Don Bosco et la vie spirituelle Documents

DOCUMENTS


1. LE RÊVE INITIAL SUR LE CHRIST ET MARIE 1


S. GIOVANNI BOSCO, Memorie dell'Oratorio..., éd. E. Ceria, 1946, p. 22-26. Traduction parue dans Saint JEAN BOSCO, Textes pédagogiques, Namur, Soleil levant, 1958, p. 33-36.


A cet âge, je fis un rêve qui me resta toute la vie profondément gravé dans l'esprit. Pendant mon sommeil, j'eus l'impression de me trouver prés de chez moi, dans une cour très spacieuse où s'étaient rassemblés une multitude d'enfants qui s'amusaient. Certains riaient, d'autres jouaient, beaucoup blasphémaient. Sitôt que j'entendis ces blasphèmes, je m'élançai parmi eux et, usant de la voix et des poings, je cherchai à les faire taire. A ce moment apparut un homme d'allure majestueuse, dans la force de l'âge et magnifiquement vêtu. Un manteau blanc l'envelop­pait tout entier. Quant à son visage, il étincelait au point que je ne pouvais le regarder. I1 m'appela par mon nom et m'ordonna de me mettre à la tête des enfants. Il ajouta : « Ce n'est pas avec des coups, mais par la mansuétude et la charité que tu devras gagner tes amis que voici. Commence donc immédiate­ment à les instruire de la laideur du péché et de l'excellence de la vertu. »

Confus et effrayé, je répondis que j'étais un pauvre gosse ignorant, incapable de parler religion à ces enfants. Alors les gamins, cessant de batailler, de crier et de blasphémer, vinrent se grouper autour de celui qui parlait.

Presque sans réaliser ce qu'il m'avait dit, j'ajoutai :

- Qui êtes-vous, vous qui m'ordonnez une chose impossible ?

- C'est justement parce que ces choses te paraissent impos­sibles que tu dois les rendre possibles par l'obéissance et l'ac­quisition de la science.

-, par quels moyens pourrai-je acquérir la science ?

- Je te donnerai la maîtresse sous la direction de qui tu peux devenir un sage et sans qui toute sagesse devient sottise.

- Mais qui êtes-vous, pour me parler de la sorte ?

- Je suis le fils de celle que ta mère t'a appris à saluer trois fois le jour.

- Ma mère m'a dit de ne pas fréquenter les inconnus sans sa permission : dites-moi donc votre nom.

- Mon nom, demande-le a ma mère.

A cet instant, je vis prés de lui une dame d'aspect majestueux, vêtue d'un manteau qui resplendissait de toutes parts, comme si chaque point eût été une étoile éclatante. Remarquant que je m'embarrassais toujours plus dans mes questions et mes réponses, elle me fit signe d'approcher et me prit doucement par la main : « Regarde », me dit-elle. Je regardai et m'aperçus que tous les enfants s'étaient enfuis. A leur place, je vis une multitude de chevreaux, de chiens, de chats, d'ours et d'autres animaux. « Voilà ton champ d'action, voilà où tu dois travailler. Rends-toi humble, fort et robuste. Et ce que tu vas voir se produire main­tenant pour ces animaux, tu devras le faire pour mes fils. »

Je détournai alors les yeux. Et voici que, remplaçant les terribles bêtes, apparurent autant d'agneaux pleins de douceur qui bêlaient et gambadaient en tous sens comme s'ils fêtaient cet homme et cette femme.

Toujours dans mon sommeil, je me mis alors à pleurer et demandai qu'on voulût bien parler de manière compréhensible, car je n'entendais pas ce que l'on voulait me signifier. Elle me mit alors la main sur la tête et me dit : « Tu comprendras tout en son temps. »

A ces mots, un bruit me réveilla et tout disparut.

Je demeurai éberlué. Il me semblait que les mains me faisaient mal à cause des coups de poings donnés et que ma figure était endolorie par les gifles reçues. Et puis, ce personnage, cette dame et ce que j'avais entendu, cela m'obsédait au point que je ne pus me rendormir cette nuit-là.

Le matin, je m'empressai de raconter ce rêve, d'abord à mes frères, qui éclatèrent de rire, ensuite à ma mère et à ma grand­mère. Chacun donnait son interprétation. Mon frère Giuseppe disait : «Tu deviendras gardien de chèvres, de moutons ou d'autres bêtes. » Ma mère : « Qui sait si tu ne dois pas devenir prêtre ? » Antonio, d'un ton sec . « Peut-être seras-tu chef de brigands. » Mais grand-mère, qui savait beaucoup de théologie (elle était parfaitement illettrée), prononça la sentence décisive : « Il ne faut pas s'occuper des rêves. »

J'étais de l'avis de grand'mére. Cependant, il ne me fut jamais possible de m'enlever ce rêve de l'esprit. Ce que j'expo­serai ci-dessous lui donnera une certaine signification. Je n'en ai jamais parlé et mes parents n'y ont attaché aucune impor­tance. Mais, quand je me rendis à Rome en 1858 pour m'entre­tenir avec le pape de la congrégation salésienne, il se fit raconter par le menu tout ce qui n'avait même que la seule apparence du surnaturel. Je racontai alors pour la première fois le rêve que j'avais fait à l'âge de neuf ou dix ans. Le pape m'ordonna de l'écrire dans son sens littéral, en détail, et de le laisser pour l'encouragement des fils de la congrégation, qui formait l'objet de ce voyage à Rome.



2. RÉSOLUTIONS DE PRISE DE SOUTANE 2.


Memorie dell'Oratorio..., éd. citée, p. 87-88.


Pour me faire une règle de vie que je n'oublierais pas, j'ai écrit les résolutions qui suivent :

1º A l'avenir, je n'assisterai plus aux spectacles publics sur les foires et les marchés : je n'irai plus voir ni bal ni théâtre, et, dans la mesure où j'en aurai la possibilité, je ne participerai plus aux repas que l'on organise habituellement en de telles occasions.

2° Je ne ferai plus jamais de tours d'escamotage, de prestidi­gitation, d'acrobatie, d’adresse et de corde : je ne jouerai plus du violon, je n'irai plus à la chasse. J’estime toutes ces choses contraires à la gravité et à l'esprit ecclésiastiques.

3° J'aimerai et pratiquerai la vie retirée et la tempérance dans la nourriture et la boisson, et je ne prendrai que le nombre d'heures de repos strictement nécessaire à ma santé.

4° Comme j'ai servi le monde dans le passé par des lectures profanes, je tâcherai de servir Dieu à l'avenir en me livrant à des lectures de sujets religieux.

5° Je combattrai de toutes mes forces tout ce qui est contraire à la vertu de chasteté : lectures, pensées, discours, paroles et oeuvres. A l'inverse, je ne négligerai rien, même d'infimes détails, qui puisse aider à conserver cette vertu.

6° Outre les pratiques ordinaires de piété, je ne manquerai jamais de faire chaque jour un peu de méditation et un peu de lecture spirituelle.

Je raconterai chaque jour un exemple ou une maxime pro­fitables à l'âme d'autrui. Je le ferai avec mes camarades, mes amis, mes parents, et, quand ce ne me sera pas possible avec d'autres, je le ferai avec ma mère.

Telles furent mes résolutions quand je revétis l'habit clérical. Et, afin qu'elles me restent bien imprimées [dans l'esprit], je suis allé devant une image de la bienheureuse Vierge, je les lues, et, après avoir ai prié, j'ai promis formellement à cette céleste bienfaitrice de les observer au prix de n'importe quel sacrifice.

.

3. LECTURES AU SÉMINAIRE


Memorie dell'Oratorio . . . , éd. citée, p. 109-111.

A propos d'études, j'ai été dominé par une erreur qui aurait eu pour moi de funestes conséquences, si un fait providentiel ne m'en avait délivré. Habitué à la lecture des classiques pendant toutes mes classes secondaires, accoutumé aux images emphati­ques de la mythologie et des fables des païens, je ne trouvais aucun goût aux choses ascétiques. J'en vins à me persuader que la bonne langue et l'éloquence étaient inconciliables avec la religion. Les oeuvres mêmes des saints Pères me semblaient avoir été engendrées par des esprits très limités, à l'exception des prin­cipes religieux, qu'ils exposaient avec force et clarté.

Vers le début de ma deuxième année de philosophie, j'allai un jour faire une visite au très saint sacrement et, n'ayant pas avec moi de livre de prières, je me mis à lire le De imitatione Christi, dont je parcourus quelques chapitres sur l'eucharistie. Considérant avec attention la sublimité des réflexions et la ma­nière claire, en même temps qu'ordonnée et éloquente, qui servait à exprimer ces grandes vérités, je commençai à me dire en moi­même : « L'auteur de ce livre était un savant homme. » Quand j'eus continué d'autres et encore d'autres fois à lire ce petit ouvrage en or, je ne tardai pas à m'apercevoir qu'un seul de ses versets contenait autant de doctrine et de morale que j'en aurais trouvé dans les gros volumes des classiques anciens. Je dois à ce livre d'avoir abandonné la lecture profane. Je me consacrai donc à la lecture de Calmer, Histoire de l'ancien et du nouveau testament ; à celle de Flavius Josèphe, Des antiquités judaïques, De la guerre judaïque ; puis à Mgr Marchetti, Réflexions sur la religion ; et puis à Frayssinous, Balmès, Zucconi, et à beaucoup d'autres écrivains religieux 3. Je goútai aussi la lecture de Fleury, Histoire ecclésiastique, dont j'ignorais que c'était un livre à éviter. J'ai lu avec encore plus de fruits les oeuvres de Cavalca, de Passavanti, de Segneri, et toute l'Histoire de l'Église de Henrion 4.

Vous me direz peut-être : « Absorbé par tant de lectures, je ne pouvais étudier les traités. » Non pas. Ma mémoire était toujours aussi bonne. La simple lecture et l'explication des traités en classe me suffisaient pour satisfaire à mes obligations. Je pouvais donc occuper en lectures variées les heures prévues pour l'étude. Mes supérieurs savaient tout et me laissaient la liberté de le faire.



4. LE CONVITTO ECCLESIASTICO

ET SAINT ALPHONSE DE LIGUORI


Memorie dell'Oratorio ... , éd. citée, p. 120-123.


Vers la fin de ces vacances 5, on m'offrit à choisir entre trois emplois : l'office de précepteur dans la maison d'un riche génois avec des honoraires de mille francs par an ; celui de chapelain de Morialdo, où, très désireux de m'avoir, les bons paroissiens doublaient les honoraires des chapelains précédents ; et celui de vicaire de mon pays natal 6. Avant de prendre une décision ferme, je tins à faire un voyage à Turin pour demander conseil à Don Cafasso qui, depuis plusieurs années, était devenu mon guide en matière spirituelle et temporelle. Ce saint prêtre écouta tout, les propositions de bons honoraires, les insistances de mes parents et de mes amis, et mon désir de travailler. Sans hésiter un instant, il m'adressa ces paroles : « Vous avez besoin d'étudier la morale et la prédication. Renoncez pour l'instant à toute proposition et venez au convitto. » Je suivis volontiers ce sage conseil et, le 3 novembre 1841, j'entrai audit convitto.

Il est permis de dire du convitto ecclesiastico qu'il est un complément des études théologiques, car, dans nos séminaires, on n'étudie que la dogmatique et la spéculative ; en morale, on ne s'occupe que des propositions controversées. Ici, on apprend à être prêtre. Méditation, lecture, deux conférences quotidiennes, des leçons de prédication, une vie retirée, toutes facilités pour étudier et lire de bons auteurs, tel était le programme auquel chacun devait s'appliquer avec sollicitude.

En ce temps-là, deux célébrités étaient à la tête de ce très utile institut : le théologien Luigi Guala et Don Giuseppe Cafasso. Le théologien Guala était le fondateur de l'oeuvre. Désintéressé, riche de science, de prudence et de courage, il s'était fait tout à tous au temps du gouvernement de Napoléon Ier. Afin que les jeunes lévites, au terme de leurs études de séminaire, puissent s'initier à la vie pratique du saint ministère, il [avait] fondé cette merveilleuse pépinière, d'où tant de bien est venu à l'Église, surtout quand il s'est agi d'arracher certaines racines du jansé­nisme, qui subsistait encore parmi nous.

La question du probabilisme et du probabiliorisme était entre autres très agitée. A la tête des premiers 7, se trouvaient Alasia, Antoine avec d'autres auteurs rigides, dont la pratique peut conduire au jansénisme. Les probabilistes suivaient la doctrine de saint Alphonse, qui, depuis, a été proclamé docteur de la sainte Église et dont l'autorité rejoint pour ainsi dire la théologie du pape, l’Église ayant déclaré que ses œuvres peuvent être en­seignées, prêchées et pratiquées et qu'elles ne contiennent rien de censurable. Le théologien Guala se tint fermement entre les deux partis et, fondant toutes les opinions sur la charité de Notre Seigneur Jésus-Christ, réussit à rapprocher les extrêmes. Les choses se transformèrent à tel point que, grâce au théologien Guala, saint Alphonse devint le maître de nos écoles, avec les bienfaits longtemps attendus, dont on éprouve aujourd'hui les suites salutaires. Don Cafasso était le bras droit de Guala. Par sa vertu à toute épreuve, son calme prodigieux, sa pénétration et sa prudence, il réussit à éliminer l'acrimonie, qui subsistait encore en certains des probabilioristes à l'égard des liguoriens.

Une mine d'or se cachait dans le théologien Felice Golzio, prêtre turinais, lui aussi du convitto. Il fit peu de bruit au cours de sa vie modeste, mais, par son travail persévérant, son humi­lité et sa science, c'était un véritable soutien ou mieux un bras solide de Guala et de Cafasso.

Les prisons, les hôpitaux, les chaires, les instituts de bienfai­sance, les malades à domicile, les villes, les campagnes, et - nous pouvons le dire - les palais des grands et les chaumières des pauvres ont ressenti les effets salutaires du zèle de ces trois flambeaux du clergé turinais.

Tels étaient les trois modelés que la divine Providence me proposait, et il ne dépendait que de moi d'en suivre les traces, la doctrine et les vertus. Don Cafasso qui, depuis six ans, était mon guide, fut aussi mon directeur spirituel, et, si j'ai fait quelque chose de bien, je le dois à ce digne ecclésiastique, dans les mains de qui j'ai déposé toutes les décisions, toutes les préoccupations et toutes les actions de ma vie.


5. LES SENTENCES FAVORITES DE JEAN BOSCO PRETRE 8


ACS, S. 132. 16. Voir E. CERIA, Memorie biografiche, t. XVIII, doc. 93, p. 806-808.


1. Les fleuves se jettent dans la mer et la mer jamais ne déborde (Ecclésiaste, 1, 7).

2. Le Seigneur est bon, il réconforte au jour de détresse (Na­hum, 1, 7).

3. Éloigne ta route de la femme et n'approche pas de son seuil (Proverbes, 5, 8).

4. Prenez mon enseignement, ne prenez pas d'argent, dit la Sagesse. Choisissez la science plutôt que l'or (Proverbes, 8, 10).

5. J'ai reconnu qu'il n'y avait rien de meilleur que d'être joyeux et de faire du bien dans sa vie (Ecclésiaste, 3, 12).

6. Fais hommage au Seigneur de tout ce que tu possèdes, et tes greniers regorgeront de récoltes et tes celliers déborderont de vin (Proverbes, 3, 9-10).

7. Tu as de l'intelligence ? Réponds à qui t'interroge. Tu n'en as pas ? Mets un doigt sur tes lèvres pour retenir le mot mal­heureux qui te discréditerait (Ecclésiastique, 5, 12-13).

8. Chacun sera rétribué selon la manière dont il aura conduit sa vie (II Corinthiens, 5, 10).

9. Mon fils, ne prive pas le pauvre de l'aumône que tu lui dois et ne détache pas tes yeux de l'indigent (Ecclésiastique, 4, 1).

10. Ne tire pas gloire de l'opprobre qui peut atteindre ton pèire (Ecclésiastique, 3, 10)­

11. Quelque tort que t'ait fait ton prochain, oublie-le ; toi­-même, n'aie aucune part à l'injustice (Ecclésiastique, 10, 6).

12. Le mal que tu découvres en toi, corrige-le. Maintiens ce qui est droit, arrange ce qui est laid, entretiens ce qui est beau, protège ce qui est sain, affermis ce qui est faible. Sans te lasser, lis la parole de Dieu. Par elle, tu connaîtras suffisamment la route à suivre et les dangers à éviter (saint Bernard).

13. Garde la foi (du pape saint Innocent ... ) et ne reçois pas de doctrine étrangère, si sage et si éprouvée qu'elle te paraisse (saint Jérôme)

14. Mes frères, emportez avec vous la clé de vos chambres et la clé de vos langues (saint Pierre Damien).

15. Les exemples ont plus de force que les paroles et on ensei­gne mieux par des œuvres que par des discours (saint Maxime de Turin).

16. Que nos richesses, notre trésor soient la conquête des âmes et que le capital de nos vertus se dissimule dans le secret de nos coeurs (saint Pierre Damien).

17. Nous montâmes, lui le premier, moi le second, jusqu'à ce que je vis, à travers une ouverture ronde, ces belles choses que nous montre le ciel, et de la nous sortîmes pour revoir les étoiles (Dante).

18. Je revins de l'eau sainte pur et tout prêt à monter aux étoiles (Dante).

19. L'amour, qui meut le soleil et les autres étoiles (Dante).

20. Que l'Italien croie à toute vertu élevée, que son État espère toute grâce de Dieu et que, plein de foi et d'espoir, il aime et procède à la conquête des éternelles vérités (Silvio Pellico).



6. LA VALEUR DE L'EXEMPLE 9


Cenni storici sulla vita del Chierico Luigi Co­mollo..,, Turin, 1844, Préface, p. 3-4.


Comme l'exemple des actions vertueuses vaut beaucoup plus que n'importe quel élégant discours, il ne sera pas hors de propos de vous présenter une notice historique sur la vie d'un [jeune] qui, ayant vécu dans les mêmes lieux et sous la même discipline que vous, peut vous servir de vrai modèle, pour que vous puis­siez vous rendre dignes de la fin sublime à laquelle vous aspirez et devenir ensuite un jour de parfaits lévites dans la vigne du Seigneur.

Il est vrai que deux qualités très importantes, un style pur et une expression élégante, font défaut à cet écrit. C'est pourquoi j'ai tardé jusqu'à ce jour, dans l'espoir qu’une plume meilleure que la mienne consentirait à assumer cette tâche. Mais, ayant constaté que mon attente était vaine, je me suis décidé à m'ac­quitter moi-même de ce travail de la meilleure façon qu'il me serait possible. J'étais poussé par les instances répétées de plu­sieurs de mes collègues et d'autres personnes considérables, et persuadé que la tendresse que vous aviez manifestée envers ce très digne compagnon, ainsi que votre compréhension bien con­nue, sauraient pardonner, et même suppléer, à la pauvreté de mon talent.

Bien que je ne puisse malheureusement vous charmer par la beauté de la forme, je me console [à la pensée] de pouvoir vous assurer en toute sincérité que j'écris des choses vraies, toutes vues ou entendues par moi-même ou apprises de personnes dignes de foi, ce dont vous pourrez juger aussi vous-mêmes, qui en avez été également en partie les témoins oculaires.

Si, parcourant cet écrit, vous vous sentez portés à pratiquer l'une ou l'autre des vertus qui y sont décrites, rendez-en gloire à Dieu, lui que je prie de vous être toujours propice et a qui je consacre uniquement ce [fruit de] mes fatigues.



7. LETTRE DE DIRECTION A UN SÉMINARISTE 10


Au clerc G. D., du séminaire de Bra (Italie). Édité dans l'Epistolario, t. I, p. 118.

Turin, le 7 décembre 1855

Très cher fils,

J'ai reçu votre lettre. Je loue votre franchise : remercions le Seigneur de la bonne volonté qui vous inspire. Suivez aussi les avis de votre confesseur : qui vos audit, me audit 11, dit Jésus­Christ dans l'évangile. Employez-vous à correspondre aux im­pulsions de la grâce de Dieu qui frappe à votre coeur. Qui sait si le Seigneur ne vous appelle pas à un sublime degré de vertu !

Mais ne nous leurrons pas : si vous ne remportez pas une vic­toire complète sur cette difficulté, n'avancez pas et ne cherchez pas à progresser dans les ordres sacrés, sinon après au moins une année pendant laquelle il n'y aura pas eu de rechutes.

Prière, fuite de l'oisiveté et des occasions, fréquentation des saints sacrements, dévotion à Marie (une médaille au cou) et à saint Louis ; lecture de bons livres. Mais un grand courage. Omnia possum in eo, qui me confortat 12, dit saint Paul.

Aimons-nous dans le Seigneur, oremus ad invicem, ut salve­mur 13 et que nous puissions faire la sainte volonté de Dieu, et croyez-moi

S. Ambrosi, ora pro nobis 14Votre très affectionné

Gio. Bosco, prêtre



8. UNE ASCÈSE ÉVANGÉLIQUE 15


La Chiave del Paradiso in mano al cattolico che pratica i Doveri di Buon Cristiano, per cura del Sacerdote Bosco Giovanni, 2e éd., Turin, 1857, p. 20-23.


Dieu dit un jour à Moïse : « Souviens-toi bien d'exécuter mes ordres, et fais toutes choses selon le modèle que je t'ai montré sur la montagne. » Dieu dit la même chose aux chrétiens. Le modèle que chaque chrétien doit copier est Jésus-Christ. Nul ne peut se vanter d'appartenir à Jésus-Christ s'il ne s'emploie à l'imiter. Dans la vie et les actions d'un chrétien, on doit donc retrouver la vie et les actions de Jésus-Christ lui-même. Le chrétien doit prier comme Jésus-Christ a prié sur la montagne, c'est-à-dire avec recueillement, humilité et confiance. Le chrétien doit être, comme l'était Jésus-Christ, accessible aux pauvres, aux ignorants et aux enfants. Il ne doit pas être orgueilleux, prétentieux ni arrogant. I1 se fait tout à tous pour les gagner tous à Jésus-Christ.

Le chrétien doit traiter avec son prochain, comme Jésus traitait avec ses disciples : ses entretiens doivent donc être édifiants, charitables, pleins de gravité, de douceur et de simplicité.

Le chrétien doit être humble comme le fut Jésus-Christ, qui lava à genoux les pieds de ses apôtres, même ceux de Judas, alors qu'il savait que ce perfide devait le trahir. Le vrai chrétien se considère comme le plus petit et comme le serviteur de tous.

Le chrétien doit obéir comme obéit Jésus-Christ, qui fut soumis à Marie et à saint joseph, et obéit à son Père céleste jusqu'à la mort et à la mort de la croix. Le vrai chrétien obéit à ses parents, à ses patrons et à ses supérieurs, parce qu'il reconnaît en eux Dieu lui-même, dont ils tiennent la place.

Quand il boit et mange, le vrai chrétien doit être comme Jésus­Christ aux noces de Cana de Galilée et de Béthanie, c'est-à-dire sobre, tempérant, attentif aux besoins d'autrui, et plus préoccupé de la nourriture spirituelle que des aliments dont il nourrit son corps.

Le bon chrétien doit être avec ses amis comme était JésusChrist avec saint Jean et saint Lazare. Il doit les aimer dans le Seigneur et par amour de Dieu. Il leur confie cordialement le secrets de son coeur et, s'ils tombent dans le mal, met en œuvre toute sa sollicitude pour leur faire retrouver l'état de grâce.

Le vrai chrétien doit souffrir avec résignation les privations la pauvreté comme Jésus-Christ les a souffertes, lui qui n'avait même pas où reposer sa tête. Il sait supporter les contradictions et les calomnies, comme Jésus-Christ a supporté celles des scribes et des pharisiens, en laissant à Dieu le soin de le justifier. Il sait supporter les affronts et les outrages, comme fit Jésus-Christ quand on lui donna un soufflet, qu'on lui cracha au visage et qu'on l'insulta de mille manières dans le prétoire.

Le vrai chrétien doit être prêt à endurer les peines de l'esprit comme Jésus-Christ, quand il fut trahi par l'un de ses disciples, renié par un autre et abandonné par tous.

Le bon chrétien doit être disposé à accueillir avec patience toutes les persécutions, les maladies et même la mort, comme le fit Jésus-Christ, qui, la tête couronnée d'épines acérées, le corps strié de meurtrissures, les pieds et les mains transpercés par les clous, remit son âme en paix entre les mains de son Père céleste.

En sorte que le vrai chrétien doit dire avec l'apôtre saint Paul : « Ce n'est plus moi qui vis, mais c'est Jésus-Christ qui vit en moi. » Celui qui suivra Jésus-Christ selon le modèle ici décrit est certain d'être un jour glorifié avec Jésus-Christ dans le ciel et de régner avec lui pour l'éternité.



9. RÈGLEMENT DE VIE POUR UN JEUNE CLERC 16


Epistolario, t. I, p. 150.

Très cher Bongioanni,

Si je le peux, je transmettrai bien volontiers à ta tante la somme dont tu me parles. Mais je ne peux rien dire avant d'être arrivé à la maison et d'avoir soustrait ton débit de ton crédit.

Tu diras à ta tante qu'elle espère dans le Seigneur et qu'il aura soin de nous. Pour toi, applique-toi à l'étude et à la piété ; sois très joyeux ; veille à te faire vite saint ; haec est vo luntas Dei sanctificatio vestra 17, dit saint Paul.

Crois-moi dans le Seigneur, ton très affectionné

S. Bosco Gio., prêtre

S. Ignazio, 29 juillet 1857



10. L'ESPÉRANCE DU CHRETIEN 18


Epistolario, t. I, p. 158.


Très cher Anfossi,

Qui sait ce que devient Anfossi ? Il aura sans doute continué à tenir sa place. Par conséquent perge. Mais rappelle-toi que Dominus promisit coronam vi gilantibus ; que momentaneum est quod delectat, aeternum est quod cruciat ; et que non sunt con­dignae passiones huius temporis ad futuram gloriam quae revela­bitur in nobis 19.

Aime-moi dans le Seigneur et que Marie te bénisse

Trés affectionné Bosco, prêtre

Rome, 18 mars 1858





11. AVIS GÉNÉRAUX AUX FIDELES CHRÉTIENS 20


Porta teco, cristiano, ovvero Avvisi importanti in­torno ai doveri del cristiano, acciocchè ciascuno possa conseguire la propria salvezza nello stato in cui si trova, Turin, 1858, p. 5-7. Pages intitulées : Avis généraux aux fidèles chrétiens.


1. Rappelez-vous, chrétiens, que nous n'avons qu'une âme : si nous la perdons, tout est pour nous éternellement perdu.

2. Il n'y a qu'un seul Dieu, une seule foi, un seul baptême et une seule vraie religion.

3. Cette unique et seule vraie religion est la religion chrétienne, c'est-à-dire celle que professent ceux qui se trouvent dans l'Église de Jésus-Christ, hors de laquelle nul ne peut se sauver.

4. L'Église de Jésus-Christ a ces quatre caractères qui la distin­guent de toutes les sectes qui prétendent s'appeler chrétiennes : l'Église de Jésus-Christ est une, sainte, catholique et apostolique.

5. Le fondateur et chef invisible de l'Église est Jésus-Christ lui-même qui, du ciel, l'assiste tous les jours jusqu'à la fin des siècles.

6. Son chef visible est le pontife de Rome qui, assisté par Jésus-Christ, le remplace sur la terre, raison pour laquelle on le nomme habituellement vicaire de Jésus-Christ.

7. Pour nous assurer que la sainte Église ne tomberait jamais dans l'erreur, Jésus-Christ dit à saint Pierre . « J'ai prié pour toi, Pierre, afin que ta foi ne défaille point. »

8. Les successeurs de saint Pierre sont les souverains pontifes, qui ont gouverné l'un après l'autre l'Église de Jésus-Christ jusqu'à Pie IX [actuellement] régnant et qui la gouverneront jusqu'à la fin du monde.

9. Rappelons-nous bien que le chef de l'Église catholique est le pape, que nul n'est catholique sans le pape et que nul ne peut appartenir à l'Église de Jésus-Christ s'il n'est uni à ce chef qu'il a établi.

10. Un bon catholique doit observer les commandements de Dieu et de l'Église ; la transgression de l'un de ces commande­ments rend l'homme coupable envers chacun d'entre eux.

11. Ceux qui transgressent ces commandements seront punis par un supplice éternel en enfer, où l'on souffre tous les maux sans [jouir d'] aucune sorte de bien.

12. Celui qui tombe en enfer n'en sortira jamais plus !

13. Ceux qui observent les commandements de Dieu et de l'Église seront récompensés par Dieu au paradis, où l'on jouit de tous les biens sans [souffrir] aucune sorte de mal.

14. Si nous avons 1e bonheur d'aller au paradis, nous y res­terons pendant toute l'éternité . la, nous serons heureux pour toujours.

15. Un seul péché mortel suffit à nous faire perdre le paradis et à nous condamner à l'enfer pendant toute l'éternité.

16. Nous devons croire fermement toutes les vérités révélées par Dieu à l'Église et que l'Église propose à notre foi.

17. Celui qui ne croit pas les vérités de la foi est déjà con­damné.

18. Nous devons être prêts à mourir plutôt que de nier la foi ou de commettre un péché mortel de quelque genre que ce soit.

19. Dieu nous veut tous saints, c'est même sa volonté que nous nous fassions tous saints.

20. Il faut que celui qui veut se sauver mette l'éternité dans son esprit, Dieu dans son coeur et le monde sous ses pieds.

21. Chacun est obligé d'accomplir les devoirs de l'état dans lequel il se trouve.








12. LA CHARITÊ ACTIVE ET LA PERFECTION 21


Congregazione di S. Francesco di Sales. Manuscrit (ACS, S. 02.025, p. 5-6).


But de cette congrégation.

1º Le but de cette congrégation est de réunir ses membres, ecclésiastiques, clercs et aussi laïcs, dans l'intention de se perfec­tionner eux-mêmes en imitant les vertus de notre divin sauveur, spécialement par l'exercice de la charité envers les jeunes pauvres.

2° Jésus-Christ a commencé par « faire et enseigner ».De même les associés se perfectionneront d'abord eux-mêmes par la pratique des vertus intérieures et extérieures et par l'acquisition de la science ; ils s'emploieront ensuite au bien du prochain.

3° Leur premier exercice de charité sera de recueillir des jeunes pauvres et abandonnés pour les instruire dans la sainte religion catholique, en particulier les jours fériés, comme cela se fait actuellement dans cette ville de Turin, à l'oratoire Saint­François-de-Sales, à celui de Saint-Louis et à celui du Saint ­Ange-Gardien.

4° On rencontre aussi [des jeunes] tellement abandonnés que, s'ils n'étaient hébergés, tout soin leur serait inutile. On ouvrira donc dans la mesure possible des maisons d'hébergement, où, avec les ressources que fournira la divine Providence, le loge­ment, la nourriture et le vêtement leur seront assurés. En même temps qu'ils seront instruits dans les vérités de la foi, ils seront aussi formés dans un art ou un métier, comme cela se fait actuellement en cette ville, dans la maison annexe de l'oratoire Saint-François-de-Sales.

5° Étant donné les graves périls courus par la jeunesse qui désire entrer dans l'état ecclésiastique, on se préoccupera de cultiver dans la piété et dans leur vocation ceux qui montrent des aptitudes particulières à l'étude et d'éminentes dispositions à la piété. Dans l'acceptation des jeunes pour les études, on préférera les plus pauvres, parce que dépourvus des ressources qui leur permettraient de faire leurs études ailleurs.

6° Le besoin de soutenir la religion catholique se fait aussi gravement sentir aujourd'hui parmi les adultes du petit peuple, surtout dans les villages de campagne. Les associés se prêteront donc aux prédications d'exercices spirituels, à la diffusion de bons livres et à l'utilisation de tous les moyens que la charité leur suggérera, pour endiguer par la parole et par les écrits l'im­piété et l'hérésie, qui cherchent de mille manières à s'insinuer parmi les simples et les ignorants; ce qui se fait présentement par la prédication d'une série d'exercices spirituels de temps à autre et par la publication des Lectures catholiques.


13. LE ZELE POUR LE SALUT DES AMES 22


Vita del giovanetto Savio Domenico, allievo dell'Ora­torio di san Francesco di Sales, per cura del Sacer­dote Bosco Giovanni, Turin, 1859, chap. 11, p. 53-56. La traduction ci-dessous est inspirée par celle établie sur la sixième édition de la biographie, (Le Puy-Lyon, Mappus, 1965).


La première chose qui lui fut conseillée pour se faire saint, fut de travailler à gagner des âmes à Dieu, car il n'y a rien de plus saint au monde que de coopérer au bien des âmes, pour le salut desquelles Jésus-Christ a répandu jusqu'à la dernière goutte de son sang précieux. Dominique reconnut aussitôt l'im­portance de cette consigne, et plusieurs fois on l'entendit dire : « Si je pouvais gagner à Dieu tous mes camarades, comme je serais content ! » En attendant, il ne laissait échapper aucune occasion de donner de bons conseils et de faire des remarques à ceux qui, par leurs paroles ou leurs actions, désobéissaient à la sainte loi de Dieu.

Un jour, il arriva qu'un enfant d'à peu prés neuf ans se mit à se disputer avec un camarade à proximité de la porte de la maison et mêla à sa dispute le nom adorable de Jésus-Christ. Bien qu'il sentît bouillir en lui une juste colère, Dominique, cal­mement, s'interposa entre les deux adversaires et les apaisa. Puis il dit à celui qui avait profané le nom de Dieu : « Viens avec moi, et tu seras content. » Son geste était si aimable que l'enfant se laissa faire. Dominique le prit par la main, le mena à l'église devant l'autel, puis il le fit mettre à genoux près de lui et lui dit : «Demande pardon au Seigneur pour l'offense que tu lui as faite en profanant son nom. » Comme le garçon ne savait pas l'acte de contrition, il le récita avec lui. Et ensuite : « Dis avec moi, pour réparer l'outrage que tu as fait au Christ Jésus : Loué soit Jésus-Christ, béni soit son saint et adorable nom ! »

Il lisait de préférence les vies des saints qui ont spécialement travaillé au salut des âmes. Volontiers il parlait des missionnaires qui se dépensent tellement pour leur bien dans les pays loin­tains. Comme il ne pouvait pas leur envoyer de secours maté­riels, il offrait chaque jour une prière au Seigneur à leur inten­tion, et communiait pour eux au moins une fois par semaine.

Plusieurs fois, je l'ai entendu s'écrier : « Combien d'âmes at­tendent en Angleterre que nous les aidions ! Oh ! Si j'étais plus solide et plus vertueux, je m'en irais bien tout de suite, et, par mes sermons et mon bon exemple, je tâcherais de les gagner toutes au Seigneur. »

Il déplorait souvent en son for intérieur et souvent avec ses camarades le peu de zèle d'un grand nombre pour enseigner aux enfants les vérités de la foi. « Dés que je serai clerc, disait-il, j'irai à Mondonio 23, je rassemblerai tous les enfants sous un hangar et je leur ferai le catéchisme, je leur raconterai des tas d'histoires et je ferai de tous des saints. Combien de pauvres enfants vont peut-être se perdre, faute de quelqu'un pour leur enseigner la foi ! »

Ces paroles, il les confirmait par des actes, car, dans la mesure où son âge et son instruction le lui permettaient, il faisait volontiers le catéchisme à l'église de l'Oratoire et, en cas de besoin, donnait des cours particuliers de catéchisme à n'im­porte quelle heure de la journée et à n'importe quel jour de la semaine. Et cela uniquement pour pouvoir parler de choses spi­rituelles et faire comprendre à ses auditeurs combien il est im­portant de sauver son âme.

Un jour, un camarade sans gêne l'interrompit au milieu d'un esempio en récréation : « Qu'est-ce que cela peut te faire ces choses-là ? » lui dit-il. I1 répondit : « Ce que ça peut me faire ? Ça me fait parce que l'âme de mes camarades a été rachetée par le sang de Jésus-Christ ; ça me fait parce que nous sommes tous frères, et que, par conséquent, nous devons aimer notre âme les uns les autres ; ça me fait parce que Dieu nous demande de nous aider entre nous à nous sauver ; ça me fait parce que, si je réussis à sauver une âme, je mets le salut de la mienne en sûreté. » ,

Cette préoccupation de Dominique pour le bien des âmes ne diminuait pas pendant ses courtes vacances en famille. En plus de son travail, dont il s'acquittait avec une minutieuse exacti­tude, Dominique avait aussi pris en charge deux petits frères, à qui il apprenait à lire, à écrire et à réciter le catéchisme. Il disait avec eux les prières du matin et du soir. Il les menait à l'église, leur présentait l'eau bénite et leur montrait comment on fait un beau signe de croix. Le temps qu'il aurait passé à s'amu­ser de-ci de-là, il l'employait à raconter des esempi à ses parents ou à des camarades qui voulaient l'écouter. Dans son village, il avait gardé l'habitude de la visite quotidienne au très saint sacrement, et il estimait avoir fait une bonne affaire quand il avait décidé un camarade à l'accompagner.

Bref, on peut dire que, mis dans l'occasion de faire une bonne action ou de donner un bon conseil qui tendit au bien de l'âme, Dominique ne la laissait jamais échapper.



14. SAINTETÉ ET JOIE 24


Vita del giovanetto Savio Domenico . . . , Turin, 1859 , chap. 17, p. 85-87. La traduction ci-dessous est inspirée par celle établie sur la traduction de la sixième édition de la biographie (Le Puy-Lyon, Mappus, 1965).

Gavio n'est resté que deux mois chez nous, mais cela lui suffit pour laisser parmi les garçons le souvenir d'un saint camarade.

Sa vive piété et ses grandes aptitudes pour la peinture et la sculpture lui avaient valu de la municipalité de Tortona une subvention destinée à lui permettre de poursuivre des études à Turin en fonction de son art. Il avait été gravement malade chez lui. A son entrée à l'oratoire, sa frêle santé de convalescent, l'éloignement de son pays et de ses parents ou encore la compa­gnie d'enfants tous inconnus, firent que, absorbé par ses réfle­xions, il restait là à regarder jouer les autres. Savio s'en aperçut, s'approcha aussitôt pour le réconforter et entama en propres termes la conversation qui suit.

Savio commença :

- Et alors, mon cher, tu ne connais encore personne, n'est-ce pas ?

- Eh non ! Mais je m'amuse à regarder les autres jouer.

- Comment t'appelles-tu ?

- Camille Gavio, je suis de Tortona.

- Quel âge as-tu ?

- J'ai quinze ans.

- Et d'où te vient cette tristesse sur le visage ? Tu as peut­'te été malade ?

- Oui, j'ai été sérieusement malade : j'ai eu des palpitations, qui ont failli me faire mourir et maintenant je ne suis pas encore bien guéri.

- Tu veux guérir, n'est-ce pas ?

- Pas tellement : je veux faire la volonté de Dieu.

Cette phrase révélait en Gavio un garçon d'une piété pas ordinaire, et le cœur de Savio en éprouva un vrai bonheur. Aussi poursuivit-il en toute confiance :

- Celui qui désire faire la volonté de Dieu désire se sanctifier. Tu veux donc te faire saint?

- Je le veux de tout coeur!

- Bon. Nous allons grossir le chiffre de nos amis. Tu seras des nôtres dans tout ce que nous faisons pour nous faire saints.

- C'est beau ce que tu me dis la. Mais moi, je ne sais pas ce qu'il faut faire.

- Je vais te le dire en deux mots : sache qu'ici, nous faisons consister la sainteté à vivre très joyeux. Nous tâcherons seule­ment de ne pas faire de péchés, c'est un grand ennemi qui nous vole la grâce de Dieu et la paix du coeur. Nous tâcherons de faire minutieusement notre devoir et nos pratiques de piété. Commence dés aujourd'hui à écrire et à t'appliquer cette résolu­tion : Servite Domino in laetitia, servez le Seigneur dans une sainte allégresse.

Ces mots firent l'effet d'un baume sur le chagrin de Gavio, qui s'en trouva tout ragaillardi. Si bien qu'a partir de ce jour, il devint le fidèle ami de Savio et l'imitateur persévérant de ses vertus.



15. LE SACREMENT DE PÉNITENCE 25


Cenno biografico sul giovanetto Magone Michele, allievo dell'Oratorio di S. Francesco di Sales, per cura del Sacerdote Bosco Giovanni, Turin, 1861, chap. 5, p. 24-27. La traduction ci-dessous est ins­pirée par celle établie sur la quatrième édition de la biographie (Saint JEAN BOSCO, Textes pédagogi­ques, Namur, Soleil levant, 1958).


Les inquiétudes et les angoisses du jeune Magone d'une part, et la manière franche et résolue avec laquelle il mit ordre aux affaires de son âme d'autre part, me fournissent l'occasion de vous donner, à vous, mes très chers garçons, quelques conseils qui me semblent devoir être très utiles à vos âmes. Recevez-les en gage de l'affection d'un ami qui désire ardemment votre salut éternel.

En premier lieu, je vous recommande de confesser toujours tous vos péchés, sans vous laisser entraîner par le démon à en taire un seul. Dites-vous que votre confesseur a reçu de Dieu le pouvoir de remettre tous les péchés, quels qu'en fussent la nature et le nombre. Plus graves seront les fautes confessées, plus son coeur se réjouira, car il sait combien plus grande encore est la miséricorde divine qui, par son intermédiaire, vous offre le pardon. Il applique les mérites infinis du sang précieux de Jésus-Christ avec lequel il peut laver toutes les taches de votre âme.

Rappelez-vous, mes garçons, que le confesseur est un père qui désire ardemment vous faire tout le bien possible et qui cherche à éloigner de vous le mal sous toutes ses formes. Ne craignez pas de perdre son estime en accusant des choses graves. Ne craignez pas non plus qu'il les révèle à d'autres. Car le confesseur ne peut, pour rien au monde, utiliser un renseignement appris en confession : quand il devrait y perdre la vie, il ne dit ni ne peut dire à personne la plus petite chose se rapportant à ce qu'il a entendu en confession. Au contraire, je puis vous certifier que, plus vous serez sincères et plus vous aurez confiance en lui, plus de son côté sa confiance en vous augmentera ; et il sera toujours plus en mesure de vous donner les conseils et les avis qui lui sembleront particulièrement nécessaires et adaptés à vos âmes.

J'ai voulu vous dire cela pour que vous ne vous laissiez jamais circonvenir par le démon en taisant par honte un péché en confession. Je vous assure, mes chers garçons, qu'en écrivant ma main tremble à la pensée du grand nombre de chrétiens qui vont à leur perte éternelle, simplement pour avoir caché ou n'avoir pas exposé avec sincérité certains péchés en confes­sion. Si jamais l'un d'entre vous, en repassant sa vie antérieure, venait à y découvrir quelque péché volontairement omis, ou s'il éprouvait ne serait-ce qu'un doute sur la validité d'une confes­sion, je voudrais lui dire immédiatement à celui-là : Mon ami, pour l'amour de Jésus-Christ et par le sang précieux qu'il a versé pour sauver ton âme, je te supplie de mettre ordre à ta conscience la prochaine fois que tu iras te confesser, en révé­lant sincèrement ce qui te tourmenterait si tu étais sur le point de mourir. Si tu ne sais comment t'y prendre, dis seulement au confesseur que quelque chose te tourmente dans ta vie passée. Le confesseur en sait suffisamment : conforme-toi simplement à ce qu'il te dit, et puis, sois assuré que tout sera arrangé.

Allez trouver fréquemment votre confesseur, priez pour lui, suivez ses conseils. Et, quand vous aurez choisi un confesseur qui, selon vous, répond aux besoins de votre âme, n'en changez plus sans nécessité. Tant que vous n'aurez pas de confesseur stable en qui vous ayez pleine confiance, il vous manquera l'ami de votre âme. Confiez-vous aussi aux prières de votre confesseur qui chaque jour pendant la sainte messe prie pour ses pénitents afin que Dieu leur accorde de faire de bonnes confessions et pour qu'ils puissent persévérer dans le bien. Vous-mêmes, priez aussi pour lui.

Vous pourriez toutefois changer sans scrupule de confesseur, si vous ou votre confesseur aviez changé de résidence, et s'il vous était difficile de le retrouver ; ou bien s'il était malade, ou si, à l'occasion d'une fête, ses pénitents étaient très nombreux. De même, si vous aviez sur la conscience une faute que vous n'oseriez pas avouer à votre confesseur habituel, plutôt que de commettre un sacrilège, changez non pas une fois, mais mille fois de confesseur.



16. LA MORT SOUS LE REGARD DE MARIE 26


Cenno biografico sul giovanetto Magone Michele . . . , Turin, 1861, chap. 15, p. 80-84. La traduction ci­dessous est inspirée par celle établie sur la quatrième édition de la biographie (Saint JEAN BOSCO, Textes pédagogiques, Namur, Soleil levant, 1958).


Il y avait une chose qui stupéfiait quiconque le regardait : ses pulsations indiquaient qu'il était à l'extrême limite de la vie, mais sa sérénité, son entrain, son rire et sa lucidité étaient d'un être en parfaite santé. Non qu'il ne souffrît pas, car l'oppression respiratoire produite par la rupture d'un organe entraîne une angoisse et une souffrance généralisées au moral et au physique. Mais notre Michele avait demandé plusieurs fois à Dieu de lui faire accomplir ici-bas son purgatoire, afin d'aller au paradis sitôt après sa mort. C'était cette pensée qui lui permettait de tout endurer avec joie. Bien plus, ce mal qui est ordinairement cause de détresse et d'angoisse, produisait en lui joie et bonheur. Enfin, par une grâce spéciale de Notre Seigneur Jésus-Christ, non seulement il paraissait insensible à la douleur, mais il sem­blait éprouver une grande consolation dans ses souffrances elles­mêmes. Il n'était pas nécessaire de lui suggérer des sentiments religieux, car il récitait de lui-même de temps en temps d'émou­vantes « oraisons jaculatoires ».

Il était dix heures trois quarts quand il m'appela par mon nom et me dit :

- Nous y sommes, aidez-moi.

- Sois tranquille, lui répondis-je, je ne t'abandonnerai pas tant que tu ne seras pas avec le Seigneur en paradis. Mais puis­que tu m'affirmes être sur le point de quitter ce mande, ne veux-tu pas au moins dire un dernier adieu à ta maman ?

- Non, répondit-il, je ne veux pas lui causer un si grand chagrin.

- Tu ne me laisses pas au moins une commission pour elle ?

- Oui, dites à maman qu'elle me pardonne les peines que je lui ai faites dans ma vie. Moi, je m'en suis repenti. Dites-lui que je l'aime, qu'elle ait le courage de continuer à faire son devoir, que je meurs volontiers, que je pars de ce monde avec Jésus et Marie et que je vais l'attendre au paradis.

Ces paroles arrachèrent des sanglots à tous les assistants. Mais je me repris et, pour occuper ces ultimes instants par de bonnes pensées, je lui posai de temps à autre diverses questions.

- Que dois-je dire de ta part à tes camarades ?

- Qu'ils veillent à toujours faire de bonnes confessions.

- En ce moment, de tout ce que tu as fait dans ta vie, qu'est­ce qui te procure la plus grande consolation ?

- Ce qui me console plus que tout en ce moment, c'est bien le peu que j'ai fait en l'honneur de Marie. Oui, c'est là ma plus grande consolation. O Marie, Marie, combien vos fidèles sont heureux à l'heure de la mort ! Mais, reprit-il, il y a une chose qui me gêne : quand mon âme sera séparée de mon corps et que je serai sur le point d'entrer en paradis, qu'est-ce que je devrai dire ? A qui devrai-je m'adresser ?

- Si Marie veut t'accompagner elle-même au jugement, laisse ­lui le souci de ta personne. Mais, avant de te laisser partir au paradis, je voudrais te charger d'une commission.

- Dites toujours, je ferai ce que je pourrai pour vous obéir.

- Quand tu seras au paradis et que tu verras la sainte Vierge Marie, salue-la humblement et respectueusement de ma part et de la part de ceux qui sont dans cette maison. Prie-la de nous donner sa sainte bénédiction, qu'elle nous reçoive tous sous sa puissante protection et qu'elle nous aide en sorte que pas un de ceux qui sont ou que la divine Providence enverra dans cette maison, ne vienne à se perdre.

- Je ferai volontiers cette commission. Et encore ?

- Pour l'instant, rien d'autre, repose-toi un peu.

Il semblait en effet vouloir dormir.

Mais, bien qu'il gardât son calme habituel et l'usage de la parole, ses pulsations annonçaient sa mort imminente. On commença donc la récitation du Proficiscere. Au milieu de la lec­ture, comme s'il sortait d'un profond sommeil, le visage aussi serein qu'a l'ordinaire et le sourire sur les lèvres, il me dit :

- Dans quelques instants, je ferai votre commission. Je tâche­rai de la bien faire. Dites à mes camarades que je les attends tous au paradis.

Ensuite il serra le crucifix entre ses mains, le baisa trois fois et prononça ses dernières paroles . « Jésus, Marie, joseph, je remets mon âme entre vos mains. » Puis il plissa les lèvres comme s'il voulait sourire et, paisiblement, expira.

Cette âme bienheureuse quittait le monde pour s'envoler, comme nous l'espérons fermement, dans le sein de Dieu, le 21 janvier 1859, à onze heures du soir. Michele n'avait pas qua­torze ans. Il ne fit aucune espèce d'agonie et ne manifesta aucune agitation, peine ou angoisse, ni aucune des douleurs que l'on ressent habituellement dans la terrible séparation de l'âme et du corps. Je ne saurais autrement dénommer la mort de Magone qu'un joyeux sommeil enlevant son âme depuis les peines de cette vie dans la bienheureuse éternité.



17. CONSEILS GÉNÉRAUX DE VIE CHRÉTIENNE 27


Cenni storici intorno alla vita della B. Caterina De ­Mattei da Racconigi, dell'Ord. delle pen. di s. Dom., per cura del Sacerdote Bosco Giovanni, Turin, 1862, Conclusion, p. 186-187.


Maintenant que nous avons brièvement parcouru les glorieuses actions de la bienheureuse Catherine, je voudrais, cher lecteur, que nous fassions ensemble quelques considérations pour le commun avantage de nos âmes.

La vie de l'homme est courte ; nos jours passent comme une ombre, comme une onde, comme un éclair, toutes choses qui ne reviennent plus. De grâce, ne perdons pas inutilement ces jours que Dieu nous donne pour gagner les biens éternels. Imitons la bienheureuse Catherine, faisons le bien tant qu'il en est temps. Détachons notre coeur des plaisirs de cette terre, élevons notre esprit vers cette patrie céleste, où nous jouirons des vrais biens. Beaucoup d'ennemis nous tendent des embûches et cherchent à nous mener à l'abîme. Nous devons les combattre avec courage. Mais que notre bouclier soit, comme dit saint Paul, une foi vive, une foi agissante qui nous fasse abandonner le mal et aimer la vertu. Que nos armes soient la prière fervente, les bonnes oeuvres, la communion fréquente et une tendre dévotion envers Marie. Ah oui, si nous usons de ces armes, si nous nous conser­vons vrais fils de Marie, vivons assurés de remporter une vic­toire complète contre les ennemis de notre âme. Mais ne tardons pas à nous mettre sur le chemin de la vertu. Dés maintenant, donnons-nous du fond du coeur et donnons-nous entièrement à Dieu, comme le fit la bienheureuse Catherine. De la sorte, nous pourrons nous aussi espérer la grâce du Seigneur et la paix du coeur pendant notre vie mortelle et à l'heure de notre mort, cette grâce et cette paix que peut seul attendre celui qui a vécu en faisant le bien, ce bien qui nous mérite les faveurs du ciel pendant le cours de notre vie, nous console dans la mort et nous offre des gages non douteux d'une bienheureuse éternité.



18. LETTRE DE DIRECTION

A UN JEUNE SALÉSIEN UN PEU ÉVAPORÉ 28


Epistolario, t. I, p. 276. Date complétée par E. Ceria.

Très cher Garino,

Ta dernière lettre a frappé juste. Fais comme tu as écrit et tu verras que nous serons contents l'un et l'autre. Mais comme je te l'ai déjà dit une autre fois, j'ai besoin d'une confiance illimitée de ta part, que tu m'accorderas certainement, si tu penses aux sollicitudes que j'ai eues et que j'aurai toujours plus à l'avenir pour tout ce qui peut contribuer au bien de ton âme et aussi à ton bien-être temporel.

Souviens-toi cependant de ces trois conseils : fuite de l'oisi­veté, fuite des compagnons dissipés et fréquentation des compa­gnons adonnés à la piété. Cela est tout pour toi.

Prie pour moi, qui serai toujours ton

Très affectionné en J.-C. Bosco Gio. prêtre

S. Ignazio [20 juillet] 1863


.

19. LE COURAGE CHRÉTIEN 29


Il Pastorello delle Alpi, ovvero Vita del giovane Besucco d'Argentera, pel Sacerdote Bosco Giovanni, Turin, 1864, chap. 24., p. 179-181.


Je mets ici un terme à la vie de Francesco Besucco. J'aurais encore plusieurs choses à rapporter sur ce vertueux jeune garçon. Mais, comme elles pourraient engendrer des critiques chez ceux qui refusent de reconnaître les merveilles du Seigneur dans ses serviteurs, je me réserve de les publier en un temps plus oppor­tun, si la bonté de Dieu me concède la grâce et la vie.

En attendant, lecteur bien-aimé, quoi qu'il en soit de cet écrit, je voudrais, avant de le terminer, que nous en tirions ensemble une conclusion, qui soit à mon avantage et au tien. Il est certain que la mort viendra tôt ou tard pour nous deux, et elle est peut-être plus rapprochée que nous ne pouvons l'imaginer. Il est également certain que, si nous n'accomplissons pas de bonnes oeuvres au cours de notre vie, nous ne pourrons en recueillir les fruits à l'heure de notre mort ni en attendre de Dieu une récom­pense. La divine Providence nous donne du temps pour nous préparer à ce dernier moment, occupons-le. Occupons-le par de bonnes œuvres, et il est sûr que nous recueillerons en leur temps les fruits, qu'elles nous auront mérités. I1 est vrai qu'on ne manquera pas de nous tourner en ridicule, parce que nous ne nous montrons pas affranchis en matière religieuse. Ne nous occupons pas de celui qui parle de la sorte. I1 se trompe et se trahit lui-même, avec celui qui l'écoute. Si nous voulons paraître sages devant Dieu, nous ne devons pas craindre de paraître fous en face du monde, parce que Jésus-Christ nous assure que la sagesse du monde est sottise près de Dieu. Seule, la pratique constante de la religion peut nous rendre heureux dans le temps et dans l'éternité. Celui qui ne travaille pas en été n'a pas le droit de jouir en saison d'hiver, et celui qui ne pratique pas la vertu durant sa vie ne peut attendre de récompense après sa mort.

De l'énergie, lecteur chrétien, de l'énergie pour faire de bonnes oeuvres tandis qu'il en est encore temps. Les souffrances sont brèves et la jouissance dure éternellement. Pour moi, j'invoquerai sur toi les divines bénédictions. Quant à toi, prie aussi le Seigneur Dieu d'user de miséricorde envers mon âme, afin qu'après avoir parlé de la vertu, de la manière de la pratiquer et de 'a grande récompense que Dieu lui tient préparée dans l'autre vie, je ne succombe pas au terrible malheur de n'en faire plus cas. pour l'irréparable dommage de mon salut.

Que le Seigneur nous aide, toi et moi, à persévérer dans l'ob-servance de ses commandements au long de notre vie, pour qu'un jour nous puissions aller jouir de ce grand bien, de ce bien supreme pour les siècles des siècles. Ainsi soit-il.



20. L'HUMANITÉ DE DON BOSCO 30


Epistolario, t. I, p. 317.


Mon cher Bonetti,

Dés que tu auras reçu cette lettre, tu iras trouver Don Rua et tu lui diras sans détour qu'il te mette en joie. Pour toi, ne parle plus de bréviaire Jusqu'à Pâques : c'est-à-dire qu'il t'est défendu de le réciter. Dis ta messe lentement pour ne pas te fatiguer. Tous les jeûnes et toutes les mortifications dans la nourriture te sont interdites. Bref, le Seigneur te prépare du travail, mais il ne veut pas que tu le commences avant d'être en parfait état de santé et d'être, en particulier, débarrassé des accès de toux. Fais cela et tu feras ce qui plaît au Seigneur.

Tu peux tout compenser par des oraisons jaculatoires, par l'offrande de tes ennuis au Seigneur et par ton bon exemple. J'oubliais une chose. Mets un matelas sur ton lit, arrange-le comme on le ferait pour un paresseux de première classe, protège­toi bien au lit et hors du lit. Amen.

Que Dieu te bénisse.

Ton très affectionné en J.-C.

J.-Bosco Gio. prêtre

Turin, 1864.


21. L'ADMIRABLE CHARITÉ APOSTOLIQUE

DE SAINT PHILIPPE NÉRI 31


Extrait d'un panégyrique de saint Philippe Néri, écrit entièrement par Don Bosco pour être prononcé à Alba, devant un auditoire d'ecclésiastiques à la fin de mai 1868 (ACS, S. 132, Prediche, F). Voir G. B. LEMOYNE, Memorie biografiche, t. IX, p. 215-217.

[...] Pour venir au sujet proposé, écoutez une curieuse his­toire : celle d'un jeune garçon d'à peine vingt ans, qui, par le désir de la gloire de Dieu, abandonne ses propres parents, dont il était le fils unique, renonce à la fortune somptueuse de son père et d'un oncle riche qui veut faire de lui son héritier, et, seul, à l'insu de tous, sans aucune ressource, appuyé sur la seule divine Providence, quitte Florence et va à Rome. Voyez-le main­tenant : il est charitablement accueilli par un compatriote, il s'arrête dans un coin de la cour de la maison et se tient là, le regard tourné vers la cité et absorbé dans de graves pensées. Approchons-nous et interrogeons-le.

- Jeune homme, qui êtes-vous et que contemplez-vous avec tant d'inquiétude ?

- Je suis un pauvre jeune étranger, je regarde cette grande ville et une pensée me remplit l'esprit, mais je crains qu'elle ne soit une folie et une témérité.

- La quelle ?

- Me consacrer au bien de tant de pauvres âmes, de tant de pauvres enfants qui, faute d'instruction religieuse, cheminent sur la route de la perdition.

- Avez-vous la science ?

- J'ai tout juste suivi des cours primaires.

- Avez-vous des ressources matérielles ?

- Aucune : je n'ai pas un morceau de pain, hormis celui que mon logeur me donne chaque jour par charité.

- Avez-vous des églises, avez-vous des maisons ?

- Je n'ai qu'une chambre étroite et basse, dont l'usage m'est concédé par charité. Mes garde-robes se réduisent à une simple corde entre un mur et un autre, sur laquelle je dispose mes habits et tout mon linge.

- Mais comment donc voulez-vous, sans nom, sans savoir, sans ressources et sans logis, entreprendre une tâche aussi gigan­tesque ?

- C'est vrai : c'est bien l'absence de ressources et de mérites qui me rend pensif. Mais Dieu qui m'en inspire le courage, Dieu qui, des pierres, suscite des fils à Abraham, ce Dieu est celui que...

Ce pauvre jeune homme, Messieurs, c'est Philippe Neri, qui médite la réforme des moeurs de Rome. Il contemple cette cité, mais, hélas, comment la voit-il ? Il la voit esclave de l'étranger depuis de nombreuses années, il la voit horriblement affligée par les pestes, par la misère, il la voit après un siège de trois mois, combattue, saccagée et, si l'on peut dire, détruite.

Cette cité doit être le champ où le jeune Philippe recueillera des fruits extrêmement abondants. Voyons comment il se met à l'œuvre. Avec l'aide de la seule divine Providence, il reprend le cours de ses études, il fait sa philosophie et sa théologie et, suivant le conseil de son directeur, se consacre à Dieu dans l'état sacerdotal. Avec l'ordination, son zèle pour la gloire de Dieu redouble. Devenu prêtre, Philippe se persuade avec saint Am­broise que : la foi s'acquiert par le zèle et que, par le zèle, l'homme est conduit à la possession de la justice. Zelo fides acquiritur, zelo iustitia possidetur (S. Ambroise, Sur le psaume 118). Philippe est persuadé que nul sacrifice n'est aussi agréable à Dieu que le zèle pour le salut des âmes. Nullum Deo gratius sacri f icium o f f erri potest quam zelus animarum (Grégoire le Grand, Sur Ezéchiel). Mû par ces pensées, il lui semblait que des foules de chrétiens, en particulier de pauvres enfants, criaient sans arrêt avec le prophète contre lui : Parvuli petierunt panem et non erat qui f rangeret eis. Mais, quand il put fréquenter les ateliers publics, pénétrer dans les hôpitaux et les prisons et qu'il vit des gens de tout âge et de toute condition se livrer aux rixes, aux blasphèmes et aux vols, et vivre esclaves du péché, quand il eut commencé de se dire que beaucoup outrageaient Dieu, leur créateur, sans presque le connaître, qu'ils n'observaient pas la loi divine parce qu'ils l'ignoraient, alors les plaintes d'Osée lui revinrent à l'esprit : Parce que le peuple ne connaît pas les choses du salut éternel, les crimes les plus grands et les plus abominables ont inondé la terre (4, 1-2). Mais combien son coeur innocent ne fut-il pas attristé, quand il s'aperçut qu'une grande partie de ces pauvres âmes se perdaient misérablement, parce qu'elles n'étaient pas instruites dans les vérités de la foi ! Ce peuple, s'écriait-il avec Isaïe, n'a pas eu l'intelligence des choses du salut, c'est pourquoi l'enfer a dilaté son sein, il a ouvert ses immenses abîmes et leurs héros, le peuple, les grands et les puissants y tomberont : Populus meus non habuit scientiam, propterea... infernus aperuit os suum absque ullo termino, et descendent fortes eius, et populus eius, et sublimes, gloriosique eius ad eum (Isaïe, 5, 12-14).

A la vue de ces maux toujours croissants, Philippe, selon l'exemple du divin rédempteur qui, au début de sa prédication, ne possédait rien au monde que le grand feu de divine charité, qui le poussa à venir du ciel sur la terre ; selon l'exemple des apôtres, qui étaient dénués de toute ressource humaine, quand ils furent envoyés prêcher l'évangile aux nations de la terre, toutes misérablement enfoncées dans l'idolâtrie, dans tous les vices et, d'après la phrase de la Bible, ensevelies dans les ténèbres de la mort, Philippe se fait tout à tous dans les rues, sur les places, dans les ateliers ; il pénètre dans les établissements publics et privés, et, avec ces procédés agréables, doux, amènes, que la véritable charité inspire envers le prochain, il commence à parler de vertu et de religion à celui qui ne voulait rien savoir ni de l'une ni de l'autre. Imaginez les propos que se répandaient sur son compte ! Qui le dit stupide, qui le dit ignorant. D'autres le traitent d'ivrogne, et il y en eut pour le proclamer fou.

Le courageux Philippe laisse chacun dire ce qu'il pense. Le blâme du monde l'assure même que ses oeuvres servent la gloire de Dieu, car la sagesse selon le monde est sottise auprès de Dieu. Il poursuivait donc avec intrépidité sa sainte entreprise [...]



22. LES VERTUS DU PRÊTRE


Notes schématiques, prises par un auditeur de Don Bosco en septembre 1868, au cours d'exercices spiri­tuels prêchés à Trofarello, et éditées par G. B. LEMOYNE (Memorie biografiche, t. IX, p. 343-344).


Je vous dirai aujourd'hui ce que nous devons pratiquer comme prêtres ou comme aspirants au sacerdoce, je vous dirai ce qu'est le prêtre et ce qu'il doit être.

Le sacerdoce est la plus haute dignité à laquelle un homme puisse être élevé. C'est à lui, non pas aux anges qu'a été donnée la puissance de changer le pain et le vin dans la substance du corps et du sang de Notre Seigneur Jésus-Christ ; c'est à lui, non pas aux anges [qu'a été donné] le pouvoir de remettre les péchés.

I1 est ministre du Dieu trois fois saint ...

Quelle doit donc être la sainteté d'un prêtre ou d'un aspirant à l'état sacerdotal ? Ce doit être celle d'un ange ou d'un homme tout à fait céleste : il doit posséder toutes les vertus requises par cet état, et spécialement une grande charité, une grande humilité et une grande chasteté.

Le prêtre est la lumière du monde et le sel de la terre. Les lèvres du prêtre doivent garder la science, et son souci majeur doit être de s'occuper des études sacrées.

Pour nous, examinons si nous avons toutes les vertus néces­saires pour devenir de bons prêtres et, si nous ne les avons pas encore, pour le moins décidons-nous courageusement à les acqué­rir et à les pratiquer.

Retranchons en même temps de nos intentions tout intérêt et toute orientation non conformes à la volonté de Dieu, car c'est le Seigneur qui doit nous choisir : Non vos me elegistis, sed ego elegi vos 32.

Le prêtre doit avoir une foi et une charité ardentes. Il arrive malheureusement parfois qu'elles ne se trouvent pas en tel clerc, pour ne pas dire en tel prêtre. Elle se trouvent au contraire très vivantes en tel paysan, en tel balayeur et en tel domestique. Elles se trouvent dans un disciple, et le maître qui les enseigne et qui devrait les posséder à un degré bien plus élevé en est parfois presque démuni.

Oh ! le bon exemple ! Souvenons-nous que le prêtre ne va jamais seul en enfer ni au paradis, mais toujours accompagné.



23. LES EXERCICES QUOTIDIENS DE PIÉTÉ 33


Notes d'auditeur prises au cours des mêmes exercices spirituels de Trofarello, le 26 septembre 1868, et éditées dans G. B. LEMOYNE, Memorie biografiche, t. IX, p. 355-356.


J'aurais voulu ces jours-ci vous parler également des pratiques de piété de notre maison, mais je vois que le temps nous a manqué. Il y a eu beaucoup à dire sur les voeux et la vie religieuse. Je vous dirai cependant certaines choses. Les pratiques quotidiennes sont la méditation, la lecture spirituelle, la visite au très saint sacrement et l'examen de conscience.

La méditation est l'oraison mentale. Nostra conversatio in coelis est 34, dit saint Paul. On pourrait la faire de la manière suivante. Choisir le sujet que l'on veut méditer, en se mettant d'abord en présence de Dieu. Réfléchir ensuite attentivement à ce que nous méditons et nous appliquer ce qui nous convient. Passer à la conclusion en décidant d'abandonner certains défauts et de nous exercer à certaines vertus, pour ensuite mettre en pra­tique au long du jour ce que nous avons résolu le matin. Nous de­vons aussi nous exciter à des élans (affettii) d'amour, de reconnais­sance et d'humilité envers Dieu ; lui demander toutes les grâces dont nous avons besoin et lui demander avec des larmes le pardon de nos péchés. Rappelons-nous toujours que Dieu est père et que nous sommes ses fils ... Je vous recommande donc l'oraison mentale.

Celui qui ne pourrait pas faire de méditation méthodique, à cause de voyages, d'emploi ou d'affaires qui ne souffrent pas d'être différées, fera au moins la méditation que j'appelle des marchands. Ils pensent toujours à leurs négoces, en quelque lieu qu'ils se trouvent. Ils pensent à l'achat des marchandises, à leur revente avec profit, aux pertes qu'ils pourraient faire, à celles qu'ils ont faites et aux moyens de les résorber, aux gains réalisés et à ceux plus importants qu'ils pourraient réussir, et ainsi de suite ... Une telle méditation est aussi un examen de conscience. Le soir, avant de nous coucher, examinons si nous avons mis en pratique les résolutions que nous avons prises sur tel défaut déterminé : si nous sommes en profit ou si nous sommes en perte. Que ce soit une manière de bilan spirituel. Si nous constatons avoir manqué aux résolutions, reprenons-les pour le lendemain, jusqu'à ce que nous soyons parvenus à acquérir cette vertu et à extirper ou à fuir ce vice ou ce défaut.

Je vous recommande aussi la visite au très saint sacrement. « Le très doux Seigneur Jésus-Christ est là en personne », s'écriait le curé d'Ars. Qu'on aille au pied du tabernacle simplement pour dire un Pater, un Ave et un Gloria, quand on ne peut pas faire plus. Cela suffit à nous rendre forts contre les tentations. Celui qui a la foi, qui visite Jésus au saint sacrement, qui fait sa médi­tation tous les jours, à condition qu'il n'ait pas une fin humaine 35, ah, je le dis, il est impossible qu'il péché.

Je recommande aussi la lecture spirituelle, surtout à celui qui ne serait pas capable de méditer sans livre. Pour cela, lire un passage, réfléchir à ce qui a été lu, pour savoir ce que nous devons corriger dans notre conduite. Cela servira aussi à accroître tou­jours plus notre amour du Seigneur et à reprendre souffle pour sauver notre âme.

Celui qui le peut fera la lecture et la visite en commun, celui qui ne le peut pas les fera en privé. On peut aussi faire sa médi­tation dans sa chambre.

Rappelez-vous que chacun est aussi tenu par les réglés à réciter chaque jour son chapelet. Quelle grande reconnaissance nous devons manifester envers Marie et que de grâces elle nous tient préparées !

Confessez-vous tous les huit jours, même quand vous n'avez rien de grave sur la conscience. C'est un acte d'humilité des plus agréables au Seigneur, soit parce que nous y renouvelons notre contrition pour des péchés déjà pardonnés, soit parce que nous reconnaissons notre propre indignité à travers les défauts, même légers, dans lesquels on tombe chaque jour (...)



24. ÉTRENNE SPIRITUELLE (1868) 36


Epistolario, t. I, p. 600-601.


Très cher Don Bonetti,

Merci pour tes bons voeux de nouvel an. Ils me servent merveil­leusement à éteindre le passif de la maison. Merci également à Don Provera 37.

Passons maintenant à l'étrenne.

Toi et Don Provera, dites-vous toujours vos défauts sans jamais vous offenser.

Pour la société : Faites des économies de voyages, et, autant que possible, qu'on n'aille pas chez soi. Rodriguez a d'admirables développements sur ce sujet.

Aux garçons : Qu'ils favorisent en actes et en paroles la com­munion fréquente et la dévotion à la très sainte Vierge.

Trois sujets pour le prédicateur : 1° Éviter les mauvais discours et les mauvaises lectures. 2° Éviter les camarades dissipés ou qui donnent de mauvais conseils. 3° Fuite de l'oisiveté, et pratique de tout ce qui peut contribuer à la conservation de la sainte vertu de modestie.

Quant à toi, vois tout ; parle avec tous ; la bonté du Seigneur fera le reste.

Toute sorte de bien pour toi et pour toute la famille de Mirabello. Amen.

Très affectionné en J.-C.

G. Bosco prêtre

Turin, 3o décembre 1868

PS. - Que le directeur des études encourage la souscription à la Bibliothèque Italienne 38.



25. RICHESSES ET DÉTACHEMENT 39


Angelina, o l'Orfanella degli Apennini, pel Sacerdote Giovanni Bosco, Turin, 1869, chap. 8 et 9, p. 41-48.


... Ma tristesse s'accrut par le gaspillage d'argent que l'on faisait en choses inutiles et parfois dangereuses. Quarante per­sonnes au service de quatre autres : moi, mes parents et un frère. Deux carrosses chacun, un pour l'été, un autre pour l'hiver, avec le nombre correspondant de chevaux et de cochers; deux con­cierges, deux portiers, deux majordomes, deux maîtres d'étiquette ou, comme on dit, deux maîtres de cérémonies. Le restant était occupé dans les divers emplois domestiques. Tant de personnes de service, alors que la dixième partie aurait suffi en tout et pour tout. Sur les sièges, sur les pavements, sur les lits, sur la table, de l'or et de l'argent à profusion. Non pas que mon père fût dénué de religion, car il traitait bien les religieux et les prêtres chaque fois qu'il en avait l'occasion, et il se réjouissait au contraire quand il pouvait avoir à sa table un illustre personnage : un chanoine, un prévôt ou un prélat. Mais c'était à des fins humaines, pour faire parler de lui et être loué.

Si on lui demandait la charité, la plupart du temps il s'écriait qu'il avait de multiples dépenses, de nombreux impôts, une diminution d'entrées, etc. On trouvait cependant des sommes énormes pour donner des soirées à ses amis, pour entreprendre des voyages longs et dispendieux, pour renouveler et moderniser chaque année le mobilier de la maison ; sans parler des change­ments continuels, des ventes et des achats, de carrosses et de chevaux, avec les frais immenses qui en résultaient.

Dans les aumônes elles-mêmes, je ne voyais certainement pas ce que dit l'évangile : que ta main gauche ignore ce que fait ta main droite. Tout au contraire. Si [l'obligé] ne faisait pas de profondes révérences, des remerciements publics et répétés, ou si, de quelque manière, il ne donnait pas de publicité à l'offrande, celle-ci était généralement la dernière. Il n'était plus possible d'obtenir un centime, sous le spécieux prétexte qu'un tel était un ingrat, mais, au vrai, parce qu'il n'avait pas sonné de la trompe aux quatre vents. J'avais l'impression de pouvoir dire avec le Seigneur : Ils ont déjà reçu leur salaire.

J'ai demandé un jour à mon père comment il entendait les mots de l'évangile : Donnez votre superflu aux pauvres. Il me répondit que c'était un conseil, mais pas un précepte. « Il me semble, ajoutai-je, que le mot : donnez, est à l'impératif et qu'il s'agit donc d'un véritable précepte et non pas d'un conseil ». I1 ne me fit aucune réponse. Une autre fois, je lui demandai com­ment il entendait ces autres paroles de l'évangile : Malheur aux riches ; un gros câble passe plus facilement par le chas d'une aiguille qu'un riche ne se sauve. « Ces choses-la, me dit-il, il faut les étudier et les connaître, mais ne pas trop s'y arrêter, autre­ment elles font perdre la paix du cceur et elles finiraient même par rendre fou celui qui y réfléchirait trop. »

Cette réponse fut comme une étincelle au sein de mon désarroi. Si c'est une vérité, disais-je, pourquoi ne pas la méditer toujours ? Pourquoi le monde l'a-t-il oubliée ? Ce malheur aux riches veut peut-être dire qu'ils doivent se perdre tous ? Comme il faut un grand miracle pour qu'un gros câble passe par le trou d'une aiguille, un miracle du même genre est peut-être aussi nécessaire pour qu'un riche soit sauvé ? S'il est à ce point difficile qu'un riche se sauve, ne vaut-il pas mieux mettre en pratique le conseil du Seigneur : Vendez ce que vous possédez et donnez-le aux pauvres ? Mon père dit que de penser sérieusement à ces choses pourrait faire devenir fou. Mais, si la simple pensée produit cet effet terrible, qu'en sera-t-il de celui qui aura le malheur d'éprou­ver les conséquences de la menace du Sauveur, c'est-à-dire sa perte éternelle ?

Bouleversée à la pensée des difficultés qu'un riche éprouve pour pouvoir se sauver, je me suis rendue chez un vénérable ecclésiastique afin d'avoir un enseignement et du réconfort. Cet homme de Dieu me répondit que ces paroles doivent être inter­prétées dans leur véritable sens. Le Sauveur veut signifier, disait­il, que les richesses sont de vraies épines et la source désastreuse de périls sur la route du salut, à cause du grand abus qu'on en fait le plus souvent : dépenses inutiles, voyages inopportuns, in­tempérances, bals, jeux, oppression des faibles, fraudes sur le salaire des ouvriers. La satisfaction d'indignes passions, des procès injustes, la haine, la fureur et les vengeances, voilà les fruits que beaucoup retirent de leurs richesses. Les biens temporels sont pour eux un grand risque de perversion spirituelle, et c'est à leur propos que le sauveur a dit : Malheur aux riches ; un gros câble passe plus facilement par le chas d'une aiguille qu'un riche ne se sauve.

Mais ceux qui font un bon usage de leurs richesses, qui s'en servent pour vêtir ceux qui sont nus, pour donner à manger aux pauvres affamés, pour donner à boire aux assoiffés et pour loger les pèlerins ; ceux qui, sans vaine gloire et sans ambition, donnent leur superflu aux pauvres, ceux-là, dis-je, ont un moyen de salut dans leurs biens temporels et savent changer leurs richesses, qui sont de vraies épines, en fleurs pour l'éternité. Croyez-le : quand Dieu donne à un homme des biens temporels, il lui fait une grâce, mais la grâce est de beaucoup plus grande, quand il lui inspire la force d'en faire un bon usage.

« En attendant, conclut ce directeur, ne vous tourmentez pas pour les richesses que vous avez, puisque, avec elles, vous pouvez faire beaucoup d'oeuvres bonnes et acquérir un grand mérite pour l'autre vie. Tâchez seulement d'en faire bon usage.

« Je vous recommande pourtant deux choses très importantes. La première de ne pas tellement lésiner dans le calcul de votre superflu. Certains pensent qu'après avoir donné en aumône un dixième ou un vingtième, ils peuvent user du reste à leur guise. Ce n'est pas cela. Dieu a dit de donner le superflu aux pauvres, sans préciser ni dixième ni vingtième. Nous devons par consé­quent ne garder pour nous que le nécessaire aptes avoir donné le reste aux pauvres.

« Je vous recommande en second lieu de ne jamais oublier que nous n'emporterons aucun bien temporel avec nous dans le tombeau, et que, par conséquent, bon gré mal gré, par amour ou par nécessité, vivants ou morts, nous devons tout abandonner. I1 est donc préférable de nous détacher des choses terrestres volon­tairement et de façon méritoire pour en faire bon usage durant notre vie, que de les abandonner ensuite de force et sans mérite à l'heure de notre mort. »

Cette réponse simple et claire, au lieu de me tranquilliser, accrut encore mes angoisses. Je me suis ancrée dans la certitude que les richesses sont un grand péril de perversion et qu'il est très difficile d'en faire bon usage 40...



26. LES BIENFAITS DE LA VIE RELIGIEUSE 41


Notes de deux conférences aux salésiens, écrites par Don Bosco lui-même (ACS, S. 132.126) pour les exercices spirituels de Trofarello, en septembre 1869 (sans préjuger d'additions autographes postérieures, que notre traduction n'a pas séparées du schéma primitif). Éditées dans G. B. LEMOYNE, Memorie biografiche, t. IX, p. 986-987.


Le chrétien : sa création dans la religion catholique, éducation, instruction, moyens de salut.

Entrée dans le monde plein de périls. - Plus grande sécurité en religion. - Exemple du voyage en bateau ou en barquette, en carrosse ou à pied, du séjour dans une forteresse ou en plein champ.

Signes de vocation : propension - si la vie est meilleure que celle passée dans le siècle. - Être déjà reçus en communauté. Manete in vocatione 42 , etc.

Histoire du négociant qui travaille dans l'espérance du gain.

En congrégation, Homo vivit purius - cadit rarius - surgit velocius - incedit cautius - irroratur frequentius - quiescit securius - moritur confidentius - purgatur citius - remuneratur copiosius (S. Bernard, De bono Relig.) 43.

Vivit purius. Parce que délivré des sollicitudes du siècle (bon gré mal gré, dans le siècle il faut penser aux choses temporelles). La pureté d'intention consiste à faire ce qui plait le plus à Dieu, et nous nous en assurons par l'obéissance. Dans le siècle, on fait le bien que l'on veut, quand on le veut. Le religieux ne fait jamais sa volonté propre, mais toujours celle du Seigneur, grâce à l'obéis­sance. La volonté propre gâte les oeuvres : Quare jejunavimus et non aspexisti ; humiliavimus animas nostras et nescisti ? Parce que ecce in die jejunü vestri invenitur voluntas vestra 44, Isaïe, 58, 3. - Exemples divers.

Cadit rarius. Plus on est éloigné des périls, plus on est assuré de n'y pas tomber. Le monde est plein de périls. Quidquid in mundo est, concupiscentia carnis est (plaisirs des sens), concupis­centia oculorum (richesses), superbia vitae (vaine gloire) 45. Saint Antoine vit le monde couvert de pièges. - Celui qui vit en congrégation vit hors de ces périls et se sépare de tout par les trois voeux ; par conséquent il tombera difficilement. Il a en outre, pour le soutenir en religion, d'immenses secours, qui man­quent dans le siècle.

Surgit velocius. - Règles, avis, lectures, méditations. Exemples d'autrui. - Vae soli quia, cum ceciderit, non habet sublevantem se 46.Mais, en société,si unus ceciderit, abaltero fulcietur 47 (Eccl., 4, 10). Juvatur a sociis ad resurgendum 48 (L'angélique saint Thomas).

Incedit cautius. - Il chemine avec plus de précaution. - Re­traite. Règles...- La sainte loi de Dieu est comme une forteresse, que défendent des forts avancés, tels que les constitu­tions. - Urbs fortitudinis Sion, munis et antemurale ponetur in ea 49 (Isaïe, 26, 1). Défendu, étant en congrégation. - Compte rendu mensuel. - Les grands du monde, les riches, les puissants, n'ont pas de moniteurs, mais des adulateurs, etc.

Irroratur frequentius. - Le champ irrigable est le siècle ; le champ sous l'eau est la congrégation. Fréquente est, sur les âmes, la rosée du ciel envoyée par Dieu, pour qui tout a été abandonné, pour qui l'on travaille ; - par les sacrements régulièrement fréquentés, par les supérieurs qui ont le devoir de nous conseiller et de nous corriger. -Un séculier voudrait souvent, mais ne possède pas les moyens qu'un religieux a en abondance.

Quiescit securius. - Rien dans le monde ne peut nous con­tenter. Vanitas vanitatum 50, etc. - Théodose, dans la cellule d'un solitaire, disait : Père, savez-vous qui je suis ? Je suis l'empereur Théodose. Oh ! Vous êtes bienheureux de mener ici-bas une vie heureuse, loin des troubles du monde. Je suis grand seigneur de la terre, je suis empereur, mais, pour moi, mon père, il n'est pas de jour où je mange en paix. - Et puis : Cum fortis fuerit armatus, secura sunt omnia 51. La congrégation est une forteresse dans laquelle on peut reposer tranquilles. Jésus-Christ, les supé­rieurs, les règles, les confrères, sont autant de gardiens de nos âmes, etc.

Objections. 1° Dans la vie religieuse, il y a des mécontents. Mais parce qu'ils n'observent pas les règles.

2° Beaucoup de tribulations aussi dans la vie religieuse. Mais ce sont les croix quotidiennes, qui nous conduiront à la gloire. Consulto Deus gratiarn religionis occultavit, nam si ejus felicitas cognosceretur, omnes, relicto saeculo, ad eam concurrerent 52(saint Laurent Justinien).

Moritur confidentius. - La mort de celui qui vit dans le siècle : médecins, notaires, parents, tous parlent de choses tempo­relles, difficilement de spirituelles.

Le religieux parmi ses frères qui l'aident, prient, le récon­fortent. Sur terre tout est prêt ; il est préparé pour le ciel. Omnis qui reliquerit 53, etc. (Matthieu, 19, 29). Promisit Deus vitam aeternam ista relinquentibus. Tu reliquisti omnia ista : quid prohibet de hujusmodi promissione esse securum 54;? (Jean Chrysostome). Un frère de saint Bernard mourait dans son monastére en chantant ; parce que beati mortui qui in Domino moriuntur 55.

Purgatur citius. - Saint Thomas dit qu'en entrant en religion on obtient le pardon de tous ses péchés et de leur peine, comme au baptême; puis il ajoute: Unde legitur in vitis Patrum quod eamdem gratiam consequantur religionem intrantes, quant con­sequuntur baptizati 56 . - Puis des encouragements, des prières. Des communions, rosaires, messes, etc. - Pas ou peu de purga­toire. Est facilis via de cella in coelum 57 (saint Bernard).

Remuneratur copiosius. - Dieu récompensera un verre d'eau fraîche donné pour lui ; quelle récompense ne donnera-t-il pas à celui qui a tout abandonné, ou plutôt qui a tout donné pour son amour ? Toutes les actions de la vie religieuse, mortifications, abstinences, actes d'obéissance, quelle récompense n'auront-elles pas au ciel ? Et puis le mérite acquis par les bonnes oeuvres accom­plies pour lui. Fulgebunt justi 58, etc.

Au contraire, le mondain dira : Erravimus 59 , etc.

Saint Alphonse dit qu'au dix-huitième siècle, sur soixante canonisés, six seulement étaient des séculiers. Tous les autres, des religieux.

Avantages temporels :

1° Ceux de Jésus-Christ qui, dans sa naissance, sa vie et sa mort, n'avait pas où reposer etc. Il promit pourtant que nous ne manquerions de rien, si, etc. : Respicite volatilia coeli 60.

2° Rien ne nous manque, en bonne santé, malades, à notre mort. Exemple de C. G.

3° Combien peinent dans le monde ! Nous, nous avons le vivre, le vêtement, le logement, etc.











27. SAINT FRANÇOIS DE SALES 61


Storia ecclesiastica ad uso della gioventù, utile ad ogni grado di persone, pel Sacerdote Giovanni Bosco, nouvelle édition améliorée et augmentée, Turin, 1870, cinquième époque, chap. 4, p. 301-303. (Éd. A. Cavi­glia, dans Opere e scritti, t. I, deuxième partie, Turin, 1929 p. 451-452)


Saint François de Sales et le Chablais. - Saint François de Sales fut suscité par la divine Providence pour combattre et même détruire les erreurs de Calvin et de Luther dans la partie de la Savoie, appelée le Chablais, qui avait été infestée par ces mons­trueuses erreurs. Il est dit de Sales à cause du lieu de sa naissance, un château de Savoie. Dés l'enfance, il se donna complètement a Dieu ; il conserva jalousement sa pureté virginale et forma son coeur à toutes les vertus, notamment à la douceur et à la man­suétude. Bien que son pere y mit de grands obstacles, il renonça aux brillantes propositions du monde et se consacra au ministère des autels. Encouragé par la voix de Dieu, qui l'appelait à des choses extraordinaires, il partit pour le Chablais muni des seules armes de la charité. A la vue des églises effondrées, des monastères détruits et des croix renversées, un saint zèle l'enflamma tout entier et il commence son apostolat. Les hérétiques crient, l'in­sultent et tentent de l'assassiner. Lui, par sa patience, ses sermons, ses écrits et ses miracles, apaise les tumultes, gagne les assassins, désarme l'enfer, et la foi catholique triomphe au point qu'en peu de temps, dans le seul Chablais, il ramène plus de soixante-douze mille hérétiques dans le sein de l'Église. Son renom de sainteté qui s'étendait le fit nommer malgré lui évêque de Genève, avec toutefois résidence à Annecy. Il y redoubla de zèle et exerça, quand l'occasion s'en présenta, les plus humbles fonctions du ministère ecclésiastique. Après une vie consumée tout entière à la plus grande gloire de Dieu, vénéré des populations, honoré des princes, aimé des souverains pontifes, respecté par les hérétiques eux-mêmes, il rendit son âme à Dieu à Lyon, dans la demeure du jardinier du monastère de la Visitation, où il avait voulu loger, le jour de la fête des saints Innocents de l'année 1622.

Il est le fondateur de l'ordre des religieuses de la Visitation, Où il voulut qu'on reçût les personnes qui, pour raison d'âge ou d'infirmités, n'auraient pu être accueillies en d'autres monastères.



28. LA COMMUNION EUCHARISTIQUE 6262


Il mese di maggio consacrato a Maria SS. Immacolata, ad uso del popolo, pel sacerdote Bosco Giovanni, 8e éd., Turin, 1874, vingt-quatrième jour, p. 149-153.


Comprends-tu, chrétien, ce que veut dire faire la sainte com­munion ? Cela veut dire s'approcher de la table des anges pour recevoir le corps, le sang, l'âme et la divinité de Notre Seigneur Jésus-Christ, qui se donne en nourriture à notre âme sous les espèces du pain et du vin consacrés. Durant la messe, au moment où le prêtre prononce sur le pain et sur le vin les paroles de la consécration, le pain et le vin deviennent corps et sang de Jésus­Christ. Les mots employés par notre divin sauveur dans l'institu­tion de ce sacrement sont : Ceci est mon corps, ceci est mon sang. Hoc est corpus meum, hic est calix sanguinis mei. Les prêtres usent des mêmes mots au nom de Jésus-Christ au sacrifice de la sainte messe. Partant, quand nous allons communier, nous rece­vons Jésus-Christ lui-même, avec son corps, son sang, son âme et sa divinité, c'est-à-dire vrai Dieu et vrai homme, vivant comme il l'est dans le ciel. Ce n'est pas son image, ni non plus sa figure, comme le seraient une statue ou un crucifix, mais c'est Jésus-Christ lui-même, comme il est né de la Vierge Marie im­maculée, comme il est mort pour nous sur la croix. Jésus-Christ en personne nous a certifié sa présence réelle dans la sainte eucharistie, quand il a dit : Ceci est mon corps, qui sera donné pour le salut des hommes : corpus quod pro vobis tradetur. Ceci est le pain vivant, qui est descendu du ciel : Hic est pani s VI . vus, qui de coelo descendit. Le pain que je donnerai, c'est ma chair. La boisson que je donnerai est mon vrai sang. Celui qui ne mange pas de ce corps et ne boit pas de ce sang n'a pas la vie en soi.

Jésus, qui a institué ce sacrement pour le bien de nos âmes, désire que nous nous en approchions souvent. Voici les paroles par lesquelles il nous y invite : Venez tous à moi, vous qui êtes las et opprimés, et je vous soulagerai : Venite ad me omnes, qui laboratis et onerati estis, et ego reficiam vos. Ailleurs, il disait aux juifs : « Vos pères ont mangé la manne dans le désert et ils sont morts : mais celui qui mange la nourriture figurée par la manne, cette nourriture que je donne moi-même, cette nourriture qui est mon corps et mon sang, celui-la ne mourra plus dans l'éternité. Celui qui mange ma chair et boit mon sang habite en moi et moi en lui, pour la raison que ma chair est une véritable nourriture et mon sang un véritable breuvage. » Qui pourrait jamais résister aux appels affectueux du divin sauveur ? C'était pour correspondre à ces appels que les chrétiens des premiers temps allaient tous les jours écouter la parole de Dieu et s'appro­chaient tous les jours de la sainte communion. C'était dans ce sacrement que les martyrs trouvaient leur force, les vierges leur ferveur et les saints leur courage.

Et nous, avec quelle fréquence nous approchons-nous de cette nourriture céleste ? Si nous nous en tenons aux désirs de Jésus­Christ et à notre besoin, nous devons communier très souvent. Comme la manne a servi quotidiennement de nourriture corpo­relle aux Hébreux tout le temps qu'ils ont vécu dans le désert, jusqu'à ce qu'ils parvinrent dans la terre promise, la sainte com­munion devrait être notre soutien, notre nourriture quotidienne dans les périls de ce monde pour nous guider vers la vraie terre promise du paradis. Saint Augustin dit : « Si nous demandons chaque jour à Dieu le pain corporel, pourquoi ne chercherions­nous pas aussi à nous nourrir chaque jour du pain spirituel avec la sainte communion ? » Saint Philippe Neri encourageait les chrétiens à se confesser tous les huit jours et à communier plus souvent encore, suivant l'avis de leur confesseur. Enfin la sainte Église manifeste son désir de la communion fréquente au concile de Trente, où elle dit : « I1 serait souverainement désirable que chaque fidèle chrétien se maintînt dans l'état de conscience qui lui permît de communier chaque fois qu'il participe à la sainte messe. » Pour encourager les chrétiens à se confesser et à com­munier très fréquemment, le pape Clément XIII a accordé la faveur suivante : Les fidèles chrétiens, qui ont la louable habitude de se confesser chaque semaine, peuvent gagner une indulgence plénière chaque fois qu'ils font la sainte communion (... )

Courage donc, chrétien, si tu veux faire une action qui serve la plus grande gloire de Dieu, qui soit la plus agréable à tous les saints du ciel, la plus efficace dans ta lutte contre les tentations et la plus assurée de te faire persévérer dans le bien, ce ne peut être que la sainte communion.



29. ÉTRENNE SPIRITUELLE (1874) 63


Epistolario, t. II, p. 434.


Très cher Don Bonetti,

A toi : Fais en sorte que tous ceux à qui tu parles deviennent tes amis.

Au préfet : Amasse des trésors pour le temps et pour l'éternité. Aux maîtres et aux assistants : In patientia vestra possidebitis animas vestras 64.

Aux garçons : La fréquente communion. A tous : Exactitude dans le devoir d'état.

Que Dieu vous bénisse et vous accorde le don précieux de la persévérance dans le bien.

Prie pour ton

Affectueux ami dans le Christ

Gio. Bosco, prêtre

Turin, 3o décembre 1874


30. LA CHARITÉ FRATERNELLE 65


Epistolario, t. III, p. 26-27.


Mon cher Don Tomatis,

J'ai eu de tes nouvelles et j'ai appris avec grand plaisir que tu avais fait bon voyage et que tu avais la volonté de travailler. Continue. L'une de tes lettres écrites à Varazze a laissé entendre que tu n'es pas en bons termes [in armonia] avec un confrère. Cela a fait mauvaise impression, surtout qu'elle a été lue en public.

Écoute-moi, cher Don Tomatis : un missionnaire doit être prêt à donner sa vie pour la plus grande gloire de Dieu. Ne doit-il pas être aussi capable de supporter un peu d'antipathie envers un compagnon, quand même il aurait des défauts évidents ? Écoute donc ce que nous dit saint Paul : Alter alterius onera portate, et sic adimplebitis legem Christi. Caritas benigna est, patiens est, omnia sustinet. Et si quis suorum et maxime domesticorum curam non babet, est infideli deterior 66 .

Donne-moi donc, mon cher, cette grande consolation. Mieux, fais-moi ce grand plaisir, c'est Don Bosco qui te le demande : qu'a l'avenir Molinari soit ton grand ami, et, si tu ne peux pas l'aimer à cause de ses défauts, aime-le pour l'amour de Dieu, aime-le pour l'amour de moi. Tu le feras, n'est-ce pas ? Du reste je suis content de toi, et, tous les matins à la sainte messe, je recommande au Seigneur ton âme et tes fatigues.

N'oublie pas la traduction de l'arithmétique, où tu ajouteras les poids et les mesures de la République Argentine.

Tu diras au très méritant docteur Ceccarelli que je n'ai pu recevoir le catéchisme du diocèse où tu résides, et que je désire l'avoir, le petit, pour insérer, dans le Garçon instruit, les actes de foi selon la formule diocésaine.

Que Dieu te bénisse, cher Don Tomatis. N'oublie pas de prier pour moi, qui serai toujours en J.-C.

Ton très affectueux ami

Gio. Bosco, prêtre

Alassio, 7 mars 1876



31. RENDEZ A CÉSAR CE QUI EST A CÉSAR


Extrait des actes du premier chapitre général des salésiens (1877), cahiers Barberis, ACS, S. 046 ; voir E. CERIA, Memorie biografiche, t. XIII, p. 288 67.


(... )Notre but est de faire savoir qu'il est possible de donner à César ce qui est à César sans jamais compromettre personne. Cela ne nous empêche nullement de donner à Dieu ce qui est à Dieu. A notre époque, on dit que c'est un problème. Pour ma part, j'ajouterai, si on me le permet, que c'est peut-être le plus grand des problèmes, mais qu'il a déjà été résolu par notre divin sauveur Jésus-Christ. II est vrai que la pratique fait surgir de sérieuses difficultés. Que l'on cherche donc à les dénouer, non seulement sans toucher au principe, mais avec des raisonnements, des preuves et des démonstrations en dépendance du principe et qui l'expliquent. Ma grande idée est la suivante : rechercher le moyen pratique de donner à César ce qui est à César en même temps que l'on donne à Dieu ce qui est à Dieu.

- Mais, dit-on, le gouvernement soutient les plus grands scélérats et on défend parfois de fausses doctrines et des principes erronés. - Eh bien, nous dirons, quant à nous, que le Seigneur nous ordonne d'obéir à nos supérieurs etiam discolis 68 et de les respecter, tant qu'ils ne nous ordonnent pas des choses directe­ment mauvaises. Et, quand bien même ils nous commanderaient des choses mauvaises, nous les respecterions. On ne fera pas telle chose, qui est mauvaise, mais l'on continuera de rendre hommage à l'autorité de César. Comme dit justement saint Paul, que l'on obéisse à l'autorité, parce qu'elle porte l'épée.

Nul n'ignore les mauvaises conditions où se trouvent de nos jours l'Église et la religion. Je crois que, depuis saint Pierre jus­qu'a nous, il n'y eut jamais de temps aussi difficiles. L'art est raffiné et les moyens sont immenses. Les persécutions de julien l'apostat elles-mêmes n'étaient pas aussi hypocrites et dange­reuses. Et alors ? Et alors, nous rechercherons la légalité en toutes choses. Si l'on nous impose des taxes, nous les paierons ; si l'on n'admet plus de propriétés collectives, nous en aurons d'indivi­duelles ; si l'on requiert des examens, on s'y soumettra ; des patentes ou des diplômes, on s'attachera à les obtenir. Ainsi, nous progresserons.

- Mais cela réclame de la fatigue et de l'argent, cela crée des ennuis. - Aucun d'entre vous ne peut le voir comme je le vois. Et encore, je ne vous dis rien de la majeure partie de mes em­barras, pour ne pas vous épouvanter. Je transpire et travaille tout le jour pour voir comment les réduire et obvier à leurs incon­vénients. Et puis, il faut avoir de la patience, savoir supporter, et, au lieu de remplir l'air de lamentations et de pleurnicheries, travailler à perdre le souffle pour que les choses progressent correctement.

Voilà ce que j'entends faire savoir petit à petit et de façon pratique avec le Bollettino Salesiano. Ce principe, avec la grâce de Dieu et sans multiplier les affirmations directes, nous le ferons prévaloir et il sera la source d'immenses biens tant pour la société civile que pour la société ecclésiastique.



32. A UN CURÉ QUI PERDAIT COURAGE 69


Epistolario, t. III, p. 399.


Très cher dans le Seigneur,

J'ai reçu votre bonne lettre et les 18 francs qu'elle contenait. Je vous en remercie : que Dieu vous le rende. C'est une manne qui tombe pour soulager notre détresse. Pour vous, demeurez tranquille. Ne parlez pas de quitter votre paroisse. I1 y a à tra­vailler ? Je mourrai sur le champ du travail, sicut bonus miles Christi 70. Je ne suis pas bon à grand'chose ? Omnia possum in eo qui me confortat 71. Il y a des épines ? Avec ces épines trans­formées en fleurs, les anges vous tresseront une couronne au ciel. Les temps sont difficiles ? Il en fut toujours ainsi, mais Dieu n'a jamais retiré son secours. Christus heri et hodie 72. Vous demandez un conseil ? Le voici : prenez un soin spécial des enfants, des vieillards et des malades, et vous gagnerez le coeur de tous.

Du reste, nous parlerons plus longuement quand vous viendrez me faire une visite.


Gio. Bosco, prêtre


Turin, 25 octobre 1878








33. ACTION APOSTOLIQUE ET PERFECTION

DES COOPÉRATEURS SALÉSIENS 73


Coopérateurs salésiens, ou Moyen pratique de se rendre utile à la société en favorisant les bonnes moeurs, Turin, 1880, p. 30, 32-33, 39-40. Texte français où, seules, quelques majuscules ont été sup­primées.


I. Il faut que les bons chrétiens s'unissent pour faire le bien. - De tout temps on a jugé que l'union entre les gens de bien, leur était nécessaire pour se soutenir mutuellement dans la pratique des bonnes oeuvres, et se préserver du mal. Nous en avons l'exemple chez les chrétiens de la primitive Église, qui sans se décourager à la vue des périls auxquels ils étaient sans cesse exposés, n'ayant qu'un coeur et qu'une âme, s'exhortaient mutuel­lement à demeurer inébranlables dans la foi, et à combattre vail­lamment au milieu des assauts qu'on ne cessait de leur livrer. - N. S. lui-même nous enseigne cette vérité lorsqu'il dit : Que les moindres forces, si elles se réunissent, deviennent puissantes, et que s'il est facile de rompre une corde seule, il est très difficile d'en rompre trois réunies : Vis unita fortior, f uniculus triplex difficile rumpitur 74. Les gens du monde font usage de ce moyen pour leurs affaires temporelles. Faudra-t-il que les enfants de la lumière soient moins prudents que les enfants des ténèbres ? Non certes. Nous, qui faisons profession d'étre chrétiens, nous devons nous réunir dans ces temps difficiles pour propager l'esprit de prière et de charité par tous les moyens que nous fournit la religion, et tâcher ainsi de détourner ou du moins d'alléger les maux qui menacent l'innocence et les moeurs de cette jeunesse qui croit autour de nous, et qui tient entre ses mains l'avenir de la société (. ..)

III. But des coopérateurs salésiens. - Le but fondamental des coopérateurs salésiens est de tendre à leur propre perfection, par un genre de vie qui se rapproche autant que possible de la vie de communauté. Bien des gens quitteraient volontiers le monde pour le cloître, mais ils en sont empêchés par des raisons d'âge, de santé, de conditions, souvent faute d'en avoir les moyens ou l'op­portunité. Ceux-ci en se faisant coopérateurs salésiens peuvent au sein même de leur famille et de leurs occupations ordinaires vivre comme faisant partie de la congrégation. Partant, le souverain pontife a assimilé cette association aux anciens tiers-ordres, avec cette différence que ceux-là se proposaient de tendre à la per­fection chrétienne par l'exercice de la piété, et que notre but principal est l'exercice actif de la charité envers le prochain et plus spécialement envers la jeunesse exposée aux dangers du monde et de la corruption (...)

VIII. Pratiques religieuses. - 1. Aucune pratique extérieure n'est prescrite aux coopérateurs salésiens, mais afin que leur vie puisse se rapprocher en quelques points de la vie des religieux, on leur recommande la modestie dans leurs vêtements, la frugalité dans leur nourriture, la simplicité dans leur ameublement, la réserve dans leurs paroles, l'exactitude aux devoirs de leur état, tâchant que le repos et la sanctification des jours de fête soient exactement observés par ceux sur qui ils ont autorité.

2. On leur conseille de faire chaque année quelques jours de retraite. Le dernier de chaque mois, ou tout autre jour à leur convenance, ils feront l'exercice de la bonne mort, se confessant et communiant comme si c'était réellement pour la dernière fois. On gagne une indulgence plénière pour la retraite annuelle et le jour où l'on fait l'exercice de la bonne mort.

3. Tous les associés diront chaque jour un Pater et un Ave à saint François de Sales suivant l'intention du souverain pontife. Les prêtres et ceux qui récitent les heures canoniques ou l'office de la sainte Vierge sont dispensés de cette prière. Pour eux, il suffira d'ajouter cette intention à la récitation de l'office.

4. I1 est recommandé de s'approcher souvent des sacrements de pénitence et de l'eucharistie, les associés pouvant gagner chaque fois l'indulgence plénière.

5. Toutes ces indulgences, tant plénières que partielles, peuvent être appliquées par manière de suffrage aux âmes du purgatoire, excepté celle in articulo mortis, qui est exclusivement personnelle, et ne peut être gagnée qu'au moment où l'âme, en se séparant du corps, entre dans l'éternité

1 Vers l’âge de neuf ans, jean Bosco eut ce rêve, qui lui resta, nous confie-t-il, « toute la vie profondément gravé dans l'esprit ». Sa pointe est pédagogique, mais la spiritualité active de Don Bosco, apprise à l'école du Christ et de Marie (au cours de rêves sans doute, mais aussi, comme il va de soi, à l'état de veille!), y est pour le moins préformée. On se rappellera d'ailleurs que l'auteur de ce récit avait une soixan­taine d'années, quand il lui donna la forme définitive que nous allons ;ire, et qu'il y a donc inséré très vraisemblablement des idées de sa tu aturité. - Soulignons au début de ce florilège que ses notes ont été sy stématiquement réduites au minimum. On y cherchera donc en vain -,us les éclaircissements sur les noms propres, toutes les références précises aux textes cités, toutes les indications de sources éventuelles, que fournirait une édition commentée des oeuvres de Don Bosco. Celle-ci teste ì faire. Notre propos était différent : compléter l'information du lecteur curieux de sa spiritualité, par des extraits variés et substantiels de ses écrits, rendus accessibles par quelques sobres remarques.


2 Selon leur préambule, ces résolutions furent prises par jean Bosco en 1835, peu après sa prise de soutane, pour « réformer radicalement» une vie qu'il trouvait beaucoup trop « dissipée ». Elles paraissent témoigner de sa volonté d'adaptation à un monde clérical sévère, sinon rigoriste.


3 Flavius Josèphe (c. 37-c. 100), Augustin Calmer, o.s.b. (1672-1757), Giovanni Marchetti (1753-1829), Denys Frayssinous (1745-1841), Ferdi­nando Zucconi, s.j. (1647-1732). L'espagnol Jaime Balmès (1810-1848), alors encore à peu près inconnu en Piémont, semble avoir été introduit ici par erreur.

4 Claude Fleury (1640-1725), Domenico Cavalca, o.p. (1270 ?-1342), Jacopo Passavanti, o.p. (1302 ?-1357), Paolo Segneri, s.j. (1624-1694), Matthieu Henrion (1805-1862).

5 Été 1841. Jean Bosco a été ordonné prêtre en juin.

6 Castelnuovo d'Asti, devenu aujourd'hui Castelnuevo Don Bosco.


7 Le contexte prouve que Don Bosco parlait ici des probabilioristes, des « deuxièmes » par conséquent.

8 Ces sentences figuraient sur les signets du bréviaire de Don jean Bosco, quand il mourut en 1888. Leur seul choix ouvre le champ à bien des spéculations. Les phrases bibliques - selon la Vulgate - et patris­tiques étaient en latin dans l'original, les phrases de Dante et de Silvio Pellico, en italien. Les références aux livres saints ont été précisées par nous.


9 On lira ici la traduction de la préface du premier livre publié par Don Bosco à vingt-neuf ans, alors qu'il terminait son stage au convitto. Le style en était certes laborieux, mais il faut tenter de dépasser l'im­pression de faiblesse qui en résulte, impression dont l'auteur convenait d'ailleurs avec simplicité, et voir s'y dessiner sa spiritualité concrète, où l'esempio tint immédiatement une grande place.

10 L'une des lettres de direction de Don Bosco, qui sont toutes carac­térisées par une extrême brièveté, l'absence de réflexions dogmatiques et une préférence marquée pour les conseils simples et pratiques. Notons que l'année de persévérance sans « rechutes » (très vraisemblablement dans une faute d'impureté) demandée par cette lettre, sera réduite à six mois dans une autre lettre au même séminariste, datée du 28 avril 1857 (Epistolario, t. I, p. 146).


11 « Qui vous écoute, m'écoute » (Luc, 10, 16).

12 « Je puis tout en celui qui me rend fort » (Philippiens, 4, 13)­

13 « Prions l'un pour l'autre, pour que nous soyons sauvés » (voir Jacques, 5, 16).

14 Cette invocation à saint Ambroise s'explique par la date de la lettre, rédigée le jour de la fête liturgique de ce saint.

15 Extrait d'un recueil, explicitement compilé, de conseils et de prières, à l'usage du « catholique qui pratique ses devoirs de bon chrétien » (titre). Le « vrai chrétien » est, à l'image du Christ, humble, bon, obéissant, sobre, cordial et patient.


16 Le programme de vie chrétienne résumé dans la deuxième partie de cette lettre à un jeune homme, que Don Bosco hébergeait dans son oratoire, était aussi celui de Dominique Savio, mort pendant la année 1857.

17 « La volonté de Dieu, c'est votre sainteté » (I Thessaloniciens, 4, 3). Nos traductions, tenant toujours compte de la version latine que lisait Don Bosco et du sens qu'il lui donnait, peuvent s'écarter à bon droit de celles des exégètes contemporains.

18 La « couronne de gloire » (I Pierre, 5, 4) était l'un des thèmes de Don Bosco. Cette lettre au clerc Giovanni Battista Anfossi ne parle que d'espérance, nullement béate du reste.

19 « ... Par conséquent poursuis. Mais rappelle-toi que le Seigneur a promis la couronne aux vigilants; qu'éphémère est le plaisir, éternel le tourment; et que les souffrances du temps présent ne sont en tien comparables à la gloire future, qui seta révélée en nous. » (Exode, 4, 12 ; Marc, 13, 33 ; II Corinthiens, 7, 17.)


20 L'essentiel de la spiritualité de saint Jean Bosco à l'usage des laïcs est rassemblé dans ces propositions traditionnelles (voir, en parti­culier, les n°s 1, 2, 9, 19, 20, 21), dont, toutefois aucune ne concerne encore l'apostolat.

21 Le manuscrit le plus ancien (1858-1859) actuellement connu des constitutions salésiennes est encore inédit. Voici son premier chapitre, compte tenu des additions autographes que Don Bosco y a faites. On y voit quelques-unes des formes que revêtait pour lui la charité apostolique, et les liens qu'elle entretenait, dans son esprit, avec la perfection (art. 1).

22 Les principes de Don Bosco sut le rôle de l'action apostolique dans la croissance de la sainteté apparurent dès la première édition (1859) de la biographie de Dominique Savio, dont on sait la pointe didactique.


23 Le village, voisin de Castelnuovo d'Asti, où Dominique habitait alors.

24 La sainteté consiste à accomplir joyeusement la volonté de Dieu, faisait remarquer Dominique Savio à son futur ami, Camille Gavio. Ce chapitre de sa biographie redisait, sous forme dialoguée, l'enseignement de Don Bosco lui-même, par exemple dans l'introduction du Giovane provveduto (2e éd., Turin, 1851, p. 5-8).

25 Extrait de la première édition de la biographie de Michele Magone, sur la confession, son intégrité et la direction spirituelle qu'elle permet de donner. On verra que, pour Don Bosco, le confesseur était un père et un ami.

26 La joie et la paix accompagnent jusque dans la mort le chrétien qui a aimé le Christ et Marie pendant sa vie. Don Bosco le montrait entre autres par ce récit émouvant de la mort de son jeune disciple, Michele Magone, le 21 janvier 1859.


27 Quelques-uns des principes généraux de saint jean Bosco sur la vie spirituelle sont résumés dans cette conclusion de la biographie d'une religieuse.

28 Le clerc Giovanni Garino reçut dans cette lettre quelques-uns des conseils favoris de Don Bosco : confiance, travail, fuite des compagnies périlleuses.

29 Conclusion de la Vie d'un jeune élève de l'oratoire Saint-François­de-Sales, qui, pour pratiquer la « vertu », avait tranquillement résisté au respect humain. L'auteur en profite pour faire un éloge convaincu des « bonnes oeuvres ».


30 « Don Bosco était allé en novembre [1864} à [la maison saléseinnede] Mirabello, où il avait trouvé Don Bonetti affligé par quelque mésentente et aussi en mauvaise santé. De retour à Turin, il s’empressa de lui écrire pour le réconforter. » (E. CERIA, dans S. GIOVANNI BOSCO, Epistolario, t. 1, p. 327.) Sa lettre témoigne aussi bien de son ­coeur que de son refus de tout do!orisme.

31 Le Philippe Néri que Don Bosco décrivit dans ce sermon était assurément l'apôtre idéal, tout à tous, qui se sanctifie pat le zèle, celui à qui il tentait de se conformer. Selon G. B. Lemoyne (op. cit., p. 221), tel fut d'ailleurs le sentiment de ses auditeurs.


32 « Ce n'est pas vous qui m'avez choisi, mais moi qui vous ai choisis » (Jean 15, 16).

33 Ces notes d'auditeur éditées, sans probablement assez de scru­pules, par Don Lemoyne, révèlent au moins l'orientation de la pensée de Don Bosco en matière de « pratiques de piété» à l'usage de ses religieux.

34 « Notte conversationest aveclescieux»(Philippiens. 3, 20). Répétons que nous traduisons ces phrases bibliques comme, selon nous, Don Bosco les comprenait.

35 Littéralement: mondaine

36 A la fin de l’année 1808, le Pere Giovanni Bonetti, alors direc­teur de l'école de Mirabelle, avait présenté ses vceux à Don Bosco en y joignant quelques économies. Sous la forme nerveuse qui lui était habituelle dans sa correspondance avec ses disciples, Don Bosco lui envoya cette étrenne spirituelle.

37 Le Père Provera était économe du Père Bonetti.


38 La Bibliothèque Italienne était une collection de classiques italiens fondée et dirigée par Don Bosco.

39 Angelina est une histoire, dont le fond était présenté par Don Bosco comme véridique. Cette jeune bourgeoise, comblée dans la maison de ses parents, mais troublée par ses richesses, finira par s'enfuir et terminera sa vie humble fille de ferme. On lira dans la dernière partie du récit que nous traduisons et qui était mis tout entier sur les lèvres de l'héroïne, la doctrine de Don Bosco sut la richesse et la pauvreté : la richesse est un don de Dieu, mais il faut en bien user et s'en détacher.


40 La lecture de saint Jérôme et les suites de la mort de sa mère décideront enfin Angelina à abandonner la maison paternelle.

41 Ces notes illustrent avec bonheur, pensons nous, le mouvement de la pensée de Don Bosco en matière spirituelle : les deux voies, arguments d'autorité demandés à la Bible et à la tradition, exemples, images et applications concrètes. Il suivait ici saint Alphonse de Liguori (La vera sposa di Gesù Cristo, chap. 2), qui, lui-même, recourait à divers auteurs. La charpente : Vivit purius.., provenait d'une Homélie sur saint Matthieu : « Le royaume des cieux est semblable ... », « communément attribuée » à saint Bernard (la lire dans la Patrologie latine de J.-P. Migne t. CLXXXIV, col. 1131-1134).Cet exposé sur les avantages de la vie religieuse a été repris plus tard dans l'Introduction aux constitutions salésiennes.


42 « Demeurez dans votre vocation » (voir 1 Corinthiens, 7, 20).

43 « L'homme vit dans une plus grande pureté, tombe plus rare­ment, se relève plus vite, progresse plus sûrement, reçoit plus fréquem­ment la rosée de Dieu, repose plus paisiblement, meurt dans une plus grande confiance, est plus vite purifié et plus largement rémunéré. » Voir, ci-dessus, note 41.

44 «Pourquoi avons-nous jeûné et ne nous as-tu pas regardés; nous sommes-nous humiliés et ne nous as-tu pas reconnus ? » Parce qu'« au jour de votre jeûne vous avez fait votre volonté ».

45 « Tout ce qui est dans le monde est concupacence de la chair, concupiscence des yeux et orgueil de la vie» (I Jean, 2, 16).

46 « Malheur à qui est seul, car, s'il vient à tomber, iln'aura personne pour le relever » (Ecclésiaste, 4, 10).

47 « En cas de chute, l'un relèvera l'autre. »

48 « Les membres de sa société l'aident à se relever. »

49 « Sion est une ville forte, elle aura pour se protéger un rempart et un avant-mur. »

50 « Vanité des vanités ... » (voir Ecclésiaste, 1, 1).


51 « Quand l'homme fort est armé, tous ses biens sont en sûreté » (Luc, 11, 21).

52 « C'est à dessein que Dieu a voilé la grâce de la vie religieuse, car, si l'on connaissait la félicité qu'elle procure, tout le monde aban­donnerait le siècle et se précipiterait vers elle. »

53 « Tous ceux qui auront abandonné...»

54 « Dieu a promis la vie éternelle à ceux qui ont abandonné ces choses. Toi, tu les as toutes abandonnées : qu'est-ce qui t'empêche d'être tranquillisé par sa promesse ? »

55 «Bienheureux les morts qui meurent dans le Seigneur » (Apoca­lypse, 14, 13).

56 «C'est pourquoi nous lisons dans les Vies des Pères qu'à leur entrée dans la vie religieuse, les religieux obtiennent la même grâce que les baptisés à leur baptême » (saint THOMAS D'AQUIN, Somme théologique, 2a 2ae, quest. 189, art. 3, ad 3).

57 «Elle est aisée la voie qui mène de la cellule au ciel.» (Lettre aux frères du Mont-Dieu, attribuée à Guillaume de Saint-Thierry, chap. 4.)

58 « Les justes resplendiront ... » (voir Sagesse, 3, 7).

59 « Nous nous sommes trompés ... » (voir ibidem, 5, 6).

60 « Regardez les oiseaux du ciel ... » (voir Matthieu, 6, 26).

61 Le saint François de Sales qui s'est imposé à Don Bosco ne fut pas le théoricien du Traité de l'amour de Dieu, des Vrays entretiens, ni même de l'Introduction à la vie dévote, mais l'apôtre compréhensif et zélé, dont il a tracé le portrait dans son Histoire ecclésiastique.

62 La doctrine - solide - de saint jean Bosco sur l'eucharistie était celle du dix-neuvième siècle, comme on peut le voir par les considé­rations suivantes, extraites d'un petit livre d'ailleurs écrit pour des gens simples. Mais, à les lire, on constate aussi qu'en 1874 il conseillait déjà ouvertement la communion quotidienne aux laïcs; ce n'était pas si banal en ce temps. Les phrases latines, qui sont traduites dans le texte italien, ont été empruntées au canon de la messe; à jean, 6, 51 ; à I Corin­thiens, 11, 23 ; et à Matthieu, 11, 28.


63 Les principes de Don Bosco se manifestaient bien dans les étrennes spirituelles, qu'il proposait régulièrement à ses diciples.

64 « Par votre patience, vous vous rendrez maîtres de vos âmes » (Luc, 21, 19).


65 Peu après son arrivée en Amérique du Sud, l'un des premiers missionnaires salésiens, le Père Domenico Tomatis, avait écrit à un ami une lettre assez dure, où il disait « qu'il ne s'accordait pas tellement avec quelqu'un et que, d'ici peu, il rentrerait en Europe » (G. Bosco à G. Cagliero, 12 février 1876, dans Epistolario, t. III, p. 17). La leçon de Don Bosco dans la lettre que l'on va lire fut aussi nette qu'amicale. Elle exprime à merveille le ton des rapports qu'il entretenait avec ses fils.

66 « Portez mutuellement vos fardeaux, et ainsi vous accomplirez la loi du Christ. La charité est bénigne, elle est patiente, elle supporte tout et, si quelqu'un se désintéresse des siens, en particulier de ceux de sa propre maison, il est pire qu'un infidèle. » (Galates, 6, 2 ; 1 Co­rinthiens, 13, 4, 7 ; I Timothée, 5, 8.)

67 Pour interpréter correctement ces propos de Don Bosco dans une intervention au cours d'un chapitre général des salésiens, on se souviendra du climat créé en Italie et dans le monde par la prise de Rome en 1870 et le refus de la « loi des garanties », sans oublier le eletti., elettori de l'abbé Margotti et le Non expedit de la Sacrée Pénitencerie (voit, par exemple, F. FONZI, I cattolici e la società italiana dopo l'Unità, 2º éd., Rome, 1960, p. 31-32, 53-54). Don Bosco était, on le verra, conciliant, peut-être même jusqu'à un certain point « conciliateur », au sens que l'histoire donne à ce mot. (Voir R. AUBERT, Le pontificat de Pie IX. . , op. cit., p. 98-100.)


68 « Même difficiles. » (Voir I Pierre, 2, 18.)

69 Quelques admirables lignes à un curé découragé de Forli : con­fiance, travail, le Christ est vivant!

70 « ... comme un bon soldat du Christ » (voir II Timothée, 2, 3).

71 « Je puis tout en celui qui me rend fort» (Philippiens, 4, 13).

72 « Le Christ était hier ; il est aujourd'hui (voir Hébreux, 13, 8).

73 Quelques extraits du Règlement des coopérateurs salésiens, selon la traduction que Don Bosco remettait aux coopérateurs français. (La version que nous transcrivons porte même sa signature autographe.) L'un des documents où il a exprimé avec le plus de clarté sa confiance en la valeur sanctificatrice de l'action apostolique, entendue d'ailleurs surtout comme une bataille contre le mal et assurément non exclusive du détachement et de la prière.

74 Notons tout au moins que cette phrase provient, non pas de l'évangile, mais de l'Ecclésiaste, 4, 12.