Étrenne|Étrenne 2016 : AVEC JÉSUS, parcourons ensemble l’aventure de l’Esprit!

ÉTRENNE 2016

AVEC JÉSUS, parcourons ensemble l’aventure de l’Esprit!


1. SALUTATIONS ET MOTIVATIONS

Je garde en mémoire et dans mon cœur les souvenirs ineffaçables de la fête du Bicentenaire de la naissance de Don Bosco que nous avons vécue au mois d’août sur la terre sainte salésienne du Valdocco et du Colle Don Bosco. Je suis rempli de joie en entendant les échos des célébrations qui ont eu lieu dans tous les coins du monde pour fêter cet événement. Grâce à l’Esprit Saint, la Famille Salésienne est très vivante !

Le Bicentenaire de la naissance de notre Père Don Bosco nous a offert la possibilité de rappeler son histoire, d’approfondir ses intuitions pédagogiques et de raviver certains traits de sa spiritualité. Voilà quel a été le programme proposé par mon prédécesseur, le P. Pascual Chávez, programme qui a été fécond. En tressant les fils de l’histoire, de la mission et de la spiritualité salésiennes des origines, nous avons découvert ce que signifie vivre avec passion notre vocation salésienne. Comme toute vocation, la nôtre aussi implique une histoire d’amour entre Dieu et une personne concrète, que ce soit une femme, un homme ou un jeune. C’est seulement en accordant de l’importance à notre charisme originel, où s’enracine la vocation salésienne, que nous réussirons à projeter ensemble la mission en faveur des jeunes, reçue en héritage comme Famille Salésienne, et que nous ferons transparaître la spiritualité dont nous nous nourrissons.

Chers frères et sœurs de la Famille Salésienne, je vous rejoins pour une nouvelle année afin de vous présenter l’« Étrenne » ; et je le fais avec des mots fraternels et affectueux, vous manifestant ce fort désir renouvelé de me rapprocher de vous avec les mêmes sentiments qu’éprouvait Don Bosco. Je sais que bon nombre d’entre vous attendent cette présentation. L’Étrenne montre la richesse de la Famille que nous formons. Elle veut être une aide pour resserrer les liens de notre communion et partager les parcours de notre mission, mus par l’Esprit Saint qui, dans l’Église de notre temps, nous pousse à parcourir des routes nouvelles. C’est pour cela que nous disons « avec Jésus, parcourons ensemble l’aventure de l’Esprit ».

Comme vous pourrez le lire dans les pages suivantes, je désire parler de Dieu et de Jésus-Christ qui est le fondement de notre vie personnelle et de notre Famille Salésienne. Mais je parle tout à la fois de la mission que je décris comme « aventure de l’Esprit » et de la communion entre nous et comme Église, que je formule avec l’expression « parcourir ensemble ».

Ce temps de service en tant que Recteur Majeur m’a permis de mieux connaître et aimer encore plus la Congrégation et notre Famille Salésienne. J’ai eu le privilège d’être le témoin des nombreuses pistes par lesquelles l’Esprit Saint conduit notre Famille aujourd’hui. Je suis convaincu que l’Esprit Saint est très généreux avec nous tous et attend de notre part la même disponibilité qu’il a rencontrée chez Don Bosco, Mère Mazzarello, Dominique Savio et chez de très nombreuses autres personnes qui, à l’école de sainteté de notre Famille religieuse, se sont rendues disponibles pour suivre Jésus avec radicalité, en se laissant guider par l’Esprit de Dieu.

2. AVEC JÉSUS !

Dire « AVEC JÉSUS » dès le début du titre de l’Étrenne signifie pour nous qu’Il est la porte d’entrée et le centre de toute notre réflexion.

Le parcours que nous proposons dans ces pages est beaucoup plus qu’une stratégie pastorale : il est l’affirmation que c’est seulement avec Jésus, en Jésus et par Jésus que nous pourrons entreprendre un chemin qui soit réellement significatif et décisif pour nos vies.

Comme lors des appels qu’il lance dans l’Évangile, aujourd’hui comme alors, Jésus fixe et regarde avec attention chaque personne ; il regarde le fond de son cœur et y fait résonner son invitation à le suivre. C’est de cela qu’il s’agit dans la vie chrétienne : le début d’une vocation, c’est quand on commence à se sentir appelé par son propre nom. C’est essentiellement la sequela de Jésus [le fait de se mettre à la suite de Jésus].

C’est Jésus qui prend l’initiative, qui marche sur nos chemins, qui recherche la rencontre avec empressement. Son regard d’élection et son appel personnel demandent une décision pleinement confiante et d’abandon total en Lui. En effet, lorsque Jésus appelle quelqu’un à le suivre, il ne lui présente pas un programme détaillé, il ne lui fournit pas de motifs ni ne lui pose de conditions. L’appel de Jésus implique la personne dans une aventure, un risque. Il s’agit de parcourir le même chemin que Lui sans carte de navigation. Suivre Jésus signifie se déranger, se lever et se mettre en marche ; ce n’est pas rester au bord du chemin comme pour voir passer quelqu’un qui suscite l’enthousiasme, la polémique ou la discussion.

Ce que nous connaissons des appels lancés par Jésus dans l’Évangile s’est répété au cours des siècles, et c’est le même appel qu’il a lancé à chacun de nous, Famille Salésienne, et qu’il lance à chaque jeune qui vient à sa rencontre et qui désire et décide de faire partie des siens. C’est une décision qui comporte l’audace du disciple qui vient à bout de toute forme de crainte et aplanis les difficultés inhérentes à la « sequela », tels le refus, l’exclusion, l’incompréhension ou les risques.

Rencontrer Jésus ou, mieux, être rencontré par Lui, suscite admiration, attrait, séduction. Mais cela ne suffit pas. Peut-être l’expérience la plus importante que cette « sequela » comporte est-elle l’amitié personnelle avec le Maître. Une amitié qui se comprend et se vit comme don de soi, fidélité et confiance. Là où il n’y a pas d’amitié personnelle, il ne peut y avoir de « sequela », même s’il y a d’autres éléments, comme l’enthousiasme ou l’ardeur au travail jusqu’à l’épuisement. L’appel nous met face à un splendide horizon d’amitié, requiert une adhésion cordiale à la personne de Jésus et un changement radical de vie. Il s’agit d’une marche à la suite de Jésus qui se transforme peu à peu en communion avec Lui (Jn 1,31-51) ; une marche à la suite de Jésus qui signifie aussi rester avec Lui, puisque l’on se trouve lié à une expérience personnelle de rencontre vraie (Jn 15,14-16).

Tout ce que je viens d’exposer brièvement, en cherchant à aller à l’essentiel, doit être, mes chers frères et sœurs, le point de départ et d’arrivée, la plus grande priorité de nos engagements en tant qu’éducateurs et évangélisateurs de jeunes garçons et filles. Dès ce moment, je vous invite à parcourir personnellement, éventuellement avec d’autres éducateurs et éducatrices œuvrant dans les milliers de présences de notre Famille dans le monde, et toujours avec les jeunes, – toujours avec eux et toujours pour eux – un chemin de foi où raviver notre relation avec Jésus. Oui, c’est de cela qu’il s’agit ! Nous laisser prendre par sa personne, nous laisser séduire non seulement par un idéal ou une mission mais par le Dieu vivant incarné en Jésus. Nous laisser transformer, peu à peu, par ce Dieu passionné par une vie plus digne et plus heureuse pour tous.

Nous-mêmes, et particulièrement nos jeunes, avons le désir de Dieu et besoin de Lui. « L’Italie, l’Europe et le monde, au cours de ces deux derniers siècles, ont beaucoup changé, mais l’âme des jeunes n’a pas changé : aujourd’hui encore les garçons et les filles sont ouverts à la vie et à la rencontre avec Dieu et avec les autres ; mais il y en a tellement qui courent le risque du découragement, de l’anémie spirituelle, de la marginalisation », dit le Pape François à la Famille Salésienne.1

Et nous devrions être convaincus que cette ouverture à la rencontre avec Dieu, ce besoin de Dieu, se transforme en un avènement décisif pour nous tous, et spécialement pour nos jeunes, quand le Christ de l’Évangile, sans coupures ni ajouts, est objet d’expérience comme celui qui donne un sens plein à la vie, en passant « de la période où l’on admire à celle où l’on acquiert la connaissance, de la période où l’on acquiert la connaissance à celles où l’on vit en intimité, où l’on s’enflamme d’amour, où l’on se met à la suite, où l’on imite ».2 Ce désir est un défi éducatif et pastoral que nous devons affronter si nous voulons cultiver et développer une spiritualité chrétienne pour notre temps.

Lorsqu’on comprend cela et que l’on commence à le vivre, la perspective personnelle change, bien des fois, car chacun de nous prend peu à peu conscience de la gratuité de Dieu, conscience qu’il nous a aimés et nous aime, et pose son regard sur chacun de ses fils et chacune de ses filles. Cela nous incite à rechercher très sérieusement cette rencontre qui se produit, en général, graduellement ; elle mûrit, d’ordinaire, lentement, avec les hauts et les bas d’une réponse humaine limitée ; elle réclame du temps et de l’espace, elle implique un processus de liberté. Et c’est pour cela qu’en partageant cette même expérience et cette même conviction personnelle, le Pape François invite, dans une interview accordée au début de son pontificat, à « entrer dans l’aventure de la recherche de la rencontre et de se laisser chercher et rencontrer par Dieu. »3


3. PARCOURONS ENSEMBLE


En pensant à la route de la vie comme lieu où tout se joue et notamment ce qui est le plus important, nous pouvons regarder, comme image biblique, vers Jésus qui parcourt les routes de Galilée avec les siens, rencontrant beaucoup de personnes, prêchant et guérissant… Jésus qui parcourt les routes au milieu des gens, au cœur de ce qu’ils vivent, et entouré parfois de ceux qui sont dans le besoin, de curieux aussi, de ceux qui cherchent la nouveauté, de ceux qui sont attirés par sa personne, des indifférents, de ceux qui le voient comme un danger et veulent le supprimer.

Parcourir un chemin comme expérience humaine, c’est le connaître et le reconnaître, savoir les lieux par où il passe et que nous rencontrerons plus loin, là où se trouvent l’ombre qui permet de refaire ses forces et les sources d’eau. C’est faire l’expérience de la marche à travers la rocaille, l’expérience de la montée de sentiers parfois raides et difficiles et d’autres fois plus faciles et plus tranquilles. Comme dans le cas du pèlerin qui marche en cherchant la foi ou en raison même de sa foi, le chemin de la vie que nous parcourons avec Jésus est le chemin que nous faisons en lui (Col 2,6), que nous faisons avec lui parce qu’il nous a attirés, et que nous faisons tous unis.

Le message de l’Étrenne, comme nous pourrons le relever dans les défis et propositions des pages finales, entend souligner fortement que nous entreprenons ce parcours, cette marche, non pas d’une manière isolée mais unis entre nous et avec les jeunes.

Pourquoi unis ? Parce que la dimension communautaire et ecclésiale est quelque chose d’essentiel au message chrétien – dont on parlera dans ces pages. Essentiellement, il s’agit d’une expérience où le croyant se sent soutenu par un grand Amour et par une communauté, une communauté en marche, qui a un projet pour le futur. Tout cela fera en sorte que nous vivrons une vie qui vaille la peine d’être vécue et qui est la joie de notre être chrétien.4


4. UNE AVENTURE DE L’ESPRIT


4.1 Une aventure très différente d’une quelconque recherche de nouveauté


Dans de nombreuses cultures, il est un premier sens du mot aventure qui se traduit par quelque chose comme un genre de vie où les gens poursuivent, comme but ultime, les nouvelles expériences vécues et où sont essentiels des éléments comme l’intuition, l’incertitude, le risque, la chance, le résultat ou l’échec.

Ainsi entendu, ce concept d’aventure nous parle de chercheurs de nouvelles émotions pour découvrir des voies inconnues, faire l’expérience de ses propres limites et démontrer sa capacité personnelle à prendre des risques. Toutes ces conditions seraient tout à fait nécessaires à un bon « aventurier ».

Dans une autre perspective, et à titre d’exemple, nous savons que la pensée européenne du Romantisme considérait que « voyager ne consiste pas tant à explorer de nouveaux lieux qu’à se détacher de sa terre natale pour entrer en contact avec un monde inconnu. En ce sens, le voyage est formateur lorsque l’on en revient changé… ou l’on n’en revient pas. »5

Ces pages ont l’intention de déterminer des chemins d’intériorité et de spiritualité pour parcourir un type d’aventure très particulier : l’aventure de l’Esprit.


4.2 L’aventure de l’Esprit est un CHEMIN D’INTÉRIORITÉ

Ceux qui sont plus familiarisés avec l’étude de l’intériorité commencent fréquemment leur réflexion en disant que, ces dernières années, l’on a beaucoup écrit sur ce concept : parfois, il renvoie aux cheminements intérieurs que l’être humain essaye de parcourir pour retrouver le sens de la vie ; d’autres fois, il renvoie à la soif d’un bonheur toujours recherché et souvent non trouvé.

Le risque d’erreurs d’interprétation dans cette recherche est grand. Sur un ton un peu critique, on parle de recettes qui prolifèrent et conseillent sur la manière d’acquérir un rythme de vie sain, ou sur la manière de recouvrer différents aspects de la santé psychique et spirituelle : comment atteindre l’équilibre intérieur ou comment s’accepter soi-même pour être heureux, etc. Il semblerait que nous soit offert un « supermarché spirituel » où pouvoir choisir et mettre dans notre sac à provisions ce que nous avons le plus à fleur de peau. Nous trouvons des offres ésotériques, exotiques, des offres de « bijouterie New Age » ou de pseudo spiritualités de toutes sortes.6

On remarque que le danger réside dans les faux cheminements d’intériorité qu’offre le marché ou la réalité fétichiste de certaines invitations à une intériorité « de fuite » du monde. Et n’est pas plus sûre pour autant « l’idéologie de l’autoréalisation obsédée par l’unique thème du "qu’est-ce qui m’arrive ?", du "comment est-ce que je me sens ?"… Un univers qui tourne autour de son propre moi et qui éloigne de la disponibilité à servir les autres et à s’intéresser à eux. »7

J’ai trouvé également suggestive une « métaphore » où s’insinue l’idée qu’en certaines occasions, « l’on a la sensation que nous avons dû vivre en un temps où les relations avec soi-même tiennent plus de l’hôtel où l’on séjourne parfois que du milieu où la rencontre avec soi-même enrichit l’identité. Nous donnerions fréquemment l’impression d’être plus près de signer la mort de l’intériorité que de favoriser son affermissement. »8

Bien que tout ce que l’on vient de dire, considéré positivement, nous parle d’une recherche du désir de combler les vides de la vie, il est certain que ces recherches répondent parfois à une accumulation de malaises personnels, sourds ou silencieux, qui en arrivent à être insupportables. Et c’est dans cette situation que personne – ni nous-mêmes ni nos jeunes – ne doit tomber dans le piège narcissique, le mois intimiste qui renferme le sujet dans ses propres intérêts et l’emprisonne dans son petit monde. Cette réalité que nous ébauchons nous porte à voir en nous-mêmes, Famille Salésienne dans le monde, et chez les jeunes eux-mêmes dont nous partageons la vie, que c’est un réel danger de perdre ou d’avoir perdu (ou simplement de ne l’avoir jamais rencontré) le goût de la vie intérieure et la capacité à découvrir des niveaux de profondeur dans sa propre vie.

On ne peut pas cultiver l’intériorité si « l’on passe son temps » à être spectateur de la vie des autres, s’arrêtant simplement aux apparences. Je crois que nous devons prendre plus au sérieux cette provocation et accompagner nos jeunes et les personnes avec lesquelles nous interagissons, pour vivre en état de recherche, afin qu’ils soient et que nous soyons des chercheurs de l’essentiel. En effet, quand quelqu’un, un jeune, ne découvre pas, ni ne trouve aucun intérêt à marcher du dedans et au-dedans de lui-même, cette personne peut devenir quelqu’un d’incapable d’imaginer ou de rêver son présent et son avenir.

Et pour progresser sur ce chemin, que pouvons-nous entendre par intériorité ?

La réponse peut se trouver dans ces paroles d’une religieuse carmélite qui a passé sa vie à cette recherche qui l’a conduite à Dieu : « L’intériorité est la conscience vive que tout se trouve dans l’Absolu, en Dieu, dans l’amour, dans la vie. L’intériorité n’est pas le lieu où je me retire par décision personnelle, mais c’est arriver à me rendre compte que je suis au- dedans de Quelqu’un. »9 Cette sœur a compris que l’intériorité est quelque chose qui fait partie de l’essence de notre existence. C’est cette force qui pousse vers Dieu, c’est la conscience d’être « au-dedans » de Dieu et d’expérimenter cette conscience et cette joie. « Il me semble, ajoute-t-elle, que tous ont la possibilité de découvrir leur intériorité personnelle, de la déchiffrer et, après l’avoir connue, de l’aimer et d’en vivre. »10 Et, de fait, le Catéchisme de l’Église Catholique contient quelque chose de semblable quand il dit : « Le désir de Dieu est inscrit dans le cœur de l’homme, car l’homme est créé par Dieu et pour Dieu; Dieu ne cesse d’attirer l’homme vers Lui, et ce n’est qu’en Dieu que l’homme trouvera la vérité et le bonheur qu’il ne cesse de chercher. »11

Je crois que ce n’est pas une vision pessimiste de reconnaître ou de diagnostiquer que, dans de nombreuses cultures, spécialement les cultures les plus occidentales de notre planète, l’expérience religieuse est socialement marginalisée, à savoir que l’on mutile l’intériorité en la réduisant à une dimension purement psychique, sans reconnaître son potentiel d’ouverture au transcendant. Et c’est pour cela que la personne doit tenter de trouver les traces ou les signes de Dieu dans son expérience intérieure, en pénétrant dans ses fibres intimes, dans ce qui résonne dans son esprit et dans son cœur, parce que « Dieu réside dans son intérieur comme pensée, conscience, cœur, réalité psychologique et ontologique. »12

Du point de vue de la perspective chrétienne, l’intériorité n’est pas le lieu où je me retire mais plutôt la prise de conscience que je suis au-dedans de Quelqu’un, avec Quelqu’un. Je me perçois comme un « moi » reçu de Quelqu’un, comme don de Quelqu’un. Quand nous donnons un sens à la conscience de la dimension intérieure (c’est-à-dire que nous reconnaissons que ce Quelqu’un est la personne de Jésus, ou qu’elle est le Dieu Père), cette conscience se transforme en recherche spirituelle. Une spiritualité sans intériorité n’est donc pas pensable.


4.3 L’aventure de l’Esprit est un CHEMIN DE SPIRITUALITÉ

Comment pourrait-on définir la spiritualité ? Dans son essence, nous pourrions dire que la spiritualité, c’est de vivre sous l’action de l’Esprit. En termes plus complets du théologien Hans Urs Von Balthasar, « la spiritualité est l’attitude basique, pratique ou existentielle, propre de l’homme, et qui est conséquence ou expression d’une vision religieuse – ou, plus généralement, éthique – de l’existence. »13

Cela veut dire que l’on n’entend pas la spiritualité comme quelque chose qui s’ajoute à la personne, comme quelque chose d’accidentel ou de circonstanciel, mais qu’elle se réfère à l’essence même de notre condition d’êtres humains. Donc, rien dans la personne, ni les attitudes, ni les comportements, ni les relations ne peuvent rester en marge de la spiritualité. Par conséquent, la spiritualité pénètre toutes les dimensions de la personne. Elle concerne son identité, ses valeurs, ce qui donne sens, espérance, confiance et dignité à son existence et s’explicite dans la relation avec soi-même, avec le prochain et avec tout ce qui transcende la nature humaine, le mystère de Dieu.

Et dans notre cas, comme croyants chrétiens et adeptes de Jésus, nous ne parlons pas seulement de spiritualité en général mais de spiritualité chrétienne, parce que nous avons dans le Christ la source, la raison, le but et le sens de notre vie et de la spiritualité avec laquelle nous la vivons. Nous nous découvrons habités par Dieu, nous croyons qu’il y a une place dans notre cœur pour Lui, et nous découvrons que nous sommes privilégiés par une relation si personnelle. Et c’est très beau car nous savons que nous sommes en même temps « mendiants de Dieu ».

La spiritualité chrétienne est donc, et avant tout, un don de l’Esprit. Il est le « Maître intérieur » du cheminement spirituel de toute personne. Il suscite en nous la soif de Dieu (Jn 4,7) et, en même temps, il assouvit notre soif même. Cette vie dans l’Esprit est, pour saint Paul, « vie cachée avec le Christ en Dieu » (Col 3,3), vie de « l’homme intérieur qui se renouvelle de jour en jour » (2Cor 4,16), « vie nouvelle » (Rm 6,4). C’est l’Esprit qui fait du chrétien la demeure de Dieu, capable de l’accueillir. C’est l’Esprit qui donne naissance à la vie spirituelle en engendrant l’homme comme fils de Dieu.

Les maîtres spirituels de tous les temps font constamment allusion à cet espace intérieur où advient le dialogue avec Dieu. Saint Ignace de Loyola parlait de « sentir et goûter intérieurement les choses de Dieu ». Sainte Thérèse d’Avila compare la vie intérieure à un château intérieur avec de nombreuses demeures ; et dans la principale de ces demeures, habite justement Dieu. Saint Jean de la Croix fait allusion à une « boutique intérieure » en se référant à cet espace intérieur où s’expérimente l’intimité avec Dieu. Dans les Évangiles, lorsque Jésus de Nazareth parle de la prière, il fait allusion à un lieu secret, caché, habité par Dieu : « Mais toi, quand tu pries, retire-toi dans ta pièce la plus retirée, ferme la porte, et prie ton Père qui est présent dans le secret ; ton Père qui voit dans le secret te le rendra. » (Mt 6,6)


4.4 Une aventure qui est VIE OUVERTE À L’ESPRIT SAINT

La conséquence de tout ce dynamisme doit être de sonder, pondérer, rechercher le charme de vivre sa vie en étant ouvert à l’Esprit Saint qui habite en elle. Dieu vient à nous et nous invite à marcher avec Lui, et à participer à sa vie par l’intermédiaire de l’Esprit. De fait, comme le suggère le P. Vecchi quand il parle de notre spiritualité salésienne, nous croyons que « tout ce qui, dans le monde, oriente vers Dieu, tout ce qui, explicitement ou implicitement, rappelle la présence ou l’intervention de Dieu, tout ce qui pousse à la recherche de Dieu, tout cela possède l’Esprit comme force cachée. »14

Néanmoins, connaître Dieu et le rechercher dépasse notre désir. C’est avant tout, un don qui nous est offert et qui se trouve en syntonie avec notre condition de chercheurs de l’Absolu, même si bien des fois, nos pas sont petits et incertains.

Et c’est dans cette perspective que nous restons centrés sur Jésus pour parcourir, à ses côtés, un véritable chemin qui soit une aventure, une nouveauté, un air frais de l’Esprit, en sachant que cela n’est pas destiné à des élites mais à toute personne, tout homme et toute femme, tout jeune ouverts à Dieu ; sachant que cela concerne notre vie personnelle de manière décisive ; sachant que cela nous conduira toujours à une rencontre plus profonde et plus intime avec Jésus. En parcourant ce chemin aux côtés de Jésus, on remarque aussi que se déploient les capacités personnelles, et que cela s’exprime principalement dans la communication de Dieu – Mystère toujours inabordable – qui nous parle et avec qui nous communiquons de diverses manières. Dieu nous pousse toujours à sortir de nous-mêmes et à aller à la rencontre des autres, en vivant dans la foi les activités ordinaires de la vie quotidienne. Tout cela serait expression de la spiritualité chrétienne.


5. CONDUITS PAR L’ESPRIT SAINT


5.1 Jésus, « événement de l’Esprit »

L’action de l’Esprit Saint atteint son sommet, par dessein du Père, dans la personne du Christ. Toute son existence est un événement de l’Esprit15, depuis le moment de sa conception lorsqu’à Marie, la jeune fille de Nazareth, est communiqué que « l’Esprit Saint viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre » (Lc 1,35).

Dès avant le début de son ministère en Galilée, « Jésus reçoit l’Esprit et Dieu se déclare son Père plein d’amour (Mt 3,17) : il est constitué Fils avant d’agir comme apôtre. »16

Tandis que Jésus se recueille en prière après son baptême, « le ciel s’ouvrit. L’Esprit Saint… descendit sur Jésus » (Lc 3,21b-22a) et, à travers l’Esprit, le Père lui donne l’onction comme Messie et le présente comme son Fils Bien-aimé. Rempli d’Esprit Saint, « il fut conduit, dans l’Esprit, à travers le désert… » (Lc 4,1-13). Dans lEsprit, arrivé au désert, Jésus est victorieux des tentations et se manifeste particulièrement comme Fils du Père. Toujours dans l’Esprit, il revient en Galilée, arrive à Nazareth et s’applique à lui-même, publiquement, la prophétie d’Isaïe : « L’Esprit du Seigneur est sur moi » (Lc 4,18).17

En résumé, ces simples références à des citations néotestamentaires nous montrent de manière évidente que la vie de Jésus a été marquée par la présence et l’action de l’Esprit de Dieu, et que sa vie fut un apprentissage, tout un apprentissage à vivre comme Fils du Père, en cherchant toujours et en tout sa volonté.


5.2 Marie, femme du Oui, guidée par l’Esprit

Marie de Nazareth est avant tout la jeune croyante aimée de Dieu, avec qui Dieu lui-même dialogue par l’intermédiaire de son Ange (selon le récit évangélique), signifiant et laissant entendre que la présence et l’action de l’Esprit se réalisent dans une rencontre respectueuse qui est proposition et réponse. La même présence de l’Esprit dépendra, en définitive, de son oui. En Luc 1,35 – comme je l’ai cité précédemment – l’Ange lui communique le plan de Dieu, auquel Marie répond : « Voici la servante du Seigneur ; que tout m’advienne selon ta parole. » (Lc 1,38)

Elle ne pouvait pas imaginer quelles seraient les voies qu’elle aurait à parcourir à partir de ce oui, guidée par l’Esprit et, tout simplement, elle fait totalement confiance à Dieu. Elle fut présente à Cana, au début de la mission de son fils ; elle se trouva au pied de la croix sur le calvaire, au moment où son fils donnait sa vie ; elle était en prière avec les disciples, après la résurrection, et elle était présente quand l’Esprit Saint fit irruption, à la Pentecôte. Toute une vie marquée par son oui à Dieu et par son ouverture à l’Esprit de Dieu. « En elle, la Mère, la foi resplendit comme don, ouverture, réponse et fidélité ».18


5.3 Pierre et Paul « touchés » par l’Esprit de Dieu

En regardant Pierre, le fougueux pêcheur de Galilée, dans toute sa trajectoire à la suite du Seigneur, avec ses promesses et ses infidélités, avec ses succès et ses erreurs, on apprend cette grande leçon : c’est l’Esprit qui pousse ce leader indiscutable, plein de noblesse et d’amour envers le Maître, à suivre les projets de Dieu et à ne pas les déformer en simples désirs humains.

Celui qui était un juif croyant et pratiquant, confiant en la présence active de Dieu au milieu de son peuple, et disposé à faire prévaloir ses raisons, même par la force, se rend, face à l’évidence de Celui qui était son Seigneur. Le premier des apôtres sur le chemin de l’Église naissante, pleura son péché mais ne douta pas du pardon. Ce fut sa grandeur, non exempte de résistances, jusqu’au moment de sa vraie conversion. Et c’est ainsi qu’en définitive, lorsque nous le laissons agir, l’Esprit nous confirme que, comme Pierre, nous devons nous convertir de nouveau pour suivre toujours Jésus et non le précéder en lui indiquant ce que nous croyons être le chemin (cf. Mt 16,22-23).19

Paul de Tarse fut le pratiquant respectueux de la Loi qui, scandalisé devant l’inacceptable message d’un homme, un certain Jésus mort sur la croix, sentit le devoir de persécuter les chrétiens et se trouva capturé par Jésus-Christ. Cette expérience, dont il parle lui-même comme de quelque chose de plus grand qu’une vision ou une illumination, il la décrit surtout comme une révélation et une vocation reçues précisément dans la rencontre avec le Ressuscité. C’est ici que Paul est vraiment né de nouveau ; c’est ici qu’il reçut l’Esprit Saint et fut guéri de sa cécité spirituelle et physique. Nous pourrions dire que Paul était décidé contre Jésus quand Jésus était décidé en faveur de lui. C’est cette expérience qui change radicalement sa vie, qui lui fait mettre toutes ses énergies au service de Jésus Christ et de son Évangile, dès lors qu’il a rencontré la raison de la valeur absolue devant laquelle il ne pouvait avoir de limites : Jésus-Christ.20

5.4 Don Bosco, ouvert à l’Esprit pour dire son Oui au Seigneur à travers les jeunes

La vie spirituelle de Don Bosco fut un ample et patient pèlerinage vers la profondeur de sa riche et intense vie intérieure. Ce processus d’intériorité, comme toute son action apostolique, fut un chemin qu’il parcourut en faisant un pas à la fois, conscient que l’objectif que Dieu lui proposait ne pouvait pas être atteint d’un seul coup. Il eut besoin d’accompagnateurs, il eut besoin de temps, il eut besoin d’un apprentissage. Dès l’enfance, Don Bosco ne pouvait pas renoncer à rêver ; il imaginait un monde différent pour les jeunes, un monde meilleur. Avant tout cependant, il désirait savoir ce que Dieu attendait de lui. L’action de l’Esprit Saint en lui se concrétisa dans l’appel au sacerdoce qu’il lui a lancé et en formant progressivement en lui un cœur d’apôtre des jeunes. Il parcourut son chemin intérieur pour comprendre, pour se laisser surprendre par les plans de Dieu. Ses mains étaient marquées du poids de la réalité de la société piémontaise du XIXème siècle, son cœur était ardent pour le salut de la jeunesse, ses pieds marchaient sur le chemin de l’engagement pour les plus pauvres. Mais tout cela ne fut pas le fruit de l’improvisation. Don Bosco prit soin de sa vie spirituelle pour vivre en plénitude ses motivations ultimes, la force qui l’animait et ses idéaux intimes.

En outre, Don Bosco comprit que cette « aventure de l’Esprit » n’était pas une expérience pour quelques jeunes aux qualités exceptionnelles, ou une fuite commode de ses engagements. Chaque jeune qui entrait à l’Oratoire, quels que fussent son état ou sa condition, était invité à vivre une vie chrétienne pleine, appelé à vivre joyeusement la vie de l’Esprit.

Une de ses intuitions et de ses réalisations les plus brillantes fut d’avoir introduit dans son travail pastoral quotidien l’idée du goût pour la vie spirituelle. Dans la vie de ces jeunes-là, il insufflait des jets de lumière, de couleur, de notes joyeuses de vie chrétienne. À l’Oratoire, on n’apprenait pas seulement un métier, le sens du devoir, mais la dimension spirituelle de la vie aussi était raffinée et gentiment « éduquée ».


6. DÉFIS ET PROPOSITIONS

Dans les pages précédentes, j’ai tenté de concentrer, autant que possible, la réflexion sur ce qui peut être fondamental pour parcourir un chemin avec Jésus, un chemin qui soit un authentique chemin dans l’Esprit, quelque chose qui nous porte à nous passionner pour vivre nous-mêmes et accompagner nos jeunes dans une véritable Aventure de l’Esprit qui puisse donner une plénitude de sens à leurs vies et aux nôtres.

Dans notre cheminement comme Famille Salésienne, avec les jeunes « de nos mondes », là où nous les rencontrons, nous avons vu avec douleur, et non rarement, des garçons et des filles qui portent en eux et en elles tant de germes de bien – comme disait Don Bosco – mais qui sont blessés, qui se sentent perdus. Ils ont faim de Quelqu’un qui les regarde avec la tendresse que Dieu seul possède, qui dissipe leurs peurs, qui libère leurs meilleures énergies et les dons qu’ils ont reçus ; quelqu’un qui leur fasse voir la perle précieuse enfouie dans leur terreau, qui rende riche leur existence et lui donne de la valeur.

Arrivés à ce point, le grand défi est de trouver des routes, des moyens et des propositions qui nous permettent d’inviter les jeunes à s’unir pour parcourir un chemin qui soit un véritable souffle de vie, d’air frais de Dieu, de présence de l’Esprit dans leurs vies.

Je vous propose quelques pistes qui puissent nous aider, une sorte de pluie d’idées, comme des panneaux de signalisation pour notre voyage.



A. Regarder au-dedans

Apprenons à « regarder au-dedans » : exerçons-nous et éduquons-nous à découvrir et à enrichir notre intériorité, dès les premières années, dès l’enfance et l’adolescence. Que nos jeunes sentent pouvoir compter sur quelqu’un qui, face à des cultures de la dispersion, leur propose le défi de l’intériorisation ; quelqu’un qui, face à la fuite, leur propose d’affronter le sens de la vie.

Aidons les jeunes à acquérir capacité et habileté pour entrer dans leur propre monde intérieur : les éduquer à l’écoute et au goût du silence ; à cultiver la capacité de la contemplation, de l’émerveillement et de l’admiration ; à aimer l’expérience de la gratuité… Ces habiletés doivent être proposées et pratiquées.

Aidons les jeunes à explorer, dans le profond de leur cœur, la présence de Dieu qui est Amour, Vie et Nouveauté éternelle. Faisons tous ensemble l’expérience de découvrir et de reconnaître Celui qui est plus intime que notre propre intimité et plus haut que la partie la plus élevée de notre être.21

Apprenons à grandir dans la vie en Dieu à travers l’acceptation humble de nos propres limites, de notre histoire personnelle et de notre péché.


B. Chercher Dieu

Apprenons avec les jeunes à être des chercheurs de Dieu et à lire notre vie comme une bénédiction de Dieu, à nous émerveiller de sa présence et de ses traces en nous, à le reconnaître comme Celui qui nous cherche, Celui qui est présent, Celui qui vit en nous.

Ayons le courage et soyons capables de nous demander dans la prière si ce que nous faisons ou nous ne faisons pas est conforme à la volonté de ce Dieu-Amour qui habite en nous, et proposons le même exercice aux jeunes.

Mettons en œuvre une pédagogie du désir de Dieu qui porte à chercher le sens religieux de la vie et à s’abreuver à ce « puits d’eau vive qui est Jésus ». 22


C. Rencontrer JÉsus

Proposons avec audace aux jeunes des expériences qui nous portent à la rencontre personnelle avec Jésus, à une rencontre capable de nous séduire et de cimenter notre vie, en sachant que « plus on connaît le Christ, plus on le suit, et plus pénètre en nous l’Esprit, et plus nos yeux sont capables de le voir. »23

Suggérons aux jeunes des stratégies pour mûrir une véritable amitié avec Jésus, qui façonnera sans aucun doute leurs regards, leurs mentalités et leurs valeurs.


D. Faire partie des Siens

Témoignons aux jeunes de notre joie de suivre Jésus et annonçons-leur qu’il est beau d’être chrétien : « Je voudrais leur [aux jeunes] faire comprendre qu’il est beau d’être chrétien !… Et qu’il est beau et juste aussi de croire ! »24

Laissons-nous conduire par l’Esprit qui pousse nos cœurs et ceux des jeunes à choisir de manière décidée de faire partie des Siens. Alimentons et soignons notre lien avec Lui au moyen de la prière, de la Parole de Dieu, de la Réconciliation et de l’Eucharistie.


E. S’approprier les valeurs fondamentales

Éduquons-nous, dès les premières années, à estimer et à « goûter dans tous les milieux de l’existence la famille, l’amitié, la solidarité avec ceux qui souffrent, le renoncement à son propre moi pour servir l’autre, l’amour pour le savoir, pour l’art, pour les beautés de la nature ».25 Annonçons l’immense joie de croire en un Dieu qui a pleinement assumé tout l’humain et de faire partie de la création ; et dénonçons avec audace ce qui empêche que tous puissent reconnaître, contempler et exploiter cette présence [de Dieu] dans notre monde.

Accompagnons les jeunes dans leur expérience de foi dans la communauté chrétienne et ecclésiale comme une très belle opportunité pour la découverte et la maturation personnelle de leur vie en Christ.

Proposons aux jeunes le défi d’accepter la vie comme don, comme service qui nous rend meilleurs, qui nous libère de notre égoïsme et donne sens à notre vie. L’Esprit de Dieu nous poussera toujours à nous donner car telle est « la logique de Dieu ».



F. MÛrir un projet de vie

Collaborons avec les jeunes, avec foi et une profonde conviction personnelle, afin qu’ils puissent mûrir leur projet de vie, en faisant un chemin qui leur permette de vivre leur vie comme don de soi, en toutes sortes de services et de professions ; et qu’ils puissent, à partir de leurs premières expériences significatives, même occasionnelles, arriver à un engagement total de leur vie en répondant à l’appel de Dieu. Celui qui s’engage sur les chemins de l’Esprit n’a pas seulement reçu des qualités comme on reçoit des cadeaux d’anniversaire, mais il « possède une sorte de code génétique adapté à ce qui grandit progressivement. »26

ÉPILOGUE

J’ai proposé comme pistes [de réflexion et d’action] ces Défis et Propositions avec le secret désir qu’ils puissent aider toute notre Famille Salésienne dans les contextes géographiques et pastoraux les plus divers du monde. Il est possible que, sinon tous, au moins quelques-uns de ces défis et propositions servent opportunément pour une action pastorale du moment et pour la réalité évangélisatrice, catéchétique et pastorale d’un endroit précis.

Je me permets de conclure avec trois simples contributions qui pourront éclairer notre effort pour cheminer en cette Année de la Miséricorde que nous venons de commencer, justement dans l’expérience d’un Dieu qui, pour ainsi dire, a besoin de nous rencontrer, nous et les jeunes, [en nous trouvant] avec un cœur qui Le cherche.

La première est la suivante : Je partage pleinement la pensée et les sentiments du précédent Recteur Majeur quand il suggère à la Famille Salésienne que le désir des jeunes de « voir Jésus » est déjà pour nous un motif fondamental pour arriver à être disciples du Christ, puisque l’on demande : Qui présentera à Jésus les rêves et les besoins des jeunes ? Qui donnera la possibilité aux jeunes de voir Jésus ? C’est dans notre accompagnement des jeunes et dans notre cheminement à leurs côtés que s’enracine notre être et que nous sommes transformés en vrais compagnons et apôtres des jeunes.27

La seconde est la suivante : dans le chemin que nous proposons, « nous ne pourrions rien faire de mieux que ceci : orienter les jeunes vers la sainteté »,28 les accompagner sur le chemin de la maturation de la foi jusqu’à de hauts sommets en étant, nous autres, les premiers à croire à ce cheminement, en l’empruntant nous-mêmes comme but de notre vie, avec notre témoignage personnel déterminant. C’est ce que fit Don Bosco qui mit tout en jeu pour réaliser son rêve (le projet de Dieu sur lui) en faveur des jeunes.

Enfin n’oublions pas que les processus sont lents et doivent être progressifs, comme le montrent la patience et la pédagogie même de Dieu. Dans ce but, Jean-Paul II nous rappelait cela dans sa lettre « Juvenum Patris » : « Que vous réconforte la patience illimitée de Dieu dans sa pédagogie envers l’humanité, exercice incessant de paternité révélée dans la mission du Christ, maître et pasteur, et dans la présence de l’Esprit Saint envoyé pour transformer le monde. L’efficacité cachée et puissante de l’Esprit est destinée à faire mûrir l’humanité sur le modèle du Christ. Il est l’animateur de la naissance de l’homme nouveau et du monde nouveau (cf. Rm 8,4-5). Ainsi votre labeur éducatif apparaît comme un ministère de collaboration avec Dieu et sera certainement fécond. »29

Que Marie, Mère et Auxiliatrice, femme du Oui, qui a accueilli l’Esprit de Dieu dans son cœur et dans sa vie, nous assiste dans cette belle et passionnante responsabilité que, comme Famille Salésienne, nous avons dans l’Église d’aujourd’hui envers les jeunes. Et que devienne réalité l’un des désirs que le Pape François nous manifestait à la fin de sa lettre à l’occasion de cette année historique du Bicentenaire de la naissance Don Bosco :

« Que Don Bosco vous aide à ne pas décevoir les aspirations profondes des jeunes : leur besoin de vie, d’ouverture, de joie, de liberté, d’avenir ; leur désir de collaborer à la construction d’un monde plus juste et plus fraternel, au développement pour tous les peuples, à la protection de la nature et des milieux de vie. À son exemple, vous les aiderez à expérimenter que c’est seulement dans la vie de grâce, c’est-à-dire dans l’amitié avec le Christ, que l’on actualise pleinement les idéaux les plus authentiques. Vous aurez la joie de les accompagner dans leur recherche de synthèse entre foi, culture et vie, dans les moments où se prennent les décisions qui engagent, quand on cherche à interpréter une réalité complexe. »30

Je vous salue très affectueusement. Que Dieu vous bénisse!


Rome, 31 décembre 2015

Père Ángel Fernández Artime, SDB

Recteur Majeur


1 FranÇOIS, Comme Don Bosco, avec les jeunes, pour les jeunes. Lettre du Pape François au Recteur Majeur des Salésiens. Cité du Vatican, Rome, LEV, 2015 [cf. ACG 421, 5.3, p.106 dans l’édition française]

2 ACG 406, Lettre du Recteur Majeur Pascual ChÁvez: Porter l’Évangile aux jeunes, Rome 2010 [p.23 dans l’édition française]

3 FranÇois: Interview à Antonio Spadaro, sj, Cité du Vatican, 21 septembre 2013

4 Cf. BenOÎT XVI. Première interview accordée à Radio Vatican avant les XX èmes Journées Mondiales de la Jeunesse à Cologne. Cité par Pascual ChÁvez dans sa Conférence à la CISM (Conférence Italienne des Supérieurs Majeurs), in Luís Fernando Gutiérrez: Disciples et apôtres de Jésus-Christ, CCS 2014, 222

5 Francesc Xavier Marin: Intériorité et expérience psychologique. In Auteurs Variés : L’intériorité, un paradigme émergent, Madrid, PPC 2005, 107

6 Cf. Cristina Kaufmann, Intériorité et Mystique Chrétienne, In Auteurs Variés, o.c. 53-54





7 Dolores Aleixandre: Intériorité et Bible. Le Dieu que l’on reçoit dans l’enfouissement. In Auteurs Variés, o.c. 39

8 Francesc Xavier Marin : Intériorité et expérience psychologique , In Auteurs Variés, o.c. p. 107.

9 Cristina Kaufmann: Intériorité et Mystique Chrétienne, In Auteurs Variés, o.c. 56

10 Ibidem 57

11 Catéchisme de l’Église Catholique, n° 27

12 J. E. Vecchi, Spiritualité Salésienne, Elledici, Torino 2001, 10

13 H.U. Von Balthasar, L’Évangile comme critère et norme de toute spiritualité dans l’Église, « Concilium » 9 (1965), 7-8

14 J. E. Vecchi, Spiritualité Salésienne, o.c. 11

15 Ibidem 15

16 J.J. BartolomÉ, Apprendre à être Fils de Dieu en lui obéissant. In J.J. BartolomÉ-Rafael Vicent (de): Témoins de la radicalité évangélique. Madrid , CCS 2013, 24

17 Cf. Marco Rossetti, La radicalité de Jésus de Nazareth comme don de sa propre vie aux autres. In J.J. BartolomÉ -Rafael Vicent (de), o.c. 40-44 – Cf. J.J. BartolomÉ, Apprendre à être Fils de Dieu en lui obéissant, o.c. 24-29 – Cf. J.E.Vecchi, Spiritualité Salésienne, o.c. 13-17

18 Document de l’Assemblée des Évêques d’Amérique Latine à Puebla, 296

19 Cf. BenoÎt xvi, Audience Générale. Cité du Vatican, 17 mai 2006

20 Cf. BenoÎt xvi, Audience Générale. Cité du Vatican, 25 octobre 2006

21 Cf. Saint Augustin, Confessions, Livre III, n. 11

22 Renata Bozzato, fma: Eduquer les jeunes à “vivre dans l’Esprit ”. In Actes des XX èmes Journées de Spiritualité de la Famille Salésienne : Redécouvrons avec les jeunes la présence de l’Esprit dans l’Église et dans le monde. Rome 1998, 110

23 J.E. Vecchi, « Nous avons été sauvés, mais c’est en espérance » (Rm 8,24): redécouvrons avec les jeunes la présence de l’Esprit dans l’Église et dans le monde pour vivre et œuvrer avec confiance dans la perspective du Royaume. In Actes des XX èmes Journées … o.c. 151

24 BENOÎT XVI. Première interview à Radio Vatican en préparation aux XX èmes Journées Mondiales de la Jeunesse à Cologne. Cité par le P. Pascual Chávez dans sa Conférence à la CISM (Conférence Italienne des Supérieurs Majeurs). In Luis Fernando Gutierrez: Disciples et apôtres de Jésus-Christ, Madrid, CCS 2014, 222

25 BENOÎT XVI, Ibidem, 3

26 J.E. Vecchi, « Nous avons été sauvés, mais c’est en espérance … » o.c. 159

27 Cf. ACG 406 (2010), 16

28 J.E. Vecchi, « Nous avons été sauvés, mais c’est en espérance … » o.c. 174

29 Jean Paul ii, Juvenum Patris, 20 (NB : c’est l’auteur qui souligne en italiques)

30 FranÇois, Comme Don Bosco, avec les jeunes et pour les jeunes, o.c. 9

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