Strenna_2006_fr


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ETRENNE 2006
Commentaire du Recteur Majeur
`A sa vue, ils furent saisis d`émotion et sa mère lui dit : « Mon enfant, pourquoi
nous as-tu fait cela ? Vois ! ton père et moi, nous te cherchions angoissés. » Il
leur répondit : « Et pourquoi me cherchiez-vous ? Ne saviez-vous pas que je me
dois aux affaires de mon Père ? » Mais eux ne comprirent pas la parole qu`il
venait de leur dire. Il redescendit alors avec eux et revint à Nazareth ; et il leur
était soumis. Et sa mère gardait fidèlement tous ces souvenirs en son cœur.
Quant à Jésus, il croissait en sagesse, en taille et en grâce devant Dieu et devant
les hommes.` (Lc 2,48-52).
Très chères Soeurs Filles de Marie Auxiliatrice,
Très chers Confrères Salésiens,
Très chers Membres de la Famille Salésienne et Amis de Don Bosco,
Très chers Jeunes, joie et raison de notre vie,
à vous tous mes affectueuses salutations à l`occasion de ce passage de 2005 à
2006. Je souhaite à tous et à chacun une année débordante des bénédictions
que Dieu, Père de tendresse et de miséricorde, a voulu répandre sur nous
quand il décida d`envoyer dans le monde son Fils pour que nous ayons la vie en
abondance.
` Dans le même temps, le défi de la vie - disait le Pape Jean-Paul II, de vénérée
mémoire, dans sa dernière audience au Corps Diplomatique en janvier 2005 -
se manifeste dans ce qui est précisément le sanctuaire de la vie : la famille. Elle
est aujourd`hui souvent menacée par des facteurs sociaux et culturels qui,
faisant pression sur elle, en rendent la stabilité difficile ; mais, dans certains
pays, la famille est aussi menacée par une législation qui porte atteinte parfois
même directement à sa structure naturelle, qui est et qui ne peut être qu`une
union entre un homme et une femme, fondée sur le mariage. La famille -
continuait le Pape - est la source féconde de la vie, le présupposé primordial et
imprescriptible du bonheur individuel des époux, de la formation des enfants
et du bien-être social, et même de la prospérité matérielle de la nation ; on ne
peut donc admettre que la famille soit menacée par des lois dictées par une
vision de l`homme restrictive et contre nature. Puisse prévaloir une conception

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juste, haute et pure de l`amour humain, qui trouve dans la famille son
expression vraiment fondamentale et exemplaire !` [1]
Recueillant auprès du Pape l`invitation à défendre la vie, à travers la famille, et
saisissant l`occasion offerte par le 150ème anniversaire de la mort de Maman
Marguerite, mère de la famille éducative créée par Don Bosco à Valdocco, j`ai
pensé inviter la Famille Salésienne à renouveler son engagement pour
Porter une attention spéciale à la famille,
qui est le berceau de la vie et de l`amour
et le premier lieu d`humanisation.
Si l`homme est le passage obligé de l`Eglise, la famille est `le passage obligé de
l`homme`, le milieu naturel dans lequel l`homme s`ouvre à la vie et à
l`existence sociale. Elle est le lieu d`une forte mobilisation affective, le contexte
dans lequel se réalise l`identification personnelle. Lieu privilégié
d`humanisation et moyen de socialisation religieuse, elle assure la stabilité
nécessaire à la croissance harmonique des enfants et à la mission éducative des
parents à leur égard.
Croyant dans son importance stratégique pour l`avenir de l`humanité et de
l`Eglise, Jean-Paul II fit de la famille l`un des points prioritaires de son
programme pastoral pour l`Eglise aux débuts du troisième millénaire : `Une
attention spéciale doit être portée à la pastorale de la famille, d`autant plus
nécessaire dans un moment historique comme le nôtre, où l`on enregistre une
crise diffuse et radicale de cette institution fondamentale. [...] Il faut plutôt
faire en sorte que, par une éducation évangélique toujours plus complète, les
familles chrétiennes donnent un exemple convaincant de la possibilité d`un
mariage vécu de manière pleinement conforme au dessein de Dieu et aux
vraies exigences de la personne humaine : de la personne des conjoints et
surtout de celle, plus fragile, des enfants.` [2]
1.Risques et menaces qui pèsent sur la famille aujourd`hui.
La pensée de Jean-Paul II a été reprise par la Pape Benoît XVI qui, dans ses
interventions, a parlé de la famille comme d`une `question névralgique, qui
demande notre plus grande attention pastorale [...].` [...] `elle est
profondément enracinée dans le cœur des jeunes générations et prend en
charge de multiples problèmes, offrant son soutien et des remèdes à des
situations autrement désespérées. Toutefois, [...] la famille est également
exposée, dans le climat culturel actuel, à de nombreux risques et menaces que
nous connaissons tous. A la fragilité et à l`instabilité au sein de nombreuses
unions conjugales s`ajoute, en effet, la tendance diffuse dans la société et dans
la culture, à contester le caractère unique et la mission propre de la famille
fondée sur le mariage.` [3]
- Une ambiance culturelle hostile à la famille.
De nos jours, avec une certaine facilité et une certaine superficialité sont

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proposées et présentées de prétendues `alternatives` à la famille, qualifiée de
`traditionnelle`. L`attention est ainsi portée du problème du divorce à celui des
`couples de fait`, du traitement de la stérilité de la femme à la procréation
médicalement assistée, de l`avortement à la recherche et à la manipulation des
cellules staminales extraites des embryons, du problème de la pilule
contraceptive à celui de la pilule du lendemain, qui est aussi abortive. La
légalisation de l`avortement s`est pratiquement répandue partout dans le
monde. Il arrive même que l`on confère aux couples éphémères qui ne veulent
pas s`engager officiellement dans le mariage, même civil, les droits et les
avantages d`une vraie famille. Tel est le cas de l`officialisation des `unions de
fait`, y compris des couples homosexuels, qui prétendent parfois même à un
droit à l`adoption, en soulevant de cette façon des problèmes très graves
d`ordre psychologique, social et juridique.
Le visage la réalité de la famille a donc changé. A ce qui est dit ci-dessus on doit
ajouter la préférence marquée pour une forme de `privatisation` croissante et
la tendance à une réduction des dimensions de la famille qui, passant du
modèle de `famille composée de plusieurs générations` à celui de `famille
nucléaire`, limite cette dernière à la réalité de papa, maman et un seul fils. Ce
qui est plus grave encore, c`est qu`une grande partie de l`opinion publique ne
reconnaît plus dans la famille, fondée sur le mariage, la cellule fondamentale
de la société et un bien dont on ne peut se passer.
- Une `solution` facile : le divorce.
Tenant compte de ce climat culturel, présent surtout dans les sociétés
occidentales, il me paraît opportun de citer un passage de l`Evangile où Jésus
parle du mariage : `S`approchant, des pharisiens lui demandèrent : « Est-il
permis à un mari de répudier sa femme ? » C`était pour le mettre à l`épreuve. Il
leur répondit : « Quest-ce que Moïse vous a prescrit ? » « Moïse, dirent-ils, a
permis de rédiger un acte de divorce et de répudier. » Alors Jésus leur répliqua :
« C`est en raison de votre caractère intraitable qu`il a écrit pour vous cette
prescription. Mais à l`origine de la création Dieu les fit homme et femme. Ainsi
donc l`homme quittera son père et sa mère, et les deux ne feront qu`une seule
chair. Ainsi ils ne sont plus deux, mais une seule chair. Eh bien ! ce que Dieu a
uni, l`homme ne doit point le séparer. » ` (Mc 10,2-9).
Il s`agit, à mon avis, d`un texte très éclairant, parce qu`il se rapporte au thème
du mariage en tant que ce dernier est l`origine et la base de la famille, mais
surtout parce qu`il nous fait voir la façon de raisonner de Jésus. Il ne se laisse
pas prendre au piège des filets du légalisme, sur ce qui est permis et ce qui est
défendu, mais il se place devant le projet originel du Créateur, et personne
mieux que Lui ne savait quel était le dessein originel de Dieu. C`est dans ce
projet que nous trouvons la `Bonne Nouvelle` de la famille.
Tout en reconnaissant qu`il y a aussi beaucoup de familles qui vivent la valeur
d`une union solide et fidèle, nous devons toutefois constater que la précarité
du lien conjugal est l`une des catactéristiques du monde contemporain. Elle
n`épargne aucun continent et peut être constatée dans tous les niveaux

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sociaux. Souvent, passée dans la pratique courante, elle rend fragile la famille
et compromet la mission éducative des parents. Cette précarité, si on n`y
remédie pas, bien plus si on l`accepte comme un `fait acquis`, conduit souvent
au choix de la séparation et du divorce, qui sont considérés comme l`unique
issue pour sortir des crises qui se sont produites.
Cette mentalité affaiblit les époux et rend leur fragilité personnelle plus
délicate. `Capituler` sans lutter est trop fréquent. Une juste compréhension de
la valeur du mariage et une fidélité solide pourraient au contraire aider à
surmonter, avec courage et dignité, même les difficultés les plus sérieuses.
Du divorce, en effet, on doit dire qu`il n`est pas seulement une question de
type juridique. Il n`est pas une `crise` qui passe. Il a des conséquences
profondes dans l`expérience humaine. Il est un problème de relations, et de
relations détruites. Il marque pour toujours chaque membre de la communauté
familiale. Il est la cause d`un appauvrissement économique, affectif et humain.
Et cet appauvrissement touche particulièrement la femme et les enfants. A
tout cela s`ajoutent les frais sociaux, qui sont particulièrement élevés.
Je voudrais faire remarquer qu`il y a une diversité dans les éléments qui
concourent à l`augmentation actuelle du nombre des divorces, même si c`est
avec des nuances et des composantes diverses suivant les différents pays. Il
faut tenir compte avant tout de la culture du milieu, de plus en plus
sécularisée, dans laquelle apparaissent, en tant qu`éléments qui la
caractérisent, une fausse conception de la liberté, la peur de l`engagement, la
pratique de la cohabitation, la `banalisation du sexe`, selon l`expression de
Jean-Paul II, ainsi que le manque de ressources économiques, qui sont parfois
une cause concomitante de ces séparations. Des styles de vie, des modes, des
spectacles, des romans-feuilletons télévisés, en mettant en doute la valeur du
mariage et en répandant l`idée que le don réciproque des époux jusqu`à la
mort est quelque chose d`impossible, fragilisent l`institution familiale, en font
diminuer l`estime et arrivent au point de la discréditer à l`avantage d`autres
`modèles` de pseudo-famille.
- Privatisation du mariage.
Parmi les phénomènes auxquels nous assistons, il faut remarquer, en outre, le
fait que s`impose un individualisme radical, qui se manifeste dans de
nombreuses sphères de l`activité humaine : dans la vie économique, dans la
concurrence acharnée, dans la compétition sociale, dans le mépris des
marginaux et de multiples autres domaines. Cet individualisme ne favorise
certainement pas le don généreux, fidèle et permanent de soi. Et il n`est
sûrement pas une attitude culturelle d`esprit qui pourrait favoriser la solution
des crises dans le mariage.
Il arrive que les autorités de l`Etat, responsables du bien commun et de la
cohésion sociale, alimentent elles-mêmes cet individualisme, en lui permettant
de s`exprimer pleinement à travers des lois particulières (comme, par exemple,
dans le cas des PACS, `pactes civils de solidarité`, qui se présentent, du moins

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implicitement, comme des solutions pour remplacer le mariage). Pire encore,
lorsqu`il s`agit d`unions homosexuelles, avec de surcroît la prétention d`avoir le
droit d`adopter des enfants. Agissant ainsi, ces législateurs et ces
gouvernements précarisent dans la mentalité courante l`institution du mariage
et contribuent en outre à créer des problèmes qu`ils sont incapables de
résoudre. De cette façon, il arrive que, très souvent, le mariage n`est plus
considéré comme un bien pour la société, et sa `privatisation` contribue à
réduire ou même à éliminer sa valeur publique.
Cette idéologie sociale de pseudo-liberté pousse l`individu à agir en premier
lieu selon ses intérêts, son utilité. L`engagement pris vis-à-vis du conjoint est
mené comme un simple contrat, indéfiniment révisable ; la parole donnée n`a
qu`une valeur limitée dans le temps ; on n`a de comptes à rendre à personne, si
ce n`est à soi-même.
- Ce qu`à tort on attend du mariage.
Il faut aussi constater que beaucoup de jeunes se font une conception idéaliste
ou même erronée du couple, en le voyant comme le lieu d`un bonheur sans
nuages, de la réalisation de ses propres désirs sans prix à payer. Ils peuvent
arriver ainsi à un conflit latent entre le désir de fusion avec l`autre et celui de
protéger sa propre liberté.
Une méconnaissance croissante de la beauté du couple humain authentique,
de la richesse de la différence et de la complémentarité homme/femme
conduit à une confusion accrue sur l`identité sexuelle, confusion portée au
comble dans l`idéologie féministe. D`autre part, les conditions actuelles de
l`activité professionnelle des deux conjoints réduisent les temps vécus en
commun et la communication dans la famille. Et tout cela appauvrit les
capacités de dialogues entre les époux.
Trop souvent, quand survient la crise, les couples se retrouvent tout seuls
devant l`obligation de la résoudre. Ils n`ont personne qui puisse les écouter et
les éclairer, ce qui sans doute permettrait d`éviter une décision irréversible. Ce
manque d`aide a pour conséquence que le couple se retrouve enfermé dans
son problème, ne voyant plus autre chose que la séparation ou même le
divorce comme solution à sa détresse. Comment ne pas penser au contraire
que beaucoup de ces crises ont un caractère transitoire et pourraient être
facilement surmontées, si le couple était entouré par une communauté
humaine ou par une communauté d`Eglise ?
- Facteurs économiques et facteurs de consommation dans la vie familiale.
Les facteurs économiques, dans leur grande complexité, ont aussi une forte
influence dans la configuration du modèle familial, dans la détermination de
ses valeurs, dans l`organisation de son fonctionnement, dans la définition du
projet familial lui-même. Les recettes qu`on veut s`assurer, les dépenses qu`on
estime indispensables pour répondre aux besoins ou au niveau de bien-être
qu`on prétend atteindre ou maintenir, le manque de ressources ou même le

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manque de travail qui frappent autant les parents que les enfants, tout cela
conditionne et, dans une certaine mesure, détermine pour une large part la vie
des familles. Il suffirait de penser à ceux qu`on appelle `amigados` pour
indiquer non pas tant des gens qui cohabitent que seulement des pauvres qui
n`ont pas les ressources pour la célébration d`un mariage. Une autre situation
préoccupante, c`est celle des émigrants, contraints de s`éloigner du pays et de
la famille à la recherche d`un travail et de moyens de subsistance, situation qui
bien souvent, en raison de l`absence prolongée ou d`autres motivations, est la
cause de l`abandon et de l`anéantissement de la famille dont ils se sont
éloignés.
Ont également une origine économique les mécanismes qui créent le climat
d`une utilisation immodérée des biens de consommation dans lequel se
trouvent plongées les familles. C`est sous cette perspective que souvent on
définit les paramètres du bonheur, en engendrant de la frustration et de la
marginalisation. Sont aussi économiques les facteurs qui déterminent une
réalité aussi importante que celle de l`espace familial, c`est-à-dire la dimension
des maisons et la possibilité d`accéder à la propriété. Ce sont enfin les facteurs
économiques qui conditionnent les possibilités d`éduquer et les perspectives
d`avenir des enfants.
Devant cette réalité on ne peut pas ne pas avoir un sentiment profond de
compassion pour ce qui est ou devrait être le berceau de la vie et de l`amour et
l`école d`humanisation.
2. La famille, chemin d`humanisation du Fils de Dieu.
L`incarnation du Fils de Dieu, né d`une femme, né sujet de la loi afin de
racheter les sujets de la loi et de leur donner le pouvoir de devenir des fils de
Dieu (cf. Ga 4,4-5), n`a pas été seulement un événement lié au moment de la
naissance, mais elle a embrassé tout l`ensemble des événements de la vie
humaine de Jésus, jusqu`à sa mort sur une croix, ainsi que le proclame l`apôtre
Paul (cf. Ph2,8). Le Concile Vatican II s`exprime en disant que le Fils de Dieu a
travaillé avec des mains d`homme et a aimé avec un cœur d`homme (cf. GS22).
Son humanité n`a donc pas été un obstacle pour révéler sa divinité, au
contraire elle a été le sacrement qui lui a servi pour manifester Dieu et pour le
rendre visible et donner la possibilité de l`atteindre. Il est beau de contempler
un Dieu qui a ainsi aimé l`homme, au point de le faire devenir le chemin pour
arriver à Lui. C`est justement pour cela que l`homme est le passage obligé de
l`Eglise : elle doit l`aimer, le servir et l`aider à atteindre sa plénitude de vie.
Mais justement parce qu`il voulait s`incarner, Dieu a dû d`abord chercher pour
lui une famille, une mère (cf. Lc 1,26-38) et un père (cf. Mt 1,18-25). Si dans le
sein maternel de la Vierge Marie Dieu s`est fait homme, dans le sein de la
famille de Nazareth le Dieu incarné a appris à devenir homme. Pour naître,
Dieu a eu besoin d`une mère ; pour grandir et devenir homme, Dieu a eu
besoin d`une famille. Marie n`a pas été seulement Celle qui a mis au monde
Jésus ; en vraie maman, à côté de Joseph, elle a réussi à faire de la maison de
Nazareth un foyer d` `humanisation` du Fils de Dieu (cf. Lc 2,51-52).

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L`incarnation du Fils de Dieu, précisément parce qu`elle est authentique, a
revêtu pleinement les modalités du développement naturel de toute créature
humaine, qui a besoin d`une famille qui l`accueille, qui l`accompagne, qui
l`aime et qui collabore avec elle dans le développement de toutes ses
dimensions humaines, celles qui font vraiment d`elle une `personne` humaine.
Tout cela dans la découverte d`un projet de vie, qui permet de comprendre
comment développer ses propres ressources et de trouver un sens et une
réussite dans la vie.
Cette fonction éducatrice, nécessaire et inévitable, que toute famille doit offrir
à ses membres, se trouve, dans le cas de la Famille de Nazareth, attestée dans
une page de l`évangile selon saint Luc. C`est le passage qui rapporte la scène où
Jésus est retrouvé au Temple : `A sa vue, ils furent saisis d`émotion et sa mère
lui dit : « Mon enfant, pourquoi nous as-tu fait cela ? Vois ! ton père et moi,
nous te cherchions angoissés. » Il leur répondit : « Et pourquoi me cherchiez-
vous ? Ne saviez-vous pas que je me dois aux affaires de mon Père ? » Mais eux
ne comprirent pas la parole qu`il venait de leur dire. Il redescendit alors avec
eux et revint à Nazareth ; et il leur était soumis. Et sa mère gardait fidèlement
tous ces souvenirs en son cœur. Quant à Jésus, il croissait en sagesse, en taille
et en grâce devant Dieu et devant les hommes.` (Lc 2,48-52).
Dans cette page nous trouvons trois indications précieuses sur ce que la famille
est appelée à faire vis-à-vis des enfants, afin qu`ils deviennent `d`honnêtes
citoyens et de bons chrétiens`. En ce sens on pourrait considérer cette
expression comme une heureuse relecture salésienne, dans un projet éducatif,
du principe de l`incarnation.
Tout d`abord, et cela n`est pas indifférent, Joseph et Marie conduisent Jésus au
Temple à l`âge où un fils doit apprendre à s`insérer de plein droit dans la vie de
son peuple, en faisant siennes les traditions qui ont alimenté et soutenu la foi
de ses parents : la famille de Jésus l`a mis sur le chemin de l`obéissance à la loi
et de la pratique de la foi, même si ses parents savaient que leur enfant était
Fils de Dieu. L`origine divine de Jésus ne l`a pas soustrait à l`obligation,
universelle en Isral, d`observer la loi de Dieu ; le Fils de Dieu a appris à être
homme en apprenant à obéir aux hommes.
Il faut, en outre, remarquer l`attitude respectueuse des parents devant leur fils
qui, tout seul, cherche la volonté de Dieu sur sa vie personnelle. La réponse de
Jésus a presque un ton de surprise, comme pour dire : `Mais comment, vous
m`avez enseigné à appeler Dieu Abba, Père, et à rechercher sans cesse sa
volonté, et précisément aujourd`hui et ici, dans Sa maison, le jour du « Bar
Mitzva », le jour où je suis devenu de plein droit « fils de la Loi » pour vivre
désormais en accomplissant le dessein du Père, vous me demandez où je me
trouvais, parce que j`ai agi ainsi ?` (cf. Lc 2,49). Non encore majeur, Jésus
rappelle à ses parents que ce sont eux qui lui ont enseigné que Dieu et ses
affaires passent avant même la famille et la préoccupation qu`on peut en avoir.
Enfin, observons ceci : le fait que les parents n`ont pas compris ne constitue

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pas un obstacle à l`obéissance du fils, qui revient avec eux à Nazareth ; Jésus se
soumet à l`autorité des parents qui ne réussissent plus à le comprendre. Et
ainsi, conclut l`évangéliste, tandis que Marie `gardait tous ces événements dans
son cœur` (Lc 2,51), Jésus `croissait en sagesse, en taille et en grâce devant
Dieu et devant les hommes` (Lc 2,52). Voilà l`éloge le plus grand de la capacité
éducative de Joseph et de Marie. Voilà ce que signifie en pratique faire qu`une
famille, une maison, une école deviennent `berceau de la vie et de l`amour et
premier lieu d`humanisation`.
C`est en famille que Jésus a appris l`obéissance à la loi et s`est laissé imprégner
par la culture d`un peuple ; c`est en famille que Jésus a montré qu`il voulait
donner à Dieu la première place et qu`il s`occupait en premier lieu des affaires
de Dieu ; c`est à la vie de famille que Jésus, conscient d`être fils de Dieu, est
revenu pour grandir, en tant qu`homme, devant les hommes, `en âge, en
sagesse et en grâce`. Le fils de Dieu put naître d`une mère vierge, sans compter
pour cela sur une famille, mais sans elle il ne put grandir et mûrir en tant
qu`homme ! Une vierge conçut le fils de Dieu ; une famille l`humanisa.
Je me demande si on pourrait dire quelque chose de plus sur la valeur sacrée et
sainte de la famille !
3. Vie de famille et charisme salésien.
Pour nous, fils de Don Bosco, la famille ne peut pas sembler un thème étranger
à notre vie et à notre mission. Comme éducateurs nous connaissons bien
l`importance d`établir un climat de famille pour l`éducation d`enfants et de
garçons, d`adolescents et de jeunes gens. Dans ce but le meilleur milieu est
celui qui s`inspire du modèle de base de la famille : celui qui reproduit
`l`expérience de la maison`, où la communication des sentiments, des attitudes,
des idéaux, des valeurs s`effectue à partir du vécu, souvent sans paroles pour
l`exprimer, surtout de façon non systématique, mais pas moins efficacement et
constamment. L`expression célèbre de Don Bosco `l`éducation est une affaire
de cœur` [4] a sa traduction au niveau de l`action dans le devoir d`ouvrir les
portes du cœur de nos jeunes afin qu`ils puissent accueillir et garder nos
propositions éducatives.
Pour nous, Famille salésienne, vivre en famille n`est pas simplement un choix
pastoral stratégique, de nos jours si urgent, mais une manière de réaliser notre
charisme et un objectif à privilégier dans notre mission apostolique. Comme
trait charismatique caractéristique, nous Salésiens et Membres de la Famille
Salésienne, nous vivons l`esprit de famille ; comme mission prioritaire, nous
partageons avec les familles qui nous confient leurs enfants le devoir de les
éduquer et de les évangéliser ; comme option dans notre méthode éducative,
nous travaillons en faisant exister dans nos milieux l`esprit de famille.
3.1 `Au commencement il y avait la mère`. [5]
Marguerite Occhiena a été ` la première éducatrice et la première maîtresse de
`pédagogie` ` [6] de Don Bosco. `Tout le monde disait Jean-Paul II aux

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éducateurs engagés dans le monde scolaire réunis à Turin en 1988 sait
l`importance qu`a eue Maman Marguerite dans la vie de Saint Jean Bosco. Non
seulement elle a laissé à l`Oratoire du Valdocco ce caractéristique `esprit de
famille` qui y subsiste encore aujourd`hui, mais elle a su former le cœur de
Giovannino à cette bonté et à cette `amorevolezza` qui firent de lui l`ami et le
père de ses pauvres garçons`. [7]
3.1.1 Quelques notes rapides de biographie.
Convaincu, moi aussi, du rôle décisif joué par Maman Marguerite dans la
formation humaine et chrétienne de Don Bosco, comme aussi pour faire exister
le milieu éducatif, `familial`, de Valdocco, il me semble de mon devoir de
rappeler ici, même si c`est rapidement, sa vie et d`esquisser son profil spirituel.
a) Jusqu`à son départ pour se fixer à Valdocco (de 1788 à 1846).
Marguerite est née, dans le hameau Serra, à Capriglio, petit village de la
province d`Asti, le 1er avril 1788, de Melchiorre Occhiena et de Domenica
Bassone ; elle fut baptisée le jour même de sa naissance ; ses parents étaient
des paysans qui vivaient dans une petite aisance, propriétaires de leur maison
et des terrains adjacents.
Capriglio n`avait pas d`école, c`est pourquoi Marguerite n`apprit pas à lire et à
écrire. Illettrée, cependant, ne signifie pas ignorante : elle sut acquérir une
sagesse éminente en écoutant d`un cœur éveillé, dans l`église paroissiale, les
sermons, les catéchismes et, plus encore, en y conformant son expérience
quotidienne, qui ne fut pas toujours belle et sereine. Auteur en 1886 de la
première `biographie` présentée sur Maman Marguerite, don Lemoyne écrit
entre autres choses : `Elle avait reçu en don de la nature une volonté ferme et
décidée qui, avec l`aide d`un bon sens exquis et de la grâce divine, devait la
faire sortir victorieuse de tous les obstacles spirituels et matériels qu`elle
rencontrerait au cours de sa vie ... D`une droiture dans sa conscience, dans ses
affections, dans ses pensées, d`une sûreté dans ses jugements sur les hommes
et sur les choses, d`une aisance dans ses manières, d`une franchise dans son
parler, elle ne savait pas ce qu`est hésiter ... Cette franchise fut une sauvegarde
pour sa vertu, car elle était jointe à une prudence qui ne la laissait pas faire un
faux pas`. [8]
A deux kilomètres de Capriglio, sur la colline en face, aux `Becchi`, un écart de
Morialdo, hameau de Castelnuovo d`Asti, vivait François Bosco ; jeune paysan
de 27 ans, veuf qui avait la charge d`un petit garçon de trois ans, Antoine, il la
demanda pour épouse. Mariée le 6 juin 1812, Marguerite Bosco s`établit à la
ferme Biglione. La petite famille ne tarda pas à s`agrandir. Le 8 avril 1813
naquit un premier fils, qui fut appelé Joseph, et deux ans après, le 16 août
1815, un second, qui fut appelé Jean-Melchior : le futur Saint Jean Bosco.
Lorsque François, âgé de 33 ans, mourut soudainement, Marguerite devint à 29
ans chef de la famille trois fils et la grand-mère paternelle - et responsable de la
gestion agricole. Elle était restée veuve depuis peu, lorsqu`elle reçut la

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proposition d`un mariage très avantageux : les enfants auraient été confiés à
un tuteur. Elle refusa d`une façon nette : `Dieu m`a donné un mari et me l`a
enlevé. En mourant il m`a confié trois fils et je serais une mère cruelle si je les
abandonnais au moment où ils ont le plus grand besoin de moi`.
Désormais c`est surtout à ces fils qu`elle se donnera avec dévouement pour
accomplir sa tâche d`éducatrice. Dans cette tâche, Marguerite manifestera ses
qualités exceptionnelles : sa foi, son courage, son savoir-faire, sa sagesse de
paysanne piémontaise et de vraie chrétienne remplie d`Esprit Saint.
Elle savait s`adapter à chacun de ses fils. Antoine avait perdu sa maman à l`âge
de trois ans et son papa à l`âge de neuf ans : adolescent irritable, jeune râleur,
il devint à partir de 18 ans intraitable, se laissant souvent aller à la violence.
Marguerite s`entendit parfois appeler `marâtre`, alors qu`elle le traitait
toujours comme un fils, avec une patience infinie. Cependant elle savait aussi
être juste et forte : pour la paix dans la maison, pour le bien de Joseph et de
Jean, elle prit les décisions douloureuses qui s`imposaient. A la fin de 1830 elle
procéda à la division des biens, de la maison et des terrains. Antoine, resté
seul, ne tarda pas à se marier et il eut sept enfants. Pleinement réconcilié avec
les siens, il sera un bon père de famille, très estimé, et un chrétien fidèle.
Joseph, de cinq ans plus jeune, était doux, conciliant et tranquille. Inséparable
de son frère Jean, il en subissait sans jalousie l`ascendant. Il aimait sa mère
d`un amour très fort ; et pendant les longues années d`étude de Jean il sera le
fils obéissant et travailleur sur lequel elle pourra s`appuyer. Lui aussi il se
mariera jeune, à 20 ans, avec une fille du pays, Marie Calosso : ils auront dix
enfants.
Jean voulait étudier. Maman Marguerite entendait le favoriser dans ce désir
qui le tenait : elle rencontra l`opposition arrêtée d`Antoine. Le cœur déchiré,
elle l`envoya alors travailler pendant vingt mois comme domestique à la ferme
de la famille Moglia (1828-1829). C`est seulement après qu`Antoine eut acquis
son autonomie que Maman Marguerite eut la possibilité d`envoyer Jean à
l`école publique de Castelnuovo (1831), et ensuite à Chieri, où il passera dix ans
(1831-1841) : quatre à l`école publique et six au grand séminaire. Ce fut pour
Marguerite une période enfin tranquille, heureuse, pleine d`espoir, pendant
laquelle elle devenait grand-mère des enfants d`Antoine et de Joseph.
Agé de plus de 70 ans, Don Bosco se rappellera le ton impérieux que Maman
Marguerite avait pris, lorsqu`en 1834 il dut décider concrètement de son
avenir, pour lui dire : `Ecoute, Jean. Je n`ai rien à te dire en ce qui concerne ta
vocation, si ce n`est de la suivre comme Dieu te l`inspire. Ne te préoccupe pas
pour moi. De toi je n`attends rien. Mais retiens bien ceci : je suis née dans la
pauvreté, j`ai vécu dans la pauvreté, je veux mourir dans la pauvreté. Bien plus
je te le déclare : si par malheur un jour tu deviens un prêtre riche, je ne viendrai
pas te faire une seule visite`. [9]
Le 26 octobre 1835, à l`âge de 20 ans, Jean revêt l`habit ecclésiastique à
Castelnuovo, dans l`église paroissiale. Depuis ce jour-là, nous confie Don Bosco,

2 Pages 11-20

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2.1 Page 11

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`ma mère [...] me fixait continuellement comme si elle avait quelque chose à
me dire. La veille de mon départ [au séminaire], elle me prit à part et
m`adressa ces paroles mémorables : « Mon Jean, tu as revêtu l`habit
ecclésiastique, j`en ressens toute la consolation qu`une mère peut éprouver du
bonheur de son fils. Mais, souviens-toi : ce n`est pas l`habit qui honore ton
état, mais la pratique des vertus. Si jamais tu venais à douter de ta vocation,
alors, de grâce, ne déshonore pas cet habit. Quitte-le bien vite. J`aime mieux
avoir un fils paysan que prêtre négligent de ses devoirs. »` [10]
Jean fut ordonné prêtre à Turin le samedi 5 juin 1841. Quelques jours plus tard,
après avoir célébré la Messe solennelle dans l`église paroissiale de
Castelnuovo, il monta aux Becchi : en revoyant les lieux du premier rêve et de
tant de souvenirs, le nouveau prêtre fut ému jusqu`aux larmes. Il se retrouva
seul, dans le silence du soir, avec sa mère. Jean, lui dit la Maman `tu es prêtre ;
tu dis la Messe : désormais tu es donc plus proche de Jésus Christ. Souviens-toi
cependant que commencer à dire la Messe signifie commencer à souffrir. Tu ne
t`en apercevras pas tout de suite, mais peu à peu tu verras que ta mère t`a dit
la vérité. Je suis sûre que tous les jours tu prieras pour moi, que je sois encore
vivante ou que je sois déjà morte : et cela me suffit. Toi dorénavant pense
seulement au salut des âmes et ne te fais aucun souci pour moi`. [11]
Le 3 novembre 1841 Don Bosco, jeune prêtre, prenait congé de sa mère et de
ses frères, et partait pour Turin. Entré au Convitto Ecclesiastico, sur le conseil
de don Joseph Cafasso, il commençait aussitôt son apostolat parmi les enfants
de la rue et dans les prisons. Le 8 décembre il inaugura sa catéchèse avec
Barthélemy Garelli : c`était le début de la grande aventure salésienne.
Le jeune prêtre commença à réunir une bande de plus en plus nombreuse de
garçons au Convitto, puis chez la Marquise Barolo, ensuite dans les prés voisins,
jusqu`au moment où, le jour de Pâques 1846, il entra dans le Hangar Pinardi, à
Valdocco. Pendant ce temps-là, Marguerite vivait sereinement aux Becchi,
grand-mère heureuse d`une ribambelle de petits-enfants entre 13 ans et
quelques mois.
En juillet 1846 Jean, épuisé par son travail apostolique, est au seuil de la mort.
Ayant recouvré la santé, il monte aux Becchi pour une longue convalescence :
la mère et le fils se retrouvent dans l`intimité. Jean Bosco, dans son cœur de
prêtre, est resté à Turin : tant de jeunes l`attendent ! Mais il y a un problème à
résoudre : jeune prêtre de 30 ans, Jean ne peut habiter tout seul dans les
locaux que depuis peu il a loué dans la maison Pinardi, dans ce quartier mal
famé de Valdocco. `Prends avec toi ta mère !` lui dit le curé de Castelnuovo.
Don Bosco a raconté la réaction généreuse de sa mère en ces termes : `Si tu
penses que c`est le bon plaisir du Seigneur, je suis prête à partir sur-le-champ`.
[12] Le 3 novembre 1846, la mère et le fils partaient, à pied, pour Turin.
b) Dix ans avec Don Bosco (de 1846 à 1856).
Pour Maman Marguerite commençait la dernière période, pendant laquelle sa
vie se confondra avec celle de son fils et avec la fondation de l`œuvre

2.2 Page 12

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salésienne elle-même.
En aidant Don Bosco, Marguerite entendait évidemment servir les garçons
auxquels son fils avait dédié sa vie. Elle dut, en premier lieu, s`habituer aux cris
et au vacarme des jours d`oratoire, aux heures tardives des cours du soir. Puis
vint l`accueil à la maison des premiers orphelins vagabonds. Combien étaient-
ils, ces garçons qui constitueront la grande famille de maman Marguerite ? Une
quinzaine en 1848, ils montent à trente en 1849, à cinquante en 1850. La
construction d`une maison à deux étages permit d`en accueillir environ
soixante-dix en 1853, et une centaine en 1854 : pour deux tiers des apprentis,
pour un tiers des étudiants ou des séminaristes du diocèse, qui allaient
travailler ou étudier en ville. Une trentaine au moins étaient entièrement à la
charge de Don Bosco.
Un soir de 1850, Marguerite eut son heure de Gethsémani. Quatre annéesi
d`une telle vie pouvaient suffire, elle n`en pouvait plus ! Elle s`épancha auprès
de son fils : `Ecoute-moi, Jean, ce n`est plus supportable. Chaque jour ces
garçons combinent sur mon dos quelque nouvelle bêtise... Laisse-moi partir.
Laisse-moi retourner aux Becchi ; j`y finirai mes jours tranquillement`.
Bouleversé, Don Bosco la regarde, puis ses yeux se lèvent vers le Crucifix qui
pend au mur. Marguerite suit ce regard. `Tu as raison, tu as raison ! s`écria-t-
elle`. Et elle reprit son tablier. `A partir de cet instant, attestent les Mémoires
Biographiques, jamais plus une parole de mécontentement ne lui échappa des
lèvres`. [13] Qui pourra mesurer l`importance, pour le développement de
l`œuvre salésienne, du sacrifice de sa personne qu`elle a accompli ce jour-là ?
Maman Marguerite a certainement été présente, et même activement, au
premier développement `spirituel` de l`œuvre : les premiers moments de
formation de la méthode salésienne et du climat salésien, la présence et
l`accompagnement des premiers disciples : Cagliero (1851), Rua (1852), don
Alasonatti et Dominique Savio (1854) ; les premières Compagnies, les premiers
fruits de sainteté, les premiers jeunes abbés et la préparation de la Société
Salésienne, qui sera fondée seulement trois ans après sa mort. Cette longue
présence féminine et maternelle est un fait unique dans l`histoire des
Fondateurs de Congrégations éducatives. `La Congrégation Salésienne a été
bercée sur les genoux de Maman Marguerite`, a écrit un biographe de Don
Bosco. [14]
Toutefois la plus belle des tâches de Marguerite a été celle dans laquelle elle
employait non seulement ses bras, mais son cœur, son talent inné
d`éducatrice. Tous ces orphelins l`appelaient `Maman` : il était bien évident
qu`elle ne se limitait pas à être leur cuisinière et leur lingère. Ils avaient envers
elle une confiance totale, une affection d`orphelins qui avaient le sentiment
d`être aimés d`elle. Pendant la journée elle intervenait dans des conversations
délicieuses pour corriger, exhorter, consoler, offrir le conseil opportun, pour
former leur caractère et leur cœur de croyants, pour rappeler la présence de
Dieu, inviter à aller se confesser à Don Bosco et recommander la dévotion à
Marie.

2.3 Page 13

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Elle les connaissait donc tous personnellement, ces garçons, et savait les juger.
Pendant deux ans elle put observer un adolescent singulier venu de Mondonio :
sa conduite l`impressionnait. `Un jour elle disait à D. Bosco : Tu as tant de
jeunes [qui sont] bons, mais aucun ne l`emporte en beauté de cœur et d`âme
sur Savio Dominique. [...] Je le vois sans cesse prier, [...] Il se tient à l`église
comme un ange qui demeurerait au paradis`. [15]
Les seuls moments de calme et de repos de Maman Marguerite, ces années-là,
furent les quelques semaines de vacances d`automne aux Becchi. Repos
d`ailleurs relatif, car Don Bosco y conduisait tous les garçons sans famille. Après
le retour des vacances de 1856, à la mi-novembre, elle se sentit mal et se mit
au lit. Le médecin diagnostiqua une pneumonie. Elle mourut le 25 novembre à
3 heures ; la veille au soir, don Borel, son confesseur, lui avait administré les
derniers sacrements. Un peu plus tard dans la soirée, elle avait dit à Don
Bosco : `Dieu sait combien je t`ai aimé au cours de ma vie. J`espère pouvoir
t`aimer encore mieux dans l`éternité bienheureuse. J`ai la conscience
tranquille : j`ai fait mon devoir en tout ce que j`ai pu. Il semble peut-être que
j`ai fait preuve de rigueur en quelque affaire, mais il n`en fut pas ainsi. C`était la
voix du devoir qui commandait et imposait. Dis à nos chers enfants que j`ai
travaillé pour eux, et que je leur porte une maternelle affection. Je te le
demande vivement : qu`ils prient aussi beaucoup pour moi et qu`ils fassent au
moins une fois la sainte Communion à l`intention de mon âme`. [16]
Maman Marguerite vécut pauvre et mourut pauvre : on la déposa dans la fosse
commune, et son nom ne fut jamais écrit sur une pierre tombale.
3.1.2 Profil spirituel de Maman Marguerite.
La mort de la maman fit voir `avec une évidence accrue le lien fort qui existait
entre Don Bosco et sa mère, cette relation première qui avait formé en lui les
traits fondamentaux de la personnalité`. [17] Elle était aimée des salésiens et
des jeunes et, aussitôt après sa mort, se manifesta une conviction commune :
`c`était une sainte !`. Pourtant la Cause de Béatification et de Canonisation de
Maman Marguerite ne fut introduite que le 8 septembre 1994. Le Procès
diocésain fut terminé à Turin en 1996, et la Positio (c`est-à-dire la
documentation sur la réputation de sainteté et sur l`héroïcité de la vie et des
vertus) a été remise officiellement à la Congrégation pour les Causes des saints
le 25 janvier 2000. [18]
Je ne résiste pas au désir d`esquisser ici son profil spirituel, celui qui ressort
précisément de la Positio.
a) Femme forte.
Dans toute son existence on ne trouve jamais de moments d`abandon facile à
ses penchants naturels. Elle manifeste un équilibre extraordinaire pour
harmoniser des tensions non faciles dans la vie de famille. Son attitude nous
apparaît toujours vigilante et comme guidée par une préoccupation
supérieure : celle de quelqu`un qui dans son discernement trouve le meilleur

2.4 Page 14

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comportement à avoir pour le bien de ses enfants devant Dieu. Elle se présente
ainsi tendre et ferme, compréhensive et inébranlable, patiente et résolue.
Si Marguerite était poussée vers l`harmonie des contraires, c`était le fait
d`avoir dû tenir aussi le rôle de père pour ses fils. Maman Marguerite, qui
pourtant aurait eu la possibilité d`éviter la problématique condition de veuve,
en se remariant, a su atteindre et conserver toujours le juste équilibre entre
ces deux rôles : une maternité suffisamment forte pour compenser l`absence
du père, et une `paternité` suffisamment douce pour ne pas compromettre la
chaleur maternelle indispensable. Donc pas de caresses vides de sens, ni de cris
de colère, mais fermeté et sérénité.
De son aspect se dégageaient sans cesse le calme, la sérénité, la maîtrise de soi,
la vraie douceur. Elle ne frappait pas ses fils, mais ne leur cédait jamais ; elle
menaçait de punitions sévères, mais les différait au premier signe de repentir.
Dans un coin de la cuisine Don Bosco s`en souvenait il y avait le martinet : un
petit bâton flexible. Elle ne s`en servit jamais, mais ne l`enleva jamais de ce
coin. Elle était une maman très douce, mais énergique et forte. Elle réussit à
gérer deux présences qui en général sont sources de problèmes dans une
famille : la présence d`une belle-mère malade et celle d`un beau-fils
particulièrement difficile. Sage éducatrice, elle sut faire, d`une famille dont la
situation était riche en difficultés, un milieu éducatif efficace et fécond.
Par l`exemple et la parole elle enseigna à ses fils les grandes vertus de
l`humanisme piémontais de cette époque : le sens du devoir et du travail, le
courage quotidien d`une vie, la franchise et l`honnêteté, la bonne humeur. Ils
apprirent aussi à respecter les personnes âgées et à s`ouvrir volontiers au
service du prochain. D`autre part, calme et forte, elle ne craignait pas de dire
son fait à ceux dont les paroles ou les actes provoquaient du scandale. De tels
exemples descendaient au plus profond de la conscience des trois garçons.
Par ailleurs la dimension de la foi donnait une saveur de sagesse et une
efficacité à chaque leçon que cette maîtresse analphabète donnait à ses
enfants.
b) Educatrice `salésienne`.
C`est cet art de l`éducation qui a permis à Maman Marguerite de repérer les
énergies cachées dans ses fils, de les mettre en lumière, de les développer et
de les remettre presque visiblement entre leurs mains. Cela est surtout à dire
en ce qui concerne son fruit le plus riche : Jean. Comme il est impressionnant
de remarquer chez Maman Marguerite ce sens conscient et clair de
`responsabilité maternelle` pour suivre chrétiennement et de près son fils, tout
en le laissant dans son autonomie pour sa vocation, mais en l`accompagnant de
façon ininterrompue dans toutes les étapes de sa vie jusqu`au moment où elle
meurt !
Le rêve que le petit Jean fit à l`âge de neuf ans fut pour lui révélateur, mais il le
fut certainement aussi (si ce n`est d`abord) pour Maman Marguerite ; c`est elle

2.5 Page 15

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qui a eu et donné l`interprétation : `Qui sait si tu ne dois pas devenir prêtre !`.
Et quelques années plus tard, quand elle comprit que l`ambiance de la maison
était négative pour Jean à cause de l`hostilité du demi-frère Antoine, elle fit le
sacrifice de l`envoyer comme domestique agricole à la ferme Moglia de
Moncucco. Une maman, qui se prive de son plus jeune fils pour l`envoyer
travailler la terre loin de la maison, fait un vrai sacrifice, mais elle le fit, non
seulement pour éliminer une dissension familiale, mais plus encore pour
engager Jean sur cette route que lui (à elle et à lui) avait révélé le rêve.
On peut affirmer qu`il faut attribuer à Maman Marguerite le mérite d`avoir
inoculé par elle-même en Don Bosco les germes de cette célèbre trilogie :
raison, religion, amour d`affection, qu`elle vécut simplement dans son calme,
son affabilité et son autorité. La divine Providence lui fit la grâce d`être une
éducatrice `salésienne` animée d`un amour préventif qui savait comprendre,
exiger, corriger, patienter et sourire.
Ses fils étaient surveillés, contrôlés et guidés, mais non opprimés. Ils devaient
obéir et demander les permissions, mais la Maman les laissait volontiers se
donner à fond à leur joie et à leurs jeux. Elle ne cédait jamais aux caprices, et
corrigeait avec tendresse.... Don Lemoyne l`atteste : `Elle voulait à tout prix que
la correction ne provoquât pas l`emportement, les méfiances, la désaffection.
Sa maxime sur ce point était précise : porter ses fils à tout accomplir par
affection ou pour faire plaisir au Seigneur. C`est pourquoi elle était une mère
chérie`. [19] Don Bosco dira plus tard que l`éducation est une affaire du cœur :
il en avait déjà fait l`heureuse expérience dans le foyer familial des Becchi.
c) Catéchiste efficace.
Maman Marguerite avait la rare capacité de tirer de tout ce qui arrivait dans la
vie une occasion pour catéchiser. Elle se considéra comme la première
responsable de l`enseignement de la foi à donner à ses fils, et sut leur proposer
des valeurs simples et fortes dans son école domestique. Ce qu`elle transmit en
premier lieu à ses fils, avec patience, pendant les années de la croissance, ce
fut sa foi inébranlable, le sens d`un Dieu d`amour toujours présent, une
dévotion tendre envers Marie.
Le catéchisme de Maman Marguerite est resté célèbre. Elle, qui ne savait ni lire
ni écrire et qui avait appris par cœur, dans son enfance, les formules
nécessaires, les transmettait à ses fils, mais encore elle en donnait une
synthèse et une interprétation selon son infaillible instinct maternel.
Les grandes vérités de la foi étaient transmises de la manière la plus simple et
la plus élémentaire ; toutes étaient exprimées en des formules très courtes :
-
Dieu te voit : c`était la vérité de chaque instant, non destinée à
inspirer de la peur, mais à rendre les enfants sûrs du fait que Dieu prenait soin
d`eux et qu`elle-même la bonté de Dieu leur demandait de répondre par une
bonne vie.
-
Comme est bon le Seigneur !, s`écriait-elle toutes les fois que quelque

2.6 Page 16

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chose frappait l`imagination des enfants et éveillait leur admiration.
-
Avec Dieu, on ne plaisante pas !, affirmait-elle, convaincue, lorsqu`il
s`agissait d`inculquer l`horreur du mal et du péché.
-
Nous avons peu de temps pour faire le bien !, expliquait-elle
lorsqu`elle voulait les pousser à être plus diligents et généreux.
-
Avoir de beaux habits, qu`importe, si par ailleurs l`âme est laide ?,
observait-elle lorsqu`elle voulait les éduquer à une pauvreté empreinte de
dignité, et au souci de la beauté intérieure de l`âme.
Il y avait ensuite le catéchisme des sacrements. Nous savons, par le récit de Don
Bosco lui-même, comment elle le mit en pratique avec le petit Jean. Lorsque
s`approcha le moment de la première communion, elle commença à lui
indiquer chaque jour quelque prière ou quelque lecture particulière ; ensuite
elle prépara l`enfant à une bonne confession (et elle l`y conduisit trois fois
pendant le temps du carême) ; puis, quand vint le grand jour (Pâques 1826),
elle fit en sorte que pour l`enfant ce fût vraiment une expérience de
communion avec Dieu. Elle dira ce jour-là à son fils : `Je suis sûre que Dieu a
vraiment pris possession de ton cœur. Promets-lui de faire tout ton possible
pour rester bon jusqu`à la fin de tes jours`. [20]
Et il y avait enfin le catéchisme de la charité : aussi bien dans les années d`un
relatif bien-être que dans celles de la faim, la maison de Marguerite resta
toujours ouverte aux pauvres, aux pèlerins, aux marchands ambulants, aux
gardes champêtres en tournée d`inspection qui demandaient un verre de vin,
aux jeunes filles en difficultés morales ; de même qu`elle resta la maison à
laquelle s`adressaient les voisines lorsqu`il y avait un malheur à rendre moins
pesant, quelque malade à assister ou un mourant à accompagner en ses
derniers instants.
d) Première coopératrice.
Il y a des modalités, des accents, des tons dans le système préventif pratiqué
par Don Bosco qui ont quelque chose de maternel, de doux, de rassurant, qui
autorisent à voir en Marguerite une figure féminine qui exerce son influence
non seulement de loin, mais aussi de l`intérieur comme inspiratrice et modèle,
comme collaboratrice et, certainement, première coopératrice.
Ce qui influa, et de façon non marginale, sur cet `esprit de famille` que nous
considérons tous comme le cœur du charisme salésien, ce fut précisément la
présence de Maman Marguerite à Valdocco pendant la dernière décennie de sa
vie. Ce ne fut pas, en effet, une décennie quelconque, mais la première, celle
en laquelle furent mises en place les bases de ce climat qui sera reconnu dans
l`histoire comme le climat de Valdocco. Don Bosco avait invité sa Maman sous
la pression de nécessités pratiques. En réalité, dans les plans de Dieu, cette
présence était destinée à dépasser les limites d`une nécessité contingente pour
s`inscrire dans le cadre d`une collaboration providentielle à un charisme encore
à l`état naissant.
Maman Marguerite fut consciente de cette nouvelle vocation qui deviendra la

2.7 Page 17

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sienne. Elle l`accepta avec humilité et lucidité. Ainsi s`explique le courage dont
elle fit preuve dans les circonstances plus dures. Que l`on pense seulement à
l`épidémie du choléra. Que l`on pense à des gestes et des paroles qui ont
quelque chose de prophétique, comme l`utilisation des nappes d`autel pour
faire des pansements pour les malades. Que, surtout, l`on accorde de la valeur
à l`exemple du célèbre `Mot du soir`, une note originale de la tradition
salésienne. C`était un point auquel Don Bosco attachait beaucoup
d`importance : il fut commencé précisément par sa Maman au moyen de
quelques mots en guise de sermon adressés au premier jeune hébergé. [21]
Don Bosco continuerait ensuite cette façon de faire, non pas à l`église sous la
forme d`un sermon, mais sur la cour ou dans les couloirs, ou sous les arcades
sur un mode paternel et familial.
La richesse intérieure de cette mère est telle que le fils, même lorsqu`il sera
devenu désormais un éducateur expérimenté, aura toujours quelque chose à
apprendre d`elle. Que celui qui voudrait résumer tout ce qui a été dit se serve
du jugement de don Lemoyne : `On pouvait dire qu`en elle l`Oratoire était
personnifié`. [22]
3.2 Valdocco, `une famille qui éduque`. [23]
Même si Valdocco a été la première et la seule institution d`assistance et
d`éducation fondée et dirigée par Don Bosco en personne, la physionomie
typique de l`œuvre et surtout le système éducatif de prévention qui y est
appliqué ne peuvent être bien compris qu`en lien non seulement avec Don
Bosco, avec son expérience et son tempérament, mais aussi avec ceux de ses
aides. Depuis les débuts l`Oratoire fut une entreprise communautaire, menée
pour sa construction et sa progression en interaction entre le fondateur et ses
collaborateurs. [24]
Parmi ceux-ci on distingue un groupe important de femmes. Maman
Marguerite n`a certainement pas été l`unique collaboratrice de Don Bosco à
l`Oratoire : `d`autres mamans vécurent à Valdocco, en donnant toujours
l`empreinte familiale qui provenait nécessairement de leur nature et de leur
expérience`. Après la mort de maman Marguerite, Marianna, la sur aînée, resta
à l`Oratoire pendant encore environ une année jusqu`à sa mort. Puis `s`établit
à l`Oratoire la maman de Don Rua, qui était aidée par la maman du jeune abbé
Bellia, de celle du Chanoine Gastaldi et par d`autres. Vécut aussi à l`Oratoire
Marianna Magone, maman de l`élève de Don Bosco que tous connaissent`. [25]
Après la mort de cette dernière, en 1872, cessent la présence et l`influence des
mamans à l`Oratoire. [26]
Il faut souligner toutefois que, pendant la décennie 1846-1856, la maman de
Don Bosco fut la principale personne à tenir compagnie et à offrir sa
coopération à Don Bosco : elle en partageait `le pain, le travail, les fatigues, les
préoccupations et la mission auprès des jeunes`. [27] `Maman Marguerite` tel
est désormais son nom définitif à Valdocco sera activement présente au
premier développement `extérieur` de l`œuvre : premier oratoire, `maison
annexe` ou internat pour les premiers apprentis et étudiants, premières écoles

2.8 Page 18

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et premiers ateliers, petite église dédiée à saint François de Sales, lancement
des Lectures Catholiques, dans un climat de révolutions et de menaces envers
Don Bosco (1853).
En ces jours-là, à l`Oratoire, on vivait une vie de famille toute simple, avec de
maigres ressources et pleine de rêves ; souvent Don Bosco devait sortir de la
maison pour se procurer les fonds pour gérer, même si c`était à la fortune du
pot, un internat de plus en plus nombreux ou pour trouver un peu de paix et
écrire ses livres dans la bibliothèque du Convitto Ecclesiastico ou ailleurs.
Maman Marguerite le remplaçait dans l`assistance des garçons, en plus de ses
occupations autour des travaux domestiques ordinaires, à la cuisine le jour et
au raccommodage de leurs vêtements la nuit. Ce sont des actions tout à fait
ordinaires, `de petits détails` certes, mais qui `eurent leur poids sur de
nombreux aspects de la vie de Don Bosco et des jeunes, et [qui] nous aident à
voir sous son aspect concret la `famille` de l`Oratoire` [28] : l`Oratoire, en effet,
dans l`intention de Don Bosco `devait être une maison, c`est-à-dire une famille,
et ne voulait pas être un Collège`. [29]
Eh bien, il y a quelque temps, le Père Egidio Vigan a fait remarquer avec force
les conséquences heureuses de la présence maternelle de Maman Marguerite
à Valdocco, et sa contribution pour rendre `familial` le climat de l`Oratoire : `Le
transfert héroïque de cette maman au Valdocco contribua à imprégner le
milieu de ces pauvres jeunes gens de ce style familial même qui a vu éclore le
Système préventif et un tas de particularités traditionnelles qui lui sont liées.
Don Bosco savait par expérience que la formation de sa personnalité
s`enracinait vitalement dans le climat extraordinaire de dévouement et de
bonté (« don de soi ») de sa famille aux Becchi, et il a voulu en reproduire les
qualités les plus significatives à l`Oratoire du Valdocco parmi ces jeunes
pauvres et abandonnés`. [30]
Il est donc évident que les composantes de la `famille éducative` [31] que Don
Bosco a voulu que devînt son Oratoire, ne furent pas toutes uniquement le fruit
d`idéalisations pédagogiques et théologiques, mais qu`elles furent également
prises dans le quotidien de la vie menée à la campagne dans le Piémont. [32]
Les présences féminines des mamans qui furent à Valdocco et, avant tout celle
de Maman Marguerite, apportèrent cette contribution particulière de foi et de
simplicité, de sens du concret et de sagesse éducative.
4. La famille comme mission.
Ces réflexions sur Maman Marguerite et sa famille nous font comprendre que
la famille non seulement constitue une part, même si c`est indirectement, de
notre mission, mais qu`elle est plus encore, avant tout et par sa nature, une
institution sociale dont les membres se trouvent unis à l`intérieur d`elle par des
relations interpersonnelles d`un genre varié, mais toutes animées par un climat
d`affection; de communication et de réglementation qui les caractérise par une
note d`une vitalité charismatique particulière. Nos destinataires sont les
jeunes, notre champ de travail est leur éducation et leur évangélisation. Tous
deux cependant, jeunes et éducation, sont inséparables de la famille.

2.9 Page 19

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Le Père Egidio Vigan le rappelait dans son commentaire au Synode des Evêques
de 1980 sur la famille, Synode à la suite duquel a été publiée l`Exhortation
apostolique Familiaris consortio de Jean-Paul II : `Les obligations de notre
vocation salésienne écrivait le Père Vigan devront être remplies de façon
caractéristique parmi les humbles et les pauvres. C`est eux qui « ont besoin, en
premier lieu, de la `famille` et c`est pour eux que Don Bosco en est venu
comme l`écrit Pierre Braido à sa trouvaille la plus géniale : la `cordialité`
(`amorevolezza`) qui éduque dans le climat d`une famille joyeusement unie ».
[33]
4.1 ` Famille, deviens ce que tu es ! `.
` Famille, deviens ce que tu es ! ` : c`est par cet appel que Jean-Paul II invitait les
familles du monde entier à retrouver en elles-mêmes et à réaliser au milieu du
monde ce qu`elles sont en vérité. Aujourd`hui, dans un monde miné par le
scepticisme, l`exhortation du Saint-Père, qui encourageait les familles à
redécouvrir cette vérité sur elles-mêmes, ne peut que retentir avec plus de
force encore, si l`on ajoute : ` Famille, crois en ce que tu es ! `.
`Architecture de Dieu`, plan de Dieu inviolable, la famille est aussi `architecture
de l`homme`, engagement de l`homme dans le dessein divin.
- Cellule de la société.
La famille est un fondement et un soutien de la société en raison de son devoir
essentiel de service à la vie : c`est en famille que naissent les citoyens et c`est
dans la famille qu`ils trouvent la première école de ces vertus qui sont l`âme de
la vie et du développement de la société elle-même.
En tant que communauté interpersonnelle d`amour, la famille trouve dans le
don de soi la loi qui la guide et la fait grandir. Le don de soi inspire l`amour des
conjoints entre eux et se présente comme un modèle et une règle à suivre
concrètement dans les rapports entre les frères et les surs ainsi qu`entre les
différentes générations qui partagent la vie en famille. La communion et le
partage quotidiennement vécus à la maison, dans les moments de joie et dans
les moments de difficulté, représentent pour les enfants la pédagogie la plus
concrète et la plus efficace ouverte sur l`horizon plus large de la société.
Chaque enfant est un don pour ses frères, pour ses surs, pour ses parents, pour
la famille entière. Sa vie devient un don pour ceux-là mêmes qui lui ont donné
la vie et qui ne pourront pas ne pas sentir la présence du fils, sa participation à
leur existence, son apport au bien de la communauté familiale et de la société
tout entière.
L`expérience elle-même de communion et de partage, qui doit caractériser la
vie quotidienne en famille, constitue sa première contribution fondamentale à
la société. Les relations entre les membres de la communauté familiale sont
inspirées et guidées par la loi de la `gratuité` qui, en respectant et en favorisant
chez tous et chez chacun la dignité personnelle comme unique titre de valeur,

2.10 Page 20

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devient accueil cordial, rencontre et dialogue, disponibilité désintéressée,
service généreux, solidarité profonde.
Ainsi, favoriser une communion, authentique et mûrie, de personnes dans la
famille, c`est travailler à la première école irremplaçable de vie en société. La
famille constitue en cela un exemple et un stimulant pour les rapports
interpersonnels les plus vastes sous le signe du respect, de la justice, du
dialogue, et de l`amour, un lieu naturel et un instrument efficace
d`humanisation et de personnalisation de la société. [34]
Tout cela est important de nos jours, d`une manière spéciale, si l`on veut faire
obstacle efficacement aux deux modèles qui tendent à réduire et à limiter la
famille et qui sont le fruit de la société de consommation actuelle : celui de la
famille-forteresse, égoïstement centrée sur elle-même, et celle de la famille-
auberge, sans identité ni relations personnelles. En conséquence, face à une
société qui risque d`être de plus en plus dépersonnalisée et uniformisée, et en
raison de cela déshumanisée et déshumanisante, avec les effets négatifs de
tant de formes d` `évasion`, la famille possède et libère encore aujourd`hui des
énergies formidables, capables d`arracher l`homme à l`anonymat, de le
maintenir conscient de sa dignité personnelle, de l`enrichir d`une profonde
humanité et de l`insérer activement dans le tissu de la société avec son être
unique qui n`a de réplique en aucun autre.
Quand elle sert la vie, quand elle forme les citoyens de demain, quand elle leur
communique les valeurs humaines qui sont fondamentales pour la nation,
quand elle introduit les enfants dans la société, la famille joue un rôle
essentiel : elle fait partie du patrimoine commun de l`humanité. La raison
naturelle comme la Révélation divine renferment cette vérité. Ainsi que le
disait le Concile Vatican II, la famille constitue alors `la cellule première et vitale
de la société`. [35]
- Sanctuaire de la vie.
Le premier, et fondamental, devoir de la famille est d`être au service de la vie,
en quoi se réalise au cours de l`histoire la bénédiction originelle du Créateur, et
ce qui transmet ainsi l`image divine d`un homme à un homme (cf. Gn 5,1ss.).
Cette responsabilité découle de sa nature humaine elle-même celle d`être une
communauté de vie et d`amour, fondée sur le mariage et de sa mission de
garder, de révéler et de communiquer l`amour. L`amour même de Dieu est en
jeu, amour dont les parents sont constitués les collaborateurs et, pour ainsi
dire, les interprètes en transmettant la vie et en l`éduquant selon son projet de
Père. Dans la famille, l`amour continue au cours du temps à communiquer la
vie : il se fait gratuité, accueil, don. Dans la famille, chacun est reconnu,
respecté et estimé parce qu`il est une personne et, si quelqu`un a davantage de
besoins, l`attention à son égard est plus intense et plus vigilante.
La famille, il en est donc question tout au long de l`existence de ses membres,
de la naissance à la mort. Elle est vraiment le sanctuaire de la vie, le lieu où la
vie, don de Dieu, peut d`une manière adéquate être accueillie et protégée

3 Pages 21-30

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3.1 Page 21

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contre les multiples attaques auxquelles elle est exposée, et peut se
développer selon les exigences d`une authentique croissance humaine.
En tant qu`église domestique, la famille est appelée à annoncer, célébrer et
servir l`Evangile de la vie. Dans la procréation d`une nouvelle vie les parents
découvrent que l`enfant, s`il est le fruit de leur don réciproque d`amour, est, à
son tour, un don pour eux deux, un don qui découle du `Don`.
- Annonciatrice de l`Evangile de la vie.
C`est surtout à travers l`éducation des enfants que la famille remplit sa mission
d`annoncer l`Evangile de la vie. Par la parole et par l`exemple, dans la
quotidienneté des rapports et des choix qui passent par des gestes et des
signes concrets, les parents initient leurs enfants à la liberté authentique qui se
réalise dans le don sincère de soi, et développent en eux le respect de l`autre,
le sens de la justice, l`accueil cordial, le dialogue, le service généreux, la
solidarité et toute autre valeur capable d`aider à comprendre la vie comme une
vocation et comme une mission d`amour.
Ainsi, au milieu cependant des difficultés de l`action éducative, les parents
doivent avec confiance et avec courage former leurs enfants aux valeurs
essentielles de la vie humaine. Et les enfants doivent grandir dans la liberté qui
convient par rapport aux biens matériels, en adoptant un style de vie simple et
austère, bien convaincus que l`homme vaut davantage pour ce qu`il est que
pour ce qu`il a.
L`intervention éducative des parents chrétiens consiste donc à être au service
de la foi des enfants et à les aider pour qu`ils répondent à la vocation reçue de
Dieu. Il entre dans la mission éducative des parents d`enseigner aux enfants le
vrai sens de la souffrance et de la mort, et d`en témoigner devant eux : ils
pourront le faire s`ils savent être attentifs à toute souffrance qu`ils trouvent
autour d`eux et, plus encore, s`ils savent dans le milieu familial adopter des
attitudes d`approche, d`assistance et de partage envers les petites gens, les
malades et les personnes âgées.
Nous sommes tous conscients que les enfants, les adolescents et les jeunes ont
besoin d`une éducation humaine et affective qui puisse stimuler leur
personnalité, leur responsabilité, leur sens de la fidélité et de l`initiative. Ils ont
besoin d`une éducation de leur sexualité qui, pour être valable et pleinement
humaine, doit aller de pair avec la découverte de la capacité d`aimer, inscrite
par Dieu dans le cœur de l`homme. Il s`agit d`une formation harmonique à
l`amour responsable, guidée en même temps par la Parole de Dieu et par la
raison.
- Ecole d`engagement social.
Un autre devoir de la famille est de former ses enfants à l`amour et de vivre
avec amour chaque relation interpersonnelle, de sorte que la famille elle-
même ne se referme pas sur son propre milieu, mais demeure ouverte à la

3.2 Page 22

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communauté, animée non seulement par le sens de la justice, par la solidarité
et par la sollicitude à l`égard des autres, mais encore par le devoir de la propre
responsabilité envers la société tout entière.
Ainsi l`Evangile de la vie s`exprime dans la solidarité concrètement vécue. Le
devoir social de la famille ne peut pas s`arrêter à l`action procréative de la
génération biologique et à l`éducation des enfants. Les familles qui s`inspirent
du christianisme perçoivent un appel continuel à s`ouvrir aux besoins du
prochain. Individuellement ou à travers des associations, elles peuvent et
doivent donc se dévouer à de multiples uvres de service social, spécialement à
l`avantage des pauvres. Cette action devient particulièrement importante pour
apporter des secours à toutes les personnes et des solutions à toutes les
situations que l`organisation de prévoyance et d`assistance des autorités
publiques ne réussit pas à atteindre.
Animée et soutenue par le commandement nouveau de l`amour, la famille
chrétienne vit l`accueil, le respect, le service à l`égard de tout homme,
considéré sans cesse dans sa dignité de personne et de fils de Dieu. La charité
va au-delà des propres frères dans la foi, parce que `tout homme est mon
frère` ; en chacun, surtout s`il est pauvre, faible, souffrant et injustement traité,
la charité sait découvrir le visage du Christ et un frère à aimer et à servir. La
famille chrétienne se met au service de l`homme et du monde, réalisant
vraiment une authentique `promotion humaine`.
Nous le savons tous, la distribution injuste des biens entre le monde développé
et le monde en voie de développement, entre les riches et les pauvres
appartenant au même pays, l`usage des ressources naturelles uniquement au
profit d`un petit nombre, l`analphabétisme de masse, la permanence et la
résurgence du racisme, la floraison de conflits ethniques et les conflits armés,
voilà ce qui a toujours produit un effet de dévastation sur la famille. Et, d`autre
part, il faut remarquer que la famille est le premier et principal milieu éducatif
où peuvent fleurir des valeurs diverses, sous-tendues par la communion et par
l`amour.
A titre d`exemple, je voudrais souligner l`importance de plus en plus grande
que prend dans notre société l`hospitalité, sous toutes ses formes : depuis
l`ouverture de la porte de sa maison et plus encore de son cœur aux demandes
des frères, jusqu`à l`engagement concret d`assurer à chaque famille une
maison qui lui soit propre, à titre de milieu naturel qui la conserve et la fasse
grandir. D`autant plus que la famille chrétienne est appelée à écouter l`Apôtre
et à porter témoignage à sa recommandation : `Exercez l`hospitalité avec
empressement` (Rm 12,13). Elle réalisera ainsi, en imitant l`exemple et en
partageant la charité du Christ, l`accueil du frère qui se trouve dans le besoin :
`Quiconque donnera à boire à l`un de ces petits rien qu`un verre d`eau fraîche,
en tant qu`il est un disciple, en vérité je vous le dis, il ne sera pas frustré de sa
récompense.` (Mt 10,42).
Les familles peuvent, également et d`une manière particulièrement
significative, exprimer la solidarité dans leur disponibilité à adopter, ou à se

3.3 Page 23

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voir confier en tant que responsable légal, de jeunes enfants abandonnés par
leurs parents ou, ce qui est du même ordre, en situation de graves difficultés.
Le véritable amour, paternel comme maternel, sait aller au-delà des liens de la
chair et du sang et accueillir aussi des enfants d`autres familles, en leur offrant
tout ce qui est nécessaire pour leur vie et pour leur plein développement.
Les Pères de l`Eglise ont souvent parlé de la famille comme d`une `église
domestique`, d`une `petite église`. `Etre ensemble` en constituant une famille
se traduit dans le fait d`être les uns pour les autres et de créer un espace
communautaire pour l`affirmation de la personnalité de tout homme et de
toute femme. Parfois il s`agit de personnes qui ont des handicaps physiques ou
psychiques et dont la société, `progressiste` comme on la dit, préfère se libérer.
Quelquefois aussi quelque famille qui se dit chrétienne peut se comporter
selon ces critères érigés en règle. C`est une chose très triste lorsqu`on se
débarrasse d`une façon expéditive de quelqu`un qui est âgé ou atteint de
malformations ou frappé de maladies. On agit ainsi par manque de foi en ce
Dieu pour lequel `tous vivent` (Lc 20,38) et par lequel tous sont appelés à la
plénitude de la Vie.
4.2 ` Famille, crois en ce que tu es ! `.
La famille n`est pas le produit d`une culture, le résultat d`une évolution, un
mode de vie communautaire lié à une certaine organisation sociale : elle est
une institution naturelle, antérieure à toute organisation politique ou juridique.
Elle prend sa consistance à partir d`une vérité qu`elle n`a pas produite, parce
qu`elle est voulue directement par Dieu. Dans une fidélité sans réserves,
l`homme et la femme se donnent l`un à l`autre et s`aiment d`un amour ouvert
à la vie.
Tout ce que je vous ai communiqué jusqu`ici est présenté avec une expression
autorisée dans les quatre devoirs que la Familiaris consortio fixe à la famille : la
formation d`une communauté de personnes ; le service de la vie ; la
participation au développement de la société ; la participation à la vie et à la
mission de, l`Eglise, la mission évangélisatrice.
Mais afin que ces devoirs soient accomplis, et donc que l`appel adressé aux
familles par le Pape Jean-Paul II atteigne son achèvement en : ` Famille, crois en
ce que tu es ! `, il faut avant tout que la famille les époux, les enfants et tous les
membres du noyau familial soit fermement convaincue de ces devoirs, qui
proviennent de la nature même et de la mission de l`institution familiale et font
partie du dessein de Dieu sur la famille et sur chacune des personnes qui la
composent.
Il s`agit d`une conviction qui, pour les croyants, n`est pas seulement d`ordre
rationnel ou social, mais s`appuie sur la foi en Dieu qui a créé la cellule familiale
comme communauté d`amour et de vie et l`a, par l`intermédiaire de son Fils,
sanctifiée par la grâce du sacrement, afin qu`elle soit pour tous un signe et un
instrument de communion.

3.4 Page 24

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5. Applications pastorales et pédagogiques.
Comme d`habitude, l`Etrenne, et en particulier celle de 2006, nous donne
l`occasion d`offrir à toute la Famille Salésienne quelques suggestions pastorales
et quelques applications pédagogiques.
J`ai vu et apprécié l`effort, suivi d`une bonne réussite, de certaines Provinces
Salésiennes pour traduire en programmes éducatifs la Proposition Pastorale
dont j`ai voulu accompagner cette Etrenne, comme j`avais déjà fait en 2004.
Egalement la revue Note di Pastorale Giovanile a réservé un numéro sous
forme de monographie pour approfondir le sujet et offrir des éléments pour
une aide opportune et précieuse. Je vous invite à tenir compte de tous ces
matériaux, qui peuvent vous être très utiles, tandis que personnellement je
vous propose de nouveau les grandes lignes inspiratrices de la proposition
pastorale.
- Voici donc mes indications.
Porter une attention spéciale à la famille dans notre proposition d`éducation et
d`évangélisation demande, entre autres :
- De garantir un engagement spécial d`éduquer à l`amour dans le cadre
de l`action éducative salésienne et dans le parcours d`éducation à la foi
proposé aux jeunes.
Le CG23 présentait l`éducation à l`amour comme l`un des nuds où se
manifestent l`influence de la foi sur la vie ou son insignifiance pratique.
L`expérience typique de Don Bosco et la teneur éducative et spirituelle du
Système préventif nous orientent vers certaines options simples : donner une
importance particulière à l`engagement de créér autour des jeunes un climat
éducatif qui favorise les échanges sur le plan de la communication et de
l`affectivité ; apprécier les valeurs authentiques de la chasteté ; développer les
rencontres entre garçons et filles dans le respect de soi et des autres, dans la
réciprocité et dans l`enrichissement mutuel, dans la joie de la gratuité du don
de soi ; assurer dans le contexte éducatif la présence de personnes qui, dans la
clarté et la sérénité, témoignent de l`amour, spécialement à travers le don
d`eux-mêmes dans la chasteté. - D`accompagner et de soutenir les
parents dans leurs responsabilités éducatives, en les impliquant pleinement
dans la réalisation du Projet éducatif et pastoral salésien.
Le CG24, en parlant de l`implication des laïcs dans la mission salésienne,
reconnaissait l`engagement des parents et le rôle des familles dans nos
présences, mais il demandait aussi d`intensifier la collaboration avec la famille,
en tant que première éducatrice de ses fils et de ses filles (cf. CG24, 20 et 177).
C`est pourquoi il proposait de mettre en valeur l`apport irremplaçable des
parents et des familles des jeunes, en favorisant la constitution de comités et
d`associations qui puissent garantir et enrichir par leur participation la mission
éducative de Don Bosco (cf. CG24, 115).

3.5 Page 25

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- De développer le style salésien de famille et de lui donner de la qualité :
dans sa propre famille, dans la communauté salésienne, dans la communuaté
éducative et pastorale.
L`esprit salésien de famille constitue une caractéristique de notre spiritualité
(cf. CG24, 91-93) et s`exprime :
* dans l`écoute inconditionnelle de l`autre ;
* dans l`accueil gratuit des personnes ;
* dans la présence animatrice de l`éducateur parmi les jeunes ;
* dans le dialogue et dans la communication, interpersonnelle comme
institutionnelle ;
* dans la coresponsabilité autour d`un projet éducatif partagé.
- De développer de plus en plus un esprit et une expérience de Famille
Salésienne au service de l`engagement éducatif et pastoral parmi les jeunes.
La Famille Salésienne nous demande d`une façon spéciale un engagement
convergent pour offrir à chaque jeune une proposition de vocation et un
accompagnement dans sa vocation adéquat et exigeant (cf. CG25, 41 et 48).
C`est pourquoi il faut croître comme Famille à travers :
* le bon fonctionnement de la Consulte de la Famille Salésienne ;
* l`insertion de jeunes en elle ;
* des initiatives et des activités qui puissent porter la Famille Salésienne à
opérér de plus en plus comme `mouvement spirituel apostolique`.
- Quelques suggestions pratiques.
Préparer, dans le parcours de formation des jeunes, un chemin progressif
et systématique d`éducation à l`amour, qui puisse aider les adolescents et les
jeunes :
- à saisir la valeur humaine et chrétienne de la sexualité ;
- à mûrir un rapport positif et ouvert entre garçons et filles ;
- à affronter, à la lumière de la dignité de la personne, des valeurs de la vie
et des critères de l`Evangile, les différentes questions modernes sur la vie et sur
la sexualité humaine ;
- à s`ouvrir au projet de Dieu considéré comme le chemin concret pour
vivre la propre vocation à l`amour.

3.6 Page 26

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On devra donner une importance particulière à cet aspect dans les parcours de
formation proposés dans les associations et dans les groupes du Mouvement
Salésien des Jeunes et dans l`accompagnement personnel des jeunes.
Mettre en place chez les jeunes adultes de nos milieux (animateurs,
volontaires, jeunes collaborateurs...) des parcours concrets de formation,
d`accompagnement et de discernement de la vocation au mariage chrétien.
Dans cet engagement on cherchera à susciter la collaboration de couples
chrétiens faisant déjà partie des groupes de laïcs de la Famille salésienne.
Susciter dans nos présences des groupes, des mouvements et des
associations de couples et de familles qui puissent les aider à vivre et à
approfondir leur vocation au mariage et à assumer avec engagement leurs
responsabilités éducatives.
Dans la Famille Salésienne existent les groupes `Familles Don Bosco`, `Hogares
Don Bosco`, développés et animés par les Coopérateurs Salésiens ; mais il
existe aussi d`autres associations familiales comme `Amour et vérité`, `Familles
Nouvelles`, `Mariage-Rencontre`, `Equipes Notre-Dame`, `Movimento Familiare
Cristiano`, `Incontri Matrimoniali`, etc. .
Soutenir les parents des garçons et des filles de nos uvres dans leur
responsabilité éducative au moyen de la création d`associations de parents,
d`écoles de parents, etc., avec une proposition concrète et systématique de
formation et de partage sur des thèmes d`éducation.
Renforcer dans chaque présence salésienne la communauté éducative et
pastorale, avec une attention particulière aux relations personnelles et au
climat de famille, à la participation la plus large possible et au partage des
valeurs salésiennes et des objectifs du projet éducatif et pastoral. De cette
façon l`œuvre salésienne deviendra une maison pour les jeunes et aussi un
soutien pour les familles engagées.
Engager les familles dans le chemin d`éducation et d`évangélisation que
nous proposons et animons parmi les jeunes, en ayant recours à des initiatives
comme les rencontres de partage entre parents et enfants, à la catéchèse
familiale, à l`engagement de parents dans l`animation des groupes du MSJ, aux
célébrations et aux rencontres vécues ensemble, aux communautés
chrétiennes familiales considérées comme point de repère pour le chemin de
foi proposé aux jeunes, etc. .
Encourager, préparer et accompagner nos laïcs pour qu`ils développent et
défendent dans la société les droits de la famille, face à des lois et des
situations qui la lèsent.
Développer en profondeur le sens de la Famille Salésienne au sein des
différents groupes présents dans un même territoire, grâce à la connaissance
et au partage de la `Charte de communion` et de la `Charte de la mission` et au

3.7 Page 27

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moyen de la mise en œuvre de la `Consulte de la Famille Salésienne` aux
différents niveaux.
Conclusion : une légende qui a la saveur de la sagesse.
Et maintenant pour conclure, comme je l`ai fait dans des commentaires
précédents de l`Etrenne, je vous présente une légende qui peut constituer une
synthèse de tout ce que je vous ai exprimé dans ce commentaire.
Une Famille
Au cœur d`une vallée remplie de champs, de prairies et de bois, dans une
maisonnette comportant deux niveaux, vivait une petite famille heureuse. Ils
étaient trois, pour le moment : une maman, un papa et un enfant blond de six
ans. Le papa travaillait dans une usine de robinets ; la maman cultivait le
potager derrière la maisonnette et, d`une main ferme, s`occupait de douze
poules caquetantes et d`un coq impérieux. L`enfant allait à l`école, heureux et
fier, si bien qu`il avait déjà appris à écrire son nom. Il savait aussi le sens du mot
`effervescent`.
Au milieu de la vallée courait un torrent riant et sinueux.
La maisonnette se dressait un peu à l`écart du villlage et c`est pourquoi, le
dimanche, la petite famille s`entassait dans une auto toute petite et allait à la
Messe dans l`église paroissiale. Et ensuite elle mangeait une glace ou buvait un
chocolat chaud selon la saison.
Le soir, dans la maisonnette il y avait toujours un peu de remue-ménage, parce
que l`enfant, avant d`aller au lit, trouvait toujours quelque excuse, comme celle
de compter les étoiles ou les vers luisants ou les petits carreaux de la nappe.
Avant de s`endormir, tous ensemble ils priaient. Tous les soirs, un ange du
Seigneur recueillait les prières et les portait au ciel.
Un automne, il plut pendant de nombreux jours. Le torrent fut gonflé d`eau
noirâtre. Vers l`amont, les troncs et la boue constituèrent une digue qui forma
un lac rempli de vase. Au moment du coucher du soleil, sous la pression de
l`eau, la digue céda. La vallée commença à être submergée par l`eau.
Le papa éveilla la maman et l`enfant. Ils se serrrèrent l`un contre l`autre,
effrayés, parce que l`eau avait envahi le rez-de-chaussée de la maisonnette. Et
elle continuait à monter. De plus en plus noirâtre, de plus en plus rapide.
`Montons sur le toit !` dit le père. Il prit l`enfant, qui se cramponnait en silence
à son cou, les yeux complètement remplis de terreur, et monta au grenier et de
là sur le toit. La maman les suivit.
Sur le toit ils se sentirent comme des naufragés sur une petite île, qui devenait
de plus en plus petite. Car l`eau continuait à monter et arriva implacable aux

3.8 Page 28

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genoux du père.
Le père s`installa bien solidement sur le toit, embrassa la maman et lui dit :
`Prends l`enfant dans tes bras et monte sur mes épaules !`.
La mère et l`enfant montèrent sur les épaules du père qui dit encore : `Mets-toi
debout sur mes épaules et élève l`enfant sur les tiennes. N`aie pas peur. Quoi
qu`il arrive, je ne te lâcherai pas !`.
La mère embrassa l`enfant et dit : `Monte sur mes épaules et n`aie pas peur.
Quoi qu`il arrive, je ne te lâcherai pas !`.
L`eau continuait à monter. Elle submergea le père et ses bras tendus pour tenir
la mère, puis elle engloutit la mère et ses bras tendus pour tenir l`enfant. Mais
le père ne lâcha pas prise, et la maman non plus. L`eau continua à monter. Elle
arriva à la bouche de l`enfant, à ses yeux, à son front.
L`ange du Seigneur, qui était venu prendre les prières du soir, vit seulement
une petite touffe blonde sortir de l`eau trouble.
D`un mouvement léger il saisit la touffle blonde et tira. Attaché aux cheveux
blonds, s`éleva l`enfant et, attachée à l`enfant, s`éleva la maman et, attaché à
la maman, s`éleva le papa. Personne n`avait lâché prise.
L`ange s`envola et déposa avec douceur cette chaîne originale au plus haut de
la colline, là où l`eau n`arriverait jamais. Le papa, la maman et l`enfant
roulèrent sur l`herbe, puis s`embrassèrent en pleurant et en riant.
A la place des prières, ce soir-là, l`ange porta au ciel leur amour. Et toutes les
troupes célestes applaudirent à tout rompre.
***
Et voilà, chers amis, qu`il s`agit d`une `parabole` très salésienne, car le message
est le suivant : en commençant par les petits, `tirons vers le haut` le reste de la
famille.
Je termine en renouvelant mes souhaits de Bonne Année 2006 ; année que
nous commençons sous la protection de Notre-Dame, la Mère de Dieu. Qu`elle
nous enseigne à contempler la famille qu`elle a réussi à édifier à Nazareth pour
en comprendre le secret et la prendre pour modèle.
Avec affection, en Don Bosco.
Père Pascual Chvez V.
Recteur Majeur
Solennité de Sainte Marie Mère de Dieu

3.9 Page 29

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Rome 1er janvier 2006
[1] L`Osservatore Romano, édition française, 11 janvier 2005, p. 2.
[2] Novo millennio ineunte, n. 47.
[3] Audience aux participants à la LIV ème Assemblée Générale de la
Conférence Episcopale Italienne, OR, édition française, 7 juin 2005, p. 2.
[4] Lettre circulaire de Don Bosco sur les châtiments... 1883, Epistolario di San
Giovanni Bosco (sous la direction de E. Ceria), SEI, Turin, vol. IV, p. 209.
[5] C`est ce qu`écrivait, pour commencer sa biographie de Don Bosco, J.
Joergensen dans Don Bosco (édition italienne sous la direction de A. Cojazzi),
SEI, Turin, 1929, p. 19.
[6] P. Braido, Prevenire non reprimere. Il sistema educativo di Don Bosco, LAS,
Rome, 1999, p. 139.
[7] Discours aux enseignants. Texte cité dans la lettre circulaire du P. Egidio
Vigan Le Pape nous parle de Don Bosco, ACG 328, p. 20.
[8] L`œuvre de Lemoyne devrait être lue plus comme un récit présentant un
exemple à imiter, un récit à caractère édifiant que comme une biographie.
L`auteur en était lui-même conscient quand il donna pour titre au petit livre :
Scene morali di famiglia esposte nella vita di Margherita Bosco. Racconto
edificante ed ameno, Turin, Typographie Salésienne, 1886, 192 pp.
[9] Cf. Memorie Biografiche, I, p. 296.
[10] Don Bosco, Souvenirs autobiographiques (Apostolat des Editions, Paris,
1978), pp. 97-98.
[11] Memorie Biografiche, I, pp. 521-522.
[12] Don Bosco, Souvenirs autobiographiques (Apostolat des Editions, Paris,
1978), p. 189.
[13] Mémoires Biographiques, IV, p. 233.
[14] Teresio BOSCO, Una nuova biografia di Don Bosco, Elle Di Ci, Leumann
(TO), 1978.
[15] Mémoires Biografiques, V, p. 207.
[16] Mémoires Biografiques, V, p. 563.
[17] P. Braido, Don Bosco, prete dei giovani nel secolo delle libertà, LAS, Rome,
2003, vol. I, p. 317.
[18] Dans ce travail la Commission Historique qui s`occupa de la Cause eut un
grand mérite. Elle était composée de Sur P. Cavaglià, du Père F. Desramaut, du
Père R. Farina, du Père G. Milone, du Père F. Motto, du Père G. Tuninetti.
[19] J.-B. LEMOYNE, Scene morali di famiglia esposte nella vita di Margherita
Bosco, Turin, Typographie Salésienne, p. 39.
[20] Don Bosco, Souvenirs autobiographiques (Apostolat des Editions, Paris,
1978), p. 42.
[21] Don Bosco raconte ce fait vécu dans les Souvenirs autobiographiques
(Apostolat des Editions, Paris, 1978), p. 196.
[22] Memorie Biografiche, III, p. 376.
[23] La formule est suggérée par le témoignage de Don Bosco lui-même : `Cette
Congrégation n`était en 1841 qu`un Catéchisme, une cour de récréation pour
les dimanches et les jours de fête, auquel en 1846 s`ajouta un Internat pour les
apprentis pauvres, en formant une Institution privée à la manière d`une famille
nombreuse` (J. Bosco, Brevi notizie sulla Congregazione di S. Francesco di Sales

3.10 Page 30

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dall`anno 1841 al 1879, dans `Esposizione alla S. Sede dello stato morale e
materiale della Pia Società di S. Francesco di Sales`, Typographie Salésienne, S.
Pier d`Arena, 1879 (OE, vol. XXXI, p. 240).
[24] Cf. P. Braido, Prevenire non reprimere. Il sistema educativo di Don Bosco,
p. 158.
[25] Cf. P. Stella, Don Bosco nella Storia della Religiosità Cattolica, Vol I. : Vita e
Opere, LAS, Rome, 1997, p. 115.
[26] `C`était une époque où désormais le Collège était bien organisé, la vie
religieuse de la Congrégation ne permettait plus la présence de femmes dans la
maison et Don Bosco pensait déjà à la fondation des Filles de Marie
Auxiliatrice` (P. Stella, o. c. p. 115).
[27] P. Braido, Don Bosco, prete dei giovani nel secolo delle libertà, Vol. I, LAS,
Rome 2003, p. 213.
[28] P. Stella, o. c. p.115. Cf. José M. Prellezo, `Don Bosco, fundador de
comunidad. Aproximacin a la comunidad de Valdocco` : Cuadernos de Formacin
Permanente 7 (2001) 166.
[29] A. Caviglia, `Il `Magone Michele`", dans Opere e scritti editi e inediti di Don
Bosco, Vol. V., SEI, Turin, 1965, p. 141.
[30] E. Vigan, L`année de la famille, ACG 349, juin 1994, p. 30.
[31] Je prends l`expression chez P. Braido, Prevenire non reprimere. Il sistema
educativo di Don Bosco, p. 305.
[32] Cf. P. Braido, Prevenire non reprimere. Il sistema educativo di Don Bosco.
Pour un développement du thème : le style de famille dans la méthode
éducative de Don Bosco, voir le chapitre 15, pp. 305 ss.. Pour une
reconstruction historique, par rapport aussi à la personnalité de Don Bosco, le
chap. 8, pp. 158 ss., est également intéressant.
[33] E. Vigan, Appels du Synode `80, ACG 299, décembre 1980, p. 33.
[34] Francesco di Felice, Radici umane e valori cristiani della famiglia, Librairie
Editrice Vaticane, 2005, pp. 138 s..
[35] Apostolicam Actuositatem, n. 11.
ETRENNE 2006
PROPOSÉE PASTORALE 2006
POSTER 2006 (4 MB)