Letrres aux jeunes

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III


LETTRES A DES JEUNES







Dans les écrits précédents, Don Bosco s'adressait à tous ses jeunes globalement, pour leur présenter l'idéal de sain­teté qu'il concevait pour eux, soit sous la forme théorique du Garçon instruit, soit sous la forme concrète des trois bio­eraphies. Mais ces biographies elles-mêmes attestent à quel point son intervention d'éducateur, de père spirituel était individualisée. C'est même là lin des aspects les plus frap­pants de son action, et peut-être son plus grand miracle : qu'il ait été assez détaché de soi et assez zélé au milieu de la roule de ses adolescents pour trouver le temps, l'occasion et la façon de regarder et de traiter chacun comme un être uni­7ue, racheté par le Christ, qui a sa vocation particulière et qu'il faut aider dans la découverte de sa personnalité et du Jessein secret de Dieu sur lui.

De cette attitude, nous avons la preuve tangible dans les lettres qu'il écrivit à de nombreux garçons, encore adoles­cents, ou jeunes en âge de choisir leur avenir. Ils lui /205/ écri­vaient en confiance, pour lui demander conseil, ou simple­ment pour lui dire leur affection, et tout écrasé de besogne qu'il fût, toujours il répondait. Ces correspondants se ran­gent facilement en deux catégories : les uns étaient ses pro­pres « fils » dans quelqu'une de ses maisons, étudiants ou simples apprentis ; les autres appartenaient à l'une ou l'au­tre des familles aisées où il recrutait ses bienfaiteurs. Tous, à ses yeux, étaient des fils de Dieu à conduire sur le chemin de la vie temporelle et éternelle.

Mais il lui arrivait aussi, spécialement aux périodes de fêtes (Nouvel-An, fête de son saint patron..), quand l'abon­dance des occupations l'empêchait de répondre en détail à la foule des lettres reçues, de formuler sa réponse de façon col­lective aux garçons d'une maison, aux étudiants, aux ap­prentis, aux élèves d'une classe... Mais même alors, le con­texte lui étant bien connu, il répondait d'une façon concrète et circonstanciée.

Nous retrouverons ici la doctrine substantielle du saint éducateur. Mais ce qui transparaît le plus, c'est sa propre sainteté vécue. La merveille des lettres, c'est qu'elles nous livrent Don Bosco en acte de charité, d'une charité auréolée de ses vertus les plus typiquement salésiennes : « l'amorevo­lezza », la confiance, la joie qui toujours encourage, la sti­mulation à l'effort, le regard vers Dieu et son saint service... Tout cela, en un style vif, rapide, nerveux.

Nous présentons dans l'ordre chronologique les lettres individuelles, puis les lettres collectives, utilisant l'édition en quatre volumes de Don E. Ceria, l'Epistolario, et plus d'une fois aussi ses notes explicatives (voir l'Introduction, p. 27).

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55. « Te souviens-tu du pacte que nous avons conclu entre nous ? »

A un élève de troisième, fils de l'avocat Roggeri de Sanfront, des environs de Turin. Ce pieux garçon avait dressé chez lui un petit oratoire et invité Don Bosco à venir l'inaugurer. (Epist. I, 138).

Très cher Giuseppino,



Tu as bien fait de m'écrire : cela m'a tant fait plaisir. Quand le petit oratoire sera en tout point terminé, je vien­drai y faire ma petite prédication, comme je l'ai promis, et à cette occasion nous continuerons à parler de notre amitié et de nos affaires particulières. Te souviens-tu du pacte que nous avons stipulé et conclu entre nous ? Etre des amis et nous unir tous les deux pour aimer Dieu d'un seul ceeur et d'une seule âme.

La joie que tu me dis éprouver à t'occuper des choses saintes est un bon point ; cela veut dire que le Seigneur t'ai­me bien, et que de ton côté tu dois t'empresser grandement de l'aimer. Cela veut dire aussi une autre chose que je me ré­serve de te révéler à toi seul, quand tu viendras à Turin. 1

Je te serai grandement reconnaissant de saluer papa et maman de ma part ; à monsieur le Vicaire tu donneras mon bonjour, et à ton petit frère tu feras une caresse.

Que Dieu vous conserve tous en santé et en grâce, et si tu veux rester mon ami, va réciter un Salve Regina à la Sainte Vierge pour moi, qui suis de tout coeur



Ton ami très affectionné Bosco Gio., prêtre

Turin, 8 octobre 1856

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56. « Prends courage. Fais-toi riche... de la vraie richesse »



A Ottavio Pavia, jeune garçon de Chieri, apprenti dans un ate­lier de tailleurs, et ancien élève de l'Oratoire de Turin (Epist. I, 183-184).

Très cher Pavia,

J'ai reçu la lettre que tu m'as écrite, et je te remercie du bon souvenir que tu gardes de nous. Prends courage ; fais­toi riche ; mais rappelle-toi que la première richesse et la seule vraie richesse est la sainte crainte de Dieu.

Sois attentif à tes devoirs, aie confiance en tes patrons, aime-les et respecte-les.

Travaillons pour le paradis.

Que le Seigneur nous conserve toujours dans le chemin de la vertu ; prie pour moi et crois-moi tout entier à toi.

Bosco G., prêtre

Turin, 29 janvier 1860.



57. Conseils à un élève de l'Oratoire en vacances



De la maison de retraite de S. Ignazio-sur-Lanzo, Don Bosco répond à une lettre d'un élève de l'Oratoire, Stefano Rossetti, de Montafia. Il deviendra plus tard recteur du séminaire d'Asti

(Epist. I, 194)

Mon fils très aimé,

La lettre que tu m'as écrite m'a vraiment fait plaisir. Tu y donnes la preuve que tu as compris quels sont mes /208/ senti­ments à ton égard. Oui, mon cher, je t'aime de tout mon coeur, et mon amour me porte à faire tout ce que je peux pour te faire progresser dans l'étude et dans la piété, et te guider sur le chemin du ciel.

Rappelle-toi les nombreux avis que je t'ai donnés en di­verses circonstances. Sois joyeux, mais que ta joie soit au­thentique, comme celle d'une conscience pure de tout péché. Etudie pour devenir très riche, mais riche de vertu, et la plus grande richesse est la sainte crainte de Dieu. Fuis les mau­vais compagnons, sois l'ami des bons ; remets-toi entre les mains de ton Archiprêtre, suis ses conseils et tout ira bien.

Salue tes parents de ma part ; prie le Seigneur pour moi, et tant que Dieu te maintient loin de moi, je le prie de te gar­der toujours à lui, jusqu'au moment où tu seras de nouveau avec nous. En attendant je suis avec une paternelle affection



Ton très affectionné Bosco Gio., prêtre.



S. Ignazio près de Lanzo, 25 juillet 1860



58. Le petit marquis se prépare à sa première commu­nion



Nous citons ici l'une des très nombreuses lettres envoyées par Don Bosco à l'un ou l'autre des membres de la famille De Maistre, famille profondément croyante et l'une des plus généreuses à son égard. Pendant son premier séjour à Rome en 1858, il avait été l'hôte du comte Rodolphe, fils aîné de Joseph de Maistre, l'auteur des célèbres ouvrages Le Pape et Les soirées de Saint-Pétersbourg.

Par la suite, il eut des contacts avec toute sa nombreuses famille : cinq fils, parmi lesquels Emmanuel et Eugène, et six filles, parmi lesquelles Marie, épouse du marquis turinais Fassati et maman de deux fils auxquels Don Bosco se plaisait à écrire : Azélie (qui /209/ épousera le baron Ricci des Ferres) et Emmanuel. C'est à ce der­nier, garçonnet d'une dizaine d'années, qu'est adressée la lettre suivante. Il passe l'été à Montemagno, lieu de villégiature de la famille Fassati, avec un de ses cousins, le comte Stanislas Medo­lago, futur sociologue catholique. (Epist. I, 209).



Cher Emmanuel,

Pendant que tu jouis de la campagne avec ton cher Sta­nislas, je viens en compagnie de maman 2 te rendre visite avec ce billet que je me fais un devoir de t'écrire.

Mon but est de te proposer un beau projet, écoute bien. Ton âge et les études entreprises semblent suffisantes pour te permettre d'être admis à la sainte communion. Je vou­drais donc que la prochaine Pâque soit pour toi ce grand jour de ta sainte première communion. Qu'en dis-tu, cher Emmanuel ? Essaie d'en parler avec tes parents et tu en­tendras leur avis. Mais je voudrais que tu commences dès à présent à te préparer, et donc que tu sois particulièrement exemplaire à pratiquer :

1° L'obéissance exacte à tes parents et à tes autres supé­rieurs, sans jamais faire opposition à n'importe lequel de leurs ordres ;

2° La précision dans l'accomplissement de tes devoirs, spécialement de ceux de l'école, sans jamais te faire gronder pour les accomplir ;

3° Avoir en grande estime tout ce qui touche à la piété. Et donc bien faire le signe de la sainte croix, prier à genoux dans une attitude recueillie, assister exemplairement aux fonctions d'église.

J'aurais grand plaisir à recevoir de toi une réponse à ces propositions. Je te prie de saluer de ma part Azélie et Stanis­las. Soyez tous joyeux dans le Seigneur. /210/

Que Dieu vous bénisse tous ; priez pour moi ; toi spécia­lement, ô cher Emmanuel, fais-moi honneur par ta bonne conduite, et crois-moi toujours

Ton ami très affectionné Bosco Gio., prêtre



Turin, 8 septembre 1861.



59. Un saint écrit à une petite fille



Souvent la petite marquise Azélie écrivait à Don Bosco au nom de sa maman, et Don Bosco respectait cette aimable médiation. La marquise Marie Fassati préparait à Montemagno une fête du Coeur de Marie pour le 8 septembre. Elle devait être précédée d'un triduum de prédication qui servait d'exercices spirituels. A peine rentré de Lanzo S. Ignazio, Don Bosco fait savoir qu'il a trouvé le compagnon prédicateur. Avec Emmanuel il utilisait le tutoiement. A vec Azélie, même encore très jeune, il ne se le permet pas. (Epist. I, 232).

Très chère en Jésus et Marie,

Il est entendu avec le chanoine Galletti que nous allons à Montemagno en l'honneur de Marie. Nous avons seulement besoin de savoir :

1° Quand commencent les prédications et combien se­ront-elles,

2° Si l'usage est de prêcher en italien ou en piémontais.

Je vous remercie beaucoup des heureuses nouvelles que vous me donnez, regrettant de ne pouvoir écrire souvent. Je vous recommande seulement d'être la consolation de papa et de maman et l'exemple d'Emmanuel par votre conduite /211/ vraiment chrétienne. L'ennemi des âmes voudra vous mettre à l'épreuve ; mais ne craignez pas, obéissez, espérez en Jésus eucharistie et en Marie immaculée.

La bénédiction du Seigneur soit sur vous, sur papa et maman et sur mon grand ami Emmanuel. Qu'ils prient aus­si pour moi, qui de tous me professe

Très obligé serviteur Bosco Gio, prêtre.

Turin, 15 août 1862.



60. « Les autres sont inquiets. Moi j'ai confiance en toi »



L'expulsion des jésuites et d'autres religieux enseignants ayant entraîné la fermeture de nombreux collèges du Piémont, les famil­les nobles envoyèrent leurs fils étudier dans les collèges religieux de la France voisine. C'est ainsi que le jeune marquis Emmanuel Fas­sati fut envoyé chez les jésuites de Mongré près de Lyon, le 1er octobre 1863 (voir Epist. 1, 282). Don Bosco ne cessa de le suivre de ses encouragements affectueux (Epist. I, 398).

Cher Emmanuel,

Dans la chère lettre que tu as eu la gentillesse de m'envo­yer, tu me demandais si j'avais prié pour que la Sainte Vier­ge t'accorde la bonne volonté et l'énergie pour étudier. Je l'ai fait volontiers et de grand coeur pendant tout le mois de Marie. Mais je ne sais pas si j'ai été exaucé. J'aimerais beau­coup le savoir, même si j'ai des raisons de croire que oui. Papa, maman et Azélie vont bien ; souvent je les vois à cinq heures et demie du soir et notre conversation en grande par­tie roule toujours sur toi. Les autres sont toujours inquiets, craignant que tu ne puisses poursuivre dans tes études et qu'ainsi tu ajoutes quelque affliction à celles nombreuses /212/ qu'ils ont déjà eues cette année, comme tu le sais. Moi je les console toujours, m'appuyant sur l'intelligence, la bonne volonté et les promesses d'Emmanuel. Est-ce que je me trompe ? Je pense que non. Encore deux mois et puis quelle belle fête si tes examens sont bien réussis ! Donc, cher Emmanuel, je continuerai à te recommander au Seigneur. De ton côté fais un effort : fatigue, diligence, soumission, obéissance, que tout soit mis en oeuvre pour la réussite de tes examens.

Que Dieu te bénisse, cher Emmanuel ; sois toujours la consolation de tes parents par ta bonne conduite ; prie aussi pour moi qui suis de tout coeur.

Ton ami très affectionné Bosco Gio., prêtre.

Turin, ler juin 1866.



Nous ajoutons ce paragraphe, conclusion d'une lettre envoyée à Emmanuel, maintenant jeune homme, le 14 septembre 1868 (Epist. 1, 574).



Très cher Emmanuel,

Tu traverses l'âge le plus dangereux, mais le plus beau de ta vie. Prends courage : le moindre sacrifice accompli au temps de la jeunesse fait acquérir un trésor de gloire dans le ciel.



61. De Rome, il n'oublie pas Bernard, le cordonnier



Deux brèves lettres envoyées par Don Bosco alors qu'il se trou­vait à Rome pour le concile du Vatican. Il trouve le temps de ré­pondre même à ses apprentis de Valdocco. Bernard Musso, /213/ cor­donnier, sera plus tard coadjuteur salésien et chef d'atelier à Bue­nos Aires. Les deux lettres sont sans date, mais elles furent envo­yées avec d'autres en février 1870 (Epist. II, 78-79).



Mon très cher Musso,

J'ai reçu ta lettre et je comprends tout ce que tu veux me dire. Sois tranquille: Je penserai à toi, toi de ton côté pense à être exemplaire dans l'accomplissement de tes devoirs, spécialement pour empêcher les mauvaises conversations parmi tes compagnons. Dieu fera le reste.

Salue ton maître d'atelier et tes camarades ; bientôt je serai de nouveau avec vous. Priez pour moi qui suis de tout coeur

Votre très affectionné en J.C. Bosco Gio., prêtre.



Mon cher Bernard Musso,

En ce moment j'ai grand besoin d'être aidé par tes priè­res et celles de tes compagnons. Cherche-moi donc parmi tes amis ceux qui désirent m'aider, et conduis-les chaque jour à l'autel de Jésus eucharistie pour lui recommander mes be­soins. Quand je serai de retour à Turin, tu me présenteras ceux qui t'ont accompagné dans ces visites, et à tous je don­nerai un beau souvenir.

Ton ami très affectionné Gio. Bosco, prêtre



62. « Sois tranquille. Sois brave, Pour le reste, j'y pense moi-même »



Encore deux brèves lettres, cette fois à un élève de l'Oratoire, ensuite étudiant au collège de Lanzo. Augustin Anzini venait du canton du Tessin. Désireux de se faire salésien, mais hésitant pour /214/ raison de santé, il avait confié à Don Bosco ses incertitudes. Les deux billets furent écrits à un mois d'intervalle (Epist. II, 293 et 1104).

Très cher Anzini,

Sois tranquille. Quand nous pourrons nous parler, nous arrangerons les choses de sorte qu'elles profitent pour le temps et pour l'éternité. Joie, prière, sainte communion : voilà nos soutiens.

Que Dieu te bénisse, et prie pour moi qui suis en J.C.

Ton ami très affectionné

Turin, 20-7-73.G. Bosco, prêtre



Très cher Anzini,

Sois tranquille, lors des exercices spirituels nous arrange­rons tout. Occupe-toi seulement de devenir bon comme saint Louis, pour le reste j'y penserai moi-même.

Que Dieu te bénisse. Crois-moi



Ton très affectionné en J.C. Turin, 22-8-73.G. Bosco, prêtre





63. « Franceschino, Don Bosco veut te servir de père »



Francesco Bonmartini était fils unique de la comtesse Bonmartini-Mainardi de Padoue, très pieuse veuve, coopératrice zélée et fille spirituelle de Don Bosco. Nous conservons dix-sept lettres du saint, sept adressées à la comtesse, deux à son fils et huit à son digne précepteur Don Tullio de Agostini (MB XV, 667-679). François, très cher à Don Bosco, suivait les cours du petit sémi­naire de Padoue lorsque sa mère tomba très gravement malade (Epist. IV, 350).

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Mon cher Franceschino.

Tu m'écris que les nouvelles de maman sont très graves. J'en suis navré. Tous nos orphelins, dans toutes nos églises, prient sans discontinuer pour elle.

Quoi qu'il arrive pour l'avenir, tu sais que Don Bosco a promis à toi-même, à ta maman, à Don Tullio, qu'il veut te servir de père, spécialement quant à l'âme.

Pour toute éventualité, nous restons proches l'un de l'autre.

Si ta maman se trouve en état de comprendre, dis-lui que nous parlerons de nos affairés dans la bienheureuse éternité.

Pour toi, pour Don Tullio, la chambre est prête.

Que Marie soit en toute chose notre guide vers le para­dis.

Ton ami très affectionné Gio. Bosco, prêtre.

Turin, 15 décembre 1885.



Nous citons maintenant plusieurs lettres envoyées collec­tivement aux garçons de l'Oratoire ou d'autres maisons. El­les étaient lues et commentées au « mot du soir » et faisaient grande impression sur les destinataires. Don Bosco d'une part ouvrait son ccpur plein d'affection, d'autre part distri­buait conseils et avis, utilisant plus d'une fois son don cha­rismatique de vue à distance et de lecture des consciences. Il est frappant de constater que souvent il se soit employé à écrire de longues lettres.

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64. « Mes chers fils, vous êtes mes délices et ma consolation »



Lettre envoyée aux garçons de l'Oratoire depuis S. Ignazio-sur­Lanzo, où Don Bosco était allé comme de coutume pour les exerci­ces spirituels. Don Alasonatti était alors préfet de la maison

(Epist. I, 207).

Mes jeunes et fils très aimés,

La grâce de Notre Seigneur Jésus-Christ soit toujours avec vous !

Il y a seulement quelques jours que je vis séparé de vous, ô mes fils très aimés, et il me semble que plusieurs mois déjà se sont écoulés. Vous êtes vraiment mes délices et ma conso­lation, et il me manque l'une et l'autre de ces deux choses lorsque je suis loin de vous.

Don Alasonatti m'a fait savoir que vous priez pour moi et je vous en remercie. Moi aussi chaque matin à la sainte messe, j'ai toujours recommandé de façon particulière vos âmes au Seigneur. Mais je dois vous dire que la plus grande partie de mon temps, je l'ai passée avec vous, observant en particulier et en général ce que vous êtes en train de faire et de penser. Des choses particulières (et hélas il y en a quel­ques-unes de graves) je parlerai à chacun selon l'opportunité à peine rentré à la maison. Pour ce qui est des choses généra­les, je suis très content, et vous avez de nombreuses raisons de l'être vous aussi. Il y a toutefois à corriger un point de grande importance : la façon trop rapide dont vous récitez ensemble vos prières. Si vous voulez faire une chose qui me soit agréable et qui en même temps plaise au Seigneur et soit utile à vos âmes, efforcez-vous de prier de façon ordonnée, en détachant les paroles et en en prononçant entièrement les consonnes et les syllabes. Voilà ce que je vous propose, /217/ mes bien-aimés, et ce que je désire ardemment voir réalisé lors de mon retour à la maison.

D'ici trois jours je serai de nouveau au milieu de vous et, avec l'aide du Seigneur, j'espère pouvoir vous raconter tant de choses que j'ai vues, lues, entendues.

Que le Seigneur Dieu vous donne à tous santé et grâce, et nous aide à former un seul coeur et une seule âme pour l'ai­mer et le servir tous les jours de notre vie. Ainsi soit-il !

Votre ami très affectionné en J.C. Bosco Gio., prêtre.



De S. Ignazio, 23 juillet 1861



P.S. - Je voudrais encore écrire une lettre à Don Tur­chi, à Rigamonti, à Placide Perucatti, à Bagnasacco, à Stas­sano et à Cugnolo, mais le temps me manque. Nous parle­rons de vive voix.



65. « Marie, soyez pour nos étudiants le siège de la vraie sagesse »



Peu de temps avant d'ouvrir la première maison salésienne hors de Turin, le collège de Mirabello, Don Bosco s'en fut en pèle­rinage au célèbre sanctuaire d'Oropa, dans la région montagneuse de Biella, pour recommander à la Vierge cette fondation. De là­haut il adressa cette lettre aux étudiants restés cet été-là à l'Ora­toire (Epist. I, 227).

Mes très chers fils étudiants,



Si vous vous trouviez, ô mes chers fils, sur cette monta­gne, vous en seriez certainement émotionnés. Une grande construction avec en son centre une église recueillie forme ce /218/ qu'on appelle communément le Sanctuaire d'Oropa. Il y a ici un va-et-vient continuel de pèlerins. Les uns remercient la Sainte Vierge pour des grâces obtenues, d'autres demandent d'être délivrés d'une maladie de l'âme ou du corps, d'autres prient la Sainte Vierge de les aider à persévérer dans le bien, d'autres à faire une sainte mort. Jeunes et vieux, riches et pauvres, paysans et seigneurs, gentilshommes, comtes, mar­quis, artisans, marchands, hommes et femmes, bergers et étudiants de toute condition : on les voit continuellement et en grand nombre s'approcher des sacrements de la confes­sion et de la communion et ensuite aller aux pieds d'une magnifique statue de Marie pour implorer son céleste se­cours.

Mais au milieu de tant de gens, mon coeur éprouvait un vif regret. Lequel ? Celui de ne pas voir mes chers étudiants. Oh oui, pourquoi ne puis-je avoir ici mes fils, les conduire tous aux pieds de Marie, les lui offrir, les mettre tous sous sa puissante protection, faire d'eux tous autant de Dominique Savio ou de Louis de Gonzague ?

Pour donner réconfort à mon coeur, je suis allé devant l'autel miraculeux de Marie, et je lui ai promis que, de retour à Turin, je ferais tout ce qui serait en mon pouvoir pour faire pénétrer dans vos coeurs la dévotion à Marie, et en vous recommandant à Elle je lui ai demandé pour vous ces grâces particulières : « Marie, lui dis-je, bénissez notre maison tout entière, éloignez du coeur de nos jeunes jusqu'à l'ombre du péché ; soyez le guide des étudiants, soyez pour eux le siège de la vraie sagesse. Qu'ils soient tous vôtres, ,oujours vôtres ; regardez-les toujours comme vos chers fils, et conservez-les toujours parmi ceux qui vous sont dévoués ». Je crois que la Sainte Vierge m'aura exaucé, et i'espère que vous me donnerez votre aide pour que nous puissions correspondre à la voix de Marie, à la grâce du Sei­gneur. /219/

Que la Sainte Vierge Marie me bénisse, qu'elle bénisse tous les prêtres, les abbés, et tous ceux qui donnent leurs fa­tiguès à notre maison, qu'elle vous bénisse tous. Que du ciel elle nous aide, et nous, nous ferons tous les efforts nécessai­res pour mériter sa sainte protection pendant la vie et à la mort. Ainsi soit-il.

Votre ami très affectionné en J.C. Bosco Gio., prêtre.

Du Sanctuaire d'Oropa, 6 août 1863.



66. Don Bosco commente saint Paul à ses apprentis



A la fin de 1873, Don Bosco s'était rendu à Rome pour les der­nières démarches en vue de l'approbation des Constitutions. Il voulut adresser une lettre particulière au groupe des apprentis de l'Oratoire et à leur aumônier-catéchiste Don Lazzero. C'est l'un des documents où Don Bosco apparaît le plus clairement en son âme de « sauveur » des âmes « toutes rachetées par le sang pré­cieux de J.C. ». La Compagnie de S. Joseph regroupait les ap­prentis plus soucieux de maturité spirituelle (Epist. II, 339-340.)



Très cher Don Lazzero et mes très chers apprentis,



J'ai déjà écrit une lettre à tous mes fils aimés de l'Ora­toire. Toutefois, comme les apprentis sont la pupille de mes yeux et comme en outre, j'ai demandé pour eux une béné­diction spéciale au Saint Père, je pense vous faire plaisir en donnant satisfaction à mon coeur par une nouvelle lettre.

Que je vous porte une grande affection, il n'est pas né­cessaire que je vous le dise, je vous en ai donné des preuves évidentes. Que de votre côté vous m'aimiez bien, je n'ai pas besoin que vous me le disiez, vous me l'avez constamment démontré. Mais cette affection réciproque entre nous, /220/ sur quoi est-elle fondée ? Sur le portefeuille ? Pas sur le mien, car je l'ouvre pour vous ; pas sur le vôtre, car, sans vous offenser, vous n'en avez pas.

Mon affection est donc fondée sur le désir que j'ai de sauver vos âmes, qui ont toutes été rachetées par le sang pré­cieux de J.C. ; et vous, vous m'aimez parce que je cherche à vous conduire sur la route du salut éternel. Le bien de vos âmes : voilà donc le fondement de notre affection.

Mais, mes chers fils, chacun de vous tient-il vraiment une conduite qui tende au salut de son âme, ou plutôt à sa perte ? Si notre Divin Sauveur en ce moment même nous appelait à son tribunal pour nous juger, nous trouverait-il tous préparés ? Résolutions prises et non tenues, mauvais exemples donnés et non réparés, conversations qui ensei­gnent le mal aux autres : voilà des choses pour lesquelles nous devons craindre d'avoir à subir des reproches.

Mais tandis que Jésus Christ pourrait avec quelque rai­son nous faire de tels reproches, je suis aussi convaincu qu'un grand nombre se présenteraient à lui avec la cons­cience pure et avec les comptes de l'âme bien en ordre, et c'est là pour moi une consolation,

Quoi qu'il en soit, ô mes chers amis, prenez courage ; moi je ne cesserai de prier pour vous, de travailler pour vous, de me préoccuper de vous, et vous, vous me donnerez l'aide de votre bonne volonté. Mettez en pratique ces paro­les de saint Paul que je vous traduis :

« Exhorte les jeunes gens à la sobriété ; que jamais ils n'oublient qu'il est établi pour tous d'avoir à mourir et qu'après la mort nous devrons tous nous présenter au tribu­nal de Jésus. Celui qui ne souffre pas avec Jésus-Christ sur la terre ne peut être couronné de gloire avec lui dans le ciel.

Fuyez le péché comme votre plus grand ennemi, et fuyez la source du péché, c'est-à-dire les mauvaises conversations qui sont la ruine des bonnes moeurs. Donnez-vous le bon /221/ exemple les uns aux autres en oeuvres comme en paroles, etc., etc. » 3 Don Lazzero vous dira le reste.

En attendant, ô mes chers, je me recommande à votre charité, priez spécialement pour moi, et que les membres de le Compagnie de S. Joseph, qui sont les plus fervents, fas­sent une sainte communion pour moi.

Que la grâce de N.S.J.C. soit toujours avec nous et qu'elle nous aide à persévérer dans le bien jusqu'à la mort. Amen.

Votre ami très affectionné

Rome, 20 janvier 1874.G. Bosco, prêtre



67. Voeux de bonne année aux chers fils de Mirabello



Outre l'Oratoire de Turin, les maisons qui eurent le privilège de recevoir des lettres « intimes » de Don Bosco furent le petit séminaire de Mirabello (diocèse de Casale) pris en charge le 2 octo­bre 1863 par un directeur de vingt-six ans, Michel Rua, et le col­lège de Lanzo, ouvert en octobre 1864 sous la direction de Don Ruffino, terrassé par la mort au bout d'une année et remplacé par Don Lemoyne. Ces deux maisons furent comme un champ d'expé­rience pour toutes celles qui devaient suivre et des pépinières de vocations sacerdotales et salésiennes. On comprend que Don Bosco les ait entourées de soins particuliers.

Quinze mois après l'ouverture de Mirabello, après déjà plu­sieurs visites et un échange de correspondance, Don Bosco envoie à ses fils cette lettre de vceux pour la nouvelle année (Epist. I, 331­-332). /222/







Mes chers fils de Mirabello,

La gentillesse et les marques d'affection filiale que vous m'avez manifestées lorsque j'ai eu la grande joie de vous rendre visite, les lettres, les salutations que plusieurs d'entre vous m'ont envoyées et que je conserverai comme un beau souvenir, m'invitaient à revenir dès que possible m'entrete­nir un peu avec vous, ô mes fils très aimés. Jusqu'ici je n'ai pas pu satisfaire ce désir, mais je le satisferai d'ici peu. En attendant, pour contenter en partie les sentiments de mon coeur, j'ai pensé vous écrire une lettre, qui sera l'annonce de ma venue chez vous.

Mais que vaut une lettre pour exprimer tant de choses que je voudrais vous dire ? Je m'en tiendrai à dire les choses en abrégé.

Je vous dirai donc que je vous remercie de toutes les marques d'amitié que vous m'avez données et de la confian­ce que vous m'avez témoignée en cette belle journée passée à Mirabello. Vos cris, vos vivats, votre geste de me baiser ou de me serrer la main, votre sourire cordial, le fait de nous parler d'âme à âme, ou de nous encourager réciproquement au bien : ce sont là choses qui m'ont embaumé le coeur, et pour un peu, je ne puis y penser sans me sentir remué jus­qu'aux larmes.

Aussi, par la pensée, je vais souvent au milieu de vous et je jouis de voir le grand nombre de ceux qui s'approchent fréquemment de la sainte communion... Je vous dirai enco­re que vous êtes la pupille de mes yeux et que chaque jour je fais mémoire de vous à la sainte messe, et je demande à Dieu de vous conserver en santé et en grâce, de vous faire pro­gresser dans la science, que vous puissiez être la consolation de vos parents et les délices de Don Bosco qui vous aime tant. /223/

Et comme étrenne, que vous donnera Don Bosco ? Trois choses très importantes : un avis, un conseil, un moyen.

Un avis. Fuyez, ô mes chers, tout péché d'immodestie ; les actes, pensées, regards, désirs, paroles, discours contrai­res au sixième commandement, qu'on n'ait même pas à en parler parmi vous, comme dit saint Paul.

Un conseil. Conservez avec la plus grande jalousie, la belle, la sublime, la reine des vertus, la sainte vertu de la pu­reté.

Un • moyen. Un moyen très efficace pour terrasser et vaincre avec sûreté l'ennemi et vous assurer de conserver cette vertu, c'est la communion fréquente, mais faite avec les dispositions voulues.

Je voudrais ici vous en dire plus que ne comporte une lettre ; je recommande seulement à Don Rua de me faire ce plaisir : vous commenter, en trois brèves instructions ou ré­flexions chacun de ces points.

Et pour finir, ô mes chers, je vous dirai que je vous porte une grande affection, que je désire tellement vous revoir, et cela arrivera bientôt. Je veux que vous me donniez tous vo­tre coeur, afin que chaque jour je puisse l'offrir à Jésus dans le très saint sacrement pendant que je célèbre la messe. J'irai vous revoir avec un grand désir de parler à chacun des cho­ses de l'âme, et à chacun je dirai trois choses : une sur le passé, l'autre sur le présent, la troisième sur l'avenir.

Que la Sainte Vierge nous conserve tous à elle, toujours à elle ; et que la grâce de N.S.J.C. soit toujours avec vous. Amen.



Et vive mes chers fils de Mirabello !

Votre ami très affectionné en J.-C. Bosco Gio., prêtre.

Turin, 30 déc. 1864.

/224/

P.S. - Je souhaite courage, patience et support au di­recteur, préfet, maîtres, assistants, domestiques, au cher pa­pa Provera et à toute sa famille, à maman Rua, à mon petit ami Meliga, à Chiastellardo, au cher Ossella qui m'a écrit une belle lettre, etc.



68. « Je vais chez vous comme père, ami et frère »



La lettre est sans date. Le contexte la situe au début de juillet 1867 (Don Bosco se rendit à Mirabello le mardi 9). Elle était accompagnée d'une liste de noms de garçons ayant besoin d'être rappelés à l'ordre par le directeur (Epist. I, 482-483)



A mes chers fils de Mirabello,

J'ai remis à plus tard, ô mes fils aimés, la visite que je vous avais promise ; mais ce que je regrette surtout c'est de ne pas même avoir pu aller célébrer avec vous la fête de saint Louis. J'étudie en ce moment la façon de compenser ce re­tard en prolongeant mon séjour parmi vous. Mardi soir, s'il plaît à Dieu, en fin de soirée, je serai à Mirabello.

Mais pourquoi vous prévenir ? Ne suffit-il pas que je vienne comme d'habitude ? Non, mes chers, ça ne suffit pas. J'ai besoin de vous parler en public pour vous raconter certaines choses, qui, je le sais, vous feront plaisir ; de vous parler en privé de choses plutôt désagréables, mais qu'il est nécessaire que vous sachiez ; de vous parler aussi à l'oreille pour briser les cornes du démon qui voudrait devenir le maître et patron de quelques-uns d'entre vous.

J'inclus ici une liste que, au cours d'une visite faite tout récemment 4 j'ai pu établir de quelques-uns qui ont /225/ be­soin d'être spécialement prévenus et je prie votre directeur de vouloir leur dire de ma part que j'ai grand besoin de par­ler à leitr âme, à leur coeur, à leur conscience ; mais ce be­soin, je l'éprouve uniquement pour faire du bien à leurs âmes.

Du reste, je vous dis aussi que, dans les fréquentes visites que je vous fais, j'ai vu des choses qui me donnent grande consolation, spécialement ceux qui fréquentent la sainte communion et accomplissent leurs devoirs de façon exem­plaire. J'ai aussi noté de petites négligences chez certains, mais de cela je ne fais pas grand cas.

Avec tout cela, ne vous faites aucune sorte de souci. Je vais parmi vous comme père, comme ami et comme frère. Remettez seulement votre coeur en mes mains pour quelques instants, ensuite vous serez tous contents. Vous, vous serez contents pour la paix et la grâce du Seigneur dont votre âme certainement aura été enrichie ; et moi, je serai content de la grande et désirable consolation de vous voir tous en amitié avec Dieu votre créateur.

Mais tout cela, c'est pour l'âme ; et pour le corps il n'y a rien ? Sûrement, après que nous aurons donné à l'âme ce qui lui convient, nous ne laisserons pas le corps à jeun. Dès à présent je recommande au préfet de donner les ordres op­portuns pour passer une belle journée, et si le temps le per­met pour faire aussi une promenade tous ensemble.

Que la grâce de N.S.J.C. soit toujours avec vous ; et que la sainte Vierge vous fasse tous riches de la vraie richesse qui est la sainte crainte de Dieu. Amen.

Priez pour moi qui suis de tout coeur



Votre très affectionné en J.-C. Gio. Bosco, prêtre.

/226/

69. A la maisonnée de Lanzo : un programme pour l'année nouvelle



Non moins grande était l'affection mutuelle entre le père et ses fils du collège de Lanzo. Nous possédons une dizaine de lettres que leur adressa Don Bosco. Celle-ci fut envoyée à toute la maisonnée au début de 1875. Comme celles citées précédemment, elle mêle les effusions cordiales et les conseils pratiques (Epist. II, 436-438).



A mes très chers fils, directeur, assistants, préfet, caté­chiste, élèves et autres du collège de Lanzo.



La grâce de N.S.J.C. soit toujours avec nous. Amen.

Jusqu'à présent, mes fils très aimés, je n'ai pu satisfaire un vif désir de mon cceur : celui de vous rendre visite. Une série continue d'occupations compliquées et quelque léger malaise de santé m'en ont empêché.

Mais je veux vous dire une chose que vous aurez peine à croire : plusieurs fois par jour je pense à vous, et chaque matin à la sainte messe je vous recommande tous de façon particulière au Seigneur. De votre côté vous me donnez des signes bien clairs que vous vous souvenez de moi. Oh ! avec quel plaisir j'ai lu votre lettre de voeux ; avec quel plaisir j'ai lu le prénom et le nom de chaque élève, de chaque classe, du premier au dernier du collège ! J'avais l'impression de me trouver au milieu de vous, et dans mon coeur, j'ai répété plusieurs fois : Vive mes fils de Lanzo !

Je commence donc par vous remercier tous, et de tout coeur, des vceux si chrétiens que vous me faites, et je prie Dieu de les reverser au centuple sur vous et sur tous vos pa­rents et amis. Oui ! Que Dieu vous conserve tous en de lon­gues années de vie heureuse ! Mais pour en venir à des voeux plus précis, je demande pour vous au ciel, santé, études, bonne conduite. /227/

Santé. Elle est un don précieux du ciel, ayez-en soin. Gardez-vous de toute intempérance, veillez à ne pas trop suer, à ne pas trop vous fatiguer, attention au passage subit du chaud au froid. C'est ainsi que naissent le plus souvent les maladies.

Etude. Vous êtes au collège pour acquérir un ensemble de connaissances grâce auxquelles vous pourrez plus tard gagner le pain de votre vie. Quelle que soit votre condition, votre vocation, votre future situation, vous devez faire en sorte que, même venant à vous manquer toutes les ressour­ces de votre famille, vous soyiez capables de gagner honnê­tement votre subsistance. Qu'il ne soit jamais dit de nous que nous vivons des sueurs d'autrui !

Bonne conduite. Le bien qui unit ensemble la santé et l'étude, le fondement sur lequel elles reposent, c'est la bonne conduite. Croyez-moi, mes chers fils, je vous dis là une grande vérité : si vous persévérez dans une bonne con­duite morale, vous progresserez en santé et dans l'étude, vous serez aimés de vos supérieurs, de vos compagnons, de vos amis et des gens de votre pays. Mais il en va tout autre­ment pour ceux qui se laissent aller à la mauvaise conduite...

Courage donc, ô mes chers fils : mettez tout votre soin à chercher, à étudier, à conserver et à développer ces trois grands trésors : la santé, l'étude, la bonne conduite.

Une chose encore. J'entends une voix qui vient de loin et crie :« O chers fils, ô élèves de Lanzo, venez nous sau­ver !» Ce sont les voix de tant d'âmes qui attendent qu'une main secourable vienne les écarter du seuil de la perdition pour les mettre sur le chemin du salut. Si je vous dis cela, c'est que plusieurs d'entre vous sont appelés au sacerdoce, à la conquête des âmes. Prenez courage ! Ils sont nombreux /228/ ceux qui vous attendent. Rappelez-vous les paroles de saint Augustin : Animam salvasti, animam tuam proedestinas­ti5.

Finalement, ô mes fils, je vous recommande votre direc­teur 6. Je sais qu'il n'est pas en très bonne santé ; priez pour lui, consolez-le par votre bonne conduite, aimez-le, ayez envers lui une confiance sans limites. Tout cela sera pour lui de grand réconfort, et pour vous de grand avanta­ge.

Tandis que je vous assure que chaque jour je vous re­commande durant la sainte messe, je me recommande moi aussi à vos prières, afin qu'il ne m'arrive pas le malheur de prêcher pour sauver les autres et d'avoir ensuite à perdre ma pauvre âme. Ne cum alüs praedicaverim, ego reprobus effi­ciar 7.

Que Dieu vous bénisse tous, et croyez-moi en J.C.

Votre ami très affectionné Gio. Bosco, prêtre.

Turin, veille de l'Epiphanie 1875



70. « Vous m'avez volé ce pauvre coeur »



Une année plus tard, Don Bosco répond de nouveau aux vceux que lui ont envoyés ses fils de Lanzo. En lisant cette lettre on pen­sera peut-être à celles qu'un saint Paul écrivait aux Galates, ses « petits enfants » (4, 19), ou aux Philippiens, ses « frères bien­aimés et tant désirés »(4,1). (Epist. III, 5). /229/



Mes chers amis, directeur, maîtres, professeurs, élèves.

Laissez-moi vous le dire, et que personne ne s'offense, vous êtes tous des voleurs. Je le dis et le répète, vous m'avez tout pris.

Quand je suis allé à Lanzo, vous m'avez enchanté par votre bienveillance et votre affabilité, vous avez captivé les facultés de mon esprit par votre piété. Il me restait encore ce pauvre coeur, dont déjà vous m'aviez volé les affections en entier. Or votre lettre signée par 200 mains amies et très chè­res ont pris possession (sic) de tout ce coeur, dont il n'est plus rien resté, sinon un vif désir de vous aimer dans le Sei­gneur, de vous faire du bien, de sauver vos âmes à tous.

Ce généreux mouvement d'affection m'invite à me ren­dre le plus vite possible chez vous pour une nouvelle visite, qui je l'espère ne sera que peu retardée. En cette occasion, je veux que nous soyions joyeux d'âme et de corps, et que nous fassions voir au monde combien on peut être joyeux d'âme et de corps sans offenser le Seigneur.

Je vous remercie donc très cordialement de tout ce que vous avez fait pour moi. Je ne manquerai pas de faire mé­moire de vous chaque jour à la sainte messe, priant la Divine Bonté de vous accorder la santé pour étudier, la force pour combattre les tentations et la grâce très précieuse de vivre et de mourir dans la paix du Seigneur.

Une proposition. Le 15 de ce mois, jour consacré à saint Maurice, je célébrerai la messe à votre intention ; et vous, me ferez-vous la charité de faire en ce jour-là la sainte com­munion pour que moi aussi je puisse aller avec vous au para­dis ?

Que Dieu vous bénisse tous, et croyez-moi toujours en J.C.

Votre ami très affectionné

Turin, 3 janvier 1876Gio. Bosco, prêtre.

/230/

71. Ceux d'Amérique aussi sont des fils très chers.



Le départ des premiers missionnaires le 11 novembre 1875 allait permettre à la paternité de Don Bosco de s'élargir jusqu'aux confins de l'Amérique latine. Là-bas aussi, il trouve des fils très aimés, lesquels, comme ceux d'Italie, lui écrivent, surtout à l'occa­sion de sa fête. Il répond aux garçons du collège de S. Nicolas-de­los-Arroyos, en Argentine (voir Epist. III, 69), et à ceux du collège Pie XI de Villa Colón, près de Montevideo en Uruguay, ouvert par Don Lasagna en décembre 1876. C'est cette dernière lettre que nous citons ; elle est écrite de Marseille, où Don Bosco a accompa­gné l'archevêque de Buenos Aires, Mons. Aneyros, venu à Rome età Turin et de retour en Argentine (Epist. III, 200-201).



Mes fils très aimés,

O mes fils très aimés, vous ne pouvez imaginer la grande consolation que m'a apportée votre lettre pour le jour de ma fête. Ce jour-là mes fils de Montevideo, de Buenos-Aires, de S. Nicolas formaient un seul coeur et une seule âme avec ceux de France, de Rome, du Piémont, de Suisse, de Trente, et tous manifestaient leurs sentiments d'affection à un père qui les bénissait, et qui priait Dieu de les conserver tous per­sévérants sur le chemin du ciel.

Je vous remercie donc de cette marque de grande bien­veillance que vous m'avez manifestée ; et pour montrer ma paternelle consolation je me suis présenté au Souverain Pontife Pie IX, je lui parlai de Villa Colón qu'il se souvient très bien d'avoir vue 8. Je lui demandai une bénédiction apostolique spéciale sur vous et sur tous vos parents jusqu'au troisième degré avec indulgence plénière au moment de la mort. /231/

« Très volontiers, répondit le Pontife avec affection : que Dieu bénisse les jeunes élèves de Villa Colón, qu'il bénisse leurs parents, qu'il fasse d'eux tous de fervents catholiques. Que les pères et les fils deviennent très riches, très riches, mais de la vraie richesse qu'est la vertu, la sainte crainte de Dieu ».

Il se tourna alors vers moi et me dit : « Ecrivez-leur et dites-leur d'en donner communication à leurs familles ».

Pour ma part, ô mes chers fils, je brûle du désir de vous rendre visite. Priez pour que je puisse apaiser bien vite ce dé­sir ; ou alors venez vous-mêmes me voir ici à Turin où la maison vous est déjà préparée.-

En attendant, je vous prie de m'écrire, bien librement : 1° Etes-vous vraiment bons ? 2° M'écrirez-vous d'autres lettres longues longues ? 3° Vous ferez-vous tous mission­naires ? 4° Vous ferez-vous tous saints ? Répondez-moi, et vous me ferez un vrai cadeau.

Au jour de Ste Rose9 je célébrerai pour vous la sainte messe, et vous, vous ferez la sainte communion à mon inten­tion. Et ceux qui ne le peuvent me feront la charité d'un Pater, Ave et Gloria devant le Saint-Sacrement.

Que la grâce de N.S.J.C. soit toujours avec vous. Amen.



Votre ami très affectionné

Marseille, 16 juillet 1877.Gio. Bosco, prêtre.



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1 Probablement la vocation sacerdotale. En fait, Joseph deviendra avocat, et il ne manquera pas d'aider son « ami » Don Bosco.


2 Maman en français dans le texte : le mot était en usage dans les familles de la noblesse piémontaise


3 Don Bosco s'inspire librement de passages de saint Paul qu'il con­naît bien et cite souvent : Tite 2,6 ; Héb. 9, 27 ; 2 Cor 5, 10 ; Rom 8, 17 ; I Tim 4, 12.


4 Il s'agit ici et dans le paragraphe suivant de visites de type charisma­-.que : rêve ou lecture des consciences à distance.


5 En sauvant une âme, tu as prédestiné ton âme.

6 Don Lemoyne, le futur historiographe de Don Bosco.

7 1 Cor 9, 27 :... de peur qu'après avoir prêché aux autres, je ne sois moi-même disqualifié.


8 En 1823, en se rendant au Chili comme auditeur de la délégation apostolique.


9 30 août. L'église du collège était dédiée à sainte Rose de Lima.