FR_ETRENNE_2024


FR_ETRENNE_2024

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ÉTRENNE 2024
« Le rêve qui fait rêver »
Un cœur qui transforme les « loups » en « agneaux »
Au cours de mon service comme Recteur Majeur, j'ai pu constater que l'Étrenne est l'un des plus
beaux cadeaux que Don Bosco et ses successeurs offrent chaque année à toute la Famille Salésienne.
C'est une aide pour cheminer ensemble et atteindre les lieux les plus éloignés de manière capillaire
et, en même temps, laisser aux réalités individuelles la liberté d'accueillir, d'intégrer, de valoriser ce
qui est proposé pour le chemin propre à chacune des communautés éducatives et pastorales.
En 2024, nous célébrerons le deuxième Centenaire du « rêve-vision que "Giovannino" – le petit
Jean – a eu entre 9 et 10 ans dans la maison Becchi »1 en 1824 : le rêve des neuf ans.
Je considère que le bicentenaire du rêve qui « a conditionné toute la manière de vivre et de penser
de Don Bosco, et en particulier la manière de sentir la présence de Dieu dans la vie de chaque personne
et dans l'histoire du monde »,2 mérite d'être placé au centre de l'Étrenne qui guidera l'année éducative
et pastorale de toute la Famille Salésienne. Il pourra être repris et approfondi dans la mission
d’évangélisation, dans les interventions éducatives et dans les actions de promotion sociale qui, dans
toutes les parties du monde, sont menées par les groupes de notre Famille qui trouve en Don Bosco
le père inspirateur.
« Je voudrais rappeler ici le "rêve des neuf ans". I1 me semble, en effet, que cette page
autobiographique offre une présentation simple, mais en même temps prophétique, de l'esprit et de Ia
mission de Don Bosco. S'y trouve défini le champ d'action qui lui est confié : les jeunes ; s'y trouve
indiqué l'objectif de son action apostolique : les faire grandir en tant que personnes au moyen de
l'éducation ; s'y trouve proposée la méthode éducative qui s'avérera efficace : le Système Préventif ;
s'y trouve présenté l’horizon vers lequel s'orientent toute son action et la nôtre : le projet merveilleux
de Dieu qui, avant tous et plus que tout autre, aime les jeunes. »3 C'est ce qu'écrivait le P. Pascual
Chávez Villanueva, Recteur Majeur Émérite, à la fin de son commentaire de l'Étrenne 2012 offerte à
la Famille Salésienne pour la première année du triennium préparatoire au bicentenaire de la
naissance de Don Bosco (année 2015).
Ce texte est une belle synthèse qui présente l'essence de ce qu'est le « rêve des 9 ans » dans sa
simplicité et sa prophétie, dans sa valeur charismatique et éducative. C'est un rêve emblématique que,
tout au long de cette année, nous essaierons de rapprocher encore plus du cœur et de la vie de toute
la Famille de Don Bosco. Il s'agit d'un rêve, d'un « fameux rêve-vision qui allait devenir et constitue
aujourd’hui encore un pilier important, presque un mythe fondateur, dans l'imaginaire de la Famille
Salésienne »,4 un rêve qui nécessite certainement une contextualisation et une attention critique – ce
que Don Bosco lui-même a fait et que nos experts en histoire salésienne ont effectué – afin de pouvoir
offrir une lecture et donner une interprétation actuelle, vitale et existentielle. Sans aucun doute, c'est
un rêve que Don Bosco a gardé dans son esprit et dans son cœur tout au long de sa vie, comme il le
déclare lui-même : « À cet âge, j’ai fait un rêve qui me laissa pour toute la vie une profonde
1 F. MOTTO, Il sogno dei nove anni. Redazione, storia, criteri di lettura, in «Note di pastorale giovanile» 5 (2020), 6.
2 P. STELLA, Don Bosco nella storia della religiosità cattolica. 1. Vita e opere, LAS, Roma 1979, 31s.
3 P. CHÁVEZ V., Connaissant et imitant Don Bosco, faisons des jeunes la mission de notre vie, in AGC 412 (2012), 35-
36. (p. 41 dans l’édition en langue française).
4 F. MOTTO, o.c., 6.
1

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impression. »5 C'est donc un rêve qui a été présent en lui et tout au long du cheminement de la
Congrégation Salésienne jusqu'à aujourd’hui, et qui rejoint sans aucun doute toute notre Famille
Salésienne.
Dans les paroles du P. Rinaldi, rapportées à l'occasion du premier centenaire du rêve, nous lisons :
« Son contenu est en effet d'une telle importance qu'en ce centenaire, nous devons nous faire un devoir
strict de l'approfondir avec une méditation plus assidue dans tous les détails, et de mettre en pratique
ses enseignements avec générosité, si nous voulons mériter le nom de vrais fils de Don Bosco et de
parfaits Salésiens. »6 Nous sommes en train de vivre intensément l'événement extraordinaire de ce
deuxième centenaire qui verra sans aucun doute de nombreuses manifestations dans le monde
salésien. Que l'expression de tout cela atteigne le moment le plus festif, festif et aussi le plus profond
de la révision pleine d'espérance de nos vies, en faisant des propositions courageuses aux jeunes pour
les aider à rêver « grand », certains de la présence du Seigneur Jésus et « main dans la main » avec la
Maîtresse de vie, la Dame du rêve, notre Mère.
1. « J'AI FAIT UN RÊVE... » : UN RÊVE TRÈS SPÉCIAL
C'est vrai, il y a deux cents ans, Jean Bosco fit un rêve qui l'a « marqué » pour le reste de sa vie,
un rêve qui a laissé en lui une marque indélébile, dont Don Bosco n'a pleinement compris le sens qu'à
la fin de sa vie. Voici donc le rêve raconté par Don Bosco lui-même d'après l'édition critique
d'Antonio da Silva Ferreira, dont nous ne différons que par deux petites variantes.7
[Cadre initial] À cet âge, j’ai fait un rêve qui me laissa pour toute la vie une profonde
impression.
[Vision des garçons et intervention de Jean] Pendant mon sommeil, il me sembla que je me
trouvais près de chez moi, dans une cour très spacieuse. Une multitude d'enfants, rassemblés
là, s'y amusaient. Les uns riaient, d'autres jouaient, beaucoup blasphémaient. Lorsque j'entendis
ces blasphèmes, je m'élançai au milieu d'eux et, des poings et de la voix, je tentai de les faire
taire.
[Apparition de l'homme vénérable] À ce moment apparut un homme d'aspect vénérable, dans
la force de l'âge et magnifiquement vêtu. Un manteau blanc l'enveloppait tout entier. Son visage
étincelait au point que je ne pouvais le regarder. Il m'appela par mon nom et m'ordonna de me
mettre à la tête de ces enfants. Puis il ajouta : « Ce n'est pas avec des coups mais par la douceur
et la charité que tu devras gagner leur amitié. Commence donc immédiatement à leur faire une
instruction sur la laideur du péché et l'excellence de la vertu. » Confus et effrayé je lui fis
remarquer que je n'étais qu'un pauvre gosse ignorant, incapable de parler de religion à ces
garçons. Alors les gamins, cessant de se disputer, de crier et de blasphémer vinrent se grouper
autour de l'homme qui parlait.
[Dialogue sur l'identité du personnage] Sans bien réaliser ce qu'il m'avait dit, j'ajoutai : « Qui
êtes-vous donc pour m'ordonner une chose impossible ? » – C'est précisément parce que ces
choses te paraissent impossibles que tu dois les rendre possibles par l'obéissance et l'acquisition
5 G. BOSCO, Memorie dell’Oratorio di S. Francesco di Sales dal 1815 al 1855 (en français, nous nous référons à Souvenirs
autobiographiques, traduction d’André BARUCQ, Apostolat des Éditions, Paris, 1978).
6 Cf. PH. RINALDI, Lettre circulaire publiée in ACS Année V - n° 26 (24 octobre 1924), 312-317.
7 G. BOSCO, Memorie dell’Oratorio di S. Francesco di Sales dal 1815 al 1855, in Institut Historique Salésien, (Essai
introductif et notes historiques éditées par A. da SILVA FERREIRA), « Fonti », première série, 4, mars 1991. Cf. A.
BOZZOLO, Le rêve des neuf ans, 3.1 Structure narrative et mouvement onirique in A. BOZZOLO, Les rêves de Don Bosco.
Expérience spirituelle et sagesse éducative, LAS-Rome, 2017, p. 235.
2

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de la science. – Où, par quels moyens pourrai-je acquérir la science ? – Je te donnerai la
maîtresse sous la conduite de qui tu pourras devenir un sage et sans qui toute sagesse devient
sottise. – Mais, vous, qui êtes-vous pour me parler de la sorte ? – Je suis le fils de celle que ta
mère t'a appris à saluer trois fois par jour. – Ma mère me dit de ne pas fréquenter sans sa
permission des gens que je ne connais pas : dites-moi donc votre nom. –Mon nom, demande-le
à ma mère.
[Apparition de la dame à l’aspect majestueux] À ce moment-là, je vis près de lui une dame
d'aspect majestueux, vêtue d'un manteau qui resplendissait de toutes parts comme si chaque
point eût été une étoile éclatante. S'avisant que je m'embrouillais de plus en plus dans mes
questions et mes réponses, elle me fit signe d'approcher et me prit avec bonté par la main.
« Regarde », me dit-elle. Je regardai et m'aperçus que tous les enfants s'étaient enfuis. À leur
place, je vis une multitude de chevreaux, de chiens, de chats, d'ours et de toutes sortes
d'animaux. « Voilà ton champ d'action, (me dit-elle), voilà où tu dois travailler. Rends-toi
humble, fort et robuste et tout ce que tu vois arriver en ce moment à ces animaux, tu devras le
faire pour mes fils. » Je tournai alors les yeux et voici qu'à la place de bêtes féroces, apparurent
tout autant de doux agneaux. Tous, gambadant de tous côtés et bêlant, semblaient vouloir faire
fête à cet homme et à cette femme. À ce moment-là, toujours sommeillant, je me mis à pleurer
et demandai qu'on voulût bien me parler de façon compréhensible car je ne voyais pas ce que
cela pouvait bien signifier. Alors elle me mit la main sur la tête et me dit : « Tu comprendras
tout en son temps. »
[Conclusion] À ces mots, un bruit me réveilla et tout disparut. Je demeurai éberlué. Il me
semblait que les mains me faisaient mal à cause des coups de poings donnés et que ma figure
était endolorie des gifles reçues. Et puis, ce personnage, cette dame, ce que j'avais dit et entendu,
tout cela m'obsédait à tel point que, cette nuit-là, je ne pus me rendormir. Au matin, je
m'empressai de raconter ce rêve, d'abord à mes frères qui se mirent à rire, puis à ma mère et à
ma grand-mère. Chacun donnait son interprétation. Mon frère Joseph disait : « Tu deviendras
gardien de chèvres, de moutons ou d'autres bêtes. » Ma mère : « Qui sait si tu ne dois pas devenir
prêtre ? » Antoine, d'un ton sec : « Peut-être seras-tu chef de brigands ! » Mais ma grand-mère
qui savait pas mal de théologie – elle était parfaitement illettrée –, énonça une sentence
péremptoire : « Il ne faut pas faire attention aux rêves. » Moi, j'étais de l'avis de grand-mère.
Malgré tout il me fut désormais tout à fait impossible de m'enlever ce rêve de la tête. Ce que je
raconterai par la suite lui donnera quelque signification. J'ai toujours gardé le silence sur tout
cela et mes parents n'en firent jamais cas. Mais, quand je me rendis à Rome en 1858 pour traiter
avec le pape de la Congrégation Salésienne, il se fit tout raconter minutieusement, même ce qui
pouvait n'avoir que l'apparence de surnaturel. Je racontai alors pour la première fois le rêve que
j'avais fait à l'âge de neuf ou dix ans. Le pape m'ordonna de l'écrire dans son sens littéral, en
détail, et de le laisser ainsi comme encouragement aux fils de la Congrégation qui était l'objet
de ce voyage à Rome.
Le même rêve se reproduira plusieurs fois dans la vie de Don Bosco et lui-même, qui nous a
raconté de sa propre main dans les Memorie ce premier événement dont nous commémorons
maintenant le bicentenaire, raconte à plusieurs reprises tout ce qu’il rêve à nouveau bien des années
plus tard. En effet, le rêve des neuf ans n'est pas un rêve isolé, mais il fait partie d'une longue et
complémentaire séquence d'épisodes oniriques qui ont accompagné la vie de Don Bosco. Il relie lui-
même, en les intégrant, trois rêves fondamentaux : celui de 1824 (aux Becchi), celui de 1844 (au
Convitto ecclesiastico) et celui de 1845 (dans les œuvres de la Marquise de Barolo), rêves qui
contiennent des éléments de continuité et d'autres éléments nouveaux. Dans le rêve, on reconnaît
toujours en filigrane le premier tableau et la première scène du pré des Becchi, mais avec de nouveaux
détails, de nouvelles réactions, de nouveaux messages, liés aux saisons de la vie que Don Bosco et
non plus Giovannino vit dans le plein développement de sa mission.
3

1.4 Page 4

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Une autre fois, bien des années plus tard, c'est Don Bosco lui-même qui en parla au P. Barberis en
1875, alors qu'il avait déjà soixante ans. À cette époque, Don Bosco avait vu naître la Congrégation
Salésienne (18 décembre 1859), l'Archiconfrérie de Marie Auxiliatrice (18 avril 1869), l'Institut des
Filles de Marie Auxiliatrice (5 août 1872) et la Pieuse Société des Coopérateurs Salésiens selon le
nom originel donné par Don Bosco approuvée le 9 mai 1876.
Lorsque ce rêve s'est présenté pour la dernière fois, Don Bosco était, comme déjà dit, un homme
mûr : il a vécu de nombreuses situations, il a affronté et surmonté de nombreuses difficultés, il a vu
par lui-même ce que la Grâce et l'Amour de la Vierge Marie avaient opéré en ses garçons ; il a vu
beaucoup de miracles de la Providence et n'a pas peu souffert. « "Tu comprendras tout en son temps",
lui avait prophétisé le premier songe ; et en 1887, lors de la messe de consécration du temple du
Sacré-Cœur à Rome, il entendit cette voix résonner à son oreille et il pleura de joie, il pleura en
contemplant les effets merveilleux de sa foi invaincue. »8
2. UN RÊVE AUQUEL TOUS LES RECTEURS MAJEURS ONT FAIT RÉFÉRENCE
Je suis particulièrement frappé par le fait que tous les Recteurs Majeurs à l'exception de Don
Rua dont je n'ai pu trouver aucune citation se sont référés au rêve, à ce rêve de Don Bosco qui a
marqué notre Congrégation et la Famille Salésienne. En ce moment, je profite d'un magnifique travail
de recherche effectué par M. Marco Bay.9
Le P. Paul Albera, deuxième successeur de Don Bosco, se référant à l'Oratoire du Valdocco
comme l'Oratoire de Don Bosco, première et unique œuvre pendant de nombreuses années, se réfère
au rêve comme au rêve mystérieux dans lequel la Providence lui confie la mission :
« La première Œuvre de D. Bosco, la seule pendant de nombreuses années, fut l'Oratoire des
jours de fête (« oratorio festivo »), son Oratoire des jours de fête, qu'il avait déjà entrevu dans
le rêve mystérieux qu'il fit à l'âge de neuf ans et dans les suivants qui éclairèrent
progressivement son esprit sur l'Œuvre que la Providence lui avait confiée. »10
Le P. Philippe Rinaldi, troisième successeur de Bosco, est celui qui a l'opportunité de vivre le
premier centenaire de ce rêve et qui s'efforce de faire en sorte que toute la Congrégation soit
imprégnée de la grâce de vivre cet événement. Pour cette raison, il prodigue ces encouragements :
« Dans ma circulaire sur le Jubilé de nos Constitutions, je vous ai déjà parlé, mes chers fils, du
centenaire du premier rêve de Don Bosco, en vous invitant à méditer ce rêve et à le mettre en
pratique (...) Relisons ensemble, mes bien chers, la page écrite par notre Vénérable Père pour
notre instruction, en obéissance au Vicaire de Jésus-Christ ; oui, relisons-la avec une grande
vénération, et fixons mot pour mot dans notre esprit cette page qui nous décrit de façon
8 R. ZIGGIOTTI (édité par Marco BAY), Tenaci, audaci e amorevoli [Tenaces, audacieux et aimants]. Lettres circulaires
aux Salésiens par le P. René Ziggiotti, LAS, Rome 2015, 575.
9 Le Salésien Coadjuteur Marco BAY a été professeur à l'Université Pontificale Salésienne de Rome ; il est actuellement
Directeur des Archives Centrales Salésiennes de Rome (UPS). Il m'a généreusement remis les recherches qu'il avait
effectuées sur les références que les précédents Recteurs Majeurs avaient faites au rêve des neuf ans.
Je voudrais également profiter de cette occasion pour remercier le P. Luis TIMOSSI, sdb, du Centre de formation
permanente de Quito, et le P. Silvio ROGGIA, sdb, Directeur de la communauté du bienheureux Ceferino Namuncurá à
Rome, pour leurs notes et leurs suggestions.
10 P. ALBERA, Direction Générale des Œuvres Salésiennes, Lettres circulaires du P. Paul Albera aux Salésiens, Turin
1965, n. 123 ; 315 ; 339.
4

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évangélique l'origine surnaturelle, la nature intime et la forme spécifique de notre vocation. Plus
on lit cette page, plus elle devient nouvelle et lumineuse. »11
Et dans ce même écrit, il fait comprendre aux confrères que, de même que Don Bosco, dans le
rêve des neuf ans, a été appelé à une mission, de même nous aussi, nous avons été appelés, sous la
conduite bienveillante de la Vierge elle-même qui nous prend par la main, nous montre notre champ
d'action et nous stimule de mille manières à acquérir les dons de l'humilité, de la force et de la santé.
Nous comprenons parfaitement comment s'applique à nous l'invitation péremptoire à être forts,
humbles et robustes : invitation que la Dame du rêve a adressée à Jean Bosco.
« Nous aussi avons reçu l’ordre d'acquérir les moyens nécessaires pour mettre en pratique cette
méthode, c'est-à-dire l'obéissance et la science, sous la conduite de la Vierge ; ce que nous avons
fait (ou que nous faisons) au cours des années de notre formation religieuse et sacerdotale.
Pendant toutes ces années heureuses, la Très Sainte Vierge nous a aussi pris par la main avec
bonté et, nous indiquant le champ futur de notre action, nous a stimulés de toutes les manières
à acquérir l'humilité, la force et la santé, qui sont les qualités strictement nécessaires à tout vrai
fils de Don Bosco. Enfin, nous aussi, nous pourrons voir des multitudes de jeunes, jusque-là
complètement ignorants des choses de Dieu, et peut-être déjà malheureuses victimes du mal,
courir éclairés, guéris et joyeux pour célébrer Jésus et Marie Auxiliatrice. »12
Et, presque comme un encouragement à célébrer ce bicentenaire d'une manière grande et
significative, je reprends le Bulletin Salésien du temps du P. Rinaldi, qui raconte la célébration qui a
eu lieu à Rome en sa présence :
« Pour un rêve, écrivait le Corriere d'Italia du 2 mai dernier, pour la beauté idéale d'un rêve,
hier, dans la grande cour des Œuvres de Don Bosco à Rome, des milliers d'âmes en liesse et
applaudissant à tout rompre se sont rassemblées en foule, avec le Cardinal Cagliero, le
vénérable Missionnaire, le propre successeur de Don Bosco, le Père Rinaldi, et le Ministre de
l'Instruction Publique, Pietro Fedele, pour rendre un hommage émouvant de toutes les
puissances de l'esprit à l'incomparable Maître qui, dans l'humilité lumineuse de la Foi, avait
suivi les chemins radieux de ce rêve sublime (...) Une couronne vivante de jeunes, garçons et
filles, élèves de Don Bosco, une grande foule d'hommes de tous milieux professionnels,
enseignants, militaires, prêtres tous rassemblés au nom du doux Maître. »
« Il y a cent ans (une autre année sainte, pourquoi l’oublier ?), enfant, Don Bosco faisait un rêve
doux et mystérieux. Il voyait d'abord un groupe de garçons des rues qui se battaient entre eux,
blasphémaient et juraient. Et il essayait de les rappeler à l'ordre avec son bâton. Il vit alors une
Dame et un Homme qui le conduisirent vers un autre groupe, de bêtes, cette fois, de chiens et
de chats qui se battaient eux aussi, aboyant et ricanant, mais qui, à un signe de tête des deux
personnages, se transformèrent en un troupeau d'agneaux paisibles. »
« Après cent ans, ce rêve est devenu réalité splendide, vibrante, grandiose. C'est une histoire
merveilleuse qui engage déjà le destin de millions de personnes, dans les écoles, dans les
missions, dans la vie, dans la prière, dans l'espérance ; toutes les personnes qui ont salué et
saluent Don Bosco, le plus grand et le plus saint maître de vie que l'Église et l'Italie aient donné
au monde au cours de notre siècle. »13
Et le P. Pierre Ricaldone, quatrième successeur de Don Bosco, a vu le germe de l'Oratoire des
jours de fête et de toute l'Œuvre salésienne dans le rêve que le petit Jean a eu à l'âge de neuf ans.
Suivront bien d'autres étapes, dit le P. Ricaldone, de nombreuses étapes d'une longue pérégrination,
avant d'arriver à Pinardi, sur ses terres.
11 Ph. RINALDI, Lettre circulaire publiée in ACS Année V - n° 26 (24 octobre 1924), 312-317.
12 Ibidem.
13 La commémoration d'un « rêve », in BS année XLIX, 6 (juin 1925), 147.
5

1.6 Page 6

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« Il n'y a pas de doute que le premier germe de l'Oratoire festif et de toute l'Œuvre salésienne,
on doit le trouver, comme je l'ai dit tout à l'heure, dans le rêve fatidique que Giovannino a eu à
l'âge de neuf ans. La Dame à l'aspect majestueux dit alors au jeune berger des Becchi : " Voici
ton champ d’action : rends-toi humble, fort, robuste ; et ce que tu vois arriver à ces animaux en
ce moment, tu devras le faire pour mes enfants." Les Becchi, Moncucco, Castelnuovo, Chieri,
sont autant d'étapes : mais Giovannino Bosco est à peine en route ; il marche vers un autre but.
Le 8 décembre 1841 est plus qu'un point d'arrivée, c’est un autre point de départ. Il doit
accomplir de nouveaux pèlerinages avant d'arriver au hangar Pinardi, au Valdocco, sa terre
promise. Pour en revenir à la première image, la tendre petite plante a enfin trouvé sa propre
terre ; et à partir de maintenant nous la verrons devenir plus forte et plus grande au-delà de
toutes les prévisions humaines. »14
Le P. Ricaldone croit même que l'amour et le zèle de Don Bosco pour les vocations proviennent
aussi du rêve des neuf ans :
« L'amour et le zèle de Don Bosco pour les vocations ont leur première origine dans le rêve
fatidique qu'il fit à l'âge de neuf ans, rêve qui se renouvela de diverses manières
substantiellement uniformes pendant presque vingt ans (...) En effet, après ce rêve, le désir de
Jean d'étudier pour devenir prêtre et se consacrer au salut des jeunes grandit en lui. »15
Le P. René Ziggiotti, cinquième successeur de Bosco, souligne, d'une manière toute particulière,
le grand don que la Maîtresse a été pour Don Bosco. En effet, c'est le Seigneur qui fait le don de sa
Mère à Jean, surtout comme guide. C'est ainsi qu'il s'exprime :
« "Je te donnerai la Maîtresse sous la conduite de qui tu pourras devenir un sage et sans qui
toute sagesse devient sottise" est le mot fatidique du premier rêve, prononcé par le mystérieux
personnage, "le Fils de Celle que ta mère t'a appris à saluer trois fois par jour." C'est donc
Jésus qui donne à Don Bosco sa Mère comme Maîtresse et guide infaillible sur le chemin
difficile de toute sa vie. Comment pourrions-nous être assez reconnaissants pour ce don
extraordinaire qui a été donné par le Ciel à notre Famille ? »16
Et elle, la Mère, la Madone, la Dame du rêve sera tout pour Don Bosco. Cette certitude était très
forte chez le P. Ziggiotti et c'est ce qui l'a conduit à demander à chaque Salésien :
« La Madone à qui il fut consacré par sa mère dès sa naissance, qui éclaira son avenir dans le
rêve des neuf ans et qui revint ensuite le consoler et le conseiller, sous mille formes, dans les
rêves, dans l'esprit prophétique, dans la vision intérieure de l'état des âmes, dans les miracles et
les grâces sans nombre, qu'il opérait en l'invoquant, la Vierge Marie est tout pour Don Bosco ;
et le Salésien qui veut acquérir l'esprit du Fondateur doit l'imiter dans cette dévotion. »17
Et le P. Louis Ricceri, sixième successeur de Don Bosco, a de magnifiques expressions sur le sens
du rêve des neuf ans. Le P. Ricceri souligne combien ce rêve a été important pour Don Bosco au point
de rester gravé dans son cœur et dans son esprit pour toujours, et comment à travers cela, il s'est senti
appelé par Dieu :
« Le rêve des neuf ans. C'est le rêve, écrit Don Bosco dans ses Mémoires, "qui me laissa pour
toute la vie une profonde impression." (MO, 20). L'impression indélébile de ce rêve-vision est
due au fait qu'il fut comme une lumière soudaine qui éclaira le sens de sa jeune existence et en
14 P. RICALDONE, Année XVII. 24 mars 1936, n° 74.
15 P. RICALDONE, op. cit.,78.
16 R. ZIGGIOTTI, op. cit.,129.
17 R. ZIGGIOTTI, op. cit., 264.
6

1.7 Page 7

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traça le chemin. Comme le petit Samuel, Don Bosco s'est senti appelé et envoyé par Dieu en
vue d'une mission : sauver les jeunes de tous les lieux, de tous les temps : ceux des pays
chrétiens et la "multitude" de ceux des régions non chrétiennes qui vivent encore dans l'attente
du grand avènement du Seigneur. »18
C'est le rêve, dit le P. Ricceri, dans lequel Don Bosco, qui n'a pas encore la pleine lucidité à cause
de son jeune âge, a l'intuition de la grande valeur de vivre pour sauver les âmes, et cette conviction
prend forme dans sa vie, dans son esprit, de plus en plus comme un don de la grâce. Et c'est à travers
cet événement décisif de sa vie que Don Bosco a eu sa première grande intuition de ce que serait le
Système Préventif dans le futur. « Ce n'est pas avec des coups mais par la douceur et la charité que tu
devras gagner leur amitié », écrivait Don Bosco dans son récit de l'événement, après l’avoir entendu
de la bouche de la Dame. À tel point qu'à l'avenir, nous pourrons parler d'une relation précieuse entre
Don Bosco et la Mère du Seigneur. C'est ainsi que le P. Ricceri s'exprime magnifiquement :
« Sur la base de ce rêve, s’établit entre Don Bosco et la Mère de Jésus une relation à double
sens, une collaboration permanente, qui caractérise la vie du futur apôtre. »19
Le P. Egidio Viganò, septième successeur de Don Bosco, nous offre d'autres réflexions non moins
stimulantes. Je suis heureux de voir cette magnifique ligne de continuité de tous les Recteurs Majeurs
dans la lecture, la méditation et l'interprétation du rêve par excellence, en en tirant des enseignements
utiles aussi pour le temps présent. Le Père Viganò confirme, comme d'autres successeurs de Don
Bosco avant lui, que Marie est la véritable inspiratrice, Maîtresse et Guide de la vocation de Jean, de
notre Père Don Bosco.
« Il me semble particulièrement intéressant de souligner que, déjà à l'âge de neuf ans, dans le
fameux rêve (qui se répétera plusieurs fois et auquel Don Bosco attache une importance
particulière dans sa vie), Marie apparaît à sa conscience de croyant comme un personnage
important directement intéressé par un projet de mission pour sa vie. C'est une Dame qui
manifeste des préoccupations "pastorales" particulières pour les jeunes : en effet, elle s’est
présentée à lui "sous l’apparence d'une Bergère". Notons tout de suite, ici, que ce n'est pas
Giovannino qui choisit Marie, mais que c'est Marie elle-même qui se présente en prenant
l'initiative du choix : c’est Elle qui sera, à la demande de son Fils, l'Inspiratrice et la Maîtresse
de la vocation de Jean. »20
La merveilleuse expérience vécue par Jean lui a permis de nouer une relation très personnelle avec
Marie la Dame du rêve et c'est pour cette raison que Don Bosco fera l'expérience intime, tout au
long de sa vie et à plusieurs reprises, de l'affection très spéciale et grande de la part de Marie. C'est
une relation vraiment très spéciale avec la Vierge Marie.
Et le P. Juan Edmundo Vecchi, le huitième successeur de Don Bosco, note aussi que, convaincu
d'être envoyé aux jeunes, Don Bosco se devait de tout concentrer sur ce seul but sacré, les jeunes, et
de leur consacrer toutes ses énergies. Tel est le fil conducteur du récit que Don Bosco fait de sa vie
dans les Mémoires de l'Oratoire, à partir de son premier rêve : : « Le Seigneur m'a envoyé pour les
jeunes ; je dois donc éviter de m’impliquer dans tout ce qui est étranger à ce projet et préserver ma
santé pour les jeunes »,21 toujours convaincu d'être un instrument du Seigneur et que toute sa vie est
18 L. RICCERI, La parola del Rettor Maggiore. Conferenze, Omelie Buone notti [La parole du Recteur Majeur.
Conférences, Homélies, Mots du soir] v. 9, Province Centrale Salésienne, Turin 1978, n. 27.
19 Ibid., p. 28.
20 E. VIGANÒ, Lettres circulaires du P. Egidio Viganò aux Salésiens, vol. 1, Rome, Direction Générale des Œuvres de
Don Bosco, 1996, n. 10.
21 MB VII, 291. Cité dans J. E. VECCHI, Educatori appassionati esperti e consacrati per i giovani. Lettere circolari ai
Salesiani di don Juan E. Vecchi [Éducateurs passionnés, expérimentés et consacrés pour les jeunes …]. Introduction,
mots-clés et index par Marco BAY, LAS, Rome 2013, 380.
7

1.8 Page 8

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marquée par cet appel et cette mission auprès des jeunes. C'est ce que confirme un autre grand
spécialiste de Don Bosco : « La conviction d'être l'instrument du Seigneur pour une mission tout à
fait unique fut profonde et ferme en lui. C'est ce qui fondait en lui l'attitude religieuse caractéristique
du serviteur biblique, du prophète qui ne peut échapper à la volonté divine. »22
Enfin, le P. Pascual Chávez, neuvième successeur de Don Bosco, parmi un grand nombre de
textes, nous en offre un qui m'émeut. Il s'agit d'un hymne à la figure maternelle de Maman Marguerite
qui, avec la grâce de Dieu, a su accompagner Giovannino en interprétant et en pressentant comment,
dans le rêve des neuf ans, le Seigneur et la Vierge Marie appelaient son fils à une vocation très
spéciale. On pourrait parler de Maman Marguerite, affirme le P. Pascual, comme d'une véritable
éducatrice « salésienne ».
« C'est cet art éducatif qui a permis à Maman Marguerite d'identifier les énergies cachées chez
ses enfants, de les mettre en lumière, de les développer et de les remettre presque visiblement
entre leurs mains. C'est particulièrement vrai de son fruit le plus riche, Jean. Comme il est
impressionnant de constater chez Maman Marguerite ce sens conscient et clair de la
" responsabilité maternelle " dans le fait de suivre son enfant chrétiennement et de près, tout en
lui laissant l’autonomie dans sa vocation, mais en l'accompagnant sans interruption dans toutes
les étapes de sa vie jusqu'à sa mort !
Le rêve que Giovannino a fait à l'âge de neuf ans, s'il a été révélateur pour lui, l'a été
certainement aussi (si ce n'est d’abord) pour Maman Marguerite ; c'est elle qui en a eu et
manifesté l'interprétation : " Qui sait si tu ne dois pas devenir prêtre ! ". Et quelques années
plus tard, lorsqu'elle se rendit compte que l’ambiance à la maison était négative pour Jean à
cause de l'hostilité de son demi-frère Antoine, elle fit le sacrifice de l'envoyer travailler comme
garçon de ferme dans l’exploitation agricole des Moglia à Moncucco. Une mère qui se prive de
son très jeune fils pour l'envoyer travailler la terre loin de la maison, fait un vrai sacrifice.
Cependant elle, elle le fit non seulement pour éliminer un désaccord familial, mais aussi pour
diriger Jean sur la route que leur avait révélée le rêve, à elle et à lui (...) La Divine Providence
lui fit la grâce d'être une éducatrice "salésienne". »23
3. LE RÊVE PROPHÉTIQUE: un joyau précieux dans le charisme de la Famille de Don Bosco
Dans les points précédents, nous avons lu comment le P. Philippe Rinaldi invitait les confrères, et
certainement à ce moment-là aussi les Filles de Marie Auxiliatrice, les Salésiens Coopérateurs, les
Dévots de Marie Auxiliatrice et, j'imagine, également les Anciens Elèves, à lire le rêve, à
l'approfondir, à l'intérioriser et à en ressentir l'écho, dans leurs cœurs. Je n'ai aucun doute là-dessus.
Certes, il y a unanimité dans tous les écrits qu'il s'agisse de recherches historiques, d'études
historico-critiques, de réflexions sur la spiritualité salésienne ou de lectures éducatives et pastorales
pour reconnaître que ce rêve est bien plus qu'un simple rêve. Il contient, en effet, tant d'éléments
charismatiques que j'ose l'appeler un joyau précieux de notre charisme et une véritable « feuille de
route » pour la Famille de Don Bosco.
On pourrait vraiment dire que rien n'y manque et qu'il n'y a rien de superflu. C'est à cela que je
veux faire référence maintenant.
1.1. Regarder le rêve
22 P. STELLA, Don Bosco nella storia della religiosità cattolica. Vol. II, p. 32. Cité in J. E. VECCHI, op. cit., p. 381.
23 P. CHÁVEZ VILLANUEVA, Lettres circulaires aux Salésiens (2002-2014). Introduction et index par Marco BAY.
Présentation du P. Ángel FERNÁNDEZ ARTIME, Rome, LAS, 2021, p. 450.
8

1.9 Page 9

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Où regarder en ce moment ? D'abord vers le rêve lui-même, car il est d'une richesse charismatique
étonnante. Comme je l'ai déjà dit, il n'y a pas un mot de trop et il ne manque certainement rien. Il est
plus qu'évident que Don Bosco s'est efforcé de l'écrire pour nous faire comprendre qu'il ne s'agit pas
seulement « d'un » rêve, mais que nous devons le considérer comme « le » rêve qui marquera
toute sa vie même si, à l'époque, alors qu'il était enfant, il ne pouvait pas l'imaginer. En effet, « Don
Bosco, âgé de presque soixante ans – il se sentait vieux désormais, et il l'était pour l'époque – dut faire
face au problème de donner un fondement historico-spirituel à sa Congrégation, en en rappelant les
origines providentielles qui la justifiaient. Qu'y a-t-il de mieux que de "raconter" à ses fils comment
le berceau de la "Congrégation des Oratoires", dans sa genèse, son développement, sa finalité et sa
méthode, a été une institution voulue par Dieu comme instrument pour le salut de la jeunesse dans
les temps nouveaux ? »24 En effet, les Mémoires de l'Oratoire, où Don Bosco raconte le rêve, ne sont
rien d'autre que le rêve qui s'est déroulé dans l’histoire de sa vie, à l'Oratoire et dans la Congrégation.
C'est pourquoi il dit aussi dans l'introduction de son manuscrit :
« Voici donc ces menus souvenirs confidentiels, capables d'apporter quelque lumière et d'être
utiles à (ceux qui travaillent dans) cette institution que la divine Providence a confiée à la
Société de Saint-François-de-Sales. »25 Et « À quoi donc ce travail pourra-t-il servir ? Il servira
de norme pour surmonter les difficultés à venir en prenant leçon du passé. II servira à faire
connaître comment Dieu lui-même conduit chaque chose en son temps. Enfin, il servira
d'agréable délassement à mes fils quand ils pourront lire (le récit) des événements que leur père
a vécus. Ils le feront encore plus volontiers quand, appelé à rendre compte à Dieu de mes
actions, je ne serai plus au milieu d'eux. »26
La narration des Mémoires de l'Oratoire (et du rêve des neuf ans qui en fait partie) a été d'une telle
importance qu'elle a impliqué d'importants experts salésiens dans son étude tout au long de leur vie,
saisissant différentes perspectives au fil des ans. Un exemple riche et remarquable est constitué, par
exemple, par les différents accents que le grand spécialiste de la pédagogie salésienne, le Père Pietro
Braido, a mis en œuvre au cours de plusieurs décennies. Il s'agirait « d'une histoire édifiante laissée
par un fondateur aux membres de la Société d'apôtres et d'éducateurs qui devaient perpétuer son
œuvre et son style, en suivant ses directives, ses orientations et ses leçons. » (1965) - Ou « d’une
histoire de l'Oratoire plus "théologique" et plus pédagogique que réelle, peut-être le document
"théorique" d'animation le plus longuement médité et voulu par Don Bosco. » (1989) - « Peut-être
le livre le plus riche de contenus et d’orientations préventives » que Don Bosco ait écrit : « un manuel
de pédagogie et de spiritualité "racontée", dans une perspective clairement oratorienne » (1999) - Ou
encore un écrit dans lequel « la parabole et le message » passent avant et « au-dessus de l'histoire »
pour illustrer l'action de Dieu dans les affaires humaines, et ainsi, par la réjouissance et la récréation,
« réconforter et confirmer les disciples » dans une claire perspective « oratorienne » (1999). 27
L'une des pierres précieuses de ce joyau, auquel je me réfère, est celle qui nous permet, à nous qui
entrons dans le rêve avec un cœur salésien, quel que soit notre parcours chrétien-salésien ou dans la
Famille de Don Bosco, d'être interpellés dans nos cœurs : sommes-nous prêts à apprendre, sommes-
nous disposés à nous laisser surprendre par Dieu qui accompagne nos vies, comme il a guidé la vie
de Don Bosco, et à nous sentir fils et filles face à l’immense paternité qui émane de la figure de notre
père ? Car :
- Si l'on ne devient pas CROYANT et si l'on n'est pas convaincu que Dieu est à l'œuvre dans
l'histoire, dans l'histoire de Don Bosco et dans l'histoire personnelle de chacun, on ne comprendra
24 F. MOTTO, op. cit., 8.
25 Ibid., p. 10.
26 G. BOSCO, Memorie dell’ Oratorio, cité in F. MOTTO, op. cit., 9.
27 F. MOTTO, op. cit., 10.
9

1.10 Page 10

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rien ou presque des Mémoires de l'Oratoire et du rêve, et tout cela ne sera qu'une « belle histoire
».
- Si l'on ne devient pas FILS ou FILLE, on ne pourra pas se mettre à l'écoute de la paternité que
Don Bosco entend communiquer à travers les Mémoires de l'Oratoire.
- Si l'on ne devient pas DISCIPLE, disposé à apprendre, on n'entre pas vraiment dans l'esprit des
Mémoires de lOratoire et du rêve.
Il me semble que ces trois dispositions initiales (foi, filiation et être disciple) sont des « clés
essentielles » pour comprendre et assumer pour nous-mêmes ce que Don Bosco nous a raconté et
nous a laissé comme héritage spirituel. Ce qui s'est passé dans sa vie, ce qui l'a marqué et éclairé pour
toujours, Don Bosco a voulu en faire un héritage qui aiderait profondément ses Salésiens et nous tous
qui, par grâce, nous sentons et faisons partie de sa Famille.
1.2. Les jeunes, protagonistes du rêve ...
Dès le premier instant du rêve, la « mission oratorienne » confiée à Jean Bosco est évidente, même
s'il ne sait pas comment la réaliser ni comment l'exprimer. Comme nous pouvons le voir, la scène est
pleine de garçons, des garçons qui sont absolument réels dans le rêve de Giovannino.
Par conséquent, il me semble possible de dire que les jeunes sont les protagonistes centraux du
rêve, et que, même s'ils ne prononcent pas un mot, tout tourne autour d'eux. De plus, les personnages
« célestes » et Jean Bosco lui-même sont là grâce à eux et pour eux. Tout le rêve est donc à eux et
pour eux : pour les jeunes. Si nous excluions les jeunes de ce rêve, il ne resterait plus rien de
significatif pour notre mission.
Mais ce qui est intéressant, c'est qu'ils ne sont pas comme une photographie qui fixe une image en
un instant. Ces garçons sont constamment en mouvement et en action : aussi bien lorsqu'ils sont
agressifs (comme des loups) que lorsqu'ils ne se supportent pas, et lorsque, transformés comme la
Dame du rêve le demande à Giovannino, ils deviendront (comme des agneaux) des garçons sereins,
amicaux et cordiaux. La chose la plus importante qui se passe dans le rêve et que Don Bosco lui-
même apprend et, par la suite, tous ses disciples, c’est de découvrir que le processus de transformation
est toujours possible. Il s'agit d'un mouvement permettez-moi de le dire « pascal », un mouvement
de conversion et de transformation, de loups en agneaux, et dagneaux en une communauté de jeunes
dirions-nous dans le langage d'aujourd'hui qui célèbre Jésus et Marie. Il me semble certainement
que c'est un élément essentiel et central du rêve.
1.3. ... où il y a un appel vocationnel clair
« Voilà ton champ d'action, voilà où tu dois travailler. Rends-toi humble, fort et robuste et tout ce
que tu vois arriver en ce moment à ces animaux, tu devras le faire pour mes fils. »28 Ce qui se passe
dans le rêve est avant tout un appel, une invitation, une vocation, qui semble impossible, inaccessible.
Jean Bosco se réveille fatigué ; il a même pleuré. Et quand l'appel vient de Dieu (le personnage
d’aspect vénérable dans le rêve est Jésus), la direction qu'un tel appel peut prendre est imprévisible
et déconcertante.
Cet appel est quelque chose de très spécial dans le rêve, il est d'une richesse unique. Je dis cela
parce qu'il semblerait qu'en raison de son âge, de son absence de père, du manque presque total de
ressources, de la pauvreté, des problèmes internes au sein de la famille, des querelles avec son demi-
frère Antoine, des difficultés d'accès à l'école à cause de la distance et de la nécessité de travailler
dans les champs, il n'y ait pas d'autre avenir possible pour Jean que de rester là, à cultiver les champs
28 Cité in P. RICALDONE, Année XVII. 24 mars 1936, n° 74.
10

2 Pages 11-20

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2.1 Page 11

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et à s'occuper des animaux. Pour nous aussi, ce rêve peut sembler irréalisable et lointain, peut-être
destiné à quelqu'un d'autre, mais pas à lui. C'est la même interprétation que la famille de Giovannino
donne à ce rêve, comme le confirment les paroles de sa grand-mère : « Il ne faut pas faire attention
aux rêves. »29
Cependant, c'est précisément cette situation difficile qui rend Don Bosco (à ce moment-là
« Giovannino ») très humain, ayant besoin d'aide, mais aussi fort et enthousiaste. Sa volonté, son
caractère, son tempérament, sa force d'âme et la détermination de sa mère, Maman Marguerite, une
foi profonde de la part de sa mère et de Jean lui-même, rendent tout cela possible. Le rêve sera toujours
là, mais lui le découvrira à travers la vie : j'ai compris comment, petit à petit, tout s'est réalisé... Il n'y
a pas de magie, ce n'est pas un rêve « féerique », il n'y a pas de prédestination, mais une vie pleine de
sens, de questions, de sacrifices, mais aussi de foi et d'espérance qui nous pousse à la découvrir et à
la vivre chaque jour.
Dans le rêve, un homme très respectable, d'apparence virile, apparaît et parle à Jean, l'interroge et
le remet entre les mains de sa Mère, la « Dame ». Il y a certainement un envoi en mission. Une mission
de pasteur-éducateur où une méthode est également indiquée : la douceur et la charité. Voici un
exemple de sa réponse vocationnelle :
« Jean, fidèle dès son plus jeune âge à l'inspiration divine, se met à travailler dans le champ
d’action qui lui avait été assigné par la Providence. Il n'a pas encore dix ans et il est déjà apôtre
parmi ses compatriotes du village de Murialdo. N'est-ce pas un "Oratoire festif", quoique
embryonnaire, à l'état d'esquisse, qu'en 1825 commença le petit Jean, en utilisant les moyens
compatibles avec son âge et son éducation ?
Doué d'une mémoire prodigieuse, amateur de livres, assidu aux prédications, il retient
précieusement tout, instructions, faits, exemples, pour les répéter à son petit auditoire,
inculquant avec une efficacité admirable l'amour de la vertu à ceux qui accourent pour admirer
son habileté dans les jeux et entendre ses paroles enfantines mais chaleureuses. »30
1.4. Et elle, Marie, marquera à jamais le rêve de Jean et la vie de Don Bosco
Nous en arrivons au moment central du rêve : la médiation maternelle de la Dame (liée au mystère
du nom). Pour Jean Bosco, sa mère et la Mère « qu’il a appris à saluer trois fois par jour », ce sera un
lieu d'humanité où se reposer, où trouver sécurité et refuge dans les moments les plus difficiles.
« Je te donnerai la maîtresse sous la conduite de qui tu pourras devenir un sage et sans qui toute
sagesse devient sottise. » C'est elle, en effet, qui lui indique à la fois le domaine où il devra travailler
et la méthodologie à utiliser : « Voilà ton champ d'action, voilà où tu dois travailler. Rends-toi humble,
fort et robuste. » Marie est sollicitée dès le début pour la naissance d'un nouveau charisme, car c'est
précisément sa spécialité de porter en son sein et d'enfanter : c'est pourquoi, lorsqu'il s'agit d'un
Fondateur, qui doit recevoir de l'Esprit Saint la lumière originelle du charisme, le Seigneur dispose
que ce soit sa propre mère, Vierge de la Pentecôte et modèle immaculé de l'Église, qui en soit la
Maîtresse. En effet, elle seule, la « pleine de grâce », comprend tous les charismes de l'intérieur, telle
une personne qui connaîtrait toutes les langues et les parlerait comme s'il s'agissait de la sienne.31
C'est comme si le Seigneur du rêve disait au tout jeune Jean Bosco : « Désormais, entends-toi bien
avec elle. »
29 J. BOSCO, op. cit., 1177.
30 P. RICALDONE, Année XX, novembre-décembre 1939 n. 96.
31 A. BOZZOLO (éd.), Il Sogno dei nove anni. Questioni ermeneutiche e lettura teologica [Le rêve des neuf ans. Questions
herméneutiques et lecture théologique], LAS, Rome 2017, 264.
11

2.2 Page 12

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Comme déjà dit plus haut, « ce n'est pas Giovannino qui choisit Marie, mais c'est Marie qui se
présente en prenant l'initiative du choix : c’est Elle qui sera, à la demande de son Fils, l'Inspiratrice
et la Maîtresse de la vocation de Jean. »32
Cette dimension féminine-maternelle-mariale est peut-être l'une des dimensions les plus
difficiles du rêve. Lorsque nous regardons cette réalité avec sérénité, cet aspect se transforme en
quelque chose de beau. C'est Jésus lui-même qui donne à Giovannino une maîtresse qui est sa Mère,
et à qui « il doit demander son nom. » Giovannino doit travailler « avec ses fils à elle », et c'est
« Elle » qui s'occupera de la continuité du rêve dans la vie, qui prendra Jean par la main jusqu'à la fin
de ses jours, jusqu'au moment où il comprendra vraiment tout.
Il y a une grande intentionnalité à vouloir dire que, dans le charisme salésien en faveur des enfants
les plus pauvres, les plus démunis et privés d'affection, la dimension de les traiter avec « douceur »,
avec douceur et charité, ainsi que la dimension « mariale », sont des éléments indispensables pour
ceux qui veulent vivre ce charisme. La Madone a à voir avec la formation à la « sagesse du charisme
». Et c'est pourquoi il est difficile de comprendre que dans le charisme salésien il pourrait y avoir
quelqu'un (personne, groupe ou institution) qui laisserait la présence mariale à l'arrière-plan. Sans
Marie de Nazareth, nous parlerions d'un autre charisme, non pas du charisme salésien, ni des fils et
des filles de Don Bosco. Le P. Ziggiotti le dit d'une manière merveilleuse, dans cette recherche que
nous avons faite sur les commentaires des Recteurs Majeurs sur le rêve :
« Je voudrais convaincre tous les Salésiens de ce fait très important, qui illumine toute la vie du
Saint d'une lumière céleste et donne donc une valeur indiscutable à tout ce qu'il a fait et dit dans
sa vie : la Madone à qui il fut consacré par sa mère dès sa naissance, qui éclaira son avenir dans
le rêve des neuf ans et qui revint ensuite le consoler et le conseiller, sous mille formes, dans les
rêves, dans l'esprit prophétique, dans la vision intérieure de l'état des âmes, dans les miracles et
les grâces sans nombre, qu'il opérait en l'invoquant, la Vierge Marie est tout pour Don Bosco ;
et le Salésien qui veut acquérir l'esprit du Fondateur doit l'imiter dans cette dévotion. ».33
1.5. Docile à l'Esprit, confiant en la Providence
Certes, il y a beaucoup à apprendre. Devenir humble, fort et robuste, c'est se préparer à ce qui nous
attend. Jean Bosco devra être obéissant, docile à la sagesse du Maître. Il devra apprendre à voir et à
découvrir les processus de transformation, comprendre que l'itinéraire, le chemin parcouru avec ces
jeunes conduit à la vie, et à la rencontre avec le Seigneur du rêve et avec sa mère, conduit à Jésus et
à Marie. Jean Bosco a découvert tout cela.
Ce qui est en jeu, c'est l'obéissance à Dieu, la docilité à l'Esprit. Marie est Celle qui « laisse les
choses arriver », qui laisse se réaliser en elle ce que Dieu a pensé et rêvé, au point d’exprimer son
« fiat » à Dieu et de proclamer : « le Seigneur fit pour moi des merveilles ». De même aussi le
Salésien, la Fille de Marie Auxiliatrice, chaque Salésien Coopérateur, chaque Dévot de Marie
Auxiliatrice, chaque membre de notre Famille Salésienne, qui est la Famille de Don Bosco, devra
apprendre et faire sien ce style de docilité à l'Esprit. J'ajoute que j’aimerais que ce style prenne
vraiment corps à toutes les étapes de la formation initiale et de la formation permanente dans chaque
Groupe, Congrégation et Institution salésienne. Et n'oublions pas que les « formateurs » et les
« personnes en formation » devraient être nous devrions être les premiers à « nous laisser former »
par l'Esprit, comme Marie.
32 E. VIGANO, Lettres circulaires du P. Egidio Viganò aux Salésiens, vol. 1, Rome, Direction Générale des Œuvres de Don
Bosco, 1996, p. 10.
33 R. ZIGGIOTTI, op. cit., 264.
12

2.3 Page 13

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Le rêve offre, comme aucun autre élément, comme aucune autre réalité, ce que je crois que l'on
peut définir comme des indices « inaliénables » de l'ADN du charisme. Ce sont ces indices ou
« principes » qui peuvent nous aider à lire, à discerner et à agir en harmonie avec la fidélité créatrice.
Et n'oublions pas qu'il s'agit d'une tâche communautaire que nous devons accomplir ensemble,
« de manière synodale », pourrions-nous dire aujourd'hui dans la ligne des récents travaux synodaux,
en tant que Famille Salésienne.
Accompagner Don Bosco dans sa réflexion sur son rêve des neuf ans, c'est aussi souligner son
abandon à la Providence, c'est nous placer, comme lui, dans le « Tu comprendras tout en son temps ».
Pour Don Bosco, le rêve même était une action de la Providence. Voilà la conviction radicale, le
choix fondamental de la vie, « l'essence de l'âme de Don Bosco », le point central, la partie la plus
profonde et la plus intime de sa personne. Il ne fait aucun doute que l'abandon à la Divine Providence,
comme il l'avait appris de sa mère, a été décisif pour notre père et doit être pour nous la garantie de
la continuité de la spiritualité salésienne. C'est l'abandon à Dieu, la confiance en Dieu, parce que le
Dieu que Don Bosco a appris à aimer est un Dieu fiable. Il agit vraiment dans l'histoire, et il l'a fait
dans l'histoire de l'Oratoire, au point que Don Bosco est allé jusqu'à dire aux Directeurs salésiens, le
2 février 1876 :
« Les autres Congrégations et Ordres religieux ont eu à leurs débuts quelque inspiration,
quelque vision, quelque fait surnaturel qui a donné une impulsion à la fondation et en a assuré
l'établissement. Mais le plus souvent, cela s'est arrêté à un ou quelques-uns de ces faits. Mais
ici, chez nous, les choses se passent bien différemment. On peut dire qu'il n'y a rien qui n'ait été
connu auparavant. Aucun pas n'a été fait par la Congrégation sans qu'un fait surnaturel ne le
conseille, aucun changement ou perfectionnement ou élargissement qui n'ait été précédé d'un
commandement du Seigneur... Nous aurions pu, par exemple, écrire toutes les choses qui nous
sont arrivées avant qu'elles n'arrivent et les écrire minutieusement et avec précision. »34
1.6.Cependant, « pas avec des coups ». L'art de la douceur et de la patience pédagogique
Le rêve ne nous parle pas seulement d'un passé, mais aussi d'un présent, d'un aujourd'hui
extrêmement actuel. Le « pas avec les coups » que la Madone dit à Jean dans le rêve nous interpelle
encore aujourd'hui, et rend plus nécessaire que jamais de réfléchir sur notre manière salésienne
d'éduquer les jeunes, car le discours de la haine et de la violence ne cesse d'augmenter. Notre monde
devient de plus en plus violent et nous, éducateurs et évangélisateurs des jeunes, devons être une
alternative à ce qui angoissait tant le petit Jean dans son rêve et qui nous fait tant de mal aujourd'hui.
Comme l'a dit le Recteur Majeur, le P. Pascual Chávez, dans l'Étrenne de 2012,35 il ne fait aucun doute
que nous devrons « affronter les loups » qui veulent dévorer le troupeau : l'indifférentisme, le
relativisme éthique, le consumérisme qui détruit la valeur des choses et des expériences, les fausses
idéologies, et tout ce qui frappe vraiment et qui est une vraie violence.
Je crois que ce message est aussi actuel aujourd'hui qu'il l'était lorsque Giovannino (notre futur
Don Bosco, père et maître) l'a reçu.
Le « pas avec les coups » est un « non absolu ». C'est très clair, et c'est la seule correction on
pourrait presque dire un reproche que Jean Bosco reçoit dans son rêve. Et avant toute chose, c'est
une certitude pour nous, la grande certitude que le chemin de la force et de la violence ne mène pas
dans la bonne direction du charisme. Les « coups » du rêve peuvent prendre mille formes aujourd'hui.
En fait, je me suis intéressé à lire, à réfléchir et à préciser de nombreuses formes de violence plus ou
34 F. MOTTO, op. cit., 7.
35 Cf. P. CHAVEZ : « Connaissant et imitant Don Bosco, faisons des jeunes la mission de notre vie ». Première année de
préparation au Bicentenaire de sa naissance. Étrenne 2012, in ACG 412 (2012), 3-39.
13

2.4 Page 14

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moins subtiles qui nous entourent et qui doivent être bannies de notre horizon éducatif et pastoral et
de notre univers charismatique.
« Pas avec les coups » signifie lutter consciemment et sans aucune justification contre toutes sortes
de violences :
- Violence physique qui porte atteinte au corps (pousser, donner des coups de pied, gifler, coincer
contre le mur, lancer des objets).
- Violence psychologique et verbale qui nuit à l'estime de soi. La violence qui insulte et disqualifie,
qui isole, qui surveille et contrôle sans respect. Violence et abus psychologique qui font que
certaines personnes ont l'impression qu'elles ne donnent jamais assez d'elles-mêmes. Violence qui
fait que les gens se considèrent toujours comme différents et dans l'erreur, voire immatures pour
avoir pensé honnêtement ce qu'ils pensent. Violence et abus de la part de ceux qui ne s'intéressent
à l'autre que lorsqu'ils veulent en tirer profit.
- Violence affective et sexuelle qui nuit au corps, au cœur et aux affections les plus intimes, qui
laisse des traces de douleur indélébiles et peut se manifester verbalement ou par écrit, avec des
regards ou des signes qui dénotent obscénité, harcèlement, intimidation et même abus.
- Violence économique par laquelle l'argent qui vous appartient ou qui est utilisé pour faire le bien
est retenu, détourné, volé.
- La violence est aussi une cyberviolence, une « cyberintimidation » avec harcèlement par le biais
de l'internet, de sites web, de blogs, de textos ou de messages électroniques, ou encore de vidéos.
- Violence qui découle de l'exclusion sociale où des personnes, des étudiants, des adolescents sont
exclus ou humiliés publiquement, sans aucun respect.
- Violence caractérisée par la maltraitance, par des verbes tels que menacer, manipuler, dévaloriser,
nier, remettre en cause, humilier, insulter, disqualifier, se moquer, montrer de l'indifférence.
Il ne fait aucun doute que, charismatiquement, nous possédons l'antidote à ces situations qui
nuisent à la vie. Il s'agit du génie pastoral de Don Bosco : « En nous souvenant, d'autre part, que
l'intervention de Marie dans le premier rêve de Jean Bosco a été initialement de configurer le "génie
apostolique" qui nous caractérise dans l'Église, je vous invite à concentrer ensemble notre réflexion
sur le projet qui caractérise notre génie pastoral : le Système Préventif. »36
1.7. ELLE, la Dame : Maîtresse et Mère
La Dame du rêve se présente comme Maîtresse et Mère. Elle est la mère des deux : du majestueux
Seigneur du rêve et de Giovannino lui-même ; une mère permettez-moi la paraphrase qui, le
prenant par la main, lui dit :
« Regarde » : combien il est important pour nous de savoir regarder, et combien il est grave de ne pas
« voir » les jeunes dans leur réalité, dans ce qu'ils sont ; quand nous ne réussissons pas à voir
ce qu'il y a de plus authentique en eux, et ce qu'il y a de plus tragique et de plus douloureux
en eux et dans leur vie. « Regarde » est le premier mot que dit la « dame d'aspect majestueux,
36 E. VIGANÒ, Lettres circulaires du P. Egidio Viganò aux Salésiens, vol. 1, Rome, Direction Générale des Œuvres de
Don Bosco, 1996, p. 31.
14

2.5 Page 15

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vêtue d'un manteau qui resplendissait de toutes parts comme si chaque point eût été une étoile
éclatante. »
Sans vouloir trop « interpréter » un seul verbe, il me semble qu'il y a là un signe
« préventif » de ce que sera en fait le chemin que notre père devra suivre, fait avant tout
d'apprentissage par l'expérience. Pensons combien les yeux comptent dans la vie de Don
Bosco... C’est ce qu'il voit, lorsqu'il arrive à Turin ou plutôt ce que Cafasso l'aide à voir
qui donne naissance à notre mission. C'est à partir de la façon dont il voit chaque garçon (on
se souvient des premières rencontres dans les biographies qu'il écrit) : il y a là l'incipit qui est
comme un miracle suivi de tout le reste, à la fois pour Savio, pour Magon, pour Cagliero, pour
Rua... Au musée de Chieri, il y a une sculpture représentant les yeux et les regards de Don
Bosco, qui était restée à côté de son autel en 1988. Il y a quelque chose d'unique dans son
regard et le « regarde » dit par la Dame du rêve n'en est pas moins original et unique.
C'est précisément autour du « regard » qu'il est possible de trouver une référence explicite
à un mot aussi fondamental pour nous que l'assistance. Et nous savons tous à quel point c'est
essentiel.
Mon attention, cependant, ne s'éloigne pas beaucoup du pré des rêves aux Becchi, parce
qu'en fait, sans qu’il ne s’en rende compte, Giovannino se formera par l'expérience : il
apprendra de la vie, surtout dans les moments d'extrême difficulté et de fatigue.
« Regarde » amène la personne à se décentrer d’elle-même, à saisir quelque chose qui
dépasse son horizon et son imagination et qui devient une invitation, un défi, une provocation,
un appel et un guide. Car cela demande une implication pleine et entière à travers laquelle
Jean fera tout son possible en faveur des jeunes. C’est à partir de là que nous pouvons aussi
saisir l'importance de l'environnement dans toute la pédagogie salésienne.
Rien n'est enlevé au soin indispensable de l'intériorité et du silence. Nous sommes appelés
à lever le regard, aussi bien quand nous le fixons sur le mystère de Dieu que lorsque nous
passons à côté de l'homme qui « descendait de Jérusalem à Jéricho et tomba sur des bandits.
» (Lc 10,30) Et c'est ce qui a toujours caractérisé la personne de Don Bosco, de l'enfance à la
fin de sa vie.
« Apprends » : Devenir humble, fort et robuste, parce qu'il y a un besoin de simplicité face à tant
d'arrogance ; la force face à tant de choses auxquelles on doit faire face dans la vie ; et cette
robustesse qu'est la résilience, ou la capacité de ne pas se décourager, de ne pas « baisser les
bras » lorsqu'il semble que l’on soit incapable de faire quelque chose.
Il est intéressant de noter que ce qui rend Jean « doux » (humble, fort, robuste), ce sont
les événements (l'expérience) que la Providence (Marie) met sur son chemin. Par exemple,
quelque temps après le rêve, en février 1828 (alors qu'il n'avait que douze ans), Maman
Marguerite a été forcée de l’éloigner de la maison à cause des conflits avec Antoine. Le soir,
Jean arrive à la ferme Moglia où il est accueilli plus par pitié que par réel besoin ce n'est pas
en hiver que l’on cherchait des garçons de ferme. Quoi qu'il en soit, la ferme est assez éloignée
mais en même temps assez proche de Moncucco où se trouve l'un des meilleurs curés que le
diocèse de Turin ait eus, Don Francesco Cottino (dont pour l'instant notre littérature salésienne
parle encore très peu). Jean le rencontre tous les dimanches. C'est le premier « face à face »,
la première rencontre avec un vrai guide pour Jean. Ainsi, une saison qui ne pouvait être que
triste et sombre devient une occasion très importante pour son cheminement. On sait aussi que
le 3 novembre 1829, son oncle Michel le ramena dans sa famille, aux Becchi, et que le 5
novembre, Jean rencontrera Don Calosso à son retour de la mission de Buttigliera.
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2.6 Page 16

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C'est pourquoi je considère qu'il est très important d'insister fortement sur l'incroyable
accompagnement-direction de la Providence. Jean y correspond en s'impliquant librement.
Cependant, les événements et les personnes qui se succèdent au bon moment sont les artisans
de cet « humble, fort et robuste » indispensable à la mission qui, entre-temps, mûrit de plus
en plus en lui.
Il y a donc un primat de la Grâce qui vaut avant tout pour nous si nous sommes capables
de nous laisser former, et qui devient ainsi fécond pour la mission. Au point qu'il n'y a plus de
limites ou de difficultés qui empêcheraient la croissance vers cette plénitude de vie qu'est la
sainteté, quel que soit le contexte, même le plus exigeant.
Évidemment, tout cela ne nous dispense pas de faire tous les efforts nécessaires pour
améliorer les situations et surmonter les injustices. En effet, Don Bosco va « s'allier » avec la
Providence sans limiter ses efforts, ses rencontres, la rédaction de contrats de travail pour
défendre et protéger les jeunes apprentis qui sont les hôtes du premier oratoire. Surtout, Don
Bosco ne les prive pas du ciel ! mais leur indique qu'il y a toujours « quelque chose de plus »,
un objectif supérieur auquel tout le monde peut accéder.
Une leçon similaire a été suggérée par sainte Mère Thérèse de Calcutta avec ses efforts «
inutiles » pour les moribonds de Calcutta. Entre autres choses, sur une affiche qu'elle avait
écrite à la main et accrochée dans sa chambre au début de sa nouvelle vie pour les plus pauvres
d'entre les pauvres, elle avait écrit ces mots noir sur blanc : « Da mihi animas cætera tolle ».
« Et soyez patients », c'est-à-dire donnons du temps à tout et laissons Dieu être Dieu.
4. UN RÊVE QUI FAIT RÊVER
Chers membres de la Famille Salésienne, je ne peux pas conclure mon commentaire sur l'Étrenne
sans exprimer pour les jeunes et pour nous, les nombreux rêves que je porte dans mon cœur. Ils
peuvent s'identifier au désir de continuer à grandir dans la fidélité charismatique ; ou à l'aspiration et
à la provocation sereine face à des changements qui nous sont difficiles, aux résistances qui peuvent
étouffer le feu vivant de notre charisme. Ou encore des pulsions qui veulent traduire en réalité le rêve
même de Don Bosco, mais deux cents ans plus tard !
Ces rêves, je les partage avec vous, dans l'espoir que quiconque me lit, où qu'il se trouve dans le
vaste monde salésien, puisse sentir que quelque chose de ce qui est écrit ici lui est aussi destiné. Voici
quelques éléments qui me semblent concrets pour la réalisation du rêve des neuf ans :
1. Don Bosco nous a montré tout au long de sa vie que seules les relations authentiques transforment
et sauvent. Le Pape François nous dit la même chose : « Il ne suffit donc pas de disposer de
structures, si on ne développe pas en leur sein d’authentiques relations ; c’est, de fait, la qualité
de ces relations qui évangélise.»37 C'est pourquoi j'exprime le désir que chaque maison de notre
Famille Salésienne soit ou devienne un espace vraiment éducatif, un espace de relations
respectueuses, un espace qui aide à grandir de manière saine. En cela, nous pouvons et nous
devons faire la différence, parce que les relations authentiques sont à l'origine de notre charisme,
à l'origine de la rencontre avec Barthélemy Garelli, à l'origine de la vocation même de Don Bosco.
2. Chaque choix de Don Bosco faisait partie d'un projet plus grand : le plan de Dieu pour lui. Par
37 SYNODE DES ÉVÊQUES, Les jeunes, la foi et le discernement vocationnel. Document final. Elledici, Turin, 2018, nº128.
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conséquent, aucun choix n'était superficiel ou banal pour Don Bosco. Son rêve n'était pas une
anecdote de sa vie, ni un simple événement, mais une réponse vocationnelle, un choix, un chemin,
un programme de vie qui prenait forme au fur et à mesure qu'il était vécu. Je rêve donc que chaque
Salésien, chaque membre de la Famille de Don Bosco, éprouve, par vocation et par choix, de se
sentir mal à l'aise et qu'il fasse l'expérience directe de la douleur, de la fatigue et de la peine de
tant de familles et de jeunes qui luttent chaque jour pour survivre, ou pour vivre avec un peu plus
de dignité. Et qu'aucun de nous ne soit réduit à être un spectateur passif ou indifférent face à la
douleur et à l'angoisse de tant de jeunes.
3. « Le rêve premier, le rêve créateur de Dieu notre Père précède et accompagne la vie de tous ses
enfants. »38 Notre Dieu a un rêve pour chacun de nous, pour chacun de nos jeunes, un projet
pensé, « conçu » pour nous par Dieu lui-même. Le secret du bonheur tant désiré de tous sera
précisément celui de découvrir la correspondance et la rencontre entre ces deux rêves : le nôtre et
celui de Dieu. Et donc, comprendre ce qu'est le rêve de Dieu pour chacun de nous signifie, tout
d'abord, réaliser que le Seigneur nous a donné la vie parce qu'il nous aime, au-delà de ce que nous
sommes, y compris de nos limites. Nous devons donc croire que notre Dieu veut faire de grandes
choses en chacun de nous ! Nous sommes tous précieux, nous avons une grande valeur, parce
que, sans chacun de nous, il manquera quelque chose dans le monde et dans l'Église. En fait, il y
aura des gens que je suis le seul à pouvoir aimer, des mots que je suis le seul à pouvoir dire, des
moments que je suis le seul à pouvoir partager.
4. Et sans rêves, il n'y a pas de vie. Pour les êtres humains, pour nous tous, rêver, c'est se projeter,
avoir un idéal, un sens dans la vie. La pire pauvreté des jeunes est de les empêcher de rêver, de
les priver de leurs rêves ou de leur imposer des rêves inventés. Chacun de nous est un rêve de
Dieu. Il est important de découvrir quel est mon rêve, quel rêve Dieu a pour moi. Et nous devons
essayer de le développer, de le réaliser, parce que notre bonheur et celui de nos frères et sœurs en
dépendent. Souvenons-nous de la façon dont Don Bosco pleura d'émotion et de joie lorsque, le
16 mai 1887, « il vit se réaliser » le rêve qui définissait sa vie, sa vocation, sa mission.
5. Dieu fait de grandes choses avec des « outils simples » et nous parle de multiples façons, même
au plus profond de notre cœur, à travers les sentiments qui nous animent, à travers la Parole de
Dieu reçue avec foi, approfondie avec patience, intériorisée avec amour, suivie avec confiance.
Aidons-nous nous-mêmes, ainsi que nos garçons, nos filles et nos jeunes, à écouter leur cœur, à
déchiffrer leurs mouvements intérieurs, à exprimer ce qui s'agite en eux et en nous, à reconnaître
quels signes ou « rêves » révèlent la voix de Dieu et lesquels, au contraire, sont le résultat de
choix erronés.
6. « Les difficultés et les fragilités des jeunes nous aident à être meilleurs, leurs questions nous
défient, leurs doutes nous interpellent sur la qualité de notre foi. Leurs critiques aussi nous sont
nécessaires, car bien souvent, à travers elles, nous écoutons la voix du Seigneur qui nous demande
de convertir notre cœur et de renouveler nos structures.»39 Un éducateur authentique sait
découvrir avec intelligence et patience ce que chaque jeune porte en lui-même, et en tant que tel,
il agira avec compréhension et affection, cherchant à se faire aimer.40 Je rêve et je désire
rencontrer chaque jour, dans chaque maison salésienne du monde, des Salésiens et des laïcs qui
croient au miracle que l'éducation et l'évangélisation salésiennes ont le pouvoir de réaliser.
7. Vivre humainement, c'est « devenir », c'est se réaliser, c'est jouir des résultats qui sont le fruit de
processus patients par lesquels Dieu agit et intervient dans nos vies. Comme je souhaite que notre
38 PAPE FRANÇOIS, Christus vivit. Exhortation Apostolique postsynodale aux jeunes et à tout le Peuple de Dieu, LEV,
Cité du Vatican 2019, nº194.
39 SYNODE DES ÉVÊQUES, Les jeunes …, nº116.
40 Cf. XXIII Chapitre Général Salésien, Éduquer les jeunes à la foi, CCS, Madrid, 1990, nº 99.
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passion éducative ressemble à celle de Don Bosco, « père de la bonté affectueuse salésienne »
["amorevolezza"] , afin que dans toutes nos présences dans le monde, les garçons et les filles
rencontrent non seulement des professionnels formés, mais de véritables éducateurs, frères, amis,
pères et mères.
8. Don Bosco, « prêtre des rues » avant la lettre, s'est littéralement consumé dans cette entreprise.
Les Salésiens (et ceux qui s'inspirent de Don Bosco) sont en effet « les enfants d'un rêveur d'avenir
», mais d'un avenir qui se construit dans la confiance en Dieu et dans l'immersion et le travail
quotidiens dans la vie des jeunes, au milieu des fatigues et des incertitudes de chaque jour.41 Et
c'est pourquoi la rencontre avec le Seigneur de la Vie, en aidant chaque jeune à découvrir son
propre rêve, le rêve de Dieu en chacun, et en le soutenant sur son chemin de réalisation, est le don
le plus précieux que nous puissions offrir aux jeunes. Comme je souhaite que cela se produise
dans toutes nos maisons !
9. Alors que le cœur de Don Bosco battait à tout moment, nous, « convaincus que chaque jeune
porte inscrit dans son cœur le désir de Dieu, nous sommes appelés à offrir des occasions de
rencontre avec Jésus, source de vie et de joie pour chaque jeune. »42 Don Bosco ne pouvait tolérer
que dans ses maisons, ses fils et ses filles ne proposent pas aux garçons, aux filles, aux adolescents
et aux jeunes la rencontre avec Jésus même dans la liberté avec laquelle nous éduquons
aujourd'hui à la foi dans les contextes les plus divers. Aujourd'hui encore, nous sommes appelés
à le faire connaître, à découvrir comment Il fascine chaque personne et à aider les jeunes d'autres
religions à être de bons croyants dans leur propre foi et leurs propres idéaux. Je rêve que cela
devienne une réalité dans toutes les maisons salésiennes du monde.
10. « Partout, l'Œuvre Salésienne doit tendre vers les jeunes les plus pauvres et les plus nécessiteux
de la société, et doit utiliser avec eux les mille moyens inspirés par la charité qui anticipe. Don
Bosco pleurait en voyant tant de jeunes grandir dans la corruption et l’incroyance ; et il aurait
voulu pouvoir étendre ses soins veiller, admonester, instruire en un mot, prévenir à tous les
jeunes du monde (...) C'est pourquoi, en acceptant de nouvelles fondations, il donnait la préférence
aux lieux où les jeunes tournaient mal parce qu’abandonnés. »43 Je rêve vraiment de voir, un jour,
toute la Congrégation Salésienne avoir le même dévouement que Don Bosco avait envers ses
garçons les plus pauvres. Je rêve de voir chacun de mes confrères donner joyeusement sa vie en
faveur des plus petits. Dans de nombreux cas, il en est déjà ainsi. Je rêve que chacune de nos
maisons soit remplie de cette « odeur de brebis » à laquelle le Pape François fait référence
aujourd'hui pour toute personne appelée à une vocation apostolique. Et je le souhaite aussi à toute
notre Famille Salésienne : personne ne doit se sentir exclu de cet appel.
11. « La vie de Jean avant son ordination sacerdotale est vraiment un chef-d'œuvre d'itinéraire
vocationnel. »44 Parlant de la vocation aux jeunes, le Pape François dit : « Je suis une mission sur
cette terre, et pour cela je suis dans ce monde. Par conséquent, il faut penser que toute pastorale
est vocationnelle, toute formation est vocationnelle et toute spiritualité est vocationnelle. »45
Comme Don Bosco l'a toujours fait, je considère qu'il est de notre devoir d'aider chaque jeune,
dans toutes nos propositions, à découvrir ce que Dieu attend de lui, à avoir des idéaux qui le
fassent « voler haut », à donner le meilleur de lui-même, à désirer vivre la vie comme un don et
un don de soi.
41 Cf. F. MOTTO, op. cit.,14.
42 R SALA, Il sogno dei nove anni. Redazione, storia, criteri di lettura, in «Note di pastorale giovanile» 5 (2020), 21.
43 Ph. RINALDI, Il sac. Filippo Rinaldi ai Cooperatori ed alle Cooperatrici Salesiane. Un’altra data memoranda [Le P.
Philippe Rinaldi aux Coopérateurs et Coopératrices Salésiens. Une autre date mémorable] in BS, Année XLIX, 1 (janvier
1925), 6.
44 E. VIGANÒ, Lettres circulaires du P. Egidio Viganò aux Salésiens, vol. 2, Rome, Direction Générale des Œuvres de Don
Bosco, 1996, p. 589.
45 PAPE FRANÇOIS, Christus vivit, nº254.
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12. Marie brille par son rôle de mère et de gardienne. Quand, très jeune, elle a reçu l'annonce de
l'ange, elle n'a pas hésité à poser des questions. Quand elle a accepté et dit « oui », elle a tout
misé, en prenant un risque. Quand sa cousine a eu besoin d'elle, elle a mis de côté ses projets et
ses besoins et elle est partie « avec empressement » (Lc 1,39). Quand la douleur de son Fils l'a
frappée, elle a été la femme forte qui l'a soutenu et accompagné jusqu'à la fin. Elle, la Mère et
Maîtresse, regarde le monde des jeunes qui la cherchent, même s'il y a beaucoup de bruit et
d'obscurité sur le chemin. Elle parle dans le silence et entretient la lumière de l'espérance.46 Je
rêve vraiment que, dans la fidélité à Don Bosco, nous fassions en sorte que nos garçons, nos filles,
nos jeunes tombent amoureux de cette Mère, tout autant que lui, parce que « la Vierge est tout
pour Don Bosco ; et le Salésien qui veut acquérir l'esprit du Fondateur doit l'imiter dans cette
dévotion. »47
5. DU RÊVE DES NEUF ANS À L'AUTEL DES LARMES
Je suis arrivé à la fin de ce commentaire. Je pourrais continuer, mais je crois que ce que j'ai écrit
peut toucher le cœur de tout le monde. En soi, ce serait déjà une très bonne nouvelle.
Je veux simplement vous inviter à une minute d'intériorisation et de contemplation devant ce texte
des Memorie Biografiche qui décrit en quelques lignes ce que Don Bosco a ressenti, versant de
grosses larmes, devant l'autel de Marie Auxiliatrice dans la basilique du Sacré-Cœur de Jésus, à
Rome, quelques jours à peine après sa consécration.
Dans ces moments-là, Don Bosco vit et entendit la voix de sa mère Marguerite, les commentaires
de ses frères et de sa grand-mère qui évaluaient le rêve, le remettant même en question. C'est là, à ce
moment-là, soixante-deux ans plus tard, qu'il a tout compris, comme la Maîtresse le lui avait prédit.
Ce récit m'émeut à chaque fois et c'est pour cette raison que je vous invite à le relire et à le méditer
personnellement. Encore une fois :
« Pas moins de quinze fois, pendant le divin sacrifice, rapportent les Memorie Biografiche, Don
Bosco s'arrêta, saisi d'une vive émotion et versant des larmes. Viglietti, qui l'assistait, dut le
rappeler de temps en temps à la réalité, afin qu'il puisse continuer. Lui ayant demandé quelle
avait été la cause de tant d'émotion, Don Bosco répondit : " J'avais devant les yeux la scène où,
vers l'âge de dix ans, je rêvais de la Congrégation. Je voyais et j'entendais ma mère et mes frères
interpréter le rêve..." La Vierge lui avait dit alors : "Tu comprendras tout en son temps."
Soixante-deux ans de labeur, de sacrifices et de luttes s'étaient écoulés depuis ce jour-là, et un
éclair soudain lui avait révélé, dans la construction de l'église du Sacré-Cœur à Rome, le
couronnement de la mission qui lui avait été mystérieusement annoncée au début de sa vie. »48
Je crois vraiment que Marie Auxiliatrice continue d'être une vraie Mère et Maîtresse de vie pour
toute notre Famille, encore aujourd'hui. Je suis convaincu que les paroles prophétiques du premier
rêve prononcées par le Seigneur Jésus et Marie continuent d'être une réalité dans tous les lieux où le
charisme de notre Père, don de l'Esprit, s'est enraciné. Et je suis sûr que dans chaque maison, au-delà
de nos efforts et de nos fatigues, nous pouvons appliquer ce que Don Bosco disait à propos du
Sanctuaire du Valdocco :
46 Cf. PAPE FRANÇOIS, op. cit., 43-48, 298.
47 R. ZIGGIOTTI, op. cit., 264.
48 MB XVIII, 341.
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« Chaque brique est une grâce de Marie Auxiliatrice. Nous n'avons rien fait sans son
intervention directe. C’est Elle-même qui a construit sa propre maison, et c’est une merveille à
nos yeux ! »
Immaculée et Auxiliatrice, qu’Elle continue à nous guider tous par la main. Amen.
Turin-Valdocco, le 8 décembre 2023
P. Ángel Card. Fernández Artime, S.D.B.
Recteur Majeur
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