Les constitutions salésiennes

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LES CONSTITUTIONS SALÉSIENNES





137. Ensemble pleinement disponibles entre les mains de Dieu pour servir les jeunes



Premier Projet des Constitutions (1858)

En mars 1858, lors du premier voyage qu'il fit à Rome, Don Bosco s'ouvrit à Pie IX de son intention de fonder une société apostolique : il reçut de lui non seulement des encouragements, mais des conseils précis, notamment sur l'utilité de lier ces apôtres à Dieu et entre eux par des voeux1. Rentré à Turin, il rédigea le premier projet de constitutions, ou perfectionna celui que peut-être (mais c'est douteux) il avait déjà rédigé et présenté au Pape. Voici des extraits du plus ancien texte conservé de ces Constitu­tions, écrit entre la fin 1857 et 1859. Sur les aspects doctrinaux et spirituels de la vie salésienne consacrée, ce premier jet dit déjà tout l'essentiel. Les corrections que Don Bosco sera amené à faire par la suite, jusqu'à l'approbation de 1874, concernent surtout les /387/ aspects juridiques de gouvernement de la Société et de la forma­tion de ses membres2.

Le document, intitulé Congrégation de saint François de Sales, s'ouvre par un bref exposé historique : Origine de cette Congréga­tion. Cette introduction tend à souligner la continuité entre ce qui existe déjà et la société religieuse à fonder officiellement. Elle s'achève ainsi :

... Pour conserver l'unité d'esprit et de discipline dont dépend le succès des oratoires, dès l'année 1844 quelques ecclésiastiques se réunirent pour former une sorte de congré­gation, s'aidant mutuellement par l'exemple et par la réfle­xion. Ils ne firent aucun voeu: Ils s'en tenaient à une simple promesse de se livrer aux occupations qui sembleraient assu­rer la plus grande gloire de Dieu et le profit spirituel person­nel. Ils reconnaissaient pour supérieur le prêtre Jean Bosco.

Bien qu'ils ne fassent pas de voeux, ils observaient prati­quement à peu près en entier les règles qui sont exposées ici 3.



(I) But de cette Congrégation.



1. Le but de cette Congrégation est de réunir ses mem­bres, ecclésiastiques, clercs et aussi laïcs, dans l'intention de /388/ se perfectionner eux-mêmes en imitant les vertus de notre di­vin Sauveur, spécialement par l'exercice de la charité envers les jeunes pauvres 4.

2. Jésus Christ a commencé par « faire et enseigner ». De même les associés se perfectionneront d'abord eux-mêmes par la pratique des vertus intérieures et extérieures et par l'acquisition de la science ; ils s'emploieront ensuite au bien du prochain.

Suivent quatre articles (3-6) qui indiquent les quatre principaux « exercices de charité » de la Société : oratoires­ patronages des dimanches, pensionnats et centres profes­sionnels pour apprentis pauvres, maisons d'accueil et d'étu­des pour garçons pauvres qui se sentent appelés au sacer­doce, prédication et bonne presse pour soutenir la foi des « adultes du petit peuple ».



(II) Forme de la Congrégation

1. Tous les associés mènent la vie commune : ils n'ont d'autre bien que celui de la charité fraternelle et des voeux simples qui les unissent de façon à former un seul coeur et une seule âme pour aimer et servir Dieu... 5. /389/



(III) Du voeu d'obéissance 6



1. Le prophète David priait Dieu de l'éclairer pour qu'il sache faire sa sainte volonté. Le divin Sauveur nous a assuré qu'il n'est pas venu pour faire sa propre volonté, mais celle de son Père céleste. C'est précisément pour être assurés de faire la sainte volonté de Dieu que l'on fait le voeu d'obéis­sance.

2. L'extension de ce voeu, en général, est : s'appliquer uniquement aux choses que le supérieur légitime jugera con­formes à la plus grande gloire de Dieu et à l'avantage de l'âme.

3. L'extension particulière est en outre l'observance des règles contenues dans le plan de règlement de la maison, tel qu'il est pratiqué depuis plusieurs années dans la maison an­nexe de l'oratoire Saint-François-de-Sales. Mais l'observan­ce de ce règlement n'est pas obligatoire sub gravi sinon dans les choses qui sont contraires au droit divin, naturel, ecclé­siastique, et sont commandées par le supérieur en vertu de la sainte obéissance.

4. La vertu de l'obéissance est celle qui nous assure de faire la volonté divine : qui vous écoute m'écoute, dit le Sauveur, et qui vous méprise me méprise.

5. Que chacun donc voie dans le supérieur un père et lui obéisse entièrement, promptement, d'un coeur joyeux et avec humilité.

6. Que nul ne se mette ni à demander ni à refuser. Toute­fois si quelqu'un juge qu'une chose lui est nuisible ou /390/ nécessaire, qu'il le dise respectueusement au supérieur, et qu'il se résigne dans le Seigneur quelle que doive être la réponse 7.

7. Que chacun ait grande confiance au supérieur et ne lui cache aucun secret de son coeur. Qu'il lui tienne toujours sa conscience ouverte chaque fois qu'il en sera sollicité ou que lui-même en aura reconnu le besoin.

8. Que chacun obéisse sans aucune résistance ni dans les faits, ni en paroles, ni dans le coeur. Plus une chose répugne­ra à celui qui la fait, plus il accroîtra devant Dieu son mérite en la faisant8 .



(IV) Du voeu de pauvreté



1. L'essence du voeu de pauvreté dans notre Congréga­tion consiste à mener la vie commune en ce qui regarde la nourriture et le vêtement, et à ne rien garder sous clé sans une permission spéciale du supérieur.

2. Fait aussi partie de ce voeu (l'habitude de) tenir les chambres dans la plus grande simplicité, préoccupé d'orner son coeur de vertu et non la personne ou les murs de la chambre... 9.

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(V) Du voeu de chasteté



1. Qui a affaire avec la jeunesse abandonnée doit certai­nement se soucier de s'enrichir de toutes les vertus. Mais la vertu angélique, vertu si chère au Fils de Dieu, la vertu de la chasteté, doit être cultivée à un degré éminent.

2. Celui qui n'est pas sûr de conserver cette vertu dans les actes, les paroles, les pensées, qu'il n'entre pas dans cette Congrégation, car à chaque pas il serait exposé à des dan­gers. Les paroles, les regards même indifférents sont quel­quefois accueillis avec mauvaise intention par les jeunes gens qui ont déjà été victimes des passions humaines.

3. Pour cette raison (est requise) la plus grande prudence dans les conversations et dans le comportement avec les jeu­nes, quel que soit leur âge ou leur condition 10.

4. Fuir les conversations avec les personnes de l'autre se­xe et même avec les gens du monde, quand on prévoit quel­que danger pour cette vertu.

5. Que personne ne se rende chez des connaissances ou des amis sans une permission expresse du supérieur, qui lui adjoindra toujours un compagnon.

6. Les moyens efficaces pour garder cette vertu sont la pratique exacte des conseils du confesseur, la mortification et la modestie de tous les sens corporels ; de fréquentes visi­tes à Jésus dans l'eucharistie, de fréquentes oraisons jacula­toires à la très sainte Vierge Marie, à saint François de Sales, à saint Louis de Gonzague, qui sont les protecteurs princi­paux de cette Congrégation.

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(VII) Des autres supérieurs



... Le Directeur spirituel (général) sera chargé des novi­ces, et il mettra le plus grand soin à leur faire apprendre et pratiquer l'esprit de charité et de zèle qui doit animer celui qui désire vouer entièrement sa vie au bien des jeunes aban­donnés 11.



(IX) Pratiques de piété



1. La vie active qui est le but de notre Congrégation a pour conséquence que ses membres ne peuvent avoir la com­modité de faire beaucoup de pratiques en commun. Ils veil­leront à y suppléer par le bon exemple mutuel et par le par­fait accomplissement des devoirs généraux du chrétien.

2. Le digne maintien de la personne, la prononciation claire, pieuse, distincte des paroles de l'office divin, la mo­destie dans la façon de parler, de regarder, de marcher, dans la maison et au dehors, doivent être des caractéristiques chez les membres de notre Congrégation.

3. Chaque jour il y aura au moins une demi-heure de prière mentale ou au moins orale, sauf pour celui qui en se­rait empêché par l'exercice du saint ministère.

4. Chaque jour on récitera la troisième partie du Rosaire de la très sainte Vierge Marie.

5. Le vendredi de chaque semaine on jeûnera en hon­neur de la passion de N.S.J.C.

6. Le dernier jour de chaque mois sera jour de retraite spirituelle durant lequel chacun fera l'exercice de la bonne mort, mettant en ordre ses affaires spirituelles et temporel­les comme s'il devait abandonner le monde et s'acheminer à l'éternité. /393/

7. Le Recteur pourra dispenser de ces pratiques quant à la durée et quant aux individus selon qu'il le jugera meilleur dans le Seigneur 12.

(Archives 022 [1])



Introduction aux Constitutions (1875)



Dans leur première édition en langue italienne, en 1875, les Constitutions se présentèrent enrichies d'une introduction : Aux confrères salésiens, dans laquelle le fondateur offrait à ses fils pen­sées spirituelles et conseils pratiques pour une meilleure observan­ce. Dans l'édition de 1877, il ajouta de nouveaux conseils sur la vo­cation, sur la charité fraternelle et sur l'obéissance (ouverture au supérieur). En plaçant ces considérations en tête des Constitu­tions, il est clair que Don Bosco entendait leur donner valeur de commentaire officiel : il les offrait à la lecture fréquente et à la méditation des Salésiens comme la première synthèse d'un « ma­nuel » de vie salésienne (conclusion) qu'il projetait et qu'il n'écri­vit jamais13 .

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138. « Maintenons à tout prix cette héroïque consé­cration »



Aux confrères salésiens. - Très chers fils en Jésus-christ, nos Constitutions ont été définitivement approuvées par le Saint-Siège le 3 avril 1874.

Nous devons saluer cet événement comme un des plus glorieux pour notre Congrégation, comme un acte qui, dans l'observance de nos règles, nous assure que nous reposons sur des bases solides, inébranlables et pour ainsi dire infail­libles, puisqu'elles sont sanctionnées par le jugement du Chef suprême de l'Eglise.

Mais quelque prix que nous devions attacher à cette ap­probation, elle servirait de peu si ces règles n'étaient con­nues et fidèlement observées. Or, c'est pour arriver à ce que tous puissent aisément les connaître, les lire, les méditer et par suite les pratiquer, que j'ai jugé devoir vous les présen­ter traduites de l'original. Le texte latin a été imprimé sépa­rément.

Vous trouverez ici les règles communes à tous les confrè­res salésiens.

Je crois encore opportun de vous signaler quelques points pratiques qui vous faciliteront la connaissance de l'esprit qui a inspiré ces règles. Je parle le langage du coeur et j'expose brièvement ce que l'expérience m'a montré d'avantageux pour votre profit spirituel et pour le bien de toute notre Congrégation.

(ed. française 1880, pp. 3-4)

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Les voeux. - La première fois que le Souverain Pontife daigna parler de la Société salésienne, il dit ces paroles : « Dans une Congrégation, ou société religieuse, les voeux sont nécessaires, afin que tous les membres soient unis à leur supérieur par un lien de conscience, et que le supérieur se tienne, lui et ses religieux, unis au chef de l'Eglise et par con­séquent à Dieu lui-même ».

On peut donc, en quelque sorte, appeler nos voeux des liens spirituels par lesquels nous nous consacrons au Sei­gneur, et nous mettons au pouvoir du supérieur la propre volonté, la fortune, les forces physiques et morales, afin que, entre tous, nous ne formions qu'un seul coeur et une seule âme pour procurer la plus grande gloire de Dieu selon nos constitutions. C'est à quoi nous invite l'Eglise quand el­le dit dans ses prières : Ut una sit fides mentium et pietas ac­tionum14 .

Les voeux sont une offrande héroïque qui accroît consi­dérablement le mérite de nos oeuvres15 . Saint Anselme enseigne qu'une oeuvre bonne sans voeu est comme le fruit /396/ d'une plante. Celui qui la fait avec un voeu offre à Dieu la plante et le fruit. Saint Bonaventure compare l'oeuvre faite sans voeu à quelqu'un qui offre le revenu, mais non le capital ; avec le voeu, on offre à Dieu le revenu et le capital entier...

Puis donc que les voeux augmentent ainsi le mérite de nos oeuvres et les rendent si chères à Dieu, nous devons veil­ler avec une grande sollicitude à ne point les transgresser. Quiconque ne se sent pas le courage de les observer ne doit pas les émettre ; ou, au moins, il doit en différer l'émission jusqu'à ce qu'il trouve, dans son coeur, la ferme résolution de les accomplir. Autrement il ferait à Dieu une promesse folle et infidèle qui ne pourrait que lui déplaire. Displicet enim Deo infidelis et stulta promissio16 . Préparons-nous donc à cette héroïque consécration, mais quand nous l'au­rons faite, efforçons-nous de la maintenir, même au prix de longs et rudes sacrifices : Redde Altissimo vota tua17 .

(pp. 31-34)



139. L'obéissance salésienne



Obéissance. - Le voeu d'obéissance est la réunion de toutes les vertus, selon saint Jérome. In obedientia summa virtutum clausa est. Toute la perfection religieuse consiste dans la pratique de l'obéissance : tota religionis perfectio in voluntatis nostrae subtractione consistit, c'est le témoignage de saint Bonaventure. L'homme obéissant, dit le Saint­Esprit, remporte la victoire sur tous les vices. Vir obediens /397/ loquetur victoriam18. Saint Grégoire le Grand conclut que l'obéissance conduit à la possession de toutes les vertus et les garde toutes. Obedientia coeteras virtutes in mentem ingerit et custodit (Moral. 1, 35).

Cette obéissance doit être conforme à celle du Sauveur qui la pratiqua dans les choses les plus difficiles et qui fut obéissant jusqu'à la mort. Si la gloire de Dieu le demandait, nous devrions être disposés à obéir jusqu'au sacrifice de notre vie. Factus est pro nobis obediens usque ad mortem, mortem autem Crucis19.

L'apôtre saint Paul, en recommandant instamment cette vertu ajoute : Obéissez à vos supérieurs et soyez soumis à leurs ordres, parce que ce ne sont pas les inférieurs, mais les supérieurs, qui doivent veiller, comme s'ils devaient rendre compte à Dieu des choses qui se rapportent au bien de vos âmes20 . Obéissez volontiers et promptement afin qu'ils /398/ puissent accomplir leur office de supérieurs avec joie et non avec gémissements et tristesse : Obedite praepositis vestris et subjacete eis ; ipsi enim pervigilant quasi rationem pro ani­mabus vestris reddituri, ut cum gaudio hoc faciant et non gementes 21.

Prenez garde que faire les choses qui plaisent et sont agréables n'est pas une véritable obéissance, c'est seconder sa propre volonté. La véritable obéissance qui nous rend chers à Dieu et aux hommes consiste à faire de bon coeur tout ce qui est prescrit par nos Constitutions ou par nos su­périeurs, lesquels sont responsables de nos actions devant Dieu : hilarem enim datorem diligit Deus22. Elle consiste encore à nous montrer dociles, même dans les choses diffici­les et contraires à notre amour propre, et à vouloir les ac­complir au prix de n'importe quelle peine et quel sacrifice. Dans ces circonstances l'obéissance coûte davantage, mais aussi elle est plus méritoire, et comme l'atteste Notre Sei­gneur, elle conduit à la possession du royaume du ciel : Re­gnum coelorum vim patitur et violenti rapiunt illud 23.

(pp. 35-39)



140. La pauvreté salésienne



Pauvreté. - Si nous ne laissons pas le monde par amour, nous devrons le laisser par force. Ceux qui, dans le /399/ cours de leur vie mortelle l'abandonnent spontanément, au­ront le centuple dans la vie présente et la récompense éter­nelle dans l'autre. Ceux, au contraire, qui ne savent pas se résoudre à faire volontairement ce sacrifice, devront le faire par force au moment de la mort, et cela sans récompense, et avec l'obligation de rendre un compte rigoureux de tous les biens qu'ils ont pu posséder.

Il est vrai que nos Constitutions permettent la possession et l'usage de tous les droits civils ; mais en entrant dans la Congrégation, on ne peut plus disposer de ses biens ni les administrer qu'avec le consentement du supérieur et dans les limites fixées par lui. Si bien que dans la Congrégation on est considéré comme ne possédant rien, s'étant fait pauvre pour devenir riche en Jésus-Christ. On suit l'exemple du Sauveur qui naquit pauvre, vécut dans la privation de tout et mourut nu sur la croix.

Ecoutons, en effet ce qu'il dit.

« Celui qui ne renonce pas à tout ce qu'il possède n'est pas digne de moi et ne peut être mon disciple ». A quelqu'un qui voulait se mettre à sa suite : « Allez, lui dit-il, vendez tout ce que vous possédez, donnez-le aux pauvres, venez ensuite, suivez-moi et vous aurez assuré un trésor dans le ciel ».

Il disait à ses apôtres de ne pas posséder plus d'un vête­ment et de ne point se préoccuper de ce qu'ils mangeraient pendant le temps de leurs prédications. De fait, nous n'avons jamais lu que Notre Seigneur, ni ses apôtres, ni aucun de ses disciples aient eu en leur possession des campa­gnes, des maisons, des meubles, des habits, des provisions, ou autres choses semblables. Et saint Paul dit clairement que ceux qui suivent le Christ, où que ce soit qu'ils aillent, quoi que ce soit qu'ils fassent, doivent se contenter des ali­ments nécessaires pour sustenter la vie et des habits pour se /400/ couvrir, habentes autem alimenta, et quibus tegamur his contenti simus24 .

Tout ce qui excède les aliments et les vêtements est su­perflu pour nous et contraire à la vocation religieuse. Il est vrai que quelquefois nous aurons à supporter certains ma­laises pendant les voyages, les travaux, en santé comme en maladie. Plus d'une fois nous aurons la nourriture, le vête­ment qui ne seront pas à notre goût : mais c'est précisément alors que nous devons nous souvenir que nous sommes pauvres, et que si nous voulons en avoir le mérite nous de­vons en supporter les conséquences. Tenons-nous en garde contre un genre de pauvreté hautement blâmé par saint Ber­nard. Il y en a, dit-il, qui se glorifient d'être appelés pau­vres, mais ils n'acceptent pas les compagnons de la pauvre­té. Gloriantur de nomine paupertatis, et socios paupertatis fugiunt. D'autres sont satisfaits d'être pauvres, pourvu que rien ne leur manque. Pauperes esse volunt, eo tamen pacto ut nihil eis desit. (De advent. Dom.).

Que si notre état de pauvreté devient pour nous l'occa­sion de quelque malaise ou de quelque souffrance, réjouis­sons-nous avec saint Paul, qui disait être au comble de la joie dans toutes ses tribulations : Superabundo gaudio in omni tribulatione mea. Ou comme les apôtres, qui étaient heureux quand ils retournaient du Sanhédrin, parce qu'ils avaient été jugés dignes de souffrir et d'être méprisés pour le nom de Jésus. Ibant Apostoli gaudentes a conspectu Conci­lii, quoniam digni habiti sunt pro nomine Jesu contumeliam pati. (Actes 5, 41).

C'est précisément à ce genre de pauvreté que le royaume /401/ du ciel est non seulement promis, mais assuré. Beati paupe­res spiritu, quoniam ipsorum est regnum coelorum 25.

(pp. 47-52)



141. La chasteté salésienne 26(26)



Chasteté. - La vertu éminemment nécessaire, vertu grande, vertu angélique, que toutes les autres vertus couron­nent, c'est la chasteté. C'est à elle qu'on peut appliquer les paroles du Saint-Esprit qui dit : Venerunt autem mihi om­nia bona pariter cum illa (Sap 7, 11). Le Sauveur assure que ceux qui possèdent cette inestirpable vertu, même dans cette vie mortelle, deviennent semblables aux anges de Dieu. Erunt sicut angeli Dei.

Mais ce lys éclatant de blancheur, cette rose précieuse, cette perle inestimable, est grandement jalousée par l'enne­mi de nos âmes, parce qu'il sait que s'il réussit à nous la ra­vir, nous pouvons dire que l'affaire de notre sanctification est ruinée. La lumière se change en ténèbres, la flamme en noir charbon, l'ange du ciel en démon et par suite toute ver­tu s'évanouit. C'est pour ce motif, ô mes très chers, que je crois faire chose avantageuse à vos âmes, en vous signalant /402/ certains points dont la pratique, religieusement gardée par vous, vous procurera de grands profits, et même, à mon avis, pourra vous assurer la conservation de cette vertu et des autres encore.

Retenez donc ceci :

1. Ne vous agrégez pas à la Société salésienne si ce n'est après avoir pris conseil d'une personne prudente, qui vous juge capable de pouvoir conserver cette vertu.

2. Evitez toute familiarité avec les personnes d'un autre sexe, et ne contractez aucune amitié particulière avec les en­fants que la Divine Providence à confiés à nos soins. Ayez de la charité et des manières aimables avec tous, mais jamais d'attachement sensible pour qui que ce soit. Ou n'aimer per­sonne ou bien aimer tout le monde également, dit saint Jérôme.

3. Tenez vos sens sous le joug. Le Saint-Esprit dit que le corps est l'oppresseur de l'âme : Corpus enim quod corrum­pitur aggravat animam 27. C'est pour ce motif que saint Paul s'efforçait de le dompter par de sévères châtiments, quoiqu'il fût accablé de fatigues. Castigo corpus meum et in servitutem redigo28.

On recommande particulièrement la tempérance dans le boire et le manger : le vin et la chasteté ne peuvent demeurer ensemble.

4. Les plus terribles écueils de la chasteté sont les lieux, les personnes et les choses du siècle. Je ne me souviens pas d'avoir lu ou d'avoir entendu raconter qu'un religieux soit allé dans son pays et en ait remporté quelque avantage spiri­tuel. Au contraire on en compte par milliers qui n'ayant pas /403/ voulu le croire ont désiré en faire l'expérience : mais ils n'ont pas tardé à en éprouver un amer mécompte, heureux encore quand ils ne sont pas restés les infortunées victimes de cette liberté domestique qu'ils avaient rêvée.

5. L'exacte observance de nos règles et en particulier des pratiques de piété, donne la victoire sur tout vice et devient la gardienne fidèle de la chasteté. Les congrégations ecclé­siastiques sont comme autant de petits forts avancés. Urbs fortitudinis Sion, ponetur in ea murus et antemurale29. Le grand mur ou mieux les remparts de la religion sont les préceptes de Dieu et de son Eglise.

Le démon pour les faire violer met en oeuvre tout moyen et toute tromperie. Mais pour amener les religieux à les transgresser, il cherche d'abord à abattre l'avant mur ou le fort avancé c'est-à-dire les règles et les Constitutions de leurs institut. Quand l'ennemi veut séduire un religieux et le pousser à violer les préceptes divins, il commence par lui fai­re négliger les plus petites choses, ensuite celles d'importan­ce majeure, après quoi il le conduit assez facilement à la vio­lation de la loi du Seigneur, rendant véritable la parole du Saint-Esprit : Qui spernit modica, paulatim decidet30.

Donc, ô mes chers fils, demeurons attachés à l'exacte observance de nos règles, si nous voulons être fidèles à ac­complir les préceptes divins. Mettons ensuite une sollicitude constante et empressée à garder ponctuellement les prati­ques de piété qui sont le fondement et l'appui de tous les ins­tituts religieux.

(pp. 52-57)

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142. La piété salésienne



Pratiques de piété. - De même que la nourriture ali­mente le corps et le conserve, ainsi les pratiques de piété nourrissent l'âme et la rendent forte contre les tentations.

Tant que nous aurons du zèle pour l'observation des pratiques de piété, notre coeur sera en bonne harmonie avec tout le monde, et nous verrons le Salésien heureux et content de sa vocation. Au contraire il commencera à en douter, il éprouvera de violentes tentations quand, dans son coeur, il se laissera aller à la négligence dans les pratiques de piété. L'histoire de l'Eglise nous fait toucher du doigt que tous les ordres religieux et toutes les congrégations ecclésiastiques furent prospères et procurèrent le bien de la religion tant que la piété y fut en honneur. Au contraire nous en avons vu beaucoup décliner et cesser d'exister quand l'esprit de piété s'est ralenti, quand chacun s'appliquait à rechercher quae sua sunt, non quae sunt Jesu Christi 31.

Si donc, ô mes très chers fils, nous aimons la gloire de notre Congrégation et désirons qu'elle se propage et se con­serve florissante pour le bien de nos âmes et des âmes de nos /405/ frères, ayons la plus grande sollicitude de ne jamais omettre la méditation, la lecture spirituelle, la visite quotidienne au très saint Sacrement, la confession hebdomadaire, le rosaire de la sainte Vierge, la petite abstinence du vendredi. Bien que chacune de ces pratiques prise séparément ne soit pas grande chose, elle contribue néanmoins au grand édifice de notre perfection et de notre salut. Voulez-vous croître et grandir aux yeux de Dieu ? dit saint Augustin, commencez par les plus petits choses. Si vis magnus esse a minimo incipe.

Le point fondamental des pratiques de piété, celui qui en une certaine manière en est comme le résumé, consiste à fai­re chaque année les exercices spirituels et chaque mois la pratique de la bonne mort. Je crois qu'on peut regarder comme assuré le salut d'un religieux si, chaque mois, il s'approche des sacrements et règle sa conscience comme si de fait il devait quitter cette vie pour l'éternité32 . Si donc nous aimons l'honneur de notre Congrégation, si nous dési­rons le salut de notre âme, soyons fidèles observateurs de nos règles, soyons ponctuels même pour les choses les plus ordinaires, parce que celui qui craint Dieu ne doit rien négli­ger de ce qui peut contribuer à sa plus grande gloire. Qui ti­met Deum nihil negligit.

(pp. 63-67)

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143. Ne pas démolir la communauté



Cinq avis importants33. - L'expérience a fait connaî­tre cinq choses que l'on peut appeler les cinq vers rongeurs de l'observance religieuse, et la ruine des congrégations. Je vous les ferai remarquer brièvement.

1. Fuir la démangeaison de la réforme. Appliquons-­nous à observer nos règles sans avoir la pensée de les amélio­rer ou de les réformer. Si les Salésiens, disait notre grand bienfaiteur Pie IX, sans prétendre améliorer leurs Constitu­tions, s'appliquent à les observer ponctuellement, leur Congrégation sera toujours plus florissante.

2. Renoncer à l'égoïsme individuel, plus encore ne ja­mais rechercher son avantage privé, mais s'employer, avec un grand zèle, pour le bien commun de la Congrégation. S'aimer, s'entraider par le conseil, par la prière, procurer l'honneur de nos confrères non comme affaire d'un seul, mais comme le noble et essentiel héritage de tous.

3. Ne pas murmurer contre les supérieurs, ni désapprou­ver les dispositions qu'ils prennent. Quand il vient à notre connaissance une chose qui nous paraît matériellement ou moralement mauvaise, on doit l'exposer humblement aux /407/ supérieurs. Ils sont chargés par Dieu de veiller sur les per­sonnes et sur les choses ; pour ce motif, ce sont eux et non les autres qui rendront compte de leur administration.

4. Que personne ne néglige son office. Les Salésiens con­sidérés ensemble forment un seul corps : la Congrégation. Si tous les membres de ce corps accomplissent leur office, tout marchera avec ordre et satisfaction. Autrement arrive­ront les désordres, les dislocations, les ruptures, les déban­dades et enfin la ruine du corps lui-même. Que chacun donc remplisse l'office qui lui est assigné, mais qu'il le remplisse avec zèle, avec humilité, et qu'il ne s'effraie pas s'il doit fai­re quelque pénible sacrifice. Qu'il se console dans la pensée que sa fatigue deviendra profitable à cette Congrégation au bien de laquelle nous sommes tous consacrés.

5. Dans tout office, dans tout travail, dans toute peine et dans tout ennui, n'oublions jamais qu'étant consacrés à Dieu, c'est pour lui seul que nous devons nous fatiguer, et de lui seul aussi attendre notre récompense. Il veut bien tenir compte des plus petites choses faites pour son saint nom, et il est de foi qu'en son temps il nous récompensera dans une mesure abondante. A la fin de la vie, quand nous nous pré­senterons à son divin tribunal, nous regardant avec amour,

il nous dira : Vous avez été fidèles dans les petites choses, je vous établirai maîtres sur beaucoup ; entrez dans la joie de votre Maître. Quia in pauca fuisti fidelis, supra multa te constituam, intra in gaudium Domini tui.

(pp. 68-71)



Jour de l'Assomption de la Sainte Vierge, 15 août 1875.

Votre très affectionné en Notre Seigneur Jean Bosco, prêtre.





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1 Voir MB V, 860 ; et P. Stella, Don Bosco nella storia I, 143.

2 Texte encore inédit, aux Archives 022 (1), cahier, pp. 5-17. L'écritu­re est du clerc Michel Rua, avec corrections et ajouts de la main de Don Bosco. Il contient, après l'introduction historique, neuf brefs chapitres non numérotés. On peut lire un texte immédiatement postérieur en MB V, 933­940. Pour la formulation détaillée des articles, Don Bosco s'est inspiré très probablement des constitutions des Lazaristes, des Rédemptoristes et des Prêtres séculiers des Ecoles de la charité, des frères Cavanis de Venise.

3 Les collaborateurs les plus immédiats de Don Bosco pratiquaient donc déjà en substance la vie consacrée à Dieu dans le service de la jeunesse et des pauvres. La profession officielle des voeux n'a fait que ratifier au plan ecclésial et canonique et renforcer au plan spirituel et vital une situa­tion déjà existante et un genre de vie déjà solidement expérimentée. Cette continuité mérite d'être remarquée.


4 Les quatre éléments de ce premier article décisif sont à remarquer : constitution d'une communauté; qui recherche la perfection, par l'imita­tion du Christ sauveur, avant tout dans la charité pratique envers les jeunes pauvres. L'article suivant, se fondant sur une interprétation accommoda­tice de Actes 1,1, souligne la nécessité d'une préparation personnelle à cet apostolat.

5 Définition synthétique de la communauté salésienne. Forme exté­rieure : la vie commune ; engagements communs : la charité fraternelle et les voeux ; résultat : « étroite » unité de coeur et d'âme ; but commun : le service de Dieu par amour. Beaucoup de substance en peu de mots. Suivent douze articles composites (2-13), de caractère surtout juridique : le profès conserve ses droits civils, peut être propriétaire, etc. L'art. 12 précise : « Les membres qui vont ouvrir une nouvelle maison ne doivent pas être moins de deux, dont l'un au moins soit prêtre ».

6 Quand il traite des voeux, Don Bosco suit toujours l'ordre : obéis­sance, pauvreté, chasteté. De même dans son commentaire de l'Introduc­tion aux Constitutions (voir plus loin, nn. 139-141).


7 A partir de 1860, Don Bosco modifia ainsi la finale de l'article (ins­pirée d'autres constitutions) : « ... qu'il le dise respectueusement au supé­rieur, lequel apportera le plus grand soin à pourvoir à ses besoins » (Archi­ves, 022 [4]).

8 Tout ce chapitre met en lumière l'esprit selon lequel Don Bosco con­çoit l'obéissance : c'est un esprit de famille (le supérieur est tellement père qu'on ne craint pas de lui ouvrir entièrement son coeur), baigné d'esprit de foi (il s'agit de rejoindre l'obéissance du Christ, et cela peut conduire à ac­cepter des ordres qui répugnent à la nature). Sur le premier aspect, Rome obligera Don Bosco à rendre facultative l'ouverture de conscience.

9 Ces deux articles résument fort bien la visée de Don Bosco sur la pauvreté (les exigences canoniques les feront passer hélas en queue de cha­pitre) : tout mettre à la disposition de la communauté pour tout partager, et personnellement rechercher la simplicité et le détachement. Suivent qua­tre articles sur l'usage de l'argent.


10 La chasteté ici requise est celle qui convient à des éducateurs de la « jeunesse abandonnée ». Les articles suivants indiquent les moyens de la conserver. Nous avons ici les deux réactions typiques de Don Bosco à pro­pos de la chasteté : d'une part, il chante sa beauté et sa nécessité, d'autre part, il multiplie les recommandations pour sa sauvegarde.

11 Noter le but principal du noviciat salésien : inculquer « l'esprit de charité et de zèle » pour une « vie entièrement vouée » aux jeunes. Les au­tres vertus s'ordonnent autour de cet axe.

12 Ce chapitre fournit l'essentiel de la pensée de Don Bosco sur la « piété salésienne ». Les articles 1, 2 et 7 en disent la discrétion : pratique­ment rien de plus que ce qui est demandé à un chrétien sérieux (« devoirs généraux du chrétien »), mais en revanche une façon d'être et de se com­porter qui toujours édifie, avec simplicité: Les autres articles énumèrent les exercices de chaque jour, chaque semaine, chaque mois (Rome fera ajouter les exercices spirituels annuels). En outre les articles 1, 3 et 7 font saisir à quel point cette vie de piété est pensée en fonction d'un apostolat intense et intensément surnaturel (mais Rome fera supprimer l'article 7 et modifier l'article 3 dans le sens d'une prière plus abondante). Les deux derniers ar­ticles, non cités ici, traitent des suffrages pour les défunts.

13 Le texte autographe, conservé aux Archives (022, 101), se présente en trois groupes de feuillets : un premier de 14 pages, signé 24 mai 1875, complété par 3 pages plus petites sur le thème Doute sur la vocation, puis 3 autres pages (encre différente) qui développent l'un des thèmes précé­dents : Avantages spirituels de la vie religieuse. L'ensemble fut imprimé dans le livret des Constitutions avec la date du I S août (pp. V-XLII). On le trouve en Opere edite XXVII, pp. 13-50. C'est ce texte que nous citons, uti­lisant toutefois la traduction française qui parut en 1880 sous la signature de Don Bosco : Règles ou Constitutions de la Société de Saint-François-de­Sales, Turin, Imprimerie salésienne, aux pages 3-4 et 31-71.


14 « (Donne aux baptisés) d'avoir au coeur la même foi et dans la vie la même générosité » (oraison du jeudi de Pâques.)

15 Nous avons dans ces paragraphes les éléments principaux de la conception que Don Bosco se faisait des voeux. Il les voit sous deux dimen­sions : théologale et communautaire. Ils sont d'abord une remise de soi à l'entière disposition de Dieu, une « consécration », qui est sentie comme « offrande », sacrificielle que Dieu agrée et prend au sérieux. Intéressante est à ce propos la déclaration de Don Bosco au moment des voeux de ses premiers fils le 14 mai 1862 :« Pendant que vous émettiez ces voeux entre mes mains, je les faisais moi-même devant le crucifix pour toute ma vie, m'offrant en sacrifice au Seigneur, disponible pour tout » (Chronique de Don Bonetti, en MB VII, 163) : l'offrande rejoint ici le sacrifice même du Christ. En second lieu, les voeux créent un lien sociétaire extrêmement pro­fond entre tous ceux qui les professent. On notera enfin comment ces deux dimensions s'articulent l'une à l'autre : par l'obéissance les profès ensem­ble s'unissent activement au supérieur et au Pape, médiations de Dieu.

16 « Une promesse infidèle et folte déplait à Dieu » (Ecclésiaste 5, 3,)

17 « Accomplis ce que tuas promis au Très-Haut » (Psaume 50, 14). Don Bosco ne voile pas les exigences de la consécration religieuse : pour la deuxième fois il la qualifie d'héroïque. Il pense naturellement ici à la pro­fession perpétuelle. Elle exige réflexion et générosité avant d'être faite, loyauté et sacrifice lorsqu'elle a été faite : il faut être fidèle à ses promesses.

18 « L'homme obéissant publiera ses victoires » (Prov. 21,28 selon la version de la Vulgate.)

19 « Il s'est fait pour nous obéissant jusqu'à la mort, et jusqu'à la mort en croix » (Phil. 2,8).

20 Relevons les sources et références de la doctrine de Don Bosco sur l'obéissance : les Pères (dont il puise les sentences dans saint Alphonse et dans Rodriguez), le Christ modèle suprême, saint Paul. Sous-jacent à l'exi­gence manifestée, il y a le besoin ressenti par Don Bosco d'avoir des Salé­siens disponibles, pour les envoyer là où se font sentir les urgences, aussi bien à Marseille qu'à Buenos Aires, ou à l'imprimerie de Valdocco. L'obéissance est condition de la fécondité apostolique de la Société. Les paragraphes suivants mettent en relief le style familial de l'obéissance salé­sienne (voir plus haut p. 390), et son fruit de paix et de bonheur. Selon ces perspectives, le rôle et la responsabilité du supérieur sont certes très accen­tués. Dans l'édition de 1877, Don Bosco ajoutera ici un chapitre : Des ren­dements de comptes et de leur importance : « La confiance envers les supé­rieurs respectifs est une des choses qui aident merveilleusement à la bonne marche d'une congrégation religieuse et à la paix et félicité de tous ses membres » (éd. française de 1880, p. 39).

21 « Obéissez à vos chefs et soyez-leur dociles ; car ils veillent person­nellement sur vos âmes, puisqu'ils en rendront compte. Ainsi pourront-ils le faire avec joie et non en gémissant » (Heb 13, 17).

22 « Dieu aime celui qui donne avec joie » (2 Cor, 9, 7).

23 « Le royaume des cieux est assailli avec violence, et ce sont des vio­lents qui l'arrachent » (Mt 11, 12). Don Bosco citait souvent cette maxime évangélique.


24 « Si nous avons la nourriture et le vêtement, nous nous en conten­terons » (1 Tim 6, 8). Autre maxime souvent citée par Don Bosco.

25 Notons les deux insistances de Don Bosco. D'une part il réfère la pauvreté religieuse à l'exemple et aux paroles du Christ et de ses apôtres (y compris Paul) : c'est là sa justification fondamentale. D'autre part, comme pour l'obéissance, il affirme son caractère exigeant et le dépassement de la souffrance dans la joie évangélique. Ici surtout, Don Bosco parle d'expé­rience, et il a toujours rêvé de Salésiens qui personnellement se contentent de très peu.

26 Ce bref chapitre est le commentaire exact des articles des Constitu­tions relatifs à la chasteté. Nous y retrouvons le Don Bosco chantre de cette vertu ressentie comme souverainement nécessaire à des éducateurs, puis le Don Bosco prodigue de conseils pratiques pour sa sauvegarde (voir plus haut p. 392). En ce domaine, il est remarquable que les exigences concrètes de détachement et de mortification viennent avant les appels à la prière.

27 « Le corps corruptible appesantit l'âme » (Sag 9, 15).

28 « Je traite durement mon corps et je le réduis en servitude » (1 Cor 9,27).


29 « Nous avons en Sion une ville forte, (Dieu a mis) en elle un rem­part et un avant-mur » (Is 26, 1).

30 « Qui méprise les petites choses tombera peu à peu » (Sir 19, 1). Rappelons que nous traduisons ces phrases bibliques comme Don Bosco les comprenait.

31 « ... Leurs propres intérêts et non ceux de Jésus Christ » (Phil 2, 21). Sur un exemplaire des Constitutions, commentant un article sur l'unité de la communauté dans le service de Dieu, Don Bosco avait écrit en 1874 : « Chercher les intérêts de Jésus Christ et renoncer aux siens propres, voilà la tâche de la Société salésienne » (Archives 022 [19a] ; MB X, 994). La cause de la décadence des ordres religieux, selon Don Bosco, n'est pas telle­ment l'abandon des « pratiques de piété », mais plus profondément la per­te de la piété elle-même et de « l'esprit de piété », défini comme la recher­che ardente des intérêts de Jésus Christ. C'est dans cette lumière qu'il faut comprendre le détail des « pratiques ». Don Bosco est ennemi de tout for­malisme ; et par ailleurs sa pédagogie réaliste sait que la fidélité aux prati­ques « nourrit l'âme et la rend forte ».

32 Don Bosco n'a jamais varié sur ce point : les temps forts de recueil­lement à intervalles réguliers sont nécessaires à l'apôtre surchargé de tâ­ches. En particulier « l'exercice de la bonne mort » mensuel lui apparaît fondamental : vraie révision de vie en présence du souverain Juge. Il n'a cessé de le recommander aux jeunes, aux Salésiens, aux Coopérateurs. Dès l'édition de 1877, le paragraphe le concernant sera développé.

33 Ces « cinq avis importants » se ramènent en fait à deux, aux deux formes fondamentales du détachement. Don Bosco demande au Salésien (5e avis) de travailler vraiment pour Dieu et son règne et d'attendre de lui seul la récompense. Et puis, il le supplie (autres avis) de maintenir en lui l'esprit de famille, le souci de l'unité de la communauté, le sens du bien commun de la Congrégation, le sens de sa propre responsabilité de membre au sein du corps. Améliorer les règles ? Modifier quelque disposition prise par un supérieur ? Pourquoi pas, si les circonstances le requièrent, pourvu que ce soit fait dans le climat salésien de confiance mutuelle, sans agressivi­té. Dès l'édition de 1877, Don Bosco ici encore ajoutera un chapitre sur la charité fraternelle, où il reviendra sur ce thème avec plus de détail.