autorité judiciaire n'accordait pas toujours I'accès
dans les prisons et que ce [droit d'entrée] il fallait I'obtenir comme une
faveur. C'est pourquoi durant les années dont nous parlons, on peut

19.7 Page 187

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173
compter sur les doigts les apôtres des prisons à Turin. Tels étaient
D. Mathis, Recteur de [l'Eglise de] la Miséricorde et Missionnaire
connu à travers tout le Piémont, le Chan. Borsarelli, D. Cafasso, le
Théol. Borel et notre D. Bosco, qui recouraient à toutes sortes d'as-
tuces pour surmonter toutes les difficultés.
Comme nous l'affirmaient le Théol. Borel en personne, et
plus tard Mgr Bertagna et Mgr Cagliero, D. Bosco se dépensa mê-
me beaucoup pour les pauvres prisonniers. Lorsqu'il en avait le
temps, il passait des journées entières dans les prisons. A plusieurs
reprises il y prêcha les retraites spirituelles. Chaque samedi il s'y
rendait la besace remplie, soit de tabac, soit de petits pains,
mais dans le but de soigner particulièrement la bienveillance des
jeunes gens qui avaient eu le malheur d'être conduits là, de les
assister, de s'en faire des amis et, de cette façon, de les inciter
à venir à I'Oratoire, quand leur arriverait la chance de sortir du
lieu de punition. Dans le même temps cependant il ne négligeait
pas les adultes. L'un après l'autre il visitait les différents blocs.
Les prisonniers n'étaient pas alors répartis par cellules, mais ag-
glomérés en chambrées de vingt-cinq ou trente personnes, avec,
et rien que cela, une paillasse qui leur servait de lit, de table et
de siège. ensemble se trouvaient enfermés ceux qui pour la
première fois avaient été appréhendés par Ia justice et les récidi-
vistes ; ceux-ci enseignaient à ceux-là vols et infamies ; et au
moyen de I'arrogance et de la moquerie ils détruisaient le bien
que le remords ou la parole du prêtre avaient commencé à faire
naître dans les cæurs, même dans celui des pervers à présent
bloqués par la peur et par le respect humain. Les plus anciens,
tout à fait effrontés, se glorifiaient des délits commis, et affichaient
des prétentions de supériorité d'autant plus grandes que plus grandes
étaient les condamnations à supporter. C'est pourquoi, en face de
questions qui surgissaient, voulant toujours avoir, eux, le dernier
mot, ils répondaient
me l'apprendre à moi
à ceux qui
qui ai déjà
s'opposaient
été sous les
: - Vous
verrous ! ?
voulez

19.8 Page 188

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174
Lorsqu'il paraissait pour la première fois en certains de
ces antres, D. Bosco était parfois, par ceux qui ne le connaissaient
pas encore, méprisé et insulté à travers d'atroces injures, des propos
obscènes et méchants, et des allusions infamantes pour un prêtre.
Ces pauvres gens que les passions faisaient enrager comme des
bêtes n'auraient pas supporté d'avertissements et moins encore de
reproches ; et pourtant D. Bosco dominait son ressentiment, répon-
dant par le calme et par le sourire, y compris lorsqu'en retour de
ses gentillesses elles-mêmes ces êtres servaient des grossièretés,
des affronts et parfois des menaces. Ecoutant les conseils de sa
fine prudence, et sachant que pour réussir il convient d'être dis-
cret, il se limitait au début à faire de brèves visites, leur parlait
avec un respect plein d'affection, donnait aux plus adultes l'appel-
latif de Monsieur, faisait preuve pour eux d'une grande compas-
sion et d'un vif désir de soulager leurs peines, provoquait leur
hilarité par quelque blague et, puisque l'amour est issu de I'utile,
il distribuait subsides et cadeaux. Et sa patience inaltérable les
frappait et les apprivoisait.
La charitê préparait ses triomphes. Beaucoup de ces mal-
heureux n'avaient peut-être jamais entendu une parole sincère
d'affection. Rejetés de la société, punis par la justice, trahis par les
complices, humiliés devant le monde, dégradés à leurs propres yeux,
privés de tout appui pour pouvoir se relever, furieux à cause de la
privation de la liberté, ils vivaient de haine. Avec cette sorte
d'individus les raisonnements ne sont pas valables ; ils répondent
par un haussement d'épaules, par un juron, par un blasphème.
Seul I'amour qui passe dans les actes et non par des mots, I'a-
mour de sacrifice, I'amour sincère est de tous les langages le plus
persuasif. Lorsqu'ils s'aperçoivent qu'aucun intérêt ne pousse le prê-
tre à se rendre au milieu d'eux, qu'il ne cherche pas autre chose
que leur bien, qu'en disant les aimer il ne ment pas, ils s'émeu-
vent, un sentiment de reconnaissance pénètre dans leurs cæurs, ils
se sentent aimés et accordent la familiarité désirée. - Quel intérêt,

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175
pensent-ils, peut avoir ce prêtre à venir ici vers nous ? Il faut
donc que soit divine la religion qui le guide, que soient vraies les
doctrines qu'il nous enseigne !
" Cependant, ainsi continuait à nous raconter le Théologien Borel, il
s'en fallait parfois, et combien, pour parvenir au point de leur a-
dresser I'évangile du salut, en faisant taire leur muflerie grossière
et goguenarde ! Leur abrutissement êtait tel que quelquefois les
paroles elles-mêmes du prêtre devenaient occasion de scandale.
Les termes conventionnels pour indiquer le vice et ses diverses
sortes et manières sont si nombreux que celui qui n'est pas bien
averti et ne possède pas une longue expérience court, à parler ou
à prêcher dans de semblables lieux, le risque à tout instant de
s'entendre interrompre par un magistral et grossier ricanement, si
bien qu'il doit accomplir un effort indicible'pour garder son sé-
rieux et son calme et ne pas perdre le fil du raisonnement.
Pourtant on a beau s'efforcer, on ne peut pas éviter tous les mots
devenus équivoques à cause de la mêchanceté humaine, puisque
même à de nombreuses [expressions] parmi les plus saintes ces
malheureux attribuent un sens pervers. Et c'est pourquoi s'il est
nécessaire de les prononcer, il faut que d'abord le prédicateur, en
interrompant la phrase par des digressions et avec de sévères a-
vertissements, terrasse la méchanceté du vice et dise l'étymologie
exacte du mot qu'il est sur le point de prononcer.
" De plus, ces êtres si rustres ne peuvent pas avoir tout d'un coup
la force de s'élever jusqu'aux pensées du surnaturel. C'est pourquoi il
convient souvent de commencer à les y faire monter par des marches
plus basses : leur expliquer que les fautes occasionnent aussi des
dommages temporels, qu'être vertueux conduit aussi à un grand tas
d'avantages sur cette terre ".
Ainsi se comportait D. Bosco envers les prisonniers ; et
souvent, après les avoir gagnés à sa cause et en avoir fait des amis, il
leur demandait de faire pour lui, pour lui faire plaisir, ce qu'ils lui au-

19.10 Page 190

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176
raient refusé, s'il le leur avait simplement présenté comme un de-
voir à accomplir. Et ainsi, pour faire une chose agréable à D. Bosco,
ils arrêtaient les propos obscènes, les jurons, les bagarres. Le dé-
tenu s'attendrissait à se voir aimé et estimé par un prêtre
considéré comme saint. Et de cette manière D. Bosco les attirait à
lui pour les conduire à Dieu, qu'il leur décrivait comme un père très
affectueux, sans cesse à leurs côtés pour leur venir en aide, alors que
tous ceux dont ils se croyaient aimés les avaient laissés à I'abandon ;
et il acquérait un tel ascendant sur eux que, lorsqu'il paraissait, tous
I'accueillaient avec joie et cordialité.
Alors D. Bosco, de sa parole persuasive, enseignait et ex-
pliquait à ces chers amis la doctrine chrétienne. Souvent il ra-
vivait ses propos par des exemples charmants et simples, ou par
de brillants apologues, ou par les paraboles du saint Evangile a-
daptées à leur intelligence et à leurs besoins spirituels. Il n'omet-
tait pas d'exposer quelque fait prodigieux tiré de la Sainte Ecriture
ou de l'Histoire de l'Eglise en guise de preuve de ce qu'il enseignait ;
et par des récits plaisants il faisait de plus en plus désirer ses
conférences. Par cette méthode les prisonniers apprenaient fa-
cilement, et plus encore n'oubliaient pas, les véritês et les pré-
ceptes du catéchisme, et dans leurs cæurs se transmettaient la
conviction et la foi de leur tendre maître. Ainsi également les
obstinés se sentaient vaincus, accueillaient les bonnes résolutions
que leur inspirait la grâce divine et peu à peu se décidaient à
faire une bonne confession.
Mais toute cette activité ingrate n'allait pas son train à la
manière de celui qui, voulant parvenir à un but, continue à mon-
ter en gagnant du terrain. Tantôt elle restait entrecoupée et il
fallait la reprendre ; tantôt toüt partait en fumée et il fallait re-
commencer au début. L'arrivée supplémentaire toutes les se-
maines de nouveaux prisonniers rompus à mal faire, les mesures
disciplinaires par lesquelles le Directeur était obligé de punir leurs

20 Pages 191-200

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20.1 Page 191

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177
insubordinations, les bagarres et les haines allumées entre eux pour
de futiles motifs, les sentences du tribunal plus lourdes qu'on ne
le redoutait, dissipaient les espérances du bon prêtre qui néanmoins,
avec une constance et un courage dignes d'un saint, recommen-
çait ses efforts et les continuait imperturbable. Entre-temps il priait,
se recommandait aux prières des nombreuses Institutions dans les-
quelles il exerçait le ministère sacré, répétant cette expression qui lui
était familière : " Je peux tout en Celui qui me rend fort (1) ".
En conséquence il ne se fatiguait pas de redoubler ses
soins et ses visites et de répéter catêchismes et avertissements même
lorsqu'ils ne voulaient pas I'êcouter ou l'écoutaient avec indiffé-
rence. Mais D. Bosco ne voyait rien d'autre en eux qu'une âme
précieuse, très belle, bien que souillée, dont le but est le ciel et
qu'il devait sauver. En effet, comme I'affirme le Théol. Borel, il
ne se plaignait jamais de tant de désagréments ainsi que de tant d'in-
gratitudes.
Avec ce regard, qui lui était propre, très perçant et je dirais
presque spirituel, D. Bosco êtudiait dans chaque individu les incli-
nations, les désirs, les luttes intérieures, et il trouvait à I'improviste ou
avec suavité mettait à découvert dans leurs cæurs des germes de vertu
étouffés par les épines des vices, de souvenirs de leur enfance inno-
cente, d'amour pour le pays natal, d'oppression due à l'êloignement de
la famille, de désolation pour I'honneur perdu, et ces germes il savait
si bien les cultiver, au point de les contraindre finalement à s'age-
nouiller devant Dieu, résolus à changer leur vie. Quels récits lugubres
et désolants n'aura-t-il pas entendu au cours de ces confidences, de
ces épanchements, lorsque le prisonnier, la tête appuyée sur son
épaule, lui découvrait avec I'abandon d'un fils les misères les plus
cachées ! Et le pauvre homme, sur l'endroit même où les hommes le
(1) Ph 4,r3

20.2 Page 192

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t78
condamnaient et le punissaient, obtenait miséric'ôrde et pardon. Et
D. Bosco lui parlait ensuite de I'amour infini que Dieu lui portait,
mêlait ses propres larmes aux siennes et lui faisait accepter les
châtiments de la justice humaine dans un esprit d'expiation chré-
tienne. C'est ainsi qu'il passait de nombreuses heures à confesser
dans de grandes salles communes, humides, suintantes et malodo-
rantes, au milieu du vacarme de ceux qui étaient mal disposés, et
avec la douleur profonde inexprimable de ne pas pouvoir dispo-
ser à son goût de l'endroit et des personnes pour donner libre
cours à son zèle. Il y a des choses qui humainement répugnent;
pourtant il n'y avait pas moyen d'y porter remède. Ici il fallait
que le confesseur se choisît une place serait moindre le dé-
rangement. Il n'y avait pas de sièges, et le prêtre était obligé de
s'asseoir sur une sordide paillasse et parfois. même près d'un im-
monde récipient, dont il devait s'éloigner un peu dès qu'un prison-
nier venait pour l'un de ses besoins. Quelle cochonnerie ! Et D. Bosco
avec une patience héroïque surmontait toutes ces répugnances.
Toutefois à la bonté et à la patience il unissait aussi u-
ne franche détermination, si c'était nécessaire.
Un jour il entra à f infirmerie, ayant été appelé par un
voyou gravement malade qui voulait se confesser. Il s'assit près
du lit et, tandis qu'il confessait, il vit à côté de l'oreiller un gros
couteau oublié par un geôlier imprudent. D. Bosco le prit adroite-
ment et le mit dans sa poche. Ayant terminé la confession, le prison-
nier se tourne vers I'endroit où était le couteau. 11 cherche à droite, il
cherche à gauche, fouille sous I'oreiller, passe la main sous la
pdeamillaansdsee..D. .-BoMscaoi.sCq'euset
cherchez-vous,
peut-être ceci
Et il lui fit voir le couteau.
bon
que
jeune homme
vous cherchez
?
?
lui
-
-
-
-
Ah ! oui, oui, donnez-le-moi, donnez-le-moi.
Oh non ; je ne vous le donne pas !
Mais je le veux.

20.3 Page 193

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179
vo-usJveonuelievzouesn
le donne
faire.
pas,
mais
vous
devez
me
dire
ce
que
pu-is
Eh bien ; en homme
des mois je gémis
d'honneur que je suis, je vous dirai : De-
dans cette prison sans être condamné ni
libéré ; c'est pourquoi j'avais décidé de vous frapper pour avoir
ainsi une raison d'être puni.
A ce qu'il sembla le malheureux parlait de la sorte pour
plaisanter, mais D. Bosco savait qu'avec certaines gens on ne pouvait
pas trop faire confiance. Néanmoins même avec ces personnes il se
dépensait de manière à les entraîner aux pieds de J[ésus] C[trrist].
Mais tant d'avantages ne pouvaient être obtenus sans une
grande et continuelle prudence. Il y avait les gardiens dont il était nê-
cessaire d'avoir la bienveillance pour obtenir un libre accès et pour
que de leur part ne fussent créés ni obstacles ni empêchements au
bien que l'on désirait faire aux âmes. Soit en raison de leur métier, soit
parce qu'ils sont non seulement tenus à l'écart, mais encore considérés
pour bien peu, voire pris en horreur par la société civile, ces [gardiens]
deviennent ombrageux, brusques et portés au dédain. Une légère in-
fraction au règlement pénitentiaire de la part du prêtre, l'un de ses ac-
tes moins courtois qui pourrait être pris en mauvaise part, un mot de
compassion pour les prisonniers mal compris pouvaient être la cause
d'un rapport hostile à I'autorité, qui ne manquerait pas de lui interdire
I'accès aux prisons. D. Bosco fiaitait donc les geôliers avec beaucoup
de dêfêrence et avec des expressions d'estime et d'amitié qui, en de
nombreuses circonstances, étaient certainement le fruit d'une grande
vertu. Sa paix pour dissimuler lorsque leurs manières étaient impo-
lies, son esprit de charité pour intercéder en faveur de ceux qui étaient
punis, sa générosité pour faire glisser dans leurs mains, en les ac-
compagnant de manières affables, des pourboires non nêgligeables et
d'autres cadeaux, lui avaient acquis un grand ascendant sur eux.
Rappelons un fait qui en vaut mille autres.

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180
Un jour D. Bosco sortait du quartier logeaient les pri-
sonniers, seul, sans gardien pour le conduire à la porte: il se
trompa d'escalier et entra dans une pièce qu'auparavant il n'avait
jamais vue. il trouva un homme en compagnie de sa fille et
de sa femme : à le voir entrer ils demeurèrent embarrassés, la
parole coupée. Cet homme était le bourreau. D. Bosco se rendit
compte de son erreur et des pièces dans lesquelles il se trou-
vait, et cordialement il souhaita à tous le bonjour. Ces personnes
non habituées à recevoir des visites ni à être traitées avec res-
pect répondirent à la salutation, et lui demandèrent ce qu'il dési-
rait.
bien,
Dje. Bmosecos,enqsuitraèvsafitadtiégjuàétreotuvj'éaisobenséocinhadp'puanteoirtaes, sdeitd:e-cafEéh;
auriez-vous
inattendue
la
la
bonté de me la donner
famille, avec joie et
? - Devant cette demande
empressement, s'écria d'une
seule voix : -
reau émerveillé
Mais, D. Bosco,
Oui, oui.
regardait
-
D.
vous savez
Et Ia fille courut la faire. Le bour-
Bosco avec une certaine émotion
chez qui vous êtes venu ?
:
-
-
-
to-us
Pour sûr que je le sais, chez un brave homme.
Mais comment avez-vous daignê venir chez le bourreau ?
Je sais que vous êtes un bon chrétien (et c'était vrai, car
les matins il y avait une exécution capitale, il envoyait
cinq francs à une église voisine, faisant célébrer la Messe pour
celui qui allait mourir) et cela me suffit et je veux que nous
soyons amis.
Ce pauvre homme, qui durant sa vie ne s'était jamais vu
traiter avec autant de tendre affection par des personnes dis-
tinguées, était hors de lui et offrait à D. Bosco tout ce qu'il a-
vait chez lui. D. Bosco s'assit, et vint le café avec une seule
tasse.
- Apportez une autre tasse, dit D. Bosco, je veux que nous le pre-
nions ensemble.
pr-ennOehleçacanone,nvpootrnedictolempbaogunrireea?u, c'est trop d'honneur ! que je

20.5 Page 195

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181
Mais la seconde tasse avait été apportée et D. Bosco,
I'ayant remplie, la présenta au bourreau, qui put à peine avaler ce
breuvage, car des sentiments nouveaux et jamais éprouvés lui rendait
laborieuse la respiration.
D. Bosco, ayant pris le café, demeura encore un peu et
partit ensuite le laissant, lui et sa famille, dans l'enchantement de cette
visite insolite.
La nouvelle de semblables gentillesses courait sans tar-
der parmi les gardiens qui proclamaient que D. Bosco était un brave
homme, voire un saint prêtre, et ils étaient disposés à lui rendre, cha-
que fois qu'il Ie leur demanderait, un service pour I'avantage spirituel
ou corporel de ses chers détenus. Ils I'informaient de l'arrivée de
nouveaux prisonniers ainsi que des dispositions ou des penchants de
ces derniers ; ils faisaient preuve de tolérance envers lui si le temps
fixé pour son séjour en ce lieu était écoulé ; ils l'avertissaient aussitôt
s'il y avait à I'infirmerie un malade dont l'état s'était aggravé. Et c'était
également la raison pour laquelle, lorsque survinrent plus tard des
ordres vexatoires contre la présence fréquente de D. Bosco dans les
prisons, il eut quand même toujours un libre accès, quoique pru-
demment circonspect, jusqu'en 1870. .
D. Bosco se servait en outre de son ascendant pour amener
les gardiens eux-mêmes à mettre en ordre avec Dieu les comptes de
- leur conscience. Il leur disait : Vous qui êtes les exécutants de la
justice humaine, prenez garde de tomber entre les mains de la justice
divine.
gardiens
-allaiEetntsessopuaveronltesluéi traeinednrtetovuisjoituersà
prises en
l'Oratoire
bonne part. Les
et se confesser.
Le bourreau lui-même vint fréquemment pendant plusieurs annêes
aux cérémonies dans l'église de Valdocco mais, ayant été reconnu par
les jeunes gens qui manifestaient un grand dêgoût envers sa personne,
il cessa ses visites vers 1870. Cependant c'est du côté de Valdocco
qu'au cours de ses promenades il dirigeait ses pas, s'arrêtant sur les

20.6 Page 196

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1.82
avenues à regarder ces toits et cette coupole qui lui rappelaient un
homme, peut-être le seul au monde à lui avoir professé de I'estime et
une affection sincère.
De plus son fils fréquenta I'Oratoire. Il était très bon et
se confessait à D. Bosco, pour lequel il nourrissait un grand a-
mour. Il voulait entrer dans la carrière ecclésiastique ; mais ve-
nant à savoir qu'en raison de la profession de son père lui était fermé
Ie chemin vers le sanctuaire, il en éprouva tant de peine qu'il en tomba
malade et, sa santé dépérissant rapidement, il mourut de consomption
assisté par D. Bosco.
Donc, bien vu par les gardiens et aimé par les déte-
nus, D. Bosco allait également prêcher dans les prisons du Sénat,
à la Générale et dans les Prisons Correctionnelles. D'ordinaire il
- prêchait le jeudi et disait ensuite aux détenus : Je reviendrai vous
faire une visite samedi, mais je veux que vous me prépariez un beau
cadeau.
Et que voulez-vous de nous ?
- Quelque chose de très gros, de monumental ; autrement il est
-inutile que je vienne : des misères de rien je ne sais que faire.
Eh bien ! dites et nous sommes prêts.
- Que chacun en particulier me donne sa part. Mais des gros pa-
-quets, des gros paquets.
lls comprenaient qu'il s'agissait de se confesser et se mettaient
à rire.
- Eh bien je viendrai moi qui les tiens plus gros que tout le monde,
commençait I'un.
gn-ont,l
y
qui
a
a
celui-là,
fait plus
continuait un autre
monumental que toi.
en
indiquant
un
compa-
- Et un troisième au second : Oh pour cela tu es un spécimen' toi
qui rends des points à nous tous.
- Oui, venez, criaient-ils en chæur, et il y aura de belles histoi-
res à raconter et à entendre.

20.7 Page 197

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183
pe-ineEdt evosiemqeuttiremeauplcaoîtn,fecsosniocnlunaali.t D. Bosco. Que cela vaille la
- Oh ne craignez pas, s'écriaient les prisonniers en se rapprochant
de plus en plus de lui ; nous viendrons, nous viendrons.
pilsa-ssceMosnoéfiep,sasirléayi!ena-t
dix, moi vingt, moi
Et tous riaient et
en promettant de se
trente ans que je
avec eux riait D.
revoir le samedi.
ne me suis
Bosco, et
Le samedi D. Bosco se rendait aux prisons. Les prison-
niers, qui voulaient se confesser, étaient à genoux en file. parfois
à ce moment-là se produisaient des scènes singulières à propos
dqueellaqup'urinoràitéupnouaruatrveoqiruuinéetapiltacdean:s-les
Ç's51 une
premiers,
injustice, disait
lève-toi d,ici. A
le droit d'aller en premier celui qui est là-bas le dernier de la file.
Il n'y a que six ans que tu t'es confessé, tandis que celui-là cela
fait déjà quatorze ans qu'il ne fréquente pas les Sacrements !
j'a-i
Mais j'ai un paquet gros
le droit d'être préférét
comme
le
monde
!
comprends-tu
!
et
te-ntioEntsmqouiequtoi ei.nDaoi nucnceèndceorlea
plus gros,
place.
je
n'ai
pas
autant
de
pré-
je-
Oh ça, par exemple ! Veux-tu
te surpasse de beaucoup ?
parier
que
pour
les
canailleries
L'arrivée de D. Bosco faisait cesser ces dialogues étran-
ges ; commençaient les confessions. D. Bosco tenait pour règle que,
pour confesser les rustres et les enfants, il fallait les faire parler, eux,
à I'aide d'interrogations opportunes, car autrement presque aussitôt ils
se dispersent. Dans cet exercice il avait appris à conduire les confes-
sions de sorte qu'elles êtaient très courtes. Les détenus s,en trouvaient
donc contents, satisfaits, et ils allaient volontiers se confesser à lui.
Parfois cependant après une semaine d'instruction, alors
qu'ils avaient promis de se confesser à la veille du Dimanche, à cause
du respect humain ou d'une ruse du démon, une fois D. Bosco arrivé,

20.8 Page 198

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184
aucun ne se déplaçait pour aller vers lui. La charité cependant
finissait toujours par triompher. Et un premier qui capitulait, se
sentant heureux après la confession, invitait les copains à I'imiter.
Ce travail apostolique produisit des conversions, fruits très
consolants. Même les plus récalcitrants finissaient par s'attacher
sincèrement à lui, et leur affection ils la manifestaient par le fait
de lui faire une visite dès qu'ils sortaient de prison.
De plus quand il savait que I'un avait purgé sa peine, il
se décarcassait pour lui trouver un emploi chez un honnête patron,
notamment s'il était jeune et dépourvu de moyens de subsistance :
et par la suite il s'inquiétait de sa conduite morale et s'ingéniait de
mille façons pour qu'il ne fît pas de rechute et que dans l'honneur il
sauvât également son âme. Plusieurs, une fois libérés, parvinrent, en
menant avec son aide une vie réglée, jusqu'à obtenir une situation ho-
norable dans la société. A Turin, il y avait encore' naguère, beaucoup
de ces anciens prisonniers, devenus grâce au zèle de D. Bosco d'ex-
cellents pères de famille et de bons chrétiens. Beaucoup se souve-
naient du bon prêtre et venaient à I'Oratoire restant toujours en
relation amicale avec lui.
Il arriva également plusieurs fois qu'après des années et
des années certains de ceux qui avaient purgé leur peine se sen-
taient, dans le souvenir de D. Bosco et de ses manières affables,
poussés à retourner vers Dieu ; par suite, venant à I'Oratoire de-
puis leurs
Je suis le
villages, ils se
type que vous
présentaient à
avez confessé
D. Bosco
dans les
en disant
prisons :
:-
vous
vous souvenez encore de moi ? Depuis ce moment-là je ne me
suis plus confessé. A présent cependant je viens vers vous, pour
que vous mettiez en ordre ma conscience, dans mon désir jus-
tement de devenir bon.
chel, M. Jean Tamietti,
M- .
De cela
Tomatis
furent témoins D. Rua Mi-
Joseph, Buzzetti Joseph et
d'autres.

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185
CHAPITRE XX
Déférence de Mgr Fransoni à l'égard des propositions de
ppDoli.ertBsdo'dsecemobD-û.chBeUosnsce-oimaLvpeeoscrtEalencstoelEecvsoênmqvuaeetressrineoent llae-vse-cPhlaiDlaénhbtahuurtotedpeiessocrreiaémp--
piémontaise.
Don Bosco grâce à son inépuisable activité passait des
prisons aux Institutions, de celles-ci à l'Oratoire ainsi qu'aux prédica-
tions et aux confessions dans les églises publiques. Comme il n'entre-
prenait rien sans en informer oralement ou par écrit Mgr Fransoni, il
lui rendait souvent visite en son palais, et il était par lui toujours bien
accueilli et fêté. Dans chaque difficulté qu'il rencontrait au cours de
ses missions variées, dans chaque décision d'importance qu'il devait
prendre, il lui demandait des règles sur la manière de se comporter ;
puis scrupuleusement il s'en tenait à ses ordres ou conseils. Bien des
années après nous entendîmes encore D. Bosco parler de temps en
temps avec révérence et amour de ses liens intimes avec l'Archevê-
que ; et de cela nous pûmes déduire de quelle bienveillance il faisait
I'objet. Egalement ses respectueuses informations, lorsqu'il était inter-
rogé au sujet d'affaires regardant le diocèse, étaient bien accueillies
par I'Archevêque.
Il n'était pas le dernier de ses soucis, celui du Catéchis-
me, petit ouvrage qu'il préférait parmi les volumes les plus précieux.
Pendant qu'il expliquait aux jeunes il avait noté dans le Résumé de la

20.10 Page 200

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186
Doctrine Chrétienne à I'usage de l'Archidiocèse de Turin, quelques
phrases qu'il jugeait inexactes. Il étudia, fit diverses corrections et
alla voir Mgr Fransoni, lui présentant ses idées. Certains mots du
livret ne lui semblaient pas en accord avec le texte hébreu et le
texte grec. Par ex[emple] le IXème commandement de la loi de Dieu
est ainsi exprimé dans le Résumé : Ne pas désirer la femme
d'autrui. D. Bosco proposait qu'on changeât cette phrase en la
suivante, plus exacte, plus délicate, plus générale, conforme au
texte : Ne pas désirer la personne d'autrui. L'Archevêque trouva
justes les remarques, loua les intentions de D. Bosco, mais ne
voulut pas prendre la liberté de changer quelque chose dans le
Catéchisme du diocèse. il renvoya D. Bosco vers Ie Chan. Ravina
Philippe Vicaire Général, pour qu'il examinât la question et don-
nât son avis. Ainsi fut fait ; mais le Chanoine Zapatta et d'autres
du Chapitre Métropolitain qu'il avait consultés conclurent, après
audition et discussion, que rien ne devait changer. Plus tard,
lorsqu'il devint Archevêque à Turin, le Chanoine Gastaldi Laurent,
qui connaissait ces idées de Don Bosco, accepta et fit placer
dans le Résumé de la Doctrine Chrétienne, sinon toutes' [ou moins]
plusieurs de ces modifications.
En plus de cela en fréquentant le palais archiépiscopal
D. Bosco prenait une part active aux joies et aux douleurs de son
Supérieur Ecclésiastique. Et, en cette année-là, lui fut de grande con-
solation I'entrée dans I'Eglise Catholique d'une demoiselle protes-
tante, en raison de la conversion pour elle-même comme aussi
pour les circonstances qui I'accompagnèrent. Plusieurs fois il nous
raconta ce triomphe, et d'autres semblables, de la grâce du Sei-
gneur. A cette époque le Roi et I'Archevêque étaient encore en
parfaite harmonie. Le fait se produisait au mois de juin.
Une fille du ministre du Roi de Hollande auprès de la
Cour de Savoie, contrariée par ses parents dans sa volonté
d'abjurer le protestantisme et d'embrasser la religion catholique,

21 Pages 201-210

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21.1 Page 201

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187
s'enfuyait de la maison patemelle et se réfugiait au couvent des
Chanoinesses de Saint-Jean de Latran, I'exemption de I'endroit
la sauverait de toute contrainte. Le père, épaulé par les Minis-
tres de Prusse et d'Angleterre, voulait à tout prix que sa fille
nreatotuurrenlâdt 'deamnbsrassasefar mlaillver.aMiegrreFlirgainosnoneisrtéspuonpdéariiet u:r
Le droit
celui de
l'autorité paternelle ; la jeune fille a toute liberté de sortir de
cet asile qu'elle s'est librement choisi ; il accordait toutefois au
père, ou à une personne mandatée par lui, d'aller interroger la
demoiselle afin de s'assurer que sa décision n'était pas chan-
gée ; mais que jamais il ne lui ferait l'injure de permettre
qLua'eMllearfgûht eerxitpaulsaéue.no- m
protégé par l'exemption
C'étaient les mêmes raisons qu'exposait
du Roi, ajoutant :
ecclésiastique : elle
-conLsetituceouuvnendt reositt
supérieur aux privilèges diplomatiques ; et l'on ne peut faire
violence à la volonté de cette enfant puisqu'elle est une é-
torapnpgoèsrieti.on-
;
En
et
vain le corps diplomatique chercha à faire
la demoiselle abjura entre les mains de
Monseigneur l'Archevêque les erreurs de Luther et de Calvin,
se réconciliant peu après ayec ses parents et persévérant,
pleine de ferveur, dans la religion catholique. C'est ainsi
qu'en ce temps-là on comprenait 1a liberté de conscience : le
faible trouvait appui et défense contre I'injuste arrogance du
fort.
D'autre part, entrecroisées avec les joies, ne manquaient
pas les causes d'anxiété et de crainte. Mgr Fransoni et D. Bosco
avaient prévu et signalé où voulait aborder le mouvement sectaire
et ils voyaient comment, dans le clergé, beaucoup, rendus aveu-
gles par les écrits de Gioberti, se disposaient inconsciemment à
appuyer le mouvement révolutionnaire. Astucieuse étaitla manæuvre.
Les séditieux de 1821 et de 1831 et les amis de la Jeune Italie a-
vaient cherché de façon efficace à se réconcilier les esprits et à ga-
gner du crédit en introduisant et en développant des æuvres et des

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188
institutions aptes à favoriser l'éducation populaire, la littêrature, la
science, le commerce et la construction des chemins de fer. Leur te-
naient à cæur de façon spéciale les écoles de méthode [voir p. 209], les
cours du soir et les cours du dimanche, les hospices d'indigents.
C'étaient toutes choses substantiellement bonnes qui devaient ren-
contrer I'approbation des honnêtes gens sans éveiller les soupçons.
Mais un æil quelque peu averti découvrait très bien de ce qu'elles
étaient, des æuvres de philantropie et non de charité, qui, en amé-
liorant l'homme pour I'homme, étaient utiles et honnêtes, mais non
selon I'esprit de I'Evangile, qui enseigne que seul celui qui fait du bien
au pauvre pour Jésus Christ aura pour récompense éternelle Jésus
Christ lui-même. Et cette exclusion de I'esprit chrétien, de la part de
ces gens, devait mettre sur leurs gardes les prudents et leur faire
connaître comment ces æuvres servaient à un prosélytisme
hêtérodoxe et comment, leurs auteurs se retranchant derrière le bien
du peuple pour se dissimuler, elles tramaient contre la religion et
l'état.
Ainsi dans un but sectaire on avait introduit en Toscane les
Ecoles maternelles, et à Pise les encourageait la protestante Mathilde
Calandrini, qui accomplissait systématiquement dans la salle de clas-
se les cérémonies du culte évangélique. Autour d'elle se rassemblaient
des hérétiques, des incrédules, des soi-disant philosophes indifférents
en matière de religion, pour I'aider, disaient-ils, dans l'éducation du
peuple. Laurent Valerio avec d'autres, parmi lesquels I'Abbê Ferrante
Aporti, donnaient de l'extension à cette institution. Aporti était consi-
déré comme I'introducteur en Italie des Ecoles matemelles, selon les
plans du protestant écossais Owen, chef d'une secte saint-simonienne.
Lui, il avait êrigê sa première Matemelle à Crémone en 1830 et en
même temps il enseignait selon une de ses méthodes comment faire
cours dans les classes primaires (1).
(1) MONTANELLI : Memoie sull'Italia e specialmente sulla Toscana etc.

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189
Bien qu'il existât déjà à Turin depuis 1825 une florissan-
te école maternelle vraiment catholique, fondée par le Marquis Baro-
lo, contre laquelle les sectes firent ensuite une âpre guerre, néanmoins
les libéraux voulaient qu'on introduisît celles du nouveau système ; et
ils soutenaient Ia création d'une chaire capable de former les maîtres
dans l'art pédagogique. Mgr Denis Pasio, Evêque d'Alexandrie et
Président de I'Officex Public de la Réforme se laissa abuser par ces
Messieurs et servit par inadvertance les sombres desseins de Ia secte,
qui travaillait à placer le germe d'un enseignement perfide. Mgr Pasio
êcrivit à Milan pour demander au Consul sarde un Professeur d'émi-
nente habileté, et Ie Gouverneur Général de Lombardie, interpellé,
proposa I'Abbé Aporti, dont il faisait les plus grands éloges, et Mon-
seigneur conseilla à Charles-Albert de le faire venir à Turin. Le Roi
avait informê de ces projets Mgr Fransoni, qui était contraire aux
desseins de Mgr Pasio. En effet, le Saint Père Grégoire XVI avait en
1839, dans une circulaire aux Evêques des Etats Pontificaux, fait
interdire les Ecoles maternelles parce qu'elles étaient de I'espèce en-
couragée par Aporti lui-même.
S'approchait donc I'heure des premiers signes suscités par
les partisans de l'erreur contre l'Eglise. Or pour continuer sa mission
D. Bosco avait besoin de se mettre en relation avec les Prélats de la
Sainte Eglise, avec les personnes les plus nobles, les plus religieuses
de la ville et du Royaume, appartenant au Clergé séculier, aux Ordres
religieux, à la Magistrature, et aussi au Conseil du Souverain. Ils de-
vaient être ses plus insignes bienfaiteurs, ses conseillers et ses sou-
tiens vigilants. Et la Divine Providence opérait ce rapprochement qui,
sans les circonstances préparées par elle, ne serait ni aussi facile ni
aussi rapide.
Fréquentant l'Archevêché, D. Bosco rencontrait souvent
* Chargé de I'enseignement en Piémont = Ministère de I'Instruction Publique.

21.4 Page 204

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190
Ies Evêques qui venaient pour se mettre d'accord avec le Métropoli-
tain, et de même avec les Prélats d'autres Provinces Ecclésiastiques du
Royaume, qui fréquemment arrivaient à Turin dans le but aussi de se
rendre à la Cour. Je crois qu'en ces occasions il a fait connaissance a-
vec de nombreux personnages vénérables. En effet, dès le début de sa
carrière sacerdotale, nous le voyons traiter, je dirais presque à égalité,
restant sauf le respect au caractère épiscopal, avec Mgr Philippe
Artico, Evêque d'Asti, avec Mgr Modeste Contratto, Capucin, Evê-
que d'Acqui, avec Mgr Jean-Pierre Losana de Biella ; il est familier
avec les évêques Mgr Clément Manzini, de Cuneo, Carme déchaussé,
Mgr Louis Moreno, d'Ivrea, Mgr Alexandre-Vincent-Louis d'An-
gennes, de Verceil, Mgr Jacques-Philippe Gentile, de Novare ; il
est ami intime du Dominicain Mgr Jean-Thomas Ghilardi, évê-
que de Mondovi, qui jouissait d'un grand cr§dit à la Cour et [se
montrait] très zélé pour encourager la piété et se battre pour les
droits de I'Eglise. A ceux-là et à d'autres il faut ajouter le nou-
veau Vicaire Apostolique* auprès de la Cour de Savoie,
Mgr Antoine Antonucci, Archevêque de Tarse. C'est ainsi que
depuis ces premières années jusqu'à ses derniers jours D. Bosco
eut la chance de pouvoir suivre le conseil de l'Ecclésiastique :
" Tiens-toi dans I'assemblée des vieillards et joins-toi de tout
cæur à leur sagesse, afin que tu .puisses entendre tout ce qui
sera dit sur Dieu, et que les maximes dignes de louange ne
t'échappent pas (1) ".
Mais, si I'Evêché était lui-même le rendez-vous de l'élite
de la société piémontaise, le Convitto St-François d'Assise l'était tout
autant. Venaient consulter D. Guala un bon nombre d'Evêques et
de prélats inférieurs. Etaient ses pénitents Jean-Antoine Oddone,
élu en 1845 Evêque de Suse, et Louis [tits] des Comtes de Calabiana,
(1) Si 6,34-35 [D'après la Vulgate].
* Vicaire Apostolique dans le sens, ici, de Nonce.

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t9t
consacrê en 1847 pour diriger le Diocèse de Casale ; le Chevalier
Vasco, le Chev. Gonella, le Comte de Collegno, Silvio Pellico, la
Marquise de Ruffia, la Marquise Falletti de Barolo, qui dépendait de
lui dans la fondation de ses æuvres de charité, et beaucoup d'autres
parmi les principaux personnages de Turin. Il était en étroite relation
avec les Pères de la Compagnie de Jésus, avec le Père Bresciani*,
tandis que les Pères Francis, Merlin et Félix* venaient prêcher à
St-François d'Assise. S'entretenaient souvent avec lui et causaient un
bon moment le Comte Avogadro de la Motta, le Comte Clément
Solaro de la Margherita. Même le Comte Barbaroux était venu le
consulter pour la rédaction du Code Albertin.
Outre un grand nombre de gens du peuple, demandaient la
direction spirituelle de D. Cafasso quelques Evêques et beaucoup de
curés, de prêtres, d'avocats, de militaires, de médecins et de commer-
çants. Se confessaient à lui chaque semaine presque tous les Chanoi-
nes de la Cathédrale, ainsi que de nombreux nobles parmi lesquels
Sambuy, Cays, La Margherita, et diverses dames parmi les plus im-
portantes de la ville. Avait placé en lui toute sa confiance la Duchesse
de Montmorency, qui se remettait en tout à lui non seulement pour les
choses de son âme, mais aussi dans Ia direction de ses affaires pri-
vées et plus tard pour les généreux dons qu'elle faisait par ses mains à
I'Oratoire St-François de Sales.
Ces illustres personnages, nous les verrons, dès le début
des Oratoires, s'en déclarer amis en toutes les manières qu'il leur était
possible ; et donc, avec de nombreuses autres personnes très connues,
être témoins des merveilles d'une grande partie de la vie de D. Bosco.
Auprès d'eux D. Bosco ne tarda pas à être en grande vénération, et ils
le regardaient comme un homme tout du Seigneur. Voilà un jugement
que nous avons entendu de leur bouche même.
* Le premier " e Felice " qui suit " Bresciani " semble un ajout : il est omis.

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192
CHAPITRE XXI
Lcmdoaaonnltslproôruel-ensuesreBDdieo.egtBrsalo'epsséhcciæeoou-lpevér-reIesln-énDcisr.eiUt Bllnaaoesmbcrreoéolmicqéhoucuirerierveda:diuneCSh-saéopmneLilneceatorndipsdertieessmcstCpieeolper-t
douleurs de Marie.
L'opinion publique, sous I'inspiration de la nécessité des
temps, sous la poussée d'agents secrets, avec l'appui des dispo-
sitions des lois civiles, proclamait qu'on devait étendre, le plus
largement qu'il était possible, l'instruction populaire. C'est pourquoi
D. Bosco avait immédiatement pressenti que l'école et la presse,
choses excellentes en soi orientées vers le bien, deviendraient
inévitablement les moyens les plus puissants dont tirerait avantage
le démon pour semer le mal et I'erreur au milieu des foules. La
France en donnait
mait et répêtait D.
Bunospcoito, ypabvleeneirxelempdlaen. g-er
Il faut donc, affir-
autant que nous le
pouvons. Prêparons-nous afin d'opposer à l'école et à la presse
- mauvaises, l'école et la presse bonnes. Telle fut sa résolution,
et I'engagement constant de toute sa vie fut d'éduquer la jeunesse et le
peuple, au moyen de bons enseignements et de bons livres. Et il com-
mença à s'accrocher à la plume pour fournir des publications. Dans
ce but il enlevait beaucoup d'heures de la nuit à son repos, et le jour

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193
il occupait tous les instants que la sollicitude pour ses jeunes, le
ministère sacerdotal et l'étude de la théologie morale lui laissaient
libres.
Le bureau de sa chambrette était encombré de cahiers et
de feuillets, bourrés de notes, qu'il recueillait avec diligence, sur des
sujets qui traitaient de la défense de la religion, de I'Eglise Catho-
lique, de la Papauté ; de faits édifiants, de pratiques de piété, de
thèmes sacrés et profanes pour l'instruction scolaire. Avec tout cela il
préparait la matière pour les nombreux livres qu'il projetait et dont
I'opportunité et l'excellence seraient prouvées par les multiples édi-
tions et par les jugements favorables publiés par des personnages
de grande réputation.
Toutefois, bien que D. Bosco sentît en lui la grâce et la
puissance de cette mission, il ne posa jamais à l'écrivain et ne mani-
festa à ce titre aucun sentiment de vanité. Il n'avait et n'eut jamais
d'autre objectif que la gloire de Dieu et le salut des âmes et, se mé-
fiant de lui-même, il ne publia jamais une æuvre sans la soumettre à
la révision Ecclésiastique, dans I'obéissance totale aux lois de I'Eglise.
En même temps, dans son humilité, au lieu d'aspirer à s'at-
tirer la réputation d'un écrivain de talènt et d'élégance, pourvu comme
il l'était d'études sérieuses, il s'appliqua d'une manière spéciale à tou-
jours faire preuve de grande simplicité de style pour écrire ses livres.
Il avait hâte avant tout de faire bien comprendre, même aux ou-
vriers les plus rustres et aux pauvres femmes du bas peuple, les
vérités de notre sainte Religion, poussant leurs cæurs vers Dieu.
Pour atteindre ce but, ayant écrit quelques pages, avant de les publier,
il avait I'habitude de les lire à des personnes peu instruites, se faisant
dire ensuite si elles les avaient comprises. Si elles répondaient néga-
tivement pour telle ou telle phrase, pour tel ou tel mot, ou pour
des idées trop recherchées ou difficiles, il retouchait, corrigeait, mo-
difiait, refaisait les périodes entières une fois, plusieurs fois jusqu'au

21.8 Page 208

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194
moment il était persuadê qu'elles comprenaient tout. Ainsi il put
connaître la voie à suivre pour se faire comprendre des personnes sans
instruction, même lors des sermons. C'est pourquoi, tandis qu'il se
proposait d'éviter le style ampoulé et trop élégant, il ne négligeait pas
dans le même temps de joindre la pureté et la précision de la langue à
I'onction et à la clarté, afin de rendre ses æuvres agréables et très
fructueuses aux personnes de tout rang. Pour cette raison elles étaient
lues avec grande avidité par les jeunes et les gens du peuple. Le pre-
mier correcteur de ses livres, racontait D. Ange Savio, fut le concierge
du Convitto Ecclesiastico.
Et à présent commençons à nous représenter D. Bosco
quand il prend la plume pour ne plus la déposer. I1 avait toujours
devant les yeux de I'esprit la chère figure de Louis Comollo. Il avait
encore à I'oreille le son de ses paroles d'une des nuits de délire qui
précédèrent sa mort, au cours de laquelle il avait crié contre les en-
nemis de son âme : " Avec votre aide puissante, ô Marie, j'ai remporté
la palme sur tous mes ennemis !... Oui, vous êtes les vaincus... je
suis le vainqueur ! C'est à Elle qu'est la victoire !... " paroles qu'il no-
ta dans ses manuscrits et qu'il répéta tant de fois dans ses sermons.
En plus de plusieurs grâces obtenues de Dieu, disait-on,
par l'intercession du saint jeune homme, un fait singulier, demeuré
secret et confié par D. Bosco dans ses derniers jours à l'un de ses
familiers, l'avait grandement impressionné.
Quatre ans environ s'étant écoulés depuis la mort de Co-
mollo, quelques-uns de ses compagnons de séminaire, avides de faire
la reconnaissancede son cadavre, à l'insu des supérieurs du Séminai-
re, se mirent d'accord en grand secret pour ouvrir la tombe. Ayant dé-
placé une dalle de pierre, ils descendirent dans le souterrain, allumè-
rent quelques torches, et voici qu'apparaît le cercueil à la surface du
sol du côté gauche sous le maître-autel. Ils I'ouvrirent, et le corps
du jeune homme mort apparut intact, les traits inaltérés. Très grande

21.9 Page 209

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795
fut leur émotion et très grand leur émerveillement devant ce
spectacle. De sa soutane on fit des lambeaux, qui furent consi-
dérés comme des reliques ; un détail cependant fut inexcusable, à
savoir que quelqu'un lui emporta un doigt. Cela fait, ayant re-
fermé le cercueil, ils sortirent inaperçus, et remirent la pierre en
place, enlevant toute trace de cette exploration. Quelques jours
plus tard l'un de ces compagnons vint rendre visite à D. Bosco
et lui
d'une
dit d'un air
affaire de la
mystérieux'
plus haute
im- poJrteandcoei.sMtee
mettre au courant
promets-tu le se-
cret ?
ni-
Je le
aucun
promets, pourvu qu'il ne comporte
dommage pour le prochain.
aucune
offense
de
Dieu
no-us
Sois tranquille :
si on venait à
arrivé et sortit d'un
il s'agit seulement d'une chose malheur à
pl'aaqppureetnldered. o-igt
Puis
qu'il
il raconta ce qui
avait anaché, et
était
il a-
jpoouutava:it-enCcerottiereresleiqsuyeejuex,l'caai rplraisechpaoiruréttaoiit!so-uplDe.
Bosco ne
et colorée
comme celle d'une personne vivante. Après avoir quelque peu
réfléchi, il blâma le fait, parce que non autorisé par I'appro-
bation nêcessaire des supérieurs : il ne voulut pas retenir ce
cadeau, insista pour qu'il fût de nouveau enseveli dans la terre
sacrée, et fit aussi comprendre les peines que les lois civiles
prescrivaient contre ceux qui violent les tombes. S'étant laissé
dominer par le dégoût, il n'y pensa plus avant, car autrement on
aurait pu en temps opportun vérifier I'exactitude de cette dé-
position. Plus de cinquante ans après, en raison de différents
travaux, lors de visites à ce souterrain, on ne retrouva que le
squelette dépouillé du saint séminariste.
La vênération et la très haute estime pour Comollo avaient
alors provoqué cette imprudence, et D. Bosco, également pour ac-
quiescer aux désirs de ses compagnons, voulut en pérenniser la
mémoire, en donnant ainsi un modèle à la jeunesse et spéciale-
ment à celle qui dans les séminaires aspire au sacerdoce. La vie de

21.10 Page 210

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t96
Louis Comollo fut son premier ouvrage et il l'écrivit alors qu'il
demeurait encore au séminaire ; et, quand il l'eut fini, il le pré-
senta à ses supérieurs, afin qu'ils pussent l'examiner et donner
leur jugement.
En décrivant Ie rêve effrayant que fit Comollo peu de
temps avant de mourir, il avait noté, avec I'intention de conserver des
souvenirs à ne pas publier, les noms de diverses personnes : l'ami lui
avait confié qu'il les avait vues tomber ou se trouver déjà en enfer.
C'était comme un argument pour la véracité de ce récit. Il s'agissait
de personnages distingués, respectés et ayant la réputation d'être
vertueux, si bien que les supérieurs, qui avaient quelque connaissan-
ce de la misère de ces êtres, restèrent pleinement saisis d'horreur
à la suite d'une telle révélation. Quelques-uns.étaient morts, d'autres
encore vivants. Naturellement on voulut que ces noms fussent effacés,
et ensuite pleinement approuvé cet écrit fut remis à l'imprimerie en
1844. Cette première édition est anonyme et porte le titre : Aperçus
historiques sur la vie de Louis Comollo, mort au Séminaire de Chieri,
admiré de tous pour ses vertus particulières, écrits par l'un de ses
Collègues (1). La préface suivante précédait le récit :
" A Messieurs les Séminaristes de Chieri.
" L'exemple des actions vertueuses vaut bien plus que n'importe
quel discours élêgant : ainsi il ne sera donc pas hors de raison qu'on
vous présente un aperçu historique sur la vie de celui qui, ayant vécu
où vous viyez, dans le même endroit et sous la même discipline, peut
vous servir de véritable modèle, pour que vous puissiez vous rendre
dignes du but sublime, auquel vous aspirez, et devenir ensuite un jour
d'excellents lévites dans la vigne du Seigneur.
(1) Turin: par l'Imprimerie Speirani et Ferrero, près de I'Eglise
St-Roch,1844, 82p..

22 Pages 211-220

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22.1 Page 211

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197
" Il est vrai qu'à cet écrit manquent deux choses très importantes, à
savoir un style soigné, une tournure élégante : c'est pourquoi j'ai dif-
féré jusqu'à présent, afin qu'une plume meilleure que la mienne vou-
lût bien assumer une telle charge. Mais, voyant que je retardais en
vain, je me suis déterminé à le faire moi-même de la meilleure
façon que je pouvais, poussé par les instances répétées que me
faisaient plusieurs de mes collègues, ainsi que d'autres personnes
importantes ; et persuadé que la tendresse, dont à l'égard de votre très
digne compagnon vous faites montre, et votre piété distinguée sau-
ront pardonner, voire remplaceront la petitesse de mon talent.
" Donc, quoique je ne puisse vous allécher par la beauté du dis-
cours, je trouve grande consolation à pouvoir vous affirmer en toute
sincérité que j'écris des choses vraies, que j'ai toutes moi-même vues,
ou entendues, ou apprises de personnes dignes de foi, ce dont vous
pourrez juger vous aussi qui, pour une part, en fûtes même des
témoins oculaires.
" Et si en parcourant cet écrit vous vous sentez encouragês à mettre
en pratique I'une des vertus mentionnées, rendez-en gloire à Dieu, à
qui uniquement, tout en le priant de vous être toujours propice, je
dédie mon travail ".
Et non moins affectueusement il conclut son récit : nous
voudrions qu'il fût lu et médité chaque ànnée non seulement par les
jeunes gens, mais aussi par les jeunes abbés.
" Une maladie et une mort accompagnées par des exemples et des
sentiments de vertu et de piété en si grande quantité réveillèrent aus-
si chez de nombreux Séminaristes le désir de vouloir l'imiter. C'est
pourquoi beaucoup s'appliquèrent à suivre les avis et les conseils qu'il
leur avait donnés tandis qu'il vivait encore, et d'autres à imiter ses
exemples et ses vertus de sorte qu'on vit certains Séminaristes, qui
auparavant ne donnaient pas grande preuve de vocation à l'état auquel
ils disaient aspirer, devenir après la mort de Comollo, avec les plus
fermes résolutions, des modèles de vertu.

22.2 Page 212

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198
" Cefutjustement à la mort deComollo, dit I'un de ses compa-
gnons, que je me suis résolu à mener une vie de bon Séminariste pour
devenir un saint Ecclésiastique et, bien que cette décision ait été
jusqu'à présent inefficace, néanmoins je ne m'arrête pas, au contraire
je veux redoubler mon engagement chaque jour davantage.
" Et ce ne furent pas seulement des décisions de premier mouve-
ment, mais elle continue encore aujourd'hui à se faire sentir la bonne
odeur des vertus de Comollo. C'est ainsi que le Supérieur du
- Séminaire voulut me dire que le changement de moralité qui s'est
produit chez nos Séminaristes à la mort de Comollo continue à être
- toujours permanent.
" Il serait ici opportun d'observer que tout cela se produisit principa-
lement à la suite de deux apparitions de Comollo advenues après sa
mort ; l'une d'entre elles est attestée par une chambrée entière de
personnes ".
Dans la première édition de 3000 exemplaires il fit à peine
allusion à ces faits merveilleux, et c'est seulement dans celle de 1884
qu'il se décida à en publier un en détail, se pliant aux prières de
qui écrit ces mémoires. Les idées présentées ci-dessus expliquent
la frayeur produite alors par la seconde apparition. Non seulement
Samuel, mais aussi quelques fils d'Eli devaient entendre la voix du
Seigneur.
Dans le même temps D. Bosco offrait les prémices de ses
écrits à la Vierge Bênie, divisées comme en deux petits bouquets
de fleurs. Le premier consistait en cet ouvrage décrit plus haut:
il montrait la protection de Marie, pendant la vie et au moment
de la mort, en faveur d'un séminariste plein de dévotion pour
elle. Le second fut une petite brochure intitulée: Chapelet des
sept douleurs de Marie, aÿec sept brèves réflexions à leur sujet,
exposées sous la forme du CHEMIN DE CROIX . Il l'écrivit avant de
quitter le Convitto Ecclesiastico, à l'occasion d'une neuvaine et d'une
fête en l'honneur de Notre-Dame des sept douleurs, qu'on cêlébrait

22.3 Page 213

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t99
tous les ans dans l'Eglise SrFrançois d'Assise. Dans ce but y était
instituée une pieuse société, et chaque membre, homme ou femme,
payait quinze sous dans les mains d'un collecteur.
Lelivret, de4Zpages, exposait d'abord lechapelet, qui
seul fut réimprimé dans le Giovane Provveduto [La Jeunesse Instruite]
avec le Stabat Mater et les autres oraisons rituelles, en omettant les
très courtes prières qui suivaient l'énoncé de chaque douleur. En ces
prières on demandait à Marie la grâce de tenir sans cesse gravée dans
la mémoire la passion de Jésus ; d'être délivré des persécutions des
ennemis, visibles et invisibles, de l'âme ; que tous les pécheurs à la
recherche de Jésus en des actes de véritable contrition le retrouvent ;
de pouvoir accompagner Jésus au Calvaire avec le regret continuel de
ses propres fautes ; d'obtenir de Dieu de ne rechercher, par des mé-
ditations assidues, que Jésus, crucifié pour nos péchés ; de laver con-
tinuellement avec des larmes de véritable componction les blessures
mortelles faites à Jésus par nos péchés ; enfin que tous les pécheurs
puissent connaître combien c'est un grave dommage pour l'âme d'être
éloignée de Dieu.
Empreintes d'affection, les sept méditations sur les dou-
Iclneosurrtrersuspietolelens-d-imonêdsmemaesuaxn-ddeinvetinllàeesslanmeVisiéseerri.cgtoerrodutervèsesnactfoipnmadps'aodtbiastnseasnniLrtealeqJuesueanlunesotsuêes-
temel ; que Jésus et Marie possèdent en permanence notre cæur;
que nous retrouvions Jésus, au cas il aurait été perdu à cause
des passions mauvaises et des tentations du démon ; que nous
obtenions de la part de Marie le pardon pour les dégoûts que
nous lui avons causés ; que nous connaissions le prix et la gran-
de valeur de la souffrance ; que notre cæur s'attendrisse une fois
et pleure vraiment ses péchés, cause pour Marie d'un si lourd
martyre ; que le dernier soupir de notre vie soit uni aux soupirs
de Marie, émis du fond de son âme dans la passion douloureu-
se de Jésus.

22.4 Page 214

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200
La brochure portait en son début le préambule suivant
" Le but principal de ce petit ouvrage est de faciliter le souvenir et la
méditation des douleurs très déchirantes du cæur aimant de Marie, et
cela lui est très agréable, ainsi qu'elle I'a révélé plusieurs fois à ceux
qui témoignent envers elle de la dévotion, et pour nous c'est un
moyen très efficace pour obtenir sa protection.
" Ensuite pour rendre plus facile I'exercice d'une telle méditation, on
commencera par I'utilisation d'un chapelet sont indiquées les
sept douleurs principales de Marie : on poulra donc les méditer
en sept brèves réflexions différentes selon la manière habituelle
de faire le Chemin de Croix.
" Que le Seigneur nous accompagne de sa grâce et de sa bénédition
célestes pour que soit atteint le but ardemment désiré, de sorte que
l'âme de chacun demeure vivement pénétrée du souvenir fréquent des
douleurs de Marie, pour I'avantage spirituel de l'âme ; et tout cela
pour la plus grande gloire de Dieu ".
Ce livre anonyme, sorti des presses de Speirani et Ferrero,
fut distribué en un grand nombre d'exemplaires parmi le peuple, et on
en fit plusieurs éditions. Il est la preuve que D. Bosco nourrissait sans
cesse, envers la passion de Jésus et les affres de la Céleste Mère, la
tendre dévotion que chez lui nous avons connue toujours aussi vive
jusqu'au demier de ses jours. Oh, ce n'est pas par hasard que la
divine Providence disposa que sur sa tombe l'éminent peintre Rollini
peignît le tableau de Marie, Notre-Dame des sept douleurs. Il est
pour rappeler aux fils de D. Bosco le grand avertissement du père, à
savoir de ne jamais être, à travers leur conduite, une cause de douleur
pour leur Mère très aimante, de sorte que de personne Elle ne puisse
dire : " Vous tous qui passez par le chemin, regardez et yoyez s'il est
une douleur pareille à la douleur qui me tourmente (1) ".
(1) Lm 1,12.

22.5 Page 215

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207
CHAPITRE XXII
DBdddmviéauosi.stscoàSsecCuieororanlinngafe-anenmesraeduseirtor'nCear.taoccicsndoteeefneiapfséfntDaperceirie.rtnitlcCuadpieaeelucflralheDssaas-.urvogiBevC-Doeods.'nceELCvonctiatoietfdDnoanéos.-emsDoBed.olSeussCoipcdanoiaerfainvet-sunesseotniolnmiDrc--eer.epllDaGDiogé.uuivelraoBicullooiDaxesnouctelnoéext
En cette onnée 7844 avait eu lieu au Convitto Eccle-
siastico un changement nécessaire dans les charges des Supérieurs. Le
Théol. Guala, à cause des douleurs aux jambes qui ne lui laissaient
plus de répit, avait arrêté les prédications ordinaires et les conférences
de morale, déléguant à D. Cafasso tout le poids de l'enseignement et
le soin du bon ordre et de la discipline. Pour sa part, confiné entre les
quatre murs de sa chambre, il se limitait à la direction suprême. A la
grande édification des étudiants du Convitto, lorsque ses infirmités ne
lui permettaient pas de célébrer la sainte Messe, il faisait la commu-
nion quotidienne, et son très vif désir de s'unir au Rédempteur présent
dans Ie Saint Sacrement était une grande leçon pour les étudiants
prêtres.
D. Bosco aidait D. Cafasso dans les tâches qui lui étaient
confiées, en donnant des cours particuliers de morale, lorsque certains

22.6 Page 216

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202
d'intelligence plus limitée avaient besoin de plus grandes explica-
tions, et parfois en prêchant dans l'Eglise St-François. D. Cafasso
voyait quelque chose d'extraordinaire dans son activité si bien
régtée en chaque action : dans le même temps il avait sur lui une idée
persistante qu'il ne laissait pas apparaître, tandis qu'il nourrissait pour
son jeune ami une estime qui rivalisait avec la vénération et qui ne se
démentit jamais. Mgr Cagliero en fut témoin pendant dix bonnes
années.
Lorsque D. Bosco étaitarrivê au Convitto, il avait con-
fié à son saint Directeur spirituel chacun de ses secrets et, en-
tre autres détails, le rêve dans lequel, lui avait-il semblé, il ê-
tait tailleur et rapiéçiait des vêtements élimés. D. Cafasso, le
regardant fixement, lui avait demandé' - §nvs2-vous faire le
tailleur ?
- Oui, que je sais le faire ; et je sais faire des pantalons, des vestes,
des manteaux, et des soutanes pour les jeunes abbés.
tra-CitoimNl opluureisndvaisonaut istle;ves-errnosnQdsoepàcseIq'teetesnstdaeçi am! va-an,dteEa,itllDcehu.arBq?ousecfooisqpuon'idl aleit
rencon-
: - Je
suis dans I'attente de votre décision.
En effet, D. Cafasso scrutait avec son jugement délicieu-
sement fin et sagace le caractère des étudiants, leurs dispositions afin
de leur assigner ensuite la place convenable dans la maison de Dieu.
" L'étude profonde de la morale, écrivait D. Bosco, de l'ascétique et de
la mystique, jointe à une attentive compréhension et à un rapide dis-
cernement des esprits, I'avait rendu capable de pouvoir en quelques
mots avoir une idée et un jugement sur I'intelligence, la piétê, les con-
naissances doctrinales, les penchants et la capacité des Ecclêsias-
tiques. Il disait sans se tromper : Celui-ci sera un bon curé, celui-là
un bon vicaire, cet autre un bon aumônier ; cet homme-là sera
un prudent directeur spirituel dans un monastère, un digne supérieur
dans un établissement d'éducation. A quelqu'un qui l'interrogeait,

22.7 Page 217

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203
il disait : Vous serez un excellent aumônier des prisons ; ou bien :
Votre mission est I'assistance des malades dans les hôpitaux et vous
ferez beaucoup de bien ; à quelqu'un d'autre : Vous deviendrez un
prédicateur de carême distingué et fécond, un missionaire apostolique
rempli de zèle, un maître et catéchiste de talent, un conseiller sûr dans
les affaires de I'esprit. Et ce qu'il disait était toujours vérifié par
l'événement ". C'est pourquoi était illimitée la confiance que les
étudiants du Convitto plaçaient dans ses conseils et jamais quelqu'un
n'eut à regretter de les avoir suivis.
Cependant au Convitto D. Bosco n'avait pas de plus grand
engagement que d'étudier. Pour le moment ses autres occupa-
tions, quoiqu'aussi complexes, il les jugeait accessoires. Toutes
les questions théologiques, spécialement en particulier celles qui
concernaient I'histoire sainte et l'histoire de l'Eglise, I'amusaient
de sorte que derrière de telles études il courait comme un perdu.
Sur ce type d'études il avait ses projets personnels et, vu la paix
et le silence qui régnaient au couvent du Mont et en celui de
Notre-Dame-des-Champs, dans lesquels se trouvaient quelques-uns
de ses bons amis, il souhaitait se retirer pendant quelque temps parmi
ces Capucins, ou en un autre endroit solitaire, pour méditer sur ses
volumes. Il formait tout ce projet en vue de la prédication.
De ce qu'il s'imaginait ainsi, il parla un jour à D. Cafas-
so qui ne lui répondit pas et se contenta de sourire.
Egalement la pensée d'être missionnaire ne le quittait ja-
mais. Il sentait en lui une forte inclination à porter la lumière de I'E-
vangile aux infidèles et aux peuples sauvages. aussi il aurait ren-
contré des enfants par milliers et par millions. L'enthousiasmait le fait
que les Oblats de la Vierge Marie avaient pénétré en 1839, par un
chemin pénible et presque inconnu, aux royaumes d'Ava et de Pegu
en prêchant la véritable religion ; et en 1842 cette mission leur avait
été entièrement confiée avec un Evêque de leur Congrégation, en y

22.8 Page 218

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204
recueillant des fruits abondants de ministère apostolique. D. Cafasso,
à qui n'échappait aucun de ses moindres gestes, le laissa étudier la
langue française et les rudiments de I'espagnol ; et lorsqu'il vit qu'il
commençait à prendre la grammaire anglaise, il lui dit avec assuran-
ce'
-
un-
-PeuVto-ouns
ne devez pas aller dans les missions
savoir pourquoi ? demanda D. Bosco.
!
Allez, si vous pouvez ; vous ne vous sentez pas de
mille, ou même de rester une minute dans une
couvrir
voiture
fermée sans graves troubles d'estomac, ainsi que vous en avez
tant de fois fait I'expérience, et vous voudriez franchir la mer ?
Vous
partit
trouveriez
en fumée,
lanomnoprat sentacnhteàmicnau! s-e
Ainsi, Iui aussi, ce
d'une difficulté qui
projet
n'était
pas insurmontable qu'en raison de I'obéissance au conseil de son
Supérieur.
Mais d'autres idêes qui foisonnaient dans son esprit ne lui
laissaient pas de répit, notamment à partir de la fin de la troi-
sième année de morale. I nourrissait in petto une estime toute
particulière, un amour très vif pour chaque Ordre et chaque Con-
grégation de Religieux. Destiné par Dieu à fonder la Pieuse So-
ciété de St François de Sales, il se croyait et se sentait appelé à
l'état religieux. C'est ainsi que lui-même parlait dans les premiè-
res années de l'Oratoire à D. Ange Savio, son élève. Il était tellement
convaincu
aussi, lui
que cette vocation êtait
semblairil, les moyens
plaousirensn'oecc-upeerllsealnusi
fournirait
cesse des
eilnfsa'enntsen-tretqeuneaitviasivtaecntleles
Sanctuaire
Oblats de
Notre-Dame de
la Vierge Marie.
Consolation
C'est pour-
quoi, soit que I'ancienne idée d'entrer chez les Oblats se fût en
lui plus vivement éveillée, soit qu'il voulût faire sortir D. Cafasso
d'une prudente réserve, en raison de laquelle il ne lui avait pas
encore donné, avec I'autorité d'un supérieur, de réponse décisive
sur sa vocation particulière, il se présenta à lui et lui exposa sa
nouvelle réflexion. Le saint prêtre écouta silencieux tous ses pro-
jets et toutes ses raisons, et, dès que D. Bosco eut fini de parler,

22.9 Page 219

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205
il
D.
ne lui
Bosco
répondit
s'étonna
rien d'autre qu'un
du ton énergique
dseecsaetvroéisxo,lum:ai-s
Non
il ne
!-
vou-
lut même pas demander le motif de cette [réponse] négative ; et
il persévérait dans des prières pleines de ferveur, afin que la
Vierge Sainte lui indiquât le lieu et la charge exercer le
ministère sacré au profit des âmes. Bien qu'il se sentît profondê-
ment enclin à s'occuper d'une manière particulière, au moyen des
Oratoires, du bien-être des jeunes gens les plus à I'abandon, il
ne voulait pas se fier à son propre jugement, craignant éga-
lement la possibilité qu'il y eût quelque illusion dans les rêves,
qui pourtant étaient si clairs.
En attendant arrivait le moment où, suivant le règlement,
notre cher D. Bosco devait être affecté à. une portion déter-
minée du ministère sacré et quitter le Convitto. Différents
curês le désiraient et le demandaient comme Coopérateur.
Entre autres, D. Joseph Comollo, oncle du séminariste défunt
Louis Comollo, curé de Cinzano, avait fait la demande pour
l'avoir comme Econome administrateur de sa paroisse, qu'en rai-
son de l'âge et des ennuis de santé il ne pouvait plus diriger, et
il en avait déjà obtenu le consentement de I'Archevêque Fran-
soni. Le vénérable vieillard touchait désormais au terme de ses
jours et D. Bosco aurait assuré peu de temps cette fonction.
Toutefois ce Dieu qui, avec compassion, veillait sur tant de
pauvres jeunes gens, présidait aussi aux destinées de celui qui
devait être l'instrument valide de leur salut. Le Théol. Guala fit
un jour appeler dans sa chambre D. Bosco, qui ne savait enco-
re rien de la décision de Monseigneur, et lui conseilla d'é-
crire une lettre de remerciement à l'éminent Prélat, en le priant
dans le même temps de vouloir le dispenser de cette honora-
ble charge, à laquelle par ailleurs il ne se sentait point enclin.
D. Bosco obéit, et fut exaucé. De cela on doit dêduire que
le Théol. Guala avait, lui aussi, I'intuition des destinées futures
de D. Bosco.

22.10 Page 220

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206
Mais on devait alors commencer à Sant'Ignazio la sain-
te retraite spirituelle, et D. Cafasso dit
cation, pour être bien arrêtée, a besoin
à D. Bosco
d'être mieux
' - Votre vo-
réflêchie devant
le Seigneur ; et prier encore, prier beaucoup. Il y a justement la
retraite spirituelle à Sant'Ignazio. Allez la faire. Priez Dieu de vous
donner une claire connaissance de sa volonté ; et puis à votre retour
vous rendrez compte.
D. Bosco partit accompagnant D. Cafasso qui, ayant entre-
vu I'ample mission et la très lourde responsabilité qu'assumerait
son disciple, le voulait prêt à mettre dignement à exécution les
divins desseins. On était au mois de juin. Don Cafasso prêchait
le premier tour pour les prêtres en dirigeant les méditations.
Pendant dix ans il s'était, aussi, avantageusement préparé pour
les instructions, et depuis lors il continua à prêcher presque
chaque année à une et même à deux sessions de retraite spi-
rituelle, jusqu'à la fin de sa vie. Sa parole, claire, simple, préci-
se dans I'exposition des devoirs du chrétien et de ceux de
I'ecclésiastique, était enrichie d'une sainte onction, allait droit au
cæur, arrachait les larmes, convertissait, faisait un grand bien.
Ce n'était pas lui qui parlait, mais la grâce de Dieu ; et l'on re-
partait avec le désir de l'entendre une autre fois. Tous les prêtres
se confessaient à lui, et lui les renvoyait contents et en paix,
remplis d'ardeur, de zèle, de courage, de réconfort, résolus à
entreprendre la réforme voulue et à se maintenir solidement dans
le bien jusqu'à la fin.
D. Bosco assista aussi à la retraite spirituelle des laibs, à
laquelle le Théol. Guala voulut être conduit et prêcher. De retour à
St-François d'Assise, afin de savoir ce qu'il lui dirait en conclu-
sion de la retraite spirituelle, D. Bosco attendit que D. Cafasso
l'appelât. Mais, à ce qu'il semblait, D. Cafasso donnait I'impres-
sion de ne pas comprendre. Etrange se présentait la situation fu-
ture de D. Bosco. C'était chose décidée qu'il ne prolongerait pas

23 Pages 221-230

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23.1 Page 221

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207
son séjour au Convitto ; à entendre parler le Théol. Guala
il avait compris que n'étaient pas pour lui les emplois et
les dignités dans un diocèse ; D. Cafasso lui refusait I'en-
trée dans un ordre religieux ou I'engagement de vie dans
les missions lointaines. Il ne savait aller et sentait le
besoin d'être entouré d'aides spirituelles et matérielles. De
quel côté donc se tourner ? Quelle décision viendrait de son
directeur spirituel ? C'est pourquoi pour sonder la pensée de
D. Cafasso il eut recours à une espèce de stratagème. Il se
présenta à lui en lui annonçant qu'il tenait prête la malle
de son pauvre trousseau pour aller se faire religieux et qu'il
venait le saluer et prendre congé. Mais le bon prêtre, son
doux sourire aux lèvres, lui
Et qui pensera dorénavant
àditvo: s-
Oh quel empressement !
jeunes ? N'aviez-vous pas
I'impression de faire du bien en travaillant auprès de ces
jeunes ?
gi-euxO,uiil,
c'est vrai
fera en
; mais si le Seigneur m'appelle à l'état
sorte qu'un autre pense aux jeunes !
reli-
Alors, avec beaucoup de gravité, D. Cafasso fixa D. Bos-
co dans les yeux et prenant, peut-on dire, le ton solennel d'un
pdèereviolclautiiodnitre:lig-ieuMseon;
cher D. Bosco, abandonnez toute idée
allez défaire votre malle, si toute-
fois vous l'avez préparée, et continuez votre æuvre au pro-
fit des jeunes. Voilà Ia volonté de Dieu et pas une autre !
-âmeDeDv.aBntolsecso
paroles
baissa
graves et résolues du directeur de son
la tête en souriant, car il avait obte-
nu ce qu'il désirait savoir. C'est vrai, il ignorait encore la
route qu'il aurait à parcourir, les façons dont il conti-
nuerait son æuvre, le lieu il s'établirait ; mais de cela
il ne se préoccupait pas. Dieu, qui avait parlé par la
bouche de D. Cafasso, fournirait les moyens. A partir de
toute cette conjoncture il prévoyait des croix, des difficultés,
des misères, des humiliations, mais il n'en était pas effrayé.

23.2 Page 222

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208
Charitas non est ambitiosa (l). I aurait pu aspirer à des charges
honorables ; et avec I'intelligence qu'il possédait et la dextérité pour
traiter avec les personnes et des affaires, avec la fermeté et I'habileté
dans les projets, lui était garantie une carrière éclatante et lucrative,
s'élevant même à de hauts échelons. Au contraire il accepta, pour sa
part d'héritage, et pendant toute sa vie, les jeunes gens pauvres. Seul
un amour très ardent pour le prochain pouvait le conduire à un
sacrifice aussi lourd et pour lui aussi agréable.
(1) t Co 13,4-5 [D'après la Vulgate : La charité n'est pas ambitieuse].

23.3 Page 223

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209
CHAPITRE XXIII
L-Den'A.trLbBeobasSécpoorA.uuvpdeeornratciineàedtTuPusrriéenlrap-te-nLt eResetélalcaotiloesnsimddpeelicDmit.éétBhdooedseclao-
Dissension
avec Aporti
colombe en
Chorles-Albert, par l'édit du 10 juillet 7844, êtablissait en
Piémont les écoles qu'on disait alors de méthode, et qu'on appelle à
prêsent normales, destinées à répandre universellement la connais-
sance et la pratique des meilleures doctrines d'éducation et à former
de bons maîtres d'écoles primaires : et il appelait de Crémone I'Abbé
Ferrante Aporti, afin que, pour une année, il en fut à Turin le premier
fondateur. Des lettres de recommandation, que lui avait écrites avec
de nombreux éloges I'Archiduc Vice-Roi, avaient salué le choix qu'il
avait fait.
L'arrivée d'Aporti à Turin fut comme un triomphe. Les o-
vations et les applaudissements, qu'on lui prodiguait avec affection,
proclamaient ouvertement qu'il était considérê par les libéraux et les
sectaires comme le héros de leur camp. Cependant de la Lombardie
étaient pârvenues à Mgr Fransoni des informations peu favorables au
sujet de cet abbé. C'était, semblait-il, une déclaration de guerre faite
par les impies contre Dieu et contre I'Eglise.

23.4 Page 224

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21.0
L'école supêrieure de méthode fut inaugurée le 26 août
dans une salle de I'Université Royale et devait rester ouverte jusqu'à
la fin de septembre. Et l'on ne serait plus admis en I'année scolaire
suivante 1844-45 à I'examen de maître d'école primaire dans les
Provinces de Turin, de Pinerolo et de Suse, si I'on n'avait pas de
certifica d'assiduité à cette école. Le 30 septembre était fixé pour les
examens : les brevets d'approbation comme maître de la première
ou de la seconde école normale primaire, ou de professeur de
méthode, devaient être expédiés par le Secrétariat de I'Université.
Dès qu'Aporti inaugura ses cours de pédagogie, ils devinrent de
plus en plus suspects aux bons en raison du grand bruit qu'ils
soulevaient à leur sujet et à cause des éloges que leur pro-
diguaient les écrivains sectaires. Pendant ce temps-là D. Bosco
montait la garde pour connaître Ia tournure que prendraient les
évênements.
L'Archevêque avertit alors l'Office Public de la Réforme
qu'il désapprouvait I'intervention des ecclésiastiques à l'école de
méthode et fit exposer dans les sacristies de la ville une lettre
écrite à la main il interdisait à son clergé de suivre les cours
d'Aporti. Le Roi en monta sur ses grands chevaux, et déclara
que ni la nomination d'Aporti ni les écoles de méthode ne
seraient retirées. Clandestinement des conseillers sectaires, aux-
quels Charles-Albert prêtait parfois une oreille trop imprudente,
jetaient de l'huile sur le feu de I'indignation royale. Un des
artifices de meilleure traîtrise envers le roi consistait à lui
présenter sous un mauvais jour Mgr Fransoni et de le discré-
diter à ses yeux au moyen de la calomnie ; car le bon sens, la
vertu, la rectitude inflexible de ce grand prélat êtait un obstacle
à leurs desseins. Il y eut donc des échanges de lettres entre le
Souverain, qui était à Racconigi, et l'Archevêque : ce dernier se
rendit chez le premier pour exposer oralement ses raisons.
Charles-Albert dans son accueil se donna une contenance, ne pou-
vant dissimuler les sentiments qui I'agitaient ; puis il s'apaisa, l'écouta,

23.5 Page 225

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2lt
et conclut en se disant pleinement satisfait de ses éclaircissements.
Toutefois I'indignation du Roi bien vite se ralluma. Monseigneur
avait reprochê à un curé de la ville d'avoir permis à Aporti de célé-
brer la Messe dans son Eglise, sans l'autorisation des responsables
diocésains. C'était là une obligation prescrite par les Synodes, un acte
de déférence en justice qu'Aporti n'avait pas consenti envers
l'autorité ecclésiastique, un acte nécessaire pour ne pas encourir la
suspension. Peut-être les courtisans présentèrent-ils ce fait au Roi
comme une offense qu'on avait voulu porter à sa personne. A
partir de cette époque la discorde commença à se glisser entre
deux personnages, qui jusqu'alors s'étaient sincèrement aimés.
Aporti entrait tellement dans la faveur du Roi que ce dernier le
proposait plus tard à Pie IX pour qu'il fût consacré Archevêque
de Gênes, et il le nommait Sénateur du Royaume.
Le Souverain, cependant, était de bonne foi, tandis que
l'Archevêque n'agissait pas à la suite de simples soupçons. De per-
sonnages bien informés et de D. Bosco lui-même il avait reçu des
révélations porteuses de choses ignobles. Le jeune prêtre était
déjà intime avec différentes personnes influentes appartenant à
toutes les classes de citoyens. Il avait des amis parmi les em-
ployés du Gouvemement, parmi les officiers du palais royal et de
l'armée et parmi les professeurs de I'Université. Il arrivait donc que
celui-ci par ouverture loyale du cæur, celui-là par imprudence dans le
parler provoquée par d'habiles interrogations, un autre sous l'impul-
sion d'une conscience timorée, révélaient peu ou prou ce qui venait
en leur connaissance par le canal de soupçons, d'indices certains
ou d'une conversation indiscrète tenue par quelqu'un qui fré-
quentait des réunions secrètes. Plusieurs enseignants formaient, en
effet, le complot impie et occulte d'enlever des écoles toute idée
de religion révélée. Avec une ruse satanique ils étudiaient des
projets et des programmes qui, mis en æuvre peu à peu, in-
sensiblement et avec constance et patience pendant de nombreuses
années, aboutiraient, si cela était possible, à I'anéantissement de la

23.6 Page 226

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2t2
foi dans le cæur des élèves. Donc I'Archevêque redoutait les
pièges qui se tramaient au détriment de I'autel et, par consé-
quent, aussi du trône. La position de ceux qui avaient reçu ces
lourdes confidences était très délicate et ils priaient Monseigneur
de ne pas faire connaître de qui il avait appris chaque chose. Sa
prudence toutefois était à même de ne compromettre personne.
Lui cependant était impatient de savoir avec exactitude
ce qu'on enseignait dans la nouvelle école de méthode, car
il n'avait pas encore réussi à y voir clair en raison des
informations contradictoires. Il chargea donc D. Bosco de con-
trôler et de rendre compte. Par suite D. Bosco allait aux cours
qu'Aporti tenait à l'Université. Aussitôt il noua des liens mar-
qués de gentillesse avec cet Abbé. En grand nombre ac-
couraient les maîtres [d'école] pour l'écouter, de sorte que la
vaste salle en était pleine à craquer. Parmi les étudiants
d'Aporti on remarquait l'Abbé Jacques Bernardi, émigré vénitien
de grande érudition, et le Prof. Raineri, homme aux principes
droits et de très haute valeur en pédagogie, qui par esprit de
simplicité se déclarait son disciple. Devant la chaire se tenaient
assis quinze ou vingt jeunes garçons auxquels il faisait un cours
pratique, et ainsi indirectement il enseignait aux maîtres [d'écote]
la manière de faire classe. Il n'était pas facile de se former
une idée claire de l'aspect religieux de son système pédago-
gique. car il le développait à travers des sentences variées et
obscures qui cachaient sa véritable intention. Pourtant D. Bosco
ne tarda pas à s'apercevoir qu'étaient indirectement exclus de
ces cours les saints mystères de la religion. Aporti ne voulait
pas qu'on adressât aux jeunes la moindre parole sur I'enfer.
Une fois il
l'enfer ? Ces
isdécersialu:gu-breMs aleiusr
pourquoi parler aux gamins de
font du mal ; ce sont des peurs
qui ne vont
disparaître la
psaaisntbeiecnraidnatensdel'éDduiecua.tioSno.rt-irentAevnescuicteeldaeilsafabisoauit-
che des propositions qui, si elles n'attaquaient pas ouvertement la

23.7 Page 227

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213
religion, pouvaient cependant être jugées entachées d'hérésie. P[ar]
-Jeb[xrée[seuumCsspe]elseClu],i[inh-ictrleiisirntrr]éto,epglreoraontVigdoeeanaritsbiteuiunldneéeàncDhouoinnesçuesae,,istceéemsltlèualvagi-eilssàvtér:uarni-lteéemaéeQutneuttrmieese;sallteaJspéesrsènuustmesndaCcetuehnrr:eioslml-te?-.
-
ne,
-
les
-
De I'homme Dieu, des deux natures parfaites en une seule person-
: il ne faisait pas mention. Puis il demandait
Qui est Marie ?
- Les jeunes donnaient également diverses réponses et le maître, ne
acceptant pas,
Mais il tenait
concluait : -
sous silence le
Marie est une créature privilégiée.
motif pour lequel elle était privilé-
giée. - D. Bosco,
demanda pourquoi
se trouvant en
il n'expliquait
entretien particulier
pas ses définitions.
avec Aporti, lui
Aporti répondit
que les jeunes n'étaient pas encore capables de les comprendre.
Quelques semaines plus tard D. Bosco fit donc à l'Arche-
vêque son rapport selon la vérité. Mgr Fransoni l'écouta tout pensif et
- lui dit ensuite : A présent cela suffit : n'allez
à partir de ce moment-là D. Bosco n'y alla plus.
plus
l'écouter.
-
Et
A la même époque, Aporti introduisait le système de l'ê-
cossais protestant à I'Asile, ou Ecole maternelle, du Pô, et là étaient
interdites les images de Marie et des Saints, sur les murs aussi bien
que pour les distributions de récompenses que l'on faisait aux jeunes
enfants. A garder une place dans l'école on ne voulut que le Crucifix.
Les règlements n'étaient pas conformés à l'esprit vraiment catholique
qui doit diriger les premières idées de l'esprit et les premiers senti-
ments du cæur. Ces choses D. Bosco les avait également vues et com-
muniquées à l'Archevêque, comme aussi la tendance, qui ne lais-
sait pas dans le doute, à regrouper ensemble petits garçons et pe-
- tites filles au grand péril de l'innocence de leurs âmes. Il suffira,
disait D. Bosco, d'une petite brebis déjà galeuse, gàtée par les copains,
et la mauvaise graine se propagera, au milieu de ces mignonnes créa-
taunrneésessipmlupsletsa, ràd,larafpapçeolanndt 'ulenseiméptirnecsesliloenséledcetcrieqsujeo.ur-s-làE, tilbdieisnaditesà

23.8 Page 228

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2t4
D. François Cemrti, qui lui présentait son lntroduction au Règle-
ment des Ecoles matemelles pour les Sæurs de Marie-Auxiliatrice :
" Veux-tu savoir qui alors était vraiment Aporti ? Le coryphée de
ceux qui dans leur enseignement réduisent la religion à un simple
sentiment. Toi, rappelle-toi bien que I'un des défauts de la péda-
gogie moderne est de ne pas vouloir qu'en éducation on parle
des vérités éternelles et surtout de la mort et de l'enfer ".
De cela Mgr I'Archevêque était très affligê ; au début il
prit patience, et peut-être espérait-il encore que le Roi, averti,
se serait décidê à porter remède à ces inconvénients qu'il ne
souhaitait pas et dont il n'avait pas connaissance. Dans le même
temps cependant il se montrait inêbranlable pour ne pas permettre
à son clergé de faire hommage à ce maîire en assistant aux
cours. Sans doute craignait-il que les plus jeunes ecclésiastiques
maîtres d'école n'en subissent un dommage. C'est qu'en effet
continuait et croissait I'effervescence causée par les æuvres de
Gioberti.
Quelques Evêques cependant et d'autres éminents person-
nages ne pensaient pas entièrement comme lui. Ils prévoyaient
que ces institutions seraient durableS. En effet, en 1845 des lettres
patentes du 1er août destinaient l'école supérieure de méthode, êrigêe
dans l'Université, à former des professeurs de méthode. Le cours
devait durer une année scolaire. Les écoles provinciales de méthode
destinées à instruire les maîtres des écoles primaires commençaient
le 1er août et terminaient le 20 octobre. L'Abbé Aporti êtait toujours
celui qui les inspirait et en formait les règles. C'est pourquoi,
alors qu'il approuvait de telles écoles en tout ce qu'elle avait de
bon, Monseigneur Losana, Evêque de Biella et Conseiller extraor-
dinaire de I'Etat, pour empêcher la propagation redoutée de prin-
cipes peu chrétiens au milieu du peuple, s'empressait d'obliger ses
jeunes abbés à passer les examens concernant les brevets de
maître d'école, condition nécessaire pour être admis au sacerdoce.

23.9 Page 229

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215
C'était du même empressement que faisait preuve I'Evêque Mgr Ghi-
lardi, afin qu'aux mains de son clergé demeurât I'enseignement
primaire ; et tous les deux eurent une heureuse réussite dans leur
entreprise. Mgr Charvaz avait envoyé de Pinerolo son Vicaire Général
pour assister aux cours de l'Abbé Aporti.
Egalement les Ecoles matemelles, ainsi que les cours du
soir et les cours du dimanche qu'on était en train de préparer, pesaient
sur le cæur de Mgr Fransoni. Pour ce qui était des écoles maternelles
il n'aurait pas été difficile de prévenir le mal en les confiant à une
Congrégation religieuse de Sæurs, de sorte que les bambins reçussent
les germes d'une éducation bonne et chrétienne. Il s'agissait seulement
de multiplier les maîtresses d'école, chose facile alors, puisqu'on
n'avait pas encore promulgué de dispositions légales pour I'aptitude
de ces enseignantes. C'est ainsi qu'avaient procédé le Marquis et la
Marquise de Barolo, imités plus tard par bonheur par de très nom-
breuses municipalités et par un grand nombre de bienfaiteurs de
I'enfance. Mais hélas on ne pensait pas, et on ne pouvait ima-
giner en ces années que cette institution serait accueillie dans
toutes les villes et tous les villages, et qu'en raison de la multi-
plication des usines qui réclameraient des ouvrières en très grande
quantité, un lieu garder les petits enfants deviendrait une nécessité
sociale.
Quant aux cours du soir et aux cours du dimanche, pour
s'en faire une idée juste, Mgr Fransoni, ayant demandé I'avis de
M. Durando, Supérieur [des Pères Lazaristes] de la Mission, reçut par
écrit la sage réponse suivante : " Bien dirigés ces cours peuvent ren-
dre des avantages considérables ; mal commandés, ou entre les mains
de mauvaises gens, ils peuvent devenir cause d'impiété. Il convient
que les curés s'en emparent, les rendant conformes aux règles de la
morale : autrement en seraient les maîtresses et les directeurs ces
demoiselles et ces jeunes messieurs qui ne vont même pas à la Mes-
se les dimanches et jours de fête. Et s'ils étaient abandonnés à un

23.10 Page 230

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216
comice agricole, nous aurions à nous en repentir un jour, mais
inutilement lorsque nous verrons disparaître la foi et les bonnes
mæurs ".
D. Bosco était parfaitement de I'avis de Mgr Losana, de
Mgr Ghilardi, du Marquis de Barolo, de M. Durando, comme il le
dit mille fois et comme il le répéta à plusieurs Evêques, pour
qu'en des temps nouveaux avec de nouvelles industries, fût pré-
munie grâce à leur action personnelle la jeunesse de leurs diocèses.
-receIvlanieentcIo'innvspieirnattipoans,edt iIs'aaiidt-eil,,
de regarder d'où ces institutions
mais bien au contraire de devoir
en êtudier attentivement la nature, et, si elles sont bonnes en
soi, de penser à leur donner une direction sage et chrétienne;
empêcher ainsi qu'elles
Nous le velrons mettre
seoniepnrtatgiqâueesenpasroIn'etsepmript sirrtêoluigtiecuex.qu-'il
suggérait aux autres. Si ces conseils et ces mesures avaient été
aussitôt écoutés et mis à exécution, on aurait sans doute évité
beaucoup de mal ; et des hommes d'Eglise et des laics dévoués
à la religion n'auraient pas été déclarês ennemis des sciences, de
I'instruction et du bien-être du peuple.
Cependant il est à remarquer qu'on ne pouvait pas a-
lors voir les choses aussi clairement qu'on les vit par Ia suite : les gens
des sectes avaient ourdi dans le secret leurs plans et soudainement
ils commençaient à les réaliser, alors que les bons n'étaient pas
préparés à la lutte; beaucoup dans le clergé, ne se rendant pas
compte de la gravité du moment, hésiteraient à se lancer dans
une opposition qui semblait inutile, étant données les apparences
de religiositê conservées par le Gouvernement ; le fait que I'Ar-
chevêque était en désaccord avec sa Majesté êloignait de lui
beaucoup de gens du monde officiel, dont l'appui lui aurait été
précieux ; avoir son siège dans la Capitale du royaume le gênait
ênormément, car s'y concentraient toutes les visées sectaires et par
tous les moyens ses mesures seraient contrecarrées. Et contre lui

24 Pages 231-240

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24.1 Page 231

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217
notamment faisait rage dans les Loges une haine inextinguible, êtant
connue la fermeté de son courage apostolique.
Toutefois Monseigneur, tranquille et imperturbable, après
avoir longtemps temporisé, faisait appeler I'Abbé Aporti, mais pas
avant d'avoir beaucoup réfléchi et prié. Il savait qu'il serait en
conflit avec un personnage épouvantable, puisque porté aux nues
par les sectes. Il n'était pas question d'écoles, de méthodes ra-
tionnelles d'enseignement, mais bien des principes religieux de
l'enseignant. Donc l'ayant pris à part, il l'invitait à cesser de
donner des cours de pédagogie en ces formes jugées, par lui et
par tous les bons, suspectes d'hérésie, dangereuses pour la foi et
contraires à ce que prescrivaient les règlements scolaires de l'Etat.
Il l'avertissait dans le même temps que, s'il persistait, il serait,
lui, à son regret, obligé de recourir à des mesures disciplinaires.
Ce faisant, I'Archevêque obtempérait à un devoir sacré. Aporti
ne fit pas cas de l'admonestation, il continua ses leçons et quel-
ques années plus tard cessa de célébrer la sainte Messe. Cela fit
un bruit de tous les diables dans le camp libéral lorsqu'on
connut une telle décision et les avis étaient divers même parmi
les partisans de la religion.
En cette lamentable dissension D. Bosco demeura sans
cesse en dehors du combat ; tout le monde le croyait homme à ne
s'intéresser en rien à de semblables affaires. Bien plus, ayant
laissé s'apaiser pendant un temps notable I'irritation injustifiée
d'Aporti, et après s'être certainement fait conseiller par D. Cafasso
et [avoir] reçu la permission de l'Archevêque, il reprit avec lui de
bonnes mais prudentes relations. Il avait en vue la fondation de
ses cours du dimanche et de ses cours du soir, résolu à les ou-
vrir dès que la Divine Providence lui en donnerait les moyens. Son
projet était d'une ampleur merveilleuse, mais il le tenait encore secret
dans son cæur. II avait besoin d'un protecteur, qui tout d'abord lui
servît de rempart au milieu des tumultes, qui I'aidât à surmonter les

24.2 Page 232

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218
obstacles au cas ils surgiraient, et qui eût une grande auto-
rité auprès de ceux qui tenaient en main l'éducation publique.
Aporti en était I'arbitre ces années-là, et D. Bosco avait fondé ses
projets sur lui. En se montrant sincèrement ami de l'éducation
populaire, en lui demandant parfois des règles sur la façon de
faire classe, il en avait gagné I'estime. D'autant plus que Don
Bosco, sans beaucoup parler, enveloppait d'une grâce toute par-
ticulière sa manière de mener la conversation de façon à mettre
chaque fois en relief les talents des personnes qui s'entretenaient
avec lui. Nous en présenterons les preuves dans le développe-
ment du récit.
Cependant si D. Bosco sut tirer avantage de la protec-
tion de I'Abbé Aporti pour ses æuvres catholiques, nous sommes
persuadés qu'il l'échangea, pour autant qu'il le put, en donnant
en retour des conseils qui, mis en pratique, auraient profité à
son âme. En effet, Aporti voulait peut-être tout d'abord tirer par
ti de Ia faveur populaire des sectes pour ses avantages personnels,
mais plus tard il modifia certaines de ses propositions qui ne
sonnaient pas bien à des oreilles catholiques. Il concéda même
que dans l'école maternelle on ajoutât au Crucifix le tableau de
la Très Sainte Vierge. Pédagogue de vraie valeur, malgré ses
petits et ses grands défauts ainsi que sa vie non conforme à la
sainteté du caractère sacerdotal, il soutint par la suite l'orienta-
tion orthodoxe des écoles, c'est-à-dire l'éducation qui place son
fondement dans la croyance et le sentiment religieux. Il faut
aussi le louer car en 1848, se conformant à la volonté du pa-
pe, il renonça à l'Archevêché de Gênes pour lequel le Ministre
du Roi I'avait proposé. D. Bosco n'aura-t-il pas contribué de
quelque manière, au moins indirecte, à ces sages résolutions
d'Aporti ? Quoi qu'il en soit, nous savons que D. Bosco ne
s'approchait jamais d'une personne, fût-ce même un roi, sans lui
faire directement ou indirectement entendre une parole qui rap-
pelât Dieu et l'éternité. C'est également une constatation, quiconque

24.3 Page 233

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219
tenait avec lui une conversation se sentait poussé à corriger sa vie
moralement et religieusement, ou, au moins, à I'améliorer par telle ou
telle bonne action. Il possédait une vertu particulière pour se rendre
maître des cæurs. Et même certains sectaires obstinés, si I'on en ex-
cepte la violation de leurs serments, lui accordaient ce qu'il savait de-
mander par la charité et par le sentiment religieux. Ils étaient comme
un certain Roi : reconnaissant que Jean Baptiste était un homme juste
et saint, il le défendait et sous sa conduite persuasive il faisait
beaucoup de choses et le consultait volontiers. Au milieu de tant
d'oppositions et de persécutions que dut endurer D. Bosco, dans tous
les Ministères qui se succédèrent pendant plus de trente ans, dans tous
les Services ministériels de I'Etat il eut des protecteurs et des amis, et
fut indemne même lorsqu'une cause semblait désespérée. Après sa
mort également, présentée à des personnages politiques de très haut
rang dans le souvenir de D. Bosco, une requête eut pour eux la même
force qu'un talisman : ils furent émus et donnèrent leur accord.
Mais quelles furent les causes qui donnaient à D. Bos-
co tant d'ascendant sur le cæur des hommes ? Suscitaient I'admi-
ration son inépuisable charité envers les enfants du pauvre et son
esprit courageux, travailleur, résolu, soucieux uniquement de la
vérité et de la justice. Il était évident qu'aucun obstacle ne pou-
vait I'arrêter, car ses intentions étaient toujours droites. Il souf-
frait, combattait, priait, prêt, s'il le fallait, à donner la vie pour
sa noble mission. Sa force ne semblait pas de I'obstination, fille
de I'orgueil, mais elle tendait intrépide vers le but, si telle était
la volonté de Dieu et qu'ainsi I'exigeait le bien de la société et
de ses adversaires eux-mêmes. Jamais il ne se laissa commander
par un faux zèle. Dans ses æuvres il avançait tranquillement, sans
jamais agir par à-coups, avec des actes dus à la fantaisie ou à
l'imprévision, ou encore avec des décisions précipitées .
Sa règle constante fut le conseil de Jêsus Christ aux Apô-
tres : " Je vous envoie comme des brebis au milieu des loups ; soyez

24.4 Page 234

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220
donc prudents comme les serpents et simples comme les colom-
bes (1) ".
La science des saints est la prudence (2)
Comme le serpent, il dérobait la tête aux coups de I'enne-
mi, c'est-à-dire il obtenait le salut de son âme et de celle du prochain
par des moyens adaptés au besoin. Sur ce point il ne transigeait pas
et se montrait inflexible jusqu'à I'extrême. Pour le reste il évitait,
tant dans les discours que dans les publications, toute question
politique, afin de ne pas être pris en suspicion ni empêché de
faire le bien. En une époque aussi difficile il s'abstenait de s'opposer
publiquement et par des actes hostiles au Gouvernement, tout en
attribuant franchement aux sectes et aux employés qui abusaient de
leur charge tous les désordres qui se produisaient, souvent au préjudi-
ce de I'Eglise. Sobre dans le parler, il pesait d'abord chaque parole
qu'il voulait prononcer. Il savait taire ce qui, une fois exprimê, aurait
pu occasionner du mal et empêcher du bien, très fidèle à garder un
secret. Il ne se permettait jamais un mot qui, une fois rapporté, pou-
vait être considéré comme préjudiciable à I'autorité ou même à des
personnes privées. Il rendait honneur à ceux auxquels c'êtait dû en rai-
son de leur position sociale, et envers eux il se montrait reconnaissant
dès la moindre apparence d'un bienfâit. Il était toujours prêt à rendre
service, même aux adversaires : il en prenait la défense s'ils étaient
accusés injustement, il leur donnait des éloges pour ce qu'ils avaient
accompli de bien, ou encore pour leur science et leur intelligence.
Patient dans les reproches, dans les accusations injustes, dans les per-
sécutions, il savait se dominer, se maintenir calme, céder lorsque ne
s'imposait pas la résistance, sans oublier ce que le divin Sauveur in-
sinuait pour éviter des maux plus grands : Présenter la joue à celui qui
(1) Mt 10,16.
(2\\ pr 9,10 [" prudence ", d'après la Vulgate].

24.5 Page 235

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221
vous donne une gifle, céder le vêtement à celui qui vous enlève le
manteau, marcher pendant deux milles avec un soldat qui vous force à
porter pendant un mille ses paquets. Toutefois, ce qui est merveilleux,
rarement il se trouva dans ces circonstances, car la Providence dispo-
sa que D. Bosco se trouvât au contact de notabilités politiques, libéra-
les et même sectaires, qui, confiantes en sa loyauté et en sa discrétion,
recoururent à lui pour des raisons personnelles ou familiales très
importantes, et trouvèrent en lui I'homme de la charité efficace. Et
comme si cela ne suffisait pas, plus d'une fois, soit en déjouant
certaines intrigues nuisibles à la réputation ou aux biens de certains
de ses puissants contradicteurs, soit en prévenant leurs honnêtes
dêsirs, D. Bosco savait par des moyens détournés les attirer à lui et se
les rendre bienveillants. En tout cela il avançait toujours avec la
facilitê et le naturel de quelqu'un qui dans sa manière de faire a forgé
une habitude de prudence, acquise au moyen d'actes correspondants
d'exercice pratique.
Dans le même temps il avait horreur du mensonge, de la
duplicité, de toute machination indigne: son action, sa parole étaient
toujours franches, et il avait I'habitude de répéter I'est, est [oui, oui] et
le non, non de I'Evangile, pour l'édification de tous ceux qui l'appro-
chaient. Sa simplicité le rendait affable envers tous sans acception de
personne : à leurs yeux il était cher et respectable en raison également
de sa courtoisie et de la délicatesse de ses manières. Il employait
toujours des paroles et des expressions de grande charité, mais jamais
d'adulation, et lorsqu'il faisait des éloges, sa louange était sincère. Il
ne connaissait pas de respect humain dans son soutien des droits de
Dieu et de I'Eglise, mais, ennemi déclaré de l'erreur, il respectait et ai-
mait ceux qui se trompaient, de sorte qu'eux-mêmes étaient persuadés
de la franchise de son sentiment et qu'en lui il n'y avait pas de ruse.
Ou mieux sa simplicité prenait le caractère d'une certai-
ne bonhomie, qui lui attirait toutes sortes de personnes, grandes et
petites, savantes et ignorantes. Pourtant ce n'était pas de la naïveté,

24.6 Page 236

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222
tandis qu'il contrecarrait ce qui pouvait compromettre la conscience
ou même seulement convenait moins à la dignité sacerdotale dont
il était revêtu. Toutefois les hommes habiles en ce monde et
superficiels, voyant qu'au lieu d'aspirer à une carrière honori-
fique et lucrative il s'était donné tout entier aux enfants du bas
peuple, le tenaient, notamment dans les débuts, pour un naïf on
ne peut plus simplet et pour un visionnaire. " Il est curieux de
voir, écrit un illustre auteur, que presque tous les hommes qui
valent beaucoup ont des manières simples, et que presque tou-
jours les manières simples sont prises pour indice d'une petite
valeur ". Cette observation explique tant de choses au sujet de
D. Bosco. Les fanatiques des nouveautés ne s'occupèrent pas a-
lors de lui, et le jugèrent une personne sans aucun intérêt ou, si
I'on veut, un pacifique philanthrope ; et de la sorte D. Bosco put
commencer peu à peu ses fondations au profit de la religion et
de la patrie, s'attirant I'estime et les aides de ceux qui, dépour-
vus de mauvais préjugés et munis d'un grand bon sens, recon-
nurent à fond I'importance de ses projets, fruit de sa prudente
prescience.
Dans les aspirations suscitées chez les peuples il com-
prit qu'on doit approuver ce qu'elles ont de bien et modérer
patiemment la grande quantité qu'elles ont de mal. Il vit que le
torrent de la révolution grossissait peu à peu et qu'il deviendrait
finalement assez impétueux pour abattre et renverser n'importe
quel obstacle. La résistance directe, il la reconnut humainement im-
possible, parce que sans effet, voire avec un effet opposé. C'est
pourquoi il se voua à parcourir les berges de ce torrent, prenant gar-
de en premier lieu de ne pas se laisser lui-même emporter par ces
eaux. Puis il chercha à sortir de ces tourbillons autant qu'il pou
vait de malheureux qui y périssaient, éloigna de ces rives beau-
coup de ceux qui avec une déplorable confiance s'y aventu-
raient, éleva des digues dans les gorges le débordement pou-
vait être empêché, et prépara d'immenses matériaux pour le jour où,

24.7 Page 237

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223
finie la crue, on procédera à la restauration morale. Les faits
que nous raconterons démontreront la vérité de ce que nous avons
seulement annoncé ici. Mais comme à la prudence il unissait
aussi la simplicité et la douceur, nous verrons qu'en lui s'est
confirmé le mot de Jésus Christ : " Heureux les doux, car ils
recevront la terre en héritage (1) ".
(1) ut s,+.

24.8 Page 238

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224
CHAPITRE XXIV
pPmclhruiésososisicodicnecuopàmmaotmCiuoceanhnsDeepsilrleoiac-uvterecuSqrlueesceprmeDirtiiet.duleBeqluol'de'sacufvfoiecPcaseectlieittféiHxvideonseapàigDicre.eTBu--orisncOFo-rnudcatauIttnlerasuepslseaet
prédication.
Plusieurs prêtres illustres, parmi lesquels le Théol. Nasi,
reconnaissant quel trésor de science et de vertu était D. Bosco,
et observant que son zèle se faisait nécessaire au salut éternel
de beaucoup de jeunes, étaient sérieusement préoccupés dans la
crainte qu'il ne fixât pas sa demeure à Turin. Ils se prêsentè-
rent donc à D. Cafasso pour trouver un moyen d'empêcher que
l'Archevêque ne le destinât à une paroisse éloignée de la ville.
D. Cafasso, qui ne voulait absolument pas que son disciple quit-
tât Turin, s'accrocha à une disposition provisoire pour Ie retenir,
sans transgresser les règlements du Convitto Ecclesiastico. Il
rendit donc visite à son très grand ami le Théol. Borel, Aumônier
honoraire de S[a] Mlajesté] et Directeur [spirituel] de la Pieuse (Euvre
du
de
Refuge,
recevoir
c-hezThvéooulsoguinenb, oluni
dit D.
prêtre
Cafasso,
et de lui
je viens vous prier
donner pension !
Le Théologien s'étonna de cette proposition insolite et,
comme il ne disait jamais basta s'il s'agissait de confesser et de
prêcher, il répondit aussitôt:

24.9 Page 239

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225
m-êmeMapiassjeponu'raimpaosi
besoin de
de travail
collaborateurs
suffisant.
;
au
Refuge
il
n'y
a
fa-ssoF;aietetsp-mouoir
cette faveur, et vous en serez content, insistait D. Ca-
ce qui concerne la pension, je paierai personnel-
lement.
- Et
logien.
qu'est-ce
que
fera
chez
moi
ce
prêtre
?
fit
observer
le
Théo-
fa-ssoQauv'iel csouitnlibcreertdaeinfasiroeucrierequqiului iinpdlaiîqt uleaimt qieuu'xil,
continua D. Ca-
voulait lui faire
une surprise. Nous avons au Convitto le jeune prêtre Jean
Bosco, qui, comme vous le savez, a mis en route un nombreux
Oratoire pour jeunes gens. L'an dernier il a terminé le cours de
morale, durant cette année il a servi comme chargé de cours
dans l'Ecole, et comme confesseur dans I'Eglise publique. Il est
temps qu'il ait un emploi et qu'il laisse à un autre sa place au
Convitto. Si nous lui permettons d'aller comme vicaire dans un
village, c'est un prêtre perdu : il aurait un champ d'action trop
restreint et ne pourra pas accomplir le grand bien auquel le
Seigneur l'appelle. Réfléchissez un peu pour voir s'il n'y a pas
moyen de Ie retenir par quelque emploi dans cette Capitale.
C'est une chose absolument nécessaire. Doué comme il I'est
d'activité et de zèle, il fera un grand bien à la jeunesse. Il est
destiné par la Providence à devenir l'Apôtre de Turin.
Le Théol. Borel, un ami de longue date pour D. Bosco,
fut très content de la proposition, et prit sur lui cette démarche.
Ayant quelques semaines auparavant reçu de la Marquise Barolo
la mission de lui chercher un Directeur spirituel pour le Petit
Hospice, il alla tout de suite proposer D. Bosco. La Marqui-
se approuva le choix, mais elle lui répondit que pour I'accepta-
tion de son protégé on devait encore attendre plusieurs mois,
afin que l'édifice, alors à peine construit, fût prêt. Mais le
Théol. Borel insista néanmoins
il convient de le prendre tout
'de-
Ce jeune prêtre, lui
suite, car autrement il
disait-il,
sera en-

24.10 Page 240

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226
voyé ailleurs, et on ne pourra plus l'avoir pour nous. D. Bosco
est un tel prêtre qu'il ne faut pas le laisser échapper, je le sais
bluieind. o-nneLradMèsarcqeuismeocmoennste-nti,t
à assigner
c'est-à-dire
à D. Bosco, et
six mois avant
à le
qu'il
n'entrât en fonction, le salaire de 600 lires par an, et le Théol.
Borel décidait de lui céder pour logement une de ses chambres
au Refuge.
Tandis qu'était menée à bon terme cette affaire, on était à
la mi-septembre. D. Cafasso, voulant mettre à l'épreuve D. Bosco,
I'appela chez lui et, comme s'il avait oublié le conseil solennel
qu'il
sent
lui avait donné quelques mois
vous avez achevé le cours de
plus
vos
étutd, eilsl;uiildfitau: t-quAe
pré-
vous
alliez en terrain découvert travailler au profit des âmes : ces
temps-ci les besoins sont nombreux, et la moisson abondante. A
quoi vous sentez-vous spécialement préparé ?
-
m-e
A ce que vous daignerez m'indiquer, répondit D. Bosco.
tl y a trois emplois : comme Vicaire à Buttigliera d'Asti, com-
Chargé de cours de morale ici au Convitto, et comme Di-
recteur [spirituel] du Petit Hospice à côté du Refuge. Lequel
choisissez-vous ?
-
un-
Celui que vous jugerez.
Ne ressentez-vous pas plus
autre ?
de
penchant
pour
l'un
que
pour
te-s
Mon penchant est de
de moi ce que vous
m'occuper de la jeunesse.
voulez : je reconnaîtrai
Après tout fai-
la volonté du
Seigneur dans votre conseil.
tro-tteEdnacnes
moment qu'est-ce
votre esprit ?
qui
occupe
votre
cæur
?
qu'est-ce
qui
tit-udeEnd'ecnefamntosm, qenuti
il me semble me trouver
me demandent de I'aide.
au
milieu
d'une
mul-
I'h-omAmlleezdedsoncocnpsereilsnd;receqsujeolquurse-scisejemariénfescdheiraviacàanvcoetsre,
conclut
place ;
au retour je vous dirai votre destination.

25 Pages 241-250

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25.1 Page 241

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227
D. Bosco avait décidé d'aller à Canelli. Le matin du départ,
- tandis qu'il s'habillait, D. Cafasso le fit appeler et lui dit : Je dési-
re que vous me disiez si vous avez réflêchi à ce que je vous ai dit.
Co- nvPitutoisqeutemveoupsmpa'irnetrepnoougrezla,
répondit D.
conférence
Bosco,
du soir.
je
préfère
le
- Bien : allez terminer [de préparer] vos affaires.
D. Bosco avait dit pencher plutôt vers le choix du Convit-
to ne sachant pas en quel autre endroit il aurait pu rassembler ses
petits amis.
Pour le moment, il partait de Turin [premier jour], passait
la nuit à Asti [soir du deuxième jour] et de [troisième jour] se dirigeait
vers Canelli avec D. Charles Palazzolo pour prêcher une retraite spi-
rituelle à cette population. lls marchaient à pied et ils avaient pas mal
voyagé, lorsqu'ils furent surpris par une averse qui dura longtemps.
N'ayant plus sur eux un fil de sec, le soir [ou premier jour] ils se
dirigèrent vers une ferme proche de la grand-route non loin de
Riva di Chieri, propriété d'un certain Genta. Dès que ce demier,
occupé à enfourner le pain, les vit apparaître en aussi mauvais
êtat, il craignit qu'ils ne fussent des malfaiteurs déguisés ; mais
ensuite, les ayant reconnus pour des hommes tout à fait comme
il faut, il leur fit le plus honorable des accueils ; il les fit chan-
ger de vêtements, prépara un bon dîner et courut jusqu'à une cha-
pelle lointaine pour avoir un bréviaire avec le calendrier liturgi-
que. Le chapelain, ayant appris I'arrivée de ces étrangers, vint
les saluer et s'attarda à converser avec eux jusqu'à minuit. Après
un repos nêcessaire, ils se remirent en voyage [vers Asti] le lende-
main. Chemin faisant [le troisième jour], ils rattrapèrent un charretier,
qui de temps en temps, pour exciter ses chevaux, proférait d'horribles
jurons. D.Palazzolo ne put se contenir et, toumé vers le charretier, il
sn'iéècrreiaq:u'-on
il continua à
Ce sont vos oraisons jaculatoires ? C'est de cette ma-
profane chez vous le nom de
lui adresser des reproches. Le
cDhiaerure?tie-r,
Et sur ce
irrité, se
ton
mit

25.2 Page 242

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228
à proférer des invectives : il ne voulait pas supporter de reproches ;
les prêtres ne sont pas meilleurs que les autres, donc qu'il fasse
attention à lui,
D. Palazzolo
parce qu'autrement il
lui répondit du tac
sae urettarocu;velraaitdimscaulsesnionpopionut.va-it
devenir sérieuse, lorsque D. Bosco s'interposa. Après avoir priê son
compagnon de le précéder à Canelli, qui désormais était à peu de
distance, et de faire Ie sermon d'ouverture, il se porta aux côtés du
charretier qui ronchonnait. Ayant présenté des excuses pour son
compagnon, il exprimait de la compassion pour la vie dure de cet
homme, et I'ayant loué d'être un brave homme, il le calma, entra dans
des discours familiers et ne tarda pas à s'en faire un ami. Puis,
sans que I'autre s'en aperçût, il le fit convenir qu'on doit respec-
ter le saint nom de Dieu, Iui parla des châtiments dont sont me-
nacés les blasphémateurs et finit par I'inviter à se confesser.
- Je suis prêt, répondit tout ému le charretier ; mais ?
D. Bosco lui indiqua du doigt un pré ombragé proche
de la route. Le charretier arrêta le chariot, D. Bosco s'assit au pied
d'un arbre, puis Ie pénitent s'agenouilla et se confessa avec beaucoup
de componction. Rempli de contentement, il continua ensuite un long
bout de route avec D. Bosco. Au moment de se séparer, il ne trouvait
pas de mots pour lui exprimer sa reconnaissance.
En entrant à Canelli D. Bosco fut vivement frappé par
le mot d'un jeune garçon : un copain venait à sa rencontre en lui
Jdaeevmevacanidusannatuse: rna-tiimsineO.nùt- mvaasCg-ietquum?eo-ctorméesmtoeIn'innuatnearppurexélsloéargeaeivllaqeiust erdélepeoDnSd.euBigon:se-cuor
lui préparait une grande vendange. Dans l'âge le plus avancé il
rappelait encore avec amour ce très petit événement de son
voyage, tant il lui était profondément gravé.
Il prêcha à Canelli pendant huit ou dix jours, et de se re-
il mit en chemin pour Castelnuovo également donna les sermons

25.3 Page 243

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229
au cours de la neuvaine du Rosaire, confessant beaucoup de
gens, comme il l'avait fait également à Canelli. Très grand était
le fruit que sa prêdication produisait au milieu des populations
de campagne et des enfants, en raison de sa méthode particuliè-
re employée pour instruire et émouvoir les gens rustres et igno-
rants. " Cela fut vraiment admirable, et s'avérait plus merveilleux
à mes propres yeux, racontait plus tard D. Bosco, car dans mes
serrnons, écoutés sans cesse avec tant d'avidité, je ne disais rien
qui fût chose nouvelle ou élaborée. Je traitais des sujets que le
prêtre le moins instruit connaît mieux que moi. Ce fut en ces
prédications que je me rendis compte que, pour plaire et faire du
bien au peuple, il ne faut pas de choses sublimes ou extraor-
dinaires et rares, mais que le peuple a besoin de comprendre,
veut comprendre ce que le prédicateur dit. S'il comprend, il est
content ; s'il ne comprend pas tout, il s'ennuie. Ce fut dans
l'exercice continuel de tant de sermons faits de cette manière
que j'appris à prêcher, et je crois que si j'avais étudié tous les
traités de l'art oratoire et lu tous les plus célèbres prédicateurs,
à coup sûr je ne serais pas parvenu à faire du bien au peuple.
La plupart du temps déplaît aux personnes rustres le discours
mené suivant les divisions-types ; qu'après I'exorde le prédica-
teur dise je commence et qu'ensüite il s'asseye. De même aus-
si qu'à un certain moment, par exemple avant la péroraison, il
s'asseye de nouveau, sans que le peuple en voie la raison.
Excepté lorsqu'on a à recommander la quête, je suis d'avis que
le sermon doit être exposê tout entier d'un seul tenant. En-
suite, pour le fait dont on veut tirer une moralité, il y a
besoin d'expliquer et d'entrer même dans les moindres détails.
Mais surtout et plus que tout, je le répéterai mille fois, il faut
que le peuple comprenne, que tout ce qui est dit soit à la por-
tée de son intelligence, mais que rien ne soit exposé qui
présente des difficultés ou des obscurités. Quelquefois il y aura
des choses même banales mais, décrites avec beaucoup de minu-
tie, elles finissent par faire grande impression. Je me lançais sans

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230
méthode et sans règles oratoires compassées, veillant seulement à
être compris, et à donner un peu de couleur aux détails qui la
plupart du temps conviennent au goût du peuple. C'est pourquoi
des foules innombrables venaient m'écouter avec plaisir. Elles ne
seraient pas venues si elles avaient eu de ma part des sermons
préparés avec exorde et première et seconde parties: avec ces
expressions dans mon premier point je ÿeux ÿous prouver et
dans mon second point je passerai à prouver. Ces artifices sen-
tent trop le cours magistral et le peuple ne les comprend pas.
" Pour se préparer et avoir un certain ordre dans le sermon, le
principal est, je crois, de bien définir le sujet. Cela fait, le plan du
serrnon doit venir naturellement tout seul. Une fois le plan bien
préparé, tout est fait ; les mots, les circonstances les donneront.
Qu'on prenne l'exorde à partir de n'importe quelle circonstance de
lieu, de temps, de fait occasionnel. De très grande utilité sont
les comparaisons, les paraboles, comme aussi les fables et les
apologues. Avec eux on peut tellement fixer dans les esprits une
vérité qu'elle ne s'échappera plus pour toute la vie. Je me rappel-
le encore à présent I'impression que je fis au cours drun serrnon,
dans lequel je voulais expliquer que Dieu bene omnia fecit ltt alen
toutes choses], c'est-à-dire que c'est Dieu qui dispose toutes les
choses comme elles sont, et que l'ensemble est d'un ordre
admirable et tout orienté au bien de I'homme : je voulais exhor-
ter le peuple à prendre tout ce qui lui arrive comme lui étant di-
rectement envoyé par Dieu. Je racontai cette parabole : Un voya-
geur fatigué du chemin s'arrêta à I'ombre de quelques chênes et,
regardant çà et là, il se disait en lui-même : Qui sait pourquoi le
Seigneur à ces plantes très grosses et très hautes, comme le sont
les chênes, donna des fruits aussi petits que le sont les glands ?
Voici, toute laide et petite, une plante qui donne des citrouilles :
elle ne peut même pas se dresser toute seule ! Et Dieu, pour-
quoi lui donna-t-il un fruit aussi gros ? Comme cela ferait plaisir
à voir ces citrouilles aussi grosses suspendues là-haut aux bran-
ches du chêne ! Voir dans toutes les parties du chêne pendre tant de

25.5 Page 245

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23t
centaines de citrouilles ! Et sur ces pensées il s'endormit.
Entre-temps, lors d'un léger souffle de vent, un gland tombe,
frappe le
Seigneur,
voyageur sur le nez et le réveille
cria I'homme en bondissant sur
tout à coup.
ses pieds et
-enAshe
touchant le nez qui lui faisait très mal, vous avez vraiment bien
fait de donner à des plantes aussi hautes des fruits aussi petits ;
une citrouille, qui de cette hauteur serait tombée sur moi, m'au-
rait écrasé la tête, et désormais je serais dans I'autre monde !
" Une autre fois je voulais faire demeurer bien gravé dans I'es-
prit de mes auditeurs combien s'enorgueillir, s'infatuer touchait à
la folie ; comment faire ? Même si j'avais apporté tous les textes
de I'Ecriture Sainte et des Saints Pères sur ce sujet, les jeunes
n'en auraient pas fait grand cas. Ils se seraient ennuyés et au-
raient oublié bien vite la leçon. Je leur racontai donc avec beau-
coup de détails, avec des circonstances nouvelles de mon inven-
tion, la fable d'Esope, il dit qu'une grenouille voulait se faire
grosse comme un bæuf ; mais elle gonfla tellement qu'à la fin
elle creva. Je décrivai ce fait comme arrivé au voisinage du Va-
lentino, accompagné de mille circonstances variées et ridicules, et
je fis tenir un dialogue entre celle-là et d'autres grenouilles, afin
de mettre en relief quelques points de morale. L'effet me parut
extraordinaire. Et pourtant qu'y a-t-il de plus banal que ce ré-
cit ? ".
Ainsi parlait D. Bosco, qui pourtant ne prêchait pas à tort
et à travers comme quelqu'un pourrait le supposer pour excuser sa
propre paresse ; il tirait ses sujets des trésors des sciences sacrées des-
quels il s'était largement muni, tout en gardant continuellement un æil
sur I'ordre logique et oratoire suivant lequel il avait écrit de très
nombreux serrnons. Mais surtout le secret grâce auquel il devint
un prédicateur efficace des personnes ignorantes et des personnes
instruites, c'est qu'il ne se prêchait pas lui-même, mais bien Notre
Seigneur Jésus
est sage pour sa
Cprhorpirset.p-ersoSnenleon:
I'Ecclésiastique,
et les fruits de
est sage celui qui
sa prudence sont

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232
dignes de louange... tl instruit son peuple et les fruits de son savoir
sont fidèles. L'homme sage sera comblé de bénédictions ; il sera en
honneur auprès du peuple, et son nom vivra éternellement (1).
(l) Si 37,22-26 [D'après la Vulgate]

25.7 Page 247

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233
CHAPITRE XXV
D.
D.
BBoossccooeosbt taieffnetctdéeaulaRM"faurgqeu-ise
La
de
Marquise
pouvoir
cdoentBinaureorloso-n
Oratoire au Refuge - Le Théologien Jean-Baptiste Borel.
Les voconces terminées, D. Bosco retourna au Convitto
près de son incomparable maître et ami ; mais dans un premier temps
ce dernier ne lui dit rien, et lui ne crut pas bon de l'interroger. Quel-
ques jours plus tard D. Cafasso, l'ayant pris à part, lui demanda avec
: - un accent de bonté
Pourquoi ne me demandez-vous pas quelle
est votre destination ?
- Parce que, répondit D. Bosco, je veux reconnaître la volonté de
Dieu dans votre décision, et je tiens beaucoup à ne rien mettre de la
mienne : envoyez-moi n'importe il vous plaît, je pars tout de suite.
Di-recAtelourrs[,spfairiitteuselv] odsuvpaelistiet sHeost paiclleezSateu-RPhefiluogme.ènLeà,-beat senvoauttsensdearenzt
vous travaillerez avec le Théologien Borel au bénéfice des jeunes
filles de cette Institution de la Marquise Barolo : Dieu ne manquera
pas, même dans l'æuvre du Refuge, de vous faire savoir par la suite ce
que vous devrez accomplir pour les enfants pauvres.
A première vue il semblait qu'un tel conseil contrariait
tout à fait les inclinations de D. Bosco et le bien de notre Oratoire,
car ladirection [spirituelle] d'un hospice, ainsi que le fait de prêcher

25.8 Page 248

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234
et celui de confesser dans un pensionnat de plus de quatre cents
jeunes filles, tel que l'était ledit Refuge, semblaient devoir le dé-
tourner de s'occuper des jeunes garçons ; cependant il n'en fut pas
ainsi, comme nous le verrons.
Mais avant de continuer Ie récit il convient que nous di-
sions qui était la Marquise Vendéenne Juliette Colbert, épouse
du Marquis Tancrède Falletti de Barolo. Elle était digne des élo-
ges faits par les Actes des Apôtres à Tabitha : " Elle êtait riche
des bonnes æuvres et des aumônes qu'elle accomplissait (1) ". En
effet, elle faisait tourner ses grandes richesses au bénéfice de la
classe ouvrière et des miséreux. Très généreuse et avisée elle
avait I'habitude de
donné par charité.
répéter :
Donnons
-sanRs ieconmnp'etesrt,
perdu
Dieu
de ce qui est
comptera pour
nooùu,sa. v-ec
Voici le lieu de ses délices : les
la permission des Autorités, elle
prisons des femmes
s'enfermait trois ou
quatre heures chaque matin. Là, à endurer des insultes et par-
fois des coups, à s'humilier, à instruire, prier et faire prier, à se-
courir largement, elle transformait ces ménageries répugnantes de
bêtes sauvages en hospice de créatures chrétiennes, repenties,
résignées. De merveilleuses conversions avaient été le fruit de sa
vertu et de sa prudence, de sa sagesse. Ayant obtenu du
Gouvernement de pouvoir transférer les détenues depuis les
prisons du Sênat, du Correctionnel et des Tours dans un édifice
en situation de salubrité, appelé maison des condamnées
[littéralement : " forçates "], elle leur donna un règlement rédigé et
discuté avec elles-mêmes, dans lequel les pratiques de piété, les
heures de travail, les occupations de chacune étaient sagement
réparties. Aux Sæurs de la Congrégation de St Joseph, originaire
de Savoie, qu'elle avait introduites à Turin, elle confia I'assis-
tance de cette prison, et pour elles à ses frais elle suréleva d'un
(1) Ac e,36

25.9 Page 249

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235
étage complet cette maison, de sorte que le lieu de punition revêtit
I'aspect d'un sage et doux monastère. A un bon nombre de ces dé-
tenues elle obtenait la grâce du Roi, et en bonne mère elle continuait
également à les assister quand elles étaient sorties de prison.
Tout cela ne suffisait pas à son âme assoiffée d'opérer le
bien. Elle avait fait
vait
nes
chargée
filles de
- les
familles
vDeamniersàdTuuSraincr-é-CæleurRpooiuCr hl'éadrluecsa-tFioénlixdeI'senjeua--
riches, en mettant à leur disposition une de ses
villas, vaste et magnifique, peu éloignée de Turin ; de la même ma-
nière en 1834 elle pensait venir en aide aux fillettes de familles
peu aisées, en construisant un vaste Pensionnat un peu au-delà de
I'Eglise Notre-Dame de Consolation, la pension s'élevait à seu-
lement quinze lires par mois. Entre-temps .elle fondait I'Institut
des Sæurs de Ste Anne, en écrivait les Règles qui furent approuvées
par I'Archevêque, acceptait des novices qu'elle plaça sous la conduite
de Sæur Clémence, une savoyarde, de la Congrêgation de St Joseph.
La merveilleuse rêussite des novices et de celles qui devinrent
professes montra combien Sæur Clémence était apte à cette charge et,
une fois ces religieuses formées à I'enseignement, le Collège prit vie.
Auprès de cet Institut elle. implanta une autre maison pour
trente petites orphelines, qui à partir de son prénom furent appelées
les Juliettes ; chacune d'entre elles au terme de son éducation recevait
au moment de quitter l'établissement une dot de cinq cents lires.
Pour les fillettes ouvrières, dont l'apprentissage de mé-
tiers variés s'effectuait dans les ateliers et les boutiques, elle institua
dans les différents quartiers de la ville ce qu'on appelait lesfamilles,
et chaque famille eut une mère qui recevait logement et allocation
annuelle eI êtait chargée de commander I'escouade qui lui était con-
fiée. Cette demière venait au repas de midi préparé par la mère et,
autour de celle-ci, se rassemblait le soir au retour des travaux.
elle étudiait le catéchisme, apprenait à lire et à écrire, s'entraînait

25.10 Page 250

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236
à coudre ou à broder, à faire la cuisine, et dans tous les autres travaux
domestiques. Les jeunes filles, qui devaient être de mæurs irrépro-
chables, étaient conduites tous les matins pour suivre la sainte Messe
et le Dimanche pour assister à toutes les cérémonies paroissiales.
Ayant appris que dans le diocèse de Pinerolo en plusieurs
paroisses pauvres il n'existait pas d'écoles de filles et que sou-
vent les parents catholiques envoyaient leurs fillettes à des en-
seignantes protestantes, elle fournit à Mgr Charvaz I'argent né-
cessaire pour instituer des écoles catholiques, chargea les Dames du
Sacré-Cæur d'instruire les femmes qui aspiraient à devenir ensei-
gnantes et fit en sorte que tous les ans ces femmes se réunissent
dans leur monastère pour y accomplir la retraite spirituelle.
Lorsque le Roi Charles-Albert appela de Rome les Adora-
trices Perpétuelles de Jésus au Saint Sacrement en allouant le pre-
mier argent pour la fondation, la Marquise établit tout de suite une
somme convenable pour la subsistance de ces Religieuses.
Pour toutes les lnstitutions qu'elle fondait la noble dame
composait et imposait des règlements et attribuait des revenus aptes
à en assurer I'existence à perpétuité. Parmi ces [Institutions] par ordre
chronologique était venu en premier le Refuge. En grand nombre
recouraient à elle de malheureuses gamines qui avaient besoin d'une
main compatissante capable de les relever. Et elle réconciliait les unes
avec leurs parents, arrachait les autres à un ignominieux esclavage, à
d'autres elle procurait un honnête emploi. Entre-temps elle projetait
de construire un abri pour les repenties, d'une capacité de plus de
deux cents personnes ; et elle l'érigea à Valdocco le créant sous le pa-
tronage de Marie Refugium peccatorum [netuge des pécheurs], et appe-
lant à diriger la Maison les Sæurs de St Joseph. Mais certaines de ces
pensionnaires désirant ardemment ne plus jamais en sortir et se don-
ner par væu au Seigneur pour toute la vie, elle construisait, attenant
au Refuge, le Monastère Ste-Marie-Madeleine, capable de contenir

26 Pages 251-260

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26.1 Page 251

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237
environ soixante-dix des nouvelles sæurs, et de manière à ce que
l'église servît pour les deux communautés. Et là ce n'est pas tout : à
côté du monastère elle fonda une troisième maison qui accueillit
celles qu'on appelle les Petites Madeleines, c'est-à-dire des fillettes
perverties, d'âge inférieur à douze ans, dont elle confiait l'éducation à
quelques Sæurs de Ste Marie-Madeleine. Finalement en cette année
7844, àcôté du Refuge et des Madeleines, elle érigeait l'Hospice
Ste-Philomène, ou le Petit Hospice, pour les jeunes fillettes es-
tropiées et malades : on en terminait les constructions.
Ce groupe d'Institutions autour du Refuge était le champ
d'action destiné pour l'heure à D. Bosco. C'est pour lui un grand
honneur que D. Cafasso I'ait proposé et I'Archevêque reconnu comme
digne d'une charge aussi délicate, qui semblait réclamer un prêtre
d'âge plus mûr et de grande expérience. Ils étaient persuadés qu'en lui
le manque des années était amplement compensé par sa vertu et par la
pureté de ses mæurs.
C'est pourquoi D. Bosco, accompagné du Théologien Bo-
rel, alla rendre visite et présenter ses hommages à la Marquise, veuve
depuis 1838 d'un mari digne d'elle ; elle qui non seulement à Turin,
mais à bien des villes du Piémont avait fait ressentir les effets de ses
généreuses largesses. Lui, à même d'apprécier avec justesse les
actions magnanimes, savait que, lors de I'explosion du choléra en
1835, la brave Dame, qui se trouvait en villêgiature dans les environs
de Moncalieri, s'était empressée de venir en ville, pour assister tous
les jours les pestiférês [sic] dans les maisons particulières et dans les
hôpitaux, consoler par de saintes paroles ceux qui mouraient et leur
promettre, ce qu'elle fit réellement, d'aider les pauvres veuves et leurs
enfants orphelins. Il lui avait été également dit par D. Cafasso et par
le Théol. Borel combien, d'un naturel très vif et impérieux, elle
cherchait par tous les efforts à se modérer et qu'elle nourrissait une
aspiration constante et efficace à se perfectionner dans la vertu. Cet
avis devait lui servir de règle.

26.2 Page 252

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238
La vénérable et noble dame atteignait déjà les soixante
ans. S'étant présenté à elle, D. Bosco se rendit compte que sous un
port majestueux elle cachait une grande humilité et que par des
manières qui décelaient la réserve, ainsi que l'autorité d'une patri-
cienne, elle unissait l'affabilité et la douceur de la mère et de la
bienfaitrice : et il fut satisfait de ce premier entretien.
Egalement dès qu'elle le vit, la dame I'accueillit de très
bon gré. Toutefois avant d'aller au Refuge il voulut dissiper une
difficulté sur la charge qui lui était imposée de Directeur Spirituel,
craignant d'être obligé, en raison de cette charge, d'abandonner ses
jeunes gens ; il se dit prêt à aller comme prédicateur et comme
confesseur, mais jamais de la vie comme Directeur [spirituel].
Néanmoins il s'apaisa quand on lui fit observer que le Théologien
Borel s'acquitterait lui-même des obligations les plus délicates de cet-
te fonction. I1 demanda également de pouvoir recevoir librement la
visite des jeunes qui viendraient le voir pour apprendre le catéchisme,
et la Marquise, pour le pousser à accepter, non seulement lui accorda
cette permission, mais elle consentit à ce qu'il réunît son Oratoire
auprès du nouvel édifice, non encore terminé, de son Institution
Ste-Philomène. De cette façon il put espérer que l'æuvre qu'il avait
commencée ne resterait pas stérile.
D. Bosco se transporta donc au Refuge, qu'à l'époque on
pouvait dire I'une des dernières maisons de la ville de Turin, en de-
hors de la barrière de I'octroi à I'ouest et pas très loin de la rive
droite de la Doire. De en allant vers le nord, avant d'arriver à
la maison de santé et [d'atteindre] les nouvelles casernes militaires,
dernière ligne des immeubles urbains, s'étendait une large campagne.
Dans les alentours il y avait des prés, des jardins, des terrains de
qualité inégale et en partie non cultivés, des fossés, des ravins et
des maisons de campagne, dispersées çà et à grande distance
les unes des autres. Elle faisait partie de la circonscription de la
paroisse des Sts-Apôtres-Simon-et-Jude, du Faubourg de la Doire.

26.3 Page 253

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239
D. Bosco s'entretint affectueusement avec le Supérieur et Directeur
Spirituel du Refuge, le même prêtre qu'au Séminaire de Chieri il avait
consulté sur le moyen de conserver sa vocation, et qui avait étê à
plusieurs reprises son compagnon dans la prédication et dans la visite
aux prisons.
Le Théologien Jean-Baptiste Borel était un ecclésiastique
de grande piété, digne de la plus haute admiration en raison de sa
vertu et de son savoir. Rien ne lui manquait de ce que I'on demande
pour former un prêtre selon le cæur de Dieu et les besoins de I'Eglise.
Brillait surtout son zèle inlassable pour le salut des âmes.
Sur lui un êminent prêtre de Turin laissa par écrit la
page suivante, que D. Bosco conservait chez lui : " Vidisti virum velo-
cem in opere suo 2 (1). Voilà la première idée qui me vint à l'esprit
lorsque je commençai à connaître de plus près le Rév. D. Borel,
dont le souvenir est toujours cher. On peut dire de lui, sans
craindre de se tromper, qu'il était un valeureux fantassin de I'E-
glise; il courait à droite et à gauche pour faire la conquête des
âmes, ne refusant jamais un engagement personnel dans un tra-
vail, quel qu'il fût, du ministère sacré, pourvu qu'il en eût le
temps ; et pour avoir ce temps il prenait la nuit pour le jour en
veillant très longtemps. Jamais de vacances, disant que dans la
vie des saints il ne trouvait pas le Chapitre des Vacances. Pour
récréation, après le repas de midi, il se mettait tout de suite à
écrire supplique sur supplique aux Autorités, ou aux riches per-
sonnages pour demander des secours au nom des pauvres qui I'en
sollicitaient ; ou bien il allait rendre visite aux malades, porter
des aumônes, concerter avec d'autres prêtres Ia façon de pou-
voir faire du bien au moyen de saintes missions, de retraites
spirituelles, d'échanges catéchistiques. Pour ces derniers, au dire de
(1) pr 22,29 l\\s-tu vu un homme rapide dans sa besogne ?1.

26.4 Page 254

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240
son grand ami D. Cafasso, il était peut-être le meilleur orateur de tout
le diocèse en raison de sa facilité à parler notre bon piémontais, en
raison des proverbes, des bons mots, des phrases pleines de finesse
qui jaillissaient sur ses lèvres comme des fleurs, et en raison de la
clarté pour expliquer n'importe quelle difficulté doctrinale, se servant
des comparaisons les plus appropriées aux besoins : d'autant plus
lorsqu'il s'agissait de parler à la jeunesse qui faisait son délice. Il
s'ingéniait tellement pour se faire comprendre même des personnes
plus ignorantes et rustres, qu'il mettait en pratique le propos du
Vén. P. Prever de I'Oratoire : Le monde est lourdaud, il faut donc
prêcher aÿec un sÿle lourdaud. On ne peut compter les fois
il annonça la parole de Dieu, et souvent à Turin dans cinq ou six
institutions par jour. Les confessions qu'il recevait de pénitents de
tout âge et de toute condition sont également innombrables ".
A propos de ce qui lui arrivait dans les prisons et de tous
Ies nombreux artifices qu'il utilisait avec les prisonniers, ainsi que des
conversions imprévues et admirables par lesquelles se trouvait ré-
compensée sa charité, D. Bosco ne cessait pas de raconter plus tard
des scènes très édifiantes et plaisantes. Un jour, entouré des locataires
d'une grande salle [de prison], il cherchait bien tranquillement à les
persuader d'accomplir le devoir pascal, quand soudain on lui désigne
quelqu'un qui ne voulait rien savoir. Le Théologien s'approche de lui,
et mi-badin mi-sérieux le saisit par le collet, l'entraîne avec lui malgré
ses réticences dans une chambre et réussit à le confesser.
Une autre fois, alors que huit ou dix de ces gredins étaient
allongés au soleil et endormis, le saint prêtre, ayant vu qu'il restait de
la place, va se coucher à côté de l'un des plus hostiles, et couvre de
son chapeau la face du type et la sienne. Le brave se réveille et,
ayant entendu les rires des assistants, se lève embarrassê ; mais le
Théologien Borel le retient, le tire avec lui à l'écart, et après
l'avoir confessê le renvoie en paix. D'autres et d'autres il en confessa
avec de tels artifices au cours de cette journée : - Remercions le

26.5 Page 255

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241
Seigneur, disairil le soir, tandis qu'il changeait ses vêtements de la
tête au pied, aujourd'hui nous avons fait une belle pêche.
Donc, dès qu'ils se connurent, D. Bosco et D. Borel se
mirent à s'aimer et à se porter mutuellement secours et stimulation
dans I'accomplissement du bien : " Chaque fois, écrivit D. Bosco, que
je pouvais rester avec lui, j'entendais et voyais toujours des leçons de
zèle sacerdotal ; et toujours il me donnait de bons conseils. Au cours
des trois ans que je passai au Convitto, je fus plusieurs fois invité par
Iui à intervenir dans le service religieux des cérémonies sacrées, à
confesser, à prêcher avec lui, si bien que le domaine de son travail au
Refuge m'était déjà connu et d'une certaine façon familier. Nous nous
parlâmes à plusieurs reprises pendant un long.moment au sujet des
règles à suivre pour nous aider I'un I'autre dans la fréquentation des
prisons et I'accomplissement des tâches qui nous étaient confiées ".
Les deux ministres du Seigneur, animés par le même es-
prit, s'entretinrent donc au cours d'une longue entrevue, et notamment
réfléchirent ensemble pour assister de la meilleure manière possible
les jeunes gens dont la moralité et I'abandon exigeaient de jour en jour
le soin le plus vigilant. Entre-temps on mit en ordre la nouvelle
demeure de D. Bosco, et ce fut la chambre au-dessus du vestibule de
la première porte d'entrée au Refuge, qui s'ouvrait sur la rue appelée
plus tard du nom de Cottolengo. Près de cette [chambre], il y en
avait une autre, occupée précisément par le Théologien Borel. Au
rez-de-chaussée habitait le concierge. D. Bosco devait aussi trans-
ppbaoecrericntueeqer.uill-àliirvslooNenusesOgnreaaorsçtuotosindresien.s?qItulin-ijééetetoaL,npeusenmpucaatosnsu,qepdureivdtirdle'puilenTsnhudléireaolnu'lé.tdBlquiofuiirceecellaq.:uu-selaatitecEmdhteapmoslùa-;
par la suite nous verrons ce qui sera à faire.
- ils sont déjà nombreux, vous savez, les jeunes qui viennent se
rassembler à St-François d'Assise, répliquait D. Bosco.
- Lorsque nous pourrons habiter dans le bâtiment préparé pour les

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242
prêtres à côté du Petit Hospice, j'espère qu'un autre endroit meilleur
apparaîtra.
D. Bosco retourna au Convitto plutôt songeur, mais tandis
qu'il considérait, ainsi qu'il nous le dit à plusieurs reprises, com-
me une grâce insigne du Seigneur de pouvoir discuter comme
cela en voisin avec le saint homme qu'était le Théologien Borel,
son cceur éprouvait une grande consolation. De même aussi il
estima que c'était pour lui une belle chance d'habiter sous le
même toit que D. Sébastien Pacchiotti, un autre prêtre pieux au
service du Refuge, avec lequel également il était étroitement lié
par une précieuse amitié.

26.7 Page 257

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243
CHAPITRE XXVI
Un rêve : La pastourelle ; un étrange troupeau ; trois stations
dHtSnrcae'oènuusnsprenJtsdcéeervpéolSatyraitaasunFagsnreRfatoeenprsmfçéuonégeiieesbtslem-deea;nnSUqaacunlhreeerasipvdi-reéenleltelpLoàcta-iaofunêdxPteedrs-e'etdminnuDiafèaIterineoudtnxséécpgeilèmiscVbeeLraesetl.dnOdoucrla'chtPoooein-rtei-t
Un foit merveilleux réconfortait en ces jours Don Bosco,
lui indiquant les événements futurs. Nous le racontons avec ses
propres paroles recopiées du manuscrit de ses mémoires :
" Le deuxième Dimanche d'Octobre de cette année (1844) je de-
vais annoncer à mes jeunes, que l'Oratoire serait transféré à Valdocco.
Mais l'incertitude sur le lieu, sur les moyens, sur les personnes me
laissait vraiment songeur. Le soir précédent j'allai au lit le cæur
inquiet. Cette nuit-là je fis un nouveau rêve, qui semble constituer un
supplément de celui que je fis la première fois aux Becchi quand
j'avais environ neuf ans. Je juge bon de l'exposer à la lettre.
" Je me vis en rêve au milieu d'une multitude de loups, de chè-
vres et de chevreaux, d'agneaux, de brebis, de moutons, de chiens et
d'oiseaux. Tous ensemble ils faisaient un bruit, un vacarrne, ou
mieux un fracas d'enfer à inspirer de l'épouvante aux plus courageux.

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244
Je voulais m'enfuir, lorsqu'une Dame, très bien mise ayant I'as-
pect d'une pastourelle, me fit signe de suivre et d'accompagner
cet étrange troupeau, tandis qu'Elle précédait. Nous allâmes vaga-
bonds à travers divers lieux ; nous fîmes trois stations ou arrêts :
à chaque arrêt beaucoup de ces animaux se changeaient en
agneaux dont le nombre grossissait toujours davantage. Après a-
voir beaucoup marché, je me trouvai dans un pré, ces ani-
maux sautillaient et mangeaient ensemble, sans qu'il y eût chez
les uns la tentative de mordre les autres.
" Accablé par la fatigue, je voulais m'asseoir au bord d'une rou-
te proche, mais la pastourelle m'invita à continuer le chemin.
Ayant marché encore un peu, je me suis trouvé dans une vaste
cour munie tout autour d'une galerie couverte, à l'extrémité de la-
quelle il y avait une Eglise. je m'apèrçus que les quatre
cinquièmes de ces animaux étaient devenus des agneaux. Leur
nombre devint ensuite très grand. A ce moment survinrent
plusieurs pastoureaux pour les garder ; mais ils restaient peu de
temps, et partaient tout de suite. Alors se produisit une chose
merveilleuse. Beaucoup d'agneaux se changeaient en pastoureaux
qui, étant en augmentation, prenaient soin des autres. Le nombre
des pastoureaux s'accroissant grandement, ils se divisèrent, et ils
s'en allaient ailleurs pour recueillir d'autres animaux étranges et
les garder dans d'autres bergeries.
" Je voulais partir car, me semblait-il, était venu le moment d'aller
célébrer la Messe, mais la pastourelle m'invita à regarder vers le
sud. Regardant, je vis un champ, dans lequel on avait mis en
terre du maïs, des pommes de terre, des choux, des betteraves,
udvniesesulaanuiettureEesgfoliesiset,bs-epaenumdciodeuepdeittd-h'eaaluleutrt.eeEs. Utpjlnaenotrerecsghaeprsodttraaegi,èdureensen.omu-uvesiaqRuue,egeaitnrdsjee-
trumentale et vocale, m'invitaient à chanter la messe. A l'intérieur
de cette Eglise se trouvait une bande blanche, sur laquelle était
écrit en gros caractères : HIC DOMUS MEA, INDE GLORIA MEA
[Voicimademeure, d'elle rayonnera magloire]. Continuant dans le rêve,

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245
je voulus demander à la bergère je me trouvais ; ce qu'elle
voulait indiquer avec ce cheminement, avec les arrêts, avec cette
maison, une Eglise, et puis une
tout, me répondit-elle, lorsque
autre Eglise.
de tes yeux
-de
Tu comprendras
chair tu verras
dans la réalité ce qu'à présent tu vois avec tes yeux de l'esprit.
-avecMlaeiss,yecruoxyadnet
être éveillé, je dis : Je
chair; je sais je vais
vois clair,
et ce que
A ce moment-là sonna la cloche pour I'Angélus
et
je
à
je vois
fais. -
l'Eglise
St-François d'Assise, et je me réveillai.
" Ce rêve m'occupa presque toute la nuit ; beaucoup d'autres dé-
tails I'accompagnèrent. Sur le moment j'en compris peu le sens,
car, me méfiant de moi, j'y ajoutais peu foi, mais je saisis les
choses à mesure qu'elles obtenaient leur réalisation. Et même plus
tard ce rêve, conjointement avec un autre, me servit de ligne
d'orientation dans mes délibérations au Refuge ".
Donc le second Dimanche d'octobre 1844, dédié à la
Matemité de Marie, D. Bosco fit part à la bande de ses élèves
du transfert de I'Oratoire au Refuge, sa nouvelle demeure. Dans
les premiers moments de l'annonce, les jeunes en ressenti-
rent de l'inquiétude ; mais quand, pour les apaiser, il leur dit
qu'il les conduirait à un autre St-François plus grand, plus
beau, plus commode, et que dans ces zones-là ils pourraient
chanter, courir, sauter et s'amuser tout à leur aise, ils furent
débordants de joie, et chacun attendait impatient le Dimanche
suivant pour voir Ia nouveauté que dans son imagination de
jeune il s'était représentée. Ils furent néanmoins avertis de ne
pas, pour des raisons particulières, s'y rendre le matin, mais
passé midi.
Et voici donc que Ie troisième dimanche d'octobre, jour
destiné par I'Eglise à honorer la Pureté de la Vierge Marie, peu
après midi, une bande de jeunes gens d'âges divers et de conditions
variées descend en vitesse à Valdocco à la recherche de D. Bosco

26.10 Page 260

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246
et
D.
du nouvel
Bosco, D.
OBroatsoicreo. ,-
Où est Don Bosco ? Où est l'Oratoire ?
appelaient-ils en criant. C'était une imrp-
tion d'enfants. Aux voix et aux cris de cette multitude de jeunes, les
habitants des maisons voisines se portèrent bientôt dehors presque
effrayés; ils craignaient, en effet, que ces jeunes ne se fussent
déversés dans une mauvaise intention. Comme dans le voisinage
on n'avait pas encore entendu parler de D. Bosco, ni d'Oratoire,
lqqeuus'oognieOnlersautrroéijproeoun?adiatAieulnnlet zstououruru,sntinet,teovnnasuidfri'iaierirneitsna.ttio-dn'au:Lta-enst
Quoi D. Bosco,
jeunes, croyant
plus la voix et
leurs requêtes. Les autres, se jugeant insultés, opposaient des
menaces et des coups. Les affaires commençaient à prendre un
aspect sérieux, lorsque D. Bosco, entendant les huées, s'aperçut
qu'il s'agissait de ses jeunes amis, qui allaient à sa recherche et
à celle
pourtant
du nouvel Oratoire. Il les entendait répéter :
il nous a dit de venir ici ! Qui sait quelle est
s-a
Et
por-
tvceeo?tixin-dsetaEnsttteuDnn.toBjreouesnnceoc, rsqiaounrittit:ved-nealiDat .dmB'aaorirssivcoeonr.,esint diciqi,uasuitivlaezp-morotie.
d'une
-A
Dès qu'il fit son apparition, se leva de toutes les bouches
un cri
nous
tour,
stuoonumasnmimceoseu:vrae-ineunOst hvàe!.Ir'.Os. rDlau.toiBireoesn.c-ofo,uDPle.e,Bndeoastncdtoe.c..elOateùsmeosprttsel-'Ocr,easdtso'aèirlreeenn?-t
toutes les altercations. A ce changement de décor les gens trans-
formèrent la colère en émerveillement, et ouvraient de grands
yeux, en interrogeant sur I'identitê de ce prêtre, de ces jeunes, et
ainsi de suite. On lui demanda était l'Oratoire : le bon et
habile Directeur répondit que le véritable Oratoire n'était pas
encore achevé, et qu'en attendant ils pourraient venir dans sa
chambre i êtant assez spacieuse, elle servirait. Toute cette bande
se précipita alors dans I'escalier, en une compêtition générale
pour arriver le premier dans la chambre de D. Bosco. Là, c'était
à qui s'asseyait sur le lit, qui sur le bureau, qui par terre et qui

27 Pages 261-270

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27.1 Page 261

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247
sur le rebord de la fenêtre. Ce Dimanche-là les choses allèrent
assez bien: en cet endroit pourtant ils ne purent avoir pour la
récréation la détente qu'ils s'étaient imaginée ; toutefois ils en
furent satisfaits. D'autre part, en I'absence du reste, D. Bosco,
avec sa bonté, avec ses douces manières, avec ses facéties et ses
gracieux traits d'esprit, suffisait pour tout. on revoyait un
peu de doctrine chrétienne, on enseignait une prière, on racontait
un exemple édifiant et l'on chantait un cantique à la Vierge : en
somme, tout comme on avait jusqu'alors pratiqué à St-François
d'Assise.
Un grand imbroglio commença le dimanche d'après ; en
effet, comme aux premiers élèves s'en ajoutaient plusieurs du voi-
sinage, on ne savait plus les placer. Chambre, couloir, escalier,
tout était encombré d'enfants. D. Bosco faisait le catéchisme, ou
I'explication de I'Evangile dans sa salle, tandis que le Théologien
Borel, qui s'était offert à I'aider en tout, expliquait les mêmes
vérités à ceux qui étaient entassés sur les marches de l'escalier.
On se serait cru au théâtre comique à voir comment ils y fai-
saient la récréation. L'un allumait le feu, I'autre l'éteignait ; celui-ci
balayait la chambre sans l'arroser., celui-là époussetait ; les uns
lavaient les assiettes et les autres les cassaient. Pincettes, pelles,
seau, broc, cuvette, sièges, livres, vêtements, chaussures, en som-
me tous les objets visibles étaient mis sens dessus dessous,
tandis que ceux qui avaient plus de maturité et de bon sens
voulaient les mettre en ordre et les affanger au mieux. Notre
cher D. Bosco regardait et riait recommandant seulement de ne
rien casser ni abîmer. Charitas patiens est (l). La charité est
patiente, et pendant combien d'années il pratiqua à un degré hé-
roique la vertu de force, se dominant grâce à sa présence conti-
nuelle au milieu de garçons bruyants et impolis !
(1) t co t:,a.

27.2 Page 262

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248
Ainsi s'écoulèrent, [au nombre de] six, dimanches et jours
de fête. Le matin, D. Bosco recevait quelques-uns en confession,
après quoi on allait assister à la sainte Messe tantôt dans une église de
la ville, tantôt dans une autre. Parfois D. Bosco interrogeait les jeu-
-nlaesCA' r-oNoctOreeùt-Dtdaaem,voencsdr-ieanoiCeuonsnt saeolnllaeptriolucnes,iemauuarsMtincohntouu[drresas slCessaispteuencrfianàsn]tl,sa.à
messe ?
Sassi, à
Puis ils
descendaient des salles et, ayant emmené D. Bosco parmi eux, ils
marchaient vers l'église indiquée par lui et, récitant le chapelet, ils
passaient au milieu de Turin. Le plus souvent ils allaient au sanc-
tuaire Notre-Dame de Consolation. Pour la bénédiction [ou St Sa-
crement] il les conduisait le soir à Ia chapelle des écoles Ste-Barbara,
dirigées par les Frères des Ecoles Chrétiennes. Ces bons religieux
donnèrent volontiers une telle permission à celui qui leur accordait
depuis quelque temps dêjà une grande aide en prêchant aux élèves et
en les confessant.
Cependant on était grandement dans I'embarras pour les
pratiques de piété. Nous le rappelaient plusieurs anciens élèves :
au matin de la Toussaint, les jeunes étant rassemblés dans ce lieu é-
troit et dans ses alentours guère plus vastes, tous voulaient se confes-
ser. Mais comment faire ? Il n'y avait que deux confesseurs et ils é-
taient environ deux cents, serrés comme les harengs dans une caque :
-BoreCle:
n'est plus possible de continuer, dit alors le cher Théologien
il est nécessaire de se procurer un local plus adapté.
D. Bosco se rendit alors chez I'Archevêque Fransoni, lui
exposa ce qui, avec son accord, était déjà réalisê, le bien qu'on en
avait obtenu, le [uien] supérieur qu'on pouvait en obtenir par la suite.
Quoiqu'il comprît I'importance de cette ceuvre, Monseigneur demanda
npoabérsaotnaismcsleoesinpsroeu:srpr-eacittivsCeusergs?irgad-reçolanDspaannrets
pourraient-ils se rendre dans leurs
sa prudence il savait que quelque
des Curés. D. Bosco lui répondit :
- Plusieurs d'entre eux ne sont pas de Turin et n'y passent qu'une

27.3 Page 263

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249
partie de l'année. Ils ne savent même pas à quelle paroisse ils appar-
tiennent. Beaucoup sont mal habillés, parlent des dialectes peu intel-
ligibles, donc ils comprennent peu, et sont également peu compris des
autres. Ensuite certains sont déjà de petits adultes, et ils n'osent pas se
joindre en classe aux gamins. Ceux-là mêmes qui sont de la ville, tan-
tôt en raison de la négligence des parents, tantôt parce qu'ils sont leur-
rés par les amusements ou attirés par les mauvais compagnons, c'est
presque jamais ou très rarement qu'ils se font voir dans les églises.
Il n'en fallut pas davantage pour que I'aimable Pasteur dît à
: D. Bosco
Allez, et faites ce que vous jugez bon. Je vous donne
- tous les pouvoirs dont vous pouvez avoir besoin ; je vous bénis ainsi
que votre æuvre, et je ne manquerai pas de vous aider en tout ce que
je pourrai. D'après ce que vous me dites, je le vois clairement vous est
nêcessaire un local plus vaste et plus adapté. Présentez-vous à mada-
me la Marquise Barolo, à qui je vais moi-même écrire : elle pourra
peut-être vous en fournir un convenable à côté du Refuge lui-même.
D. Bosco alla parler à la Marquise ; et comme le Petit
Hospice ne s'ouvrait pas avant [le mois a'] août de l'année suivan-
te 1845, la charitable dame s'en tint à ce qu'au service des jeunes gens
I'on transformât en chapelle deux chambres spacieuses de cette
construction. Pour s'y rendre, on passait par la porte dudit Hospice
et, par la petite allée qui séparait l'æuvre Cottolengo du bâtiment en
question, on marchait jusqu'à l'actuelle habitation des prêtres, puis par
I'escalier intérieur on montait au troisième êtage. Ce demier était
prévu pour les moments de détente des prêtres du Refuge, lors-
qu'au deuxième étage ils auraient transféré là-bas leur habitation.
Ce fut I'endroit désigné par la divine Providence pour
la première église de notre Oratoire. Par le décret du 6 décembre,
le Supérieur Ecclésiastique accordait à D. Bosco le pouvoir de la
bénir, d'y célébrer la sainte Messe, d'y donner la bénédiction du
Saint Sacrement, et d'y faire des triduums et des neuvaines. Un simple

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250
autel de bois en forme de table avec les objets du culte strictement
nécessaires, mais avec le tabernacle doré et un [support formant comme
un] petit trône avec deux angelots en adoration ; une chape, une cha-
suble de chaque couleur [liturgique], une grande êtole ancienne avec
les autres vêtements sacrés indispensables ; quatre soutanes pour les
enfants de chæur improvisés furent bien vite prêtes. La Marquise
Barolo avait donné soixante-dix lires pour I'achat de vingt chande-
liers, trente pour la tapisserie, vingt pour les surplis.
On fit I'inauguration en un jour dont le souvenir reste tou-
jours agréable, le huit décembre, dédié à Marie Immaculée, sous la
protection maternelle de laquelle D. Bosco avait placé I'Oratoire et ses
enfants. C'est donc en cette fête que D. Bosco bénit la première
Chapelle en I'honneur de St François de Sales,. y célébra la Messe et
distribua à plusieurs jeunes la sainte Communion.
Certaines circonstances rendirent très mémorable cette cé-
rémonie sacrée. La première fut la pauvreté de la Chapelle. Man-
quaient les agenouilloirs, les bancs, les chaises ; et il fut né-
cessaire de se contenter de quelques bancs branlants, de chaises
à haut dossier pleines de trous et de banquettes qui menaçaient
de provoquer des culbutes. Mais .la divine Providence ne tarda
pas à venir au secours, et la charité des bonnes personnes ne
manqua
mais il
nja'emmapiêsc. h-a
!'3uf1s part le
pas la présence
temps ne pouvait être pire ;
en nombre élevé des jeunes,
tant était grand l'amour qu'ils portaient à I'Oratoire et à celui
qui le dirigeait. La neige était haute ce matin-là, et elle tombait
sans cesse serrée comme sur le dos des montagnes, accompagnée
de vent et de tourbillons. Il faisait donc très froid: il fut néces-
saire de porter dans la Chapelle un gros brasero; et on se rap-
pelle qu'au moment de passer en plein air avec lui, d'épais flo-
cons, qui tombaient dessus, faisaient se produire un crépitement
qmuaiisc,hcaermfuariet nbtelaeuscloaurmp.e-s
Mais ce que les jeunes n'oublièrent ja-
qu'ils virent couler des yeux de D. Bosco,

27.5 Page 265

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251
pendant qu'il accomplissait cette cérémonie sacrée. tl pleurait de
consolation, parce qu'il voyait que de cette façon l'æuvre de
l'Oratoire se consolidait de mieux en mieux, et parce qu'ainsi
s'offrait à lui I'occasion de recueillir un plus grand nombre
d'enfants, qui pourraient être chrétiennement instruits, et éloignés
des dangers de I'immoralité et de I'inéligion qui envahissaient.

27.6 Page 266

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252
CHAPITRE XXVII
Pourquoi St François de Sales fut déclaré Patron de l'Oratoire
-cmCooeunnDrvts.idtdtBoauonsEssccoolcalieirmsceiiaottasnttddeiceuuoisrte-dcodeeuLlsraasjeddSuounaueicndseitmeu-raFnceEthetscuded-eeSsNaIdilonseëtvtl-D^-s.uDBxLéocebshsucatopndgraeeeus-'
mières quêtes.
Les offoires dans le nouvel Oratoire se préparaient. Une
personne généreuse faisait construire un bon nombre de bancs' de
sorte qu'on pouvait assister avec plus de commodité aux cérémonies
sacrées. Le nom de St François de Sales devenait familier parmi les
jeunes, et D. Bosco décida dès le tout dêbut que la fête de cet aimable
Saint fût célébrée avec toute Ia solennité possible.
Quelqu'un pourrait demander ici : - Comment et pour-
qroi l"dit Oratoire fut-il dédié en l'honneur de St François de Sales et
commença-t-il
clesiastico D.
à en porter le nom ? -
Bosco avait déjà décidé
Etant encore au Convitto Ec-
en son for intérieur de placer
tou-tes ses æuvres sous la protection de l'Apôtre du Chablais, mais il
attendait que D. Cafasso lui manifestât d'abord sa pensée sur ce point.
Et D. Cafasso dit son mot. Il se trouva un de ces jours-là avec le
Théologien Borel : discutant des difficultés que rencontrait D. Bosco,

27.7 Page 267

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253
de la patience dont il faisait preuve en chacune de ses actions, et
de la continuelle prospérité de I'Oratoire, il remarqua que jusqu'à ce
moment-là ce dernier n'avait pas encore été placé sous la protection
particulière d'un saint patron. Après une courte discussion D. Cafasso
avança le nom de St François de Sales, et le Théologien Borel faisait
l'éloge de la proposition. D. Bosco donna son accord et les raisons
principales de ce choix furent au nombre de trois. Premièrement parce
que la marquise Barolo, pour aider D. Bosco, décidait d'établir sous
ce titre, au Refuge, une congrégation de Prêtres, destinée à s'occuper
spirituellement non seulement de ses nombreuses institutions déjà
existantes, mais également de celles qu'elle méditait de fonder à
I'avenir, parmi lesquelles un collège de jeunes étudiants à Barolo ; et
un atelier dédié à St Joseph à Turin, au Refuge, pour y subvenir
chaque jour aux besoins et à l'éducation de plus de cent jeunes filles
âgées de moins de douze ans. Dans cette intention elle avait fait
exécuter, sur le mur à l'entrée du nouveau local prévu pour les Prêtres
Aumôniers, un tableau de St François de Sales. En second lieu,
parce que la part de ministère que Don Bosco s'était mis à exer-
cer auprès de la jeunesse, exigeait beaucoup de calme et de man-
suétude ; et c'est pourquoi il voulait se placer sous la protection
particulière d'un Saint, qui fut en cette dernière vertu un modèle par-
fait. En plus de cela le poussait une.troisième raison. A cette époque
plusieurs erreurs, notamment le protestantisme, commençaient à s'in-
sinuer insidieusement dans nos régions, surtout à Turin dans le bas
peuple. Eh bien, D. Bosco voulut par ce moyen se rendre favorable ce
Saint, afin qu'il lui obtînt du Ciel une aptitude particulière à gagner
les âmes au Seigneur, la lumière et le réconfort pour combattre de
façon utile les ennemis eux-mêmes, dont il avait en sa vie mortelle si
splendidement triomphé, pour la gloire de Dieu et de I'Eglise, et au
profit d'innombrables chrétiens*. En somme il jugeait que I'esprit de
* sic : voir p. 66 la remarque surce mot " chrétien',... Les protestants sont
des chrétiens ; mais eux ne "profitèrent" pas des "luttes" de St François de Sales !

27.8 Page 268

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254
St François de Sales était le plus indiqué pour l'époque en ce qui
conceme l'éducation et I'instruction populaires.
De cet admirable Apôtre il connaissait minutieusement la
vie et les écrits et, à ce moment-là comme plus tard, il en rap-
pelait aux jeunes, dans ses causeries, tantôt un mot, tantôt un fait.
Il s'appliquait à être pour eux une représentation vivante surtout de la
douceur du cæur de [st François de Sales], qui avait ramené au sein de
l'Eglise tant d'hérétiques. " Il nous dépeignait, écrivit D. Bonetti Jean
quelques années plus tard, St François de Sales en sa jeunesse, en
disant que le caractère doux et bienveillant, il ne I'avait pas reçu
comme un don de la nature, mais que cela lui avait coûté au contraire
de grands sacrifices pour I'acquérir. A de telles paroles nous nous
formions une idée de l'âme elle-même de D. Bosco : nous le savions
de son propre aveu, jeune garçon il avait été par nature d'un esprit
ardent, prompt, fort, ne supportant pas d'oppositions ; et pourtant nous
le considérions comme un modèle de mansuétude, respirant sans
cesse la paix ; et tellement maître de lui-même qu'il paraissait n'avoir
jamais rien à faire. Cela nous donnait la preuve de ses continuels actes
de vertu pour se dominer, [actes] assez héroïques pour qu'il devînt une
copie vivante, parlante de la charité de St François de Sales ".
Donc dans la chapelle du grand Evêque de Genève I'O-
ratoire prenait un excellent essor. " La réputation, écrit D. Bosco,
d'une petite église uniquement réservée aux jeunes, les cérémo-
nies sacrées spécialement accomplies pour eux, un espace libre
pour se promener, sauter et s'amuser servirent d'appât pour beau-
coup d'autres habitants de Valdocco. Ils étaient tous des enfants de
condition ouvrière. Notre église, qui seulement alors commença à
être appelée oratoire, devint de plus en plus exiguë. Cependant
nous nous accomodâmes tant bien que mal entre chambre, cuisi-
ne, couloir, vestibule ; dans tous les coins il y avait des classes
de catéchisme ; tout était oratoire ". Il n'y a pas à dire combien
Don Bosco a eu de mal dans la recherche de personnes de bonne

27.9 Page 269

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255
volonté qui fussent en mesure de I'aider. Quelques-uns des plus âgés
instruits par lui dirigeaient çà et les classes. Ceux-là il les réunissait
ensuite dans sa chambre, sur le temps non occupé par le ministère
sacré, les jours ouvrables : il leur donnait les règles nécessaires et les
enthousiasmait à I'aide de petits cadeaux et grâce à l'amabilité et à la
charité de ses manières.
Les dimanches et jours de fête les jeunes y venaient en
foule, pour se confesser, pour y assister à la messe et pour faire égale-
ment la sainte communion. Une fois la messe finie D. Bosco leur
donnait une courte explication d'évangile. L'après-midi on faisait le
Catéchisme, on chantait des cantiques, puis avait lieu une instruction
faite pour eux sur mesure, pas trop prolixe mais émaillée d'exemples
édifiants ; enfin, après avoir chanté les litanies de la Sainte Vierge,
on donnait la bénêdiction du Saint Sacrement, qui était conservé
seulement les dimanches et jours de fête. Dans les intervalles avant et
après les cérémonies se succédaient d'honnêtes divertissements et
passe-temps, sous la surveillance du bon Directeur, du Théologien
Borel son bras droit et des jeunes plus raisonnables et de bonnes
mæurs. La récréation s'effectuait dans l'étroite et longue allée existant
entre le Monastère des Madeleines et I'hôpital Cottolengo, qui débou-
chait sur la voie publique ; et aussi sur Ia route qui passait devant la
maison. Souvent D. Bosco sortait dans les terrains aux alentours pour
veiller à ce qu'aucun de ses élèves n'y traînât hors du groupe.
Il cherchait tous les moyens pour les allécher à venir à I'O-
ratoire. Il fournit de quoi jouer, comme des balles, des boules, des
palets, des échasses, promettant aussi de procurer bien vite une balan-
çoire, un pas de gêant, un cours de gymnastique et un cours de chant,
des concerts avec musique instrumentale et d'autres passe-temps.
Quelquefois il distribuait des médailles, des images, des fruits ; il leur
préparait une collation ou un goûter ; parfois il donnait aux plus
pauvres un pantalon, une paire de chaussures ou d'autres habits. Sou-
vent il leur portait secours chez les parents eux-mêmes : " Mais, écrit

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256
D. Bosco, ce qui plus que tout attire les jeunes, ce sont les bonnes
façons d'accueillir : pour obtenir de bons résultats dans l'éducation de
la jeunesse, il faut étudier le moyen de se faire aimer pour se faire
ensuite craindre ". Et les jeunes savaient qu'ils étaient aimés et qu'il
les portait, lui, dans son cæur gravés de manière indélébile. En effet,
il les connaissait tous et les appelait tous par leur prénom et leur nom,
se souvenant également de ceux nombreux qui ne frêquentaient plus
I'Oratoire. C'est ce que nous affirmait le Théologien Borel et c'est ce
que nous avons constaté, alors que les jeunes intemes et externes dêjà
éduqués par lui se chiffraient par milliers.
Ce fut à cette époque, c'est-à-dire à la fin de 1844, que Don
Bosco commença et ensuite perfectionna les cours du soir et les
cours du dimanche, qui furent bien vite mis en route dans d'autres
lieux de notre région et sont de nos jours largement développês
et répandus à travers toute l'Italie. C'était une æuvre de charité,
également nécessaire pour faire connaître aux gens que le prêtre est
toujours le premier à rechercher le bien du peuple. C'est pourquoi, les
dimanches et jours de fête après les cérémonies sacrées et le
soir des jours ouvrables, à l'exception du samedi et de la veille
des fêtes d'obligation, à une certaine heure beaucoup de jeunes se
rendaient au logement de D. Bosco et du Théologien Borel, et
ces deux prêtres, toujours prêts à leur faire du bien, transfor-
maient en salles de classe leurs propres chambres, et enseignaient à
lire, à écrire et à compter. Ils se donnaient du mal non seulement
pour les rendre plus habiles dans I'apprentissage de l'art ou du métier,
mais surtout pour pouvoir leur dispenser plus facilement I'enseigne-
ment religieux au moyen de la lecture et de l'étude du catéchisme. Ils
avaient constaté qu'un certain nombre, parmi ceux qui ne savaient pas
lire, éprouvaient de la difficulté à le bien apprendre, n'ayant pas
d'autre moyen que d'entendre la bouche de I'enseignant le répéter.
Pour de nombreux jeunes ce fut là un bienfait vraiment insigne ; du
fait que sans une telle mesure, puisqu'ils devaient travailler tou-
te la journée pour gagner de quoi vivre et ne pouvaient par suite

28 Pages 271-280

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28.1 Page 271

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257
fréquenter les écoles publiques, ils seraient restés analphabètes et
dans l'ignorance des plus élémentaires notions pour leur plus grave
prêjudice, même matériel.
Pendant ce temps-là D.Bosco maintenait un regard spé-
cial sur les jeunes qui sortaient des prisons. Ce fut alors qu'il toucha
du doigt que, s'ils trouvent une personne bienveillante qui prenne soin
d'eux, les assiste les dimanches et jours de fête, cherche à les placer
pour un travail chez un patron vraiment chrétien en leur rendant visite
quelques fois par semaine, ces malheureux se mettent volontiers à
mener une vie honorable, oublient le passé, retrouvent la pratique de
la religion et deviennent d'honnêtes citoyens.
C'est aussi durant son séjour au Refuge que D. Bosco
commença à comprendre ce que signifiaitfaire le tailleur [voir p. 202],
destiné à rapiécer les vêtements déchirés, expression qu'on entendait
quelquefois sur ses lèvres lorsqu'il s'adressait aux jeunes. Excitée, leur
curiosité demandait souvent à I'homme de la Providence quand et
comment on I'avait vu en train de faire le tailleur. Lui cependant, pen-
dant bien des années, ne donnait pas d'autre réponse en dehors de
: celle-ci
Si cela pouvait d'une façon ou d'une autre vous être uti-
- le, ou tourner à la plus grande gloire de Dieu, je vous le dirais.
Entre-temps, tandis qu'il aidait le Théologien Borel à con-
fesser les pensionnaires au Refuge, il continuait ses prédications en
ville et allait confesser à l'Eglise du Convitto. Il ne pouvait se sêpa-
rer de D. Cafasso et mettait fidèlement en pratique I'avertissement de
I'Ecclésiastique : " Fréquente un homme pieux, que tu sais constant
à observer les commandements, dont l'âme est comme la tienne, et
qui, si tu échoues, sera compatissant (1) ". Et D. Cafasso, le payant
en retour d'une égale affection, lui accordait une pièce au Convitto,
(1) si:z,tz.

28.2 Page 272

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258
D. Bosco pourrait s'appliquer aux études sans dérangement :
il manquait au début de I'Oratoire des livres nécessaires pour
composer ses nombreuses brochures pour la défense et le déve-
loppement de la religion. La bibliothèque de St-François d'Assise
était bien fournie en volumes précieux.
Pendant de nombreuses années D. Bosco s'y rendait cha-
que jour aux environs de quatre heures de I'après-midi et n'en
repartait que vers neuf heures, accompagné de quelques domesti-
ques du convitto. Plus tard, empêché dans l'après-midi, il limita
son étude entre onze heures du matin et midi, reprenant, quel-
que temps après, l'habitude d'y aller le soir. Mais que fût long
ou court son passage, il ne manquait jamais de rendre visite à
son maître et bienfaiteur, dont il savourait toute la confiance,
s'attardant avec lui non seulement pour converser de théologie
morale, de règles pour la vie de l'esprit et celle de l'Oratoire,
mais aussi pour prendre pour modèles ses vertus héroiques et
notamment ses continuelles pénitences. Parfois il cherchait à
I'inviter à tempérer la rigueur envers soi-même en invoquant
les principes d'une indulgence raisonnêe selon lesquels il a-
vait l'habitude de diriger lui-même ses étudiants. Nous trou-
vons dans les manuscrits de D. Bosco une trace de ses visites :
" D. Cafasso était depuis dix ans au Convitto Ecclesiastico et
son petit-déjeuner consistait en quelques morceaux de pain
auxquels plus tard il renonça ! Ainsi également il se limita à ne
manger qu'une fois par jour et sa nourriture se composait d'une
soupe et d'un plat léger. Même I'hiver son repos ordinaire n'é-
tait chaque nuit que de cinq maigres heures. Compte tenu des
dures fatigues qu'il supportait, je lui dis un jour de prendre
quelque chose de plus conforme à sa frêle complexion.
Malheureusement, ajouta-t-il avec hilarité, viendra une époque
-
il faudra concéder quelque chose de plus à ce corps ; mais
jusqu'à ce que je ne puisse plus m'en passer, je ne veux pas le
satisfaire.

28.3 Page 273

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259
" D'autres fois je lui en adressai respectueusement le reproche,
faisant allusion au préjudice que cette austérité causerait à sa délicate
santé, d'autant plus que ses forces diminuaient chaque jour ; mais il
répondait : -
donneras à ceux
Oh
qui
Paradis ! Paradis
y entreront ! ".
!
quelle
force
et
quelle
santé
tu
Ces leçons, et d'autres du même genre, D. Bosco les rete-
nait, les mettait en pratique et les répétait aux autres, comme nous le
verrons dans la suite du récit.
Mais désormais I'année 1844 approchait de sa fin et poin-
tait le saint jour de NoëI. Comme D. Bosco s'était sans attendre
soucié d'enseigner aux jeunes la manière de bien servir la Messe,
ainsi les cérémonies étaient exécutées avec la dignité convenable.
La solennité fut célébrée avec une communion générale qui était
ce que D. Bosco pouvait sâvourer de plus suave en ce monde.
C'est en cela qu'il ptaçait son principal moyen d'éducation, après
avoir bien instruit et purifié par le sacrement de la pénitence ses
élèves, réussissant ainsi à les tenir éloignés du vice et du péché.
Jésus Christ en personne, dignement reçu, confirmait dans leurs
cæurs avec la force d'un sceau les.leçons écoutées de la bouche
du bon prêtre et vers ce dernier dirigeait leur affection. Voilà la
cause première de I'ascendant que D. Bosco obtenait sur la jeu-
nesse, l'amenant avec tant de facilité à être honnête et docile.
Au milieu de ces consolations bien méritées D. Bosco a-
vait commencer à se procurer les moyens pécuniaires
pour soutenir son Oratoire. Peut-être D. Cafasso en décida-t-il
ainsi, afin de I'aguerrir dans cette difficile entreprise, toujours
prêt cependant à le secourir dans les cas extrêmes. A D. Bos-
co il répugnait, de façon extraordinaire, de se présenter chez
les familles riches pour demander des secours et de s'expo-
ser à essuyer un refus. A Turin, dans I'entourage des prê-
tres, il n'était pas tellement courant d'aller de maison en maison

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260
pour quêter, et les anciennes (Euvres pies étaient florissantes
grâce à I'abondance de revenus. Cottolengo attendait les secours
plutôt que d'aller les chercher. Et pourtant D. Bosco s'humilia, se
fit généreusement violence pour exécuter la volonté de Dieu tous
Ies jours de sa vie. Le Seigneur cependant lui facilitait I'entrée
sur ce sentier si épineux.
Le Théologien Borel qui était persuadé que son entre-
prise était une æuvre évidente de la Divine Providence, I'en-
courageait, en I'aidant pour autant que le permettaient ses occu-
pations. C'est pourquoi le Théologien disait à D. Rua, et plus tard
vers 1870 racontait à
D. Bosco apparaissait
D. Paul Albera:
timide et réservé,
-spéAciasleomneanrtriqvuéaenàd
Turin,
il dut
se résoudre à quêter pour son Oratoire. Et voici I'histoire des
trois cents premières lires qu'il rapporta chez lui. Je fréquentais
la noble et riche famille du Chev. Gonella, à laquelle je décri-
vis la bonté du jeune prêtre D. Bosco, le bien qu'il faisait, celui
qu'il ferait ; je I'exhortai à avoir envers lui de larges gestes de
bienfaisance et promis que je I'enverrais leur rendre visite, afin
de leur permettre de le connaître et de I'estimer. Puis je fis à
D. Bosco l'éloge de ces amis fortunés, lui en décrivis la charité
et, sans rien ajouter d'autre, je lui proposai d'aller leur rendre
visite. Il hésitait tout d'abord, disant que pour lui ces person-
nes étaient de parfaits inconnus, mais finalement il céda et y
alla. A son arrivée on lui fit fête et après un brin de conver-
sation il s'attira I'estime et l'admiration de ces riches qui, au
moment du départ, lui donnèrent trois cents lires pour ses jeu-
nes gens. Sans qu'il le sût, d'autres fois, de la même manière, je
lui déblayai le terrain et bien vite à Turin il eut d'autres bien-
faiteurs.
tous les
I'
d- eux
Riche
(1) ".
et
pauvre
se
rencontrent,
Yahvé
les
a
faits
(l) pr zz,z.

28.5 Page 275

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261
Mais avec quelle intensité D. Bosco avait-il vécu ce sa-
crifice ? La réponse apparut ouvertement en 1886. Il avait demandé
avec insistance à quelques-uns des plus anciens de I'Oratoire de
s'arranger pour faire un tour à la recherche d'aumônes et d'écrire des
lettres confidentielles aux connaissances et aux amis, pour les invi-
ter à venir au secours de D. Bosco : n'ayant pas la santé suffisante, il
ne pouvait plus subvenir aux besoins de la maison. Quelqu'un lui
avait répondu ne pas avoir, lui, le courage pour faire cela et
manquer de I'assurance qui formait l'élément principal du caractère de
DmD.i'eaBuco,oslûectoébe;dsceoeidlnueimd-ceai nsldueeicroréulapriorcnhsdeaistrio:rp-. h-eliAnhsN,é!eaTnnumranoiesinossnapisdoepuasrsalaccoogmnlovbiiriceetniodinel
de procurer aux riches eux-mêmes un profit en les invitant à faire
I'aumône, il foula aux pieds toute timidité inopportune, tout respect
humain ; et le Seigneur bênit son humilité en lui faisant rencontrer
tant de sympathie et tant de générosité dans le peuple chrétien.
Il dut surmonter une autre répugnance, celle de s'entretenir
avec des personnes bienfaitrices d'un sexe différent : mais cela pro-
duisait un autre bien. Lorsqu'il se présentait dans un hôtel particulier,
en raison de son extrême réserve, simple et plein d'aisance pour
discuter, il faisait à un degré supérieur l'édification générale. Ses
yeux, il les tenait si pudiques qu'il ne les fixait jamais sur le
visage de quelqu'un. Les bonnes familles qui le connurent de-
puis les premières années de son apostolat, attestent encore aujour-
d'hui : - Il semblait un ange qui entrait dans la maison !

28.6 Page 276

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262
CHAPITRE XXVII
DArinenéctivgotuoemltéimolo.n'arnLsddaeadDi'tDuêàonvenosteicBsohnojeusuàtcenoIe'mAsàno-rglt'eeAlUlneGnga-ergdaieGrnDça.or.dnBiemonsac-çoonpCusoabmulviemé eupnnat rillisvorlean
Don Bosco était occupé vers la fin de cette année à termi-
ner la rédaction de I'un de ses livres sur la dévotion à I'Ange Gardien'
travail qu'il avait commencé alors qu'il logeait encore au Convitto
Ecclesiastico. Il se déclarait très reconnaissant envers le Seigneur
pour la grâce si grande qu'il lui accordait, de le confier à la gar-
de d'un Ange ; et mille fois nous I'avons entendu répéter : " Il a pour
toi donné ordre à ses anges de te garder en toutes tes voies. Eux sur
leurs mains te porteront pour qu'à la pierre ton pied ne heurte (1) ".
C'est pourquoi il portait une tendre affection et une grande dêvotion à
son Ange protecteur et chaque année il en célébrait la fête. Il
était si persuadé de I'avoir à ses côtés qu'on aurait dit qu'il le voyait
de ses yeux. Il le saluait plusieurs fois pendant la journée avec
la prière qui commence parAngeleDei [AngedeDieu], et avait une
très grande confiance dans sa protection en chaque pas de sa vie.
(1) Ps 91,71-12.

28.7 Page 277

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263
Il lui recommandait sa propre personne et tous ses jeunes et,
j'oserais le dire, cet esprit céleste I'aidait à fonder et à gouver-
ner ses æuvres.
D. Bosco racontait un jour que la Bienheureuse Jeanne de
la Croix fut dès son enfance gratifiée de la présence visible de son
Ange Gardien ; que sous sa conduite elle embrassa l'état reli-
gieux et devenue supérieure du monastère elle administra mer-
veilleusement chacune des affaires les plus difficiles ; et que, si
un inconvénient surgissait dans sa communauté son Ange lui suggé-
rait les manières et les moyens pour corriger les défauts des autres.
Son récit fit briller dans mon esprit la pensée que lui-même
jouissait aussi de cette insigne faveur, et je ne pus en aucune
façon l'éloigner de moi. En effet, n'est-il pas vrai que pendant
tout le cours de sa vie il perça les secrets les plus cachés qu'hu-
mainement on ne pouvait connaître ? Ses rêves, l'être mystérieux
qui en eux I'accompagnait toujours, qui donc est-il ?
Quoi qu'il en soit, il savait infuser en ses jeunes un grand
respect et un grand amour envers leur Ange Gardien. Il entonnait
lui-même et très souvent le cantique qu'il avait mis en musique
en I'honneur du bon Ange et qui était chanté par les jeunes
gens avec une vive émotion. Il leur
foi en la présence de votre Ange, qui
deissat itav:e-c
Ranimez votre
vous partout
vous êtes. Ste Françoise Romaine le voyait sans cesse devant
elle les mains croisées sur la poitrine et les yeux tournês vers le
ciel : mais, pour chacun de ses manquements, même le plus lé-
ger, l'Ange se couvrait le visage comme par honte et parfois
toumait le
Gardien], il
draocso. n-taitEstopuovuerntleIu'hrisftaoiirree
avoir confiance dans [l'Ange
de Tobie et de I'Archange
Raphaël, le grand miracle des trois Hébreux qui étaient restés
indemnes dans le feu de la fournaise de Babylone, et d'autres
faits semblables dont sont remplies I'Ecriture Sainte et I'Histoi-
re de I'Eglise. I1 ne se fatiguait pas de rappeler dans les sermons

28.8 Page 278

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264
ce très tendre
curer de la joie
aàmviotcréeleAsnteg.e-GaDrdeiveenn.e-z
bons, disait-il, pour pro-
En toute affliction et en
tout malheur, même d'ordre spirituel, ayez recours à I'Ange avec une
pleine
péché
confiance et il
mortel furent
vsoauusasiddeeral.a-moCrtompabrielneuser
trouvant en état de
Ange parce qu'ils
eurent le temps de bien se confesser. Malheur aux fauteurs de
scandales ! Les anges des innocents trompés crieront vengeance à la
face de Dieu.
Et comme D. Bosco était riche de conseils lorsqu'il par-
lait en privé, tantôt à I'un tantôt à l'autre en fonction des besoins et en
pcodoaabmnrétsiipscalueaglsiunexotreniànn,tsgsapeatisiorrdanpitseéi.onnnIitelsetnadatesdmat!iov.-an-ntAaRSngaegipetpuleeGlvldaeeér-udtsoxiieirpndql.aeu-ierte'atuiàldnaevJséor sququunuseeAetttnooin-emMApêanomrguieeer
dnG'eêartlrdeeiecnariadpiénriseppaparosulur; iti.ol -itreetmPtubrelsenedreastscseo'exunarfauugcitée.ee-nt
prie : lui aussi, ton Ange
§r§g6ute pas le démon et
présence de ton Ange. -
Prie ton Ange de venir te consoler et t'assister au moment de la mort.
Et beaucoup de jeunes racontèrent plus tard à D. Rua:
[on avait reçu des] grâces extraordinaires et [on avait été] délivré des
périls, [autant de faveurs] obtenues au moyen de cette dévotion, que leur
avait inspirée D. Bosco.
Il fixait également pour les jeunes certains jours ils fe-
raient montre de dévotion spéciale aux Anges Gardiens. C'est pour-
' quoi il disait et écrivait
10 Le mardi de chaque semaine est con-
- sacré par l'Eglise de façon particulière au culte des saints Anges. A I'i-
mitation de St Louis, qui aimait beaucoup son Ange Gardien, je vous
conseille de pratiquer ce jour-là en son honneur quelque mortifica-
tion spéciale, ce peut être une abstinence, une prière les bras en croix,
ou en embrassant l'image de Jésus crucifié ; et, si vous le pouvez,
donnez une aumône selon le conseil de l'Archange Raphaël à Tobie.

28.9 Page 279

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265
ma-rqu2éopLaer
jour de votre naissance
ses soins vigilants. C'est
qui fut le
pourquoi
premier à être re-
[au jour anniversaire]
renouvelez toutes les promesses qu'en sa présence vous fîtes au
baptême, à savoir de vouloir aimer et imiter Jésus Christ et
observer sa sainte loi. Sanctifiez-le ce jour par une communion
pleine de ferveur, par une plus longue prière, ou un autre exer-
cice de piêté plus signalé, en signe de reconnaissance pour le
premier amour avec lequel I'Ange prit soin de vous.
si-,
30 Le premier jour de chaque mois. Il sera bon pour vous
imitant la pieuse habitude de tant d'âmes chrétiennes, qui se
préoccupent de leur salut, vous faites en sorte de méditer une
maxime [de vérité] éternelle, avec une rêflexion sérieuse sur la
grande fin pour laquelle nous fûmes créés par Dieu et sur l'état
dans lequel se trouve votre conscience ; et §i la mort vous pre-
nait en ce moment, qu'adviendrairil de votre âme ? Approchez-vous
ensuite des Sacrements. Faites du bien pendant que vous en avez
le temps.
Ce que nous avons exposé est également valable pour
toute la vie de D. Bosco, mais dès cette époque il savait se
servir de ce moyen puissant pour entraîner à la vertu ceux qui
autrefois avaient été des gamins 'de la rue. Ceux-ci suivaient
fidèlement ses conseils, et un fait merveilleux confirma les
enseignements de leur bon Directeur. Un dimanche ils étaient
tous réunis dans la sacristie de St-François d'Assise. D. Bosco,
en leur distribuant une feuille était imprimée une prière à
cet Ange béni, leur avait adressé ces mots
dévotion envers votre bon Ange. Si vous
v: o-us
Ayez de
trouvez
la
en
grand danger pour votre âme ou pour votre corps, invoquez-le
et je
Or il
vous
arriva
assure qu'il vous
que I'un de ceux
assistera et
qui avaient
vous délivrera. -
êcoutê I'exhortation
travaillait quelques jours plus tard, en tant que garçon maçon,
à la construction d'une maison. Tandis qu'il allait et venait
sur les échafaudages pour son boulot, à la rupture inattendue de

28.10 Page 280

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266
quelques éléments de soutien, il sentit que ne tenaient pas sous ses
pieds les planches sur lesquelles il se trouvait avec deux autres com-
pagnons. Au premier crépitement il s'aperçut tout de suite qu'il ne
pouvait pas se mettre à l'abri du danger. L'échafaudage s'écroule et,
avec les planches, avec les pierres et avec les briques, il plonge vio-
lemment sur la rue depuis le quatrième étage entraînant tous ceux qui
étaient dessus. Tomber d'une telle hauteur ou être tué sur le coup,
c'êtait tout comme. Mais au cours de sa chute notre bon garçon se
souvint des paroles de D. Bosco et invoqua I'Ange Gardien en y
mettant
sauva.
Ctohuotesesamveorvixeil:leu-se
Mon Ange, aidez-moi
! ils étaient tombés
!
à
-troisSa:
prière le
l'un fut
tué tout de suite, le deuxième fut conduit à I'hôpital tout fracassé et
quelques heures après il expirait. Par contre, alors que les gens
couraient vers lui le croyant mort, notre garçon se mit debout
parfaitement sain sans même avoir ramassé une égratignure. Au
contraire il remonta aussitôt à la hauteur de laquelle il était tom-
pour prêter la main aux travaux de réparation. Retourné le
dimanche suivant à St-François d'Assise, il racontait aux copains
émerveillés ce qui lui était arrivé, témoignant que la promesse
de D. Bosco s'était réalisée. Les jeunes gens s'enflammèrent alors
d'une plus grande dévotion à leur Ange Gardien et cela produi-
sit dans leurs âmes de nombreux effets salutaires.
Le fait singulier suggéra à D. Bosco de composer le petit
dElivenlrles'Aonimxgaeennltoetio-Cdnounuztoepdpleuasg[teithsreairluetntrdqauiutpaiaitrp:doLerastamDitéovptoioftsiuonrqutàiitrlde'Aon:ivge-enGt apIrloduiDessnive].or-tloe
Chrétien à acquêrir la protection de ce très sublime Esprit, distribuant
la matière en dix thèmes de réflexion, dans le but de le préparer à la
fête des saints Anges : Bonté de Dieu qui nous destine comme gar-
diens ses Anges ; Amour des Anges pour nous ; Bienfaits quotidiens
des Anges Gardiens ; Leur assistance est spéciale à I'heure de la priè-
re, de la tentation, de la souffrance, au moment de la mort, lors du ju-
gement et au purgatoire ; Tendresse du saint Ange envers le pécheur ;

29 Pages 281-290

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29.1 Page 281

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267
Tendresse que nous devons nourrir envers notre Ange parce qu'il nous
- aime. Chaque thème de rêflexion est suivi d'une pensée religieuse
avec une résolution pratique ou un effort spirituel et d'un bel exemple.
Les gestes de dévotion pendant la neuvaine étaient les sui-
vants: -
l' Angele
1.
Dei
Chaque
[laprière
jour aumoins le matin et le soir en récitant
" Ange de Dieu "], ayez aussi I'intention de remer-
cier Dieu dont il use pour notre bien lorsqu'il nous donne comme
- gardiens des princes du Paradis aussi éminents. 2. Lorsque vous
allez à l'Eglise, notamment au moment de la Messe, invitez votre bon
Ange à adorer Jésus au Saint Sacrement avec vous ; et pour vous
quand vous ne pouvez pas y aller. Prenez la résolution de saluer
Marie trois fois par jour en rêcitant I'Angélus, geste de dévotion qui
Iui est très agréable, à elle comme aux Anges, et se trouve enrichi de
beaucoup d'indulgences par les Souverains Pontifes
- 3. Toute heureuse issue en des affaires bien réussies et en des
risques évités, reconnaissez-la comme due aux prières, aux lumières
et à I'assistance de I'Ange ; c'est pourquoi priez-le matin et soir,
dans les doutes, dans les soucis, notamment quand vous entreprenez
un voyage ; en sortant de chez vous, priez-le de tout cæur de vous
bénir et de vous permettre d'échapper aux évênements fâcheux.
-
ge
:
4.
ce
Habituez-vous à offrir vos prières par I'intermédiaire de I'An-
type d'offrande leur fait acquérir un plus grand mérite et une
plus grande valeur. A la messe I'Eglise demande dans la prière que le
sacrifice soit présenté per manus Angeli, par les mains [par l'intermé-
diairel de I'Ange : c'est pourquoi vous aussi quand vous participez
à la Messe, présentez I'Hostie sainte avec le calice à la Divine
Majesté, par l'intermédiaire de votre Ange. Mais aujourd'hui en-
thousiasmez-vous pour une dévotion spéciale pendant que vous
assistez à la Messe.
- 5. Dans les tentations tournez-vous aussitôt vers votre Ange Gar-
dien, lui disant avec la plus vive affection dans le cæur : mon Ange
Gardien, assistez-moi en ce moment, ne permettez pas que j'offense
mon Dieu.

29.2 Page 282

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268
à
- 6. Dans
converser
les
au
désagréments que
milieu des êtres
nécessairement vous rencontrerez
humains, et notamment s'ils ont
un caractère et des mæurs qui diffèrent des vôtres, encouragez-vous à
les supporter [ces désagréments], même pour ce motif : pour jouir
plus tard sans fin de la compagnie des saints Anges dans le ciel.
- 7 . Fuyez plus que la peste les mauvaises compagnies et les con-
versations douteuses, au milieu desquelles votre bon Ange ne peut
vous voir qu'avec dégoût, car votre âme est en péril. Alors vous
pourrez en toute confiance espérer I'assistance de I'Ange.
An-ge8G. Cahrdaqieune
jour matin et
les dernières
soir recommandez de tout cæur à votre
heures de votre vie et proclamez que
vous remettez entre ses mains votre salut êternel : in manibus
tuis sortes meae fen tes mains mes destinées]. Aujourd'hui en son
honneur rendez visite à un malade, ou bien donnez quelque
chose en aumône.
te-nan9.t
Ravivez chaque
pour sûr que,
jour la confiance en votre Ange
si vous êtes fidèles durant la
Gardien,
vie, lui
s'emploiera totalement à votre service au moment de la mort
et lors du jugement. Aujourd'hui faites un sérieux examen de
conscience et préparez-vous à faire une bonne confession.
cette pensée il ajoutait une autre résolution pratique
Employez-vous autant que vous 'pouvez à secourir les
-:
A
-
âmes
des défunts, qui du milieu des flammes du purgatoire vous
demandent secours et pitié. D'autant plus que la mesure avec
laquelle vous leur ferez du bien, Dieu s'en servira pour êta-
blir que d'autres fassent de même pour vous. Aujourd'hui
offrez la récitation de I'Angele Dei, de l'Angélus avec les
indulgences qui s'y rattachent, en faveur des saintes âmes du
purgatoire.
Cêlébrez le jour de la fête en vous approchant avec ferveur des
Sacrements de la confession et de la communion. Ayez recours
par des prières affectueuses et pleines de confiance à votre bon
Ange, afin qu'il ne permette pas que vous ayez à charger votre
conscience drune faute. -

29.3 Page 283

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269
Qu'on le remarque, pour fondement de cette dévotion et
de toutes les autres qu'il recommandera, il place la communion
fréquente.
Le petit livre, dans sa partie finale, contenait la prière
de louange écrite par Silvio Pellico : Petit Ange de mon Dieu
etc., la liste des indulgences accordées à la Compagnie canoni-
quement érigée dans I'Eglise St-François d'Assise, un exercice de
dévotion à l'Ange Gardien que D. Bosco rêédita ensuite dans La
Jeunesse Instruite; et il commençait par une INTRODUCTION en
ces termes : " IJne preuve pour montrer l'excellence de I'homme,
c'est certainement le fait d'avoir un Ange pour gardien. Après
avoir créé le ciel, la terre et toutes les choses qui sont con-
tenues dans le ciel et sur Ia terre, Dieu les laissa suivre
d'eux-mêmes le cours de leurs lois naturelles, selon I'ordre de la
providence quotidienne qui les conserve. Pour l'homme il n'en
fut pas ainsi. En plus de I'avoir enrichi de nobles facultés spirituel-
les comme corporelles, établi à la tête de toutes les autres créa-
tures, il voulut qu'un Esprit céleste en prît soin, pour que, dès
le premier instant il apparaît au monde, il I'assiste nuit et
jour, l'accompagne le long des routes au cours des voyages, le dé-
fende des dangers qui menacent autant l'âme que le corps, l'infor-
me de ce qui est mal afin qu'il le fuie, lui suggère ce qui est
bien afin qu'il I'accomplisse. Grande dignité de I'homme, grande
bonté de Dieu, devoir pressant pour nous d'y correspondre !
" Cependant pour encourager les fidèles à entretenir une vive dé-
votion envers ces bienheureux Esprits, qui par l'indescriptible
Providence nous sont destinés comme gardiens, les Pontifes
Romains attribuèrent autrefois de nombreuses indulgences aux
prières qu'on récite en I'honneur de ces Esprits, ainsi qu'aux
Compagnies fondées pour leur vénération. Plus tard afin de
ranimer de plus en plus la gratitude et la confiance que
nous devons avoir envers nos célestes bienfaiteurs, fut com-
posé, à la manière d'un petit résumé, le présent ouvrage,

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270
sont exposés sous la forme d'une neuvaine les plus vigoureux et
les plus tendres motifs qui doivent nous pousser à nous arrner
de leur sainte protection. Heureux celui qui méditant sur la gran-
de valeur de son Ange accomplira les gestes de dévotion suggé-
rés dans ces feuilles, et arrivera à avoir pour lui une constante
dévotion: il détiendra un signe non douteux de salut éternel,
puisque, de façon fondée, les Théologiens et les maîtres spirituels,
[s'appuyant] sur l'autoritê des Divines Ecritures et des Saints Pères,
reconnaissent parmi les signes de prédestination une tendre et
constante dévotion envers les saints Anges Protecteurs.
" Que le Seigneur bénisse cet ouvrage et qui le lira ".
Par son travail il entendait également obtenir, de la part
des Esprits célestes, la sécurité, la stabilité, la défense pour son
Oratoire et pour les autres æuvres qu'il entreprendrait, car il est
écrit : " Il campe, I'Ange de Yahvé, autour de ses fidèles et les
dégage (1) ".
Il finissait de composer, au Refuge, son cher petit livre
recherchant surtout, dans la rédaction, la simplicité et la clartê qu'il
aimait tant. Avant de l'éditer il le lisait à Pierre Malan, sumommé le
Parrain, premier fondateur du Refuge et à cette époque concierge de
cet établissement. Je disfondateur, parce que le brave homme, voyant
des fillettes laissées par leurs parents à I'abandon dans les rues, par-
fois sans abri, au milieu de mille dangers, commença, il y a des an-
nées, à en recueillir quelques-unes, les conduisant chez lui, et les con-
fiant à sa femme pour qu'elle leur servît de mère. Celle-ci leur prépa-
rait la nourriture, les gardait près d'elle pendant quelque temps même
de nuit, tandis que son mari par son travail leur fournissait le néces-
saire et cherchait à leur trouver un emploi de service dans une bonne
famille, ou dans la boutique d'une femme honnête. La Marquise de
(1) Ps :a,4.

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271
Barolo, ayant connu cette æuvre due à une charité héroïque, voulut
en prendre la responsabilité, fonda le Refuge, ainsi que nous I'avons
déjà dit, et y établit le Parrain comme gardien à l'entrée.
Donc ce Malan, qui n'était pas très instruit, prêtait néan-
moins toute son attention à la lecture de D. Bosco, mais parfois ne la
comprenait pas. Par exemple, en entendant le récit de ce jeune garçon
maçon qui avait reçu de I'Ange une grâce pendant qu'il tombait des
échafaudages d'une construction en cours, il comprit qu'il avait fait
une chute
fait pour
étonné de
pendant qu'il prononçait un juron, et
toi, avec Dieu on ne plaisante pas !
cette méprise de son concierge, et il
il
y-
s'écria : - Bien
D. Bosco resta
en eut d'autres :
voyant que la cause en était son style plutôt élevé, il refit avec grande
patience le travail, le lut de nouveau à Malan, qui cette fois comprit.
Le livre fut publié en 1845 par la maison d'édition Paravia
et largement diffusé ; il servit à intensifier chez beaucoup la dévotion
envers les Anges Gardiens, ainsi que I'affirmait un pieux Ecclésias-
tique à notre D. Rua.

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272
CHAPITRE XXIX
Amour de D. Bosco pour l'Eglise Catholique, et son empres-
sement à se donner du mal pour sa gloire Procédés
astucieux pour convertir les prisonniers Une conversion
miraculeuse
de Carême
à-
Etude de la langue
St-Pierre-aux-Liens ;
Première supplique de D. Bosco
iaanltuleermPdaiacnptdieoenp-odeuLreladCeMastaéfacirhvieeisum-res
spiituelles.
" Notre Père, qui es aux cieux, que ton nom soit sanctifié,
que ton règne vienne, que se développe et triomphe l'Eglise Catho-
lique, la seule véritable Eglise de Jésus Christ ; que toutes les nations
reconnaissent ses droits et ceux de son Chef et de ses Evêques,
qu'elle reçoive quand elle enseigne l'adhésion de toutes les intelligen-
ces en tant qu'unique dépositaire des vérités révélées, que témoin
divin de I'authenticité et de l'autorité des livres sacrés, que maîtresse
infaillible des hommes, que juge suprême [réglant] sans appel les
questions doctrinales. Que lui obéissent toutes les volontés dans
I'observance de ses lois morales et disciplinaires, afin qu'après les
victoires sur la terre elle entre pour triompher étemellement dans les
cieux avec la multitude des âmes sauvées ".
C'êtait la prière continuelle, passionnée de D. Bosco,
c'était son désir très ardent tandis que, sans tenir compte de la
fatigue, il continuait ses études sur I'histoire de I'Eglise. Comme
apparaissait lumineuse sa foi lorsque, oralement et par écrit, il

29.7 Page 287

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273
répétait ces grandes vérités et que souvent il insistait pour que
les prêtres se missent à les prêcher. Toutes ses pensées, toutes
ses æuvres tendaient essentiellement à faire l'éloge de l'Eglise ; il
se réjouissait de ses joies et de ses gloires et souffrait de ses
douleurs et des persécutions qui la préoccupaient. C'est pourquoi
il s'employait avec ardeur à accroître ses joies et ses conquêtes,
à soulager ses douleurs et à compenser ses pertes: pour ce faire
il ramenait en son sein maternel un grand nombre de brebis
égarées, procurant à sa famille un accroissement dû à de
nouveaux fils. En tant que catholique et en tant que prêtre, il
reconnaissait que ce n'était que son devoir. Plein de noblesse en
toutes ses idées, il coordonnait ses plus petites actions avec cel-
les de I'Eglise universelle, comme un simple soldat : bien que ce
dernier fasse le travail d'un seul homme, cependant s'il est solide
à son poste, il coopère sans cesse et parfois avec efficacité,
même avec un seul coup, audacieux ou fortuit, à la victoire
d'une armée entière. C'est pourquoi il ne manquait pas une
occasion de donner un bon conseil, d'écouter une confession
sacramentelle, de prêcher, de mettre en garde, de prendre part à
une prière, considérant toutes ces actions comme des æuvres de
la plus haute importance. Avec ce saint but préétabli, non seu-
lement il ne ralentissait pas un instant son ardeur pour persé-
vérer dans sa mission au milieu des enfants, mais il continuait à
se dévouer inlassablement à d'autres occupations du ministère
sacré.
Lui tenaient sans cesse à cæur les détenus. Le nombre
des conversions opérées en I'espace de plus de vingt ans fut sans
doute grand ; pourtant lui, qui faisait sans cesse l'éloge de D. Ca-
fasso en racontant ses prodiges de bontê au milieu des prison-
niers, ne parla presque jamais du bien spirituel que lui-même fai-
sait à ces malheureux. Mais, nous autres, nous avons appris plus de
choses encore par le Théologien Borel, qui I'aimait et le vénérait com-
me on aime et vénère un saint ; et il nous racontait son habileté

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274
qui consistait à se donner avec prudence comme collaborateurs
quelques prisonniers sincèrement convertis : ayant des qualités
intellectuelles, étant instruits et de conversation facile, ils étaien
capables de s'imposer aux plus récalcitrants et, par des avertisse-
ments opportuns, de préparer les esprits à écouter et à mettre en
pratique la parole du prêtre. Ces gens-là connaissaient toutes les
objections que faisaient les compagnons d'infortune contre la Re-
ligion et ses pratiques de piété, leurs jurons contre la Divine Pro-
vidence, les calomnies contre le clergé : en conséquence D. Bos-
co étudiait tantôt avec I'un d'entre eux tantôt avec I'autre un
dialogue à mener publiquement lors d'une occasion déterminée,
pour réfuter toutes ces sottises et faire entrer les principes sains
dans les têtes bizarres. Alors voilà, tandis que D. Bosco s'entrete-
nait en des conversations familières, ou qu'avait commencé le
catéchisme, la voix de I'ami l'interrompait, rendant plus vives
l'attention et la curiosité de tous ses camarades. Il interrogeait,
faisait des objections et le prêtre répondait, mais les demandes
et les réponses étaient assaisonnées avec tant de boutades, de
proverbes populaires, d'anecdotes ridicules et d'autres édifiantes
que la vérité, en faisant rire, émouvait et persuadait, amenant
sans cesse quelques-uns à commencer une vie vraiment chrétien-
ne. D. Bosco eut donc la consolation de voir des hommes, qui
avaient oublié Dieu pendant un bon nombre d'années, s'appro-
cher des Sacrements avec des dispositions capables d'entraîner
aussi les personnes déjà avancées dans la vertu.
Et non seulement par les prières et au moyen de saints
procédés astucieux il faisait la conquête des âmes, mais par des
sacrifices, que dans ce but il s'imposait généreusement, il arrachait
la grâce au Seigneur. Ses pénitences furent toujours chose secrè-
te, mais ce que l'on sut, c'est qu'avant son départ pour les pri-
sons, ou après son retour, on le voyait tantôt avec les yeux
malades et rougissants, tantôt avec un atroce mal de tête, ou de
dents, qui durait des journées entières. S'il lui arrivait de devoir

29.9 Page 289

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275
mener une affaire importante qui demandait de la tranquillité, le
mal cessait tout à coup et, une fois terminé ce dont il s'occu-
pait, la douleur reprenait sa force. De cet indice et d'autres
plusieurs fois renouvelés, par un de ses intimes, Joseph Buzzetti,
il fut déduit que par Dieu de semblables maladies étaient ac-
cordées à ses demandes et rêtribuêes ensuite au moyen de la
conversion souhaitée d'un obstiné. Une fois, en effet, il confia à
D. Ruffino Dominique qu'il avait prié le Seigneur de lui envoyer
la pénitence qu'il aurait imposer aux détenus, en ajoutant :
-à
Si je ne la fais pas,
ces pauvres diables ?
moi,
quelle
pénitence
pourrais-je
donner
C'est pourquoi, et cela ne m'étonne pas, Notre-Dame la
très sainte, descendait parfois dans ces prisons, pour coopérer à
l'apostolat de D. Bosco, de D. Cafasso et du Théologien Borel,
animês par le même esprit d'hêroisme. Ces années-là se pro-
duisit une admirable conversion, dont nous avons entendu
I'histoire de la bouche même de celui qui en fut le prota-
goniste. Encore enfant, il s'était enfui de chez lui ; engagê
plus tard dans I'armée, il gagnait ses galons de sergent ; il
êtait, avec son régiment, cantonné à Nice. Vicieux, il haïs-
sait tout ce qui touchait à la religion. Il était allé par cu-
riosité visiter le sanctuaire Notre-Dame de Laghet : là il avait
vu de ses propres yeux qu'on portait devant I'image sainte
une jeune fille paralysée, presque moribonde ; il avait remar-
qué sa physionomie cadavérique, il avait entendu les prières
et les sanglots des personnes présentes, et tout à coup il
avait aussi vu réapparaître le coloris de ce visage, et la
jeune fille, poussant des cris de joie, se mettre debout par-
faitement guérie. Ce fut un véritable triomphe de la bontê
de Marie. Le miracle était si évident qu'il en était persua-
dé, mais au lieu de s'émouvoir il devint furieux contre ce
Dieu dont il niait I'existence, puisqu'un tel fait était la con-
damnation de sa conduite. Plus de quarante soldats s'étaient

29.10 Page 290

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276
trouvés présents à ce prodige, puisque, arrivés alors à cause d'un
changement de garnison, ils accouraient pour visiter une église
de si grande réputation en cette contrée. Revenus au quartier,
ces militaires tenaient une longue conversation avec les autres
copains au sujet du miracle qu'ils avaient vu. Mais le Sergent,
irrité par ces propos, se mit à nier le fait, appelant bigots et
imbéciles ceux qui l'affirmaient. Les soldats persistèrent. Alors il
cria que, lui qui se trouvait présent, il n'avait vu aucun miracle
dans cette guérison : et il imposa à tous le silence. Un soldat
osa répliquer, et le Sergent le fit mettre en prison.
Pourtant son impiété ne resta pas impunie et, pour avoir
commis un grave délit, il fut condamné à dix ans de prison. Le
malheureux, en proie à une vive colère et blasphémant, ne pou-
vait se résigner à la perte de la liberté. Ayant vu, accroché au
mur, un cadre avec I'image de Notre-Dame des sept douleurs, il
se sentit envahir par une espèce de fureur démoniaque et, s'étant
procuré une allumette, il la craqua pour réduire en cendres cette
représentation. Mais voilà, tandis que le forcené était sur le point
de commettre cette impiété, il sent soudain une force mystérieu-
se qui le saisit et I'arrête. Rempli d'effroi il regarde autour de lui
et, ne voyant personne, il s'aperçoit bien que la main qui le tient
est une main céleste ; se transforment entièrement les sentiments
de son cæur ; il tombe à genoux et verse de longues et très
chaudes larmes. Ayant demandé le ministre de Dieu, il se con-
fessa ; après avoir reçu I'absolution, il fut rempli de tant de
contentement qu'il se sentit heureux. Son repentir fut semblable à
celui de Saul sur le chemin de Damas. A partir de ce moment-là,
il s'appliqua constamment à expier ses fautes au moyen d'une
obéissance résignée et joyeuse aux durs règlements pénitentiai-
res, et à réparer les scandales, qu'il avait donnés, au moyen du
bon exemple et des saintes paroles, amenant ainsi beaucoup de
ses compagnons de détention, même les plus obstinés, à se mettre
en paix avec Dieu par une bonne confession. Finalement sorti de

30 Pages 291-300

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30.1 Page 291

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277
prison, il continua à être un modèle de vertu religieuse et de
vertu civile, si bien qu'il put en peu de temps recouvrer l'honneur
perdu ainsi que l'estime et la confiance de ses compatriotes.
Son exemple eut des imitateurs dans la constance et la
ferveur du repentir. Parmi eux il y en eut un qui, revenu chez lui,
laissait les pauvres aller cueillir du raisin dans ses vignes et, ce qui
restait, il le conservait pour le donner l'hiver aux malades. Tout son
patrimoine il le réservait et le consumait pour des æuvres de charité.
Il se dressait toujours pour défendre la religion chaque fois qu'il
entendait de mauvais chrétiens la bafouer, quel que fût le lieu il se
trouvait. Au-dessus de tout respect humain, dans les cafés, dans les
tavemes, devant tout le monde, il enjoignait de se taire à celui qui
osait commencer à tenir des propos immoraux et, si quelqu'un pour
riposter s'avisait de lui
Eh oui, autrefois moi
rappeler
aussi je
sa conduite passée, il
parlai comme cela,
smacriisaict ,:ét-ait
quand j'appartenais au régiment des animaux immondes auquel à
présent
pour le
vous appartenez,
grand bien qu'il
vluoiuasv. a-it
Reconnaissant envers D. Bosco
fait, il resta toujours en cordiale
relation avec lui, devint à son tour un insigne bienfaiteur de ses
æuvres et lui rendait souvent visite. Par cette conversion et d'autres
semblables, Dieu récompensait donc grandement la charitê de D. Bos-
co qui bénissait les croix demandées et portées par amour des âmes.
D'autres faits démontrent qu'il était prêt à se soumettre
à n'importe quelle fatigue, si lourde fût-elle, quand il s'agissait
de secourir quelqu'un qui avait besoin d'une aide spirituelle. En
1845 il y avait à Turin plusieurs familles Allemandes et beau-
coup de soldats leurs compatriotes combattaient sous le dra-
peau du Piémont. Les quelques prêtres qui en connaissaient la
langue étaient absorbés par de lourdes occupations : il n,y avait
donc personne qui pût en écouter les confessions. C'est pour-
quoi ces familles et ces soldats, pour ce qui était de la reli-
gion, se trouvaient tout à fait à I'abandon. De charitables personnes

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278
se rendirent chez D. Bosco et lui parlèrent de ce manque de
prêtres, le priant d'y porter remède. Comment faire ! D. Bosco
ne connaissait pas la langue allemande, s'approchait le temps
pascal et les allemands désiraient faire leurs dévotions. Certains
d'entre eux étaient gravement malades dans les hôpitaux. Alors
D. Bosco, préoccupé pour leur salut, se proposa d'étudier la
langue allemande. Il se munit donc d'une grammaire et de
quelque autre livre, trouva un bon professeur et pendant plus
d'un mois s'adonna autant qu'il le put à cette étude. Entre-temps
il écrivit un formulaire des demandes les plus nécessaires
qu'un confesseur avait à faire à cette catégorie de pénitents,
des réponses que selon ce qu'il présumait ils pourraient don-
ner, des courtes exhortations pour exciter la contrition, et il se
les fit traduire et expliquer par le professeur. Après avoir pris
seize leçons, qu'il paya vingt lires, somme non petite pour sa
bourse bien mince, il se mit à confesser en allemand et fut
heureux de constater qu'avec I'aide du Seigneur il y réussissait
assez bien. Quand on sut que D. Bosco confessait dans cette
langue, et la voix courut rapidement de I'un à I'autre, ces bons
allemands accoururent pleins de bonne volonté et lui four-
nirent I'occasion de travailler énormément au tribunal de la
pénitence. Ils s'empressèrent également de le conduire à l'hôpi-
tal, lui firent un accueil de fête leurs compatriotes mala-
des : parmi ces derniers quelques-uns moururent consolés par
son assistance. Cette affluence à son confessionnal dura environ
trois ans, jusqu'au moment où, des inimitiés entre le Piémont
et I'Autriche ayant surgi, les allemands se retirèrent dans leur
pays.
Aussi longtemps que ce fut nécessaire D. Bosco continua,
mais seulement dans le but qutil s'êtait proposé, l'étude de I'allemand
en développant ses formulaires d'interrogations et de réponses, et en-
suite il cessa de cultiver une langue devenue alors pour lui inutile ; de
sorte que plus tard il se souvenait seulement d'un certain nombre de

30.3 Page 293

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279
mots et de phrases. Un soir de 1876 il racontait à ses jeunes, entre
: autres choses - Dans les premiers temps de I'Oratoire j'étudiai
quelque peu la langue allemande, mais celle-là, comme toutes les au-
tres langues étrangères, si on ne continue pas à la cultiver, à la longue
on l'oublie tout à fait. J'ai essayé, il y a quelques années, de la parler à
Rome au Collège Irlandais avec trois Evêques allemands : mais moi
je me trompais, c'est pourquoi ils ne me comprenaient pas ; et eux les
Evêques parlaient à toute vitesse et je ne saisissais rien. Nous fûmes
obligés de parler latin : alors, malgré les nombreuses incorrections de
notre expression, nous nous comprenions néanmoins. Si on utilise le
latin pour des travaux d'études scientifiques, on arrive facilement à
bien le parler. car on s'en sert constamment ; mais, dans la conversa-
tion en famille, si quelqu'un voulait parler en latin par ex. des usten-
siles nécessaires pour dresser la table, de choses de cuisine, des outils
des arts et des métiers, des objets qu'il y a dans les chambres, de nos
habitudes familiales, il le trouverait très difficile. Cependant il y eut
un brave prêtre qui écrivit en bon latin un traité De grillis capiendis...
[De la chasse aux grillons = chercher des choses qui n,ont pas d'importance].
Ces mots déclenchèrent une vive hilarité parmi les jeunes, mais lu- i,
: ayant laissé finir les rires, reprenait
D'ailleurs, parlant sérieuse-
- ment, je vous dirai de ne pas négliger l'étude des langues si vous en
sont données I'occasion et la possibilité. Chaque langue apprise
fait tomber une barrière entre nous et des millions et des millions
de nos frères d'autres nations, et nous rend capables de faire du bien à
quelques-uns et parfois même à un grand nombre d'entre eux. J'ai
confessé bien des personnes en langue latine ou en langue française.
Même la langue grecque vint parfois à mon secours me permettant à
I'hôpital cottolengo de comprendre I'accusation sacramentelle d'un
catholique de l'Orient. Oh, si nous pouvions avec notre charité é-
treindre le monde entier pour le conduire à I'Eglise et à Dieu !
Pendant ce temps-là les catéchismes de Carême avaient
été faits régulièrement tous les jours au Refuge : on préparait
ainsi les enfants et les jeunes gens à l'accomplissement du devoir

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280
pascal et aux premières communions. Mais, comme leur nombre
croissait démesurément et que manquaient les locaux, D. Bosco
et le Théol. Borel songèrent à chercher un bâtiment dans lequel
on pourrait envoyer quelques classes avec les catéchistes respectifs.
Au nord du Refuge, très proche, sur la rive droite de la Doire,
il y avait l'Eglise du Cénotaphe de Jésus-Crucifié avec un atrium
et une belle cour. Ce lieu sacré était communément appelé ci-
metière St-Pierre-aux-Liens, parce qu'on y enterrait les morts
avant la construction du nouveau cimetière général, et qu'on y
voyaient les tombes d'illustres et nobles familles. Il semble que
le Théologien Borel avec la simple autorisation du Curé de
St-Simon-et-St-Jude, et avec la tolérance du Chapelain, y ait
conduit un bon nombre de jeunes, auxquels il continua I'instruc-
tion catéchétique jusqu'au début de la Semaine Sainte. Les Caté-
chistes s'y trouvèrent bien et ils formèrent et firent connaître des
projets pour I'avenir. Mais cette Eglise étant propriété de la
Commune, il y eut un malveillant qui informa de ces projets la
Ragioneria [voir * p.285]. En ce temps-là la Ragioneria êtait un
peu plus que ce qu'on appelle à présent le Conseil Municipal.
Elle résultait d'un choix opéré parmi les principaux Conseillers
municipaux entre les mains desquels étaient concentrés tous les
pouvoirs de I'administration civile. . Appelé le Maître de Raison
[voir * p. 285], étant premier décurion [voir * p. 285] et aussi Préfet
[voir * p. 285] de ville, le Chef de la Ragioneria était supérieur aux
Syndics [voir t p.285] ; et ce Préfet était le Marquis de Cavour.
En Mairie on reçut la dénonciation et, en effet, dans
les archives Municipales, existe la délibération suivante avec la
date du jour
parler de la
dfoermPaâtqiounes.a-ux
" 23
idées
Mars 1845. Ayant entendu
nouvelles donnée dans les
réunions des soi-disant catéchistes à la Chapelle du Cimetière
St-Pierre-aux-Liens, la Ragioneria a décidé que dorénavant I'en-
trée à ladite Chapelle serait interdite pour un usage de ce
genre : en cas de nêcessité, Messieurs les Syndics sont priés

30.5 Page 295

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28t
d'inciter I'autorité du Préfet [= les services de police] à empêcher les
catéchistes d'effectuer les nombreuses réunions qu'ils voudraient
y faire ".
C'êtait le début des tribulations qui mettraient à dure é-
preuve la constance de D. Bosco dans son entreprise. Lui, pour-
tant, il ne craignait rien car il avait la certitude de sa voca-
tion.
Pour le moment, fier d'être membre du royaume de Jésus
Christ, tourné vers Rome, vers le centre de l,unité, il s,inclinait
devant la primauté non seulement d'honneur, mais aussi de plei-
ne juridiction du Pontife Romain sur I'Eglise tout entière. Dans
ces sentiments, il faisait présenter à S[a] S[ainteté] Grégoire XVI
une supplique pour des faveurs spirituelles, extensibles en par-
tie à cinquante des principaux collaborateurs ou Coopérateurs et
Coopératrices, qui avec un zèle particulier s'appliqueraient au
profit spirituel et temporel de ses jeunes gens. Voici la teneur
de la supplique et le Rescrit favorable.
Très Satnt Père,
Le Prêtre Jean Bosco de Castelnuovo d'Asti, du Diocèse de Tu-
rin en Piémont, approuvé pour écouter les confessions des fidèles,
humblement prosterné aux pieds de Votre Sainteté implore chau-
dement:
I. L'indult de I'Autel Privilégié deux fois en n'importe quelle se-
maine ; n'ayant pas déjà obtenu une semblable faveur;
II. La faculté de célébrer le Sacrifice de la Messe une heure a-
vant l'aurore ou une heure après midi, s'il se présente une cause
juste et raisonnable, et en ne recevant, en ce qui concerne cet indult,
absolument rien en plus des honoraires ordinaires habituels ;
III. L'Indulgence Plénière à l'article de la mort que pourront ga-
gner le Suppliant, ses parents, consanguins et par alliance, jusqu'au

30.6 Page 296

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282
troisième degré inclusivement, et cinquante autres personnes, dont
le choix est laissé au jugement du Suppliant.
Que Dieu etc.
A S. S. LE PAPE GREGOIRE XVI
- De l'audience de Sa Sainteté Le 18 Avril 1845
Sa Sainteté a renvoyé la demande au jugementde I'Ordinaire,a-
vec les facultés nécessaires et utiles pour donner la permission, afin
que le Suppliant, s'il se présente un motif juste et raisonnable, puisse
célébrer le Sacrifice de la Messe une heure avant laurore, ou une
heure après midi, pourvu qu'en ce qui concerne cet indult il ne
reçoive rien en plus des honoraires habituels. Nonobstant n'impor-
te quelle disposition contraire. Pour le reste Elle a donné son con-
sentement à titre de faveur, selon ce qui est demandé, toutefois
dans la forme habituelle de l'Eglise, et prescrite par le Siège Apos-
tolique.
Pour le Card. A. DEL DRAGO
L. AVERARDI Substitut.
C'est avec un profond respect et une vive joie que D. Bos-
co reçut un Rescrit qui lui permettait de têmoigner sa gratitude
à ceux qui lui venaient en aide. Sans doute la première à profiter de
cette indulgence fut Madame Herminie-Agnès de la très noble fa-
mille Provana del Sabbione, épouse du Comte Charles-Albert Cays,
dès lors ami de D. Bosco, et admirateur de ses vertus. D. Bosco
s'empressait d'apprendre au Comte et à la Comtesse qu'il voulait leur
faire partager I'insigne faveur accordée par le Pape et, lui ayant
fait un accueil de grande fête, ces Nobles insistèrent pour qu'il res-
tât déjeuner avec eux. Mais comme il n'était pas encore I'heure de
se mettre à table, il fut conduit dans une pièce élégante où il pourrait

30.7 Page 297

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283
librement s'occuper de ses dossiers, qu'il emportait toujours avec lui.
Et c'est ici que se produisit un petit fait qui nous fut raconté par le
Comte lui-même : " Rentré à I'improviste dans la salle se trouvait
D. Bosco, disairil, je le surpris, tout courbé qui s'avançait vers la
fenêtre : - Que faites-vous D. Bosco ? lui demandai-je. - I me
répondit : Je suis en train d'enlever le tapis placé devant cette chaise ;
il n'est pas fait pour un pauvre diable de mon espèce. Et cela il le dit
avec tant d'ingénuité et de vérité dans I'expression que je restai hau-
tement émerveillé à voir comme D. Bosco avait une modeste opinion
de lui-même". La Comtesse avait donc reçu avec reconnaissance
le Rescrit papal qui, quelques mois plus tard, devait lui apporter un
grand réconfort lors de sa dernière maladie. Le.Comte Cays remettait
à D. Bosco le billet des demières pâques faites par sa noble épouse à
la paroisse Ste-Thérèse et D. Bosco le conserva dans ses dossiers per-
sonnels. Ce billet porte imprimés les mots suivants : 1845. Magister
adest et vocat te (Jn 11,28) [Le Maître est er il t'appetle]. C'était notre
Seigneur Jésus C[trristJ qui appelait à lui Marie de Magdala [sic] une
de ses premières coopératrices. Heureux présage pour une dame qui
traitait avec beaucoup de charité D. Bosco et les pauvres.
Peu après, D. Bosco faisait demander à Rome [une Indul-
gence], [qui serait] également au profit spirituel de ses jeunes gens ;
c'était son désir de leur rendre plus fructueux la récitation ou le
chant des Litanies en I'honneur de Ia Bienheureuse Vierge [Marie].
Il en recevait la déclaration suivante.
DECLARATION
Cette Indulgence de deux cents jours accordée, dans l'heureux sou-
venir de Sixte V et de Benoît XI[, à tous les fidèles Chrétiens,
tant de l'un que de l'autre sexe, à chaque fois qu'avec un cæur
au moins contrit et avec dévotion ils récitent les Litanies de la
Bienheureuse Vierge Marie, Pie VII, de sainte mémoire, non seu-
lement la maintint, mais de plus il l'étendit à trois cents jours.

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284
En outre, aux mêmes fidèles Chrétiens, qui auront chaque jour récité
les Litanies susdites, il a dans sa bonté largement accordé I'Indul-
gence même plénière, qu'ils peuvent gagner dans les cinq Fêtes d'O-
bligation de la même B[ienheureuse] V[ieree] M[arie], c'est-à-dire de la
Conception, de la Nativité, de I'Annonciation, de la Purification et de
I'Assomption, pourvu que, vraiment repentants et s'étant confessés, ils
aient reçu le Sacrement de I'Eucharistie, ainsi que dévotement visité
une Eglise, ou un Oratoire public, et que pendant un espace de
temps ils aient fait monter vers Dieu de pieuses prières [selon les
intenrions habituelles]. Enfin Sa Sainteté voulut que ces Indulgences
soient également applicables en faveur des fidèles défunts et valables
à peryétuité.
En foi de quoi etc.
Donné à Rome par le Secrétariat de la S[acrée] Congrég[ation] des Indulgences,
le 28 Mai 1845.
A. Archevêque PRIMIVALLI Substitut
Avec ces deux suppliques c'était la première fois que
D. Bosco s'adressait aux Sacrées Congrégations ; interrogé par un
de ses élèves sur le motif qui I'avait déterminé à effectuer ces
demandes, il
ces qui me
répondait :
tenaient à
- Ce
cæur,
n'étaient pas
mais surtout
seulement les indulgen-
je désirais ardemment
commencer à me mettre en relation directe avec le Saint-Siège
de Rome, je me réjouissais à la pensée que mon pauvre nom
serait mis sous les yeux de [celui qui était] successeur de St Pierre
et héritier de ses pouvoirs Divins, je voulais m'approcher de Lui
paaffer cletiosne,ual jmouotyeeronnqs-uniouaslo,rsnems'atalaint gaucicreonrdt éja. m- aisCedtatensfosionetccæeuttre.
Même avant la définition de I'infaillibilité du Pape, il la croyait déjà
fermement et la défendait. Il vénérait tous ses actes, toutes ses
dispositions, tous ses enseignements, même lorsqu'il ne parlait pas

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285
ex cathedra; il répétait fréquemment qu'on doit toujours considérer sa
parole comme un commandement patemel et il exhortait ses jeunes à
lui être obéissants et à se méfier sans cesse de celui qui viendrait leur
parler de n'importe quelle manière contre le Vicaire de Jésus Christ.
Durant quarante années de sa vie, I'Autorité Pontificale Romaine en la
personne de deux Papes eut à passer par bien des épreuves et des
tribulations, et il s'employa toujours à les conjurer ou au moins à les
adoucir autant qu'il le pouvait, voire au risque de s'attirer toutes les
vexations des adversaires. Et il se soumit à de lourdes humiliations
pour seconder les vues et les désirs du Pape. Mais de cela [viendront]
les preuves au moment voulu.
* . Ragioneria = Service d'Administration et surtout de Comptabilité.
. Maître de Ragioneria ou de Ragione = Maître de Raison, de Droit, de Justice.
. " décurion " était le nom donné à un conseiller municipal.
. Vicaire ou Préfet de ville = Chef des pouvoirs de justice, d'administration et de
police, au niveau de la ville, et même de I'Etat ; bref, responsable de I'Ordre
public.
. Syndics = les deux Présidents du Conseil Municipal.

30.10 Page 300

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286
CHAPITRE XXX
LAdla''naOinaprlooa-pgtolieeiUrxeieneneà-trleeStLtct-reePesriteadjnei'naeusc-nacefuuasxsi-atdLsteiieodnnl'esO--lraaDtvoLeiiareuexgdroeemujeavStlehétresnPuadrhneeituleipsSepdts-euPaiNetCtraéhrqearuipe-ees-t
cnceeollcesoondisetennDot .mpBamsoésàccohcae-ptteelOadnienmfdaaeintdedSet--sPdieLéramrefa-êartcuehxed-sLeipeSnotsuLr-oquuisLe. aDM. aBiorsie-
Rien ne pouvait détourner D. Bosco de la pensée conti-
nuelle de I'Oratoire. Dans sa prudence il anticipait sur le jour il
devrait se retirer des locaux du Petit Hospice ; et dans la crainte que
Ies jeunes ne finissent à l'abandon, laissés à eux-mêmes, ne fût-ce que
pour un court moment, il commença à rechercher çà et un endroit
séjouner avec plus de commodité et de stabilité. En effet, à
plusieurs reprises la Marquise Barolo se montrait ennuyée de trouver
sans cesse cette maison encombrée d'enfants, qui parfois avec leurs
voix causaient du dérangement aux institutions voisines. Egalement
quelques fleurs, arrachées par les insouciants sur un rosier qui ornait
I'allée d'entrée, avaient donné l'occasion de quelque mauvaise humeur
et la Marquise en avait fait des remontrances à D. Bosco.
C'est pourquoi, sorti un matin du Refuge, il allait au
hasard tout entier plongé dans ses méditations ; il se trouva devant

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31.1 Page 301

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287
I'Eglise St-Pierre-aux-Liens. lui vint l'inspiration de se présenter
au chapelain, un certain D. Tesio Joseph, ancien capucin, et de
le supplier de bien vouloir lui permettre de rassembler pendant
quelque temps ses jeunes gens en ce lieu. D. Tesio ne laissa
même pas D. Bosco finir de lui présenter sa demande, et lui
fnRaeaissgai;onntceferêilataenmi'al velauifitedsriaatn:ste-dlleoumVteeennpteazps,laévitesénirceo!zmD-m. uBnLoiqsaucéodeéaacvuiesciCovhnoaspdeejleauilna-
et aux catéchistes, puisque déjà ces demiers avaient abandonné
St-Pierre, après que leurs élèves eurent fait leurs pâques. D. Bos-
co voulait tenter une expérience et la Marquise Barolo approuva
un projet qui favorisait ses intentions.
Le Dimanche 25 mai, ayant accompli les cérémonies du
matin au Petit Hospice, D. Bosco conduisait, après le repas de midi,
les ieunes à St-Pierre. D. Tesio n'était pas chez lui. La longue galerie,
la cour spacieuse et I'Eglise qui convenait bien pour les cérémonies
sacrées excitèrent chez les jeunes le plus vif enthousiasme, et les
rendirent comme fous de joie.
Mais hélas ! ils avaient à peine commencé à la goûter
que déjà elle se changeait pour eux en grande amertume. Auprès
de ces tombes se trouvait un terrible adversaire. Ce n'était pas
l'un des morts qui reposaient un peu plus loin ; c'était un être vi-
vant ; c'était la vieille gouvemante du Chapelain. Dès que celle-ci
commença à entendre les chants, les voix, et surtout les piaille-
ments des jeunes, elle sortit de la maison comme une furie, et la
coiffe de travers, les mains sur les hanches elle se mit à les a-
postropher avec l'éloquence pleine de délicatesse dont est maîtres-
se la langue d'une femme devenue mauvaise comme une vipère.
Et la rage s'accrut lorsqu'elle vit quelques-uns commen-
cer à jouer à la balle puis I'une de ses poules, accroupie dans
une corbeille, s'envoler épouvantée par un gamin et l'æuf tomber

31.2 Page 302

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288
par terre et se casser. De concert avec elle, invectivait aussi unejeune
fille, aboyait le chien, miaulait le chat et fredonnaient les poules ; on
aurait dit imminente une guerre européenne.
S'êtant aperçu de cela, D. Bosco s'approcha de la domes-
tique pour l'apaiser, lui faisant remarquer que les garçons n'avaient
aucune mauvaise intention ; qu'ils s'amusaient seulement, et ne com-
mettaient aucun péché, qu'on pouvait supporter en toute tranquillité
un petit préjudice et facilement le réparer ; mais c'était parler à un
sourd, car il n'y a pas pire colère que celle de la femme (1). Loin de
pouvoir la calmer, le pauvre D. Bosco l'entendit déverser sur lui une
flopée d'injures et de vilenies. Hurlant comme une maniaque et
serrant les poings, elle criait s'adressant tantôt aux jeunes tantôt
à D.
d'ici,
Bjeosscaour:ai-bienS,i
D. Tesio ne vous renvoie pas immédiatement
moi, comment faire... Et vous, vous, D. Bosco,
au lieu de diriger avec rigueur ces galopins, ces ânes, pertubateurs,
désæuvrés, vauriens, c'est de cette belle façon que vous les éduquez ?
Dimanche prochain gardez-vous bien de mettre les pieds ici, car
autrement il y aura un malheur !...
M.ais charitas non aemulatur, la charité n'est pas [en-
vieuse], rancunière (2) et D. Bosco pour couper court à l'écæurante
diatribe donna tout de suite l'ordre d'arrêter la récrêation ; ensuite,
s'adressant à la femme, il
dame ! vous-même, vous
nluitedsispaaitscaslûmreemdenttr:e-iciMdaimabnocnhnee
prochain ; est-ce donc le moment de faire tant de bruit pour
nous dire que, dêsormais de façon absolue, en aucun autre
dimanche vous ne nous laisserez
dirigea vers l'Eglise, entouré des
jveeunnierse,npcaermlieiule?sq-uelPs usies
il se
trou-
vaient les frères Melanotti et Brzzetti qui gardèrent en mémoire
(1) Si zS,tS [D'après la Vutgate].
(2) r co rz,t.

31.3 Page 303

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289
les événements de cette joumée et, des années plus tard, ils les
racontaient à D. César Chiala, qui en écrivit le récit.
Quelques-uns de ces jeunes dirent alors à
Ce qu'elle est mauvaise cette personne qui crie de la
l'excusa en disant qu'il fallait compatir parce que la
D. Bosco :
sorte ! -
-Il
pauvre femme
n'était pas en bonne santé ; puis il ajoutait en s'adressant à certains
autres qui lui faisaient remarquer qu'il n'était plus convenable de faire
- la récréation auprès de cette église : Soyez tranquilles que diman-
che prochain cette femme ne criera plus sur vous.
Tous rentrèrent dans l'église ; D. Bosco fit faire un peu de
catéchisme et réciter le Chapelet. Ensuite il les renvoya, et eux se
dirigèrent vers leur maison, sûrs de pouvoir revenir en cet endroit le
dimanche suivant et d'y retrouver une plus grande tranquillité. Mais
ils se trompaient, car ce fut la première et la dernière fois qu'il leur fut
donné de se rassembler tous ensemble en ce lieu. En attendant, tandis
que D. Bosco sortait de l'atrium de l'église, I'acariâtre domestique
continuait à grommeler et à lancer des menaces : faisaient chorus avec
elle quelques femmes dépravées accourues au bruit. Un jeune, plein
de jugement, un certain Melanotti de Lanzo, qui à ce moment-là
s'était approché de D. Bosco, nous racontait que, sans se troubler,
sans se mettre en colère, s'adressant à lui et poussant des soupirs,
le saint prêtre lui dit à voix basse :
Pauvre femme ! elle nous
enjoint de ne plus mettre les pieds ici, et elle-même, dimanche
prochain, sera déjà dans la tombe !
Pendant ce temps-là, D. Tesio rentrait dans sa maison, si-
luée derrière le chæur de l'église, et la domestique allait à sa ren-
contre en lui décrivant D. Bosco et ses jeunes comme autant de
révolutionnaires, de profanateurs des lieux saints et tous fine fleur de
la canaille. Bien qu'il connût le caractère de sa Perpêtue [voir * p.2951,
irascible et susceptible pour des choses de rien, néanmoins, par
les méchantes instigations, le Chapelain se laissa dresser contre

31.4 Page 304

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290
l'Oratoire. Puis il sortit de l'enclos ; ayant vu D. Bosco qui au fond de
la petite place s'entretenait avec les demiers jeunes qui étaient restés,
il le rejoignit et
vous ne viendrez
lui dit d'une voix altérée
plus ici pour semer une
:te-lle
Un autre dimanche
pagaille et nous dé-
ranger tous : je ferai, moi, les démarches nécessaires ; oh, pour un
! autre dimanche vous ne viendrez plus ici, oh, non
Et D. Bosco,
- pendant que [te Chapelain] était en train de s'éloigner, lui répondit :
- Et pauvre de Vous, vous ne savez même pas si un autre dimanche
vous serez encore en vie !
Melanotti, cité plus haut : il
-eut
De ces paroles fut aussi
à admirer la tranquillité,
témoin
dans le
sourire, de D. Bosco, pendant qu'il l'accompagnait au Refuge.
Le soir, la domestique ne quitta pas D. Tesio d'une semelle
et lui repéta tant de choses contre I'Oratoire qu'elle le poussa à écrire
sur-le-champ à la Mairie. Sous la dictée de la femme en furie, il écri-
vit de sa main une lettre pleine d'acrimonie, dépeignant les jeunes de
D. Bosco avec les plus noires couleurs, affirmant entre autres choses
qu'ils avaient même écrit des épithètes injurieuses sur les pierres tom-
bales, et il qualifiait cette réunion d'acte d'intrusion et d'insoumission.
C'est à regret qu'on le dit ; mais ce fut la dernière lettre écrite par le
pauvre Chapelain. Le lundi il la cacheta et, ayant appelé la domesti-
que, il lui ordonna : -
Ce furent ses ultimes
Faites porter cette lettre
paroles. Quelques heures
à l'Hôtel
après le
de ville.
moment
-
du
départ du messager, D. Tesio était frappé d'une attaque d'apoplexie, et
il mourait le 28 mai, à minuit trente, à I'âge de 68 ans, muni cependant
des Sacrements.
La lettre de D. Tesio avait entre-temps produit une telle
impression sur les Syndics de la ville que fut immédiatement lancé un
mandat d'arrêt contre D. Bosco, au cas avec ses jeunes il retour-
nerait là-bas.
Mais à St-Pierre 'était à peine fermée une tombe que déjà
s'en ouvrait une autre. Frappée du même sort que son maître, la gou-

31.5 Page 305

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291.
vernante le suivait deux jours plus tard ; si bien qu'avant la fin de la
semaine ces deux adversaires de l'Oratoire avaient déjà disparu de la
scène de ce monde. Il est plus facile d'imaginer que de décrire l'épou-
vante que ces deux attaques d'apoplexie suscitèrent chez tous les habi-
tants de ce faubourg. Il était impossible de ne pas y voir la main de
Dieu ; et les jeunes gens en furent si intimement persuadés qu'au lieu
de s'en séparer, ils se mirent de plus en plus à aimer D. Bosco et I'Ora-
toire, en promettant de ne jamais les abandonner. C'était êgalement la
conviction du Théologien Borel. Un jour, il était à table avec D. Bos-
co, D. Bosio et son adjoint D. Pacchiotti. Pendant ce temps-là, on
faisait la lecture de la vie de St Philippe Néri et précisément des pages
qui racontaient comment tous ceux qui persécutaient le saint Apôtre
de Rome mouraient dans un bref délai. Le Théologien fit aussitôt ob-
server que cela se rêalisait également pour D. Bosco et qu'en consé-
quence il fallait lui prêter secours en toute occasion, même dans les
plus lourdes épreuves, avec la certitude de seconder l'æuvre de la
Providence.
Le dimanche suivant, 31 mai [sic : voir * p.295], à la porte
de cette église était affiché un Décret municipal qui interdisait tout
rassemblement sous le porche et dans I'atrium. Une grande partie des
jeunes n'ayant reçu aucun avis préalable, une multitude d'entre eux se
rendit à St-Pierre. Là, à leur grande sulprise, ils trouvèrent tout fer-
et furent refoulés par les gardes postés aux alentours : remplis de
frayeur, ils coururent au Refuge ; ils furent très joyeusement accueillis
par D. Bosco, et l'on reprit matin et soir les cérémonies habituelles.
En tout cas, pensant qu'avec la mort de D. Tesio s'étaient
éteintes toutes les oppositions, D. Cafasso s'employa à faire
procurer par la Mairie à D. Bosco lui-même I'emploi de Cha-
pelain à St-Piene-aux-Liens ; les vastes locaux de I'habitation
attenante convenaient bien aux rassemblements des dimanches
et des jours de fête, et D. Bosco pourrait y profiter d'une situa-
tion de plus grande indêpendance. Dans ce but il écrivit une lettre

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292
à la Comtesse Bosco di Ruffino, épouse de I'un des Syndics.
" IllfustrissiJme Mfadalme la Comtesse,
" Un certain prêtre du nom de Bosco Jean, ancien élève de ce Con-
vitto, est actuellement Chapelain à l'(Euvre du Refuge de M[ada]me la
Marquise Barolo ; en ce lieu il a commencé une æuvre pour la grande
gloire de Dieu, qui consiste à rassembler, Ies dimanches et les jours
de fête, une quantité de garçons laissés à I'abandon, pour les instruire
et les tenir éloignés des dangers : ne pouvant plus dans ce lieu con-
tinuer une si belle æuvre en raison de l'étroitesse du local, il est sur le
point de demander, de concert avec Madame la Marquise dont j'ai
parlé plus haut, à être nommé Chapelain de St-Pierre-aux-Liens, [au
faubourg] de la Doire, pour tirer profit de ce lo'cal [= l'église SrPierre]
pour une æuvre si intéressante. Cette affaire étant celle de la plus
grande gloire de Dieu, je me hasarde à la recommander à la bonté de
V[otre] Ill[ustrissi]me S[eigneurie], au cas dans sa prudence Elle
serait d'avis d'en parler à I'Il[ustrissi]me M[onsieur] le Comte. Par-
donnez la liberté que je prends ; tandis que j'ai I'honneur de pouvoir
me dire avec I'expression de mes sentiments les plus distingués
D[e] V[otre] Illlustrissi]me S[eigneurie]
Turin' au convitto' 29 mai 1845'
Tres dévoué serviteur
CAFASSO JOSEPH. Prêtre ".
Malgré les recommandations, celles-là et d'autres, il ne
réussit pas dans cette action entreprise, parce que de telles réunions
semblèrent ne pas convenir au calme [autour] des tombes, ou par crain-
te de dégâts pour les monuments du cimetière, ou plus réellement en
raison de l'aversion qui commençait chez quelques personnages du
monde officiel à se manifester contre l'Oratoire de D. Bosco. Toute-
fois D. Bosco ne se découragea pas, et quelque temps plus tard
parvint à la Ragioneria la supplique suivante :

31.7 Page 307

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293
" Excellences et lllustrissimes Messieurs,
" Les Prêtres Théol. Jean Borel, D. Sébastien Pacchiotti et D. Jean
Bosco employés à la Direction Spirituelle de la Pieuse (Euvre de
Marie Refuge des pécheurs ; et également aussi Directeurs de par l'au-
torité de Mgr I'Archevêque d'une société de garçons, qui se rêunis-
sent chaque dimanche dans un Oratoire, [placé] sous la protection de
St François de Sales et ouvert dans la maison ils habitent, pour
apprendre le catéchisme, assister à la Messe, fréquenter les Sacre-
ments, et parfois recevoir la bénédiction du Saint Sacrement :
" Les jeunes gens se rassemblant en une foule nombreuse qui lors
des dernières fêtes atteignit même les 200 et en vue de la saison d'été,
ils reconnaissent la nécessité de s'établir dans un Oratoire plus grand
que I'actuel pour ne pas avoir à renoncer à cette æuvre dont on a
reconnu les grands bienfaits pour la jeunesse ; par ailleurs ils estiment
qu'à plusieurs égards I'Oratoire du Cimetière St-Pierre-aux-Liens
est très approprié aux exercices de piété que I'on pratique dans
leur Oratoire ; encouragés par Ie fait que cette æuvre est par nature
à même d'obtenir l'agrément de Lleurs] Illustrissimes E[xcellentes]
S[eigneuries] si remplies d'attentions de toutes sortes pour promouvoir
en cette ville le bien commun civil et moral :
" Ils osent respectueusement les supplier de bien vouloir daigner
leur accorder la permission de se rendre à I'Eglise du Cimetière susdit
pour accomplir les pratiques susmentionnées, au profit de la jeunesse,
comme cela leur paraîtra plus utile et selon les conditions que L[eurs]
lll [ustrissi]mes E[xcellentes] S [eigneuries] daigneront prescrire ".
La Ragioneria n'exauçait pas cette requête ainsi qu'il ap-
pert d'un procès-verbal des séances en date du 3 juillet 1845.
" Le P[roposant ; voir * p. 295] Maître de Ragioneria présente la re-
quête des Prêtres Borel, Pacchiotti et Bosco par laquelle ils deman-
dent de pouvoir se servir de l'église du Cimetière St-Pierre-aux-Liens,

31.8 Page 308

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294
pour enseigner le catéchisme aux nombreux jeunes gens qui actuel-
lement se rassemblent dans la petite chapelle de l'(Euvre du Refuge.
" Considérant que, dans une séance précédente, une demande sem-
blable fut refusée en considération du fait qu'il ne parut pas conve-
nable que l'église servant au cimetière fût affectée à un autre usage,
en dehors de celui pour lequel elle fut érigée, la Ragioneria décide,
à la majorité des voix, qu'on ne peut recevoir la demande pré-
sentée.
(Ragioneria N.22,3 juillet 1845).
Signé : BOSCO DI RUFFINO, Syndic ;
D. POLLONE, M. de Ragioneia;
CESAR SALUZZO ;
VICTOR COLLI ".
Après avoir reçu cette réponse négative, D. Bosco se ré-
signa aux dispositions de la Providence, puisque c'était d'elle seule
qu'il espérait avec certitude I'aide que les hommes lui refusaient. Il
trouva un grand réconfort à monter à Sant'Ignazio pour la retraite
spirituelle, obtenant pour lui-même du Seigneur les grâces nécessai-
res et reconduisant à sa Divine Majesté par le sacrement de la
pénitence plus d'un fils qui avait abandonné la maison pa-
temelle. Dans le même temps, ainsi que le mentionne le Théolo-
gien Borel dans un de ses mémoires, lui causait une douce joie
le souvenir d'une belle fête célébrée avec de très nombreuses
communions dans sa petite chapelle quelques jours auparavant.
Au Convitto St-François, la fête de St Louis ne permettait pas
une grande pompe, donnant lieu à une bruyante expansion de
sentiments, en raison des personnes de la ville qui toute la
journée affluaient dans cette église. Au Refuge, au contraire,
D. Bosco dans sa chapelle était comme le patron, et matin et
soir il avait pu maintenir les jeunes au meilleur niveau comme
il l'avait désiré dans sa dévotion. Depuis ce jour, chaque année,

31.9 Page 309

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295
il solennisa cette chère fête avec une splendeur sans cesse croissante,
car il s'en servait d'une manière efficace pour inculquer à ses jeunes
gens I'amour pour la sainte Pureté. On ne pourrait décrire de façon
adéquate tout le mal qu'il se donnait pour bien les prêparer à honorer
St Louis. Si on célèbre encore cette fête non seulement à I'Oratoire de
Turin, mais bien aussi dans toutes les autres Maisons salésiennes et
avec tant d'émotion vive, cela est à l'ardeur qu'il y mit dès le début
et qu'il voulut voir demeurer traditionnelle chez tous ses fils spiri-
tuels.
* . A propos de Perpétue [p.289]: c'est le prénom de la gouvemante du curé
" dans le roman " I Promessi Sposi [" Les Fiancés "] de Manzoni.
. A propos du 31 mai [p.29ll: Le23 mars, jour de Pâques, est un dimanche
; ; [voir p. 280] le 25 mai est donc un dimanche [voir p. 287] et le ,, dimanche
suivant " ne peut être que le ler juin (et non le 31 mai).
. A propos du terme de " Proposant " [p.293): il veut exprimer t,initiale p. du
texte italien ; P[roponente] = " Celui qui a la charge de proposer les questions,
de présenter les demandes à I'Assemblée ".

31.10 Page 310

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296
CHAPITRE XXXI
Occupations de D. Bosco dans les Institutions du Refuge
Marquise Barolo ordonne que le:s jeunes libèrent les
- La
locaux
prévus
fants ;
pour le Petit Hospice
la mystéieuse Dame ;
-un
Un
pré
autre rêve : multitude d' en-
; trois églises à Valdocco ;
le lieu du martyre des Saints Adventeur et Octave ; la fondation
dm'uarntyereSodcesSadinetsreSligoliuetuexure, nAdavideenteàuDr e. tBOoscctaove-
Narration du
publiée par le
Chan. Laurent Gastaldi.
Sept mois s'étaient désormais écoulés depuis la fixation de
I'Oratoire au Petit Hospice. Le nombre des jeunes qui le fréquentaient
s'était accru ; ils étaient tombés amoureux de lui comme d'un paradis
et espéraient qu'il durerait encore pendant beaucoup de temps en ce
même endroit. Et puis les murs du vaste et nouveau local destiné aux
; petites malades s'asséchaient très lentement on jugeait donc qu'il ne
serait pas de si tôt susceptible d'être habité.
La Marquise était très satisfaite de D. Bosco qu'elle voyait
continuellement prendre beaucoup de soin de ses protégées. Pen-
dant la semaine il aidait le Théologien Borel dans la direction
[spirituelle] des sæurs et dans celle des filles sorties d'une vie de
perdition: il faisait classe de chant à un chæur formé cbez
ces dernières ; il donnait régulièrement des cours d'arithmétique à

32 Pages 311-320

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32.1 Page 311

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297
quelques-unes des religieuses qui se préparaient à être enseignantes ;
il confessait, il prêchait et tenait des conférences sur la vie et la
perfection monastiques. Mgr Cagliero, qui plusieurs fois exerça le
ministère sacerdotal chez les Sæurs de St Joseph et chez les reli-
gieuses de Ste Marie-Madeleine, rapporte avoir entendu de leur part
qu'en D. Bosco elles avaient toujours rencontré des vertus ex-
traordinaires qui le distinguaient des autres prêtres, pourtant exem-
plaires et savants, et qu'en lui elles avaient toujours vénéré un saint.
Elles affirmaient également que si de pieuses personnes pouvaient
s'emparer de petits objets qui lui appartenaient, elles les gardaient
jalousement comme de précieuses reliques.
Toutefois au mois de juillet, voici que vient se rompre tout
brin d'espoir de rester plus longtemps au Refuge. Bien qu'elle vît d'un
bon æil toute æuvre de charité, néanmoins, comme approchait le
moment d'ouvrir son Petit Hospice, c'est-à-dire le 10 août 1845, la
Marquise Barolo voulait que I'Oratoire fût êloigné de là. On lui fit
respectueusement observer que le local réservé pour servir auxjeunes
de chapelle, de classe et de salle de récréation n'avait aucune commu-
nication avec l'intérieur de l'lnstitution ; que les persiennes étaient
fixes, les lattes tournées vers le haut ; qu'on tâcherait aussi de tout ac-
complir avec le moins de dérangement possible ; mais la bonne Dame
ne voulut pas se rendre : elle était la patronne et il fallut lui obéir.
Cependant D. Bosco était prêt à supporter n'importe quel
désagrément plutôt que d'abandonner ses jeunes gens, et il l'avait
ouvertement déclaré à la Marquise. Toutefois il êtait fortement préoc-
cupé, soucieux, car il ne savait pas les conduire. Il avait en tête de
chercher un endroit du côté de Portanuova, mais le Théologien Borel
essaya de le faire changer d'avis et il y réussit avec grande facilité, le
persuadant de rester dans la région de Valdocco.
Mais des rêves singuliers venaient réconforter D. Bosco, et
I'occupaient la nuit entière, ainsi qu'il le raconta pour la première et

32.2 Page 312

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298
la dernière fois, le 2 février 1875, seulement à D. Jules Barberis
et à celui qui écrit ces pages. En ces mystérieuses apparitions il
y avait un entrecroisement de tableaux rêpêtê, varié et nouveau,
mais toujours se reproduisaient les rêves précédents, et où éga-
lement en même temps apparaissaient d'autres aspects merveil-
leux qui convergeaient en un seul point : I'avenir de I'Oratoire.
Voici le récit de D. Bosco : " Il me sembla que je me trou-
vais dans une grande plaine remplie d'une quantité infinie de
jeunes gens. Quelques-uns se battaient, d'autres juraient. lci on
volait, on offensait les bonnes mæurs. On voyait ensuite à tra-
vers les airs une nuée de cailloux, lancés par ceux qui livraient
bataille. C'étaient des jeunes abandonnés par leurs parents et dé-
pravés. J'allais m'éloigner de là, lorsque je vis à côté de moi une
Dame qui me dit : - Avance-toi au milieu de ces jeunes et tra-
vaille.
" Je m'avançai, mais que faire ? Il n'y avait pas de local en re-
cueillir quelques-uns ; je voulais leur faire du bien : je m'adressais
à des personnes qui se tenaient au loin à observer et qui auraient
pu me soutenir valablement ; mais personne ne m'écoutait et per-
sonne ne m'aidait. Je me toumai alors vers cette noble Dame, qui
mtdeo-EernrlanldeMaininrtaé:topiùsd-oepniscodVsiiatevior:leilcr-natiis'ypseMoatmeuo.erqnn-ultef'siul,snlJopeecprtrcléleco,s;hmad-Amni-spte-ôjeneetrçt.teacseiolnlnàe'afevtmsraasieevananfttii,ltlpemavrsaodiuisrannjuepsnocuvpoecreyépa.driése
que, pour la plupart, tout effort s'avérait inutile, si I'on ne trou-
vait pas un lieu clôturé muni d'une construction servant à les
rassembler et à en recueillir quelques-uns tout à fait délaissés par
leurs parents, repoussés et méprisés par les autres citoyens. Alors
cette Dame me conduisit un peu plus loin vers le nord et me dit :
-coinObdseervceo!ur-
Et regardant je vis une église petite et basse, un
et des jeunes en grand nombre. Je repris mon
travail. Mais comme cette êglise était devenue étroite, je recourus

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299
encore à Elle, et Elle me fit voir une autre êglise beaucoup plus
grande ainsi qu'une maison voisine. Puis me conduisant, pour ap-
procher encore un peu plus, dans un bout de terrain cultivé,
presque devant la façade de la deuxième église, elle ajouta à
mon intention
Adventeur et
:O-ctavEenfucreenliteumaorùtyrliessésg,losruierulxesMmarotyttress
de Turin
de terre
sanctifiées à cause de leur sang dont elles furent baignées,
je
En
veux que Dieu
disant cela, elle
soit honoré
avançait un
d'une
pied
manière
pour le
tproèssesrpséuciralIe'em- -
placement se déroula le martyre et elle me l'indiqua a-
vec précision. Je voulais mettre un signe pour le retrouver
en revenant une autre fois dans ce champ, mais je ne trouvai
rien autour de moi ; pas de piquet, pas de caillou : néanmoins
je le fixai dans ma mêmoire avec précision. Il correspond exac-
tement, dans l'église Marie-Auxiliatrice, à l'angle intérieur de la
chapelle des Sts Martyrs, d'abord appelée Ste Anne, du côté de
l'évangile.
" Entre-temps je me vis entouré d'un nombre immense et sans ces-
se croissant de jeunes gens ; mais pendant que je regardais la
Dame, croissaient aussi les moyens et le local, et je vis ensuite
une très grande église précisément à I'endroit où, selon ce qu'elle
m'avait fait voir, advint le martyre des saints de la légion Thé-
baine ; de nombreux bâtiments étaient tout autour avec, au mi-
lieu, un beau monument.
" Tandis que tout cela se produisait, moi, toujours en rêve, j'avais
comme collaborateurs des prêtres et de jeunes abbés qui m'ai-
daient un peu et ensuite disparaissaient. Je cherchais, en me
donnant beaucoup de mal, à les attirer à moi, mais eux peu
après s'en allaient et me laissaient tout seul. Alors je m'a-
dressai de nouveau à la Dame, qui me dit
voir comment faire pour qu'ils ne t'échappent
:-
plus
Veux-tu sa-
? Prends ce
rduabnasns, aetmaattianclhee-plee-lteiturruabuanfrbolnatn.c-
et
Respectueusement je
je vois que dessus
prends
êtait ê-
crit ce mot Obéissance. Tout de suite j'essayai de faire ce que

32.4 Page 314

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300
m'avait dit la Dame, et je commençai à attacher le ruban à la tête de
quelques-uns de mes collaborateurs bénévoles, et je vis aussitôt un
grand et merveilleux effet : et cet effet s'intensifiait sans cesse tandis
que je continuais dans la mission qui m'avait été attribuée, car de tels
[collaborateurs] abandonnaient tout à fait I'idée de s'en aller ailleurs et
ils restaient pour m'aider. Ainsi fut constituée la Congrégation.
" Je vis encore beaucoup d'autres choses, qu'à prêsent il ne con-
vient pas de vous faire savoir (il faisait allusion, semble-t-il, à de
grands événements futurs) ; mais qu'il suffise de dire que depuis ce
moment-là je suivis toujours ma route en toute sécurité, que ce fut au
sujet des Oratoires ou de Ia Congrégation, ou encore pour la manière
de me comporter dans les rapports avec les personnes de I'extérieur
revêtues de quelque autorité que ce fût. Les grandes difficultés qui
doivent surgir sont toutes prévues, et je connais la façon de les
surmonter. Je vois très bien morceau par morceau tout ce qui devra
nous arriver, tout est clair et j'avance. Ce fut après avoir vu des
églises, des maisons, des cours, des jeunes gens, des jeunes abbés et
des prêtres qui m'aidaient, ainsi que la manière de faire progresser
le tout, que j'en parlais avec d'autres et que je racontais les choses
comme si elles étaient déjà réalisées. Et c'est pour cela que beaucoup
croyaient que je déraisonnais et je fus considéré comme fou ". C'est
donc de que tirèrent leur origine la foi inébranlable dans la bonne
réussite de sa mission, l'assurance qui semblait témérité pour affronter
toutes sortes d'obstacles, le fait de s'aventurer dans des entreprises
colossales, supérieures à des forces humaines pour néanmoins les
mener toutes à leur terme de la plus heureuse manière.
Quant au lieu que la Bienheureuse Vierge indiqua à
D. Bosco comme étant celui se déroula le martyre des Sts Ad-
venteur et Octave et d'où s'enfuyait St Soluteur, blessé d'un coup
de lance, pour mourir à Ivrea en confessant Jésus Christ, voi-
ci
lus
pjalumsaiasmrapcleonetexpr làicaqtiuoenl.quD'u. nBocsecroêvceonetitnueanc-ore'rmJsoinnsemvaonui--
fester l'opinion fondée que j'avais sur I'endroit précis du glorieux

32.5 Page 315

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301
événement. Je suggérai donc en 1865 au Chanoine Laurent Gastaldi
d'écrire et de publier un livre sur la vie des trois saints martyrs
Thébains et de faire des études, en puisant dans I'histoire, dans la tra-
dition et dans la topographie, [pour savoir] avec le plus d'approxima-
tion en quel endroit de la ville s'était déroulé le martyre en question.
Le savant Chanoine consentit ; il écrivit et édita les mémoires his-
toriques des trois confesseurs de la foi et, après une longue étude,
il conclut : on ignore l'endroit précis de leur martyre ; mais on
sait avec certitude qu'ils avaient trouvé un abri en dehors des portes
de la ville, auprès de la rivière Doire, et qu'ils furent découverts
et tués par les bourreaux à proximité de leur cachette : la vaste
portion qui s'étend depuis les murs de Turin en direction de la
Doire à I'ouest du faubourg de même nom, a été dans les temps
anciens appelée en latin vallis ou vallum occisorum, la vallée ou
le vallon des massacrés, et à présent Val d'occo à partir des
premières syllabes de ces mots ; et cela sans doute par allusion
aux martyrs qui y ont été massacrés ; il est d'autre part très certain
que cette portion de terrain a de toute évidence la bénédiction de
Dieu pour les merveilleuses institutions de charité et de piété qui
y ont êté créées, c'est également signe qu'elle a étê arrosée
du sang de ces valeureux chrétiens. L'auteur ajoutait encore que si
l'on consulte plus ou moins la topographie ancienne de la ville, [on
voit quel l'Oratoire St-François de Sales était érigé à proximité de cet
endroit béni ou, peut-être, le contenait à I'intérieur de ses murs ".
D. Bosco fut extrêmement heureux de cette réponse qui,
d'une certaine façon, confirmait tout ce qu'il avait appris dans le rêve,
et à l'égard de ces saints Maityrs il fit dès le début preuve d'une par-
ticulière dévotion. Chaque année, le jour de la St Maurice, unissant le
nom du commandant à la gloire de sa légion et des trois soldats qu'il
eut sous ses ordres, il voulut qu'on en célébrât la fête, le matin par un
grand nombre de Communions et le soir par les Vêpres solennelle-
ment chantées, par le panégyrique de ces héros de I'Eglise et par la
bénédiction du Saint Sacrement.

32.6 Page 316

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302
CHAPITRE XXXII
Luctihvn'Oeepsrdea-attiontisrdLeilesacstroacjuehnruassnpféederseléleDcaod.unuxBdoRuMsietcosfouuçgl-iàens-eLStesrLlàMepraperroemtpiuniièrqr-ueeasngtDeseéneaddrnernecsieelscrahrdéosicmuarxiéanantee--t
Messe.
Notre Orotoire en ses premiers instants peut, semble-t-il,
être comparé aux familles des anciens patriarches : de temps en
temps, comme elles, il pliait les tentes en un endroit pour s'en aller les
planter dans un autre. - Je me rappelle, racontait Buzzetti Joseph,
que parfois, faisant allusion à I'histoire du peuple Hébreu qui partait
de I'Egypte, s'avançait jusqu'au fin fond du désert et tour à tour
construisait ses campements en plusieurs stations, notre cher Don
Bosco nous encourageait à espérer que tôt ou tard à nous aussi Dieu
donnerait une Terre Promise, où fixer notre demeure.
En effet, D. Bosco était rempli de cette confiance. " Celui
qui craint le Seigneur n'a peur de rien, il ne tremble pas, car
Dieu est son espérance (1) ". I se rendit donc chez Mgr Franso-
ni et lui adressa de vives instances, afin que, grâce à sa recom-
mandation, la Mairie de Turin lui permît l'usage de l'église
SrMartin-des-Gros-Moulins, comme on les appelait, ou Moulins
(1) si:+,t+.

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303
de la ville, installés place Emmanuel-Philibert, sur le côté est, au mi-
lieu des bâtiments en allant vers la Doire. L'Archevêque consentit vo-
lontiers. Il estimait extraordinairement D. Bosco, le protégeait sans
cesse de toutes les façons, et lui accordait de longs entretiens marqués
d'une grande familiarité. Parfois il I'invitait à déjeuner et quelquefois
il voulut se confesser à lui ; et il avait daigné venir au Refuge pour ad-
ministrer aux jeunes le sacrement de la Confirmation.
La lettre de Monseigneur fut remise à l'hôtel de ville avec
un mémoire du Théologien Borel qui, en tant que citoyen connu de
tous, représentait souvent, en ces années-là, la personne de D. Bosco
auprès des autorités. Par ailleurs ce saint prêtre s'arrangeait pour que
son cher ami fît bonne impression en toute circonstance et il lui ren-
dait gloire pour tout le bien qui se faisait au Refuge, il I'exaltait autant
qu'il le pouvait en présence des gens, se cachant lui-même et dissimu-
lant sa propre coopération et ses propres æuvres sous le couvert d'une
admirable humilité. C'est ce que D. Bosco lui-même a laissé par écrit.
Comme les Syndics et, en général, la Mairie avaient acquis
la conviction du manque de fondement de tout ce qu'avait écrit en
haine des jeunes de D. Bosco le défunt Chapelain de St-Pierre, la
demande fut cette fois-ci bien accueillie et exaucée. La réponse au
Théologien Borel êtait de la teneur suivante :
Ville de Turin - Cabinet du Maître de Raison - N. 250.
Turin, le 12 Juillet 1845.
T[rèsJ lll[ustreJ et T[rèsJ Rév[érendJ Monsieur,
La Ragioneria, à laquelle j'ai transmis le mémoire que m'a adres-
V[otre] Très lll[ustre] et Tlrcs] Rév[érende] S[eigneurie], ayant ac-
quiescé à ce que Vlotre] Sleigneurie] puisse se servir de la chapelle des
moulins pour catéchiser les garçons de midi jusqu'à trois heures, à
condition de ne pas permettre à ces mêmes [garçons] de s'introduire

32.8 Page 318

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304
dans la seconde cour de I'immeuble des moulins et de ne pas apporter
d'entrave à la célébration de la messe les dimanches et jours de fête ;
il m'est très agréable d'en faire part à V[otre] T[rès] Ill[ustre] et Thèsl
Rév[érende] S[eigneurie], persuadé qu'elle sera à même de veiller à ce
qu"aucun inconvénient ne vienne découler de la permission qui lui est
accordée.
J'ai l'honneur de me redire avec ma considération distinguée
De Vlotre] T[rès] Ill[ustre] et T[rès] Rév[érende] S[eigneurie]
Dévo[uéJ et Ob[fieal Serviteur
LE MAÎTRE DE RAISON
D. POLLON (Chev.).
Dès que D. Bosco eut en main cet écrit, il alla visiter la
chapelle indiquée, s'entendit avec ceux qui la gardaient, loua dans le
bâtiment attenant une salle au rez-de-chaussée pour son usage, infor-
ma son Curé, celui du Faubourg de la Doire, de la permission obte-
nue, et le même jour avec le Théologien Borel il bâtit son programme.
Le neuvièmeDimanche après Pâques [sic*], le 13 juillet,
pour la dernière fois les jeunes se rassemblèrent pour entendre la sain-
te messe dans leur première chapelle St-François de Sales ; à la fin de
la messe, D. Bosco donna la nouvelle qui souleva les cæurs : il fallait
quitter ce lieu. Ce fut un moment d'inquiétude et de regret, car les jeu-
nes aimaient cet endroit comme s'il était leur bien personnel ; mais
lui, en les rassurant d'une belle manière, leur redonna du courage et
les invita pour l'après-midi à lui venir en aide pour transporter à la
nouvelle église les objets du culte divin et de la récréation. Tous fu-
rent ponctuels. Le Théologien Borel leur dit quelques mots d'adieu :
- Le lieu que nous devons quitter doit être pour nous comme ces au-
* Pâques :23-03-1845; Pentecôte: 11-05;9 ème après la Pentecôte: 13-07

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305
berges, dans lesquelles le pèlerin se repose durant le voyage et d'où il
repart bientôt pour reprendre sa route. Donc courage et... en marche !
Suivez partout et avec assiduité votre Oratoire dans son voyage
incertain il erre... Ne vous lassez pas... La Providence trouvera
pour I'Oratoire une demeure stable. Mais auparavant il vous revient de
lui faire dans vos cæurs une demeure fixe, qui soit à I'abri de toutes
les vicissitudes extérieures... Aimez la prière et faites-la matin et
soir, aimez le catéchisme et suivez-en régulièrement les séances,
assistez toujours à la sainte Messe le dimanche... allez volontiers
vous confesser comme il faut et communier. Fuyez celui qui
blasphème, celui qui fait scandale, celui qui parle mal, celui qui vou-
drait par la raillerie vous tenir loin de tout ce qui concerne l'église !
Si vous faites comme cela, vous aurez l'Oratoire bien stable dans le
cæur. Donc ?... Adieu, mes
était profondément ému et,
chers
après
enfants. -
une courte
Le Théologien
pause, il s'écria
Borel
d'une
vaopixréépnaerérgiaquuxeM' o-ulinMsauisn
d'abord
nouvel
remercions le
abri I Te Deum
Seigneur
laudamus
qui
I
nous
Il se tut, et voici qu'à un signe de D. Bosco fait suite un
mouvement indescriptible et charmant tout à la fois. Les uns se
saisissent de bancs et les autres de prie-Dieu ; celui-ci charge une
chaise sur son dos et celui-là un cadre ; un porte un chandelier, un
autre la croix. L'un a [attrapé] les ornements un bras dessus, un bras
dessous, l'autre tient dans ses mains les burettes ou quelque statuette,
et D. Bosco au milieu de ce remue-ménage était tout occupé à faire
déposer les objets qu'il estimait inutiles dans le nouvel Oratoire et à
les envoyer dans sa chambre. Les plus joyeux portaient des échasses,
des petits sacs de boules et d'autres jeux ; mais tous anxieux de voir
les merveilles du lieu qui devait les accueillir. Et c'est ainsi qu'en une
longue file, à la manière d'un peuple en train d'émigrer, on alla planter
les tentes et établir le quartier général auprès des Moulins. Au bruit et
à la vue de tant de garçons, les gens des rues avoisinantes se prenaient
de curiosité, et les uns sortaient sur Ie seuil des portes, les autres se
mettaient aux fenêtres des maisons, tous demandaient ce que c'était et

32.10 Page 320

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306
ils allaient. Cela servit admirablement à faire mieux encore
connaître l'Oratoire dans ces quartiers, et à y attirer beaucoup d'autres
jeunes gens de la ville.
Parvenus sur le lieu et ayant déposé chaque chose dans la
salle louée, tous entrèrent dans l'église, et le cher D. Bosco, avec
sa popularité et son attrait plus uniques que rares, tint à l'im-
mense
jeunes
foule
gens,
des
s'ils
jneeunseosntlepadsisrceopuiqruséssu, invaendto:n-nenLt epsascuhnoeuxb,ecllheerest
grosse tête. C'est ce que nous pouvons dire de notre Oratoire. Jusqu'à
présent il fut transféré de place en place ; mais dans les différents
endroits il fut planté, il reprit toujours avec un remarquable
accroissement. Le temps que vous avez passé au Refuge ne fut pas
sans fruit ; et vous, comme à St-François d'Assise, vous avez conti-
nué à avoir des secours spirituels, de quoi réconforter l'âme et le
corps, des catéchismes et des sermons, des divertissements et des
passe-temps. Au Petit Hospice avait commencé un vêritable Oratoire :
là-bas nous avions une église pour nous, un endroit êcarté et oppor-
tun ; il nous semblait donc avoir trouvé un séjour durable et la vraie
paix ; mais la divine Providence disposa [autrement] : nous partirions
encore de là, et nous nous transplanterions ici. Y resterons-nous
longtemps ? Nous ne savons pas. Quoi qu'il en soit, nous I'espérons,
comme les choux repiqués, notre Oratoire croîtra quant au nombre
des jeunes qui aiment la vertu, croîtra le désir de chanter, de faire de
la musique, et nous aurons avec le temps non seulement les cours
du dimanche et les cours du soir, mais aussi ceux de la jour-
née, ainsi que des ateliers ; et nous célébrerons ensemble de bel-
les fêtes. Ne nous faisons donc pas de mauvais sang. Pas même
un instant n'ayons de doute sur l'avenir prospère de notre Oratoire.
Jetons chacun de nos soucis entre les mains du Seigneur, et Il
aura soin de nous. Déjà Il nous bénit, nous aide, s'occupe de
nous ; Il pensera aussi à I'endroit convenable pour promouvoir
sa plus grande gloire et le bien de nos âmes. Mais en atten-
dant rappelons-nous que les grâces du Seigneur forment comme une

33 Pages 321-330

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33.1 Page 321

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307
espèce de chaîne de sorte qu'une est reliée à I'autre. Ne rompons
jamais cette chaîne en commettant des péchés : tirons profit des
premières grâces de Dieu, et nous en recevrons de Lui d'autres et puis
d'autres encore. Pour votre part correspondez au but de I'Oratoire ;
fréquentez-le, instruisez-vous ; et ainsi avec l'aide divine vous irez
de vertu en vertu, vous deviendrez de bons chrétiens et d'honnêtes
citoyens, et vous parviendrez un jour à la patrie bienheureuse,
I'infinie miséricorde de Notre Seigneur Jésus Christ donnera à chacun
la récompense qu'il aura méritée.
Ce soir-là les cérémonies faites à l'église furent complé-
tées par un sketch écrit par D. Bosco et joué par quelques jeunes dans
la cour devant tous les autres, qui riaient de bon cæur aux pointes é-
noncées par celui qui tenait le rôle comique. Avaient fourni la matière
du sujet cette nouvelle migration, les circonstances qui I'accompa-
gnaient, I'interdiction à quiconque d'entre eux de s'enfoncer dans I'en-
ceinte intêrieure des maisons des Moulins, ainsi que [l'obtigation] de ne
pas apporter la moindre entrave à la célébration, les dimanches et
jours de fête, de la messe des employés de la Mairie et des meuniers.
Se considérant simple instrument matériel de l'entreprise commencée
par Marie, D. Bosco regardait cette æuvre, et la regarda toujours, avec
tant de vénération que le plus petit incident était pour lui un événe-
ment à célébrer par une fête spéciale. Pour les jeunes aussi c'était une
de ces nouveautés qui leur apportait tant de plaisir. Avec une orches-
tration semblable et avec un hymne de circonstance il avait ûèté
I'inauguration de la petite église au Petit Hospice et il continua de
même en arrivant dans les lieux des autres stations, au moment de
s'établir à Valdocco et en de nombreuses circonstances jugées par lui
dignes d'être notées. Cependant il changeait toujours dans le nouveau
sketch le personnage typique qui tantôt était un Eianduiax qui parlait
* En son déguisement Gianduia fut au siècle de D. Bosco aussi célèbre à Tu-
rin que Guignol au théâtre des marionnettes, Arlequin et Pierrot en d'autres lieux.

33.2 Page 322

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308
le dialecte piémontais, tantôt un allemand qui germanisait son italien,
tantôt un bègue qui chuintant ou gargouillant mâchonnait avec
difficulté les mots ; et ainsi de suite. Buzzetti Joseph conserva
pendant de nombreuses années ces sketches, qui pourtant ne furent
plus retrouvés après sa mort.
A partir de ce jour mémorable, tous les dimanches et jours
de fête, on voyait accourir les bandes de jeunes gens en cette partie de
la place Emmanuel-Philibert s'ouvrait la porte d'entrée des mou-
lins. Cependant, même si les paroles de D. Bosco et du Théologien
Borel donnaient du courage, il faut bien l'avouer, ce lieu ne plaisait
guère aux jeunes. En cette église on accomplissait seulement une par-
tie des pratiques de piété : pour un motif inhérent à la paroisse, on ne
pouvait pas dire une seconde messe, ni faire la communion, élément
fondamental de I'Oratoire, ni accomplir d'autres cérémonies religieu-
ses. A I'unique messe qu'y célébrait un Chapelain la foule des fidèles
était si nombreuse qu'elle ne permettait pas l'entrée aux jeunes. C'est
pourquoi, le dimanche matin ou le matin d'un jour de fête, ils étaient
[pour la messe] obligés de se rendre à nouveau dans une église de
Turin, et de faire ailleurs leurs [autres] dévotions, avec un plus grand
dérangement et un plus faible profit. Déplorable à I'extrême était en
définitive l'endroit de la récréation : du fait que beaucoup devaient
rester sur la voie publique et sur la place devant l'église, par des
gens, des voitures, des chariots et des chevaux passaient à tout instant,
et cela interrompait leurs ébats. Mais n'ayant pas pour le moment de
meilleur endroit, ils s'adaptaient au mieux qu'ils pouvaient, dans
I'attente de quelque autre providence du ciel. Le nombre de ces jeunes
s'élevait entre grands et petits à environ trois cents ; et D. Bosco ne
les conduisait plus pour la bénédiction [du Saint Sacrement] à la
chapelle des Frères des Ecoles Chrétiennes parce qu'il aurait gêné
cette assemblée scolaire dominicale, en occupant toute la place.

33.3 Page 323

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309
CHAPITRE XXXII
pIEEln'lOmcaaoiumrslaegaasutnnortCuaierehteilrom-éPntédihepedinlrsiuibnspeeePsertr-e-s-toitnDLnHEee.sosjtseBimpueomniecsepecdlgoouSyapeeee-tPosunhlpeailleMsuomxipécèolMhènueveolreu-sRDliund.aseO.Bs-popFscorLèosarit-eiopsnlaUsdcneeeàs
Le l0 ooÛt I 845 la Marquise Barolo inaugurait son Petit
Hospice Ste-Philomène. Après I'avoir pourvu avec générosité de tout
le nécessaire, elle I'ouvrait aux fillettes pauvres estropiées et malades
dont l'âge allait de trois à douze ans et qui pour cela étaient difficile-
ment reçues dans les autres hôpitaux. Elle en confia la garde à cinq
sæurs de SrJoseph, et y établit pour la tâche d'infirmières les Oblates
de Ste Marie-Madeleine, qui formaient, comme nous l'avons déjà dit,
une Congrégation particulière, ayant son propre Supérieur Ecclésiasti-
que. Il est facile de s'imaginer que de nombreuses familles pauvres
ont eu I'occasion de bénir la fondatrice. D. Bosco y fut affecté
comme Aumônier ou Directeur lspirituel] ; le Théol. Borel, D. Pac-
chiotti et lui quittèrent les salles qu'ils avaient jusqu'alors occupées :
elles étaient orientées vers la rue actuellement appelée Cottolengo ;
puis ils allèrent habiter dans la nouvelle maison. Là, au second êtage,
sur un étroit couloir s'ouvraient en une seule rangée les portes de qua-
tre ou cinq chambrettes prévues pour les prêtres : elles avaient leurs
fenêtres tournées vers le sud. Un jardin entouré d'un mur et plutôt

33.4 Page 324

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310
grand se trouvait entre cette maison et leur première habitation ;
et les petites malades venaient, conduites ou transportées par les
sæurs, respirer un bon bol d'air pur. Son devoir, à lui D. Bosco,
était de s'occuper du service divin, de I'instruction et de la direction
spirituelle.
Pendant ce temps-là aux Gros Moulins on passa deux mois
en toute quiétude. Mais ce calme précédait un orage qui devait
apporter à D. Bosco de sérieuses préoccupations. En ces lieux aus-
si commencèrent les oppositions et les vexations des hommes :
nouvelle preuve que I'Oratoire était l'æuvre de Dieu. Les meu-
niers, garçons, commis, charretiers, secrétaires et autres gens sem-
blables, ne voulant pas supporter les sauts., les chants et parfois
les piailleries des jeunes, commencèrent d'abord à invectiver de-
puis les fenêtres contre les perturbateurs, ensuite ils se coalisèrent
et présentèrent de fortes rêclamations à la Mairie de Turin, lui
dépeignant ce rassemblement sous les couleurs les plus sombres.
Prenant appui sur la rapidité avec laquelle ils voyaient les jeunes
gens réagir en bien dès que D. Bosco faisait le moindre signe,
ils se mirent à dire que ces réunions étaient dangereuses et que
d'un moment à l'autre aux récrêations pouvaient succéder des
émeutes, voire des révolutions. Drôle d'émeute, [cele que] pouvaient
faire de jeunes ignorants, sans arnes, sans argent ! Malgré cela,
les ragots se développaient. On ajouta calomnieusement que les
garçons faisaient des détériorations dans l'église et au cailloutage
de la cour, et que s'ils continuaient à se rassembler en ces
environs, ils mettraient tout sens dessus dessous ; ils insistaient
pour qu'on leur refusât I'usage de l'église et la permission de se
rendre en ce lieu. Dans le rapport au Syndic, D. Bosco était
qualifié de chef de bande de gamins désæuvrés, tous des voyous.
Ces Messieurs de la Mairie, un peu irrités, firent appeler
D. Bosco ; ils lui demandèrent si tout ce qui leur avait êté rap-
porté était vrai. Lui, calme et serein, répondit qu'il n'en savait rien et

33.5 Page 325

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311
qu'il croyait injustes ces accusations ; qu'ils daignent aller [eux-mêmes]
ou envoyer lquelqu'un] vérifier les choses ; pour sa part, il était sûr
qu'on ne voyait aucune détérioration dans l'église. Les syndics en-
voyèrent un expert qui, contrairement à ce que lui avaient affirmé
les gardiens des Moulins, trouva église, murs, cailloutages, carrelage
et toutes les choses dans leur état premier. Seule une éraflure, faite par
un garçon avec la pointe d'un clou, apparaissait sur un mur. Pour cette
bagatelle on faisait un vacarrne de tous les diables, et on invoquait
l'autorité de la Mairie comme si la ville devait s'effondrer.
ria-ntMtaoni,diasccquuseé
de faire des révolutions
des années plus tard
!
il
disait D. Bosco en sou-
racontait ce fait à ses
amis ; moi qui au contraire ai le mérite d'en avoir empêché une,
qui aurait été très fracassante : la révolution
il décrivait un événement plaisant survenu
dàescefetmteméepsoq! u-e
Puis
place
Emmanuel-Philibert. Cette place a la forme d'un très vaste octogone
régulier, complètement entouré de bâtiments ; et elle est le lieu de
commerce pour toutes sortes de marchandises, un marché quotidien.
Là on vend lins, chanvres, soies, cotons, toiles, tissus, bonnette-
ries et chaussures, chapeaux ; toutes variétés de vêtements de
confection ; toutes sortes d'outils pour I'agriculture et d'ustensiles
de quincaillerie ; récipients en métal, en verre et en terre cuite
de toutes formes et de toutes dimensions ; toutes qualités de fruits
de saison, de fruits secs, de légumes, cérêales, gibier, volailles,
poissons, plats déjà préparés, tout ce qui en somme est néces-
saire à la vie. Deux larges chaussées, se coupant au centre,
traversaient en forme de croix ce marché : ainsi réparti en qua-
tre gros villages [formés] de petits hangars, de tentes, baraques,
comptoirs, brouettes, eux-mêmes subdivisés par des allées com-
modes et des ruelles, il présente I'aspect le plus bizane que I'on
puisse inventer. La chaussée, qui descend vers le nord, part au sud,
d'un large espace carré entouré de hautes arcades sur trois côtés,
appelé place [aeJ Milan et aussi Porta Palazzo [= porte du palais],
parce qu'à peu de distance il y a le palais du Roi ; à I'extrémité

33.6 Page 326

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312
opposée, la même voie entre dans un autre espace cartê sans
arcades portant le nom de place des Moulins, était I'Oratoire
de D. Bosco. Ces places plus petites font un seul tout avec la place
principale, dans laquelle se trouvent des centaines et des centaines de
vendeurs, et les acheteurs accourent de toutes les parties de la ville,
notamment pour se ravitailler en vivres. Depuis le matin jusqu'à une
heure très avancée, il y règne un va-et-vient merveilleux et très animé.
Si tu ajoutes les chariots des marchands de légumes qui arrivaient des
villages environnants chargés de denrées, la foule de paysannes avec
leurs paniers rangées dans les abords, les saltimbanques, les chanteurs
ambulants, les charlatans, les bouquetières, et à cette époque les
barbiers qui en plein air rasaient les chrétiens et tondaient les chiens ;
les groupes des curieux désæuvrés, et les bandes d'enfants qui s'ébat-
tent dans tous les sens, tu auras une description assez complète. Les
comptoirs sont tenus pour la plupart par des marchandes qui y sont
assises comme des reines dans leur royauté. Avec elles on ne badine
pas car elles écoutent leur dignitê de citoyennes. Selon de très
anciennes traditions non seulement elles exigent le respect mais aussi
elles ne tolèrent pas d'autre appellatif que le Vous fdepolitesse] ou celui
de Madame. Si quelque acheteur, pour s'adresser à elles, utilisait le
tu ou le voas [collectif], il s'entendrait répondre aussitôt par dépit :
Monsieur ! je n'ai jamais mené les chèvres au pâturage en votre
- ! compagnie [voir * p.317]
Par ailleurs de très braves femmes du
- peuple, pleines de dévotion pour Notre-Dame de Consolation, et d'un
cæur large pour les pauvres. Le Cottolengo et d'autres æuvres pies,
dans leur besoin de secours charitables, firent toujours I'expérience de
leur générosité. Qui circulait au milieu d'elles pour faire la collecte
retournait à son Hospice avec sa charrette pleine à craquer de produits
alimentaires.
Le lecteur nous pardonnera cette digression ; mais il était
nécessaire de lui décrire cette place et les noms de ses parties,
car elle fut le théâtre de plusieurs belles actions de D. Bosco,
qu'au moment voulu nous raconterons.

33.7 Page 327

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313
D. Bosco était donc connu sur ce marché, et les femmes
naturellement faisaient des grands discours à propos du soin qu'il
prenait des enfants du peuple, à propos des nombreux rassemble-
ments à la Chapelle des Moulins ; d'autant plus que de temps à
autre il allait acheter des fruits en grande quantitê pour en faire
cadeau à ses jeunes. A la même époque déjà beaucoup admi-
raient sa vertu. Une de ses résolutions écrite par lui en 1845
donne une preuve indirecte de cette estime ; [il I'a reportée] dans
les courts Souvenirs à mes fils les salésiens : " Comme la plu-
part du temps, dès mon arrivée à la sacristie, on m'adresse tout
dcvoaennstseudiielt,els'adouerttsirreddeqemumeanajdeecshI'ae-mntbernIed'uedn'aevvneoucirot fnmafeitessupinoanerlce-oruprjtoeeuptrâcaphvaeorraiartiiouann-
à la Messe. Que me laver les mains soit tôujours accompli dans
ma chambre et, lorsque le temps m'en est donné, que je recommen-
ce à la sacristie ". De ces lignes nous déduisons que nombreu-
ses étaient les personnes qui I'attendaient à St-François d'Assise,
au Refuge, et en d'autres églises de la ville et des environs,
lorsqu'il s'y rendait pour célébrer le saint sacrifice ; de même
aussi dans les paroisses de la province lorsqu'il était invité à y
prêcher. D. Rua nous affirme plus tard que dès son enfance il
entendait parler de la sainteté D. Bosco dans les cercles de
conversation des gens du peuple et dans sa propre famille.
Retournant maintenant à l'événement plaisant auquel nous
avons fait allusion, nous dirons qu'avait élu domicile à Turin le comte
Rademaker, très riche seigneur portugais, fugitif de sa patrie en raison
de troubles politiques et plus tard, une fois que les choses s'étaient
arrangées, Ministre [= Ambassadeur] du Portugal auprès de la Cour de
la Maison de Savoie. Son épouse était cette Dame que D. Bosco avait
un jour prévenue du danger qu'elle rencontrerait sur la grand-route
de Chieri. Deux fils faisaient leur consolation pour leur conduite
exemplaire et irréprochable. D'ailleurs le plus jeune entrait chez
les religieux de St Ignace de Loyola, et l'autre était déjà prêtre.

33.8 Page 328

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314
Ce dernier, étant rempli de scrupules qui I'agitaient démesurément,
avait été confié à D. Bosco par l'Archevêque et par D. Cafasso , afin
que, par l'enseignement théologique de la morale pratique et par
une sage direction [spirituelle], il le libérât de tant de préoccu-
pations d'esprit. Il s'était donc lié d'une grande amitié avec cette
très noble famille vraiment catholique et également avec les
personnes de service.
Le majordome, qui s'appelait Carvallo, allait tous les ma-
tins place Emmanuel-Philibert pour faire les courses. Cet homme,
ne comprenant pas la langue du pays, s'était procuré un dictionnaire
portugais-italien, qu'il portait toujours en poche, pour chercher les
mots nécessaires à se faire plus ou moins comprendre, étant don-
que les marchandes parlaient leur dialecte. Circulant çà et à
travers le marché, il avait souvent entendu répéter par les por-
teurs et par des muletiers un certain mot qui lui semblait tantôt
une exclamation, tantôt un terme pour dire tendrement sa sympa-
thie, tantôt une salutation, en fonction de I'expression qu'il pensait
lire sur les visages de ceux qui le prononçaient. Dans le désir
d'en connaître le sens et de faire quelque progrès dans le dia-
lecte piémontais, il demanda à quelqu'un la signification de ce
mot. L'homme interrogé, qui était un farceur et aimait rire aux
dépens du prochain, lui répondit que c'était un gentil compliment
par lequel on manifestait son estime et son respect envers les
personnes. Mais malheureusement c'était un gros mot qui avait
plusieurs sens et notamment signifiait une insulte. Le lendemain,
retoumé sur la place, Carvallo en se présentant aux vendeuses
commença, en les saluant, à dire sans ambages son compliment.
On peut imaginer la tête que lui firent ces braves dames. Pen-
dant un peu de temps elles eurent de la patience, mais comme à
tout instant il répétait sa phrase, elles lui dirent finalement avec
agacement :
Monsieur !
prenait rien
Vd-'euunCilplaeazrdeipiala,jralMergroocnnosrü;re;tcotucetamefeponiast r,!lae-nbleensC,vasoravyluaanl/lot l-ensemDciaoteimnss-,

33.9 Page 329

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315
sur les hanches et le visage en colère, il s'en douta : il avait
commis une lourde méprise ; ayant rencontré D. Bosco qui tra-
versait la place, il lui demanda la signification du fameux mot.
vis--agPPeoaruqcrueqiuqsou'iaesc,seloettmes bmqruiate,rscethiotannnde?esdm,eeqmuatarnandditaejneDt.
Bosco.
leur dis ce
plus avec
mot, ont
la même
le
a-
mabilité qu'avant.
-
le-
Je crois bien ! C'est
Oh, pauvre de moi !
marché il voulait que
une des plus grossières injures.
s'écria le majordome ; et retournant sur
D. Bosco I'accompagnât afin de présen-
ter sa justification, sachant en quelle estime les marchandes le te-
naient ; et il présentait ses excuses passant d'un comptoir à l'au-
tre. Les dames cependant crurent facilement que Carvallo, étant
étranger, n'avait pas eu I'intention de les insulter par cette bévue,
et elles lui pardonnèrent d'autant plus facilement qu'après il ne lê-
sinait pas pour conclure un marché, il payait même la marchan-
dise plus qu'elle ne valait, son patron ne regardant pas à la dé-
pense. Il était devenu unique en son genre pour négocier les achats,
à partir du moment il put tenir un discours intelligible.
----SUÇCi ronsmepsefbluisire?eon.n
coûte
prix.
ceci
?
demandait-il
parfois.
lu----cheJATCerhodèmsuvçocbamuoi,esnanptredcanvohrtonéeeu.nxl!eeLez-m'to-rpvroilogieEsuints!liedrceeo'ensdnsen:pt elccuêzoeste-mtmts?em-oveieocsucpeseèlcqacoeunqidtueven'oitlueds?ceopvnliancîtti.lilaatiocnoqudee--
vait être attribuée à I'action pacificatrice du nom de D. Bosco, et
ce fait fut une occasion de vive hilarité pour tous ceux qui en
eurent connaissance, et même pour le fils scrupuleux du Comte
Rademaker.
Mais à D. Bosco cette place ne rappelait pas seulement un

33.10 Page 330

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316
sujet de plaisanterie, mâis bien également une autre rencontre,
ineffaçable de son cceur. Aux Gros Moulins il vit pour la pre-
mière fois le jeune garçon Michel Rua, qui n'avait alors que
huit ans, élève des Frères des Ecoles Chrétiennes. A ces Reli-
gieux avaient été confiées en 1830 les écoles de l'(Euvre Pie
de l'Instruction des pauvres et celles de la Mairie de Turin.
D. Bosco avait commencé chez eux son ministère sacerdotal : il
le continuait pendant plusieurs années au-delà de 1851, ainsi que
nous l'atteste Ie Prof. Turchi Jean qui dans sa jeunesse en enten-
dait parler par D. Bosco en personne. Il se rendait tous les same-
dis dans ces écoles, notamment dans celles [aites] Sainte-Barbara,
et il s'y attardait une bonne heure, faisant une sorte de confé-
rence sur la religion. Son but était d'exhorter les jeunes gens à
la fréquence des Sacrements et à bien se confesser.
Rua Michel, qui était assis sur ces bancs se mit im-
mvieéndsia,telomrseqnuteàDl'.aiBmoesrc, oetveilnraaitcolentadiitmpalunschteardno:u-s
Je m'en sou-
dire la sainte
Messe et souvent nous prêcher, dès son entrée à la chapelle, il
semblait qu'un courant électrique mettait en mouvement tous ces
nombreux enfants. D'un bond ils étaient debout, ils sortaient de
leurs places, se serraient autour de lui et n'étaient pas heureux
tant qu'ils n'arrivaient pas à lui couvrir les mains de baisers. il
fallait un bon bout de temps pour pouvoir parvenir à la sacris-
tie. A ces moments-là les braves Frères des Ecoles Chrétiennes
ne pouvaient empêcher ce désordre apparent et ils nous lais-
saient faire. A la venue d'autres prêtres, eux aussi pieux et in-
fluents, on ne voyait rien d'un pareil élan. D'autre part lorsque
dans les soirées de confessions on annonçait que parmi les con-
fesseurs venus pour nous il y avait aussi D. Bosco, les autres
prêtres restaient sans travail, tous les jeunes cherchant à aller le
trouver pour lui confier leurs secrets. Le mystère de I'attache-
ment qu'ils avaient pour D. Bosco consistait dans l'affection acti-
ve, spirituelle, qu'ils le sentaient porter à leurs âmes.

34 Pages 331-340

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34.1 Page 331

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317
Unjour donc en août 1845 un copain du petit garçon Rua
lui avait parlé de I'Oratoire au Refuge, en lui faisant voir la cravate
qu'il avait eu comme lot, dans l'une des petites loteries par lesquelles
D. Bosco avait l'habitude d'égayer les récréations. L'ayant ainsi em-
ballé, tous les deux vinrent en courant.au Refuge. Mais justement, ces
jours-là, D. Bosco avait transporté I'Oratoire aux Gros Moulins. Les
deux amis se rendirent tout de suite là-bas et furent accueillis avec des
manières si affectueuses, que Rua Michel en resta enchanté. D. Bosco
avait devant lui celui que la divine Providence avait désigné pour être
le continuateur de sa mission. Au cours des trois années suivantes le
jeune garçon alla seulement quelquefois à I'Oratoire, ou au Refuge,
pour rendre visite à D. Bosco, qui néanmoins dès ce premier instant
ne le perdit plus de vue.
* Cette expression lp.3l2l se traduirait en français plus vulgaire : " Nous n'a-
vons pas gardé les cochons ensemble ! ".

34.2 Page 332

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318
CHAPITRE XXXIV
La Marquise Barolo à Rome Vincent Gioberti et les
pmPsreraéoslldldiegteeottsmre-dèsnueaAPsueu-tTtirtheDHéool.esloBptgtiocrieees.ncaoBueonreTvlhaé-coalonLgcaeiesnCàoBnMogroreérgilaa-ltdioonL-SeaslUépsneieetintendsee
Ayont foit pendant quelques années I'expérience obligatoi-
re des Constitutions composées par elle pour I'Institut des Sæurs de
Sainte Anne et pour les religieuses de Ste Marie-Madeleine, la Mar-
quise de Barolo avait estimé qu'il était temps désormais de se rendre à
Rome pour en donner connaissance au Saint-Siège et en demander
I'approbation. Elle ne s'effraya pas de savoir que ces faveurs so-
lennelles étaient très difficiles à obtenir, que récemment elles avaient
été refusées à quelques Congrêgations respectables, existant depuis de
longues années, à commencer par celle des Sæurs de St Joseph. Avec
l'avis favorable de I'Archevêque elle se mit donc en voyage vers la fin
de septembre 1845.
Dans les états Romains l'avait précédêe Massimo d'Aze-
glio, venu dans d'autres buts, bien différents. Il avait accepté, ou bien
on lui avait imposé, la charge de rapprocher toutes les sociétés secrè-
tes dans une unité de conspiration, faisant viser les intrigues et les
travaux de ces [sociétés] à la revendication de l'indépendance et de l'u-
nité nationales sous la conduite et le sceptre du Roi Charles-Albert.

34.3 Page 333

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319
C'est pourquoi le Marquis carbonaro parcourut à I'automne les Mar-
ches, une bonne partie des Romagnes et de la Toscane, insinuant aux
membres des sectes d'arrêter les mouvements et les insurrections
armées, pour commencer à faire une guerre en bonne et due forme au
Pape et pour mettre leur confiance dans le Roi du Piémont. Bien des
Loges voulaient la République et beaucoup se méfiaient des promes-
ses qui leur étaient faites au nom du Roi. Aussi faux que brutal est
dI'aisrgauitm-ile, not navdeecmleaqnudealitilàteCnhtaaitrledes-lAelsbecortnlv'eaningcargee.m-entSdiechfaezirenoduess,
choses contraires à ses intérêts, peut-être auriez-vous raison. Mais on
lui demande de faire du bien à nous certes, mais plus encore à
lui-même ; on lui demande de se laisser aider à devenir plus grand,
plus puissant qu'il ne I'est... Si vous invitez un voleur à être un hon-
nête homme, et s'il vous en fait la promesse, vous pourrez douter qu'il
la maintienne. Mais inviter un voleur à voler et avoir peur qu'il n'y
manque de parole, en vérité je n'en vois pas la raison.. . Si ensuite le
Roi hésitait, s'il ne se résolvait pas à la magnanime entreprise, la force
de I'opinion publique I'y obligerait, et s'il s'opposait, il tomberait du
trône (1).
Rentré à Turin, Massimo d'Azeglio relata au Roi, du mieux
qu'il lui plut, le bon résultat de sa mission, et il s'aboucha avec les
choryphées républicains du parti de Mazzini pour les rendre favora-
bles ou au moins non contraires à une monarchie constitutionnelle.
Ceux-ci néanmoins ne renonçaient pas à leurs idéaux ; malgrê cela
toutefois, semblait-il, ils consentaient à rester tranquilles, tout en met-
' tant quelque temps après une condition
Qu'avant de s'aventurer
- à libérer l'Italie, le Roi libère des Jésuites son royaume et I'armée !
En attendant, pour seconder cet ordre catégorique, I'Abbé
Gioberti, partisan deMazzini, publiait en cette annêe 1845, les Prolé-
(l) Ricordi de MASSIMO D'AZEGLIO, chap.33-34.

34.4 Page 334

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320
gomènes à La suprématie des ltaliens, son second livre pire que
le premier, et qui, destiné à préparer l'opinion publique, fut ac-
cueilli avec faveur par les corrompus et les utopistes. C'était un
livre regorgeant de venin contre les Jésuites et contre l'esprit ca-
tholique qu'il appelait Jésuitisme, pour pouvoir l'attaquer sans fai-
re peur aux gens simples. Il se disait persuadé que son livre
serait probablement mis à l'Index, tant les choses écrites étaient
hardies : toutefois il affirmait avoir pris le parti, cette fois enco-
re, de donner une forme indirecte à I'assaut pour pouvoir in-
vectiver librement. C'est ce qu'on lit dans ses lettres à Pinelli et
à Mamiani (t). Uais cette forme indirecte d'assaut ne pouvait
certainement pas concerner les Jésuites attaqués tout à fait direc-
tement, mais bien les simples fidèles de I'Eglise catholique
Romaine, tous vraiment attaqués de façon indirecte. Gioberti
avait dédié son irréligieux et inique volume à Silvio Pellico, qui
refusa avec une juste indignation cet hommage hypocrite, ne
prêtant pas attention aux fureurs des membres des sectes qui de
toutes parts I'injuriaient pour cet acte très noble.
Tandis que se succédaient ces différents agissements, en
partie dans les ténèbres, en partie au grand jour, D. Bosco, re-
grettant d'avoir supprimer, par manque de locaux, Ies cours
d'alphabétisation, ainsi que ceux de musique déjà bien lancés,
exténué, à bout de forces, fut obligé de se retirer pendant quel-
ques semaines à Castelnuovo dans I'espoir de raffermir sa santé.
Elle était, en effet, si affaiblie qu'elle donnait des appréhensions
à ses amis.
Ayant fait le choix de quelques jeunes parmi les meilleurs
pour les amener avec lui respirer I'air pur des Becchi, confié I'Ora-
toire au Théologien Borel, il quittait Turin dans les premiers jours
(1) sAI-eN, StoriadTtalia. Vol.VII, p.617

34.5 Page 335

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321
du mois d'Octobre. Averti du groupe qui suivait D. Bosco, son frère
Joseph rêpara et mit en étatla grange pour qu'elle pût servir de dortoir
et, avec I'aide de la bonne Marguerite sa mère, il se procura tout ce
qui était nécessaire afin de rendre le sêjour agréable à son frère et à
ses petits hôtes : après quoi il leur fit un accueil des plus honnêtes.
C'est pourquoi la petite maison si habituée au silence devint alors
I'habitation de la plus vive joie, [ole] toujours ensuite renouvelée à
I'automne pendant de très nombreuses années.
Quelques jours après D. Bosco écrivait au Théologien Bo-
rel une de ses lettres qui à chaque ligne exhalent une douce simplicité.
" Très cher M. le Théologien,
C'est aujourd'hui le neuvième jour depuis que nous nous sommes
quittés, temps qui me paraît déjà très long. Le jour même de mon
départ j'arrivai sans encombre à Chieri ; mais, parvenu là, l'épuise-
ment que je ressentais à Turin crût au point qu'après m'ôtre légère-
ment restauré, je dus me coucher. Le lendemain sentant que j'avais re-
pris un peu de forces, je me levai et je vins à la maison. Durant quatre
jours je n'allai pas bien du tout, ce qui provenait d'une espèce de mé-
lancolie, produite par l'impossibilité de me trouver près de vous à fai-
re notre récréation habituelle, qui m'est très agréable. Depuis diman-
che, grâce à un peu de rabello* et un peu de chant avec Pierre et Félix
Ferrero et avec le petit NoëI, je me sens remarquablement mieux.
Voici mes occupations présentes : je mange, je chante, je ris, je
cours, je me promène etc., etc.. D. Pacchiotti ne vient pas encore par
ici ? M. le Théologien non plus ? Il suffirait de la visite de I'un ou de
I'autre pour me faire totalement guérir. Allez, courage, qu'ils viennent
ici,saccag"!!!
* Mot du dialecte piémontais au sens de : " tapage ", " chahut ", " boucan "
o En piémontais, pour dire qu'on serait surpris, déçu et désolé du contraire.

34.6 Page 336

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322
Nous commençons jeudi prochain à vendanger: nous avons u-
ne vendange bonne et belle ; les autres villages limitrophes ont été
touchés par les vers ou par la grêle (avec leur vacarme Genta et
Gamba m'empêchent d'écrire). Je prépare une bonne boisson à base de
vin non pas pour vous, mais pour D. Pacchiotti. Dimanche prochain
(oh ! c'est énervant, quel boucan !) nous faisons ici une petite fête, et
nous en cuirons et nous en verserons, et nous chanterons, nous, la
messe avec nos garçons. Comment va Don Pacchiotti ? Le catéchisme
marcha-t-il bien ? Moi ici j'en ai sept, mais tousfarinellix.La semaine
prochaine, si Dominus dederit [si le Seigneur permet], je serai là où vous
êtes. Exeunte hebdomada [a ta rin de la semaine] : (La suite plus tard, je
ne peux plus).
Castelnuovo, l1 Octobre.
JEAN BOSCO Pr[etre] ".
Entre-temps accouraient rendre visite à D. Bosco les jeu-
nes de Morialdo et les anciens amis de Castelnuovo et des autres
bourgades, tous attirés par ses manières affectueuses et par ses paro-
les inspirées par leur bien spirituel. Entre autres s'entretenait avec lui
Filippello Jean, celui-là même qui I'avait accompagné des Becchi à
Chieri, lorsque pour la première fois il s'était rendu pour assister ré-
gulièrement aux cours. Or, un jour, confidentiellement il l'interrogea :
- Depuis quelque temps tu as déjà passé l'examen pour confesser ;
ta fonction à Turin au Refuge, à ce qu'il semble, n'est pas pour toi dé-
finitive : à quoi donc entends-tu occuper la vie que le Seigneur t'ac-
cpordtreeraso?lit-aireDo.uBaovsecco
- lui répondit : Je ne serai pas simplement
quelques compagnons, mais j'aurai beaucoup
d'autres prêtres avec moi, qui m'obéiront et se dêvoueront à l'éduca-
tion de la jeunesse. - Filippello n'osa plus continuer dans ses inter-
* Mot du dialecte piémontais au sens de : " fine fleur de farine ", " la fine
fleur de la canaille ", " garnements ".

34.7 Page 337

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323
rogations, mais à partir de ce moment se présenta à son esprit et y
demeura gravée l'idée que D. Bosco pensait fonder une société ou une
Congrégation religieuse comme il le racontait lui-même des années
plus tard à D. Second Marchisio.
Pour I'instant ils s'écoulaient paisibles pour D. Bosco ces
quelques jours de vacances, dans la consolation apportée par I'affec-
tion de sa mère, de son frère, du bon Vicaire D. Cinzano, et par les
lettres que lui écrivait le Théol. Borel ; mais par le cæur il se trouvait
également sans cesse à Turin. Il désirait ardemment retoumer au mi-
lieu de ses chers gamins et soulager le brave Théologien de la charge
excessive que lui apportait la direction de I'Oratoire ; ainsi que I'ac-
compagnement des jeunes dans telle et telle église, alors qu'il était
déjà surchargé d'occupations qui ne lui accordaient pas un instant de
répit. Toutefois il ne put quitter Castelnuovo le jour qu'il avait établi.
Dans une seconde lettre au Théologien Borel, il explique la raison
d'avoir prorogé son départ :
" Très cher M. le Théologien,
Cela s'est passé exactement comme je pressentais : mon dérange-
ment [intestinal] augmenta beaucoup et me réduisit à ne plus pouvoir
marcher du tout ; entre hier et aujourd'hui cela s'est notablement
améliorê et ce matin j'ai déjà célébré la messe, à 10 heures toutefois :
s'il ne m'arrive aucun autre nouveau sinistre, jeudi ou vendredi pro-
chains je compte me restituer à Turin. Ce que je trouve de singulier,
c'est qu'en dépit de mon malaise je suis plus joyeux que je ne vou-
drais. D. Cafasso me parla aussi du nouveau [prêtre] qui doit être ac-
cueilli en pension : [me rangeant] derrière la proposition de D. Cafasso,
j'approuve tout, à condition que vous et D. Pacchiotti en soyez
contents, d'autant plus que je connais la personne qui a un excellent
tempérament et qui est toujours de bonne humeur.
Hier j'ai reçu votre lettre, dans laquelle vous mrannoncez beaucoup
de choses agréables. Dites à Mère Clémence qu'elle prenne courage et

34.8 Page 338

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324
que rentrant à Turin, nous nous échangerons des politesses. Que Mère
Eulalie tienne bon, de pied ferme, pour ne pas tomber malade. Ensuite
que la Mère du [eetid Hospice maintienne dans la joie nos fillettes
malades, auxquelles à mon arrivée je donnerai une gimblette. Mais ce
que je recommande chaudement, c'est de dire à Pierre qu'il fasse de
bons petits plats à D. Pacchiotti, afin qu'à mon arrivée je le trouve en
bonne santé et de bonne humeur.
Q'ils soient joyeux et que le Seigneur les accompagne, tandis que
j'ai I'honneur de me redire en signant,
17 Octobre,
Ami très affectionné
D. BOSCO ".
Le nouveau pensionnaire êtait probablement D. Bosio que
Don Cafasso méditait de proposer en temps opportun à la Marquise
Barolo, comme collaborateur au Petit Hospice de D. Bosco, dont au
séminaire il avait été un très cher compagnon. D. Cafasso voyait que
son élève ne pourrait pas résister longtemps à tant de fatigues. La let-
tre suivante adressée à D. François Puecher, Directeur de l'Institut de
la Charité au Noviciat de Stresa, fait allusion à un résultat partiel des
nombreuses êtudes de D. Bosco en cette année-là. Il connaissait déjà,
mais plutôt confusément, l'Institut de la Charité, soit par relation épis-
tolaire avec le Maître de ces novices, soit par des conversations te-
nues avec les religieux de la Sagra St-Michel [voir * p.3z7l. A présent
il désirait avoir sur lui des informations plus précises et par écrit.
Castelnuovo d'Asti, 5 Octobre 1845,
Très Rév[érenJd Monsieur,
L'an demier j'écrivais à V[otre] Tkes] R[cvcrende] S[eigneurie] au sujet
d'un jeune homme de loi qui désirait entrer dans votre Institut, mais
qui pour des affaires de famille en fut empêché : un autre homme de

34.9 Page 339

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325
loi a pris la même décision. il a exactement 23 ans, a terminé
le cours de philosophie, le cours d'Institut [ae lettres et sciences], ainsi
que le cours de Droit : il était homme de loi suppléant ; or depuis
plusieurs mois iI est résolu à quitter le monde, et à se donner à Dieu
dans l'Institut de la Charitê, et cela seulement pour le bien de son âme
et de celle du prochain. La personne a de I'allure, I'intelligence est
au-dessus de la moyenne. Il Vous reste seulement à me dire s'il peut
espérer une place et quelles en sont les conditions.
J'ai écrit un cours d'Histoire de I'Eglise à I'usage des écoles ; vers
la fin j'ai fait allusion à tous les Ordres récemment fondés ; c'est
pourquoi, et j'en aurais extrêmement besoin, veuillez me préciser de
façon brève : 1. A quel moment et par qui fut fondé I'Institut de
la Charité. 2. Quel en est le but. 3. S'il est approuvé par le Pontife
Romain et combien de maisons religieuses il comprend actuellement ;
en vous assurant que tout sera présenté dans Ia manière qui tour-
nera à la plus grande gloire de Dieu et à l'honneur de notre Sainte
Religion.
Pardonnez la familiarité avec laquelle je vous écris, et tandis que je
vous souhaite tout bien de la part du Seigneur, j'ai l'honneur de me
déclarer, avec la plus grande estime et avec la plus haute vénération
De V[otre] T[rès] R[évérende] S[eigneurie]
Très obligé Serviteur
D. JEAN BOSCO.
PS.
donc
- L'Histoire de l'Eglise est en
grand besoin des renseignements
cours d'impression, j'aurais
demandés. Au cas vous
daigneriez me rencontrer : avant le 15 de ce mois je séjoume à
Castelnuovo ; ensuite je serai à Turin ".
La réponse avec les renseignements désirés ne se faisait
pas longtemps attendre, et D. Bosco de retour à Turin écrivait une
autre lettre au Rév[érend] D. Puecher:

34.10 Page 340

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326
Ill [ustrissiJ me Monsieur,
Un ennui de santé me fit retarder une lettre d'accompagnement
pour le jeune Joachim G...; j'espère que les choses iront bien
grâce à Votre bonté habituelle...
Je vous remercie beaucoup pour les renseignements que vous m'a-
vez envoyés : ils me serviront pour ce que je désirais, comme
vous pourrez voir dans le volume d'Histoire que pour vous je
joins à I'envoi. Au cas vous arriez l'occasion de faire circu-
ler des exemplaires de cette Histoire dans votre région, je pour-
rais en envoyer avec une réduction du tiers du prix qui se
pratique chez les libraires, et tout cela en vue du bien spirituel,
notamment de Ia jeunesse pour qui elle a êté écrite.
Recevez mes salutations les plus cordiales et pardonnez-moi si je
fais vite.
Turin, 31 octobre 1845.
Très obligé Serviteur
D. BOSCO JEAN.
Donc la première édition de son Histoire de l'Eglise faisant
l'éloge des communautés monastiques, ainsi que les premières voca-
tions à l'état religieux qu'il avait aidées, furent le point de départ des
relations cordiales entre notre bon père et I'Institut de la Charité.
Comme il n'y avait pas de maison à Turin pour cette Congrégation,
Don Bosco prenait un soin affectueux de ses jeunes religieux qui
étaient envoyés dans la Capitale pour s'appliquer aux êtudes. tl écri-
vait le 6 décembre de cette année-là au Rév[érend] D. Puecher : " C'est
avec grand plaisir que je vois souvent le jeune A[bbé] Comollo Cons-
tantin avec son autre collègue : ils fréquentent de façon exemplaire les
cours de Philosophie à I'Université de Turin ". Et le Rév. D. Puecher
lui répondait le lendemain : " Je me réjouis que vous voyiez nos
jeunes Abbés Etudiants et je vous les recommande, et je tiendrai pour
fait à moi-même tout trait d'amitié que vous aurez pour eux ".

35 Pages 341-350

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35.1 Page 341

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327
Les vocations que D. Bosco sut découvrir et développer
chez ses jeunes le rendirent cher à plusieurs Ordres religieux et
à diverses Congrégations religieuses : ils les leur envoyait, usant
de prudence pour en seconder les penchants, le caractère, Ie sa-
voir et le progrès dans la vertu.
* Sagra di S. Michele = Abbaye SrMichet (37 km à l'Ouest de Turin).

35.2 Page 342

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328
CHAPITRE XXXV
L'Histoire
écire ce
de I'
livre
E- glisLees-
Raisons qui poussèrent
Papes, les Conciles, les
D. Bosco à
progrès du
Catholicisme
édifiants de
s-aintQs ujeeulqnueess
fastes
gens.
des
Diocèses
subalpins
-
Faits
D. Bosco ne prenait pas moins à cæur les livres scolaires
que les livres de piété. En octobre 1845 il menait donc à terme son
ouvrage sur I'Histoire de I'Eglise. Il portait pour titre : Histoire de
l'Eglise, à l'usage des écoles, utile aux personnes de toutes con-
ditions, composée par le Pr[êtreJ Jean Bosco. C'était un volume
d'environ 200 pages, édité par l'imprimerie Speirani et Ferrero (1).
Dignes de mention particulière sont les raisons qui poussè-
rent D. Bosco à composer ce livre : " M'étant, comme il [t'écrit] dans la
préface, dévoué depuis plusieurs années à I'instruction de la jeunesse,
avide d'offrir à cette même [jeunesse] toutes les notions, parmi les plus
utiles, que je pouvais, je me mis à la recherche d'un cours succinct
d'Histoire de I'Eglise, qui fût adapté à sa capacité. J'en trouvai,
il est vrai, quelques-unes prisées à plusieurs titres, mais, pour I'usage
(1) Turin : rue St-François N. 9, à côté de l'église St-Roch.

35.3 Page 343

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329
proposé, ou bien elles sont trop volumineuses, ou bien elles s'é-
tendent plus qu'il ne faudrait sur I'histoire profane ; diverses peu-
vent être plutôt appelées des dissertations polémiques sur les as-
pects somptueux de I'Eglise ; d'autres enfin sont traduites de lan-
gues étrangères et prennent le nom d'histoires partielles et non
universelles ; et ce que je ne pus observer sans indignation, c'est
que certains auteurs, semble-t-il, ont honte de parler des Pontifes
Romains et des faits les plus brillants qui ont directement trait à
l'Eglise.
" C'est pourquoi, poussê par le besoin et par les instances de nom-
breuses personnes influentes, je me suis décidé à composer ce
résumé d'Histoire de I'Eglise.
" Je lus toutes celles que j'ai pu trouver écrites dans les langues
de chez nous ou dans les langues étrangères, et je pris de cha-
cune les opinions et les expressions qui sont plus italiennes,
(c'est-à-dire Romaines), et plus simples en fonction de la capa-
cité d'un jeune garçon.
" Les faits complètement profanes ou civils, arides ou moins im-
portants, ou encore mis en question, je les négligeai totalement,
ou j'y faisais seulement allusion ; en revanche ceux qui me sem-
blèrent plus tendres et plus émouvants, je les traitai avec plus de
soin, en indiquant leurs circonstances avec des détails, afin que
non seulement I'esprit soit instruit, mais que le cæur également
reste spirituellement touché.
" Pour qu'on puisse plus facilement percevoir ce qu'elle renferme
de plus important, je la divisai en chapitres suivant les époques, en
exposant le tout sous forme de dialogue ; et je fis tout cela sur le
conseil de personnes prudentes.
" Pour quiconque naquit et fut élevé dans le giron de l'Eglise Ca-
tholique il ne peut, me semble-t-il, y avoir chose plus nécessai-
re, et qui puisse en même temps s'avérer finalement agréable,
que cette histoire qui expose le début et le progrès de cette
religion et explique clairement comment au milieu de tant de
contradictions elle s'est propagée et conservée.

35.4 Page 344

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330
" Que donc le Ciel bénisse cette légère fatigue, dont le but est d'ac-
croître la gloire du Seigneur et de faciliter les progrès dans la
connaissance d'une histoire qui, de toutes, après l'[Histoire] Sainte,
est la plus louable ; et que soit béni du Ciel l'aimable lecteur
qui voudra s'en servir ".
Don Bosco dédiait son travail au Provincial des Frères
des Ecoles Chrétiennes de Turin, frère Hervé De la Croix, au-
quel il disait : " L'estime et le respect que je professe envers
V[otre] Très Honorée S[eigneurie] m'engagent à lui dédier ce petit
Ouvrage, unique hommage que je puisse Vous offrir. Je sais très
bien que s'opposeront Votre modestie et Votre humilité ; mais
comme il a été écrit uniquement pour la plus grande gloire de
Dieu et pour le profit spirituel principalement de la jeunesse,
dont inlassablement Vous vous occupez, ainsi Vous sera enlevé
tout prétexte pour vous opposer.
" Daignez donc l'accueillir sous Votre puissante protection ; qu'il
ne soit plus mien, mais vôtre, et faites en sorte qu'il circule
entre les mains de qui voudra s'en servir.
" En attendant je retiens comme un grand honneur de pouvoir me
dire avec la plus distinguée vénération
De Vlotre] Très Honorée S[eigneurie]
Très humble et Très obligé Serviteur
BOSCO JEAN Pr[être] ".
En ces pages D. Bosco grave toute sa foi et tout son a-
mour envers la Papauté.
Ayant donné la définition de l'Eglise, décrit la hiérarchie
ecclésiastique, présenté au lecteur St Pierre qui exerce le premier acte
de son autorité suprême au Concile de Jérusalem, qui accueille en
Comeille les prémices des Gentils, qui va à Rome, y établit son Siège

35.5 Page 345

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331
et y meurt martyr après avoir opéré des miracles retentissants et sans
nombre, D. Bosco continue à raconter ce dont, nous ici, nous faisons
mention, afin qu'on apprécie I'ourdissage de sa toile.
A Rome tout à tour succèdent à Pierre sur sa Chaire,
héritiers de son autorité, selon une chaîne ininterrompue, 255 Papes :
tous les fidèles reconnaissent en eux des Vicaires de Jésus Christ
assistés de I'Esprit Saint. Tandis que les trente-trois premiers Ponti-
fes Romains, imperturbables au cours des persécutions, attestent au
moyen de leur sang la divinité de Jésus Christ et sa doctrine, ils
témoignent aussi de la primauté de juridiction dont ils sont investis
sur I'Eglise universelle ; et ils publient des lois auxquelles tous les
vrais chrétiens obéissent et qui, pour la pluPart, sont encore de nos
jours en pleine vigueur. Contre la Papauté se dressent pour la combat-
tre les hérésies, les schismes, les tyrannies de I'empereur ; et les Ponti-
fes Romains convoquent par centaines les Evêques de chaque région
de la terre, prêsident les Conciles généraux en personne ou par I'in-
termédiaire de leurs Légats, et c'est seulement par la confirmation du
PRSaoixpmeceeqanuetptalreersntde;écElaivsêicoaqnuusseedseedssutaeuCngotuensnctdeiluseeads!ese-Cmhbaplecrséodcpolraienmnena, eiatnpStrtèvsaAluaegvuuors.irti-né.-
couté la lettre du Pape St Léon, qui condamnait l'hérésie d'Eutychès,
s'écriaient d'une seule voix
a parlé par la bouche
d: u-
Tous nous croyons ainsi. Pierre
Pape Léon. Que soit anathème
quiconque ne croit pas ainsi / - Au deuxième Concile de Lyon,
qui s'est tenu pour la réunion de I'Eglise Grecque avec la Latine, sous
la présidence du Pape Grégoire X, I'assemblée, composée des Pa-
triarches latins et grecs, de plus de cinq cents Evêques, [d'rn groupe]
d'abbés et d'autres éminents théologiens [au nombre] de mille
soixante-dix, affirmait solennellement en chæur le fait pour le Pontî
fe Romain d'être le véritable, le légitime successeur de St Pierre
et l'impossibilité d'être sauvé pour quiconque s'obstine à ne pas
vouloir lui être uni. Et le cinquième Concile du Latran condamnait
le Conciliabule de Pise et dêclarait [que c'était unel erreur [oe oire]

35.6 Page 346

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332
qutun Concile æcuménique était supéieur au Pontife Romain.
Don Bosco voyait dans le Pape tout ce qui au monde exis-
tait de plus cher et de plus digne : il était jaloux de son hon-
neur plus que du sien propre. C'est pourquoi il dit en écrivant
au sujet du Pape St Marcellin, dont la constance dans la foi en
face des persécuteurs fut réaffirmée par le Très sage Léon XIII
ddiax-nsseplat mleilçleonchdutieBnrsévciaouirreon:n-és
En un seul
de la palme
jour on compte
du margtre, par-
mi lesquels le Pape St Marcellin qui intrépide encouragea les
autres, tant qu'ilput resptrer, à résister dans les tourments.
Et en attendant D. Bosco indique comment la plupart des
tyrans, et des hérésiarques, qui attentèrent à la pureté de la Foi, ainsi
qu'aux droits spirituels ou temporels de I'Eglise et du pape, depuis le
début jusqu'à nos jours, ont été frappés par la Justice Divine à travers
des malheurs et des morts épouvantables ; et en même temps il
montre comment s'est propagée la Foi, se sont levés et épanouis à
l'ombre de la Papauté les saints Pères, les Ordres religieux, qu,il
évoque petit à petit, ainsi que les armées sans nombre de saints.
Ainsi, avançant de siècle en siècle, il fait ressortir l,ac-
tion bénéfique des Pontifes Romains au milieu des nations ; la
divinité de I'Eglise catholique continuellement affirmée par des
faits miraculeux ; et il noue en une seule gerbe ses différenrs
récits en mettant à la fin du livre la liste chronologique des
conciles généraux depuis celui de Nicée jusqu'à celui de Trente,
ainsi que la liste de tous les Papes jusqu'à Grégoire XVI.
Mais un bon Catholique est aussi un bon patriote et, par_
lant de I'histoire universelle de l,Eglise Catholique, Don Bosco
n'oublie pas les gloires chrétiennes de sa patrie, et sou-
vent çà et il en fait mention au bon moment. Ensuite il évo-
que les saints martyrs de la Légion Thébaine, Second, Soluteur,

35.7 Page 347

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333
Adventeur et Octave qui à Turin versèrent leur sang pour la foi
en I'an 300 après [lesus] C[hrist]. Il célèbre St Maxime Evêque de
Turin, mort en 417 [sic*], qui, rempli d'une très grande dévotion pour
la Vierge Marie, d'un très grand amour pour les pauvres, fut d'un tel
talent pour combattre les erreurs de Nestorius et d'Eutychès et
pour les tenir loin de son diocèse, qu'au Concile de Rome il
siégea à la première place après le Pape St Hilaire. Il rappelle
Agilulphe Duc de Turin et ensuite Roi d'Italie mort en 615 qui,
après s'être converti de l'arianisme, employait toutes ses forces
pour faire prospérer dans ses états la vraie religion, en chassant
les hérétiques, en dispersant les demiers restes de l'idolâtrie, en
fondant avec St Colomban le célèbre monastère de Bobbio et en
construisant l'église St-Jean-Baptiste à Turin. Il n'oublie pas la prin-
cesse turinoise Adelaïde, qui en 1064 faisait de très abondantes
donations à l'Eglise Ste-Marie à Pinerolo en offrande pour les âmes de
ses parents défunts. Il fait mention de la venue de St François d'Assise
à Turin, de la secte des flagellants, du miracle du T[rès] S[aint] Sacre-
ment, de la charité du Bienheureux Amédée de Savoie, de I'Apôtre de
Turin et de tout le Piémont le Bienheureux Sébastien Valfrè ; du Père
Lanteri et des Oblats de la Vierge Marie ; du Vénérable Cottolengo
fondateur de la Petite Maison de la Divine Providence, æuvre colos-
sale, miraculeuse merveille de Charité Chrétienne ; de l'Institut
des Prêtres de la charité, fondé par le célèbre Abbé Rosmini, dont les
membres formés dans l'étude et dans la piété devaient s'occuper des
différentes parties du Ministère Sacré en fonction des besoins. Et
finalement, des multiples Institutions de la Marquise Barolo.
Enfin nous ferons remarquer qu'ayant destiné son ouvra-
ge aux enfants des écoles et des Oratoires, D. Bosco entrelarde çà
et son rêcit de petits faits édifiants et héroïques, [vécus par] de
saints jeunes gens, qui enflammaient chez ses élèves un amour tel
* Hilaire papel.461-468 ; Concile de Rome : 465 ; Maxime meurt en 4651466.

35.8 Page 348

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334
qu'ils étaient prêts à tout sacrifice pour la Foi et pour la conser-
vation de la grâce de Dieu dans leurs cæurs.
Dès que cette composition de D. Bosco vit le jour, el-
le fut trouvée très indiquée pour la jeunesse soit en raison du choix
judicieux des faits, soit en raison de la facilité du style dans lequel ils
étaient présentés, soit encore en raison de la pureté des expressions
qu'il employait ; c'est pourquoi elle fut accueillie sous les applau-
dissements et largement diffusée pour I'immense profit de la jeu-
nesse, dont le bien-être commandait toujours à chaque pensée et à
chaque sentiment du saint homme. En effet, il s'en fit bien onze
éditions, et le nombre des exemplaires diffusês jusqu'à présent
dépasse les cinquante mille.

35.9 Page 349

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335
CHAPITRE XXXVI
Nouvelles accusations d'un secrétaire des Moulins contre les
jscateepamultfenéibnlecsudhsliiadsddenmutee-S-led' cEaOrsEnéprstsapitrlro'aeErniirtgce-eldiss-eeDept.SrLdBot-éaopMsshiMalcléurottsaiieineoirtni--e.soinLnImatceoprmurderaiastigsnleeiodsn-usSdLue''Oniugirnonaentusorirdveeeet
A Turin de nouvelles croix attendaient D. Bosco. La Mai-
rie n'avait pas encore répondu à la pétition des meuniers, et
n'avait pris aucune décision. On vivait dans I'anxiété ; quand les
ennuis atteignirent leur comble à cause d'une lettre envoyée aux
Syndics par un Secrétaire des Moulins. Celui-ci, faisant de son
écrit le recueil des faux bruits qui couraient sur les lèvres
des adversaires, et les exagérant délibérément, disait qu'il était
impossible aux familles préposées à ces travaux de pouvoir
encore vaquer à leurs tâches et vivre tranquilles. Il faisait
allusion au danger : au cours de ces récréations dissolues
quelqu'un pouvait tomber dans le large et profond canal les
eaux courent vers les roues des moulins. Il alla jusqu'à af.-
firmer que ce groupe de jeunes gens était une pépinière d'immo-
ralité. Alors, bien que persuadés que le compte rendu ne mê-
ritait pas confiance, cédant à la majorité du Conseil, les Syndics

35.10 Page 350

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336
émirent un ordre, courtois dans la forme et adressé au Théol.
Borel, en vertu duquel D. Bosco devait laisser libre ce lieu et
transporter ailleurs son Oratoire.
Ville de Turin - Premier Département - Service général - N. 407.
Turin, le 18 novembre 1845.
Ill[usmJ et Très Rév[érendJ Monsieur,
La Ragioneria, informée des inconvénients provoqués par les en-
fants qui se rendent, conformément à I'autorisation qui en a été
donnée à V[otre] Ill[ustre] et T[rès] R[évérende] S[eigneurie], à la
Chapelle de la ville près des moulins de la Doire pour être ca-
téchisés, a décidé que doit cesser au 1er janvier prochain la per-
mission accordée à V[otre] S[eigneurie] de I'usage de ladite cha-
pelle.
Il nous déplaît que les inconvênients survenus aient donné motif
à cette décision de la Ragioneria, à laquelle, nous osons I'espé-
rer, vous serez disposé à vous conformer, et nous avons l'hon-
neur de nous dire avec notre considération distinguée
de V[otre] Ill[ustre] et T[rès] Rév[êrende] S[eigneurie]
Très dévoués et Très obligés
LES SYNDICS
DI SERRAVALE - BOSCO DI RUFFINO.
D. Bosco annonça aux jeunes la décision de la Mairie.
Regret génêral, soupirs inutiles. L'un des plus grands exprima ses
condoléances à D. Bosco pour cet affront ; mais il lui répondit
sans tarder : -
se chargera de
Cela n'a pas d'importance
prendre en temps voulu la
: la Providence divine
défense des innocents.
-de
Et il en fut
leur victoire.
ainsi.
Les
adversaires
ne
tirèrent
pas
tous
profit

36 Pages 351-360

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36.1 Page 351

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337
Le Secrétaire, auteur de la fameuse lettre, écrivit pour la
dernière fois. Après avoir libellé cet écrit contre I'Oratoire, il fut pris
d'un violent tremblement à la main droite, dut quitter son emploi et,
après une période de trois ans, descendre dans la tombe. Néanmoins
I'un de ses jeunes enfants, abandonné en pleine rue, fut ensuite
mis à l'abri par D. Bosco dans I'hospice que quelque temps plus
tard il ouvrait à Valdocco. Charitas benigna est. La charité est
bienfaisante et accueille tout le monde de la même manière (1).
En ce moment-là, son æuvre, si avantageuse pour la mo-
ralité des jeunes enfants du peuple et pour la tranquillité urbaine,
notamment les dimanches et les jours de fête, D. Bosco voyait non
seulement qu'on ne l'appréciait pas, mais qu'on la repoussait. La tran-
quillité privée ne voulait en rien se déranger .pour la tranquillité
publique. Lui pourtant, patient mais ferme dans sa résolution, maîtri-
sait une prétention excessive par une docilité héroïque. Il était
préoccupé, mais il n'était pas abattu. Que sa force d'âme fut un don
spécial reçu de I'Esprit Saint, la preuve en est qu'il a accompli tant de
bonnes æuvres en des temps très difficiles, sans cesse au milieu
d'acerbes contradictions, avec promptitude, intrépidité et sans os-
tentation. Souffrant, il restait joyeux et offrait tout à Dieu, de
sorte que les choses les plus ardues et. les plus contraires à la nature,
il les considêrait comme faciles et suaves. Et était-ce peut-être un
passe-temps que de se trouver au milieu de tant d'enfants, rustres,
mal éduqués, bruyants, pas tous reconnaissants, parfois même im-
polis dans I'expression de leur gratitude ? Etait-ce peut-être une déli-
cieuse occupation que de les instruire en se donnant beaucoup de mal
à cause de I'esprit obtus des uns et à cause de l'obstination et de la
nonchalance des autres ? Et pourtant il les traitait avec tant d'affec-
tion et d'égard : Ie meilleur des pères n'en aurait pas fait autant ! Oui !
Pour ses jeunes D. Bosco aurait été content d'affronter et de supporter
(1) t co t:,+.

36.2 Page 352

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338
tous les tourments, comme de faire le sacrifice de sa vie pour le
salut de leurs âmes.
Donc avec ses trois cents jeunes, passé un mois, il reste-
rait en pleine rue sans un toit sous lequel [il pounait] les abriter
de la pluie, de la neige et des vents glacials. En attendant, pen-
dant un ou deux dimanches il tira encore profit du délai qui lui
avait étê accordé par la Mairie en rassemblant ses jeunes dans
l'église St-Martin, mais il ne permit plus qu'ils se divertissent en
ce lieu. L'après-midi, après avoir fait le catéchisme, il conduisait ses
troupes au-delà du pont Mosca et, près de la rive de la Doire, il les
faisait descendre dans l'un des champs non cultivés qui s'étendaient
sur la gauche de qui entre dans Turin. Là, il donnait à chacun un gros
[morceau de] pain et une abondante portion de fruits ou de viande sa-
lée et, une fois distribués les différents jeux, boules, palets, échasses
et cordes à sauter, on commençait la récrêation qui durait jusqu'à la
nuit. Pendant ce temps-là, il présidait à leurs ébats, assis sur un coin
de terrain un peu plus élevé, tout en récitant parfois le bréviaire.
Au cours de ces semaines-là, il chercha un autre lieu se
réfugier, mais il ne lui fut pas donné de le trouver. Une grande curio-
sité avait conduit beaucoup de gens de la ville à St-Piene-aux-Liens
et à St-Martin-des-Gros-Moulins pour entendre parler des tristes évé-
nements relatifs au Chapelain, à la domestique et au secrétaire. Une
espèce de terreur s'était insinuée dans les esprits, de sorte également
que certaines bonnes personnes riches repoussaient I'idée d'accueillir
sur I'un de leurs terrains D. Bosco et son Oratoire. " Dans le même
instant on comprenait, laissa par écrit D. Bosco, que s'opposer à ce
que nous faisions, c'êtait s'opposer à la volonté du Seigneur. Ce n,était
pas qu'il envoyait directement pour nous venger d'aussi terribles châ-
timents, mais il permettait de semblables malheurs pour indiquer qu'il
ne voulait pas que quelqu'un fît obstacle à notre Oratoire ". Pourtant,
avant qu'il n'eût beaucoup marché [dans sa recherche], se produisirent
d'autres faits, qui firent connaître que le Seigneur bénissait tous ceux

36.3 Page 353

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339
qui prêtaient la main pour promouvoir et soutenir cette æuvre si
bienfaisante ; et de très nombreuses personnes de Turin et d'ailleurs
confièrent à maintes reprises que leur sort et celui de leur famille
s'était mis à s'améliorer, à partir du moment elles avaient pris
l'habitude de venir en aide aux pauvres jeunes gens de D. Bosco.
Mais en ces jours-là on attendait en vain un rayon d'espé-
rance. C'est pourquoi D. Bosco consulta D. Cafasso, consulta Ie
Théol. Borel et D. Pacchiotti. Charitas non agit perperam. La
charité n'agit pas avec témérité (1). Quel parti prendre ? Il était
impossible de retourner au Refuge. Continuer à tenir des rassem-
blements jusqu'au ler janvier dans l'église St-Martin n'était pas
convenable, à cause de l'animosité des meuniers rendue plus
hardie en raison des décisions de la Mairie. Il n'était pas ques-
tion de supprimer les catéchismes. Mais aller ? Après avoir
prié, ils décidèrent de continuer l'entreprise à tout prix. En cas
d'intempéries l'église St-Martin servirait d'abri pendant une heure
et on ne ferait alors que l'instruction religieuse ; [autrement] la
place des Moulins serait le lieu de rendez-vous et le point de
départ; et l'Oratoire deviendrait comme ambulant.
On était au tout début de décembre et pendant quelques
dimanches et jours de fête on commença à procéder ainsi. Le
matin les jeunes accouraient à la place des Moulins D. Bosco
les attendait, chacun étant muni de victuailles pour toute la journée.
A une certaine heure le bon Capitaine les faisait se mettre en ordre,
leur recommandant le silence, au moins à l'intérieur de la ville.
Ayant donnê le signal de se mettre en route, à jeun et souffreteux,
il se plaçait à leur tête et conduisait la joyeuse bande à quelques
kilomètres de Turin, tantôt à Sassi, tantôt à Notre-Dame-du-Pilier,
à Notre-Dame-des-Champs, au Mont des Capucins, à Pozzo di
(1) t co t:,a.

36.4 Page 354

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340
Strada, à la Crocetta, et ailleurs. Parvenus au but qui avait été
indiqué auparavant, D. Bosco demandait au curé de l'endroit ou aux
religieux du couvent une permission qui ne fut jamais refusée.
Tous entraient dans l'église, et comme D. Bosco désirait surtout
les voir se confesser, même si le temps était alors limité, il priait
quelques bons prêtres de se prêter à en écouter un certain nombre.
Puis il célébrait la sainte messe et faisait ensuite une
courte explication de l'Evangile. La conduite des jeunes, marquée
de dévotion, édifiait les paroissiens de l'endroit, et les religieux
eux-mêmes si ce lieu était un couvent. Ce qui attirait le plus
fortement les jeunes étaient les sermons de D. Bosco. Un jour il
expliquait la cause de cet enchantement à D. Louis Guanella :
-fantsS,i
vous voulez plaire
il faut leur apporter
et faire du bien, en prêchant aux en-
des exemples, des paraboles, des com-
paraisons ; mais ce qui importe le plus c'est que les récits soient
bien développés et très détaillés: descendre aux petites circons-
tances. Alors les jeunes s'intéressent pour une partie [du sermon]
et pour l'autre aux actions, différentes ou opposées, des person-
nages décrits, réagissent avec passion aux événements douloureux
ou heureux par lesquels est frappée leur imagination et attendent
avec anxiété [pour savoir] comment finira le récit.
Le soir, on se rassembait une nouvelle fois dans l'église ou
dans une cour voisine pour un peu de catéchisme, un chant et un récit
en forme de sermon ; après quoi D. Bosco les emmenait faire un tour :
c'étaient des promenades, là-haut à travers les collines peu éloignées,
le long d'un chemin plus ou moins dégagê, ou en quelque autre
endroit où ils pouvaient s'amuser sans causer de tort à eux-mêmes et
aux autres. Ces promenades n'étaient pas sans dépense. L'air pur et le
mouvement aiguisant l'appêtit chez les jeunes, beaucoup d'entre eux
avaient parfois consommé, même avant le déjeuner, ce qu,ils ap-
portaient avec eux comme vivres et, ayant ensuite faim, D. Bosco
devait les réapprovisionner en pain.

36.5 Page 355

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341
Lorsque le soleil commençait à se coucher derrière les
Alpes, on donnait le signal, et on retoumait en ville, chacun
rentrait chez soi pour raconter tout ce qu'avait fait et dit le bon
Directeur. Avant d'arriver au Refuge, D. Bosco, passant devant une
église, avait I'habitude d'y entrer accompagné de deux ou trois de ses
plus grands jeunes gens pour adorer ou pour recevoir la bénédiction
du Saint Sacrement. Et Dieu était avec lui !
Finalement l'église St-Martin fut totalement abandonnêe,
le quatrième Dimanche de I'Avent, 22 décembre. Après avoir fait
réciter une prière par les jeunes rassemblés, pour saluer en guise
d'adieu le Saint Patron de cette église, D. Bosco, levant les yeux
paEluet ntcoitiuuemdl,oésv'eéeiturassitleléXsctjreiSéuenigteansenu,driislaplpeqauurtr'ieildntissolaaritttaerairtev:eect-touuntDeceoemqxupi'rneeltlsesecisootnnttideeenrtr]va.o-iext
remplie d'une vive
reuse nous aidera !
confiance
Allons à
:
la
-rechPeartciehneced'!unLaauVtrieerlgoecalB. ienheu-
pl-us
Et le
près de
trouverons-nous
lui.
? lui demandèrent alors ceux qu'il
avait
le-s
Celui qui prépare le nid aux oiseaux et I'abri aux
cavernes des bois, non, il ne nous oubliera pas.
fauves
dans
Le jour de Noël les jeunes déferlèrent comme une gros-
se vague chez D. Bosco au Refuge. Que faire ? La pièce, déjà
étroite par elle-même, était de surcroît encombrée par un grand
tas d'accessoires pour la récréation et d'objets d'église, qui a-
vaient été r apportés ici depuis les Moulins ou enlevés de la
chapelle provisoire du Petit Hospice. D. Bosco, entouré par une
multitude d'enfants prêts à le suivre partout il irait, n'avait
pas un pouce de terrain pour les amuser, que de quelque ma-
nière il pouvait dire sien. La saison était devenue très rigoureu-
se. Personne ne pouvait imaginer, et pas davantage D. Bosco
lui-même, où finalement il trouverait un abri. En attendant ils se ren-
dirent tous dans une êglise voisine pour assister aux trois Messes ;

36.6 Page 356

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342
mais ce fut une fête bien différente de celle de I'année pré-
cédente, et cette pensée infusait dans les cæurs une inhabituelle
tristesse.
Toutefois, bien qu'il fût préoccupê car, il le craignait, les
jeunes, agacés, ne viendraient plus aux réunions les dimanches et
jours de fête, D. Bosco cachait sa peine, se montrait avec eux de
bonne humeur, il les réconfortait et les poussait à la persévéran-
ce ; et il les déridait en leur racontant mille merveilles au sujet du
futur Oratoire, qui pour le moment existait seulement dans son
esprit et dans les
chers enfants, leur
décrets du
disait-il, un
Sbeeiagunebuârt.im-entNeestcdraéijgànperzéppaas,
mes
pour
vous ; bientôt nous irons en prendre possession : nous aurons une
belle église, une grande maison, des cours spacieuses, et un nom-
bre immense
Ce n'était pas
de jeunes
une mince
avfifeanirdero!nLtess'ajemuunseesr,lupi rfiaeirsaeietnttracvoaniflilaenr.ce-
!
La situation critique qui était la sienne devait, semblait-il, faire partir
en fumée toute idée d'Oratoire et disperser ceux qui le fréquentaient.
Au contraire leur nombre augmentait sans cesse. Ils se répétaient
l'un à l'autre la prophétie de D. Bosco, et en 1856 Monsieur
Villa Joseph entendait un grand nombre d'entre eux, devenus dé-
sormais des hommes bien ancrés sur les réalités, raconter les pro-
messes prophétiques et leur réalisation que lui-même voyait.
Voici un fait bien digne également d'être noté : de toutes
ces pérégrinations de D. Bosco le point de départ, d'arrivée et de
séjour fut toujours Valdocco, comme si un puissant aimant I'y atti-
rait. Fruit d'une charmente imagination, un autre spectacle magnifique
lui avait été présenté en rêve. Il le raconta brièvement à un petit
nombre de ses confidents en 1884. Mais ce qu'il y a ldans ce spectacle]
de plus splendide lui échappa de la bouche à plusieurs reprises et a-
vec de longs intervalles sur I'espace d'environ vingt ans, en contem-
plant ému et comme en extase l'église Marie-Auxiliatrice. Celui qui
êcrit ces lignes était à ses côtés : il ne laissa pas tomber ses paroles,

36.7 Page 357

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343
les notant chaque fois et ensuite, une fois rassemblées, il en résulta la
scène décrite ci-après.
I1 lui avait semblé être en bordure nord du Rond-point ou
Carrefour Valdocco, et portant son regard du côté de la Doire, à
travers les arbres très hauts qui, à cette époque, omaient dans leur
alignement I'avenue qu'on appelle actuellement Reine Marguerite,
il vit en bas, à la distance d'environ soixante-dix mètres auprès
de la rue Cottolengo, dans un champ cultivé en pommes de terre,
maïs, haricots et choux, trois jeunes, très beaux, qui resplendissaient
de lumière. Ils se tenaient immobiles debout dans l'espace qui au
cours du rêve précêdent lui avait été indiqué comme théâtre du
glorieux martyre des trois soldats de la légion Thébaine. Ils I'in-
vitèrent à descendre et à venir avec eux. D. Bosco se hâta et,
quand il les eut rejoints, ils I'accompagnèrent, avec une grande
amitié pleine de tendresse, en direction de l'extrémité du terrain
à présent s'êlève majestueuse I'Eglise Marie-Auxiliatrice. Après
un court trajet en allant de merveille en merveille, il se trouva
devant une Dame magnifiquement vêtue, d'une grâce, d'une ma-
jesté et d'une splendeur indicibles, près de laquelle il aperçut un
groupe de vieillards ayant I'aspect. de princes. Comme à une
Reine lui faisaient un très noble cortège d'innombrables person-
nages parés d'une grâce et d'une richesse éblouissantes. Tout
autour s'étendaient d'autres bandes aussi loin que pouvait se por-
ter le regard. Cette Dame, qui était apparue à présent est
placé le maître-autel de la grande Eglise, invita D. Bosco à s'ap-
procher. Quand il fut près d'elle, elle lui révéla que les trois
jeunes qui l'avaient conduit vers elle étaient les martyrs Soluteur,
Adventeur et Octave ; et par elle semblait lui indiquer que de
ce lieu ils devaient être les [saints] patrons particuliers.
Ensuite, un sourire enchanteur aux lèvres, et par d'affec-
tueuses paroles elle I'encouragea à ne pas abandonner ses jeunes,
mais à continuer avec une ardeur toujours plus grande dans l'æuvre

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344
entreprise ; elle lui dit qu'il rencontrerait de très lourds obstacles,
mais que ces derniers seraient surmontés et abattus par la confiance
qu'il mettrait dans la Mère de Dieu et dans son Divin Fils.
Enfin elle lui montra peu distante une maison, qui exis-
tait réellement, et plus tard il sut qu'elle êtait la propriété d'un certain
monsieur Pinardi ; ainsi qu'une petite église, prêcisément à I'endroit
est à présent l'église St-François de Sales avec le bâtiment annexe.
Levant ensuite la main droite elle s'écria d'une voix ineffablement
haTmonieuse : HAEC EST DOMUS MEA: INDE GLORIA MEA [Voici
ma demeure : d'elle rayonnera ma gloire].
Au son de ces mots, D. Bosco demeura si ému, qu'il sur-
sauta, et la silhouette de la Très Sainte Vierge, car telle était la Dame,
lentement disparut, ainsi que toute la vision, comme la brume au lever
du soleil. En attendant, confiant dans la bonté et la miséricorde de
Dieu, aux pieds de la Vierge, il avait renouvelé le don de tout son être
à la grande æuvre à laquelle ilétait appelé.
Le matin suivant, tout en fête à cause du rêve, il s'empres-
sa d'aller visiter cette maison qui lui avait êté indiquée par la Vierge.
JAMeuavisamiqosumevelolenirt ndueenefsuomtrtpairaissdoensaspadooucuhvlaaomunrtbecrueos,neivlseudnriiprt ràaisuen,TolohtrréesoqOlu. reBa,otopriearrelv:.en--u
en cet endroit, au lieu d'une maison avec une église, il trouva
une habitation de gens de mauvaise vie ! Retourné au Refuge et
interrogé avec empressement par le Théol. Borel, sans donner
aucune explication, il lui répondit que cette maison sur laquelle
il avait établi ses projets ne correspondait pas au besoin.

36.9 Page 359

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345
CHAPITRE XXXVU
-LBqéc'uiOeoinlLrecfaaseritittopiecqiruraiuvertasééiceeedhsnteitsl-emDl'sOe.RcrBdlaaaoactssnoocssoiner.steqaurd-seal-nqLsueelRsaéphmcoanolislesoeosgnidepenuMbDoHlirqy.euatCtecaaisnf-atehsest oQqCuuàaeerllpqqcauueneeuossx
Lo soison devenue excessivement froide ne permettait plus
les promenades champêtres. Il était donc nécessaire, au prix de tous
les sacrifices possibles, de trouver en ville un endroit où au moins on
pourrait fixer le rendez-vous des dimanches et jours de fête. C,est
pourquoi, en accord avec le Théol. Borel, après de vives instances
adressées à un bon prêtre, du nom de Moretta, D. Bosco avait
finalement obtenu de lui en location trois pièces dans I'une de ses
maisons, peu éloignée du Refuge du côté du couchant. On y allait par
la rue Cottolengo, [qui était] alors en cet endroit un étroit sentier, et
c'êtail.la seconde maison du petit chemin qui longeait le pré Filippi,
dans lequel fut plus tard construite une fonderie de fonte. Au-dessus
du rez-de-chaussée s'élevait seulement un autre étage et on accédait à
ces pièces qui regardaient vers le midi, en entrant dans la cour
entourée sur trois côtés par le bâtiment, et [en continuant] par un es-
calier extérieur et un balcon, tous les deux en bois. Sans même s'en
douter, les jeunes s'étaient approchés de plus en plus du but de leurs
pérégrinations, de leur terre promise.

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346
Ils y passèrent environ trois mois, à l'étroit certes, mais
contents d'avoir pour cet hiver un endroit pouvoir se regrouper
pour se confesser, s'instruire, s'amuser, lorsque la neige était hau-
te, ou que les brouillards épais enveloppaient les bâtiments et les
avenues de la ville. Manquant de chapelle, on continuait à aller
à la Messe en quelque église publique pas trop éloignée : ordi-
nairement à Notre-Dame de Consolation ou à St-Augustin. Beau-
coup de jeunes gens communiaient dévotement. C'est que le
jour de I'Epiphanie et en quelque autre solennité on alla rece-
voir la bénédiction du St Sacrement. Durant cet hiver les formes
de la pratique religieuse se limitèrent à un simple catéchisme le
soir de chaque dimanche et de chaque jour de fête, ainsi qu'au
chant de cantiques devant un petit autel improvisé, sur lequel
D. Bosco avait placé entre les chandeliers une petite statue de
Notre-Dame, décorée du mieux qu'il sut et put. Il procurait êgale-
ment à ses jeunes élèves des divertissements adaptés au lieu, comme
[les jeux] de l'ambe [variante du toto], de l'oie, de la géographie
[variantedujeudel'oie], de dés, de dames, de la toile [jeuavecdesdés
sur une sorte i de canevas] parfois la main chaude, le colin-maillard
les occupaient joyeusement ; d'autres fois D. Bosco les amusait avec
les tours de passe-passe. C'est ce que racontait Castagno Etienne,
qui jeune garçon demeurait alors dans ce même immeuble. Tous
les agrès de gymnastique, devenus inutiles, avaient été transpor-
tés ici depuis le Refuge et gisaient amoncelés dans un angle.
La seule prêsence de D. Bosco suffisait à maintenir en
ordre cette foule de garnements non habitués à la discipline ; mais il
ne pouvait pas être toujours et partout avec eux, notamment dans les
églises publiques au moment des cérémonies sacrées. Il avait donc
besoin de lieutenants pour I'assistance [des jeunes], comme également
de personnes qui prendraient part aux dépenses non légères [engagées]
pour allécher et récompenser les jeunes. Et ces [personnes] ne man-
quèrent pas. " Dès le début, écrivit D. Bosco, nos bienfaiteurs fu-
rent un certain Gagliardi quincaillier qui tenait boutique devant la

37 Pages 361-370

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37.1 Page 361

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347
Basilique Sts-Maurice-et-Lazare : ne possédant pas suffisamment
d'argent à verser en aumône, il venait à I'Oratoire pour assister les
jeunes et il cherchait à intéresser d'autres personnes en notre faveur ;
M. Montuardi, qui pendant environ deux ans donnait au Théol.
Borel un versement mensuel de trente lires ; et le généreux et
riche banquier Comm[andeur] Cotta. Ceux-là et quelques autres
messieurs s'appliquaient également à trouver de bons patrons
pour ces enfants qui ne savaient pas où aller au travail ".
A ces [bienfaiteurs] s'ajouta un jeune prêtre turinois, de
famille très riche et de belle intelligence, D. Hyacinthe Carpano,
ordonné en 1844. D. Cafasso I'envoyait aider D. Bosco. Infatigable
pour prêcher, pour faire I'instruction du catéchisme, il était toute
douceur pour s'entretenir avec les enfants, prenant part à leurs jeux.
De D. Bosco il apprenait à consacrer toute sa vie par amour de
Jésus C[hrist] en assistant la jeunesse, et avec D. Bosco comme
avec le Théol. Borel il fréquentait les prisons. Plus tard il réunissait
chez lui les étudiants du voisinage, les aidant à faire leurs devoirs
et prenant les devants pour les mettre en garde contre les dan-
gers de l'âme ; il donnait pendant plusieurs heures par jour des
leçons de langue latine à quelques-uns qui aspiraient à la carrière
ecclésiastique ; il prêchait des missions aux jeunes délinquants
enfermés par le Gouvernement à la Générale ; il abritait dans son
habitation jusqu'à dix enfants sortis des prisons, les nourrissant, les
éduquant et les envoyant travailler dans des ateliers de braves gens.
Donc avec I'assistance du Théol. Carpano, D. Bosco rou-
vrit sur-le-champ ses cours, suspendus depuis environ six mois.
Ayant réduit [le nombre] des jeunes à deux cents, ne pouvant en
accueillir davantage, il les divisa en trois classes et à chacune
il attribua une chambre. Y furent mis en place les bancs de la
chapelle St-François abandonnée. Chaque soir, après la fer-
meture en ville des ateliers, les jeunes venaient apprendre à
lire sur les tableaux muraux. Pendant une bonne heure, sur ces

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348
prés et ces champs recouverts de glace, résonnaient au loin les mo-
notones rengaines de I'alphabet, des mots entiers épelés par syllabes
et des propositions simples et composées : trois chæurs distincts
qui s'entremêlaient, interrompus tantôt l'un tantôt I'autre par la voix
du maître. Lorsque I'Oratoire était encore au Convitto St-François
d'Assise, D. Bosco avait dès ce moment-là reconnu la nécessité
d'instruire spécialement certains jeunes analphabètes, qui, déjà a-
vancés en âge, étaient néanmoins tout à fait ignorants des vérités
de la Foi. Il voyait que pour ceux-là I'enseignement oral, [employé]
seul, porterait trop loin dans le temps leur instruction religieuse
ou que par suite ennuyés ils cesseraient d'y prendre part. Il vou-
lait les mettre en mesure de pouvoir étudier le catéchisme par
eux-mêmes ; mais à l'époque ce cours, par manque de salles spé-
ciales et de maîtres capables len nombre] suffisant, dut se limiter
à peu de choses. Dans la maison Moretta par contre, comme
auparavant au Refuge, les cours du soir et les cours du dimanche
continuèrent avec quelque régularité. Bien des jeunes en profitèrent
et, s'éveillant en eux le désir d'apprendre, ils payaient de retour
pour leurs fatigues D. Bosco et quelques-uns de ses collabora-
teurs. Pour un certain nombre de garçons on fit également du-
rant lajournée quelques cours, ajustés aux professions et aux ho-
raires correspondants, et on y traitait d'arithmétique, de quelques
principes pour le dessin et de brèves notions de géographie.
Mais si D. Bosco s'occupait avec tant d'amour des ga-
mins recueillis dans la rue, dans le même temps il ne négligeait
pas une autre æuvre de non moindre importance ; celle de pré-
server de la comrption et d'instruire dans la religion les jeunes
gens qui dans des familles chrétiennes avaient reçu une bonne
éducation. C'est pourquoi chaque semaine il visitait diverses é-
coles publiques de la ville, dans lesquelles il comptait des amis
parmi les enseignants. Avec un catéchisme plein d'agrément, basé
sur le raisonnement, il s'acquittait de sa mission éducatrice, tantôt
dans les classes des bons fils de [Jean-Baptiste de] La Salle, tantôt

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349
dans celles de Porta Palazzo et de St-François de Paule, tantôt au
Collège de Portan[u]ova et ailleurs. Volontiers il remplaçait un
professeur de Religion absent ou malade, et offrait son concours dans
Ies institutions privées où I'instruction religieuse n'était pas organisée
selon un règlement. Parmi ces dernières eurent sa prédilection I'école
de grammaire [voir * p. 351] du Prof[esseur] Bonzanino et celle de
Rhétorique [voir o p. 351] du Proflesseur] D. Mathieu Picco, dont
les élèves appartenaient aux familles de haut rang de Turin. A la
satisfaction des deux enseignants il s'y rendait tous les samedis.
Ses paroles séduisantes, ses manières pleines d'affection qui n'é-
taient que pureté et simplicité, le rendaient maître du cæur des
élèves. Son apparition dans une école était toujours une fête. Les
sujets qu'il développait, il les tirait de l'histoire sainte, et il était
tellement passionné de tout ce qui la conceinait et il en parlait
avec tant de plaisir, qu'il ne se dérobait jamais à ce rendez-vous,
persévérant pendant environ dix ans. Son but ultime était de re-
commander aux élèves la confession et la communion fréquentes.
Bien que fût manifeste au premier abord la sincérité du zè-
le de D. Bosco, ce n'était pas tout Ie monde qui voyait d'un æil
favorable le fait qu'il intervenait dans les écoles de la ville. De
même l'assiduité de tant de jeunes'gens à la maison Moretta ne
pouvait passer inaperçue et donnait à redire aux désæuvrés. C,é-
tait la première fois que dans nos pays on instituait ce genre
d'écoles, c'est pourquoi il s'en fit beaucoup de bruit, chez
certains dans un sens de faveur et chez d'autres dans un sens
d'hostilité. En cet hiver de [fin] 1845 et [début] 1846 commencè-
rent à se propager certains racontars, qui, sinon à D. Bosco, cau-
sèrent à ses jeunes un très grand chagrin. Son æuvre était jugée
par beaucoup vaine et dangereuse, même par des personnes sé-
rieuses. Quelques mauvaises langues de la ville se mirent à ap-
peler notre D. Bosco un révolutionnaire, d'autres un fou, certai-
nes un hérétique. On disait que I'Oratoire était un expédient étu-
dié pour éloigner la jeunesse des paroisses respectives et pour

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350
lui apprendre des slogans suspects. Cette dernière accusation, qui
prévalait, se fondait sur le fausse croyance selon laquelle Don Bosco
était partisan d'une pédagogie dont s'était rêpandue une réputation à
juste titre douteuse, après les oppositions de l'Archevêque ; et sur
I'observation suivante : bien qu'il ne tolérât rien qui fût péché ou
manque au comportement de bon citoyen, il permettait pourtant
à ses garçons toutes sortes de récréation bruyante. L'ancien système
d'éducation dans les écoles obtenait la discipline par le visage glaçant
du maître et par le fouet, et les innovations de D. Bosco se donnaient
trop des airs de liberté. D. Bosco cherchait à se disculper auprès de
ceux qui le critiquaient lorsqu'il les rencontrait en ville, ou lorsqu'ils
venaient lui rendre visite ; mais plus il s'efforçait de faire connaître les
choses sous leur véritable aspect et plus elles étaient interprétées de
façon sinistre. Nous croyons que ces êtres-là, parmi lesquels cer-
tainement quelque partisan des idées des sectes, parlaient ainsi dans
I'intention d'éloigner de lui les jeunes et de disperser leurs réunions
des dimanches et jours de fête ; mais ceux qui le connaissaient par-
faitement, au lieu de lui enlever leur estime, la lui professaient
toujours plus grande, et se pressaient autour de lui avec de plus en
plus d'affection.
Même quelques membres du clergé voyaient en D. Bosco
quelque chose d'extraordinaire et de grand qu'ils ne savaient pas ex-
pliquer, notamment son activité et son art pour s'attacher les esprits et
dominer
malheur
les foules
à I'Eglise
s; idDe .soBrotescqou'nil'sesst'épcarsiauienntp:rêt-re
Malheur à nous,
selon le cæur de
Dseiepuer!s.u.a..d.e. rLqeus'ilersau-itv-ail it?le-s
Et ils s'opposaient à lui
impulsions d'une mission
ne pouvant
céleste.
pas
En attendant, D. Cafasso voyant D. Bosco mal compris,
considéré avec méfiance par les autorités elles-mêmes, s'employait de
toutes les meilleures manières à faire disparaître les préventions, et en
même temps il lui cherchait de§ bienfaiteurs et des protecteurs. De sa
constance à favoriser et aider D. Bosco on alla même jusqu'à lui en

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351
faire reproche, et il y eut des ecclésiastiques de bonne réputa-
tion qui sur ce point le jugèrent abusé. A cela fait allusion
Despiney dans la préface de son ouvrage sur D. Bosco, il
écrit : " Des amis [de D. Bosco], d'ailleurs très bienveillants, [...]
s'adressèrent à Don Cafasso [... son] confesseur [... lui indiquant que
ce serait] rendre à I'Eglise un véritable service que de tracer des
limites précises à un zèle trop entreprenant [...]
Don Cafasso, souriant, écoutait avec le plus grand calme ces re-
présentations qui, sous une forme ou sous une autre, lui arrivaient
assez fréquentes ; puis, invariablement, il répondait d'un ton grave et
avec un accent presque prophétique : Laissez-le faire, laissez-le fai-
re!
Personne, à Turin, ne refusait à Don Cafasso comme une sorte
de discernement des esprits : il en avait fait preuve bien des fois
et dans des circonstances souverainement délicates ; mais on était
tenté de croire que, pour Don Bosco, ce sens sumaturel pourrait
bien être quelque part en défaut.
Et tout ce monde de revenir à la charge avec une persévérance
et un luxe de considérations qui témoignaient au moins d'un soin
extraordinaire des intérêts de Dieu.
Don Cafasso se montrait toujours affable, bon, accueillant, mais
toujours aussi concluait par ce mot devenu célèbre : Laissez-le fai-
re ! (l) ".
(1) DESPINEY, Don Bosco, p.X. [Se trouve reproduir ici le texre pris di-
rectement en français dans la douzième édition (1896) aux pages IX, X et XI].
* Ecole de grammaire : Cours de deux ans, * niveau fin du Collège.
o Ecole de Rhétorique : Cours de deux ans, * nivs6, début du Lycée.

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352
CHAPITRE XXXVIII
Llm' aaOnsrcaahtneotsiéreedt-elaDL.neBesuovscacuionedséedpneéIr'Thitou-nrinneL-uer
Théol. Borel défenseur de
La brochure: Les six Di-
de St Louis de Gonzague.
Vers lo fin de l'année 1845 il sembla que D. Bosco ne
pouvait plus résister à Ia fatigue en raison du lent étiolement de ses
forces. Le Théol. Borel l'avait annoncê à la Marquise Barolo, qui
n'avait pas encore quitté Rome, et cette Dame lui écrivait avec
décision qu'à tous prix on fît en sorte de soigner la précieuse santé de
D. Bosco. Quelques jours après elle lui envoyait 100 lires pour
l'Oratoire. Le Théologien s'empressait de lui répondre:
" Ill[usrissiJme Madame la Marquise,
" La suggestion charitable de V[otre] S[eigneurie] au bénéfice du
très cher D. Bosco et la faveur que Vous daignez lui accorder,
montrent combien Vous est chère la vie de ce prêtre zélé. Il ne
manquera pas d'en tirer profit, et je Vous adresse de tout cæur
mes remerciements.
" Déjà, depuis le début de décembre, voyant que le repos lui
êtait nécessaire, D. Pacchiotti commença à célébrer la Messe
au Petit Hospice, laissant à D. Bosco la seconde Messe au

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353
Pensionnat [des Petites Madeleines]. On reconnut I'excellence de ce
remède à I'heureux résultat qu'on en retira ; nêanmoins il ne
pouvait se dire complètement guéri, et comme il nous avait êté
donnê par les attentions de V[otre] Sleigneurie] de lui accorder
pendant un peu de temps une complète détente [en coupant avec ses]
occupations du Refuge au moyen de l'éloignement de votre Pen-
sionnat et de l'ordre de devoir arrêter toute autre occupation
jusqu'au complet rétablissement, je nourris la ferme espérance de
le voir très vite guéri.
" Aujourd'hui même il m'a donné une réponse dêcisive sur ce
qu'il entend faire et le lendemain de I'Epiphanie il se met à
l'obéissance ; et il aura affaire au très Rêv[érend] D. Guala et à
D. Cafasso, s'il n'est pas ponctuel pour passer à exécution. Ces
deux derniers ont fait la gracieuse offrande d'un prêtre pour Ia
seconde Messe au Pensionnat ; et au cas notre diligence re-
doublée ne suffirait pas à satisfaire les besoins de la Maison,
j'aurai recours au Révlérend] Père Recteur des Oblats pour avoir
I'un des confesseurs habituels.
" En attendant, si c'est la volonté de Dieu de nous faire connaî-
tre un prêtre qui soit doté de I'esprit nécessaire pour cette mai-
son, je ne manquerai pas d'en rendre avertie V[otre] S[eigneurie]
et de Vous montrer combien il m'est agrêable de prêter mes
services pour [avoir] un confrère en plus etc.
3 Janvier 1846.
Très obligé Serviteur.
T[héol.l G. BoREL. ".
Donc pendant un peu de temps D. Bosco dut se rési-
gner à un repos partiel forcé, arrêtant ses fonctions au Petit
Hospice et au Refuge ; mais personne n'osa le pousser à aban-
donner ses jeunes. En effet, I'Oratoire, continué dans la maison
Moretta, avait besoin du cæur de D. Bosco en personne
pour être maintenu en vie, en dépit de tant de désagréments. Vint

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354
la fête de St François de Sales et les jeunes ne purent la solen-
niser autrement qu'en allant assister à la sainte Messe en dehors
de la maison. Mais quand ils retournèrent, D. Bosco leur avait
préparé la douce surprise de nombreux cadeaux pour la valeur
de plus de 50 lires, comme l'écrivit le Théologien Borel ; et de
la sorte la journée se passa en grande joie.
Entre-temps, comme I'avait prévu Mgr I'Archevêque, I'O-
ratoire rencontra un obstacle contre lequel bute d'ordinaire toute
æuvre non paroissiale, et qui, bien qu'excellente, n'est pas approu-
vée par un décret public de I'autorité légitime. Jusqu'alors D. Bos-
co n'avait obtenu que par oral des permissions et des approba-
tions, et on estimait que quelques rescrits lui accordaient des pou-
voirs à titre personnel et à titre provisoire. En effet, au début de
1846, se tenait à Turin une conférence réunissant beaucoup d'Ec-
clésiastiques zélés afin de traiter des moyens les plus efficaces
pour promouvoir le bien des âmes. Parmi les participants se trou-
vaient le Théol. Borel et D. Giacomelli. On vint à parler du caté-
chisme des enfants et le Théol. Dellaporta Charles, Curé de la pa-
roisse [Notre-Dame] du Carmel, saisit cette occasion pour se lamen-
ter de I'Oratoire et de D. Bosco. Il disait qu'à cause de lui les
jeunes formaient une classe indépendante de paroissiens et qu,ils
finiraient par ne plus connaître leur curé; que par conséquent il
lui semblait que ce D. Bosco n'était pas assez respectueux envers ceux
auxquels il aurait selon I'ordre hiérarchique demeurer assujetti,
ne prenant aucunement la liberté d'agir sans leur consentement.
Cet argument, plus spécieux que vrai, fut aussitôt réfu-
par le Théologien Borel, qui démontra que l,Archevêque était plei-
nement informé de tout ce que faisait D. Bosco ; que de très nom-
breux jeunes de son oratoire étaient des garçons venus d'ailleurs et
n'appartenaient pas aux paroisses ; et que privés d'assistance ils n,i-
raient même pas à la sainte Messe le dimanche. Quant à ceux de Tu-
rin, affirma-t-il, ils n'étaient pas en grand nombre et, pour la majeure

37.9 Page 369

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355
partie d'entre eux, c'étaient des jeunes gens qui, ayant mal gran-
di et très ignorants, ne pouvaient être tenus en lisières sinon par
cette espèce de fascination salutaire que D. Bosco exerçait sur
eux ; Iivrés à eux-mêmes ils ne prendraient certainement pas le
chemin qui conduit à la paroisse et, ayant de nouveau retrouvé
leurs anciennes mauvaises fréquentations, ils se perdraient. D'au-
tre part il était évident que tous ces jeunes étaient mieux ins-
truits et pouvaient plus facilement se tenir éloignés des dangers
à I'Oratoire qu'ailleurs. Du reste il regrettait que le véritable
esprit de D. Bosco ne fût pas suffisamment connu et apprécié :
D. Bosco ne détournait jamais les jeunes des paroisses, mais il
acceptait ceux qui spontanément accouraient à lui ; et par
l'exemple et par la parole il leur insufflait le respect envers les
curés, les préparant à être avec le temps deS paroissiens fidèles
et fervents ; de tout cela il apportait le plus ample témoignage.
Et il
tous
concluait
dans vos
:ég-liseSsu. pNpo'ysoans-t-qilup'oans
réussisse à les
à présent une
conduire
nouvelle
population de milliers de garçons qui envahit la ville et qui ira
sans cesse en augmentant ? Qui maintiendra l'ordre et le silence
au sein d'une aussi grande multitude indisciplinée ? Qui prendra
soin de chacun d'eux ? Ne deviendraient-ils pas source grave de
dérangement pour les autres paroissiens ? Les curés et les
vicaires ne sont-ils pas suffisamment chargés d'occupations sé-
rieuses, notamment le dimanche ? Je soutiens donc qu'il faut
faire des væux pour que non pas un mais dix, mais vingt
Oratoires soient érigés dans cette ville, avec l'assurance que les
jeunes ne feront défaut ni à ceux-ci ni
majorité de l'assemblêe accueillit, en les
aux paroisses .
approuvant, ses
- La
raisons
et on passa à autre chose.
Toutefois le Curé [de Notre-Dame] du Carmel n'en était
pas restê convaincu. Il voulait que restât incontestable et entier
le principe de la juridiction paroissiale sur chacun des fidèles ;
une autre autorité en dehors de la sienne, il ne pouvait pas

37.10 Page 370

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356
perrnettre qu'elle fût reconnue à l'intérieur des limites du terri-
toire qui lui avait été canoniquement confié. Ses confrères étaient
du même avis ; ce n'était cependant pas un misérable [sentiment]
d'ambition ou de jalousie qui les animait, car ils désiraient sin-
cèrement le salut des âmes. lls
de D. Bosco éloigne les jeunes
rdaeisolannpaaieronitssaein;sid:on-c
L'Oratoire
chacun de
nous verra son Eglise vide spécialement à I'heure des caté-
chismes, et ne pourra plus connaître les enfants, dont il devra
rendre compte au tribunal de Dieu. Donc que D. Bosco arrête de
les rassembler autour de lui et qu'il les envoie dans nos églises !
- Et ils décidèrent de demander des explications à D. Bosco
lui-même.
En effet, un jour deux respectables curés se présentè-
rent à lui et lui parlèrent dans le sens exposé ci-dessus.
en-
Les jeunes que je rassemble, répondit
rien la fréquentation des paroisses.
D.
Bosco,
n'entravent
le--ursPP, aoprurcrievqéuqsouied?eceIasosnutrvperailtliaqnuceemdenet
tous
leurs
des garçons venus
parents [qui demeurent
d'ail-
bien]
loin, et arrivés à Turin pour chercher du travail : originaires de
Savoie, de Suisse, du Val d'Aoste, de Biella, de Novare, de
Lombardie, ils constituent la majeure partie des garçons qui fré-
quentent I'Oratoire.
tie-]
Ne pourriez-vous pas les envoyer
le district ils ont domicile ?
à
la
paroisse
dont
[rait
par-
-
-
-
ge,
Ils ne la connaissent pas.
Et pourquoi ne pas la faire connaître ?
Parce que c'est moralement impossible. La
I'incertitude du domicile, car ils travaillent
diversité du langa-
tantôt chez un pa-
tron et tantôt chez un autre, l'exemple des copains pour la plu-
part peu attachés à l'Eglise, voilà ce qui d'une'manière insurmonta-
ble empêche que ces jeunes connaissent et fréquentent les parois-
ses. De plus : beaucoup d'entre eux sont déjà des adultes ; certains

38 Pages 371-380

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38.1 Page 371

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357
ont bientôt 15, 18, 20 ans, et sont encore ignares en matière de
religion. Or qui donc pourrait pousser ces gars-là à aller s'ins-
crire en classe avec des gosses de huit ou dix ans bien plus
instruits qu'eux ?
le-
Vous-même, ne pourriez-vous pas
catéchisme dans l'église paroissiale ?
les
conduire,
et
venir
faire
to-uteJse,pcoaurrrajeis
au plus me
ne peux
rendre dans une
me multiplier.
paroisse, mais pas
Nos garnements
dans
sont
dispersés aux quatre coins de la ville. On pourrait remédier à
cela, si chaque curê voulait porter la préoccupation de venir
[tui-mcme] ou d'envoyer [quelqu'un] pour rassembler ces jeunes les
dimanches et jours de fête, et les conduire aux églises respecti-
ves. Mais même cela s'avère difficile [a meure] en pratique.
Beaucoup de ces garçons viennent à I'Oratoire appâtés par la ré-
création, par les passe-temps, par les promenades qui ont lieu
chez nous (D. Bosco aurait pu ajouter : Appâtés par les belles
manières avec lesquelles je les traite) ; et par ces moyens on
les attire aussi au catéchisme et à d'autres pratiques de piété.
Sans cela, ils n'iraient peut-être dans aucune église, et ainsi ne
les auraient ni les curés, ni Don Bosco, au grand détriment de
leurs âmes. Pour éviter ce danger, ajouta-fil, il serait très utile
que chaque paroisse eût êgalement un lieu déterminé, réunir
ces jeunes gens et les retenir dans d'agréables récréations.
po-urCceelcai. n'est pas possible ; nous n'avons ni locaux, ni personnel
-
te-s
cDDomoonnmcce?pVo-ouursdleejmumgaoenmzdae;nDnt,o. u-Bso,sgeco6n.nastlutelgndnat nlet,sndoeuusxncouursésr,éu-nirofnasi-
et nous déciderons ce qui nous semblera bon.
En effet, comme peu de temps après s'étaient réu-
nis tous les curés de Turin, se trouva agitêe entre eux la
question [de savoir] si on devait promouvoir les Oratoires ou bien
les réprouver. On parla pour, on parla contre, mais prévalut

38.2 Page 372

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358
l'opinion favorable. Le Curé du Faubourg de la Doire, D. Augustin
Gattino, et le Théol. Vincent Ponzati, Curé de Saint-Augustin, fu-
rent chargés de porter à D. Bosco la réponse conçue en ces ter-
mes : " Les Curés de la ville de Turin, réunis en conférence, trai-
tèrent de la convenance des Oratoires. Ayant pesé les craintes et
les espérances de part et d'autre, comme les curés ne peuvent,
chacun dans sa paroisse, foumir un Oratoire, ils encouragent le
Prêtre D. Bosco à continuer dans son ceuvre, tant qu'on n'aura
pas pris d'autre décision ".
Et ici que nous soit permise une réflexion : Le Curé est
certainement obligé d'assurer I'indispensable instruction religieu-
se aux grands et aux petits qui sont confiés à ses soins ;
mais lorsqu'il voit ou apprend que dans un endroit ou dans
un autre elle est convenablement assurée, il commettrait pour
le moins, nous semble-t-il, une imprudence, s'il s'y opposait.
Cette imprudence les Révérends Curés Turinois ne la com-
mirent jamais, dans I'amour et le désir qu'ils eurent toujours
du plus grand bien de la jeunesse. Et même, plusieurs
d'entre eux non seulement favorisèrent les Oratoires déjà exis-
tants, en recommandant aux pères et aux mères de famille
d'y envoyer leurs enfants ; mais avec le temps, au prix de
dépenses considérables et de saciifices personnels non légers,
ils en implantèrent de nouveaux, comme firent entre autres
les Curés de la Grande-Mère-de-Dieu, des Saints-Pierre-et-Paul,
de Sainte-Julie, de St-Alphonse, de Notre-Dame du Salut, du
Sacré-Cæur de Jésus, de SrJoachim, et lde Notre-Dame] de la
Paix. Avec ce moyen ils se procurèrent la douce conso-
lation de voir nourris au bon pâturage les chers petits
agneaux de leurs paroisses et dans le même temps tenus
loin des loups rapaces, grâce à d'honnêtes passe-temps et
des cours de récréation. Pour sa part Monseigneur Fransoni,
Archevêque de Turin, était toujours plein de largesse envers
notre D. Bosco dans son soutien et dans ses secours, l'aidant

38.3 Page 373

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359
de toutes les manières et encourageant ses curés à en faire autant.
Nonobstant ces distractions importunes, D. Bosco conti-
nuait à publier les écrits qu'il finissait de coniger cet hiver-là.
A la biographie de Louis Comollo, au Chapelet des douleurs de
Marie, à I'Ange Gardien, à l'Histoire de I'Eglise, faisait suite le
petit livre de 46 pages in-32o avec le titre : Les six Dimanches
et la neuvaine en l'honneur de St Louis de Gonzague, avec un
aperçu de la vie du même Saint.
Avec cet aperçu il représentait St Louis dans son vérita-
ble caractère, et il en faisait ressortir ce qui formait ses idéaux-clefs,
dans le désir de les transmettre également en ses élèves : la vertu
de la pureté, conservée par la prière et par la pénitence; la vo-
cation à l'état religieux aidée pour qu'elle s'accomplisse ; le désir
de se porter dans les missions lointaines et de donner sa vie
pour Jésus Christ. Je transcris cette page pour qu'elle ne soit pas
perdue, ne figurant plus dès la seconde édition, entièrement
épuisée. Il dit ceci : " Saint Louis, dit I'Angélique en raison de la
pureté de ses mæurs et en raison de l'ardeur qu'il avait à faire
pénitence, était le premier-né des Marquis Gonzague, proprié-
taires du Château de Castiglione. Dès sa plus tendre enfance il
donna des signes de la sainteté à laquelle le Seigneur I'appelait.
Il n'avait que quatre ans et il aimait déjà la vie dans la solitude,
on le retrouvait souvent dans quelque recoin de la maison, ou sur la
terrasse, à genoux, les mains jointes devant la poitrine, il priait
avec ferveur. A cet esprit de tendre dévotion, qu'il conserva tant
qu'il vécut, il ajouta les pratiques austères les plus rigoureuses :
il ne se réchauffait jamais, quel que fût le froid; il porta si loin
son jeûne qu'il réduisit son alimentation à une once [= trois fois rien] par
jour ; il mettait des objets rugueux dans son lit pour se causer du
tourment même pendant le sommeil ; souvent il dormait directement
sur le sol ; bien des fois il se flagellait au point que vêtements, cilices,
planchers demeuraient tachés de son sang innocent. Ensuite afin de

38.4 Page 374

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360
souffrir et de jour et de nuit, il s'appliquait à même la
peau des ceintures porteuses de pointes aiguës d'éperons.
" Parvenu à l'âge de dix ans, ayant su combien êtait agréa-
ble au Seigneur la très précieuse vertu de la pureté, il se
rendit à l'église devant une iinage de Marie, et fit le væu
très strict de la conserver durant toute sa vie. Marie agréa
beaucoup I'offrande que le saint jeune homme, le fidèle ser-
viteur Lui faisait, et le favorisa au point qu'il eut la gloire
de porter intacte en l'autre vie l'écharpe de I'innocence bap-
tismale.
" Devenu adolescent, découvrant les grands dangers qu'on rencon-
tre dans le siècle, il résolut d'abandonner le monde, les
parents, les amis ainsi que tout l'héritage de son père, pour
s'occuper uniquement des choses qui regardent Dieu, l'âme et
l'éternité. Après de nombreuses contradictions, notamment de
la part de son père, il obtint d'entrer dans la Compagnie de
Jésus, il fit resplendir toutes sortes de vertus au degré
le plus élevé et parfait qui se puisse pratiquer par un hom-
me.
" Il enviait le sort de ceux qui donnaient leur vie pour la foi,
et lui-même désirait ardemment mourir martyr ; il obtint du
Seigneur la palme du martyre de charité, puisque, à I'apparition
brusque à Rome d'une peste extrêmement terrible, Louis de-
manda à aller servir les pestiférés, et fut lui aussi frappé
par l'épidémie elle-même de sorte que transféré au couvent,
il fut par le mal lentement consumé, puis en peu de temps
conduit à la fin de sa vie. Ceux qui pensent peu à la mort, il
leur arrive, à son approche, de craindre et de trembler, et par-
fois même de se jeter dans les bras du désespoir. Pour
Louis, il n'en fut pas ainsi. I1 considérait la mort comme un
moyen pour s'unir à son Dieu et aller prendre possession de
son bonheur étemel : c'est pourquoi, s'étant rendu compte qu'il
approchait de sa fin, il ne pouvait plus contenir Ia mon-
tée de joie qui lui inondait le cæur, et exultant il disait à

38.5 Page 375

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36r
ceux qui venaient lui rendre visite :
Ah, allons-nous-en,
aulnlonTse-nDoeuusm-enpo! u-r
ça
moi.
?
-Il
Au Paradis, au Paradis : chantez
demeura quelques instants dans un
grand calme et, tandis qu'il s'efforçait de prononcer le très saint
nom de Jésus, le sourire aux lèvres il rendit doucement l'âme,
en 1591 : il n'avait que vingt-trois ans et six mois ".
Le petit livre commençait par la préface suivante.
" Voici pour vous, jeunes très chers en Jésus Christ, un modèle et un
exemple : en le contemplant, vous poulrez vous façonner une métho-
de de vie susceptible de vous conduire au vrai bonheur. St Louis est
proposé comme un exemple d'innocence et de vertu à tous, mais
spécialement à la jeunesse, en faveur de laquelle en tout temps il
obtint du Seigneur de très nombreuses grâces par ses prières. Les
Pontifes Romains, dans le but d'étendre le culte de ce grand Saint
pour le profit spirituel des fidèles, concédèrent une indulgence plé-
nière à tous ceux qui, s'étant confessés et ayant communié auront
sanctifié sans intemrption les six Dimanches qui précèdent la fête du
Saint, ou six autres qui se suivent au cours de I'année, avec des
æuvres pieuses et des prières en I'honneur du même Saint et à la
gloire de Dieu. Cette indulgence peut être gagnêe pour chacun des
Dimanches en question, et elle est applicable aux âmes du purgatoire.
D'autre part pour que vous soyez tous en mesure de connaître les
æuvres et les prières à accomplir chaque Dimanche, on a pour chaque
jour disposé dans ce petit livre les exercices qui pourront être à
l'usage de qui voudra célébrer les Dimanches et la neuvaine de ce
Sairrt, et avoir part aux grâces et aux faveurs signalées que conti-
nuellement il obtient à ceux qui lui portent une dévotion ".
Puis en général, pour chaque Dimanche et pour chaque
jour de la neuvaine, il exposait une des vertus principales du Saint, a-
vec une prière, une oraison jaculatoire et une pieuse résolution prati-
que. Les résolutions de piété, ou efforts spirituels, suc et essence des

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362
conseils, des sermons, des exhortations personnelles que D. Bosco
donnait sans cesse à ses jeunes depuis les premiers temps, sont les
suivantes : - Si vous trouvez qu'un péché charge votre conscien-
ce, demandez-en de tout cæur pardon au Seigneur avec la promesse
denvitoeunsceenaucotenmfepsssedr eIelaplvuiseitllôetspseo,sosiùbllee.s-forceNse
renvoyez pas la
ne la permettent
plus. A qui vous dit qu'il ne convient pas d'user de tant de rigueur
pour contrarier votre corps, répondez : Celui qui ne veut pas souffrir
avec Jésus Christ sur la terre, ne pourra pas se réjouir avec Jésus
- Christ dans le Ciel. Dêcidez aujourd'hui de ne plus jamais vouloir
regarder d'objets dangereux, ni parler de choses contraires à la vertu
de la pureté. Prenons aujourd'hui la résolution de vouloir
fréquenter, autant que cela nous est possible, les Sacrements de la
Confession et de la Communion ; et de mettre en pratique les con-
seils du confesseur.
tin et du soir devant
-l'imaFgaietedseeJnéssousrteendecrroécixit,eer tlepsorptrezr-elusi
du
de
ma-
fré-
quents baisers. Les Souverains Pontifes concèdent de nombreuses
indulgences à ceux qui embrassent le Crucifix. Lorsque vous pou-
vez, allez faire une visite à Jésus au Saint Sacrement, notamment
- il est exposé pour I'adoration des quarante heures. Faites tout
le possible pour donner le bon exemple. Faites en sorte de conduire
un de vos copains à écouter la parole de Dieu et à s'approcher du
Sacrement de la Confession. Fuyez les mauvais compagnons.
Fuyez I'oisiveté, qui est la cause funeste de tant de temps perdu, et
commencez aujourd'hui une vie nouvelle qui plaise au Seigneur.
Faites en sorte à I'avenir de réciter toujours avec dévotion et
-
re-
cueillement les prières du matin et du soir. Récitez le long du jour
quelque oraison jaculatoire à Dieu et
Pensez-y chaque soir : si vous deviez
à votre
mourir
acveottceant uSitt-Llào,uqisu.e-lle
esexerarciticveostrdeemportté?de-
A
cette
la fête de St
journée, afin
Louis : Offrez à St
qu'il vous obtienne
Louis
le don
les
de
la persévérance finale.
De cette première édition il fit sortir 3000 exemplaires

38.7 Page 377

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363
de I'imprimerie Speirani et Ferrero et plus tard il en reproduisit
[le texte] dans La Jeunesse Instruite.
Dans les années suivantes, avec d'importants ajouts, il fit
réimprimer ce petit livre facilement onze fois et en tant de milliers
d'exemplaires qu'il est très difficile d'en faire le calcul. Dans ces
éditions il montre que I'Eglise est sans cesse au premier rang de ses
pensées. Il dit aux lecteurs : " Heureux les Catholiques, car ils se
trouvent dans une Religion qui, en tout temps, en tout lieu, de tout âge
et de toute condition, eut toujours de glorieux héros qui parvinrent,
grâce à I'innocence de leur vie, à de tels degrés de sainteté, auxquels
seulement la
concluait : "
sQauineteDRieeuli,giinofninidmeeJnétsubsoCnheritsitnpfienuimt ceonntdruicirhee"e.n-grâEcet si,l
bénisse les lecteurs de ce petit livre, et que dans le cæur de tous il
infuse la grâce et le désir de pratiquer les vertus qui y sont mention-
nées. Tout à la plus grande gloire de Dieu et à I'avantage des âmes ".
D. Bosco fit cadeau de son nouveau petit livre à tous
les jeunes de I'Oratoire, et sur les lèvres des enfants du peuple,
habituées auparavant à des chants profanes, résonnèrent I'hymne
Infensus hostis gloriae [Hostile à la gloire de I'ennemi] et le chant de
louange : Louis, honneur des êtres purs, poésies imprimées dans les
demières pages. Elles devinrent familières à des centaines de milliers
de jeunes artisans répandus dans le monde entier, qui certainement ne
les auraient jamais apprises sans l'æuvre de D. Bosco. Elles sont les
cantiques qui marquent le triomphe de la pureté, de I'angélique vertu
que D. Bosco ne se fatiguait jamais de recommander par ces paroles :
-n'esQt ruieens.oQnut oleds
caprices de ce monde ? Ce qui n'est pas
aeternum non est, nihil est ! Ceux qui se
éternel,
laissent
vaincre par les passions, saisis par la mort et plongés au milieu des
flammes éternelles de I'enfer, hurleront en pleurant : Nos insensati :
erravimus / [Insensés que nous étions : nous nous sommes égarés !].

38.8 Page 378

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364
CHAPITRE XXXX
D. Bosco et les condamnés à l'échafaud.
Don Cofosso, racontait D. Bosco, était I'ange de la misé-
ricorde de Dieu pour ces malheureux qui par leurs mauvaises actions
étaient conduits à terminer leur vie sur un échafaud. Sa charité n'avait
pas de limites, il ne regardait pas aux désagréments ; il accourait,
même non appelé, dans n'importe quelle autre partie du royaume. Il
avait obtenu du Seigneur une grâce très remarquable. Des nombreux
condamnés assistés par lui en leurs demiers instants, pas un seul ne
mourut sans s'être réconcilié avec Dieu, ce qui justifiait I'espérance de
leur salut éternel. Et même un bon nombre d'entre eux, pênétrés de
l'ardeur de ses exhortations, se résignaient avec un grand calme à leur
sort. Et on en vit un attendre le coup fatal le sourire aux lèvres, au
point qu'un bourreau s'écria en présence de D. Cafasso en personne :
- La mort n'est plus la mort, mais un réconfort, un plaisir, une fête.
D. Bosco suivait les exemples de son cher maître, rempli
comme il l'était du même esprit. Dès que commençait à courir le bruit
qu'était imminente la sentence capitale contre quelqu'un, Don Bos-
co, sur un signe de D. Cafasso, au cours de ses visites hebdoma-
daires aux prisons du Sénat, se maintenait autour du malheureux
et peu à peu cherchait à le disposer à faire une bonne confession,
au cas il ne l'aurait pas encore faite. Une fois lu le décret de mort,
incombait au prêtre la charge de soulager à I'aide du baume de la

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36s
religion la pauvre âme déchirée. Cela ne s'avérait pas toujours chose
facile, car certains, en blasphémant, refusaient les sacrements et
déclaraient bien haut vouloir mourir sans réconciliation, d'autres
furieux tentaient de se suicider pour éviter ce déshonneur ; parfois il y
eut celui qui en raison de haines invétérées ne voulait pas pardonner
et avec une froide impudence semblait faire fi de Dieu et des hom-
mes ; et tel autre qui presque hêbété ne comprenait aucune parole qui
pût le faire revenir aux idées de l'étemité. Mais D. Cafasso, le
Théologien Borel et D. Bosco en se relayant pour leur prêter une
continuelle assistance, réussissaient à les calmer, à leur inspirer une
grande confiance dans le ministère sacerdotal, à lleur] infuser de vifs
[sentiments] d'espérance en Dieu et d'amour pour Dieu si bien qu'ils les
amenaient à se confesser et à accepter la mort, en tant que moyen
pour expier leurs péchés.
Une fois fixé le jour de I'exécution, si D. Bosco avait en-
tendu la confession du condamné, la veille au soir il allait passer
la première moitié de Ia nuit à côté de lui dans la chapelle dite
le lieu de réconfort*. Ses paroles étaient d'une efficacité extraor-
dinaire pour consoler le patient. Il lui rappelait la bonté de Marie,
sa Mère très tendre et refuge des pauvres pécheurs. Il lui faisait
remarquer que Dieu avait permis qu'il arrivât à ce moment
douloureux, parce qu'autrement en restant impuni il irait à sa perte
éternelle ; il lui assurait que la mort, acceptée avec une pleine
résignation, étant un acte de charité parfaite, le conduirait au paradis
sans passer par le purgatoire ; il l'invitait à se jeter avec confiance
dans les bras de la miséricorde affectueuse du Seigneur, en lui
répétant les paroles qu'entendit le bon larron sur la croix : Aujour-
d'hui tu seras avec moi au paradis. De temps en temps il lui faisait
réciter l'acte de contrition, ou quelque autre courte prière.
x Petite chapelle, dite "Confortatorio" = oratoire aménagé pour la préparation
ultime des condamnés à mort.

38.10 Page 380

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366
D. Bosco remplissait sa charge, serein, affectueux, tran-
quille ; mais son calme était pure apparence, et il le maintenait
à force de volonté. Dans de telles nuits il ne put jamais sur-
monter le dégoût qui éveillait en lui une immense compassion,
ni acquérir l'indéniable indifférence qui provient de l'habitude.
La flamme bien faible d'une seule bougie, le silence qui régnait
alentour, le pas monotone de la sentinelle dans le couloir, l'é-
coulement du temps, I'approche inexorable de l'heure fatale, lui
occasionnaient une anxiété qu'avec peine il parvenait à réprimer.
Et puis parfois les sursauts du condamné dès qu'il était pris par
un instant de sommeil, un de ses mots entrecoupés qui ex-
primaient un regret, une confidence, une crainte ; parfois un
serrement convulsif de mains ; ensuite lte voir] se lever agité,
faire quelques pas, tourner autour de lui ses yeux égarés dans
lesquels les larmes avaient désormais cessé de couler, et s'aban-
donner après sur le tabouret comme en proie à une défaillance,
c'était autant de blessures douloureuses pour le cæur si sensible
de D. Bosco. Toutefois son héroïque charité ne I'abandonnait pas.
Vers minuit survenaient D. Cafasso et parfois le Théologien
Borel. Alors D. Bosco donnait encore au prisonnier une dernière
pensée religieuse, et retoumait chez lui épuisê et fiévreux.
Jamais il ne prolongea cette veille jusqu'au matin, et il sentait
en lui-même qu'il ne pourrait pas supporter d'accompagner le
condamné sur I'estrade de la mort.
Une seule fois il fut contraint à se faire une pareille vio-
lence qui était supérieure à ses forces. En 1846, à Turin, parmi les
prisonniers il y en avait trois dont le procès était en cours : parmi
ces trois, un jeune de vingt-deux ans avec son père. Plusieurs
fois D. Bosco avait confessé le fils, et le pauvre jeune homme
avait placé en lui beaucoup d'affection. Le procès eut pour con-
clusion la sentence capitale. Don Bosco alla voir son jeune ami
avant qu'il ne partît pour Alexandrie, lieu choisi pour le supplice.
Sanglotant, le jeune le suppliait de bien vouloir l'accompagner, mais

39 Pages 381-390

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39.1 Page 381

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367
D. Bosco, le cæur serré par une tendresse pleine d'angoisse, lui ré-
pondait avec de bonnes paroles qui restaient nêanmoins êvasives :
il ne se sentait pas le courage de promettre. Les trois condamnés
partirent, employant plusieurs jours pour ce voyage et s'arrêtant en
différentes haltes, comme le prescrivait la sentence.
Lorsque D. Cafasso fut lui aussi sur le point de partir
pour Alexandrie afin de remplir auprès de ces malheureux sa sainte et
sublime charge, il fit appeler D. Bosco et lui dit de venir en sa com-
pagnie, attendu que ce jeune homme avait demandé avec tant de viva-
cité et de fréquence de I'avoir à ses côtés en ses derniers instants, que
ne pas consentir, estimait-il, était une véritable cruauté. D. Bosco
opposa quelque résistance, car il lui semblait qu'il ne pourrait pas sup-
porter le spectacle déchirant ; mais D. Cafasso insista, et D. Bosco,
habitué à obéir à n'importe quel signe de son Directeur [spirituel],
monta avec lui dans la voiture [qui était] déjà prête. Ils arrivè-
rent à Alexandrie la veille de I'exécution capitale. A voir appa-
raître D. Bosco dans le lieu de réconfort, le malheureux jeune
homme se lança à son cou et l'embrassa en pleurant. Dieu seul
connaît ce que D. Bosco souffrit : il pleura lui aussi, mais sut
tout de suite se maîtriser ; et il passa avec ce pauvre garçon la
nuit entière le consolant et I'encourageant grâce aux espérances
indubitables d'une vie immortelle,'glorieuse et très heureuse qui
l'attendait. Plus d'une fois, en raison de la paix, qu'il goûtait, d'une
conscience tranquille, il vit un léger sourire effleurer ses lèvres,
pendant qu'il I'invitait à prier avec lui Notre-Dame et qu'il le dis-
posait à faire l'ultime communion. Vers deux heures du matin il
lui donna encore la sainte absolution, célébra la sainte Messe à
I'autel préparé dans la prison elle-même, le fit communier et,
ayant ôté les vêtements sacrés, fit avec lui l'action de grâces au
moyen de paroles affectueuses et chaudes.
Et voici qu'arrive aussi pour D. Bosco le moment d'une
douloureuse passion. A I'improviste la cloche de la cathédrale, par

39.2 Page 382

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368
un premier tintement, donne le signal de I'agonie. On ouvre tou-
te grande la porte du cachot ; apparaissent les gendarmes, quel-
ques confrères de la Miséricorde, le représentant de la loi et le
gardien des prisons. Le bourreau s'approche du condamné, s'a-
genouille, et lui demande pardon ; puis il I'entoure de liens de-
vant I'autel et lui lance la corde sur le cou. Pendant ce temps-là
D. Bosco cherche à occuper I'esprit de ce pauvre garçon, lui rap-
pelant Dieu, Marie, son Ange gardien et les saints qui l'atten-
dent au ciel.
Finalement arriva I'heure de partir. Trois chariots sortaient
de la porte principale des prisons : sur chacun, tiré par deux
chevaux, se trouvait un prisonnier. Sur le premier chariot monta
un prêtre d'Alexandrie. D. Bosco s'assit à côté de son pauvre jeu-
ne. Le chariot sur lequel monta D. Cafasso était le dernier, se
trouvait le malheureux père. Une multitude immense, accourue de
toutes parts, encombrait les rues. D. Bosco lui-même dans la biogra-
phie de D. Cafasso laissa un souvenir de ses impressions : " Par le
son lugubre des lents tintements la cloche continue à annoncer
que les malheureux vont payer leurs crimes ; les condamnés ont
devant eux le crucifix, sur un côté f image déchamée de la mort,
autour d'eux les charitables confrères de la Miséricorde qui, en
cape noire avec le capuchon enfoncé sur le visage, chantent le
Miserere. Les soldats et les carabiniers à cheval escortent les
chariots et se tiennent à leurs côtés. Les bourreaux avec les au-
tres hommes de justice en grand nombre rendent encore plus lu-
gubre ce funèbre cortège. Tous les spectateurs sont plongés dans
la douleur et dans l'épouvante, et personne ne dit un mot de réconfort
à ces malheureux. Mais observez : auprès d'eux il y a un prôtre;
il essuie leurs larmes et, en faisant avec amour alterner les
prières, les conseils et les pensées religieuses de chères espêrances
qui sont sur le point de s'accomplir, le crucifix en main il leur
répète :
pas, et
n- e
Celui-ci est un ami qui vous
vous abandonne pas. Espérez
aime, qui
en lui, et
ne
le
vous effraie
paradis est

39.3 Page 383

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369
àdevobuasis. e-rs.
Et il le
Tout à
présente à leurs lèvres pour qu'ils
coup le cortège s'arrête devant
le couvrent
une église.
Sortent les enfants de chæur avec les cierges, apparaît un prêtre
sur le seuil tenant en main le Saint Sacrement, il donne la béné-
diction et se retire. Le funeste convoi se remet en mouvement ".
Jusqu'alors D. Bosco avait pris fort sur lui-même, mais
quelques instants plus tard il sentit son cæur se selrer et défail-
lir. C'était I'effet d'une irrésistible horreur très vive [venue] à l'i-
dêe que d'ici peu apparaîtrait l'êchafaud aux yeux du malheureux
jeune qu'il aimait. D. Cafasso s'en aperçut à la pâleur du visage,
pendant que les chariots étaient dans un tournant; il descendit du
sien et, ayant fait arrêter celui sur lequel se trouvait D. Bosco et
dont les ridelles étaient beaucoup plus hautes que celles des deux
autres, il dit d'une voix forte
hautes vous coupent le souffle
à
;
D. Bosco :
descendez
e- t
Ces ridelles trop
Yenez prendre ma
place,
I'autre
et moi
chariot
je
monterai à la vôtre.
était assis le père du
-jeunDe..BBoiescnoqmu'oilnstae
sur
fût
confessé et qu'il eût communié, cet homme donnait peu de signes
extêrieurs de repentir, et gardait une attitude de froideur Êt,
dirait-on, presque de dédain. On arriva sur la place avaient
été dressées les potences : la multitude grouillait énorme et fluc-
tuante ; tout à coup la foule se bousculant et s'entrechoquant avait
coupé le passage du troisième chariot sur lequel était D. Bosco,
alors que les deux autres avaient pu avancer librement jusqu'au
pied de l'échafaud. Celui qui conduisait les chevaux ne savait pas
par quel côté les diriger, car beaucoup de citoyens lui tournaient
le dos, impatients de voir l'exécution des deux premiers condam-
nés. En vain criait le conducteur du chariot, en vain criaient les
carabiniers ; pour progresser plus rapidement on aurait écraser
les personnes. Avaient-ils réussi à s'ouvrir la route, voici qu'un
grand nombre de ceux qui étaient sur les côtés ou qui suivaient
derrière essayaient de passer devant le chariot, en profitant de
I'espace momentanément êlargi. Le condamné, observant la cohue,

39.4 Page 384

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370
avec un froid
braves gens,
et sardonique
pourquoi tant
ricanement, cria
de précipitation
à
?
la
Si
foule :
je n'y
-suisMpaaiss,,
moi, il manque au spectacle le personnage principal, et tant que
je suis ici, vous pouvez être sûrs que la fête ne se terminera
pbaasla.d-antApparrèvsinet navuiropnieudndeedle'emstir-ahdeeur:e
d'efforts,
les deux
le chariot en se
premiers avaient
déjà été exécutés : le jeune homme, mort, pendait à la corde. Le
malheureux père fut conduit sous la potence ; mais quand il mon-
ta sur le tabouret fatal, les yeux de D. Bosco se brouillèrent ; il
vacilla, et ne vit plus rien. Mais D. Cafasso était à côté de lui, il
le soutint, de sorte qu'il ne s'écroula pas, et il le remit au prêtre
d'Alexandrie. Entre-temps il s'empressait de donner la demière ab-
solution à la pauvre victime, pendant qu'on lui enlevait le siège
de dessous les pieds. Quand D. Bosco revint à lui, tout était fini, et a-
vec D. Cafasso il accompagna les corps à la chapelle de la compa-
gnie de la Miséricorde, assistant ensuite à la messe de Requiem.
A partir de ce jour D. Cafasso n'osa plus I'inviter à as-
sister à une exécution capitale. D. Bosco continua nêanmoins
pendant plusieurs années encore à consoler et à confesser en
prison les condamnés à mort. Le Chanoine Picca racontait ceci :
alors qu'il était encore jeune abbé, il accompagna D. Bosco pour
rendre visite à Magone, Guercio et Violino, trois des criminels
qui furent pendus au carrefour Valdocco, très vaste espace entou-
d'arbres gigantesques, aboutissaient une rue ainsi que trois
avenues majestueuses et très larges. en pleine campagne
s'élevèrent les potences jusqu'en 1852, à la distance d'un peu plus
d'une centaine de mètres de l'habitation de D. Bosco. C'est pour-
quoi ce fut une véritable torture pour D. Bosco d,entendre de-
puis sa chambre, pendant environ neuf ans, le murmure des
innombrables spectateurs, les chants funèbres à I'arrivée du cor-
tège, puis le silence profond, le roulement des tambours, de
nouveaux chants de prière pour les défunts êt, pour terminer,
le vacarme des voix et le retrait des gens qui se dispersaient de

39.5 Page 385

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371
tous les côtés. Et lui, de ses prières, il accompagnait au tribunal de
Dieu ceux que le monde déclarait justement infâmes, mais qui lavés
par le sang de l'Agneau immaculé étaient accueillis par la Miséricorde
divine parmi les princes du paradis. Certains d'entre eux lui étaient
redevables de leur salut éternel.
Le dernier que D. Bosco assista et confessa dans Ie Lieu de
réconfort, le fut, je crois, en 1857. Exécuté près des remparts de la
citadelle et considéré comme mort, détaché de la poutre et mis dans le
cercueil, il fut transporté à l'église St-Pierre-aux-Liens, où I'on avait
I'habitude d'enterrer les condamnés à la peine capitale. Quand tout à
coup le pauvre diable bouge, pousse un gémissement, et se soulève
pour s'asseoir. Le Chapelain et d'autres qui étaient encore dans l'é-
glise, le portent sur un lit. Lui prononça le nom de D. Bosco qui,
appelé, accourut en toute hâte. On lui prépara encore une tasse de café
et il la but ; mais D. Bosco reconnut qu'il n'y avait aucune espérance
de le sauver, puisque les vertèbres du cou avaient été déplacées. tl
s'empressa donc de I'encourager à faire un acte de contrition, lui
donna l'absolution et ne partit de là qu'environ deux heures plus tard,
lorsque les médecins eurent constaté qu'il avait réellement expiré.
De douloureux spectacles étaient ces exécutions capitales,
mais elles proportionnaient la peine au crime. Le Seigneur prescrivit :
" Qui verse le sang de I'homme, par l'homme aura son sang versé.
Car à I'image de Dieu I'homme a étê fait (1) ". Et dans les Proverbes
on lit : " Le méchant sera livré (au supplice en expiation) pour le
juste, et I'injuste pour ceux qui ont le cæur droit (2) ". Leur châtiment
détourne des villes et des royaumes les fléaux du Seigneur, et sert de
terrible avertissement et de frein efficace à de nombreux [inoiviaus]
qui sont sur le point de mettre les pieds sur la route du crime.
(1) cn s,o.
(2) vr zrJa.

39.6 Page 386

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372
CHAPITRE XL
D. Bosco est obligé
ratoire dans un pré
de
-
dUénlojgeeurnedeaflfaamméai-sonLeMsoprerottmae-nadLe'sOà-
Soperga.
Pendont que se produisaient les événements mention-
nés, s'approchait le printemps de 1846, et notre Oratoire devait
subir un nouveau transfert.
Dans une plaquette sur notre D. Bosco et son æuvre, un
remarquable écrivain français, parlant des jeunes qui depuis le début
fréquentaient I'Oratoire, emploie une belle comparaison, que nous ai-
mons rappeler ici : " Comme on voit, écrit-il, les petits oiseaux s'abat-
tre en masse, pendant les jours d'hiver, là où une main leur jette pro-
videntiellement le grain qui les sauvera : ainsi, on voyait se grouper,
autour de I'humble prêtre, des troupes nombreuses de petits enfants,
de jeunes gens que la foule méconnaissait (1) ". Il a dit la vérité ; car à
présent beaucoup se rendent bien compte que les catéchismes, les en-
seignements, les sermons, les récits édifiants, les conversations hon-
nêtes et les joyeux passe-temps, que D. Bosco leur administrait les
jours ils couraient les plus grands dangers, furent justement ce qui
(1) l. MENDRE, Don Bosco - Notices sur son æuvre, etc. - Mar-
seille, 1879, [p.13].

39.7 Page 387

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373
les a sauvés de l'irréligion, de l'immoralité, du mauvais chemin ; ils
furent leur salut, et leur vie. Mais pour continuer l'agréable com-
paraison, de même qu'il arrive aussi parfois qu'une personne peu
bienveillante épouvante les oiseaux qui sont en train de picorer leur
chère nourriture et les oblige à la chercher ailleurs, de même advint-il
à plusieurs reprises pour les premiers enfants de D. Bosco, petits
oiseaux de I'Oratoire, obligés comme ils le furent de s'envoler
d'abord de Saint-François d'Assise, puis du Petit Hospice, ensuite de
Saint-Pierre-aux-Liens, par la suite des Moulins de la ville, et à pré-
sent de la Maison Moretta : nous sommes sur le point de le raconter.
La plus grande partie de cette maison était louée à beau-
coup de locataires : ils voyaient d'un bon æil le grand bien qui se
faisait à tant de jeunes et ils l'approuvaient ; malgré cela toutefois,
dérangés par leurs piaillements durant la récréation, ainsi que par les
allêes et venues et par le bruit qui en découlait lorsqu'ils se rendaient
aux cours du soir, ils s'en plaignirent auprès du propriétaire, déclarant
qu'ils dénonceraient tous leur contrat, au cas ces rêunions ne cesse-
raient pas. C'est pourquoi le bon prêtre Moretta dut avertir D. Bosco
de rechercher un autre endroit tout en lui demandant impérativement
de déloger presque immédiatement. Dans cette décision, il manifesta
néanmoins son regret, et traita D. Bo§co avec une totale délicatesse ;
êtant donné qu'après les tristes affaires du Chapelain et de sa gou-
vernante ainsi que celle du secrétaire, les gens comme il faut qui sa-
vaient de quoi il retoumait, usaient de beaucoup de ménagement
envers lui et envers son Oratoire. Cela arrivait le 2 mars, et D. Bosco
payait le solde du loyer, soit 15lires, pour tout le mois encore.
Evidemment D. Bosco avait prévu ce congé et, regret-
tant trop de refuser les nouveaux jeunes qui affluaient sans cesse
vers lui, il s'était mis d'accord avec des gens du coin, les frères Filippi,
et il louait chez eux un prê à Valdocco, à proximité de la mai-
son Moretta, à I'est. C'est donc dans ce pré, entouré d'une haie qui
se laissait traverser même par les chiens, - de fait, ils s'arrêtaient

39.8 Page 388

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374
de temps en temps pour y passer le museau et unir leurs aboie-
ments aux
Il y avait
piaillements des
dans le milieu
juenuneebsa-raquqeuedefuptlatrnacnhsefésréetI'Oderatbooiruee.
séchée qui du côté nord êtait soutenue par une poutre horizon-
tale, le terrain étant en déclivité; et on y conservait les jeux.
D. Bosco était sans abri, exposé avec ses jeunes au vent, à la
pluie et aux rayons ardents du soleil, mais " les regards du
Seigneur sont fixés sur ceux qui I'aiment, puissante protection,
soutien plein de force, abri contre le vent du désert, ombrage
contre I'ardeur du midi (1) ". Ce lieu pourtant ne manquait pas
d'attrait. La clôture champêtre qui l'entourait s'ornant des feuilles
nouvelles et de fleurs, la gaieté, les divertissements, les chants
attirèrent bientôt I'attention du public, et le nombre des jeunes
augmenta jusqu'à 400.
De cette façon, au fur et à mesure que les hommes obli-
geaient Don Bosco à passer d'un endroit à l'autre, Dieu aug-
mentait sa famille, et lui fournissait le moyen de faire un plus
grand bien.
Quelqu'un viendra nous demander : Mais dans un pré com-
ment pouvait-on pratiquer les éléments de la religion ?
répondons qu'on les pratiquait d'une manière presque
- Nous
romanes-
que, ou pour mieux dire, comme les pratiquaient parfois les Apô-
tres et les premiers Chrétiens. Les confessions se faisaient ainsi :
Les dimanches et les jours de fête, à I'heure convenable, Don Bosco
se rendait du Refuge voisin dans le pré de son travail, peu à
peu se rassemblaient également les jeunes. Là-bas il s'asseyait sur
une chaise à haut dossier et il écoutait la confession de ceux qui
s'en étaient approchés dans ce but, et d'autres, à genoux par terre
dans son voisinage, s'y prêparaient ou faisaient leur action de grâces.
(1) si:a,to.

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375
Pendant que ceci avait lieu dans un coin, dans une autre partie
les jeunes qui s'étaient déjà confessés étaient en cercle occupés à
fredonner un cantique, ou à écouter un copain lire ou raconter
quelque exemple édifiant ; d'autres encore se livraient à une ré-
création modérée en causant entre eux, ou bien en jouant aux
palets, aux boules, à la balle, ou en srexerçant à marcher sur les
échasses. A une certaine heure de la matinée Don Bosco se le-
vait de son confesssionnal digne des temps apostoliques. Alors,
n'ayant pas de cloches, au moyen du roulement d'un tambour qui
semblait d'une époque antédiluvienne, un des jeunes désigné pour
cela les rassemblait tous au milieu du pré ; un autre, embouchant
une trompette enrouée et soufflant dedans, imposait le silence ; et
Don Bosco, ayant pris la parole, indiquait l'église, I'on irait
entendre la Messe et faire la sainte Communion. Après cela tous
se mettaient en route dans cette direction avec une attitude pieu-
se, tantôt divisés en groupes et tantôt rangés comme en proces-
sion en chantant des cantiques : c'est, racontait le Théol. Savio
Ascagne, ainsi qu'il les avait vus ; et là-bas ils satisfaisaient au
commandement de l'Eglise. A la sortie, chacun se rendait chez
soi pour le petit déjeuner et pour le repas de midi.
L'après-midi, dès que c'était possible, venant des quatre
coins de la ville, tous se rassemblaient dans le fameux pré et
mettaient en route les passe-temps, sous I'assistance incessante
des deux anges visibles, D. Bosco et le Théol. Borel, avec
l'aide des jeunes gens plus adultes et plus raisonnables. Le
moment venu, D. Bosco faisait donner par so,i 3oreu. de
tambour le signal connu, les divisait selon l'âge et I'ins-
truction en autant d'équipes et, assis sur le vert plancher, ils
entendaient pendant une demi-heure le catéchisme. Il dominait
sa classe, celle des grands gaillards, en se tenant debout, sur une
partie plus élevée du terrain. Après avoir chanté un cantique,
lui-même ou le Théol. Borel, monté sur une chaise ou sur un
banc, leur adressait un court serrnon, par lequel il les instruisait

39.10 Page 390

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376
et les amusait en même temps, et que par suite ils écoutaient
avec grande attention. Comme on ne pouvait pas donner la béné-
diction du Saint Sacrement, alors on concluait la célébration par
le chant des litanies de Marie, ou par un cantique à la Vierge
Immaculée, en l'invoquant pour qu'en union avec son divin Fils,
elle voulût les bénir depuis le Ciel. On ne prêtait pas attention
aux gens de la ville qui, passant dans Ie chemin voisin, s'arrêtaient en
grand nombre pour observer en curieux ce spectacle jamais vu.
Puis on reprenait la récréation, qui continuait animée jusqu'à la nuit.
Pendant ce temps-là il arrivait que quelques grands garçons, renon-
çant aux divertissements, demandaient à se confesser, et D. Bosco
leur donnait aussitôt sâtisfaction, sans regarder à I'heure importu-
ne et à ses autres tâches. Quelle foi vive chez ces pauvres diables,
qui quelques mois auparavant ne savaient presque rien de Dieu !
Quand tous avaient quitté le pré, alors D. Bosco rentrait
au Refuge. Parfois le pauvre homme, quoique toujours joyeux
dans le Seigneur, se trouvait si brisé de fatigue qu'il ne pouvait
plus se tenir debout, et il était nécessaire de le soutenir à deux
jusque là, ou de l'y porter dans les bras. N'avait-il donc pas quel-
que chose de singulier ce spectacle ? Ne vous semble-t-il pas
tenir en partie de celui que donnaient les pieuses foules, instrui-
tes et bénies par le Divin Sauveur sur les rives des fleuves, sur
les pentes des montagnes ou sur les plages de la mer de Tibé-
riade ?
Au cours du séjour dans le pré se produisit un épiso-
de, que nous ne croyons pas devoir passer sous silence. Le soir
d'une fête, tandis que les jeunes étaient occupés à se récréer courant
çà et là, jouant et piaillant, se présenta près de la haie unjeune garçon
âgé d'environ quinze ans. Il semblait ardemment désirer franchir le
faible rempart, et s'unir à eux ; mais n'osant pas, il êtait en train
de les contempler d'un air triste et sombre. D. Bosco le vit et, s'é-
tant approché de lui, lui adressa diverses demandes : - Comment

40 Pages 391-400

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40.1 Page 391

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377
pt'aapupverellens-etud?ondn'aoitùavuiceunnse-turé?ponqsuee. lDm. éBtoiescrofaeisn-tuvi?nt-
à
Mais le
supposer
qu'il était muet, et bien sûr il voulait lui parler par des signes
conventionnels; lorsque, tentant un nouvel essai et lui posant la
main sur la tête, il lui demanda :
Dis-moi : est-ce que tu te sens mal ?
-
Qu'as-tu, mon cher ?
Encouragé par ces marques de bienveillance, le jeune gar-
çon, émettant un mot qui semblait sortir d'une caverne vide, ré-
pondit : J'ai faim.
Ce mot poussa tout le monde à une grande compassion.
On alla tout de suite prendre du pain, et on lui donna le nécessaire
pour qu'il pût se restaurer. Une fois qu'il eut repris des forces, le
faisant parler, D. Bosco lui demanda :
-
-
§rns-[1 pas de parents ?
J'en ai, mais ils sont loin.
ce--nciQléceupteuailrdmeleé] tsipeealrltirefoarnis.;-tmua?is parce que [e suis] peu habile, j'ai été li-
na--issJTa'nauci ecnsh'eeenrcnahcésepttotaeustvecilhlleear,cjojheuérnnd'é'aaeiutprdea'hs?ierréu; smsiaàis,enn'atryoaunvtepr.as de con-
br--------ouaTJDEOOSSi'ueseuyiùù,n-prtsnqttuaul,eu'ueiassiaees-ssdtlnpulijmpéareliuadldgaleIéssioer'sanicaera;dihtmiuenedsemnrtmie-sstda:mucardiheesanSeeltndotjualedeéralri'séeénnqIsMIg';ua'uealjeuiiemttesisme?marstoômueiSsanbetteclu-'àJeeséseàmstceaemoennpqua.tcruvaéttoéeiiosnsmeleqir,?tnmuects'neai ntjréietc?juu'idan?'veaeasl,lie,storafuvausoimllemi.er.eu
ra-
de
faire le vagabond, va travailler ; mais en attendant ils ne me
donnaient rien.

40.2 Page 392

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378
m--ainSQ;'igmt5u{ajiêustsalteeismSaeellniégtnvceoeultretere,uctrtuapintiettieésqedrueaiismmfo'aaiitpemltu,seaiteturuerliseeunfopdisreisromentee. nluaisla-
ser prendre la route du déshonneur, il me guida vers Vous par
ce chemin.
- Quelle pensée occupait ton esprit lorsque tu étais à nous
observer ?
jeu-neJse!dCisoanisteenntsmeoit-mjoêymeeux:,
Comme ils
ils sautent,
en ont de la chance ces
courent, chantent, et je
les enviais ; je voulais m'unir à eux, mais je n'osais pas.
- Viendras-tu désormais dans ce pré le dimanche et les jours de
fête ?
da--ntMM, coaeyisesnvonieairnnspt oVduoortnrceto, pnteurdmsîneisersarisoento,tujp'jyoouuvrrsieqnbudieernaitaubciecdnuoremviolleilo.sn,Etjineersam.tte'enn-
occuperai. Puis demain je te conduirai chez un bon patron, et tu
auras gîte, travail et pain.
Inutile de dire que ce jeune fréquenta toujours l'Oratoi-
re avec assiduité, jusqu'à l'année 1852, il fut appelé sous les
drapeaux, restant très attaché à celui qui, grâce à sa bienveil-
lance et à sa paternelle sollicitude, I'avait tiré du péril d'une
mauvaise vie.
Un dimanche, raconte encore D. Bonetti Jean, D. Bosco
emmena ses jeunes en promenade jusqu'à la célèbre basilique de
Soperga. Je crois faire plaisir si j'en donne ici la description,
telle qu'elle a été faite à moi-même par quelqu'un qui y avait
pris part.
S'étant donc rassemblés sur le matin dans le pré, et con-
duits d'abord pour entendre la sainte Messe à l'église Notre-Dame de
Consolation, vers neuf heures ils se mirent en ordre et, deux par deux
comme un régiment de soldats, prirent le départ dans la direction de

40.3 Page 393

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379
Soperga. Ils avaient avec eux la musique instrumentale, qui consistait
en un vieux tambour, une trompette, un violon et une guitare désac-
cordée : vraiment pas grand-chose mais, servant néanmoins à faire du
bruit, pour eux cela suffisait. Dans le groupe, les uns portaient des
paniers avec du pain, les autres avec du fromage, du saucisson, des
figues sèches, des châtaignes et des pommes, et quelques-uns ache-
minaient d'autres objets indispensables. Tant qu'ils furent en ville, de
la part de tous fut observé un silence modéré ; mais une fois qu'ils
furent parvenus au Pô, commencèrent le gazouillis, les bavardages,
les chants, les cris et les piaillements, de quoi faire croire aux gens
qu'ils allaient prendre d'assaut la colline. Leur guide était Picca
François, étudiant de troisième annêe de lycée [+ .,iu"uu première] à
l'école de Porta Nuova : d'abord à St-François d'Assise et ensuite au
Refuge, il avait aidé D. Bosco dans I'assistance des jeunes, et il con-
tinuait alors à offrir son concours charitable avêc la permission du
professeur de sa classe, D. Bertolio [= ls D. Bertoldo de la p. 555 ?].
Dès les premières heures du matin les avait précédés le
théologien Borel pour donner en ce lieu des avis opportuns et pour
accomplir les préparatifs appropriés à l'équipe qui, prévoyait-on,
parviendrait en haut de la colline très bien disposée à dêvorer
des petits pains. Lorsqu'ils furent à Sassi, au pied de la montée,
on trouva un pacifique cheval hamàché de pied en cap, que le
bon prêtre D. Anselmetti Joseph, curé de Soperga, envoyait au
capitaine de la bande. Don Bosco recevait en même temps un
billet du Théologien Borel, qui lui disait : " Venez tranquillement
avec les chers jeunes : la soupe, le plat de résistance, le vin sont
prêts ". Don Bosco monta alors en selle et, ayant fait venir les
jeunes autour de lui, leur lut la lettre mentionnée, qui recueillit de
la part de tous des applaudissements si nourris et des cris de joie
si répétés, qu'en restèrent abasourdis non seulement le cavalier, mais
encore le cheval. Ayant ainsi donné libre cours à la joie inté-
rieure et rompu les rangs, les jeunes attaquèrent la montée, entou-
rant comme une garde d'honneur leur général en chef. Chemin faisant,

40.4 Page 394

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380
les uns prenaient la bête par la bride, les autres par les oreilles,
certains même par la queue, celui-ci la caressait, celui-là la poussait ;
et le doux quadrupède supportait tout avec tant de calme, qu'il aurait
fait la pige au bourricot le plus patient.
En attendant au milieu du rire, des blagues, des chants et
des conversations, le groupe, ayant monté la colline escarpée,
parvenait au Sanctuaire. Comme ils étaient en sueur, D. Bosco fit tout
de suite rassembler les jeunes dans la cour de la maison annexe pour
les abriter ldu courant] d'air, et après un court repos, la table étant déjà
prête, il les fit prendre place. Le Théologien Guillaume Audisio, alors
Président de I'Académie Ecclésiastique, offrit une bonne soupe et un
bon plat de résistance, et le Curé le vin et les fruits, faisant ainsi voir
combien dès ce temps-là ils estimaient D. Bosco et son æuvre. Après
Dieu les jeunes remercièrent ces chers bienfaiteurs, et aux cris de vive
le Président, vive le Curé les musiciens marièrent le son de leurs
instruments. Ces messieurs qui avaient bien du mérite appré-
cièrent leur bon cæur ; mais ne purent pas ne pas rire de leur
étrange musique, qui semblait être exactement celle avec laquelle
place du Château à Turin les saltimbanques faisaient danser les
singes. Quoi qu'il en soit, I'affaire alla très bien, et les jeunes se
levèrent de table heureux comme des rois.
A un moment donné D. Bosco raconta l'origine de la Ba-
silique consacrée à I'Auguste Mère de Dieu ; il désigna du doigt
les plaines situées en contrebas, qui en 1706 étaient occupées par
la formidable et valeureuse armée française qui assiégeait Turin ; il
campa le Duc Victor-Amédée et le Prince Eugène de Savoie qui,
montés sur ce sommet, firent væu à Notre-Dame d'une magnifique
église, si elle accordait la victoire [en réponse] à leurs prières ; il mon-
tra la citadelle sauvée par I'héroïsme de Pierre Micca. Il décrivit
la glorieuse bataille, la libêration de Turin, les triomphes, les fêtes et
la protection évidente de Marie en faveur des Turinois. Il parla en-
core des tombes royales placées sous terre, de l'Académie qui y fut

40.5 Page 395

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381
fondée par Charles-Albert, Ieur faisant ainsi apprendre de belles
pages d'histoire de la patrie. Ils firent ensuite la visite de l'église,
les tombeaux des Princes, la salle des portraits des Papes, la
bibliothèque, et montèrent également sur la superbe coupole, d'où
I'on découvre une bonne partie du Piêmont et I'on contemple a-
vec des sentiments d'admiration la majestueuse couronne des Al-
pes, qui de leurs pointes enneigées semblaient toucher le ciel.
Vers trois heures de I'après-midi ils se rassemblèrent dans
la basilique où, au son des cloches carillonnant à toute volée, arrivait
une foule nombreuse de personnes dispersées dans la colline. Après le
chant des vêpres, D. Bosco monta en chaire et adressa quelques mots.
Quelques-uns se rappellent encore qu'il parla de I'intercession efficace
de Marie auprès de Jésus son divin Fils, ainsi que du moyen à utiliser
pour être toujours exaucés, lorsque nous avons recours à Elle. " Si
cela vous est possible, dit-il, faites d'abord une visite au Saint
Sacrement pour prier devant lui ; après invoquez Marie pour qu'elle
vous obtienne la grâce qui vous semble utile ou nécessaire, et soyez
sûrs que cette Mère puissante et compatissante vous obtiendra cette
grâce elle-même, ou une autre équivalente, voire une meilleure ".
Après le sermon les chanteurs montèrent à I'emplacement
de la chorale et, accompagnés par Don Bosco qui jouait de I'orgue, ils
chantèrent le Tantum ergo pour la bénédiction. A cette époque
on n'avait pas l'habitude d'entendre à l'église des jeunes gens
chanter en chæur. C'est pourquoi ce soir-là les membres de
l'Académie, ainsi que toute la foule accourue, en entendant les
voix argentines des jeunes qui semblaient un chceur d'angelots
descendus du ciel pour louer Dieu, ne se contenaient plus
d'étonnement, et beaucoup en pleuraient de plaisir.
Une fois terminées les célébrations sacrées, on fit partir
quelques ballons qui, par leur rapide envol dans les hauteurs, sem-
blaient inviter les spectateurs à élever leurs pensées et leurs senti-

40.6 Page 396

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382
ments vers le Seigneur. Aux environs de six heures, on donna un rou-
lement de tambour et une sonnerie à la trompette : la jeune escouade
se rassembla et, après avoir de nouveau remercié ceux qui en ce jour
leur avaient si charitablement offert I'hospitalité, ils se mirent à des-
cendre en direction de la ville, tantôt chantant, tantôt criant, et tantôt
également priant dans la récitation du Chapelet et des prières du soir.
Puis, à l'arrivée à Turin, au fur et à mesure qu'il parvenait à I'endroit le
plus proche de chez lui, chacun sortait des rangs et, après avoir salué
D. Bosco, se retirait dans sa famille, y racontant les événements et les
impressions de cette chère journée. Lorsque D. Bosco arrivait au Re-
fuge, il avait encore avec lui huit ou dix jeunes parmi les plus robus-
tes, qui portaient le matériel de quelques jeux et les paniers vides.
Plus tard, bien d'autres fois, D. Bosco les reconduisit sur
ces sommets. On conserve encore le souvenir de I'ascension faite
en 1851 au mois de juillet par environ quatre-vingts jeunes. Par l'in-
termédiaire de l'un de ses domestiques, D. Cafasso leur avait envoyé
du Convitto ce qui se mange avec le pain pour Ie petit déjeuner, tandis
que l'Abbé Truffat, Don Paulin-Nicolas, savoyard, successeur de Au-
disio dans la charge de Président de l'Académie, apprêtait un magnifi-
que repas pour midi. Le généreux Abbé fit toujours ensuite les plus
joyeux accueils à D. Bosco et aux sienp dans la promenade annuelle à
Soperga, et à ses frais il pourvoyait largement à tout jusqu'en 1858.
Se montra également très généreux envers les pauvres fils
du peuple celui qui après D. Truffat occupa, avec le titre de Prêfet,
cette importante charge.
On lui avait substitué l'Abbé Stellardi : s'approchait le mo-
ment de l'habituelle promenade ; D. Bosco, qui alors ne con-
naissait pas trop bien le nouveau Président, voulut d'abord
prudemment tâter le terrain. Il envoya donc un jeune abbé
judicieux lui demander, comme une grâce, quelques marmites
pour cuire la soupe. L'Abbé consentit volontiers et lui offrit

40.7 Page 397

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383
même un plat de résistance. En 1859 à cette promenade allait
bien sûr tout l'Oratoire, étudiants et apprentis, précédés par la
musique. Le même Abbé Stellardi ajoutait toujours quelque cho-
se de sa poche au repas des jeunes, pendant qu'il prêtait tous
les ustensiles de la cuisine pour apprêter la nourriture et la vais-
selle pour mettre le couvert. Ce sanctuaire cessa en 1864 d'être
le but de cette joyeuse et périodique promenade de ces premiers
temps héroïques. Comme on avait réparé de façon splendide les
salles de la construction monumentale annexe, il ne fut plus per-
mis à quiconque d'entrer pour les visiter sans être guidé par un
gardien ; et c'est pourquoi elles ne purent comme auparavant
accueillir la bande des jeunes de I'Oratoire.

40.8 Page 398

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384
CHAPITRE XLI
Enthousiasme des jeunes
maçon et sa première
pour
entrée
ledsanpsromleenpardéesd-e
ADUff.necBptiooesntcitoddeeés jtjeeluuennseesrbaadtueelliM'eOrosrandttoudireePs ôpCoa-upruDcOin.bsBéoi-ssscaoL.necse
Un garçon
Valdocco
choristes
-
de
militaire -
Lo promenode à Soperga de 1846 fut comme le début,
comme un anneau d'une longue série de beaucoup d'autres de
même nature, qui cette année-là et dans les années suivantes,
sous la conduite de D. Bosco, furent faites tantôt en ce lieu,
tantôt en un autre. En général il les annonçait quelque temps au-
paravant et les proposait comme une récompense, exigeant que
les jeunes fussent ponctuels à l'Oratoire, diligents pour apprendre
le catéchisme, obéissants et exemplaires dans les usines et dans
les ateliers, et ne s'opposant pas à fréquenter de temps en temps les
Sacrements. Ainsi ce bon père se servait de tout pour attirer au bien
ses enfants, s'efforçant de leur faire comme toucher du doigt que ser-
vir Dieu peut gentiment aller de pair avec I'honnête gaieté, selon ce
qu'a dit le royal prophète : Seryite Domino in laetitia (1). Cette
maxime il la pratiqua constant jusqu'à la mort, et il I'inculquait conti-
- nuellement à ses élèves ; Une conscience purifiée et pure, voilà la
(1) ps 100,2 [Servez le Seigneur dans I'allégresse].

40.9 Page 399

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385
véritable paix dans le service du Seigneur t Pax multa diligentibus
legem tuam (1).
Un certain Paul C... ancien élève nous dêcrit dans une
longue lettre sa première entrée dans le pré Filippi, la joie des
réunions et des promenades des dimanches et jours de fête, ainsi
que l'amabilité de D. Bosco. Après avoir relaté dans son écrit la
décision prise par ses parents de I'envoyer à Turin pour qu'il
gagnàt son pain, en travaillant comme garçon maçon, il continue
ainsi : " Ayant suspendu mon seau à mon épaule, je quittais mon
village et j'arrivais à Turin. Je me trouvais comme un poulain
débridé, bon à rien d'autre qu'à courir et sautiller comme un
écervelé. Dans les grandes villes les dangers sont graves pour
tous, mais ils le sont mille fois plus pour le jeune inexpérimen-
té. Mon père m'avait recommandé à l'un de ses amis, homme d'u-
ne grande charité et exemple de religion. Je me rendis tout de
suite chez lui pour être guidé et conseillé. Il me chercha un pa-
tron, qui me donnait le pain et le travail pendant tous les jours
ouvrables. Mais comment passer les dimanches et les jours de
fête ? Parfois il me conduisait avec lui à la Messe, aux céré-
monies religieuses, au serrnon et ensuite me laissait libre. Puis
quelques copains m'invitaient à jouer, à faire une partie dans une
gargote ou au café, est inévitable la ruine morale d'un gars
de mon espèce qui avait à peine quinze ans.
" Un dimanche le bon ami
N'as-tu jamais entendu parler
de mon père
d'un Oratoire,
me
dit : -
va une
Petit Paul !
multitude de
jeunes les dimanches et jours de fête ?
su--iteQDdauenesfqaciuet-toooinrialdtaoynirserceecshttaOecrupantoouisrreatu?isnfeaitaàgrésaebsledervéocirrésarteiolingieauvxe,càdelas
passe-temps de toutes sortes, et des chants et de la musique.
(1) ps 119,1.65 [Grande paix pour ceux qui aiment ta loi]

40.10 Page 400

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386
ro-mpEatnpt,oruermqupolii
ne
de
m'avez-vous jamais conduit ? dis-je
curiosité qui dénotait I'impatience :
en I'inter-
est-ce
que cela se pa§se pour que j'y aille ?
- Je te
manderai
conduirai moi-même
au Directeur de ces
dimanche prochain, et je te recom-
divertissements, afin qu'il ait pour
toi une attention spéciale.
" Les jours de cette semaine me parurent des années ; et durant
le travail et pendant que je mangais et au cours du sommeil
lui-même il me semblait sans cesse entendre la musique, voir
des gambades, des jeux de toutes espèces. Vint finalement le
dimanche ; mais mon protecteur empêché par les affaires de fa-
mille ne pouvait m'accompagner. J'avais le sang qui bouillait
dans mes veines : dans mon impatience je lui réclamai les indi-
cations nécessaires, et en courant je m'acheminai. A 8 heures du
matin je parvenai à l'Oratoire désiré. C'était un pré : une haie de
buis l'entourait ; je vis une multitude de jeunes qui s'amu-
saient sans faire de piailleries ; un bon nombre d'entre eux se
tenaient à genoux autour d'un prêtre qui, assis sur une proémi-
nence du pré, les écoutait en confession.
" Je demeurai abasourdi. J'étais bouche bée d'émerveillement, com-
me quelqu'un qui se trouve dans un monde nouveau rempli de
choses curieuses non encore connues. Un compagnon s'apercevant
que j'étais novice parmi eux, s'approcha de moi et me dit avec
gentillesse
mon jeu
fa: v-oriA, mc'ei,stvepuoxu-rtquujooiudearnasu
palet avec moi
un élan subit
j?'ac-cepCt'aéitalait
proposition. Nous avions terminé la partie, lorsque le son d'une
trompette imposa silence à tous. Chacun délaissant les passe-temps,
vint au rassemblement autour du prêtre ; j'appris ensuite que
c'était D. Bosco
c'est I'heure de
:
la
-sainCteheMrsesjeseun:ecse,
dit ce demier à
matin nous irons
haute voix,
l'écouter au
Mont des capucins ; après la Messe nous aurons une petite col-
lation. Ceux qui n'ont pas eu le temps de se confesser aujour-
d'hui, pourront se confesser dimanche prochain ; n'oubliez pas
que chaque dimanche il y a la possibilité de vous.confesser.

41 Pages 401-410

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41.1 Page 401

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387
" Cela dit, la trompette sonna de nouveau et tous se mirent en
route avec ordre. L'un des plus adultes commença la récitation
du Chapelet, et tous les autres lui répondaient. La distance à
parcourir était d'environ trois kilomètres et, malgré mon manque
de hardiesse pour m'associer aux autres, poussé nêanmoins par la
nouveauté, je les accompagnais à peu de distance, prenant part
aux prières communes. Quand nous fûmes sur le point de nous
engager sur la montée qui conduit à ce Couvent, on commença
les litanies de la Blienheureuse] V[ierge]. Cela me ragaillardit
beaucoup, car les plantes, les allées, le bosquet qui couvrent les
pentes du mont résonnaient de notre chant et rendaient vraiment
romantique notre promenade
" La Messe fut célébrée, au cours de laquelle plusieurs jeunes fi-
rent la sainte Communion. Après un court serrnon et une action
de grâces suffisante, ils allèrent tous dans la cour du Couvent
pour prendre la collation. Ne [me] reconnaissant aucun droit à
[me] restaurer avec mes compagnons, je me tenais à l'écart dans
l'attente de me joindre à eux pour le retour, lorsque D. Bosco
s'approchant me parla ainsi :
- Toi, comment t'appelles-tu ?
-
-
-
Perit Paul.
As-tu pris la collation ?
Non, monsieur.
-
-
Pourquoi ?
Parce que je ne me suis pas confessé, et je n'ai pas commu-
nié.
av-oirI1lan'ceosltlaptiaosn.nécessaire de te confesser ni de communier pour
-
-
Ceci
Qu'est-ce qu'on demande ?
Rien d'autre que l'appétit et la
dit il me conduisit au panier
volonté de venir
et me donna en
la prendre
abondance
-
du
pain et des fruits.
" Redescendu du mont, je repartai pour le repas de midi, et je re-
tournai I'après-midi à ce pré, avec toute mon envie je pris part

41.2 Page 402

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388
à la récréation jusqu'à la nuit. A partir de ce moment-là pendant
plusieurs années je n'abandonnai pas I'Oratoire et le cher D. Bos-
co, qui fit tant de bien à mon âme et remit tant de jeunes sur le
bon chemin. Combien de désagréments il endura, de combien de
patience je I'ai vu user et combien d'artifices employer, pour
restituer à Dieu certains cæurs orgueilleux, remplis de mauvais
penchants, rustres et parfois méchants. Et quand il réussissait à
les rendre meilleurs il donnait des signes de si grand conten-
tement, qu'il comptait pour rien ce qu'il avait supporter, et
qu'il prenait courage pour se soumettre à des fatigues beaucoup
plus lourdes.
" Je fus présent à toutes les fêtes ainsi qu'à toutes les prome-
nades, qui provoquaient un enthousiasme indescriptible dans cette
assemblée de jeunes. Ces balades, accompagnées d'aventures
presque toujours très plaisantes et parfois moins agréables,
donnaient matière à des conversations sans fin, et c'était ce que
D. Bosco désirait, pour que notre imagination eût sans cesse
quelque chose de nouveau et d'innocent qui pût I'occuper avec
intensité. Un volume ne suffirait pas à développer cette seule
période de l'histoire de l'Oratoire. Moi-même, continue-t-il, je
n'ai pas le loisir de décrire tout ce qui se passa sous mes
yeux, mais je ne veux pas laisser de côté un événement singu-
lier.
" D. Bosco se rendait avec une vingtaine de jeunes choristes à
Sassi pour une fête religieuse. Arrivé au Pô, il toumait à droite
pour marcher le long de la rive et paryenir au pont; Iorsqu'une
bande de garçons bateliers l'entourèrent, I'invitant à traverser le
fleuve sur leurs barques €t, l'assourdissant de leurs voix ils
les empêchaient d'avancer. Ne pouvant se libérer d'une insis-
tance aussi impolie, D. Bosco, ayant vu pas très loin un pas-
seur trapu, robuste et déjà d'un certain àge, lui fit signe de
préparer sa barque, qui était capable de nous recevoir tous.
Le passeur, ayant repoussé les importuns en les menaçant, dé-
marra avec D. Bosco, et nous le suivîmes en descendant la

41.3 Page 403

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389
berge. Alors tous ces garçons, voyant qu'êtait déçu leur espoir
de gagner le montant de la traversée, commencèrent brusque-
ment à faire un vacarrne infernal, lançant toutes sortes d'injures
contre le prêtre. Pendant ce temps, parmi les jeunes de I'Oratoi-
re qui étaient déjà installés dans la barque, s'étaient glissés
quelques-uns de ces insolents, et ils regardaient à droite et à
gauche avec des manières narquoises ; mais le passeur, sans un
mot et sans façon, les ayant saisis l'un après I'autre par la che-
mise et par la peau du dos, les rejeta sur le bord de l'eau.
Cependant ces gars-là remontèrent sur le talus de la berge pour
rejoindre leurs copains : dès que la barque commença à se mou-
voir, ayant ramassé les galets [qui auendaient] amoncelês avant
d'aller paver les rues, ils se mirent à les lancer sur ceux qui
s'éloignaient. Les jeunes choristes se serraient effrayés autour de
D. Bosco ; quelques-uns pleuraient. II y avait, en effet, un risque
très sérieux. Les pierres sifflaient de toutes parts, faisaient sur-
sauter I'eau tout autour et parfois percutaient les côtés de la bar-
que. Serein,
votre place :
si au grand
aDu.cBunoescpoiedrriseaniteavuoxujseutnoeusch:e-ra.
étonnement de ces peureux, qui
Restez tranquilles à
-bienEtviitleesnefturotuavièn--
hrseuonrilret mvhoeounrsstsr,deedtoeupmosrieftfréleeezt.s!-eVtoMduesaciasruisraelzloarnascfféialsirpeyaàer uncoet ususnv!aeuraievnasla:nc-he
de
Ce
" La barque aborda à Notre-Dame-du-Pilier, et D. Bosco se ren-
dit à Sassi : il combla de suave allégresse les habitants de
ce lieu, grâce aux jolies voix de sa chorale. Le soir, re-
tournant à pied, il prenait le pont du Pô. Ses jeunes
marchaient en rang sené. Et les voilà qui arrivent à I'endroit
où, selon la menace, ils étaient attendus par un groupe de dix
ou douze garçons passeurs, qui les regardaient fixement dans
un comportement de provocation et qui, en ricanant, parlaient
entre eux à voix basse, de telle manière toutefois qu'on ne pou-
vait pas comprendre ce qu'ils disaient. D. Bosco observait chacun
de leurs mouvements, mais il n'arriva plus rien qui pût provoquer

41.4 Page 404

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390
de la répulsion. Il semblait que, retenus par quelqu'un qui agis-
sait mystérieusement, ils ne pouvaient se résoudre à commencer
leurs exploits brutaux ". - Js5qs'ici le manuscrit.
En attendant, les jeunes de I'Oratoire, avec une telle al-
temance de dévotion et d'honnêtes plaisirs, étaient vivement con-
vaincus de I'amour sincère que leur portait D. Bosco. A voir la
tendre sollicitude et le vif intérêt qu'il montrait pour leur bien, ils
s'efforçaient de le payer de retour de la meilleure manière possi-
ble, et surtout ils lui obéissaient avec une promptitude admirable.
Il suffisait de sa part d'un mot, d'un signe, parfois d'un seul regard
pour les calmer, faire cesser entre eux une dispute, empêcher un
désordre et imposer silence à plus de 400 langues de jeunes.
Une fois parmi les autres ils étaient tous occupés à courir, jouer,
faire du vacarrne, lorsque D. Bosco eut besoin de leur parler : à
un signe de sa main, comme en un êclair, ils cessèrent tous les
bruits et tous les divertissements et furent autour de lui pour en
écouter les ordres. A voir cela, un carabinier, qui était à ob-
server
Si ce
depuis quelques moments, ne put se retenir de s'écrier :
prêtre était général d'armée, il pourrait combattre contre
-
le
bataillon le plus aguerri du monde, avec I'assurance de la victoire.
A Turin on parlait beaucoup de D. Bosco. Lorsqu'il par-
courait les rues avec ses jeunes, les gens sortaient des cours, se
mettaient aux balcons, aux fenêtres et sur le pas des portes pour
jouir de ce spectacle. Les uns disaient que D. Bosco était un
grand saint, les autres le qualifiaient de grand fou. Au retour
des promenades, le groupe s'arrêtait quelquefois et, ayant pris
dans leurs bras le bon prêtre, qui s'efforçait de se dérober et
d'insister [en leur demandant] de ne pas le faire, ils le soule-
vaient en I'air et, bon gré mal gré, ils le portaient en triomphe,
comme les anciens Romains portaient sur leurs boucliers leurs
empereurs. A la gloire de ces déplacements on doit faire re-
marquer que parmi ces jeunes, qui n'étaient tenus en laisse par

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391
aucune réglementation, ne se produisait pas le moindre désordre.
Pas une bagarre, pas une plainte, pas le vol d'un fruit, bien que
le nombre fût grand et parfois de six ou sept cents. Pourtant il
ne s'agissait pas seulement d'enfants, mais également de jeunes
gens robustes, audacieux, bravant les dangers, qui ne manquaient
pas de porter avec eux I'inséparable couteau.
Mais il n'y a pas lieu de s'en étonner. Ces jeunes aimaient
D. Bosco de cet amour avec lequel ils savent prendre en affec-
tion quiconque leur veut du bien. Les jours ouvrables, dès qu'il
sortait par les rues de la ville, on voyait à chaque pas aux
portes des ateliers des jeunes gens qui couraient autour de lui
pour lui donner le bonjour. Malheur à celui qui ferait le moin-
dre signe d'irrévérence à l'adresse de leur prêtre ; malheur à celui
qui se permettrait de dire autre chose que du bien à son sujet !
Si un jeune de l'Oratoire était invité au mal, la pensée du dé-
goût qu'en éprouverait D. Bosco suffisait pour le tenir éloigné du
mauvais pas. Cela semble presque incroyable, et pourtant c'est
comme ça. L'un de ses désirs était réellement pour eux un ordre.
En effet, leur affection pour D. Bosco allait, je serais sur le
point de dire, jusqu'à la folie.

41.6 Page 406

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392
CHAPITRE XLII
L'Histoire Sainte
par Don Bosco -
-
Méthode pédagogique
Quelques citations.
adoptée
dans
ce
livre
On reste abasourdi à penser au tas d'affaires que depuis
cette époque D. Bosco commença à mener de front et qu'il ne dé-
laissa plus, gardant une tranquillité admirable, jusqu'au terme de sa
vie. Les soucis que lui causait son Oratoire n'avaient pas empê-
ché la rédaction de l'Histoire de l'Eglise et d'autres livres, et au
cours de cette même année il terminait une belle Histoire Sainte.
Par son assiduité à écrire on peut lui appliquer les paroles de N[otre]
Seigneur Jésus Christ : " Tout scribe devenu disciple du Royaume
des Cieux est semblable à un père de famille qui tire de son tré-
sor du neuf et du vieux (1) ". Lui, toutefois, comme nous I'avons
entendu répéter plusieurs fois et comme nous avons déjà dit plus
haut, il éprouvait une grande appréhension à publier des écrits,
mais il se maîtrisait par amour de ses jeunes. L'humilité guidait
toujours ses pas et, allant au Convitto Ecclesiatico pour étudier et
écrire, il remettait les feuilles de l'Histoire Sainte au concierge pour
qu'il les lût ; et revenant il se faisait dire s'il en avait compris le
(t) Vt 13,52 [D'après la Vulgate].

41.7 Page 407

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393
sens. Dans le cas défavorable, il remaniait le travail, se rendant
encore plus simple et à la portée des gens du peuple.
Dans ce volume d'environ deux cents pages, publié par
l'Imprimerie Speirani et Ferrero, il exposait les faits les plus
importants de la Bible, avec un langage châtié, dans une forme
fsqauicepilealeràslaceonsmfuapintreetsnladnr'eecu,asraasvceetnéctrigusutnièqruseetydldeeacnmlsaaitrlouà-sesnteeslcleolimvfrupertsetno-durjeoduleressroaéricntei-t
et à la retenir par cæur. Les faits rapportés dans cette première
édition finissent avec l'ascension de Jésus au ciel, et Don Bosco,
en en faisant Ie résumé, établissait trois corollaires : La certitude
de la venue du Messie, s'étant accomplies en Jésus Christ toutes
les prophéties ; L'existence d'une Eglise, unique arche de salut
pour tous les hommes, divinement fondée par ce Messie, infail-
lible dans l'enseignement de la doctrine et dans I'attribution aux
livres saints de leur véritable sens, appelée à durer jusqu'à la fin
du monde en raison de l'assistance continuelle de son Fondateur ;
Cette Eglise est l'[Eglise] Catholique, Romaine, qui seule à travers
les siècles garda sans cesse les vérités enseignées et confirmêes
par Jésus Christ, et dans laquelle n'est pas interrompue la succes-
sion légitime des [Souverains] Pontifes qui remonte depuis l'actuel
Pape régnant jusqu'à St Pierre ; et sur elle ces [Pontifes sont] inves-
tis d'un pouvoir plein, absolu, indépendant de toute autorité humaine.
En même temps, par tout ce travail, il voulait combat-
tre les Protestants, mais sans I'annoncer, sans éveiller de bruit.
Pour ces jeunes il avait préparé un antidote efficace contre les
erreurs qui déferlaient. Les Protestants reprochaient aux catho-
liques de ne pas connaître la Bible et combattaient les vérités
catholiques en prétendant que beaucoup d'entre elles n'ont pas de
fondement dans l'Ecriture Sainte. C'est pourquoi, en racontant les
faits du nouveau Testament et de I'ancien, D. Bosco met en re-
lief le culte extérieur, le purgatoire, la nécessité des bonnes æuvres

41.8 Page 408

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394
pour se sauver, la vénération des reliques, I'intercession des
Saints, le culte [rendu] à la Vierge Marie, la Confession, la
présence réelle de Jésus Christ dans I'Eucharistie, la primauté du
Pape, et des sujets analogues. Presque toutes les histoires saintes
qu'on utilisait alors en Piémont omettaient ces réflexions néces-
saires.
Mais ce qu'il y a de plus fructueux encore dans ce li-
vre c'est la méthode pédagogique, grâce à laquelle de chaque fait
scripturaire il sait tirer une sentence éducative et l'exprimer d'une
manière adaptée au jeune âge. Telle était également sa méthode
quand il parlait. Nous en rapportons quelques-unes. Ayant décrit
le sacrifice d'Abraham, il ajoute : Le Seigneur bénit sans cesse
ceux qui sont obéissants à ses commandements. Après les mas-
sacres de Sichem : Ce fait nous enseigne combien les spectacles
publics sont dangereux notamment pour la jeunesse. A propos
de Joseph, libéré de la prison et élevé sur le pavois : Le Sei-
gneur fait tout servir au bien de celui qui l'aime. Ecrivant au
sujet du blasphémateur et du profanateur des fêtes que Moïse fit
lapider, il s'écrie : Exemple terrible pour ceux qui osent blas-
phémer le saint nom du Seigneur ou profaner les jours qui lui
sont consacrés. Les mêmes châtirnents, ou peut-être de plus
grands, doivent être redoutés, soit dans la vie présente soit dans
la future. A la mort d'EIi:- Même en cette vie le Seigneur châ-
tie parfois les parents indolents, et abrège la vie des enfants
indisciplinés. Louant l'amitié de David et de Jonathan: Exemple
bien digne d'être imité, notamment par les jeunes, qui devraient
se choisir pour amis seulement ceux qu'ils voient aimer la vertu.
Il dit de Salomon : Il faut préférer le dénuement de Job au tône
de Salomon, car en Job on admire un modèle de la vertu qui
couronne les saints ; en Salomon on pleure la chute d'un hom-
me, qui, ayant la plus sublime sagesse, ne sut pos se garder de
l'orgueil et du poison de la prospérité. Décrivant la division du
royaume d'Israël d'avec celui de Juda, il conclut : N'allons jamais

41.9 Page 409

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395
demander conseil aux orgueilleux, ni à qui n'a pas d'expéience.
Méditant sur le miracle du corbeau qui apporte le pain à Elie : Voilà
comment Dieu prend un sotn empressé des siens. Servons le Seigneur,
et il nous fournira le nécessaire dans tous nos besoins. Faisant le ré-
cit des ours qui déchirèrent les jeunes persifleurs d'Elisée : Terrible
exemple pour qui ose railler les aînés ou les ministres du Seigneur.
Josaphat vaincu, étant allié à I'impie Achab, lui offre I'occasion
d'enseigner que:. La fréquentation des mauvais compognons expo-
se à de graves dangers. La mort d'Holopherne lui inspire la grande
vérité : Toutes les armées ne valent rien si elles n'ont pas avec
elles l'aide du Ciel. Il propose comme modèles Daniel et ses trois
compagnons [nourris] à la cour de Babylone : La tempérance est bénie
par le Seigneur, et elle est utile aux facultés de l'esprit et à la
santé corporelle.Il présente également de précieuses remarques sur la
prière, sur la confiance dans la miséricorde et la bonté de Dieu, sur les
prophéties eoncernant le Messie à venir et I'Eucharistie.
De I'histoire du nouveau Testament je me limite à rappor-
ter un seul passage concemant le Paralytique : Dans toutes les
guérisons opérées par le divin Sauveur, nous devons admirer la
singulière bonté avec laquelle d'abord il guérissait les maux de
l'âme et après ceux du corps, nous donnant ainsi le grave en-
seignement de purifier notre conscience avant d'avoir recours à
Dieu dans nos besoins temporels. Et voilà pourquoi, à tous ceux
qui avaient recours à lui pour obtenir une grâce de Notre-Dame,
D. Bosco suggérait, comme première condition, de s'approcher des
Sacreiments.
Dans la préface nous parvenons à savoir combien D. Bos-
co était assidu et diligent dans les études sacrées et par ricochet nous
déduisons les continuelles leçons qu'il donnait sur la religion aux
jeunes de son Oratoire et à ceux des écoles primaires et secondaires
de la ville. C'est une page historique de son zèle sacerdotal. Voici
comment il s'exprime :

41.10 Page 410

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396
" Mettre la main à un nouveau cours d'Histoire Sainte semblera
certainement à quelqu'un un travail inutile, alors qu'il en existe
déjà suffisamment pour pouvoir satisfaire toutes les personnes
quelle que soit leur condition. C'était ce qui me semblait à moi
aussi ; m'étant mis cependant à faire l'analyse de ceux qui pas-
sent le plus entre les mains des jeunes gens, je dus me con-
vaincre que beaucoup sont ou trop volumineux ou trop succincts
et que souvent aussi, en raison de l'étalage d'idées et de phra-
ses, ils perdent la simplicité et l'expression populaire des livres
saints. D'autres ensuite omettent presque entièrement la chrono-
logie, de sorte que le lecteur inexpérimenté peut difficilement
se rendre compte à quelle époque appartient le fait dont il
lit [le récit], s'il est plus proche de la création du monde, ou
bien de la venue du Messie. D'autre part presque dans tous on
rencontre des expressions, qui me paraissent pouvoir susciter des
idées moins pures dans les esprits instables et tendres des en-
fants.
" Poussé par ces raisons, je me proposai de rédiger un cours d'His-
toire Sainte, qui fût à même de contenir les faits connus les
plus importants des livres saints, et de pouvoir être présenté à
n'importe quel jeune homme, sans risque de réveiller chez lui des
idées moins opportunes. Afin de réussir dans ce propos, à une
certaine quantité de jeunes de toutes situations je racontai I'un a-
près I'autre les faits principaux de la sainte Bible, en notant
attentivement quelle sensation faisait en eux ce rêcit et quel ef-
fet il produisait en définitive. Cela me servit de norrne pour en
omettre certains, en mentionner à peine d'autres, et en doter de
moindres circonstances un bon nombre. J'eus également sous les
yeux de nombreux résumés d'Histoire Sainte, et je pris de cha-
cun ce qui me parut convenir le plus.
" Pour ce qui est du domaine de la chronologie, je me conformai
à celle de Calmet, mises à part quelques petites variations qui sont
tenues par certains critiques modernes pour nécessaires. A chaque
page je m'appliquai sans cesse à [aueindre] I'objectif d'éclairer I'esprit

42 Pages 411-420

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42.1 Page 411

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397
pour améliorer le cceur, et de rendre, le plus possible, à la
portée des gens du peuple la connaissance de la sainte Bi-
ble.
" Comme le but providentiel des livres saints a été de maintenir
vive chez les hommes la foi en la promesse par Dieu du Mes-
sie après la faute d'Adam, ou plutôt, comme on peut dire que
toute I'Histoire Sainte de l'Ancien Testament est une constante
préparation à cet événement très important, je voulus d'une façon
spéciale mettre en évidence les promesses et les prophéties qui
ont trait au Rédempteur à venir.
" De plus pour suivre I'avis de maîtres sages, j'ai fait insérer di-
verses gravures concernant les faits les plus éclatants, pour
enseigner ainsi l'Histoire Sainte à I'aide des illustrations. Et
comme les enfants restent dans I'embarras à cause de cer-
tains noms de choses, de pays et de villes que mentionne
I'Histoire Sainte, [noms] que I'on ne voit plus sur les cartes
géographiques d'aujourd'hui ; ainsi je me suis employé à a-
jouter un petit dictionnaire dans lequel, grâce à une brève
explication, les noms anciens sont mis en comparaison avec
les modernes.
" L'histoire est divisée en époques, et celles-ci réparties en cha-
pitres, lesquels sont également divi§és en paragraphes, qui in-
diquent la matière contenue dans chaque partie du chapitre.
L'expérience fit penser que c'est la méthode la plus facile pour
qu'un récit quelconque puisse être appris et retenu par I'esprit
d'un jeune.
" L'étude de I'Histoire Sainte montre d'elle-même son excellence,
et n'a pas besoin d'être recommandée, parce que I'Histoire Sainte
est la plus ancienne de toutes les Histoires ; qu'elle est la plus
sûre, car elle a Dieu pour auteur I qu'elle a le plus de valeur, car
elle contient la Divine volonté manifestée aux hommes ; qu'elle
est la plus utile, car elle rend évidentes et prouve les vêrités de
notre Sainte Religion. Donc aucune étude n'étant plus importante
que celle-ci, il ne doit pas y en avoir d'autre plus chère à celui qui

42.2 Page 412

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398
aime vraiment la Religion. Si mon travail, quelle qu'en soit la qualité,
est pour quelqu'un source de profit [spirituel], gloire en soit [rendue] à
Dieu, dont l'honneur fut pour moi l'unique motif de l'entreprendre ".
Comme c'était un livre scolaire, la préface de la première
édition a deux citations, enlevées plus tard de la troisième [édition],
qui indiquent Ia prudence pleine de prévoyance de D. Bosco. il
dit s'être appliqué sans cesse à fatteindreJ l'objectif d'éclairer l'esprit
et d'améliorer le cæur, il mettait en note : Pr[ctre] FECCIA [= r'Bcr,q]
dans I'Educateur Primaire, proglramme] ; là où il annonçait avoir fait
: insérer diverses gravures, il met au bas de la page Voir F. APORTI,
Educat. Prim. Yol. I, page 406. C'était comme une recomman-
dation de son livre, auprès de certains enseignants. Une approbation
juste fait toujours plaisir, et I'Abbé Aporti était sensible à ces marques
de respect ; et D. Bosco, comme il en avait I'habitude en de telles
circonstances, lui fit cadeau d'un exemplaire de son ouvrage, accom-
pagné d'une courte lettre adroitement flatteuse, agrémentée d'une
pensée sur les réalités étemelles. La louange n'était pas imméri-
tée en raison des bienfaits qu'il apportait par ses écrits et par son
æuvre à la grande cause humanitaire de I'instruction populaire.
Il connaissait l'état d'esprit d'un pauvre prêtre, comme aus-
si [cetui] d'autres qui s'écartent du droit chemin et forment un parti.
Entre eux règnent l'égoïsme, I'intérêt, la jalousie, la méfiance et sou-
vent la soumission à un pouvoir tyrannique. Malgré les applaudisse-
ments et les honneurs par lesquels on lui rendit gloire, I'Abbé Aporti
approcha à plusieurs reprises cette tenible vérité avec une sensation
de très grande amertume, notamment lorsqu'il vota au Sénat contre
I'amendement Des Ambrois, qui mettait pleinement à la merci du
Gouvernement, non seulement les biens des couvents, mais les reli-
gieux eux-mêmes. Bien qu'il eût rendu de très nombreux services à la
cause pour laquelle se battaient les plus enragés partisans de I'Italie,
tous les journaux libertins gardèrent une dent contre lui, le piétinèrent,
le traînèrent dans la boue, et l'un d'entre eux alla jusqu'à le menacer

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399
de deux doigts sur la gorge. Par ailleurs devant les bons, les dévoyés
couvrent de I'arrogance leur avilissement et les remords ; il leur sem-
ble être mêprisés par les lbonnes personnes], et ils les soupçon-
nent de jugements peu bienveillants, ils les croient ennemis.
Leur cæur a besoin d'affection, et ils en sont privés ; c'est pour-
quoi beaucoup, s'ils rencontrent un véritable ami, savent I'estimer.
C'est ainsi qu'Aporti reconnut D. Bosco qui, loyal, ne trahissait ja-
mais la vérité ; si celui-ci approuvait, il le reconnaissait sincère :
son visage franc et ouvert, ses manières respectueuses, ses paroles
amicales ne lui permettaient pas une pensée de méfiance, aussi le
rencontrait-il volontiers. C'est pourquoi Aporti le payait de retour en
étant un soutien efficace et un chaleureux louangeur des écoles de
l'Oratoire dont il connaissait pleinement l'esprit catholique et I'atta-
chement au pape. Si de 1847 à 1860 D. Bosco put tenir tranquil-
lement ses classes sans ingérences, formalités, inspections de I'Auto-
rité, cela devait provenir de I'opinion favorable qui s'était formée et
persistait parmi ceux qui gouvernaient les affaires publiques. En cela
ne dut certainement pas être étrangère I'action de I'Abbé Aporti.
En attendant, l'Histoire Sainte apparue en forme de dialo-
gue, en -1847, fut aussitôt adoptée dans beaucoup d'écoles publiques
et d'écoles privées, pour lesquelles elle avait été écrite. Elle por-
tait [ta mention de] la révision et I'autorisation des Services de
l'Archevêché. Pour donner ces informations nous eûmes sous les yeux
les premières rêéditions et en particulier celle de 1853, I'on
dêveloppe mieux la méthode pédagogique, enrichie des noms de la
géographie sacrée comparés avec les noms modemes. Ensuite de cet
ouvrage, quelque peu modifié, et utile aux personnes de toutes si-
tuations, on fit bien vingt-trois éditions, et jusqu'à aujourd'hui on en
diffusa environ soixante mille exemplaires.

42.4 Page 414

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400
CHAPITRE XLIII
RedceétalcosdoegensetPramor-selincaeaLuc'fAeadsriéct-thrsiemuvNreêvnoqetuuilveldeeerelletDl'Ole.ertBaCodtosoecmirrnoetieè--rdeeVdLiCesemiooMlanlensagdrcneqoouniims-sopldaéLnerateeCtsivSa. eveonduie-r
Don Bosco remerciait le Seigneur du bien moral produit
par ses livres et du fait que les jeunes persévéraient avec joie
dans la fréquentation de I'Oratoire, harcelé de tant de manières ;
en même temps pourtant sous son sourire il dissimulait une
nouvelle épine qui depuis le début du mois de mars s'était
ajoutée aux autres. Les gens qui n'ont pas de tête, le voyant
faire d'un côté à I'autre'de telles ràndonnées avec les bandes de
ses jeunes, se mirent à le critiquer âprement comme s'il en faisait
des désæuvrés, [comme s']il les empêchait d'obéir à leurs parents,
les habituait à une vie indépendante, sans vérifier d'abord s'ils
avaient ou non de la famille à Turin, ou, dans le cas ils en
avaient, si I'autorité paternelle prenait soin d'eux. On avait éga-
lement remarqué la facilité avec laquelle il se faisait obéir d'eux.
Comme on commençait à cette époque à parler d'émeutes et d'insur-
rections populaires dans certaines parties de l'Italie, ainsi cette af-
fection et cette obéissance donnèrent de nouveau prise au bruit ridi-
cule [aisant] que D. Bosco pouvait devenir avec eux un homme dan-
gereux, et fomenter tôt ou tard une révolution en ville. Cela, d'autant

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401
plus qu'un certain nombre de ces jeunes, à présent pieux et d'ex-
cellente conduite, avaient auparavant êtê réellement bons pour la
prison. A de telles craintes de révolte les mêchants avaient a-
jouté des calomnies encore plus perfides. De semblables racon-
tars trouvèrent créance auprès des autorités locales, notamment
auprès du Marquis de Cavour, père des célèbres Gustave et
Camille, alors Préfet de Turin, ce qui revient à dire Chef du
pouvoir urbain. Ayant vu quelque temps auparavant, dans les
prés dits de la Citadelle, D. Bosco assis par terre dans un cercle
de jeunes gens, dans la tête desquels il cherchait avec des ma-
nières courtoises à faire entrer quelque bonne pensée de religion
et de morale,
milieu de ces
il demanda
gamins ?
:
-
Mais qui est donc ce prêtre au
ovou--ublaCDieir.tenBsdtociDrs'eec.s,oBtdo!uisgnOcnouhei-oldmemsltutreeui nqrméfupoi'soiuln,dfda-aitu-notsnac.ljeoonusdtapurilrieseopanasuudvSruéenpMaata.lar-qisuisqE,ut'o-nil
appelait encore le Sénat.
Avec ces idées dénaturées, qu'il ait fait et dit ce que nous
allons raconter ne provoquera pas d'étonnement.
Donc le Marquis fit appeler D. Bosco à l'hôtel de vil-
le, et après une longue conversation sur les sornettes qui couraient
au sujet de l'Oratoire et de son Directeur, il conclut en disant :
-dangJe'arei uI'xa,sspuoraunrclee
que
bon
les rassemblements de vos
ordre et pour la tranquillité
jeunes gens sont
des citoyens, et
c'est pourquoi je ne peux plus les tolérer. Suivez donc mon con-
seil, cher D. Bosco : laissez en liberté ces garnements, car ils ne
donneront que des chagrins pour vous et des ennuis pour les
autorités publiques.
D. Bosco
le Marquis,
spi ocnednit':es-t
Je n'ai pas
d'améliorer le
d'autres
sort de
objectifs, monsieur
ces pauvres enfants
du peuple. Je ne demande pas d'argent ; je demande seulement de

42.6 Page 416

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402
pouvoir les rassembler en quelque endroit, comme aussi en cas
de mauvais temps sous quelque hangar, un lieu [qui permettrait de]
les amuser en d'honnêtes divertissements, afin de les empêcher
de vagabonder à travers la ville ; et en même temps de les ins-
truire dans la Religion et dans les bonnes mæurs. Par ce moyen
j'espère pouvoir diminuer le nombre des voyous et celui des
locataires dans les prisons.
et-
Vous vous trompez, ô mon bon prêtre ;
ce sera pour vous peine perdue. Je ne
répliqua le
peux vous
Marquis,
attribuer
aucun lieu, parce que partout Vous aliez, nous avons des do-
léances. Et puis, trouverez-vous les ressources pour payer les
loyers et faire face aux dépenses que Vous occasionnent ces
vagabonds ? Je Vous répète donc que je ne puis vous permettre
plus longtemps ces réunions.
va-illeLepsasréseunltavtsaionb.teBneuasujcuosuqpu'àdeprjéesuennetsmg'aesnssurleanist sqéuse
je ne tra-
à un total
abandon furent déjà recueillis, libérés de l'évident péri1 d'irréli-
gion et d'immoralité, dirigés vers I'apprentissage d'un art ou d'un
métier chez de bons patrons, pour leur grand avantage et celui
des familles et de la société. Pour un bon nombre, les prisons
ne furent plus leur habitation. Ensuite jusqu'ici les moyens ma-
tériels ne me manquèrent pas : ils sont dans les mains de Dieu,
qui est habitué à faire beaucoup avec peu, voire à tirer tout de
rien, et parfois il se sert d'instruments méprisables pour accom-
plir ses sublimes desseins.
- Ayez patience, D. Bosco, obéissez-moi tout simplement, et pro-
mettez-moi de dissoudre votre rassemblement.
- Accordez cette faveur, monsieur le Marquis, non pas pour moi,
mais pour le bien de tant de jeunes gens, qui sans cet Oratoire iraient
peut-être mal finir.
se-nceAldloenqsu, içvaosuusffvito;usvetnroounvseàz
la
?
conclusion. Savez-Vous en pré-
Je suis le Préfet, et vous devez
reconnaître mon autorité.
- Et moi je la respecte et je la reconnais.

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403
- §3vs7-vsus jusqu'où peuvent s'étendre mes pouvoirs ? C'est d'ap-
peler immédiatement les gardes et de vous faire conduire où vous ne
désirez pas aller.
ta-nt
Oh ! je n'ai pas peur
avec cette bonhomie
de vous, répondit D. Bosco,
qui lui était habituelle.
en
plaisan-
-
qu- i
Pourquoi ne me craignez-vous pas ?
C'est ainsi qu'on traite les gredins, et serait un
voudrait traiter comme un malfaiteur un pauvre
gredin
prêtre
celui
inno-
cent. Vous, monsieur le Marquis, vous n'êtes capable de com-
mettre en aucun cas une telle injustice ; c'est pourquoi je ne
crains pas.
Cette noble résistance de D. Bosco déplut au Marquis, qui quel-
que
pour
pdeisucuirteriravaejcouVtoau's-.
Taisez-vous,
Votre Oratoire
car .je
est un
ne suis pas ici
désordre, que je
veux et dois empêcher. Vous ignorez peut-être que tout at-
troupement est interdit, au cas il n'est pas légitimement
autorisé ?
n'-a
Mon attroupement, répondit D. Bosco,
pas un but politique, mais purement
pas du tout intimidé,
religieux. Je ne fais
qu'enseigner le catéchisme à de pauvres garçons, avec la per-
mission et I'approbation de I'Archevêque.
-
-
L'Archevêque est-il informé de ces choses ?
I1 l'est pleinement, car jusqu'ici je n'ai pas fait un pas sans
son consentement.
tre-priSsei ,l'VArocuhsevnê'oqpupeosVeoriuesz
disait de renoncer
aucune difficulté ?
à
cette
ridicule
en-
qu- 'icAibcsoonlutimnueénet
aucune : j'ai commencé cette æuvre et l'ai jus-
avec l'avis de mon Supérieur Ecclésiastique,
et sur un simple signe de sa part je l'abandonnerai ipso fac-
to.
qu-e.
Eh bien,
J'espère
allez pour
que Vous
le moment ;
ne voudrez
je me rendrai chez
pas vous obstiner
I'Archevê-
contre Ses
ordres ; autrement je me verrai contraint de prendre des mesures
sévères. - Et il le congédia.

42.8 Page 418

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404
Sortant de l'hôtel de ville, D. Bosco s'était persuadé qu'il
pourrait passer avec ses jeunes au moins quelque temps en paix ;
mais quelle ne fut pas sa douleur profonde quand, arrivé chez
lui, il trouva une lettre par laquelle les frères Filippi le ren-
voyaient du pré, qu'ils lui avaient loué pour toute l'année ! " Vos
garçons, écrivaient ces messieurs, en piétinant continuellement
notre pré, feront périr jusqu'aux racines de I'herbe. Soyons donc
contents pour notre part de vous faire grâce de la location
échue, pourvu que dans les quinze jours vous nous rendiez libre
notre pré. Nous ne pouvons pas Vous accorder un plus grand
dêlai ". Et il fallait courber la tête, et s'établir ailleurs. Cela
semblait une conjuration ourdie de façon très étudiée ; mais
c'étaient seulement des épreuves, que le Seigneur envoyait à
notre cher D. Bosco, pour faire mieux ressortir I'importance de
l'æuvre qu'il avait placée entre ses mains.
Le jour même D. Bosco se rendit chez l'Archevêque pour
lui raconter tout ce qui lui était arrivé avec Ie Marquis de
Cavour, et le bon Prélat l'invita à la patience et au courage.
Il alla également rendre visite au Comte de Collegno pour lui
recommander ses jeunes, et il en obtint des paroles de réconfort
et des promesses de protection. Entre-temps le Marquis avait pu
apprendre de la bouche même de Monseigneur Fransoni que
réellement D. Bosco avait toujours procédé avec son assen-
timent, pour commencer et pour diriger l'Oratoire ; et il entrevit
également que I'Archevêque ne se résoudrait pas à donner une
interdiction. C'est pourquoi, bien que ferme dans son propos, il
fit entendre avec courtoisie au bon Prélat, qu'il examinerait
mieux I'affaire, et qu'il accorderait également sa permission à
D. Bosco, mais avec des conditions telles que fût assuré I'ordre
public.
Informé de cela, D. Bosco êcrivit une lettre au Marquis, et
quinze jours plus tard il recevait la réponse suivante:

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405
Bureau de Préfecture et Surintendance Générale de Politique et
de Police - N. 671.
Turin, le 28 Mars 1846.
Très R[évérendJ Mons[ieurJ P. ron. Osser.
[voir x p. 407]
Du sujet sur lequel Vlotre] T[res] R[evcrende] S[eigneurie] daigne
m'entretenir dans sa lettre du 13 courant, L[eurs] E[xcellences]
Monseigneur l'Archevêque et le Comte Collegno m'avaient aussi
touché un mot auparavant ; en ce qui peut dépendre de moi je
suis tout à fait disposé à vous aider et, puisque Vous m'exprimez
le désir d'en conférer avec moi oralement, vous pourrez, au cas
cela ne Vous dérange pas, vous rendre dans ce but à mon bu-
reau vers les deux heures de l'après-midi le lundi 30 de ce mois.
En attendant je me donne l'honneur de me redire avec mon respect
distingué
De Vlotre] Thes] Rleverende] S[eigneurie]
Dév[ouéJ et oblig[é]
BENSO DI CAVOUR
D. Bosco y alla. Pour la continuation de l'Oratoire, le Mar-
quis prétendait imposer des conditions que D. Bosco jugeait in-
acceptables. Il voulait limiter le nombre des jeunes, interdire leurs
promenades et I'entrée dans la ville en groupe constitué, exclure
absolument les plus grands [considérés] comme les plus dange-
reux. Aux calmes et humbles observations de D. Bosco il répli-
qcuhaeitz:e-ux
D. Bosco
Mais en quoi vous importent ces voyous ? Laissez-les
!seNreetiprarendeozncpasasnssuarvovior ususcseisàredsipsosnipseabrilIi'toêusra!ga-n
qui le menaçait. Cependant en chacune de ses paroles il s'était
comporté de manière à ne pas irriter I'esprit du Marquis. En ef-
fet, l'obstination du Préfet provenait de sa perspicacité elle-même,

42.10 Page 420

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406
car il voyait dans I'Oratoire une (Euvre, qui, petite en ses débuts, de-
viendrait bien vite colossale, en raison de I'homme qui la dirigeait et
en raison des moyens que ce dernier utilisait, et pourrait en quelque
circonstance être utilisée pour des fins illégales. Sans cette persuasion
il ne se serait occupé ni de D. Bosco ni de son Oratoire.
Entre-temps dès les premiers jours de mars le Service de
Police avait reçu I'ordre de le surveiller. Le dimanche vers les six heu-
res du matin à I'arrivée des premiers jeunes, on voyait déjà les cara-
biniers et les gardes municipaux se promener dans les alentours les te-
nant à l'æil ; ils apparaissaient sur les bords du prê, tandis que D. Bos-
co continuait à confesser jusqu'à huit heures et demie ; ils le suivaient
à une certaine distance lorsqu'il conduisait ses élèves à la sainte
Messe ou à une promenade. D. Bosco riait à se voir accompagné
comme un souverain par cette escorte d'honneur, et il avait I'habitude
de dire que, pour cette aventure et pour d'autres, l'êpoque la plus
romantique de I'Oratoire fut celle des rassemblements dans le pré.
Les contradictions ne le détoumaient pas de ses projets :
ce fut là le caractère de toute sa vie. Après avoir pris une réso-
lution, et I'avoir mûrie longtemps, ou reçue sur le conseil de ses
Supérieurs ou d'autres personnages piudents, il ne s'arrêtait pas tant
qu'il ne l'avait pas conduite à son achèvement. Toutefois jamais une
initiative de sa part ne procédait d'un motif humain.
Durant le sommeil passaient devant lui des visions lumi-
neuses qu'il raconta dans les premiers temps à D. Rua et à d'autres.
Tantôt il contemplait une vaste maison avec une église, en
tout semblable à celle actuellement dédiée à St François de Sales, qui
sur le fronton portait cette inscription : HAEC EST DOMUS MEA;INDE
GLORIA MEA [Voicl ma demeure ; d'elle rayonnera ma gloire] ; et par la
porte de cette église entraient et sortaient des jeunes, des jeunes abbés
et des prêtres. Tantôt à ce spectacle dans le même endroit en succédait

43 Pages 421-430

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43.1 Page 421

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407
un autre et apparaissait la petite maison Pinardi, et autour d'elle des
arcades et une église, des jeunes gens et des ecclésiastiques en très
- grand nombre. Mais cela n'est pas possible, répétait en lui-même
D. Bosco ; ce n'est pas du tout une habitation adaptée pour nous. Je
dpaaliorsarsiqsudpeisretlisenqcuSteeemigêentrneetuerennptpeerunotdiueavencuenlevesoiildlxuésqpiuooinuliulldeiisadbidsoealsiiqt uE:eg-.yp-tieEnt Estuteinnleraicsvhaaiiisrt
son peuple ?
D'autres fois il lui semblait être dans la rue Cottolengo. A
droite il avait la maison Pinardi au milieu du jardin et des prés ; à
gauche, la maison Moretta presque en face de la première avec les
cours et les champs attenants, qui devaient plus tard être occupés par
les Filles de Marie-Auxiliatrice. Deux colonnes s'élevaient sur la
porte du futur Oratoire, sur lesquelles D. Bosco lisait cette inscription
répétée : HINC INDE GLORIA MEA : de-ci de-là ma gloire. De toute
évidence c'était la première allusion à la Congrégation sæur de celle
des Salésiens. Si d'un côté il voyait ces derniers, de I'autre n'aurait-il
donc pas vu les sæurs ? Toutefois il n'en dit rien alors, étant très
réservé pour donner de telles explications.
En attendant, le premier rêve fait au Convitto était près de
se réaliser. Ils devaient être au nombre de trois les arrêts ou les
stations de D. Bosco avant de parvenir à une demeure stable. Le
premier avait êté au Refuge, le second aux Moulins de la Ville ; la
maison Moretta et le pré voisin sont le troisième. Dieu soit béni !
* A propos de I'expression P. ron. Osser. : l'interprétation de ces abrévia-
tions reste difficile, car elles n'apparaissent pas d'un usage courant dans la cor-
respondance de l'époque.

43.2 Page 422

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408
CHAPITRE XLIV
pLLaaevreofToslhelidéseoedldoDuge.ipeDrBno.opBsBhcooèorsteec-lo-e-tAleDLlsa.ecsCmonalaaffiiardsmseosennoscdepdseo'urdstenaenDvtuéé.nr-BijtuoasgbcLelotem.isaeomnletims-eunrtLle-ess
S'étont répondu le bruit des graves difficultês qui sur-
gissaient à tout bout de champ pour entraver l'æuvre de Don Bosco,
plusieurs de ses amis, au lieu de I'encourager à la persévérance, se
mirent à lui suggérer d'abandonner son entreprise. Voyant qu'il était
sâns cesse préoccupé pour I'Oratoire, qu'il ne savait pas se détacher de
ses garçons, qu'il leur rendait visite plusieurs fois par semaine sur
leurs lieux de travail, qu'il les gardait les dimanches et jours de fête
avec une sollicitude plus que paternelle, qu'il en recueillait toujours
des nouveaux au milieu des rues, qu'il continuait à apparaître sur les
places au milieu d'une bande de gamins, qu'il parlait de ces derniers
très souvent et avec tout le monde ; ils commençaient sérieusement à
craindre qu'il ne fût atteint de monomanie.
Quelques-uns de ses condisciples de séminaire et de Con-
vitto voulurent tenter I'essai de lui conseiller tout au moins de changer
de méthode dans son apostolat. - Vois, lui disaient-ils, tu compro-
mets le caractère sacerdotal.
- Et de quelle façon ? répondait D. Bosco.

43.3 Page 423

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409
; Avec tes extravagances à t'abaisser à prendre part aux jeux
-de tant de gamins, à permettre que ces demiers t'accompagnent avec
tant de piailleries irrévérencieuses. Ce sont des choses jamais vues à
Turin, et contraires aux vieilles habitudes d'un clergé aussi grave et
réservé
trop de
comme
paroles
est
D.
Bleosncôotrefa.is-ait
Mais
mine
attendu que sans se perdre en
de ne pas être persuadé de la
logique de ces avertissements, ils
tête amochée, il ne raisonne plus !
répétaient
entre
eux :
-
tl a la
Un jour I'incomparable Théologien Borel lui-même, qui
pourtant entrait pleinement dans ses idées, se mit, en présence de
Don
pour
Sébastien Pacchiotti,
ne pas s'exposer au
à lui parler ainsi
risque de perdre
l:e-touCt,hielr
D.
est
Bosco,
mieux
que nous sauvions au moins la partie. Attendons des moments
plus favorables à nos projets. C'est pourquoi invitons les jeunes
actuellement à I'Oratoire à s'en aller, en retenant seulement une
vingtaine des plus petits. Tandis qu'en privé nous continuerons à
nous occuper de ce petit nombre, Dieu nous ouvrira la voie pour
faire davantage, nous en foumissant les moyens et un local con-
venable.
paDs.aBinossic!oL, epesresiognnneeurdraendsessaomn ifsaéirti,corérdpeonadicto:m-menNonetpdaositafininsiir,
son æuvre. Vous savez, monsieur le Théologien, avec combien de
peine nous avons pu arracher au chemin du mal un aussi grand
nombre de jeunes gens, et que de bien à présent ceux-ci nous veulent
en retour. Je suis donc de I'avis qu'il ne convient pas de les
abandonner de nouveau à eux-mêmes et aux dangers du monde pour
le grave dommage de leurs âmes.
- Mais en attendant les rassembler ?
-
-
so-n,
Dans l'Oratoire.
Où est cet Oratoire ?
Je le vois déjà réalisé ; je vois une église, je vois une
je vois un enclos pour la récréation. Cela existe, et
mai-
je le
vois.

43.4 Page 424

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410
el--lesEJeetxnoiseùtpesenoutnxctpetaorstuateiennsecmocreeesndtci,rheeostoeùjsee?lleledssesmovanonti,dsaaejoletutebaloleDns. TBshoeésroocloong,t imepnoa.uisr
nous.
Ainsi qu'il l'assurait lui-même lorsque, plusieurs années plus tard'
il racontait ce fait à I'un des Salésiens les plus expérimentés, à
entendre de telles paroles le Théologien Borel se sentit pro-
fondément ému. Il lui semblait que dans ces assertions il avait
une preuve suffisamment sûre de la folie de son cher ami, et il
-squc'Çriila'ge:snt-proeuMsrsqoeunnotapi,iat undvearenpsDou.levBaonscctæopu!lru,vsrialsimuspe'epnnot ritaleprnpI'ra'iomcpmhluaes,nslsueaitpêdetoienne-!
na un baiser, et puis s'éloigna de lui en versant de très
chaudes larmes. D. Pacchiotti lui adressa aussi un regard de
compassion, en disant ' - psuvls D. Bosco ! et il se retira
attristé.
Egalement quelques vénérables prêtres, parmi les pre-
miers du Diocèse, lui rendirent visite, et, accueillis par lui avec
le plus grand respect, ils se mirent à lui démontrer qu'il pourrait
faire un grand bien aux âmes, dans I'exercice d'autres fonc-
tions du ministère sacré, comme, par exemple, en prêchant les
missions au peuple, en aidant un curé de la ville, en se dé-
diant tout entier aux æuvres de la Marquise Barolo. Comme
D. Bosco les écoutait en silence, ils espérèrent pendant un ins-
tant avoir
s'obstiner ;
réussi
Vous
à le persuader et lui
ne pouvez pas faire
dirent : - Il
l'impossible,
ne faut pas
et la divine
Providence semble clairement indiquer qu'elle n'approuve pas
l'æuvre que Vous avez commencée. C'est un sacrifice, mais
tiel rfraoumtpIi'ta,cecotmlepvliran: trelensvomyeazinvsosaujeucnieesl,!ta-ndiDs.qBuoescloe
les in-
regard
Providence ! Mais vous êtes dans I'erreur. Je suis bien loin de
ne plus pouvoir continuer I'Oratoire. La divine Providence m'a

43.5 Page 425

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411
envoyé ces enfants, et je n'en repousserai pas même ufl,
retenez-le bien... J'ai I'inébranlable certitude que la Providence
elle-même me fournira tout ce qui leur est nécessaire... Même
les moyens sont déjà préparés... Et puisqu'on ne veut pas me
louer de local, je m'en fabriquerai un avec I'aide de Marie.
Nous aurons de vastes bâtiments, de nombreuses salles pour les
classes et pour les dortoirs, capables de recevoir autant de jeu-
nes qu'il en viendra ; nous aurons des ateliers de toutes sortes,
afin que les jeunes puissent apprendre un métier selon leur in-
clination; nous aurons une belle cour et des arcades spacieuses
pour les récréations ; enfin nous aurons une magnifique église,
de jeunes abbés, des catéchistes, des assistants, des maîtres pour
l'apprentissage des métiers, des professeurs prompts à suivre nos
indications ; et de nombreux prêtres qui instruiront les enfants et
prendront un soin spécial de ceux chez lesquels se manifestera
la vocation religieuse.
Ils s'ébahirent ces messieurs devant la réponse inattendue, et s'é-
tant regardés l'un l'autre en face, ils lui demandèrent :
voulez donc former une nouvelle communauté religieuse
-
?
Voüs
-
-
Et
Et
ve-cLdae
si j'avais ce projet ? dit D. Bosco.
à vos religieux quel costume assignerez-vous ?
vertu ! répondit D. Bosco, ne voulant pas s'expliquer
moindres détails.
a-
Mais les autres, une fois retombé l'étonnement, insistaient en plai-
santant pour savoir quel habit endosseraient les nouveaux frè-
res.
- Eh bien, répliqua D. Bosco ; je veux qu'ils aillent tous en man-
che de chemise comme les garçons maçons.
A ce moment-là rires et moqueries accueillirent l'étrange révéla-
tion ; et D. Bosco, après avoir laissé ces messieurs s'amuser à
leur
par
manière, tout en souriant pour
hasard dit quelque chose de
sa part,
drôle ?
oNbseervsaav:e-z-voAuusrapia-jse,
messieurs, qu'aller en chemise veut dire pauvreté ? Et qu'une so-
ciété religieuse sans pauvreté ne peut durer ?

43.6 Page 426

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412
qu-'ilsNosues
avons très bien compris !
levaient prenant congé.
commencèrent-ils à dire, tandis
Et quand ils furent sortis du
bureau de D. Bosco, ils conclurent :
Nous avons saisi : ses
facultés mentales sont détraquées !
Et D. Bosco parlait en ces termes parce qu'intimement per-
suadê que les événements justifieraient ses paroles et ses vifs désirs.
En effet, depuis le tout début, il avait raconté à D. Cafasso les rêves
qu'il avait faits, lui demandant conseil. Le saint prêtre lui avait ré-
-: pondu
Continuez donc tuta conscientia lla conscience tranquille]
à donner de I'importance à ces rêves, car je juge qu'il y va de la plus
grande gloire de Dieu et du bien pour les âmes !
Pendant ce temps-là le commérage et la persuasion que
I'ami et père très affectueux de tant de pauvres jeunes gens était
devenu fou ou était sur le point de le devenir, se dilataient de
plus en plus dans Turin. C'est pourquoi ses vrais amis s'en mon-
traient attristés ; les indifférents ou les envieux se moquaient de lui.
Presque tous en somme, et ceux-là mêmes avec lesquels il s'était
lié d'intimité, se tenaient éloignés de lui.
L'un de ceux-ci, le rencontrant dans la rue, cherchait à l'é-
viter, ou encore, s'arrêtant embarrassé et le fixant en face avec un
certain air de compassion, lui demandait : - Monsieur l'Abbé,
comment allez-vous ?
-
-
-
-
Je vais très bien.
Mais ne ressentez-vous pas un peu de mal à la tête ?
Non rien du tout.
Et pourtant il semble que vous ayez au visage une certaine
couleur rouge...
pe-u
Oh !
trop
ne
le
faites pas attention à cela ! J'aurai sans doute levé un
coude... disait D. Bosco en souriant, car il compre-
nait le but de cette interpellation. Et I'ami, non persuadé et
hochant la tête, s'empressait de s'éloigner.

43.7 Page 427

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41.3
Le jeune Michel Rua rencontra à cette époque l'officier qui
dirigeait l'usine royale de canons pour fusil, établie dans les environs
ddqdeueuveDRefoe.nifuBsu,ogfsoeilc,uoelu?t?ci e-ddite:rEnE-ti,et rauylPnuaeainutdaveruremteçreauDnfp.dooaBiuso:rslce-réopm;ontmasuese-nqtuMeu'eiisclnahscie'osylrepreeaànnstdIe'aqOniutrda'iqittloudeieersles-t
: personnes distinguées s'écrier
- des malheureux jeunes abandonnés
D. Bosco
qu'il n'a
s'est tellement
plus sa tête.
entiché
Des Services diocésains eux-mêmes de I'Archevêché les
responsables officiels envoyèrent une personne prudente, pour que,
sans en avoir I'air, elle examinât D. Bosco. On craignait de voir se
produire, si réellement étaient vrais les bruits qui couraient, des
scènes capables de nuire à I'honorabilité et à la dignité du Sacerdoce.
L'envoyé des Services diocésains vint au Refuge, et après un long
préambule, il fit tomber la conversation sur l'importance de I'Oratoi-
re : D. Bosco ne tarda pas à parler avec enthousiasme de ce qui
lui tenait
s'écria-t-il,
enoxutrsêmpoeumrreonntsàfaciræe uqru:elq-ue
Oui !
chose
Avec I'aide de Dieu,
: là s'élève ma maison,
et dans son voisinage, mon église nous ferons de magnifiques
cérémonies ; ici j'aperçois réunis mes prêtres et les jeunes abbés qui à
présent n'existent pas, mais qui viendront et m'aideront ; dans ce lieu
je vois une multitude sans nombre de jeunes gens qui m'entourent,
! m'écoutent, m'obéissent et deviennent bons
Après I'avoir en-
- tendu avec une surprise pleine de tristesse, le messager des Services
I diocésains fit son rapport à ceux qui I'avaient envoyé.
divague,
- conclurent-ils. Il est sous I'emprise d'une hallucination due à une idée
fixe
fois,
: celle de posséder ce qu'il n'a pas et
ils demeurèrent indécis sur le parti
àn'paruerandjarem, aéigsa!lem- entTpoaurtcee-
que le Vicaire Général Ravina, très ami de D. Bosco, n'aurait pas
permis une décision précipitée.
Mais ce qu'ils ne firent pas, s'employèrent à le faire d'au-
tres ecclésiastiques de Turin. Réunis pour une conférence théologi-

43.8 Page 428

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414
que, vers la fin ils discutèrent des nouvelles du jour concernant le
clergé et notamment D. Bosco. En conséquence ils furent pris d'in-
quiétude et décidèrent de tenter la guérison de celui qui, c'était leur
persuasion, souffrait du cerveau :
le conduiront inévitablement à Ia
f-olieD;.
Bosco a des idées fixes, qui
son mal, étant encore sur Ie
début, pourra sans doute être vaincu par une cure diligente, et nous
seronsainsiàtemps pour empêcher un malheur complet. Conduisons-le
donc à la maison de santé, et là, avec les ménagements voulus, on fera
ce que la charité et l'art [médical] seront à même de suggérer à son
avantage.
En D. Bosco se renouvelait le fait arrivé à N[otre] Sleigneur]
J[csus] C[trrstl i " La foule s'assemble de nouveau, au point qu'il ne
leur est même pas possible de manger. Ses proches, I'ayant appris,
vinrent le prendre ; car, disaient-ils, il a perdu la raison (1) ".
Entre-temps on envoya [quelqu'un] parler avec le Directeur
de I'Hôpital des fous, et on obtint une place pour le pauvre D. Bosco.
Alors deux respectables Prêtres, dont l'un était le Théol. Vincent Pon-
zati Curê de Saint-Augustin et I'autre, un pieux tout autant que savant
membre du Clergé Turinois, furent chargés d'aller le prendre avec une
voiture fermée et, avec les plus belles délicatesses, de l'accompagner
à la maison des dingues. Et voilà qu'un jour les deux agents trans-
porteurs se rendent au Refuge pour accomplir leur mandat. Entrés
dans le bureau de D. Bosco, ils font les premières politesses, et en-
suite ils amènent la conversation sur le futur Oratoire bien-aimé ; et
D. Bosco leur répéta ce qu'il avait déjà dit avec d'autres, et avec tant
d'aisance, comme s'il voyait chaque chose sous ses yeux. Les deux
envoyés se regardèrent en face, et avec un certain air de compassion
et comme en soupirant ils dirent : C'est vrai ! c'est-à-dire il est
réellement fou. En attendant D. Bosco, vu la visite inattendue de
(1) uc 3,zo-zt

43.9 Page 429

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4t5
ces deux importants personnages, vu les interrogations insistantes
qu'ils lui adressaient et vu cette mystérieuse exclamation, il
s'aperçut qu'eux aussi faisaient partie de ceux qui le croyaient
fou, et il en riait dans son cceur. Il attendait donc [pour savoir]
comment allait finir l'affaire, quand les deux interlocuteurs
I'invitent à sortir
I'air libre te fera
pdouubr ifeanir,echuenreDp.roBmoesncoad, elu. i-
lauer] un peu à
dit le Théol. Pon-
zati ; viens donc ; nous avons justement la voiture qui nous at-
tend dehor D. Bosco, qui était plus avisé que ces deux
messieurs, se rendit tout de suite compte du tour qu'ils voulaient
lui jouer ; puis sans faire voir qu'il avait compris, il accueillit
f invitation et descendit avec eux à la voiture. Arrivés là, les deux
amis,
Non,
un peu trop aimables,
répondit D. Bosco, ce
le prièrent d'y entrer
serait un rnanque
le
de
premier.
respect
-
en-
vers votre dignité ;
aucun soupçon, ils
vyeumilloenz temnot,ntpeerrsvuoaudsélseqs upereDm.ieBrso.sc-o
Et sans
y grim-
pera aussitôt après ; mais lui, qui voulait justement respirer l'air
libre, car il savait bien que cela lui ferait du bien, une fois qu'il
les voit à f intérieur, ferme précipitamment la portière de la voi-
tdaueuruecxh-eleàtvasdloitnetta,aupttleucnosdcuhrasep.ri-d:e-mLeenVtcioqtenudeàupctoleauurrmldeaoisndonirnee,duanerrcsivoaeunptàé,dl'eoùfopuciteeastl
des fous, très proche du Refuge ; ayaîT trouvé grand ouvert le
portail d'entrée, il y entre très vite. Le concierge ferme tout de
suite la porte, et les infirmiers, qui ont été avertis auparavant,
entourent la voiture et ouvrent les portières. Et c'est ici qu'eut
lieu le plus beau de la scène. Les employés de l'hôpital qui
avaient reçu l'ordre de ne plus laisser sortir le fou qu'on aurait
amené, et de le retenir, avec des ménagements certes, mais coûte
que coûte, ne pouvant deviner lequel des deux était I'intéressé, les
conduisirent tous les deux dans une salle à l'êtage. Ne servirent à
rien les raisons [avancées], ne servirent à rien les protestations ; ils
durent y aller. Les employés les traitèrent avec douceur, mais com-
me on le fait avec les fous. Les malchanceux demandèrent à voir le

43.10 Page 430

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416
médecin, et ce dernier n'était pas dans l'établissement. Ils
demandèrent le Directeur spirituel, mais on répondit qu'à cette
heure-là il prenait son repas de midi. Eux aussi devaient aller manger
et dans une telle si- tuation gênante ils ne s'étaient jamais trouvés au
cours de leur vie. Finalement, après des supplications rêitérées, on
appela le Directeur spirituel : ayant contrôlé le malentendu, il se mit à
rire de bon cæur et les fit mettre en liberté. Comment en restèrent ces
deux ecclésiastiques, à se voir berner d'une manière aussi ridicule, il
est facile de l'imaginer. Pendant bien longtemps, Ie rencontrant dans
la rue, ils changeaient de trottoir hâtivement. Ce fait à lui seul fut
suffisant pour faire comprendre qu'il n'était pas fou ou que vraiment
il était un fou bien spécial : un de ces fous précisément dont a
l'habitude de se servir le Seigneur pour accomplir ses æuvres gran-
dioses, puisqu'au dire de St Paul : Quae stulta sunt mundi elegit
Deus, ut confundat sapientes.' Ce qu'il y a de fou dans le monde,
voilà ce que Dieu a choisi pour confondre les sages (1).
Entre-temps, en ces mois-là, ne se souciant pas des ra-
contars, attendant avec patience que ses tendres détracteurs fussent
épuisés, sans perdre la paix [intérieure] D Bosco continuait sa vie.
Pendant plusieurs dimanches quelques prêtres de ses amis, qui a-
vaient commencé à I'aider, I'abandonnèrent tout à fait, voyant
qu'il ne voulait pas accéder à leurs conseils ni changer de mé-
thode à l'Oratoire. D. Bosco, qui tenait à peine debout, couvant
le germe d'une terrible maladie, on le vit absolument seul porter
sur ses épaules le poids énorme de plus de 400 garçons. Cet
isolement aurait déconcerté et abattu n'importe quel homme plus
courageux ; mais Dieu ne permit pas que perdît courage D. Bos-
co, qui répétait avec le roi-prophète : Le Seigneur est ma forte-
resse et mon refuge ; en lui je placerai mon espérance (2).
(1) t Co 7,27.
(2) Ps 18 [D'après la Vulgate]

44 Pages 431-440

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44.1 Page 431

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417
Pourtant, par respect de la véritê, nous devons aussi di-
re que ce ne furent pas tous les ecclésiastiques qui l'abandon-
nèrent en ces jours d'une aussi dure épreuve. Mgr Fransoni ne
cessa jamais de le soutenir, et I'exhortait à continuer résolument
l'æuvre commencée. Ce fut vraiment une grande chance qu'en
cette époque si orageuse se trouvait à diriger I'Archidiocèse de
Turin un Archevêque si capable de comprendre les voies du
Seigneur, et si bienveillant envers D. Bosco et envers son Ora-
toire ; car autrement, sans un miracle, cette æuvre aurait échoué.
D. Cafasso la secourait par des aumônes et disait à D. Bosco,
puisque celui-ci ne réussissait pas à faire comprendre à d'autres
ses projets, de chercher à temporiser, ne prenant pour le mo-
ment aucune décision et se laissant conduire par les événe-
ments que susciterait la Providence. Le Théol. Borel était
toujours prêt à I'aider, mais alors il observait et gardait le
silence, prenant en compassion l'ami désormais à bout en
raison des souffrances et des longues veilles endurées.
Cependant D. Bosco voulut à la fin lui enlever cette peine
et lui faire comprendre qu'il avait lui-même le meilleur bon
sens du monde ; c'est pourquoi il lui révéla en grand se-
cret qu'il avait reçu et plus d'une fois une certaine vision
de la part de Dieu et de la Bienheureuse Vierge [Marie] ; et que,
dans les alentours de Valdocco se trouverait le berceau de
l'Oratoire et d'une Congrégation religieuse qu'il avait l'intention
de fonder.
Le Théol. Borel fut rempli de joie à cette révélation, et il
rappelait plus tard et répétait souvent ces paroles de D. Bosco.
En 1857, lorsqu'il vit construite la première partie de l'Oratoire
actuel, il
dictions,
disait au jeune Abbé Michel Rua'
D. Bosco m'a décrit cette maison et
s- a
Dans
forme,
ses pré-
de sorte
que je dois reconnaître pleinement rêalisé le projet de ces
bâtiments encore imaginaires qu'en ces premières années, lui, il
affirmait avoir vus dans les rêves.

44.2 Page 432

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418
CHAPITRE XLV
LL-tdioaeensdm-CeeahrtinsalioamenrrpmsjPoeis-unr-arLddeaUi nesnsotrlnealeydpoehrnséadnc-geloaclruhUmednsep-rVeèalel-NdroioncuDcavog.eea.P-uàixerPNrreaeofcturMtese-,eDcraoalaïnmlicc-elu--
-lOurtaEatmouiorpetriéo-.n
et enthousiasme des jeunes
La prière de remerciement
à l' annonce du nouvel
à Maie - Dernier sa-
A trovers ces péripéties et d'autres de la même espèce on
était arrivé au 5 avril 1846, Dimanche des Rameaux, demier jour
il était permis de tenir l'Oratoire dans le pré. Le soir du di-
manche prêcédent, D. Bosco avait dit aux jeunes, au moment de
cpleeésnqiqbuuleeitstelarpo:Pur-or vnidoVeternenceeDzodenisnpBcooosrseecroad,.imu-anncjCoheeurfpudrtoelc'uhgnarainndd,eees tajofnfuolircustsiolevnesrprpoolnuussr
son pauvre cæur, dêjà blessé et attristé à cause d'autres soucis.
Ce jour-là il devait savoir en quel autre endroit il pourrait ras-
sembler ses jeunes le dimanche suivant, afin de les en avertir; et
au contraire, malgré toutes les investigations et toutes les recher-
ches les plus minutieuses, aucune lueur d'espoir ne brillait en son
esprit de pouvoir le trouver. La mêfiance, pour les causes déjà
racontêes, avait soulevé contre lui l'opinion publique ; partout on lui

44.3 Page 433

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4t9
refusait un endroit convenable, demandé avec d'instantes suppli-
cations. Se trouvant avec l'esprit hautement rempli d'amertume,
mais néanmoins toujours confiant en Dieu, il pensa mettre à
l'épreuve les prières de ses chers enfants, dont beaucoup étaient
véritablement de petits anges de vertu. C'est pourquoi, ce matin-là,
les ayant tenus dans le pré et ayant confessé une bonne partie
d'entre eux, il les rassembla, et annonça qu'ils iraient entendre la
Messe au Couvent Notre-Dame-des-Champs, lieu distant d'envi-
ron
leur
deux
dit-il,
kilomètres sur la
comme pour un
proèluetreindageeLdanezdo.év-otioNnouesn
allons là,
I'honneur
de Marie, afin que cette Mère compatissante nous obtienne la
grâce de trouver bientôt un autre
La proposition fut accueillie avec
local
joie,
pour
et il
notre Oratoire.
se mirent tout
-
de
suite en ordre. Sachant que la sortie était plus de dévotion que
de passe-temps, ils gardèrent une attitude plus que jamais édi-
fiante ; et donc le long du chemin ils priaient en récitant le
Chapelet, ou ils chantaient les Litanies et des Cantiques.
Quand ils furent sur l'avenue ombragée, qui depuis la
grand-route conduit au Couvent, au grand étonnement de tous les
cloches de l'église se mirent à sonner à toute volée. J'ai dit au
grand étonnement de tous, car, bien qu'ils se fussent déjà rendus
plusieurs autres fois, jamais leur arrivée n'avait été fêtée au
son des airains sacrés. Cette démonstration parut si insolite et
hors de I'usage, que se répandit le bruit [alsant] que les cloches
s'étaient mises à sonner d'elles-mêmes. Ce qui est certain, c'est
que le Père Fulgence, Gardien du Couvent et alors Confesseur
du roi Charles-Albert, assura que ni lui ni aucun autre de la
communauté n'avait donné I'ordre de sonner les cloches en cette
occasion, et que, malgré la peine qu'il se donna pour savoir qui
les avait sonnées, il n'arriva jamais à le découvrir.
Entrés dans l'église, ils assistèrent à la Messe, et plusieurs
d'entre les jeunes firent même la sainte Communion. Après la

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420
Messe, et tandis que le bon Gardien faisait préparer un petit déjeuner
dans le jardin du Couvent, D. Bosco tint un beau discours de cir-
constance. Comparant ses enfants à des oiseaux, dont on avait jeté le
nid à terre, il les encouragea à prier Notre-Dame de bien vouloir leur
en préparer un autre plus stable et sûr ; et ils La prièrent avec lui
vraiment de tout cæur, ayant pleinement confiance qu'elle les
exaucerait. Revigorés, ils retournèrent en ville, pour se rassembler
aux heures de l'après-midi pour la dernière fois dans le pré.
Ils avaient remis leur sort dans les mains de Marie ; dans
le même temps D. Bosco avait quitté quelqu'un qui était à même de
chercher un autre endroit ; mais, avant la tombée du jour, leur es-
pérance et surtout le cæur de D. Bosco devaient être soumis à rude
épreuve.
L'après-midi, vers deux heures, ils étaient déjà presque
tous réunis dans le pré. Sachant que c'était la demière fois qu'il
leur était accordé d'en profiter, il leur semblait trouver un plai-
sir exquis à le parcourir de fond en comble et à le piétiner à
volonté. Is ne les auront pas comptées, mais c'est en un bien
grand nombre sans doute que ce soir-là ils auront fait périr les
racines de I'herbe, au point de faire courir des risques non légers
au patrimoine considérable des frères Filippi !
A I'heure fixée il y eut le catéchisme, le chant, le sermon,
tout comme les autres fois. Après quoi, les jeunes reprirent les
jeux et les passe-temps bien-aimés ; mais une chose insolite ne
tarda pas à frapper leurs regards et à freiner chez quelques-uns
I'ardeur pour s'amuser. Celui qui précédemment avait toujours été
l'âme de la récréation et qui, nouveau Philippe Néri, se faisait
petit avec les petits, chantant, jouant, courant avec eux, le cher
D. Bosco, se tenait tout seul dans un coin du prê, songeur et
mêlancolique. C'était sans doute la première fois que les enfants
le voyaient rester ainsi à l'écart. Sur ses lèvres [on] ne [voyait] plus

44.5 Page 435

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421
fleurir ce doux sourire qui les réjouissait tant; de son visage se
dégageait un air triste et angoissé; ses yeux étaient voilés de
larmes. Il se promenait et priait. Certains d'entre eux, le voyant
dans cet état, se mettaient tout près de lui pour lui tenir
compagnie ; mais il disait : - Allez, mes enfants, et laissez-moi
seul.
D. Bosco gardait le silence, mais les jeunes plus adultes
avaient eu connaissance de ses embarras et de ses peines. Il était al-
après midi rendre encore une fois visite aux frères Filippi et
à madame, leur mère, sans pouvoir les faire changer d'avis à
propos de la décision intimée.
à-raMisaoins
moi, s'était écriê
de vingt lires
D. Bosco, j'ai
par mois, et
loué ce pré pour un an
le temps de la loca-
tion n'est pas encore fini. Une telle somme est convenue préci-
sément en considération de la récolte de foin qui serait compro-
mise.
- Et nous, nous ne sommes pas disposés, avaient ajouté messieurs
Filippi, à endurer un dommage grave et non prévu. Cherchez un autre
lieu.
-
-
Et à présent où voulez-vous que j'aille ?
Nous Vous avons accordé le temps nécessaire ! il fallait prendre
des dispositions !
Le pauvre D. Bosco vivait donc à ce moment-là le cauche-
mar d'une affliction, qu'aucune plume ne serait capable de dé-
crire. Il était comme un agriculteur qui regarde le ciel obscurci
par un nuage de grêle qui menace son champ, sur le point de
lui ravir ses plus chères espérances ; il était comme un pasteur
affectueux qui se voyait contraint à abandonner son troupeau
bien-aimé, à laisser ses agnelets être la proie de loups rapaces ;
il était comme un père, ou mieux comme une mère affectueuse,
qui pour cause de violence devait se séparer sans doute pour
toujours de ses chers enfants. Il réfléchissait en lui-même : Mes

44.6 Page 436

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422
aides m'ont toumé les talons et laissé seul pour prendre soin de
ces nombreux garçons ; je suis à bout de forces, ma santé
désormais s'en est allée et, de surcroît, d'ici deux heures expire
pour moi le temps de pouvoir rester dans ce Pré ; il m'est
nêcessaire d'avoir un autre lieu où je pourrais rassembler ces
jeunes et de les en prévenir en vue de dimanche prochain, et ce
lieu, malgré toutes les recherches, n'apparaît pas, et à partir de
ce soir doit prendre fin cet Oratoire. Sont-elles donc perdues,
toutes les fatigues supportées ? ont-elles donc inutilement coulé,
ces sueurs si nombreuses ? faut-il donc renvoyer et abandonner
tant de jeunes qui m'aiment, les laisser de nouveau livrés à
eux-mêmes, les revoir flâner dans les rues et sur les places,
s'enfoncer jusqu'au cou dans le vice, s'acheminer vers les pri-
sons, se perdre corps et âmes ? Mais pourtant ça n'est pas la
volonté de Dieu !... A de telles considérations la peine devint
pour lui si intense que le pauvre D. Bosco fut à bout ; il éclata
en sanglots et pleura.
Quelqu'un pourrait demander ici : Mais est-ce que par
hasard l'espérance, ou plutôt la certitude, du futur Oratoire au-
raient cessé de I'habiter en cette occasion ?
Nous sommes d'avis que Dieu, étant sur le point de fai-
re à l'Oratoire une grâce singulière en lui donnant enfin une
demeure stable et sûre, voulut ce soir-là que son fondateur
ressentît tout le poids de I'abandon, et en demeurât comme
accablé, afin que la faveur prochaine se fît pour lui plus agréable
et comme une rêcompense d'un lourd travail; car c'est une règle
de la divine Providence de faire succéder aux grands sacrifices
les plus remarquables bienfaits. Mais dans cet êtat d'oppression
D. Bosco ne pouvait point perdre sa confiance, et I'on peut ré-
péter de lui ce que du grand Patriarche Abraham écrivit St Paul :
Contra spem in spem cre/idit, ut fieret pater multarum gen-
tium, secundum quod dictum est ei.' Contre l'espérance humaine

44.7 Page 437

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423
il crut à I'espérance de devenir le père d'une multitude d'enfants, selon
ce qui lui fut dit (1).
Quelques-uns des jeunes gens, qui en ces moments-là n'é-
taient pas loin de lui, le virent lever au ciel des yeux humides de lar-
mes, et I'entendirent s'écrier : " O mon Dieu, mon Dieu, pourquoi ne
me révélez-vous pas le lieu où vous voulez que je rassemble ces
enfants ? Faites-moi le connaître, ou dites-moi ce que je dois faire ".
C'était la prière de la douleur certes, mais aussi de I'espérance ; et le
Dieu de la bontê, le Père des orphelins ne tarda pas à répondre à ces
larmes émouvantes, et à exaucer ces accents riches d'amour.
D. Bosco avait à peine terminé ces mots et essuyé ses
larmes, lorsque de façon inattendue entra dans le pré un certain Pan-
crace Soave, si bègue que, pour lui arracher les mots de la bouche, il
aurait fallu les tenailles de Nicodème. Le brave homme, s'étant placé
' devant D. Bosco, lui demanda tant bien que mal
C'est vrai que
- vous cherchez un endroit pour faire un laboratoire [voir * p. azTl ?
- Non, pas pour faire un laboratoire, répondit D. Bosco, mais un Oratoi-
rOera. t-oire
Je ne sais pas, répondit Pancrace, si
ou un laboratoire ; mais un endroit,
c'est
il y
la
en
même
a un :
chose un
venez le
voir. Il est de la propriété de monsieur François Pinardi, honnête per-
sonne qui a l'intention de le louer. Venez et vous ferez un bon contrat.
Cette proposition inattendue fut comme un rayon de lu-
mière apparu au milieu de nuages épais.
A cet instant arrivait un ami fidèle de D. Bosco, un certain
D. Pierre Merla, fondateur, sous le nom de Famille de St Pierre,
de l'(Euvre pie qui a pour but de s'occuper du triste abandon dans
lequel se trouvent tant de pauvres fteunes ou vieilles] demoiselles,
(l) nm +,ts.

44.8 Page 438

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424
auxquelles pour diverses raisons il devient presque impossible de
trouver quelqu'un qui veuille leur assurer pain et travail (1). Quand les
dimanches et les jours de fête ce digne Prêtre, Compagnon de Sémi-
naire de notre D. Bosco et conscient du grand bien que ce dernier ac-
complissait dans une partie de ministère non différente de celle qui lui
tenait à cæur, avait un bout de temps libre, il courait avec plaisir au
secours de son ami s'offrant volontiers pour assister [les jeunes], pour
faire Ie catéchisme, pour prêcher et dans tout autre service charitable.
-
un
Qu'est-ce
coup d'æil
que tu
sur lui
as ? demanda-t-il
; je ne t'ai jamais
à D. Bosco, dès qu'il eut
vu aussi mélancolique. Il
jeté
t'est
peut-être arrivê un malheur ?
de-rnieUr njomuralohùeuilr
non,
m'est
mais un grand embarras. Aujourd'hui, c'est le
permis de demeurer dans ce prê ; nous som-
mes le soir : je dois dire à mes enfants ils se rassembleront diman-
che prochain, et je ne le sais pas. Il y a cet homme qui me dit que se
trouve près d'ici un local qui convient peut-être, et il m'invite à aller le
(1) Cette Institution est toujours florissante, et donne des fruits consolants.
Beaucoup de jeunes filles en sortent chaque année ayant recouvré leurs aptitudes
pour la famille et pour la société, bonnes chrétiennes, citoyennes exemplaires, et
capables de gagner honorablement leur pain en travaillant de leurs mains. L'Ins-
titution porte elle-même le souci particulier de trouver une place honnête pour
celles qui en sortent, et qui y ont tenu une bonne conduite. De nos jours, dans I'ac-
ceptation, bien qu'on donne la préférence à celles qui sont sorties des lieux de dé-
tention, on y reçoit également toutefois des [jeunes filles] qui sans plus ont été ou
sont en danger : un bon nombre de ces demières finissent par rester pour toute
la vie, ou même par se dédier au Seigneur dans I'Institution elle-même, entrant
parmi celles qu'on appelle les [Religieuses] Affligées. Elle est dirigée par les
Sæurs de St Vincent, du Vénérable Cottolengo. Se souvenant que leurs fondateurs
[D. Merla et D. Bosco] êtaient en bonne amitié, les deux Institutions continuent à
s'entraider mutuellement : recueillies pour leur protection, elles travaillent pour les
jeunes et pour les Missionnaires de D. Bosco, et les Prêtres Salésiens s'offrent
souvent pour les æuvres du ministère sacré aux profit de ces femmes.

44.9 Page 439

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425
visiter. Tu es arrivé ici au bon moment. Assiste un instant du côté de
la récrêation ; je vais le voir, etje reviens.
- Je suis tout à toi, ajouta tout de suite D. Pierre ; vas-y tran-
quillement, et fais les choses à ton aise.
Et D. Bosco se fit accompagner par Pancrace, qui Ie guida
I'attendait M. Pinardi. Parvenu sur le lieu, entouré de jardins,
de prés et de champs, il trouva une masure ayant un seul étage en
plus du rez-de-chaussée, avec I'escalier et avec un balcon en bois
vermoulu, et en elle il reconnut l'habitation de mauvaise réputa-
tion qui à plusieurs reprises lui avait étê présentée en rêve.
D. Bosco voulait monter à l'êtage supérieur, mais Pinardi
ernetéP-eatnncor;auecsteidlsliuriIio'ydniscreopnnltduu:is-tireennNtp.olanCn';éptaIr'éeitcnuidpnritohéia,tndpgeoaursroarVgteroauqnsudei,esesuntripculani ndceiônntéclii--l
n'avait guère plus d'un mètre de hauteur. Il avait d'abord servi d'atelier
[voir * p. a27l pour un fabricant de chapeaux et ensuite de salle de ran-
gement pour certaines lavandières qui faisaient ici la lessive, lavant le
linge dans un canal voisin et l'étendant dans une cour attenante. En y
entrant D. Bosco dut faire attention à ne pas se fracasser la tête. Pour
plancher, c'êtait directement la terre ; et quand il pleuvait beaucoup,
on pouvait y aller en barque. Il pouvait tout au plus servir de réserve à
bois. D'autre part, à cette époque, c'était le rendez-vous des rats et
des fouines, ainsi que le nid des hiboux et des chauves-souris.
- Il est trop bas, il ne me sert pas, dit D. Bosco, après I'avoir exa-
miné attentivement.
- Je le ferai remettre en état, ajoutâ gentiment Pinardi ; je creuse-
rai, je mettrai des marches, je ferai un autre plancher, et tout comme
Vous voulez, car je désire que soit installé ici votre laboratoire.
- Non, cher ami, pas laboratoire, mais Oratoire, c'est-à-dire une pe-
tite église où rassembler des jeunes gens.
- pr2u12nf mieux et plus volontiers encore. Moi aussi je suis chan-
tre, je porterai deux chaises, une pour moi et I'autre pour mon épouse.

44.10 Page 440

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426
Et puis chez moi j'ai une lampe, et je la mettrai aussi ici pour faire
plus joli ; c'est très bien : un Oratoire.
Le brave homme semblait fou de joie à I'idée d'avoir une
église chez lui, et le désir qu'il conçut en cet instant de passer contrât
pouvait sans doute être égal à celui de D. Bosco. C'était une disposi-
tion de la Providence.
po-urJleesvoouffsreresmqeurceiev,oduist
D. Bosco, pour votre bonne volonté
me faites. Si vous pouvez abaisser
et
le
plancher d'au moins un pied (50 centimètres), j'accepte ; mais com-
bien demandez-vous ?
ve-z,
Trois
mais
cents lires
je Vous
par an
donne
; on veut m'en donner davantage, vous sa-
la préférence, à Vous qui voulez des-
tiner ce local à un but religieux et au bien public.
- Je vous en donne trois cent vingt, pourvu que yous me don-
niez aussi cette bande de terrain pour la récréation, et me promettiez
que dimanche prochain je pourrais déjà y conduire mes jeunes gens.
- Entendu ; pacte conclu : venez donc ; dimanche tout sera en or-
dre.
D. Bosco ne chercha pas davantage, et l'esprit en fête il re-
touma vers les jeunes, les rassembla autour de lui, et à haute voix il se
- mit à crier : Joie, mes enfants, joie ; nous avons trouvé I'Oratoire ;
nous aurons Eglise, sacristie, salles pour les classes, endroit pour
courir et jouer. Dimanche, dimanche déjà nous nous y rendrons.
C'est
doigt
le
dans
lieu,
la maison Pinardi ;
qui, étant voisin, se
v-oyaiet td, upaprrléa.ntAayainnsti
il indiqua du
entendu cette
nouvelle, tout d'abord les uns demeuraient immobiles à cause de la
stupeur comme s'ils n'avaient pas bien compris, et les autres à la ma-
nière de quelqu'un qui éprouve un grand plaisir et ne sait pas com-
ment l'exprimer ; et ils se toumaient d'un côté et de l,autre. " Mais
après quelques instants il ne fut plus possible de nous faire rester en
place et dans le calme, nous attestaient quelques-uns de ceux qui vi-
vent encore. Nous nous étions dispersés, et après c'êtait à qui courait,

45 Pages 441-450

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45.1 Page 441

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427
à qui sautait, à qui faisait des cabrioles, à qui lançait son béret en I'air,
à qui criait de toutes ses forces, à qui battait des mains : on se serait
cru à la fin du monde. Les gens qui se trouvaient dans le quartier, aba-
sourdis, accouraient vers nous, demandant ce qu'il y avait. D. Merla
riait ; D. Bosco pleurait de consolation. Il y eut un instant d'émotion,
ou plutôt d'enthousiasme indescriptible ; une scène vraiment digne
d'être transmise à la postérité. Ainsi grâce à la bonté de Dieu, grâce à
I'intercession de Marie Immaculée on passait comme par enchan-
tement d'une profonde tristesse à une très douce allégresse ".
Après cet épanchement de joie, D. Bosco les rappela, im-
posa le silence, leur adressa quelques mots en lien avec le bon résultat
du pèlerinage, et il invita à se mettre à genoux et à réciter le Chapelet
pour remercier. Ce fut la prière de la gratitude ehvers la céleste Bien-
faitrice et Mère, qui ce jour même les avait si amoureusement exau-
cés.
Relevés, ils donnèrent Ie dernier salut au pré, qu'ils avaient
jusqu'alors aimé par nécessité, mais qu'en raison de la certitude d'a-
voir un lieu meilleur et plus stable, ils abandonnaient sans regret.
Le soleil était déjà couché et, après avoir souhaité le bon-
soir à D. Bosco et I'avoir acclamé, les jeunes commencèrent à se
retirer chacun dans sa maison, y racontant les événements de cette
soirée très agitée.
Le contrat de cette location porte la date du 1er avril
1846 : il est signé par François Pinardi et par le Théologien Jean
Borel, et il devait durer trois ans.
* Laboratoire, atelier : ce dernier mot est le plus exact ; il convient toutefois
de garder I'assonance entre laboratoire et Oratoire lorsque, dans la scène rapportée,
est enjeu le quiproquo.

45.2 Page 442

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428
CHAPITRE XLVI
pLMbraaéissthipleoiqrdniuesceeasg-udeive-ieDpoeàLsueslx'eOdsvérsipasiaotiotrnetirsddeuuà-snoNoiLorutt-rvheea-lDbPiOarleomrpapehtêéodctiihreeeeou-Curo-pnrsLoonaUlaotnsigotircnma.nedrlee
Monsieur Pinordi avait donné sa parole à notre D. Bosco
qu'il lui préparerait l'endroit pour le dimanche suivant, et il la tint.
Voyant que le travail à accomplir était abondant et pressait, il appela
des ouvriers pour creuser et transporter la terre ; des maçons pour
démolir des murs et en élever d'autres ; des menuisiers pour faire des
parquets ; et comme cela ne suffisait pas, ÿ mirent la main lui-même
et le bon Pancrace ; de sorte qu'on peut dire sans crainte d'exagérer
qu'en une semaine on fit le travail d'un mois. D. Bosco avait demandé
à l'Archevêque I'autorisation voulue et, I'ayant obtenue par un décret
du 10 avril, le Samedi Saint il disposait tout le nécessaire. C'est
pourquoi le matin du Dimanche de Pâques 12 avril1846 le local était
en ordre : une longue remise pour servir de chapelle, et aussi une cour
pour les divertissements, une partie à I'ouest, une partie au nord de la
maison. Le reste de la propriétê était déjà loué à Soave Pancrace, et
on ne put avoir un espace plus grand.
A une certaine heure s'y trouvait déjà une bonne partie
des jeunes : D. Bosco y fit transporter depuis le Refuge et la baraque

45.3 Page 443

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429
du pré, il était conservé, le matériel tant d'église que de rêcréa-
tion, et ainsi en même temps que lui il prit possession du nouvel
Oratoire. Deux dames bienfaitrices étendirent sur I'autel un [tissu
de] lin très fin qu'avait offert le Thêologien Carpano et qu'elles
avaient transformé en nappe, tandis que le Théologien, qui depuis
quelques semaines ne s'êtait plus fait voir, mettait en place les
chandeliers, la croix, la lampe et un petit cadre de François de
Sales, le Saint Patron. Ce matin-là D. Bosco lui-même bénit la
modeste construction et la dédia au culte divin en I'honneur du
Saint : il y célébra la sainte Messe, à laquelle prenaient part de
nombreux jeunes, des voisins et d'autres personnes de la ville.
Pour montrer sa satisfaction et pour lui donner une marque de
bienveillance, I'Archevêque renouvela encore à D. Bosco les fa-
cultés déjà accordées à I'avantage de I'Oratoire, à savoir de célé-
brer la Messe, donner la Bénédiction [au Saint Sacrement], admi-
nistrer les Sacrements, prêcher, faire des triduums, des neuvai-
nes, des retraites spirituelles, préparer à la Confirmation et à la
Communion, comme aussi de satisfaire au précepte pascal, com-
me si les jeunes êtaient dans leur paroisse.
ll sera utile de donner ici une courte description de la nou-
velle chapelle. C'était une pièce ayant de quinze à seize mètres de
long et de cinq à six de large; derrière I'autel qui regardait vers
I'ouest, il y avait deux autres pièces qui servaient de sacristie et
de débarras. Elle avait pour plancher un parquet de bois, cons-
truit à la hâte et mis en place au mieux : par ses fentes pou-
vaient passer non seulement les rats, mais aussi les chats qui leur
donnaient la chasse. Pour voûte, elle avait un plafond de claies
enduites de plâtre. Et sa hauteur ? A dire vrai, c'était quelque
chose de moindre que celle de St-Pierre de Rome ! Pour en
donner une idée, qu'il suffise de dire que lors de sa venue pour
y administrer la Confirmation ou pour y accomplir quelque autre
cérémonie, Monseigneur I'Archevêque, montant sur la petite cathèdre,
devait tenir basse la tête, pour ne pas cogner dans la voûte avec la

45.4 Page 444

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430
pointe de la mitre. Presqu'au milieu de l'église, du côté nord, était
également placée une petite chaire, sur laquelle tous ne pouvaient pas
monter pour faire le sermon, car un prêtre de haute taille aurait touché
de la tête le plafond. Elle êtait par ailleurs adaptée pour la Théologien
Borel qui, très court de taille, s'y installait à merveille et qui donnait
le soir un enseignement avec beaucoup de zèle et pour beaucoup
de satisfaction chez les jeunes. Voilà donc la grande basilique
qui servit pour le culte divin pendant environ six ans, et qui en
ce jour de Pâques résonnait des chants sacrés pour la première
fois. Ainsi les rêves continuaient à se réaliser et, après la troi-
sième station, D. Bosco s'était établi dans cette maison que lui
avait destinée la bonté de Marie.
C'est pourquoi voulant remercier pour I'implantation sta-
ble de I'Oratoire, au cours des deux années 1846-1847, les jeu-
nes se rendirent au mois de mai faire une Communion dans le
Sanctuaire Notre-Dame de Consolation en I'honneur de Marie,
mais [on n'allait] pas en procession. A l'heure fixée les jeunes rem-
plirent le Sanctuaire. Les Pères Oblats de la Vierge Marie s'offrirent
à écouter leurs confessions, le Théologien Nasi s'assit à l'orgue et
I'hymne Te Deum laudamus monta vers le ciel depuis des centaines de
cæurs purifiés par les Sacrements Sacrés. A travers son image
miraculeuse, présentée en ce lieu, Marie écouta et bénit ses enfants
et répandit sur D. Bosco toutes les consolations qui lui étaient
nécessaires pour que sa mission ardue lui fût facilitée. Vraiment,
le reflet de ces consolations sur le visage de D. Bosco fut si vif que,
fixant les yeux sur lui, plus tard au milieu des épreuves et des soucis
les plus pénibles, ses Salésiens en retiraient toujours un vif récon-
fort et se sentaient pénêtrés d'une grande confiance dans I'avenir.
Bien que le nouveau local ne disposât pas de toute la
capacité nécessaire, néanmoins, étant loué avec un contrat en bon-
ne forme, il libérait D. Bosco de I'inquiétude : il ne serait plus
obligé de s'en aller de temps en temps d'un lieu vers un autre

45.5 Page 445

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431.
avec de graves perturbations ; et à ce moment-là il employait
son temps à des besoins plus urgents. Cependant même ici dès
le début se présentèrent bien des difficultés, non pas comme au-
paravant de la part du propriétaire, mais à cause de la maison
immorale qui se dressait tout près, et à cause de ce qu'on appelait
I'auberge de la Jardinière, dans la maison Bellezza, surtout
les dimanches et les jours de fête se regroupaient les viveurs de la
ville. Mais grâce à la vigilance de D. Bosco et à l'entière sou-
mission à ses ordres, les jeunes n'en ressentirent aucun préjudice ;
et même leur récréation bruyante, les chants et les cris obtinrent un
excellent effet contraire : c'est-à-dire qu'ils firent considérer cet en-
droit comme n'étant pas un lieu approprié pour satisfaire ses caprices,
et qu'ils finirent paf faire transférer ailleurs l'auberge. Mais de cela
nous parlerons de façon plus distincte à l'emplacement voulu.
En attendant, l'endroit stable, les marques d'approbation
du Supérieur ecclésiastique, les cérémonies solennelles, que I'on cé-
lébrait aux jours des plus belles fêtes, certaines gâteries foumies
par les bienfaiteurs, la musique qui devenait d'une qualité toujours
meilleure, les diverses sortes de jeux et de passe-temps, comme les
sauts, Ies courses, les tours de passe-passe, les cordes, les bâtons, et
cent autres nouveautés, auxquelles savait réflêchir l'esprit industrieux
de D. Bosco et donner vie son grand cceur, [tout cela] attirait à
I'Oratoire des enfants et des jeunes gens [venus] de tous les côtés. La
preuve en soit que peu de temps après ils dépassaient les sept cents,
de sorte qu'au moment des cérémonies sacrées ils occupaient tous les
coins de l'église, du chæur et de la sacristie elle-même, et jusqu'à I'es-
pace libre devant la porte. Plusieurs ecclésiastiques qui auparavant
I'avaient abandonné se mirent aussi à revenir ; c'est pourquoi, outre
I'intrépide Théologien Borel, venaient souvent prêter leur concours
D. Joseph Trivero, le Théologien Hyacinthe Carpano, le Théologien
Joseph Vola, le Théologien Robert Murialdo, le Théologien Chia-
ves, le Thêologien Louis Nasi, D. Bosio, D. Merla, D. Pierre Ponte,
D. Traversa et plusieurs autres qu'il serait trop long d'énumérer.

45.6 Page 446

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432
Nous ne pouvons pourtant pas omettre de faire une men-
tion particulière du Théologien Jean-Ignace Vola, turinois, modè-
le de vie sacerdotale, que l'Archevêque Mgr Chiaverotti avait
défini un ange sur la terre. Portant une très grande affection au
Siège de Rome, tout dévoué à Monseigneur Fransoni, inlassable
prédicateur et confesseur à Turin et dans les diverses villes du
Piémont, très habile catéchiste, ayant grande réputation auprès de
tout le monde pour la doctrine et la sainteté, il distribuait aux
pauvres, aux hôpitaux, aux couvents et aux monastères les rentes
considérables que lui avait laissées son père, retenant pour lui le
strict nécessaire. D. Bosco I'avait rencontré pour la première fois
en allant prêcher au Pensionnat des Filles du Rosaire, le
Théologien était depuis de nombreuses années Directeur spirituel.
Bien que D. Vola fût de dix-huit ans plus avancé en âge que
D. Bosco, toutefois entre ces deux saintes âmes s'alluma aussitôt
une cordiale amitié. D. Bosco admirait en lui la grande tranquillitê
et le grand calme, produits de sa paix intérieure, I'humilité très
édifiante, le zèle prudent, la manière courtoise, modeste, agréable
de s'entretenir, sans ombre d'affectation, et surtout un esprit de
piété et de dévotion solides. Pour les mêmes qualités D. Vola
aimait bien D. Bosco, et c'est pourquoi il venait de temps en
temps l'aider. Il ne pouvait s'occuper de I'assistance ; mais en al-
lant au Bon Pasteur, il était confesseur titulaire, il s'arrêtait à
I'Oratoire, et durant les absences du Théologien Borel, jusqu'en
1856, il enchantait les jeunes avec ses beaux serrnons.
Pour toutes ces raisons et d'autres semblables, I'Oratoire de
Valdocco prit bientôt un démarrage très consolant. D. Bosco lais-
sa par écrit : " A partir de ce moment-là, les jeunes furent plus
assidus et mieux entourés. Elle était merveilleuse la manière dont
se laissait commander une multitude qui peu de temps auparavant
m'était inconnue et dont pour une grande partie on pouvait dire
en vérité qu'elle êtai| : sicut equus et mulus quibus non est
intellectus [comme le cheval et le mulet auxquels manque |intelligence].

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433
On doit ajouter par ailleurs qu'au milieu de cette grande igno-
rance j'admirai sans cesse un grand respect pour les choses d'E-
glise, pour les ministres sacrés, et un grand élan pour apprendre
les dogmes et les commandements de la religion ".
La méthode qu'on employait alors pour diriger est pres-
que Ia même que celle qu'on suit encore de nos jours pour les
jeunes externes à l'Oratoire Saint-François de Sales à Turin, ainsi
que dans tous les autres, qui ont tirê leur origine de ce dernier.
Cela mêrite la peine d'en donner ici un aperçu sommaire pour
[en faire une] règle commune. Les dimanches et jours de fête, de
bon matin, on ouvrait l'église et on commençait les confessions,
qui duraient jusqu'au moment de la Messe. Celle-ci était fixée à
huit heures ; mais pour donner satisfaction à tous ceux qui dési-
raient s'approcher des Sacrements sacrés, souvent elle était diffé-
rée jusqu'à neuf heures et même plus tard, car le pauvre D. Bos-
co devait, comme on dit, être à la fois au four et au moulin.
Le matin les prêtres, ses coopérateurs, étaient occupés dans leurs
églises. Durant la Messe, parmi les [ieunes] plus adultes et plus
sérieux, certains assistaient les copains, et d'autres, en chæurs
alternés, guidaient les prières et la.préparation à la sainte Com-
munion. Une fois terminé le saint Sacrifice, et après avoir enlevé
les omements sacrés, D. Bosco montait dans la chaire basse, et
faisait un bout de sermon. Au début il expliquait I'Evangile ; mais
ensuite il commença les récits de l'Histoire Sainte et de l'Histoire
de I'Eglise, qu'il continua pendant plus de 20 ans. Ces récits,
traduits dans une forme simple et populaire, revêtus des coutumes
des temps, des circonstances des lieux et des noms géogra-
phiques, plaisaient beaucoup aux petits et aux grands, ainsi qu'aux
Ecclésiastiques eux-mêmes qui pouvaient parfois se trouver présents ;
et tout en instruisant dans la religion et dans l'histoire, ils se
prêtaient très bien à infuser dans les cæurs la haine envers le vice
et I'amour pour la vertu. On sortait de l'Eglise : après un peu de
récréation, commençait l'école dominicale, de lecture et de chant,

45.8 Page 448

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434
qui durait jusqu'à midi. Et c'était l'occupation de la matinée.
A une heure de I'après-midi recommençaient les divertis-
sements avec les boules, les échasses, les fusils et les épées de bois, et
avec d'autres jeux d'adresse et de gymnastique. A deux heures et
demie ils entraient dans la chapelle et se déroulait le Catéchisme.
L'ignorance des jeunes, au lieu de décourager D. Bosco, I'incitait
à se faire tout à tous et à se multiplier, pour ainsi dire, afin de
les instruire selon les besoins. Au début, quand le plus grand
nombre se composait de nouveaux, il disait la première partie du
Pater, mais presque personne ne savait prendre la deuxième, de sorte
que c'était lui qui devait tenir les deux rôles. La même chose se
produisait pour la récitation de l'Ave Maria. Il arrivait également
souvent qu'il manquait I'un ou l'autre catéchiste, et parfois plusieurs
en même temps ; et alors, pour ne pas laisser ces enfants sans
enseignement, il les regroupait tous autour de lui, ou bien il les
divisait, un peu dans une classe, un peu dans une autre, donnant
ainsi satisfaction aux engagements de tous. Une fois terminé le
Catéchisme on récitait le Chapelet. Plus tard on commença à chan-
ter l'Ave Maris Stella [Salut, Etoile de la Mer], puis le Magnificat,
ensuite le Dixit [premier psaume des vêpres] enfin les autres Psaumes
avec les antiennes, et dans I'espace d'une année on devint capable
de chanter les Vêpres de Notre-Dame en entier. A ces pratiques
[de piété] faisait suite un court sermon, qui la plupart du temps con-
sistait dans un récit allégorique, dans lequel on personnifiait un vice
ou une vertu qu'on voulait faire abhorrer ou aimer. Le tout prenait fin
par le chant des Litanies et par la bénédiction du Saint Sacrement.
Une fois accomplies les cérémonies d'église, commençait
le temps libre, chacun pouvait s'occuper selon son goût personnel.
C'est pourquoi ceux qui ne savaient pas encore les prières ou qui
bien qu'adultes n'avaient cependant pas été admis à la Commu-
nion, se mettaient à l'écart et recevaient une leçon particulière de
Catéchisme ; d'autres doués d'une belle voix s'adonnaient au chant

45.9 Page 449

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435
et à la musique ; les analphabètes s'appliquaient à la lecture et
aux grandes lettres* ; la majeure partie de tout le reste passait
agréablement le temps à sauter, courir et jouer.
Il ne faut cependant pas croire que la récréation était aussi
pour D. Bosco un temps de repos ; au contraire on peut dire que c'é-
tait le moment de sa plus grande sollicitude, le moment de ses meil-
leures pêches. Et comment cela ? En plus de veiller à ce qu'on ne fît
pas de mal, pendant ce battement, plus ou moins long selon la saison,
il s'approchait de l'un ou de I'autre des jeunes, et comme s'il avait à
lui confier quelque chose en secret, il se mettait tout près de son o-
reille, puis avec une bonté et une douceur incomparables, il disait à
ImiFAoàq'lgbuanednutaiedseent-in'rmpmitsaèlr-uaooiomtsniiirsaedulic;eèaQ:ncmi-otdu-pmeia:rlanepe'di-aVst;-giivere-n,inenéVntndJer'aeydr'aeasd-rittvas-'euteal-suamntn-upttrpeuesleutsnnooctscduoeuioumrsliicrremqlose-eunesaàu'funenldtnedeseeimastljuefrtlaieaéeorrnnpoinjs?coednahnurVneoitsnti''siaeeéetp,ntéàaarlsoocuifI,tufh'miOipcardmaearlpuoavrtpstanteréjoentceoiirav;.uettsie'eAbtao.l?ltsiitsécae-u-eonanp.pdtatasaAJerieuo'nnasttluetaruiine?-.f-l
rais besoin d'une faveur de ta part, ajoutait-il à un cinquième, à un si-
xième ; me
sceorapita?in-.
- I'accorderais-tu ? Bien volontiers, et qu'est-ce que ça
Que dimanche prochain tu entraînes aux Sacrements ton
Parfois un mot peu honnête échappait des lèvres d'un
gamin tout occupé à son jeu ; l'ayant pris à part, il lui disait tout bas :
- - Ce mot ne plaît pas au Seigneur. Et à I'un il recommandait
une plus grande obêissance à ses parents, à I'autre une diligence cons-
tante dans ses devoirs d'état, à un autre encore une plus grande ponc-
tualité au catéchisme et une plus grande frêquence aux Sacrements.
Et ainsi de suite sur le même ton. Par de semblables exhortations,
faites à chacun comme en confidence, D. Bosco se procurait une
* lesgrandes lettres des tableaux muraux pour apprendre à lire [voir p.3a7-8)

45.10 Page 450

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436
bande de jeunes gens qui le samedi et le dimanche venaient as-
siéger son confessionnal et accomplir les pratiques de piété avec
une dévotion édifiante, et dans le même temps il se rendait maî-
tre de leurs cæurs, au point de pouvoir les diriger et les gou-
vemer à son gré.
Il arrivait même quelquefois que l'un des plus malheu-
reux ne capitulait pas si vite devant ces artifices suggérés par
l'amour ; lui, alors, il s'accrochait à d'autres non moins efficaces.
A ce propos rappelons un fait raconté et décrit par le pro-
tagoniste lui-même en ces termes : " J'avais 17 ans, je fréquentais
depuis quelques mois l'Oratoire, prenant part à la récréation, aux
passe-temps et aussi aux cérémonies religieuses, même, lorsqu'on
chantait des psaumes, des hymnes ou des cantiques, je m'y as-
sociais y trouvant tout mon plaisir, et je chantais en donnant tout
ce que j'avais de voix. Par ailleurs je ne m'étais pas encore ap-
proché du sacrement de la Confession. Je n'avais aucun motif
pour ne pas y aller, mais ayant laissé s'écouler un peu de temps,
je ne savais plus comment me résoudre à y retourner. Quelque-
fois D. Bosco m'avait tendrement invité à faire mes pâques, et
j'avais aussitôt répondu oui ; et en attendant tantôt pour un
prétexte, tantôt pour un autre, je. m'arrangeais pour éluder ces
paternelles invitations. Je me contentais de promettre, et ne tenais
jamais parole. Cependant il sut me cueillir d'une manière vrai-
ment charmante. Un dimanche, après les cérémonies sacrées,
j'étais tout absorbé dans un jeu, [je jouais] aux bares, et comme
la saison était déjà chaude, je me trouvais en bras de chemise.
Mon désir pour ce jeu était violent, j'y prenais plaisir et il se
prolongeait : j'en avais le visage rouge et j'en étais tout trempé
de sueur.
" Tandis que je ne savais quasiment pas si j,étais au ciel ou sur
terre, D. Bosco m'appelle en
à faire une chose qui presse
toute hâte,
un peu ?
disant
:
-
M,aiderais-tu
- Avec tout le plaisir ! laquelle ?

46 Pages 451-460

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46.1 Page 451

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437
-
fo-rt.
Elle te coûtera peut-être un peu
Cela n'a aucune importance ; je
de fatigue.
peux tout
faire,
je
suis
très
re-
Viens donc
de servir D.
àBol'éscgolis, ejeavqeucittme opir!om- pteMmoei,ntcloentjeenut,oeuttrejemveosuu--
lais le suivre dans l'accoutrement dans lequel je me trouvais,
c'est-à-dire en bras de chemise.
pr-omCptoemmmeent,çaje, nl'oenn,domsesadi.itDD..BBoossccoo.prMêceétsdatiat
evet smteo. i-deElet
moi,
sui-
vre jusque dans la sacristie, pensant qu'il y avait quelque objet
à déménager.
no--uilVMloieeirn.vsMoaiocviie, cqumpioonni'addivsaa-njiess.
le chæur, continua D. Bosco.
p-as
Et il me conduisit près d'un age-
encore compris, je me disposais à
prendre ce meuble pour le transporter.
-
-
-
Laisse-le,
Mais que
lvaoisuslee-zl-ev,o-us
me rêpéta D. Bosco
donc que je fasse ?
en
souriant.
Je veux que tu te confesses.
- Oh cela oui, mais quand ?
te---mpsMJMe:aaiiljnneetteesnvnaaaaininsstt
!
je ne suis pas prêt.
que tu n'es pas prêt, mais
réciter une bonne partie de
je t'en donne tout le
mon bréviaire, et toi
après tu feras ta confession, comme tu me l'as plusieurs fois
promis.
et-
Puisque ça Vous plaît ainsi,
je n'aurai pas à me creuser
je
la
vais
tête
me préparer volontiers,
pour chercher le con-
fesseur. J'en ai vraiment besoin de me confesser. Vous avez bien
fait de me prendre de cette façon, autrement par crainte de quel-
ques copains je ne serais pas encore venu.
" Pendant que D. Bosco récitait son bréviaire, je fis ma prépara-
tion et ensuite je me suis confessé, avec bien plus de fa-
cilité que je ne m'y attendais, parce que mon confesseur cha-
ritable et si bien expérimenté m'aida admirablement par ses sages

46.2 Page 452

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438
interrogations. En une petite heure il débrouilla mon affaire, et
moi, ayant accompli la pénitence qui m'avait êtê imposée ainsi
qu'une action de grâces pleine de dévotion, je courus reprendre
ma récréation très animée. A partir de ce jour je ne répugnai
plus à aller me confesser ; au contraire j'éprouvais un grand
plaisir toutes les fois que je pouvais m'approcher de ce divin Sa-
crement, c'est pourquoi je commençai à y aller avec fréquence ".
Jusqu'ici, le récit du jeune. Et nous ajoutons que depuis
lors il fut I'un des plus assidus à remplir ses devoirs religieux et
par I'exemple comme par la parole il y attirait également les au-
tres. Racontant cet épisode à ses copains, il commençait plaisam-
ment [ainsi]: " Ecoutez un charmant stratagème, qu'employa D. Bos-
co pour prendre dans la cage le merle que voici " ; et à le dé-
crire, il les faisait tous éclater de rire.
Une scène également singulière, c'était à la tombée de la
nuit, quand ils quittaient l'Oratoire. Au cours de cette opération il
semblait qu'un aimant puissant tenait les jeunes comme attirés par
D. Bosco. Chacun lui donnait cent fois le bonsoir, et jamais ne
se résolvait à
enfants, allez,
s'éloigner
car il se
de
fait
lui. Il
nuit,
avait beau dire
et vos parents
: - Allez, mes
vous attendent :
-de
tout était inutile. Généralement on procédait ainsi : A un signal
la sonnette ils étaient tous rassemblés dans l'église, ou bien
dans la cour si la soirée était belle. Ayant récitê les prières et
I'Angélus, ils se regroupaient autour de lui, et ensuite six des plus
robustes faisaient avec leurs bras une sorte de trône, sur lequel il
fallait que D. Bosco s'assît. Alors on se rangeait sur plusieurs
files, et au milieu des chants ils le portaient jusqu'au carrefour
communément appelé le Rond-poinr. Arrivés Ià, D. Bosco descen-
dait du trône, et l'on chantait encore quelques cantiques, dont le
dernier était toujours : " Loués soient à jamais les noms de Jé-
sus et de Marie ". On faisait finalement un profond silence, il
souhaitait alors à tous le bonsoir et une bonne semaine, les invi-

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439
tant pour le dimanche suivant ; et tous, avec autant de voix qu'ils
en avaient dans le gosier, répondaient : Bonsoir; Vive D. Bosco.
Après cela, chacun se rendait au sein de sa famille, tandis que
quelques-uns des plus grands restaient pour I'accompagner chez
lui : la plupart du temps [it etait] plus mort que vivant à cause de
la fatigue.
L'un de ces dimanches de 1846, il arriva un fait dont fu-
rent témoins Joseph Buzzetti ainsi que ses autres copains.
Pour transformer à usage de chapelle son hangar, monsieur
Pinardi avait faire creuser un mètre de terre, comme
nous I'avons déjà raconté. La terre extraite, on I'avait amon-
celée dans un endroit au Nord-Ouest de la maison, à quel-
ques pas de la porte de la chapelle, et .elle servait comme
tertre de jeu aux jeunes, qui y montaient ou descendaient à
la manière de soldats, lorsqu'ils gagnent ou perdent une po-
sition stratégique. Il y en eut quelques-uns pour insister au-
près de D. Bosco afin que fût transporté ce [tas] encom-
brant ; mais
te de terre
D. Bosco avait répondu
; on I'enlèvera dans
u: n-
Laissez-la cette but-
temps prochain lors-
qu'en cet
Vif était
endroit même on construira
dans son esprit le souvenir
une
du
vaste chapelle.
rêve. Eh bien,
-
au
début de l'êtê, D. Bosco êtait lui aussi monté sur ce mon-
ticule, et, entourê de nombreux jeunes, il faisait chanter sur
un air spécial ces vers :
Loués soient à jamais
Les noms de Jésus et de Marie ;
Et à jamais soit loué
Le nom de Jésus, Verbe incamé.
enfants,
Et tout à coup il impose silence
êcoutez une pensée qui me vient
et leur dit :
maintenant
à-
Mes chers
l'esprit : Un
jour ou l'alttre, ici actuellement nous nous trouÿons, il y aura

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440
le maître-autel de l'une de nos églises, dans laquelle vous
viendrez faire la sainte Communion et chanter les louanges du
Seigneur. Cinq ans après l'église était commencée, et le
maître-autel apparaissait précisément à I'endroit indiqué par D. Bos-
co, alors que I'architecte qui en avait fait le projet ignorait cette
prévision.

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441
CHAPITRE XLVII
NedeOnenobvsuéesvmsressalualnelnencsisceceiiApneautdxiutmteroxaaroiD-ttriéod.sninLBscaieovidriselueMcsoa-.MraaquruUqxisunilssoaeuidsgreuédscCteoeanplv'croiEoluiettreac-attve-euLcraD-SRo. anLBgeoriossencsgoepare-irac-t
Dons I'Orotoire à Valdocco, I'ordre, la discipline et la
tranquillité régnaient à un degré tel qu'on ne pouvait désirer
davantage : malgré cela, le Marquis de Cavour, Préfet de la ville,
dont nous avons déjà parlé plus haut, persistait à appeler dange-
reux cet attroupement de jeunes et à en vouloir la dispersion.
C'est pourquoi il convoqua D. Bosco l'invitant à se présenter de
nouveau devant lui au bureau de Préfecture. Pour que I'attention
des autorités fût détoumée des autres petites associations vrai-
ment politiques, et comprenant trop bien que D. Bosco soustrayait
à leur influence tant d'éléments jeunes, les délateurs avaient
peut-être accumulé de nouvelles accusations, inventé de nouvelles
calomnies. En conséquence le dialogue se fit plutôt sérieux. Le
Marquis,
d'en finir,
ayantfait
mon cher
asseoir D. Bosco, lui
Abbé ; et puisque vous
dit: -
n'avez
C'est le moment
pas cru qu'il conve-
nait d'être docile à mes conseils, je suis contraint, pour votre bien,
de faire valoir mon autorité et d'exiger la fermeture de votre Oratoire.

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442
-
avec
Pardonnez-moi,
un grand calme
monsieur le Marquis, lui
; mais je crois devoir vous
répondit D. Bosco
répéter respectueu-
sement que je ne peux pas le fermer. Je me comporte en bon sujet.
Mes jeunes, aidés à être peu à peu de bons chrétiens, non seulement
deviennent de sages citoyens, mais également ils reçoivent l'instruc-
tion pour lire, êcrire et compter.
- Ecoutez, D. Bosco
m'exposiez des raisons :
; je ne vous
ne m'obligez
ai pas appelé
pas à employer
pour que vous
la force. Soyez
plus obéissant ; donnez aux citoyens I'exemple du respect envers les
Autorités.
-
-
Moi ? je suis très obéissant, monsieur le Marquis.
Et de quelle façon ? fit observer Cavour avec un sourire iro-
nique.
rie- n
J'obéis à mon supérieur qui est I'Archevêque, et je
qui porte préjudice à I'autorité civile; je confesse,
ne
je
fais
prê-
che, je dis la sainte Messe, je fais le catéchisme ; et en cela, je
crois que Vous n'avez rien à redire ni à voir.
m-oDn. sDBieoousnrccloevsMoeuasrleqnvueaisv,eotqulufeieznijpteapsnacerédlsueuriis?dinrEeih:irbr-éienPr.e.e.nrsAcuilealeduezxz,, -nvpoaiurostebzsbtii!ne.én...,
Et permettez-moi d'ajouter que, si je consentais à la fermeture de I'O-
ratoire, j'aurais à craindre la malédiction de Dieu sur moi et sur Vous.
Mais le Préfet était résolu à vaincre son obstination, et
n'ayant pas réussi à faire interdire à D. Bosco par Monseigneur
Fransoni cet exercice du ministère sacré, il s'ingénia à faire fermer
I'Oratoire au moyen d'une condamnation formelle prononcée par la
Ragioneria.
C'est pourquoi, après le travail de plusieurs semaines pour
préparer les esprits des membres de la Ragioneria. le Marquis décida
de les convoquer en séance extraordinaire. Comme par ailleurs il n'a-
vait pu attirer dans son camp le vénérable Archevêque, homme tout
autant intrépide dans ses devoirs que rempli de zèle pour le bien des

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443
âmes, il voulut au moins que ce demier se trouvât présent dans l'es-
poir de donner ensuite à entendre que la croix s'était unie au glaive
pour donner le coup mortel à notre Oratoire. En conséquence, ayant
su que I'excellent Prélat n'était pas en bonne santé et ne pourrait se
rendre à I'Hôtel de Ville, le Préfet convoqua la Ragioneria à I'Ar-
chevêché lui-même.
Et voici qu'aujourfixé et à I'heure dite, ces messieurs se
portèrent en grande pompe et solennité chez l'Archevêque, et
prirent place sur les sièges qui leur avaient étê prêparés. " Lors-
que je vis, eut à dire plus tard à un ami le bon Pasteur, lorsque
je vis tous ces magnats se réunir dans cette salle, il me sembla
que devait avoir lieu Ie jugement universel ". Dans cette assem-
blée imposante on discuta fort de part et d'autre ; on parla beau-
coup de I'avantage et du désavantage des rassemblements de tant
de jeunes ; et à la fin, la majorité étant du côté du Préfet, on
conclut qu'il fallait absolument interdire et fermer I'Oratoire, dis-
persant ainsi des attroupements qui menaçaient de compromettre
la tranquillité publique. Et la duperie et la malveillance auraient
certainement prévalu, si Dieu n'avait pas foumi à D. Bosco et à
ses enfants une défense de valeur.
En effet, Lui qui, pour mieux mettre en relief l'æuvre de
I'Oratoire, permettait les oppositions de certains, ne cessait nêanmoins
de lui susciter aussi des amis puissants à la Cour royale elle-même.
Parmi ceux-ci nous devons signaler avec une profonde gratitude le
remarquable Comte Joseph Provana di Collegno, à cette époque Mi-
nistre au Contrôle général, c'est-à-dire des Finances, auprès du Roi
Charles-Albert. Bien des fois ce charitable monsieur avait accordé à
D. Bosco des subsides tantôt de ses deniers et tantôt de la part du
Souverain, qu'il tenait minutieusement informé des affaires de I'Ora-
toire. De son côté le Roi lui-même l'entendait avec plaisir en parler, et
lorsque se déroulait quelque solennité particulière, il en lisait volon-
tiers le compte rendu que D. Bosco avait I'habitude de lui envoyer,

46.8 Page 458

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444
ou bien il écoutait celui que l'éminent Comte lui faisait de vive voix.
C'est pourquoi, convaincu du grand bien qui se faisait à tant de jeunes
pauvres de ses Etats, il fit dire bien des fois à D. Bosco qu'il estimait
beaucoup la part de ministère sacré dont il s'êtait chargé ; il la com-
parait au travail des missions étrangères ; et il exprimait le désir que
dans toutes les villes et dans tous les villages de son Royaume fussent
mises en route de telles institutions. Et son cæur auguste ne se con-
tentait pas seulement de mots ; en effet, de temps en temps il lui
envoyait aussi des secours, et cette même année il lui avait fait re-
cevoir, pour les væux du jour de l'an, trois cents lires accompagnées
de ces mots : Pour les garnements de D. Bosco.
Or avec un tel ami, avec un tel protecteur la cause de
I'Oratoire ne pouvait être en danger. De fait, quand il vint à sa-
voir que la Ragioneria êtait sur le point de se réunir dans le but
d'en décréter la fermeture, il fit appeler à lui le Comte men-
tionné plus haut, qui en était I'un des membres, et il le chargea
de communiquer durant cette séance son auguste volonté par ces
mots : " C'est l'intention du Roi, et même sa volonté précise, que
ces réunions des dimanches et jours de fête soient promues et
protégêes : s'il y a un risque de désordres, qu'on étudie le moyen
de prévenir ces derniers et rien d'autre ".
C'est pourquoi, Iorsqu'il vit qu'on préparait I'ordre de la
dissolution définitive du cher Oratoire, monsieur le Comte, qui avait
assisté en silence à la vive discussion de ses collègues, se leva et,
demandant à parler, s'acquitta de son mandat signifiant la volonté du
Prince par les mots indiqués ci-dessus. Comment à recevoir cette
communication royale en restèrent le Préfet et ses partisans, il est im-
possible de le redire. Chacun baissa la tête et se tut, et Cavour leva la
séance. Ainsi, au moment où tout semblait perdu, le Seigneur faisait
toucher du doigt que rien ne se perdait, au contraire tout devenait un
gain, puisque quelques-uns de ces conseillers qui, peut-être informés
en mal auparavant, s'étaient montrés hostiles ou indifférents devinrent

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445
dès lors des amis et des bienfaiteurs de D. Bosco et de ses fils.
D'autant plus que le Roi avait également fait entendre qu'il pre-
nait sous sa protection cette microscopique Institution.
Malgré cela, le Préfet de Turin continua à se montrer cour-
roucé. C'est pourquoi il fit appeler encore une fois D. Bosco à
l'Hôtel de ville et, après I'avoir traité de prêtre obstiné, il conclut son
entretien par cette déclaration explicite : - Même si Vous travaillez
dans une bonne intention, le bien que vous faites est rempli de dan-
gers. Je suis obligé de sauvegarder la tranquillité publique ; c'est
pourquoi j'enverrai surveiller votre personne et vos réunions. Au pre-
mier geste qui pourrait être compromettant, je ferai disperser vos
gamins, et V[otre] S[eigneurie] aura des comptes à me rendre pour ce
qui arrivera.
Notre D. Bosco sortit de l'Hôtel de Ville avec une confian-
ce plus grande qu'en y entrant ; mais pour monsieur le Marquis ce fut
la dernière fois qu'il put s'y rendre, car en raison des troubles auxquels
il fut sujet ces jours-là, ou en raison de quelque autre mal qui dêjà le
travaillait, il eut des attaques d'une goutte opiniâtre qui, I'ayant fina-
lement cloué au lit, I'emporta dans la tombe après quelques années de
nombreuses souffrances.
Toutefois, durant le peu de temps il resta encore en
charge, il envoya chaque dimanche quelques archers ou gardes mu-
nicipaux passer la journée à l'Oratoire, avec la mission d'assister et
d'épier tout ce qu'à l'Eglise et en dehors on disait et faisait. Mais les
sentinelles, à voir comment la parole d'un prêtre suffisait à maintenir
en ordre une aussi grande multitude de jeunes, à découvrir qu'ils s'a-
musaient joyeusement et en paix, à entendre les sermons et les en-
seignements qui leur étaient faits, se montrèrent très édifiés, et loin de
prendre en suspicion cette réunion, en conçurent bientôt une grande
estime. L'un d'eux racontait à ce propos une courte conversation qui
avait eu lieu entre lui et le Marquis, sur le ton suivant.

46.10 Page 460

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446
ye-z
Eh bien ? lui
vtt, qu'est-ce
demanda un jour ce dernier, qu'est-ce que vous a-
que vous avez entendu, au milieu de cette ra-
caille ?
s'a-muMsoenr sdieeumr lielleMfaaçrqouniss,,
j'ai vu une foule immense de
sans aucune bagarre, sans
jeunes gens
aucune dis-
pute, et je me suis dit : Oh ! si toute la jeunesse de Turin fai-
sait ainsi ! nous aurions bien peu à faire, et les prisons ne se-
raient plus si fréquentées. Par ailleurs j'ai entendu à l'église des
sermons qui m'ont fait peur, et me firent venir l'envie d'aller me
confesser.
-
ca-r
Et de politique ?
De politique on n'en parla ni point ni
ces garçons n'en comprendraient pas
peu ; et c'est naturel,
le moindre mot. D'a-
près ce que je pus déceler, il me semble que la politique
de D. Bosco consiste à instruire ses jeunes gens en bons
chrétiens ; à leur enseigner à lire, écrire et compter ; à les
assister pour qu'ils ne disent ni ne fassent de mal en récréation ;
à les placer au travail chez d'honnêtes patrons ; à leur rendre
visite au cours de la semaine et à leur donner de bons con-
seils ; à faire en somme ce que devraient faire leurs parents, et
qu'ils ne font pas, parce qu'ils ne peuvent pas ou parce qu'ils ne
veulent pas.
- Mais les plus adultes, ne parlèrent-ils pas de révolution et de
guerre ?
gl-iseO. Qn una'ennt
a
à
pas soufflé mot, ni
moi je suis d'avis
à l'église ni en dehors de l'é-
que ces jeunes gens seraient
prêts et même capables de faire la révolution et de livrer batail-
le autour d'un panier de petits pains ; ou plutôt je suis sûr que
chacun d'eux feraient preuve d'assez de vaillance pour mériter la
médaille d'honneur. En dehors de ce cas, monsieur le Marquis, il
n'y a aucune sorte de dangers.
Ce garde disait la vérité, comme la disaient tous les au-
tres souvent appelés par leurs officiers qui les interrogeaient, et telle

47 Pages 461-470

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47.1 Page 461

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447
fut toujours, et est encore, la politique de I'Oratoire Saint-François de
Sales et de ses disciples.
- Un autre archer répondait franchement à son capitaine :
D. Bosco prêchait vraiment la révolte et me mit en révolte, moi aussi,
contre moi-même ; et je suis allé, moi aussi, faire mes pâques après
tant d'années que je ne les faisais plus. Il parla de la mort comme si
nous étions déjà morts, ou comme si nous devions mourir dans la
demi-heure. Et ênsuite... oh comme est affreux I'enfer ! Je n'en avais
jamais entendu une telle description ! Et pourtant à la fin D. Bosco dit
que les choses qu'il racontait étaient encore rien, presque seulement
une ombre bien pâle de ce que sont les choses dans la réalitê.
Désormais, pour ma part je ne veux absolument pas y aller chez les
démons.
L'ordre plein de suspicion du Marquis produisit en fait un
grand bien spirituel à presque tous les gardes. Au moment du ser-
mon notamment, ils apparaissaient immobiles, très attentifs à ne
pas perdre une seule syllabe. D. Bosco, presque en plaisantant, les
invitait parfois à lui prêter la main pour assister les jeunes. A cette
époque il se mit à traiter les sujets les plus terrifiants : I'enfer, les
tourments qu'on y endure et l'éternité de la damnation ; la mort avec
tous ses détails, pour les bons et pour les méchants ; le jugement
universel et sa terrible mise en scène, avec tout ce qui toume autour.
Il y avait tant de puissance dans sa parole, que les auditeurs restaient
saintement terrifiés ; mais à la fin il savait si bien représenter la
bontê de Dieu, la puissance d'intercession de Marie et des saints, que
chez tous se ravivait I'espérance de pouvoir néanmoins obtenir la
récompense céleste. Les gardes, qui n'avaient jamais entendu prêcher
ces vérités et qui depuis des années ne s'étaient plus confessés, émus
et remplis de frayeur, s'approchaient de D. Bosco dès qu'il finissait le
sermon, lui demandant de bien vouloir les entendre en confes-
sion. Oh ! combien volontiers D. Bosco leur accordait cette charité
et comme les gendarmes qui devaient le surveiller étaient changés

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448
tous les dimanches, ainsi on peut dire que tous se confessèrent
et firent leur communion. Grâce à cela ils devinrent amis de
I'Oratoire, et ceux qui auparavant se postaient aux divers endroits
de la ville pour empêcher éventuellement les jeunes rassemblés
par D. Bosco de faire une émeute, revenus à présent de leur il-
lusion, ne pensèrent plus à se donner un tel mal.
fait
D. Bosco disait un
prendre un daguerréotype
jour :
ou un
- Je
dessin
regrette de ne pas avoir
des jeunes de ce temps,
pour qu'à présent on puisse voir comment ils se tenaient à l'église,
comme ils étaient en ordre en classe, combien et quels ils étaient ! Ce
serait un beau tableau, je pense, [qu'on obtiendrait] à observer plusieurs
centaines de jeunes assis et attentifs, en train d'êcouter mes paroles, et
six gardes municipaux en tenue, deux par dêux, debout, plantés
comme des piquets en trois endroits différents de l'église, les mains
jointes, en train d'êcouter eux aussi le même selrnon. Et ils me
servaient si bien d'assistants aux jeunes, quoiqu'ils fussent venus
uniquement pour m'assister. Extrêmement belle serait la peinture de
ces gardes qui du revers de la main essuyaient leurs larmes ou avec le
mouchoir cachaient leur visage pour que les autres ne vissent pas leur
émotion. Ou mieux encore le dessin où on les représenterait age-
nouillés au milieu des jeunes, en train d'entourer eux aussi mon
confessionnal pour attendre leur tour. Les sermons, moi, je les avais
faits plus pour eux que pour les jeunes.
En attendant, D. Bosco dans son admirable sagesse ne
voulut pas que le Marquis Cavour restât sous I'impression d'une
espèce de défaite, qui I'avait blessé lui occasionnant de la honte.
ll se recommanda donc aux bons offices d'une personne appré-
ciée du Préfet, et un certain temps après il se fit présenter à lui
par un noble ami. Par sa douceur il en calma I'esprit irrité, ma-
nifesta la sincère vénération qu'il professait envers sa personne,
dissipa avec des preuves évidentes les déplorables équivoques,
expliqua les motifs de sa résistance, lui demanda son appui. Vers

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449
la fin de la conversation le Marquis se déclara satisfait de ces
éclaircissements, reconnut I'utilité de ces rassemblements pour le
bien moral de la jeunesse et promit de laisser en paix I'Oratoire.
D. Bosco lui avait décrit tout ce qu'il faisait pour ses jeunes.
Mais prenez-Vous I'argent pour supporter tant de frais ?
[oit] le Marquis en I'interrompant.
-
-
D. Bosco, un sourire aux lèvres et levant les yeux au ciel, répon-
- dit : Je mets ma confiance uniquement dans la divine Providence.
Et si en cet instant la Providence divine suggérait à monsieur le Préfet
- de m'accorder quelque secours, je Ie remercierais de tout cæur. Le
Marquis, ému, sourit à son tour et lui tendit deux cents lires.
Plusieurs autres fois D. Bosco lui rendit visite, notamment
au cours de sa dernière maladie. Les fils du Marquis, Gustave et
Camille, nouèrent aussi d'amicales relations avec D. Bosco et de
temps en temps ils venaient à I'Oratoire à Valdocco pour s'en-
tretenir avec lui. C'est dans le palais Cavour que l'Abbé Antoine
Rosmini recevait une honorable hospitalité lorsqu'il se rendait à
Turin, et c'est précisément que, quatre ans plus tard, Don Bosco
s'entretint plusieurs fois avec le philosophe de Rovereto.
Le lecteur aura remarqué que dans ces contrariétés D. Bos-
co ne se laissait jamais vaincre par la peur ni par l'ennui, écrivant,
rendant visite, invoquant des appuis en sa faveur, faisant en somme
avec une constance héroïque tout ce qui dêpendait de lui pour sur-
monter les difficultés. C'est ainsi qu'il se conduisit en mille autres
circonstances désagréables ; et nous le verrons mettre sans cesse en
pratique la maxime de st Ignace : " Faire de son propre côté tout le
possible comme si Dieu n'avait rien à faire, et s'en remettre à Dieu
comme si rien ne se faisait de son propre côté ".
Le Marquis mourut : durant bien des années il n'y eut plus
personne de la Mairie ou du Gouvernement pour causer des ennuis à
I'Oratoire. D. Bosco cependant ne fit jamais d'acte hostile aux lois de

47.4 Page 464

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450
I'Etat : et cela malgré le fait qu'il ne les reconnaissait pas légi-
times, si elles étaient contraires aux lois de Dieu et de I'Eglise
et qu'en aucune façon il ne les approuvait. Dans ses discours, en
public comme en privé, nous I'entendîmes toujours recommander
aux jeunes et aux adultes I'obéissance aux autorités civiles, car,
disait-il, celui qui commande est placé par Dieu pour commander ;
pendant ce temps-là il en donnait lui-même I'exemple, accordant la
soumission qu'il devait envers ceux qui dirigeaient les affaires publi-
ques, et recherchant simultanément le moyen de les approcher.
Sa tranquillité, marquée de résolution et de prévoyance,
fut le secret des nombreuses amitiés dont il profita parmi ceux qui
s'élevaient au pouvoir. A chaque nomination d'un nouveau Ministre,
d'un nouveau Préfet ou d'un nouveau Syndic, il allait rendre visite à la
personne concernée. Cela faisait bonne impression sur I'esprit de celui
qui se voyait ainsi tenu en honneur par D. Bosco, [ceta] liait les cæurs
et produisait du bien. D'autant plus que souvent ces messieurs avaient
été informés à l'avance contre lui, et il avait ainsi le moyen de cons-
tituer ses défenses.
Et- ilJecovnietninsu, aditisaeint-irl,acpoonutraVntoucsomremcoemnmt aentdceormmbeisenjeuilneasvgaeitnæs !uv-
en faveur des enfants
pouvez pas nous faire
du peuple ;
parfois du
il concluait :
bien, je Vous
-prieSdi eVonuespnase
permettre que par d'autres il nous soit fait du mal. Mes jeunes
Egetncse, sjemleesssipeluarcsesesoturosuvvoatireentpcrootmecmtieono:blsigeérvsezà-leleurludiepproèmree.tt-re
cordialement.
- Mais ce n'est pas encore tout, continuait D. Bosco ; je Vous prie
encore d'avoir la bonté, au cas où Vous parviendraient des rapports
contraires à I'Oratoire, de ne pas Vous laisser surprendre, ni irriter,
mais de vérifier d'abord les faits, et également de m'appeler pour que
j'en donne les raisons, car je serai toujours prêt à fournir sincèrement
les explications demandées. Sachez du reste avoir aussi de I'indul-
gence pour les défauts.

47.5 Page 465

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451
Ces paroles dites avec une grande ingénuité atteignaient
leur but. Ici la prudence, comme en d'autres pages de notre livre, ne
nous permet pas de citer des noms. Nous dirons seulement ceci :
parfois il arriva que quelqu'un, contraint par des ordres injustes et
tyranniques à persécuter ses institutions, resta néanmoins son ami
personnel, atténuant autant qu'il le put les souffrances qu'il pro-
voquait. Et [D. Bosco] trouva toujours parmi les premières autorités
provinciales ou municipales de puissants défenseurs qui le libérèrent
de nombreux embarras ; et quelques anticléricaux haut placés, bien
qu'ils ne lui fissent aucun bienfait, ne permirent jamais toutefois que
lui fût causé du tort par des partis qui frémissaient contre lui.

47.6 Page 466

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452
CHAPITRE XLVIII
D. Bosco
juvénile -
ri Sassi - Les élèves
Double embarras -
LdaeschEacroitléessuCphpréléteienanuesm-iracElela. n
En tous les temps et en tous les lieux la jeunesse fit preuve
d'avoir un bon cæur pour qui I'aime sincèrement et en cherche le vrai
bien. Des foules d'enfants et de jeunes gens s'entassaient auprès de la
personne du divin Sauveur parce qu'Il les aimait bien plus qu'un ten-
dre père [n'aime] ses enfants. Un St Philippe Néri apparaissait n'impor-
te où entouré de jeunes, car cet Apôtre de Rome les traitait avec une
bonté incomparable. La même chose se produisait pour St Joseph
Calasanz, pour St Jérôme Emilien, pour le B. Sébastien Valfré, pour
St François de Sales et pour tant d'autres Saints qui reçurent de Dieu
la mission de sauver les enfants. Et à notre époque, [pour montrer]
combien D. Bosco a étê aimê de ses jeunes gens, les faits que nous
sommes sur le point de raconter forment une preuve incontestable.
En plus du travail de I'Oratoire D. Bosco s'occupait é-
galement du ministère sacré dans les prisons, à l'Hôpital Cot-
tolengo et au Refuge; il êtait donc bien maigre le temps qui lui
restait libre. Or cette incessante occupation de la journêe con-
duisait à ce que, pour rédiger les livres qui lui étaient néces-
saires, il devait étudier et travailler de nuit: décision qui lui fut

47.7 Page 467

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453
fatale. Au bout de quelques semaines, après sa prise de posses-
sion du hangar Pinardi, sa santé, déjà par elle-même délicate, se
détériora tellement que les médecins lui conseillèrent de renon-
cer à tout travail, s'il ne voulait pas aller au-devant d'une irré-
parable catastrophe à la fleur de l'âge. Le Théologien Borel, qui
I'aimait et [qui] était pour lui plus qu'un frère, l'ayant vu ainsi
menacé, I'envoya passer quelque temps chez I'excellent Théologien
Pierre Abbondioli, Curé de Sassi, dans la banlieue au pied de la
colline de Soperga. II restait là-bas les jours ouvrables, et le
samedi soir il retournait en ville pour passer le Dimanche avec
ses jeunes.
Malgré la charitable attention du bon Curé et la salu-
brité de I'air, ce séjour n'apportait pas à D. Bosco le profit qui
lui était nécessaire. Une des causes en était que, ne pouvant
demeurer inactif un seul instant, il s'occupait dans la charge de
vicaire ; et I'autre, qu'en raison de sa proximité de Turin les
jeunes de I'Oratoire lui rendaient bien souvent visite en ce lieu et,
unis à ceux du village, ils finissaient par lui donner beaucoup à
faire. Et non seulement ceux de I'Oratoire, tantôt par groupes,
tantôt individuellement, accouraient de temps en temps à Sassi ;
mais s'y unissaient également les élèves des Frères des Ecoles
Chrétiennes, qui, une fois parmi les autres, le mirent dans un
double embarras. Voici à quelle occasion et de quelle façon, se-
lon le récit de M. Charles Rapetti, alors [= au moment du récit]
Econome au Collège St-Primitif, et d'autres qui furent présents à
l'événement.
Parmi les écoles dirigées avec sagesse par les religieux
en question, il y avait les écoles municipales de Turin, appelées
Ste-Barbara, fréquentées par plusieurs centaines de jeunes gar-
çons. D. Bosco y allait chaque semaine confesser dans la chapelle
annexe ; quelques-uns venaient chez lui à I'Oratoire ; presque tous
étaient ses pénitents. Vers la fin du printemps de cette année-là

47.8 Page 468

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454
leur fut prêchée Ia Retraite spirituelle. Durant ces jours de re-
cueillement sacré ils attendaient Don Bosco, et dans l'espérance
qu'il viendrait comme d'habitude, presque personne n'avait pen-
à s'adresser à d'autres confesseurs. Entre-temps se présenta le
matin de la clôture : au fur et à mesure que ces bons garçons
arrivaient de chez eux au Collège et comme ils ne voyaient pas
Don Bosco, ils allaient, avec la permission de leurs professeurs,
le chercher à Valdocco. Ne I'ayant pas trouvê et ayant entendu
dire qu'il était à Sassi, par paquets et par paquets ils partirent
pour cette destination, quelques-uns croyant que Sassi était une
maison ainsi nommêe, et d'autres un lieu pas très éloigné de Tu-
rin. Les pauvres ! Ils ignoraient qu'ils avaient à parcourir entre
l'aller et le retour plusieurs kilomètres. Lorsqu'ils s'aperçurent qu'il
leur fallait sortir de la ville et franchir le 'Pô, ils auraient
renoncer à leur projet et retourner au Collège ; mais la cir-
conspection ne fut jamais la vertu de l'âge juvénile, et ces gar-
çons n'écoutant que la voix du cæur, et les seconds suivant
I'exemple des premiers, ils continuèrent intrépidement.
Le temps était à la pluie et eux, arrivés à un certain
endroit, ne connaissant pas bien les lieux, ils perdirent la
route, et ils allaient à la recherche de D. Bosco à travers les
prés, à travers les champs et à travers les vignes. Les personnes
qui les rencontraient leur demandaient' - allez-vous ? Qui
cherchez-vous ?
- Nous allons à Sassi et nous cherchons D. Bosco : où est Sassi ?
est D. Bosco ?
re-touVrnoeursevnouasrritèrorem, pteozurdneer,romutoen,ter p;onedatiepntuiless
paysans
qui est
: il
et
faut
est D. Bosco nous ne le savons pas. Le curé de Sassi ne
s'appelle pas Bosco ; et même dans le village il n'y a aucun
prêtre qui porte ce nom.
on-
Et pourtant, répondaient
nous a dit que D. Bosco
les
est
jeunes perdus dans leur errance,
à Sassi, et il doit y être.

47.9 Page 469

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455
D'autres, qui arrivaient derrière à l'insu des premiers, demandaient
àl'oLlnaesysugvietaensednr'uébnpaoqtneudaiapuireo;nqetutoelne:sr-ipaanuOtv:ùre-sesgtSaSaraçssossanarsiri
?
est en Sardaigne,
restaient mortifiés.
et
Mis finalement sur la bonne voie, les uns passant par
ici et les autres par là, parvinrent à la paroisse en plusieurs vagues
trois cents jeunes, trempés de sueur, couverts d'éclaboussures de boue
et de vase, et morts de fatigue et de faim au point de faire pitié.
Appelé, D. Bosco se présenta : à voir la bande de ses
jeunes amis il fut extrêmement touché.
- Que voulez-vous, mes chers enfants ? leur demanda-t-il. Est-ce
que vous avezla permission de vos professeurs pour venir ici ?
ReUtrnaitfeteusnpeir]itruéeplolend; itcepomuartitnouc'se:st-la
Cesjours-ci nous avons laitla
clôture, et nous voulons nous
confesser à Vous. Hier soir nous vous avons attendu en vain à
Ste-Barbara ; et ne vous ayant pas vu non plus ce matin, avec la per-
mission de nos professeurs nous sommes allés de bonne heure vous
chercher à Valdocco, et de là, un groupe, à l'insu de I'autre, nous som-
mes venus ici. Nous n'avons rien dit à nos Supérieurs, parce que nous
pensions pouvoir retourner au Collège pour la Messe et pour la Com-
munion. Pour un bon nombre d'entre nous, nous avons à faire la con-
fession gênérale, et pour un très grand nombre la confession annuelle.
Chacun peut imaginer l'étonnement de D. Bosco et de ses
bons hôtes. Ils ne purent pas ne pas admirer cet élan juvénile ; tou-
tefois ils cherchèrent à les décider de retourner tout de suite au
Collège pour libérer de leur anxiété leurs professeurs et leurs
parents. Ce furent des paroles jetées au vent, et ils durent céder à
leur vive insistance ; mais en attendant ils se trouvèrent dans un
grand embarras. Comment renvoyer satisfaite une si grande multitude
de jeunes, qui voulaient de surcroît faire la confession générale ou an-
nuelle ? Comment les faire revenir au Collège pour la Communion ?

47.10 Page 470

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456
Et puis, même seulement pour les confesser, une douzaine de
prêtres n'aurait pas suffi ; et ils voulaient tous se confesser à un
seuMl fut plus facile de les persuader que c'êtait impossible, et
qu'ils devaient reporter la Communion au lendemain. Cela obtenu,
D. Bosco, bien qu'il fût presque à bout de forces, se mit au con-
fessionnal. Y entrèrent également le curé, le vicaire et le [prêtre]
instituteur communal, et tous y restèrent jusqu'à une heure de
l'après-midi, sans pouvoir toutefois donner entière satisfaction à
la piété de ces jeunes.
Et ce ne fut pas là l'unique embarras. En sortant de Turin,
ces bons garçons avaient fait comme les foules qui suivaient
Jésus dans le dêsert : soucieux seulement de chercher D. Bosco et
de se confesser à lui, ils étaient partis dépourvus de pain, d'au-
tant plus qu'ils pensaient se trouver chez eux au moment du petit
déjeuner. C'est pour cela qu'en plus de donner satisfaction à leur
piété, il fallait aussi apaiser les hurlements de leur faim, deve-
nue [raim] de loup à cause de la fatigue du voyage fait à jeun.
Comme on ne pouvait pas réaliser le prodige de la multiplication
des pains, le bon curé ne laissa pas en peine D. Bosco ; il sup-
pléa au miracle par sa charité. C'est pourquoi il sortit pain, po-
lenta, haricots, riz, pommes de terre, fruits, fromage ; bref tout
ce qu'il possédait de comestible, il le plaça devant les hôtes affa-
més ; et même, comme ne suffisait pas ce qu'il avait chez lui, il
eut encore recours à I'emprunt auprès des voisins. De cette façon
toute cette armée de jeunes reçut le réconfort nécessaire, et au
cours du retour en ville, personne ne s'évanouit en chemin.
Mais si ce matin-là Don Bosco et son généreux hôte fu-
rent dans les situations confuses, c'est ni plus ni moins une surprise
désagréable et une mortification que subirent les professeurs des Eco-
les Chrétiennes, les prédicateurs de la Retraite spirituelle et d'autres
personnes invitées ; puisque, à I'heure fixée pour la Messe et pour la
Communion générale, sur 400 élèves, ne s'en trouvèrent présents que

48 Pages 471-480

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48.1 Page 471

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457
quelques dizaines : tous les autres étaient à Sassi ou perdus vers cette
destination.
De même un autre jour de vacances un groupe de ces
[garçons], dont faisait partie un frère de Michel Rua, se dirigea
de bon matin vers Sassi pour assister à la messe de D. Bosco et
recevoir de ses mains la sainte Communion. Ceux qui n'avaient pu se
confesser avant le départ, se confessèrent à lui. La cérémonie se
prolongea jusqu'à une heure très avancée, et ils retournaient ensuite
en ville tout joyeux et contents, laissant aussi D. Bosco consolé
au-delà de toute mesure. Michel Rua entendait plus tard son frère, de
trois ans son aîné, raconter les joies spirituelles et les saints souvenirs
de cette chère promenade.
De ces faits chacun peut aisément déduire combien notre
D. Bosco était aimé des jeunes gens qui le connaissaient ; et d'autre
part que Sassi convenait peu à son repos et à I'amélioration de sa
santé vacillante.

48.2 Page 472

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458
CHAPITRE XLIX
pDTah.uévBoroleostgécienevBasntogrlieécleliqn-uceté;EdrneutmRarereqfucuoagbnelfei-apnrcuLedeeettnnrceeDdipeeuolu;ar
Marquise au
amour de la
défendre son
rheosnnsealulers-
Oppositions connues et aumônes
prises en location dans la maison
secrètes
Pinardi.
-
Premiè-
Depuis environ six mois la Marquise Barolo demeurait
à Rome, attendu les graves difficultés rencontrées pour faire
approuver les règles de ses Instituts Religieux. Mais les prières
continuelles devant le Saint Sacrement, les visites insistantes au
Saint Père Grégoire XVI, aux Cardinaux et à d'autres prélats in-
fluents, ainsi qu'une lettre de recommandation du Roi Charles-Albert,
obtinrent finalement de la Sacrée Congrégation des Evêques et
Réguliers ce qu'elle désirait. Cela pourtant arriva au grand éton-
nement de beaucoup, qui avaient cru impossible l'obtention d'une
telle faveur. Le 6mai7846 la Marquise rentrait à Turin avec les
Constitutions modifiées et approuvées : [elle étaid accueillie avec
de grandes fêtes par les Sæurs de Ste Anne, par les Madeleines
et par d'autres personnes remplies de reconnaissance pour ses
bonnes æuvres. D. Bosco en compagnie des prêtres du Refuge
alla lui souhaiter la bienvenue, et en partie par elle, en partie par
Silvio Pellico, son compagnon de route, il apprit quelle rûde tâche
c'était d'obtenir, en raison des prudents atermoiements du SainfSiège,

48.3 Page 473

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459
I'approbation d'un nouvel Ordre religieux. Ce récit devait être pour
lui comme un avertissement préalable et une règle à suivre dans
les années futures ; mais en même temps il lui occasionna une
vive joie, en lui rappelant les promesses mystérieuses qu'il avait
reçues en rêve. En effet, avec son habituel sourire il disait, en
plaisantant,
donnez-moi
à la Marquise
des millions et
:-
vous
Donnez-moi beaucoup
verrez ce que je vais
d'argent,
faire : je
mLa'élMèvaerqrauiisaes, sdeézjàpomuirsecoauuvrciroudreanmt edseasiloepsploesimtioonnsdedeenltaierM. a-i-
rie de Turin contre I'Oratoire, ainsi que des racontars colportés
sur le compte de D. Bosco, s'étonna de ces paroles et, s'étant
rendue chez les Sceurs de St Joseph, elle raconta presque en
pleurant ce
Priez pour
que
lui ;
D.
je
Bosco
crains
lui avait dit ;
qu'à Ia longue
et
ce
elle ajoutait :
saint homme
-
ne
devienne réellement fou !
Don Bosco à mettre un
f-reinC'eàst
pourquoi elle décida d'amener
ses travaux fatigants. Voyant
que sa santé était en train de se détériorer à vue d'æil, elle
l'appela chez elle, lui conseilla impérieusement de prendre plu-
sieurs mois de repos absolu dans quelque village salubre et so-
litaire, après quoi elle lui offrit la somme d'environ cinq mille
lires, pour qu'il s'astreignît à des soins qu'elle jugeait nécessaires
eset mqeuni tl'éDt.aiBeonst.c-o,
Madame
je Vous
la Marquise,
remercie de
lui répondit
votre geste
respectueu-
charitable ;
mais je ne
Théologien
me suis pas fait prêtre
Borel, qui était présent
peotuqrusiocigonnenraimssaaitsalentéc.æ-ur
Le
de
D. Bosco, en resta si émerveillé que souvent il évoquait cette
réponse comme preuve de la sainteté de son ami ; et, sans le
nommer, il la répétait également dans les conférences aux prê-
tres et aux jeunes abbés.
La Marquise n'en fut cependant pas satisfaite. Sincère dans
sa proposition, elle avait espéré toutefois que D. Bosco, en
s'éloignant de Turin pendant un bon moment, oublierait ses jeu-
nes. Si auparavant elle ne s'était pas montrée opposée à ce qu'il

48.4 Page 474

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460
s'occupât également de I'Oratoire, à présent craignant [ae voir] des
inconvénients [résulter] du fait que parfois les garçons s'approchaient
du Refuge ou du Petit Hospice, elle avait décidé que D. Bosco
n'assumerait pas d'engagement en dehors de ses Institutions. Trop
absorbée par ses æuvres personnelles et par son génie exclusif, elle
n'avait pas compris I'esprit de D. Bosco, comme elle n'avait pas non
plus su comprendre celui du Vénérable Chanoine Joseph-Benoît Cot-
tolengo.
Ferme comme elle était dans ses décisions, un jour elle se
creonntdeint taeudluogseominenqtuedeV[Dot.reB]oSsc[eoigenet uluriei ]pparrelandaidnesim:es-
Je suis très
lnstitutions, et
je Vous remercie d'y avoir introduit le chant des cantiques, le
plain-chant, la musique, et enseignê dans les classes I'arithmétique et
le système mêtrique, ainsi que plusieurs 'autres choses de grande
utilité.
-
D.
Il ne
Bosco,
faut
car le
point
prêtre
me remercier, madame la Marquise, répondit
ayant à travailler par obligation de conscience,
je n'ai fait que mon devoir, et c'est de Dieu que j'en attends la
récompense, si toutefois je I'ai gagnée.
qu-eJelavemuuxltditiurdee
aussi, ouplutôt répéter,
de vos occupations ait
queje regrette beaucoup
altéré votre santé. On ne
saurait espérer que Vous puissiez continuer la direction [spirituelle]
de mes (Euvres et celle des garçons abandonnés, d'autant plus
que maintenant ces derniers ont dépassé en nombre la mesure.
J'en suis donc à Vous proposer de faire seulement ce qui est de
votre devoir, c'est-à-dire la direction [spirituelle] du Petit Hospice, et
de cesser de vous rendre dans les prisons, au Cottolengo, et surtout
de laisser toute préoccupation pour les enfants. Qu'en dites-vous ?
qu-'il
Madame la Marquise, Dieu m'a aidé jusqu'à présent et j'espère
ne manquera pas de m'aider encore ; ne vous préoccupez donc
pas de ce qui est à faire, car entre le Théologien Borel, D. Pac-
chiotti et D. Bosco il y aura moyen de s'arranger pour tout ac-
complir, et vous serez satisfaite.

48.5 Page 475

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461
- Mais moi,
d'occupations,
je
et
ne peux plus tolérer
si variées, qu'on le
que vous vous tuiez ; tant
veuille ou non, tourneront
au détriment de votre santé et de mes Institutions. Et puis les
bruits qui courent au sujet... de vos facultés mentales, m'obligent
à vous conseiller...
- A me conseiller quoi, madame la Marquise ?
-flêDc'haibsasnedzo-nyn,eetr
ou bien votre Oratoire, ou
puis vous me répondrez
bien
tout
mon Petit Hospice.
à votre aise.
la-
Ma réponse est déjà
donner dès maintenant
réfléchie, et je suis
: V[otre] S[eigneurie]
en mesure de vous
a de I'argent et de
nombreuses ressources, elle trouvera facilement autant de prêtres
qu'elle en veut pour la direction [spirituetle] de ses Institutions.
Pour les enfants pauvres il n'en va pas de même, et c'est
pourquoi je ne peux et ne dois pas les abandonner. Si je me
retire en ce moment, le fruit de bien des années est perdu.
Donc pour le temps à venir je continuerai à faire volontiers
pour le Refuge ce qui me sera possible, mais j'y cesserai mon
emploi régulier, pour me donner plus à dessein à l'éducation des
jeunes gens.
- Et où irez-Vous habiter ? et sans salaire comment pourrez-vous
vivre?
de-
J'irai la Providence m'appelle. Dieu ne me laissa
rien jusqu'ici, et je garde confiance qu'il ne me fera
manquer
pas non
plus défaut à l'avenir.
so-in
Mais Votre santé est ruinée ;
de repos. Ecoutez donc mon
votre tête n'en peut
conseil de mère,
plus, et a be-
D. Bosco, et
je continuerai à vous donner le salaire, et même je I'augmente-
rai si vous voulez : Allez passer quelque temps dans un endroit,
[pendant] un, trois, cinq ans, autant qu'il faudra ; reposez-vous ; et
quand vous serez bien rétabli, revenez au Refuge, et vous serez
toujours le bienvenu. Autrement V[otre] S[eigneurie] me met dans
la regrettable nécessité de la renvoyer de chez moi. Si vous
m'obligez à [franchir] ce pas, Vous irez pour vos jeunes gens
vous enfoncer dans les dettes jusqu'au cou; alors vous viendrez

48.6 Page 476

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462
chez moi pour des secours, et je déclare dès à prêsent que je
me refuserai à chacune de vos demandes. Regardez-y sérieuse-
ment à deux fois.
- J'y ai déjà regardé depuis longtemps, madame la Marquise ; ma
vie est consacrée au bien-être des jeunes gens pauvres, et I'on ne me
fera jamais dévier de la route que le Seigneur m'a tracée.
es-t
Donc
ainsi,
Vous préférez vos
V[otre] S[eigneurie]
vagabonds à mes Institutions ?
se retrouve congédiée à partir
S'il en
de cet
instant : aujourd'hui même je prendrai des dispositions pour trou-
ver qui devra Vous remplacer.
Alors Don Bosco lui fit remarquer qu'un licenciement aussi pré-
cipité serait I'occasion de soupçons déshonorants, et qu'il serait
mieux d'opérer avec calme, et de conserver entre eux la charité,
celle même qu'ils voudraient avoir encore lorsqu'ils se retrouve-
raient au tribunal de Dieu.
A ces mots la Marquise se calma un peu et conclut en disant :
- Eh
lesquels
bien je vous
Vous laisserez
donnerai un délai
à quelqu'un d'autre
de trois mois, après
la direction [spirituelle]
de mon Institut.
Don Bosco accepta la proposition et, rempli de confiance
en Dieu, il s'abandonna à sa Providence toujours affectueuse. Et
cette confiance assurait la réussite de son entreprise, car a dit
I'Esprit Saint : " Maudit soit I'homme qui se confie en I'homme
et fait d'un bras de chair son appui (1) ".
La Marquise cependant ne se donna pas pour vaincue, et
tentant de le dissuader de son projet avec la perspective d'un
avenir de misère, elle lui envoya Silvio Pellico, son secrétaire, en
lui disant :
cepte, c'est
-
bien
Renouvelez à
; je ferai tout
D. Bosco mes propositions. S'il ac-
ce qu'il veut. S'il s'obstine, redites-lui
(1) rr tz,s.

48.7 Page 477

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463
qu'il ne vienne jamais, au grandjamais, à ma porte pour deman-
der une aumône. Il se trouvera bien vite dans le besoin, je le
prévois ; mais moi, je ne lui donnerai pas un sou, pas un centime.
-qauuissDesi.:bB-oonsncQoe und'eailmsseee,
laissa pas ébranler,
déclarait désolé de
à laquelle il était
et fit répondre à la Mar-
causer de la peine à une
si redevable ; mais qu'il
savait que le Seigneur I'appelait à la mission auprès des enfants
et qu'il craignait d'agir contre sa très sainte volonté en les aban-
donnant. Que c'était le seul motif pour lequel il était obligé de
ne pas se plier aux offres généreuses de la Marquise.
D. Cafasso et le Théologien Borel ne tardèrent pas à ê-
tre informés de ce désagréable incident. Après un entretien avec
D. Cafasso, dont elle n'apprit certainement rien de tout ce que D. Bos-
co lui avait confié, la Marquise écrivait au Théologien Borel en ces
termes :
" Ill[usreJ et Rév[érendJ M. le Théologien,
" Un entretien que j'aieu avec D. Cafasso m'a fait croire qu'une
explication était nécessaire entre Vous et moi, Rév[érendissi]me
monsieur le Théologien ; et il me. semble que la donner par écrit
est plus convenable que de vive voix ; d'autant plus que, lorsque
j'ai I'honneur de vous parler, vous ne me permettez pas de vous
exprimer mon estime pour votre personne, mon admiration pour
votre vertu, ainsi que ma reconnaissance pour les sollicitudes
qu'avec tant de zèle vous avez eues et continuez à avoir pour
mes établissements.
" Quand le Petit Hospice est venu accroître le nombre de ces éta-
blissements, nous avons cm qu'il serait nécessaire d'engager un
aumônier pour ledit Petit Hospice. Je ne pouvais placer ma
confiance mieux qu'en Vous. Vous avez alors choisi I'excel-
lent D. Bosco et me I'ayez présenté. A moi aussi il plut dès
le premier instant et je lui trouvai cet air de recueillement et de

48.8 Page 478

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464
simplicité propres aux âmes saintes. Nous avons commencé à
nous connaître à I'automne 1844, et le Petit Hospice ne devait
s'ouvrir, et ne s'est ouvert, qu'en août 1845. Mais le désir
d'acquérir à coup sûr un aussi bon sujet fit anticiper son entrêe
[en service], avec Ie salaire de son emploi. Peu de semaines a-
près son installation avec Vous, T[ros] R[evérend] M. le Théolo-
gien, tant la Supérieure du Refuge que moi, nous avons vu que
sa santé ne lui permettait aucune fatigue. Vous vous rappellerez
combien de fois je Vous ai recommandé d'y faire attention et de
le laisser se reposer etc., etc. Vous ne m'écoutiez pas ; vous
disiez que les prêtres doivent travailler etc.
" La santé de D. Bosco empira jusqu'à mon départ pour Rome ;
en attendant il travaillait, crachait du sang. Ce fut alors que
je reçus une lettre de Vous, M. le Théologien, vous me
disiez que D. Bosco n'était plus en mesure d'occuper le poste
qui lui avait êté confié. Aussitôt je répondis que j'étais prête
à continuer dor.,er] à D. Bosco son salaire, à condition qu'il
ne fît rien : et je suis prête à tenir ma parole. Vous, M. le
Théologien, croyez-vous que c'est ne rien faire que de con-
fesser, d'exhorter des centaines de garçons ? Je crois que
cela nuit à D. Bosco et je crois nécessaire qu'il s'éloigne suffi-
samment de Turin, pour ne pas être dans Ie cas de fatiguer
ainsi ses poumons. En effet, lorsqu'il se trouvait à Gassino,
ces garçons allaient se confesser à lui et il les reconduisait
à Turin.
" Vous avez une si grande charitê, M. le Théologien : j'ai donc cer-
tainement mérité I'opinion défavorable que vous avez de moi, en
me faisant clairement comprendre que je veux empêcher
l'enseignement de la doctrine qui se fait le dimanche aux
garçons et les sollicitudes qu'on a pour eux pendant la
semaine. Je crois l'æuvre excellente en soi et digne des
personnes qui I'ont entreprise ; mais je crois d'une part que
la santé de D. Bosco ne lui perrnet pas de continuer, et
d'autre part je crois que le rassemblement de ces garçons, qui

48.9 Page 479

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465
avant attendaient leur Directeur à la porte du Refuge et à pré-
sent l'attendent à la porte du Petit Hospice, n'est pas convena-
ble.
" Sans parler de tout ce qui s'est produit dans le passé, et à pro-
pos de quoi le T[rès] Rév[érend] M. Durando a été entièrement
de mon avis, je parlerai seulement de ce qui s'est produit hier
encore. Je fus avertie par la Supérieure du Petit Hospice que
s'était introduite, avec la famille d'une malade, une fille de mau-
vaise vie, sortie de mauvaise grâce, comme nous disons, du
Refuge : y venait aussi avec elle la mère d'une fillette du Petit
Refuge ; cette fillette avait étê enlevée à sa mère sur le conseil
du Curé de Notre-Dame de l'Annonciation. Elles furent toutes les
deux invitées par moi à s'en aller.
" Quelques instants auparavant, j'avais trouvé à la porte du Petit
Hospice une escouade de garçons et, comme je leur demandais
ce qu'ils faisaient là, ils me répondirent qu'ils attendaient D. Bos-
co. Parmi eux il y en avait quelques-uns plutôt grands. Donc
cette fille de mauvaise vie et cette dame éconduite du Petit
Hospice, qui étaient très mécontentes, sont passées au milieu de
ces garçons. Et si cette femme avait touché un mot de son
métier aux disciples de D. Bosco ?
" Pour résumer : 1o J'exprime mon approbation et mes louanges
pour l'æuvre de I'instruction [donnée] aux garçons, mais je trouve
une source possible de dangers dans le rassemblement aux por-
tes de mes établissements en raison de la nature des personnes
qui s'y trouvent. 2o Comme je crois en conscience que les pou-
mons de Don Bosco ont besoin d'un repos absolu, je ne conti-
nuerai pas [a lui donner] le petit salaire, qu'il veut bien accepter
de ma part, excepté dans le cas, et c'est la condition, il s'é-
loignerait suffisamment de Turin, pour ne pas avoir I'occasion de
nuire gravement à sa santé ; celle-ci me tient d'autant plus à
cæur que j'ai de l'estime pour lui.
" Je sais, Très Rév[erend] M. le Théologien, que nous ne sommes
pas du même avis sur ces points : si je n'écoutais pas la voix de

48.10 Page 480

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466
ma conscience, je serai prête comme d'habitude à me soumettre
à votre décision.
" Je Vous renouvelle le témoignage de I'inaltérable vénération et
du profond respect avec lesquels j'ai l'honneur d'être
" De V[otre] S[eigneurie] Ill[ustrissi]me et R[évérendissi]me
18 Mai 1846.
Très dévouée servante
MARQUISE BAROLO lzée COLBERT ".
Cette lettre révèle la fermeté, mais également la grande
charité de son noble cæur. C'est pourquoi elle ne se retint pas
d'aller rendre visite à D. Bosco un jour il était occupé à dif-
férents travaux dans la nouvelle chapelle-|rangar. A ce moment-là
D. Bosco n'avait aucune pièce pour lui dans la maison Pinardi,
car le bail d'aucun des locataires n'avait encore touché à son ter-
me. La Marquise observa cette masure, entra dans cette espèce
de garage; elle contempla pendant un instant I'endroit pauvre et
incommode ; et ne sachant rien du caractère céleste de la mis-
sion de D. Bosco, elle jugea que c'était le caprice et même l'es-
prit de contradiction qui le faisaient refuser ses offres généreuses
pour se créer une situation aussi misérable. D. Bosco, averti de
son arrivée, s'était porté à sa rencontre et, dès qu'elle le vit, la
Marquise commença à lui dire sans cérémonie :
tenant qu'est-ce que Vous pourrez faire ici si je
n- e
Et main-
Vous aide
pas ? Vous n'ayez pas un sou ! Je le sais ! Et malgré cela ne
voulez-vous pas vous rendre à mes propositions ? Tant pis pour
vous ! Réfléchissez bien avant de décider ; il s'agit de tout votre
avenir !
Ce fut une singulière opposition entre D. Bosco et la
Marquise Barolo. Il avait accepté comme transitoire la charge
d'Aumônier et Directeur [spirituel] au Petit Hospice. Avec les
jeunes filles il exerçait le ministère sacré uniquement par devoir et

49 Pages 481-490

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49.1 Page 481

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467
pour un motif de charité, tandis qu'envers les jeunes garçons il
éprouvait en outre un saint penchant inspiré par la grâce Divine.
C'est pourquoi, malgré les grands attraits de son emploi actuel qui
lui offrait bien-être, honneurs et avantages matériels pour toute la
vie, il préfêrait cependant pour lui la pauvreté évangélique de sa
vocation, disant au Seigneur : Incline mon cæur vers les
exigences de ta toi et non vers l'amour des richesses (1). Et ne
le détournait pas de sa résolution la certitude de perdre la fa-
veur et la bienveillance de celle qui était très généreuse envers
toute æuvre de charité. Donc inébranlable dans sa décision, il se
montrait froid en face des insistances de la noble Dame ;
impassible devant ses remontrances. Prompt, comme nous le
verrons, à rendre service aux æuvres [qu'elle dirigeait], il ne se
serait jamais plié à lui demander un secours qui fût à même de
le lier par la gratitude, au détriment de son Oratoire. La
Marquise de son côté, obstinée en ce qu'elle croyait être
bien, ne pouvait pardonner à D. Bosco, tout en estimant la
vertu de ce dernier, de vouloir quitter ses Institutions. Elle
voyait par s'évanouir le cher projet de former une sorte
de Congrégation de prêtres, auxquels elle aurait confié ses
établissements : ils devraient maintenir l'esprit de la fondation ;
tandis qu'en D. Bosco elle avait pressenti les qualités néces-
saires pour réaliser, comme Directeur, ce désir qui la tenait.
C'est pourquoi, si puissante grâce à I'appui du Roi et de toutes
les autorités, grâce à ses richesses, grâce à la noblesse de
sa famille, grâce à la popularité que lui avait acquise ses
bonnes ceuvres, elle ne pouvait pas ne pas se vexer de la
résistance inexpugnable de D. Bosco. Ses familiers s'en é-
taient facilement aperçus, et elle-même confiait son ressentiment
aux personnes amies qui venaient lui rendre visite. Ainsi l'af-
faire parvenant peu à peu à la connaissance d'un grand nombre
(1) Ps 119,36 [D'après la Vulgate]

49.2 Page 482

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468
mettait tous les atouts dans le jeu de D. Bosco, qui voulait que
son honneur demeurât sans tache. Le renvoi inattendu du Refuge
pouvait faire naître qui sait quels soupçons sur son compte, dans
le cas les gens n'en connaîtraient pas, avec des preuves ab-
solues, le véritable motif. Il n'oubliait pas I'avertissement des
Livres Saints : " Tiens compte de la bonne réputation ". Et c'était
la raison de certaines de ses façons d'agir, de certaines de ses
idées et, je dirai presque, de ses réponses provocantes, afin que
de la bouche même de la Marquise on entendît le mot de justi-
fication personnelle.
En effet, il continuait à lui rendre visite, mais on em-
ployait réciproquement des manières diplomatiques. La Marquise
lui parlait avec hauteur et D. Bosco lui répondait avec gravité.
Parfois se produisirent des scènes assez ridicules. La Marquise
avec grand calme, mais avec un sourire quelque peu sardonique,
lui disait
vez dans
dès qu'elle entrait dans
la misère, n'est-ce pas ?
le
salon
:
-
Vous vous trou-
- Oh non,
tude grave et
répondait
réservée ;
D.
je
Bosco, avec affabilité mais dans une atti-
ne suis pas venu vous parler d'argent ;
je connais déjà vos intentions et je ne veux pas vous déranger
avec de telles insistances. D'autant plus que je n'ai besoin de
rien... et si vous me permettez on mot, que j'ajoute sans inten-
tion de vous offenser... je n'ai pas non plus besoin de Vous,
madame la Marquise !
vo--treEMahor,gi,eonuatijo:?uctraeêpipteliDnqdu. aaBnitot-sejcleloe,p;jeeyuoxvyoveuozsulceserltéeordgtieruee!,iljlteeaunnxdei!svqeuuex
pas
me
de
sa-
chant contraint par la nécessité, vous ne bougez même pas le
petit doigt pour me secourir, moi, je suis d'un tout autre esprit à
votre égard. Je peux vous le dire, faisant une supposition inad-
missible, si madame la Marquise tombait dans la misère et avait
besoin de moi, j'irais jusqu'à m'enlever le manteau des épaules et
le pain de la bouche pour la secourir.

49.3 Page 483

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469
La Dame resta pendant un instant embarrassée mais, re-
pqrueenaVnot ussonhcalabrietuzeallevevcivoascteitént,aetilolendnite: p-as
Je le
avoir
sais, je le
besoin de
sais
moi
et que vous ne voulez pas de mes largesses ! Le Chan. Cottolengo,
Iui aussi, faisait de même : mon argent, il n'en voulait pas.
Et la bonne Patricienne bourrue en apparence tint son irré-
vocable parole, savoir] qu'elle ne donnerait plus d'aumône à D. Bos-
co en mains propres ; mais ce n'était pas son intention de refuser tout
secours à l'Oratoire. Elle lui faisait donc, de façon secrète, remettre de
temps en temps une somme, mais en interdisant à ses messagers de
révéler le nom de la bienfaitrice. En effet, sur un registre autographe,
où le Théol. Borel conservait le souvenir des aumônes reçues pour
l'Oratoire, le 17 mai 1847 il note que la Marquise a donné par l'in-
termédiaire de D. Cafasso 810 lires pour la célébration de quelques
messes ; et en juin de la même année, qu'elle a prêté à l'Oratoire les
tapis du Refuge pour la fête de St Jean. Puis en juin 1851 il enregistre
50 autres lires que lui a données la Marquise elle-même. Ces dons gé-
néreux étaient remis à D. Bosco par le Théologien, tandis que d'au-
tres, mais à ce qu'il semble pas trop fréquents, lui furent probablement
présentés de la main à la main par des persones différentes, et qu'il ne
voyait pas d'ordinaire. Qui connut le caractère et les habitudes de cet-
te noble Dame affirme que cela ne peut s'être déroulé autrement.
Nous ajouterons en outre que la Marquise était une da-
me d'une insigne piété et au fond sincèrement humble, malgré son
caractère vif. En conséquence lorsque D. Bosco, étant allé lui rendre
visite, prenait congê, elle se mettait toujours à genoux demandant à
être bénie. Tel est le témoignage de D. Giacomelli qui ajoutait avec la
simplicité des bonnes
comme ça avec moi.
âmes
:
-
Elle n'avait pas l,habitude de faire
Entre-temps vers la fin du mois de mai, D. Bosco s'in-
quiétait de [savoir] comment se procurer le logement, devant en août

49.4 Page 484

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470
déménager du Petit Hospice. I1 était également préoccupé pour
Ie nouveau genre de vie auquel il devait s'accoutumer. Dans les
écoles, au séminaire, en paroisse, au Convitto, au Refuge il s'é-
tait toujours trouvé en famille et dorénavant il serait seul.
Cependant il savait élever le regard vers Marie, et de cette Mère
céleste il avait toujours obtenu opportunément des secours et des
grâces.
Il ne tarda donc pas à prendre une dêcision. Depuis le
moment il occupa le hangar transformé en chapelle, sa pre-
mière idée fut de s'établir dans cette maison, en se libérant des
dangereux voisins, car la maison Pinardi était aussi un lieu d'in-
famie et de désordre. Si la volonté du Seigneur ne s'était pas clai-
rement manifestée, D. Bosco aurait mérité d'être condamné pour
imprudence solennelle. Cependant il se mit tout de suite à l'æuvre.
C'était une question de temps et d'argent. Quant au temps, cela
demandait la patience ; quant à I'argent, il ne fallait pas regarder
aux sacrifices. Il était nécessaire de faire déloger ces gens peu
honorables, en rendant impossible leur retour.
M. Pinardi avait loué à Pancrace Soave toute la partie
de sa maison affectée à I'habitation, composée de onze pièces, cinq
à l'étage supérieur, avec les combles, et six au rez-de-chaussée ;
et ce dernier, une fois retenues quelques pièces pour la ia-
brication de I'amidon et pour son logement, avait cédé les autres
en sous-location. D. Bosco entama des négociations avec Soave.
Au fur et à mesure que les différents locataires terminaient leurs
locations, ou bien s'en allaient, il cherchait à entrer en pos-
session de leurs pièces, en payant pour elles comme loyer au
moins le double de leur valeur. Le 5 juin il prenait en location
trois salles contiguës de l'étage supérieur du côté ouest, à rai-
son de cinq lires chacune par mois ; et la durée du contrat é-
tait fixée du ler juillet 1846 jusqu'au 1er janvier 1849. Il se
contentait d'en recevoir les clefs, sans s'en servir ni y mettre les

49.5 Page 485

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471
pieds. A Soave ces contrats convenaient, mais il disait souvent
Dà .-DB.oPBsoocsuocro;le;ilm- yomÿesennnsat 7cpeheaunb'eietesttr
ces pièces !
pas nécessaire, répondait
elles ne me suffisent pas
toujours
: je les
habiterai quand je pourrai occuper
très noble était donc de ne pas
tcoouhteasbiltaermaaviseocnd!e-s
Son but
personnes
suspectes, et de ne pas exposer à des racontars sa dignité de
prêtre.

49.6 Page 486

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472
CHAPITRE L
pPLtae'i(tceEiotinoInoXnslodd-geeueMjLogeIitesralFipeprrnaonu-rserosnlMepi eoonturodtruedvleeDea.PuGBaPropésaegcpoo-eir-e-FXLVaPnIréSut-adiqienunteEetseledcmectiairoVcnnoiiùfne.dsse--
Sur I'horizon politique commençaient à apparaître quelques
nuages. Aux premiers jours de mai 1846 sortait à Paris dans la
Revue mensuelle la publication du Comte Camille Cavour : Des
chemins de fer en ltalie. On y exposait non pas tant le bien
physique du pays à cause du commerce, résultant des nouveaux
chemins de fer qui raccourcissaient les distances, que le bien
moral de toute l'ltalie. Après cet [ouvrage] beaucoup d'autres livres
furent imprimés dans le Piémont,'pour créer une opinion populaire
favorable au parti libéral. En tous l'idée dominante était la recon-
quête pour se rendre indépendant de l'étranger, et en aucun on ne
soutenait la destruction du pouvoir temporel des Papes. Ce demier
[objectif], on faisait pourtant Ie væu [d'aider à le réaliser], væu juré
dans les ventes du carbonarisme et soigneusement caché, pour ne
pas effrayer les consciences du peuple catholique.
Entre-temps pour pousser Charles-Albert vers la réali-
sation des objectifs convoités on cherchait une occasion, lorsque vint
I'offrir le Gouvernement autrichien lui-même. Les Ministres du Roi
avaient depuis deux ans permis aux Tessinois de se fournir en sel

49.7 Page 487

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473
étranger dans les ports de Gênes et de Marseille, et de le trans-
porter vers leur pays en passant par le Piémont. L'Autriche avait
aussitôt fait des réclamations, alléguant certains de ses droits de
douane, que le Piémont ne voulut pas reconnaître ; Iongue fut la
querelle. Finalement, voyant qu'elle ne pouvait pas gagner, puisque
ses prétentions étaient sans fondement, par vengeance, le 20 avril de
cette année 1846, I'Autriche augmenta de plus du double les taxes sur
les vins, attirant sur elle la haine des Piémontais en raison du très
lourd préjudice qu'elle leur causait. Les libéraux prirent un merveil-
leux plaisir à ce différend. Le Roi ayant fait publier au journal
officiel un article fort et net en défense des droits et de I'hon-
neur du royaume, Robert d'Azeglio lui prépara une grande mani-
festation de joie populaire qui devait se tenir, au cri de Vive le
Roi d'Italie, le jour où il avait I'habitude de passer les troupes
en revue. Mais, averti, Charles-Albert ne sortit pas du palais
pour ne pas précipiter les événements. Ce manège ayant raté, on
créa une société vinicole pour le commerce, et on en publia le
manifeste ; après celui-ci vinrent des éloges au Roi, des poésies,
des festivités et des congrès scientifiques, qui devaient servir à
des fins politiques. A Mortara, dans I'assemblée des propriétaires
terriens Laurent Valerio se prenait à dire que, si la fortune sou-
riait à Charles-Albert, il bouterait l'étranger hors d'Italie.
Au milieu d'une telle effervescence paraissait un volume
de 150 pages ayant pour titre : L'(Enologue ltalien, æuvre de D. Bos-
co, dont il ne nous a pas été donné de trouver d,exemplaire,
malgré de longues recherches. En ce livre, après avoir fait
mention de la culture des vignes, des conditions d'une bonne
cave, de la préparation des cuves, des tonneaux et des autres
récipients pour le vin, il enseignait toutes les différentes ma-
nières de produire le vin, le moment de le soutirer, la façon de
le conserver sain, d'empêchei qu'il ne s'aigrisse ou ne prenne
un mauvais goût, à cause de quoi si souvent une pauvre famille
voit tomber à l'eau les fatigues et le revenu d'une année entière.

49.8 Page 488

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474
Il avait commencé cet écrit vers la fin de 1844, presque, disait-il, pour
se donner un délassement, tout en s'occupant du bien-être matériel de
ses compatriotes. Mais D. Bosco n'agissait jamais au hasard, jamais à
contretemps. I avait, semble-t-il, rédigé un premier traité qui s'était
avéré très concis et à présent il le développait avec de plus amples
informations. L'ayant publié, il le diffusait à plusieurs milliers
d'exem- plaires parmi les paysans et en faisait cadeau aux curés, aux
médecins, aux maires qu'il connaissait ; de sa propre main il le
donnait à Turin à quelques-uns de ceux qui se proclamaient les
champions des libertés populaires, et il n'oubliait pas d'en faire hom-
mage à certains membres plus influents des différents Congrès*.
Il ne s'était pas mêlé de politique, mais avec ce livre il faisait
siennes les idées et les aspirations du peuple en ce qui concer-
nait sa prospêrité. Partout on parlait de commerce et de droits
au sujet du vin; donc avecl'(Enologue D. Bosco se montrait, ce
qu'il était, un homme qui aimait ses concitoyens, un défenseur
du progrès et de la civilisation ; et il gagnait la sympathie de
beaucoup de personnes, dont il lui importait de s'assurer l'appui.
En attendant, les agitations politiques commençaient et au
milieu de tout cela, D. Bosco pensait sans cesse au Pape et parlait de
lui fréquemment aux jeunes de son Oratoire qui, au mois de juin de
cette même année, eurent I'occasion de montrer combien ils portaient
de vénération et d'affection au Chef visible de I'Eglise de Jésus Christ.
Dans les premiers jours du mois en question une douloureuse nouvel-
le se répandit à Turin, bientôt confirmée par le son lugubre de toutes
les cloches qui produisait en chaque cæur bien né une grande émo-
tion. Etait mort à Rome le Pape Grégoire XVI à l'âge de 80 ans, attris-
par les continuelles rébellions de sujets colrompus par les sectes et
par la prévision de moments très tristes. Le dimanche suivant D. Bos-
co, parlant auxjeunes du Pape défunt, dit [quelques mots] de son esprit
* Congrès : association constituée dans I'esprit des comices agricoles.

49.9 Page 489

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475
qui ne se laissait pas abattre, et il fit remarquer la lourde perte
que sa mort causait à I'Eglise, notamment en ces temps. Dans la
même circonstance, entre autres choses, il rappela la belle mar-
que de bienveillance qu'il leur avait donnée I'année précédente :
en effet, à sa simple demande faite par écrit, ce grand Pape
avait eu la bonté d'accorder une Indulgence plénière spéciale, à
gagner à l'article de la mort, à 50 personnes qui, au jugement de
D. Bosco lui-même, étaient parmi les plus zélées et les plus
empressées à prêter leurs services pour le profit spirituel et tem-
porel des jeunes gens. Après avoir ensuite adressé une chaude
exhortation, il les invita à réciter avec lui le Chapelet de la
Bienheureuse Vierge pour le repos de son âme, invitation à
laquelle ils donnèrent de grand cæur leur adhésion.
S'étant acquitté de cette contribution de gratitude envers
le pape défunt, D. Bosco dit que l'Eglise ne pouvant rester sans Chef
visible [chargé] de la gouverner, comme un troupeau ne peut rester
sans berger, il lui en serait donné un autre ; et en attendant il exhorta
les jeunes à prier eux aussi [demandant] que l'Esprit Saint illuminât et
dirigeât les Cardinaux pour élire vite un nouveau Pape ; et ils prièrent
avec une singulière ferveur. Et voici que le 16 de ce même [mois de]
juin 1846 le Cardinal Jean Mas}ai Ferretti, Evêque d'Imola, était
élu : il prenait le nom de Pie IX. Elles aussi les humbles voûtes
de la nouvelle petite chapelle St-François de Sales résonnèrent, peu
après, de I'hymne d'action de grâces à Dieu, qui avait donné en un
temps si court un autre Chef à son Eglise, un autre Père à tous les
fidèles chrétiens : en lui I'Oratoire acquerrait un si grand bienfaiteur.
Le nouveau Pape avait un esprit doux, généreux, mais
ferme, et une bonté de cæur incomparablement grande ; une in-
telligence éveillée, une vaste culture, la parole facile, une solide
et profonde piété, de I'expérience dans les questions politiques, une
très bonne connaissance des manières de procéder des sectes. II
était de notoriété publique que les sentiments naturels envers la patrie

49.10 Page 490

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476
étaient par lui chrétiennement flattés. Ancien prédicateur de mis-
sions à Sinigallia [= Senigallia], Secrétaire du Nonce au Chili, il
aimait beaucoup la Vierge Immaculée, et avait une prédilec-
tion spéciale pour les enfants pauvres, ayant étê Président de
I'Hospice Tata Giovanni [voir * p.481] et de l'Hospice St-Michel.
Il nourrissait donc les mêmes inclinations que D' Bosco, dont il
comprendrait suffisamment bien les idées pour devenir son très
généreux et affectueux protecteur.
A peine monté sur le trône, il publia quelques édits de
réformes administratives et le 17 juillet il accordait un large pardon
à ceux qui étaient en prison ou en exil pour des délits politiques,
c'est-à-dire à plus de mille personnes, toutes convaincues de com-
plot ou de rébellion. A peine proclamée l'amnistie, le cri de vive
Pie IX résonna dans toute l'ltalie et dans le monde entier. Rome
soudainement sembla en proie à un délire de joie, à une orgie
inhabituelle. Manifestations populaires, fêtes, banquets, marches
patriotiques, arcs de triomphe, illuminations, hymnes, musiques,
ovations d'un peuple immense partout le Pape mettait les pieds.
Il recommandait Ia modération comme marque d'obéissance ; mais les
- sectes organisatrices de ces mouvements populaires contenus à
l'intérieur des limites voulues par les meneurs secrets, aidés incons-
ciemment à travers la foi et l'amour par I'immense majorité des vrais
cpaetuhpolleiquseosus-préctoenxttienudaeiengtlopraifrielerulras
intrigues à agiter les masses du
Papauté. Ce fut un tripotage
incroyable pour pousser Pie IX de concessions en concessions, en fai-
sant sans cesse tomber sur son auguste tête des nuées de fleurs.
Les membres des sectes criaient que Pie IX était un Pape libéral,
dans l'espoir que ne serait pas démentie leur calomnie. Des écri-
vains, habitués à insulter la Papauté, à présent portaient jusqu'aux
nues Pie IX. Les principaux joumaux d'Europe applaudissaient à
son amour de ia patrie afin de vaincre la perplexité et les résis-
tances du Roi Charles-Albert. Massimo d'Azeglio écrivait des articles
pour sept journaux, parmi lesquels deux revues, une anglaise et I'autre

50 Pages 491-500

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50.1 Page 491

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477
française, dans lesquels on glorifiait et magnifiait Pie IX comme
espérance d'Italie. On voulait faire croire qu'il était un Pape
semblable à celui qu'avaient dépeint les Instructions des sectes
de 1820. Turin faisait écho à Rome, et l'êlan vers la liberté qui,
proclamait-on de façon mensongère, tirait son origine du Vatican,
se communiquait également au clergé. Les partisans de Mazzini
gardaient le silence, et suppliaient Mazzini de garder le silence
et de laisser le champ libre à Gioberti, à Azeglio, à Mamiani et
à d'autres qui travaillaient à rejoindre le même but que lui, mais
provisoirement pas à travers la république, quoique avec la pré-
paration d'un gouvernement constitutionnel.
Pourtant, malgré son affection et son enthousiasme pour le
Pape, D. Bosco ne se laissa pas tromper par tant de lyrique triviale.
Bien qu'il semblât que les honneurs rendus à Pie IX faisaient partie
des hommages dus àjustetitre à sa divine autorité, à ses vertus,
lui cependant apercevait en eux un gerrne de graves bouleverse-
ments politiques et pernicieux pour l'Eglise. C'est pourquoi il aver-
tissait ses collaborateurs et les jeunes plus avancés [en âge] et plus
judicieux de se tenir sur le qui-vive, de ne pas se laisser abuser
par les bruits qui couraient dans le peuple, mais de rester unis
au Pape et à I'Archevêque, prêts à être respectueux envers leurs
instructions. Egalement Mgr Fransoni, qui, sans doute le premier
parmi les Evêques, entrevoyait le principal motif de ces mani-
festations. I'hypocrisie et les sinistres visées des sectes, ne tarda
pas beaucoup à prémunir avec fermeté ses diocésains, et notam-
ment ses plus intimes, parmi lesquels figurait D. Bosco, [les invitant]
à ne pas se laisser prendre par ces apparences de liberté et
d'amour pour la Papauté. C'est pourquoi s'amplifiait dans certaines
associations le sourd mécontentement contre l'éminent Prélat :
prêt à souffrir n'importe quelle persécution plutôt que de man-
quer à son devoir, avec une admirable sérénité d'esprit, il con-
tinuait à diriger tranquillement son diocèse, pourvoyant avec
sollicitude aux besoins de chacune des paroisses.

50.2 Page 492

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478
En effet, à cette époque, Monseigneur chargeait D. Bosco
d'aller à Viù, dans les vallées de Lanzo, afin d'enquêter sur la
conduite d'une dame : elle avait une certaine manière de vivre
que I'on croyait surnaturelle, et avait reçu pour cette raison le
surnom de Sainte de Viù. Aucune contradiction ne venant de sa
part, le bruit s'était répandu que depuis bien longtemps personne
ne l'avait vue prendre de la nourriture. Des nombreuses aumônes
qu'elle recevait, elle faisait cependant bon usage, venant en aide
aux jeunes filles pauvres et aux petites orphelines. Les gens re-
couraient à elle pour des conseils et pour se recommander à ses
prières.
D. Bosco obéit et, ayant pris des renseignements exacts,
il sut que cette dame était de bonne conduite morale et qu'elle
observait les lois de I'Eglise ; mais il soupçonna qu'en elle al-
laient de pair une grande ignorance et la vanité. Il s'agissait
donc de rechercher la sainteté vantée de sa vie, en la jugeant
sur la pureté de ses intentions ; et sans perdre de temps à
examiner les faits merveilleux qu'on racontait sur elle.
Toujours est-il qu'après avoir accompagné D. Cafasso à
Sant'Ignazio pour la Retraite spirituelle, D. Bosco descendit à Lan-
zo : il prit avec lui son ami, M. Melanotti, cafetier, et alla à Viù.
Parvenu en ce lieu, il se rendit chez le curé et envoya Melanotti
pour annoncer à la sainte son arrivée prochaine, mais en des
termes qui n'indiquaient pas qu'il avait grande hâte de la voir et qu'il
attachait quelque importance à une telle visite. Monsieur Melanotti,
bien instruit sur ce qu'il devait dire et chargé d'observer chacun des
moindres gestes, chacune des moindres paroles de cette femme,
porta le message. La sainte parut peu llattêe par la froide an-
nonce, et d'ailleurs refréna à peine un mouvement d'impatience,
car une bonne heure était passée et son visiteur n'apparaissait pas.
D. Bosco arriva enfin et on le fit entrer pour le présenter à cel-
le qui, entourée par un certain nombre de ses admirateurs, se tenait

50.3 Page 493

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479
assise au milieu d'eux, mais toutefois sur un siège isolé. Elle s'atten-
dait à ce que D. Bosco se présentât à elle avec révérence et avec des
manières courtoises ; mais D. Bosco sans dire un mot, sans la regar-
der, alla s'asseoir auprès de ceux qui faisaient cercle autour d'elle et il
écoutait leurs conversations.
Tout à coup monsieur Melanotti s'adressa à lui et lui dit :
- Voici, D. Bosco, que nous avons la chance d'avoir parmi nous la
Sainte et d'écouter ses enseignements qui sont pleins de sagesse et de
spiritualité.
- Crest tout à fait bien, répondit D. Bosco ; mais je voudrais par-
ler à l'écart avec cette dame, et m'entretenir avec elle pour des affaires
confidentielles et de grande importance.
Déjà irritée par le comportement de D. Bosco et pressen-
tant alors confusément que planait sur elle une menace, la femme se
- mit debout ; avec un aspect et un ton de voix magistraux, elle dit :
J'aime parler en public, et de manière à ce que tous entendent et [que
tous] voient ma façon de me conduire. Je ne cherche pas de sub-
terfuges. Je veux I'est est [le oui oui], le non non du saint Evangile.
pr-étaStioonit,
répliqua D.
de la Sainte
Bosco : je
Ecriture ;
respecte
veuillez
votre maxime et votre inter-
m'entendre un instant, et je
crois pouvoir vous satisfaire avec des informations dont vous serez
pleinement heureuse.
Alors, après un moment d'hésitation, elle sortit de la salle,
invitant D. Bosco à la suivre. Melanotti se posta aussitôt de manière à
pouvoir être têmoin de ce qui se produirait. Quand ils furent parvenus
dans la pièce voisine et tandis que la porte restait ouverte, cette [dame]
attendait ce que D. Bosco voulait lui dire ; et après un peu de silence
: - le bon prêtre commença à voix basse
Depuis combien de temps
faites-vous ce métier de trompeuse, d'hypocrite, de crapule ?
- Comment ? comment ? répondit la femme refrénant à peine la
hargne : nous ne nous comprenons pas !

50.4 Page 494

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480
- Et puisque nous ne nous comprenons pas, je répète ma de-
mande, ajouta tranquillement D. Bosco.
m-e
Moi une hypocrite ! moi une trompeuse
devenue mauvaise comme une vipère.
!
s'écriait
cette
fem-
ne-
Oui, oui, continuait D. Bosco,
orgueilleuse qui, abusant du
vous
nom
êtes une hypocrite,
de Dieu, trompez
u-
les
gens du peuple et les gens du monde avec vos mauvaises sé-
ductions.
vous qui êtes un orgueilleux... cria alors la femme; et,
re-nÇd1u9e5a1veugle, elle allait vomir une infinité d'injures.
Sur-le-champ D. Bosco lui coupa la parole, et souriant lui dit
calmement :
Savez-vous
p-ourqJueoi
n'eus aucune intention
j'ai commencé à vous
de vous offenser.
parler de la ma-
nière que vous ayez entendue ? Rien d'autre ne m'y poussa
sinon le devoir de m'assurer que vous êtiez vraiment sainte,
ou bien que votre genre de vie était une comédie. Mais le
manque absolu que j'ai trouvé en vous de la vertu essen-
tielle et indispensable à ce sujet, c'est-à-dire de la sainte
humilité, m'a pleinement persuadé que votre sainteté n'est
qu'une mauvaise séduction, un métier pervers au moyen du-
quel vous voulez vivre aux dépens d'autrui, et être en mê-
me temps estimée et vênérée par les nigauds qui vous
croient. Et cela je vous le dis au nom de I'Archevêque qui
mce'artaeinnveo,ycée. -quEe tpial rlucoi ndjéevcotuilare,
franchement, comme une chose
il avait deviné avec sa fine
intelligence. Il lui dépeignit également la honte et le préjudice
qui lui en viendraient si, comme c'était très facile, un jour ou
l'autre, quelque incrédule curieux, en l'épiant, avait surpris son
secret.
Aux paroles résolues de D. Bosco cette dame demeura sai-
sie et resta pétrifiée. Elle reconnaissait en lui un homme revêtu d'au-
torité et à cette époque une telle imposture, démasquée, était sévère-
ment punie, même par les lois civiles. Puis après quelques autres mots

50.5 Page 495

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481
pleins de charité dits par D. Bosco, par lesquels il l'exhortait pater-
nellement à mettre en règle sa conscience, à aménager sa vie d'une
manière plus chrétienne et à cesser ces agissements mensongers, elle
: répondit en reconnaissânt sa faute
Je ne croyais pas que V[otre]
- S[eigneurie] était aussi sagace : je Vous remercie de vos conseils qui
seront fidèlement mis en pratique par moi mais, je Vous en conjure,
veuillez taire ce qui s'est passé entre nous ; je promets solennellement
d'arrêter immédiatement mes pratiques.
D. Bosco lui accorda de quitter, sans qu'il lui en vînt de
tort ni de préjudice d'honneur, cette voie dans laquelle inconsidéré-
ment elle s'était engagée et, d'après ce qu'il sut par la suite, cette dame
tint sa promesse. Ayant élu domicile pendant quelque temps dans un
autre village, elle montra qu'elle avait besoin comme tout autre mortel
d'entretenir sa vie par de la nourriture, et de cette façon elle démentit
toute fausse opinion sur son compte. En elle D. Bosco avait reconnu
beaucoup d'ignorance et même de bonne foi, de sorte que pour se-
courir ses jeunes filles elle avait cru permis un moyen qui était
répréhensible. Monseigneur Fransoni eut par D. Bosco des nouvelles
sur I'issue de cette visite : il fut content de voir assagie cette pauvre
dame, désillusionnés les gros naïfs qui s'étaient laissé tromper, et
dans le même temps il se félicita en lui-même de posséder un
Ecclésiastique qui savait si bien remplir son rôle. Ce fait fut raconté
par monsieur Melanotti en personne.
* Hospice Tata Giovanni: Hospice " Papa Jean " ; le prénom du fonda-
teur a servi pour l'appellation de cette æuvre charitable, romaine comme
1'Hospice St-Michel.

50.6 Page 496

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482
CHAPITRE LI
DnLoefufivcseuyasluttéèslmivesruemrmeétotrnsiqeuseedsfdfdiéraecnnimstealsal -érdéistiCoonliursct.iuolnairde'udneprMobglrèmAerti-co
-
Le
Don Bosco cette année-là n'était pas encore las d'écrire et
de faire imprimer. On avait besoin d'un autre livre pour les jeunes
qu'en vain on aurait alors recherché. Dans le Piémont chaque province
et même presque chaque ville employaient des poids et des mesures
différentes : à cause de cela le commerce étail entravé. C'est pourquoi
le Gouvernement, par un Edit Royal du 11 septembre 1845, avait abo-
li tous les anciens poids et les anciennes mesures, pour les remplacer
uniformément dans tout le royaume par de nouveaux poids et de
nouvelles mesures, ayant le mètre pour unité de base. L'Edit devait
entrer en vigueur le 1er janvier 1850.
Afin de préparer les populations à recevoir et à apprécier
cette innovation, le Gouvernement faisait très tôt distribuer, pour tou-
tes les communes, des tableaux synoptiques des nouveaux poids et
des nouvelles mesures, et publier des brochures spéciales à même d'en
offrir une explication claire et facile ; il s'adressait aux maîtres d'école
communale en les invitant à s'appliquer au nouvel enseignement ; il
faisait appel aux syndics pour qu'ils établissent des cours du soir et
des cours du dimanche pour la classe laborieuse et inculte.

50.7 Page 497

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483
Mais avant même que le Gouvernement ne commençât
faire appliquer] ces mesures, ou plutôt dès la sortie de l'Edit, D. Bos-
co se mit au travail écrivant en bon mathématicien un petit livre inti-
tulê : Le système métrique décimal présenté en termes simples, pré-
cédé des quatre premières opérations de l'arithmétique à l'usage
des personnes du monde artisanal et des gens de la campagne, par le
PRETRE BOSCO JEAN. Ici je ne crois pas hors de propos de remar-
quer qu'invariablement au frontispice de ses ouvrages il plaçait avant
son prénom et son nom de famille la qualité de Prêtre, titre qui pour
lui valait n'importe laquelle des plus honorables dignités terrestres.
On peut juger de f importance de son travail à partir d'une
belle lettre circulaire qu'écrivait quelques années plus tard à pro-
pos du système métrique Mgr Philippe Artico, Evêque d'Asti.
" Ne vous étonnez pas, disait-il entre autres choses à ses Curês,
ne vous étonnez pas si I'Evêque publie un avis qui semble con-
cerner davantage l'économie politique que le ministère apostolique.
Dans les paraboles de son Evangile notre divin Maître prit lui
aussi les apparences d'un maître de maison, d'un chef de famil-
le, d'un cultivateur de vigne, d'un roi qui distribue ses talents à
faire valoir, et il prodigua tant d'encouragements même à l'in-
dustrie et au commerce, qu'il condamna le serviteur infidèle qui
ne faisait pas valoir le talent... En plusieurs passages des Saintes
Ecritures vous trouverez prescrites et louées la juste uniformité
des poids et celle des mesures. Et pour vous en citer quelques-uns,
je vous invite à lire dans le Deutéronome: Tu auras un poids in-
tact et exact,
les Proverbes
:eAt btuomaiunraatsionunpeomuersYuraehveént:preoiedtseexatcpteo.id-s
Dans
! une
balance fausse, c'est mal.
pas d'examiner les balances
-et
Dans I'Ecclésiastique :
les poids... (1). Et ne
Ne rougis
croyez pas,
(1) »t zs,ts - - Pr20,23 5i42,4

50.8 Page 498

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484
ô vénérables frères, que s'occuper de telles études et de tels
enseignements, pour instruire les personnes incultes et les sauver
des fraudes, ne convient pas au prêtre, quand il s'acquitte de
tous ses autres devoirs sacrés et rejette de lui-même tout ce en
quoi il pécherait [dans I'exercice] d'un métier profane et [dans la re-
cherche] sordide d'un gain, puisque dans l'Ancien Testament nous
lisons que David avait ordonné aux Lévites de veiller sur tout
ce qu'il y avait à peser et à mesurer... (1) ".
En effet, D. Bosco visait, et ce n'était pas son demier
but, la charité généreuse et affectueuse, et même en certains cas
empreinte d'un devoir de justice, de donner au pauvre peuple
une formation en matière économique et sociale, le sauvant ainsi
des duperies de cruels spéculateurs, qui auraient largement abusé
de son ignorance. Son petit traité, contènu dans quatre-vingts
pages, procédait par questions et réponses. Il présentait ses in-
tentions et la trame de sa composition dans la Notice explicative
suivante : " Les circonstances de l'époque à laquelle nous vivons
mettent chaque individu pour ainsi dire dans la stricte obligation
d'acquérir une connaissance suffisante du système métrique déci-
mal. Système qui, reconnu de grande utilité et d'avantage uni-
versel, fut approuvé par une loi, et sera mis en vigueur dans
nos états en 1850.
" Chacun comprend facilement de combien de manières on peut être
sujet à I'erreur, à la fraude et parfois à un préjudice non lêger dans un
changement presque total de poids et de mesures.
" Dans mon désir de prévenir ces inconvénients et d'être utile, pour
autant que je le peux, à la nécessité publique, j'ai composé le petit
livre que voici, dont le but est de présenter le système métrique dans
les termes les plus simples, de façon à ce qu'une personne peu cul-
tivée puisse le comprendre à la lecture, même sans I'aide du maître.
(l) r cnzt,zs.

50.9 Page 499

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485
" Pour être plus facilement compris, j'ai quelquefois négligé ce
qui est propre au langage arithmétique, tenant absolument à être
entendu et pas plus.
" Les ouvrages des célèbres professeurs Giulio, Milanesio, Bor-
ghino, le traité d'arithmétique publié par un Frère des écoles chré-
tiennes, me servirent de gouveme.
" Pour la connaissance du nouveau système les quatre premières
opérations de I'arithmétique sont de toute nécessité : on les pré-
senta d'abord brièvement dans la manière dont elles pourront
servir de base à toutes les opérations du nouveau système. Sui-
vra un tableau I'on place les mesures et les poids anciens en
face des poids et des mesures qui les remplaceront, avec leur
correspondance réciproque. Appliquant ensuite les quatre opéra-
tions susdites à la nouvelle nomenclature [du système] métrique
décimal on parviendra à l'équivalence réciproque des mesures et
des poids de I'ancien système avec ceux du nouveau par la
simple multiplication.
" Mon but est de présenter au public un résumé simple, clair et
adapté à la capacité de chaque lecteur ; si mes pauvres peines
ne peuvent satisfaire tout le monde, qu'au moins elles soient
dignes d'indulgente compassion. Qu'on fasse un essai de tout et
qu'on retienne ce qui paraît meilleur ".
Jean-Baptiste Paravia, dont les presses typographiques et
le magasin de livres étaient sous les arcades de l'Hôtel de ville,
eut le manuscrit pour le publier et le travail était déjà en
bonne voie vers la fin du printemps. Entre-temps D. Bosco se
trouva en face d'une difficulté de calcul, non prévue. E-
galement le professeur Giulio, mathématicien de valeur et
enseignant à I'Université de Turin, s'attardait ces jours-là en
des études très voisines de celles dans lesquelles s'occupait
alors D. Bosco ; et il en publiait [les résultats] dans une de
ses brochures, en en confiant l'édition au même Paravia. Mais
il avait lui aussi rencontré la difficulté qui arrêtait D. Bosco.

50.10 Page 500

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486
Les deux âuteurs étant déjà avancés dans la correction des
épreuves d'imprimerie, firent suspendre la composition. L'un vou-
lait voir quelle méthode suivait I'autre pour se tirer de cet embarras,
et en attendant ils étudiaient. Il s'agissait de trouver je ne sais quel-
le formule qui rendrait facile la solution d'un problème très com-
pliqué. Le professeur Giulio passait fréquemment à l'imprimerie
pour savoir à quel point en était le travail de D. Bosco, et il
s'impatientait en ronchonnant auprès de l'éditeur. D. Bosco avec
la ténacité qui lui était habituelle lorsqu'il s'était mis en tête de
réussir dans une entreprise, ne se reposait ni le jour ni la nuit:
sans cesse il était à la recherche de cette formule et remplissait,
mais inutilement, des pages et des cahiers avec ses chiffres. Un
beau jour, ayant le cerveau rempli de ses calculs, dont il ne trou-
vait pas la solution, il sort de Turin, franchit le Pô, s'achemine
en montant à travers les collines et va à la villa du Professeur
D. Picco, résolu à y rester en dehors de tout dérangement, tant
qu'il n'aurait pas atteint son but. Ayant demandé une pièce à l'é-
cart, il s'y enferme, fait fonctionner son imagination et travaille
comme un fou pendant plusieurs jours. Son esprit était fatigué
outre mesure, mais souvent il s'élevait vers Dieu demandant les
lumières nécessaires. D. Picco cherchait à le persuader de ne pas
vouloir se rompre la tête avec ce problème, mais il persistait.
Finalement, comme un éclair, lui vient à I'esprit une idée. Il fait la
preuve, et voici la formule et le nombre trouvés. Sans plus il
quitte la table de travail, va dans la salle était D. Picco pour
lui faire partager sa joie, et ceux de la famille accourent pour
entendre la grande nouvelle, et pour demander des explications.
-
sens
Oui, je
fatigué
l'ai trouvée,
et convulsê
s'écriait
au point
D.
de
Bosco ;
ne pas
mais à présent je me
pouvoir parler: voilà
déjà plusieurs jours que je ne me repose plus ; je vous expli-
querai
rie,
l'affaire une autre
les pages étaient
fois.
déjà
- Et il
presque
descend en hâte à
toutes composées
I'imprime-
et on n'at-
tendait que ce nombre pour compléter I'ouvrage et mettre en ma-
chine. A peine publié le petit livre de D. Bosco, le professeur Giulio

51 Pages 501-510

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51.1 Page 501

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487
qui avait approuvé cette formule, la fit sienne et conclut son traité.
Le nouveau travail de D. Bosco s'était révélé digne de lou-
anges pour sa simplicité, son caractère populaire et sa précision. On
en avait tiré des milliers d'exemplaires à seulement 10 centimes la
copie. Ainsi grâce à lui le système métrique commença à être reçu
favorablement, devint d'un jour à I'autre de plus en plus facile ;
un très grand nombre de gens du peuple purent en peu de temps
l'employer et tant de personnes pauvres furent protégées des griffes
des escrocs et des spécialistes de I'embrouille. En plus de ces avanta-
ges il visait directement le bien prêsent et le bien futur de son insti-
tution, car en aidant sur ce point à l'accomplissement des projets du
Gouvernement, il se le rendait favorable et ce que I'on craignait chez
les malveillants demeurait inoffensif. L'Abbé Aporti, les autorités et
les enseignants accueillirent ce traité avec de grands éloges. Plus tard
I'Unità Cattolica Ie déclara le plus approprié pour les classes pri-
maires et le premier de ce genre que l'on ait publié dans le Piémont.
Il était également important pour tenir en règle les affai-
res matérielles de sorte que I'ordre d'une comptabilité soit la sauvegar-
de de la justice ; et c'était ce que D. Bosco faisait avec une totale pré-
cision et qu'il voulait que fissent ses amis, pour obéir aux avertisse-
ments de I'Ecclésiastique : " Aie honte de ne pas tenir en toute clarté
le livre de ce que tu donnes et de ce que tu as (1). Là où il y a beau-
coup de mains fais usage des clefs et toutes les choses que tu don-
neras compte-les et pèse-les et écris sur un livre ce que tu donnes et
ce que tu reçois (2) ".
Pourtant D. Bosco ne se contenta pas de l,heureuse réussite
de cette première édition, mais, comme d'ailleurs il fit pour tous ses
(1) Si at,zO-21 [D'après la Vulgate].
(2) Si qZ,A-l [D'après la Vulgate].

51.2 Page 502

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488
autres livres, il se pencha de nouveau sur elle, la recorrigeant avec
une admirable patience. Tous ses manuscrits et les épreuves de
multiples êditions, par ex. de I'Histoire de l'Eglise, ou [de l'Histoire]
Sainte etc., on les voit couverts de suffisamment de ratures et
d'ajouts pour en rendre bien difficile la lecture.
lci nous anticipons un aperçu des éditions sur le système
métrique, postérieures à 1846, soit pour ne plus avoir à revenir sur ce
sujet, soit parce que les demières réimpressions nous donnent une
idée plus complète de l'entier projet de D. Bosco. Donc en 1849 il en
publiait une deuxième édition, améliorée et augmentée de plusieurs
choses, suggérées par la pratique et iugées nécessaires, comme on lit
dans la préflace, visant en elle non seulement I'instruction des gens de
la campagne, mais plus spécialement celle des classes primaires. Dans
cette [édition], comme dans la première, il présentait en appendice la
comparaison entre les monnaies des différents états d'Europe et de
ceux de toute I'Italie avec la lire neuve [au piemont] ou franc.
Bien des années plus tard il entreprenait une troisième
édition, non seulement en ordonnant son travail de sorte qu'il suffît à
satisfaire les nouveaux programmes gouvernementaux pour les trois
premières classes primaires, mais [aussi] en ajoutant ce qui était né-
cessaire pour compléter l'étude de I'arithmétique, avec la définition
des figures géométriques plus importantes. Il lui donnait pour titre :
L'Arithmétique et le système métrique décimal présentés en termes
simples, pour les classes primaires, avec la comparaison des prix et
des mesures anciennes dans le fsystèmeJ métrique décimal.
Ces modifications demandaient une nouvelle prêface, et
nous la reportons ici afin qu'également à nous-mêmes et à nos
écrivains elle serve d'exemple pour apposer le saint nom de Dieu
en tête de nos écrits, quelle que soit la matière scientifique dont
ils traitent.
fois publié
" Au
était
bienveillant
très répandu
lecteur.
; mais
- Ce petit traité plusieurs
tandis qu'étaient épuisées les

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489
diverses éditions, on ne s'occupa plus de sa réimpression. C'est au-
jourd'hui seulement, sur l'invitation de nombreux personnages in-
fluents, qu'il est réimprimé pour servir commodément aux écoles de
campagne, aux personnes du monde artisanal et en général à I'usage
du cours primaire aux termes des programmes gouvernementaux pour
I'instruction publique.
" Comme beaucoup firent leurs études avant que ne fût en vi-
gueur le nouveâu système et que d'autres, pour des raisons de com-
merce ou d'emploi dans le secteur public, doivent avoir connaissance
de I'un et de l'autre systèmes ; ainsi au moyen de tables de compa-
raison chacun peut d'un coup d'æil connaître les correspondances des
anciens poids et mesures avec les nouveaux d'Italie.
" Ensuite qui désirerait faire ces opérations d'une manière raisonnée,
trouvera aussi les nombres fixes pour [avoir] l'équivalence autant des
poids et des mesures que des prix respectifs.
" Mon but fut d'être bref, clair et d'être utile aux enfants du peu-
ple. Si j'y suis parvenu, qu'on en rende gloire au Donneur de tous les
biens ; si ce n'est pas le cas, je prie le lecteur de vouloir apprécier ma
bonne volonté et de m'accorder sa compassion. Ayez tous une vie
heureuse ".
De ce demier livre on a fait, du vivant de D. Bosco, la
huitième édition avec l'écoulement de plus de vingt-huit mille exem-
plaires.

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490
CHAPITRE LII
pAeimtéocuerlldepeodsuejreSulant epJseeatpinteo-BuéagrpltiDsiset.edB-eoVsMacldaoolacdcoieG-muéoLrriatseoflêlnete--
de St Louis
Amour et
Fête tès
cordiale.
lnépuisoble semblait l'activité de D. Bosco. Il ne prenait
pas un instant de repos, et si parfois son corps paraissait s'arrêter à
cause des fatigues, plus vivement se mettaient en mouvement depuis
son âme les facultés qui projetaient I'exécution de bonnes ceuvres sans
cesse nouvelles. L'unique réconfort qu'il s'accordait était de décorer sa
petite église. Des souvenirs laissés par le Théologien Borel on retire
que D. Bosco s'efforçait de rendre plus élégant I'autel de bois qui y
avait étê transporté depuis la première chapelle du Petit Hospice et le
garnissait d'un nouveau devant d'autel, de vases de fleurs, d'une belle
lampe en verre, et qu'il disposait aux petites fenêtres des rideaux de
toile rouge. Il y ajoutait l'acquisition nouvelle de 24 bancs et deux
prie-Dieu, et pour la sacristie celle de deux bancs, et il se procurait
tout ce qui était nécessaire pour la plus grande dignité de la célébra-
tion de la Messe et de la bénédiction du Saint Sacrement. En outre,
pour attirer de plus en plus les jeunes à accourir aux cérémonies
sacrées, il faisait I'achat de médailles, de crucifix, de chapelets, d'ima-
ges, de livres de piété, mais notamment de catéchismes qu'il distri-
buait en grande quantité.

51.5 Page 505

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491
Et les jeunes ne laissaient pas ses projets sans réponse :
par centaines ils couraient se confesser à lui, qui les écoutait pendant
des heures et des heures immobile, serein, très affectueux. Les gens
qui les connaissaient pour ce qu'ils avaient étê, s'étonnaient en re-
marquant le changement dans leur conduite, car en peu de temps ils
devenaient d'honnêtes et pieux ouvriers respectueux des bonnes
mæurs. Surtout apparaissait brillamment leur foi. Ceux qui tombaient
gravement malades le voulaient près de leur lit pour être par lui
consolés dans les derniers moments. Suivant leur exemple, faisaient
de même d'autres personnes qui lui étaient étrangères, I'obligeant à se
rendre souvent à I'intérieur de la ville.
Entre-temps on avait célébré la fête de St Louis. Mais
quelle différence entre cette fête et celle de St François de Sales dans
la même année ! D. Gattino, curé du Faubourg de la Doire dans la
région duquel se trouve I'Oratoire, invité à chanter la messe solennel-
le, ne pouvait pas prêter ses services, et il répondait au Théol. Borel.
" Ayant un dérangement de santé qui m'empêche de rester à jeun
à une heure tardive de la matinée je dois à regret vous remer-
cier en vous priant de me dispenser de cette cérémonie, et c'est
pourquoi, si V[otre] Sleigneurie] n'avait pas pour cela reçu l'autori-
sation de Son Exc[ellence] Rév[érendissi]me Mons[eigneur] notre très
vénéré Arc[hevêque1, je délègue votre personne ou qui vous croirez
pour me représenter en un tel jour ". Par cette invitation D. Bosco
avait voulu rendre l'hommage à I'autorité de son curé.
Après Ia fête de St Louis on célébra solennellement celle
de St Jean-Baptiste. A D. Bosco avait êtê donné au baptême le
prénom de St Jean I'apôtre ; mais comme à Turin la fête du Pré-
curseur de Jésus Christ était très populaire et marquée d'honneur
par un grand feu de joie et par des salves tirées par les troupes
disposées en rangs, ainsi les jeunes commencèrent à acclamer et ap-
plaudir et à lui offrir des fleurs en ce jour, croyant qu'il était celui
de sa fête. D. Bosco laissa faire, et on continua de la sorte pendant

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492
tout le cours de sa vie. Ces deux fêtes furent donc belles à I'O-
ratoire, tout comme le cæur de D. Bosco les désirait, c'est-à-dire
avec un très grand nombre de communions. Chaque jeune avait
reçu de lui en cadeau le petit livre des Dimanches et de Ia neu-
vaine de St Louis, et il apparaît clairement dans les notes du
Théologien Borel qu'ils furent bien six cent cinquante.
D. Bosco trouvait du temps pour tout, mais les forces
d'un homme ont des limites. Un dimanche après la catastrophi-
que fatigue de I'Oratoire, revenu dans son logement au Refuge,
il fut surpris par une défaillance et il lui fallut se mettre au lit.
La maladie trouva bien vite son explication dans une bronchite,
avec toux violente et sérieuse inflammation. En huit jours le
pauvre D. Bosco fut réduit à la dernière extrémité, comme en
fin de vie. Il se confessa. C'était dimanche : le théologien Borel
se rendit à l'Oratoire et conduisit plusieurs jeunes pour accom-
pagner le très saint viatique qui fut apporté de la chapelle du
Petit Hospice. Ces pauvres jeunes portant le luminaire pleuraient
à faire pitié. Que sonnât sa dernière heure, c'était ce que D. Bos-
co, résigné et calme, attendait, et plus rien d'autre. En fut tout
de suite avertie sa mère, qui accourut à Turin pour I'assister en
compagnie de son fils Joseph. Le mal ne laissait plus d'espoir et
le malade reçut I'Onction de l'huile sainte. Le théologien Borel,
qui lui prêtait une assistance assidue et affectueuse, le considé-
rait déjà comme perdu et en pleurait à chaudes larmes. En at-
tendant il prit des dispositions pour qu'on fît de nombreuses
prières dans les Institutions de la Marquise Barolo, dans celles
de la ville et à I'Oratoire.
Faisant allusion à cette maladie, D. Bosco laissa par écrit
les mots suivants : " Il me semblait qu'à ce moment-là j'étais préparé à
mourir ; j'étais désolé d'abandonner mes jeunes gens ; mais j'étais
content de terminer mes jours, sûr que l'Oratoire avait désormais une
forme stable ". Son assurance provenait du fait qu'il était certain que

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493
l'Oratoire était voulu et fondé par Dieu et par Notre-Dame : il
était, lui, un simple instrument, et même inutile, car Dieu trouve-
rait mille autres meilleurs que lui pour le remplacer ; le thêolo-
gien Borel était prêt à n'importe quel sacrifice plutôt que d'aban-
donner cette entreprise.
Dès le début de la semaine, s'étant rêpandue la funeste
nouvelle de cette maladie, se produisit chez les jeunes de I'Ora-
toire une douleur, une angoisse indescriptibles. Quelques-uns des
plus grands demandèrent à être acceptés comme infirmiers, et ils
le furent, et ils lui prêtèrent une assistance continuelle, se re-
layant à tour de rôle jour et nuit, et lui donnant un extraor-
dinaire témoignage d'affection. A chaque heure des groupes de
garçons se trouvaient à la porte de la chambre du malade pour
en avoir des informations. Non satisfaits des paroles, les uns
voulaient le voir, les autres lui parler, d'autres encore le servir et
I'assister. Le médecin avait interdit I'accès aux personnes étrangè-
res, et c'est pourquoi I'infirmier leur refusait I'entrée à eux aussi.
Alors se succédaient des scènes très tendres.
su---ppJoLJeerateisnnrse'aeI'izilde-qémufe'eourinqasuime'piuolaltemsàmepleuuanirrteldeliserre,a,nva'sosasjiqoru,uureatdaietijtemuuanlnenddtrleaouuiitsixiildèè'uimmsnee.e.., et je ne peux
Si D. Bosco savait que je suis ici, il me ferait entrer, disait un au-
- : tre, et puis un autre encore
Faites-moi cette charité, laissez-moi
- entrer ou annoncez-moi.
Mais le garçon de service était inexorable.
-
vous
Votre présence, répondait-il,
lui couperiez le léger fil qui le
lui donnerait trop
tient encore en vie.
d'émotions, et
Et puis, si j'en
laisse entrer un, il faut que j'en laisse entrer d'autres et ensuite
d'autres, et on n'en finirait plus.
A ces mots ces jeunes gens remplis d'amour s'abandonnaient aux
sanglots et faisaient pleurer les gens présents.

51.8 Page 508

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494
- p2uvlgs enfants, s'écriaient les gens. Voyez comme ils I'aiment !
D. Bosco entendait les conversations qu'on tenait avec le domesti-
que et il en était ému. Certains jeunes gens cependant ne vou-
laient pas comprendre qu'ils devaient s'en aller et dans le couloir
proche de la porte ils restaient silencieux, pour voir si une heu-
reuse circonstance leur ferait au moins entendre la voix du Direc-
teur. D. Bosco s'apercevait parfois de leur présence. - Qui est
? demandait-il.
--L'inVDfiiitgremlsie-ieltetriu, rfPadiiso'ealnaitt,reqBru.uezlqzeuettsi,
répondait
difficultés
l'infirmier.
: mais, les
jeunes
étant
peu nombreux à ce moment-là, il consentait et leur accor-
dait I'entrée. Imaginez leur joie et ensuite l'expression de
douleur que prenait leur visage à voir le cher malade dans
cet état. On disait peu de mots, puis certains s'agenouil-
laient, car le but pour lequel ils étaient venus était préci-
sément de se confesser à D. Bosco, et c'est avec difficulté
qu'on pouvait les amener à sortir. Cependant les jeunes lui
manifestaient leur affection non seulement par les larmes,
mais surtout par les actions. Voyant que les remèdes hu-
mains ne laissaient désormais aucune espérance, ils recou-
rurent à ceux du Ciel, avec une ferveur admirable. Divisés
en autant de groupes [qu'il en fallait], ils se relayaient du matin
jusqu'à I'heure la plus tardive [possible] de la soirée au Sanc-
tuaire de Notre-Dame de Consolation, priant Marie de con-
server en vie leur ami et père très aimê. Dans ce but ils
allumaient des lumignons devant I'Image miraculeuse, écoutaient
des Messes, faisaient des Communions. Le soir ils ne se
mettaient pas au lit sans faire une prière spéciale pour le
pauvre D. Bosco, invitant ceux de la famille à s'unir à eux :
certains veillaient en oraison toute la nuit. Quelques-uns
allèrent si loin qu'ils firent væu de réciter le Rosaire tout entier
pendant un mois, d'autres pendant un an, beaucoup pendant
toute la vie. Plusieurs jeûnèrent ces jours-là au pain et à I'eau,

51.9 Page 509

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495
et promirent de jeûner pendant des mois et des années, si Marie
redonnait la santé à leur cher D. Bosco. Nous avons su, en effet,
que divers garçons maçons, en vertu de leurs væux, jeûnèrent ri-
goureusement plusieurs jours, sans ralentir aucunement leurs pe-
sants travaux ; et au moment du repos de midi ils allaient en hâ-
te prier dans une église devant le Saint Sacrement. Et maintenant
qu'en sera-t-il de tant de prières et de tant de bonnes actions ?
C'était au mois de juillet, un samedi, jour dédié à l'Auguste
Mère de Dieu. Prières, communions, mortifications avaient été ac-
complies en très grand nombre ; mais malgré cela, le soir venu, au-
cune lueur d'espoir ne brillait [pour indiquer] que le Ciel voulait les
entendre. Le pauvre malade avait vu son état s'aggraver tellement que
les personnes présentes estimaient qu'il mourrait durant la nuit.
De cet avis étaient aussi les médecins, venus en consultation. Pour sa
part D. Bosco, se sentant tout à fait dépourvu de forces et perdant
sans cesse du sang, avait déjà fait à Dieu le sacrifice de sa vie,
et ne pensait plus à rien d'autre qu'à rendre l'âme entre les mains
de son divin Auteur. En ces suprêmes instants, tandis que les autres
pleuraient, lui, I'air tranquille et serein, leur donnait du courage ;
parfois il disait de saintes plaisanteries, qui finissaient par consoler
chacun et faire désirer d'être à sa place.
Mais sera-t-il donc exact que la faux de la mort doive
couper [te rl a'] une vie si chère, et ouvrir dans les cæurs inno-
cents de tant
compatissante
d'enfants une
n'abandonnera
ppalsaiteanctrudeellepa?uv-res
Non ;
jeunes
la Vierge
gens, qui
ont placé en Elle toute leur confiance. Elle se laissa attendrir
par leurs larmes, accueillit leurs prières, leurs væux, les présenta
devant le trône de Dieu, et obtint la grâce impatiemment at-
tendue : en somme Marie se montra Mère vraiment affectueuse
et consolatrice. Grâce à sa maternelle bonté et grâce à la misé-
ricorde de Dieu, la nuit, qui selon les calculs humains devait
marquer la fin de la vie du Directeur et Père de tant de jeunes,

51.10 Page 510

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496
marqua au contraire la fin de la douleur commune. Vers mi-
nuit le théologien Borel, qui I'assistait pour en recommander
l'âme et en recevoir le dernier soupir, se sentit pris de I'ins-
piration de lui suggérer de faire encore une prière pour sa
guérison.
D. Bosco gardait
ianufsirsmitôttta'te-
Vous
tua ora
le silence.
savez que
Dominum,
I-'EcrLiteureThSéaoinlotegineonuasjoenustaeigpnrees:quIne
et ipse curabit te (l).
Don Bosco répondit : - Laissez Dieu faire sa sainte volon-
tê.
rir-
m-i
;
;
Dites au moins : Seigneur, s'il vous
F-aitemsa-misoliulienpelaviosiur,lamit opnas.cher D.
je vous le demande au nom de
plaît ainsi, faites-moi gué-
Bosco, ajouta le tendre a-
nos. enfants : répétez seu-
lement ces mots, et répêtez-les de tout cæur.
Alors pour le consoler, le malade, d'une voix faible et étouf-
Ien,driiteu; r-emeOnut i,poSuerigtannetu, rc, osm'iml veouils
plaît, faites-moi guérir.
nous le racontait plus tard,
il
avait formulé
ne refuse pas le
sa prière de
travailJ. Si ie
lpaesuoxrtere:nd-resNerovnicerecàuqsouellaqbueosreâmmefJse,
veuillez, ô Seigneur, par I'intercession de votre très sainte Mère,
me redonner toute la quantité de.santé qui ne sera pas contraire
au bien de mon âme.
Toujours est-il que le bon Théologien, ayant entendu l'invocation
de D. Bosco, essuya ses larmes, redonna la sérênité à son visage
et s'écria : Allez, ça sffit ; à présent j'en suis sûr : Vous gué-
rtrez. Il le savait, semblait-il : il ne manquait aux prières des
autres que celle de D. Bosco pour qu'elles fussent pleinement
exaucées ; et il ne se trompa pas. Peu après le malade trouva le
sommeil : il s'en éveilla hors de danger et comme rené à une
vie nouvelle.
(1) Si :S,S [Quand tu es malade, prie le Seigneur et lui-même te guérira]

52 Pages 511-520

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52.1 Page 511

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497
Le matin les deux docteurs Botta et Cafasso viennent
faire une visite avec la crainte de le trouver mort : ayant tâté le
pouls, ils lui
Notre-Dame de
dirent : -
Consolation,
Cher D.
car il y
Bosco,
a bien
allez donc
de quoi.
remercier
Il n'existe pas de plume capable de décrire la consola-
tion, qui inonda le cæur de tout le monde, quand on vint à sa-
voir que D. Bosco allait mieux. L'allégresse fut si grande, que ne
pouvant I'exprimer par la bouche et par les mots, les jeunes la
manifestaient par les yeux et par les larmes. Quel changement
de décor ! La veille c'étaient des larmes de douleur ; le lende-
main, des pleurs de la joie la plus pure. Oh ! vive Dieu ! vive
Marie / criaient-ils avec plein enthousiasme : vive Dieu ! vive
Marie Consolatrice, qui nous a vraiment consolés.
Cette joie et ces vivats se renouvelèrent plus solennel-
lement quand D. Bosco, sa canne à la main, se mit en chemin
pour venir à I'Oratoire. C'était un dimanche après-midi. Ayant été
informés de son intention de leur rendre visite, les jeunes sont
allés le prendre au Refuge. Quelques-uns des plus forts le portèrent
sur une chaise haute ; le reste, certains en arrière, d'autres en
avant et d'autres encore sur le côté, formait un cortège autour de
lui. Les jeunes gens craignaient tellement de lui causer du mal
qu'ils n'osaient presque pas s'approcher de lui. L'émotion était si
vive, que de tous côtés on pleurait, et D. Bosco pleurait avec
eux. Ce fut un spectacle si chaleureux, une fête si cordiale qu'on
peut I'imaginer, mais le décrire c'est impossible. Le Théol. Borel
fit le sermon, au cours duquel, parlant de la grâce obtenue de Dieu
par I'intercession de Marie, il les encouragea tous à mettre sans
cesse leur confiance en Elle et à se montrer reconnaissants à son
égard en fréquentant I'Oratoire. D. Bosco adressa également quel-
ques mots. Entre autres choses il dit : " Je vous remercie des
preuves d'amour que vous m'ayez données durant la maladie ; je
vous remercie des prières faites pour ma guérison. Je suis persuadé

52.2 Page 512

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498
que Dieu accorda ma vie à vos prières ; et c'est pourquoi la gra-
titude veut que je I'emploie totalement à votre avantage spirituel et
temporel. C'est ce que je promets de faire tant que le Seigneur me
laissera sur cette terre, et vous de votre côté aidez-moi ". Il termina
par avec cette pensée : " Mes chers enfants, cette fois le bon Dieu
touché par vos larmes éloigna de moi la mort. Remercions-le de tout
cæur, mais rappelons-nous que viendra, qu'on le veuille ou non, le
moment où, vous et moi, nous devrons néanmoins tous mourir. Ah !
vivons à présent en bons chrétiens, afin qu'un beau jour nous
puissions nous retrouver tous rassemblés au Ciel, où on ne meurt
plus, et d'où seront pour toujours bannies la douleur et les larmes ".
Ensuite devant le Saint Sacrement exposé on chanta le Te Deum en
actions de grâces avec une effusion inexprimable.
Ayant eu plus tard connaissance des væux très lourds qu'a-
vaient faits certains sans la réflexion voulue, D. Bosco, en sage
directeur spirituel, s'empressa tout de suite de les commuer en des
engagements qu'il serait possible de concrétiser et qui présenteraient
une plus grande utilité spirituelle. Par conséquent il changea les
jeûnes en simples mortifications ; les Rosaires complets en chapelets
ou en d'autres pratiques de dévotion ; les væux perpétuels en tem-
poraires, et ainsi de suite.
Les faisant de cette manière alterner avec les douleurs,
Dieu envoyait de nouvelles joies aux fils de D. Bosco, qui trouvait en
cette maladie un nouveau motif pour s'humilier. Un prêtre de ses
amis, venu avec beaucoup d'autres le trouver quelque temps plus tard
lui manifestait la joie qu'il avait à le voir guéri au bénéfice de tant de
jeunes pauvres. D. Bosco laissa parler et ensuite, d'une manière qui
émut pleinement I'ami et ceux qui
j'étais mort, il me semble que je
étaient avec lui, il répondit :
serais allé au Paradis. J'étais
- Si
prêt !
Maintenant au contraire qui sait !...
Environ quarante ans s'étaient écoulés depuis cejour-là, et

52.3 Page 513

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499
ce même ami revoyant D.
rappelles-tu encore ce que
Bosco
tu m'as
lui
dit
deitn:7-846
Cher
?
D.
Bosco,
te
j'é-taisJsprrêntrs;n
souviens
c'est cela
très
?
bien
:
je
te
dis
que,
si
j'étais
mort
alors,
- Mais vois, que de bien tu as pu accomplir avec l'aide de Dieu !
Oratoires, Congrégations religieuses, Collèges, Hospices ; désormais
tes missionnaires se trouvent sur toute la face de la terre. Si tu étais
mort alors, ces choses n'existeraient pas.
fa-itesT.uDteieturosmepuelse, nô
mon cher : ces choses se seraient quand
a été I'auteur... et toutes sont l'æuvre
même
de ses
mil arinêsp.éI-a
mains de
Puis il baissa la
encore une fois :
Dieu !
tête et,
- Ce
les yeux remplis de larmes,
sont toutes des æuvres des
Et son habituelle humilité fut la cause du développe-
ment progressif que commença à avoir en cette année 1846I'ins-
titution de I'Oratoire. La Très sainte Vierge avait préparé pour
lui les aides promises. D'Elle on peut dire ce qu'on lit de la
Sagesse dans les Saintes Ecritures : " Dans sa droite est une
longue vie, dans sa gauche, la richesse et la gloire (1) ".
(1) pr:,to

52.4 Page 514

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500
CHAPITRE LIII
sciCVnoooivsomniitptvapattsirlioeoaanstneuscuexdarnesBcueexM-caàcamhrLiiisCea.-aasptuPreoloncCruetioesevrsloico-hn-aqlIounLerftisdjOoédurleiatrétoslaiàarescuorcnooleinxnvtiænn-tuuépVdpuiesnaitlier'eAsls-ee-st
Lo molodie, qui porta D. Bosco jusqu'aux portes de l'é-
ternitê et fut la cause pour tous d'aussi graves préoccupations, se
produisait au début de juillet. C'est seulement vers la fin de ce
mois que le mêdecin lui avait permis de sortir de sa chambre ;
il redoutait une rechute possible, qui lui aurait été fatale étant don-
sa grande faiblesse. C'était précisément le moment il aurait
quitter le Refuge et le Petit Hospice. Mais comme n'avaient
pas encore été exécutées les réparations nécessaires pour les trois
pièces qu'il avait prises en location auprès de Soave Pancrace, et
que d'autre part il avait besoin d'une bonne convalescence, il se
résolut à se rendre à Castelnuovo d'Asti pour demeurer quelque
temps aux Becchi au sein de sa famille. Auparavant cependant,
n'oubliant pas ses projets de conquête, en août il louait auprès
d'un locataire de Soave, un certain Pierre Clapié, une quatriè-
me pièce de sorte qu'à l'étage supérieur de la maison Pinardi il
ne restait plus qu'un seul locataire à inciter à chercher ailleurs
pour se loger. Voulant également quitter les jeunes en leur laissant

52.5 Page 515

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s01
quelques cadeaux, en plus d'une distribution d'images et de médailles,
il acheta de nouveaux jeux, comme des cerceaux en bois, avec les-
quels ils pourraient donner libre cours à leur fantaisie en les faisant
rouler dans les avenues désertes, ainsi que des montures de fusil afin
d'apprendre en s'amusant à imiter les soldats à marcher en ordre et
sans timidité.
D. Bosco partait dans les premiers jours de la seconde
semaine d'août. Mais dès qu'il eut quitté Turin, la Marquise Barolo,
prévoyant qu'il serait absent pendant un temps considérable, insista
pour que fût libérée la pièce qu'il occupait au Refuge, afin d'y loger
I'aumônier qui devait le remplacer. Le Théorogien Borel fit alors
transporter à l'Oratoire de Valdocco les quelques objets qui appar_
tenaient à D. Bosco et, pour en avoir été chargê par ce dernier,
il alla acheter au marché aux puces, près de l'église paroissiale
sts-simon-et-Jude, les meubles et ustensiles de ménage strictement
nécessaires pour en équiper le très pauvre appartement. D. Bosio,
compagnon de séminaire très ami de D. Bosco, avait été choisi par la
Marquise comme aumônier du petit Hospice et ne tardait pas à entrer
en charge.
En attendant, I'Oratoire ne restait pas sans Chef : le Théo_
logien Borel en avait pris lui-même la direction, dès qu'il avait vu
D. Bosco tomber malade. Mais le nombre des garçons lui rendant
impossible de s'occuper tout seul des cérémonies d'Eglise, de les
assister au moment de la récréation et de procurer du travail à
ceux qui en étaient dépourvus, il invita le Théol. vola, le Théol.
calpano, le prêtre Trivero à lui servir de coilaborateurs en activité
matin et soir; et les Ecclésiastiques remplis de zèle consentirent
volontiers à l'invitation, se dévouant de toutes leurs forces à la mar-
che prospère de l'æuvre. Quelquefois, venu du Refuge, D. pacchiotti
prenait également part aux catéchismes. pendant l'espace de quatre
mois, ces personnes suppléèrent en tout à l'absence du fondateur de
l'Institution. Mais ils durent gagner I'estime et I'affection de ces

52.6 Page 516

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502
bandes, comme avait fait D. Bosco, au prix d'une très grande
patience, d'une dure abnégation et de dépenses non modiques'
Ils surent par expérience ce que cela impliquait d'avoir affaire à
des jeunes, dépourvus pour une grande part de toute éducation,
dont beaucoup souvent n'avaient pas un bout de pain pour se
nourrir, parfois débauchés et à I'extrême déguenillés et crasseux.
Par surcroît il leur fallut, comme cela arrive à tous ceux qui
veulent faire du bien, d'avoir à supporter de nombreuses et im-
portantes contradictions et critiques. Ils comprirent alors quelles
étaient les joies de D. Bosco dans ce rôle de directeur, au prix
de quelles sueurs il était parvenu à se rendre maître de ces
âmes, et ils se persuadèrent que seule la récompense céleste
pouvait contrebalancer tant de sacrifices.
Pendant ce temps-là les besoins de I'Oratoire et les dé-
penses augmentaient tous les jours, pour la chapelle et pour les fêtes,
pour les récréations, pour les loteries, pour les goûters et les petits
déjeuners [servis] à quelques-uns ou à tout le monde en certaines
solennités, pour les secours qu'il fallait distribuer aux plus indi-
gents et pour les loyers des locaux nécessaires. Ne faisaient pourtant
jamais défaut les secours de la Divine Providence. Le Théologien
Carpano, quand les jeunes étaient c.onduits tous ensemble en prome-
nade, fournissait souvent tout ce qui était nécessaire pour le repas de
midi ou pour le goûter, faisant toumer à leur avantage tout ce qu'il
recevait de la bontê de son riche père. L',Avocat claretta avait fait don
d'une belle somme, le Comte Bonaudi déboursait pendant plusieurs
années 30 lires par mois, D. Cafasso payait les loyers. La Marquise
Barolo et le Comte de Collegno avaient déjà donné en cette annêe
d'autres aumônes. Cela se lit dans un registre, dont les notes et les
chiffres écrits de sa main par le Théologien Borel commencent
par la date des derniers mois de 1844 et finissent avec 1850 inclusive-
ment. Dans ce registre sont inscrites toutes les sommes qui étaient
données pour I'Oratoire, dont il était, je dirais ainsi, le caissier.
Ces sommes, généralement peu élevées, mais assez nombreuses,

52.7 Page 517

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503
étaient passées par les mains du Théologien Borel, infatigable
quêteur pour le cher Oratoire. Cela mérite la peine de rappeler
les noms des premiers coopérateurs enregistrés par ce saint
Théologien. Ce sont les suivants : les Chanoines Fissore, Vac-
chetta, Melano, Duprez, Fantolini, Zappata ; les Théologiens
Aimeri [,] Berteù, Saccarelli, Vola, Carpano, Rossi Paul, D. Pac-
chiotti ; l'Abbé Pullini, le Rév[érend monsieur] Durando ; le Comte
Rademaker, Marquis Gustave de Cavour, Général Michel Engel-
fred, Charles Richelmÿ i les Avocats Molina, Blengini ; Baronne
et Mademoiselle Borsarelli, Mademoiselle Moia, le Chev. Bor-
bonese, la Comtesse Masino, Mesdames Cavallo et Maria Bo-
gner ; messieurs Benoît Mussa, Antoine Burdin, Gagliardi et la
Famille Bianchi. Ces personnes, et d'autres que nous ne trou-
vons pas inscrites dans le registre du Théol. Borel et dont pour-
tant nous sont connues les bonnes æuvres, formaient comme
I'avant-garde de cette armée de coopérateurs qui aideraient D. Bos-
co au cours de sa vie.
D. Bosco était donc parti en toute tranquillité pour Mo-
rialdo et il amenait pour compagnon un jeune étudiant, prénom-
Tonin [= Tonio, Antoine ; prononcer Tonine] qui fréquentait l'Ora-
toire. S'étant reposé quelques jours à Castelnuovo chez son très
cher Vicaire D. Cinzano, il demeura en compagnie de sa mère
aux Becchi. Impatient de connaître des nouvelles de I'Oratoire,
de la fête de l'Assomption de Marie au Ciel et de la procession
que les jeunes avaient préparée très sérieusement, le 22 août
1846 il écrivait en ces termes au Théologien Borel :
" Très cher M. le Théologien,
" Je suis à Castelnuovo ; mon voyage se déroula bien, quoique bien
secoué par le bourricot. L'état de ma santé s'est beaucoup amélioré ;
manger, boire, dormir et rien de plus, me promener à travers ces col-
lines, d'où s'exhale un air pur, frais ; même en peu de jours m'ont fait

52.8 Page 518

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504
changer la couleur et la forme. Je reconnais vraiment la main de Dieu
qui coopéra à ma santé. Je me sens plus fort et plus robuste que je n'é-
tais avant cette demière maladie, et en même temps [e sens] disparue
cette brûlure par laquelle j'étais tourmenté dans la gorge. Deo gratias.
" Je ne sais si la chaleur s'est aussi adoucie à Turin : nous respirons
une fraîcheur vraiment vivificatrice, et cela malgré une sécheresse qui
dévaste toute la campagne et fait en sorte que de la part des pauvres
paysans on entend rien d'autre que des lamentations et des soupirs de
détresse, très marqués toutefois de soumission à la volonté Divine.
Tonin me fait une excellente compagnie et me garde merveilleuse-
ment joyeux : que de bises il ferait sur vos mains, à Vous et à D. Pac-
chiotti, s'il pouvait vous tenir !
" Que de fois pendant la journêe je pense à l'Oratoire ! Donnez-m'en
des nouvelles, et notamment de la procession de samedi dernier. Je
vous prie de saluer toutes les personnes qui avec nous sont en relation
d'une manière ou d'une autre, data occasione [quand I'occasion se prê-
sentera] ; de donner une poignée de main à D. Pacchiotti, à D. Bosio,
à M. le Théol. Vola. Je vous écrirai de nouveau bientôt. Vale in
Domino, vale lPortez-vous bien dans le Seigneur, portez-vous bien; salu-
tation finale imitant une formule d'adieu en usage chez les Latins].
Très afffectionnéJ serviteur et ami
D. BOSCO.
- " P.S. Tonin vous prie de remettre la lettre incluse à Cavalli ".
Le Théologien Borel s'empressait de donner les nouvelles
demandées, et entre autres choses il dêcrivait la procession qui s'êtait
déroulée dans les sentiers et dans les avenues proches de I'Oratoire,
les prêtres présents, Ie célébrant qui portait une relique de la Sainte
Vierge, I'enthousiasme des jeunes qui avançaient par centaines et en
bon ordre,
Marie, qui
lreéusrosnhnyamiennet sloAinveàmtraavriesrsstleesllapré-s
Nous sommes fils de
et à travers les champs,

52.9 Page 519

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505
et les gens accoums de partout pour contempler ce nouveau spectacle
qui plaisait.
Donc pour la première fois I'Oratoire naissant avait dé-
ployé la bannière de Notre-Dame en plein air, au grand jour, et à
I'occasion d'une fête qu'on réitérerait les années suivantes, en rap-
pelant le jour de la naissance de D. Bosco, pour remercier Marie.
L'évêque de Milo Mgr Marcel Spinola, à présent Archevêque de
Séville, imprimait, en effet, dans son livre intitulé D. Bosco et son
æuÿre : " ce n'est pas une proposition hasardée d'affirmer qu'en 1815
la Dame Immaculée a entendu les prières qu'exprimait impatient le
monde entier, en lui envoyant le 15 août sa bénédiction sous la for-
me du petit enfant Jean Bosco, instrument futur de sa miséricorde
[exercée] dans le salut d'innombrables âmes ".
En attendant, D. Bosco ne tardait pas à écrire en retour au
Théol. Borel :
" Très c[nerJ M. le Théologien,
" Votre lettre très dél[icate] me procura un extrême plaisir : je la lus
plusieurs fois pour ma plus grande satisfaction ; et je Vous assure que
si j'avais eu des ailes, j'aurais effectué un vol très rapide pour me dé-
lecter dans la procession et dans les communions que nos garçons fi-
rent à l'Oratoire ; dites-leur que j'en fus très content. Continuez, M. le
Théol., à me faire connaître les faits de l'Oratoire, les bons comme les
malheureux, et ils me serviront de doux divertissement. Mon êtat de
santé continue sans cesse en bien ; ne vous inquiétez pas de mes occu-
pations ;je saurai faire le paresseux ; on m'a déjà demandé de confes-
ser, de prêcher, de chanter la messe, de donner des cours particuliers,
et à tout le monde j'ai répondu : ' non '. A la Toussaint Tonin ne pré-
sente pas I'examen, et c'est pourquoi ici il ne fait rien d,autre que les
devoirs de vacances ; du reste il vient toujours se promener avec moi.
Il en a bien besoin. Je vous prie de remettre au porteur de cette lettre

52.10 Page 520

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506
les paquets de Tonin qui sont encore dans ma feue (au Refuge) cham-
bre et en même temps les livres de ce garçon. Veuillez aussi m'en-
voyer un calendrier [liturgique], autrement en ce moment je ne sais
même plus si on est un jour de fête ou un jour de férie. Vendredi et
samedi derniers il a plu ici suffisamment et de cette façon fut enlevé
l,horrible aspect des campagnes et redonné un semblant de printemps.
" Un très cordial Dominus tecum à Vous, à D. Pacchiotti, à D' Bo-
sio, etc. J'ai un Peu mal aux dents.
" D[e] V[otre] S[eigneurie] Très c[trcre]
Très aff[ectionné] Serviteur ami
D. BOSCO.
- 'r P.S. Donnez aussi de mes nouvelles à D. Cafasso "
Le Théol. Borel exécutait les commisions que lui avait
données D. Bosco et lui envoyait par le menu un compte rendu
sur la marche de I'Oratoire. D. Bosco lui répondait en ces termes :
" Très cher M. le Théologien,
" Bravissimo, M. le Théologien ! Votre lettre détaillée me servit
ainsi qu'à plusieurs de mes amis de très belle lecture. Je suis très con-
tent car les affaires de I'oratoire progressent de la manière qu'on
espêrait.
" C'est bien que D. Trivero prête ses services pour I'Oratoire ; mais
soyez bien vigilant car il traite les garçons avec beaucoup d'énergie et
dans le passé, je le sais, quelques-uns furent dégoûtés. Arrangez-vous
pour que I'huile assaisonne chaque mets de notre Oratoire. Je vous
envoie deux pigeons de notre élevage, qui, je crois, ne déplairont pas
à D. Pacchiotti ; moi pourtant je voulais envoyer deux poulets, et ma
mère n'a pas voulu, car elle entend qu'on vienne manger ce genre de
nourriture sur le lieu où elle fut produite. Mais de cela nous parlerons

53 Pages 521-530

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53.1 Page 521

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507
dans une autre lettre.
" Hier, dans le voisinage, on fit la sépulture d'un homme qui fut le
sujet de beaucoup de conversations. Au cours d'une maladie, donnée
par les médecins pour incurable, il fit sur les instances d'une pieuse
personne le væu d'une confession, d'une communion ainsi que d'une
messe. La promesse plut à Dieu et il lui accorda la santé. Si ce n'est
que l'autre oublia tout ce qu'il avait promis ; et bien qu'il reçût plu-
sieurs fois de sa femme et d'autres personnes le conseil de tenir sa pa-
role avec le Seigneur, toutefois il n'accomplit rien. Que voulez-vous
donc ! Il profita d'un mois de santé environ et samedi dernier il fut
surpris par une maladie imprévue, et en quelques heures le malheu-
reux passa à l'étemité, sans pouvoir se confesser ni communier.
" Hier à l'occasion de la sépulture tout le monde parlait de cet
événement.
" Faites-moi le plaisir de m'envoyer un exemplaire des petits livres :
Les six Dimanches de St Louis ; Louis Comollo ; L'Ange Gardien ;
Histoire de l'Eglise, que vous trouverez dans la penderie à côté
de ma table de travail.
" Mon état de santé continue à s'améliorer ; toutefois depuis quel-
ques jours je suis tourmenté par un mal de dents, mais cela sèche
et puis s'en va [voir * p. 51a]. Le raisin est déjà bon : dites-le à
D. Pacchiotti et à D. Bosio; pensez-y vous aussi...
" J'aurais beaucoup de plaisir si vous me donniez des nouvelles
de Genta, Gamba, des deux Ferreri et de Piola, s'ils se comportent
bien, ou s'ils battent la lune [voir * p. 514] etc.
" Saluez nos chers confrères D. Pacchiotti et D. Bosio et croyez-moi
à jamais tel que je me dis de tout cæur dans le Seigneur
Caslelnuovo d'Asti, 31 Août 1846.
Très afffectionnéJ serviteur Ami
JEAN BOSCO Prlctrel.
l'inrrsPta.Sn.t-poDuor nanlleezr
cette lettre à M. le Théologien
à Passerano faire ribote ".
Vola.
Je
pars
à

53.2 Page 522

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508
Le mot ribote en dialecte piémontais signifie aller pren-
dre le repas de midi, ou plutôt passer une journêe, joyeusement
avec les amis, et parfois D. Bosco, le pouvant, acceptait vo-
lontiers I'invitation d'un de ses compagnons, ecclésiastique ou
même laïc, désireux de I'avoir à sa table. Les convenances so-
ciales et les droits de l'amitié étaient par lui respectés, même au
prix d'un sacrifice de sa part et, partout il allait, il rappelait
les avertissements dictés par I'Esprit Saint : " Qu'ils soient justes
les hommes qui mangent avec toi et que ta fierté soit de crain-
dre Dieu. Que la pensée de Dieu occupe ton esprit et que tous
tes entretiens portent sur la loi du Très Haut (1) ".
Ailleurs nous parlerons de la manière dont il savait san-
; ctifier ces joyeuses réunions pour le moment, en reprenant la lettre
rapportée ci-dessus, nous ferons remarquer que ne se vérifiait jamais
pour D. Bosco et pour ses jeunes le proverbe : Loin des yeux, loin du
cæur. Ils formaient l'objet de ses pensées et D. Bosco des leurs. Il
était regardé comme la personnification du sacrement de la Pénitence
ainsi que de la bonté et de la grâce de Dieu, raison principale pour
Iaquelle ils déploraient son absence qui durait. Les jeunes, en effet,
en ces premières années disaient souvent avec une simplicité à peine
dêgrossie : " tel péché je I'aurais fait mille fois, mais parce qu'il
déplaît à D. Bosco, je ne le fais ias et je ne le ferai jamais ! ".
C'est pourquoi, bien que le Théol. Borel, secondé par
les autres prêtres, fît très bien marcher l'Oratoire, toutefois,
manquant D. Bosco, il semblait que manquaient l'âme et le
cæur. A cause de cela on parlait sans arrêt de lui ; à
cause de cela on demandait des nouvelles de sa santé ; à
cause de cela on s'interrogeait les uns les autres pour savoir
quand il y ferait retour; à cause de cela un très vif désir de
(1) Si S,tS-t6 [D'après la Vulgate qui inverse I'ordre des versets]

53.3 Page 523

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509
I'avoir de nouveau bientôt parmi eux. Après quelques semaines
de son absence de Turin les jeunes commencèrent à le déranger
avec des lettres i puis, s'étant donné le mot et divisés en petites
équipes, ils se mirent à lui rendre visite, parcourant pour I'aller
et le retour pas moins de vingt milles [voir * p. 51a]. En général,
ils partaient le matin et rentraient le soir. Parfois il en retenait
quelques-uns et les hébergeait: Joseph Buzzetti était de ceux-là.
Outre le plaisir de le revoir et de s'entretenir avec lui, leurs vi-
sites avaient encore un autre motif, et c'était de savoir que les
jeunes gens des villages voisins commençaient déjà à se retrou-
ver autour de lui, et à donner lieu chez lui à un petit oratoire.
A savoir cela, certains avouèrent naTvement qu'ils en éprouvaient
un peu de jalousie et une crainte non légère que ceux-là ne le
ravissent.
rentrez à
Un jour
Turin, ou
l'un d'eux lui dit en souriant
nous transporterons I'Oratoire
a: u-x
Et il les consolait en disant: Continuez, ô mes chers
Ou Vous
Becchi. -
[garçons], à
être bons et à prier, et je vous promets que je retoumerai parmi
vous avant que ne tombent les feuilles d'automne.
Avec ces visites, s'il ne lui était plus possible de goû-
ter entièrement le repos et le calme prescrits par les médecins,
néanmoins c'êtait pour lui un doux remède, un suave réconfort
de fêter leur arrivée, de parler avec eux longuement de ce qui
s'était passé à l'Oratoire, d'en entendre parfois les confessions
et de donner de bons conseils. Les jeunes remplis d'enthousias-
me racontaient entre-temps aux nouveaux amis de Castelnuovo
et de Morialdo des choses merveilleuses sur D. Bosco, et ils
ne laissaient pas sous silence la sonnerie inexplicable des
cloches qui les avait accueillis quand ils étaient parvenus à
Notre-Dame-des-Champs ; et ils en déduisaient naturellement que
les jeunes de I'Oratoire étaient les fils préférés de Marie. Ces ré-
cits pourtant ne furent pas reçus avec faveur par les gens por-
tés au rationnel, auxquels répugnaient les idées de choses surna-
turelles, selon eux, non démontrées, et firent monter la moutarde

53.4 Page 524

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510
av nez chez certains qui, exaltés par les écrits de Gioberti, nour-
rissaient de I'antipathie pour l'æuvre de D. Bosco et s'écriaient :
- Pratiques de jésuites ! C'est pourquoi dans leurs conversations les
malveillants se mirent à tourner en ridicule notre bon père, en indi-
quant sous forme de satire que non seulement les cloches, mais aussi
les sonnettes des autels et de la sacristie, voire l'orgue lui-même,
avaient retenti sans l'intervention d'un être humain. Et certains ren-
contrant D. Bosco n'hésitèrent pas à le réprimander vertement, I'ac-
cusant d'hypocrisie. Mais D. Bosco, toujours tranquille, gardait le
silence laissant s'écouler ce zèle indiscret, ou bien exposait en peu de
mots ses raisons à qui voulait les entendre. Il était toujours égal à
lui-même devant la louange et I'injuste réprimande, I'approbation et la
raillerie, dissimulant I'acrimonie de l'autre, ou bien cherchant à I'ex.-
cuser. " La charitê supporte tout (1) ".
En cela on reconnaissait le véritable disciple de Jésus
Christ . La mortification, intérieure comme extérieure, fut son exer-
cice quotidien. Un jour il discutait avec son Curé, le Thêologien
Cinzano, à propos des nombreuses déceptions dont souvent sont
abreuvées les âmes justes désireuses de perfection. De fil en aiguille
la conversation se porta sur la mortification chrétienne, représentée
symboliquement dans I'Evangile par la croix ; et, remarquait-on, cette
croix c'est notamment notrenous, nos passions, I'effort de vaincre les
mauvaises tendances de notre naturel, et la souffrance nécessaire pour
vaincre dans ces luttes spirituelles. Sachant par cceur le Nouveau
Testament et l'ayant médité, D. Bosco concluait : " Cette croix ne peut
être délaissée ni de jour, ni de nuit, ni pendant une heure, ni pendant
une minute. On lit, en effet, dans le Saint Evangile que le divin Sau-
veur a dit : .Si quis vult post me venire, abneget semetipsum, et tollat
crucem suam quotidie et sequatur me [Si quelqu'un veut venir à ma suite,
qu'il renonce à lui-même, se charge de sa croix chaque jour, et qu'il me suivel ".
(1) t co t:,2

53.5 Page 525

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511
A ce moment-là le Théologien Cinzano lui coupa la pa-
role: " Toi, en ce texte, tu ajoutes un mot : ce quotidie [chaque jour]
ne se trouve pas dans l'Evangile ". Et D. Bosco de lui [répondre] :
" Ce mot ne figure pas chez trois évangélistes ; mais observez,
s'il vous plaît, dans I'Evangile selon St Luc, chapitre neuf, verset
vingt-trois, et vous yefiez que je n'ajoute rien.
Le bon Curé, qui pourtant était doué dans les disciplines
sacrées, n'avait pas fixé son attention sur ce verset et, parlant
plus tard avec ses amis, il soulignait l'étude attentive que D. Bos-
co avait faite sur toutes les divines écritures et la manière dont
il en exécutait les commandements et les conseils, notamment en
tenant bridée sa nature fougeuse et très .sensible. Bien des fois
D. Cinzano rendit ce beau témoignage sur son très cher élève.
Un seul cas D. Bosco ne pouvait rester indifférent :
dans les dangers et devant la perte des âmes, ainsi qu'à la vue des
offenses faites à Dieu.
Ces jours-là, nous racontait Buzzetti Joseph, il eut un rê-
ve qui lui causa beaucoup de douleur. Il vit deuxjeunes (et il les con-
nut) qui quittaient Turin pour venir aux Becchi ; mais quand ils furent
parvenus au pont du Pô, se rua sur eux une vilaine bête ayant des for-
mes horribles. Après les avoir souillés de bave, elle les jeta par terre,
les roulant pendant un bon bout de temps dans la boue de sorte qu'ils
en furent salis au point d'être écæurants. D. Bosco raconta le rêve à
quelques-uns de ceux qu'il avait avec lui, nommant les jeunes au sujet
desquels il avait rêvé : et les événements démontrèrent que cela n'a-
vait pas été pure imagination, car ces deux malheureux, ayant délais-
l'Oratoire, se jetèrent dans les bras de désordres de toutes sortes.
En attendant sa santé se raffermissait et de temps
à autre il faisait une longue promenade à pied, qui s'avérait pour
lui de grande utilité. C'est en vain cependant qu'il avait demandé

53.6 Page 526

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572
au Théol. Borel le calendrier du diocèse, car les médecins per-
sistaient vouloir] qu'il ne fatiguât pas son esprit et son estomac
avec la récitation de l'office divin. Toutefois pour satisfaire sa
propre dévotion il n'omit pas d'en réciter toujours quelques par-
ties, et bien vite ensuite il s'acquittait entièrement de cette obli-
gation qu'il s'était imposée.
Disciple toujours reconnaissant, après être allé à Ponzano
pour profiter pendant quelques jours de la chère amitié de son
premier maître D. Lacqua, il passait rendre visite à monsieur
Moioglio, le pharmacien qui dans le passé, comme nous l'avons
déjà raconté, l'avait hébergé au cours d'une nuit d'orage. De il
écrivait au Théol. Borel et d'après son écrit, jovial comme le
sont toutes ses lettres, nous parvenons à connaître et son désir
de toujours mieux organiser I'Oratoire mettant à profit les obser-
vations du Théologien, et la hâte d'assurer un avenir heureux à
quelques-uns de ses jeunes. Cette lettre commence cependant de
manière à faire supposer qu'elle est la continuation d'une autre
envoyée précédemment et non parvenue jusqu'à nous.
" Très cher M. le Théologien,
Du Château des Merli.
" Lorsque j'étais petit enfant, on me racontait certaines historiettes
qu'avec le temps je jugeais des fables. A présent je vois de mes
propres yeux qu'elles étaient bien fondées.
" Imaginez-vous voir un groupe de collines hautes certes, mais qui
ont au milieu un mont qui les dépasse. Ayant franchi ces collines grâ-
ce à de nombreux monte et descends, on se trouve au pied du châ-
teau des Merli, qui se dresse à l'endroit le plus beau du Montferrat, à
la distance de quatre milles de Moncalvo et huit de Casale. A pre-
mière vue ce château se présente comme un vaste édifice inac-
cessible à celui qui n'est pas expert des passages qui mènent au-delà
des Merli ; ou mieux encore apercevez de grandes murailles qui, en

53.7 Page 527

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513
forme d'escargot entrecroisées, défendent le château. Sous ces gran-
des murailles sont creusées des galeries hautes et profondes qui mè-
nent dans des gouffres souterrains. Là, dès queje posai Ie pied, j'avais
I'impression de voir l'antre de l'Enchanteresse Alcine, ou I'habitation
du Magicien de la Sabine, de la Sibylle de Cumes et autres choses de
ce genre. Tous ces antres rendent I'endroit lugubre et étrange. Ce châ-
teau, ces antres, leur profondeur et leur longueur, fournirent à plu-
sieurs écrivains anciens le sujet de beaucoup de fables et de contes,
dont je vous raconterai certains otioso tempore mes heures de loisir]. ..
" Il y a un mois et quelques jours que je suis parti de Turin, et
les choses progressèrent sans cesse de mieux en mieux, et depuis une
semaine j'ai fait I'essai de réciter le bréviaire tout entier, et je n'é-
prouvai aucun malaise ; et si je continue de cette façon, pour le
jour de la Toussaint je serai assez gras pour servir à faire d'ex-
cellentes saucisses*. C'est pourquoi j'estime très à propos que
nous causions de différentes questions, et cela pourrait se faire un
lundi, et dans la mesure cela Vous sera possible. Le jour le plus
opportun serait le lundi 28 prochain. Allez à l'Auberge du Veau d'or ;
c'est de que part vers le soir la diligence de Castelnuovo ; ou encore
(et j'estime que c'est mieux) le lundi matin venez par I'Omnibus à
Chieri, et je Vous ferai chercher là-bas avec un âne qui remplira bien
son office. Avant de partir, passez chez D. Cafasso, auquel je dirai
aussi quelque chose dans une lettre que je vais lui écrire. Il faut néan-
moins que vous me disiez par courrier ce que vous décidez de f.aire, et
en même temps faites-moi savoir si j'ai à fournir ou non du vin.
" N'oubliez pas de m'envoyer un calendrier, car j'en ai bien besoin.
Quant à Genta, j'aurai d'ici peu une réponse décisive et peut-être favo-
rable. Le moyen cité plus haut pour venir à Castelnuovo peut aussi
servir pour D. Pacciocc6ix (Pacchio#i) et pour D. Bosio ; et surtout
D. Pacchiotti, qui a fait væu de venir auYezzolano. Serai-je exaucé ?
tl' D. Bosco aime plaisanter : ici sur son état de santé et sur le nom de
famille de son confrère.

53.8 Page 528

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514
" J'ai passé quelques jours avec l'un de mes anciens maîtres d'é-
cole à Godio ", non loin du Château des Merli ; le vingt-deux
de ce mois je serai à la maison pour vendanger.
" Je vous salue tous cordialement et souhaite à chacun tout bien
de la part du Seigneur. Vale et Valedic [Portez-vousbienetAdieu].
16 septembre
Très humfbreJ semiteur
BOSCO JEAN. "
Vers la fin de sa lettre D. Bosco nomme le Vezzolano.
C'est un célèbre sanctuaire, un immense édifice gothique, dans
une vallée entourée de coteaux au nôrd de Castelnuovo, érigé,
dit-on, par Charlemagne en l'honneur de la Sainte Vierge. Dans sa
jeunesse D. Bosco en avait fait le but de beaucoup de ses prome-
nades, et de temps en temps il allait Ie visiter.
* . Cela sèche et puis s'en va [expression du dialecte piémontais] : ce
mal passera vite, c'est comme une blessure légère, un bobo qui fait une croû-
te et disparaît.
. Battre la lune : dans le dialecte piémontais, cela signifie être mélancolique,
boudeur, maussade, faire 1a... tête.
. En Piémont, on entendait alors par " mille " une mesure itinéraire équiva-
lente à 2466 mètres: 20 milles font près de 50 km pour I'aller et le retour.
" à Godio: D. Bosco désigne ce hameau de Castelletto Merli par son
appellation piémontaise " goj " [sans majuscule]. Or, dans le même dialecte,
le mot signifie " joie ". D. Bosco aurait-il joué avec l'expression ,,in goj,,,
laissant penser qu'il avait passé quelques jours à la fois: ,,à Godio " et
" dans la joie " ?

53.9 Page 529

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515
CHAPITRE LIV
Conseils
mère -
non
But
reçus
noble
e- t
géUnnéerepurxéc-ieuLseessulagrgmeesstiodnes-
Le fils
mères.
et
la
Trois mois s'êtaient désormais écoulés depuis que D. Bosco
se trouvait au sein de sa famille et, grâce au repos, à la salu-
brité de l'air et aux soins amoureux de sa parenté, il pouvait
dire qu'il avait entièrement recouvré la santé. Par ailleurs atten-
dri par les fréquentes visites que lui faisaient les jeunes pour le
ramener à Turin, pressé par les lettres affectueuses avec les-
quelles ils le sollicitaient de rentrer, il avait promis de les
satisfaire, et chaquejour il lui tardait beaucoup de pouvoir partir
dans la direction de I'Oratoire. Mais deux choses le laissaient
perplexe, et retardaient l'accomplissement de ses désirs : les con-
seils des amis qui I'en dissuadaient, et les circonstances critiques
de son nouveau domicile à Valdocco.
" Tu as besoin, lui disaient ou lui écrivaient tantôt I'un tantôt
I'autre de ses compagnons, tu as besoin de rester quelques an-
nées au repos et loin de I'Oratoire ; sans cela tu seras tou-
jours en danger d'une rechute, qui te rendra inapte au travail
ou te portera immanquablement à la tombe. Reste donc encore
en famille pendant quelque temps ; occupe-toi en des affaires

53.10 Page 530

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516
faciles et légères, et ainsi bien fortifié tu pourras à l'avenir en-
trer sur le terrain et travailler ensuite sans crainte ". De cet avis
étaient aussi I'Archevêque et D. Cafasso, qui lui avaient écrit en
lui conseillant de rester et en I'assurant que, son Oratoire étant en
bonnes mains, il pouvait se reposer en toute tranquillité, sans se
laisser prêoccuper par la moindre inquiétude.
Et en vérité si I'on considérait la rude fatigue qu'entraînait
I'Oratoire ; si I'on réfléchissait à la frêle complexion de D. Bosco
et aux conséquences de la maladie mortelle, à laquelle comme par
miracle il avait échappé peu de temps auparavant, [on verrait que] ces
suggestions n'étaient certainement pas à dédaigner ; mais, par une
meilleure chance, un aimant irrésistible exerçait sur D. Bosco une
force le portant à reprendre ses occupations auprès de ses jeunes,
et il ressentait un regret, une peine, une répugnance indicibles à
recevoir les conseils en question. C'est pourquoi, remerciant, de vive
voix et par écrit, ses amis pour leur bienveillance, il répondait
comme I'Apôtre Paul [voir * p. 5221 : " Laissez-moi aller le Sei-
gneur m'appelle. Lui, qui est tout-puissant, et qui abaisse et élève,
saura raffermir mes forces, et me donner la santé nécessaire pour
cela. Et puis, quand bien même je devrais en succomber, qu'importe ?
Nihil horum ÿereor, nec facio animam meam pretiosiorem quam
me : Je ne crains pas ce que vous dites, et je ne tiens pas ma
vie pour plus précieuse que mon ministère ; car au contraire je se-
rais content d'achever ma course au bénéfice de la jeunesse pauvre ".
Voyant cette résolution et pensant y découvrir une volon-
du Ciel, D. Cafasso entres autres et Mgr Fransoni consentirent à
son retour à l'Oratoire, mais en lui recommandant de se bomer
pendant quelque temps à se montrer parmi les jeunes, à diriger,
à conseiller, s'abstenant de façon absolue d'entendre les confes-
sions, de prêcher, de faire la classe, le catéchisme et autres
choses de ce genre. D. Bosco promit, maisensuite... nous le ver-
rons faire comme avant. Causant un jour de cela, nous l'entendîmes

54 Pages 531-540

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54.1 Page 531

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517
dire : " Au début j'avais bien sûr la volonté d'obéir et de tenir ma
promesse ; mais ensuite, voyant que le Théol. Borel et ses com-
pagnons ne pouvaient s'occuper de tout, et que parfois les diman-
ches et jours de fête de nombreux jeunes restaient sans confes-
sion et sans enseignement, je ne pus supporter davantage de res-
ter oisif. Je repris donc mes occupations habituelles, et depuis
plus de 25 ans je n'eus besoin ni de médecin ni de médica-
ments. Tout cela m'a fait croire que ce n'est pas le travail bien
ordonné qui porte préjudice à la santé corporelle ". Le fait est
vrai, mais la cause première en fut son héroïsme sacerdotal.
Une fois surmontées les difficultés que lui soulevaient
les amis trop timorés, il s'agissait d'en surmonter une autre bien plus
grande. A son retour à Turin D. Bosco devait fixer de façon stable son
domicile à Valdocco auprès de I'Oratoire et il savait combien il était
dangereux de séjoumer dans cet endroit, soit en raison de l'auberge de
la Jardinière, soit en raison de certaines personnes, hommes et fem-
mes, du voisinage dont la vie était répréhensible.
Ne pouvant plus bênéficier dans sa nouvelle habitation
des services qu'on lui offrait à l'Institution de la Marquise Barolo,
il avait besoin chez lui d'une personne ; mais pour les motifs
indiqués ci-dessus il ne se sentait pas le courage d'en prendre
une, craignant justement de I'exposer à des dangers, qu'il est fa-
cile d'imaginer. C'est pourquoi il en était pensif et préoccupé. A
présent qui pourra lui ôter ses hésitations ? Qui lui aplanira le
chemin alors qu'il vient se fixer à Valdocco ?
La femme entra toujours dans tous les événements plus
ou moins heureux pour la pauvre humanité, et pour le salut des âmes.
Ce n'est pas ici le lieu de passer en revue toutes les grandes héroines
qui, par volonté divine, sous I'ancienne Loi et sous la nouvelle, jouè-
rent un rôle digne de louanges dans l'accomplissement de faits re-
marquables ; mais comme pour nous et pour la jeunesse en général

54.2 Page 532

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518
l'implantation stable de I'Oratoire et de l'Hospice Saint-François de
Sales fut un événement de très grande importance, cela mérite la pei-
ne de remarquer que, Dieu en a disposé ainsi, les femmes elles aussi
y tinrent un rôle particulier. Y eurent un rôle les mères qui envoyèrent
leurs fils à l'Oratoire avec sollicitude et empressement ; y eurent un
rôle les dames qui de leurs aumônes et de leurs offrandes soutinrent
cette æuvre ; y eurent un rôle les religieuses qui travaillèrent même de
nuit au profit des jeunes gens pensionnaires ici. Mais entre toutes il
est une femme qui y joua un rôle principal ; femme, qui donna en cela
l'exemple et I'encouragement à toutes les autres ; femme, qui la pre-
mière arbora sur ce sol l'étendard de la charité au bénéfice des jeunes
pauvres et abandonnés, lesquels à juste titre lui donnèrent le nom de
mère ; femme, qui pour cette entreprise se plaça à la tête d'une file
d'autres : en quantité innombrable elles marchèrent, marchent et mar-
cheront sur ses traces peut-être jusqu'à la fin des siècles. Et cette
femme, c'est Marguerite Occhiena, veuve Bosco, la mère de notre
inoubliable Père.
Bonne ménagère pour présider à la direction d'une maison,
robuste pour s'occuper des tâches matérielles que D. Bosco ne pour-
rait assumer, estimée de tous pour la réputation de très pieuse
dont elle jouissait et pour I'affection qu'elle inspirait, elle devait
être également, en raison de son éminente prudence, une aide
fidèle et précieuse pour son fils dans l'assistance des jeunes.
Donc, après avoir en vain pensé et repensé [pour trouver]
comment sortir des difficultés rapportées ci-dessus, D. Bosco alla
en parler avec son Curé, [à savoir celui] de Castelnuovo, lui ex-
posant la nécessité qui le tenait, lui présentant ses craintes.
ve-nirTauveacs
ta mère ! répondit
toi à Turin.
le
Curé
sans
hésiter
un
instant
:
fais-la
D. Bosco, qui avait prévu cette réponse, voulut faire quel-
ques réflexions, mais D. Cinzano lui répliqua : - Prends avec

54.3 Page 533

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5t9
toi ta mère. Tu ne trouveras aucune personne plus indiquée
qu'elle pour ce besoin. Sois tranquille ; tu auras un ange à tes
côtés
Sous
!un-
Et un ange
aspect empreint
sur
de
terre Marguerite l'était réellement.
tant de simplicité et de tendresse,
elle cachait une âme ardente, fruit de la plus pure vertu, et à
cause de cela prête à tous les plus héroïques sacrifices. D. Bos-
co rentra à la maison convaincu par les raisons que lui avait
mises sous les yeux le Curé. Toutefois deux motifs le retenaient
encore. Le premier êtait la vie de privations et de changements
dans les habitudes, auxquels sa mère devrait naturellement être
assujettie dans cette nouvelle situation. La seconde provenait de
la répugnance qu'il éprouvait à proposer à sa mère un service
qui d'une certaine manière la rendrait dépendante de lui. D. Bos-
co avait une si grande vénération pour la bonne Marguerite et
lui manifestait un tel respect, joint à un tel amour, qu'une reine
n'aurait pu en exiger davantage de la part de son plus fidèle
sujet. Pour D. Bosco sa maman était tout et, avec son frère
Joseph, il était habitué à considérer chacun de ses désirs comme
une loi qu'on ne peut négliger. Toutefois après avoir réfléchi et
prié, voyant qu'il ne restait pas d'autre parti à choisir, il con-
clut :
faire
l-a
Ma mère est
proposition !
une
sainte
et
par
conséquent
je
peux
lui
décidé,
Un jour
ô mère,
donc il la prit à part
de réintégrer Turin
aeut lumi ilpiearuladaeinsmi e: s-
J'ai
chers
jeunes gens. Dorénavant, ne logeant plus au Refuge, j,aurais
besoin d'une personne de service ; mais à Valdocco
je serai obligé d'habiter, à cause de certaines personnes qui de-
meurent tout près, I'endroit est très périlleux, et ne me lais-
se pas en tranquillité. J'ai donc besoin d'avoir à mes côtés
une garantie morale, sauvegarde pour enlever aux malveil-
lants tout motif de soupçon et de commérages. Vous seule pour-
riez m'ôter toute crainte ; ne viendriez-vous pas volontiers loger
avec moi ? - A cette proposition finale inattendue la pieuse dame

54.4 Page 534

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520
resta quelque temps pensive,
tu peux imaginer combien il
et puis
coûte
elle réponditl.
à mon cæur de
-quitMteorncecthteermfialsi-,
son, ton frère et les autres parents ; mais s'il te semble que cela
pll'eeusinsasafefsaspirulearasir,eeetat, uaI'paSryèeasignlntaereurmtjeeerdcsieêuelias, iplTroêcuotesnscàaluinttet:nso-uuisvrPpera.érp-tiaroronDns.s.Bodsocnoc
A vrai dire, Marguerite Bosco, consentant finalement à
quitter sa maison, faisait un grand sacrifice ; car en ce
lieu elle était maîtresse de chaque chose, aimée et respectée
de tous, des grands et des petits, et dans sa situation rien
ne lui manquait pour être heureuse. Et non moins pênible
êtait le sacrifice des membres de la famille : lorsqu'ils ap-
prirent qu'elle s'éloignerait de là, ils en ressentirent la plus
vive douleur. Ils perdaient une mère, qui mettait fidèlement
en pratique ces préceptes que St Paul prêsente dans la let-
tre à Tite : " Que les femmes d'âge aient le comportement
qui sied à des saintes : ni médisantes, ni adonnées au vin,
mais de bon conseil ; ainsi elles apprendront aux jeunes femmes
à aimer leur mari et leurs enfants, à être réservées, chastes,
femmes d'intérieur, bonnes, soumises à leur mari, en sorte
que la parole de Dieu ne soit pas blasphémée (1) ". Mais
dans cette maison régnaient, avec la sainte crainte du Sei-
gneur, la paix et I'ordre ; et donc pensant au but noble et
génêreux pour lequel elle s'en éloignait, chacun résigné garda
le silence. Marguerite allait habiter avec son fils, non pas
pour mener une vie plus commode et plus agréable, mais
pour partager avec lui privations et peines pour le récon-
fort de plusieurs centaines de garçons pauvres et aban-
donnés ; elle y allait, non pas attirée par la convoitise
d'un gain temporel, mais par l'amour de Dieu et des âmes,
(1) rt z,:-s.

54.5 Page 535

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521.
car elle savait que la part de ministère sacré prise en charge par
D. Bosco, loin de lui procurer toutes sortes de ressources ou
d'avantages, I'obligeait à employer dans cette fonction ce qu'il
gagnait, et ensuite à chercher I'aumône. Pourtant à réfléchir sur
tout cela elle ne s'arrêta point ; au contraire, admirant le coura-
ge et le zèle de son fils, elle se sentit de plus en plus stimulée
à lui tenir compagnie et à f imiter, jusqu'à la mort. Heureux les
prêtres qui ont des mères d'une telle vertu.
On avait appris dans les alentours la nouvelle : maman
Marguerite prendrait domicile à Turin avec son fils prêtre ; il se
produisit alors pour D. Bosco une scène inattendue. A l'endroit
voulu nous avons mentionné qu'à l'époque de sa convalescence
aux Becchi, suivant son inésistible inclination, il avait rassemblé
autour de lui de nombreux jeunes gens [qui venaient] des fermes
[voisines] et commencé un Oratoire. Gagnés par ses manières
douces et affables, ces garçons avaient dêjà placé en lui tant
d'affection qu'au long de la semaine ils n'avaient qu'un seul dé-
sir : [arriver au] dimanche pour se retrouver avec lui. Par ailleurs
les parents, et notamment les mères, voyant que d'une si belle
façon leurs fils étaient traités, et éduqués et instruits, en étaient
satisfaits, au point de formuler le væu que le bon prêtre ne
partît jamais plus de ces lieux, afin qu'il continuât cette æuvre
de charité. Elles I'avaient jusque-là espéré. Quand, au contraire,
elles vinrent à savoir qu'avec sa mère il était sur le point de
s'en éloigner définitivement, elles se portèrent chez lui, et avec
toute l'éloquence, dont était capable leur langue mue par I'affec-
tion, elles mirent tout en æuvre pour I'amener à rester.
fa-ire,Sdiisdaeiesndt-éeplleesn.ses sont nécessaires, nous sommes prêtes à les
ra-it
Si je
I'une,
ne peux pas donner ce qu'il faut
je rembcurserai avec de la toile.
avec
de
I'argent,
assu-
- Je vous offrirai des æufs et des poules, promettait une autre.

54.6 Page 536

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522
re-,
Ne craignez pas, ajoutaient d'autres et ensuite d'autres enco-
ne ctaignez pas ; nous ne vous laisserons manquer de rien, et
nous vous porterons du blé, du mais et de tout ce que nous
possédons ; mais restez et, ne nous privez pas, nous et nos
enfants, d'un si grand bien.
Puis voyant qu'était inutile chacune de leurs prières et
de leurs insistances, puisque D. Bosco ne recherchait jamais son
intérêt personnel et ses aises, mais bien plutôt la seule volonté
et l'intérêt de Jésus Christ, plusieurs de ces femmes et leurs
garçons se mirent à pleurer à chaudes larmes, troublant beaucoup
la sérénité de D. Bosco.
En attendant, on envoyait à Turin quelques petites pro-
visions de légumes, de blé et de maïs, et on mettait en ordre
les affaires domestiques, et avec tout cela était arrivé le 3 no-
vembre 1846, un mardi, fixé pour le départ.
* A propos de la page 516 : Le rapprochement de D. Bosco avec St Paul
renvoie à
1o) Ac20,24, sont exposées la pensée de Paul et les circonstances qui
marquent alors sa vie ;
2") Ph 1,79-26.

54.7 Page 537

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523
CHAPITRE LV
Départ des
Valdocco
tentement
-
-
BALececcucehTtihlsé-joolyoLegeuiesxns-VigonLlaeets-troduuPssabeuravéurveidtaéeir,elma-ismèarArererei.vt éceonà-
Que de lormes ils versèrent, les jeunes petits-enfants de
Marguerite Bosco, quand ils la virent sur le seuil de leur maison-
nette prête pour le départ ; mais la courageuse femme, les ayant
consolés à travers l'espoir de les revoir bientôt, se dégagea de
leurs bras, puis en compagnie de son fils elle se mit en route
dans la direction de Turin. Elle portait un panier de linge avec
à l'intêrieur quelques objets plus indispensables ; Don Bosco avait
avec lui quelques cahiers, un missel et son bréviaire. Dans ce demier
livre, il conservait pour I'avoir sans cesse sous les yeux, je dirais
presque, un programme de conduite [qui] consistait en un certain
nombre de signets de papier, sur chacun desquels il avait écrit une
sentence tirée de I'Ecriture Sainte ou des Saints Pères ou de quelque
poète italien. Ils furent par lui conservés et utilisés pendant qua-
rante bonnes années, et après sa mort nous les avons retrouvés
sur la table de travail de sa chambre à l'intérieur du saint livre.
Nous les transcrivons ici en traduisant les textes en italien [en fran-
çais], avec un très court commentaire pour que puissent également
les comprendre ceux qui ne connaissent pas la langue latine.

54.8 Page 538

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524
mina
Maximes tirées de
intrant in mare et
ml'EacrreitunreonSarinetdeu:n-dat
1. Omnia flu-
(1). Tous les
fleuves vont à la mer, et la mer n'est point remplie. -
Ptaronvsidienncde iequtirimbueltadtieonI'iosrd(2re).!Y-ahv2é.
Bonus Dominus et confor'
est bon ; il est un refuge
au jour
muliere
de la détresse.
viam tuam et
-neCoanppfiaronpcineqeunesDfioeurib! u-s
3. Longe fac a
domus eius (3).
Eloigne d'auprès de la femme [perverse] ton chemin, n'appro-
che pas de la porte de sa maison. - Fuite de toute occa-
pseiocunndiaamnge:reusdeotct-rina4m.
Accipite
magis
disciplinam meam et
quam aurum eligite
non
(4).
Procurez-vous ma discipline et non I'argent, le savoir plutôt
gqnuoevIi'oqur opdurn. o-nDeéstasceht emmeelniutsdneissibliaeenstarteireretstfraesce!re-
5. Co-
bene in
vita sua (5). J'ai reconnu qu'il n'y a rien de meilleur que
de se réjouir et de donner du bien-être en cette vie. - La
joie qui naît de la paix du cæur
de tua substantia... et implebuntur
!ho- rre6a.
Honora Dominum
tua saturitate, et
vino torcularia tua redundabunt (6). Fais honneur à Dieu de
tes biens... alors tes greniers regorgeront de blê et tes cu-
ves déborderont de vin nouveàu. - Dieu ne se laisse pas
pdoénpdasesperroexnimgoéntuéroos;ités!in-
7. Si
autem,
est tibi intellectus, res-
sit monus tua super o.ÿ
tuum, ne capiaris in verbo indisciplinato et confundais (7\\.
Si tu sais quelque chose, réponds à ton prochain ; sinon, mets
(1) Qo 1,2.
(2) Na t,z.
(3) Pr 5,8 [D'après la Vulgate].
(4) pr s,to.
(5) Qo:,t2.
(6) Pr 3,e-10.
(7) Si 5,12 [D'après la Vulgate].

54.9 Page 539

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525
la main sur ta bouche de peur d'être pris dans une parole
indiscrète et d'avoir à en rougir. - Réfléchis avant de parler.
8. Referet unusquisque prout gessit in vita sua (1). Il
-
est
nécessaire pour nous tous de comparaître devant le Tribunal du
Christ, afin que chacun reçoive ce qu'il a mérité au temps il
était dans son corps, selon ce qu'il a fait : le bien ou le mal. -
Pensée
ris ne
continuelle
defraudes,
de l'éternité !
et oculos ne
- 9. Filt,
transvertas
eleemosynam paupe-
a paupere (2). Mon
fils, ne prive pas le pauvre de I'aumône, et ne détourne pas tes
yeux de
glorieris
I'indigent. - L'aumône, devoir
in contumelia patris tui (3).
dNeechteariglo!ri-fie
10.
pas
l/e
de
I'ignominie de ton père, car sa confusion ne saurait te faire
honneur. - Défendons comme le nôtre son honneur et celui des
supérieurs
hil agas
!
in
-ope1r1ib.uOsminniuisriaineiu(r4ia)e.
proximi ne memineris, et ni-
Ne garde le souvenir d'aucu-
ne injure reçue du prochain, et ne fais rien pour nuire à autrui.
- Aimer tout le monde pour conduire tout le monde au Seigneur !
Sur quatre de ces signets il y avait des sentences des saints
Pères
quod
:re-ctu1m.,,Steinequ; idquinod
te pravum deprehenderis,
deforme, compone ; quod
corrige ;
pulcrum,
excole ; quod sanum, serva ; quod infirmum, corrobora ; Domi-
nica praecepta infaticabiliter lege, et per haec, quid cavendum
est quidve sectandum tibi sit, sfficienter instructus, agnosce (5).
Si tu aperçois en toi quelque chose de mauvais, corrige-le ;
ce qui est droit, conserve-le ; ; [ce qui est hideux, arrange-le] ce
qui est beau, perfectionne-le; ce qui est sain, protège-le; ce qui
(l) 2 Co 5,10 [D'après ta Vulgate].
(2) Sl a,t [D'après la Vulgate].
(3) Si :,tO [D'après la Vulgate].
(4) Si tO,O [D'après la Vulgate].
(5) Stgemard, adSac..

54.10 Page 540

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526
est malade, fortifie-le ; Ies commandements du Seigneur, lis-les sans
te lasser, et grâce à eux, suffisamment instruit, reconnais ce que tu
dois éviter ou ce que tu dois accomplir. - Examen continuel de la
ctiobni dpuruitdeepnesrscoanllnideallqeute-vide2r.is,Tednoecatsrinfiadmemrenceicpipaesre(g1r)i.nCamon, foqrumaem-vtoisi
à la foi [reçue] et n'accueille aucune de ces nouvelles doctrines qui cir-
culent çà et là, même si tu te crois prudente et ingénieuse. - Adhé-
sion humble et entière aux
te, fratres mei, vobiscum
celansveeimgnecmelelunltased,eplo'Ertgalitsee.e-t
3. Porta-
clavem lin-
guae (2). Mes frères, emportez avec vous la clef de votre cellule,
- mais n'oubliez pas la clef de votre langue. Garder les secrets avec
un
est
soopienrejadlooucexr.e-qua4m.
Validiora sunt exempla, quam verba, et plus
ÿoce (3). Les exemples sont plus efficaces que
les paroles, et il vaut bien mieux enseigner par les æuvres que par Ia
voix. - Etre pour les autres un modèle
5. Nostrae divitiae nosterque thesaurus
de conduite chrétienne.
lucra sint animarum, et
-in
arca nostri pectoris recondantur talenta virtutum (4). Que gagner les
âmes soit notre richesse et notre trésor ; et que dans le fond de notre
cæur soient renfermés les talents de nos vertus. - Zèle et humilité !
Enfin, deux de ces petites fiches portent quelques vers de
Dante et de Silvio Pellico et dans.les premiers on lit la pensée de la
patrie céleste et dans les seconds I'affection envers la patrie terrestre.
Enf["r] XXXN. Nous montâmes, lui le premier, moi le second
Si haut queje vis à travers un trou rond
De belles choses que le ciel porte ;
Et puis nous sortîmes pour revoir les étoiles.
(1) St Jérô[m e), ad Demetlriadem ; à Démétriade, jeune fille]
(2) St Plierrel Damlienl.
(3) St Maxlimel, Serm[onJ 67.
(4) st p[ierre] Dam[ien], Cont. Cap..

55 Pages 541-550

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55.1 Page 541

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527
Purg[atoirel XXXIII. Je revenai de l'onde très sainte
Pur et disposé à escalader les étoiles.
Parad[isJ XXXIII. L'amour qui meut le soleil et les autres étoiles
2.
Qu'à toute haute vertu I'Italien croie,
Toute grâce venant de Dieu, que I'Etat l'espère,
Et croyant et espérant, qu'il aime et qu'il avance
A la conquête des éternelles réalités.
PELLICO, Les Ang[es].
Voilà les écrits qu'on lit dans le brêviaire.
Mais recommençons à suivre les pas de D. Bosco et de
sa mère qui descendent des collines de Castelnuovo. Ils voyageaient
vraiment à la façon des apôtres, c'est-à-dire à pied, et en causant de
Dieu et des choses divines. Parvenus à la ville de Chieri, ils
s'arrêtèrent un peu chez I'homme de loi Vallimberti, dont la famille
était avec les Bosco en étroite relation. Restaurés, il se remirent en
chemin, et vers le soir ils furent à Turin.
Lorsqu'ils parvinrent à ce qu'on appelait le Rond-Point, à
I'actuel croisement de I'avenue Valdocco avec I'avenue Reine Mar-
guerite, lieu peu éloigné du nouveau domicile, ils firent une heureuse
rencontre qui mérite d'être rappelée ici. Ils tombèrent sur le Théo-
logien Jean Vola, Junior, autre prêtre de Turin plein de zèle : dès
qu'il vit D. Bosco, il s'empressa d'aller à sa rencontre. Après s'être
cordialement félicitê du recouvrement de la santé, il donna un regard
plus attentif
Et pourquoi
sur lui et
êtes-vous
sur sa mère et se mit
si épuisés, si couverts
à lui demander:
de poussière ?
-
fa---isaiNEPt aotgrlucpisesosueqvrrueqensuooonnniospuêodtsueucsme-pvaasonuyuqsrsu.l'oivnnedsneuxdseinàcdeipqcieui da;n?et tqDu'.ilBmoasncqou, aeitnds'aorugreiannt.t,

55.2 Page 542

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528
-
el-le
Et à prêsent vas-tu habiter ?
J'ai ici ma mère, répondit D. Bosco, et je vais
dans la maison Pinardi auprès de I'Oratoire.
habiter
avec
T-u
Mais quelles ressources as-tu pour mettre sur pied la maison ?
[es] privé d'emploi et sans salaire, comment ferez-vous pour
gagner votre vie dans cette ville ?
ra-is
Tu me fais une demande
pas quoi répondre : de
à laquelle pour I'instant je ne sau-
toute façon nous nous remettons
entre les mains de Dieu, et j'espère qu'il ne manquera pas de
nous aider.
-
-
-
Et chez vous y a-t-il quelqu'un qui vous attend ?
Je n'ai personne.
Mais au moins tu auras déjà prévu pour préparer un peu de
repas !
-
dois
Que veux-tu que je te dise ! C'est une chose
encore penser. Mais vis en toute tranquillité ;
à
la
laquelle je
Providence
y pensera.
de-vCa'net statnbt ideen:foci'eestt
bien... répétait
tant de courage
le bon
; mais
Théologien, attendri
en attendant... si je
savais... si je pouvais... et il fouillait dans ses poches.
Vraiment, je t'admire, ajouta-t-il ensuite, et je t'applaudis : je re-
grette de ne pas avoir avec moi d'argent ; mais prends pour le
moment. - Et en disant cela, il sort sa montre et lui en fait
cadeau.
-
Et toi, lui dit
j'ai
le-nCéhceeszsamireo.i,Pour
D. Bosco ému, tu en restes privé ?
uneautremontre. Vends celle-ci et procure-toi
rentrer chez moi je n'ai pas besoin de savoir
l'heure.
D. Bosco le
une belle
remercia, et tourné vers sa mère, il dit:
preuve que la divine Providence pensera
-à
Voi-
nous.
Allons donc en toute confiance.
Ils descendirent de quelques pas et se trouvèrent à leur
nouvelle habitation. Elle consistait en deux petites chambres à cou-

55.3 Page 543

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529
cher, dont I'une devait aussi servir de cuisine. Les deux autres
pièces pour le moment demeuraient vides. Le mobilier, c'étaient
deux jolis petits lits, deux bancs, deux chaises, une malle, une
table de travail, une petite marmite, une casserole avec quelques
plats, et pour la première nuit nous pouvons ajouter aussi une
montre, vendue le lendemain. Comme on voit, y régnaient en
maître la pauvreté et la misère.
Ce manque du nécessaire et cet état d'abandon, qui déso-
leraient et décourageraient n'importe qui, mirent en joie au con-
traire D. Bosco et sa mère : tournée vers lui, en souriant, elle lui
dit: " A la maison, dès le matin je devais me donner du mal
pour administrer, mettre en ordre et commander ; mais, d'après
ce que je vois, ici je pourrai rester plus tranquille et avec
beaucoup moins d'ennuis ". Ensuite de bonne humeur et contente
elle se mit à chanter:
Que le monde ne sache
Que nous sommes
Des étrangers
Qui n'ont rien.
Entre-temps quelques jeunes gens de l'Oratoire, parmi les-
quels il y avait Castagno Etienne, allèrent se poster en curieux sous
les fenêtres de la maison pour voir D. Bosco, et voici que sa
voix qui s'était jointe à celle de sa mère chantait le cantique :
-heurPee,tittaAnndgiseqduee
mon Dieu. Le chant
D. Bosco accrochait
continua
au mur,
pendant plus d'une
à la tête du lit, un
crucifix, une image de Marie, un petit cadre avec I'Agnus-Dei en ci-
re, une branchette d'olivier du Dimanche des Rameaux, une petite
coquille contenant de l'eau lustrale et le cierge bênit. Il tenait beau-
coup à ces objets bienfaisants de dévotion et leur portait un grand
respect. [l omait également les murs avec quelques cartons, sur les-
quels il avaftfaitimprimer diverses inscriptions. Sur I'un on lisait

55.4 Page 544

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530
la devise de St François de Sales : DA MIHI ANIMAS CAETERA
TOLLE [Donne-moi des âmes ; le reste ne compte pas], devise que dès les
premiers temps de son ordination sacerdotale il avait fait sienne, et à
laquelle il resta fidèle jusqu'à la mort : il ne désirait rien d'autre que de
sauver le plus grand nombre d'âmes qu'il lui était possible. Sur un se-
cond carton était écrit : UNE SEULE CHOSE EST NECESSAIRE :
SAUVER L'AME. Un troisième placé au-dessus de I'entrée portait
I'invocation ou salutation chrétienne : LOUE SOIT JESUS CHRIST.
Ayant ainsi rangé sa chambre et aidé sa mère à mettre en
ordre la sienne, ayant rendu visite à D. Cafasso et aux amis, D. Bosco
attendit le Dimanche.
Il est inutile de parler de Ia jubilation qui anima en un tel
jour les jeunes déjà avertis de son arrivée, lorsque, venus à I'Oratoire,
ils le virent apparaître au milieu d'eux. Et [oe oire] combien il leur était
encore plus cher, puisque, estimaient-ils, sa guérison avait été un
don que leur avaient fait le Seigneur et Notre-Dame, la bonne Mère.
[Formant] un grand groupe, de nouveaux garçons, qui avaient appris
par leurs copains à connaître D. Bosco et l'attendaient impatiemment
depuis longtemps, se bousculaient vers I'avant et unissaient leurs ac-
clamations et leurs salutations à celles de la foule qui I'entourait et
I'applaudissait. Le bonheur de tous était au comble à la pensée que
dorénavant ils pourraient rendre visite à D. Bosco à n'importe quelle
heure de lajournée sans que personne ne pût le leur interdire.
Dans la soirée, tandis que D. Bosco était au milieu des jeu-
nes, sur un signe du Théol. Carpano, on lui apporta une chaise sur la-
quelle il reçut I'invitation de s'asseoir ; et tout de suite ces bandes,
formant un très vaste cercle, devinrent un chæur de chanteurs qui
joyeusement firent s'élever un hymne dont les vers, pas trop disci-
plinés par des rimes, étaient du Théol. Carpano et la musique proba-
blement du Théol. Nasi. Ce n'était pas une poésie classique quant à
la forme, mais elle l'était quant à I'affection, et c'est la première

55.5 Page 545

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531
qui résonna à I'Oratoire pour fêter le cher Père. La conserva jalou-
sement Joseph B:uzzetti, qui fit alors partie du chæur et nous la
transmit peu avant de mourir. La voilà:
Triste, triste la pupille
Chercha en vain entre nuages et montagnes
La maison joyeuse et tranquille
tu logeais, ô bon pasteur.
Longues nuits, jours éternels !
Il semblait que le soleil ne bougeait pas
Et que I'aurore ne revenait pas
Pour éclairer ce jour.
Comme des oisillons, dans le nid serrés
Les yeux fermés, le bec ouvert,
Dodelinant de la tête, inquiets,
Sont impatients dans I'attente
De leur mère qui, loin, très loin
Est allée chercher un insecte ;
C'est ainsi que nous, sous ton toit,
Tristes sans cesse nous t'attendions.
Avec ferveur que soient grâces à Dieu,
A présent que joyeux est venu jusqu'à nous
L'homme sage, l'homme pieux,
L'homme paré de vertus.
Nous ne possédons pas d'autre souvenir de cette fête, ni
de ce que D. Bosco dit alors à ses jeunes. Mais nous ne ferons pas er-
reur à supposer quril répétait ce quril ressentait si profondément en son
cæur et ce que sans cesse il réalisait : A savoir être prêt à souffrir pour
eux toutes sortes de fatigues, de privations, de mauvais traitements, a-
vec l'espérance de la récompense étemelle pour les avoir tous sauvés.
Ainsi, ce Dimanche 8 novembre 1846, D. Bosco reprenait
ses cérémonies qui étaient célébrées régulièrement, les jours de fête et

55.6 Page 546

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532
les dimanches, à peu près comme dans les paroisses. Plusieurs
fois par semaine il invitait ceux des plus grands qui étaient ignorants
[en religion] à venir le trouver chez lui, comme et quand cela leur était
le plus commode ; et il passait des heures entières les instruisant dans
le catéchisme au sujet des vérités de la foi, et persévérant pendant
plusieurs années dans cette activité laborieuse. Très souvent il les
exhortait tous à se confesser considérant ce sacrement comme le
premier fondement de son système de transformation et de protection
morales, et leur faisant comprendre la nécessité de conserver la
conscience nette du péché. De ce demier, il faisait passer chez ses
auditeurs une vive horreur : en effet, lorsqu'il parlait de I'enfer, lui
même se montrait frappê de terreur à la considération des peines
éternelles. C'est pourquoi ils l'écoutaient et suivaient ses conseils ; et
combien, sur le point de commettre un premier vol, de faire les
premiers pas sur la pente du vice, furent grâce à lui arrêtés, corrigés,
secourus, assistés ! En D. Bosco ils avaient placé toute leur confiance,
car ils étaient persuadés d'être aimés par lui.
Le Professeur François Maranzana, ayant étê dans son en-
fance et ensuite pendant de longues années témoin des merveilles
opérées par D. Bosco, s'exprimait ainsi par écrit en 1893 : " L'amour
ardent et sincère que D. Bosco portait aux jeunes se manifestait dans
son regard et dans ses paroles d'une manière si évidente que tous le
sentaient, ne pouvaient en douter et éprouvaient une joie secrète à se
trouver devant lui : et cette affection, jointe à I'autorité douce et
indulgente qui, à cause de son vif sentiment religieux et de sa vertu,
lui entourait la tête comme d'une auréole céleste, faisait que chacune
de ses paroles était écoutée attentivement ; et lorsque D. Bosco par-
lait, on croyait que Dieu lui-même parlait. Et c'est en raison de cet
ascendant très puissant sur I'esprit de ses disciples qu'on peut com-
prendre certaines choses, qui autrement seraient incroyables. Qui ne
sait combien les garçons sont par nature légers et inconstants dans les
bonnes résolutions ? Quand il s'agit de nouveauté, la curiosité les al-
lèche au point qu'ils font même quelques sacrifices ; mais comment

55.7 Page 547

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533
explique-t-on le fait qu'ils restaient plusieurs heures silencieux et
agenouillés sur le sol en attendant d'être entendus en confession ?
Quelle secrète puissance attirait des centaines d'enfants, habitués
auparavant à s'ébattre de façon effrénée dans les rues, à travers les
prés, le long des rives des fleuves, enfants qui ne connaissaient pas
d'autre sentiment que I'instinct bestial, quelle merveilleuse puissance
les attirait de toutes parts autour d'un pauvre prêtre ? quelle récom-
pense, quels applaudissements avaient-ils espérés, quand il avait été
contraint à transporter ses tentes d'un endroit à I'autre, d,une maison et
d'une autre, dans le pré à ciel ouvert, à le suivre de plus en plus nom-
breux, de plus en plus en liesse ?
" Pourquoi donc tant de dévotion et tant de constance ? Il y avait la
parole de D. Bosco ! Il ravissait les cæurs, les élevait au ciel et exer-
çait sur les auditeurs cette fascination inexprimable et douce que nous
avons tous ressentie : il aurait suffi de son regard, de son sourire pour
encourager I'enfant le moins bien disposé, pour dissiper comme par
enchantement I'ennui, pour rendre charmant et beau même le lieu le
plus désagréable. D. Bosco était écouté avec avidité car il savait faire
passer chez les autres sa charité et sa foi ; et la foi de D. Bosco était
précisément celle qui transporte les montagnes ".
Mais s'ils étaient beaux les triomphes de sa charité, à vrai
dire, sa situation matérielle, au commencement de la saison froide,
était très critique.
N'étant plusattaché au service de I'Institution de la Mar-
quise Barolo, il ne percevait plus de salaire, et tout seul il devait
faire face aux dépenses. Il fallait des moyens de subsistance ; il
avait besoin d'argent pour les locations nouvelles et coûteuses que
déjà il avait décidées dans sa tête ; pour les réparations de vieux murs
d'enceinte, et la construction de nouveaux ; il était nécessaire de pro-
curer bien souvent la nourriture et le vêtement à des garçons pauvres,
souffrant de la faim et du froid. En effet, beaucoup d'enfants étaient
chaque jour sur le pas de la porte à demander du pain, des chaussures,

55.8 Page 548

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534
des habits, des chemises : sans tout cela ils ne pouvaient se rendre au
travail ; et lui, pas plus que la bonne Marguerite, n'avaient le courage
de les renvoyer sans secours. Pour cette raison, déjà au bout de
quelques semaines, on avait êpuisê la petite provision qu'ils avaient
fait venir des Becchi et I'on avait distribué les objets d'habillement et
de lingerie apportés avec eux. Comment donc continuer ? Avec quels
moyens soutenir une æuvre qui devenait chaque jour plus laborieuse ?
Il est vrai que, le bruit de l'arrivée de D. Bosco ayant couru, quelques
bienfaiteurs lui avaient envoyé quelques fiasques de vin, un peu de
pain, des pâtes, du riz, du beurre ; mais vite chaque chose avait étê
consommée.
Tous les deux avaient mis leur confiance dans les gre-
niers et dans les trésors de la divine Providence : malgré cela ils
n'omirent pas de faire tout ce qui dépendait d'eux, afin de ne pas
- I'obliger de façon si précoce à commencer les miracles. Faisons
quant à nous ce que nous pouvons, s'écriait D. Bosco, et le Père des
miséricordes ajoutera
avec sa mère, il prit
ce
la
qduéicimsiaonnq, ueet.la-
Ç's51 pourquoi,
mit à exécution,
en
de
accord
vendre
quelques parcelles de champs et de vignes qu'il possédait au
pays natal. Comme cela ne suffisait pas encore, sa mère se fit
envoyer son trousseau de mariée qu'elle avait jusque-là jalouse-
ment conservé intact : Vêtements, alliance, boucles d'oreilles, colliers.
L'ayant reçu, elle en vendit une partie et en employa une autre pour
faire des objets de culte pour la chapelle de I'oratoire qui était très
pauvre. Quelques-uns de ses vêtements servirent à faire des chasu-
bles ; avec la lingerie on fit des aubes, des surplis, des purificatoires,
des nappes d'autel. Chaque chose passa entre les mains de Madame
Marguerite Gastaldi [voir * p. 535], qui dès ce temps-là prenait part
aux besoins de I'Oratoire. Le prix [de vente] du collier servit à acheter
des galons et des garnitures pour les ornements sacrés.
La bonne dame [voir * p. 535] était détachée des choses de
ce monde, pourtant se dessaisir de ces précieux souvenirs lui coûta

55.9 Page 549

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535
beaucoup de peine. Un jour, alors qu'elle en parlait, nous I'entendîmes
dire : " Quand je me vis avec ces objets entre les mains pour la
demière fois, et que j'étais sur le point de les aliéner ou de les défai-
re, je me sentis assez troublée en raison du regret ; mais dès que je
m'en suis aperçue, je dis : Allez-vous-en ; en effet, un meilleur sort ne
pourrait vous échoir que celui de tirer de la faim et de vêtir de pauvres
enfants, que [celui] de faire honneur dans l'Eglise au céleste Epoux.
-autrAepsrtèrosucseset aaucxte,
je
je
me sentis si contente que si j'avais eu cent
m'en serais privée sans aucune amertume',.
Elle mettait en pratique cette sentence si familière sur les lèvres
de
tel
son
que
digne
Dieu,
iflilsfa:ut-êtrLeoprrsêqtuà'iltos'uagt itsadcerifsieer.rvir
un
si
bon
père,
* . Madame Marguerite Gastaldi : la maman du futur Archevêque de Tu-
rin.
. La bonne dame : Marguerite Bosco dont cette fin de chapitre va illustrer
la qualité d'âme.

55.10 Page 550

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536
CHAPITRE LVI
LL'aAuMbearigseondPe ilnaaJrdarideintièrsees-aleFnatoitusrsign-oblNeso.uvelles locations -
Nous croyol-ts faire plaisir à nos confrères en leur pré-
sentant d'une certaine manière la topographie de I'Oratoire des
premiers temps, et à décrire cette rustique masure dans laquelle
se dêroulèrent les débuts de la Pieuse Société de St François de
Sales. L'un de nos anciens compagnons et amis, le peintre Belisio
[= nettislo] nous en conserva un dessin exact. La façade de la
maison était orientée au sud et [la maison] n'avait des portes et
des fenêtres que de ce côté. La partie à usage d'habitation était
composée d'un rez-de-chaussée et d'un étage supérieur très bas ;
et elle occupait I'espace des arcades actuelles, depuis l'église
St-François de Sales jusqu'au cinquième pilier, c'est-à-dire une
longueur de près de vingt mètres et une largeur de six. La
hauteur totale de l'édifice ne dêpassait pas les sept mètres. Au
milieu environ, en face de I'escalier, s'ouvrait une étroite porte
d'entrée, près de laquelle, à I'extérieur, du côté est, était fixé au
mur un bac en pierre avec une pompe qui jetait en abondance
une eau très fraîche et salubre. A I'intérieur, derrière la pompe,
une petite porte donnait dans une petite pièce oblongue avec
une seule fenêtre, qui servil de salle à manger pour D. Bosco
et pour ses premiers collaborateurs. Par le petit escalier en bois

56 Pages 551-560

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56.1 Page 551

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537
d'une seule volée on montait à l'étage supérieur ; et là par un
palier on entrait à gauche dans une gentille petite pièce, cor-
respondant à la petite salle à manger située au-dessous, et en
face on sortait sur un balcon, lui aussi en bois, qui courait sur
toute la longueur de la façade. Sur ce [uatcon] s'ouvraient les
portes de quatre pièces, dont chacune avait également une fenê-
tre. Selon la même disposition se trouvaient quatre autres pièces
au niveau infêrieur. Une lucarne donnait de la lumière et de l,air
aux combles. Presque au milieu de la maison était creusée la
petite cave.
Au dos de cette habitation, formant avec elle un seul
ensemble, ayant les mêmes dimensions en longueur et en largeur,
à l'emplacement exact se trouve maintenant [1901 ; voir * p. 5a5]
le réfectoire des Confrères Salésiens, s'êlevait le hangar-chapelle.
Sa hauteur cependant était partagée en deux par le plafond d,une
manière telle qu'en raison de la pente du toit, beaucoup plus rai-
de que du côté sud, il ne restait pas au-dessus de cette [chapelle]
un espace [assez grand] pour pouvoir s'en servir comme pièce. En
faisant de la gymnastique les jeunes montaient parfois avec une
totale facilité sur ces tuiles pour ensuite sauter dans la cour sans
risque de se faire du mal ; et à I'intérieur les plus grands, mon-
tant sur un banc, parvenaient à toucher le plafond avec la main.
La porte, large d'un mètre, à deux battants, surmontée d'une
croix en bois, regardait vers l'ouest et on y entrait en des-
cendant une marche et un petit plan incliné. A droite près de
cette porte était érigée une petite niche avec une statuette de
St Louis de Gonzague, que D. Bosco faisait porter en proces-
sion par les jeunes à travers les rues solitaires environnantes, car
il inculquait sans cesse la dévotion à Marie et à St Louis en
tant que sauvegarde de la belle vertu. Derrière I'autel, unique,
orné de I'image sainte de la grande Mère de Dieu, il y avait u-
ne pièce de dimensions plus que suffisantes, qui au début servait
de sacristie. Le nombre des jeunes allant toujours en augmentant,

56.2 Page 552

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538
D. Bosco démolit, quelque temps après, le mur de cette pièce, et le
remplaça par deux petites colonnes de bois qui soutenaient une poutre
sur laquelle reposaient les solives du plafond, puis il déplaça l'autel,
plus vers I'arrière, en laissant un espace pour la chorale. Les travaux
de menuiserie furent exécutés par Ie jeune coriasso [= coriasco]' Pour
avoir une nouvelle sacristie, on loua, au rez-de-chaussée dans la partie
sud, une salle, dans laquelle on ouvrit une petite porte qui donnait in
cornu epistolae ldans le côté de l'épître]. Quel dommage que cette église
ait été détruite ! La postérité pourrait admirer ce monument qui
marqua le début des établissements colossaux de D. Bosco.
Derrière l'emplacement de la chorale, dans I'espace se
trouve à présent [tsol] le couloir qui permet de passer de la cour
intérieure dans le jardin, se dressait un autre bâtiment accolé, qui
occupait la totalité de la largeur de la maison tout entière, soit
douze mètres ; son toit dont le sommet était plus bas que ce-
lui de la maison, s'appuyait sur celle-ci, et son versant principal
était toumé vers l'est. Il se composait de deux pièces égales :
I'une, côté sud, ayant porte et fenêtre, avait auparavant servi
d'étable, promptement changée en salle ; I'autre, côté nord, em-
ployée comme bûcher et débarras, fut transformée en arrière-chæur ;
au-dessus du plancher [a t'etage] il'y avait l'espace pour le fenil.
Le domaine qui entourait ces pauvres constructions me-
surait 3697 mètres carrés ; il êtait presque tout entier mis en herbe
avec de nombreux arbres, et avait la forme d'un polygone irrégulier à
cinq côtés. M. Pinardi l'avait achetê aux frères Filippi en 1845 pour la
somme de 14000 lires. Le côté nord était formé par un mur en ligne
droite ayant 62 m de long et 2,57 m de haut, derrière lequel coulait
[dans] un fossé une eau abondante et s'élevait une haute haie qui à la
belle saison I'ornait de son vert rideau. I1 était à la distance de 8,24 m
du hangar et dans cette bande de terrain, appelée la cour des fours,
D. Bosco faisait plus tard placer en plein air une estrade pour le petit
théâtre et pour les séances récréatives.

56.3 Page 553

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539
A I'ouest, un muret, de 3l m de long, distant d'environ
19 m delaportedelachapelle, indiquait les limites avec lejardin
de madame Bellezza et avec sa maison, qui s'élevait le long de la
berge, côté sud, du cours d'eau ci-dessus mentionné. Cet espace
en forme de quadrilatère, de 649,38 mètres carrés, qui fut plus
tard en grande partie couvert par l'église St-François de Sales,
D. Bosco I'avait choisi comme centre des récréations des jeunes
et, 1à, il avait planté la balançoire ainsi que les autres agrès de
gymnastique.
La distance entre la maison et I'enceinte [côté] est était de
16 mètres et demi. Cette demière séparait la propriété de pinardi de
celle des frères Filippi, qui avaient un bâtiment, d,une longueur
presque double par rapport à celui de leur voisin, composé d'un
rez-de-chaussée et de deux étages supérieurs très bas, dont les fon-
dations étaient aussi baignées par l'eau courante du fossé susdit.
Il était loué par M. visca et habité par de nombreuses familles de
charretiers et par leurs garçons [d'écurie], car en cet enclos il y avait les
fenils, les écuries et les hangars pour les chevaux et pour res chariots
de la Mairie. Donc, partant de l'extrémité du mur [construit] au nord et
formant [avec lui] un angle légèrement obtus dans lequel s'élevait un
hangar âvec un grand lavoir, I'enceinte s'allongeait en ligne droite sur
; 60 mètres et tournant ensuite vers I'ouest avec un angle très obtus,
elle allait se confondre avec l'extrémité du hangar Visca sur une
longueur de 17 autres mètres. ce hangar servant de fenil était placé
suivant un axe et occupait un espace : actuellement [rsot] les bureaux
du Bulletin salésien suivent le même axe et occupent le même espace,
à l'exception des deux dernières fenêtres vers l,ouest, au bord du che-
min public appelé [rue] de la Jardinière.
Enfin, du côté du sud, une haie vive, remplacée par un
mur très peu de temps après, partant de l,angle du hangar
Visca, côtoyait sans cesse sur environ 75 mètres Ia rue de la
Jardinière, embellie par une rangée de mûriers, jusqu'à rencontrer

56.4 Page 554

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540
l,extrémité du mur du jardin de la Maison Bellezza. Telle était
la topographie du domaine et de la maison Pinardi selon le plan
qui existe dans les bureaux de la Mairie.
Entre-temps, visant constamment à I'accomplissement de
ses projets, D. Bosco, après avoir encore pris I'une après l'autre
plusieurs pièces en location, sous-louait à Pancrace Soave par
acte notarié du 1er décembre 1846 toute la maison avec le
terrain environnant pour 710 lires par an. En plus de cela, il
donnait 59 lires à titre de remise audit Soave : ce dernier con-
servait I'usage des salles du rez-de-chaussêe pour I'exercice de
son activité jusqu'au Ler mars 1847, sans payer aucun loyer- La
location devait expirer le 31 décembre 1848. En cet acte juridi-
que apparaît pour la première fois la signature de D. Bosco en
tant que contractant.
Après avoir obtenu ce succès, source pour lui de consola-
tion, comme en plusieurs endroits on pouvait pénétrer librement
dans ses cours, il fit tout autour remettre peu à peu en état les
murs déjà existants et il en fit construire d'autres nouveaux
il n'y avait pas d'autre protection que des planches et des haies.
Il éleva dans la cour de récréation, côté ouest, un autre mur qui
commençait en un point situé dans l'alignement de la façade de
la maison, cependant à une distance de celle-ci supérieure à qua-
tre mètres, et formant un angle droit avec le plan de la façade.
Il s'allongeait sur environ 18 mètres jusqu'à la rue de la Jardi-
nière, sur laquelle s'ouvrait le portail d'entrée, et, à I'extrémité
opposée voisine de la chapelle, il mit une grande grille à deux
battants, peinte en vert. En face du portail s'étendait le champ
des fameux rêves, dans le haut duquel, passait en ligne droite le
chemin qui conduisait à I'usine royale de canons pour fusil, et
qu'on appela ensuite rue Cottolengo : c'est de ce chemin, à quel-
ques dizaines de mètres du Refuge et au début du hangar Visca,
que descendait, en s'êcartant, la rue de la Jardinière.

56.5 Page 555

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541
Pour compléter la description nous ferons remarquer que
la plus grande partie du terrain s'étendait devant la maison. Don
Bosco fit déblayer et niveler tout I'espace depuis le bac de la
pompe jusqu'au mur occidental pour les passe-temps des jeunes ;
de tout le reste, entouré d'une haie basse, il laissa en herbe une
partie, plusieurs arbres étendaient leurs branches, et à leur om-
bre il allait s'asseoir avec un groupe de jeunes ; I'autre partie, il
la fit transformer en potager, et elle fut appelée potager de
maman Marguerite, car cette brave femme s,était mise à le culti-
ver. Il y avait, entre le potager et la maison, un passage d,envi-
ron 5 mètres de largeur qui allait jusqu'au mur Filippi et, le
long des trois autres côtés, un sentier qui permettait à deux
personnes de marcher de front. M. Bellia, entrepreneur de cons-
tructions, qui avait auparavant préparé au Refuge la chapelle pour
D. Bosco, envoyait maintenant ses ouvriers pour exécuter les tra-
vaux mentionnés ci-dessus.
Tandis que D. Bosco agençait ainsi sa maison, faisant
également remplacer I'escalier de bois par un autre en pierre, les
ennuis ne lui manquaient pas. Il devait supporter les habitants et
les habitués des alentours, [gensl importuns et impudents, d'autant
plus qu'en raison de contrats antérieurs avec Soave il ne put se
libérer de certains [qui étaient] devenus ses locataires, si ce n,est
quelque temps après avoir acheté la maison. Le dimanche on
voyait dans ces parages d'incessantes allées et venues d'une
racaille effrontée qui proférait des propos obscènes, urlait avec
des cris orgiaques, les uns et les autres s'appelant avec des
épithètes dignes de leurs mæurs. Chacun peut s'imaginer quels
furent les dangers et le dérangement pour les jeunes de l,Ora-
toire. Plus d'une fois, au moment du catéchisme ou d'un sermon,
se présentaient sur la porte de l'église une ou même plusieurs de
ces braves personnes, tantôt avec des rires grossiers, tantôt a-
vec de vulgaires bouffonneries et parfois êgalement provoquant
et menaçant. D. Bosco pourtant savait les éloigner certaines fois

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542
patiemment par la douceur et d'autres fois prudemment avec des
manières résolues.
Un dimanche soir un officier, accompagné d'une fille de
joie, entra dans la chapelle, s'assit et plaça sur ses genoux cette
sans-gêne. On était en cours de cêlébration et la chapelle était
bondée de jeunes gens, qui restèrent abasourdis par I'impudence
de ce militaire. D. Bosco s'approcha de lui le visage en feu et,
ayant pris cette débauchée par un bras, il la repoussa en l'éloignant
de trois ou quatre pas en dehors du seuil. L'officier furieux mit la
main droite sur la garde de son épée pour la dégainer, mais la main
de D. Bosco se porta sur la sienne, la serrant comme entre les mâ-
choires d'une tenaille, de sorte qu'il ne pouvait pas se dêbattre.
L,officier maintenait ses yeux étincelants de rage en direction de
D. Bosco, qui le fixait avec un regard calme mais imperturbable.
Ils gardaient tous les deux le silence. L'officier serrait les lèvres
à cause de la vive douleur occasionnée par cette prise et, voyant
qleu-veerDMc.aeBissoésapclooarusnl,eetluteliesrérqepuolâencdvhiotauDits.pdBaésos,shciolon,corsriaei zj:ep-vaeruMvxo,atijrseeacvlooornusds?ufitaei's en-
A la menace inattendue, I'officier rabattit ses grands airs, pensa
à ses affaires
D. Bosco le
eretdcithahuemt bluleimmeonntt'ra-
Pardonnez-moi !
la porte du doigt,
en
lui
di-
sant
Et
sans rien ajouter : -
I'officier s'empressa
Alors, filez !
de sortir, la tête
basse.
En plus de ces ennuis, lui en causaient d'autres les nom-
breux voyous de Ia pire engeance, qui pour faire du mal se don-
naient rendez-vous dans les terrains en friche environnants. Ils
jouaient de façon passionnée le sou et la lire, au milieu d'ex-
clamations blasphématoires suggérées par la rage quand ils
perdaient, et parfois ils en venaient à se quereller violemment en
paroles et en actes. D. Bosco s'approchait d'eux, quoique pas tou-
jours bien accueilli, mais le Seigneur faisait en sorte que sa voix

56.7 Page 557

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543
fût finalement écoutée et comprise. Beaucoup de ces vauriens se
laissèrent un peu à la fois attirés et vinrent dans l'Eglise, et bien
vite leur nombre s'accrut tellement que non seulement la cha-
pelle était pleine à craquer, mais on faisait le Catéchisme sur le
parvis lui-même. Toutefois cela n'empêchait pas que plus d'un
caillou venait tomber au milieu des cours, tandis que la ré-
création était vivante, car ces dissolus n'étaient pas toujours tous
en bons termes avec le prêtre.
A I'est les habitants des immeubles Filippi ne donnaient
pas de grands tracas, bien que de temps en temps on entendît réson-
ner des gros mots, des rengaines peu harmonieuses et que I'on craignît
quelque vol, qui de fait se produisait. cependant, les jours de fête,
régnait le silence. car les charretiers et leurs garçons [d,écurie] se dis-
persaient dans les différentes tavernes des alentours.
Mais le pire résidait dans la maison ldont était] propriétaire
madame Bellezza: de construction semblable à celle de pinardi,
elle existe encore de nos jours [tlot]. Elle était à l,ouest, comme
nous I'avons déjà mentionné, à cinq ou six mètres de distance du
mur d'enceinte. De ses fenêtres et du balcon, on dominait le parvis
de la chapelle. toutes les pièces étaient louées à des personnes
licencieuses ; se trouvait la guinguette dite la Jardinière, re-
paire de débauche et d'immoralité, étaient continuels le bruit
des bouteilles et des verres ainsi que le brouhaha aux parties
de mourre. tous les dimanches on faisait la noce, on buvait,
on chantait, on jouait aux cartes, on dansait au son des instru-
ments ou du petit orgue. Là, comme [il arrive] en un lieu éloigné
de la ville et caché, se rassemblait la lie de la populace. Sol-
dats, douaniers, policiers, porteurs, muletiers, joumaliers avaient
leur lieu de rencontre. Souvent éclataient des bagarres épouvan-
tables. Les cris, les jurons finissaient par faire un vacarrne insup-
portable. D. Bosco était obligé de dissimuler ce qu'il ne pouvait abso-
lument pas empêcher. Parfois il interrompait le sermon, car les cris et

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544
les bruits couvraient sa voix. Ayant prié les jeunes d'être sages et de
ne pas bouger de leur place, ce qu'il savait certainement obtenir, il
était obligé de descendre de la chaire et, une fois enlevés l'étole
et le surplis, de se rendre à I'auberge. se trouvaient toujours de
cinquante à soixante personnes ivres pour une bonne part ; et tous ces
gens, à son apparition, I'accueillaient avec des cris avinés mais suf-
fisamment
bon prêtre
p!oOlish.,-si
Oh, D.
tous les
Bosco ! vive D. Bosco
prêtres étaient comme
! Vous
vous !
êtes
un
D. Bosco, faisant signe de vouloir parler, obtenait un peu de si-
lence
vous
et puis disait :
ayez pour moi
c-etteMeesstimcehe;rsm[aamisisr]e, ncdeelaz-mmeoi
fait
un
plaisir que
service.
to-uOs luesi,
oui,
côtés.
à
vos
ordres
:
allez-y, parlez donc, s'écriait-on de
pe-uYvooytreezm, us-ibqaused,apnesnmdaancthsaepuelellemejent
fais le sermon
vingt minutes
:
!
arrêtez un
no-usEctocmommamndeenrt
donc ! Bien
? disait I'un
volontiers ! Vous î'avez
de ces chefs de bande.
rien d'autre à
Eh ! faites
tous silence. Celui qui veut aller au serrnon, qu'il y aille donc !
D. Bosco rebroussait chemin, mais parfois il n'était pas
encore pârvenu en chaire que la musique recommençait. Ce va-
carïne infernal dura jusqu'en 1853 ; toutefois, dans les premières
années, D. Bosco n'eut jamais à eirdurer d'insultes.
Nous nous réservant de raconter dans la suite du récit
divers épisodes de cette époque, nous mentionnons maintenant un
seul fait. Voici ce qui arriva un dimanche : pour la cause habituelle,
deux soldats en vinrent à se provoquer ; ayant tiré l'épée, ils sorti-
rent de la Jardinière pour se battre, et vinrent se bousculant et s'inju-
riant jusque sur le seuil de la chapelle. Celle-ci était pleine à craquer
de jeunes qui, à ce spectacle, furent en un instant tous bouleversés.
D. Bosco alla à la porte, chercha à ramener à la raison les deux sol-
dats ; mais ils étaient furibonds et n'écoutaient rien ; à tout instant
I'un menaçait de se jeter sur l'autre. [Ils furent] cependant retenus

56.9 Page 559

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545
par quelques jeunes gens robustes accourus, et D. Bosco leur
parlait de I'inconvenance de cette rixe en ce lieu et du scandale
qu'ils donnaient aux jeunes. Finalement un de ces forcenés, s'é-
tant un peu calmé, lui répondit : - Oui, vous avez raison, ce
n'est pas l'endroit !
- Oui, répliqua alors l'autre, je ne veux pas donner ici ce scan-
dale.
Et ils sortirent ; mais dès que le premier eut franchi le seuil, il
donna un tel coup avec son arrne sur l'épaule et sur la poitrine
de I'autre qu'il lui ouvrit une plaie, par chance sans gravitê.
L'autre alors envoya un coup sur la tête de celui qui l'avait
blessé et lui fit une entaille. Ces blessures calmèrent leur colère
et, comme le sang coulait, ils allèrent tous les deux se laver à
la pompe. Sortis de l'église, les jeunes virent les [soldats] dans
cet êtat, ainsi que le bac taché de sang.
Pour tous ces motifs D. Bosco avait également I'inten-
tion de prendre possession de la maison Bellezza pour que ces-
sent ainsi tant d'offenses envers le Seigneur. Il y réussit, mais ce
fut une longue et difficile entreprise. Pourtant entre-temps il cher-
chait le moyen de faire également du bien à ces pauvres gens et
à s'en faire des amis, ainsi que nous le dirons en temps voulu,
selon les Proverbes : Mieux vaut un ami proche qu'un frère é-
loigné (1).
(7) pr zt,to.
* 1901 : Année de parution du Volume II des Memorie Biografiche.
L'auteur, signalant des modifications par rapport aux temps des origines de
I'Oratoire, parle alors des lieux dans l'état il les connaît ; mais bien
d'autres transformations ont depuis été effectuées !...

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CHAPITRE LVII
De nouveau la Marquise
approuvé par le Saint-Siège
à la miséricorde de Dieu.
B- arLoeloliv-re
Son exercice
de D. Bosco.'
de piété
Dévotion
Dès que la Marquise Barolo fut informée que D. Bosco
était rentré à Turin et qu'il avait établi sa demeure à la maison Pinardi,
compatissant à son extrême pauvreté, elle tenta encore un dernier
essai pour I'amener à accepter quelque charge dans ses Institutions.
En conséquence, du Refuge elle envoyait une personne qui avait
sa pleine confiance, lui disant:
ve-c
Allez rendre visite à ce prêtre qui
sa mère ; tous les deux avec leurs
est arrivé à Valdocco a-
gamins meurent de faim.
Amenez-le à se plier à ma volonté : dites-lui qu'est déraisonna-
ble son obstination; et s'il ne consent pas, répétez-lui aussi de
ne plus venir me voir, car je lui fermerai la porte au nez.
D. Bosco, qui nourrissait et nourrit toujours une grande
estime pour cette noble dame charitable, ne se plia pas, et sourit
devant une menace qui ne serait pas tenue. En effet, allant lui
rendre visite dans son hôtel il était accueilli avec les signes du
plus grand respect ; mais il ne demandait rien et ne recevait rien.
Toutefois il continuait à se rendre de temps en temps pour prêcher,

57 Pages 561-570

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57.1 Page 561

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547
pour confesser au Refuge et pour prêter ses services en tout ce qu'il
pouvait à ses monastères, qui acquéraient chaque jour davantage d'im-
portance et de renommée : en juillet le Gouvernement Royal avait ap-
prouvé l'Institut des Sæurs de Ste Anne.
Cette année-là, avaient été promulgués certains édits et
certains règlements pour les écoles de filles, et on voulait aussi les
imposer aux écoles tenues par les religieuses cloîtrées, qu'on re-
connaissait jusqu'alors exemptes de l'ingérence du Gouvemement.
Les Evêques avaient présenté leurs réclamations au Roi, qui les
recevait très bien, déclarant que ces décrets ne concernaient pas les
écoles et les pensionnats établis à l'intérieur de ces monastères. On
les appliqua toutefois pour les écoles des Sæurs de St Joseph et
les Sæurs de Ste Anne, leur laissant seulement le libre choix
des maîtresses : ces demières devraient avoir obtenu I'approbation
de I'Université Royale. C'est pourquoi D. Bosco continua à donner
régulièrement des cours aux Sæurs qui se formaient pour l'ensei-
gnement, les aidant à obtenir avec honneur les diplômes nêcessaires,
afin qu'elles ne fussent pas obligées de rétribuer des enseignantes
étrangères. En même temps à leur profit et à celui de leurs con-
sæurs il publiait un autre petit livre, dont voici I'histoire.
La Marquise Barolo. s'occupait depuis des années de ré-
pandre une dévotion qui lui était très chère. Dans ses communautés de
Ste Anne et celles de Sainte Marie-Madeleine on pratiquait un pieux
exercice de six jours dans le but d'implorer la miséricorde divine. Les
trois premiers jours, pour la conversion des pécheurs, on proposait
des pratiques de piété, des aumônes et des æuvres analogues, et le
soir après une brève méditation on chantait le Miserere [= le Psaume 51]
et on donnait la bénédiction du Saint Sacrement ; et les trois suivants,
en remerciement des grâces reçues par miséricorde, on tenait une con-
férence sur la reconnaissance due à Dieu, on faisait l'exposition du
Saint Sacrement, on chantait le Benedictus [= le cantique de Zacharie]
et on concluait par la bénédiction. A la veille de ces six jours,

57.2 Page 562

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548
par un court entretien, on présentait le but et I'organisation de
cette dévotion. Comme des bienfaits, nombreux et visibles, a-
vaient déjà dérivé de cette pieuse pratique, ainsi la Marquise
désirait ardemment qu'on I'accomplît également dans des églises
publiques, mais à la demande du curé ou du recteur respectifs.
Toutefois, comme l'Archevêque ne voulait pas accorder la per-
mission sans le consentement du Saint-Siège, la Marquise sup-
plia le Souverain Pontife Grégoire XVI et en obtenait gracieu-
sement, par l'intermédiaire de la Sacrée Congrégation des Rites,
un Rescrit d'approbation le 16 mars 1846. Puis, suite à de nou-
velles demandes de sa part, le 6 avril le Pape en personne con-
cédait à tous les fidèles I'indulgence plénière pour une seule fois,
au dernier jour de ce pieux exercice, à accorder tant dans les
églises des établissements charitables de Ste Anne et de Sainte
Marie-Madeleine, que dans une église publique à désigner par
l'Ordinaire : ce jour-là les fidèles, vraiment repentants, s'étant
confessés et ayant communié, devraient visiter l'une de ces égli-
ses, I'un de ces pieux oratoires, et prier selon I'intention de S[a]
S[ainteté] pendant un certain temps ; et de plus [its devraient] avoir
pris part à toutes les cérémonies prescrites. Ensuite toutes les
fois que, d'un cæur au moins contrit, ils auraient dévotement as-
sisté à ladite pieuse pratique, même pendant un jour seulement
et qu'ils prieraient comme [inaique] ci-dessus, il accordait chaque
fois I'indulgence de 100 jours. Ces indulgences devaient être en
vigueur pendant sept ans et avec le pouvoir de les appliquer en
faveur des fidèles défunts. Enfin, sur les instances répétées de la
Marquise, le 7 août, Pie IX confirmait à perpétuité les indulgen-
ces susdites.
La généreuse patricienne se réjouit de ces faveurs aposto-
liques comme de I'un de ses triomphes spirituels, et vit aussitôt plu-
sieurs [responsables], Evêques, Curés et Recteurs, s'employer à intro-
duire dans leurs églises semblable dévotion au profit des âmes qui
leur étaient confiées. C'est pourquoi elle désirait qu'une bonne plume

57.3 Page 563

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549
écrivît une petite brochure sur la Miséricorde de Dieu ; et, ayant réu-
ni quelques ecclésiastiques et quelques laïcs, savants et intelligents,
elle leur proposa d'indiquer la personne capable de rédiger convena-
blement un tel écrit. Dès qu'il entendit la proposition, Silvio Pellico,
qui
-
était
Non
parmi
! cria
ces gens-là, s'écria avec fougue :
aussitôt la Marquise ; absolument
- D.
pas !
Bosco
!
Le motif de ce refus pouvait être de ne pas ajouter de
travail à ce pauvre prêtre, déjà trop accablé par d'autres occupations ;
toutefois, dans le tréfonds de son être, elle répugnait à devoir se
reconnaître de quelque manière débitrice envers quelqu'un qui, selon
elle, déférait si peu à ses volontés. Mais Silvio Pellico était persuadé
que la plume de D. Bosco était la plus indiquée pour écrire sur un tel
sujet. Venant parfois à I'Oratoire il avait su que D. Bosco suggérait à
tout le monde d'invoquer cette miséricorde bénie ; et pendant un ser-
- mon aux jeunes il I'avait entendu répéter : Etes-vous par malheur
retombés dans le péché ? Ne vous dêcouragez pas. Retoumez vous
confesser tout de suite avec les dispositions requises. Le confesseur a
[reçu] de Dieu Ie pouvoir et l'ordre de vous pardonner, même si vous
êtes tombés non seulement sept, mais soixante-dix fois sept [fois].
Courage, confiance et ferme propos. Cor contritum et humiliatum
Deus non despiciet [Un cæur contrit et humilié Dieu ne le méprisera pas].
- Il lui était également connu que [o. Bosco] trouvait beaucoup de
plaisir à relater des faits et des exemples à propos desquels on voyait
cette miséricorde ressortir merveilleusement, et de façon particulière
dans la conversion des pécheurs ; et que, pour cette raison, de ce dont
il avait été témoin ou dont il avait eu connaissance, il racontait la to-
talité avec beaucoup de plaisir et de tendresse.
Le bon Silvio était donc ami de D. Bosco et, invité par lui,
il avait gentiment consenti à composer quelques poésies ; celle sur
I'Enfer et sur le Paradis figure parmi d'autres qui, mises par D. Bos-
co en musique sont encore chantées dans les Maisons Salésien-
nes. C'est pourquoi, pour en avoir une sorte de contrepartie, il vint

57.4 Page 564

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550
à l'Oratoire et raconta à D. Bosco tout ce qui était advenu dans l'hôtel
de la Marquise. D. Bosco, qui depuis le début de son sacerdoce avait
coopéré à faire introduire dans quelques pensionnats et quelques ins-
titutions de Turin l'usage de prières particulières en I'honneur de la
Misêricorde divine, écrivit sans plus attendre un livre qui s'avéra très
approprié pour la faire admirer et pour inspirer une vive confiance en
Elle. Néanmoins il n'y apposa pas son nom dans une délicate attention
envers la Marquise. Le titre fut : Exercice de dévotion à la Misé-
ricorde de Dieu. Le canevas de sa composition se déroule selon les
pratiques de piété approuvées et prescrites par Rome.
Il commence par exposer les suppliques de la Marquise
au Saint-Siège et par rapporter les trois Rescrits Pontificaux signa-
lés plus haut. Puis il continue : " La dévotion à la Miséricorde de
Dieu fut établie non seulement pour que chaque âme l'invoquât en
sa propre faveur, mais pour que chacune I'invoquât également en
faveur de toutes les nations de la terre ; nous rappelant que nous
sommes tous pécheurs, tous malheureux par suite de la faute,
tous à avoir besoin du pardon et de la gràce, tous rachetés par Notre
Seigneur J[esus] C[hrisd au moyen de son sang très précieux, tous
appelés au salut étemel, ainsi en écoutant les inspirations Divines
nous détesterons le péché et nous nous mettrons de tout cæur à obéir
parfaitement à Dieu et à I'Egliie Catholique fondée par lui ".
Ces réflexions devaient être présentêes la veille de ce pieux
exercice, et toutes les conférences devaient commencer par I'in-
vocation :
seulement
-pouOr nMouissé,rmicoarisdepoduer
Dieu !
toutes
Nous vous implorons non
les créatures humaines.
Et voici les sujets des conférences, remplies de citations
de I'Ecriture Sainte. Dans les trois
est continuellement miséricordieux
perenmveiersrslejosurjsu:s-tes1e. tDileeus
pécheurs. Tout est miséricorde dans ce que Dieu accorde
aux hommes tant dans l'ordre spirituel que dans l'ordre
temporel. - 2. Merveilleuse bonté de Dieu envers les pécheurs,

57.5 Page 565

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551
prouvée
ticuliers
pdaermleisséfraiciotsrdteiréqsuedelelaDSivteinEScraituuvreeu. r-a
3. Gestes pâr-
eus envers les
pécheurs au cours de sa très douloureuse passion. Pour les trois
demiers jours il p.résente trois motifs pour lesquels nous de-
évdilotuenamsSccearuecl ermqeilmuelerieclnnieetosrudDpseéiescluahoen:put-érpsn.rito-e1pn.ocPse2éo..su-PrdoaI'uan3rms.loePlauorpuSrtrroaèlfiseintstteienmneRdsoertyeilmeignaaisovbenldeceCl[eraesqttahuirloéue-]tl
lique.
Expliquant ensuite très minutieusement la nature des in-
dulgences, leurs merveilleux effets et la manière de les gagner,
il s'écrie : " Que soit à jamais bénie la Divine Miséricorde et
remercié notre très compatissant et très clément Divin Ré-
dempteur Jésus Christ, qui conféra à son Eglise dès son origine
le pouvoir de nous communiquer et de nous donner en partage
le trésor des saintes indulgences, en vertu desquelles nous pou-
vons aussi, au prix pour nous d'un très léger désagrément, payer
entièrement à la Justice divine ce que nous lui devons pour nos
péchés ".
Enfin à chaque jour il assignait I'une des résolutions pra-
tiques suivantes. Incitez tous vos parents et tous vos amis à pren-
- dre part, pour autant qu'il leur sera possible, à ce pieux exercice.
- Pardonnez à une personne qui vous a offensé, et plus sera grave l,in-
jure que vous pardonnerez à votre prochain, plus vous pourrez at-
tendre de la
d'abstinence
mpoisuérricoobrdteenidrivdieneD.ie-u
Posez aujourd,hui quelque acte
sa miséricorde envers tous les
pécheurs, mais en particulier envers ceux qui se trouvent sur le
- point de mourir. Pratiquez une aumône selon vos ressources : et
si vous ne pouvez pas, récitez cinq Pater, Ave et Gloria [en pensant]
aux plaies de notre divin Sauveur avec I'invocation : Doux Jésus, mi-
séricorde.
Anêtez-vous quelque temps à considérer les péchês de
- - votre vie passée, préparez-vous à faire une sainte confession. Sept

57.6 Page 566

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552
Ave et sept Gloria [en pensant] aux douleurs de Marie, afin qu'elle nous
obtienne une véritable contrition de nos pêchés.
Il concluait le petit livre par cette phrase émouvante, fai-
sant une allusion particulière à la Marquise : " Au moins un Ave
Maria pour la personne qui a encouragê cette dévotion ! ".
On publiait cet opuscule, vers la fin de I'année et aux frais
de D. Bosco, à I'imprimerie des Fils Botta, successeurs, 14 rue
Notre-Dame de Consolation . En ce lieu se produisit un fait qui mérite
d'être rappelé. Quelques personnes eurent par hasard entre les mains
le manuscrit de D. Bosco, et l'une d'elles se mit à le lire à haute voix
dans I'intention d'en tourner en ridicule I'auteur. Mais Dieu, toujours
bon, eut un geste digne de sa bonté paternelle. Après la lecture des
premières pages, se fit chez ces railleurs un profond silence ; prit la
place du rire une vive componction et ils finirent par se jeter aux
pieds d'un confesseur pour déclarer leurs fautes, abandonnant ainsi
leur vie désordonnée.
Cette conversion était une garantie céleste pour le bien que
produirait ce petit livre. Dès la publication, D. Bosco en fit distribuer
un exemplaire en cadeau à toutes les filles du Refuge, et les autres,
qui se comptaient par milliers, il les remit à la Supérieure de la pieuse
Maison ; puis il s'empressa de le traduire en langue française, et cette
seconde édition, il la destina probablement aux Sæurs de St Joseph.
La Marquise lut le livre et en fit la louange, mais elle ne
voulut jamais permettre qu'on dît en sa présence que c'êtait l'æuvre de
Don Bosco. Quelques amis osèrent lui faire remarquer combien c'était
peu à son honneur qu'un pauvre prêtre la dépassât en générosité et
dépensât son argent personnel dans des publications faites pour
seconder son désir et au profit de ses filles. Mais elle fut sourde et,
rencontrant D. Bosco, non seulement elle ne lui manifesta en aucu-
ne manière sa satisfaction pour une æuvre écrite par égard pour elle,

57.7 Page 567

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553
mais jamais elle ne lui en souffla mot.
Une seule fois elle fit une exception, et voici comment se
passèrent les choses. Le Théol. Borel était, et fut toujours, avec
elle en excellente et inaltérable relation. Un jour chez la
pieuse et noble dame s'étaient réunis plusieurs Ecclésiastiques,
appelés par elle-même à lui suggérer de bonnes æuvres dans
lesquelles elle pourrait employer son argent, plusieurs avis ayant
été
aà
discutés,
Turin un
lpeTtrheéroelmBpoliredledzitè:le-,
Madame
qui sue et
la Marquise, il y
travaille du matin
au soir: ce prêtre a besoin de votre charitê !
co- !
Ah
A
! Ah! j'ai compris,
D. Bosco, rien !
s'êcria
aussitôt
la
Marquise
:
c'est
D.
Bos-
Le Théol. fit en souriant une observatiop sur son étrange déci-
sion et fit allusion au livre sur la Miséricorde de Dieu.
- Eh bien,
donnez-les-lui
prenez,
; mais
répliqua alors la Marquise, voilà
qu'il n'apprenne pas que c'est moi
200
qui
lires ;
les lui
evinnvtoliuei!reAnudtrreemveisnitteg, alraeM!a-rquiQseualuniddepmluasntdaardaulessiTtôhtédoelosgnieonuverel--
les des 200 lires
viennent de moi,
paroles on passa à
Du:n. e-BdoissPccouasrecsiesotnq.csuauepra, lb'dæleisuadvirete-eleellnset,rreeapfpurpissreeern.pa-anrt
qu'elles
De ces
D. Bos-
co et, ne voulant pas capituler devant I'opinion de la Marquise,
le Thêologien finit par lui dire en bon piémontais :
tres ne vont jamais demander conseil aux femmes,
- Les prê-
savez-vous !
-la
De cette
Marquise
remarque, qui aurait
ne s'offensa point, et
irrité une âme orgueilleuse,
avec tranquillité elle changea
de conversation, comme elle en avait toujours I'habitude en de
telles circonstances. Le Théol. Borel savait pourtant que tous ses
avertissements étaient toujours reçus par elle avec une grande
bienveillance et un grand respect. C'est du Théologien lui-même
que nous avons appris ces descriptions du caractère de la Marquise,
ainsi que les manières nobles, généreuses et humbles que savait
employer D. Bosco pour se comporter avec elle.

57.8 Page 568

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554
CHAPITRE LVII
Lsoeiursr-é- tuLdU'uiansninétsteudcàiaaftnéotcrmheistetelr' sules-surmieCar.îotruerss
du dimanche et cours du
- Intelligence, mémoire et
En prenont en location la maison Pinardi, Don Bosco
avait trouvé, après environ deux années de luttes et de soucis, un abri,
petit mais sûr. Il prévoyait que d'autres peines et d'autres obstacles ne
lui manqueraient pas, mais cela ne lui importait pas, se sentant
soutenu par Dieu et par la Reine du ciel. Il commença donc par
augmenter le nombre des catéchistes : ses premiers c,ollaborateurs
pleins de bonne volonté ne suffisaient pas au besoin.
Nous avons déjà dit que, les jours ouvrables, il allait dans
diverses écoles de la ville donner des cours de catéchisme : tantôt
à celles de Porta Palazzo, tantôt à celles de St François de Paule
et ailleurs. Eh bien ; il résolut de lancer un appel à quelques étudiants
plus adultes de ces [écoles] : le dimanche et les autres jours de fête
d'obligation, ils viendraient à l'Oratoire I'aider à faire le catéchisme.
C'est pourquoi il fit connaître son idée aux Supérieurs et aux Direc-
teurs, les priant de lui indiquer les élèves qu'ils croyaient capables
de cette très noble mission. Certains ne voulurent pas donner la
dispense [voir * p. 563] nécessaire de la Réunion spirituelle domi-
nicale, car ils ne voyaient pas I'Oratoire d'un bon æil, prétextant

57.9 Page 569

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55s
le vent de liberté provenant des sectes qui déjà commençait
à se faire sentir et dont I'influence était également subie par les
bons. D'autres consentirent, parmi lesquels D. Bertoldo, Directeur
spirituel du Collège de Portanuova, appelé maintenant Massimo
d'Azeglio, qui était son ami et qui lui voulut sans cesse beau-
coup de bien. Le bon prêtre lui proposa et lui présenta quelques
étudiants de rhêtorique, dont nous nous souvenons encore, et no-
tamment trois : Pellegrini Félix, qui devint ensuite un ingénieur
distingué ; Anzino Valère, par la suite prêtre, Grand Aumônier de la
Cour, monseigneur, abbé peryétuel de la Chartreuse de Mantoue ;
et Picca François, déjà cité, qui fut Missionnaire Apostolique et
chanoine de la Collégiale de Savigliano. Nous ne garderons pas
le silence sur un quatrième qui devint un écrivain érudit, Dé-
puté au Parlement, frère de l'un de nos très chers amis qui
devenu Salésien mourait chez nous comme meurent les saints,
après avoir fait l'édification de sa famille, de la société civile et
de notre Congrégation par ses vertus extraordinaires. Ayant reçu
chez lui ces jeunes, D. Bosco leur expliqua le motif de son ap-
pel, leur parla de la manière d'enseigner le catéchisme, du bien
qu'ils feraient, et ils acceptèrent d'aller à Valdocco. Picca et
Pellegrini furent assidus pendant longtemps dans ce saint minis-
tère. Anzino prit part pendant plus d'une année ; les autres se
fatiguèrent tout de suite et renoncèrent ; mais D. Bosco ne se
fatigua pas de faire le tour des écoles et d'en extraire pour lui
de nouveaux petits apôtres qui remplacèrent les dêserteurs.
Dans le même temps, il commença à organiser les cours,
pour les progrès desquels n'avaient pas été favorables jusqu'alors la
vie vagabonde et errante de l'Oratoire et la longue maladie du Direc-
teur. Dès le début, par manque de local, deux classes se regroupaient
dans la cuisine et dans la chambre de Don Bosco ; un cours avait lieu
dans la sacristie ; un autre à I'emplacement de la chorale ; plusieurs
dans la chapelle elle-même. I n'est pas nécessaire de dire que ces
lieux répondaient peu aux besoins. Les élèves, de fieffés polissons,

57.10 Page 570

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556
abîmaient tout ou mettaient tout sens dessus dessous, et le bruit
des voix et les allées et venues des uns dérangeaient tout ce
que voulaient faire les autres. Mais on ne pouvait pas agencer
autrement. Maman Marguerite avait transporter ses ouvrages
de couture depuis la cuisine jusqu'à la petite salle située en haut
de I'escalier. [on peut] imaginer quelle patience héroïque il fallait
à la brave femme au milieu de tant de tumulte.
Ayant obtenu quelques mois plus tard d'autres pièces au
rez-de-chaussée, Soave Pancrace s'étant retiré aux termes de la con-
vention qui avait été passée, D. Bosco y transporta quelques classes.
De nouveau il divisa et subdivisa ces classes selon le niveau, plus fort
ou plus faible, de I'instruction des jeunes, rendant plus facile I'ob-
servance d'une discipline requise ; et c'est àinsi qu'il leur distribua
l'enseignement d'une manière plus graduée et avec plus de profit,
recueillant également un plus grand nombre de jeunes à instruire,
dont le nombre s'éleva jusqu'à trois cents. Pour obtenir chez ses
disciples un résultat rapide et plus senti, D. Bosco suivait la méthode
que voici. Pendant un dimanche ou deux il faisait voir et revoir
I'alphabet et la syllabation correspondante ; après quoi il prenait le
petit Catéchisme du Diocèse et sur ce [te*te] il leur faisait faire des
exercices jusqu'à ce qu'ils fussent eapables de lire une ou deux des
premières demandes et réponses, et celles-ci ensuite il les prescrivait
comme leçon à étudier durant la semaine. Le dimanche suivant on
reprenait la même matière, en ajoutant d'autres demandes et réponses,
et ainsi de suite. En raison de cette manière de faire, au bout de peu
de semaines il obtint que certains lisaient et étudiaient par eux-mêmes
des pages entières de la Doctrine Chrétienne. Cela apporta un grand
avantage, car autrement les plus adultes et les plus ignorants auraient
attendre des mois avant d'être suffisamment instruits pour faire la
Confession et la Communion.
Les cours du Dimanche étaient profitables à un bon nom-
bre, mais ne suffisaient pas, car beaucoup de jeunes à I'esprit lent

58 Pages 571-580

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58.1 Page 571

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557
oubliaient dans la semaine ce qu'ils avaient appris le dimanche.
Pour obvier à cet inconvénient et être le plus utile à ses jeunes
gens, D. Bosco encouragea très chaudement les cours du soir
quotidiens : ils avaient cependant été fermés durant quelque temps,
c'est-à-dire jusqu'au moment le Théologien Borel et D. Cafas-
so se résignèrent à tolérer qu'il suivît les élans de sa charité,
malgré sa santé encore très fragile. Grâce à son zèle et à son
énergie ces nouveaux cours produisirent tout de suite deux bons ef-
fets : ils incitèrent les jeunes à y prendre part avec ponctualité afin de
bien s'instruire dans la lecture et dans l'écriture, dont ils commen-
çaient à sentir eux-mêmes le grand besoin, et de s'enrichir I'esprit de
bien d'autres connaissances utiles ; en même temps ils donnèrent
à D. Bosco une plus grande facilité pour les tenir éloignés des dan-
gers pendant les heures de la soirée, pour mieux les instruire dans la
religion, les orienter vers Dieu et en faire de bons chrétiens, ce qui
était le but primordial de tous ses labeurs. En effet, avec une plus
grande facilité et un plus grand profit on pouvait leur expliquer
le catéchisme : ils avaient étudié auparavant et appris par eux-mêmes
les vérités de la foi ; et simultanément [on pouvait] les prémunir
contre cette liberté qui avec Ia venue des temps nouveaux serait ac-
cordée à I'hérésie et en général aux actions mauvaises. Entre-temps
D. Bosco imaginait et préparait des petites séances, sortes de com-
pétitions de catéchisme, pour les passionner de plus en plus pour la
Doctrine Chrétienne ; et les entraînant dans ces exercices par des
interrogations et des explications, il leur promettait des récompenses,
et leur prodiguait tous les encouragements qui étaient, il le recon-
naissait, ce qu'ils désiraient le plus.
Mais tout seul D. Bosco ne suffisait pas pour une tel-
le entreprise : il ne pouvait certainement pas compter pour les
cours sur les Prêtres qui l'aidaient, bien que, leur nombre ayant
augmenté, ils fussent le soutien de I'Oratoire. D. Cafasso avait exhorté
quelques-uns de ses étudiants à venir à Valdocco pour le Catéchisme :
D. Cresto était de ceux-là ; et ils étaient ponctuels pour se trouver au

58.2 Page 572

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558
milieu des jeunes, mais avant le coucher du soleil ils devaient reve-
nir au Convitto à I'heure fixée. D'autres, rencontrés à travers la ville
par D. Bosco en personne, avaient accepté son invitation à aller tra-
vailler dans cette vigne du Seigneur. C'est ainsi que fut jadis cueilli
celui qui plus tard fut le célèbre Prof[esseur] de Théologie à I'Uni-
versité de Turin, le Chanoine Marengo, qui à partir de ce moment-là
n'abandonna plus I'Oratoire. Ces ecclésiastiques, bien méritants, prê-
taient leurs services le dimanche, se relayant les uns pour confesser,
ou pour prêcher, les autres pour enseigner le catéchisme aux adultes,
ou parfois pour célébrer la sainte Messe lorsque D. Bosco était absent.
Cependant ils ne pouvaient pas faire davantage, ayant pour la plupart
de lourds engagements en ville. Sur les quelques-uns, peu nombreux,
qui ne dépendaient de personne, il ne fallait pas beaucoup compter
car, ayant maintes fois des empêchements, ils n'apparaissaient pas aux
cours. Venait souvent en aide à D. Bosco le Théol. Borel ; mais pris
comme il l'était continuellement par de bonnes æuvres et des mi-
nistères variés, il avait une possibilité bien réduite de s'occuper des
jeunes gens : toute sa vie se déroulait sur un autre terrain. Diriger
I'Oratoire, à l'époque de la maladie de D. Bosco, avait été de sa part
I'effet d'une charité qui surmontait toutes les fatigues, [même] les plus
capables d'abattre les forces humaines, mais [charitéJ qui ne pouvait
pas se prolonger indéfiniment.
donc D. Bosco trouva-t-il ses maîtres pour tant de
- cours et tant de jeunes ? 11 se les fabriqua, et voici de quelle fa-
çon. Parmi ceux qui fréquentaient I'Oratoire il y en avait quelques-uns
des plus grands, doués de beaucoup d'intelligence, qui désiraient
une instruction plus étendue afin de se créer une meilleure si-
tuation dans la société. Eh bien, D. Bosco fit son choix parmi
ceux-là et leur foumit à des heures adaptées un enseignement
gratuit de langues, italienne, latine, française, d'arithmétique et de
matières semblables, mais à condition qu'à leur tour ils viendraient
I'aider à enseigner le catéchisme durant le carême, et à donner
les cours du dimanche et les cours du soir à leurs copains. Cer-

58.3 Page 573

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559
tains d'entre eux figuraient parmi les premiers fteunes] qu'il avait ras-
semblés lorsqu'il habitait encore au Convitto St-François d'Assise.
L'expérience réussit à merveille, malgré ce qu'elle coûta à D. Bosco
de fatigues et de sueurs, et malgré le fait que quelques-uns, après lui
avoir fait passer beaucoup de temps et dêpenser beaucoup d'argent
pour des livres et des documents donnés à leurs familles, lui man-
quèrent de parole. Ces jeunes maîtres, qui au début étaient de huit à
dix, furent plus nombreux par la suite, et non seulement ils lui furent
d'un grand secours dans I'instruction de ses autres jeunes gens, mais
ils réussirent eux aussi à suivre dans le monde d'honorables carrières,
devenant des hommes influents dans la cité, utiles à eux-mêmes et à
leurs proches. Ensuite ayant chez plusieurs d'entre eux découvert
des aptitudes spéciales et une vocation arrêtée à l'état ecclésias-
tique, il se mit à leur donner des leçons particulières, de sorte
qu'ils devinrent d'excellents prêtres dans le ministère des âmes.
C'est de cette façon que commença à l'Oratoire la section des
étudiants, qui continue encore de nos jours à fournir à l'æuvre
de D. Bosco des maîtres, des professeurs et des assistants pour
beaucoup de ses Institutions d'Italie, de France, d'Espagne, d'An-
gleterre, d'Autriche, de Suisse, d'Amérique, de Palestine et d'A-
frique.
Nous lisons dans un mémoire autographe de D. Bosco
un souvenir précieux
sagréable, écrit-il, à
de cette
qui lira
céeptotequpea.g-e
rr Il ne sera
que je fasse
pas dé-
ici une
mention spéciale de quelques-uns de nos premiers maîtres, dont
le nom me resta indélébile dans l'esprit et dans le cæur. En-
tre autres il y eut Jean Coriasso à présent maître menuisier, Fê-
lix Vergnano à présent nêgociant en passementerie, Paul Delfino
qui de nos jours est professeur de cours techniques. A ces der-
niers s'ajoutèrent ensuite Antoine et Jean Melanotte, Ie premier
épicier, le second confiseur, Félix et Pierre Ferrero, respecti-
vement courtier et compositeur ; et Jean Piola, menuisier, à pré-
sent patron d'atelier. A eux s'unirent Victor Mogna et Louis Genta.

58.4 Page 574

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560
Venaient également prêter leur précieuse coopération à ces jeunes
maîtres quelques pieux messieurs de la ville, parmi lesquels furent
constants les quincailliers Joseph Gagliardi et Joseph Fino ; et I'orfè-
vre Victor Ritner ". Ainsi [s'exprime] D. Bosco. Les jeunes maîtres de
I'Oratoire n'étaient cependant pas toujours en nombre suffisant, parce
que quelques-uns devaient être d'abord formés à leur nouvelle et
difficile charge ; que d'autres s'avéraient incapables de maintenir la
discipline et il fallait les changer ; que certains, nonchalants ou
fâchés, se rendaient rarement âux cours. En attendant, avec l'accrois-
sement des classes on devait également augmenter [le nombre] des
maîtres, et c'était le continuel souci, la continuelle occupation de
D. Bosco.
Avec ces aides et d'autres semblables, les cours du Di-
manche et les cours du soir démarrèrent à une vitesse supérieure à ce
que tous attendaient. Ce fut alors qu'ayant terminé de faire lire le petit
catéchisme, D. Bosco en présentant aux jeunes son Histoire Sainte et
son Histoire de I'Eglise élimina une grande difficulté, celle de trouver
de nouveaux manuels qui fussent adaptés à leur intelligence. Le profit
qu'en retirèrent les jeunes montrèrent de plus en plus son talent, son
érudition et plus encore son expérience et son sens pratique pour
composer ces manuels. En même temps aux cours en question il
ajoutait une classe de dessin, d'arithmétique et système métrique. Son
livre sur cette science des nombres, en général peu aimêe des jeunes
gens, fut accueilli avec plaisir et fut la câuse, comme nous le velrons,
des plus beaux triomphes de ces cours, car il subvenait aux besoins
non seulement intellectuels, mais aussi matériels [oes gens] du peuple.
En apprenant, les jeunes lui furent reconnaissants pour sa longue,
fatigante et constante préparation et pour les nuits qu'il avait passées à
écrire ces livres.
C'était un spectacle merveilleux quand on voyait éclairées
le soir les pièces de la maison Pinardi, pleines à craquer d'enfants et
de jeunes gens, comme si, là-dedans, on célébrait une fête continuelle.

58.5 Page 575

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56t
Dans quelques pièces on les voyait debout devant les tableaux
muraux, ou bien un livre à la main ; dans d'autres, ils tenaient
dans les bancs [oe classe], appliqués à I'exercice de l'écriture, tan-
dis que d'autres à genoux à côté de simples bancs de l'église ou
assis par tene griffonnaient sur leurs cahiers les grandes lettres.
Parfois D. Bosco apparaissait sur le balcon, donnait un coup d'æil
aux classes voisines, et descendait au rez-de-chaussée, en obser-
vant si maîtres et élèves maintenaient l'ordre. Il était toujours ac-
cueilli par un joyeux mouvement de la tête et par le sourire de
ses garçons, qui de la sorte répondaient à son sourire et au si-
gne qu'il leur faisait de la main d'être sages et en silence. par-
fois il faisait un peu d'inspection dans la cour et autour de la
maison, et ensuite il remontait dans sa chambre, transformée en
salle de classe. Il avait réservé pour lui l'explication du système
métrique, et réussissait avec une admirable patience à faire entrer
dans ces têtes de linottes ce qu'il avait écrit dans son petit livre.
Les Frères des Ecoles Chrétiennes se délectaient le soir à Val-
docco à examiner et à étudier la méthode qu'il employait pour
instruire simultanément cette multitude de jeunes. Eux qui con-
naissaient bien D. Bosco et ses écrits affirmèrent ceci : tandis
que les hommes qui ont du génie et une pensée profonde ne se
distinguent pas d'ordinaire par la faculté de conserver de façon
tenace un souvenir, en lui au contraire la prodigieuse mémoire
allait de pair avec I'intelligence et le cæur.
Mais D. Bosco, ne se contentant pas de I'instruction scien-
tifique, animait avec le Théologien Nasi les cours par des leçons sur
le chant grégorien et sur la musique vocale, et plus tard, il voulut en
tout temps qu'elles fussent continuées. Pour cela il reçut également
une grande aide de D. Michel-Ange Chiatellino de Carignano, étu-
diant au Convitto St-François d'Assise : ce dernier, ayant commencé à
cette époque-là à fréquenter I'Oratoire, continua pendant environ huit
ans à y enseigner la musique. Organiste de valeur, il accompagnait
plus tard les jeunes chanteurs dans les églises de Turin, dans les pro-

58.6 Page 576

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562
menades d'automne, et notamment à Castelnuovo et aux Becchi
pour la fête du Saint Rosaire.
Par ce digne prêtre nous avons appris comment les caté-
chistes étudiants, les jeunes maîtres et tous les autres de I'Oratoi-
re faisaient passer dans le cæur de beaucoup de jeunes, qui ne
venaient pas à Valdocco, I'affection et la confiance envers D. Bosco ;
ainsi parfois [ces jeunes] recouraient à lui non seulement pour les af-
faires de l'âme, mais aussi pour l'avoir comme conseiller et protecteur
au milieu des situations confuses dans lesquelles ils s'étaient jetés à
cause de leurs imprudences. Parmi plusieurs faits nous choisissons le
suivant.
Un étudiant d'Université s'était ehdetté auprès d'un juif ;
il ne savait pas comment s'en sortir, et n'osait pas demander à
son père la somme due, de crainte que [ce dernier] ne finît par con-
naître sa mauvaise conduite. Tandis qu'il était dans de vives préoc-
cupations, on lui conseilla de se rendre chez D. Bosco, pour en
recevoir lumière et réconfort. Il y alla ; D. Bosco, bien qu'il ne
le connût pas, I'accueillit et l'écouta avec pleine tendresse, I'exhorta
à renoncer à la voie périlleuse sur laquelle il s'était engagé, I'in-
vita à se mettre en paix avec Dieu par une bonne confession et
l'envoya chercher ce juif, désirant avoir un entretien avec lui. Il
voulait s'assurer du montant de la somme et voir si on pouvait
parvenir à accorder les intérêts selon la justice, et sans exposer à
l'indignation du père le fils repenti. Le juif vint, mais après les
salutations d'usage, D. Bosco se rendit compte qu'il ne réussirait
à rien du tout ; et, ayant pris une décision soudaine, il com-
mença: - Donc vous êtes le créancier de ce jeune homme ?
-
-
-
-
-
Précisêment.
Et de quelle somme ?
De tant.
Et quel intérêt exigez-vous ?
Cinq pour cent.

58.7 Page 577

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563
-Par an?
- Par mois !
D. Bosco se leva avec calme, regarda fixement ce monsieur pendant
un long moment de son regard pénétrant où, semblait-il, brillaient le
-rtseeaapnurtoE,lceithl,nertIeê'ameiyttéealnanrattm:sveea-rnissai lcCpeeoi,nslieqpmuupeiilsondutielrpslcaa'eérnpcltierèipascaed:r,em-eunxoirrsêCep?viénetq-rasnptdoEuluanrcsmcoueêlitnmedt,eeplesaporhrnremapmsooeiaus,nsi?--l
conduisit sur le balcon ce vieil usurier qui, abasourdi et même pris de
crainte que ne circulât en ville [le récit de] son activité, ne savait pas
quoi lui répondre ; et il lui ferma posément la porte au nez. Puis il
s'empressa de rendre visite au père du pauvre étudiant, lui fit connaî-
tre cette ignoble affaire, de telle manière qu'il prît en bonne part une
telle révélation ; il lui parla du repentir du fils, le pria de bien vouloir
lui pardonner, et il lui indiqua le moyen de satisfaire promptement ce
juif, également pour I'honneur de la famille. Le bon père consentit et
paya la dette ; le juif, encore sous l'impression du regard et des
paroles de D. Bosco, ne fit pas de difficultés pour ramener I'intérêt à
une mesure plus équitable, et le pauvre étudiant, à qui le père avait
pardonné, recouvra sa paix et devint meilleur. La charité de D. Bosco
embrassait tous ceux qui s'approchaient de lui. Pertransiit benefa-
ciendo [Il passa en faisant le bien].
* A propos de la page 554 Le dimanche et les jours de fête, dans cha-
que école du Piémont, une Réunion spirituelle était alors imposée aux étu-
diants pour favoriser leur vie religieuse.

58.8 Page 578

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564
CHAPITRE LIX
Avec le miel on prend
- [,tsv$7s de la vie.
aussi
les
guêpes
-
Un père irréligieux
Celui eui pourrait énumérer les avantages, spirituels et
temporels, apportés dès cette époque par D. Bosco à chacun des
jeunes gens qui accouraient autour de lui, et connaître les histoires
émouvantes qui les concernent, celui-là verrait comme a été grande la
bonté du Seigneur dans l'institution de l'Oratoire St-François de Sales.
Le développement de notre récit ne peut en donner une idée complète,
mais il sera suffisant pour que I'on entrevoie les merveilles qui de-
meurent cachées. Voici une première preuve de notre assertion.
Devant le portail d'entrée du domaine de la maison
Pinardi, au milieu de I'espace sur lequel de nos jours s'élève le chæur
de I'Eglise Marie-Auxiliatrice, un gros mûrier étalait sa frondaison.
D. Bosco aimait cet arbre I'entourant de respect, celui-là même dont
les anciens patriarches entouraient le chêne de Mambré quand ils le
regardaient. Il avait I'habitude de I'appeler l'arbre de la vie en raison
de plusieurs évênements bien chers qui se déroulèrent à I'ombre de
ses branches, mais notamment en raison de deux faits, dont I'un se
produisit en cette année 1846 et l'autre quelque temps plus tard. Pour
l'instant présentons le premier, selon le compte rendu que nous trans-
mit un ancien élève, et qui nous fut confirmé par Joseph Buzzetti.

58.9 Page 579

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565
C'était un dimanche, et les jeunes de l,Oratoire jouaient
dans la cour. D. Bosco, en conversation avec le Théologien Bo-
rel, se promenait auprès du mur d'enceinte, tout en surveillant la
rêcréation, lorsque trois gamins, qui se poursuivaient dans les
prés environnants, à entendre tant de bruit en ce lieu, s'arrêtè-
rent
gens
et dirent entre
là-dedans ?
eux
:
-
Regardons-nous ce que font ces
efsaan-isntut:,iOteaiul,iid,jseeo'azup-vi,mporsooucischàrediaimdrlaeuoipnmtlutoeusurrht,eacItreedsjieq:duevpeuooxujuesar,ruavstreioermusrtae,laien.ge-rpzipr-empneSonriieteôànttt,cdseeuintr,pmlesouuiutrôrss-t;
épaules lui faisant la courte échelle, et lui, s,étant assis là-haut,
reste comme enchanté devant le spectacle de tant de passe-temps.
Et voilà que tout à coup
faisons-nous une blague ?
I'un de ses amis dit à l,autre :
Toi, donne-lui une poussée et
-jetteL-ulei
pernêtblausi ,adusesiI'àaucteretteetsép.-glerAiello;nest-,ys!ourléevpéonpdarI'aleutprreemgaiemr,ini,l
s'élève à la bonne hauteur, donne une violente bourrade à celui
qui se trouvait sur le mur et puis tous les deux s'enfuient en
riant. A cette poussée inattendue le pauvre diable ne put trou-
ver la parade et alla tomber entre D. Bosco et le Théologien
Borel.
Les deux prêtres, presque épouvantés par l'événement inattendu,
firent un pas en arrière ; mais ayant vu ce jeune garçon qui tout
timide et en pleurs se levait de terre et cherchait du regard une
ouverture pour s'enfuir, ils le mirent au milieu d'eux. Don Bosco
le prit par la main, mais il
partir, laissez-moi partir !
se débattait
en
criant
:
-
Laissez-moi
qu-oi
Mais où veux-tu partir
agis-tu de la sorte ?
?
Ecoute
au
moins
un
mot
!...
pour_
du-irePearnceprqisuoen.vous voulez me frapper, vous voulez me faire con-
m-ilieMu adi'samniosn?;
de quoi as-tu
Arrête-toi ici
peur ? Ne
avec nous
vois-tu pas que tu
quelques instants !
es
au

58.10 Page 580

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566
pr-êtreMs.aiMs ojen
veux
père
m'en aller,
me dit que
car
les
je ne veux pas
prêtres sont. "
rester
avec
les
to-us
Mais non, mon cher ;
ces garçons amis des
ne crois
prêtres,
pas à de telles
comme ils sont
sottises' Vois
tous heureux.
Demande-leur un peu si je ne les traite pas bien' Je ne veux
pas autre chose de leur part, je veux seulement qu'ils deviennent
bons et qu'ils soient sans cesse joyeux.
Pendant ce temps beaucoup de jeunes étaient accourus et écou-
taient ce beau dialogue. Certains, qui connaissaient le gamin,
I'appelèrent par son prénom et à cause de cela il s'était un peu
calmé.
-Tu n'es jamais allé au catéchisme? continua D'Bosco en le
caressant.
si-jeNroensta;ise,t
justement je veux m'en aller,
vous me conduiriez à écouter
car
le
je m'aperçois
catéchisme'
que,
-
-
Cela ne te plairait pas d'entendre un beau récit ?
Jg n'sn ai pas envie.
et dis-moi un peu, quel âge as-tu?
co--uPpaQtsuieeacntoicrlzeec..h.aenrsch!a..it.
Mais laissez-moi
à se dégager.
partir
;
-
et donnant un
- Un moment encore ; et à la communion, tu n'as pas encore
été admis ?
-
-
E-t
Non.
Et à
Oh,
puis
la
la
si
messe, tu n'Y es jamais allé ?
messe, il faut la laisser aux prêtres et aux bigots !
j'y allais, mon père me donnerait beaucoup de
coups.
pnuvlg
gi-en Borel
garçon !
; il y a
s'écria
ici un
alors D.
mystère
Bosco
: c'est
toumé vers le Théolo-
un enfant perdu à ja-
mais, si nous ne réussissons pas à le mettre maintenant sur le
bon chemin.
Puis, après avoir réfléchi quelque peu, il se tourne de nou-
veau vers Ie jeune qui avait cessé de pleurer et qui déjà
laissait entrevoir son habituelle insolence, et il lui dit : - Te

59 Pages 581-590

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59.1 Page 581

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567
plairaifil de venir t'amuser en ce lieu et jouer avec tous ces amis ?
de-venOiruiun! eponuoruvuilleq*ueetvuonucsntein.me fassiez pas aller à l'église pour
- Mais dis-moi un peu ; est-ce que par hasard ces jeunes que tu as
autour de toi te sembleraient des nouilles et des crétins ? Ne vois-tu
pas comme ils sont dégourdis, sans la moindre gêne et comme ils
jouent chaleureusement ?
Le jeune garçon contemplait ce tourbillon de jeunes courant d,un
côté à l'autre : quelques-uns parmi eux l,invitaient du geste et de la
voix à être de leur partie ; et lui machinalement répondait
bien sûr que j'y viendrais !
:
-
Et
- Eh bien ; mets-toi à jouer avec les autres, Iui dit Don Bosco.
ce gars-là ne se le fit pas dire deux fois, et en quelques sauts il fut
au milieu des bandes de copains, et se mit à courir à travers la cour en
long et en large jusqu'à I'heure d'aller à l'église. Mais lorsque retentit
la sonnerie il laissa sans délai son jeu et courut tout droit pour sortir.
D. Bosco, qui était et le tenait sans cesse à l'æil, I'arrêta, lui adressa
quelques mots, peu nombreux, louant son habileté au jeu et lui expri-
mant le plaisir qu'il avait eu à le rencontrer ; et il lui donna congé.
Le dimanche suivant le jeune garçon vint sans même avoir
étê invité, et il commença tout simplement à jouer ; mais vers la fin de
la récréation, il s'approchait de la porte. Cependant D. Bosco, qui
- I'attendait, lui dit : vas-tu ? Tu ne viens pas quelques minutes
à l'église avec les autres ?
- Eh ! répondit lejeune cachant sonjeu : je suis pressé ; je dois al_
ler chez moi ; après je suis attendu en un endroit je dois me ren-
dre ;je viendrai un autre dimanche.
- Eh bien ; nous nous reverrons, hein ? mais viens car je t'attends !
Et il lui fit un petit cadeau, qui fut très apprécié.
* Le mot muffito, employé dans le texte original, est un terme du dialecte pié-
montais au sens de : moisi, ranci, sans nerfs, qui a perdu sa qualité, son tonus.

59.2 Page 582

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568
Le troisième dimanche il fut très ponctuel pour la têctêa-
tion, et bien qu'il fît un peu la moue quand il fut question d'aller à
l'église, néanmoins il y resta un bon bout de temps, et quand il en
sortit au milieu de I'enseignement donné par le Théologien Borel,
D. Bosco l,accompagna avec des manières bienveillantes jusqu'à la
porte, en lui disant :
que affaire pressante
-quiUt'napapuetrlelejoauilrleduersf,êtaeinvsiei ntus
sans avoir quel-
poulras plus li-
brement rester avec nous toute la soirée.
La bonté de D. Bosco obtint pour finir que le jeune prit
part matin et soir aux cérémonies sacrées, quand il le pouvait. En peu
de semaines le gamement avait changé d'idées et de mæurs. voyant
I'affection et la confiance qu'il avait placées.en lui, ayant choisi le mo-
ment opportun, qu'il savait si bien trouver, I'ayant pris à part et se pro-
menant
dans
avec lui, D. Bosco lui dit : -
le chæur. Tu sais bien ! Près
Viens un beau jour me trouver
du confessionnal ! Tu verras, je
te dirai de belles choses ! viendras-tu ? Dis-moi oui ! vraiment, tu
viendras ?
-alitOê,ubi iqeuneinjestvruieitn,dirlaine! taprodnadiitt
pleajseuànfeaiarveecsadépcreismioinè're-
Et en
confes-
sion et sa première communion.
A cette époque et pendant bien des années qui suivirent
combien de fois se renouvelèrent de telles scènes : par sa charité,
patiente et prudente, D. Bosco venait à bout d'un très grand nombre
de cæurs réticents et, je dirais, brutaux, les remettait dans la grâce de
Dieu, et de cette façon les rendait heureux ! Mais ce qui est plus
merveilleux, c'est I'héroïque fermeté avec laquelle certains de ces
petits convertis savaient se maintenir constants dans le bien.
Le père de cejeune garçon tenait un atelier de sculpture'
Homme méchant, sans religion, il avait jusqu'à ce jour laissé son fils
libre de mener tout à son aise une vie dissolue, l'entraînant au mal par
des propos obscènes, par des jurons, et l'obligeant souvent à travailler

59.3 Page 583

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569
la matinée du dimanche. Habitué à s'asseoir I'après-midi sur les
bancs des tavernes et à y rester jusqu'à une heure très avancée de
la nuit, il ne s'était pas encore rendu compte du changement de ses
mæurs. Le jeune garçon n'osait pas lui révéler qu'il avait fait sa pre-
mière communion, mais quelques copains du voisinage parlèrent de
sa fréquentation de l'oratoire. Le père, ayant appris cette nouvelle,
: entra dans une colère noire, et lui dit
Gare à toi, gare à toi si tu
- mets encore les pieds là-dedans. Je ne veux en rien avoir affaire avec
ces prêtres : je te l'interdis absolument !
Le fils qui connaissait les violences auxquelles son père se laissait
parfois emporter, répondit
que je fasse le dimanche ?
reefsftrearyàél:a-maiMsoanis,apppèorert,e
que
trop
voulez-vous
d'ennui. Au
contraire à I'oratoire nous nous amusons et nous passons la joumée
dans la joie.
- Je te dis que je ne veux pas, l,interrompit cet [etre] inhumain :
et ça suffit, nom de... et ici un juron.
lu-de
Eh bien, j'obéirai : conclut le pauvre fils qui, pour avoir réso_
fuir les anciens copains, se sentait contraint à rester solitaire.
ne
youlez
Le dimanche venu,
pas que je me rende
il disait
chez D.
à son père :
Bosco, j'irai
-
me
puisque vous
promener. _
c'est ce qu'il faisait, se rendant toutefois dans les alentours de I'o-
ratoire ; il y entrait pour quelques minutes et racontait à D. Bosco ses
: chagrins. D. Bosco le réconfortait
viens donc ; c'est nécessaire
- ; pour le bien de ton âme ce n'est pas un mensonge de dire que tu vas
te promener ; sois tranquille, la Vierge Bienheureuse t'aidera. _ Et
le jeune s'empressait de retourner chez lui et, interrogé [surr,en-
droitl il avait
me promener !
passé
l'après-midi,
il
répondait
:
-
Je suis allé
Il continua ainsi pendant deux dimanches, quand au mi_
lieu de la semaine le diable, on ne sut par quel moyen, souffla
dans l'oreille de cet [ctre] brutal que son fils continuait à aller
à l'oratoire. Furibond, il vint à sa rencontre tandis qu'il rentrait

59.4 Page 584

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570
à la maison après avoir fait une course et, I'ayant saisi par un
bras,
terdit
idl 'aclrleiaritp:a-rmiTcuetnte'asrapcaasillceomqupriisenqtuoeurjee
t'ai absolument in-
D. Bosco ? si tu y
vas encore, un jour ou I'autre je te fends le crâne ! Les belles
choses que vous a apprises D. Bosco : oh ! elles sont vraiment
dignes de lui ! Apprendre aux enfants à désobéir à leur père !
Mais tu vemas que personne ne pourra impunément se moquer
de
et
moi ! - Et
grommelant,
ce père
retourna
modèle, si jaloux
à son travail dans
de son autorité, jurant
l'atelier, suivi par Son
fils, qui dut pendant un bon moment en supporter les injustes
réprimandes.
Terrorisé par la menace paternelle et, en même temps lm-
patient d'aller avec D. Bosco, il se trouvait devant une altemative tor-
turante ; et ses journées s'écoulaient mélancoliques. Arriva Ia soirée
d,un samedi, et il passa presque toute la nuit sans dormir. [l pensait à
ses nouveaux amis, qui s'amusaient dans la cour de l'Oratoire tandis
qu'il était condamnê à rester loin d'eux ; il pensait à la confes-
sion, et à la communion qu'il ne pourrait recevoir ; il pensait à
D. Bosco, à son père, à lui-même et il fondait en larmes"' Mais
ayant repris courage grâce à la prière, il se leva et, comme son
père n'avait pas de travaux à lui confier, de bon matin, par un
froid très intense au fait que l'automne était fort avancé, sans
dire un mot à quiconque, il se dirigea vers I'Oratoire, il s'ap-
procha des sacrements. Plein de courage il rentra en famille et
le soir il réapparut aux cérémonies. Mais le père, pour la pre-
mière fois dans sa vie, l'avait surveillé. A la tombée de la nuit
remettant le pied sur le seuil de la maison, le fils le rencontra
qui, excité par Ie vin et tenant en main une hachette, hurlait :
- Ah, tu es allé chez D. Bosco !
Le jeune, pris d'épouvante, s'enfuit à toute allure, et le
père, accompagné de sa femme, qui essayait de le calmer en
lui enlevant de la main I'outil, courait derrière lui, en criant :

59.5 Page 585

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57r
-Dpo. uBJvoeastcietol.ure-tjtoeirnEdtàaraniltaetot ucjetoeuftoreissetudea'urvanei,câfgûuetn-cqeujeemulqênumeeedpdeeaunqasuvlaaentsocrébz,reaislanndsee.
Celui-ci, à son arrivée à I'Oratoire, trouve la porte fermée ; il
hésite un peu, puis frappe, mais n'ose pas appeler les gens de la
maison par crainte de se faire découvrir ; et voici que résonnent
les voix et les pas précipités de ses parents. Dans ce grave mo-
ment d'angoisse il lance un regard tout autour et, ayant vu tout
près un mûrier, il grimpe dessus et s'y agrippe pelotonné entre
une branche et une autre sans dire un mot, comme un malfai-
teur qui craint d'être sulpris par la justice. Il n'y avait pas de
feuille pour le cacher et la brume commençait à être éclairée par
les rayons de la lune. 11 était à peine. monté que juste à ce
moment-là surgissaient hors d'haleine ses parents qui venaient le
chercher chez D. Bosco. Ils passent sous le mûrier sans le voir
et, étant allés directement à la porte, ils la frappent de toutes
leurs forces comme s'ils voulaient I'abattre. Maman Marguerite
qui, à I'arrivée du jeune garçon, s,était mise à la fenêtre et
I'avait vu monter rapidement dans le mûrier, entendant à pré-
sent ce fracas digne de vandales et devinant sa cause, cou-
rut aussitôt en
ouvrir la porte
:inafoinrsmi ecresD.gBenoss'cfuo.riecuexdneernsie'arrrfêitteirmaimenêtdpiaatesmtreonpt
longtemps au voisinage du mûrier, risquant dans le cas contraire
de découvrir le refuge de leur fils. Alors cet homme et cette
femme enfilèrent I'escalier et firent imrption dans la chambre
de D.
tre fils
Bosco,
?
criant
d'une
façon
menaÇante
:
-
est no-
-Dr.eBP. ooEsutcroislûrspeqounm'dilitietrséàtso1vlàuis,:iet-et rjelValoetcrtheraofmuivlbserrena,,ie,osgturpovagrisntailceie.sn
jurant le
armoires,
regarda sous le
il doit être ici.
lit
répétant
de
temps
en
temps
:
-
Et pourtant
-
nom
Mais excusez-moi, monsieur,
! demanda D. Bosco.
ayez
la
bonté
de
me
dire
votre

59.6 Page 586

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572
dEe-tveeMnz olpenarsnlaaonvmot i,ravi!noscui'seislnt'eamnvteroezippqreaunsiabviteesudoxeinsreaqnvutoerierjreodùavonesusstlemlseoadnuistferiels:sv!poi-uès-
CES.
Alors D. Bosco,
je vous dis qu'il
sur un ton
n'est pas
iccai l;meetmmaêismiempso'isl aynte:s-t,
Monsieur ;
vous n'avez
pas le droit de vous introduire chez les autres. C'est ma maison,
et ici c'est moi qui commande. Donc allez-vous-en dans vos af-
faires, autrement ce seront d'autres qui vous y feront aller'
ex-aspEéhréb, ieent ,jej'ilreaifearuaiSseorrvtiicreddees
Police, dit le père
griffes des prêtres'
encore
plus
sa-cheOzuqi,ueallje'izradiomncoiaauusSsei,rveict ejedesaPuoraliiceré,vaéjloeurtavoDs.
Bosco, mais
vertus et vos
miracles, et si en ce monde il y a encore des lois et des tri-
bunaux, vous en subirez
mination de D. Bosco les
dtoeuuxteinldaivriidguuse,uqr.ui-
A voir la
n'avaient pas
déter-
bonne
conscience, s'êloignèrent en catimini, sans un bruit, et ne se fi-
rent plus voir.
gnés
sesMdaeiusxdupejersuénceutgeaurrçso, nD, .qBu'oenscfou,t-ail v?e-c
Une fois
sa mère'
êloi-
avec
Btzzetti Joseph et quelques autres jeunes qui avaient retardé leur
retour chez eux, se rend sous le mûrier, et appelle par son pré-
nom l'enfant f invitant à descendre ; mais en vain, car le pauvre
gars ne donnait aucun signe de vie. On regarde attentivement, et
à la clarté de la lune on le voit, immobile, agrippé à quelques
branches. D. Bosco
crains pas, il n'y a
rpélpuèstepeprlsuosnnfoe,rte:t-mêmDeessc'eilnsdrse,vmieonnnecnhte, rn,ounse
te dêfendrons à tout prix
lors un frisson circula
d; a-ns
mais il parlait dans le désert. A-
les veines de tous par crainte
que ne lui fût arrivé un malheur : c'est pourquoi, s'étant fait
apporter une échelle, D. Bosco le cæur tremblant monte dans
I'arbre, s'approche de lui, et Ie trouve comme engourdi et é-
vanoui. Avec les précautions nécessaires il le touche, le secoue,

59.7 Page 587

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573
l'appelle, et alors le garçon, comme sorti d'une léthargie, croyant que
son père lui tombe dessus, se met à crier comme un putois ; il mord et
se débat avec tant de fureur qu'il fut à deux doigts de dégringoler par
terre avec Don Bosco. Le bon prêtre, s'étant d'un bras accroché à une
branche robuste et de l'autre tenant serré le pauvre enfant, lui répétait :
- Nraie pas peur, mon cher, je suis D. Bosco ; observe que j,ai la
soutane ; regarde-moi en face ; calme-toi ; ne me mords pâs car tu me
fais mal ;
le ramène
-
au
somme toute,
calme. S'êtant
tant et
remis,
si bien qu'il le fait revenir à lui, et
le jeune garçon respire profondé-
ment, et ensuite, avec I'aide de D. Bosco, il descend de I'arbre qu,à
bon droit il pouvait appeler l'arbre de la vie. On I'amène à la maison et
la bonne Marguerite, dont le cæur était gonflé par l,angoisse, le ré-
chauffe auprès du feu, le restaure avec une bonne soupe, et lui prépare
un endroit pour dormir cette nuit-là. Le lendemain, pour le protéger
de la colère du père, D. Bosco l'envoya chez un bon patron dans une
bourgade voisine. Sa maintenant fervent chrétien, il se prefectionna
dans son métier, et revenu à Turin longtemps après, il put avec grande
charité soutenir dans leur vieillesse ses parents peu aimables.

59.8 Page 588

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574
CHAPITRE LX
La première cloche de l' Oratoire L' apparition de
Notre-Dame à La Salexe
chantée le jour de Noël
à-
La première
Valdocco.
Messe
de
Minuit
L'onnée .l846 touchait à sa fin, et pour I'Oratoire le mois
de décembre se faisait remarquable à cause d'événements heureux.
Le Théologien Jean Vola avait donné en cadeau une petite cloche
d'environ 22 kilogrammes, en déboursant 88,50 lires. Pour la placer
sur le haut du mur de la maison qui regarde vers I'ouest, D. Bosco
avait fait dresser deux petits piliers soutenant un linteau sommaire,
surmonté d'une croix. Le Théologien Borel présentait à I'Archevêque
une supplique, qui donne également une preuve du bon résultat des
fatigues apostoliques de D. Bosco et de ses compagnons :
Excellence Révérendisstme,
Les prêtres qui s'emploient à I'instruction religieuse des jeunes
de I'Oratoire St-François de Sales, récemment ouvert, et bénit
par autorisation de V[otre] Exc[ellence] Révérendissime, à Val-
docco, sur la Paroisse Sts-Simon-et-Jude ; voyant leurs væux
bénis du fait de la foule énorme de jeunes et de la bonne
réussite de beaucoup d'entre eux, dans le but d'encourager davan-

59.9 Page 589

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575
tage chez leurs disciples la piété et la dévotion, ont le désir de placer
sur le clocher une cloche qu'ils tiennent déjà prête : c'est pourquoi
ils implorent humblement le pouvoir de la bénir, avec délégation au
Rév[érend] Théologien Vola Jean, Junior.
Que de la grâce
Pour les susdits
JEAN BOREL Pr[être]
Mgr Fransoni, ayant reçu une première supplique en date
du 12 novembre, avait délégué pour cette bénédiction le Rév[érend]
Don Augustin Gattino, Curé de la paroisse. Mais, celui-ci n'ayant pu
accepter pour des empêchements survenus, le 14 du même mois il
déléguait le Théologien Jean Vola.
D. Bosco, qui ne laissaitjamais êchapper lamoindreoc-
casion pour exciter chez ses jeunes des sentiments de foi, en leur
montrant combien était important le geste religieux qui serait accom-
pli devant eux, leur avait expliqué les sens mystérieux du rite sacré et
la raison pour laquelle on utilisait I'eau bénite par l'Evêque pour bap-
tiser la cloche. Et il ne manqua pas de leur recommander de se pré-
parer à cette belle cérémonie en s'approchant des Sacrements. Le pre-
mier dimanche après que fut donnée la délégation, le Théologien Vola
bénit solennellement sa cloche, et grande fut l'allégresse des jeunes
lorsqu'ils virent qu'on la faisait monter et puis qu'on la plaçait dans la
petite fenêtre [qui constituait] son clocher ; et spécialement lorsque
pendant une bonne heure sa voix argentine répandit tout autour ses
ondes sonores.
Dorénavant elle appellerait pour toutes les fêtes les jeunes
des maisons environnantes avec une efficacité, je dirais presque égale
- à celle d'un sermon ; les mères affirmèrent souvent : La veille des
fêtes, à entendre ce son dans la soirée, nos enfants ne peuvent plus
demeurer en place ; ils veulent la plus belle veste et le matin ils se

59.10 Page 590

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576
lèvent de très bonne heure, en disant: - Il faut que nous al-
lions faire la sainte Communion.
Ainsi la première fois tomba lors de la solennité de l'[m-
maculée Conception de Marie, fête remplie de joie également à cau-
se du bruit qui courait d'une apparition de Notre-Dame en France,
à La Salette. Ce fut le sujet favori de D. Bosco, maintes et maintes
fois repris par lui non seulement pour réveiller chez les jeunes l'idée
du monde sumaturel ainsi que la dévotion envers Marie et la con-
fiance en elle, mais aussi pour mettre en eux la haine envers trois
péchés qui enflamment la colère de Jésus Christ et font tomber sur
: les hommes de terribles châtiments blasphémer, profaner les fêtes
et manger gras les jours défendus. Il attribuait à cela tellement d'im-
portance qu'il raconta ce fait miraculeux en deux fascicules publiés
en diverses années et en plus de 30 000 exemplaires. C'est pour-
quoi nous pouvons le rapporter en l'abrégeant un peu, et ici nous le
transcrivons avec ses propres mots. Cela semblera peut-être à quel-
qu'un une page superflue, mais il n'en est pas ainsi. Les merveil-
les produites en nombre incalculable au cours de tant de siècles
grâce à Marie, D. Bosco les racontait aux jeunes et nous en gar-
dons le souvenir : parmi elles, nous glanons celles qui émurent le
monde au temps de la vie de notre Fondateur. Ainsi nous pourrons
observer I'action publiquement visible de Notre-Dame dans l'Eglise
Catholique et parallèlement son action plus cachée, mais égale-
ment efficace en D. Bosco et dans l'origine et la fondation de la
Pieuse Société de St François de Sales en vue du salut de la
jeunesse. Nous constatons aussi qu'à partir de 1846 c'est aux en-
fants que Marie daigna apparaître, comme pour leur donner une
preuve de sa prédilection.
A présent venons au fait.
ha-bitPéerèspadrelelas
montagne
bergers à
nue, escarpée, déserte
peine quatre mois de
de [La] Salette,
l'année, vivaient

60 Pages 591-600

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60.1 Page 591

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577
Maximin [agc] de 11 ans et Mélanie de 15. Enfants tous les
deux de parents pauvres, ignorants et rustres, ils étaient préposés
à garder les bêtes. Maximin ne savait rien d'autre que le Pater
et l' Ave; Mélanie n'en savait guère plus, si bien qu'en raison de
son ignorance elle n'avait pas été admise à la sainte Commu-
nion. Le 18 septembre 1846 ils se rencontrèrent par hasard dans
la montagne : pour les abreuver, ils avaient mené leurs vaches à
la même fontaine.
Le soir de ce jour-là, au moment de partir pour réinté-
glteermeprrbelremeu,ierqsr umairaréiisvtaoénitdsu,annMsésllaaamnmieeodndi,taitiglsnàeMy?am-xoimnEtiantie:len-t
Demain qui sera
lendemain 19 sep-
ensemble condui-
sant chacun quatre vaches et une chèvre. La joumée était belle
et sereine, le soleil brillant. Vers midi, entendant le son lointain
d'une cloche qui donnait le signal de I' Angélu^s, ils font une cour-
te prière avec le signe de la croix ; ensuite ils prennent leurs pro-
visions de nourriture et vont manger près d'une petite source, qui
était à gauche d'un ruisseau, dans lequel elle déversait ses eaux
limpides. Ayant fini de manger, ils franchissent le ruisseau, dé-
posent leurs sacs près d'une fontaine asséchée, descendent encore
de quelques pas ; il y avait deux endroits ombragés à quel-
que distance l'un de l'autre: Màximin s'assied d'un côté, Mélanie
de I'autre, et contrairement à leur habitude ils s'endorment.
Mélanie s'éveilla la première à deux heures et demie de
l'après-midi êt, ne voyant plus ses vaches, elle appela Maxi-
min,
Tous
leesndleuuixdfisraannct h:ir-ent
Debout, allons
le ruisseau, et
chercher nos
étant montés
vaches. -
d'une quin-
zaine de pas, ils virent les vaches pas très éloignées, couchées
dans la partie opposée. Alors Mélanie redescendit et, avant d'ar-
river au ruisseau, elle vit une clarté comme celle du soleil,
mais encore plus brillante et de couleurs variées, et elle cria
à Maximin : - Viens, viens vite voir là, en bas, une clarté. -

60.2 Page 592

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578
-MQuaaxMnimdélaiinlnilceaolvuairtu,lutMiaaiunxsdismiqituôintaesl'nearlrduêotiaigd. tiAsdalonirrtisg:éc-lvaeirOresmùleaensptteilctsietetatepfoecnrçltauarritnen?t.
au milieu de cette lumière une Dame, qui était assise sur un tas
de pierres, le visage entre les mains. Elle avait des souliers
blancs avec autour des roses de diverses couleurs, des bas et un
tablier de couleur jaune, une robe blanche toute parsemée de
perles, au cou un foulard immaculé ourlé de roses, une coiffe ou
mitre un peu penchée en avant avec une couronne de jolies
roses. Du cou lui pendait une petite chaîne à laquelle était
accroché un crucifix portant, aux extrémités du bois du croisil-
lon, à droite une tenaille, à gauche un marteau.
Dans sa peur Mélanie avait laissé tomber son bâton. Quel-
ques instants plus tard Ia Dame, ayant baissé les mains, dé-
couvrit son visage immaculé si éblouissant qu'on ne pouvait pas
le regarder pendant très longtemps. Puis elle se leva, croisa les
bras et
enfants ;
dit aux deux petits bergers :
n'ayez pas peur; je suis ici
-pouAr vvaonucsezd-voonunse,r
mes
une
rguriasnsdeeaun,oeuvt eelllele. -s'avAalnoçras
Maximin et Mélanie franchirent
jusqu'à l'endroit auparavant
le
ils
s'étaient endormis. La Dame se mit au milieu des deux petits
bergers et leur dit, en sillonnant continuellement de larmes son
bfoeracuéevisdaegere:-cheSr ilamomnaipneudpelemnoen
veut pas se soumettre, je suis
Fils. Elle est si puissante, si
pesante, que je ne peux plus la retenir. Cela fait bien long-
temps que je souffre pour vous ! Si je veux que mon Fils ne
vous abandonne pas, je dois le prier constamment ; et vous
autres vous n'en faites pas cas. Vous aurez beau prier, beau
faire ; jamais vous ne pourrez compenser la sollicitude que j'ai
prise pour vous. Je vous ai donnés, dit le Seigneur, six
jours pour travailler, je me suis réservé le septième, et on
ne veut pas me I'accorder. C'est ce qui rend si pesante la
main de mon Fils. Si vos pommes de terre se gâtent, c'est

60.3 Page 593

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579
complètement de votre faute. Je vous l'ai fait voir l'année dernière ; et
vous n'avez pas voulu en faire cas et, trouvant des pommes de terre
gâtées vous juriez par le nom de mon Fils. Elles continueront à se
gâter, et cette année pour Noël vous n'en aurez plus. Si vous avez dl
blé, ne le semez pas ; tout ce que vous sèmerez, sera mangé par les
vers, et ce qui poussera tombera en poussière quand vous le battrez...
ll y aura une grande mortalité chez les petits enfants de moins de sept
ans... Viendra une grande famine... Les noix se gâteront et les raisins
pourriront... (1).
A ce moment-là la Dame cessa de parler et ne faisait que
remuer les lèvres sans faire entendre ce qu'elle disait ; mais les petits
bergers comprirent qu'elle leur confiait séparément un secret, avec
I'interdiction de le confier à d'autres, même pas I'un à I'autre entre eux
deux. Puis, ayant repris la conversation d'une voix claire, elle
ajouta : - Mais si les hommes se convertissent, les pierres et les
rochers se changeront en tas de blé et les pommes de terre seront
spontanément produites par la terre elle-même.
est-ce
Puis elle demanda aux deux petits
que vous dites bien vos prières ?
bergers
.
-
Et vous,
m--atinPA.ahQs!utrmaonepds
bien, Madame, répondirent-ils.
enfants, vous devez les dire comme il faut soir et
vous n'avez pas le temps, dites au moins un Pater
et un Ave Maria; et quand yous aurez le temps, dites-en da-
vantage.
Et, reprenant
ne vont que
le ton de
quelques
vrieepirlloecshefe, melmleecso,netintulae:s-autAreslatrmaveassile-
lent le Dimanche tout l'été ; et I'hiver les jeunes, quand ils
ne sâvent pas quoi faire, vont à la messe pour toumer en
(1) C.r prophéties se sont réalisées. Dans toute I'Europe l'oTdium causa
au raisin d'immenses dommages et dura de 1849 à 7874.

60.4 Page 594

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580
ridicule la religion. Le carême n'est pas observé ; on va à la
boucherie comme des chiens...
en
as
vu
Puis elle s'adressa
du blé gàté?
à
Maximin
:
-
Et toi, mon garçon, tu
-
Oh non,
p6s62n1
-
Coïn [sic ; voir
Madame, répondit l'enfant.
tu dois en avoir vu une fois du côté du territoire de
* page 584] : tu te trouvais avec ton père. Le pro-
priétaire du champ dit à ton père d'aller voir son blé gâté ; vous
y êtes allés tous les deux. Vous avez pris dans vos mains quel-
ques épis qui, une fois frottés, tombèrent tous en poussière, puis
vous vous êtes mis en chemin pour le retour. Lorsque vous étiez
encore à une demi-heure de route de Corps, ton père te donna
un morceau de pain et te dit :- Prends, ô mon fils, mange en-
core du pain cette année ; je ne sais pa§ qui en mangera l'an
prochain, si le blé continue à se gâter de cette façon.
peMllaex;imilinyapqounedliqt u:e-s
Oh oui, Madame, à présent je me
instants, je ne m'en souvenais pas.
le
rap-
ce
que
je
Après cela la
vous ai dit, vous
Dame dit : -
le ferez savoir
à
Eh bien,
tout mon
mes enfants,
peuple !
tout
Puis elle franchit le ruisseau et, après avoir fait quelques pas, sans
se retoumer
mes enfants,
elle
vous
répéta aux deux
le ferez savoir à
ptoeuttitsmboenrgpeerusp'le.-
Eh bien,
Elle monta ensuite jusqu'à l'endroit Maximin et Mé-
lanie étaient allés pour rechercher leur troupeau. Tous les deux
la suivaient ; elle marchait sur I'herbe et ses pieds n'en frô-
laient que I'extrémitê supérieure. Mélanie passa devant elle et
Maximin était à côté d'elle à peu de distance. En cet en-
droit la belle Dame s'éleva à plus d'un mètre du sol, et resta
ainsi suspendue dans l'air pendant un moment. Mélanie la con-
templait comme en extase. Elle tourna les yeux vers le ciel, puis
vers la terre. On ne vit plus la tête... les bras non plus...

60.5 Page 595

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581
on ne vit plus qu'une clarté dans I'air ; et puis la clarté dispa-
rut.
- Mélanie, remise de sa stupeur, dit à Maximin :
une grande Sainte ?
peut-être est-ce
teE, tnMouasxilmuiina:ur-ionOs hdisti
nous avions su que
de nous emmener
c,était une
avec elle.
grande
Sain-
-AuEsst isi telMleayxéimtaiitnesn'céolare?a pour atteindre de la main un peu de
la cla*ê qui n'avait pas totalement disparu, mais cela également
s'évanouissait. Les deux petits bergers regardèrent tout autour avec u-
ne vive attention pour observer s'ils pouvaient la voir encore, et Mé-
lanie s'écria :
sachions pas
o-ù
Elle ne
elle s'en
veut
va.
pas
se
faire
voir,
pour
que
nous
ne
Comme s'approchait l'heure du coucher du soleil, ils se mi-
rent en chemin derrière leurs vaches. Rentrés chez eux, ils racontè-
rent à leurs parents les merveilles vues et entendues, et ils dirent
également que la Dame leur avait confié un secret, mais avec l,ordre
de ne le révéler à personne. comme si les enfants peuvent garder le
silence, pensera chacun ; et pourtant ils ne prononcèrent pas un mot
de plus. Le lendemain, revenus à la fontaine asséchée, près de laquelle
s'était assise la Dame et qui ne donnait pas d'eau sinon après d'a-
bondantes pluies et la fonte des neiges, ils virent qu'elle avait com-
mencé à produire un jaillissement et I'eau coulait claire et limpide
sans intemrption. se répandit entre-temps le bruit de l'apparition de
Notre-Dame, commencèrent les pèlerinages, et des populations en-
tières se convertissaient.
Nous ajouterons, pour ne pas laisser interrompu le récit,
que la fontaine continua à donner sans cesse une eau abondante,
que des grâces extraordinaires dans I'ordre spirituel étaient accor-
dées en grand nombre par le seigneur et, que le jour du pre-
mier anniversaire de I'apparition, plus de 70 000 pèlerins cou-
vraient la surface de ce terrain béni par Marie, sur lequel à présent

60.6 Page 596

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582
s'élève une majestueuse basilique et un très vaste centre d'accueil.
Pendant deux bonnes années l'autorité ecclésiastique avait examiné
I'affaire, de très nombreuses fois interrogé séparément les deux en-
fants, pendant cinq, six, sept heures de suite en essayant de les mettre
dans I'embarras et de les entraîner dans la contradiction, mais on ne
réussit pas, car leurs dépositions furent constamment les mêmes, voire
dans la forme. Quant au secret, dont également entre eux deux ils ne
dirent jamais un mot, il n'y eut pas moyen de leur arracher de la bou-
che, malgré les interventions par lesquelles, pendant vingt bonnes an-
nées, des centaines de personnes les sollicitèrent de mille façons par
des prières, des questions au dépourvu, des menaces' des injures, des
cadeaux et des promesses. En 1851 cependant, puisqu'ils avaient ap-
pris à lire et à écrire, I'Evêque de Grenoble leur avait ordonné de faire
connaître au Pape ce secret dans une lettre : ils obéirent. Ils écrivirent
et cachetèrent les deux lettres devant des témoins, et dès que le saint
- Père Pie IX eut lu, il s'écria ému : Il s'agit de fléaux dont la Fran-
ce est menacée. Ce n'est pas elle seulement qui est coupable, le sont
aussi I'Allemagne, I'Italie, I'Europe entière, et elles méritent des châti-
ments. Je redoute beaucoup I'indifférence religieuse et le respect hu-
main. - Et il ne parla plus. - Telle est la narration de D. Bosco.
Il est incalculable le bien spirituel que les jeunes de l'O-
ratoire tiraient de ces récits, faits par un prêtre qui leur parlait
de Notre-Dame comme s'il l'avait vue, tant était grande la viva-
cité, non seulement d'élocution que de pensée, dans ses descrip-
tions. Que de fois les jeunes, qui ne savaient rien des rêves de
D. Bosco, se trouvaient saisis d'émotion à [entendre] ses paroles,
et alors leur chant familier Nous sommes fils de Marie était re-
pris avec un enthousiasme des plus chargés d'amour.
La fête de I'Immaculée Conception était une préparation à
celle du saint Noël. Grande était la foi de D. Bosco pour tous
les mystères de Notre Sainte Religion. C'est pourquoi, afin de
manifester avec le plus vif élan du cæur sa dêvotion envers I'in-

60.7 Page 597

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583
carnation du Verbe Divin ; et pour la provoquer et l,encourager da-
vantage chez les autres, il avait demandé au Saint-Siège la permis-
sion de distribuer à NoëI, dans la chapelle de l'Oratoire, la sainte
Communion au cours de la Messe de Minuit, solennellement chantée.
Pie IX la lui accordait pour trois ans. Ayant annoncé aux jeunes
l'heureuse nouvelle, il prépara et fit apprendre à ses choristes une
messe brève et quelques refrains de dévotion qu'il avait composés en
I'honneur de I'Enfant Jésus, et en attendant il décorait du mieux qu,il
pouvait sa petite église. Ayant invité, en plus des jeunes, d'autres
fidèles, il commença la neuvaine. Mgr l'Archevêque lui avait permis
de pouvoir donner la bénédiction du Saint Sacrement chaque fois qu,il
le désirait ; mais c'était seulement en de telles occasions qu'il pouvait
conserver au tabemacle la Ste Eucharistie.
Nombreuse fut la foule, car il avait fait pénétrer dans l,âme
de ses petits amis des sentiments de grande tendresse envers le
Divin petit enfant. Il était le seul prêtre : le soir des neuf jours il
confessait beaucoup de personnes qui le lendemain désiraient faire la
Communion. Le matin il descendait tôt dans l'église pour donner
cette possibilité aux apprentis qui devaient se rendre au travail.
Ayant célébré la Messe, il distribuait I'Eucharistie, ensuite il prêchait
et, après le chant des prophéties.exécuté par quelques catéchistes
instruits par lui, il donnait la bénédiction du St Sacrement.
Puis, le soir de cette nuit mémorable, après avoir confessé
jusqu'à 11 heures, il chanta une messe, distribua la sainte Com-
munion à plusieurs centaines de personnes : il était ému jus-
dqiluis'matruibexusalaeirtmmuebnsle,peêetttritoenraepIu'eansptaearnauddxaisjiet|usn'-éecsriegLera.ns-ertéQmleuoesnllrieeenctoevnormsyoailnaitétieochn, eizl!
eux pour se reposer.
Après quelques courtes heures de sommeil, il revenait dans
l'église, attendant la foule plus nombreuse qui n,avait pu assister

60.8 Page 598

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584
à la solennité de la nuit, confessait, célébrait les deux autres
messes, donnait la Communion et ensuite reprenait toutes ses
multiples occupations des dimanches et jours de fête.
C'est de cette façon que, pendant plusieurs années, on
célébra la neuvaine et la fête du Saint NoëI, tant que D. Bosco
n'eut pas chez lui d'autres Prêtres.
Mais ces premières fêtes de Noël revêtirent un carac-
tère spécial inoubliable, car elles marquèrent comme la définitive
prise de possession de la maison Pinardi, [cette maison qui avait été]
prédite : tout désormais s'y trouvait mis en place pour le déroule-
ment régulier de l'Oratoire ; et elles confirmèrent les promesses des
vastes bâtiments futurs qui raconteraient la bonté du Seigneur aux
générations futures. Lorsque D. Bosco récita ce jour-là le divin of-
fice, la tête remplie de ses projets, quel sentiment I'aura fait s'écrier :
-tempNloeu. sCéovmomqueontos,n
ô Dieu,
nom, ô
le souvenir de
Dieu, ainsi ta
ta bonté
louange
au milieu de ton
arrive jusqu'aux
extrémités de la terre ! Ta droite est pleine de justice ! (l).
(1) Ps 48,10-1 1
* Il convient de rectifier le nom " Coïn " donné ici au territoire en ques-
tion : il s'agit d'un lieu-dit, appelé " Le Coin " en raison de sa forme, cons-
tituant au confluent du Drac et d'un ruisseau qui descend de la montagne
voisine, I'extrémité de la commune de Corps en direction de La Mure.

60.9 Page 599

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s85
NOTE
ORIGINAUX DES DOCUMENTS TRADUITS AU CHAPITRE XXIX
Beatissime Pater,
Ioannes Bosco Sacerdos e Castelnaoyo, Diocesis Taurinensis in pedemontio,
pro confessione fidelium approbatus, ad Pedes sanctitatis vestrae humiliter
provolutus ab illa enixe postulat:
I. Indultum Altaris privigeliati duabus vicibus in qualibet hebdomada, cum
simile indultum alias non obtinuerit ;
II. Indultum sacrum peragendi una hora vel ante auroram vel post meri-
diem, accedente iusta et rationabili causa, ac nihil omnino percipiendo intui-
tu huiusmodi indulti praeter consuetam manualem eleemosynam;
III. Indulgentiam Plenariam in articulo mortis lucrandam ab Oratore, a suis
consanguineis et affinibus usque ad tertium gradum inclusive, et ab aliis
quinquaginta personis Oratoris arbitrio eligendis.
Quod Deus etc.
SS. D. N. GREGORIO PAPAE XVI.
- Ex audentia Sanctissimi Die l&aprilis 1845
Sanctissimus remisit preces arbitrio Ordinarii, cum facultatibus
necessariis et opportunis ad effectum indulgendi, ut orator, accedente iusta
et rationabili causa, sacrum peragere valeat, una vel ante auroram, vel post
meridiem hora, dummodo intuitu huiusmodi indulti nihil percipiat, praeter
consuetam manualem eleemosynam. contrariis non obstantibus. In reliquis
indulsit pro gratia, ut petitur, in forma tamen Ecclesiae consueta, et ab
Apostolica Sede praescripta.
Loco sigilli
Pro Domino Card. A. DEL DRAGO
L. AVERARDI Substintus.

60.10 Page 600

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586
DECLARATIO.
S. M. Pius VII indulgentiam biscentum dierum, a felici recordatione Sixti V
et Bened. XIII omnibus utriusque sexus Christi fidelibus Litanias B. M. V. ,
corde saltem contrito ac devote recitantibus, pro qualibet vice concessam,
non modo confirmavit, verum etiam ad tercentos dies extendit. Insuper ipsis
Christi fidelibus qui praelaudatas Litanias quotidie recitaverint plenariam etiam
indulgentiam in quinque eiusdem B. M. V. de praecepto festivitatibus,
Conceptionis nempe, Nativitatis, Annunciationis, Purificationis et Assumptionis
acquirendam, dummodo vere poenitentes et confessi, SS.um Eucharistiae
Sacramentum sumpserint, nec non aliquam Ecclesiam, seu publicum Oratorium
devote visitaverint, ibique per aliquod temporis spatium iuxta consuetos fines
pias ad Deum preces effuderint, clementer est elargitus. Voluitque Sanctitas
Sua ut huiusmodi Indulgentiae in suffragium quoque fidelium defunctorum
sint applicabiles, atque in perpetuum valiturae.
In quorum fidem etc.
Datum Romae ex Segreteria S. Congregationis Indulgentiarum
die 28 maii 1845.
A..ARCHIEP. PRIMIVALLI Substitutus.
Loco sigilli

61 Pages 601-610

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61.1 Page 601

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587
INDEX
PREFACE
pageVll
CHAPITRE I . - Situation dans le Piémont en 1841 - Charles-Albert
et ses aspirations - La conspiration des sectes.
I
CHAPITRE II . - Elan et consolation de D. Bosco dans I'exercice du
saint ministère - Un bienfait n'est jamais perdu - Les pastilles de
Notre-Dame - La bénédiction et la prière de D. Bosco - Sa foi
très vive -
CHAPITRE III
Les conseils évangéliques - Mortification.
. - Des visites qui s'imposent en toute justice -
L'an-
17
cien maître D.
de D. Bosco -
Lacqua - Singulière aventure -
D. Charles Palazzolo - Etudes
La caractéristique
particulières.
ZB
CHAPITRE IV. - Propositions d'emplois - Conseil de D. Cafasso -
Le Convitto Ecclesiastico de Turin - D. Bosco dans sa marche
vers Turin - Abandon à la Divine Providence - Les instruments
qu'elle utilise.
38
CHAPITRE V . - Accueil au Convitto - Vie commune - Le Théol.
Guala et D. Cafasso - Modèle recopié.
50
CHAPITRE VI . - Spectacle pitoyable des jeunes à I'abandon -
D. Bosco dans les prisons - Le secours aux pauvres - Demier
tableau des
Iengo.
misères
humaines
-
Prophétie du Vénérable Cotto-
57
CHAPITRE VII . - Les premières relations de D. Bosco avec les jeu-
nes à Turin - Le projet des Oratoires - Les dispositions de la
Providence Divine - Barthélemy Garelli, pierre fondamentale
Copains qui le suivent - La mission de D. Bosco.
-
68
CHAPITRE VIII . - Un aurre mérite du Convitto - Les conférences
de morale - Utilité pratique - Règles d'éloquence sacrée - pro-
grès de D. Bosco dans ces études - Son amour pour la chasteté
- Mortification - La distribution aux pauvres.
79

61.2 Page 602

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588
CHAPITRE IX .
-- - - à I'Oratoire
Le premier chant pour Marie Méthode suivie
Les premiers bienfaiteurs de D. Bosco Excur-
sDpir.ounBdesonsàcceotra-!veerLstelaacprpviltaiilqlueudei-ssreVémiepsnitrtesims-uar nlCedosrérleiecutioxndseetfrfaevcatuilé-es
Vive
avec
page 90
CHAPITRE X . Plaisanteries au Convitto Les récréations les plus
- - - agréables à D. Bosco Charité ingénieuse de D. Cafasso dans
les prisons D. Bosco catéchiste dans ces prisons
- - prisonniers-. et enseignements La Pâque des
Impressions
99
- - CHAPITRE XL D. Bosco est mis à l'essai en chaire La première
- série de conférences écrites pour des retraites spirituelles Cha-
- - que jour une action de Marie La médaille miraculeuse L'ap-
- parition à Alphonse Ratisbonne Autre événement religieux en
Piémont.
110
CHAPITRE XII . - Un grand deuil pour l'Eglise de Turin - Prévi-
- - sions du Vénérable Cottolengo Prétentions contre I'Eglise
- Un autre deuil pour D. Bosco Clôture de la première année de
CCoanvsitttoe-lnuLaorvetora.ite spirituelle à Sant'Ignazio - En vacances à
118
- - CHAPITRE XIII . Deux gestes religieux consolants Les pouvoirs
- - provisoires de confesser .Au 5s661r1s du Curé de Cinzano
- Activité pour rendre agréables les réunions dominicales Les
- - premières répétitions de l'école de chant Le Théol' Nasi Ori-
gine de certains airs populaires
Bosco. - teurs de D.
Le premier triomphe des chan-
126
- - CHAPITRE XIV . Nouvel accroissement de l'Oratoire Les ré-
- créations hors de la ville D. Guala accorde la cour du Convitto
- - et la sacristie Le Catéchisme en deux groupes Désir chez les
- jeunes de se confesser à D. Bosco La Communion fréquente
Consolations et épreuves
- valeur. - - prise de grande
La fête de Ste Anne
Une sur-
135
CHAPITRE
giature
XV . - Les
à Rivalba -
pouvoirs définitifs ds çenfs55s1- En villé-
- A la retraite spirituelle de Sant'Ignazio
Vincent Gioberti et son llivre] La suprématie civile et morale des

61.3 Page 603

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589
Italiens Différends avec le Curé Don Cinzano
- Bosco. - et sages conseils de D.
Les bigotes,
page l4l
- - CHAPITRE XVI . La troisième année de Convitto La principale
- - occupation de D. Bosco Instruction catéchétique 12i56nn§s
- Avertissements pour bien recevoir le Sacrement de Pénitence
Règles pratiques pour les confesseurs dejeunes gens
Oratoires. - remarques pour qui se dédie aux
Courtes
148
- - - CHAPITRE XVII . L'espérance chrétienne L'idée du Paradis
- Insta opportune et importune [Insiste à temps er à contretemps]
D. Bosco cæpit facere et docere [commença à faire et à enseigner]
- A l'æuvre dans la prédication et dans l'administration du Sacre-
ment de la Pénitence La puanteur des péchés Bon nombre
- - d'Institutions et d'Hôpitaux auxquels il se donne pleinement
purpura. - D. Bosco est frappé de
155
CHAPITRE XVIII . - A I'Hôpital SrJean - Une pécheresse obsti-
- née et sa conversion grâce à D. Bosco Un péché celé au temps
- de la jeunesse et avoué au moment de mourir D. Bosco pré-
dit en confession à une dame un danger imminent, l'avertissant
de le conjurer par I'invocation à l'Ange Gardien.
164
- - CHAPITRE XIX . L'apostolat dans les prisons Les premiers ac-
- - gu6il5 Les triomphes de la charité Obstacles et dégoûts sur-
- - montés Franche détermination L'amitié avec les gardiens
-coLne sbooulrarenautse.t l'un de ses gamins - Conversions : fruits très
172
- CHAPITRE XX . Déférence de Mgr Fransoni à l'égard des propo-
- - sitions de D. Bosco Une importante conversion Philanthro-
- - pie remplie d'embûches Les Ecoles maternelles Début des
rapports de D. Bosco avec les Evêques et avec la haute société
piémontaise.
185
- - - CHAPITRE XXI . La presse et l'école D. Bosco écrivain Le
- premier contrôleur de ses æuvres Une relique du Sêminariste
- Comollo D. Bosco pérennise la mémoire de son condisciple
dans une
douleurs
dBeioMgraaphriiee-.Il
écrit labrochure; Chapelet des sept
I92

61.4 Page 604

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590
CHAPITRE XXII . - D. Cafasso conférencier au Convitto - Son es-
time pour Don Bosco - Confiance de D. Bosco en D. Cafasso -
Délicieux discernement de D. Cafasso - L'idée de devenir reli-
gieux et missionnaire se fait plus vive en D. Bosco - D. Guala
le détourne d'accepter la charge d'Econome spirituel - D. Bosco
va à la retraite spirituelle -
D. Cafasso lui annonce la volonté du
.
Seigneur.
page 207
CHAPITRE
thode -
XDXisIsIIe.n-sioLn'AebnbtéreASpoourtvieàraTinureint-PrêLleats-écoRleesladtieonde-
D.
de
Bosco avec
la colombe
eAnpDo.rtBi -osLcaop.rudence
du
serpent
et
la
simplicitê
209
CHAPITRE XXIV . - Préoccupations pour que D. Bosco se fixe à
Turin - Il est choisi comme Directeur spirituel du Petit Hospice
- On attrape plus de mouches avec le miel qu'avec le vinai-
gre - Fructueuse mission à Canelli - Secret de I'efficacité de
D. Bosco dans la prédication.
224
CHAPITRE XXV . - D. Bosco est affecté au Refuge - La Marquise
de Barolo - D. Bosco obtient de la Marquise de pouvoir continuer
son Oratoire au Refuge - Le Théologien Jean-Baptiste Borel.
233
CHAPITRE XXVI . - Un rêve : La pastourelle ; un étrange troupeau ;
trois stations d'un voyage pénible ; arrivée à destination - L'Ora-
toire transféré au Refuge - Une imrption d'enfants à Valdocco -
Scènes plaisantes et manque de locaux - Deux pièces du Petit
Hospice transformées
de St François de Sales
en
-
chapelle -
La fête du
Prernière église en
8 décembre.
I'honneur
243
CHAPITRE XXVII . - Pourquoi St François de Sales fut déclaré Pa-
tron de I'Oratoire - D. Bosco imitateur de la douceur de ce Saint
- Début des cours du soir et des cours du dimanche - Heureux
changement dans la conduite des jeunes - Etudes de D. Bosco
au Convitto Ecclesiastico - La Sainte Fête de Noël - Les pre-
mières quêtes.
252
CHAPITRE XXVIII . - Dévotion de Don Bosco à l'Ange Gardien -
Comment il la recommandait à ses jeunes - Un garçon maçon
sauvé par son Ange lors d'une chute mortelle - D.Bosco publie

61.5 Page 605

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591,
un livre intitulé : La Dévotion à l'Ange Gardien.
page 262
CHAPITRE XXIX . - Amour de D. Bosco pour l'Eglise Catholique,
et son empressement à se donner du mal pour sa gloire - procé-
dés astucieux pour convertir les prisonniers -
raculeuse - Etude de la langue allemande -
Une conversion mi-
Le Catéchisme de '
Carême à St-Pierre-aux-Liens ; interdiction de la Mairie - Pre-
mière supplique de D. Bosco au Pape pour des faveurs spirituel-
les.
Z7Z
CHAPITRE XXX . - L'Oratoire à SrPiere-aux-Liens - La gouver-
nante du Chapelain - Une lettre d'accusation - Deux malheu-
- reuses attaques d'apoplexie Les jeunes de l'Oratoire rejetés de
St-Pierre - Analogie entre certains faits de la vie de St philip-
pe Néri et celle de D. Bosco - On fait des démarches pour que
D. Bosco soit nommé chapelain de SrPierre-aux-Liens - La
Mairie ne consent pas à cette demande - La fête de St Louis.
286
CHAPITRE XXXI . - Occupations de D. Bosco dans les Instirutions
du Refuge - La Marquise Barolo ordonne que les jeunes tibèrent
les locaux prévus pour le Petit Hospice - Un autre rêve : multitu-
de d'enfants ; la mystérieuse Dame ; un pré ; trois églises à Val-
docco ; le lieu du martyre des Saints Adventeur et Octave ; la fon-
dation d'une Société de religieux en aide à D. Bosco - Narration
du martyre des Saints Soluteur, Adventeur et Octave publiée par
le Chan. Laurent Gastaldi.
296
CHAPITRE XXXII . - L'Oratoire transféré aux Moulins St-Martin -
Demier dimanche dans la chapelle du Refuge - Le repiquage des
choux et un petit discours de D. Bosco - Les premières séances
Messe. récréatives - Les jeunes conduits çà et pour entendre la sainte
3oz
- CHAPITRE XXXIII . Inauguration du Petit Hospice Ste-philomène
- Oppositions à I'Oratoire des personnes employées aux Mou-
- - lins La place Emmanuet-Philibert Estime du peuple pour
D. Bosco Une plaisante méprise D. Bosco et les élèves des
- - - Rua. Frères des Ecoles Chrétiennes Le jeune garçon Michel
309
CHAPITRE XXXIV . -La Marquise Barolo - à Rome Vincent Gio-

61.6 Page 606

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592
-D. - berti et les Prolégomènes
Bosco en vacances à Morialdo
- Une de ses lettres au Théologien Borel La Congrégation Salé-
- sienne prédite
malades du Petit
Autre lettre au
Hospice.
Théologien
Borel
-
Les petites
page 318
CHAPITRE XXXV . -L'Histoire de l'Eglise-Raisons qui poussè-
- rent D. Bosco à écrire ce livre Les Papes, les Conciles, les pro-
grès du Catholicisme Quelques fastes des Diocèses subalpins
- - gens. Faits édifiants de saints jeunes
328
CHAPITRE XXXVI . - Nouvelles accusations d'un secrétaire des
- Moulins contre les jeunes de l'Oratoire La Mairie interdit les
- réunions de catéchisme dans I'Eglise St-Martin La main du Sei-
- - gneur et le fils du Secrétaire D. Bosco et son courage L'O-
CHArsPapItlToeiRnrdeEidaemXb-XuXlaEVnstpILé-ra-nEcseLps'rOiet rtdadetoépirrseoiplehluéttiseleis-ocnlIam.spsreesssdioannss
d'un rêve
la maison
335
- - Moretta Quelques Bienfaiteurs de I'Oratoire Le Théologien
- Hyacinthe Carpano Le catéchisme dans quelques écoles pu-
bliques et quelques écoles privées
-Bosco. - D. Cafasso à ceux qui critiquaient D.
Racontars Réponse de
345
CHAPITRE XXXVIII . -La santé de D. Bosco dépérit - Le Théol.
- - Borel défenseur de I'Oratoirs ls5 curés de Turin La brochu-
re : Les six Dimanches et la neuvaine en l'honneur de St Louis
de Gonzague.
352
- CHAPITRE XXXIX . D. Bosco et les condamnés à l'échafaud.
364
- CHAPITRE XL . D. Bosco est obligé de déloger de la maison Mo-
- - - retta L'Oratoire dans un pré Un jeune affamé Les prome-
nades à Soperga.
372
- - CHAPITRE XLI . Enthousiasme des jeunes pour les promenades
Un garçon maçon et sa première entrée dans le pré de Valdocco
- - Un petit déjeuner au Mont des Capucins Les choristes de
- - D. Bosco et les bateliers du Obéissance militaire Affec-
tion des jeunes de I'Oratoire pour D. Bosco.
384
CHAPITRE XLII . - L'Histoire Sainte - Méthode pédagogique a-
- doptée dans ce livre par Don Bosco Quelques citations.
392

61.7 Page 607

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593
CHAPITRE XLIII . - Racontars au délriment de I'Oratoire - Le
- Marquis de Cavour et ses menaces Nouvelle et demière deman-
- de impérative de déloger L'Archevêque et le Comte de Colle-
gcnoon- sLoelaSnertveices.de Police fait surveiller D. Bosco -
Visions
page 400
- - CHAPITRE XLIV . La folie de D. Bosco Les larmes d'un véri-
- - table ami Les paroles du prophète D. Cafasso porte un juge-
ment sur les rêves de D. Bosco A la maison de santé
- - B-osco. ment Le Théologien Borel et les confidences de D.
L'isole-
408
- - CHAPITRE XLV . Le demier jour dans le pré Un pèlerinage à
- - Notre-Dame-des-Champs Le son des cloches Nouveaux re-
- - fus, afftiction et larmes Un rayon de lumière D. Piene Merla
- - - La maison Pinardi et le hangar de Valdocco Pacte conclu
Emotion et enthousiasme des jeunes à I'annonce du nouvel Oratoi-
- - pré. re La prière de remerciement à Marie Demier salut au
418
- - CHAPITRE XLVI . La prise de possession du nouvel Oratoire
- La grande basilique Deux visites à Notre-Dame de Consolation
- Méthode suivie à l'Oratoire -
- - pris en cage Le départ du soir
LP'hroapbhiléetiepêocuhepurr o- nUonstmicer.le
428
- CHAPITRE XLVII . Nouvelles intimations du Marquis de Cavour
- - La Ragioneria en séance extraordinaire Un auguste protec-
- - teur Les gardes municipaux Le Marquis se réconcilie avec
Dre.spBeocstceon-versObleésisAsuantocreitédsecDiv. Biloessco. aux lois de I'Etat - Son
441
- - CHAPITRE XLVIII . D. Bosco à Sassi Les élèves des Ecoles
Chrétiennes-Elan juvénile
supplée au miracle.
-
Double embarras-La charité
452
- - CHAPITRE XLIX . D. Bosco est licencié du Refuge Lettre de la
- Marquise au Théologien Borel Entière confiance en Dieu ; a-
mour de la pauvreté évangélique ; remarquable prudence pour dé-
CHA-fPeInTPdRrreeEmsiLoènr.e-hsLo'sn(aEnlelneusor pl-orisgeOuspeepnoltslaoitciloiaentisnon-cModanonnsrutelasdmeeatisGaournmégPôoniiernesaXsercVdiIt.e-s
458
- - Election de Pie IX Les prières pour le Pape Frénétiques ma-

61.8 Page 608

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594
nifestations
tion de Mgr
de joie pour le
Fransoni et de
nouveau Pape -
D. Bosco - La
Prudente circonspec-
Sainte de Viù.
page 472
CHAPITRE Ll . - Le système métrique décimal - Circulaire de
Mgr Artico -
blème - Le
Difficultés surmontées dans la résolution
nouveau livre et ses différentes éditions.
d'un
pro-
482
CHAPITRE LII . - Amour pour la petite église de Valdocco - La
fête de St Louis et celle de St Jean-Baptiste - Maladie mortel-
le- Amour et piété des jeunes pour D. Bosco - Guérison -
Fête très cordiale.
490
CHAPITRE LIII . - Convalescence à Castelnuovo - Lroratoire con-
tinué par les coopérateurs - La procession lors de la solennité de
I'Assomption de Marie au Ciel - Infidélité à un væu punie - Vi-
sites aux Becchi - Porter chaque jour sa croix - Visites et invi-
tations aux amis.
500
CHAPITRE LIV . - Conseils non reçus - Une précieuse suggestion
- Le fils et la mère - But noble et généreux - Les larmes des
mères.
515
CHAPITRE LV . - Départ des Becchi - Les signets du bréviaire -
Arrivée à Valdocco - Le Théologien Vola - Pauvreté, misère et
contentement - Accueils joyeux - Le trousseau de la mariée.
523
CHAPITRE LVI . - La Maison Pinardi et ses alentours - Nouvelles
locations - L'Auberge de la Jardinière - Faits ignobles.
536
CHAPITRE LVII . - De nouveau la Marquise Barolo - Son exercice
de piété approuvé par le Saint-Siège - Le livre de D. Bosco :
Dévotion à la miséricorde de Dieu.
546
CHAPITRE LVIII . - Les étudiants catéchistes - Cours du diman-
che et cours du soir - L'usine à former les maîtres - Intelli-
gence, mémoire et cæur - Un étudiant et l'usurier.
554
CHAPITRE LIX . - Avec le miel on prend aussi les guêpes - Un
père irréligieuv - U21[1s de la vie.
564
CHAPITRE LX . -
de Notre-Dame
La première
à La Salette
cloche
- La
de I'Oratoire - L'apparition
première Messe de Minuit
chantée le jour de Noël à Valdocco.
574
Note: originaux des documents traduits au Chapitre XXIX.
585

61.9 Page 609

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