3_2000_DesramautF_Cahier_Les_Cent_Mots-Clefs


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CAHIERS SALESIENS
RECHERCHES ET DOCUMENTS POUR SERVIR
A L’HISTOIRE DES SALESIENS DE DON BOSCO
DANS LES PAYS DE LANGUE FRANÇAISE
LES CENT MOTS-CLEFS
DE LA
SPIRITUALITE SALESIENNE
III
Numéro 40
14, RUE ROGER RADISSON
69322 LYON CEDEX 05
Mars 2000

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Francis DESRAMAUT
LES CENT MOTS-CLEFS
DE LA
SPIRITUALITE SALESIENNE
III
MISSION-ZELE
Maison Don Bosco
Lyon-Fourvière
2000

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403
Liminaire
Voici le troisième cahier de la série consacrée aux Cent mots-clefs de la
spiritualité salésienne. Le premier cahier contenait une Introduction générale et
les vingt premiers mots : Action-Contemplation, le deuxième les quarante suivants
: Coopérateur-Méditation. Celui-ci boucle la centaine avec les quarante derniers :
Mission-Zèle.
Il comporte en finale, pour lensemble de la publication, un Index général
des thèmes et personnages touchant à la spiritualité salésienne. Cette table devrait
en faciliter l’utilisation. Lauteur sait en effet qu’un recueil de ce genre ne se fit
pas. Dans les meilleurs cas, il se consulte.
Quelques usagers des deux premiers cahiers mont dit ou écrit en avoir
tiré profit. Un prédicateur de retraite salésienne a même cru bon de conseiller tels
ou tels mots à ses auditeurs sur les feuilles polycopiées distribuées pendant ses
instructions. Le rédacteur soussigné, qui, on voudra le croire, fut le premier
bénéficiaire dun travail qui le remettait régulièrement en cause, sen réjouit.
Les spécialistes fronceront inévitablement le sourcil : les quelques
bibliographies ne les citent guère et ils ne découvrent pas dans le corps des articles
certains développements à leur avis indispensables. On ne peut que répéter ici à
ces graves personnages lavertissement de l’introduction ci-dessus. Ce travail nest
pas destiné aux savants. A l’intention des gens pressés, monde bien fourni dans la
famille salésienne, croyez-moi, les cent mots-clefs retenus ne prétendent quouvrir
aux principales questions de leur spiritualité, qui, le plus souvent, sont pour eux
terrae incognitae. Sils le jugent utile, théologiens, liturgistes, pédagogues ou
philosophes peuvent composer sous leurs titres des articles de cent pages ou des
livres de quatre cents. Cest leur problème, souhaitons qu’ils le résolvent au
mieux.
Francis Desramaut
Toulon, 25 décembre 1999

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Mission
Lentrée de la missiondans le vocabulaire salésien
Mission se traduit : envoi. Au temps de don Bosco et jusquà une époque
récente, le terme de mission”, employé le plus souvent au pluriel, ne désigna dans
le langage courant, et donc dans le vocabulaire salésien, que les oeuvres
d’évangélisation des peuples non baptisés et même seulement étrangers à lEglise
catholique. Le Siège apostolique leur envoyaitses missionnaires. Le futur
archevêque de Turin Lorenzo Gastaldi, contemporain de don Bosco, religieux
rosminien au début de son ministère sacerdotal, fut ainsi un temps et très
officiellement missionnaireen Angleterre, pays pourtant chrétien. Jusquà la
réforme des constitutions salésiennes en 1971-1972, leur index ne connut que les
“missions étrangères. La mission” comme telle y était ignorée. Puis,
brusquement, le monde salésien se mit à lui offrir une place de choix dans son
enseignement le plus officiel. La mission donne à toute notre existence son
caractère concret, spécifie notre tâche dans lEglise et détermine la place que nous
occupons parmi les familles religieuses, annonceront les constitutions salésiennes
de 1984.1 Et le premier article des constitutions rénovées des filles de Marie
auxiliatrice déclarera que leur Institut “participe dans lEglise à la mission de salut
du Christ en réalisant le projet d’une éducation chrétienne selon le système
préventif2.
La famille salésienne se conformait ainsi aux meilleures orientations de
lEglise du temps. Au cours du vingtième siècle, le terme latin missio était entré en
force dans les grands secteurs de la théologie chrétienne, de la Trinité aux fins
dernières. Le Christ a été envoyé par le Père, et lui-même envoie lEsprit. Il y avait
donc une mission” du Christ et une missionde l’Esprit saint. Et, remarquait-on
pour y revenir souvent, le Christ par lEsprit a donné à l’Eglise entière une
“missionde salut.
Vatican II (1962-1965) ne cessa de parler de la mission de l’Eglise ainsi
entendue. Par exemple, la constitution pastorale Gaudium et spes affirma :
Ecclesia cum, divina sua missione innixa, omnibus hominibus Evangelium
praedicat et thesauros gratiae elargitur ce que lon traduit : Lorsque lEglise,
en vertu de sa mission divine, prêche l’Evangile à tous les hommes et leur
dispense les trésors de la grâce ... 3 Et les principaux documents conciliaires
décrivirent le contenu de cette mission divine”. LEglise a reçu la mission confiée
aux apôtres dannoncer le royaume du Christ et le mystère de Dieu, d’éclairer le
monde par message évangélique, de manifester et de communiquer la charité de
Dieu à tous les hommes et à toutes les nations4. Cette mission, qui est à la fois
apostolique, évangélique, universelle, dordre spirituel et non pas politique,
économique ou social, ni liée à aucune culture ou système politique, transcende
tout particularisme de race ou de nation. Elle saccomplit au coeur du monde et

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doit correspondre à ses conditions particulières qui varient selon les époques. Par
son caractère à la fois religieux et humain, elle concerne le salut de l’homme dans
lordre spirituel et aussi dans lordre temporel, en particulier par l’unification de
l’univers et la construction d’un monde meilleur dans la vérité et la justice.5
Après 1965, la mission et les missions de la famille salésienne sinsérèrent
naturellement dans la mission de lEglise telle que Vatican II venait de la décrire.
La mission salésienne dans lEglise
En 1971, le chapitre général des salésiens tint à justifier l’emploi du mot
mission”, au moment de lintroduire pour la première fois dans la description de
l’identitésalésienne. Pourquoi, demandait-il, le mot missionplutôt que celui
de fin? D répondait : LEglise emploie ce terme quand elle traite de son
mystère. Cela signifie que, dans le prolongement de la mission du Fils et de
lEsprit Saint, elle-même (et chaque organisme authentique en son sein) ne fixe
pas de sa propre initiative la fin à atteindre, mais quelle la reçoit de Dieu Père et
se sent donc tenue à la rechercher avec plus durgence et de zèle. En outre, ce
terme rappelle aussi ceux vers qui l’Eglise est envoyée pour réaliser cette fin, à
savoir les hommes à sauver.6
Après quoi, le chapitre général spécial définit sommairement la mission
salésienne : Parler de la “mission des salésiens” signifie donc mettre d’emblée en
relief le sens de leur vocation et de leur présence dans l’Eglise. Dieu les appelle et
les envoie pour rendre un service spécifique dans lEglise : coopérer directement
au salut intégral des jeunes, surtout pauvres.”7 Les considérations qui suivaient
montraient toutefois qu’il nétait pas exact de réduire aux seuls jeunes le monde
des destinataires dune mission salésienne, qui, en fait, sadresse aussi aux
adultes8.
Dans le monde salésien de l’époque, le concept de mission”, qui
recouvrait celui daction évangélisatrice, parut un temps ne pas saccorder, dans la
définition de la vie religieuse, avec le mot et le concept de “consécration”,
entendue de manière essentialiste, qui pénétrait simultanément dans le langage
congrégationnel. Puis le débat s’apaisa. L’une et l’autre sont les fruits d’une grâce
unique, qui vient de Dieu, affirmèrent les théoriciens de la vie religieuse en
donnant, à la suite de Vatican II, un sens actif à la consécration”, qui est, comme
la mission, dorigine divine9.
On sest parfois hasardé à tenter de dessiner exactement, dans son objet et
son contenu, la mission salésienne, quitte à se déclarer déçu par lenquête10. Mais,
il faut le reconnaître, les orientations de don Bosco, que les constitutions rénovées
ont reprises, empêchent de lui attribuer des frontières bien définies, quil s’agisse
de ses destinataires ou de ses méthodes. Les destinataires de la mission salésienne
sont en priorité les jeunes pauvres et abandonnés ; et son esprit est celui de don
Bosco, tel quil apparaît principalement dans le petit traité de 1877 sur le système
préventif dans l’éducation de la jeunesse. La réflexion doit prendre la question de
plus haut. La famille salésienne n’ayant pas d’autre mission que celle de lEglise,

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407
sa mission participe nécessairement de la mission même de lEglise. Cette famille
déclarera à bon droit : Nous formons un seul corps avec une seule fin et donc une
seule mission. Dieu nous appelle tous dans lEglise, à travers lEglise et avec
lEglise, à sauver lhumanité. Toutefois, dans lEglise, si la mission est unique,
multiples sont les vocations et les ministères. La mission est en conséquence
unique, mais avec des fonctions spécialisées.”11
Les constitutions rénovées des salésiens et des salésiennes, celles des
Volontaires de don Bosco, ainsi que le Règlement de vie apostolique des
coopérateurs, se sont attachés à dire en quoi consistent dans la famille salésienne
et dans lEglise du Christ les fonctions de chacun de ces groupes, telles quelles
paraissent résulter de leur mission particulière.
Ne relevons ici que leurs articles plus généraux portant explicitement sur
“la mission”. Selon leurs constitutions de 1984, les salésiens entendent réaliser
selon une forme spécifique de vie religieuse le projet apostolique de leur
Fondateur : être dans l’Eglise signes et porteurs de lamour de Dieu pour les
jeunes, spécialement les plus pauvres.Cest, continuent-ils, dans
l’accomplissement de cette mission, qu’ils trouvent le chemin de (leur)
sanctification.12
Les salésiennes ont inscrit en épigraphe à leur chapitre constitutionnel
intitulé Notre mission”, la sentence : Envoyées pour les jeunes filles dans l’esprit
du da mihi animas13, qui en dit clairement le sens. Le premier article insère
soigneusement cette mission dans celle de l’Eglise. Notre mission naît de
l’initiative salvifique du Père, qui nous appelle à participer, dans lEglise - comme
communauté apostolique salésienne - au ministère prophétique, sacerdotal et royal
du Christ, par le témoignage de notre vie, l’annonce de la Parole et la célébration
du salut. Elle implique le don de prédilection envers les jeunes filles et nous
engage à nous faire pour elles, à l’école de Marie, signe et médiation de la charité
du Christ Bon Pasteur, par un projet chrétien déducation intégrale dans le style du
Système Préventif.14
Quant à elles, les Volontaires sont des chrétiennes qui, appelées à suivre
le Christ de plus près, entendent vivre en profonde harmonie consécration,
sécularité et salésianité. Elles accomplissent ainsi leur mission dans lEglise et dans
le monde.”15 Et les Coopérateurs, nés dune invitation de don Bosco à “coopérer à
sa mission de salut des jeunes, spécialement des pauvres et des abandonnés,
“collaborent activement et au nom de lEgliseà la mission de la Société de St
François de Sales16.
Quand elle en parle, la Charte récente (1995) de communion de la Famille
salésienne ne connaît pour sa part que les destinataires de la mission. Sous le titre :
La mission auprès des jeunes et du peuple, elle déclare simplement : Les
disciples de don Bosco font l’expérience de Dieu à travers ceux auxquels ils sont
envoyés : les jeunes et le monde populaire.17

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La mission salésienne est donc, selon lesprit et les méthodes de don
Bosco, une mission de salut, prioritairement auprès de la jeunesse, surtout pauvre.
Famille salésienne et missions ad gentes
En 1875 don Bosco lança ses premiers missionnaires dans la Pampa
argentine. Les premières missionnaires salésiennes débarquèrent dans ce pays au
début de l’année 1878. Depuis lors, les deux congrégations se sont voulues
explicitement missionnaires. Stimulées par leurs supérieurs généraux, à peu près
chaque année de nouvelles expéditionsde salésiens et de salésiennes partirent de
Turin pour les missions. Toutefois, la transformation des idées dans lEglise et
dans le monde au cours du vingtième siècle conduisit peu à peu les disciples de
don Bosco à donner un contenu assez différent à une action dite toujours
missionnaire18.
Don Bosco attendait de ses missionnaires qu’ils aillent, pour les sauver,
porter la lumière de lEvangile à des peuples qui lignoraient et ainsi les faire
entrer dans l’Eglise catholique et romaine, arche unique de ce salut.19 Leur mission
était proprement évangélisatrice, et, si nécessaire, civilisatrice. Les évangélisés
devaient renoncer à leurs fausses religions. Le baptême, signe d’intégration dans
lEglise, témoignait de la réussite missionnaire. Des Eglises étaient ainsi créées.
Simultanément, les peuplades données comme sauvagesrecevaient une culture
qui les “civilisait, autrement dit les occidentalisait. Car la mission est en même
temps une oeuvre dhumanité et une oeuvre de foi, enseignait-on.. Elle
soustrait les sauvagesà leur “barbarie séculaire”, écrivit don Bosco.20 Pendant
un siècle, en Amérique du Sud, en Afrique et en Asie, les missionnaires salésiens
remplirent ce programme avec une abnégation proprement admirable et dans des
conditions souvent difficiles. Combien y laissèrent leur vie ! Les profils
biographiques, qui ont été rassemblés, de cent cinquante-cinq missionnaires
salésiens et de cinquante-et-une missionnaires salésiennes partis avant la deuxième
guerre mondiale, disent l’héroïsme dun grand nombre de ces vaillants.21
Puis, au milieu du vingtième siècle, un meilleur éclairage théologique et
anthropologique modifia les perspectives. LEsprit de Dieu a toujours été et il est
toujours à loeuvre dans le monde, le Verbe na jamais abandonné les hommes,
déclara Vatican IL Toutes les cultures sont respectables, l’évangélisation porte
aussi sur elles. La conscience des humains a toujours pu leur indiquer le chemin du
Bien, celui que, dans sa Providence, Dieu veut quils choisissent. Comme on la vu
plus haut, la mission” de lEglise, dont les missionnaires sont les agents, touche
non seulement l’ordre spirituel, mais l’ordre temporel. Elle intéresse la justice et la
paix dun monde, dont, par devoir reçu de Dieu, elle favorise lunité dans la
charité. Le Royaume de Dieu, qui est l’horizon missionnaire, se construit de bien
des manières. Lévangélisation devait tenir compte de ces données, qu’elle avait
pu négliger jusque-là.22 La mission évangélisatrice salésienne demeurait donc,
mais, désormais, ses modalités et ses étapes différaient inévitablement de celles du
début du siècle. Le missionnaire salésien était invité à se rénover sans dévier”,
observait le recteur Viganô au lendemain de lencyclique Redemptoris missio23.

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La dimension missionnairede la famille salésienne
Toute la famille salésienne a lâme missionnaire. La Volontaire de don
Bosco, qui est, selon ses Règlements, attentive aux besoins et aux changements
du monde dans lequel elle vit, qui agit en personne responsable avec la créativité
et la souplesse propres à l’esprit salésien24, saisit naturellement, quand elles se
présentent, les occasions doeuvrer, pour un temps plus ou moins long, au service
direct des missions”. Et le Règlement de vie apostolique des coopérateurs
salésiens leur indique expressément, parmi les formes d’apostolat à préférer, le
travail missionnaire et la collaboration au dialogue oecuménique”25. D’ailleurs, au
seul titre de leur baptême, tous les chrétiens laïcs sont “missionnaires26.
Surtout, la “dimension missionnaire” des deux sociétés religieuses fondées
par don Bosco a été soigneusement affirmée par leurs constitutions rénovées. Et
dans leurs descriptions de l’activité quelle implique, rédacteurs et rédactrices ont
cherché à bien respecter les acquis de Vatican IL
On y lit, du côté salésien : “Les peuples non encore évangélisés ont été
l’objet particulier de la sollicitude de don Bosco et de son ardeur apostolique. Ils
continuent à provoquer notre zèle et à le maintenir vivant : nous reconnaissons
dans le travail missionnaire un trait essentiel de notre congrégation. Notre action
missionnaire est une oeuvre de patiente évangélisation et de fondation de lEglise
dans les groupes humains. Cette oeuvre mobilise toutes les tâches éducatives et
pastorales propres à notre charisme. A lexemple du Fils de Dieu, qui sest fait
semblable à ses frères en toutes choses, le missionnaire salésien assume les valeurs
des peuples qu’il évangélise et partage leurs angoisses et leurs espérances.27 Les
mêmes constitutions salésiennes ont mis en évidence la place de la “promotion
humaine” dans la pastorale missionnaire : “Dans les paroisses et les résidences
missionnaires nous contribuons à la diffusion de lEvangile et à la promotion du
peuple, en collaborant à la pastorale de l’Eglise particulière avec les richesses
dune vocation spécifique.”28
Les filles de Marie auxiliatrice, auxquelles une conception étroite de
l’évangélisation (réduite à lannonce explicite de la Parole) aurait pu refuser une
vocation missionnaire au sens strict, ont limé leurs articles sur cette question.
Mieux que les salésiens, elles ont rapproché sous un même titre lensemble de
l’oeuvre évangélisatrice, quelle que soit son implantation géographique. Un article
général dit : Dans notre désir de maintenir vivant l’élan missionnaire de nos
origines, nous travaillons à lavènement du Royaume de Dieu dans les pays
chrétiens et dans les pays non encore évangélisés ou déchristianisés avec une
attention vigilante aux exigences des temps et aux urgences des Eglises
particulières.29 L’article portant directement sur les missions témoigne d’un sens
aigu de linculturation réclamée par lEglise contemporaine dans l’oeuvre
évangélisatrice. La dimension missionnaire - élément essentiel de l’identité de
l’Institut et expression de son universalité - est présente dans notre histoire depuis
ses origines. Nous travaillons parmi les populations auxquelles l’annonce de la
Parole nest pas encore parvenue, pour qu’elles puissent trouver dans le Christ le
sens profond de leurs aspirations et de leurs valeurs culturelles. Nous faisant

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410
présence d’Eglise, nous contribuons à faire mûrir dans nos frères - spécialement
chez les jeunes - l’expérience de l’amour personnel de Dieu, qui pourra faire naître
en eux le désir d’accueillir lEvangile et d’en être à leur tour les témoins et les
apôtres.30
La famille salésienne a ainsi soigneusement réexprimé un esprit
missionnaire reçu de don Bosco.
Vie consacrée et missions ad gentes
Pourtant, l’évolution du monde et les transformations idéologiques ont pu
laisser croire que le temps des missions était révolu. Toutes les religions ne
pouvaient-elles pas mener à Dieu ? Le prosélytisme inhérent à l’action
missionnaire traditionnelle, qui aboutit à la conversion, ne heurte-t-il pas la liberté
de conscience ?
L’Eglise nest pas de cet avis. L’annonce du Christ mort et ressuscité
demeure essentielle à toute entreprise missionnaire menée à son terme. Toutefois,
multiples sont les chemins de lévangélisation. A cause de leur engagement propre
dans une vie consacrée, salésiens, salésiennes et Volontaires de don Bosco sont de
nos jours vivement encouragés à participer à lapostolat missionnaire. L’Eglise
attend deux le plus grand engagement possible. Si la foi saffermit quand on la
donne, la mission affermit la vie consacrée, elle lui impulse un nouvel
enthousiasme et de nouvelles motivations. On sait que prêcher lEvangile
transforme la foi du prêtre. Mais il faut dire que la mission ad gentes offre aux
coadjuteurs salésiens, aux filles de Marie auxiliatrice et aux Volontaires de don
Bosco des occasions privilégiées dexercer une action apostolique. Par leur
présence dans divers domaines propres à la vocation laïque, ils peuvent accomplir
une oeuvre précieuse d’évangélisation des milieux, des structures et même des lois
qui règlent la vie en société. En outre, ils peuvent témoigner des valeurs
évangéliques aux côtés de personnes qui ne connaissent pas encore Jésus et
apporter ainsi une contribution authentique à la mission. Or lon sait que l’oeuvre
missionnaire commence par le témoignage. Dans les pays sont enracinées des
religions non-chrétiennes, leurs activités éducatives, caritatives et culturelles
revêtent par une “énorme importancedu strict point de vue missionnaire,
enseignait le pape Jean-Paul U.31
Notes
1. “La missione a tutta la nostra esistenza il suo tono concreto, specifica il compito
che abbiamo nella Chiesa e determina il posto che occupiamo tra le famiglie religiose.
(Constitutions SDB, art. 3.)
2. Partecipa nella Chiesa alla missione salvifica di Cristo, realizzando il progetto di
educazione cristiana proprio del Sistema Preventivo.(Constitutions FMA, art. 1 b.)
3. Gaudium et spes, n. 89.
4. Lumen gentium, n. 5, 20 ; Gaudium et spes, n. 41, 92 ,Apostolicam actuositatem, n.
10.

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411
5. Voir en particulier Lumen gentium, n. 30, 33, 36, 42, 65 ; Gaudium et spes, n. 11,
42, 55, 58, 76, 89 ; Apostolicam actuositatem, n. 5, 6 ; Ad gentes, n. 6, 8, 10 ; Presbyterorum
ordinis, n. 14, 17.
6. Perchè la parola “missione” piuttosto che fine? - La Chiesa adopera questo
termine trattando del suo mistero ; ciò significa che, nel prolungamento della missione del Figlio
e dello Spirito Santo, essa (e ogni organismo autentico in essa) non pone da il fine da
raggiungere, ma lo riceve da Dio Padre e quindi si sente obbligata a ricercarlo con maggiore
urgenza e zelo. Inoltre questo termine richiama anche coloro verso i quali la Chiesa è mandata
per realizzare un tale scopo : gli uomini da salvare.(CGS, n. 23.)
7. Parlare della missione dei Salesianisignifica dunque evidenziare fin dallinizio
il senso della loro vocazione e della loro presenza nella Chiesa. Dio li chiama” e li “invia” per
rendere un servizio specifico nella Chiesa : cooperare direttamente alla salvezza integrale dei
giovani, soprattutto poveri.(CGS, ibidem.)
8. Voir CGS, n. 53-57.
9. Le recteur Egidio Viganò sest beaucoup interesse à ce problème. Voir, dans sa
lettre circulaire du 8 février 1995, le paragraphe Dalla missione alla riscoperta del carisma”,
Atti 352, p. 13-19.
10. Voir P. Braido, La missione salesiana oggi”, dans les actes de la Semaine de
spiritualité La Famiglia salesiana riflette sulla sua vocazione nella Chiesa di oggi,
Torino-Leumann, 1973, p. 107-122.
11. Formiamo un solo corpo con un solo fine con la stessa missione. Iddio ci chiama
nella Chiesa, attraverso la Chiesa, con la Chiesa a salvare l’umanità. Partecipiamo, dunque,
dellunica missione della Chiesa. Nella Chiesa c’è una sola missione e molti ministeri, molte
vocazioni ; quindi una sola missione con funzioni specializzate.(Observations d’E. Viganò,
dans la présentation du panel La missione salesiana oggi, recueil citò La Famiglia salesiana ..,
p. 123.)
12. ... intendono realizzare in una specifica forma di vita religiosa il progetto
apostolico del Fondatore : essere nella Chiesa segni e portatori dellamore di Dio ai giovani,
specialmente ai più poveri. Nel compiere questa missione, troviamo la via della nostra
santificazione.(Constitutions SDB, art. 2.)
13. Mandate per le giovani nello spirito del da mihi animas” (Constitutions FMA,
première partie, chap. 3),
14. La nostra missione nasce dall’iniziativa salvifica del Padre, che ci chiama a
partecipare nella Chiesa - come comunità apostolica salesiana - al ministero profetico,
sacerdotale e regale di Cristo, con la testimonianza, lannuncio della Parola e la celebrazione
della salvezza. Essa implica il dono della predilezioneper le giovani e ci impegna a farci per
loro, alla scuola di Maria, segno e mediazione della carità di Cristo Buon Pastore, attraverso un
progetto cristiano di educazione integrale nello stile del Sistema Preventivo.(Constitutions
FMA, art. 63.)
15. Le Volontarie sono cristiane che, chiamate a seguire Cristo più da vicino,
intendono vivere in profonda armonia consacrazione, secolarità, salesianità. Attuano così la loro
missione nella Chiesa e nel mondo ... (Constitutions VDB, art. 2.)
16. invito di cooperare alla sua missione di salvezza dei giovani, soprattutto di quelli
poveri e abbandonati(RVA, Prologue, art. 1). ... collaborano attivamente alla sua missione in
nome della Chiesa(RVA, art. 6, § 1.)
17. Titre : La missione giovanile e popolare... I discepoli di Don Bosco fanno
esperienza di Dio attraverso quelli cui sono mandati : i giovani e il ceto popolare.(Carta di
comunione, art. 21.)
18. Indications intéressantes sur le problème dans le recueil darticles La Famiglia
Salesiana, famiglia missionaria. Settimana di spiritualità nel centenario delle Missioni
Salesiane, Leumann (Torino), Elle Di Ci, 1977. Voir en particulier les contributions d’Agostino
Favaie et de Juan Ezquerda Biffe!
19. Une citation panni des dizaines d’autres. Don Bosco écrivait le 12 janvier 1876 :
“Vi sono milioni e milioni di creature ragionevoli, che, tuttora sepolte nelle tenebre dell’errore,
dallorlo della perdizione levano loro voci dicendo : Signore, mandateci operai Evangelici, che ci
vengano a portare il lume della verità, e ci additino quella strada, che sola può condurre a
salvamento.(G. Bosco, Lettere circolari, Torino, 1896, p. 10.)

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412
20. G. Bosco, Lettre aux coopérateurs, 15 octobre 1886, dans Lettere circolari, p. 9.
21. E. Valentini (dir.), Profili di missionari salesiani e figlie di Maria Ausiliatrice,
Roma, LAS, 1975, XVI-623 p.
22. Principaux documents ecclésiastiques : Vatican II, décret Ad gentes, sur lactivité
missionnaire de lEglise ; décret Unitatis redintegratio, sur l’oecuménisme ; déclaration
Dignitatis humanae, sur la liberté religieuse ; déclaration Nostra aetate, sur les relations de
lEglise avec les religions non chrétiennes ; Jean-Paul H, encyclique Redemptoris missio, 7
décembre 1990, sur la valeur permanente du précepte missionnaire ; exhortation post-synodale
Ecclesia in Africa, 14 septembre 1995, sur l’évangéÛsation en Afrique.
23. Il missionario è invitato a rinnovarsi senza deviare.” (Lettre aux salésiens, 24
février 1991, Atti 336, p. 21.) Bien remarquer que, dans sa nécessaire brièveté, notre article ne
prétend qu’effleurer le problème immense de cette rénovation ... Quelques compléments,
ci-dessus, dans larticle Inculturation.
24. Attenta ai bisogni e ai mutamenti dellambiente in cui vive, opera
responsabilmente con la creatività e la flessibilità proprie dello spirito salesiano(Regolamenti
VDB, art. 1 b).
25. Ai Cooperatori sono aperte tutte le forme di apostolato. Tra queste, seguendo
Don Bosco, si preferiscono [... ] il lavoro missionario e la collaborazione al dialogo ecumenico.
(RVA, art. 16, § 1.)
26. Jean-Paul II, Redemptoris missio, n. 71.
27 I popoli non ancora evangelizzati sono stati oggetto speciale della premura e dello
slancio apostolico di Don Bosco. Essi continuano a sollecitare e a mantenere vivo il nostro zelo :
ravvisiamo nel lavoro missionario un lineamento essenziale della nostra Congregazione. Con
lazione missionaria compiamo un’opera di paziente evangelizzazione e fondazione della Chiesa
in un gruppo umano. Questa opera mobilita tutti gli impegni educativi e pastorali propri del
nostro carisma. Sullesempio del Figlio di Dio che si è fatto in tutto simile ai suoi fratelli, il
missionario salesiano assume i valori di questi popoli e condivide le loro angosce e speranze.
(Constitutions SDB, art. 30.)
28. Nelle parrocchie e residenze missionarie contribuiamo alla diffusione del Vangelo
e alla promozione del popolo, collàborando alla pastorale della Chiesa particolare con le
ricchezze di una vocazione specifica.(Constitutions SDB, art. 42 b.)
29. Cercando di mantenere vivo lo slancio missionario delle origini, lavoriamo per il
Regno di Dio nei paesi cristiani e in quelli non ancora evangelizzati o scristianizzati, con vigile
attenzione alle esigenze dei tempi e alle urgenze delle Chiese particolari.(Constitutions FMA,
art. 6 c).
30. La dimensione missionaria - elemento essenziale dellidentità dellIstituto ed
espressione della sua universalità - è presente nella nostra storia fin dalle origini. Lavoriamo tra
le popolazioni a cui non è ancora giunto lannuncio della Parola, perchè possano trovare in
Cristo il significato profondo delle loro aspirazioni e dei valori culturali. Facendoci presenza di
Chiesa, contribuiamo a maturare in questi nostri fratelli - specialmente nei giovani - l’esperienza
dell’amore personale di Dio, che potrà far nascere in loro il desiderio di accogliere il Vangelo e
di esserne a loro volta testimoni e apostoli.(Constitutions FMA, art. 75.)
31. Ce paragraphe est une adaptation libre de lexhortation apostolique de Jean-Paul
II, Vita consecrata, 25 mars 1996, n. 78.

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413
Monde
Le monde des anciens salésiens
Lorsque, dans leurs discours spirituels, les anciens salésiens parlaient du
“monde”, terme qui, pour eux, désignait, non pas le milieu vit lhomme, ou
lensemble formé par la Terre et les astres visibles, ou encore l’ensemble de tout
ce qui existe, autrement dit l’univers, mais bien plutôt lhumanité, les hommes ou
la société humaine, ils donnaient habituellement à ce mot le sens pris par lui dans
la langue de saint Paul et de saint Jean.
Ces apôtres sétaient eux-mêmes insérés dans une histoire. Pour la pensée
grecque, le cosmos, avec ses lois, sa beauté, sa pérennité, son retour étemel des
choses, exprimait l’idéal dun ordre clos sur lui-même, qui incluait l’homme et
englobait jusquaux dieux.1 La pensée des disciples du Christ, façonnée par la
Bible, identifia dans ce cosmos la créature excellente de Dieu, à qui religieusement
elle le rapportait. H vit que cela était bon”, répète le récit de la Genèse à toutes
les étapes de la création. Dieu a fait le monde par son Verbe (Jean 1, 3, 10), disait
saint Jean. Ce monde continue à témoigner de Dieu, sécriait saint Paul (Actes 14,
17 ; Romains 1, 19 et sv.). Le monde était donc en soi bel et bon.
Mais grande est l’ambiguïté du monde, disait aussi la Bible. La créature
na pas tardé à refuser l’ordre voulu par son créateur. De la sorte, le monde est
devenu pécheur. Il sest même donné à lantagoniste du Créateur. Dans son état
actuel, solidaire de l’homme pécheur, le monde est au pouvoir de Satan. Le péché
est entré dans le monde au commencement de lhistoire et, par le péché, la mort
(Romains 5, 12). Son élément le plus visible est constitué par les hommes qui
dressent leur volonté rebelle contre Dieu et contre son Christ (Jean 3, 18 ; 7, 7 ;
15, 18 ; 17, 9, 14 ... ) Derrière eux se profile un chef invisible : Satan, le prince de
ce monde (Jean 12, 31 ; 14, 30 ; 16, 11), le dieu de ce siècle (2 Corinthiens 4, 4).
Ce monde de ténèbres, régi par les esprits du mal (Ephésiens 6, 12), est un monde
trompeur (Galates 4, 3, 9 ; Colossiens 2, 8, 15), dont l’esprit, incapable de goûter
les secrets et les dons divins (1 Corinthiens 2, 12), soppose à lEsprit de Dieu,
tout comme l’esprit de lAntichrist, qui est à l’oeuvre dans le monde. (1 Jean 4, 3).
Le monde de saint Paul et de saint Jean, empire de Satan, était donc faux et
obscur. Depuis leurs écrits, la spiritualité du christianisme a insisté sur le “péché
du monde, que la rédemption avait toutefois, reconnaissait-elle, effacé”.
Jusquau milieu du vingtième siècle, le terme mondese fit plutôt rare
dans la littérature salésienne officielle. Quand il y apparaissait, cétait, comme chez
saint Paul et saint Jean, avec une connotation négative. Il désignait la cité du mal,
à laquelle sopposait la cité du bien, qui était lEglise ou la vie religieuse. Les
maîtres spirituels salésiens ne pensaient en effet pas grand bien du monde, même si
les recteurs majeurs ne se complaisaient pas dans sa condamnation. Dans

2.6 Page 16

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414
YIntroduction quil donna à ses constitutions, à l’article sur lentrée en religion
don Bosco citait saint Jean : Tout ce qui est dans le monde, dit l’apôtre saint
Jean, est concupiscence de la chair, concupiscence des yeux et orgueil de la vie”.
Puis il demandait : Comment donc nous libérer de ces chaînes dangereuses, avec
lesquelles le démon tente perpétuellement de nous lier et de nous entraîner à la
perdition ?La réponse venait : Quand il embrasse létat religieux, le chrétien met
dun seul coup ces chaînes en morceaux.Et il concluait : Pour ce motif, qui
abandonne le monde pour entrer en religion, est comparé à ceux qui, au temps du
déluge, se sont sauvés dans larche de Noé D’ailleurs, poursuivait-il reproduisant
à nouveau saint Jean : Le monde, dit le Sauveur, est tout entier dans le mal : et
mundus totus in maligno positus est.”2
Don Albera abondait dans le même sens. Le monde, avec les mondains
qui le constituent, est un océan de périls, dans lequel on risque de se noyer. Le
religieux se garde en sûreté “contre les tentations du démon, contre les séductions
d’un monde corrompu et corrupteur ... 3 ... Aux yeux de notre foi, comme un
jour au désert à saint Antoine, abbé, le monde apparaît tel un champ immense, tout
parsemé de pièges, que le démon tend pour nous empêcher de marcher sur le
sentier de la vertu. Et les mondains de leur côté, par mille artifices pleins de ruses,
cherchent à nous séduire et à nous entraîner à lamour des plaisirs ... 4 Le
mondeétait un empire maléfique.
La virulence de la condamnation semble sêtre atténuée au fur et à mesure
que le vingtième siècle sécoulait. Dans l’index des actes du chapitre supérieur
publiés au temps de don Ricaldone (1932-1951), l’item Mondo, pourvu d’une
seule référence, renvoie simplement à l’observation de ce recteur dans sa lettre sur
la pauvreté : On sait bien que les hommes du monde eux-mêmes ont parfois
tourné en ridicule les religieux esclaves de vanités mondaines.”5
Cependant le rejet subsistait, et les salésiens, comme un peu tous les
spirituels d’alors, recommandaient une certaine fuga mundi. Les relations du
religieux avec le monde par les moyens de communication sociale étaient
soigneusement filtrées et contrôlées. Les dispositions prises sur la radio au temps
de don Rinaldi sont significatives. Pour obvier aux dangers spirituels encourus par
les salésiens, ce recteur, pourtant mesuré, établit en 1926 : 1) que lon interdise
rigoureusement aux confrères de conserver, dacquérir et de se fabriquer des
appareils de radio pour leur propre compte dans leurs chambres ou leurs cellules,
ainsi que dans les classes et les ateliers ; 2) que, l’un de ces appareils est
nécessaire, on demande à lInspecteur la permission de le garder ou d’en faire
l’acquisition ; et que lappareil soit conservé sous la responsabilité personnelle du
directeur, qui déterminera quand on doit lutiliser, et on nen permettra l’audition
à la communauté quen de très rares et extraordinaires occasions, selon un horaire
et un programme qui conviennent à une maison religieuse.6
Le nouveau visage du monde dans le vocabulaire salésien
Puis, au milieu du siècle, en fonction dun regard nouveau sur les réalités
terrestres et leurs indéniables valeurs, le monde rentra en force et sous un visage

2.7 Page 17

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415
beaucoup plus positif que négatif dans le vocabulaire des salésiens et des
salésiennes. Le document le plus retentissant de Vatican II, la constitution
pastorale Gaudium et spes “de Ecclesia in mundo huius temporis, cest-à-dire sur
lEglise dans le monde de ce temps, les y encourageait. Le péché du monde ne
simposait plus avec la même insistance. Le monde était pour eux avant tout,
comme pour le concile, lunivers créé par Dieu selon la Genèse ou plutôt la société
humaine indifférenciée, souvent contredistinguée de lEglise, un monde que, pour
des raisons de vérité et defficacité pastorale, il nétait pas ou plus permis
dignorer et de mépriser. H fallait, avant den médire, connaître ce monde tel qu’il
était.
Le chapitre général spécial des salésiens (1971-1972) se livra donc à une
description attentive du monde aujourd’hui, qui était, disait-il, un monde en voie
de sécularisation, un monde en situation dinjustice et un monde à la recherche de
son unité dans la pluralité7. Et il réclama haut et fort louvertureà ce monde,
cest-à-dire, comprenons-le bien, 1) la reconnaissance de ses valeurs, 2) une
proximité systématique avec les êtres qui le composent et 3) un “dialogue
évangélisateur permanent avec eux8. Les constitutions des disciples de don Bosco
allaient être récrites dans cet esprit.
La mission salésienne dans le monde
Le monde, certes imparfait, est, quoi quil en soit, le lieu de la mission
salésienne, rappelèrent à diverses reprises les constitutions salésiennes rénovées.
Le conseil supérieur de la congrégation doit veiller à la pleine
réalisation(attuare) de la mission salésienne dans le monde(Constitutions
SDB, art. 130 b). Si elle fonctionne correctement, cette mission concourra à la
mission salvifique de lEglise. Nous contribuons à édifier lEglise comme Corps
du Christ afin que, par notre entremise, elle se manifeste au monde sacrement
universel du salut(art. 6). Ce salut résulte lui-même de la transformation du
monde, à laquelle les salésiens sont invités à participer. Laction pastorale
salésienne est orientée vers l’avènement d’un monde plus juste et plus fraternel
dans le Christ(art. 7). Les salésiens animent des groupes et des mouvements de
formation et d’action apostolique et sociale, pour initier les jeunes à la
transformation du monde en même temps qu’à la vie de l’Eglise(art. 35). Le
péché tente le monde, qui incline au mal.. Le salésien a pour mission de le
réorienter vers Dieu par un témoignage de vie menée selon les conseils
évangéliques. Dans un monde tenté par l’athéisme et par l’idolâtrie du plaisir, de
la possession et du pouvoir, notre manière de vivre témoigne, spécialement aux
jeunes, que Dieu existe, que son amour peut remplir une vie, et que le besoin
d’aimer, la soif de posséder et la liberté de décider de sa propre existence
acquièrent une valeur suprême dans le Christ sauveur(art. 62). Les salésiens
partagent le destin du monde au sein duquel ils sont immergés; ils apprennent
eux-mêmes à y rencontrer Dieu à travers ceux auxquels ils sont envoyés(art.
95). Refusant de sen séparer, ils se veulent expressément solidaires de ses
besoins (nécessita)” (art. 76 c).

2.8 Page 18

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416
Les constitutions salésiennes rénovées ont donc recommandé avec
persévérance aux religieux une certaine immersiondans le monde, c’est-à-dire le
contraire d’une séparation, qui, jusqualors, avait été plutôt la règle.
Louverture au monde
Limmersion dans le monde devenait même officiellement ouverture” à
ce monde. Le chapitre général spécial salésien avait fait sien le principe de
l’“ouverture au monde”, qui, à son époque, était communément adopté par les
religieux (de vie active tout au moins). Les constitutions salésiennes rénovées, les
constitutions des Volontaires de don Bosco et avec don Bosco, ainsi que le
Règlement de Vie apostolique des coopérateurs, lappliquèrent sereinement à leurs
associations, tandis que, plus réservé, linstitut des filles de .Marie auxiliatrice,
sans le refùser, évitait de l’intégrer formellement dans ses constitutions.
Commençons par cet institut. Le mondeest blessé par l’orgueil et par
l’égoïsme, relevait-il dans lun des rares emplois du terme9. Toutefois,
l’humanisme de saint François de Sales incite le disciple de saint Jean Bosco à
croire aux ressources naturelles et surnaturelles de lhomme. La salésienne est
sûre que l’Esprit est déjà à l’oeuvre dans le monde”. Cest pourquoi elle travaille
au Règne de Dieu avec optimisme et empressement”.10 Conformément aux
recommandations du Système préventif, elle est présente aux jeunes de ses
institutions, y compris à certains moments de fête et de vie de famille ; elle
participe aussi amicalement à leurs récréations11. Parce quelles voient le Christ en
chacun, les communautés de filles de Marie auxiliatrice accueillent tous ceux qui
se présentent avec l’affabilité simple et empressée propre à lesprit salésien. Si la
nécessité le demande, elles pratiquent lhospitalité avec une délicate attention et
une prudence intelligente”12. Les salésiennes réalisent leur mission dans lunité de
leur charisme, mais aussi “dans la pluralité des situations socioculturelles, avec
l’esprit dadaptation, daudace et de créativité qui poussait don Bosco à aller
toujours à la rencontre des jeunes. En conséquence, elles cherchent à répondre
selon leurs possibilités “aux nécessités de lEglise particulière et à celles du milieu
elles se trouvent, éventuellement par de nouvelles formes de présence”,
toujours dans la fidélité au caractère de lInstitut13.
Le principe de louverture au monde apparaissait au contraire très
explicitement dans les constitutions de la société de St François de Sales. Le
salésien reconnaît les “valeurs du mondeet refuse de gémir sur son temps. Au
contraire, en référence à Philippiens 3, 1, il y cueille tout ce qui est bon”, surtout
si cela plaît à la jeunesse. (Constitutions SDB, art. 17 b, c). La pratique du
Système préventif le porte à sympathiser avec le monde des jeuneset à rester en
contact avec lui. Sa présence assure au salésien une connaissance vitalede ce
monde et le pousse à la solidarité avec les aspects authentiques de son
dynamisme” (art. 39). En vertu de sa “laïcité”, le coadjuteur salésien est
directement témoin du Règne de Dieu dans le monde, proche des jeunes et des
réalités du travail(art. 45). De façon générale, linsertion dans le monde incombe
à la communauté salésienne locale en communion avec lEglise particulière”.
Chaque communauté est ouverte aux valeurs du monde et attentive au contexte

2.9 Page 19

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417
culturel dans lequel se déploie son action apostolique. Elle est donc solidaire”
du groupe humain elle vit et y cultive de bonnes relations avec tous(art. 57).
Cette ouverture au monde reparaît en termes voisins dans les
constitutions des Volontaires de don Bosco, aussi bien féminins que masculins, et
dans le Règlement de Vie apostolique des coopérateurs salésiens. Les Volontaires
de don Bosco sont ouvertes à toutes les valeurs authentiques du monde, dans le
respect de la juste autonomie de toute chose créée.14 Elles veulent ouvrir
lEglise au monde et le monde à l’Eglise15. Les Volontaires masculins font un pas
de plus. Non seulement l”optimisme salésienenvers le monde leur permettra d’y
cueillir les aspects positifs quil renferme16, mais carrément ils aiment le monde et
les hommes de leur temps, avec leurs problèmes et leurs espérances, leurs désirs et
leurs attentes17. Le coopérateur, quant à lui, se sent intimement solidaire du
monde dans lequel il vit et il est appelé à être lumière et levain. Il croit aux
ressources intérieures de l’homme, partage les valeurs de sa propre culture,
accepte les nouveautés avec sens critique chrétien, intégrant dans sa vie tout ce
qui est bon, surtout si cest agréable aux jeunes.18
Le rééquilibrage dun concept
Loptimisme sur le “mondeétait-il encore de saison, quand ces
constitutions étaient rédigées dans l’esprit des années soixante ? On peut en
douter, car les idées ont évolué chez les chrétiens dans la dernière partie du siècle.
Lindex des actes du recteur Viganô, reflet de la mentalité dominante dans
la spiritualité salésienne de ces années, ne comporte, à litem Mondo, que trois
références tout à fait étrangères à louverture au monde19. Ce recteur craignait
les effets de la sécularisation. Or, le siècle”, autre nom du monde, ne
s’engouffrerait-il pas dans la brèche ainsi ouverte ? Et que penser des “valeurs
d’une société de consommation profondément hédoniste qui régnait désormais
dans les moeurs occidentales ?
En outre, après la clôture de Vatican II le péché du mondeavait
retrouvé place chez les spirituels chrétiens. La théologie de la libérationne se
perdait pas en soupirs admiratifs sur une société dont elle se serait volontiers
débarrassée. La conférence du CELAM à Puebla (1979) dénonçait le péché, non
seulement chez les hommes, mais dans les structures de la société. Le monde du
péché continuait donc d’exister et de ravager l’existence humaine. Il ne
disparaîtrait quavec linstauration d’un monde tout entier juste et fraternel. On
était loin du compte dans le dernier tiers du vingtième siècle. Le péché social
opprime les pauvres : ceux-ci sont bien placés pour en parler et il faut les écouter,
répétait l’épiscopat sud-américain. Le salésien Raul Silva Henriquez,
cardinal-archevêque de Santiago du Chili, dénonçait en 1980 “dans sa dimension
sociale, le péché qui imprègne les structures, les institutions et les cultures. Et il
retrouvait les accents des prophètes les plus virulents de l’Ancien Testament pour
condamner ceux qui en profitaient20. De son côté, le pape Jean-Paul II se montrait
fort peu enclin à bénir en tous points la société et le monde contemporains. Lui
aussi y découvrait, auprès du péché personnel, le péché social. Pour comprendre

2.10 Page 20

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418
le péché du monde, disait-il en 1986, il faut prendre en considération non
seulement la dimension personnelle du péché, mais aussi sa dimension sociale.
Cest ainsi que le monde “devient de manière spécifique ce milieu spirituel négatif,
auquel la Sainte Ecriture fait allusion quand elle parle du péché du monde’.21 On
retrouvait le vieux principe de Romains 12, 2 : Nolite conforinari huic saeculo,
Ne vous soumettez pas au siècle présent Le chrétien est fondamentalement
un résistant, rappelait, en 1993, un colloque international organisé par le Conseil
pontifical de la Culture22. Et, quand le siècle était sur le point de sachever, Mgr
Louis-Marie Billié, président de la conférence épiscopale française, remarquait à
une assemblée de prêtres trentenairesréunis à Lourdes : Certaines de nos
perspectives, qui ont été pour nous fécondes - je pense par exemple à l’orientation
de louverture au monde - ne répondent plus tout à fait à ce quont été votre
expérience et votre histoire. Cela ne veut pas dire que vous pourriez vous fermer
au monde. Cela veut dire quil n’est pas d’abord pour vous l’objet dune
découverte.”23 Pour le moins, l’ouverture salésienne au monde, qu’il nétait pas
question de renier, devait demeurer fortement critique.
Notes
1. Dans ces deux alinéas, je minspire de près de larticle Mondedu Vocabulaire de
théologie biblique, 4ème éd., Ceri, 1977, col. 784-791.
2. Omne quod est in mundo, dice l’apostolo s. Giovanni, concupiscentia camis est, et
concupiscentia oculorum, et superbia vitae. Come mai liberarci da queste pericolose catene, con
cui incessantemente il demonio tenta di legarci e strascinarci alla perdizione ?(...) H cristiano (
... ) abbracciando lo stato religioso, con un colpo riduce in pezzi queste catene (... ) Per questo
motivo, chi lascia il mondo per entrare in religione, viene paragonato a coloro che in tempo del
diluvio si salvarono nellarca di Noè. (...) Il mondo, dice il Salvatore, è tutto posto nella
malignità : et mundus totus in maligno positus est.(G. Bosco, Introduction aux Regole o
Costituzioni... , Turin, 1875, p.VH-VIII.)
3. ... a metterci al sicuro contro le tentazioni del demonio, contro le seduzioni dun
mondo corrotto e corruttore ... (P. Albera, Lettre aux salésiens, 21 novembre 1912, L. C., p.
89.)
4. ... Agli occhi della nostra fede, come un giorno nel deserto a S. Antonio Abbate, il
mondo appare come un campo vastissimo, tutto seminato di lacci, che il demonio tende per
impedirci di camminare nel sentiero della virtù. I mondani dal canto loro con mille arti subdole
cercano di sedurci e di trascinarci allamore dei piaceri, degli onori e delle ricchezze ...” (P.
Albera, Lettre aux inspecteurs et directeurs, 20 avril 1919, L. C., p. 285.)
5. Erisaputo che gli stessi uomini di mondo fecero talvolta oggetto di derisione e di
beffe i religiosi schiavi di mondane vanità(P. Ricaldone, Povertà, Atti 82, 24 jullet 1937, p.
108.)
6. 1) che si proibisca rigorosamente ai confratelli di tenere, di acquistare o di
prepararsi apparecchi radiotelefonici per conto proprio nelle loro stanze o celle, e anche nelle
scuole o nei laboratorii ; 2) che dove uno di tali apparecchi sia necessario, si chieda allIspettore
il permesso di tenerlo o di fame acquisto ; e lapparecchio sia custodito sotto la personale
responsabilità del Direttore, il quale determinerà quando si debba fare uso, e solo in rarissime e
straordinarie occasioni ne permetterà laudizione alla comunità, con orario e programma
convenienti a una casa religiosa.(Convegni dei Direttori, dans Atti 36, 24 septembre 1926, p.
488-489).
7. CGS, n. 31-33.
8. CGS, n. 102, 133-136, 297-300, 665, 679.

3 Pages 21-30

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3.1 Page 21

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419
9. In un mondo ferito dall’orgoglio e dallegoismo(Constitutions FMA, art. 33.)
10. La nostra comunità ... è chiamata ... a lavorare con ottimismo e sollecitudine per
il Regno di Dio, sicura che lo Spirito opera già in questo mondo(Constitutions FMA, art. 49 b).
11. Constitutions FMA, art. 55.
12. ... quando occorre, praticheremo l’ospitalità con delicata attenzione e intelligente
prudenza(Constitutions FMA, art. 56).
13. Svolgiamo la nostra missione nell’unità del carisma e nella pluralità delle
situation! socioculturali con quella adattabilità, audacia e creatività che spingeva don Bosco ad
andare incontro ai giovani. [ ... ] Rispondiamo alle necessità della Chiesa particolare e
dellambiente anche con altre forme di presenza, secondo le nostre possibilità e sempre nella
fedeltà allindole dellIstituto.(Constitutions FMA, art. 76).
14. Per realizzare la nostra missione siamo aperte a tutti i valori autentici del mondo,
nel rispetto della giusta autonomia dogni cosa creata.(Constitutions VDB, art. 14, intitulé
Aperte ai valori del mondo.)
15. Consapevoli di aver scelto il secolo come luogo privilegiato della nostra azione
apostolica, vogliamo aprire la Chiesa al mondo e il mondo alla Chiesa ...(Constitutions VDB,
art. 10).
16. L’atteggiamento di ottimismo salesiano verso il mondo ci aiuterà a cogliere gli
aspetti positivi che in esso ci sono e che non contrastano col Vangelo, preoccupati di “salvare e
non condannare(Gv 12,47).” (Constitutions CDB, art. 8.)
17. ...amiamo il mondo e gli uomini del nostro tempo, con i loro problemi e le
speranze, i desideri e le aspettative(Constitutions CDB, art. 7).
18. “H Cooperatore si sente intimamente solidalecon il mondo in cui vive e nel quale
è chiamato ad essere luce e lievito. Crede nelle risorse interiori delluomo ; condivide i valori
della propria cultura ; accetta le novità con senso critico cristiano, integrando nella sua vita tutto
ciò che è buono’, specie se gradito ai giovani.” (RVA, art. 29, § 1, article intitulé : Presenza
salesiana nel mondo”.)
19. E. Viganô, Lettere circolari, p. 1689.
20. Loption préférentielle pour les pauvres”, message publié en espagnol dans
DOCLA, 54, sept.-oct. 1980 ; 55, nov.-déc. 1980. Traduction française dans la
Documentation catholique, 1981, p. 231-238.
21. Jean-Paul H, Audience générale, 5 novembre 1986, dans la Documentation
catholique, 1987, p. 37.
22. On peut lire deux discours de ce colloque dans la Documentation catholique, 1993,
p. 688-693.
23. Lourdes, 4 novembre 1999. {Documentation catholique, 1999, p. 1033.)

3.2 Page 22

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420
Morano, Maddalena Caterina
Linstitutrice de village
Maddalena Caterina Morano (1847-1908) fut, au long de sa vie active,
une éducatrice de talent1. Elle avait quatorze ans et demi, quand le curé de
Buttigliera, le village piémontais sa famille résidait, ouvrit une école maternelle,
qui ne requérait pas de maîtresse diplômée. On lui reconnaissait une sagesse et un
savoir-faire supérieurs à son âge. Le curé nhésita pas à lui proposer la charge de
maîtresse de sa petite école. La mère de Maddalena accepta d’autant plus
volontiers, que, de la sorte, un salaire fixe entrerait à la maison. Car, depuis la
mort de son mari, bientôt suivie de celle de sa fille aînée, la pauvre femme était
réduite avec ses enfants à un état voisin de la misère.
Maddalena mit tout son coeur et tous ses talents à la tâche. En bonne
piémontaise, de caractère énergique, elle avait le sens pratique des choses et la
passion du travail. La réussite fut totale. Les enfants l’adoraient, les mamans
étaient ravies. En même temps, elle se préparait au diplôme officiel de maîtresse,
quelle commença dobtenir quand elle eut dix-neuf ans. Elle devenait alors
maîtresse communale du village de Montaldo Torinese, proche de Buttigliera.
aussi, après des débuts un peu difficiles, son dévouement compétent, son
inaltérable gentillesse et sa patience envers tous lui gagnèrent les coeurs de ses
élèves d’abord, de la population ensuite. Tant et si bien quen 1872, on confia à
cette vigoureuse fille de vingt-cinq ans l’école communale des garçons, jusque-là
assurée par un prêtre. Et il paraît que les hommes et les jeunes gens du village lui
portaient estime et révérence plus qu’au curé et au maire eux-mêmes.
Son influence allait, en effet, bien au-delà des murs de l’école. Maddalena
était la paroissienne la plus active et la collaboratrice la plus précieuse du curé de
Montaldo : assistance à tous les offices, catéchisme, diffusion des dévotions au
Sacré Coeur et à Marie, promotion dune association de Filles de lImmaculée,
visite des malades et des pauvres, souci de parfaire léducation chrétienne de ses
anciennes élèves. Tout cela supposait chez elle une vie chrétienne de grande
qualité, qu’une certaine austérité favorisait et que la prière alimentait
quotidiennement. Chaque jour elle communiait, récitait son chapelet et simposait
même un chemin de croix ; et elle se refusait tout loisir mondain et toute lecture
frivole. Cependant les années coulaient. Maddalena avait maintenant trente ans et
ses économies lui permettaient d’acheter pour sa mère une maisonnette avec un
jardin et un bout de vigne. Son désir de se consacrer à Dieu, vivace depuis
longtemps, se faisait de plus en plus véhément.

3.3 Page 23

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421
La Fille de Marie auxiliatrice
Le 15 août 1878, Maddalena entrait à Momese, la congrégation des
filles de Marie auxiliatrice était née six ans plus tôt autour de Maria Domenica
Mazzarello. Ce milieu était rempli de ferveur évangélique. Le postulat dura quatre
mois et, le 8 décembre, Maddalena prit lhabit et commença son noviciat. Au bout
de deux autres mois, elle le poursuivit dans la nouvelle maison-mère de l’institut, à
Ni 77a Monferrato. Là, remise entièrement entre les mains de mère Mazzarello et
disposée à nimporte quel sacrifice pour devenir une authentique religieuse, elle
entreprit une sainte bataille pour éradiquer de son tempérament et de son coeur les
traces dorgueil, de recherche de soi et de résistance aux appels de la grâce. Ses
Pensées et réflexions, qui nous arrivent dans un cahier rédigé à cette époque, sont
significatives de la netteté et de la vigueur de la lutte. Elle écrivait par exemple
“Il est dur de se faire violence, de se haïr soi-même, de se priver de tout ce qui
plaît à la nature, de dompter sa propre liberté, de mater son corps, de refuser bien
des choses à son coeur, d’abattre sans pitié l’idole de lamour-propre et de le
briser sous les coups du bienfaisant marteau de l’humilité. Mais ces coups
douloureux réalisent un chef d’oeuvre de la grâce en ton âme ... Pas une de tes
souffrances qui ne serve à anéantir le vieil homme pour former en toi l’image
sublime de Jésus crucifié, ton adorable modèle. Tout passe, tout pour le mieux, le
Paradis nous attend.A la veille de sa profession (4 septembre 1879), elle
sentendit dire (probablement par mère Mazzarello) : Aimons-le, soeur
Maddalena ! Aimons Jésus, travaillons pour Lui sans un regard pour nous-mêmes.
Quil soit notre seul confident... ”2
Jeune professe, Maddalena sera pendant deux ans enseignante à Nizza.
Ses leçons étaient simples et claires, provoquant l’intérêt et lémulation ; les plus
soignées et les mieux suivies étaient celles de catéchisme, transparaissaient son
amour de Dieu et son enthousiasme pour le bien. Educatrice, elle était bonne et
ferme, rigoureusement impartiale, et, si elle manifestait quelque préférence, cétait
envers les élèves les moins remarquées et les moins douées. A la fin dune
première année, on l’admettait déjà à la profession perpétuelle (2 septembre
1880). Ses résolutions précisaient alors son programme de religieuse
définitivement donnée à Dieu. Par exemple : “O mon âme, prends soin de ne rien
faire qui ne soit digne d’être offert à Dieu ... Quand sera totalement mort en toi ce
maudit moide l’amour-propre, alors Jésus Christ vivra pleinement en toi... Sois
une abeille sage et industrieuse, c’est-à-dire des moindres choses qui t’arrivent tire
quelque profit pour ton âme.”3 Cest au cours de sa deuxième année denseignante
à Nizza, qu’elle eut la douleur dassister aux derniers jours de mère Mazzarello,
morte dans cette maison le 14 mai 1881.
Un apostolat extraordinairement fécond en Sicile
A l’automne de cette année 1881, Maddalena fut nommée directrice d’un
petit internat à Trecastagni, entre l’Etna et la mer, dans la lointaine Sicile. La Sicile
sera sa nouvelle patrie.
Linternat, qui périclitait, se redressa. Soeur Maddalena était partout :
directrice très attentive à la vie de sa communauté, elle était aussi enseignante,

3.4 Page 24

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422
assistante et infirmière de ses petites malades. L’oeuvre grandit : un oratoire du
dimanche fut ouvert, puis une école professionnelle pour externes. La petite ville
de Trecastagni était dans ladmiration. Des jeunes filles, qui avaient vu et compris
soeur Maddalena et ses soeurs vinrent frapper à la porte demandant à vivre
comme elles. Et soeur Maddalena ajouta à ses tâches celle de maîtresse des
postulantes et novices. Ce directorat dura quatre ans.
En 1885, il parut bon de lui confier, à Turin, l’institut éducatif des
salésiennes proche du Valdocco. Elle y fut, comme à Trecastagni, une directrice
appréciée, admirée, aimée des soeurs et des enfants. Mais, comme la religieuse qui
l’avait remplacée en Sicile devait revenir à Turin pour soigner sa santé affaiblie, ce
mandat ne dura qu’une année scolaire. Et soeur Maddalena retrouva Trecastagni
et la Sicile, avec, en outre, la charge de visitatrice, en fait de provinciale”, des
oeuvres de filles de Marie auxiliatrice dans toute lîle.
Elle était désormais mère Maddalena. Mère Maddalena allait se révéler
fondatrice extrêmement active. En vingt-deux ans, elle fondera dix-sept centres,
dont plusieurs très importants. Ce fut, en particulier, en 1896, le cas du pensionnat
pour les élèves d’une école normale, à Catane, elle transféra, en 1902, son
siège, que nous appelons provincial. Presque toutes ces oeuvres commencèrent
de fonctionner dans une extrême pauvreté : bâtiments exigus et presque branlants,
comme au Valdocco ou à Momese. Mère Maddalena se lança dans toute une série
de travaux de consolidations, dagrandissements ou de constructions entièrement
nouvelles. Et il fallait de l’argent ! La visitatrice devait beaucoup voyager pour
retrouver ses communautés, courir au chevet des soeurs malades ou agonisantes,
rencontrer les autorités religieuses ou civiles, participer aux fêtes et aux
manifestations publiques importantes. En 1903, elle sen fut jusquen Tunisie,
habillée en civil, pour la visite des deux premières oeuvres fondées en ce pays par
l’institut des filles de Marie auxiliatrice. Lenseignement du catéchisme, non
seulement à lintérieur de ses oeuvres, mais dans les paroisses des villes ou
bourgades où les soeurs étaient présentes, la préoccupait beaucoup. Elle suscitait
des écoles de catéchisme, y envoyait les soeurs et elle-même y intervenait, donnant
même des leçons pratiques aux enseignantes.
Comme provinciale, elle fut dabord l’éducatrice de ses soeurs. Elle les
suivait attentivement chacune, les aidant à se corriger et à parfaire leur conduite
pédagogique. Aux communautés qu’elle réunissait, elle donnait des conférences
sur la méthode suivie par don Bosco et mère Mazzarello. Il nous reste d’elle le
texte de quelques-unes de ces directives, qui sont, d’après le P. Aubry, des
chefs-doeuvre de sagesse, de précision et de ferveur salésienne”4. La leçon de
pédagogie la meilleure était toutefois son témoignage, sa façon dagir. Sa forte
personnalité en imposait à tous, adultes et plus encore enfants. Mais sa présence
ne gênait pas. Elle attirait la sympathie parce quelle apparaissait toujours sereine
et souriante. Cette éducatrice avait acquis l’art de parler aux enfants et aux jeunes,
qui jamais ne sennuyaient à ses causeries ou leçons, captivantes et pratiques. Elle
exigeait de la propreté, de la politesse, du bon ordre, de lexactitude dans
lhoraire. Mais elle le faisait toujours avec un calme parfait et des manières
aimables. Son sens psychologique aigu lui faisait comprendre les jeunes et leur

3.5 Page 25

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423
exubérance. En elle, lamorevolezza salésienne débordait de bonté, vertu
elle-même enracinée en un profond instinct maternel.
Supérieure, mère Maddalena se montra digne héritière de mère
Mazzarello. Grâce à un sens humain et à un sens pratique également remarquables,
elle impressionnait par son intelligence, par son autorité, sa sagesse, sa
compétence en affaires, et parvenait ainsi à faire accepter ses vues et à résoudre
les plus graves difficultés. Elle savait choisir les nouvelles directrices et les suivait
de près, les informant, soutenant leur autorité, les aidant éventuellement à
résoudre leurs conflits avec les administrations. Ses contacts avec les soeurs
étaient une merveille, selon le P. Aubry5. Lors des visites, elle consacrait
généreusement son temps à chacune des soeurs. Je sens que je les aime toutes, et
j’éprouve toujours un grand plaisir à m’entretenir avec elles, observa-t-elle un
jour à une postulante. Elle présidait les retraites, moments privilégiés pour des
contacts personnels et de sages directives. Patiente avec toutes, elle ne se
considérait pas la gardienne farouche dune règle à faire observer à tout prix, mais
l’éducatrice de consciences quil fallait amener peu à peu à pratiquer avec amour
tout ce qui était possible. Son gouvernement était libérateur.
Cette sainte religieuse était toute à Dieu. Elle écrivit un jour à une soeur :
“Jésus est ton époux ! pour toujours. Tout est là. Tout le reste nexiste plus pour
nous6. Et, à une autre soeur : “Quelle peine tu me fais quand j’apprends que tu
nes pas encore établie fermement dans lhabitude de faire toute chose en
regardant Dieu seul et les créatures pour lui seul !”7 Et encore, à une autre soeur :
Ne te décourage pas de ce que tu ressens et de ce que tu éprouves (...) Quand
tu te trouves ainsi, ne te regarde pas, regarde-Le et dis-lui avec confiance : -
Merci, Bon Jésus, qui peu à peu me faites sentir qui je suis et comprendre qui vous
êtes !”8. Dans ses examens de conscience et ses résolutions de retraite - dont le
texte a été conservé - le premier point concernait toujours lunion avec Dieuou
la piété, qu’elle définissait non pas lire de nombreux livres de dévotion ou dire
de nombreuses prières, mais penser, parler, agir pour Dieu et de la façon qui lui est
agréable”9. En elle, lunion à Dieu était entretenue par un sens vif du mystère
eucharistique et la contemplation habituelle du Christ crucifié.
Au mois de mai de l’année 1900, une tumeur intestinale cloua mère
Maddalena au lit pendant trois mois. Elle se releva, mais sa forte fibre était
atteinte. Au début de 1908, elle pressentit sa mort et, au début de mars, donna sa
dernière conférence aux soeurs de la maison provinciale sur un ton chaleureux
inhabituel. Le dimanche 22, secouée par une forte fièvre, elle écrivit encore une
lettre émouvante à la mère générale, qui pensait lui confier de nouvelles
responsabilités, et salita. Relevée le 24 pour une affaire à la préfecture de Catane,
elle se remit immédiatement au lit avec de violentes douleurs. Et, le 26 mars, après
quon lui eut administré lextrême-onction, elle expira victime dune péritonite
aiguë.
Maria Maddalena Caterina Morano a été déclarée bienheureusepar
Jean-Paul II à Catane le 5 novembre 1994. Notre regard tourné vers elle pour lire
son témoignage spirituel à travers une laborieuse existence de charité apostolique,

3.6 Page 26

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424
nous aidera à donner une valeur opératoire à nos résolutions de meilleure qualité
salésienne, écrivait alors le recteur Viganô10.
Notes
1. Cet article dépend de la notice, le plus souvent recopiée, de J. Aubry, Une femme
au grand coeur : la bienheureuse Madeleine Morano, FMA (1847-1908), dans Les saints de la
famille, Rome, Maison Générale Salésienne, 1996, p. 243-264, notice elle-même tributaire de la
biographie de don Domenico Gameri, Suor Maddalena Morano, San Benigno Canavese, 1926,
263 p., à laquelle nous nous sommes aussi référé ici pour les citations reproduites. Lédition
critique copieusement annotée de louvrage de don Gameri par la Sacra Congregatio pro Causis
Sanctorum. Officium historicum, Catanen. Béatifications et Canonizations Servae Dei
Magdalenae Catharinae Morano, sororis Instituti Filiarum Mariae Auxiliatricis (+ 1908).
Summarium historicum addictionale ex officio concinnatum, Rome, 1975, témoigne de la
solidité de cette histoire.
2. Epenoso farsi violenza, odiare se stessi, privarsi di tutto quello che piace alla
natura, incatenare la propria libertà, mettere in soggezione il corpo, negare tante cose al cuore,
abbattere senza pietà lidolo dellamor proprio e frantumarlo sotto i colpi del salutare martello
dellumiltà. Ma questi colpi dolorosi operano un capolavoro della grazia nell’anima tua ( ... )
non uno dei tuoi dolori che non serva ad annichilire l’uomo vecchio per formare in te
limmagine sublime di Gesù crocifisso, tuo adorabile modello ! Tutto passa - tutto pel meglio - il
Paradiso ci aspetta !” (D. Gameri, Suor Maddalena Morano, p. 26.) Amiamolo, neh ! Sr.
Maddalena, amiamolo Gesù, lavoriamo solo per Lui senza alcun riguardo a noi stesse. Sia Egli
solo il nostro confidente ... (Ibidem, p. 27.)
3. Procura, o anima mia, di non far nulla di esser indegno di essere offerto a Dio ...
Quando sarà interamente morto in te il maledetto io dellamor proprio, allora vivrà pienamente
in te G. C. ... Sii saggia e industriosa ape, cioè da tutte le minime cose che ti accadono cavane
qualche prò per lanima tua.” (D. Gameri, Suor Maddalena Morano, p. 35.)
4. J. Aubry, “Une femme au grand coeur... “, p. 257.
5. J. Aubry, “Une femme au grand coeur... , p. 259.
6. Gesù è tuo sposo !! per sempre : ecco tutto ! il resto ... non è più per noi.” (D.
Gameri, Suor Maddalena Morano, p. 225.)
7. Che pena mi fai non saperti ancora stabile nel fare le cose guardando Dio solo e le
creature per Lui solo.” (D. Gameri, Suor Maddalena Morano, p. 240.)
8. “Non ti scoraggiare - scriveva ad una che sentiva sconforto per le proprie miserie -
di quanto senti e di quanto provi (... ) Quando ti senti così, non guardare te, ma guarda Lui e
digli con fiducia : - Grazie, Gesù Buono, che tratto tratto mi fate sentire chi son io e conoscere
chi siete voi !” (D. Gameri, Suor Maddalena Morano, p. 245.)
9. Questa non consiste in leggere molti libri devoti o nel dire molte preghiere, ma nel
pensare, parlare, operare per Dio e nel modo che a Lui è gradito.(D. Gameri, Suor Maddalena
Morano, p. 248.)
10. “Lo sguardo rivolto a lei per leggerne la testimonianza spirituale, trasmessa in una
laboriosa esistenza di carità apostolica, ci aiuterà a dare validità operativa ai nostri propositi di
miglior qualità salesiana.(E. Viganò, Lettre aux salésiens, 8 décembre 1994, Atti 351, p. 5.)

3.7 Page 27

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425
Mort
Les discours sur la mort
Jamais la mort n’a été aussi occultée quaujourdhui, ni sans doute mieux
dissimulée. S’il est vrai que lon meurt toujours seul (malgré son “entourage),
jamais la mort n’a pris davantage la forme de la solitude (sans entourage”). Le
mourant daujourd’hui doit être discret, et son cadavre évacué. La solitude s’est
faite isolement, et l’isolement désolation. La mort a cessé dêtre fréquentable.1
Pareille nouvelle eût paru fort étrange aux salésiens dautrefois, eux qui tenaient à
accompagner leurs mourants jusquau dernier soupir, et que l’on invitait à penser
quotidiennement au jour de leur mort et mensuellement au sort de celui qui, dans
leurs rangs, mourrait le premier. La pensée de la mort, familière aux enfants
eux-mêmes, ne les traumatisait nullement2. On vivait sans problèmes avec la mort.
Toutefois, comme il est arrivé en dautres temps à beaucoup de
prédicateurs désireux de susciter dans leurs publics une terreur salutaire, les
discours des salésiens du premier siècle sur “la mortétaient en réalité des
discours sur la vie”. Ainsi, après avoir intitulé un sermon dexercices spirituels
La morte”, don Rua prêchait longuement sur le détachement indispensable des
choses de ce monde3. Les vraies leçons sur la mort passaient par des récits, que
lon se transmettait amoureusement. Avec quel soin, dans une lettre circulaire aux
salésiens, le même don Rua ne raconta-t-il pas la fin sous ses yeux de Giovanni
Bonetti, directeur spirituel de la congrégation ! Jamais, disait-on autour de lui, on
n’avait vu mourir quelquun aussi doucement et avec pareille expression de “divin
amour4. Les morts exemplaires jalonnaient la littérature salésienne dantan.
Les morts exemplaires dautrefois
Retenons, puisquil faut choisir, les morts qui précédèrent la disparition
de don Bosco en 1888 : celles de Luigi Comollo en 1839, de Dominique Savio en
1857, de Michèle Magone en 1859 et de Maria Domenica Mazzarello en 1881,
toutes épiées par des observateurs attentifs et rapidement publiées à travers le
monde salésien. Ces récits de morts qualifiées en leur temps de précieuses”, ont
fait l’admiration et l’édification des salésiens et des salésiennes dautrefois. Les
phrases naïves des mourants et de leurs témoins nous surprennent peut-être, car
notre culture est différente. Leur anthropologie dualiste nous laisse perplexes,
cest notre droit. En tout cas, ces expériences spirituelles constituaient
l’enseignement le plus authentique, sinon le seul authentique, sur la belle mort
salésienne des origines5.
Le séminariste Giovanni Bosco venait à peine de voir mourir, le 2 avril
1839, à 22 ans, au séminaire de Chieri, son ami le clerc Luigi Comollo, quand il

3.8 Page 28

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426
décida de relater sur un petit cahier (qui a été conservé) lhistoire de sa maladie et
de sa mort, quil jugeait admirables. Quelques années après, ce récit fut intégré à
une biographie du jeune homme, destinée à une abondante diffusion en milieu
salésien. Don Bosco y narrait, vers la fin, les douze dernières heures du jeune
homme, près duquel il sétait alors tenu.
.Le 1er avril, Luigi couché dans sa chambre reçut la visite de ses parents,
quil reconnut parfaitement. H faut vous résigner à la volonté de Dieu. Priez pour
moi, leur recommandait-il. De temps à autre, il se mettait à chanter le Miserere,
les litanies de la sainte Vierge, lAve maris Stella ou encore quelque cantique. Il
modulait correctement, on l’aurait cru en bonne santé. Mais chanter le fatiguait,
observaient les assistants. Pour l’arrêter, ils lui suggéraient des prières, que, docile,
le malade sempressait de répéter. Comme son état empirait, à 7 heures du soir le
directeur spirituel du séminaire lui administra l’extrême onction ; et, à 11 heures et
demie, tandis qu’une sueur froide commençait à couvrir son visage livide, le
recteur lui donna la bénédiction papale. Lors de ces deux cérémonies, l’agonisant
répondait exactement aux prières liturgiques. Désormais, il avait les traits reposés.
Pleinement conscient, l’esprit tranquille, tutto allegro” (tout joyeux) même (selon
don Bosco), il prononçait de courtes et ferventes invocations à Jésus crucifié, à
Marie ou aux saints. A une heure du matin : “Dans combien de temps ?,
demanda-t-il à un assistant. On lui répondit : Encore une demi-heure !” “Encore
plus !observa le malade. Oui, reprit l’autre croyant quil délirait : encore une
demi-heure, et ce sera la répétition.Eh, répartit Comollo, belle répétition ! Bien
autre chose qu’une répétition !” Il haletait, mais trouvait encore la force de
composer et de prononcer à haute voix une prière à Marie, que le récit de don
Bosco répétera tout au long. Convaincu de limminence de la fin, Bosco proposait
à son ami les invocations qui lui venaient à l’esprit. Et Comollo, très attentif, un
sourire sur le visage et sur les lèvres, parfaitement tranquille, les yeux fixés sur le
crucifix quil tenait entre ses mains jointes sur la poitrine, s’efforçait de répéter
chaque mot suggéré. Dix minutes avant de mourir, il appela un assistant : “Si tu
veux, lui dit-il, quelque chose pour l’éternité, je ..., adieu, je men vais.Ce fùrent
ses dernières paroles. Les lèvres durcies, la langue épaisse, il ne pouvait plus rien
articuler. Enfin, d’une parfaite sérénité, le visage riant et dans un doux sourire
comme sil voyait quelque chose de merveilleux”, Luigi Comollo expira à deux
heures du matin ce 2 avril 1839.6
Le dernier soir de sa vie (9 mars 1857), dans la maison familiale de
Mondonio, Dominique Savio, quatorze ans, reçut la visite du curé de son village.
Lair joyeux du garçon, son regard toujours pétillant, sa pleine connaissance le
stupéfièrent. Ses oraisons jaculatoires témoignaient dun ardent désir daller vite
au ciel. Que peut-on suggérer à des agonisants pareils pour recommander leur
âme ?”, se prit à dire le prêtre. Il ne pouvait que lui rappeler la passion de Jésus.
Dominique s’endormit et se reposa une demi-heure. Puis il se réveilla et regarda
ses parents. Papa, mon cher papa, cest le moment. Prenez mon livre et lisez-moi
les prières de la bonne mort.La mère de Dominique n’y résista pas, elle éclata en
sanglots et sortit de la chambre. Le père sarma de courage. A chaque verset de la
funèbre litanie, lenfant voulait dire seul l’invocation : Miséricordieux Jésus, ayez
pitié de moi !Arriva le verset disant : “Quand enfin mon âme paraîtra devant

3.9 Page 29

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427
vous, et verra pour la première fois limmortelle splendeur de Votre Majesté, ne la
rejetez pas loin de votre présence, mais daignez maccueillir dans l’étreinte
amoureuse de votre miséricorde, afin que je chante éternellement vos louanges,
Oui, enchaîna-t-il, cest bien cela que je désire. Ah ! mon cher papa, chanter
éternellement les louanges du Seigneur !Puis il sembla prendre à nouveau un peu
de sommeil dans lattitude de celui qui applique sérieusement son esprit à une
chose très importante. Au bout de quelques instants, il se réveilla et, d’une voix
claire et joyeuse, il dit : Adieu, mon cher papa, adieu ! Monsieur le curé voulait
encore me dire autre chose, et je n’arrive plus à me la rappeler ... Oh ! que c’est
beau ce que je vois ...A ces mots et toujours en riant, le visage céleste, il expira
les mains jointes et croisées sur la poitrine, sans le moindre mouvement. Lâme
immortelle de Dominique a quitté sa dépouille mortelle, se disaient les assistants.7
Le soir du 21 janvier 1859, à loratoire salésien du Valdocco, Michèle
Magone, treize ans, frappé dune congestion pulmonaire, attendait lui aussi la
mort. L’agonie semblant imminente, don Bosco fut appelé à son chevet. Un prêtre
lui administra le sacrement des malades. A chaque onction, l’enfant voulut dire
quelque chose. Par exemple, à lonction des mains : Que de coups de poing j’ai
donnés à mes camarades avec ces mains ! Mon Dieu, pardonnez-moi ces péchés et
aidez mes camarades à être meilleurs que moi !Après quoi, don Bosco lui
demanda sil désirait faire avertir sa mère, qui, persuadée que le mal n’était pas
tellement grave, était allée se reposer dans une chambre voisine. Non, répondit
Michèle, il vaut mieux ne pas l’appeler. Elle aurait trop de chagrin ! ... Pauvre
mère, que le Seigneur la bénisse ! Quand je serai en Paradis, je prierai beaucoup
Dieu pour elle.” Les assistants en pleuraient. Don Bosco se ressaisit, posa
quelques questions à lenfant et entreprit de lui confier des commissions pour
l’au-delà. Entre autres, racontera-t-il : “Quand tu seras au Paradis et que tu verras
la très sainte Vierge Marie, salue-la humblement et respectueusement de ma part
et de la part de ceux qui sont dans cette maison. Prie-la de nous donner sa sainte
bénédiction ; quelle nous prenne tous sous sa puissante protection et qu’elle nous
aide en sorte que pas un de ceux qui sont, ou que la divine Providence enverra
dans cette maison, ne vienne à se perdre. - Et quoi encore ? - Pour linstant, rien
d’autre, repose-toi un peu.Michèle semblait en effet vouloir dormir. Cependant,
bien quil gardât son calme habituel et lusage de la parole, ses pulsations
annonçaient une mort imminente. On commença donc la récitation du
Proficiscere. Au milieu de la lecture de cette prière, comme sil sortait dun
profond sommeil, le visage aussi serein qu’à l’ordinaire et le sourire sur les lèvres,
il dit à don Bosco : Dans quelques instants, je ferai votre commission ; je tâcherai
de la bien faire ; dites à mes camarades que je les attends au paradis.Ensuite il
serra le crucifix entre ses mains, le baisa trois fois et prononça ces dernières
paroles : Jésus, Marie, Joseph, je remets mon âme entre vos mains.Puis il plissa
les lèvres comme sil voulait sourire, et paisiblement il expira.8
Fin mars 1881, Maria Domenica Mazzarello, supérieure générale des filles
de Marie auxiliatrice, au retour dun voyage en France pour y visiter ses
communautés, avait retrouvé sa maison de Nizza Monferrato. A Saint-Cyr, une
pleurite lavait immobilisée au lit pendant quarante jours. Le répit fut de courte
durée. Le 15 avril, le mal ayant reparu avec violence, mère Mazzarello reçut

3.10 Page 30

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428
l’extrême onction. La pensée du purgatoire la tourmentait. O mon Dieu,
s’exclamait-elle, faites-moi faire ici mon Purgatoire. Donnez-moi ici beaucoup à
souffrir ; mais là, dans cette prison, je ne veux pas du tout y aller ! Quil en soit
pourtant selon votre justice ! Mais, si je dois y aller, que ma souffrance maintenant
serve de suffrage aux âmes qui m’ont précédée !9 Les soeurs recueillaient
amoureusement ses conseils. Elle-même demeurait présente à leurs soucis et
trouvait parfois la force de chanter une strophe de cantique. Je mourrai un samedi
!”, prévoyait-elle.
Sa dernière nuit, du vendredi 13 au samedi 14 mai, lui fut pénible. Elle
souffrait en silence, quand, brusquement, elle se tourna vers les soeurs qui
l’assistaient et, lair joyeux, leur dit : Chantons !Dune voix sûre, elle entonna
un cantique à Marie avec assez de force pour réveiller celles qui sommeillaient
dans une chambre voisine. Bel patire ! bel godere !(Il est beau de pâtir ! Il est
beau de jouir), répétait-elle quand on l’exhortait à rester calme. Un ultime combat
se livrait dans son âme. Maria craignait pour son salut. Langoisse peinte sur son
visage faisait pitié. Elle se redressa avec autorité comme si elle avait voulu
simposer à quelqu’un. Elle gesticulait et criait : Une honte ! Une honte ! Allons,
courage, courage !Mère, à qui parlez-vous ?”, lui demandait-on. - Je le sais
bien, moi, à qui je parle.Elle fixait limage de Marie au pied de son lit, et
sexclamait : Pourquoi avoir peur ! Courage ! courage !On voulait la calmer,
mais elle : Je dois penser à moi et ça suffit !Et puis : “Pourquoi tant de peur ?
Quest-ce que cest que cela ? Qui sest jamais confié en vain à la Madone ? Une
honte ! Allons, courage, soeur Maria. Nes-tu pas Fille de la Madone ? Et qui s’est
jamais confié à la Madone et a été confondu ? Allons, allons, courage ! La
neuvaine de Marie Auxiliatrice commence demain, chante les cantiques de ta Mère
dans la Passion du Seigneur.10 Enfin, elle rassembla ses forces et chanta : Chi
ama Maria, contento sarà !La bataille était terminée.
Maria retrouva son calme et sembla sendormir. Il était trois heures trois
quarts du matin, le pouls battait à cent quarante. On appela les deux directeurs
spirituels salésiens présents, don Lemoyne et don Caglierò. Don Caglierò lui
donna une dernière absolution. Oh, Padre ! Addio, me ne vo(Oh, Père ! Adieu,
je m’en vais), lui dit la mourante. Puis, élevant la main comme pour le saluer et
dans un doux sourire : A Dio, a Dio ! Arrivederci in Cielo(A Dieu, à Dieu ! Au
revoir au Ciel !). Son calme était merveilleux. Elle fixa le crucifix et dit encore :
Gesù, Giuseppe, Maria, vi raccomando l’anima mia !(Jésus, Joseph, Marie, je
vous recommande mon âme), puis, détachant les mots : Gesù ... Giuseppe ...
Maria ... Et elle se tut. Le pouls avait cessé de battre.11
Ces morts exemplaires avaient été des passages, certes parfois
douloureux, mais toujours prévus, conscients et sereins, dun monde à l’autre, de
cette terre au paradis”, jusquà la rencontre ardemment désirée de Dieu. A ces
saintes personnes, nul ne volait la mort. Les mourants, entourés d’amis, de
confrères ou de parents en prières, attendaient anxieux, mais remplis despoir,
l’instant suprême, convaincus que leurs âmes abandonneraient bientôt leurs corps
souffrants pour pénétrer dans un ailleurs de tendresse et de lumière. Plusieurs
chantaient, et ils expiraient dans un sourire.

4 Pages 31-40

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4.1 Page 31

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429
Les constitutions salésiennes rénovées continuent de rêver de morts
semblables pour les religieux. La mort est leur Pâque, le passage décisif, après un
temps de vendredi saint. Leurs frères les aident à participer pleinement à la Pâque
du Christ. Pour eux, la mort est éclairée par l’espérance dentrer dans la joie du
Seigneur.12
Lexercice de la bonne mort
Encore faut-il, comme Dominique Savio et ses émules, être prêt pour la
résurrection pascale. Toute notre vie, mes chers jeunes, disait don Bosco aux
lecteurs de son Giovane proweduto, doit être une préparation à faire une bonne
mort. Pour atteindre ce but importantissime, il convient énormément de pratiquer
ce que lon appelle l’exercice de la bonne mort, qui consiste, un jour chaque mois,
à mettre en ordre toutes nos affaires spirituelles et temporelles, comme si nous
devrions mourir réellement ce jour-là.13 Il avait appris à connaître au Convitto
ecclesiastico de Turin (1841-1844) cet exercice spirituel alors répandu dans la
catholicité. Il fallait s’initier à Vars moriendi (litt. l’art de mourir). On se préparait
à la mort par des répétitions générales, pour lesquelles les spirituels du
dix-septième siècle avaient élaboré des méthodes plus ou moins affinées.
L’exercice de la bonne mort en était une.
Le directeur spirituel de don Bosco, le fùtur saint Giuseppe Cafasso, y fut
très fidèle. Les huit points de son programme - que don Bosco eut entre les mains
- méritent probablement d’être relevés. 1) On destinera à cet exercice le premier
dimanche du mois. 2) Avant tout, confession comme si ce devait être la dernière
de la vie. 3) Messe célébrée dans le même sentiment, et communion comme en
viatique. 4) Prière au pied du crucifix en méditant les sentiments dun moribond et
comme si lon recevait l’extrême-onction. 5) Récitation des prières de l’agonie. 6)
Simaginer au dernier soupir baisant le crucifix pour la dernière fois. 7) Supposer
que la Vierge Marie obtient un mois de vie supplémentaire pour se mieux disposer
à la mort. 8) Décider de passer le mois qui commence, comme sil devait être le
dernier de la vie.14 Le programme de don Cafasso nétait pas gai, mais rejetait à
l’arrière-plan les formules supposées morbides auxquelles les détracteurs de
l’exercice se plaisent maintenant à le réduire.
Pendant un siècle, les constitutions salésiennes ont édicté les règles de la
pratique de cet exercice par les religieux de la société. H ne peut se dire vraiment
salésien celui qui néglige un moyen aussi efficace de notre salut, enseignait don
Rua, recteur majeur, en 1909.15 Le dernier jour du mois, chacun, laissant de côté
autant que possible ses affaires temporelles, se recueillera, fera lexercice de la
bonne mort et mettra ordre à ses affaires spirituelles et temporelles, comme s’il
devait quitter ce monde pour entrer dans léternité. Outre la méditation habituelle,
il y aura, en communauté, une deuxième méditation dune demi-heure ou une
conférence sur un sujet moral. Pendant une demi-heure au moins, un examen
communautaire portera sur les progrès accomplis dans la vertu” durant le mois
écoulé. La confession de ce jour sera particulièrement soignée et la communion

4.2 Page 32

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430
sera reçue comme en viatique. Les prières prévues seront récitées et on relira les
constitutions in extenso ou partiellement.16
Dans leurs récollections périodiques les salésiennes ont retenu quelques
éléments de cet exercice. Ces moments forts de révision de vie doivent être
organisés, disent-elle, à la manière des temps de retraite, dans les mêmes
conditions de silence et de recueillement. La vérification personnelle par un
examen de conscience, qui durera au moins une demi-heure, les “prières pour
obtenir une bonne mort” et le renouvellement des voeux en commun, constituent
des moyens efficaces de reprise sur le chemin de la sainteté(yia délia santita)V
Tel était le sentiment de don Bosco, qui tenait l’exercice de la bonne mort
proprement dit pour essentiel à la santé spirituelle de ses salésiens. Toute la vie
n’est-elle pas une préparation à la mort ?
Notes
1. O. Boulnois, Les vivants et les morts, dans Communio, mars-avril 1995, p. 9.
2. Lopinion - qui a longtemps réprouvé les coutumes salésiennes en la matière -
semblait évoluer sur ce point en fin de siècle. Les adultes n’aiment pas parler de la mort aux
enfants”, commençait fin 1999 un article sur Lenfance face à la mort” (Le Monde, 9 novembre
1999). A tort, continuait la journaliste, selon lavis de nombreux psychologues. La revue
semestrielle Etudes sur la mort, fondée en 1966 par la Société de thanatologie, sattaque à
certaines idées reçues dans son dernier numéro consacré aux “deuils dans lenfance(numéro
115, 1999, diflusion PUF). Etc.
3. La morte. Memorare novissima tua et in aetemum non peccabis, dans une série
inédite d'Esercizi spirituali, quaderno II, p. 5-20 ; FdB 2939 E8 à 2940 A12. A juger par ses
ratures et ses compléments, ce sermon fut prononcé plusieurs fois.
4. M. Rua, Lettre aux salésiens, 14 juin 1891, L. C., p. 55-61.
5. Je reprends les descriptions, telles quelles furent imprimées dans la mémoire
collective, sans engager une quelconque discussion sur lhistoricité de leurs détails, en particulier
des propos attribués aux acteurs. Ce problème nest pas le nôtre, nous en restons aux seuls récits
dautrefois.
6. D’après (G. Bosco), Cenni storici sulla vita del chierico Luigi Comollo morto nel
seminario di Chieri ammirato da tutti per le sue singolari virtù, scritti da un suo collega, Torino,
Speirani et Ferrerò, 1844, p. 65-71. Formulation italienne des citations : In questo frattempo fii
visitato da suoi genitori, i quali conobbe appieno, e raccomandò loro a rassegnarsi alla divina
volontà.” “Un’ora dopo la mezzanotte del 2 aprile, dimandò ad uno degli astanti, quanto tempo
vera ancora ; gli fu risposto : v’è ancor mezz’ora. C’è ancora di più, soggiunse linfermo. Si,
ripigliò l’altro credendo che vanegiasse ; ancor mezz’ora, poi andremo alla ripetizione. Eh,
ripigliò linfermo sorridendo, bella ripetizione ! ... v’è altro che ripetizione.Circa dieci minuti
prima del suo spirare, chiamò uno degli astanti, se vuoi gli disse, qualchè cosa per leternità, io
... addio me ne parto.
7. D’après G. Bosco, Vita del giovanetto Savio Domenico ... , Torino, Paravia, 1859,
chap. XXIV. Formulation italienne des citations. Quale cosa suggerire per raccomandar
lanima ad agonizzanti di questa fatta ?” Mio caro papà, è tempo ; prendete il mio Giovane
provveduto e leggetemi le preghiere della buona morte.Misericordioso Gesù, abbiate pietà di
me.“Giunto alle parole : Quando finalmente lanima mia comparirà davanti a voi, e vedrà per
la prima volta lo splendore immortale della vostra maestà, non la rigettate dal vostro cospetto ;
ma degnatevi di ricevermi nel seno amoroso della vostra misericordia, affinchè io canti
eternamente le vostre lodi. Ebbene, soggiunse, questo è appunto quello che io desidero. Oh caro

4.3 Page 33

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431
papà, cantare eternamente le lodi del Signore !” ... con voce chiara e ridente : addio, caro papà,
addio ; il prevosto voleva ancora dirmi altro, ed io non posso più ricordarmi ... Oh ! che bella
cosa io vedo mai... Così dicendo e ridendo con aria di paradiso spirò ...
8. D’après G. Bosco, Cenno biografico sul giovanetto Magone Michele allievo
dellOratorio di S. Francesco di Sales, Torino, Paravia, 1861, chap. XV. Formulation italienne
des citations Allunzione delle mani aggiunse : Quanti pugni ho dati amiei compagni con
queste mani ; mio Dio, perdonatemi questi peccati, ed aiutate i miei compagni ad essere più
buoni di me.No, rispose ; è meglio non chiamarla ... Povera mia madre ! che il Signore la
benedica ! quando sarò in Paradiso pregherò molto Iddio per lei.Quando sarai in Paradiso e
avrai veduta la grande Vergine Maria, falle un umile e rispettoso saluto da parte mia e da parte
di quelli che sono in questa casa. Pregala che si degni di darci la sua santa benedizione ; che ci
accolga tutti sotto la potente sua protezione, e ci aiuti in modo che niuno di quelli che sono, o
che la divina provvidenza manderà in questa casa abbia a perdersi. - ... ed altre cose ? - Per ora
niente altro, riposati un poco.“Di qui a pochi momenti farò la vostra commissione ; procurerò
di farla esattamente ; dite amiei compagni che io li attendo tutti in Paradiso.Poscia proferì
queste sue ultime parole : Gesù, Giuseppe e Maria io metto nelle vostre mani lanima mia.
9. ... ora, sul letto del dolore, ripeteva : “O mio Dio, fatemi far qui il mio Purgatorio.
Datemi qui tanto da patire ; ma là, in quel carcere, non voglio proprio andare ! Sia fatto però
secondo la vostra giustizia ! Ma se ci devo andare, valga la presente mia tribulazione, in
suffragio di quelle anime che mi hanno preceduta.(F. Maccono, Suor Maria Mazzarella ... ,
Torino, Istituto delle Figlie di Maria Ausiliatrice, 1934, p. 638.) Ce biographe consciencieux
disposait, entre autres, du récit de don Lemoyne, témoin direct, intitulé : Malattia e morte di
Suor Maria Mazzarello, prima Superiora generale delle figlie di Maria Ausiliatrice, in
Documenti per scrivere la storia di D. Giovanni Bosco ... , t. XLIII, p. 419-431, qui a été
réédité dans louvrage de P. Cavaglià et Anna Costa (a cura), Orme di vita, Roma, LAS, 1996,
p. 328-343.
10. Vergogna , vergogna ! Su, coraggio, coraggio.” ... Lo so ben io a chi parlo...
Perchè temere ?... “Coraggio, coraggio !” ... “Io debbo pensare a me e basta.... Perchè tanto
timore ? E che cosa è mai questo ? Chi ha mai confidato invano nella Madonna ? Vergogna ! Su,
coraggio, Suor Maria. Non sei tu Figlia della Madonna ! E chi mai ha confidato in Maria ed è
restato confuso ? Su, su ; coraggio, coraggio ! Domani incomincia la novena di Maria
Ausiliatrice, canta le lodi della tua Madre nella Passione del Signore.” (F. Maccono, op. cit., p.
650-651.)
11. F. Maccono, op. cit., p. 651-652.
12. Constitutions SDB, art. 55.
13. Tutta la nostra vita, o miei cari giovani, deve essere una preparazione a fare una
buona morte. Per conseguire questo fine importantissimo giova assai praticare il così detto
Esercizio della buona morte, il quale consiste nel disporre in un giorno di ogni mese tutti i nostri
affari spirituali e temporali, come se in quel dovessimo realmente morire.” (G. Bosco, Il
Giovane provveduto ..., éd. de 1885, p. 184.) Après quoi venaient les prières de l’exercice.
14. D’après G. Bosco, Biografia del sacerdote Giuseppe Caffasso ... , Torino, 1860, p.
110-111.
15. Ondè che non può dirsi veramente Salesiano colui che trascura un mezzo così
efficace ad ottenere la nostra salvezza.(M. Rua, Lettre aux salésiens, 31 janvier 1909, L. C., p.
405.)
16. Constitutions salésiennes, éd. de 1923, art. 156-157. En 1965, un chapitre général
rejeta larticle 157, celui du détail du programme, dans les Règlements généraux, art. 23. Puis,
en 1984 cet article disparaîtra aussi bien des constitutions que des règlements rénovés.
17. Ciascuna comunità dedichi al ritiro spirituale o Esercizio di buona morte:
mezza giornata ogni mese, una giornata intera ogni trimestre. A questi momenti forti di
revisione della propria vita si dia una impostazione analoga a quella degli esercizi spirituali,
creando le stesse condizioni di silenzio e di raccoglimento. La verifica personale nell’esame di
coscienza, di almeno mezzora, le preghiere per ottenere una buona mortee la rinnovazione in
comune dei voti siano valorizzati come mezzi efficaci per una ripresa nella via della santità.”
(Regolamenti FMA, art. 34.)

4.4 Page 34

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432
Musique
Les salésiens du premier siècle et la musique 1
Qui connaît un peu don Bosco sait quel cas il faisait de la musique dans
ses oeuvres, quil sagisse du chant ou des instruments. Ne se vantait-il pas
davoir, le premier à Turin, organisé des leçons communes de musique dans son
oratoire primitif? On lit dans son petit exposé de 1877 sur le système préventif
dans léducation de la jeunesse: La gymnastique - nous dirions le sport - , la
musique, la déclamation, le théâtre et les promenades sont des moyens très
puissants pour obtenir la discipline, la moralité et la santé.”2 La musique figurait en
bonne place dans son énumération des instruments déducation. “Un Oratoire sans
musique est un corps sans âme observait-il à un éducateur de Marseille, qui
venait de lui en dire les avantages. Quand ensuite le même éducateur alignait en
contre-point les dangers dune initiation des jeunes à la musique, car, une fois
formés, les musiciens sen vont chanter ou jouer dans les théâtres, les cafés, les
bals, les manifestations politiques, et Dieu sait encore, don Bosco se serait
contenté de répéter : Que préférer : être ou ne pas être ? Un oratoire sans
musique est un corps sans âme !3 Parmi les dix salésiens de la première
expédition missionnaire vers l’Argentine (1875), figurait le coadjuteur Bartolomeo
Molinari, au titre, écrivait don Bosco, de professeur de musique vocale et
instrumentale4. “La raison principale [de lintérêt de don Bosco pour la musique]
doit être recherchée dans l’efficacité salutaire quil lui attribuait sur le coeur et sur
limagination des jeunes dans le but de les affiner, de les élever et de les rendre
meilleurs.”5 Durant le premier siècle salésien, on nimaginait pas une école ou un
oratoire sans chorale et sans fanfare ou orchestre.
Les éducateurs salésiens tenaient à faire mûrir un certain nombre de bons
sentiments, surtout religieux, dans le coeur de leurs jeunes. La musique y
contribuait grandement. Ainsi les garçons de leurs maisons recevaient les hôtes au
son de leur fanfare pour manifester ensemble leur joie et leur reconnaissance à les
rencontrer. Lorsque, au hasard dune sortie, ces mêmes garçons entraient dans une
église, par un chant au Seigneur ou à la Vierge Marie le groupe exprimait des
sentiments de vénération et dadoration que ses membres, laissés à eux-mêmes,
eussent été parfaitement incapables de susciter. Dans les maisons salésiennes, des
messes et des salutspolyphoniques, des concerts en après-midi infusaient
systématiquement aux jours de fêtes religieuses une allégresse jugée éminemment
formatrice par les éducateurs. Au reste, en beaucoup dendroits les répétitions
quotidiennes de musique avaient le don de répandre un air de bonheur, non
seulement dans la maison, mais dans son voisinage.
Malgré son attrait pour la musique romantique, don Bosco préférait pour
l’église, en dehors des manifestations éclatantes, les morceaux simples du chant
grégorien. Don Rua et don Albera avaient des goûts identiques, et même plus

4.5 Page 35

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433
prononcés. Un sens religieux affiné leur faisait chercher Dieu en eux-mêmes et
dans le recueillement. Instinctivement, ils jugeaient nécessaire de se détacher des
bruits du monde au sein desquels lâme se disperse, de rentrer en soi, de se purifier
et de s’élever ainsi progressivement jusquà la rencontre de Dieu, but de toute
prière. Linspiration très religieuse du chant grégorien, qui va en ce sens, leur
convenait, fis aimaient le grégorien et voulaient que les élèves y soient
systématiquement initiés6. Au reste, ils suivaient en cela les directives
contemporaines du Saint-Siège.
Jusquau milieu du vingtième siècle, l’intérêt pour la musique, surtout
pour la musique religieuse et grégorienne, ne faiblit pas dans les rangs salésiens.
En 1942, le recteur Ricaldone consacrait encore un épais numéro des Atti del
Capitolo Superiore au chant grégorien, ainsi quà la musique sacrée et récréative.
Un programme très détaillé de formation musicale des jeunes salésiens
accompagnait sa circulaire. On y trouvait même un cursus précis denseignement
pour les professeurs de musique7.
Les salésiens et la musique religieuse après Vatican II
Cependant, dès la fin de la deuxième guerre mondiale, une crise couvait.
Les paraliturgiesminaient le monopole de la liturgie officielle. Vatican II
révolutionna le chant religieux traditionnel. La liturgie navait plus pour but
immédiat la solennité du rite, comme on avait pu le penser précédemment. Le
mystère pascal célébré par la communauté croyante passait au premier plan. Cette
communauté trouvait (ou devait trouver) dans la musique et dans le chant des
gestes adaptés à lexpression de sa foi. Le latin disparaissait des cérémonies
déglise et, avec lui, le grégorien, ou peu s’en fallait. Pour beaucoup (y compris
des salésiens) cela ressembla à la fin du monde”, témoignera un rapporteur salésien
italien lors d’un congrès de 1984 sur la musique et la liturgie8. Par ailleurs, le
nombre des internats salésiens diminuait fortement en de nombreux pays. Les
classes de chant et les répétitions de musique instrumentale ne saccordaient plus
facilement avec les exigences des horaires dexternat. Que faire de l’héritage de
don Bosco ?
Les salésiens, au moins en Italie, se ressaisirent rapidement. La religion
populaire quil fallait servir était la leur. Don Bosco navait-il pas fabriqué des
cantiques pour ses enfants ? Sortant délibérément de leur monde propre,
cest-à-dire de leurs maisons et de leurs oratoires, ils se mirent à composer et à
publier pour le peuple chrétien. Ils avaient deviné juste. Leur recueil de chants
déglise Nella casa del Padre sorti en 1968, remporta un succès ébouriffant.9 Le
rapporteur cité de 1984 concluait : Nous pensons que don Bosco est satisfait du
travail que ses salésiens ont fait au cours de ces années dans le champ musical et
de leur manière de conduire leur travail, en faisant collaborer tout le monde et en
témoignant dune sensibilité particulière aux exigences des jeunes.Mais,
continuait-il, il importe de former des opérateurs musicaux, capables et
enthousiastes”10.

4.6 Page 36

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434
La musique est une affaire très importantepour la pédagogie et la
pastorale salésienne, remarquait le recteur Viganô au cours dun congrès
postérieur sur Salésiens et musique aujourd’hui(1987). A travers le monde,
fonctionnent une chorale ou un choeur de chant, l’on trouve un orchestre
ou une fanfare, la vie salésienne se révèle beaucoup plus intense et plus
sympathique à la société environnante.11 Lun des rapporteurs de ce congrès de
maîtres de musique de la famille salésienne terminait par une envolée sur la
musique et lapostolat. La musique et le chant constituaient pour eux,
sexclamait-il, un magnifique instrument d’apostolat. Dautres faisaient de la
catéchèse. Vous, par la musique, vous faites de la catéchèse et de l’apostolat.
Cest une manière typiquement salésienne de faire de la catéchèse et de
lapostolat. La musique est le langage de l’amour, de la fête, de la louange, de la
prière, un langage à la portée de tous.Par la musique et par le chant, les maîtres
de musique salésiens non seulement font mieux chanter, mais contribuent à la
maturation de la foi de leurs frères12.
Musique et culture dune nouvelle époque
Quelle musique, quels chants ? La culture des générations nouvelles
devenait de plus en plus musicale, et la spiritualité salésienne ne pouvait qu’en
tenir compte.13 La danse y accompagnait naturellement la musique. Les genres
musicaux variaient : la musique était rock, punk, pop, trance, techno, grunge, etc.
On pouvait désormais parler de “générations Rock, de générations Rapou de
générations techno”. La musique procurait aux jeunes un langage, des sentiments,
des idées, des modèles et des mythes. Les corps devenaient des signes et des
symboles très expressifs. Les concerts et, plus encore, les journées musicales de
ses idolesdu temps, orchestres ou chanteurs, constituaient pour la jeunesse
dauthentiques célébrations. Ceux qui avaient le bonheur d’y participer vivaient
alors de musique, avec la musique et pour la musique, fis se regardaient, ils se
racontaient, ils se revivaient dans les sons, les mots, les gestes et les refrains. La
musique devenait pour eux facteur didentification et démotion partagée. Par le
rythme, les coeurs sunissaient, la joie dêtre ensemble les imprégnait, une énergie
commune se transmettait des artistes au public.
La force ainsi dégagée entraînait et informait des caractères, ceux des
jeunes en particulier. Une enquête constatait que le premier instrument
d’éducation de groupes nihilistes, tels que les néo-nazis, était le chant et ses
rythmes. Le rap, avec son free style, était, dans la France de 1999, au centre
dun mouvement pacifiste de jeunes, appelé Stop la violence”. Quels quils
fussent, leurs chansons préférées aidaient des jeunes à vivre. Infiniment plus que
les chants d’église, elles faisaient corps avec leur spiritualité. Certes, le message
en était très mêlé. Si des chants exaltaient des valeurs de solidarité, de bonté ou de
générosité, quelquefois de vraie piété, beaucoup faisaient l’apologie de la drogue,
du sexe, de la violence, du nihilisme et du plaisir à tout prix, qui, parfois et même
souvent, occupaient la totalité de l’espace sonore. Quoi quil en soit, la vie
spirituelle dun grand nombre dépendait étroitement de la musique et de la danse
associées.

4.7 Page 37

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435
H importait aux éducateurs, aux salésiens par conséquent, sils
prétendaient rendre un service spirituel aux nouvelles générations, de prendre
conscience de ce phénomène culturel et dentrer en dialogue avec la jeunesse sur
ce terrain. Car, pour l’univers jeunes, musique et danse constituent un langage et
un instrument de communication. L’éducateur se mettra donc à leur écoute. Il sait
ou il apprend que, par la musique et la danse à perdre haleine, la jeunesse cherche
à fuir une existence difficile. Ces thérapies naturelles peuvent être de formidables
instruments déducation, nous dit-on. Rythme, harmonie, silence, espace, temps,
couleur, sensation, stimulant, calmant, récit, provocation, accusation, etc., tout ce
qu’ils apportent soulève des esprits libres et créateurs capables de regarder
l’avenir avec optimisme.14
Notes
1. On pourra consulter la petite étude d’Antonio Fant, La musica in Don Bosco e
nella tradizione salesiana, in Manlio Sodi (a cura), Liturgia e musica nella formazione
salesiana. Incontro europeo di docenti ed esperti di liturgia e musica promosso dal Dicastero per
la Famiglia salesiana, Roma, 1984, p. 38-52.
2. La ginnastica, la musica, la declamazione, il teatrino, le passeggiate sono mezzi
efficacissimi per ottenere la disciplina, giovare alla moralità ed alla sanità.(G. Bosco, Il sistema
preventivo nella educazione della gioventù, § II, n. 3.)
3 Emeglio lessere o il non essere ? Un Oratorio senza musica è un corpo
senz’anima.” Versée en MB V, p. 347, cette anecdote, qui provenait certainement de don Bosco
lui-même, fut apparemment empruntée par le biographe Lemoyne aux souvenirs du secrétaire
Berto. La question un peu pédante : Emeglio l’essere o il non essere ?fut probablement une
addition du biographe.
4. Feuillet autographe de don Bosco sous le titre : Nomi dei Salesiani che oggi
partono da Genova per la Repubblica Argentina, ACS 132.
5. La ragione precipua va ricercata nella salutare efficacia che egli attribuiva sul
cuore e sullimmaginazione dei giovani allo scopo dingentilirli, elevarli e renderli migliori.(E.
Cena, Annali della società salesiana Turin, SEI, 1941, p. 691.)
6. Voir quelques notes à ce sujet en MB HI, p. 151 ; IV, p. 385.
7. Il canto gregoriano. La musica sacra e ricreativa, Atti 111, mai-juin 1942,47 p.
8. Sul piano concreto per molti (anche salesiani) sembrò la fine del mondo.(Dusan
Stefani, La musica salesiana : esperienze storiche negli ultimi 40 anni”, dans Liturgia e musica
..., op. cit., p. 56.)
9. Le livret de textes de ce recueil édité par la Elle Di Ci sest vendu par millions,
écrivait-on déjà en 1984.
10. Pensiamo che D. Bosco sia contento del lavoro che i suoi Salesiani hanno fatto nel
campo musicale in questi anni e del come si è lavorato, collaborando con tutti e avendo una
particolare sensibilità verso le esigenze dei giovani. Pur senza la pretesa di creare dei
super-specialisti, è necessario e urgente formare degli operatori musicali, capaci (anche sul piano
teorico e culturale) ed entusiasti.(D. Stefani, La musica salesiana... , loc. cit., p. 58.) Dans ce
même recueil de 1984, voir, sm la formation, R Frattallone, Orientamenti per la formazione
musicale, p. 136-144.
11. “Devo dirvi : è una cosa importantissima la musica nella pedagogia salesiana e
nella pastorale salesiana. Girando il mondo, quando troviamo posti dove funziona una corale, un
coro, dove cè una banda o uniniziativa, ci accorgiamo subito che la vita salesiana è molto più
intensa ed è più simpatica nel contorno sociale in cui vive.” ( E. Viganò, Intervention, dans
Salesiani e musica oggi. Atti del I convegno dei musicisti salesiani europei, Roma, éd. S. D. B.,
1987, p. 119.)

4.8 Page 38

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436
12. La musica e il canto sono, nelle vostre mani, un mezzo bellissimo di apostolato.
Altri si dedicano alla catechesi. Voi fate catechesi e apostolato con la musica. Eun modo
tipicamente salesiano di fere catechesi e apostolato. La musica è il linguaggio dellamore, della
festa, della lode, della preghiera, un linguaggio che capiscono tutti.“Con la musica e il canto,
non soltanto fete cantare meglio, ma aiutate a maturare la fede dei vostri fratelli.” (J. Aldazabal,
Musica e liturgia”, in Salesiani e musica oggi, op. cit., p. 144-145.)
13. Ce paragraphe sinspire de deux leçons de Fabio Pasqualetti en 1998 à la Faculté
des Sciences de la Communication Sociale de lUniversité Salésienne de Rome, intitulées : 1)
Musica, giovani e ballo. Consigli per chi desidera dialogare con questi universi”, 2) La musica
dei giovani come simbolo, rito e mito. Rabdomanti dello Spirito accompagnando i giovani. Le
rabdomante(en français : rhabdomancien) est un radiesthésiste à baguette.
14. Spesso dietro il vorticoso consumo di musica e il frenetico ballare c’è la fuga da
unesistenza difficile. La musica e la danza, come più volte dimostrato, sono delle terapie
naturali per lo spirito e quindi possono essere degli strumenti formidabili per l’educazione. La
musica e la danza sono ritmo, armonia, silenzio, spazio, tempo, colore, sensazione, stimolo,
calmante, narrazione, provocazione, accusa, ecc. Sono alleate degli spiriti liberi e creatori che
sanno guardare con ottimismo al futuro.” Ces observations émanent de Fabio Pasqualetti dans
Musica, giovani e ballo, art. cité.

4.9 Page 39

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437
Obéissance
Lobéissance religieuse salésienne selon don Bosco
Les conceptions sur l’obéissance religieuse ont évolué dans le monde
salésien au cours du vingtième siècle. La soumission toujours exigée des religieux
à l’autorité légitime, qui était à l’origine apparemment plus ou moins aveugle, est
devenue systématiquement consentie. Le style amical des relations entre confrères,
tel que don Bosco l’avait inauguré, a du reste beaucoup facilité une transformation
souvent insensible aux intéressés eux-mêmes.
Le plan de constitutions élaboré par don Bosco donnait volontairement à
lobéissance la préséance sur la pauvreté et la chasteté. La version approuvée en
1874 aligna dans lordre le voeu dobéissance (chap. IH), le voeu de pauvreté
(chap. IV) et le voeu de chasteté (chap. V)1. C’était une manière de faire entendre
combien don Bosco avait à coeur l’obéissance de ses disciples. Car le voeu n’était
pour lui qu’une incitation à la vertu d’obéissance, essentielle à ses yeux. Dans sa
formulation primitive (vers 1860), le premier article du chapitre constitutionnel sur
le voeu d’obéissance exprimait, sous le couvert du voeu, son idée de fond sur la
vertu2. Le prophète David priait Dieu de l’éclairer pour faire sa sainte volonté. Le
divin sauveur nous a assurés quil nétait pas venu pour faire sa volonté, mais celle
de son céleste Père. Cest pour nous assurer de faire la sainte volonté de Dieu que
lon fait voeu dobéissance.”3 Lobéissant accomplit la volonté de Dieu,
programme de toute vie spirituelle. Le voeu, qui canalise son intentionalité, offre
au salésien un moyen privilégié de se conformer au vouloir divin.
L’introduction de don Bosco aux constitutions salésiennes et leur chapitre
sur le voeu d’obéissance développèrent ses idées sur cette vertu4. L’obéissance,
qui favorise toutes les vertus et les conserve toutes, est primordiale en spiritualité.
Mais, pour cela, il lui faut se conformer au vouloir divin, cest-à-dire être à l’image
de celle de Jésus, qui la pratiqua jusquà la mort de la croix. Le salésien se doit
donc dobéir à son supérieur “con animo ilare e con umiltà(dun coeur joyeux et
humble), sans rechigner ni tarder, persuadé que la volonté même de Dieu est
rendue manifeste dans ce qui lui a été commandé. Le véritable obéissant ne résiste
ni en paroles, ni en actes, ni col cuore(ce qui a été traduit : ni dans le jugement),
écrivait don Bosco. Certes l’obéissance qui contrarie l’amour proprecoûte
beaucoup, mais elle est aussi plus méritoire, jugeait-il. Un article constitutionnel
reprenait la formule un peu inquiétante de saint François de Sales : Ne rien
demander, ne rien refuser”. L’obéissant de don Bosco n’était pourtant pas un
soliveau muet livré aux caprices de ses chefs. Le contrepoids venait aussitôt. “En
toute confiance, il dialoguait systématiquement avec eux, leur exprimant ses
nécessités, ses peines et ses soucis. Chacun aura la plus grande confiance en son
supérieur5. Cétait un principe auquel don Bosco tenait beaucoup. Et il
n’imaginait qu’une confiance aimante. Le subordonné voit dans le supérieur qui lui

4.10 Page 40

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438
donne des ordres un padre amoroso” (un père aimant) !. Ces idées reparurent
dans ses exhortations à la suite des élections du quatrième chapitre général
(1886).6
L’obéissance religieuse selon les successeurs immédiats de don Bosco
Les successeurs immédiats de don Bosco essayèrent de lui être fidèles
dans leur théorie sur l’obéissance religieuse. Don Rua affirmait en 1897 que
lIntroduction de don Bosco aux constitutions condensait “en un peu moins de
trois petites pages ce que les maîtres de la vie spirituelle enseignent de mieux sur
l’obéissance, appréciation quen 1936 don Ricaldone répéta mot pour mot dans
sa lettre sur la fidélité à don Bosco7. Ds prêchaient la parfaite obéissance, qui
consiste “dans le renoncement à la volonté propre et au propre jugement”8.
Thérèse dAvila, maîtresse en spiritualité, navait pas dit autre chose. Que notre
âme se décide à ne plus plaider et à ne plus songer à sa cause, qu’elle se fixe à
cette parole du Seigneur : Qui vous écoute m’écoute, et quelle ne s’occupe plus
alors de sa volonté propre. Notre Seigneur estime au plus haut point cet abandon
et à bon droit.”9
Dans ses sermons (inédits) de retraite sur l’obéissance, don Rua suivait
l’Exercice de la perfection et des vertus chrétiennesdAlphonse Rodriguez,
pour expliquer 1) la nécessité de cette vertu, 2) ce que l’on appelle l’entière
obéissance et enfin 3) quil faut obéir au supérieur comme au Christ en personne.10
Dans la ligne de ce maître, il ne voilait pas la rigueur de lobéissance religieuse,
cest le moins que l’on puisse dire. Cette vertu est celle qui coûte le plus à
lhomme, enseignait-il. Devoir renoncer à sa volonté propre et à son propre
jugement, devoir dépendre d’autrui non seulement dans l’opération, mais dans la
pensée et le jugement, dans les grandes comme dans les petites choses, jusquen ce
qui touche au salut de l’âme, ce sont des sacrifices bien plus durs que la pratique
des pénitences les plus austères. L’obéissance frappe lhomme au plus intime de
lui-même, dans la part la plus noble de son être, dans sa fibre volonté.11
L’Occident acceptait difficilement pareille abnégation. Un esprit
dindépendance serpentaitparmi les hommes du temps. En 1914 la soif éperdue
d’autonomie qui pénétrait la société décida le recteur Albera à consacrer à
l’obéissance une longue lettre circulaire. Dans le monde, laversion pour tout ce
qui est autorité et commandement paraît irrésistible, déplorait-il. Les gens
daujourdhui éprouvent un besoin quasi incoercible de secouer tous les jougs de
leurs épaules. Le vent dindépendance menace jusquaux religieux, que les murs de
leurs maisons ne mettent nullement à l’abri. Et don Albera de rappeler aux
salésiens que l’obéissance est le voeu le plus excellent, que le Christ obediens
usque ad mortemest pour eux un modèle indépassable, que le commerceétroit
entre Dieu et ses créatures fait que le respect et l’obéissance prêtés aux supérieurs
le sont à Dieu même (car “qui vos audit me audit, qui vos spemit me spemit”), et
enfin que l’obéissance entraîne le sacrifice à la fois de la volonté et de l’intellect.
Cest un holocaustequ’il faut savoir offrir, non pas dans la tristesse, mais dans
la joie.12

5 Pages 41-50

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5.1 Page 41

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439
Bien convaincu que lobéissance poussée à ce point nest pas chose aisée,
le même recteur rappelait directement et sans fard aux supérieurs comment ils
devaient se comporter dans lexercice de lautorité. Le subordonné voit dans son
supérieur un père plein de bonté” (padre amoroso), avait écrit don Bosco dans
ses constitutions. Que le supérieur salésien médite la formule et se lapplique à
lui-même !. H rendra lexécution des ordres le moins pénible possible. Pas de : Je
le veux , je l’ordonne. Pas de : Cest moi le supérieur, taisez-vous”, ou bien :
“Quand jai dit quelque chose, je ne le répète pas. Un maître ne devrait même pas
sexprimer de la sorte à l’égard d’un serviteur ! A plus forte raison un supérieur
religieux à l’égard d’un frère. Quand il commande, le ton du supérieur salésien
fidèle à don Bosco est plus celui de la prière que celui du commandement. H évite
dordonner plusieurs choses à la fois et d’imposer à ses subordonnés des tâches
supérieures à leurs forces. Il se montre satisfait des résultats et, pour le moins,
apprécie leur bonne volonté. Combien ils manquent de lesprit de don Bosco ces
directeurs qui ne trouvent bien fait que ce quils ont fait eux-mêmes ! Ces gens-là
sont des plaies pour eux-mêmes et pour les autres ! Quils relisent les Consignes
de don Bosco aux directeurs !13
L’obéissance salésienne à la fin du vingtième siècle
Les salésiens du premier siècle suivaient-ils en tous points les directives
de leurs recteurs sur l’obéissance ? Dès le temps de don Bosco, ce nétait pas
évident. Le songe didactique appelé des diamants” (10 septembre 1881), nous
apprend que le diamant du manteau salésien symbolisant l’obéissance, vertu quun
rayon explicatif qualifiait de : Totius aedificii fimdamentum et sanctitatis
compendium(Fondement de tout l’édifice et condensé de sainteté), fût bientôt
remplacé par un large trou.14 La suite de l’histoire salésienne fait douter de la
réalité habituelle d’une obéissance de jugement, telle que la prônaient don Rua et
don Albera. Dailleurs, au fil des années, lesprit général répugnait de plus en plus
au sacrifice délibéré de l’amour-propre”, traduit en renoncement aveugle à
l’autonomie personnelle. On dénonçait les dégradations psychologiques d’une
soumission servile chez un certain nombre de religieux et de religieuses.
L’intelligence, le coeur et la volonté du religieux obéissant sinvestissaient par la
foi dans une adhésion à Dieu reconnu présent et manifesté par la volonté du
supérieur, quoi quil en soit de la pauvreté, voire de la contrefaçon de la relation
vécue avec celui qui parlait et gouvernait au nom de Dieu. Il est clair que cette
situation a été le terrain ont végété et trop souffert des personnes diminuées ou
brimées.15
Au milieu du vingtième siècle et après Vatican n, la tension augmenta
sensiblement dans le monde des religieuses. La contestation népargna pas les filles
de Marie auxiliatrice, qui, depuis Marie Dominique Mazzarello, avaient fait de la
brisure de lamour-propre” l’une des conditions dune authentique vie religieuse,
comme nous l’apprennent entre autres les souvenirs de noviciat de la bienheureuse
Maddalena Morano16. Lenquête préalable à leur dix-septième chapitre général
(1982) enregistra à propos de l’obéissance : des revendications sur le respect de
la personnalité, de sa liberté et de ses droits ; des difficultés à reconnaître la
médiation de lautorité et, d’autre part, des carences dans l’exercice de cette

5.2 Page 42

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440
autorité ; un faible engagement à discerner la volonté de Dieu dans les choix
communautaires ; le peu de disponibilité de la communauté comme telle aux
exigences de la mission.17 La volonté de Dieu, que les exigences de la mission
exprimaient, nétait apparemment plus (assez) respectée, alors que lautorité
communautaire était supposée devoir la traduire. Les carencesdénoncées
témoignaient de la mise en cause dun certain type dautorité”, autrement dit d’un
autoritarisme plus ou moins fréquent. Le chapitre notait chez les soeurs un désir
accru de participation, de collaboration et de corresponsabilité. Elles voulaient agir
plus par conviction que par soumission passive aux ordres supérieurs.
Les leçons de don Bosco et de mère Mazzarello pouvaient remettre les
choses au point, estima le chapitre avec beaucoup de sagesse. La bonté, la
fraternité, le dialogue communautaire, la volonté de servir le Christ quoi quil en
coûte corrigeraient les déficiences relevées. Il sen expliqua à la fois aux
religieuses appelées à obéir et aux supérieures destinées à les commander18. Les
constitutions rénovées des religieuses sur 1“obéissance évangéliquenaquirent de
19. La rigueur ancienne ne faiblit pas. L’obéissance religieuse demeura un
holocauste. Par la force de lEsprit-Saint et en toute liberté, nous offrons notre
volonté en sacrifice de nous-mêmes à Dieu, diront les filles de Marie
auxiliatrice20. Elles sengagent publiquement à se soumettre à leurs supérieures
légitimes en tant que représentantes de Dieu, lorsquelles prennent des
dispositions selon les constitutions21. Et un même article rassembla, au titre de la
communion dans le Christ, les relations complémentaires de l’obéissance consentie
et de l’autorité service, qui, loin de diminuer les personnes obéissantes (comme le
prétendent leurs détracteurs), affermissent au contraire leur dignité humaine.
L’obéissance et lautorité sont des aspects complémentaires d’une même
participation à l’offrande du Christ. Elles s’appuient sur une volonté réciproque de
communion afin de pouvoir servir ensemble “le dessein d’amour du Père”. Dans
notre Institut ce rapport se vit en esprit de famille, avec discrétion et bonté dans la
demande, avec spontanéité et consentement joyeux dans la réalisation. Dans un
monde blessé par l’orgueil et l’égoïsme, la communauté témoigne quil est
possible dexercer l’autorité comme un service et l’obéissance comme une
collaboration fraternelle et de contribuer ainsi à la dignité humaine de ses
membres.”22
Les constitutions postérieures des Volontaires de don Bosco féminins
(1990), puis masculins (1995), furent écrites dans le même esprit très salésien.
Lobéissance, qui demande de se conformer au Christ, a une valeur évangélique,
dirent-elles. Elle impose aux Volontaires dassumer leurs responsabilités
temporelles et de collaborer fraternellement à lintérieur de lInstitut avec les
personnes qui y exercent des responsabilités. Cest un instrument de purification
ascétique et de maturation personnelle. Le style salésien de lobéissance et de
l’exercice de lautorité est imprégné d’esprit de famille dans la confiance et
l’estime réciproques.23
Quant à eux, les salésiens avaient repris pour leurs constitutions rénovées
(1984) sur l’obéissance les enseignements très mesurés de don Bosco, enrichis de
quelques considérations de Vatican II dans Perfectae caritatis.24 Larticle sensible

5.3 Page 43

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441
sur le “style salésien de l’obéissance et de lautoritédisait : Dans la tradition
salésienne, lobéissance et l’autorité sexercent dans un esprit de famille et de
charité qui imprègne les relations dune estime et dune confiance réciproques. Le
supérieur oriente, guide et encourage, faisant de son autorité un usage discret.
Tous les confrères collaborent avec lui par une obéissance franche, prompte et
pratiquée dun coeur joyeux et humble. Le service de l’autorité et la disponibilité
dans lobéissance sont pour la congrégation un principe de cohésion et une
garantie de continuité ; pour le salésien, un chemin de sainteté, une source
d’énergie au travail, de joie et de paix.25 La transition avec l’obéissance aveugle
de jugement imposée au début du siècle sopérait en douceur dans la pratique
quotidienne.
Notes
1. En 1923, la réforme consécutive à la promulgation du Code de droit canonique de
1917 distribuera les chapitres des voeux dans lordre classique : pauvreté, chasteté, obéissance.
Puis, par un retour volontaire à don Bosco, dans les constitutions rénovées de 1984 le chapitre de
l’obéissance précédera à nouveau ceux de la pauvreté et de la chasteté. Quant à elles, les
salésiennes ont opté dans leurs constitutions de 1982 (art. 11-35) pour : 1) chasteté, 2) pauvreté
et 3) obéissance.
2. Les reviseurs lui reprochèrent (avec raison) la confusion et bouleversèrent son
chapitre.
3. Il profeta Davide pregava Iddio che lo illuminasse per fare la sua santa volontà. Il
Divin Salvatore ci assicurò che egli non è venuto per fare la sua volontà, ma quella del suo
celeste Padre. Egli è per assicurarci di fare la santa volontà di Dio che si fa il voto di
obbedienza.” (“Del voto di Obbedienza, art. 1, in Società di S. Francesco di Sales, ms de 1860.)
4. Regole o Costituzioni..., 1875, p. XX-XXII. et 8-9.
5. Ognuno abbia somma confidenza nel suo superiore ... Etc. (Del voto di
ubbidienza, art. 4.)
6. G. Bosco, Lettre aux salésiens, 21 novembre 1886 ; L. C., p. 41-42.
7. ... dopo aver condensate in poco men di tre paginette quanto di meglio i maestri
della vita spirituale insegnano sullubbidienza” (M. Rua, Lettre aux salésiens, 31 janvier 1897 ;
L. C., p. 151.). Et voir P. Ricaldone, “Fedeltà a Don Bosco santo, Atti 74, 24 mars 1936, p. 102.
8. ... nell’annegazione della propria volontà e del proprio giudizio(M. Rua, Lettre
citée du 31 janvier 1897, L. C., p. 151.)
9. Thérèse d’Avila, Libro de las Fundaciones, chap. V. Voir tout ce chapitre.
10. . M. Rua, Dell’Obbedienza, dans Esercizi spirituali, quaderno VU, p. 25-27 ;
FdB 2945 A 2-4. Voir aussi, dans les manuscrits de ce recteur, Pregio della virtù
dell’obbedienza, même quaderno, p. 34-37, FdB 2945 AIO à B2 ; et, dans une série non
paginée de Prediche, le sermon Dell’Obbedienza, FdB 2900 A10 à B6.
11. Traduction à peu près littérale d’un passage de M. Rua, Lettre aux inspecteurs et
aux directeurs, 29 novembre 1899, L. C., p. 201.
12. P. Albera, Lettre aux salésiens sur la discipline religieuse, 25 décembre 1911, L.
C., p. 68. Lettre aux salésiens Sullubbidienza, 31 janvier 1914, L.C., p. 134-153.
13. P. Albera, Lettre aux inspecteurs et aux directeurs, 23 avril 1917, L. C., p. 224. Les
Ricordi confidenziali ai Direttori (édités par F. Motto, Rome, LAS, 1984) contiennent en effet
sur la manière de commander des avis analogues à ceux de don Albera.
14. Ce songe en MB XV, p. 183-187.
15. E. Pousset, s.j., Vie religieuse et mutations actuelles, Vie consacrée, 1976, p. 30.
16. Epenoso farsi violenza, odiare se stessi, privarsi di tutto quello che piace alla
natura, incatenare la propria libertà, mettere in soggezione il corpo, negare tante cose al cuore,

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442
abbattere senza pietà lidolo dell’amor proprio e frantumarlo sotto i colpi del salutare martello
dell’umiltà.(Maddalena Morano, Riflessioni e pensieri, cahier cité dans D. Gameri, Suor
Maddalena Morano, S. Benigno Canavese, Scuola tipografica Don Bosco, 1923, p. 24.)
17. Nei riguardi dell’obbedienza : presunte rivendicazioni del rispetto della persona,
della sua libertà, dei suoi diritti ; difficoltà nel riconoscere la mediazione dellautorità e, daltra
parte, carenze nell’esercizio della medesima ; scarso impegno nel discemere la volontà di Dio
nelle scelte comunitarie ; poca disponibilità, come comunità, alle esigenze della missione.”
(Istituto F.M.A., Capitolo generale XVII. Atti, Roma, 1982, p. 33.)
18. Excellentes pages dans Capitolo generale XVII, p. 48-53.
19. Constitutions FMA, art 29-33.
20. Con la forza dello Spirito Santo offriamo liberamente la nostra volontà come
sacrificio di noi stesse a Dio(Constitutions FMA, art. 29).
21. La Figlia di Maria Ausiliatrice si impegna pubblicamente a sottomettersi alle
legittime Superiori quali rappresentanti di Dio”, in ciò che dispongono secondo le
Costituzioni.(Constitutions FMA, art. 31).
22. Lobbedienza e lautorità sono aspetti complementari di una medesima
partecipazione allofferta di Cristo e comportano reciproca volontà di comunione, perchè si possa
servire insieme il disegno damore del Padre. Nel nostro Istituto questo rapporto si vive in spirito
di famiglia, con discrezione e bontà nel richiedere e con spontanea e gioiosa adesione
nell’eseguire. In un mondo ferito dall’orgoglio e dall’egoismo la comunità testimonia in tal
modo che è possibile esercitare lautorità come servizio e lobbedienza come fraterna
collaborazione, e che questo contribuisce alla realizzazione della propria dignità umana.
(Constitutions FMA, art. 33.)
23. Constitutions VDB, art. 31-37 ; Constitutions CDB, art. 26-29.
24. Constitutions SDB, art. 64-71.
25. Nella tradizione salesiana obbedienza e autorità vengono esercitate in quello
spirito di famiglia e di carità, che ispira le relazioni a stima e a fiducia reciproca. - Il superiore
orienta, guida e incoraggia, facendo un uso discreto della sua autorità. Tutti i confratelli
collaborano con unobbedienza schietta, pronta e fatta con animo ilare e con umiltà”. - Il
servizio dellautorità e la disponibilità nellobbedienza sono principio di coesione e garanzia
della continuità della Congregazione ; per il salesiano sono via di santità, fonte di energia nel
lavoro, di gioia e di pace.(Constitutions SDB, art. 65.)

5.5 Page 45

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443
Pauvreté
Les pauvres et la pauvreté
Le sens des termes pauvreset pauvreté” est de ceux que tout le monde
croit connaître et qui savèrent à lexamen passablement élastiques.
En première approximation, les pauvres sont des hommes ou des femmes
dans le besoin et donc en situation précaire, des gens pour qui le lendemain est
perpétuellement incertain. Le mot comporte, sinon des synonymes, du moins des
équivalents nombreux. Citons : indigents, misérables, miséreux, malheureux,
prolétaires ou faméliques. Le pauvre manque, dit-on, du nécessaire. La difficulté
commence avec la description de ce besoinet de ce nécessaire”, qui dépendent
dune multitude de facteurs. Des populations entières ne ressentent pas le besoin
de deux et trois repas par jour ou d’un matelas pour se reposer la nuit, qui sont
indispensables à la plupart des autres. Un repas ou une natte leur suffisent. Il faut,
nous apprend-on, des temps de pénurie, cest-à-dire de vraie pauvreté, pour les
réduire à un repas tous les deux jours. De fait, l’environnement décide des besoins
culturels, qui varient avec les siècles et les régions. Par pauvres, il faut donc
entendre des types sociaux très divers. “Historiquement, géographiquement et
socialement, la condition du pauvre, essentiellement relative, comporte des degrés
séparés par des seuils économiques, biologiques, sociaux.1 Les normeset les
seuilsqui décident de la pauvreté relative, varient d’un pays à l’autre et dun
siècle au suivant. Tel, pauvre chez lui, sera (plus ou moins) riche ailleurs. Voilà qui
ne manque pas dincidences pour des sociétés religieuses disséminées dans le
monde et destinées à traverser les siècles.
Quant à la pauvreté cest, nous dit-on, l’état de quelqu’un qui est pauvre,
qui vit dans lindigence et le dénuement. Ce qui nous renvoie à la relativité du
concept et du terme pauvre. Soit ! La pauvreté est donc un mal, au moins
économique, dont il faut se délivrer. Mais, remarquent les sages, tel est seulement
le point de vue de l’avoif”. Car il y a aussi et surtout lêtreet son bien. Quand,
pour des raisons ascétiques, des gens se privent ou se détachent de biens matériels,
quand ils y renoncent et participent à la condition des pauvres afin daccéder à des
biens d’ordre spirituel, ce “malchange de sens et prend la forme dune vertu (non
obligatoirement religieuse et chrétienne, soulignons-le). Le Christ disait au jeune
homme riche : Si tu veux être parfait, va, vends ce que tu possèdes, donne-le aux
pauvres, et tu auras un trésor aux cieux ; puis viens, suis-moi.(Matthieu 19, 21).
Cette pauvreté vertueuse conseillée par le Christ, qui est la renonciation aux biens
de la terre en conformité avec son esprit, est dénommée pauvreté évangélique.
LEglise contemporaine a tenu à en préciser la portée pour ceux qui, en son sein,
prétendent la pratiquer officiellement dans un institut religieux. “Le conseil
évangélique de pauvreté à l’imitation du Christ qui, de riche quil était sest fait
pauvre pour nous, comporte en plus dune vie pauvre en fait et en esprit,

5.6 Page 46

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444
laborieuse et sobre, étrangère aux richesses de la terre, la dépendance et la
limitation dans lusage et la disposition des biens selon le droit propre de chaque
institut2.
La pauvreté aux origines salésiennes
Don Bosco ne fut pas un autre François dAssise, saint compatriote qui
n’eut jamais quune seule Dame, hormis la Vierge Marie : la Pauvreté, une vertu
royalequ’il imposa par testament à ses disciples. Mais il choisit délibérément
dans le monde des pauvres, pour lui-même et pour les siens, une clientèle
apostolique et un style de vie.
pauvre, il passa volontairement sa vie dans la pauvreté. Sa mère
naurait pas supporté davoir pour fils un prêtre aisé. H renonça à toutes charges
lucratives et tint à vivre modestement comme les petites gens de son pays. Le
spectacle qu’il donnait dans ses dernières semaines à ses visiteurs du Valdocco fut
éloquent. Lun deux, un Belge, qu’il accepta de recevoir le 23 décembre 1887,
raconta : Je jetai un rapide coup d’oeil dans la chambre aussi pauvrement, aussi
misérablement meublée, devrais-je dire, que possible et japerçus avec émotion un
vénérable vieillard assis sur un canapé usé, courbé par lâge et les labeurs dun
long apostolat... ”3 Don Bosco fut, pour ses contemporains, un pauvre.
La pauvreté évangélique devait être le lot de ses salésiens. Le
détachement des biens, qu’elle implique, aurait prendre la première place dans
son chapitre constitutionnel sur le voeu de pauvreté. En 1864, don Bosco
expédiait à Rome un texte disant : L’observance du voeu de pauvreté dans notre
congrégation consiste essentiellement dans le détachement de tout bien terrestre,
ce que nous pratiquerons par la vie commune ... 4 Ce détachement devait être
évident jusque dans les cellules mêmes de ses religieux. La version fut modifiée
par lautorité supérieure, soucieuse du sens canonique du voeu, qui rejeta en fin de
chapitre sa considération sur le détachement, pour elle caractéristique de la seule
vertu de pauvreté. Mais, dans son Introduction aux Règles, don Bosco reprit la
même idée aux premières lignes de l’article sur la pauvreté. Si nous ne laissons
pas le monde par amour, nous devrons le laisser un jour de force. Par ailleurs,
ceux qui, au cours de leur vie mortelle labandonnent spontanément auront le
centuple dans la vie étemelle ...5 Cette pauvreté était une pauvreté de coeur,
dira-t-on.. Toutefois, elle consistait dabord et avant tout en une évidente pauvreté
matérielle. Comme tout prolétaire, le salésien, qui ne mendierait pas à la manière
franciscaine, gagnerait son pain par son travail. Le rentier, fut-il à la retraite, ne
fera jamais un bon salésien. En outre, don Bosco n’imaginait pas la pauvreté des
siens sans rigoureuse économie et simplicité de vie.
Une pauvreté semblable et peut-être plus exigeante encore a marqué les
origines des filles de Marie auxiliatrice. Lun des articles constitutionnels sur les
principales vertusà pratiquer leur imposait une “observance rigoureuse de la
pauvreté”6. Ce nétait pas une formule creuse à Momese et à Nizza au temps de
Mère Mazzarello. “La pauvreté est une constante de notre histoire à partir des
origines. Cest la gloire la plus belle des premières années de Momese, a-t-on pu

5.7 Page 47

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445
écrire7. Les premières soeurs, pauvres mais joyeuses, conjuguaient naturellement
la pauvreté et la mortification. Mère Mazzarello, qui insistait sur le détachement
du monde et de ses vanités, les maintenait dans un climat de réelle pauvreté. Les
soeurs tenaient à luniformité dans la nourriture, le vêtement et les permissions.
Elles travaillaient pour vraiment gagner leur pain. A Momese, il fallait ne rien
gaspiller, prendre soin du matériel et veiller à ne rien abîmer. Mère Mazzarello leur
enseignait à pratiquer la pauvreté avec désinvolture, sans “sonner de la trompette.
Un jour, nous apprend-on, à Nizza, il ne restait plus quun peu de soupe.
“Aujourdhui, mes chères filles, dit la Mère, nous devons être contentes de nous
sentir vraiment pauvres, et nous ne laisserons même pas deviner que nous avons
eu loccasion de nous mortifier.”
En somme, par leurs exemples et leurs exhortations, don Bosco et Mère
Mazzarello maintenaient dans le monde des pauvres des institutions fondées avant
tout pour lui.8
Les exigences de la pauvreté salésienne
Quand loccasion s’en présente, les gens hésitent difficilement à
séchapper du monde des pauvres. Les religieux du vingtième siècle furent tentés
en permanence damasser de l’argent et den jouir pour vivre à l’aise, se construire
de belles maisons et prendre des allures de bons vivants. Les responsables de
l’esprit salésien sen émurent. Six recteurs majeurs (Rua, Albera, Ricaldone,
Ricceri, Viganô et Vecchi) manifestèrent leurs appréhensions dans des documents
élaborés.
Le premier dentre eux, don Rua, lui-même dune austérité devenue
légendaire9, le fit dans une circulaire datée du 31 janvier 1907, au cours de laquelle
il célébra l’excellence et la pratique exigeante de la vertu de pauvreté, cest-à-dire,
précisait-il, de la pauvreté volontairement embrassée pour lamour de Dieu.10
La pauvreté, premier conseil donné par l’Evangile à qui prétend être
“parfait, ce qui est le but de toute vie religieuse, implique le détachement des
biens terrestres. Ce détachement procure dindéniables avantages surnaturels. La
pauvreté aide à préférer Dieu et ses biens par dessus tout, autrement dit à
pratiquer la charité à son égard. Rien nest plus utile, remarquait don Rua, à
louvrier consciencieux du Royaume des cieux. Il pensait à ses missionnaires du
Brésil, dArgentine ou de Colombie, en remarquant : Ce ne seront certainement
pas les salésiens désireux de mener une vie commode, qui entreprendront des
oeuvres réellement fructueuses, qui sen iront parmi les sauvages du Mato Grosso
ou de la Terre de Feu, ou se mettront au service des pauvres lépreux. Tel sera
toujours l’apanage de ceux qui pratiqueront généreusement la pauvreté.11
. Les salésiens devaient pratiquer la vertu de pauvreté. La renonciation
aux biens terrestres, qui est essentielle à la pauvreté vouée, commence pour le
religieux au jour de sa profession, quelle que soit la solution préférée par lui pour
la gestion de ses biens.12 Mais le relâchement survient aisément. Beaucoup de
miseri(malheureux) tâchent de reprendre d’une main ce qui leur échappe de

5.8 Page 48

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446
lautre. Ils compensent par de petites choses leur sacrifice densemble. De crainte
que le nécessaire vienne à leur manquer, ils s’agrippent à tout ce qu’ils peuvent
saisir, trouvent mille prétextes pour se le réserver et sinventent à plaisir de
nouveaux besoins. Les petites privations les épouvantent. En somme, ils
prétendent ne rien posséder et tout avoir, même le superflu, dont leurs bienfaiteurs
se sont passés pour les aider à vivre. Le remède le plus efficace à ce mal, jugeait le
recteur, est une authentique vie commune, conforme aux directives des
constitutions. Le salésien ne forme plus alors quune seule chose” avec sa
communauté. Si elle a tout, lui na rien. La vie commune détruit tout esprit de
propriété, combat les illusions en matière de pauvreté et supprime les prétextes
quimagine l’amour-proprepour se soustraire à l’observance des constitutions.
On exclura donc tout ce qui est recherché et superflu dans la nourriture et le
vêtement. Et l’argent communautaire ne saurait être détourné à des fins
personnelles, ce qui constituerait un vol.
Don Rua concluait sa lettre par trois avis propres à redonner à sa
congrégation le visage de pauvre qu’elle commençait à perdre, a) Le bon salésien
ne se satisfait pas du seul respect des exigences du voeu de pauvreté, il tient à
pratiquer la vertu de pauvreté, b) Le véritable fils de don Bosco se contente du
nécessaire et veille à ne jamais sattacher à rien de superflu. L’exercice mensuel de
la bonne mort lui permet de procéder aux vérifications indispensables, c) Le
religieux fervent accepte de bon coeur et en esprit de pénitence les privations et les
inconvénients de la vie communautaire. Que les salésiens se souviennent des
temps héroïquesde leur congrégation !13
Dans les années qui suivirent la disparition de don Rua (1910), il arriva à
son successeur, don Albera, de condamner divers abus en matière de pauvreté. Le
luxe devait être banni des communautés salésiennes. Lors des permis de
construire ou de réparer des maisons, il faut une grande rigueur dans le refus du
luxe, de la magnificence et de lélégance. A partir du moment l’aisance
commencera dapparaître sur les personnes, dans les chambres ou dans les
maisons, la décadence de la congrégation sera amorcée.14 Remarquant que la
responsabilité du défaut de pauvreté s’originait dans les chefs plus que dans les
subordonnés, il consacra à la pauvreté un long paragraphe dune lettre aux seuls
inspecteurs et directeurs pour conserver l’esprit de don Bosco dans toutes les
maisons. On trouve dans toutes les communautés, déplorait-il, de pauvres
religieux, qui, en fait de pauvreté, pensent et se comportent à peu près comme des
gens du monde. “Presque sans sen apercevoir, ils se sont créé dinnombrables
besoins, prétendent de leurs supérieurs des agréments qui ne conviendraient même
pas à des familles opulentes et perdent la paix du coeur quand on vient à leur
refuser ce qu’ils désirent avec une telle avidité.Que les supérieurs régionaux ou
locaux ne tombent surtout pas eux-mêmes dans pareil travers ! Ce serait la
déchéance assurée. Ds ne sont nullement les padroni” (maîtres) de l’argent et des
biens quils manient, mais simplement leurs amministratori(administrateurs),
tenus de rendre compte à leurs propres supérieurs de ce qui passe entre leurs
mains.15

5.9 Page 49

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447
Les successeurs immédiats de don Bosco tenaient donc, par souci de
pauvreté, au style de vie manifestement austère des salésiens, alors que, à leur
sentiment, ceux-ci sen affranchissaient (déjà) beaucoup trop souvent.16.
La pauvreté salésienne dans la société de consommation
En Occident au cours du dernier tiers du vingtième siècle, la société
imposa de plus en plus son idéologie “de consommation, suscitant, dans le monde
et dans lEglise, un mouvement de ressac chez les défenseurs des pauvres. La
pratique salésienne de la pauvretésen ressentit et provoqua à divers degrés les
réactions des recteurs Ricceri, Viganô et Vecchi.
Don Luigi Ricceri, qui écrivait dans le tohu-bohu contestataire de 1968,
fut le plus virulent.17 Il dénonçait chez les siens une mentalité et des
comportements de petits bourgeois: aucun souci, un certain confort. Jusquà
quel point pouvons-nous nous dire pauvres, sexclamait-il, surtout quand le ton et
le style de notre vie ne sont pas les signes” clairs de notre pauvreté ? Le souci du
bien-être fait que lon mange bien, qu’on se permet de longues et très agréables
vacances, ainsi que des voyages touristiques coûteux. Et que dire de certains
appartements, qui, loin de présenter une digne et simple fonctionnalité, sont, dans
leur mobilier et leur décor, dun luxe qui, surtout de nos jours, provoquent des
réactions et des commentaires tout autres que bienveillants ? Disons-le en
franchise fraternelle : aujourdhui le virus du bien-être pénètre par de multiples
voies dans nos communautés, la vie sembourgeoise et lon se cherche des
justifications, qui ne sont pourtant nullement convaincantes. Et cela même de la
part de ceux qui devraient veiller, intervenir et pourvoir !18
Vingt-cinq ans après don Ricceri, le recteur Viganô répétera que, dans
un monde de bien-être, le témoignagesalésien de pauvreté dans la vie et
l’actionna rien de facultatif.19
Le recteur Vecchi, sensible au drame de lhumanité, que la pauvreté
déclenchait désormais au niveau mondial, reprit peu après l’argument, pour le
développer avec profondeur et d’un point de vue éducatif.20 Dans l’ensemble dun
monde enrichi, ce phénomène nouveau simposait. H le décrivait avec soin et en
cherchait les origines. La pauvreté des jeunes, dont les formes sont multiples,
devait, selon leur vocation, préoccuper par-dessus tout les membres de la famille
salésienne.
Et de tracer un programme salésien pour une nouvelle culture. H fallait,
comme les salésiens avaient commencé de le faire, s’occuper toujours plus des
jeunes pauvres, et, pour cela, sefforcer de rejoindre les enfants qui vivent sur la
rue, se placer dans des zones urbaines de misère généralisée, tenter de résoudre le
problème de l’abandon de l’école par des parcours éducatifs alternatifs, assister les
jeunes en prison, oeuvrer dans le monde des drogués par la prévention, laccueil et
l’accompagnement en désintoxication. Prenant le problème de haut, le recteur
dessinait sa philosophie de laction chrétienne sur la société de consommation et
contre ses effets pervers. Leffort contre la marginalisation, pensait-il, est dautant

5.10 Page 50

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448
plus efficace quil pénètre et transforme davantage l’ensemble des perceptions et
des sentiments qui cadrent la pensée et la conduite dune société et de ses groupes
moteurs. L’aide et l’assistance aux particuliers, même importantes, ne suffisent
pas. Il sagit de promouvoir une culture de lautre, de la sobriété dans le style de
vie et de consommation, de la disponibilité à partager gratuitement, de la justice
sociale, entendue comme attention au droit de tous à la dignité de la vie et, plus
directement, de pousser personnes et institutions dans une oeuvre dample
prévention, daccueil et de soutien des besogneux.
Le salésien, éducateur des pauvres, est lui-même pauvre, enseignait à son
tour le recteur Vecchi. Il est détaché des biens matériels. Ces biens ne lui sont que
fonctionnels et secondaires. Il maintient pour lui-même un style de vie simple et
même austère, sans céder au désir de possession illimitée des biens et des
commodités de l’existence. Le recteur rappelait le conseil de don Bosco à ses
premiers missionnaires : “Faites en sorte que le monde reconnaisse que vous êtes
pauvres dans le vêtement, le vivre et les habitations et vous serez riches à la face
de Dieu et vous deviendrez maîtres du coeur des hommes”21. Dans l’action, le
membre de la famille salésienne met sa confiance dans les moyens pauvres de
lamitié et des relations plus que dans lorganisation. Cette spiritualité de pauvre
laide à s’en remettre à la Providence. La pauvreté de don Bosco était sereine,
attentive au Royaume de Dieu et à sa justice, en même temps qu’industrieuse au
service des jeunes. Il savait commencer petitement, susciter la collaboration et
orienter largent directement à des fins éducatives. H demandait et il attendait,
mais ne sempêtrait pas dans la recherche des moyens.
La redéfinition de la pauvreté évangélique salésienne
De don Rua à don Vecchi, le modèle a donc traversé le siècle. Au cours
de ses deux dernières décennies, les constitutions rénovées des salésiens et des
salésiennes ont pu définir sans révolutionner les religieux une pauvreté
évangéliquetrès fidèle à don Bosco et à Mère Mazzarello.22
Les constitutions des salésiens, qui saffirmaient appelés à une vie
intensément évangélique”, reprenaient une formule de don Bosco dans son
Introduction de 1875. Les salésiens choisissent de suivre le Sauveur qui naquit
dans la pauvreté, vécut dans la privation de toutes choses, et mourut nu sur une
croix23. Leur pauvreté nétait pas franciscaine. Le travail assidu et sacrifié est
une caractéristique que don Bosco nous a laissée ; c’est lexpression concrète de
notre pauvreté.”, disaient les constitutions salésiennes24. Et, de son côté, un article
des filles de Marie auxiliatrice affirmait : Un aspect essentiel de notre pauvreté est
le travail assidu, industrieux et responsable. [...] Nous nous soumettrons
généreusement à la loi commune du travail, partageant aussi en cela le sort des
pauvres qui doivent peiner pour gagner leur pain.25. Les constitutions des
Volontaires féminins et masculins, pauvreseux aussi, c’est-à-dire, expliquait un
article, détachés des biens terrestres et libérés du désir égoïste de posséder,
s’inspiraient des directives de don Rinaldi, lui-même toujours soucieux de se
conformer à don Bosco26. Quant au Règlement de Vie Apostolique, pour qui le
coopérateur dans un esprit de pauvreté évangélique, administre ses biens selon

6 Pages 51-60

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6.1 Page 51

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449
des critères de simplicité et de généreux partage, se refusant à toute forme
d’ostentation et les considérant à la lumière chrétienne du bien commun”, il
adaptait la spiritualité salésienne à l’enseignement contemporain du Saint-Siège
sur le problème de la pauvreté27. Comme don Bosco, tous, salésiens, salésiennes,
Volontaires et coopérateurs, tenaient donc à rester pauvres par le détachement des
biens terrestres.
La société dabondance qui les environnait les tentait, et, au gré de
plusieurs recteurs, les religieux succombaient facilement à ses charmes. De toute
façon, la rapidité du flux du temps et la transformation des moeurs rendaient à
tous la tâche difficile. Us parvenaient pourtant à interpréter un monde nouveau à la
lumière du vieil enseignement de leur maître dun autre siècle, don Bosco.
Notes
1. M. Mollat du Jourdin, “Histoire des pauvres, Encyclopaedia universalis, t. 11,
Paris, 1990, p. 497.
2. C.I.C., canon 600.
3. Article contemporain de la Gazette de Liège, reproduit dans MB XVIII, document
85, p. 797-798.
4. Losservanza del voto di povertà nella nostra Congregazione consiste
essenzialmente nel distacco da ogni bene terreno, il che noi praticheremo colla vita comune ...
(Società di San Francesco di Sales, 1864, cap. Del voto di povertà, art. 1. Voir F. Motto,
Costituzioni..., p. 100.)
5. Se non lasciamo il mondo per amore, dovremo un lasciarlo per forza. Coloro che
nel corso del vivere mortale lo abbandonano con atto spontaneo avranno il centuplo nella vita
eterna ...(Introduction aux Regole o Costituzioni della Società di S. Francesco di Sales, Turin,
1875, p. xxm.)
6. Regole o Costituzioni per lIstituto delle Figlie di Maria SS. Ausiliatrice ..., Turin,
1878, tit. IX, art.2.
7. La povertà è una costante della nostra storia a partire dalle origini. Ela gloria più
bella dei primi anni di Momese.(Sr Piera Cavaglià, Povertà e solidarietà a Momese, Rapport
présente aux économes salésiennes, Rome, 1998, polycopié, p. 11.) La suite de notte alinéa
dépend de cette étude consciencieuse.
8. Sur la priorité salésienne pour les pauvres, surtout pour les jeunes les plus pauvres,
voir, ci-dessus, l’entrée Jeunes.
9. Don Rua était pauvre dans ses vêtements et dans son mobilier personnel. Ses
chaussures allaient jusquà deux fois au ressemelage, et se paraient souvent de pièces éloquentes
; sa soutane, il la portait tant qu’il pouvait, jusquà usure du tissu ; de son chapeau, le moins
qu’on en puisse dire, cest qu’il était devenu célèbre pour sa teinte verte. Tout cela cependant
demeurait en parfait état, sans une tache, ni une déchirure. Don Rua avait le souci de la propreté.
Son bureau affichait le même dénûment. Quand il était le second de Don Bosco, son mobilier se
composait exclusivement dune petite table, de trois chaises de bois blanc et de deux images
pieuses, fixées au mur, lune devant lui, lautre derrière, par une épingle. Quand il succcéda à
Don Bosco, il tint absolument quon ne changeât rien à cette chambre sacrée, il allait habiter
vingt-deux ans. Telle il lavait trouvée, pauvre et dénuée de tout, telle il voulait la conserver.
Pendant un de ses longs voyages, un économe, qui se crut intelligent, fit enlever son vieux pavé
de grès rose, pour le remplacer par des carreaux luisants, faciles à nettoyer. A son retour, quand
Don Rua ne trouva plus ces briques poreuses, à moitié démolies, quavait foulées pendant
trente-cinq ans le pied de Don Bosco, sa douleur fut profonde : on avait détruit de lhistoire, et
offensé lesprit de pauvreté. [... ] Son amour de l’économie allait aussi jusquà lui faire recueillir

6.2 Page 52

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450
tous les petits bouts de papier blanc qui lui tombaient sous la main. ...(A. Auffray, Le premier
successeur de Don Bosco, Lyon, Vitte, 1932, p. 356-357.)
10. M. Rua, La Povertà, Lettre aux salésiens, 31 janvier 1907 ; dans L. C., p.
360-377.
11. Non sono certamente i Salesiani desiderosi di menar una vita comoda, che
intraprenderanno opere veramente fruttuose, che andranno in mezzo ai selvaggi del Matto
Grosso o della Terra del Fuoco, o si metteranno al servigio dei poveri lebbrosi. Questo sarà
sempre il vanto di coloro che osserveranno generosamente la povertà.(Lettre citée, p. 369.)
12. Car, par la volonté de don Bosco, le salésien et la salésienne peuvent en conserver
la nue propriété.
13. A cette époque, en hiver, pour se débarbouiller au lever - vers 4 heures, peut-être -
lui-même avait ramasser la neige des cheneaux de sa mansarde !
14. Nel permettere costruzioni o riparazioni di case si usi gran rigore nello impedire
il lusso, la magnificenza, la eleganza. Dal momento che comincerà apparire agiatezza nella
persona, nelle camere o nelle case, comincia nel tempo stesso la decadenza della nostra
Congregazione.(P. Albera, Lettre aux salésiens, 29 janvier 1915, L. C., p. 159-160.).
15. Quasi senza avvedersene si son creati innumerevoli bisogni, pretendono dai loro
Superiori tali agiatezze che non converrebbero neppure alle famiglie doviziose, e perdono la pace
del cuore, se vien loro negato ciò che tanto avidamente desiderano, etc. (P. Albera, Lettre aux
inspecteurs et aux directeurs : Consigli ed avvisi per conservare lo spirito di D. Bosco in tutte le
Case”, 23 avril 1917, § Povertà, L. C., p. 219-221.)
16. Le recteur Ricaldone répéta dans les années trente les leçons de don Bosco, de don
Rua et de don Albera, en les justifiant par des appels à la tradition spirituelle de l’Eglise. Ce fut
P. Ricaldone, Commentaire dune étrenne spirituelle sur “la povertà, Atti 82, 24 juillet 1937,
260 p., circulaire reprise dans le volume : I voti. I. Introduzione. Povertà, coll. Formazione
salesiana, Colle Don Bosco (Asti), Libreria Dottrina Cristiana, 1943.
17. L. Ricceri, La nostra povertà oggi, Lettre aux salésiens, Atti 253, novembre
1968, p. 3-63.
18. Diciamolo con fraterna franchezza : oggi il virus del benessere entra per molte vie
nelle nostre comunità, la vita si imborghedisce e si cercano giustificazioni che però non
convincono : e questo anche da parte di chi dovrebbe vigilare, intervenire e provvedere.(Lettre
citée, p. 20-21.)
19. E. Viganò, E Maria lo depose in una mangiatoia, Lettre aux salésiens, 24 mai
1993, Atti 345, p. 3-49.
20. J. Vecchi, Si commosse per loro, Lettre aux salésiens, 30 mars 1997, Atti 359,
avril-juin 1997, p. 3-36 ; Mandati ad annunziare ai poveri un lieto messaggio, Lettre aux
salésiens, 25 mars 1999, Atti 367, avril-juin 1999, p. 3-38.
21. Fate che il mondo conosca che siete poveri negli abiti, nel vitto, nelle abitazioni e
voi sarete ricchi in faccia a Dio e diverrete padroni del cuore degli uomini.(Voir J. Borrego,
Recuerdos de San Juan Bosco a los primeros misioneros, Roma, LAS, 1984, p.44.)
22. Constitutions SDB, art. 72-79 ; Constitutions FMA, art. 18-28.
23. Chiamati ad una vita intensamente evangelica, scegliamo di seguire il Salvatore
che nacque nella povertà, visse nella privazione di tutte le cose, e mori nudo in croce”.
Introduzione, 1875, p. XXIV.” (Constitutions SDB, art. 72.)
24. Il lavoro assiduo e sacrificato è ima caratteristica lasciataci da Don Bosco ed è
espressione concreta della nostra povertà(Constitutions SDB, art. 78.).
25. “Un aspetto esssenziale della nostra povertà è loperosità assidua, industriosa e
responsabile [...] Ci sottometteremo con generosità alla comune legge del lavoro, condividendo
anche in questo la sorte dei poveri che devono faticare per guadagnare il pane.” (Constitutions
FMA, art. 24.)
26. Constitutions VDB, art. 26-30 ; Constitutions CDB, art. 22-25.
27. ... in spirito di povertà evangelica amministra i beni con criteri di semplicità e di
generosa condivisione, rifuggendo da ogni forma di ostentazione, e considerandoli nella luce
cristiana del bene comune(RVA, art. 12.).

6.3 Page 53

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451
Péché
Le péché dans la spiritualité de don Bosco et de don Rua
Don Bosco et, par conséquent, son alter ego, don Rua, dénonçaient sans
cesse le péché au cours de leurs prédications sur la vie spirituelle dans le monde.
Ce qui, en dautres temps, ne manque pas de surprendre non seulement les
incroyants insensibles à lexistence de Dieu que le péché offense, mais aussi les
chrétiens dune autre époque, formés dans une culture très différente de la leur1.
Le péché leur est devenu incompréhensible, nous répète-t-on.
Lidée quils se faisaient de Dieu et de la vie de lhomme expliquait la
répulsion que les salésiens de la première génération éprouvaient pour ce monstre
horrible”, que don Rua voyait circuler “dans les rues des villes et à travers les
campagnes”, hanter les maisons des riches et les chaumières des pauvreset ainsi
empester le monde entier.2
“Le péché, rappelait par exemple le même don Rua lors dune prédication
dexercices spirituels, vous le savez déjà sans que je vous le dise, est une
désobéissance aux commandements de Dieu, le péché est une offense à sa divine
Majesté. Quand lhomme pèche, que fait-il donc ? Il tourne le dos à Dieu créateur,
à ce Dieu de bonté qui la comblé de bienfaits, il méprise sa grâce et son amitié. Il
dit de fait à son Seigneur : allez, ô Dieu, loin de moi ; je ne veux plus vous servir,
je ne veux plus vous reconnaître pour mon Dieu. Non serviam.”3 On objectera :
Nous avons commis des péchés, mais nous n’avons jamais dit cela à Dieu.Notre
prédicateur choisissait alors trois ou quatre commandements du Décalogue.
Quand ils avaient désobéi à leurs parents et les avaient maltraités, les pécheurs
n’avaient-ils pas en fait tenu ce langage à Dieu, sachant pertinemment que sa
volonté était quils obéissent à leurs parents ? N’avaient-ils pas refusé de servir
leur Dieu, quand, sachant fort bien quil ordonnait de ne pas toucher au bien
dautrui, ils se létaient approprié injustement ? De même, sachant quil demandait
de pardonner aux ennemis, ils sétaient bel et bien vengés ! Navaient-ils pas
éloigné le Dieu très saint de leurs coeurs quand ils y avaient introduit le péché
d’impureté ? Le Seigneur condamnait ce péché, et pourtant ils l’avaient quand
même commis. Le public de don Rua avait à l’esprit la liste des commandements
de Dieu et il était convaincu de la présence permanente du Créateur. Dieu te voit !
Un jour, il te jugera.
Pour don Bosco et don Rua, les humains, au cours de leur vie,
progressaient, sous le regard du Créateur, sur une route semée d’embûches qui, à
l’instant de la mort, les menait nécessairement jusquà son tribunal. Un jugement
divin décrétait alors de leur salut, autrement dit de leur sort étemel. Ils traduisaient
les embûches du chemin en occasions de désobéir à Dieu ou, équivalemment, de
faire le mal, tentations innombrables en ce bas monde. Les chutes, quelles

6.4 Page 54

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452
provoquaient souvent malheureusement, sappelaient des péchés. Les blessures
pardonnables, dites vénielles, que don Rua condamnait énergiquement, navaient
toutefois pour conséquence qu’une purification, soit ici-bas, soit en purgatoire.
Mais, sauf le pardon de Dieu, normalement accordé par l’absolution dun prêtre,
les chutes ou péchés graves, dits mortels, véritables refus de Dieu, monstres
horribles à regarder”, déclenchaient au jugement une réprobation irrémédiable et
donc étemelle.
On conçoit par que, dans leur amour pour les jeunes, les salésiens des
premières générations aient tout fait pour s’opposer au péché dans leurs vies et,
sils avaient eu le malheur de tomber, qu’ils n’aient eu de cesse de les relever par
le sacrement de la réconciliation. La mort, mais pas le péché”, disait Dominique
Savio. Don Bosco avait adopté la maxime de saint Philippe Néri : Vivez dans la
joie : je ne veux ni scrupules, ni mélancolies, il me suffit que vous ne commettiez
pas de péchés.”4 En éducation il laissait aux jeunes beaucoup de liberté et ne
redoutait pour eux que le péché. Que l’on donne grande possibilité de sauter,
courir, crier à plaisir. La gymnastique, la musique, la déclamation, le théâtre, les
promenades sont très efficaces pour obtenir de la discipline, favoriser la moralité
et la bonne santé ... Faites tout ce que vous voulez, disait le grand ami de la
jeunesse saint Philippe Néri, il me suffit que vous ne fassiez pas de péchés.5
Le péché à la fin du vingtième siècle
Cette doctrine parut souvent simpliste au siècle qui suivit celui de don
Bosco. Après y avoir occupé beaucoup de place, le péché disparaissait de la
prédication commune, sauf sil sagissait de péchés sociaux, qui étaient en général
les péchés des autres. Des péchés personnels, on ne parlait plus guère. L’Eglise
réagit avec force. Le péché existe et doit être combattu.
Le péché, offense à légard de Dieu, est en effet une réalité universelle.
Dieu a enfermé tous les hommes dans la désobéissance pour faire à tous
miséricorde(Romains 11, 32). Cest une parole, un acte ou un désir contraires à
la loi étemelle”. Par là, il se dresse contre l’amour de Dieu envers ses créatures
humaines et détourne de lui leurs coeurs. Comme le péché premier, dit originel, il
est une désobéissance, une révolte contre Dieu créateur. Le pécheur connaît sa
volonté, et il sy oppose. Il pousse lamour de soi jusquau mépris de Dieu6.
Lexaltation orgueilleuse de la personne fait du péché exactement l’envers de
l’obéissance de Jésus, par quoi saccomplit le salut.
Choisir délibérément, cest-à-dire en le sachant et en le voulant, une
chose gravement contraire à la loi divine et à la fin dernière de l’homme, cest
commettre un péché mortel. Ce péché détruit la charité dans le coeur de
lhomme, parce quil détourne cet homme de Dieu, sa fin ultime et sa béatitude, en
Lui préférant un bien inférieur. Or, sans charité, la béatitude étemelle est
impossible. Le péché dit véniel, qui constitue un désordre moral, laisse subsister la
charité, même sil loffense et la blesse.7

6.5 Page 55

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453
La constitution conciliaire Gaudium et spes sur l’Eglise dans le monde
de ce tempsa regardé en face la réalité du péché du monde. Ses conséquences
personnelles et sociales sont graves pour l’humanité, a-t-elle enseigné. Le péché
amoindrit l’homme en lui interdisant datteindre sa plénitude. Blessé par le péché,
il ressent en lui les révoltes du corps. Le péché obscurcit et affaiblit son
intelligence. L’habitude qu’il crée aveugle sa conscience.8 Il a déformé la figure du
monde, qui est tombé sous son esclavage9. l’ordre des choses a été vicié par
les suites de ce péché, lhomme éprouve de nouvelles incitations qui le poussent à
pécher encore. Car le péché engendre des vices. Sa séduction permanente entraîne
des erreurs et des maux toujours graves. La liberté humaine sen trouve blessée,
lactivité détériorée. On remarque que la volonté de l’homme blessée par le péché
rend difficile lavènement sur terre du bien très précieux de la paix.10
Il faut en prendre son parti, par suite de la compénétration de la cité
terrestre et de la cité céleste, lhistoire humaine, jusquà la pleine révélation de la
gloire des fils de Dieu, sera troublée par le péché11.
Notes
1. Sur le péché selon don Bosco, voir P. Stella, Il peccato, in Don Bosco nella storia
della religiosità cattolica, II, Roma, 1981, p. 43-57. Les idées de don Rua sur le péché ressortent
bien de ses sermons inédits : Sul peccato, série Prediche, en FdB 2909 A10-B8 ; “Del peccato
veniale, dans la série Discorsi di circostanza en FdB 2931 Eli à 2932 A2 ; Malizia del
peccato, dans la série Esercizi spirituali, quaderno I, p. 25-32, en FdB 2939 A4-11 ; La
malizia del peccato, même série, quaderno I, p. 61-72 et quaderno H, p. 1-5, en FdB 2939
D4-E7 ; et I proprii peccati, dans la série Esercizi spirituali, quaderno V, p. 27-46, en FdB
2943 B8-D3.
2. Un mostro orribile io veggo percorrere le vie delle città e le campagne, un mostro
orribile io veggo (... ) nelle case dei ricchi e nei tugurii dei poveri, un mostro orribile io veggo
ammmorbare tutto il mondo ... (M. Rua, La malizia del peccato”, loc. cit., p. 61).
3. Il peccato, senza che io ve lo dica già lo sapete, il peccato è una disubbidienza
contro i comandamenti di Dio, il peccato è una offesa che si fa contro sua divina Maestà. Quando
luomo pecca che fa egli mai ? Egli volge le spalle a Dio creatore, a quel Dio di bontà che lo ha
colmato di benefizii e disprezza la sua grazia e la sua amicizia. Egli dice col fatto al Signore :
andate, o Dio, lontano da me ; io non vi voglio più servire, io non voglio più riconoscere per mio
Dio. Non serviam.Etc. (M. Rua, Malizia del peccato, loc. cit., p. 25.)
4. State allegramente : non voglio scrupoli, malinconie : mi basta che non facciate
peccati(G. Bosco, Porta teco, cristiano, Turin, 1858, p. 34.)
5. Si dia ampia facoltà di saltare, correre, schiamazzare a piacimento. La ginnastica,
la musica, la declamazione, il teatrino, le passeggiate, sono mezzi efficacissimi per ottenere la
disciplina, giovare alla moralità ed alla sanità ... Fate quello che volete, diceva il grande amico
della gioventù S. Filippo Neri, a me basta che non facciate peccati.(“Il sistema preventivo nella
educazione della gioventù, § n, n. HI ; dans Inaugurazione del Patronato di S. Pietro in Nizza a
mare, éd. bilingue, Turin, 1877, p. 54.)
6. D’après saint Augustin, De civitate Dei, 14, 28.
7. Ces deux alinéas dépendent, souvent littéralement, du Catéchisme de lEglise
catholique, éd. de 1992, n. 1846-1876.
8. Gaudium et spes, n. 13, 14, 15, 16.
9. Gaudium et spes, n. 2 et 39.
10. Gaudium et spes, n. 17, 25, 37, 58, 78.
11. Gaudium et spes, n. 40, § 3.

6.6 Page 56

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454
Pénitence
Don Bosco, don Rua et le sacrement de pénitence
Le P. Auffiay consacrait tout un chapitre de sa biographie très répandue à
don Bosco Au Tribunal de la Pénitence1. Du Curé dArs l’on a dit qu’il a été le
plus grand confesseur de son siècle ; de saint Jean Bosco lon dira quil fut, en son
temps, le plus grand confesseur de la jeunesse, y affirmait-il avec son intrépidité
coutumière. Soit ! Don Bosco a beaucoup confessé et il accordait une extrême
importance au sacrement de pénitence, quil appelait le Sacrement de la
Confession. Et son successeur don Rua répéta dans sa prédication et dans sa
pratique pastorale la théologie et la méthode de son maître don Bosco2.
Cétait, pour celui-ci, la preuve la plus manifeste de la bonté
miséricordieuse de Dieu envers les humains, qui, sans confessions, risquent fort
de sombrer en enfer. Car un seul péché mortel suffit à y précipiter le chrétien, alors
que la “confessionest lunique moyen adéquat pour en obtenir le pardon.
Relisons lune des instructions de son Mois de Marie. Nous avons dans le
Sacrement de la Confession un grand signe de la miséricorde de Dieu envers les
pécheurs. Si Dieu avait dit de ne nous pardonner nos péchés que par le baptême,
et non pas ceux que par malheur lon aurait commis après avoir reçu ce sacrement,
oh ! combien de chrétiens sen seraient allés à leur perdition ! Mais Dieu, qui
connaît notre grande misère, a établi un autre sacrement, par lequel nous sont
remis les péchés commis après le baptême. Cest le Sacrement de la Confession.”3
Mais lévangile a-t-il jamais parlé de confession des péchés ? demandera-t-on.
Don Bosco répondait que le Christ avait institué ce sacrement quand, apparaissant
à ses disciples huit jours après sa résurrection, il leur avait dit en soufflant sur eux :
Recevez l’Esprit Saint, ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis,
ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus.On ne pouvait douter,
interprétait-il, que les termes reteniret ne pas reteniraient voulu signifier : ne
pas donner ou donner vraiment l’absolution à la suite dune confession4.
Malgré les apparences, pas plus don Rua que don Bosco ne réduisaient le
sacrement de la confessionà l’aveu et à l’absolution. Cétait, à leur sens, pour le
chrétien en peine de se convertir et de progresser vers Dieu, le moment privilégié
dune rencontre avec le Christ représenté par un prêtre. Le mystère de grâce
réalisé dans le sacrement entre Dieu même et l’une de ses créatures sopère à
travers un dialogue humain, qui doit être dune qualité toute particulière. Le
confesseur de don Bosco oubliait les fonctions de juge et même de médecin qui
avaient eu les préférences du siècle précédent et se comportait envers son pénitent
comme un père ou un ami. Cest un père qui désire ardemment vous faire tout le
bien possible, et qui cherche à éloigner de vous le mal sous toutes ses formes”,
disait-il aux jeunes5. Ce père est un guide : le confesseur de don Bosco devenait
naturellement directeur dâmes. Et le pénitent réagissait par les attitudes que

6.7 Page 57

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455
suscitait en lui le climat de liberté et d’affection instauré par son confesseur. La
confiance quil éprouvait facilitait sa pleine sincérité. Don Bosco insistait sur
louverture totale, sans laquelle le travail éducatif serait bien compromis. Le
dialogue serait-il nécessairement long et rempli deffusions ? Non pas. Sauf
exceptions, il pouvait et devait même, au sentiment de don Bosco, être bref et
incisif.
Don Bosco et don Rua n’ont cessé de répéter que la confession réclame
du pénitent des dispositions intérieures de regret des fautes commises et de désir
de progrès spirituel signifié par des “résolutions. Ils avaient en effet une vision
dynamique de la vie spirituelle que le sacrement de pénitence est appelé à soigner.
Certes ce sacrement remet les péchés, mais aussi et surtout il stimule un effort
continu de croissance. Les exhortations de don Bosco à la fréquence des
confessions sexpliquent peut-être par là. H disait un soir de lannée 1876, dans un
contexte il est vrai très éloigné de celui qui prévalut un siècle plus tard : Que celui
peu soucieux de son âme y aille une fois par mois ; celui qui veut la sauver, mais
sans ardeur particulière, tous les quinze jours ; mais celui qui veut arriver à la
perfection, chaque semaine.6
Le sacrement de la réconciliation
Le Dieu chrétien que le péché offense(un verbe autrefois courant que
la transformation des rapports sociaux rend ici un peu gênant) est, non pas un
Maître sourcilleux, mais un Père très aimant. Le pécheur, qui sest éloigné
volontairement de lui, a répondu par le mépris à son amour persistant. L’image
privilégiée du Sacrement de la Confessionde don Bosco a moins été, un siècle
après lui, mais en parfaite conformité avec ses idées, celle du magistrat qui punit
ou qui absout, que celle du père de la parabole de lenfant prodigue, qui se
réconcilieavec son fils pécheur. Le “sacrement de pénitence”, formule
cependant retenue par le nouveau Code de droit canonique (canons 959-997), est
devenu communément le “sacrement de la réconciliation”, y compris dans les
documents législatifs des salésiens. La réconciliationsenracine en Dieu, qui est
Père, Fils et Esprit Saint, c’est-à-dire amour total qui se communique, enseignait
le recteur Vecchi dans une circulaire quil lui consacrait7. Et une théologie mieux
avertie rappelait que cette réconciliation des humains avec leur Dieu était toujours
obtenue, à la racine, par le geste damour absolu du Christ mort en croix. Lui seul
avait pu rapprocher de Dieu l’humanité pécheresse, la réconcilier.avec Dieu
Père. Le pécheur nest pardonné que par la Passion de Jésus Christ notre
Seigneur”. Sa réconciliation est l’oeuvre de l’Esprit Saint. Et il se relève
ressuscité avec le Christ”.
Un nouvel Ordo paenitentiae* aidait à le mieux comprendre. Il proposait
quatre types de célébrations du sacrement de pénitence : 1) un rite de
réconciliation individuelle, correspondant à la confession traditionnelle, 2) un rite
de réconciliation de plusieurs pénitents avec absolutions individuelles, 3) un rite de
réconciliation de plusieurs pénitents avec confession et absolution collective et 4)
un rite de célébrations pénitentielles. Dans chaque type une place organique était
donnée à la Parole de Dieu. Le nouveau rituel prévoyait un temps découte de

6.8 Page 58

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456
cette Parole même dans le cas de la réconciliation individuelle. Quel que soit le
rite, si les formules traditionnelles de l’absolution demeuraient inchangées, elles
étaient insérées dans une prière plus large visant à expliciter la richesse du salut en
Jésus Christ. Les notes préliminaires du rituel la présentaient ainsi : Elle indique
que la réconciliation du pénitent vient de la miséricorde du Père ; elle montre le
lien entre la réconciliation du pécheur et le mystère pascal du Christ ; elle met en
relief la fonction de lEsprit Saint dans la rémission des péchés ; enfin elle met en
lumière l’aspect ecclésial du sacrement, par le fait que la réconciliation avec Dieu
est accordée par le ministère de lEglise.”9
Malgré une pratique en forte décrue dans lEglise, ce sacrement
continuait dêtre, pour la famille salésienne, l’un des piliers de la croissance morale
et spirituelle du chrétien. Le Système Préventif, dans son expression la plus
authentique, sappuiera toujours sur la charité pastorale soutenue par les deux
grands pôles sacramentels de la Réconciliation et de lEucharistie”, déclarait en
1987 le recteur Viganô10. En effet, la célébration assidue de lEucharistie et de la
Réconciliation offre des ressources dexceptionnelle valeur pour l’éducation à la
liberté chrétienne, à la conversion du coeur et à l’esprit de partage et de service
dans la communauté ecclésiale, affirmaient les constitutions rénovées des
salésiens11. Quant aux filles de Marie auxiliatrice, elles en exprimaient avec
bonheur, dans un article constitutionnel soigné, le sens et la portée pour la
croissance spirituelle des membres de leur Institut : Le sacrement de la
Réconciliation, rencontre confiante avec la fidélité et la miséricorde du Père,
renouvelle notre insertion dans le mystère de mort et de résurrection du Christ et
nous réconcilie avec nos frères dans l’Eglise. Il nous aide à accepter notre
pauvreté dans la paix et à poursuivre notre chemin de libération du péché.
Chacune d’entre nous sapproche de ce sacrement dans une humble foi, avec la
régularité et la fréquence requises par lEglise, persuadée de son importance pour
la croissance personnelle et communautaire dans le Christ.12
Notes
1. A. Aufiray, Un grand éducateur Saint Jean Bosco, 4ème éd., Lyon-Paris, E. Vitte,
1937, chap. XV, p. 363-387.
2. .Sur don Bosco et le sacrement de pénitence, voir larticle “La confessione” de P.
Stella, Don Bosco nella storia della religiosità cattolica, t. II, Roma, LAS, 1981, p. 310-319.
La seule manière de connaître les idées de don Rua en la matière est létude de ses sermons
encore inédits : Della confessione”, dans Prediche per esercizi, quaderno I, p. 22-28 (FdB 2893
E6-12) ; surtout ceux de la série d’exposés : 1) Della salvezza dellanima, 2) Della
confessione. Esame per la Conf(essione) gen(erale) ed esami particolari, 3) “Dolore e
proponimento” et 4) “Della confessione ossia accusa, dans Prediche per esercizi, quaderno II,
p. 1-19 (FdB 2894 E6 à 2895 A8). On notera la suite significative : Du salut de l’âme, puis De
la confession. Malgré son titre “Il Sacramento della Penitenza, la lettre circulaire du 29
novembre 1899 (L.C. p. 190-205) est décevante pour nous ici.
3. “Un tratto grande della misericordia di Dio verso i peccatori abbiamo nel
Sacramento della Confessione. Se Dio avesse detto di perdonarci i nostri peccati solamente col
Battesimo, e non più quelli che per disgrazia si sarebbero commessi dopo aver ricevuto questo
Sacramento, oh quanti cristiani certo se ne andrebbero alla perdizione ! ma Iddio conoscendo la

6.9 Page 59

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457
nostra grande miseria stabilì un altro Sacramento, con cui ci sono rimessi i peccati commessi
dopo il Battesimo. Equesto il Sacramento della Confessione.(G. Bosco, La confessione, in//
mese di maggio ..., Turin, 1858, p. 124.)
4. G. Bosco, Il mese di maggio... , p. 124-125.
5. “Giovani miei, ricordatevi che il confessore è un padre, il quale desidera
ardentemente di fervi tutto il bene possibile, e cerca di allontanare da voi ogni sorta di male.(G.
Bosco, Cenno biografico sul giovanetto Magone Michele ... , Turin, Paravia, 1861, chap. V, p.
25.)
6. Ora chi vuol poco pensare alla sua anima, vada una volta al mese ; chi vuol
salvarla, ma non si sente tanto ardente, vada ogni quindici giorni ; chi poi volesse arrivare alla
perfezione, vada ogni settimana. Di più no, eccettochè uno avesse qualche cosa che gli pesasse
sulla coscienza.(Buonanotte du 2 novembre 1876 ; MB XII, p. 566.)
7. I Essa (fonte della riconciliazione) è nella Trinità, in Dio che è Padre, Figlio e
Spirito Santo, cioè amore totale che si comunica. (J. Vecchi, Ci ha riconciliati con ed ha
affidato a noi il ministero della Riconciliazione, lettre aux salésiens, 15 août 1999, Atti 369, p.
5.) Cette longue circulaire (p. 3-47) était destinée à préparer les esprits au Jubilé de lan 2000.
8. Promulgué par Paul VI le 2 décembre 1973.
9. Praenotanda, n. 19, de VOrdo paenitentiae, Cité du Vatican 1974.
10. B Sistema Preventivo, nella sua espressione più genuina, si appoggerà sempre
sulla carità pastorale sostenuta dai due grandi poli sacramentali della Riconciliazione e
dellEucaristia.(E. Viganò, Lettre aux salésiens, 8 décembre 1987, Atti 324, p. 39.)
11. LEucaristia e la Riconciliazione, celebrate assiduamente, offrono risorse di
eccezionale valore per leducatione alla libertà cristiana, alla conversione del cuore e allo spirito
di condivisione e di servizio nella comunità ecclesiale.(Constitutions SDB, art. 36.)
12. “H sacramento della Riconciliazione, fiducioso incontro con la fedeltà e la
misericordia del Padre, rinnova il nostro inserimento nel mistero di morte e risurrezione di
Cristo, ci riconcilia con i fratelli nella Chiesa, ci aiuta ad accettare nella pace la nostra povertà e
a compiere il nostro cammino di liberazione dal peccato. Ognuna di noi si accosti a questo
sacramento in umile atteggiamento di fede, con la regolarità e la frequenza richieste dalla
Chiesa, riconoscendone limportanza per la crescita personale e comunitaria in Cristo.
(Constitutions FMA, art. 41.)

6.10 Page 60

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458
Piété
La piété selon don Albera
La piété est, au sens religieux du terme, le seul qui sera retenu dans cet
article, une attitude de la personne, caractérisée par un fervent attachement au
service de Dieu.1 Le recteur Albera (1910-1921), très pieux lui-même, ne se lassait
pas d’en célébrer le sens chrétien au début dune lettre qui constitue sur la piété
le seul exposé systématique des supérieurs généraux salésiens.2 La piété nous fait
honorer Dieu non seulement comme créateur, mais aussi comme Père très doux,
qui voluntarie genuit nos verbo veritatis, volontairement nous donna la vie par la
toute-puissance de sa parole, qui est parole de vérité. Cest en raison de notre
piété que nous ne nous contentons pas du culte quasi officiel, dirais-je, que la
religion nous impose, mais que nous ressentons le devoir de servir Dieu avec
laffection la plus tendre, avec la délicatesse la plus attentive, avec la profonde
dévotion, qui est lessence de la religion, l’un des dons les plus précieux de
lEsprit Saint et, selon saint Paul, la source de toute grâce et bénédiction pour la
vie présente et la vie future.”3.
Pour illustrer sa pensée, il répétait Mgr de Ségur, selon qui la piété
chrétienne est lunion de nos pensées, de nos affections, de toute notre vie avec les
pensées, avec les sentiments et avec l’esprit de Jésus. Cest Jésus vivant avec
nous4, formule qui a lavantage de ne pas réduire la piété au seul sentiment. Car
lauthentique piété informe toute la personne, coeur et corps. Les âmes vraiment
pieuses ont des ailes pour sélever à Dieu dans loraison, et des pieds pour
marcher parmi les hommes au cours d’une vie aimable et sainte,” écrivait encore
don Albera citant saint François de Sales5. Elle englobe toute la vie chrétienne
assumée en plénitude. Loin dêtre une qualité secondaire ou accessoire, a-t-on
remarqué, encore moins une évasion, cest une note essentielle du christianisme.
Car, dans le Christ, lhomme est appelé à offrir en Eglise le culte spirituel,
hommage filial à Dieu de “tout ce qui est bien, ce qui lui est agréable, ce qui est
parfait(Romains 12, 1-2).6
Don Albera, fasciné par la piété pratique, préférait appeler esprit de
piétécet hommage filial du disciple de don Bosco. H sexpliquait. Lesprit de
piété doit être considéré comme la fin, les exercices de piété ne sont que le moyen
de lobtenir et de le conserver. Bienheureux celui qui le possède, car, en toute
chose, il ne recherchera que Dieu, il sefforcera de l’aimer toujours plus
ardemment et ne prétendra jamais que lui plaire. Au contraire, bien triste est létat
de qui en est dépourvu. H a beau multiplier les gestes de piété requis par les
règlements, le malheureux ne sera jamais quun simulacre ou un fantôme de la
vraie piété. L’esprit de piété bien cultivé maintient l’union de la personne avec
Dieu. H communique à chacun de ses actes, même profanes, un caractère

7 Pages 61-70

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7.1 Page 61

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459
intimement religieux. Sa vie devient, dans le mystère, un commencement de la
félicité dont jouissent les élus7.
Don Bosco, modèle de la piété salésienne
Vingt-cinq ans après don Albera, au cours de sa lettre circulaire sur la
formation du personnel salésien, le recteur Ricaldone proclamait avec son
autorité habituelle : La piété que nous devons enseigner et inculquer à nos
aspirants est la piété de don Bosco : une piété naturelle, simple, spontanée, mais
en même temps profonde et fervente.”8 H désignait ainsi à partir de don Bosco le
modèle et les qualités de la piété salésienne.
Le naturel et la simplicité caractérisaient en effet la lignée spirituelle
italienne, choisie (plus ou moins consciemment) par don Bosco pour lui-même et
pour ses disciples. Notre saint se distinguait par des spirituels modernes,
flamands, français ou espagnols et même de François de Sales. La spiritualité
italienne à son apogée rejette les entraves non indispensables. “Le tempérament
des renaissants italiens saccommode mal de ce qui est compliqué, de ce qui
comprime. Il lui faut de l’espace, de l’air. Ce qui gêne les mouvements lui est
insupportable,a-t-on écrit.9 Don Bosco appartenait à cette race. Le mécanisme
de la méditation tel que François lavait préconisé dans lIntroduction à la vie
dévote ne semble pas l’avoir jamais sérieusement intéressé. Ses sermons connus
sur la prière ny font aucune allusion. Et ses écrits ne renferment non plus nulle
trace de savants examens de conscience. L’aisance en matière spirituelle lui
semblait un grand bien. H se faisait gloire de la liberté dallure de ses garçons
quand ils se confessaient et se rendaient à la sainte table. La direction spirituelle,
quil était loin de méconnaître, neut pas chez lui la forme achevée qu’elle avait
reçue aussi bien dans l’oeuvre de saint François de Sales que dans la tradition
ignatienne. H vivait en la présence de Dieu, autrement dit : il était purement et
simplement pieux.
Consultons les témoins de sa vie. Ils reconnaissaient en lui, nous
assurent-ils, une sorte de prière continue, une union à Dieu jamais interrompue.
L’inaltérable égalité d’humeur de son visage toujours souriant en témoignait.
Quand on recourait à lui pour un conseil, don Bosco semblait interrompre sa
conversation avec Dieu. Et Dieu même paraissait inspirer ses idées et ses
encouragements. Quelle édification pour nous de l’entendre réciter le Pater ou
1Angelus ! L’impression quil me faisait quand il donnait aux malades la
bénédiction de Marie auxiliatrice ne s’effacera jamais de ma mémoire, affirmait
don Albera, qui vécut de longues années en son intimité. Tandis quil prononçait
l’Ave Maria et les mots de la bénédiction, on eût dit que son visage se
transfigurait, ses yeux se remplissaient de larmes et sa voix tremblait sur ses lèvres.
Pour moi c’était des indices qu’une virtus de illo exibat10. Les effets miraculeux
qui sensuivaient : les affligés consolés, les infirmes guéris, ne me surprenaient
donc pas.11

7.2 Page 62

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460
Les formulaires salésiens de pratiques de piété
Par la volonté du fondateur, un cadre fixe et uniforme de formules de
pratiquesou d’“exercices” a longtemps soutenu la piété de la famille salésienne.
Don Bosco avait à peine mis sur pied son oeuvre locale de Turin qu’il publiait le
Giovane provveduto (1847), destiné à aider ses garçons dans leurs exercices de
piété chrétienne”12. Après quoi viendraient de son vivant, pour rendre les mêmes
services aux laïcs adultes, puis aux filles, Il Cattolico provveduto (1868) pour les
premiers et La Figlia cristiana provveduta (1879) pour les deuxièmes. Les
traductions du Giovane provveduto en diverses langues (français, espagnol,
anglais, etc.) naquirent systématiquement avec l’entrée des salésiens dans de
nouveaux pays. Et la prière des religieux dépendit du Giovane provveduto.
Pendant des dizaines dannées, les membres de la société salésienne et de l’institut
des filles de Marie auxiliatrice ne connurent que ces formulaires pour les guider
dans leurs pratiques de piété”.
H faudrait entrer dans ce monde de formules pour connaître et
comprendre un peu le genre de piété de la famille salésienne du premier siècle.
Leurs caractéristiques reparaîtront nécessairement dans larticle ci-dessous sur la
religion populaire, qu’elles illustrent fort bien. La piété salésienne traditionnelle
était en effet une piété “jeuneet populaire”, c’est-à-dire concrète, imagée,
gestuelle, active, au langage simple et centrée sur la Vierge et les saints plus que
sur le mystère pascal. Enumérons seulement les principaux titres de la partie du
Giovane provveduto de 1885 intitulée : Exercices particuliers de piété. Cétait :
Prières du matin et du soir, Manière dassister avec fruit à la sainte messe, Du
sacrement de la confession, La sainte communion, Visite au saint sacrement et à la
sainte Vierge, Dévotion au Sacré Coeur de Jésus, Rosaire de la Vierge Marie,
Litanies de la sainte Vierge, Saint François de Sales, Chapelet du Sacré Coeur de
Marie, Neuvaine de limmaculée conception de Marie, Mois de Marie et neuvaine
en l’honneur de Marie auxiliatrice, Dévotion à l’Ange gardien, Brève méthode
pour la pratique du chemin de la croix, Exercice de la bonne mort, Dévotion à
saint Joseph13. Les sacrements et les saints tenaient une grande place dans ces
formulaires de la piété salésienne du premier siècle.
Les pratiques de piété règlementaires des religieux
Don Bosco navait pas prévu de chapitre sur les “pratiques de piétédans
son projet tout à fait primitif de constitutions salésiennes (1858). Le Giovane
provveduto suffisait, pensait-il probablement. Mais nous avons, sur le manuscrit
original de don Rua en appendice et de sa main, les articles sous ce titre quil y
ajouta très tôt. Les deux premiers manifestaient chez lui un sens très juste de la
piété, à ne pas confondre avec la vertu de religion. Ses disciples qui, parce que très
occupés, auraient peu de pratiques règlementaires, se distingueraient de manière
générale par leur comportement chrétien, et, plus précisément, par leur modestie
dans l’expression, le regard et la démarche, ainsi que par le soin dans la
prononciation des offices divins”. Les autres articles de don Bosco prescrivaient :
un temps quotidien de prière mentale et vocale, la récitation quotidienne du
chapelet, le jeûne du vendredi, l’exercice mensuel de la bonne mort, enfin les
messes de suffrage à la mort dun confrère ou d’un parent de confrère.14 En 1878,

7.3 Page 63

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461
le chapitre XI des constitutions des filles de Marie auxiliatrice, intitulé :
Particolari pratiche di pietà(Pratiques particulières de piété), dune facture plus
classique et assez différente de celui des salésiens, prévoyait pour les religieuses :
la récitation du petit office de la sainte Vierge chaque dimanche et jour de fête de
précepte, la confession hebdomadaire, la communion tri-hebdomadaire
(quotidienne sur autorisation du confesseur), la célébration des fêtes de saint
Joseph, saint François de Sales, sainte Thérèse et sainte Angèle Merici, la
solennisation de celles de lImmaculée Conception de Marie et de Marie
auxiliatrice, enfin le jeûne du samedi en l’honneur de la sainte Vierge.15
La fidélité aux schémas et aux formules de don Bosco persista au
vingtième siècle, non seulement pour les enfants, mais aussi pour les religieux. Le
Giovane proweduto continuait d’être en usage. Et l’on retrouvait un certain
nombre de ses pratiques dans le manuel justement intitulé Pratiques de piété en
usage dans les maisons salésiennes, publié par ordre de don Albera à partir de
191616 qui, après les modifications apportées dabord sous le recteur Rinaldi en
1929, puis, au temps du recteur Ricaldone, par la volonté du chapitre général de
1947, devint en 1948 le petit livre à l’intention des prêtres17, destiné à subsister
jusquaux bouleversements des années I960.18
Avec le temps, la distinction entre les pratiques de piété des jeunes et
celles des religieux avait toutefois été de mieux en mieux marquée dans le manuel
de don Albera promulgué à l’intention des salésiens. Son édition refondue de 1948
contenait, à la suite des Pratiques de piété communes aux confrères et aux
jeunes”, réduites à assez peu de choses, des “Pratiques de piété spéciales aux
salésiens, qui étaient la méditation, la lecture spirituelle, les prières avant et après
les réunions des confrères, la bénédiction de la table, l’exercice de la bonne mort et
le formulaire de l’examen de conscience, ainsi qu’un directoire sur les exercices
spirituels et un rituel de vêture et de profession religieuse.19 La dévotion aux saints
persistait, mais perdait relativement de son importance dans les pratiques de piété
salésiennes.
Les auteurs modernes de spiritualité, alertés depuis le dix-septième siècle
par les tartuffes alors proliférants, sont souvent partis en guerre contre un double
danger des pratiques de piété inhérent à leur matérialité et déjà dénoncé par
lEvangile : celui de prendre une place prédominante, au risque de paraître
constituer l’essentiel de la piété ; celui aussi de fournir un masque prétendument
édifiant à l’amour-propre, à lambition, voire à une vie rien moins que
vertueuse20. Ce danger-là menaça-t-il jamais vraiment en leur premier siècle les
disciples de don Bosco, beaucoup plus enclins à l’agitation quau recueillement ?
En tout cas, leurs supérieurs généraux ne paraissent pas sen être inquiétés. Quoi
quil en soit, quand, dans leurs circulaires don Rua, don Albera, don Rinaldi ou
don Ricaldone ont disserté sur les pratiques de piété, ce fut pour demander à leurs
religieux de les respecter, autrement dit de ne pas les omettre, de ne pas les
abréger et de ne pas les massacrer21.
Le plus éloquent a été, ici encore, en 1911, le recteur Albera, qui
connaissait son monde et son goût immodéré de laction. Un certain nombre de

7.4 Page 64

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462
salésiens laissaient, jugeait-il, beaucoup à désirer quant aux exercices de piété. On
ne les prendrait plus pour des fils de don Bosco, eux qui considèrent les pratiques
religieuses comme un poids insupportable, cherchent à sen exempter par tous les
moyens et donnent partout le triste spectacle de leur relâchement et de leur
indifférence.Quelle étrange contradiction ! Us vivent dans une maison
religieuse, suivent de bien des manières leur communauté, travaillent peut-être
aussi selon nos règlements, mais en réalité ne sont plus religieux, ne progressent
plus d’un pas dans la perfection et, à la fin de leurs vies, se trouveront les mains
vides.”22 Car on risque beaucoup à saffranchir de la pratique. Et manquer à une
pratique religieuse expose au danger de sombrer peu à peu dans le relâchement.
Malheur à toi, si la source de la dévotion sassèche en ton coeur ! Que peut-on
encore alors attendre de ta part ? demandait le recteur. Il poursuivait longuement
sa plainte et concluait : Après de telles réflexions, y en aura-t-il encore parmi
nous qui mendieront des prétextes pour se soustraire à telle ou telle des pratiques
prescrites ? Est-il possible que l’étude nous empêche de satisfaire aux devoirs de
piété ? Comme ils sont loin de bien remplir leur devoir, ceux qui fuient tout
exercice communautaire !”23
Le don de piété en spiritualité salésienne
Les pratiques de piété (ou de dévotion), pour importantes qu’elles soient
ou paraissent être, ne devraient jamais laisser oublier qu’elles sont seulement des
béquilles de la piété elle-même, l’un des sept dons de l’Esprit Saint.
Jésus nous a enseigné linvocation, la louange et lentretien avec le Père,
rappelait le recteur majeur Vecchi dans un article préparatoire au jubilé de l’an
2000, il rejoignait son prédécesseur don Albera définissant la piété. La prière
de Jésus, sur laquelle ses disciples doivent se modeler, est une attitude constante,
intérieure, qui se manifeste en expressions spontanées de joie, de remerciement,
dinvocation, de disponibilité ou de réflexion, mais toujours à partir dun même
mot, qui est celui de : Père24. N’était-ce pas une présentation du don de l’Esprit
Saint, dit de piété ?
Lors dun sermon pour la fête de la Pentecôte, après sêtre longuement
étendu sur le don de crainte de Dieu”, qui nous fait craindre Dieu comme nostre
Seigneur et nostre Juge, et partant nous porte à fuir le mal et tout ce que nous
sçavons lui estre desaggreable, saint François de Sales le faisait suivre du
contre-poids fort salésien de la piété. “Passons au don de piété qui est le second,
disait-il. La piété nest autre chose quune crainte filiale, qui ne nous fait plus
regarder Dieu comme nostre Juge, ains comme nostre Pere, auquel nous
redoutons de desplaire et desirons d’aggreer.”25 Le don de piété nous fait dire en
vérité à notre Dieu : Père, et, en conséquence, nous incite à nous comporter avec
lui en fils très respectueux et très aimants.

7.5 Page 65

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463
Notes
1. Il ne semble pas nécessaire de nous occuper ici du sens profane du mot piété -
envers ses parents, envers sa patrie -, pas plus que des différences entre piété et religion ou entre
piété et dévotion, deux mots souvent interchangeables. Voir, ci-dessus, le mot Dévotion. Qui
désirerait sinstruire sur le sens du mot Piété depuis le latin pietas, équivalent de Veusebeia
grecque, jusqu’à nos jours, consulterait avec fruit le copieux article PiétédAndré Méhat,
Aimé Solignac et Irénée Noyé, dans le Dictionnaire de Spiritualité, tome XII, deuxième partie,
1986, col. 1694-1743.
2. P. Albera, Sullo spirito di pietà”, Lettre aux salésiens, 15 mai 1911, dans L. C., p.
24-40.
3. La pietà ci fa onorare Iddio non solo come Creatore, ma ancora come dolcissimo
Padre, che voluntarie genuit nos verbo veritatis, volontariamente ci diede la vita con
lonnipotenza della sua parola, che è parola di verità. Si è in forza della pietà che noi non ci
teniamo più paghi di quel culto, direi quasi ufficiale, che la religione c’impone, ma sentiamo il
dovere di servire Iddio con quel tenerissimo affetto, con quella premurosa delicatezza, con quella
profonda devozione, che è lessenza della religione, uno dei più preziosi doni dello Spirito Santo,
e, secondo S. Paolo, la sorgente di ogni grazia e benedizione per la vita presente e per la futura.
(P. Albera, Sullo spirito di pietà, Lettre citée, dans L. C., p. 27.)
4. Même lettre, dans L. C., p. 28.
5. Don Albera disait, ibid., p. 28, emprunter à saint François de Sales cette image
certainement conforme au génie du saint, mais chez qui je ne l’ai pas retrouvée.
6. Voir Irénée Noyé, dans larticle cité du Dictionnaire de Spiritualité, col. 1741.
7. Considérations extraites à peu près littéralement de la lettre citée de don Albera, p.
28-30.
8. La pietà che noi dobbiamo insegnare e di cui dobbiamo imbevere i nostri aspiranti
è la pietà di Don Bosco : pietà naturale, semplice, spontanea, ma nello stesso tempo profonda e
fervente.” (P. Ricaldone, Formazione del personale salesiano”, Atti 78, 24 novembre 1936, p.
76.)
9. P. Pourrai, La spiritualité chrétienne, t III, Paris, 1923, p. 392.
10. Une vertu émanait de lui.Allusion à Luc 6, 19.
11. Che edificazione per noi ludirlo recitare il Pater, lAngelus Domini ! Non si
scancellerà mai dalla mia memoria l’impressione che mi faceva nellatto che dava la benedizione
di Maria Ausiliatrice aglinfermi. Mentre pronunziava lAve Maria e le parole della benedizione,
si sarebbe detto che il suo volto si trasfigurasse ; i suoi occhi si riempivano di lacrime e gli
tremava la voce sul labbro. Per me erano indizi che virtus de ilio exibat ; perciò non mi
maravigliava degli effetti miracolosi che ne seguivano, se cioè erano consolati gli afflitti, risanati
gl’infermi.(P. Albera, lettre citée, p. 34.)
12. Titre complet : Il giovane provveduto per la pratica de suoi doveri, degli esercizi
di cristiana pietà, per la recita dell’Uffizio della Beata Vergine e deprincipali vespri
dell’anno, collaggiunta di una scelta di laudi sacre, ecc..
13. D’après la table de G. Bosco, Il giovane provveduto ... , Turin, Tipografia e
libreria salesiana, 1885, p. 508-510.
14. Ce texte dans F. Motto, Costituzioni ... , p. 223-224. Le chapitre XII des
constitutions salésiennes de 1966 reprenait encore à peu de choses près ce schéma primitif de
don Bosco.
15. Regole o Costituzioni per lIstituto delle Figlie di Maria Ausiliatrice aggregate
alla Società Salesiana, Turin, Tipografia e libreria Salesiana, 1878, p. 27-29.
16. Voir Pratiche di pietà in uso nelle case salesiane, Turin, Società Editrice
Intemazionale, 1921, 350 p.
17. Pratiche di pietà in uso nelle case salesiane. Edizione per sacerdoti, Torino,
Scuola tipografica salesiana, 1948, 240 p.
18. Les salésiennes disposaient à cette époque d’un manuel analogue, dont la première
édition datait de don Rua, en 1889. Il était intitulé Libro delle preghiere e delle pratiche di pietà
ad uso delle F. M. A., Torino, Scuola tip. salesiana, 1920. (Présentation de don Albera Alle
Figlie di Maria Ausiliatrice, datée du 24 février 1920.) Le programme des pratiques, surtout des

7.6 Page 66

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464
Pratiche di pietà giornaliere, incluant entre autres les sept allégresses ou les sept douleurs de
Marie distribuées selon les heures du jour, y était beaucoup plus chargé que dans le monde
masculin.
19. Pratiche di pietà ..., 1948, p. 43-93, 131-158.
20. Voir Irénée Noyé, art. cité du Dictionnaire de Spiritualité, t XII, col. 1737.
21. Les items Pietà et Pratiche di pietà ont disparu des Index des lettres officielles des
recteurs salésiens à partir de la mort de don Ricaldone en 1951. Les liturgistes condamnaient
alors la multiplicité des pratiques de piétéau détriment de la liturgie officielle. Signe de leur
offensive, le chapitre des Règlements salésiens sur les pratiques de piété reçut, après le chapitre
général de 1965, le titre significatif : Liturgia e pratiche di pietà. La déroute viendra en 1971,
quand la vie de prière occupera toute la place donnée jusque-là aux pratiques de piété dans les
constitutions et les règlements de la Société de St François de Sales.
22. Più non si direbbero figli di D. Bosco certuni, che le pratiche religiose
considerano quale un peso insopportabile, adoperano ogni industria per esentarsene, e danno
ovunque il triste spettacolo della loro rilassatezza e indifferenza.Che strana contraddizione !
Vivono in casa religiosa, seguono in molte cose la comunità, lavorano forse anche secondo i
nostri regolamenti, ma intanto in realtà più non sono religiosi, non fanno un passo nella
perfezione, e in fine di vita si troveranno a mani vuote.(P. Albera, Sullo spirito di pietà”,
lettre citée, p. 30.)
23. Dopo tali riflessioni vi sarà ancora fra noi che vada mendicando pretesti per
sottrarsi a questa o a quella delle pratiche prescritte ?... Possibile che per attendere allo studio
non si trovi il tempo di soddisfare ai nostri doveri di pietà !... Quanto sono lungi dal compiere
bene il loro dovere quelli, che rifuggono da ogni esercizio in comune !” (P. Albera, lettre citée, p.
36.)
24. Juan E. Vecchi, Verso il giubileo : parlare con il Padre, in Bollettino salesiano,
avril 1999, p. 2.
25. St François de Sales, Sermon pour la fête de la Pentecôte, 7 juin 1620, dans
Oeuvres, t. IX, p. 318-319.

7.7 Page 67

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465
Prêtre
Le prêtre salésien doit être un autre don Bosco
Au lendemain de la première guerre mondiale, le recteur Albera crut
devoir écrire une longue lettre circulaire aux seuls prêtres de sa société sous le
titre : Don Bosco, modèle du prêtre salésien1. Le prêtre salésien doit être un
autre don Bosco”, enseignait-il en commençant. Tous ceux qui entrent dans la
société salésienne assument du fait même lobligation de vivre selon l’esprit, les
exemples et les leçons de don Bosco. Cependant, cette obligation n’a pas la même
portée pour toutes les conditions dans cette société, celles de supérieurs, de
prêtres, de clercs ou de laïcs. En effet, pensait le recteur, seul le prêtre salésien
peut faire revivre en lui-même don Bosco dans la plénitude de sa personnalité,
parce que, écrivait-il, seul le prêtre peut copier intégralement un autre prêtre. En
conséquence, il ne croyait pas exagérer de répéter à chaque prêtre de sa société :
“Le prêtre salésien doit être en tout et toujours un autre don Bosco !2
Quentendre au juste par cette ressemblance si le caractèresacerdotal
lui est à ce point déterminant ? Les questions sur l’identité sacerdotale se
multipliant avec les années, les principaux responsables salésiens ont été pressés de
définir leurs conceptions du prêtre. Nous écouterons successivement deux d’entre
eux, que Vatican II a séparés, don Albera lui-même et le recteur Viganô.
Le prêtre de don Albera, sacrificateur et purificateur
En 1921, la doctrine de don Albera sur le sacerdoce, évidemment
tridentine et fondée sur le caractère sacerdotal, était très ferme. Au jour de son
ordination, quand, par l’imposition des mains, l’évêque consécrateur lui infusa les
“bénédictions du Saint Esprit et la grâce du sacerdoce, le prêtre salésien a reçu
une empreinte tenace, ineffaçable, perpétuelle, incorruptible, qui fit de lui un
“autre homme. Ce caractère indélébile, qui pénètre profondément toutes les fibres
de son être, lui donne le droit de traiter et de manier les choses saintes, de tenir
entre ses mains la divine Victime et de l’offrir au Père Etemel ; et, simultanément,
lui confère le pouvoir déjuger et de purifier les âmes”.3 En termes plus simples et
selon la formule courante des catéchismes de l’époque, le sacrement de l’ordre
imprime chez le prêtre un caractère, qui lui donne le pouvoir de célébrer
l’eucharistie et celui de confesser.
Don Bosco voulait que ses fils prêtres comprissent bien la grandeur et la
sublimité du caractère sacerdotal et des fonctions qui en dérivent, continuait don
Albera. La “véritable action du prêtre”, celle pour laquelle il a été fait prêtre par le
sacrement de lordre, “c’est la célébration du sacrifice de la messe”, dont le
recteur ne se lassait pas de célébrer léminente grandeur. “Toutes les actions les
plus saintes accomplies ou à accomplir, toutes les prières les plus ardentes et les

7.8 Page 68

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466
plus séraphiques non seulement de lEglise militante, mais aussi de l’Eglise
triomphante, tout cela pris ensemble ne vaut pas une seule messe.4 Elle résume en
elle-même les sacrifices antiques, qui avaient rapproché l’humanité du vrai Dieu :
l’holocauste, l’offrande pacifique et la victime pour le péché. La messe est le
sacrifice de la Croix, qui se renouvelle perpétuellement pour nous ; cest
limmolation de Dieu, qui se met d’une certaine manière entre les mains du prêtre ;
cest un Dieu qui adore, un Dieu qui rend grâce, un Dieu qui apaise, un Dieu qui
implore. Et les prêtres sont de la sorte les instruments d’une multitude de
merveilles. Entre Dieu et eux le sacrifice eucharistique crée “une union que l’on
peut dire unique en son genre”, car elle n’a d’analogues que lunion hypostatique
en Jésus et celle de Marie avec le Verbe incarné.5
Au cours de sa lettre, don Albera sétendait aussi, mais du seul point de
vue du pénitent, sur le pouvoir déjuger et de purifier les âmes, autrement dit sur
le sacrement de pénitence et le pouvoir purificateur du prêtre.6 Et il ne manquait
pas den dire la puissance extraordinaire. Car ce sacrement transfuse au plus
profond l’empreinte de l’oeuvre de Dieu par excellence, qui est celle de la
rédemption. Il est donc merveilleux à la fois en soi et par son efficacité. Méditons,
écrivait le recteur, linfinie bonté et la miséricorde de Notre Seigneur Jésus
Christ, qui donne aux hommes cette merveilleuse fontaine de toute sainteté, et qui
nous communique à nous prêtres son autorité même dans lordre de la rémission
des péchés, en nous associant aussi intimement à son oeuvre rédemptrice.”7
Résumons la pensée de don Albera : l’eucharistie et le sacrement de pénitence,
que le caractère sacerdotal lui rend possibles, transportent du côté de Dieu le
prêtre à, limage de don Bosco.
La lettre du recteur voulait surtout rappeler aux siens les exigences
intellectuelles et morales d’une dignité aussi extraordinaire. Il les détaillait et les
commentait longuement, pour en arriver à ce qui lui tenait le plus à coeur. La vie
spirituelle du prêtre salésien devrait être d’abord et avant tout bâtie sur le socle
des vertus chrétiennes, qu’il énumérait consciencieusement, sans prétendre en
épuiser la liste : la foi, l’espérance, l’amour de Dieu et du prochain, la religion,
l’humilité, la mortification, la pauvreté, la chasteté, lobéissance, la justice, et
dautres et dautres encore.Entendre ces mots, écrivait-il, devrait déclencher en
chaque prêtre salésien le souvenir des exhortations et des encouragements qu’il
reçut en dautres temps à les pratiquer en toute conscience. Pour titrer un dernier
paragraphe, don Albera sexclamait à l’adresse de ses prêtres : Santifichiamoci
(sanctifions-nous) comme don Bosco8. Sa vision de la spiritualité sacerdotale était
demeurée, d’un bout à lautre de la lettre, très intimiste.
Le prêtre de Menti nostrae et de Vatican II
L’enseignement de lEglise sur le sacerdoce sapprofondit au cours du
siècle. L’exhortation apostolique de Pie XH Menti nostrae au clergé du monde
catholique sur la sainteté de la vie sacerdotale(23 septembre 1950) préféra,
pour répéter des leçons identiques à celles de don Albera, partir de lorigine même
du caractèresacerdotal. Le prêtre, qui participe de l’unique et étemel sacerdoce
du Christ, le représente sur terre et distribue aux humains les bienfaits de sa

7.9 Page 69

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467
rédemption. Le prêtre est comme un autre Christ, lisons-nous dans ce
document, parce qu’il est marqué du caractère indélébile qui fait de lui une image
vivante du Sauveur ; le prêtre représente le Christ qui disait : “Comme le Père m’a
envoyé, moi aussi, je vous envoie.” (Jean 20, 21) Qui vous écoute, mécoute
(Luc 10, 16). Préparé par l’appel divin à ce très saint ministère, il est établi pour
les hommes en ce qui regarde le culte de Dieu, afin doffrir des oblations et des
sacrifices pour les péchés” (Hébreux 5, 1). Cest à lui donc que doit aller qui veut
vivre de la vie du divin Rédempteur et recevoir force, soulagement et aliment de
l’âme ; et cest encore à lui que doit demander les remèdes opportuns celui qui
sefforce de revenir des moeurs dépravées à une vie fructueuse.9 L’eucharistie et
la pénitence étaient de la sorte bien situées dans un ministère sacerdotal enraciné
dans la personne de Jésus. Et la spiritualité de ce ministère découlait de son
excellence et de ses exigences.
Puis le concile Vatican U (1962-1965) jeta un regard critique sur l’image
du prêtre exclusivement homme des sacrements, en fait de l’eucharistie et de la
pénitence, telle que lavait dessinée, parmi tant dautres, don Albera. Le ministère
sacerdotal est esssentiellement, jugea-t-il, dordre pastoral et lié au pastorat
épiscopal. Glanons, dans un enseignement très riche épars en plusieurs documents,
quelques idées sur le sacrement de l’ordre, sur la formation et enfin sur la
spiritualité du prêtre daprès Vatican U.
Lumen gentium définit la vertu du sacrement de l’ordre” reçu par le
prêtre et, selon un ordre très étudié, les charges qui en découlent. Tout en
nayant pas la charge suprême du pontificat et tout en dépendant des évêques dans
l’exercice de leur pouvoir, les prêtres leur sont cependant unis dans la dignité
sacerdotale ; et, par la vertu du sacrement de lOrdre, à l’image du Christ prêtre
suprême et étemel (Hébreux 5, 1-10 ; 7, 24 ; 9, 11-28), ils sont consacrés pour
prêcher lEvangile, pour être les pasteurs des fidèles et pour célébrer le culte divin
en vrais prêtres du Nouveau Testament.Le texte revenait aussitôt sur ce triple
ministère. Les prêtres, participant de la charge de lunique médiateur, qui est le
Christ (1 Timothée 2, 5) annoncent à tous la Parole de Dieu. Puis, cest dans le
culte ou synaxe eucharistique que s’exerce par excellence leur charge sacrée.
Mais aussi, exerçant, pour la part d’autorité qui est la leur, la charge du Christ,
pasteur et chef, ils rassemblent la famille de Dieu, fraternité qui na quune âme,
et, par le Christ, dans lEsprit, ils la conduisent à Dieu le Père.10 L’éducation
complète du prêtre ainsi conçu, objet (YOptatam totius, tend à faire de lui un
véritable pasteur dâmes” à lexemple de Jésus, maître, prêtre et pasteur,
lappellation maîtredésignant en loccurrence l’enseignant, déclara ce
document. Le futur prêtre est donc préparé à la fois au ministère de la parole, afin
de comprendre toujours mieux la parole révélée de Dieu, de la posséder par la
méditation, de lexprimer par la bouche et par les moeurs ; au ministère du culte et
de la sanctification, pour accomplir loeuvre du salut par le sacrifice eucharistique
et par les sacrements ; et au ministère de pasteur, pour rendre présent aux hommes
le Christ, qui nest pas venu pour être servi, mais pour servir et pour donner sa
vie en rançon des multitudes(Marc 10, 45 ; et voir Jean 13, 12-17), et, devenu le
serviteur de tous, pour en gagner un plus grand nombre.11 Quant au style de vie et
donc de spiritualité des prêtres, tel que le présenta dans le même esprit le

7.10 Page 70

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468
document conciliaire sur leur ministèreet leur vie”, il pourrait, a-t-on écrit, se
résumer en trois formules clefs. Les prêtres sont les instruments vivants (viva
instrumenta) du Christ Prêtre étemel; ils acquièrent la sainteté à leur mesure
propre en exerçant leurs offices de manière sincère et inlassable dans l’Esprit du
Christ; et ils pratiquent ainsi lascèse qui convient au pasteur d’âmes”. Cétait
une manière de désigner la charité pastorale”, qui saccompagne dhumilité
obéissante (pour être instrument vivant), de chasteté (pour être en amitié intime
avec le Christ) et de pauvreté (pour être libres à l’exemple du Bon Pasteur et pour
discerner les signes de la volonté de Dieu Père). Ce style de vie exige évidemment
le recours aux moyens connus et éprouvés pour tendre à la sainteté12.
Le prêtre salésien de la fin du siècle selon le recteur Viganô
Chez les salésiens, il y a molti sacerdoti, ma poco sacerdozio(beaucoup
de prêtres, mais peu de sacerdoce), prétendaient les mauvaises langues après
Vatican IL Quant à lui, le recteur Viganô (1978-1995), imprégné de
l’enseignement de ce concile, constata, dès louverture de son mandat, que si, dans
sa congrégation, il y avait en effet beaucoup de prêtres, le sacerdoce ny
“fonctionnaitpas toujours a sufficienza”13. Pourtant, remarquait-il, le Système
Préventif propre aux salésiens est imprégné dun souffle sacerdotal”14. Et le
ministère sacerdotal occupait une place centrale dans laction de don Bosco,
comme Jean-Paul II se plut à le souligner au Valdocco même lors du centenaire de
sa mort.15 Ce recteur essaya donc de montrer aux siens comment faire
“fonctionnercorrectement un sacerdoce insuffisamment productif.
La charge qui permet au prêtre salésien dexercer authentiquement son
ministère sacerdotal est celle de directeur de communauté, expliqua-t-il
longuement, disant ainsi sa conception du sacerdoce, dominée par la fonction
pastorale”.16 Le service de directeur de la communauté et de la famille
salésienne locale est un type de ministère sacerdotal, qui a son origine dans la
grâce et les charismes pastoraux du sacrement de l’Ordre”17. Ce sacrement a lié le
prêtre au Christ et la rendu capable d’agir in persona Christi”, surtout quand il
célèbre l’eucharistie et administre les sacrements. Dieu l’a consacré pour vivre et
réaliser dans lEglise la mission et le ministère du Christ lui-même. Le Christ
ressuscité est le pasteur de son peuple, quIl mène au salut. L’originalité du
ministère du prêtre de la Nouvelle Alliance, qui a pour fonction de le représenter,
réside dans sa dimension pastorale. Pour qui est prêtre du Christ, tout devrait
être vu et guidé par cette valeur, par la préoccupation pastorale.18
Le prêtre pasteur, ministre de lEglise, homme de communion,
conducteur de la communauté des croyants, a le sens de lEglise. Il le prouve en
s’acquittant dune triple fonction ministérielle, telle que Vatican H l’a déterminée.
Cest, expliquait don Viganô avec les mots qui lui étaient familiers, en premier
lieu, le service de la Parole : la perception des valeurs de la Révélation de Dieu et
la manifestation de leur vérité salvifique ; en deuxième lieu, le service de la
sanctification : la liturgie, les fontaines de la grâce, la victoire sur le péché, la
croissance de la charité ; enfin, le service de la conduite communautaire : la
coordination pastorale, le soin de la communion et le gouvernement spirituel de la

8 Pages 71-80

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8.1 Page 71

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469
communauté19. Et le recteur de développer ses idées sur cette triple fonction dans
le cas du directeur salésien.
Le prêtre est prophète de la vérité salvifique. A ce titre il traduit la parole
de Dieu en messagedaujourdhui pour ses frères, en fonction des événements
sociaux et politiques, de leurs besoins culturels, et peut-être de leurs
désorientations idéologiques. Cela suppose de sa part un effort de méditation sur
la vie et sur les personnes concrètes avec leurs vertus et leurs défauts. Réfléchir,
lire, méditer, contempler et prier, tout cela est exigeant. Les deux canaux
médiateurs de la fonction prophétique du prêtre salésien sont, daprès le recteur :
le magistère de lEglise et le patrimoine spirituel du charisme de don Bosco. Cest
à la lumière du magistère et par la lecture du caractère propre du charisme
salésien, que le prêtre de don Bosco traduit lEvangile en message.20 Le prêtre est
maître et guide de sanctification. Or les fontaines de résurrection qui enrichissent
et dynamisent la vie sont fondamentalement au nombre de deux : leucharistie et la
pénitence. Le prêtre directeur salésien doit avoir un soin tout particulier du
sacrement de leucharistie, une eucharistie qui ne se réduit nullement à la
célébration sacramentelle, mais qui remplit toute la vie communautaire.
Leucharistie rassemble et offre à Dieu ce que nous sommes et ce que nous faisons
: nos sentiments, nos peines, notre travail, nos fatigues, les réussites et les
contre-temps. Le directeur doit aussi avoir soin, et beaucoup, de la Pénitence.
Lautocritique est indispensable à toute communauté pour découvrir ses vraies
carences et les causes de ses déviations. Et il faut donner et redonner aux siens le
sens du péché et de son existence.21 Le troisième aspect du ministère sacerdotal
est celui du soin de la communion et de la coordination pastorale. Il y aurait
beaucoup à dire sur le rôle particulier du prêtre directeur en ce domaine. Le
recteur développait ses idées à ce propos en deux directions : linsertion dans
lEglise locale et l’animation de la famille salésienne.22
En 1990, un synode des évêques sur la formation du prêtre et le cent
cinquantième anniversaire de l’ordination sacerdotale de don Bosco (1841) le
firent revenir sur le problème du prêtre salésien, en particulier sur le thème
délicatdu religieux prêtreet sur sa formation.23 Et il répéta sa doctrine
désormais bien acquise sur le ministère ordonné, institué par le Christ quand il
choisit et consacra les Douze apôtres. Les prêtres, en vertu de leur ordination
comme collaborateurs de l’épiscopat, servent la communauté par deux types
complémentaires d’activités. Ils agissent en la personne même du Christ Chef’
par le ministère de la parole, par la ritualisation sacramentelle de lunique sacrifice
pascal dans leucharistie et enfin par l’administration des sacrements du salut. Ils
agissent aussi en la personne de l’Eglise”, quils représentent devant Dieu et à
laquelle ils se dévouent pour le service de ses enfants.24
Quel que fût son champ dapostolat, en fin de siècle le prêtre de la famille
salésienne trouvait dans l’enseignement désormais séculaire de ses recteurs
successifs, intimistesous don Albera, nettement actifet pastoralsous don
Vigano, lincitation à reproduire, dans un monde changeant et selon ses propres
charismes, don Bosco, saint pasteur d’âmes et donc modèle éminent de vie
sacerdotale25. Giuseppe Quadrio (1921-1963) en était alors un exemple26.

8.2 Page 72

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470
Notes
1. P. Albera, Don Bosco modello del Sacerdote Salesiano”, Lettre aux Confratelli
Sacerdoti, 19 mars 1921, L.C., p. 388-433.
2. Il sacerdote salesiano devessere in tutto e sempre un altro Don Bosco !(Lettre
citée, p. 389).
3. “Il carattere sacerdotale, lo sappiamo, non è solo una cosa santa e salutare, ma è
tenace, incancellabile, perpetuo, incorruttibile, come il nostro spirito nel quale è impresso.
Questo carattere indelebile ci il diritto di trattare e maneggiare le cose sante, di tenere tra le
mani la Vittima divina e di offrirla all’Eterno Padre ; e, insieme ci conferisce il potere di
giudicare e purificare le anime.(Lettre citée, p. 389-390.)
4. Lazione vera del sacerdote, quella per la quale è costituito dal Sacramento
dell’Ordine, voi ben lo sapete, o miei cari, è la celebrazione del S. Sacrifizio della Messa. Tutte
le azioni più sante che si son compiute o si compiranno in avvenire, tutte le più ardenti e
serafiche preghiere non solo della Chiesa militante, ma anche di quella trionfante, tutte queste
cose prese insieme non valgono una sola Messa(Lettre citée, p. 410).
5. ... stabiliscono fra Dio e noi una unione che direi unica nel suo genere, e che trova
il suo riscontro solo nellunione ipostatica e in quella di Maria col Verbo incarnato.(Lettre
citée, p. 410.)
6. Paragraphe “Il Sacramento della Confessione, lettre citée, p. 413-417.
7. ... ci persuaderemo sempre meglio dellinfinita bontà e misericordia di N. S. Gesù
Cristo nel donare agli uomini questa fonte meravigliosa di ogni santità, e nel comunicare a noi
sacerdoti la sua stessa autorità in ordine alla remissione dei peccati, associandoci così
intimamente alla sua opera redentrice.” (Lettre citée, p. 413.)
8. Lettre citée, p. 401-431.
9. Pie XII, Menti nostrae, Introduction.
10. Lumen gentium, n. 28.
11. Daprès Optatam totius, n. 4.
12. Presbyterorum ordinis, n. 12, 13, 15-17, 18. Daprès une lecture du document par
J. Ezquerda Bifet, Presbytérat, dans le Dictionnaire de spiritualité, L XK, deuxième partie,
1986, col. 2098.
13. “Pas assez. In Congregazione cè una pericolosa crisi di sacerdozio; essa può
portare a rovinare lidentità del nostro patrimonio carismatico [... ] Anche se in Congregazione
ci sono molti preti, non sempre funziona a sufficienza il sacerdozio.(Lettre de 1982 - citée plus
bas, n. 16 -, p. 7).
14. Soffio sacerdotale. E. Viganò, Lettre aux salésiens, 15 août 1978, dans Atti 290,
p. 25.
15. E. Viganò, Lettre aux salésiens, 8 décembre 1988, dans^tó 328, p. 14.
16. E. Viganò, Lettre aux salésiens, 16 juillet 1982, Atti 306, p. 5-30.
17. ... il servizio ... è un tipo di ministero sacerdotale originato e nutrito dalla grazia
e dai carismi pastorali del sacramento dellOrdine(Lettre citée, p. 8.)
18. Per chi è sacerdote di Cristo tutto dovrebbe essere visto e guidato da questo valore,
dalla preoccupazione pastorale.(Lettre citée, p. 9.)
19. “In primo luogo, il servizio della Parola, la percezione dei valori della Rivelazione
di Dio e la manifestazione della loro verità salvifica. In secondo luogo, il servizio della
Santificazione : la liturgia, le fonti della grazia, il superamento del peccato, la crescita nella
carità. Infine, il servizio della Conduzione comunitaria : il coordinamento pastorale, la cura della
comunione, il governo spirituale della Comunità.(Lettre citée, p. 13.)
20. Lettre citée, p. 14-20.
21. Lettre citée, p. 20-26.
22. Lettre citée, p. 26-28.
23. E. Viganò, Ci sta a cuore il Prete del Duemila, Lettre aux salésiens, 8 décembre
1990, dans?ltó 335, p. 3-40.

8.3 Page 73

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471
24. Même lettre citée, p. 17. Quelques années plus tôt, la Ratio fundamentalis
salésienne avait décrit le prêtre de la Société dans lesprit du recteur Viganô. Le prêtre salésien,
enseignait-elle, éducateur et pasteur, considère son sacerdoce comme indispensable à sa mission,
vit la communion apostolique dans sa congrégation, témoigne des conseils évangéliques, sinsère
dans lEglise particulière et lEglise universelle, fait preuve de charité pastorale au service des
jeunes et du peuple et enfin s’efforce de sadapter à un contexte toujours nouveau. {La
formazione dei Salesiani di Don Bosco. Ratio fundamentalis institutionis et studiorum , Rome,
1985, n. 45-50, p. 62-63.)
25. “H Cooperatore sacerdote o diacono secolare attua il proprio ministero ispirandosi
a Don Bosco, modello eminente di vita sacerdotale{Regolamento di Vita Apostolica, art. 4, §
3). - Pour développer la question de la spiritualité du prètte après Vatican n, voir éventuellement
l’ouvrage du salésien Agostino Favale, I Presbiteri. Identità, missione, spiritualità e formazione
permanente, Leumann, Elle Di Ci, 1999, en particulier sa troisième partie (p.243-340),
justement intitulée : Spiritualità.
26. E. Valentini, Don Giuseppe Quadrio, modello di spirito sacerdotale (coll. Spirito
e vita, 6), Rome, LAS, 1980 ; M. Codi, Il prete dal sorriso di fanciullo. Vita del Servo di Dio
don Giuseppe Quadrio, Sacerdote Salesiano (1921-1963), Rome, LAS, 1998.

8.4 Page 74

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472
Prière
De la nécessité de la prière
On ne saurait assez parler de loraison puisqu’elle est l’action la plus
importante de toute la vie des chrétiens, lisons-nous sous la plume de
Jean-Jacques Olier1. Mais cétait en d’autres temps. Quen pense de nos jours le
disciple de don Bosco, pour qui laction l’emporte apparemment sur la “vie
intérieurechère au fondateur de la Société de Saint-Sulpice, auteur de cette
sentence ? Laction fiévreuse ne dispense-t-elle pas de la prière ? Les gens
toujours occupés, dont la charité industrieuse remplit les journées, sont prêts à le
croire. Us nont pas le temps de prier. Le recteur Viganô, héraut de laction
pastorale salésienne, voulut mettre les choses au point. Sans la prière, déclara-t-il
non sans emphase, dans une lettre de mise en garde contre certains excès
charismatiques, nulle synthèse nest possible entre la foi et la vie. Et, sans elle, il
nest pour nous, salésiens, ni “réciprocité(active !) entre évangélisation et
éducation, ni unité entre consécration et profession (métier), ni cohérence entre
intériorité et activité. En termes moins abstraits, sans le souffle intérieur de la
prière, le travail ne sanctifie pas, la compétence humaine ne témoigne pas de
lEvangile, les engagements éducatifs nont rien de pastoral et la vie quotidienne
nest pas authentiquement religieuse. Ces affirmations peuvent paraître excessives,
poursuivait le recteur, au moins “mettent-elles le doigt sur une plaiepossible du
disciple de don Bosco dans un monde sécularisé. Car, dans la cité séculière la
prière est dévaluée, lagir mène à l’oubli de lêtre”.2
Pour exhorter ses disciples à la prière, don Viganô invoquait l’autorité de
don Bosco dans son introduction de 1885 aux constitutions salésiennes :
Lhistoire de lEglise nous enseigne que tous les Ordres et toutes les
congrégations religieuses ont fleuri et ont procuré le bien de la religion tant que la
piété sy est maintenue en vigueur ; et qu’au contraire nous en avons vu déchoir
un bon nombre et dautres cesser d’exister. Mais quand, demanderez-vous ?
Quand l’esprit de piété saffaiblit et que chaque membre se mit à penser à ses
propres affaires, non pas à celles de Jésus Christ(Philippiens 2, 21), comme saint
Paul le déplorait déjà chez certains chrétiens.3 La prière qui, associant à l’action
de la créature le Christ, être de prière, donne à Dieu Père la place qui lui revient,
devrait imprégner toute la journée du disciple de don Bosco.
Esprit de prière, oraison vitale et liturgie de la vie
Les salésiennes ouvrent leur chapitre constitutionnel Notre prièrepar la
considération : Parce que nous sommes, par grâce, enfants adoptifs de Dieu,
l’Esprit Saint prie en nous, intercède avec insistance pour nous(cfr Romains 8,
26) et nous invite à nous ouvrir à Lui afin que - par notre voix - Il puisse louer le
Père et L’invoquer pour le salut du monde”4. L’esprit de prière, fruit de la grâce

8.5 Page 75

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473
divine, attitude de lâme habituellement tournée vers Dieu et unie à Lui, qui
éprouve de la sorte le goût et le désir de prier, est naturel au véritable disciple de
don Bosco. Don Bosco lui-même l’avait admiré à un rare degré, d’abord chez
saint Louis de Gonzague, puis chez ses élèves Dominique Savio et Francesco
Besucco5. De Dominique Savio, modèle spirituel de ses enfants, il avait noté que
“son innocence, son amour de Dieu et son désir du ciel avaient transporté son
esprit au point qu’on pouvait le dire absorbé habituellement en Dieu”6. Les
élévations pieuses au cours des journées (oraisons jaculatoires dans son
vocabulaire) peuvent créer dans l’âme cet état d’oraison permanente, transformant
en prières chacun des actes produits pour l’amour du Seigneur. François de Sales
appelait oraison vitale” ce type de comportement : “Toutes les actions de ceux
qui vivent en la crainte de Dieu sont de continuelles prières, et cela se nomme
oraison vitale. Et il en donnait pour exemples : l’abstinence mortifiée, laumône,
la visite des malades et “toutes telles bonnes oeuvres”7.
Esprit de prière ou oraison vitale, peu importe : le disciple de François de
Sales et de don Bosco, qui vit comme eux dans la foi et la charité, associe oraison
habituelle et action quotidienne. Docile à l’action de l’Esprit saint, il persévère
dans la prière, comme faisait la Vierge Marie, afin d’intensifier son union à Dieu
et daccueillir en soi le Christ présent dans ses frères et dans toute réalité, comme
y invitent les constitutions des filles de Marie auxiliatrice.8 H pratique la “liturgie
de la vie, selon une expression apparue dans le monde salésien avec le chapitre
général spécial de 1971-19729. Quant à elles, les salésiennes assurent que
l’adhésion au “da mihi animas, source dénergies toujours nouvelles, le silence
qui fait attention à l’Esprit, les invocations brèves et fréquentes” transforment
leurs journées en une liturgie simple et joyeuse, louange incessante au Père.10
La prière du corps
La prière salésienne des origines, aliment de cet esprit, était
exclusivement vocale. Cétait, dans les oratoires et internats de la société de St
François de Sales et de l’institut des filles de Marie auxiliatrice, les prières du
matin et du soir obligatoires pour tous, élèves et religieux, le chapelet journalier,
les prières avant et après les principales actions du jour, l’angélus trois fois dans la
journée, les prières de lexercice de la bonne mort, et quelques autres. Le Giovane
proweduto ou la Figlia proweduta procuraient les formules, y compris, au moins
pour la langue italienne, celles de cantiques inlassablement répétées. Les disciples
de don Bosco peinaient à loraison seulement mentale. Ce saint fondateur de
congrégations religieuses, qui n’en disait pas un mot dans ses constitutions
primitives, pratiquait sous le titre de méditationune lecture spirituelle méditée.
Mais regardez-le prier à genoux, le corps droit, sans appuis pour les coudes ; ou
bien imaginez don Rua, son émule, en action de grâces après sa messe, un
mouchoir appuyé sur les yeux fatigués et dialoguant bruyamment avec le Seigneur.
Leur prière était à lévidence à la fois intérieure et corporelle. La prière vocale et
la tenue du corps exprimaient ou alimentaient chez eux la prière secrète de l’âme.
Le lecteur contemporain du traité de saint Athanase sur l’harmonie et
l’ordre de nos fonctions corporelles apprend, probablement avec quelque surprise,

8.6 Page 76

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474
que nous avons reçu des mains, non seulement pour faire ce qui doit être fait,
mais également “pour les étendre vers Dieu dans la prière.11 La prière chrétienne
du temps de don Bosco était, notamment dans son pays, très gestuelle. Les
chrétiens se courbaient, se signaient deau bénite, touchaient les châsses de saints,
joignaient les mains, se précipitaient à genoux, tournaient leurs regards vers le ciel,
chantaient des cantiques, parlaient à haute voix à Dieu et à Marie, parfois se
prosternaient front contre terre. En processions colorées et occasionnellement
dramatisées, ils promenaient dans les villes et les campagnes leurs statues et leurs
bannières préférées. C’étaient leurs prières corporelles. Les génuflexions et les
agenouillements exprimaient leur respect du sacré et leur adoration de Dieu, les
signes de croix leur appartenance à la société chrétienne, les ostensions leur
vénération des images et des reliques, les mains jointes et les cierges allumés leurs
offrandes, leurs désirs et leurs implorations, les yeux levés leur attention à Dieu,
les fronts baissés de l’élévation leur foi en la présence réelle au cours de la
célébration eucharistique, et les cantiques un peu tout cela. Les corps priaient, plus
ou moins bien du reste.
Ce peuple honore Dieu des mains et des lèvres, mais son coeur est loin
de Lui,” estimaient divers sages, qui avaient lu la Bible. Qui médit de cette
gestuelle devrait dabord se souvenir de la permanence de lintention dans les
attitudes, les formules stéréotypées et les chants mécanisés de ces chrétiens. Or
lintention vient bien du “coeur. Le plus souvent, les pauvres de ce monde ne
disposent pas dautres instruments pour tenter de sélever vers Dieu. De quel droit
les condamner ?
La prière salésienne, simple et populaire, a continué dassocier le coeur et
le corps. On imagine sans beaucoup de peine les formes quelle a pu légitimement
prendre dans les cultures elle sest insérée. La réserve naturelle aux pays
nordiques ne convient guère à l’Afrique noire volontiers dansante, non plus qu’aux
populations démonstratives dAmérique latine. A chaque peuple, ses charismes et
sa manière de les exploiter, y compris dans la prière salésienne.
La formation souhaitable à la prière
De toute façon, la famille salésienne adapte sa prière à un monde qui
change.12 Cette prière ne craint plus la créativité, à condition de demeurer de bon
aloi. La prière des religieux est ainsi devenue à la fin du vingtième siècle beaucoup
plus liturgiquequau temps de don Bosco et de mère Mazzarello. Ds ne se
contentent plus dassister à la messe en récitant leur rosaire, ils y participent. Leur
prière régulière continue de se mouler dans un certain nombre dexercices
ponctuant leurs journées, leurs semaines et leurs mois : la méditation et la lecture
spirituelle quotidiennes, le chapelet, l’eucharistie, l’examen de conscience, le
sacrement de pénitence, la récollection mensuelle, la retraite annuelle, et
éventuellement quelques autres13. Mais la réforme constitutionnelle qui suivit
Vatican II y a introduit une nouveauté importante avec une liturgie des Heuresà
peu près inconnue jusque-là des salésiens coadjuteurs et des filles de Marie
auxiliatrice, à l’exception toutefois du Petit office de la sainte Vierge. La liturgie
des Heures sanctifie communautairement leurs journées et se substitue aux prières

8.7 Page 77

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415
du matin et du soir autrefois communes aux enfants et à leurs maîtres. Les
communautés salésiennes sassocient de la sorte à la prière de la sainte Eglise. La
prière de Règle y a gagné en qualité. Les salésiennes, qui, précédemment, suivaient
une méthode assez curieuse de sanctification du temps14, remarquent aujourdhui :
“Par son incarnation, le Fils de Dieu est entré dans l’histoire et transforme chaque
heure en temps de salut. Unie à Lui, lEglise prolonge sa louange, son action de
grâce et sa supplication au Père. Par notre participation à cette prière nous
devenons, dans le Christ, voix de tous les hommes. Nous célébrerons ensemble la
prière des Laudes et des Vêpres, moments forts de la liturgie des Heures, qui
sanctifie toute notre journée et nourrit notre prière personnelle et
communautaire.15
Il est vrai que cette prière liturgique nest pas des plus simples. Mais le
salésien se rappelle que, don de Dieu, la prière chrétienne est aussi le fait dun
apprentissage. Le maître suprême est certes l’Esprit Saint, présent en nous et qui,
du fond de notre coeur, sécrie : Abba ! Père !16 Toutefois, lEsprit réclame de
nous, personnes libres, la collaboration de notre effort, et, en conséquence, une
pédagogie est ici bien utile. Une formation un peu poussée à la prière requiert une
initiation, soit à ses éléments fondamentaux, tels que la Bible, la liturgie, la
théologie ou la spiritualité, soit surtout à certaines conditions décisives, comme la
purification du coeur, labnégation, la paix intérieure et particulièrement le silence
de tout l’être”, qui nest pas la simple absence de bruit et de paroles, mais le
besoin de progresser dans l’intimité de Dieu souverainement aimé.
Ne compliquons cependant pas un geste au fond très simple. Le membre
de la famille salésienne cultive, avec l’esprit de prière, la prière elle-même, faite
non de cogitations de lesprit, mais bien de communion du coeur. La prière est un
dialogue damour avec quelquun dont nous savons quil nous aime. Elle consiste
à se mettre, avec une foi toute unie, en la présence de Dieu Père ou du Christ
ressuscité, à écouter leur parole, à sen laisser pénétrer, à chercher la volonté du
Seigneur pour sy conformer toujours davantage. Réflexions plus ou moins
profondes, formules stéréotypées ou élaborées et gestes priants traditionnels ou
pas, n’ont finalement pas dautres raisons dêtre. Nulle prière ne l’emportera
jamais sur le Notre Père que Jésus nous enseigna.17
Notes
1. J. J. Olier, Catéchisme chrétien pour la vie intérieure, 1656, cité par G. Chaillot,
Monsieur Olier, coll. Cahiers sur l'oraison, Troussures, Editions du Feu nouveau, 1998, p. 5.
2. Nella città secolare la preghiera è svalutata, l’agire porta a dimenticare l’essere”
(E. Viganò. Carisma e preghiera, Lettre aux salésiens, 15 août 1991, dansait; 338, p. 3-37.)
3. La storia ecclesiastica ci ammaestra che tutti gli Ordini e tutte le Congregazioni
religiose fiorirono e promossero il bene della religione fino tanto che la pietà si mantenne in
vigore tra loro ; e al contrario ne abbiamo veduti non pochi a decadere, altri a cessare di esistere,
ma quando ? Quando si rallentò lo spirito di pietà, e ciascun membro si diede a pensare alle
cose sue, non a quelle di Gesù Cristo(Fil 2, 21), come di alcuni cristiani già lamentava San

8.8 Page 78

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476
Paolo.(“Introduzioneaux Regole o Costituzioni della Società di S. Francesco di Sales, Turin,
1885).
4. Per la grazia della nostra adozione a figli lo Spirito Santo prega in noi, intercede
con insistenza per noi (cfr Rom. 8, 26) e ci invita a dargli spazio perchè possa - attraverso la
nostra voce - lodare il Padre e invocarlo per la salvezza del mondo.(Constitutions FMA chap.
La nostra preghiera”, art. 37.)
5. Voir larticle ou le chapitre sur le “spirito di preghiera, dans G. Bosco, Vita del
giovanetto Savio Domenico ... , Turin, 1859, chap. 13, p. 62 ; et II Pastorello delle Alpi ... ,
Turin, 1864, chap. 22, p. 113-119.
6. Linnocenza della vita, l’amor verso Dio, il desiderio delle cose celesti avevano
portato la mente di Domenico a tale stato che si poteva dire abitualmente assorto in Dio”. (G.
Bosco, Vita ... citée, p. 97.)
7. St François de Sales, Sermon pour le dimanche de la Passion, 5 avril 1615, dans
Oeuvres, t IX, p. 61-62.
8. Voir Constitutions FMA, art. 37.
9. Cfr CGS, n. 532-537.
10. L’impegno del Da mihi animas, fonte di sempre nuove energie, il silenzio che
si & attenzione allo Spirito, le invocazioni brevi e frequenti faranno della nostra giornata una
liturgia vissuta in semplicità e letizia come “lode pereimeal Padre.” (Constitutions FMA art.
48.)
11. Cfr Athanase d’Alexandrie, Oratio ad gentes, 4. Je minspire dans ces deux
alinéas de larticle de Simon Tugwell, op, Le corps dans la prière, dans la Vie spirituelle, n.
605, nov.-déc. 1974, p. 879-886. Cet auteur ma fourni la citation de saint Athanase.
12. Thèse du chapitre général spécial des salésiens. Voir La preghiera in un mondo
che cambia, CGS, n. 517.
13. Notre recueil a loccasion de disserter (modestement) sur la quasi-totalité de ces
exercices. Voir les mots correspondants.
14. Voir leur Libro delle preghiere e delle pratiche di pietà ad uso delle Figlie di
Maria Ausiliatrice, Torino, Tipografia Scuole Profess. Salesiane, 1932, p. 5-64.
15. “Il Figlio di Dio con la sua incarnazione è entrato nella storia, facendo di ogni ora
un tempo di salvezza. Unita a Lui la Chiesa ne prolunga la lode, il ringraziamento e la supplica
al Padre. Partecipi di questa preghiera, che in Cristo ci fa la voce di tutta lumanità, celebreremo
insieme la preghiera di Lodi e di Vespro, momenti forti della Liturgia delle Ore, che santifica
lintera giornata e diviene alimento della preghiera personale e comunitaria.(Constitutions
FMA art. 42.)
16. Galates 4, 6.
17. On retrouvera dans ces deux alinéas, parfois traduits mot pour mot, quelques
phrases du paragraphe du chapitre général salésien de 1971-1972, intitulé Formazione alla
preghiera(CGS n. 551-552). - Considérations abondantes de don Egidio Viganò sur le
renouveaude la prière salésienne dans sa lettre citée Carisma e preghiera, 15 août 1991, A tti
338, p. 20-34.

8.9 Page 79

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477
Promotion humaine
La promotion humaine
Comme plusieurs autres mots-clefs de la spiritualité salésienne, tels que
charisme, consécration ou inculturation, le terme promotion, le plus souvent
accolé à ladjectif humaine”, a fait son apparition dans le vocabulaire officiel de la
famille au début des années 1970. Quelque temps auparavant Vatican n lavait
introduit dans le langage courant de l’Eglise.
Le contexte immédiat de l’expression du concile nous aide à ne pas trop
errer sur le sens à lui donner. Quentendre en effet par promotion, vocable pour
beaucoup soit scolaire, soit commercial ? La constitution pastorale Gaudium et
spes disait, au fil dun paragraphe sur l’activité humaine(humana navitas) : De
même quelle procède de l’homme, lactivité humaine lui est ordonnée. De fait, par
son action, l’homme ne transforme pas seulement les choses et la société, il se
parfait lui-même. Il apprend bien des choses, il développe ses facultés, il sort de
lui-même et se dépasse. Cet essor, bien conduit, est dun tout autre prix que
l’accumulation possible de richesses extérieures. L’homme vaut plus par ce qu’il
est que par ce quil a1. De même, tout ce que font les hommes pour faire régner
plus de justice, pour une fraternité plus étendue, pour un ordre plus humain dans
les rapports sociaux, dépasse en valeur les progrès techniques. Car ceux-ci
peuvent bien fournir la base matérielle de la promotion humaine, ils sont tout à fait
impuissants, par eux seuls, à la réaliser.2 Déduisons que, daprès le concile, le
progrès (ou l’essor) de lhomme comme tel, avec les qualités desprit et de corps
ainsi développées (ce qu’il est) est bien différent de l’accumulation progressive de
ses richesses et au progrès de ses techniques (ce quil a ou dont il dispose).
Traduire “promotionpar progrèssemble donc équitable. Lhomme de la
promotion humainen’étant pas toute lespèce humaine, mais l’individu dans
lhumanité, oeuvrer à la promotion humainerevient à concourir au progrès des
personnes comme personnesdans le monde.
Or quest-ce qu’éduquer, tâche primaire du salésien, sinon aider à grandir
et à progresser ? La promotion humaine intéresse à la fois l’apostolat salésien et la
spiritualité salésienne.
Une promotion humaine intégrale
En 1971, le chapitre général spécial des salésiens s’est demandé comment
exprimer la mission salésienne de salutauprès de la jeunesse. Après avoir hésité
devant le mot évangélisation, qui, remarquait-il, prend dans le langage ordinaire
le sens étroit dannonce pour éveiller le premier acte de foi, il a finalement opté
pour deux expressions complémentaires. La mission salésienne de salut prend une
double forme, a-t-il jugé, qui est de promotion intégrale chrétienne” et

8.10 Page 80

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478
déducation libératrice chrétienne. Et il commenta la première formule dans les
termes suivants . Promotion intégrale chrétienne. “Promotionindique le
processus de développement de la personne ; “intégraledésigne toute lampleur
de ce processus, jusquà la filiation divine et à la sainteté ; chrétienneindique
que la source ou l’énergie animatrice de ce processus est la charité même du
Christ.”3 Laxiome de don Bosco : Donnez-moi des âmes et prenez le reste,
pourrait faire craindre chez lui un système éducatif orienté vers le seul salut
étemel. D aurait ainsi négligé l’humain, le trop humain. Ce nest pas le cas,
enseignait le chapitre. Le “processus de développement personnelque ses
disciples assument est intégralen même temps que “chrétien. Les intentions de
don Bosco qui, en son temps, avait voulu former de “bons chrétiens et dhonnêtes
citoyens, avait souhaité simultanément à ses jeunes la santé, la sagesse et la
sainteté(les trois S) et leur avait proposé un style de vie unissant “lallégresse, la
sagesse et la sainteté, étaient respectées par la formule promotion intégrale,
surtout jointe à celle d’éducation libératrice”, qui l’éclairait opportunément4. Les
constitutions de 1984 ont ainsi pu concentrer le programme apostolique salésien
dans lunique formule promotion intégrale de l’homme, désormais bien
comprise.5
Toute la méthode éducative salésienne en tient soigneusement compte.
Lécole promeut le développement intégral du jeune6. Les oeuvres et les
activités tentent de promouvoir l’éducation humaineen même temps que
chrétiennedes jeunes7. Ces jeunes sont abordés tels quils sont, “au point se
trouve leur liberté. Et leurs éducateurs les accompagnent dans la maturation en
eux-mêmes de solides convictions, afin d’être progressivement rendus
responsables du délicat processus de croissance de leur humanité dans la foi8. Les
éducateurs salésiens forment les jeunes travailleurs de leurs centres pour un avenir
correct et, simultanément, les conscientisent sur leur rôle dans la transformation
chrétienne de la vie sociale”, autrement dit, dans le progrès ou la promotion de
cette vie sociale en fonction de l’Evangile.9
Le souci salésien de promotion humaine, nullement réservé aux seuls
jeunes, sétend aux adultes, surtout des milieux populaires auxquels le salésien est
aussi voué. D’après les nouveaux règlements, les responsables salésiens de
paroisses, que le seul “spirituelnabsorbe donc pas, intègrent évangélisation et
promotion humaine10. Et les constitutions salésiennes rénovées ont entraîné les
religieux sur cette voie difficile, au moins quand elle est prise au sérieux. Lisons :
L’engagement prioritaire pour les jeunes pauvres sharmonise avec l’action
pastorale dans les milieux populaires. Nous reconnaissons les valeurs évangéliques
dont ils sont porteurs et le besoin quils ont d’être accompagnés dans leur effort
de promotion humaine et de croissance dans la foi. Nous les soutenons par
conséquent avec tous les moyens qu’inspire la charité chrétienne.11 Les
conséquences de pareil soutien” dans leffort de promotion humaine des humbles
peuvent être graves pour des religieux du tiers et du quart-monde. la
religionétait de toute évidence un facteur de résignation à l’ordre des choses,
elle apparaît désormais comme un facteur d’insurrection contre le désordre
établi” et un moteur de transformation des structures productrices de
sous-développement et de pauvreté. La religionne sidentifie plus à la

9 Pages 81-90

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9.1 Page 81

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479
résignation, mais à la “libération. A défendre les faibles, fût-ce par charité, les
religieux, y compris les religieux salésiens, saliènent les puissants et exposent leur
sécurité, sinon leur vie même. Lhistoire contemporaine du Brésil (question
agraire, question indienne) et du Chili (après le coup de force anti - Salvador
Allende) en a témoigné.
Promotion humaine par la formation aux valeurs
L’éducateur fidèle à don Bosco forme aux valeursmorales, qui ornent
lhomme libre, dont la promotion humaine a été réussie12. Dans un discours
prononcé à luniversité salésienne de Rome, après avoir rappelé que les universités
ecclésiastiques ont pour mission de formuler une synthèse vitale entre les sciences
et les pratiques humaines dune part, et les valeurs religieuses dautre part, de
manière que la culture tout entière sen trouve imprégnée et unifiée”, Jean-Paul II
continuait : Je voudrais vous faire remarquer que votre université se trouve dans
une situation particulièrement privilégiée face à une telle tâche. En effet, sa
caractéristique propre est de bénéficier du charisme de saint Jean Bosco, la
promotion de l’homme intégral, autrement dit la formation intellectuelle, morale et
sociale de la jeunesse, réalisée à la lumière de lEvangile.”13
Un verset de la lettre de saint Paul aux Philippiens proposé en première
lecture de l’eucharistie pour la fête liturgique de saint Jean Bosco aligne
quelques-unes de ces valeurs : Tout ce quil y a de vrai, de noble, de juste, de
pur, d’aimable, tout ce qu’il peut y avoir de bon dans la vertu et la louange
humaines, tout cela, prenez-le à votre compte.Et le texte poursuit
opportunément : “Ce que vous avez appris et reçu, ce que vous avez vu et
entendu de moi, mettez-le en pratique.”14 Léducateur salésien promeut l’enfant et
l’adolescent, si possible très haut. La promotion humaine intégrale qu’il cherche à
mettre en oeuvre vise à construire en eux des personnalités équlibrées, fortes et
libres, qui aiment le vrai, le noble, le pur et le juste. Le disciple de notre saint
éduque à l’amour de la vérité, à la loyauté, au respect de toute personne, au sens
de la justice, à la fidélité à la parole donnée, à la véritable compassion, à la
cohérence, à l’équilibre du jugement et du comportement. La maturité affective du
jeune est l’aboutissement dune éducation à l’amour vrai et responsable.15
L’entreprise est difficile. Jean-Paul II en convenait lors du centenaire de la
mort de don Bosco. L’éducation, qui, selon la méthode de don Bosco, favorise
une interaction originale entre lévangélisation et la promotion humaine, requiert
du coeur et de l’esprit de l’éducateur des qualités précises : la possession d’une
sensibilité pédagogique, ladoption d’une attitude à la fois paternelle et maternelle,
la mise en valeur systématique de ce qui contribue à la croissance de l’individu et
du groupe, selon un projet de formation qui unisse sagement mais avec vigueur la
finalité éducative et la volonté de rechercher les moyens les plus idoines pour
l’atteindre.16

9.2 Page 82

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480
Promotion humaine et “nouvelle évangélisation
La campagne du pape Jean-Paul II en faveur dune nouvelle
évangélisationa retenti en fin de siècle sur le programme salésien de promotion
humaine, surtout en Amérique latine. En 1992, le recteur Viganò sest en effet
attaché à tirer quelques conséquences de sa participation à l’assemblée épiscopale
de Saint Domingue convoquée par le pape sur la nouvelle évangélisation, la
promotion humaine fut très à lhonneur (12-28 octobre 1992)17.
Une nouvelle évangélisation pour une nouvelle culture”, c’était le thème
initialement prévu pour lassemblée. Le pape, expliquait le recteur, en avait fait
modifier le titre pour y introduire la promotion humaine. Il devint finalement :
Nouvelle Evangélisation. Promotion humaine. Culture chrétienne : Jésus Christ
hier, aujourdhui et toujours (Hébreux 13, 8). Simultanément, la nouvelle
évangélisation “catéchise, promeut” et inculture, voulut-on dire désormais. En
dautres termes, lapôtre est invité à évangéliser non seulement en catéchisant”,
en inculturant, mais aussi en promouvant, formule qui résonnait bien à l’oreille
du salésien invité depuis plusieurs années à éduquer en évangélisantet à
évangéliser en éduquant. Le chemin du Christ et de lEglise est décidément
lhomme, non pas lêtre humain anonyme ou abstrait, mais l’homme situé, qui vit
dans le temps avec ses problèmes, dans la culture qui le caractérise et sur le
territoire de son existence. Si la nouvelle évangélisation, dont lEglise
contemporaine parlait tellement, ne concernait pas, au nom du Christ, la
promotion humaine et l’inculturation, elle se révélerait inauthentique et ne
parviendrait pas à faire de la foi une énergie de lhistoire.
L’oeuvre de promotion affronte en Amérique latine une série de défis,
estima l’assemblée de Saint Domingue, qui les condensa sous dix titres : droits de
lhomme, écologie, la terre don de Dieu, l’appauvrissement et la solidarité, le
travail, la mobilité des hommes, lordre démocratique, le nouvel ordre
économique, lintégration latinoaméricaine, enfin la famille et la vie. Il faudrait
pénétrer dévangile les solutions de ces problèmes, déclara-t-il. Don Viganò
énumérait les défis sans les commenter18. Selon le document final, la promotion
humaine est une dimension privilégiée de la nouvelle évangélisation.”19 Il
remarquait : Labsence de cohérence entre la foi professée et la vie quotidienne
est lune des nombreuses causes qui engendrent la pauvreté dans nos pays, parce
que les chrétiens n’ont pas été capables de trouver dans leur foi la force nécessaire
pour linscrire dans les critères et les décisions des secteurs chargés de la conduite
spirituelle et de l’organisation de la vie sociale, économique et politique de nos
peuples.”20 Les apôtres salésiens du continent (et dailleurs) étaient invités à
réfléchir sur leurs responsabilités.
En cours dassemblée, la commission de léducation (dont le recteur fit
partie) releva que le chemin concret de cette évangélisation est léducation
elle-même, médiation méthodologique pour lévangélisation de la culture”21 ;
mais aussi léducation permanente, en tant qu’instrument de promotion humaine.
Car léducation nest pas seulement un problème denfants et de jeunes gens, elle
impose Yaggiornamento constant des adultes face aux multiples nouveautés du
temps. Dans ces conditions, les priorités définies à Saint Domingue furent au

9.3 Page 83

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481
nombre de trois, la première sur la catéchisation, la deuxième sur l’inculturation et
la troisième sur la promotion. Et cette troisième priorité réclama une
évangélisation orientée vers la promotion intégrale du peuple, à partir des pauvres
et pour les pauvres, au service de la vie et de la famille”.22
Le recteur faisait siennes, en particulier dans le secteur de léducation, les
orientations pastorales de l’assemblée, quil étendait à toute la famille salésienne.
Entre autres : soin de la maturation affective et de laccompagnement spirituel des
adolescents, cohérence entre la foi et la vie pour promouvoir la justice, la
solidarité et une nouvelle culture de la vie”, célébration rénovée de la foi,
ouverture aux adolescents et aux jeunes gens d’espaces de participation à la vie de
lEglise, etc.23 Les membres de la famille salésienne contribueraient ainsi dans la
mesure de leurs moyens à la promotion humaine intégrale de la jeunesse et du
monde.
Notes
1. Magis valet homo propter id quod est quam propter id quod habet” (Paul VI,
Allocution au Cotps diplomatique, 7 janvier 1965 ; dans Acta Apostolicae Sedis 57 (1965), p.
232.)
2. Gaudium et spes, n. 35, § 1:
3. Promozione integrale cristiana. “Promozione” indica il processo di sviluppo della
persona ; integraleindica tutto larco di questo processo, fino alla figliolanza divina e alla
santità ; cristianaindica che la fonte e lenergia che animerà tutto il processo è la stessa carità
di Cristo. (CGS, n. 61.)
4. Observations du CG21, n. 81 ; et dE. Viganò,”Il progetto educativo salesiano,
Lettre aux salésiens, 15 août 1978, dans^tn 290, p. 27.
5. Educhiamo ed evangelizziamo secondo un progetto di promozione integrale
dell’uomo, orientato a Cristo, uomo perfetto.(Constitutions SDB, art. 31.)
6. La scuola salesiana promuove lo sviluppo integrale del giovane(Règlements
généraux SDB, art. 13.)
7. ... attraverso attività e opere in cui ci è possibile promuovere leducazione umana e
cristiana dei giovani. (Constitutions SDB, art 42.).
8. Li accompagniamo perchè maturino solide convinzioni e siano progressivamente
responsabili nel delicato processo di crescità della loro umanità nella fede.(Constitutions SDB,
art. 38.)
9. “... renderli idonei ad occupare con dignità il loro posto nella società e nella Chiesa
e a prendere coscienza del loro ruolo in vista della trasformazione cristiana della vita sociale”
(Constitutions SDB, art. 27.)
10. Curi lintegrazione di evangelizzazione e promozione umana.” (Règlements SDB,
art. 26.)
11. Limpegno prioritario per i giovani poveri si armonizza con lazione pastorale
verso i ceti popolari. Riconosciamo i valori evangelici di cui sono portatori e il bisogno che
hanno di essere accompagnati nello sforzo di promozione umana e di crescita nella fede. Li
sosteniamo quindi con tutti quei mezzi che la carità cristiana inspira.” (Constitutions SDB, art.
29.)
12. Nous sommes au centre de son système préventif, enseignait le recteur Viganô
dans une étrenne spirituelle pour sa famille à la veille de sa mort. Voir son commentaire
Chiamati alla libertà (Gal. 5, 13), riscopriamo il sistema preventivo educando i giovani ai
valori’’. Strenna 1995, Istituto Figlie di Maria Ausiliatrice, 31 décembre 1994.

9.4 Page 84

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482
13. Jean-Paul II à l’Université Pontificale Salésienne, 31 janvier 1981, d’après
YOsservatore Romano, 2-3 février 1981.
14. Philippiens, 4, 8-9.
15. Observations partiellement empruntées à Jean-Paul II, Pastorem dabo vobis, 25
mars 1992, n. 43-44, au cours d’un paragraphe sur la formation humaine, fondement de toute la
formation sacerdotale.
16. Jean-Paul II, lettre pour le centenaire de la mort de don Bosco, luvenum Patris, 31
janvier 1988, n. 17.
17. E. Viganò, “Un messaggio ecclesiale di nuova evangelizzazione, Lettre aux
salésiens, 12 décembre 1992, yltó 343, p. 3-33.
18. E. Viganò, lettre citée, p. 13.
19. Assemblée de Saint-Domingue, document conclusif chap. Il, titre de la première
partie.
20. Même document conclusif, n. 161.
21. Même document conclusif, n. 271.
22. E. Viganò, lettre citée, p. 19.
23. E. Viganò, lettre citée, p. 22-24.

9.5 Page 85

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483
Raison
La raison dans la spiritualité salésienne des origines
L’entrée de la raisondans l’idéologie salésienne peut paraître, de prime
abord, pour le moins inattendue. Don Bosco et ses premiers disciples ne
sintéressaient guère (pas assez ?) à la philosophie. Dans les questions religieuses,
ils se méfiaient de la raison orgueilleuse. Le modernisme du début du vingtième
siècle ne les tenta pas. Entre les raisonsdes savants et les allégations dune foi
catholique, qu’il croyait dictée par la Bible, don Bosco nhésita jamais une
seconde. Peu lui importaient les objections des astronomes et des physiciens à
l’arrêt de la course du soleil par Josué ou à l’enlèvement au ciel dElie sur un char
tiré par des chevaux de feu. Il était écrit au livre de Josué : Et le soleil sarrêta et
la lune se tint immobile, jusquà ce que le peuple eût tiré vengeance de ses
ennemis.” (Josué 10, 13); et au deuxième livre des Rois : “Voici qu’un char de feu
et des chevaux de feu se mirent entre (Elie et Elisée) et Elie monta au ciel dans le
tourbillon.(Il Rois 2, 11.) Ces phrases lui suffisaient. Que la raisonhumaine
sincline à la parole de Dieu ! Un miracle est dautant plus digne de Lui qu’il
l’écrase davantage.1 Don Bosco était donc le contraire d’un rationaliste, au sens
que les théologiens donnent (ou ont donné) à ce mot. Longtemps lopinion
commune salésienne sen tint à une idéologie très fidéiste. En 1946, don Eugenio
Ceria, personne pourtant très cultivée, continuait de voir dans l’Histoire sainte de
don Bosco un excellent manuel scolaire2.
Mais ces considérations ne font pas justice au concept de raisonen
pensée salésienne. Dans les affaires humaines, en bon et sage Piémontais, don
Bosco sefforçait toujours de planifier soigneusement ses projets. Sa manière de
comprendre l’instruction des jeunes pouvait prendre - rationnellement - le
contre-pied des modes du temps. Prudent, il définissait ses objectifs, recherchait
les moyens les plus aptes pour les atteindre et les mettait en oeuvre avec une
persévérance, qui frisait souvent l’entêtement. Jamais il ne déviait des itinéraires
quil sétait raisonnablement fixés. Des aides lui étaient indispensables, largent
manquait : il créait des classes pour de jeunes recrues et organisait de bruyantes
loteries ou des tournées fructueuses auprès de ses bienfaiteurs. Ses fondations,
quil s’agisse doeuvres locales ou de sociétés religieuses destinées à devenir
mondiales, témoignaient de ses qualités d’organisateur. Humainement parlant, sa
conduite fut, dun bout à lautre de sa vie consciente, rationnelle.
La raison dans les relations communautaires
Et puis, dans les relations humaines à légard des adultes comme à l’égard
des enfants, don Bosco et les siens ont réclamé de la “raison”. La raisonfut lun
des trois piliers de leur système préventif. Ce système sappuie tout entier sur la
raison, la religion ainsi que sur l’affection”, écrivit don Bosco dans son traité sur le

9.6 Page 86

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484
système préventif en éducation.3 Toutefois, le terme de “raisonemployé là, riche
dharmoniques pour nous, est en soi d’interprétation assez peu commode.4 Selon
une première approche, la “raisonquil recommandait était équivalemment le
raisonnable, propre de lhomme créé à l’image de Dieu. Dans les relations
humaines, surtout dans les relations éducatives, le disciple de don Bosco fidèle à
ses origines fait appel à la consciencedes acteurs, la sienne et celle de celui ou
de ceux à qui il sadresse. Chez don Bosco, la raison apparaît comme un moyen
fondamental d’éducation en ce que lusage de la raison, le caractère raisonnable
des discours, la méthode de la persuasion doivent lemporter sur l’imposition
violente, sur l’acceptation sans discussion, sur l’obéissance aveugle.”5
Les commentateurs se sont emparés du mot et, à leur manière, ont ainsi
parfois enrichi la spiritualité salésienne. Ecoutons le plus autorisé dentre eux. Le
terme “raison”, écrivait le pape Jean-Paul II dans sa lettre luvenum Patris pour le
centenaire de la mort de don Bosco, souligne, conformément à une vision
authentique de lhumanisme chrétien, la valeur de la personne, de la conscience, de
la nature humaine, de la culture, du monde du travail, de la vie en société,
autrement dit de ce vaste cadre de valeurs, qui constitue pour ainsi dire
l’équipement nécessaire de l’homme dans sa vie familiale, civile et politique.6
Dans la langue de don Bosco, le mot raisonévoque directement la
ragionevolezza fraisonnabilité), cest-à-dire cet espace de compréhension, de
dialogue et de patience inaltérable, qui est nécessaire à lexercice peu commode de
la rationalité dans les rapports sociaux.
Tout disciple du Christ devrait croire en l’homme. Dans l’encyclique
Redemptor hominis, le pape avait rappelé que Jésus est le chemin principal de
lEglise et que ce chemin mène du Christ à lhomme.7 En son temps, don Bosco,
par son appel à la raison”, attribua lui aussi de limportance aux aspects humains
et à la condition historique de ses interlocuteurs. Dans un climat de joie et de don
généreux de soi, en éducation il faisait appel à la liberté de lélève, le préparait à la
vie, à l’exercice dune profession et à la prise en charge de responsabilités civiles.
Ces objectifs étaient exprimés par lui à l’aide de mots simples, tels que
allégresse, étude”, piété, sagesse, travailou humanité. Modération et
réalisme caractérisaient son idéal éducatif. En éducation, il combinait
harmonieusement l’essentiel qui est permanent et l’historique qui est contingent.
La formule heureuse et suggestive : Honnête citoyen, parce que bon chrétien”,
synthétisait le programme de vie à la fois simple et exigeant qu’il proposait
rationnellementà ses disciples.
En somme, croyait pouvoir affirmer le pape, la raison, ce don de Dieu
auquel léducateur doit obligatoirement recourir, est, pour le disciple de don
Bosco, indicatrice des valeurs positives à exploiter, des objectifs à poursuivre et
des moyens pour y parvenir8. La raison” incite les jeunes à participer à des
valeurs quils comprennent et auxquelles ils adhèrent. Linterprétation
bienveillante du pape voyait dans la raison lappui du dirigé dans léducation selon
don Bosco.

9.7 Page 87

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485
Le chemin de la raison 9
La raison ne fut pas toujours suffisamment honorée en spiritualité
salésienne. Et il conviendrait désormais, pense-t-on, den exploiter toutes les
virtualités.
Un recteur aussi estimable que don Albera saventurait à recommander
aux salésiens de 1911 une pastorale fondée sur une sorte de crainte servile, qui
générait une sujétion aveugle au supérieur. Le salésien observant de la discipline,
écrivait-il dans une lettre à l’adresse de ses confrères, ne sera jamais du nombre de
ceux qui, pour se soumettre à un ordre supérieur, veulent en connaître les raisons,
comme sils étaient en droit de juger si elles sont suffisamment graves pour
justifier la détermination prise. Lui au contraire, sitôt connue la volonté de qui le
dirige, sempresse, vole même pour lexécuter.10 La discipline très militaire de
don Albera exigeait donc dignorer les raisonsdobéir. Or, ces éducateurs
pénétrants, lit-on des maîtres de Port-Royal au dix-septième siècle, rendaient
raison de tout, même aux enfants, et ils ne leur imposaient rien par autorité.11
Même aux enfants, cher Père.
L’appel à la “raisonsuppose au contraire un recours constant au
dialogue, dont ce recteur semblait faire systématiquement léconomie. Le dialogue
est un moyen de rechercher la vérité, il grandit l’homme et vise à la communion
entre les personnes. Don Bosco, qui tenait à susciter la confiance des jeunes et de
ses collaborateurs, montrait heureusement de grandes aptitudes à dialoguer. De la
sorte, il responsabilisait les siens, tout jeunes quils aient été. Souvenons-nous que
ses collaborateurs des origines n’avaient pour la plupart pas vingt ans. Par le
dialogue, laction du groupe s’harmonise, les capacités diverses des personnes se
complètent. Don Bosco sefforçait de confier à chacun des siens le travail qui
convenait à son caractère, à son intelligence et à sa formation. H eût aimé les
trouver tous à l’aise dans ses communautés. Ce qui imposait des rencontres
régulières et confiantes.12
L’exploitation de la raison en pédagogie salésienne au sein dun monde de
mentalité tout à fait différente de celle du siècle de don Bosco, doit être plus
poussée, estime-t-on de nos jours.13 Car la modernité a modifié le statut de
léduqué et de tout sujet dans le monde occidental à la suite de ce qui a été appelé,
ici aussi, une révolution copemicienne. La réflexion et la pratique ont transformé
les relations entre jeunes et adultes. L’attention à lenfant, aux énergies
exubérantes dont il est porteur, et, par là, à sa centralité dans l’oeuvre
d’éducation, est devenue prépondérante. L’autonomie de l’éduqué est reconnue,
sa maturation intellectuelle et spirituelle, voulue. De ce fait, son accès au statut
adulte est avancé. Les relations communautaires, quelles qu’elles soient, doivent
être, pense-t-on, libératrices et personnalisantes. Don Bosco na pas connu cette
révolution. Dans son système pédagogique, les éducateurs gardaient tout en main :
les fins, les contenus, les méthodes et les moyens, alors quil prônait, en éducation,
une rationalité qui, aux yeux contemporains, impose un certain partage des
responsabilités propre à construire des personnalités autonomes..

9.8 Page 88

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486
La raison doit, nous dit-on justement de nos jours, retrouver la plénitude
de son sens en pédagogie et, ajouterons-nous ici, dans l’ensemble du système
relationnel de la spiritualité salésienne.14 Ce n’est qu’une forme de
réappropriation, du reste largement acquise, du charisme des origines. La
clarification du concept et la remise en valeur de sa réalité sont d’autant plus
nécessaires à la prévention éducative revendiquée par les salésiens, que les jeunes
et les adultes sont désormais soumis à de fortes pressions : l’arrivée de la
rationalité technologique, léducation indispensable au contrôle du monde des
désirs, l’évasion dans lémotionnel de l’instant, limagination au pouvoir, l’entrée
en scène d’une pensée molle et, simultanément, la requête dun pensée critique
dans la jungle multiculturelle. En même temps, lEglise exalte la conscience,
centre de la personnalité, coeur de lhomme, sanctuaire de son identité15. Mais la
conscience n’est-elle pas force de raison ? La tradition spirituelle née de don
Bosco fait appel, souvenons-nous en, non pas aux contraintes, mais aux ressources
de l’intelligence. Le salésien nimpose pas, il éveille ou réveille les forces
intérieures et les sources vives de la raison. Nous sommes au coeur de
lintuition spirituelle de don Bosco, nous dit-on aujourdhui.16 La crainte de la
recherche est mauvaise conseillère. Le remède aux faiblesses aujourdhui
déplorées pourrait donc être trouvé, selon des modalités rénovées, dans un
meilleur accord entre linstruire et l’éduquer, et surtout dans la réappropriation de
la plénitude des fonctions de la raison parmi les potentialités diverses de la
personne. Le fidèle de don Bosco ne doit-il pas sappuyer sur une raison
judicieusement éclairée ?
Notes
1. Voir G. Bosco, Storia sacra per uso delle scuole ... , Turin, Speirani et Ferrerò,
1847, p. 70, 100. Bien entendu, don Bosco pensait en cela comme un peu tous les chrétiens
autour de lui. Les objections rationnelles des Lumières, de Voltaire par exemple, ne les
dérangeaient pas.
2.
Memorie dell’Oratorio, éd. E. Ceria, Turin, SEI, 1946, p. 185, note.
3. Questo sistema si appoggia tutto sopra la ragione, la religione, e sopra
lamorevolezza, in II sistema preventivo nella educazione della gioventù, § I.
4. Il a fait l’objet, directement ou indirectement, de diverses observations dans le
monde des spécialistes de léducation de l’université salésienne de Rome. Voir notamment M.
Pellerey, La via della ragione. Rileggendo le parole e le azioni di don Bosco, in Orientamenti
pedagogici 35 (1988), p. 383-396. Réflexions intéressantes de Pietro Braido, qui tient à T“unité
relationnelledes trois piliers : raison, religion et affection, dans son ouvrage Prevenire, non
reprimere. Il sistema educativo di don Bosco, Roma, LAS, 1999, p. 288-304.
5. In Don Bosco la ragione appare come un fondamentale mezzo educativo in quanto
l’uso della ragione, la ragionevolezza dei discorsi, il metodo della persuasione devono avere la
meglio sull’imposizione violenta, sullaccettazione indiscussa, sullobbedienza cieca.” (M.
Pellerey, La via della ragione... , art. cité, p. 391.)
6. Il termine “ragione” sottolinea, secondo lautentica visione dell’umanesimo
cristiano, il valore della persona, della coscienza, della natura umana, della cultura, del mondo
del lavoro, del vivere sociale, ossia di quel vasto quadro di valori che è come il necessario
corredo dell’uomo nella sua vita familiare, civile e politica.(luvenum Patris, 31 janvier 1988,
n. 10.) La suite de notre paragraphe démarque le développement du pape sans sastreindre à le
traduire.

9.9 Page 89

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487
7. Redemptor hominis, 4 mars 1979, n. 13, 14.
8. In sintesi la ragione”, a cui Don Bosco crede come dono di Dio e come compito
inderogabile delleducatore, indica i valori del bene, nonché gli obiettivi da perseguire, i mezzi e
i modi da usare.(luvenum Patrie, n. 10.)
9. Jemprunte ce titre à larticle cité de Michele Pellerey.
10. Il salesiano osservante della disciplina non sarà mai nel numero di coloro che, per
sottomettersi a un ordine superiore, vogliono conoscerne le ragioni, quasi loro spettasse il diritto
di giudicare se esse siano abbastanza gravi da giustificare la presa determinazione. Egli invece,
appena conosciuta la volontà di chi dirige, si affretta, anzi vola a eseguirla.” (P. Albera, Lettre
aux salésiens, 25 décembre 1911, L.C., p. 68.)
11. J. Payot, Lapprentissage de l’art d’écrire, 8ème éd., Paris, 1938, p. 9-10.
12. Ces considérations sur le dialogue se retrouvent dans larticle 13 de la Carta di
comunione de la famille salésienne, intitulé : Uniti in un cuor solo si farà dieci volte tanto”.
13. Je m’appuie ici sur larticle cité de M. Pellerey et sur le dernier chapitre : Verso il
domanide P. Braido, Prevenire, non reprimere, cit., p. 377-404.
14. Les lignes suivantes sinspirent partiellement de A. Martinelli, “Riformulazione
della spiritualità a partire della dimensione della laicità, dans le recueil I laici nella Famiglia
salesiana, Roma, 1986, p. 147-152 ; et de M. Pellerey, art. cit., p. 383-384, 395-396.
15. Formules de don Viganò, Homélie à luniversité salésienne de Rome, 15 octobre
1993 ; daprès le recueil Don Egidio Viganò all’Università Salesiana, Roma, 1996, p. 180.
16. Non imporre, ma risvegliare le forze interiori e le sorgenti vive della ragione.
Siamo nel cuore dell’intuizione spirituale di don Bosco” (A. Martinelli, Riformulazione della
spiritualità ... , art. cit., p. 149.)

9.10 Page 90

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488
Règle de vie
Les Règles de vie des familles religieuses
L’expression Règle de vie (sous-entendu : selon l’Esprit, ou : spirituelle),
ignorée à l’origine de la littérature salésienne officielle, n’y est devenue courante
que dans la deuxième partie du vingtième siècle, notamment sous la plume du
recteur Viganô1. Toutefois l’existence même dune telle Règle, au sens donné ici à
l’expression, doit être reconnue aussi ancienne que la famille salésienne, quand
don Bosco sefforçait de lui tracer un chemin de perfection spirituelle.
Les familles religieuses assurent à leurs membres les secours d’une plus
grande stabilité dans leur forme de vie, dune doctrine éprouvée pour atteindre la
perfection, dune communion fraternelle dans la milice du Christ et dune liberté
fortifiée par l’obéissance afin de pouvoir remplir avec sécurité et garder fidèlement
leur profession religieuse en avançant dans la joie spirituelle sur la route de la
charité, lisons-nous dans la constitution de Vatican II sur lEglise2. Les Règles
de viedes familles religieuses codifient ces appuis secourables, en particulier la
doctrine éprouvée pour atteindre la perfection, qui est proposée à leurs
membres. Deux mots doivent être ici bien compris. La “perfectiondont il sagit
nexistant quen Dieu Père (Matthieu 5, 48), et, pour ce monde, en son fils incarné
Jésus Christ, sa recherche consistera, pour le disciple, à progresser toujours plus
avant à la suite du Christ dans lamour de Dieu et de ses frères. Et, de manière très
concrète, on traduira doctrine éprouvée, par enseignement à vivre dans la
réalité quotidienne.
Toute règle de vie comporte normalement deux sections, dune part des
orientations spirituelles, et, d’autre part, des dispositions pratiques. Les
orientations spirituelles, éléments majeurs de la règle de vie, ont pour but de
fournir une structuration habituelle de la vie spirituelle. Elles explicitent et réalisent
divers aspects du mystère de Jésus selon lesprit des béatitudes. Lunion à Dieu
dans la charité en constitue lhorizon nécessaire. Cette charte spirituelle dessine un
chemin de quête de Dieu selon une spiritualité particulière. Elle traduit des appels
évangéliques, le plus souvent ressentis par un saint quand il sagit de règles de vie
religieuse. Les dispositions pratiques concernent la discipline de vie et,
éventuellement, d’apostolat. Le rythme et la forme de la prière y ont
nécessairement leur place. Le but de ces dispositions est avant tout d’élargir le
domaine de l’obéissance à Dieu et à ses témoins autorisés. Elles tendent à
soustraire la générosité personnelle aux risques de l’arbitraire, de la présomption
et de l’affadissement paresseux. En soi, se soumettre à une règle de vie, cest
accepter d’entrer dans une manière de vivre déterminée par le souci du
détachement de la volonté propre. Les formules de profession, par lesquelles le
religieux sengage dans une société particulière en affirmant vouloir en observer
les constitutions, expriment cette soumission.3 A la différence du projet qui peut

10 Pages 91-100

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10.1 Page 91

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489
être purement personnel, dans le langage ici adopté la règle de vie provient
toujours de lautre. Qui ne se résout pas à la suivre nourrit peut-être un “projet de
vie, il nopte pas pour une règle de vie.
Les règles de vie des familles religieuses peuvent évoluer. Elles ont donc
assez naturellement une histoire. A lorigine, la codification religieuse a pour but
premier l’expression des moyens indispensables à une existence saisie par l’amour
de Dieu et des hommes. Puis, au cours des âges, les auteurs des réformes codifiées
veulent redécouvrir ces moyens. Les adaptations, que les mutations du monde ont
parfois rendues nécessaires, ne devraient être que secondaires pour un code ou
une règle de vie.4
Les Règles de vie du premier siècle de la famille salésienne
Les constitutions anciennes et nouvelles des salésiens et des filles de
Marie auxiliatrice, ainsi que le règlement des coopérateurs salésiens, ont
clairement proposé des règles de vie spirituelle. Le premier article des
constitutions de don Bosco, dont on peut montrer que la doctrine subsista jusquà
lédition de 1966, disait sous sa forme primitive : Le but de cette congrégation
est de réunir ses membres ecclésiastiques, clercs et aussi laïcs pour se
perfectionner eux-mêmes en imitant les vertus de notre divin sauveur,
spécialement par la charité envers les jeunes pauvres.”5 Les deux fins : la
perfection et la charité active, ici encore subordonnées, furent certes rapidement
coordonnées par un et ou un simul. Mais, dans la pensée de don Bosco, la
subordination subsistait sous la coordination. Les preuves ne manquent pas que,
pour lui, ses disciples approchaient de la perfection(ou de la sainteté) par la
charité active à la suite du Christ. L’action charitable contribuait au progrès dans
la perfection spirituelle. Cette perfection était recherchée dans une sequela Christi
de forme particulière, qui était la charité active principalement au service des
jeunes, caractéristique de la spiritualité de notre saint. L’article parallèle des
constitutions primitives des filles de Marie auxiliatrice, bâti sur le modèle de celui
cité de don Bosco - c’est-à-dire avec deux fins coordonnées -, répétait à peu près
le même enseignement : Le but de l’Institut des Filles de Marie Auxiliatrice est de
rechercher la perfection personnelle, ainsi que de contribuer au salut du prochain,
en particulier en assurant une éducation chrétienne aux filles du peuple.6 Et lon
observe que le but de l’union des coopérateurs salésiens, troisième branche de la
famille salésienne des origines, nétait autre que la recherche de la perfection
spirituelle par la charité. Don Bosco écrivait : Cette association (des
coopérateurs) est considérée comme un tiers-ordre dautrefois, avec cette
différence quon y proposait la perfection chrétienne par l’exercice de la piété,
alors quici on a pour fin principale la vie active dans lexercice de la charité
envers le prochain et spécialement envers la jeunesse en danger.7 L’idée de don
Bosco, dépourvue de toute ambiguïté, était claire : au lieu de la “perfection par la
piété”, les coopérateurs cultiveraient la “perfection par la charité.
Conformément au schéma idéal de toute Règle de vie, les chapitres des
textes constitutionnels précisaient ensuite l’orientation spirituelle fondamentale de
ces sociétés religieuses et les dispositions aptes à la faire respecter, qu’il sagisse

10.2 Page 92

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490
des voeux, des pratiques de piété, des conditions dadmission, de la formation
des membres ou de leur gouvernement. Et les règlements généraux, à lorigine
appelés Délibérations” dans la société de St François de Sales, (comprendre :
Délibérations des chapitres généraux de l’institut), parce que destinés à faire
appliquer les constitutions, complétaient les “règles de vieau sens pris par
l’expression sous don Viganô.
Don Rua confirmait le caractère de règle de viedes constitutions de sa
Société. La Règle doit être considérée par nous, écrivait-il un jour aux salésiens,
comme le livre de vie, la moelle de lEvangile, l’espérance de notre salut, la
mesure de notre perfection, la clef du Paradis. Vénérons-la comme le souvenir le
plus beau et la relique la plus précieuse de notre très-aimé Don Bosco.”8
Lobservance de la Règle fait du religieux un autre don Bosco, assurait le recteur
Rinaldi9. Le but recherché par toute règle de vie était donc atteint. La famille
salésienne n’a pas attendre Vatican II pour disposer de véritables règles de
vie. Reconnaissons pourtant que, comparées par exemple à la Régula de saint
Benoît, règle type dans la chrétienté occidentale, les siennes étaient bien
sommaires.
Les Codes fondamentaux réformés à la suite de Vatican II
Les réformes qui suivirent Vatican II ne pouvaient quaméliorer les
Règles de vie contenues dans les différents statuts de la famille salésienne. Par la
volonté des congrégations romaines, en dernier lieu l’obligation dadapter les
constitutions au Code de Droit Canonique de 1917, c’était jusque-là avant tout
des textes législatifs, assez peu propres à alimenter la méditation selon l’Esprit.
Les dispositions juridiques y étouffaient des orientations spirituelles certes
traditionnellement vécues, mais à peine esquissées et jamais développées. Salésiens
et salésiennes se rabattaient sur les Introductions de don Bosco à leurs
constitutions, beaucoup plus parlantes à leurs coeurs. Le décret conciliaire
Perfectae caritatis (28 octobre 1965) sur la rénovation et ladaptation de la vie
religieuse et ses règles postérieures dapplication Ecclesiae sanctae (6 août 1966)
et Renovationis causant (6 janvier 1969), décidèrent des transformations
souhaitables.
Il fallait, dans les codes fondamentaux rénovés des congrégations
religieuses, ce que nous appelons ici leurs Règles de Vie, unir le plus étroitement
possible les principes spirituels inspirateurs de la vie et de l’action des personnes
avec les exigences découlant de ces principes, tant au plan de lagir que du
comportement, soit individuel, soit collectif En conséquence, le code fondamental
devrait avant tout définir la spiritualité de linstitut et son apostolat. Après quoi
viendraient les exigences des conseils évangéliques, de la vie en commun et de la
vie de prière, exigences considérées pour lui comme fondamentales en vertu de
son charisme propre. Enfin, les normes sur la formation, le gouvernement,
l’administration des biens et la séparation davec l’institut, devraient être
déterminées. Tous les membres des congrégations représentés par leurs chapitres
constitutionnels seraient intéressés à l’entreprise.

10.3 Page 93

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491
Dans le monde salésien, des chapitres généraux extraordinaires,
eux-mêmes préparés par des chapitres provinciaux, entreprirent et menèrent à bien
cette tâche difficile au cours des années 1970 et 1980. Elle aboutit aux
constitutions et aux règlements des filles de Marie auxiliatrice en 1982, puis des
salésiens en 1984. Les coopérateurs et les Volontaires de Don Bosco bénéficièrent
alors de ces expériences pour le Règlement de Vie apostolique des premiers
approuvé en 1986 et les constitutions et règlements des deuxièmes édictés et
approuvés en 1990. Entre temps, les salésiens faisaient paraître une Ratio
fundamentalis institutions et studiorum (Rome, 1985), considérée par le recteur
Viganô comme un élément vitalde leur Règle de vie.10
Les constitutions des deux congrégations salésiennes avaient certainement
ainsi gagné en qualité. Leur inspiration théologique fondamentale apparaissait
clairement trinitaire et christique. Les orientations spirituelles enrobaient les
directives pratiques soigneusement vérifées et parfois modifiées. Les Règles sont
la présentation autorisée d’un projet de vie évangélique, observait très justement le
recteur Viganô ; elles indiquent les principes fondamentaux de notre sequela
Christi, sa dimension ecclésiale, son originalité charismatique dans l’esprit du
fondateur, les saines traditions et les structures adéquates de notre service
(apostolique).11 Les salésiennes faisaient précéder leurs Règles dun préambule
sur les traits caractéristiques de la FMAtracés par don Bosco dans leurs
premières constitutions. Cest cette spiritualité toujours actuelle de nos origines
que nous retrouvons authentique et vivante dans les articles des constitutions
rénovées, écrivit la mère générale Rosetta Marchese dans sa présentation du
nouveau texte constitutionnel.12
Les références insistantes des constitutions à don Bosco (et à mère
Mazzarello pour les salésiennes) sont impressionnantes. Le recteur Viganô goûtait
particulièrement le chapitre de sa Société sur lesprit salésien, valeur
constitutive de notre identité”, affirmait-il, qui se rapportait à lui de bout en
bout.13 Au reste, daprès ce recteur, le texte entier de ses constitutions, du
préambule au dernier article, faisait revivre le coeur de don Bosco, son charisme,
son esprit, sa mission, son inventivité pastorale, sa capacité de communion, son
témoignage religieux, le style de son union à Dieu, sa pédagogie de formation, son
génie organisateur, sa façon paternelle danimer et de gouverner. Don Bosco
demeurait avec les siens, comme le disait la phrase inscrite à la première page du
recueil de 1984. L’esprit de don Bosco imprégnait profondément la Règle de vie
évangélique renouvelée des salésiens14. Peu de choses avaient changé dans les
directives pratiques traditionnelles des deux congrégations. Les modifications les
plus notables touchaient la vie de prière, devenue beaucoup plus liturgique.
Les conditions nécessaires à de solides Règles de Vie semblaient donc
parfaitement assurées en spiritualité salésienne à la fin du vingtième siècle. Don
Albera avait écrit : La Règle est la conseillère officielle que le Seigneur nous
donne pour nous guider dans tous les détails de notre vie, elle nous empêche de
nous égarer à droite et à gauche hors du droit chemin, et nous mène infailliblement
à notre but.”15 Le recours systématique à don Bosco et à une théologie repensée,
en même temps que le souci dune meilleure harmonie avec une mentalité en

10.4 Page 94

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492
évolution, avaient encore amélioré à la fois les orientations spirituelles de la Règle
de vie salésienne et des structures mises soigneusement en relation avec elles.
Notes
1. Voir lIndex de ses lettres circulaires, s. v. Regola di vita.
2. Vatican II, Lumen gentium, n. 43.
3. Ces lignes adaptent un article de Jean-Claude Sagne (“Règlement de vie,
Dictionnaire de spiritualité, t. XIII, 1988, col. 284-285), qui, toutefois, ne concerne que les
règlements individuels de vie.
4. Voir Paul VI, Evangelica testificatio, 29 juin 1971, n. 37.
5. Lo scopo di questa congregazione si è di riunire insieme i suoi membri
ecclesiastici, chierici ed anche laici a fine di perfezionare se medesimi imitando le virtù del
nostro Divin Salvatore, specialmente nella carità verso i giovani poveri.(Premier projet des
constitutions salésiennes (1858 ?), avec les surcharges de don Bosco, cap. Scopo, art. 1.)
6. “Lo scopo dellIstituto delle Figlie di Maria Ausiliatrice è di attendere alla propria
perfezione, e di coadiuvare alla salute del prossimo, specialmente col dare alle fanciulle del
popolo una cristiana educazione.” (Regole o Costituzioni dell’Istituto delle Figlie di Maria SS.
Ausiliatrice, Torino, tipograf. e libreria salesiana, 1878, fit. I “Scopo dellIstitutto, a. 1.)
7. ... questa Associazione è considerata come un Terz’Ordine degli antichi, colla
differenza, che in quelli si proponeva la perfezione cristiana nellesercizio della pietà, qui si ha
per fine principale la vita attiva nell’esercizio della carità verso il prossimo e specialmente verso
la gioventù pericolante.(Cooperatori salesiani, ossia un modo pratico per giovare al buon
costume e alla civile società, Albenga, 1876, § IH, p. 27-28.)
8. ... la qual Regola dev’essere da noi considerata come il libro della vita, il midollo
del Vangelo, la speranza di nostra salvezza, la misura della nostra perfezione, la chiave del
Paradiso. Veneriamola come il più bel ricordo e la più preziosa reliquia del nostro amatissimo
Don Bosco.(M. Rua, Lettre aux salésiens, 1er janvier 1895, L. C., p. 123.) Cet enseignement
reparut presque mot pour mot dans sa circulaire aux inspecteurs et directeurs, 1er décembre
1909, L. C„ p. 410.
9. Il Salesiano che osserva puntualmente la Regola, diviene quasi senza avvedersene
un altro Don Bosco ; intorno a lui si diffonde unatmosfera tutta speciale che gli attira et gli
affeziona la gioventù, e gli concilia la benevolenza dei buoni, e la deferente tolleranza dei
cattivi”. (F. Rinaldi, selon A. Candela, Procès de canonisation de don Rinaldi, dans L. Fiora,
Informatio super virtutibus, Roma, 1983, p. 185.)
10. E. Viganò, Lettre aux salésiens, 8 décembre 1990, Atti 335, p. 33.
11. Le Costituzioni sono la presentazione autorevole di un progetto di vita evangelica
; indicano i principi fondamentali della nostra sequela del Christo, la sua dimensione ecclesiale,
la sua originalità carismatica secondo lo spirito del Fondatore, le sane tradizioni e le strutture
adeguate di servizio(E. Viganò, Il testo rinnovato della nostra Regola di vita, Lettre aux
salésiens, 29 octobre 1984, Atti 312, p. 8-9.) Lensemble de cette lettre commente le texte des
constitutions salésiennes (dites explicitement Règle de vie) alors fraîchement rédigées.
12. “E’ questa la spiritualità sempre attuale delle nostre origini, che ritroviamo
autentica e viva negli articoli delle Costituzioni rinnovate(Mère Rosetta Marchese, Rome, 5
août 1982.).
13. Lettre citée du 29 octobre 1984, p. 10.
14. Sur le Regolamento di Vita Apostolica des coopérateurs, voir l’item Coopérateurs ;
sur les constitutions des Volontaires de Don Bosco, voir litem Volontaires de Don Bosco.
15. La Regola è la consigliera ufficiale che il Signore ci per guidarci in tutti i
particolari della nostra vita ; essa impedisce che noi andiamo vagando a dritta e a sinistra fuori
del retto cammino, e ci mena infallibilmente alla nostra mèta.” (P. Albera, Lettre aux salésiens,
25 décembre 1911, L. C„ p. 64.)

10.5 Page 95

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493
Religion populaire
Don Bosco, prédicateur et écrivain populaire
Nous ne nous perdrons pas dans les définitions parfois contradictoires de
la religion populaire”, expression récente en sociologie religieuse et sur laquelle
les avis des spécialistes divergent. Remarquons simplement que les clercs
eux-mêmes répugnent désormais à nen faire que la religion des simples, des
ignorants et des superstitieux, comme ils en avaient pris l’habitude. La religion
populaire sera dans cet article la religion que don Bosco laissait ou faisait
pratiquer par le peuple. Il respectait les “élites”, à l’occasion il leur parlait, mais
ne se croyait pas destiné à elles. A sa suite, les salésiens, qui prétendaient, comme
leur maître et modèle, rester proches des jeunes et du petit peuple, ont volontiers
cultivé des formes de religiosité dite volontiers populaire”.
Séminariste en vacances, Giovanni Bosco avait reçu d’un curé, chez qui il
venait de prêcher doctement pour la fête du Rosaire, une leçon de pastorale
propre à le guider tout au long de sa vie. Cétait beau, l’auditoire avait été ravi,
mais, son frère prêtre et lui-même mis à part, ces bienveillants auditeurs ny
avaient à peu près rien compris. Que me conseillez-vous donc ?” demandait,
selon ses souvenirs, un peu inquiet, le prédicateur novice. Dabandonner la
langue et lordonnance des classiques, rétorquait le curé, de parler si possible en
dialecte, ou bien en italien, mais populairement, populairement, populairement.
Remplacez donc les raisonnements par des exemples, des comparaisons et des
apologues simples et pratiques.”1 Dans ses Memorie dellOratorio, il remarquait,
alors âgé dune soixantaine dannées, que cette observation lui avait été fructueuse
pour les sermons, les catéchismes, les instructions et les écrits, auxquels il s’était
depuis lors adonné2.
Jeune prêtre, il répéta lui-même la remarque par écrit à ses collaborateurs
de l’oratoire des origines. Le règlement manuscrit de l’oeuvre conseilla aux
prédicateurs de loratoire de truffer leurs sermons dexemples pris dans la Bible ou
dans l’histoire de lEglise, ainsi que de comparaisons et dapologues, le tout si
possible en piémontais. Don Bosco terminait son chapitre en priant chaudement
[ces prédicateurs] d’être autant que possible clairs et populaires.”3 Le prédicateur
doit pouvoir être facilement compris par le peuple. Souvenez-vous, écrira-t-il un
jour aux siens, que saint Augustin, devenu évêque, bien que maître éminent en
belles-lettres et orateur éloquent, préférait les impropriétés de la langue et la
platitude du style au risque de nêtre pas compris du peuple.”4
Il ne se contentait pas de claironner le principe. Ses écrits publiés parurent
dans un style, qu’il jugeait populaire, cest-à-dire simple, concret et imagé. Tant
qu’elle vécut, sa mère, à qui il les lisait, put vérifier leur agrément et la facilité de
leur compréhension. Lexamen de l’ensemble de ses oeuvres convainc de ces

10.6 Page 96

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sortes de qualités, quil sagisse des livres de piété, des Letture cattoliche
destinées de préférence au peuple des campagnes, des biographies édifiantes ou
même des récits historiques. Don Bosco difiusait de la littérature religieuse amie
du bon sensdes gens de la campagne, au vocabulaire réduit, parfaitement
étrangère au monde savant, sans ombre de raisonnements scolastiques et qui ne
regardait que de loin les théologiens et les puissants de la terre. La religion
populaire, telle que don Bosco la concevait, était entre autres, et peut-être
dabord, affaire de langage.
Lieux, images, médailles et gestes du culte populaire de Marie auxiliatrice
Pendant ses trente-cinq dernières années, don Bosco prêcha, encouragea
et développa le culte populaire de Marie auxiliatrice. Sa religion populaire fut une
religion mariale.5 Le culte de Notre-Dame des Victoires qui, lancé à Paris par
l’abbé Dufriche-Desgenettes, rayonnait alors en Italie, lui communiqua peut-être
quelques idées. A Turin, il pourvut celui de Marie auxiliatrice dun lieu béni,
dimages, de médailles et aussi d’un rite.
Les analogies entre son église Marie auxiliatrice de Turin et divers
sanctuaires dapparitions mariales, devenus centres de pèlerinages populaires, ne
manquent pas. Don Bosco créa le culte de Marie auxiliatrice en un lieu, qui lui
paraissait avoir été choisi par la Vierge elle-même. Hic domus mea, hinc gloria
mea” (Ici ma maison, dici ma gloire), lui avait dit la Madone selon son
interprétation, en désignant un terrain vide, celui-là même l’église sélèverait
ensuite.6 Ce lieu avait quelque chose de merveilleux. La construction de l’église en
un temps record fut selon lui un long miracle, quil fit connaître par des
publications appropriées dès lannée de sa consécration (1868).7 Des recours à
l’Auxiliatrice avaient été suivis de faits étonnants, surtout de guérisons, qui, à son
estime, tenaient du miracle. Il en diffusait généreusement les récits par des
brochures, qui, soit dit en passant, avaient le don dirriter son archevêque.
Marie veillait dans cette église par la statue érigée au sommet dune tour
et surtout par le tableau qui la magnifiait au-dessus du maître autel. Le culte
populaire se nourrit dexceptionnel. Il sattache volontiers à un lieu, il vénère
une image. Don Bosco lui offrait à Turin le lieu et l’image. Les détails du tableau
de Marie auxiliatrice exprimaient sa puissance. Les images de Marie secourable et
les médailles à son effigie se multiplièrent dans les réserves du Valdocco. Images
et médailles de l’Auxiliatrice seront, entre les mains de don Bosco, des instruments
d’élection du culte de Marie auxiliatrice. On sait combien la religion populaire
vénère reliques et images, qui ouvrent aux dévots un accès aux forces spirituelles.
Les images étaient, dans l’Italie dalors, celles des santini que l’on gardait sur soi.
On se tromperait grandement à y dénoncer les supports dun culte idolâtrique. Le
monde des images constitue pour le peuple qui les recherche un univers proche et
bien peuplé. La Vierge et les saints y vivent. Le culte populaire traite l’image
comme une personne vivante. Le dévot entretient un commerce pieux avec
l’image à forme humaine. Pas plus que la relique, limage nest donc un simple
objet. Pleinement incarnée, elle est source, refuge, arme, réconfort, protection et
espérance de ses dévots. Le fidèle conversait avec Marie auxiliatrice dans et par

10.7 Page 97

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495
les images et les médailles, que don Bosco distribuait à Turin ou lors de ses
voyages en France et en Espagne. La médaille de l’Auxiliatrice portée au cou était,
à son jugement, pour les siens, en même temps quun signe dappartenance à la
famille et au royaume de Marie, une arme efficace” contre l’ennemi, cest-à-dire
le démon, assurait son disciple Albera.8 La force venait dailleurs. Toute
lefficacitéou, dans un autre langage, la vertude ces médailles dépendait de
Marie elle-même, expliquait don Bosco.9
Comme tout culte populaire, celui de Marie auxiliatrice sexprimait en
gestes. Les pèlerins accoururent vite et en nombre le 24 mai pour la fête de Marie
auxiliatrice en son sanctuaire de Turin. Souvent, ils avaient dabord peiné dans ce
geste de piété mariale. Au terme du pèlerinage, les salésiens donnaient aux fidèles
de Marie la possibilité de sapprocher des sacrements de pénitence et
deucharistie, gestes sacrés sil en fut. Ce 24 mai, la procession constituait le
sommet de la gestuaire physique de la religion populaire de Turin. Par cet acte
âmes et corps étaient immergés dans la croyance collective en la présence de
Marie. La prière qu’on lui adressait susciterait sa réponse bienfaisante. L’élan vers
elle était chargé de confiance, despérance et de concentration des forces les plus
profondes de lêtre.
La bénédiction de Marie auxiliatrice, par laquelle don Bosco voulait
transmettre la force (la virtii) de Marie, récompensait les dévots. Don Albera
décrira son geste avec émotion. Elle ne seffacera jamais de ma mémoire
limpression quil me faisait quand il donnait aux malades la bénédiction de Marie
Auxiliatrice. Tandis qu’il prononçait l’Ave Maria et les mots de la bénédiction, on
aurait dit que son visage se transfigurait, ses yeux se remplissaient de larmes et sa
voix tremblait sur ses lèvres. Cétait pour moi des signes que virtus de illo exibat.
Je ne métonnais donc pas des effets merveilleux qui sensuivaient, si les affligés
étaient consolés et si les malades étaient guéris.10
A l’évidence, don Bosco lui-même et ceux qui recouraient à sa
bénédiction croyaient à laction immanente de forces surnaturelles, celle de Marie
surtout. Prières, rites et pratiques supposaient cette sorte de foi, caractéristique de
la religion populaire. Dieu, la Vierge, les saints interviennent en protagonistes
tout-puissants dans lunivers habituel. Le culte populaire sépanouissait le jour de
la fête de Marie auxiliatrice, le 24 mai. Don Bosco voulait que la somptuosité de
son église, avec beaucoup de lumières, de marbres et de cuivres brillants, donne
alors au culte toute sa puissance. Répondant au besoin cultuel populaire, la fête
magnifiait l’extraordinaire, celui de la sainteté, de la ferveur, du miracle, celui aussi
de la délivrance du temps quotidien. Le peuple était ravi.
La reconnaissance de la religiosité populaire dans le monde contemporain
Les clercs de lépoque moderne ont traditionnellement lutté contre une
religiosité populaire coupable à leurs yeux de magie, de superstition et même
didolâtrie. Puis, à la fin du vingtième siècle, la réflexion sur les attitudes
religieuses fondamentales de l’humanité a provoqué un certain désaveu des
anathèmes. Lesprit oecuménique, puis un concile attaché à valoriser tout ce qui

10.8 Page 98

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496
est bon, pur et saintdans la relation à Dieu modifiaient les perspectives. Le
manichéisme de règle pendant plusieurs siècles sest atténué. Le clergé sest
employé à redonner du sens aux sacramentaux : huile, eau, cierges ... Les clercs
dAmérique latine, depuis la réunion du CELAM à Medellin en 1968, et surtout
depuis celle de Puebla en 1979, qui reconnut les valeurs authentiques de la
religiosité latino-américaine, se sont souciés dadapter leur pastorale aux réalités
populaires.11 Us ont ainsi plus ou moins pris le parti missionnaire d’accompagner
leur peuple dans sa spiritualité. Faire disparaître les signes qui sous-tendent une foi
réelle risque, ont-ils remarqué, d’aboutir à une désintégration de la personnalité
religieuse de ce peuple. Les images des églises et des autels domestiques
constituent pour lui une référence permanente au religieux quotidien. Les gestes
de respect la soulignent et laffermissent. Les processions célèbrent
communautairement des croyances inviscérées dans la culture. La religion
populaire, dans la multiplicité des formes qu’elle revêt, est le témoignage direct de
la conscience dun groupe, lhistoire de ses rapports variables avec les puissances
divines. Elle est le Heu d’une expérience collective de foi, qui sexprime
concrètement en parfaite symbiose avec son milieu socio-culturel.
Le pape Jean-Paul U a pris énergiquement le parti de la piété populaire
lors de ses voyages et de ses rencontres continentales avec les divers épiscopats.
Ainsi il déclarait, dans une exhortation apostolique datée de Mexico en janvier
1999, que “lexistence d’une intense piété populaire enracinée dans les diverses
nations est une caractéristique particuhère de l’Amérique” et quelle revêt une
importance spéciale pour tous ceux qui cherchent Dieu sincèrement avec un esprit
de pauvreté et d’un coeur humble. Beaucoup de manifestations de la piété
populaire ont pris en Amérique, continuait-il, des formes religieuses
autochtones. On ne doit pas sous-évaluer la possibifité den tirer aussi, avec une
prudence éclairée, des indications valables pour une plus grande inculturation de
lEvangile.H faut faire en sorte que les semences du Verbe, présentes dans les
cultures de ces populations, atteignent leur plénitude dans le Christ.12
Le membre de la famille salésienne, disciple dun don Bosco attaché en
son temps et pour son pays à promouvoir un langage religieux populaire et un
culte populaire à Marie auxüiatrice, se sent très naturellement en phase avec de
tels propos13.
Notes
1. Che adunque mi consiglia di fare ? - Abbandonare la lingua e l’orditura dei
classici, parlare in volgare dove si può, od anche in lingua italiana, ma popolarmente,
popolarmente, popolarmente. Invece poi di ragionamenti tenetevi agli esempi, alle similitudini,
ad apologi semplici e pratici.(MO Da Silva, p. 97.)
2. ... nelle prediche, nei catechismi, nelle istruzioni e nello scrivere, cui mi era fin da
quel tempo applicato(Ibid., p. 98.)
3. 5. Quelli che si degneranno di venire in questOratorio a spiegare la parola di Dio
sono caldamente pregati di essere chiari e popolari quanto è possibile.(Piano di Regolamento
dell Oratorio di S. Francesco di Sales in Valdocco, ms autographe, p. 24.)

10.9 Page 99

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497
4. ... rammentatevi che S. Agostino, divenuto Vescovo, benché esimio maestro di
belle lettere ed oratore eloquente, preferiva le improprietà di lingua et la niuna eleganza di stile,
al rischio di non essere inteso dal popolo.” (G. Bosco, Lettre aux salésiens, 19 mars 1885, L. C.,
p. 29.)
5. Jemprunte les réflexions qui suivent sur la religion populaire à diverses études
publiées sur le sujet depuis 1970, en particulier Le christianisme populaire, sous la direction de
B. Plongeron et R. Pannet, Paris, 1976 ; La religion populaire. Actes du Colloque international
du CNRS en octobre 1977, Paris, 1980 ; A. Dupront, Religion populaire, dans le Dictionnaire
des Religions, direction P. Poupard, p. 1428-1434 ; Michel Meslin, Lexpérience humaine du
divin, coll. Cogitatio fidei 150, Paris, Cerf, 1988, p. 260-291.
6. Voir MB XVII, p. 30.
7. Maraviglie della Madre di Dio invocata sotto il titolo di Maria Ausiliatrice,
raccolte dal Sacerdote Giovanni Bosco, Turin, tip. e libreria dellOratorio di S. Francesco di
Sales, 1868 ; Rimembranza di una solennità in onore di Maria Ausiliatrice, pel Sacerdote
Giovanni Bosco, Turin, tip. e libreria dell’Oratorio di S. Francesco di Sales, 1868.
8. Per lui [Don Bosco] questa immagine [la medaglia di Maria Ausiliatrice],
divotamente tenuta sul petto, doveva essere una prova del nostro amore a Maria, un
rinonoscimento della sua qualità di nostra Madre e Regina, unarma potentissima per mettere in
fuga il nemico infernale, un dolce ricordo della nostra appartenenza ad un Istituto da Lei
prediletto e manifestamente destinato a farla conoscere ed onorare dappertutto sotto il glorioso
titolo di Aiuto dei Cristiani.(P. Albera, Lettre aux salésiens, 31 mars 1918, L.C., p. 267-268.)
9. Il écrivait à la duchesse Maria Melzi dEril, en janvier 1868 : “Ecco le medagline
che nella sua bontà compiacquesi richiedermi. Queste dozzine che costano un’ Ave Maria. Chi
poi volesse fare qualche cosa di materiale mandi quanto il cuore gli inspira per la chiesa di
Maria Ausiliatrice da cui dipende tutta l’efficacia di queste medaglie.(Epistolario Motto, II, p.
468.)
10. Non si scancellerà mai dalla mia memoria l’impressione che mi faceva nell’atto
che dava la benedizione di Maria Ausiliatrice agli infermi. Mentre pronunziava l’Ave Maria e le
parole della benedizione, si sarebbe detto che il suo volto si trasfigurasse ; i suoi occhi si
riempivano di lacrime e gli tremava la voce sul labbra. Per me erano indizi che virtus de ilio
exibat ; perciò non mi maravigliava degli effetti miracolosi che ne seguivano, se cioè erano
consolati gli afflitti, risanati gl’infermi.” (P. Albera, Lettre aux salésiens, 15 mai 1911 ; L.C., p.
34.)
11. Helcion Ribeiro, Religiosidad popular na Teologia Latino-Americana, São Paulo,
1984.
12. Jean-Paul H, Ecclesia in America, 22 janvier 1999. Texte français diffusé par la
Libreria Editrice Vaticana, n. 16 (“La piété populaire).
13. L’importance du culte du Sacré Coeur, pratiqué à la manière de Marguerite-Marie
Alacoque, dans la famille salésienne sous les rectorats de don Rua et de don Albera, constitue un
autre signe de la propension des disciples de don Bosco pour la religion populaire. Voir,
ci-dessous, litem Sacré Coeur.

10.10 Page 100

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498
Religions
Don Bosco et la vraie religion
Notre recueil de mots-clefs traite d’un bout à lautre de la religion et de
sa place en pédagogie et en spiritualité salésiennes. Le terme paraît ici
intentionnellement au pluriel. Dans cet article, il sagit en effet des religions, non
pas de la religion, ce pilier du “système préventif’ en compagnie de la raisonet
de l’affection”.
Ses disciples l’ont peut-être oublié, mais le jeune prêtre Bosco fut, dans le
Turin des années 1850, un apologiste vigoureux de la vraie religionà l’encontre
de ceux qui, à son avis, en prêchaient une fausse”, les vaudois évangélistes, qu’il
rangeait parmi les protestants, et tous ceux qui leur ressemblaient. Il entendait
ainsi servir la vérité pure malmenée par ses adversaires. La foi et l’énergie de
lapôtre peuvent édifier, sa doctrine surprend beaucoup aujourd’hui. Un factum de
vingt-quatre pages ÜAwisi et un livre dapologétique populaire de quatre cent
cinquante-et-une pages développaient son argumentation.1 Les Awisi, par
questions et réponses à la manière d’un catéchisme, connurent aussitôt et pour
longtemps (jusquau milieu du vingtième siècle) une grande autorité par leur
insertion, avant un choix de cantiques et sous le titre : Fondements de la religion
catholique, dans le Giovane proweduto et la Figlia cristiana proweduta, manuels
de dévotion remis systématiquement dans le monde entier aux jeunes des
institutions salésiennes. Ds constituaient ainsi, malgré leur humble facture,
lenseignement officiel salésien sur la vraie et les fausses religions
Le premier article des Fondements de la religion catholique tentait de
définir la religion : Une vertu ou une série de bonnes actions, par lesquelles
lhomme rend à Dieu lhommage et l’honneur qui lui est ; puis de dire
comment elle est pratiquée : ... en croyant les vérités révélées par Dieu et en
observant sa sainte loi, c’est-à-dire les commandements de Dieu et de l’Eglise
établie par Dieu.2 L’offensive commençait avec le deuxième article, sur la vraie
religion: “D. Les diverses religions qui se pratiquent dans le monde peuvent-elles
être également vraies ? - R. Non, certainement, parce que la vérité est toujours
une seule. - D. Il y a les Mahométans, les Protestants, cest-à-dire les Calvinistes
et les Luthériens, et il y a l’Eglise Catholique Romaine ; en laquelle de ces sociétés
pouvons-nous trouver avec certitude la vraie religion ? - R. Nous ne pouvons
trouver la vraie religion que dans l’Eglise Catholique Romaine, parce quelle seule
conserve intacte la divine révélation, quelle seule a été fondée par Jésus Christ
vrai Dieu et vrai homme, propagée par les Apôtres et leurs successeurs jusqu’à
nos jours, motif pour lequel elle seule présente les vrais caractères de la divinité.3
Dans le monde contemporain, le mot Religion exprime trois idées, nous
dit-on : 1) celle dune affirmation ou d’un ensemble daffirmations spéculatives, 2)

11 Pages 101-110

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11.1 Page 101

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499
celle d’un ensemble d’actes rituels et 3) celle d’un rapport direct et moral de l’âme
à Dieu.4 Et, s’il désigne l’institution ou le système de croyances et de pratiques qui
met un groupe en relation avec le divin, le mot sapplique à ce groupe déterminé,
dit religion. Don Bosco, au nom de lunicité de la vérité, ne reconnaissait qu’une
institution capable détablir un rapport direct et moral avec Dieu : la religion, non
seulement chrétienne, mais encore catholique et romaine. Les autres institutions,
qui prétendaient au titre, étaient tout simplement de fausses religions. Pour lui, le
Christ, unique médiateur entre Dieu et l’homme, avait pour relais indispensable sur
terre le pape de Rome, son vicaire, dont les non-catholiques et, plus encore, les
non-chrétiens, se trouvaient séparés.
Les conséquences étaient graves pour la spiritualité et la pastorale
salésiennes, si ses tenants se rangeaient aux principes de don Bosco dans ses
Fondements de la religion catholique. Sauf miracles, car la miséricorde de Dieu
est heureusement infinie, en rigueur de doctrine ils estimaient impossibles aux
non-catholiques, païens ou juifs, musulmans ou protestants, tant calvinistes que
luthériens, le salut et, à plus forte raison, la sanctification et l’authentique sainteté.
“Hors de lEglise Catholique, Apostolique et Romaine, peut-on avoir le salut ?,
demandaient les Fondements de la religion de don Bosco. La réponse tombait
impitoyable : Non : hors de cette Eglise nul ne peut se sauver. De la manière que
ceux qui ne fùrent pas dans l’arche de Noé périrent dans le déluge, ainsi périt
inévitablement celui qui meurt séparé de lEglise Catholique, Apostolique et
Romaine, unique Eglise de Jésus Christ, seule conservatrice de la vraie religion.”5
La seule excuse de don Bosco et de ses disciples à un enseignement aussi sévère
était que la moyenne des catholiques, même éclairés, pensait alors comme eux.
Vatican II et les religions non chrétiennes
Il fallut attendre Vatican II pour balayer cette doctrine beaucoup trop
simpliste sur la vérité de la religion. Pourquoi, dans un monde tout entier créé par
Dieu Père, sauvé par le sacrifice de Jésus et travaillé par lEsprit, ne pas chercher à
percevoir des richesses spirituelles souvent de grande valeur ? Le concile a
présenté sous un jour infiniment moins désolant, d’une part les chrétiens non
catholiques et, de l’autre, les adeptes de religions différentes. Seul, son
enseignement permet de comprendre l’évolution salésienne à leur égard.
LEglise, arche du salut, est un mystère sacré de communion dans l’Esprit
Saint. Seul troupeau de Dieu, signe levé à la vue des nations, elle met au service
de tout le genre humain lEvangile de paix et accomplit dans l’espérance son
pèlerinage vers le terme quest la patrie céleste. Des scissions et de graves
dissensions ont, au cours des siècles, séparé des communautés chrétiennes
considérables de la pleine communion de lEglise catholique. Ceux qui naissent
aujourdhui dans de telles communautés et qui vivent de la foi au Christ ne
peuvent être accusés de péché de division. LEglise catholique les entoure de
respect fraternel et de charité. Qui croit au Christ et a reçu validement le baptême
se trouve dans une certaine communion, bien qu’imparfaite, avec lEglise
catholique. Justifié par la foi reçue au baptême, incorporé au Christ, il porte à juste
titre le nom de chrétien. Le fils de lEglise catholique le reconnaît à bon droit

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500
comme un frère dans le Seigneur. Nombre de biens spirituels existent en dehors
des limites de lEglise catholique : la parole de Dieu écrite, la vie de la grâce, la
foi, l’espérance et la charité, et aussi dautres dons intérieurs du Saint Esprit et
dautres éléments visibles. Tout cela, qui provient du Christ et conduit à lui,
appartient de droit à l’unique Eglise du Christ. Les actions sacrées qui
s’accomplissent chez les frères séparésde la catholicité ne sont nullement
dépourvues de signification et de valeur dans le mystère du salut. L’Esprit du
Christ ne refuse certainement pas de se servir delles comme de moyens de salut,
dont la force dérive de la plénitude de grâce et de vérité, qui a été confiée à
lEglise catholique.
Les “frères séparés, soit individuellement, soit leurs communautés ou
Eglises, ne jouissent toutefois pas de lunité que Jésus Christ a voulu dispenser à
ceux quil a régénérés et vivifiés pour former un seul corps en vue d’une vie
nouvelle. La plénitude des moyens de salut nest assurée que dans l’Eglise
catholique. Cest en effet au seul collège apostolique, dont Pierre est le chef,
qu’ont été confiées toutes les richesses de la Nouvelle Alliance, afin de constituer
sur la terre un seul Corps du Christ, auquel il faut que soient pleinement
incorporés tous ceux qui, dune certaine façon, appartiennent déjà au peuple de
Dieu. Le fidèle du Christ ne peut quaspirer à la disparition des séparations
nocives à la croissance spirituelle de tous.6
Les hommes attendent des diverses religions du monde la réponse aux
énigmes cachées de la condition humaine, qui, hier comme aujourdhui, troublent
profondément le coeur humain, expliquait aussi le concile. Quest-ce que ce
mystère dernier et ineffable qui entoure leur existence, dils tirent leur origine
et vers lequel ils vont ? On trouve dans les peuples une certaine sensibilité à cette
force cachée présente au cours des choses et aux événements de la vie humaine.
Us y reconnaissent parfois une divinité suprême ou encore le Père. Cette sensibilité
et cette connaissance pénètrent leur vie d’un sens quil faut dire religieux. Les
religions liées aux progrès de la culture sefforcent de satisfaire aux mêmes
questions par des notions plus affinées et par un langage plus élaboré. Elles
tâchent de répondre à l’inquiétude du coeur humain en proposant des voies,
cest-à-dire des doctrines, des règles de vie et des rites sacrés. Rien de ce qui est
vrai et saint dans ces religions ne peut être rejeté. Le chrétien considère avec un
respect sincère ces manières dagir et de vivre, ces règles et ces doctrines, souvent
porteuses dun rayon de la Vérité, qui illumine tous les hommes.
Dans lunivers religieux, lEglise regarde avec estime les musulmans, qui
adorent le Dieu un, vivant et subsistant, miséricordieux et tout-puissant, créateur
du ciel et de la terre, qui a parlé aux hommes. Les musulmans cherchent à se
soumettre aux décrets de Dieu, même sils sont cachés. Ce que fit Abraham,
auquel ils se réfèrent volontiers. Bien quils ne reconnaissent pas Jésus comme
Dieu, ils le vénèrent comme prophète ; ils honorent sa Mère virginale, Marie, et
parfois linvoquent avec piété.
Enfin et surtout, le concile a rappelé le lien qui unit spirituellement le
peuple du Nouveau Testament, lEglise elle-même, avec la lignée d’Abraham,

11.3 Page 103

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501
c’est-à-dire avec la religion juive. LEglise du Christ reconnaît que les prémices de
sa foi et de son élection se trouvent, selon le mystère divin du salut, dans les
patriarches, Moïse et les prophètes. Elle croit que le Christ, notre paix, a réconcilié
les Juifs et les Gentils par sa croix et en lui-même. Des deux peuples, il en a fait un
seul. Les paroles de lapôtre Paul sur ceux de sa race, à qui appartiennent
l’adoption filiale, la gloire, les alliances, la législation, le culte, les promesses et les
patriarches, et de qui est né, selon la chair, le Christ(Romains 9, 4-5), le fils de la
Vierge Marie, ne peuvent être oubliées et négligées.
En somme, l’Eglise du vingtième siècle, tout en se reconnaissant tenue
dannoncer sans cesse le Christ, qui est la voie, la vérité et la vie(Jean 14, 6),
dans lequel les hommes doivent trouver la plénitude de la vie religieuse et dans
lequel Dieu sest réconcilié toutes choses (cfr 2 Corinthiens 5, 18-19), a exhorté
ses fils à reconnaître, préserver et faire progresser les valeurs spirituelles, morales
et socio-culturelles qui se trouvent chez ceux qui professent dautres religions.7
Le dialogue entre religions dans la famille salésienne
La famille salésienne a reçu cet enseignement avec joie et reconnaissance,
sans se croire pour autant infidèle à son fondateur. Le chapitre général spécial
salésien de 1971-1972 ne niait pas l’attitude polémique de don Bosco, dont il
reconnaissait lévidence. Il saluait pourtant loecuménisme avec enthousiasme.
L’oecuménisme des salésiens, jugeait-il, ajoute au souci de leur père de servir la
vérité des éléments nouveaux, qui étaient absents de ses perspectives, pour la
simple raison qu’ils étaient inconnus dans lEglise de son temps. Leurs regards ne
se bornent plus à la vérité exprimée par le Credo, ils embrassent tous les aspects
valables des confessions de foi de leurs frères séparés. La mutation par rapport à
don Bosco est réelle, mais dans un contexte de fidélité dynamique à son intention
religieuse. Les salésiens desprit oecuménique réalisent l’intention apostolique de
leur père avec des nuances qui la développent et la perfectionnent.8
La volonté d’inculturation de l’Evangile, caractéristique de la nouvelle
évangélisation selon Paul VI et Jean-Paul II, prêchée avec insistance par le recteur
Egidio Viganô, changea beaucoup de perspectives dans le regard porté par les
salésiens et les salésiennes sur les religions non-chrétiennes. La Commission
théologique internationale les y encourageait9. Avec prudence et charité, par le
dialogue et la collaboration avec ceux qui suivent dautres religions, tout en
témoignant de la foi et de la vie chrétiennes, salésiens et salésiennes, notamment
missionnaires, ont entrepris de reconnaître, de préserver et de développer les
valeurs que ces religions recèlent. Dans leurs contacts avec les musulmans, ils
sefforcent (ou devraient sefforcer) de promouvoir la compréhension réciproque
et de servir, à l’avantage de tous les hommes, la justice sociale, les valeurs
morales, la paix et la liberté. Le patrimoine spirituel commun aux chrétiens et aux
juifs est, pour le salésien en contact avec eux, le lieu dune connaissance et d’une
estime toujours meilleures, résultats détudes bibliques et théologiques, ainsi que
d’un dialogue fraternel.10

11.4 Page 104

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502
Des centres salésiens de spiritualité et de dialogue entre religions ont
éclos dans les dernières années du siècle. Il sagissait de communiquer lEsprit à
des adeptes dautres religions”11. “Le premier pas est le dialogue”, affirmait-on
désormais12. Lenseignement religieux devrait être donné dans cet esprit à
l’intérieur dun monde clairement pluraliste.13 Le rapport salésiens-religions a
donc changé du tout au tout depuis le temps de don Bosco. Mais crier à linfidélité
du disciple à son maître serait ici très malséant.
Notes
1. Avvisi ai cattolici, Turin, P. De Agostini, 1853 ; Il Cattolico istruito nella sua
religione. Trattenimenti di un padre di famiglia cosuoi figliuoli secondo i bisogni del tempo,
epilogati dal Sac. Bosco Giovanni, Turin, P. De Agostini, 1853. Les Avvisi constituaient
lédition retouchée du tract intitulé La Chiesa cattolica-apostolica-romana è la sola vera Chiesa
di Gesù Cristo. Avvisi ai cattolici, Turin, Speirani et Ferrerò, 1850 ; et II Cattolico istruito
résultait de la réunion dune série de fascicules parus en 1853 dans les Letture cattoliche.
2. Per religione sintende una virtù ovvero una serie di azioni buone, con cui l’uomo
rende a Dio lossequio e lonore a lui dovuto.” L’uomo deve praticare questa religione col
credere le verità da Dio rivelate, e collosservare la sua santa legge : cioè coll’osservanza de
Comandamenti di Dio e della Chiesa dal medesimo Iddio stabilita.Ç4wz« ..., p. 9.)
3. “D. Le varie religioni, che si praticano nel mondo, possono essere egualmente vere ?
- R No certamente, perchè la verità è sempre una sola. - D. Ci sono i Maomettani, i Protestanti,
cioè i Calvinisti ed i Luterani, ed hawi la Chiesa Cattolica Romana ; in quale di queste società
noi possiamo con certezza trovare la vera religione ? - R. Noi possiamo solamente trovare la vera
religione nella Chiesa Cattolica Romana, perchè essa sola conserva intatta la divina rivelazione,
essa sola fu fondata da Gesù Cristo vero Dio e vero Uomo, propagata dagli Apostoli, e dai loro
successori sino ai nostri giorni ; motivo per cui essa sola presenta i veri caratteri della divinità.”
(Avvisi..., p. 10-11.)
4. D’après J. Lachelier, in André Lalande, Vocabulaire technique et critique de la
philosophie, s.v. Religion.
5. “D. Fuori della Chiesa Cattolica, Apostolica, Romana, si può aver salute ? - R. No :
fuori di questa Chiesa ninno può salvarsi. Nella maniera, che quelli i quali non furono nell’arca
di Noè, perirono nel diluvio, cosi perisce inevitabilmente colui che muore separato dalla Chiesa
Cattolica, Apostolica, Romana, unica Chiesa di Gesù Cristo, sola conservatrice della vera
religione.” (Avvisi ... , p. 16-17.) Nous navons pas à redessiner ici les pastorales réelles des
apôtres et des missionnaires salésiens, qui se contentèrent peut-être rarement de ces théories.
6. Unitatis redintegratio, n. 2 et 3.
7. Nostra aetate, n. 1-4.
8. CGS, n. 268-269.
9. Commission Théologique Internationale, Le christianisme et les religions.
Document approuvé en octobre 1996. Le texte original espagnol, traduit en fiançais, a été publié
présenté par J. Doré, membre de cette commission (Paris, Centurion et Cerf, 1997).
10. Daprès Nostra aetate, n. 2, 3, 4, passim.
11. Titre dune communication de Cyril D’Souza, aux Journées de spiritualité pour la
famille salésienne, Rome, 16-18 janvier 1998.
12. Voir larticle de Maria Antonia Chinello Un centro per il dialogo religioso”,
Bollettino salesiano, avril 1997, p. 30-32, sur un Centre de spiritualité et de dialogue entre
refigions, à Madras, en Inde, avec les filles de Marie auxiliatrice, dont soeur Rosalia Doss,
indienne elle-même.
13. Voir, à ce sujet, le salésien C. Nanni, Per ima didattica interculturale della
religione, in Istituto di Catechetica (UPS), Insegnare religione nel pluralismo, Leumann, LDC,
1996.

11.5 Page 105

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503
Retraite spirituelle
Le sens de la retraite spirituelle salésienne
On ne peut concevoir de vie religieuse, peut-être même pas de véritable
vie chrétienne, sans exercices spirituels ; mais nous, qui sommes voués à la vie
active, nous avons un besoin tout spécial de ce temps de sainte retraite”, écrivait
un jour aux salésiens le recteur Filippo Rinaldi1. Daccord, mais qu’entendre au
juste par cette “sainte retraite”, que lon nous dit indispensable à la vie salésienne ?
Si la forme de la retraite salésienne a varié depuis le temps de don Bosco,
son sens, jamais compliqué, est demeuré stable.2 Don Bosco était familier du
centre dexercices spirituels desprit jésuite de SantIgnazio sopra Lanzo. En
matière de retraite, les premiers salésiens se référaient explicitement à la tradition
ignatienne.3 Retraçant lhistoire des exercices spirituels dans l’Eglise, don Rua
expliquait à des retraitants, quau seizième siècle, comme la foi et la charité se
refroidissaient dans le monde, le Seigneur inspira à son serviteur saint Ignace cette
pratique excellente pour raviver l’esprit de religion et de piété chez les chrétiens”4.
De manière très générale, la retraite est donc, pour le salésien des origines, un
temps de reprise contre la tiédeur ou l’abandon spirituel. Mais encore ? puisqu’une
idée de séparation sous-tend ce mot. Un auteur jésuite l’a défini un exercice
spirituel impliquant une rupture avec le régime de vie ordinaire, un cadre plus ou
moins isolé, silencieux et paisible, en vue de faciliter une rencontre avec Dieu au
sein dune expérience spirituelle plus ou moins intense”5
Progressons un peu. Pour don Rua, la rencontre de Dieu intervenait au
cours d’une vie comprise telle une marche vers Lui. A quelle fin nous
sommes-nous réunis ?demandait-il en ouvrant une instruction de retraite. “Pour
faire les exercices spirituels”, répondait-il lui-même. Et à quoi servent les
exercices spirituels ?Il enchaînait : A chercher diligemment dans la paix, loin
des occupations quotidiennes, les défauts qui enlaidissent notre âme, les vertus
dont nous nous trouvons dépourvus, et à nous exciter à la ferveur pour combattre
les uns et acquérir les autres. En un mot, nous nous sommes réunis pour
progresser dans l’édifice de notre perfection.6 Dans une autre occasion, il
remarquait que la présence du Christ, assurée deux ou trois sont réunis en
son nom, est essentielle à la retraite salésienne. Les retraitants se mettent à l’école
de Jésus, ils l’accueillent et attendent de lui les grâces qui leur sont nécessaires.7
Le retraitant veut se convertir, se purifier et progresser en vertu. Il est à lécoute
de Dieu afin de discerner sa volonté sur lui.
En consonance avec ces leçons, les constitutions salésiennes ad
experimentum de 1972 verront dans les exercices un temps de renouvellement”
de la volonté de conversion. Synthèse de toute notre vie de prière,
contineront-elles, ils redonnent à notre esprit son unité profonde dans le Seigneur.

11.6 Page 106

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504
Pour chaque salésien et pour la communauté ils constituent des moments
privilégiés découte de la Parole de Dieu, de discernement de sa volonté et de
purification de notre coeur.”8 Après quoi les constitutions définitives (1984) diront
sobrement que, pour les salésiens, la volonté de conversion” se renouvelle dans
les exercices spirituels annuels, temps de reprise spirituelle, considérés par don
Bosco comme partie fondamentale et synthèse de toutes les pratiques de piété9.
Un peu plus disertes et plus positives par leur allusion à la sainteté, les salésiennes
affirmaient alors que, avec la récollection mensuelle la retraite annuelle constitue
un moment privilégié de renouvellement intérieur, considéré par don Bosco de
grande importance pour une relance sur la voie de la sainteté10.
En soi, la retraite salésienne est donc, en rupture avec la vie quotidienne,
une action spirituelle pour une meilleure identification de soi au Christ, chemin de
sainteté. Le silence et la paix lui sont indispensables. On ny verra pas un temps
détudes ou de réflexions communautaires et, moins encore, de vacances ou de
retrouvailles entre amis. Il est toujours préférable de ne pas confondre les genres.
La structure ancienne de la retraite salésienne
Pendant le premier siècle salésien la forme des exercices spirituels était
soigneusement définie et strictement observée.11 Pour lessentiel, le retraitant se
soumettait à cinq ou six journées consécutives remplies de prières en commun et
de sermons, dits méditations le matin et le soir et instructions en cours de journée.
Le Règlement des exercices spirituels, préparé par don Rua, réélaboré au troisième
chapitre général (1883), enfin revu et corrigé par don Bosco, en expliquait les
conditions.
Lhoraire journalier guidait impérativement les retraitants. Cétait, à peu
près littéralement. 5 h 30. Lever. - 6 h. Prières du matin [selon la formule du
Giovane proweduto]. Veni Creator. Méditation. Messe de communauté. Prime et
Tierce [du Petit Office de la sainte Vierge], Petit déjeuner en silence. - 9 h. Sexte
et None. Lecture pendant une dizaine de minutes. Instruction. Chant d’un
cantique. Réflexion en chambre. - 11 h 30. Visite au Saint Sacrement. Examen de
conscience. Angélus. - 12 h. Déjeuner. Grâces, poursuivies par le psaume
Miserere, si possible jusquà la chapelle. Récréation modérée. - 14 h. Litanies des
Saints, puis repos. - 15 h. Vêpres et Complies. Instruction. Chant dun cantique.
Récréation en silence. - 17 h 30. Matines et Laudes. Veni Creator. Méditation.
Réflexion pendant quelques minutes. Chapelet. Ave Maris Stella, Tantum ergo.
Bénédiction du Saint Sacrement. Dîner et récréation modérée. - 21 h. Prières du
soir [selon la formule du Giovane proweduto] et repos.12 Cet horaire fut appliqué
à la lettre jusquau temps de Vatican IL
Certains aspects de ce programme échappent aux lecteurs dune autre
période. Us doivent surtout savoir que les méditationsportaient habituellement
sur les grandes vérités et les instructions” sur les obligations de la vie religieuse.
Ainsi une série de cahiers de don Rua intitulés Esercizi spirituali, avec des
sermons sur la fin de l’homme, le salut, la mort, le jugement, l’enfer et l’éternité,
étaient évidemment destinés aux méditations.13 Et, du même don Rua, un recueil

11.7 Page 107

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505
¿’“exercices spirituels pour religieuses, composé de sermons intitulés
successivement : Du désir de la perfection, Des biens de létat religieux”, Sur
la confession, Conditions pour une bonne confession, De la pauvreté
religieuse, Sur la prièreet De la charité”, était certainement destiné à des
instructions14.
La formule donna longtemps pleine satisfaction. Relevons au hasard la
retraite exemplaire de deux cent cinquante coadjuteurs à Valsalice, près de la
tombe de don Bosco, au mois daoût 1928. Don Rinaldi, qui la décrivait peu après
sa clôture, ne se lassait pas d’en faire l’éloge. Pleine avait été la confiance des
retraitants envers leurs supérieurs, remarquable leur abnégation personnelle,
parfaite la charité réciproque, ce lien divin de la perfection”, selon la lettre aux
Colossiens (Col. III, 14). Ce furent des jours de vraie vie salésienne, simple,
tranquille, sereine, parfaitement détendue, sans pratiques ni mortifications
particulières, en somme la vraie vie si bien enseignée par Jésus dans son saint
Evangile et tellement chère à notre vénérable Père Don Bosco.15
Toutefois certaines de ses particularités allaient bientôt choquer les esprits
avertis. Les heures de liberté étaient plutôt rares dans ce programme,
lembrigadement quasi constant. Les prêtres célébraient la messe en privé et, dans
la plupart des cas, lisaient seuls leur office, car la concélébration était alors
inconnue et la lecture du bréviaire toujours individuelle. Nul ne trouvait bizarre de
réciter matines et laudes en soirée la veille du jour désigné, anomalie alors plutôt
conseillée aux prêtres. Et puis les retraitants se pliaient de plus ou moins bon gré
au Miserere de la fin des repas et aux Litanies des saints avant la sieste. Les
spécialistes de la liturgie et de la vie spirituelle jugeaient non sans sévérité cet amas
quotidien plutôt pesant de discours et de pratiques disparates. .
La réforme des exercices spirituels au dix-neuvième chapitre général (1965)
Vatican II approuva leurs principales critiques. Et le dix-neuvième
chapitre général salésien, réuni à Rome en 1965 au lendemain du concile, entama
l’édifice traditionnel.des retraites salésiennes.16
La totale adhésion du chapitre aux principes du concile, en particulier à sa
constitution sur la sainte liturgie Sacrosanctum Concilium, déclarée document
fondamental de la piété salésienne17, ne pouvait qu’ébranler danciennes
habitudes. Le renouveau des exercices spirituels doit sinspirer dune spiritualité
plus biblique, plus liturgique, plus ecclésiale, mieux personnalisée et plus
existentielle, recommanda la commission capitulaire. La retraite salésienne devra
se recentrer sur l’office divin et le sacrifice eucharistique. Lhypothèque de
l’histoire ne pèsera plus sur elle. On la modernisera dans loptique conciliaire et
conformément aux aspirations des confrères adressées au régulateur du chapitre.
Un horaire allégé élargira la place du libre recueillement. Le nombre des sermons,
passant de quatre à trois, diminuera. La visite commune au saint sacrement, le
Miserere après les repas, les litanies des saints, le chapelet en commun,
disparaîtront du programme des journées. On priera selon les heures canoniques,
et des lectures bibliques remplaceront le Petit office de la sainte Vierge.

11.8 Page 108

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506
L’eucharistie, sommet de la journée, sera normalement concélébrée. Le silence,
dobservation apparemment assez difficile aux salésiens, est indispensable au
recueillement de tous, remarquait-on.
H fallait laisser tout son sens à la retraite. Le recteur majeur loua
l’Espagne, qui avait institué des retraites en silence complet. Le chapitre notait
quune seule province avait demandé dintégrer des circoli di studio(cercles
détude) aux retraites salésiennes. Quant à elle, la commission responsable du
thème déclara inopportune l’organisation en cours d’exercices de conférences
d’aggiornamento et de débats, quelle quen soit la nature. A son avis, de telles
réunions transforment dangereusement les exercices. Le silence est une denrée
trop délicate, que lon a vite gâchée. Linspecteur provincial pourrait
avantageusement organiser pour les siens une retraite en silence complet. Si des
réunions paraissent utiles, quon les prévoie avant ou après le temps de la retraite.
Luniformité rigide avait vécu. Les règlements furent modifiés en
conséquence et de nouveaux horaires parurent. Désormais, ils ne pouvaient être
que proposés, car les nécessités locales déterminaient les schémas des retraites.
Les exercices prenaient un nouveau visage dans le monde salésien.
Les salésiennes suivaient l’évolution parallèlement aux salésiens. Tout en
se reconnaissant dans la ligne traditionnelle”, elles s’adaptaient sans problèmes
aux temps nouveaux. Chez elles aussi les exercices spirituels sallégeaient. Les
religieuses nentendaient plus désormais, outre l’homélie de la messe, que deux
sermons journaliers, et leurs pratiques de piété étaient réorganisées. Davantage de
temps était laissé à la réflexion et à la prière personnelle. Elles appréciaient la
coutume, introduite en quelques endroits, d’exposer le saint sacrement en cours
d’après-midi. Les soeurs goûtaient le silence et le recueillement des temps de
retraite. Cependant la majorité dentre elles préférait les exercices au cours
desquels le silence était interrompu après le déjeuner et après le dîner. Car, après
la rencontre intime avec Dieu, il est beau et fructueux de se rencontrer entre
soeurs, ce qui cimente aussi l’union de la communauté inspectoriale.18
Dans un premier temps, les changements créèrent un peu de
désorientation parmi les usagers salésiens. On se concerta (Ariccia, 1967 ;
Camaldoli, 1969). Des recommandations furent diffusées.: Il convient, disait-on,
dunifier les thèmes développés par les prédicateurs dans leurs exposés. Le
retraitant doit sengager personnellement. Non content d’assister à une retraite, il
“fait” cet exercice spirituel en un rapport amical avec Dieu, qui le rend disponible
à son écoute, dans la prière et dans laction. Lors du chapitre général spécial de
1971 un équilibre paraissait avoir été enfin trouvé. La retraite salésienne s’était
modernisée19.
Le sens d’une réforme
D’après leurs règlements, les différents groupes de la famille salésienne,
salésiens, salésiennes, Volontaires de Don Bosco tant féminins que masculins,
coopérateurs, sont invités à participer à des retraites organisées pour eux. Son

11.9 Page 109

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507
statut dit que la VDB participe “chaque année à une session dexercices spirituels
proposée par lInstitut20. Chez les Coopérateurs salésiens, les exercices
spirituels sont offerts chaque année par lAssociation comme occasion privilégiée
de conversion et de reprise”21.
Dans la mesure l’évolution post-conciliaire avait porté des fruits, pour
ces groupes, dans l’idéal sinon dans la réalité nécessairement un peu décevante, les
leçons de spiritualité autrefois de règle devenaient plus ou moins des expériences
de vie spirituelle. Expliquons-nous sommairement sur le sens dune réforme
désirée dans la famille salésienne après Vatican H. Dans le modèle, dit ici des
leçons, la personne du prédicateur, les vérités communiquées, les dispositions
réglementaires, la prière pratiquée, la docilité du retraitant à se soumettre aux
règles du jeu, à se laisser prendre, etc., comptent énormément. Le deuxième
modèle, celui des exercices-expériences spirituelles, a une autre ambition. Les
exercices sont, dans son cas, une histoire, une vie, un événement spirituel ou
encore une réalité dynamique, qui suppose de la création et de linvention. Ils
constituent une rencontre personnelle avec le Christ. Nous retrouvons une idée
chère à don Rua. Cette rencontre s’effectue, non pas autour du retraitant pour le
capter, non pas même dans sa seule intelligence, mais dans son coeur, dans son je,
pénètre lEsprit Saint. La retraite a pour but de susciter en lui une opération
spirituelle. Elle sollicite sa docilité à lEsprit Saint, son obéissance à la Parole et
son expérience spirituelle de Dieu. Le prédicateur-guide nest plus dans ce cas que
le ministre et le serviteur de lEsprit, de la Parole et du retraitant.
Toutefois, on se gardera de dénaturer l’exercice réformé. L’expérience
saccomplit à lintérieur dun cadre, quil nest pas question d’abandonner. La
prière, assentiment à la Parole de Dieu, et lentreprise de discernement de sa
volonté sur soi, demeurent les opérations fondamentales du retraitant. Elles font
de la retraite un temps iïexercice, comme le recours à lEsprit Saint garantit son
caractère spirituel. En outre, les exercices doivent conserver leur allure salésienne.
La retraite salésienne est empreinte de simplicité, les introspections compliquées
ny ont guère leur place, tous y gardent le sens du concret, le style de l’ensemble
demeure familier et paternel, encore que paisible et silencieux. De nouvelles
formules de retraites, en vogue ici ou là, ne devraient pas rompre le contact vital
avec don Bosco. Sans le répéter mécaniquement, on restera, comme lui et à sa
manière, docile à la voix de l’Esprit Saint, seul capable de rajeunir et de renouveler
spirituellement les membres de sa Famille salésienne.22
Cependant, l’esprit de lexercice spirituel réformé avait-il pénétré les
moeurs salésiennes à l’aube du troisième millénaire ? Le modèle des leçons ne
sétait-il pas à nouveau imposé, quoique sous une forme moins rigide quautrefois,
aux membres de la famille qui consentaient à participer aux retraites
communautaires annuelles ? Le cadre était-il maintenu parfaitement silencieux ?
Les solutions faciles agréent toujours à qui redoute les complications.

11.10 Page 110

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508
Notes
1. ... Non si può concepire la vita religiosa, e forse neanche una vera vita cristiana,
senza esercizi spirituali ; ma noi che siamo dediti alla vita attiva, abbiamo un bisogno affatto
speciale di questo periodo di sacro ritiro.” (F. Rinaldi, Lettre aux salésiens, 24 juin 1926, Atti 35,
p. 457.)
2. Sur le thème de la retraite ou des exercices spirituels, voir, de manière générale, le
recueil documenté issu en 1975 dune rencontre de la famille salésienne, Il rinnovamento degli
esercizi spirituali. Simposio salesiano europeo, Leumann, Elle Di Ci, 1975.
3. Remarque de P. Brocardo, Gli esercizi spirituali nellesperienza di D. Bosco e della
vita salesiana, dans le recueil cité// rinnovamento ..., p. 57-62.
4. “Nel decimo sesto, rafiredandosi nel mondo la fede e la carità, per ravvivare nei
cristiani lo spirito di religione e di pietà, il Signore ispirò al suo servo S. Ignazio questa
eccellente pratica di fere gli esercizi(M. Rua, Introduzione agli esercizi spirituali, ms
Esercizi spirituali, p. 1-24, document reproduit en FdB 2942 E7 à 2943 B7.) Remarquons à cet
endroit que si, comme l’observait don Brocardo, art. cit., p. 44, gli interventi [stampati !] di
Don Rua sugli esercizi non sono molti”, la documentation manuscrite inédite, essentiellement
des sermons, classée aux archives salésiennes de Rome sous la rubrique Esercizi spirituali, est en
revanche très copieuse et très éclairante.
5. Manuel Ruiz Jurado, “Retraites spirituelles, Dictionnaire de spiritualité, t. XIII,
1988, col. 423.
6. Ci siamo radunati a che fine ? Per fare gli eserc. spir. Or. che prò questi esercizi
spirit. ? Per cercare diligentem. nella quiete, lont dalle quotid. occupaz. i dif. da cui è deturpata
l’anima nostra, le virtù di cui ci trov. mane, ed eccitarci al fervore per combatt. gli uni ed acq. le
altre ; in ima par. ci siam. radun. per isping. avanti l’edif. della nostra perfez.” (M. Rua,
Sullumiltà”, feuillet non paginé, reproduit en FdB 2900 A2).
7. Observation de don Rua, in Introduzione agli esercizi spirituali”, document cité, p.
3.
8. ... sintesi di tutta la nostra vita di preghiera. Essi ridonano al nostro spirito
profonda unità nel Signore Gesù. Per ogni salesiano e per la comunità sono momenti privilegiati
di ascolto della Parola di Dio, di discernimento della sua volontà e di purificazione del nostro
cuore.(Constitutions SDB ad experimentum, art. 63).
9. La nostra volontà di conversione si rinnova nel ritiro mensile e negli esercizi
spirituali di ogni anno. Sono tempi di ripresa spirituale che Don Bosco considerava come la
parte fondamentale e la sintesi di tutte le pratiche di pietà.” (Constitutions SDB, art. 91.)
10. “Momenti di particolare rinnovamento [... ] saranno il ritiro mensile e gli esercizi
spirituali annuali, che don Bosco considerava di grande importanza per un rilancio nel cammino
della santità” (Constitutions FMA, art. 46.)
11. Sur lhistoire de la forme des exercices spirituels salésiens, voir larticle de P.
Brocardo Gli esercizi nella esperienza di D. Bosco e nella vita salesiana, dans le recueil cité II
rinnovamento ..., p. 23-79.
12. Daprès le Regolamento degli esercizi nelle case della Pia Società di S. Francesco
di Sales, édité dans le recueil cité II Rinnovamento degli esercizi spirituali, p. 79-85.
13. Voir, en FdB 2938 D3 à 2945 E8, sous le titre Esercizi spirituali, au moins les 3
premiers de 9 cahiers numérotés de 1 à 8 (avec un 7 bis), soit au total environ 430 pages.
14. “Del desiderio della perfezione, “Dei beni dello stato religioso, Sulla
confessione, Condizioni per una buona confessione, Della povertà religiosa, Sulla
preghiera, “Della carità. (Cahier Esercizi spirituali per monache, en FdB 2912 E12 à 2913
B9.)
15. Furono giorni di vera vita salesiana, semplice, tranquilla, serena, senza ombra di
costrizione e aliena da pratiche e mortificazioni speciali ; insomma la vera vita tanto inculcata da
Gesù nel suo Santo Vangelo e cosi cara al nostro Ven. Padre D. Bosco.” (F. Rinaldi, Lettre aux
salésiens, 24 septembre 1928, Atti 46, p. 689.)

12 Pages 111-120

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12.1 Page 111

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509
16. Notes sur ce point dans l’article cité de P. Brocardo, Gli esercizi spirituali..., p.
67-74.
17. CGXIX, chap. VII, p. 92.
18. “Dopo rincontro intimo con Dio, è bello e fruttuoso incontrarsi con le sorelle ;
questo cementa anche lunione della Comunità ispettoriale.Notre alinéa a été écrit d’après le
compte rendu du Gruppo Figlie di Maria Ausiliatrice sur leur Institut au symposium de 1975,
consacré au renouvellement des exercices spirituels dans la famille salésienne. (Il rinnovamento
degli esercizi spirituali, cité, p. 270-272.)
19. Voir P. Brocardo, Gli esercizi spirituali... , art. cité, p. 70-74.
20. ... ogni anno a un corso di Esercizi Spirituali proposto dallIstituto(Règlements
VDB, art. 13.) Même idée en Constitutions CDB, art. 36.
21. ... gli esercizi spirituali vengono offerti annualmente dallAssociazione come
occasione privilegiata di conversione e di ripresa. (RVA, art. 34, § 2.)
22. Réflexions empruntées pour la plupart à larticle cité de P. Brocardo Gli esercizi
spirituali... , p. 74-77.

12.2 Page 112

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510
Rinaldi, Filippo
Filippo Rinaldi prêtre salésien
Deux saints recteurs majeurs ont oeuvré au développement de la
congrégation salésienne au cours du demi-siècle qui suivit la mort de don Bosco :
Michèle Rua de 1888 à 1910 et Filippo Rinaldi de 1922 à 1931. Lun et lautre
furent de vivants modèles de spiritualité salésienne. La sainteté de don Rua, “un
saint formé par un autre saintselon le titre de sa biographie par le P. Aufiray1, fut
depuis toujours une évidence. Classer don Rinaldi à ses côtés semble ne pas
simposer autant. Les salésiens contemporains de ce prêtre aux études simplifiées,
de culture moyenne, sans prestance particulière, plutôt effacé, simplement pieux et
bon, nenvisageaient guère pour lui une quelconque glorification posthume.2
Pourtant, à l’approche de sa béatification par Jean-Paul II (29 avril 1990), le
recteur dalors, Egidio Viganô, put en tracer léloge spirituel sous le titre éloquent
: Don Filippo Rinaldi, authentique témoin et interprète de lesprit salésien3.
Filippo Rinaldi fut un témoin exceptionnel de la spiritualité salésienne.
Il était le 28 mai 1856 à Lu Monferrato, commune du Piémont, qui, un
jour doctobre 1861, vit arriver en promenade de vacances la troupe bruyante des
jeunes garçons de don Bosco. Quand la question des études secondaires s’était
posée pour lui, Filippo sétait retrouvé assez naturellement dans le collège que don
Bosco venait douvrir dans la région, à Mirabello. Mais, pour des raisons diverses
: mésentente avec un assistant, troubles oculaires, il était rentré chez lui au bout
dune année seulement. Le travail ne manquait pas à la ferme familiale. Cependant
don Bosco, à qui il s’était confessé à deux reprises, l’avait marqué et ne le perdait
plus de vue. Si bien quà vingt-et-un ans (1877), Filippo décida de sagréger à sa
congrégation et reprit ses études dans le centre salésien de vocations adultes de
Sampierdarena, près de Gênes. Dès lors, tout se précipita pour lui : deux ans de
latin, une année de noviciat conclue par une profession religieuse aussitôt
perpétuelle (13 août 1880), trois ans de théologie et, enfin, ordination sacerdotale
(23 décembre 1882). Cinq ans avaient suffi pour faire du paysan de Lu, à peine
sorti du primaire, un prêtre salésien.
Prêtre salésien, don Rinaldi assuma toujours des responsabilités de
supérieur. Au lendemain de son sacerdoce, il recevait déjà la charge de directeur
d’une maison de vocations tardivesdabord à Mathi près de Turin, puis à San
Giovanni Evangelista à Turin même (1883-1889). Ce directeur était la bonté
même. “La première fois que je lui fus présenté comme directeur, je me souviens
quil me traita avec une telle affabilité à la fois digne et paternelle, que je men
trouvai profondément remué et porté à lui ouvrir entièrement mon coeur : nul
autre jusque-là navait produit sur moi une aussi profonde impression”,
témoignera lun de ses anciens élèves d’alors4. Lexcellent homme sadaptait sans
problèmes aux collaborateurs de caractère opposé au sien. Aussi quand, en 1889,

12.3 Page 113

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511
il fallut pourvoir à la direction de la maison lointaine et importante de Sarrià
(Barcelone), Turin fit appel à don Rinaldi. La tâche nétait pas simple. Il lui fallait
changer de pays, apprendre une langue, se couler dans une culture différente et
nouer des relations avec des inconnus. Don Rinaldi, qui n’était pas un intellectuel,
se plia généreusement à létude du castillan et se fit Espagnol avec les Espagnols.
Le succès vint bientôt. Au bout de seulement trois ans, le développement de
l’oeuvre salésienne dans la péninsule, entre autres à lactivité du directeur de
Sarrià, qui formait des novices sur place et multipliait les contacts directs ou
épistolaires avec les coopérateurs salésiens, décida don Rua à créer là-bas une
province, dont le centre serait Sarrià et notre Rinaldi l’inspecteur (1892). Il
occupera cette charge pendant neuf ans (1892-1901). La province dEspagne et de
Portugal fut alors prospère aux salésiens. Don Rinaldi érigea une maison de
noviciat et prit un soin tout particulier des novices, qui arrivaient en nombre.
Durant son mandat il ouvrit au moins seize maisons5, assumant de bon coeur les
soucis financiers et administratifs que de telles fondations supposent. Après lui,
quatre provinces purent être érigées dans la péninsule ibérique. Sa tâche sétendait
aux filles de Marie auxiliatrice, alors agrégées à la congrégation salésienne par la
volonté de don Bosco. Il fallait leur rendre visite, les conseiller, les aider au
spirituel et au temporel, afin de les maintenir dans la régularité et leur permettre de
remplir leur mission tranquillement et avec fruit. A son arrivée à Barcelone, il y
avait quatre soeurs et trois novices, et, quand il partit, le chiffre des soeurs était
monté à soixante-trois et celui des novices à trente-et-un.6 Cest en Espagne que
don Rinaldi entama auprès des filles de Marie auxiliatrice une mission très active,
qui, avec le temps, prendra de plus en plus dampleur et durera jusquà sa mort.
On le voit, cet être simple, orateur sans éclat, mais d’un zèle, d’une sagesse et
dune charité incomparables, était homme daction et de création. LEspagne sera
la deuxième patrie de don Rinaldi.
Don Rinaldi préfet général, puis recteur majeur des salésiens
En 1901, le préfet général salésien étant mort à limproviste, don Rua,
certainement impressionné par son succès apostolique, le nomma à ce poste,
numéro deux de la congrégation. Docile, il rentra à Turin. Au titre de préfet,
l’administration densemble lui incombait. Don Rinaldi se mit à l’oeuvre avec une
force tranquille. La justesse de son jugement lui permettait de résoudre en un
tournemain des problèmes compliqués. Ce prêtre à lair placide, qui nen imposa
jamais à personne, fait penser à Angelo Roncalli, ce compatriote de la génération
suivante. Avec la même bonhomie, lui aussi, toute sagesse, écoutait les gens, les
laissait parler et surclassait calmement les malins et les puissants. H travaillait sans
trêve. Loin de se confiner dans un poste de haute responsabilité, il confessait,
prêchait, participait à l’éducation des jeunes. On appréciait beaucoup sa direction
spirituelle. Le préfet don Rinaldi se dépensait pour l’oratoire populaire de filles du
Valdocco, confié aux salésiennes. Cétait son oratoire à lui. Il veillait sur les
anciennes élèves des filles de Marie auxiliatrice. En qualité de préfet de la
congrégation, don Rinaldi eut la responsabilité immédiate de trois chapitres
généraux (1901, 1904 et 1910). Le deuxième et le troisième lui furent
particulièrement lourds. Cependant, il multipliait les initiatives à lavantage du
monde féminin. La plus remarquable fut, à la suite dun voeu manifesté en 1911

12.4 Page 114

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512
par quatorze anciennes élèves des salésiennes lors du premier congrès de leur
association, lélaboration d’un statut en sept points (3 octobre 1916), puis la mise
sur pied, le 20 mai 1917, dune association de zélatrices de Marie auxiliatrice,
véritables religieuses dans le monde, association destinée à constituer soixante ans
plus tard l’institut séculier des Volontaires de Don Bosco7. Le préfet Rinaldi
réorganisa les coopérateurs, pour lesquels neuf congrès internationaux seront
tenus entre 1903 et 1930 ; et il donna une assise organique à lassociation des
anciens élèves des salésiens. Lénumération est très incomplète, car, inlassable,
don Rinaldi imaginait et organisait sans cesse.
Parmi les salésiens, il ne manquait pas d’observateurs superficiels, qui
n’éprouvaient pas pour don Rinaldi l’estime quil méritait”, écrivit un excellent
témoin au moment de raconter son élection au poste de recteur majeur.8 Cet
humble s’effaçait systématiquement, l’ombre lui convenait. Au reste, “qu’attendre
(de bon) dune vocation tardive ?” disaient certains9. Lui-même ne pensait pas
autrement. Eppure ! Lors du chapitre général qui suivit la mort du recteur Albera,
Filippo Rinaldi fut élu à ce poste dès le premier tour de scrutin, par cinquante voix
sur soixante-quatre votants (24 avril 1922). Avec une humilité non feinte, le
nouveau recteur majeur exprima aussitôt sa honte. “Cette élection est une
confusion pour moi et pour vous, déclara-t-il. Elle fait croire que le Seigneur veut
mortifier la congrégation ou que la Madone veut faire entendre quelle seule est à
l’oeuvre parmi nous. Je vous assure que cest pour moi une grande mortification.
Priez le Seigneur pour que nous puissions ne pas gâcher ce qu’ont fait don Bosco
et ses successeurs.10 Au vrai, son humilité le rapprochait singulièrement du
fondateur, ce modeste jamais fanfaron. Giovanni Battista Francesia, survivant de la
toute première génération salésienne, aurait alors noté : “A don Rinaldi, il ne
manque que la voix de don Bosco : il a tout le reste.11 Au cours des neuf années
de son rectorat, la congrégation de don Bosco et l’institut des filles de Marie
auxiliatrice reprirent un développement que la récente guerre mondiale avait
freiné. Ce recteur de culture sommaire avait à coeur lorganisation de
communautés de formation et de centres détude pour les siens dans sa
congrégation. La congrégation salésienne grandissait et sétendait. Le nombre des
maisons passa au cours de la décennie 1922-1931 de 404 à 644 et celui des
confrères de 4788 à 8836. Don Rinaldi dépêcha les premiers salésiens en
Tchécoslovaquie, en Hollande, en Suède, au Guatemala, en Australie et au Maroc.
Les missions, chères à Pie XI, pape dalors, bénéficièrent de son impulsion. On a
calculé qu’entre le 18 août 1922 et le 22 octobre 1931, 1868 salésiens et 613 filles
de Marie auxiliatrice partirent en terre de mission. Sous le mandat du recteur
Rinaldi, la cause de don Bosco aboutit à sa béatification par le pape le 2 juin 1929.
Nullement rivé à son bureau, le recteur visitait les maisons de sa congrégation et
continuait de créer des associations, ainsi, à partir de 1921, une Union Don
Bosco des Enseignants12.
Cependant, lhumble sentiment qu’il éprouvait de soi augmentait encore
avec les infirmités qui se mettaient à l’accabler. Comme il eût aimé se trouver
exonéré de sa charge par le chapitre général de 1928 ! Mais sa démission ne fut
jamais acceptée. Stoïque et serein, il continua de porter sa croix. On ladmirait. Sa
bonté et sa piété lui conféraient la réputation dun saint, surtout chez les filles de

12.5 Page 115

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513
Marie auxiliatrice, nombreuses étaient ses dirigées. Elles attribueraient bientôt à
sa prière de véritables miracles de guérison. Don Filippo Rinaldi mourut à Turin le
5 décembre 1931.
Un témoin authentique de la spiritualité salésienne
Don Rinaldi n’a pas écrit grand-chose. Mais son témoignage suffit à le
situer parmi les maîtres en spiritualité salésienne. A elle seule sa vie fut un
enseignement, encore que ses leçons ne soient pas perceptibles au premier coup
doeil. En effet, selon une observation du recteur Viganà, qui avouait ne lavoir
découvert lui-même que tardivement, il avait su recouvrir d’un épais manteau
dhumilité un ensemble de richesses spirituelles, de créativité apostolique,
d’initiatives audacieuses, de souple adaptation à son temps ... ”13. Ecoutons en
parler cet autre maître qui, à la différence de son prédécesseur, ne ménageait pas
sa plume.
Ce spirituel était un homme daction et d’entreprise, qui se voulait en tout
fidèle à don Bosco. Le parcours de son existence le démontre à chaque pas,
quand, à Turin, il était directeur de vocations tardives, quand il avait été nommé
provincial en Espagne, quand il était devenu préfet général et enfin quand il eut été
élu recteur majeur. La parole et l’exemple de don Bosco étaient pour lui consignes
sacrées. Dernier recteur majeur à avoir entendu personnellement les conseils de
don Bosco, il ne souffrait pas dans sa société un écart quelconque de ses
orientations. Cest ainsi quil cultivait la salésianité”.
Le recteur Viganô appréciait surtout ce quil appelait l’intériorité
apostoliquede don Rinaldi, c’est-à-dire, conformément aux leçons de dom
Chautard dans L’âme de tout apostolat, une vie intérieure intense jointe à une
vigoureuse action apostolique. Don Rinaldi nétait pas atteint de la maladie de la
superficialité, que le recteur Viganô déplora inlassablement chez les siens. Don
Bosco, disait-il, était parvenu à se perdre tout en Dieu. A partir de cette
merveilleuse union, il sétait lancé vers les âmes avec l’ardeur de la charité du
Rédempteur en personne, au point de ne plus vivre, de ne plus respirer que pour
elles.14 Dans sa soif des âmes”, don Rinaldi vivait pleinement le da mihi animas
de don Bosco. Faire du bien aux “âmes”, cest-à-dire aider les gens, surtout ceux
qui se confiaient à lui, à trouver le chemin vers Dieu selon leurs charismes, à y
progresser par la vertu et le soutien des sacrements, à se redresser si nécessaire,
était devenu pour don Rinaldi une passion. On se dépense pour les âmes par le
“travail sanctifié, cest-à-dire par le travail en union à Dieu. Les membres de la
famille salésienne seraient ainsi tous les jours plus actifs et, en même temps,
mieux unis au Seigneur.15 Seule la personne sanctifiée produit un travail qui est
prière, rappelait-il aux têtes légères. La prière sanctifie. Don Rinaldi réunit un jour
quelques confrères pour rechercher avec eux la caractéristique essentielle de
l’esprit salésien. Il conclut que l’action réalisatrice inlassable sanctifiée par la
prière et l’union à Dieule caractérise fort bien.16
Don Rinaldi fut un prototype de bonté pastorale, estimait don Viganô.
Cétait pour les âmes un véritable père. De la paternité il avait laspect, le geste,

12.6 Page 116

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514
la parole et surtout le coeur, disait l’évêque qui prononça son éloge funèbre. A son
approche, on ressentait immédiatement la fascination dune supériorité qui narrête
pas, mais qui attire ; entre ses bras solides, tendus pour saluer, on se serait
abandonné avec une confiance filiale, même aux instants de plus grand abattement
; son regard, toujours serein, donnait courage ; sur ses lèvres, chacun savait qu’il
trouverait toujours, comme sur celles dun père, la vérité, mais aussi la charité.17
H éprouvait un amour de prédilection pour la jeunesse besogneuse. Sa bonne
paternité se manifestait tout particulièrement dans le sacrement de pénitence. Sa
peine était grande de constater que les directeurs salésiens avaient abandonné la
confession de tous les jeunes par une interprétation (trop) stricte des décisions
romaines du début du siècle.18 Il cultivait naturellement l’esprit de famille entre
frères et entre soeurs. Enfin, pour être toujours bon, il se dominait constamment.
Le contrôle de soi est nécessaire à qui tient à se faire aimer. Sa tempérance était
nourrie dhumilité. A son comportement, on comprenait bientôt que ce supérieur
se considérait comme le serviteur de tous19. Or - observation du seul rédacteur de
ces lignes - cétait avant les leçons du concile Vatican II !
Telles étaient les réflexions du recteur Vigano au moment de saluer en
don Rinaldi un admirable témoin de la spiritualité salésienne.20
Notes
1. Lyon, Vitte, 1932.
2. Sur don Rinaldi, voir ses lettres circulaires aux salésiens dans les Atti del Capitolo
Superiore entre 1922 et 1931 ; Taurinen. Beatifìcationis et canonizationis Servi Dei Philippi
Rinaldi, sacerdotis professi ac rectoris maioris Societatis Sancii Francisci Salesii, lu à travers le
recueil de L. Fiora, Informatio super virtutibus, Rome, 1983 ; E. Cena, Vita del Servo di Dio
sac. Filippo Rinaldi, terzo successore di S. Giovanni Bosco, Turin, SEI, s. d. (1951) ; L.
Càstano, Don Rinaldi, Leumann, LDC, 1980 ; Stefano Maggio, Lo spirito di Don Bosco nel
cuore del beato Don Rinaldi, Turin, SEI, 1990.
3. E. Viganò, Don Filippo Rinaldi, genuino testimone e interprete dello spirito
salesiano, lettre aux salésiens, 5 décembre 1989, Atti 332, p. 3-65.
4. La prima volta che venni presentato a lui come mio Direttore, ricordo che mi trattò
con tanta dignitosa affabilità, che mi sentii tutto sollevato e portato ad aprirgli sempre tutto il
mio cuore : nessun altro guardandolo mi aveva fino allora lasciato cosi profonda impressione.
(Giovanni Zolin, lettre à don Ceria, 5 février 1947, dans E. Ceria, Vita del Servo di Dio... , p.
64.)
5. Seize est le chiffre de don Cena. Vingt-et-une maisons fondées, selon don Pietro
Ricaldone au procès de canonisation, relayé par don Viganò, Don Filippo Rinaldi ... , lettre
citée, p. 20.
6. Daprès L. Càstano, Don Rinaldi, cité, p. 78-79.
7. D’après L. Càstano, Don Rinaldi, cité, p. 118 et sv. La chronologie de don Ceria
diffère quelque peu de celle de don Càstano, en principe mieux informé sur cette question
particulière.
8. Tra i Salesiani non mancarono osservatori superficiali, che non avevano del valore
di Don Rinaldi la meritata stima. (E. Ceria, Vita del Servo di Dio ..., p. 272)
9. Che cosa può venir fuori da un Figlio di Maria ?” (Cité, ibidem.).
10. Questa elezione è una confusione per me e per voi. Essa fa credere che il Signore
voglia mortificare la Congregazione o che la Madonna voglia far vedere che è Essa sola che
opera in mezzo a noi. Assiemo che è per me una grande mortificazione. Pregate il Signore,

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515
perchè possiamo non guastare ciò che han fatto Don Bosco e i suoi successori.(D’après E.
Ceria, Vita del Servo di Dio..... p. 273.)
11. A don Rinaldi manca solo la voce di don Bosco : tutto il resto lha.(D’après E.
Celia, Vita del Servo di Dio ..., p. 5.)
12. Voir le chapitre La Unione Don Bosco fra Insegnanti”, dans E. Ceria, Vita del
Servo di Dio ..., p. 331-340.
13. In vita egli aveva saputo ricoprire con un denso manto di umiltà un insieme di
ricchezze spirituali, di creatività apostolica, di audaci iniziative, di duttilità con i tempi, di
preveggenza e persino di sviluppo del carisma ... (E. Viganò, Don Filippo Rinaldi... , lettre
citée, p. 7.)
14. Daprès F. Rinaldi, Lettre aux salésiens, 6 avril 1929, Atti 48, p. 734-735.
15. ... li aiutasse ad essere ogni giorno più attivi e nel medesimo tempo più uniti al
Signore ... (F. Rinaldi, Lettre aux salésiens, 24 juin 1922, Atti 15, p. 16.)
16. “Operosità instancabile santificata dalla preghiera e dalla unione con Dio, daprès
E. Viganò, Don Filippo Rinaldi... , lettre citée, p. 46.
17. Della paternità Egli aveva l’aspetto, il gesto, la parola e specialmente il cuore.
Avvicinandosi a Lui si subiva il fascino di una superiorità che non ferma ma attrae ; fia le sue
solide braccia, tese al saluto, uno si sarebbe abbandonato con fiducia filiale anche nei momenti di
maggiore sconforto ; sulle sue labbra ciascuno sapeva di trovare, come sulla labbra di un padre,
sempre la verità, ma anche sempre la carità.(Evasio Colli, évêque dAcireale, Don Filippo
Rinaldi. Elogio funebre, Turin, SEI, 1932, p. 6.)
18. F. Rinaldi, Lettre aux salésiens, 26 avril 1931, Atti 56, p. 940-942.
19. Témoignage de don Pietro Ricaldone au procès de canonisation, daprès Egidio
Viganò, Don Filippo Rinaldi... , lettre citée, p. 58.
20. E. Viganò, Don Filippo Rinaldi... , lettre citée, p. 59.

12.8 Page 118

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516
Rosaire
Une pratique traditionnelle
En 1982, les filles de Marie auxiliatrice annonçaient dans leurs
constitutions rénovées : Nous recourrons à elle (Marie) avec confiance et
simplicité par la célébration de ses fêtes liturgiques et en l’honorant par la prière,
comme lEglise et la tradition salésienne nous y invitent, spécialement par le
chapelet quotidien, - en communion avec elle - sont revécus les mystères de
notre rédemption.1 Elles sinscrivaient ainsi sans complexe et très exactement
dans une longue histoire. En effet, la famille née de don Bosco a depuis toujours
récité son rosaire (au total cent cinquante Ave Maria, distribués par dizaines,
toutes ouvertes par le Pater et closes par le Gloria Patri), pratique répétitive
enracinée depuis le Moyen Age dans la religion populaire catholique. Aux Becchi,
comme un peu toutes les mères de la région, Margherita Bosco en imposait
quotidiennement cinq dizaines à ses trois fils. Et, si la famille salésienne se
conformait aux directives de ses manuels de piété, dont le Giovane proweduto de
don Bosco fut le prototype, elle méditait en égrenant les dizaines quinze
“mystèresbien déterminés de la vie de Marie et de Jésus, qui étaient tous
“mystères de notre rédemption”. Cétait, par groupes de cinq, les mystères
joyeuxde l’Annonciation, de la Visitation, de Noël, de la Présentation et de Jésus
enfant discourant au Temple ; puis les mystères douloureuxde Gethsémani, de
la Flagellation, du Couronnement d’épines, du Chemin de croix et de la
Crucifixion ; enfin les mystères glorieuxde la Résurrection, de l’Ascension, de la
Pentecôte, de l’Assomption de Marie et de son Couronnement aux cieux.2 Les
dizaines dAve étaient accompagnées en pensée, dans l’idéal tout au moins,
dembryons de méditations religieuses sur les principaux événements salvifiques de
la Rédemption accomplis dans le Christ.
Lapologie du chapelet après Vatican II
Le mouvement liturgique du vingtième siècle, qui déboucha sur la
constitution Sacrosanctum concilium de Vatican U, éliminerait-il le chapelet de la
prière catholique ? Plusieurs lont pensé. La liturgie officielle valait infiniment
mieux que les dévotions particulières telles que le chapelet. De fait, dans les
maisons salésiennes, le progrès liturgique entraîna bientôt la suppression de la
récitation traditionnelle du chapelet pendant la célébration eucharistique
quotidienne, coutume autorisée par saint François de Sales3, instaurée par don
Bosco lui-même chez les siens, encore imposée par le recteur majeur Ricaldone en
19394 et toujours en vigueur au début des années 1960. Mais le concile adoptait
alors en la matière une position équilibrée, exhortant à promouvoir, auprès du
culte liturgique, dautres formes de piété mariale, surtout celles recommandées par
le Magistère, au premier rang desquelles il y avait le chapelet5. Et les partisans du
rosaire, des dominicains notamment, le défendaient avec vigueur et succès.

12.9 Page 119

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517
Le rosaire, disaient-ils, est dabord une prière évangélique.6 H tire de
l’Evangile ses principales formules et l’énoncé des mystères qui accompagnent sa
récitation. H sen inspire, quand, en commençant par la joyeuse salutation de
l’Ange et par l’acceptation de Marie, il propose à lesprit du croyant, par la
succession des Ave, le mystère fondamental de l’Evangile, qui est celui de
l’Incamation. Et cette prière évangélique, centrée sur lIncarnation rédemptrice, en
développe harmonieusement les implications. Elle reflète la manière même dont le
Verbe divin, en sinsérant dans lhistoire humaine, a réalisé la Rédemption. Sous la
forme quil a prise à lépoque moderne, le rosaire considère, successivement et
dans l’ordre, les événements de la Rédemption, depuis la conception virginale de
Jésus et le temps de son enfance jusquaux heures de Pâque et à leurs effets sur
lEglise naissante et sur Marie emportée corps et âme vers le ciel. Comme dans la
prédication primitive, dont témoigne l’hymne de l’épître aux Philippiens7, le fidèle
du rosaire va en pensée de l’abaissement du Fils de Dieu à la mort, puis à
l’exaltation du Verbe incarné.
L’orientation de cette prière évangélique, que l’on accuse bien à tort de
mariolâtrie, est nettement christologique. La répétition litanique de lAve Maria
est une louange incessante au Christ, objet ultime de l’annonce de l’Ange et de la
salutation de la mère de Jean Baptiste : Le fruit de tes entrailles est béni”8. La
contemplation - car la récitation du rosaire est normalement un temps de
contemplation - entraîne le récitant devant le Fils de Dieu et de la Vierge
successivement dans une grotte à Bethléem, présenté au Temple par sa Mère,
adolescent plein de zèle pour les affaires de son Père, rédempteur agonisant au
Jardin des Oliviers, flagellé et couronné dépines, chargé d’une croix et mourant
au Calvaire, ressuscité des morts et monté auprès de son Père, enfin dans la gloire
pour réaliser l’effusion de lEsprit qu’il avait promis. Nombreuses sont les
richesses spirituelles proprement chrétiennes du rosaire.
Les éléments du rosaire : contemplation des mystères du salut, Pater qui
est Prière du Seigneur, reprise litanique de lAve Maria, doxologie trinitaire du
Gloria Patri, chacun avec son caractère propre, sont intégrés à sa pratique idéale.
La prière prend ainsi tour à tour un caractère grave dans la Prière du Seigneur,
lyrique et laudatif dans le déroulement des Ave, contemplatif dans la méditation
des mystères, implorant dans la supplication : Prie pour nous, pécheurs, et plein
dadoration dans la doxologie, qui clôt chacune des dizaines.
Le rosaire peut être une louable pratique individuelle et privée, mais sa
pratique communautaire, plus ou moins publique, est préférable. Dans Marialis
cultus (1974), Paul VI exhortait les chrétiens à la récitation du rosaire en commun.
Les membres de la famille salésienne, quelle que soit leur situation dans le monde,
ne peuvent quêtre sensibles à cette invitation, eux pour qui le rosaire fut
longtemps une pratique essentiellement communautaire. Paul VI disait : Après la
célébration de la liturgie des Heures - sommet que peut atteindre la prière familiale
- il n’y a pas de doute que le chapelet de la Vierge Marie doit être considéré
comme une des plus excellentes et des plus efficaces prières en commun” que la
famille chrétienne est appelée à réciter. Nous aimons à penser en effet et nous

12.10 Page 120

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518
espérons vivement que, si la rencontre familiale devient un temps de prière, le
rosaire en soit une expression fréquente et appréciée.Dans cette ligne, un
mouvement apostolique, dit les Equipes du Rosaire, fait réfléchir aux virtualités
étonnantes de cette prière. Créées en 1955 par un dominicain, elles font participer
les laïcs à une évangélisation dun type nouveau, en créant partout, au domicile
des laïcs et sous leur responsabilité, des lieux de prière ouverts à tous, pratiquants
ou non, baptisés ou non, le rosaire est à la fois prière, lien dunité et annonce
de l’Evangile9.
Pas d’exclusivisme inopportun, recommandait toutefois le pape. Leurs
constitutions demandent aux salésiens, aux salésiennes et aux volontaires avec don
Bosco de réciter chaque jour leur chapelet.10 Toute liberté est laissée aux autres
membres de la famille salésienne. “Le rosaire est une prière excellente, au regard
de laquelle le fidèle doit se sentir sereinement libre et invité à la réciter en toute
quiétude, par sa beauté intrinsèque.11
Le bienheureux Jozef Kowalski, prêtre salésien, martyr du chapelet
Don Bosco avait coutume de terminer ses leçons spirituelles par un
esempio. Un esempio pris dans lhistoire salésienne du vingtième siècle convient à
cet article sur le rosaire.
Le chapelet fut lultime appui du saint prêtre salésien Jozef Kowalski,
béatifié comme martyr par Jean-Paul II le 13 juin 1999. Il en mourut assassiné.
Avec onze autres salésiens polonais, il avait été arrêté le 23 mai 1941 et bientôt
interné à Auschwitz. Le 3 juin 1942, le commandant Palitzsch le passe en revue au
milieu d’une soixantaine de prêtres prisonniers désignés pour Dachau. Quest-ce
quil y a dans ta main ?, lui demande Palitzsch. Le prêtre se tait. Lofficier frappe
violemment son poignet : un chapelet tombe sur le sol. Ecrase, hurle Palitzsch.
Kowalski refuse. Furibond, Palitzsch l’extrait immédiatement du groupe pour le
camp dextermination tout proche de Birkenau. Dans la nuit du 3 au 4 juillet
suivant, Palitzsch et le kapo Mitas (qui sen vantera) tuaient de leurs mains Jozef
Kowalski et, pour parfaire leur crime, jetaient son corps dans un tonneau
dexcréments. Il avait trente-et-et un ans12.
Notes
1. Ricorreremo a lei con semplicità e fiducia celebrando le sue feste liturgiche e
onorandola con le forme di preghiera proprie della Chiesa e della tradizione salesiana,
specialmente con il Rosario quotidiano in cui si rivivono - in comunione con lei - i misteri della
nostra Redenzione.” (Constitutions FMA, art. 44.) Considération semblable, mais exprimée
seulement par incidence, dans les Règlements rénovés des salésiens, art. 74 : “Oltre al rosario, in
cui Maria insegna ai suoi figli come unirsi ai misteri di Cristo ...”
2. Don Bosco enseignait cette méthode à ses garçons. Voir la Forinola di recitare i
quindici misteri del Rosario della SS. Vergine, dans le Giovane provveduto, Turin, 1847, p.
109-111.

13 Pages 121-130

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13.1 Page 121

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519
3. “A la Messe, je vous conseille plustost de dire vostre Chapelet qu’aucune autre
prière vocale ; et, le disant, vous le pourres rompre quand il faudra observer les pointz que je
vous ay marqué, a lEvangile, au Credo, a lEslevation, et puis reprendre ou vous avez laissé ...
(Lettre à Mme Bourgeois, 9 octobre 1604, dans Oeuvres, t XII, p. 334.)
4. P. Ricaldone, Oratorio festivo, catechismo, formazione religiosa”, Atti 96,
nov.-déc. 1939, p. 162. Cette récitation était obligatoire même pour les séminaristes salésiens.
5. Lumen gentium, n. 67.
6. Nous allons suivre ici lexhortation apostolique de Paul VI, Marialis cultus, 2
février 1974, n. 42-55, exposé consacré au seul Rosaire, qui rassemblait avec bonheur les
résultats de divers congrès sur la question.
7. Philippiens 2,6-11.
8. Luc 1,42.
9. Voir J. Eyquem, Rosaire, Catholicisme, t 13, 1993, col. 107-109.
10. Recitiamo quotidianamente il rosario”, disent les constitutions SDB, art. 92.
“Recita quotidiana del Rosario, selon les constitutions CDB, art. 37. Pour les salésiennes, voir,
ci-dessus, n. 1.
11. Marialis cultus, n. 54 et 55.
12. D’après la notice du procès de béatification et de canonisation du “Servo di Dio
Jozef Kowalski (1911-1942) sacerdos professus Societatis S. Francisci Salesii.

13.2 Page 122

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520
Rua, Michele
La formation du disciple (1837-1860)
Michèle Rua, huit ans (il était à Turin le 9 juin 1837), rencontra pour la
première fois don Bosco à Turin parmi les garçons de son oratoire St François de
Sales un dimanche de septembre 1845. Cela se passait vraisemblablement aux
Moulins de la Doire, station très précaire de cet oratoire depuis le mois de juillet
précédent1. L’enfant fréquentait alors l’école des Frères des Ecoles Chrétiennes et
sa mère ne lui permettait pas de se rendre régulièrement à loratoire de don Bosco,
qui se stabilisait au Valdocco. Michèle ne put devenir son élève quen 1850,
quand, en peine de former des aides pour son oeuvre de jeunesse, le prêtre
entreprit de diriger ses cours secondaires en ville et, surtout, quand il fut parvenu à
linscrire parmi les quelques internes de la maison de lOratoire(24 septembre
1852). Quinze jours après, il le revêtait d’une soutane dans sa chapelle des Becchi.
A quinze ans, Michèle Rua faisait ainsi officiellement partie du groupe des
disciples de lapôtre du Valdocco, qui, dannée en année, l’associera de plus en
plus étroitement à son entreprise. Le 26 janvier 1854, don Bosco réunissait dans
sa chambre quatre de ses jeunes assistants, parmi lesquels Michèle, pour leur
exposer un projet dassociation religieuse, dont les membres seraient liés par un
voeu de charité”. Le 25 mars 1855, Rua prononçait des voeux privés entre les
mains de don Bosco. Cétait le temps de Dominique Savio, vite ami de Michèle
Rua. Entre 1855 et 1860, alors que le clerc Rua menait des études de théologie au
séminaire de Turin et, à partir de fin 1856, soccupait, le dimanche, des jeunes du
quartier difficile de Vanchiglia, des constitutions étaient ébauchées pour être
présentées au pape Pie IX. Rua calligraphia le document et accompagna don
Bosco dans son long voyage à Rome (22 février - 14 avril 1858). Il émergeait
parmi ses compagnons. Le 18 décembre 1859, lors de la séance fondatrice de la
congrégation de St François de Sales, l’assemblée l’élut directeur spirituel. Il avait
vingt-deux ans et nétait sous-diacre que depuis la veille. Enfin, le 29 juillet 1860,
un évêque délégué de larchevêque de Turin Fransoni (en exil) lui conféra le
sacerdoce et, le dimanche qui suivit, loratoire du Valdocco, auquel sétait adjoint
loratoire de Vanchiglia, dont le clerc Rua avait réussi à gagner le coeur, fêta le
nouveau prêtre avec un enthousiasme indescriptible.
Le bras droit de don Bosco (1860-1888)
Le prêtre Rua se mit au travail avec une belle ardeur. Des charges de plus
en plus lourdes allaient lui échoir. A la rentrée doctobre 1860, il se vit confier la
direction générale des classes de loratoire du Valdocco et la responsabilité
spirituelle de toute la maison (300 étudiants et 150 apprentis environ, chiffres qui
iraient en augmentant avec les années). Pour se reposer, il consacrait ses
dimanches à loratoire de Vanchiglia, dil rentrait épuisé, mais heureux. Le soir

13.3 Page 123

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521
du 14 mai 1862, les 22 premiers salésiens firent officiellement profession religieuse
temporaire dans la chambre de don Bosco. Don Rua proclama phrase par phrase la
longue formule, et le groupe agenouillé la répéta. En octobre 1863, quand la
congrégation salésienne, commençant dessaimer, reçut à Mirabello, dans la région
d’Alessandria, la responsabilité dun petit séminaire San Carlo, sa direction revint
à notre don Rua. Le collège devint immédiatement un autre Valdocco et les
vocations de fleurir.
Deux ans passèrent. Don Bosco, qui venait de voir mourir le prêtre
faisant fonction de préfet (autrement dit de vice-supérieur) de sa congrégation, se
tourna vers don Rua pour le remplacer. Don Rua rejoignit Turin. Le 29 octobre
1865, il était nommé préfet de la Société de St François de Sales et de la maison
de lOratoire. Sa première tâche (certainement ingrate) fut de prendre en main la
discipline et la bonne administration du Valdocco, plutôt relâchées sous son
prédécesseur. Avec les années, la société salésienne se développant, la mission du
préfet don Rua prit de plus en plus dampleur. Il lui fallait surveiller la formation et
l’observance d’un monde de jeunes salésiens, certes dévoués jusquà la corde,
mais ignorant à peu près tout de la discipline religieuse et accoutumés aux seules
formes de prières suivies par leurs élèves. Entre 1869, quand la congrégation de St
François de Sales fut approuvée par le Saint-Siège, et 1874, date de lapprobation
de ses constitutions, don Rua dut assumer la formation des ascritti, comprendre :
des novices. La visite officielle des maisons (déjà six en 1872), chose bien délicate,
lui incombait aussi. Pour faire bonne mesure, quand Giovanni Caglierò partit vers
lArgentine en 1875, on linvita à lui succéder au titre de “directeur général de
l’institut des filles de Marie auxiliatrice”. Voyez don Rua, la phrase résonnait
continuellement au Valdocco. Simples ou compliquées, les affaires aboutissaient
sur son bureau. Don Rua était la roue maîtresse de la congrégation de don Bosco.
Dans l’ombre et le sillage dun maître vénéré, inlassablement il organisait, formait,
réajustait ou réparait.
Aussi, le jour le pape Léon XIII demanda de penser à un vicaire
général d’un don Bosco harassé avant l’âge, don Rua fut naturellement désigné
pour cette charge (1884).
Le premier successeur de don Bosco (1888-1910)
Don Bosco mourut le 31 janvier 1888. Et don Rua, effrayé par la
responsabilité qui sabattait sur lui, assuma sa succession. Dix-neuf ans après, il
décrira aux siens ... ce jour où, pour ne pas résister à la claire volonté de Dieu,
je dus par force baisser la tête et assumer le gouvernement de notre Pieuse
Société. Pris sous un poids qui semblait devoir mécraser, que pouvais-je faire de
mieux que de me jeter comme un petit enfant dans les bras de notre vénéré père et
lui demander cette force que je sentais me manquer ? Prostré devant son cadavre,
je pleurai et je priai longtemps. Je lui parlai avec la certitude profonde qu’il
m’écoutait ; je lui confiai toutes mes angoisses, comme je l’avais fait mille fois
quand il vivait encore parmi nous et que j’avais la chance de vivre à ses côtés ... ”2
Le nouveau recteur majeur allait être sans cesse à l’écoute de don Bosco. Et don
Bosco revivra en lui. Toute la famille salésienne le reconnut et respira. La chute de

13.4 Page 124

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522
loeuvre, que les prophètes de malheur avaient annoncée pour la période qui
suivrait la disparition de son créateur, ne se produisit pas.
Tout au contraire, le rectorat de don Rua (1888-1910) fut, pour les
salésiens, un temps de multiples projets, fondations et réalisations, un temps
dexpansion rapide. Selon les statistiques, les religieux passèrent, entre 1888 et
1910, de 773 à 4000, leurs maisons de 57 à 345, les provinces de 6 à 34, et les
pays d’implantation de 9 à 38. Don Rua présida le départ de pas moins de trente
expéditions missionnaires au Brésil, en Argentine, en Equateur, en Colombie, en
Chine, en Inde, au Mozambique, etc. H promut vigoureusement le mouvement des
coopérateurs salésiens. Leur congrès de Bologne (1895) lémerveilla par
l’enthousiasme quil suscitait, et dautres congrès généralement réussis suivirent en
Europe et en Amérique. Les structures salésiennes se sont affermies sous sa
conduite. Les chapitres généraux de 1901 et 1904 furent parmi les plus décisifs du
premier siècle de la Société. Don Rua voyagea beaucoup, certes non par goût
personnel, mais dans le but de connaître sur place les oeuvres et les confrères, les
soeurs salésiennes et les coopérateurs, et pour maintenir partout lunité et lesprit
de don Bosco. Il agissait aussi par dinnombrables lettres privées et des circulaires,
qui nous disent la vigueur de sa pensée et de sa spiritualité. Car don Rua avait une
intelligence peu commune. La principale préoccupation de ce parfait disciple était
dimiter le plus possible son modèle don Bosco3. Un jugement aigu lempêchait de
le répéter sans discernement. Tout en imitant, il créait.
Cependant des épreuves sabattaient aussi sur lui. Le gouvernement
général de lEglise lui en infligea deux en des domaines sensibles de la tradition
héritée de don Bosco : la direction spirituelle et le lien avec les filles de Marie
auxiliatrice. Pour don Bosco, le directeur de maison était éminemment un
directeur dâmes. Or un double décret romain (5 juillet 1899 et 24 avril 1901),
visant à sauvegarder la liberté des pénitents, interdit formellement aux supérieurs
dentendre en confession toute personne vivant dans leur résidence. Pris entre
deux fidélités, don Rua tenta une démarche auprès du Saint Office, qui lui répliqua
vertement de se soumettre. Ce quil fit, la mort dans l’âme. Une autre décision
romaine de 1901, confirmée en 1906, exigea une parfaite séparation entre la
Société de saint François de Sales et les filles de Marie auxiliatrice, que don Bosco
avait soigneusement agrégées à sa congrégation. Toute résistance fut vaine
encore. Don Rua dut plier et annoncer humblement aux salésiens la nouvelle
situation des deux sociétés. L’épreuve la plus dure fut pour lui laffaire de
Varazze”, petite ville sur le golfe de Gênes, don Bosco avait ouvert un collège
en 1872. En juillet 1907, les salésiens y furent brusquement accusés de turpitudes
extravagantes, y compris de messes noires. (Les religieuses interrogées
“avouèrent, croyant quil sagissait de messes des défunts alors célébrées en
ornements noirs.) Perquisitions, interrogatoires, prison préventive, fermeture du
collège, on ne leur épargna pas les sévices. Pire, une campagne daffreuses
calomnies orchestrées par des manifestations de rues se répandit à travers l’Italie
contre la congrégation. Quelle somme de souffrances pour don Rua, qui fit voeu
dun pèlerinage en Terre sainte si lémotion se calmait. Sa prière fut exaucée. Il
apparut bientôt quil s’agissait dun coup monté à partir du journal d’un garçon de
quinze ans manoeuvré par des adultes ignobles. La lumière faite, la sympathie

13.5 Page 125

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523
publique fut rendue aux salésiens et le collège fut rouvert. Fidèle à son
engagement, en 1908 le vieux prêtre simposa un voyage pénible par terre
jusquen Palestine, à Nazareth et à Jérusalem. Car, épreuve supplémentaire, son
organisme périclitait. Le corps se délabrait, les pauvres jambes ne seraient bientôt
plus quune plaie.
En février 1910, don Rua dut saliter définitivement. Le soir du 5 avril, il
sexclama encore, avant dentrer en agonie : Don Bosco, moi aussi je viens à toi,
oui, je viens à toi !4 Depuis lenfance, don Bosco l’aimantait, il allait le retrouver.
Le lendemain matin, il séteignit, serein, à l’âge de 73 ans.
La glorification du disciple de don Bosco
Don Rua fut un saint. Pour ses contemporains, cétait une évidence.
Ouverte à Turin en 1922, sa cause de béatification et de canonisation ne progressa
pourtant que lentement. Enfin, le 29 octobre 1972, Paul VI le proclama
bienheureux. Et l’homélie du pape célébra avec bonheur son oeuvre de fidèle
disciple de don Bosco. La fidélité fut la source de sa fécondité apostolique et de sa
sainteté désormais officiellement reconnue.
Don Rua est béatifié et glorifié précisément parce quil fut le successeur
de don Bosco, c’est-à-dire son continuateur : fils, disciple, imitateur. Il a fait [... ]
de l’exemple du saint une école, de son oeuvre personnelle une institution étendue
sur toute la terre, de sa vie une histoire, de sa règle un esprit, de sa sainteté un
type, un modèle ; il a fait de la source un courant, un fleuve [ . . . ] La prodigieuse
fécondité de la famille salésienne, lun des phénomènes majeurs et des plus
significatifs de la prodigieuse fécondité de lEglise au siècle dernier et en notre
siècle, a eu en don Bosco l’origine, en don Rua la continuité [ ... ] Il a servi
l’oeuvre salésienne dans ses virtualités d’expansion, il a compris la valeur de la
formule, il la développée avec une exacte cohérence, mais toujours avec une
géniale nouveauté. Don Rua a été le très-fidèle, et, pour cette raison, à la fois le
plus humble et le plus valeureux des fils de don Bosco [ ... ] Il a inauguré une
tradition [ ... ] Il enseigne aux salésiens à rester salésiens, fils toujours fidèles de
leur fondateur.5
La fidélité dynamique à don Bosco est, pour le membre de la famille
salésienne, un chemin sûr de sainteté.6
Notes
1. La date de la rencontre nous est fournie par don Rua lui-même au procès de
canonisation de don Bosco. La meilleure biographie de Michèle Rua semble être celle d’E. Ceria,
Vita del Servo di Dio Don Michèle Rua, Turin, SEI, 1946. L’énorme compilation dAngelo
Amadei, Il Servo di Dio Michèle Rua, Turin, SEI, 1931-1934, 3 vol., 2350 p., parfaitement
dépourvue desprit critique, est difficilement utilisable. Pour ma part, jai emprunté ici un certain
nombre de formules à la notice fervente de Joseph Aubry sur don Rua dans Les saints de la
famille (Rome, Maison générale salésienne, 1996), p. 103-131. Sur sa spiritualité, outre ses

13.6 Page 126

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524
instructions pour la plupart inédites, mais dont quelques-unes ont été publiées par don Amadei
en appendice au troisième volume (p. 703-751) de son ouvrage, voir le recueil des Lettere
circolari di Don Michele Rua ai Salesiani, Torino, Tip. S.A.I.D. Buona Stampa, 1910.
2. ... giorno in cui, per non resistere alla manifesta volontà di Dio, mi fu giocoforza
piegar la fronte ed assumere il governo della nostra Pia Società. Oppresso da un peso che
sembrava dovesse schiacciarmi, che poteva io fare di meglio, che gettarmi come un bambino
nelle braccia del nostro venerato Padre D. Bosco e chiedergli quella forza che sentiva mancarmi
? Prostrato infatti davanti la fredda sua salma, piansi e pregai lungamente. Gli parlai colla
intima persuasione chegli mi ascoltasse, gli confidai tutte le mie ambascie, come le mille volte
aveva fatto quando egli ancora in vita dimorava fra noi ed io aveva la bella sorte di vivere al suo
fianco ... (M. Rua, Lettre aux salésiens, 31 janvier 1907, L. C., p. 360.)
3. Souligné à plaisir par son successeur Paolo Albera dans ses lettres circulaires. Voir
P. Albera, Lettere circolari, Turin, SEI, 1922, p. 22, 178, 293, 301, 496.
4. ! Don Bosco ... anchio vengo a te ! ... Don Bosco, io vengo a te ! ... (D’après
A. Amadei, Il Servo di Dio Michele Rua, t. IH, p. 607.)
5. Texte italien de toute l’homélie de Paul VI dans le Bollettino salesiano, Ier
décembre 1972.
6. Conclusion que, dans sa notice citée, p. 130, le P. Aubiy a tirée du discours de Paul
VI sur don Rua.

13.7 Page 127

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Sacré Coeur
Le Sacré Coeur des origines salésiennes
Mettons tout l’empressement pour insinuer dans le coeur de nos enfants
une vraie dévotion envers le Sacré Coeur de Jésus et envers notre bonne Mère
Marie Auxiliatrice, recommandait autrefois - en un français hésitant - don Albera,
alors inspecteur de France, dans une circulaire manuscrite aux directeurs de sa
circonscription1. Cétait l’un de ses leitmotive. Entre 1870 environ et 1950, mais
surtout sous les rectorats de don Rua et du même don Albera (1888-1921), la
dévotion au Sacré Coeur fût florissante dans la famille salésienne, comme, du
reste, elle l’était alors dans la catholicité. La construction et le financement par les
soins de don Bosco, de l’église du Sacro Cuore à Rome dans les années
1880-1887 ne pouvaient que l’encourager dans les rangs salésiens. Lors de la
consécration de cette église en mai 1887, le provincial Albera faisait écrire : Vive
le Sacré Coeur !au sommet de ses circulaires manuscrites françaises2.
En ce temps, la dévotion salésienne au Sacré Coeur se référait toujours à
l’image des visions de Marguerite-Marie Alacoque. Le Giovane proweduto de la
dernière partie de la vie de don Bosco expliquait ce quil croyait être lorigineet
les motifsdu culte du coeur de Jésus3. Le chrétien pratique cette dévotion, y
lisait-on, entre autres parce que Jésus a présenté son coeur comme le siège de ses
affections, parce que ce coeur symbolise son immense charité, démontrée en
premier lieu par la blessure de la lance et aussi parce que son spectacle incite à
méditer les souffrances du Christ et à lui en exprimer de la reconnaissance.
Retenons, pour commenter le culte du Sacré Coeur aux origines
salésiennes, deux sermons de don Rua : une instruction de 1876 environ sur le
Sacré Coeur de Jésus, au cours dune retraite spirituelle vraisemblablement
destinée à de jeunes laïcs4, et une exhortation intitulée Ignem veni mittere in
terram, prononcée devant des salésiens dans les dernières années du siècle5. Le
Sacré Coeur de don Rua était très simplement, comme celui du Giovane
proweduto contemporain, l’objet de l’apparition de Paray-le-Monial à
Marguerite-Marie Alacoque, cest-à-dire un coeur ouvert et transpercé, couronné
dépines et surmonté dune croix, dséchappait un buisson de flammes,
autrement dit un coeur de souffrances et d’amour6. Le prédicateur insistait : ce
n’était pas une invention des peintres, Jésus lui-même avait dévoilé son coeur dans
cette attitude. Et de raconter lapparition à Marguerite-Marie le 27 décembre 1674
dans son monastère de visitandines, alors qu’elle était en adoration devant le saint
sacrement. Sous ses yeux, des rayons de lumière jaillissaient du coeur de Jésus
transparent comme le cristal, et la blessure par la lance de la crucifixion y
apparaissait bien visible.

13.8 Page 128

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526
Don Rua tirait de ce tableau quelques leçons à sa manière. La fournaise
inextinguible du coeur invitait les retraitants à adoucir leurs propres coeurs pour
leur faire aimer Jésus. Notre prédicateur interprétait les épines de la couronne
enserrant le coeur. Cétait, disait-il, la masse des affronts que lui causaient les
infidèles”, les hérétiqueset spécialement les mauvais chrétiens”, par leurs
désobéissances, leurs colères, leurs mauvaises pensées, leur attachement aux
richesses et aux honneurs, leurs critiques (mormorazioni), leurs fraudes, leurs vols
ou encore leurs manquements à l’abstinence du vendredi. H y distinguait deüx
épines signalées par Marie aux bergers de la Salette trente ans auparavant: le
blasphème et la profanation des jours de fête. Les deux barres de la croix
désignaient, lune l’indifférence envers Jésus, lautre les communions sacrilèges.
La lance avait été enfoncée dans le coeur par les scandaleux. In extremis, le
prédicateur sémerveillait du rayonnement extraordinaire du coeur de Jésus, signe
de sa bonté et de son immense générosité. Ravi, il contemplait les flammes
damour qui en jaillissaient. “Ah, comme vous êtes bon, Seigneur. Oh ! Coeur très
doux, comme vous êtes aimable ! Donc, malgré mon indignité, malgré les épines
par lesquelles nous avons blessé votre coeur, malgré la croix, malgré la lance, vous
voulez encore nous combler de dons, répandre les bienfaits de votre charité ! Ah !
Mes chers amis, prenons la résolution non seulement de ne plus jamais tourmenter
(ce coeur), mais de l’aimer ardemment, de mettre en lui notre espérance et de
compenser les scandales par notre zèle le plus fort à donner de bons exemples.7
Ce sermon de don Rua nignorait certes pas lamour de Dieu, symbolisé
par le coeur. Mais il insistait visiblement sur les souffrances de ce coeur. Quarante
ans après, le recteur majeur qui lui succéda ninterprétait pas autrement le Sacré
Coeur de Marguerite-Marie. Apparaissant à la bienheureuse Marguerite
Alacoque, écrivait alors don Albera à ses confrères salésiens, le divin sauveur veut
lui montrer son coeur entouré des instruments de sa très douloureuse passion. La
blessure de la lance, dsortirent les ultimes gouttes de son très précieux sang
mêlées à quelques gouttes deau, symbolise les péchés mortels qui, en si grand
nombre, transpercent ainsi son coeur et renouvellent, selon saint Paul, les
tourments de la crucifixion, rursum crucifigentes Filium Dei. Mais, outre cette
large blessure, nous voyons encore sur l’image du Sacré Coeur une couronne
dépines très acérées. Que représentent-elles ? Selon ce que le bon Jésus lui-même
a enseigné à la bienheureuse, les épines qui couronnent son coeur symbolisent les
âmes qui, bien que consacrées à son saint service et engagées par voeu à ne pas
commettre de graves manquements, ne manifestent pourtant pas le soin désirable
pour se corriger de leurs défauts et y retombent avec une grande facilité.”8
L’auditeur de don Rua et le lecteur de don Albera étaient prêts à réciter le
chapelet du Sacré Coeur de Jésus(Corona al Sacro Cuore di Gesiï) destiné,
selon une formule du temps, à consoler (ce coeur) des outrages qu’il reçoit dans
la sainte eucharistie de la part des infidèles, des hérétiques et des mauvais
chrétiens9, prière qui, insérée depuis toujours dans le Giovane proweduto parmi
les pratiques de la visite au saint sacrement, reparaîtra dans le livret de prières
salésiennes publié en 1916 sur l’ordre de don Albera et demeurera en vigueur
jusquau milieu du vingtième siècle.

13.9 Page 129

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527
Le feu” de l’élévation de don Rua Ignem veni mittere in terrant se
dégageait lui aussi du coeur de Jésus, tel quil était apparu à Marguerite-Marie
Alacoque. Jésus est venu apporter au monde le feu de l’amour de Dieu et de la
charité envers le prochain, disait notre orateur. Ce feu a embrasé les apôtres, les
martyrs, les confesseurs, les vierges. Les prodiges de la charité de tous les temps
en sont les effets. H a aussi envahi don Bosco. De prime abord, les difficultés quil
rencontra semblaient devoir léteindre. Mais les flammes du coeur de Jésus ne
sétouffent pas aisément. Pour le prouver, don Rua retraçait sommairement les
étapes de lhistoire de sa congrégation, quand le feu de la charité salésienne sétait
propagé à travers le monde.10
Dans l’esprit de don Rua devenu recteur majeur, la consécration au Sacré
Coeur le premier jour du vingtième siècle (31 décembre 1900 - 1er janvier 1901)
eut pour fin de placer toute l’oeuvre salésienne dans le coeur très bon du Christ11.
Elle était sienne et en tiendrait de plus en plus compte en son centre et partout
elle était implantée. Telle était l’image que le premier siècle salésien se faisait
communément du Sacré Coeur de Jésus à partir de la vision de Paray-le-Monial :
un foyer rayonnant de l’amour salvateur de Dieu et un symbole douloureux des
attaques que les pécheurs lui infligent.
Linstruction de 1900
Limage séduisait les coeurs simples, qui ne doutaient ni de l’authenticité
surnaturelle de cette révélation privée, ni de linterprétation qui leur en était
présentée. Assurément, dans la famille salésienne la plupart s’en contentaient. Mais
quelques-uns eussent sans doute aimé une nourriture plus forte. Don Rua essaya
de les satisfaire. A la veille de la consécration de sa famille religieuse au Sacré
Coeur, quand il invita chaque directeur de maison à l’imiter à travers le monde, il
joignit à la lettre annonçant la décision une brève étude théologique (quil ne
signait pas) intitulée Instruction sur la dévotion au Sacré Coeur de Jésus12.
L’instruction”, plutôt pesante, s’efforçait de démontrer que la dévotion
au Sacré Coeur, dite non traditionnelle par ses détracteurs, avait existé dès la
naissance du christianisme, quelle constituait “la plus sublime” de toutes les
dévotions, quelle était particulièrement utile aux chrétiens, surtout religieux, et
que la consécration annoncée par le recteur ne pourrait que produire d’abondants
fruits spirituels. Elle sachevait par une présentation sommaire des “pratiques
alors recommandées en lhonneur du Sacré Coeur : les Neuf Offices, la Garde
dhonneur, l’Heure sainte, lIntronisation du Sacré Coeur et lApostolat de la
prière.
La tonalité de l’ensemble était scolastique. L’auteur, le regard fixé sur la
vision de Paray-le-Monial, démontrait la sublimité de la dévotion au Sacré Coeur
par son objet, sa fin et ses motifs. L’objet discerné était triple : matériel, spirituel
et final(finale). Cétait, au matériel, le coeur humain de Jésus (le viscère) uni
nécessairement à la divinité du Verbe et, à ce titre, adorable ; au spirituel, l’amour
du coeur de Jésus pour les hommes ; et, au final”, la personne même de Jésus
adorée dans son coeur humain. Les fruits de ce culte tombaient sous le sens. La

13.10 Page 130

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528
dévotion au coeur de Jésus pousse le fidèle à rendre amour pour amour. Son
amour est à la fois hommage à Jésus, consolation de Jésus par de bonnes oeuvres
et imitation des affections et des sentiments de Jésus. L’amour même exhalé par le
coeur de Jésus, le désir de Jésus qui voulut l’enseigner et la recommander (allusion
à la vision de Marguerite-Marie), les faveurs et les grâces qui en proviennent, enfin
son actualité et son opportunité en un temps de froideur et dindifférence
religieuses, ne pouvaient quencourager le chrétien à la pratique de cette dévotion,
enseignait l’instruction de 1900.
La dévotion au Sacré Coeur en des temps nouveaux
Tout se gâta au lendemain de la deuxième guerre mondiale. En Occident
pour le moins, les générations montantes du milieu du vingtième siècle se
trouvaient fort mal à laise devant la dévotion au Sacré Coeur, telle quelles
l’entendaient alors prêcher. Peu croyantes, elles la ridiculisaient. Ferventes, le
Sacré Coeur de Paray-le-Monial les remplissait dhésitations. Cette dévotion
compliquait inutilement les choses et formait écran pour aborder le Christ. Nous
n’avons que faire dune forme de piété sentimentale et mièvre, bonne pour
Marguerite-Marie et peut-être pour son époque, sexclamaient-elles. De toute
façon, nous ne sommes pas tenus d’adhérer aux visions et aux révélations
accordées à une religieuse, toute sainte quelle ait été. Les dangers de la dévotion
quelle a répandue ne manquent pas, remarquaient les jeunes et les adultes de ce
temps : individualisme, recherche déguisée de soi-même, culture de bons
sentiments faciles, affaissement des énergies, nocif pour l’action forte et optimiste.
Ajoutez des représentations qui heurtent non seulement le sens esthétique, mais le
simple bon goût et, plus encore, l’image quune foi éclairée se fait du Fils de Dieu
: statues et images dune rare fadeur, avec un Christ aux yeux langoureux,
représentations incompréhensibles dun viscère isolé. Les prédications
accompagnant cette dévotion étaient larmoyantes. On présentait un Christ qui se
plaint, mais a-t-il vraiment besoin dêtre consolé, notre Jésus ressuscité ?13
En pareil contexte, lenthousiasme des dévots du Sacré Coeur faiblit
inévitablement, même dans la famille salésienne. Au cours de la deuxième partie
du vingtième siècle, les supérieurs généraux salésiens ne dissertèrent plus sur le
Sacré Coeur de Jésus. D’après l’index de ses circulaires, le recteur Viganô ne
sintéressa qu’à léglise salésienne et romaine sous ce vocable, dont il marqua le
centenaire en 1987. Ce temple nétait pour lui qu’un signe de lamour de don
Bosco envers le pape14. H n’avait donc rien à dire de la dévotion que l’église
magnifiait.
Elle relevait désormais du domaine commun de l’Eglise, les
théologiens la situaient mieux. Du coeur blessé et ceint dépines contemplé par
Marguerite-Marie hors de la poitrine de Jésus, elle se déplaçait, pour la famille
salésienne comme pour la catholicité, vers sa source, qui est le coeur transpercé du
Christ en croix. A son avantage, la dévotion au Sacré Coeur, sans renier
Paray-le-Monial, devenait plus purement évangélique. Elle amenait à contempler
directement le double “mystèrede leau et du sang jaillis du coeur blessé du
Christ crucifié.15

14 Pages 131-140

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14.1 Page 131

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529
L’encyclique de Pie XII Haurietis aquas in gaudio (15 mai 1956) fit
savamment la théologie de la dévotion au coeur du Christ ainsi regardé. Cest
seulement après avoir considéré à fond l’essence et la sublime nature de ce culte
dans léclat de la lumière divinement révélée, écrivait le pape, c’est seulement alors
que nous pourrons exactement et pleinement estimer son incomparable excellence
et son abondance jamais épuisée des dons célestes.Le coeur du Christ fut le siège
de son amour et il en reste pour nous l’image la plus parlante. Pour comprendre
avec tous les saints la largeur, la hauteur et la profondeurde l’amour du Verbe
incarné envers son Père céleste et les hommes souillés de la tache de leurs péchés,
il faut se rappeler que cet amour fut non seulement spirituel, mais aussi charnel.
Car le Verbe prit à l’instant de son Incarnation un corps véritable avec un vrai
coeur physique. Le coeur de Jésus participa au premier chef à la mission salvatrice
du rédempteur, qui trouva son achèvement sur la croix, quand Jésus annonça :
Tout est consommé !L’image ultime de cet amour sauveur, symbolisé par le
coeur, fut et reste pour nous la plaie ouverte sur son côté par la lance du soldat.
Le spectacle du coeur transpercé du Sauveur a naturellement porté les hommes à
honorer avec toujours plus dardeur cet amour qui embrasse le genre humain tout
entier. Les paroles du prophète Zacharie, appliquées par Jean lEvangéliste à Jésus
crucifié : “Us regarderont celui quils ont transpercé(Zacharie 12, 10 ; Jean 19,
37), sadressent aux chrétiens de tous les temps. Ils y répondent par un amour
sincère envers les hommes, leurs frères rachetés eux aussi par le Christ pantelant
sur la croix16. Le message du coeur blessé du Christ est donc damour, d’unité et
de paix.
Dans cet esprit, à la fin du siècle Jean-Paul II, lui-même très dévot au
coeur du Christ - en 1986, il simposa un pèlerinage à Paray-le-Monial -, invitait
solennellement tous les fidèles à poursuivre avec piété leur dévotion au culte du
Sacré Coeur de Jésus, en l’adaptant à notre temps, précisait-il, pour qu’ils ne
cessent daccueillir ses insondables richesses, quils y répondent avec joie en
aimant Dieu et leurs frères, trouvant ainsi la paix, entrant dans une démarche de
réconciliation et affermissant leur espérance de vivre un jour en plénitude auprès
de Dieu dans la compagnie de tous les saints.Ce pape aurait voulu transmettre
aux générations futures le désir de rencontrer à leur tour le Seigneur, de fixer leur
regard sur Lui, afin de répondre à lappel commun à la sainteté et de découvrir
leur mission spécifique dans lEglise et dans le monde. Lencyclique de Pie XII lui
revenait à la mémoire. “La charité divine, don très précieux du Coeur du Christ et
de son Esprit, y lisait-il, se communique aux hommes pour qu’ils soient à leur tour
des témoins de l’amour de Dieu17.
Le feu dévorant du coeur de Jésus est un feu qui suscite des apôtres. La
dévotion au coeur du Christ demeurait féconde dans lEglise en des temps très
différents de ceux de don Bosco, don Rua ou don Albera. La famille salésienne,
qui y retrouvait, au-delà des explications très datées et bien oubliées dun autre
siècle, certaines leçons du recteur Vigano sur la charité pastorale, pouvait être à
nouveau sensible au culte du Sacré Coeur de Jésus.

14.2 Page 132

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530
Notes
1. Paolo Albera, Circulaire aux directeurs, Marseille, 31 octobre 1886. Lettre éditée
dans “Paolo Albera, premier provincial de France, Cahiers salésiens 36, mai 1996, p. 70.
2. Voir les circulaires du 5 et du 17 mai 1887, éditées ibidem, p. 81 et 84.
3. Voir, dans Giovanni Bosco, Opere edite XXXV, lédition de 1885 du Giovane
provveduto, p. 119-120.
4. M. Bua, “Il S. Cuor di Gesù, dans une série de Prediche per Esercizi, quaderno 3,
p. 2-12, FdB 2895 C9 à D7, sermon qu’une allusion à lapparition de Marie à La Salette
trentanni or sonofait dater en première rédaction de lannée 1876.
5. Sous lincipit Ignem veni mittere in terram, schéma de sermon de don Rua, feuillet
non paginé, FdB 2912 C7-10. Don Rua y évoque don Giovanni Bonetti (+ 1891), ce qui semble
situer la pièce dans les années 1890.
6. Don Rua commençait ainsi son instruction de 1876 : Facciam la festa del S. Cuore
di G. Bisognerà che ci tratteniamo a contemplarlo. Ognuno di voi vedendone l’imag. lo
riconosce tosto : viene sempre rappresentato sotto questa forma : un cuore che mette vampe di
fiamme, circondato da una corona di spine, sormontato da una croce, squarciato da un lato per
una cruda ferita.(“Il S. Cuor di Gesù, cité, p. 2.)
7. “Ah ! quanto siete buono, o Signore, oh ! quanto siete amab. O cuore dolciss.
dunque malgrado la nostra indegn., malgr. le spine con cui abb. ferito il vs cuore, la croce, la
lancia, voi voi. anc. ricolmarci di doni, sparg. i benef. eff. dalla vs car. ! Ah ! risolv., o cari, di
non più angust. in ness. modo in awen., non solo, ma di amarlo ardentem., di riporre in 1. ns fid.
e di compensarlo degli scandali dati con zelo viviss. di dar buon esempio ... (Il S. Cuor di
Gesù, cité, p. 12.)
8. Il Divin Salvatore apparendo alla Beata Margherita Alacoque, volle mostrarle il
suo Sacro Cuore adorno degli strumenti della sua dolorosissima Passione. La ferita della lancia,
da cui uscirono le ultime goccie del suo preziosissimo Sangue, miste ad alcune stille di acqua, è
il simbolo dei peccati mortali che così numerosi trafiggono il suo Cuore, rinnovandogli, come
afferma San Paolo, i tormenti della crocifissione, rursum crucifigentes Filium Dei. Ma oltre a
questa larga ferita, noi vediamo ancora nell’immagine del Sacro Cuore una corona di
pungentissime spine. E queste che cosa rappresentano ? Secondo ciò che il buon Gesù ha
insegnato alla Beata, le spine ondè coronato il suo Cuore sono il simbolo di quelle anime le
quali, quantunque siansi consacrate al suo santo servizio, e impegnate con voto a non
commettere gravi mancanze, non mostrano tuttavia la dovuta premura nel correggersi dei loro
difetti, e vi ricadono perciò con molta facilità.(P. Albera, Lettre aux salésiens, 25 juin 1917,
Solennité du Sacré Coeur de Jésus, L.C., p. 232.)
9. Intendete di recitar questa Corona al Divin Cuore di Gesù Cristo per risarcirlo
degli oltraggi, che riceve nella SS. Eucaristia dagli infedeli, dagli eretici e dai cattivi Cristiani,
disait le Giovane provveduto, éd. de 1885, p. 120.
10. “Il S. Cuor di Gesù, loc. cit., p. 2-12.
11. Voir, à ce sujet, l’item Consécration, ci-dessus.
12. “Istruzione sulla divozione al Sacro Cuore di Gesù, éditée à la suite de M. Rua,
Lettre aux salésiens, 21 novembre 1900, inL.C., p. 228-254.
13. Ces observations ont été empruntées littéralement au petit livre contemporain du
salésien Joseph Aubry, Le mystère du coeur transpercé, Paris, Fleuras, 1961, p. 12-14, qui se
référait lui-même à diverses enquêtes menées alors auprès des jeunes chrétiens.
14. Voir E. Viganò, Lettres aux salésiens, 3 septembre 1985, Atti 315, p. 8 ; et 7 juin
1981, Atti 322, p. 27.
15. Le mystère du sang qui jaillit du Coeur blessé, Le mystère de l’eau vive qui
jaillit du Coeur blessé”, titres des deux principaux chapitres de l’ouvrage très fervent du salésien
Joseph Aubry, cité plus haut, n. 13.
16. Pie XII, Haurietis aquas in gaudio, passim.
17. Jean-Paul H, Message à Mgr Louis-Marie Billé pour le centième anniversaire de la
consécration du genre humain au Sacré Coeur de Jésus, 4 juin 1999. Le pape empruntait sa
dernière observation à Haurietis aquas, n. III.

14.3 Page 133

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531
Sainteté
La sainteté
Comme beaucoup d’autres, le terme de sainteté a de multiples facettes1.
Au sens courant, la sainteté est l’état du saint, reconnu tel par lEglise catholique.
Les hagiographes ont longtemps pris soin déviter ce vocable dans leurs écrits
avant l’annonce officielle de la canonisation de leurs héros. En dire la sainteté
semblait amorcer un culte, au risque de retarder la procédure. Mais, dans la
catholicité du vingtième siècle, un autre sens est aussi entré dans le langage
ordinaire sous l’influence des études bibliques. A proprement parler, Dieu seul est
saint. Sainteté équivaut donc à divin, la sainteté est l’état de ce qui relève de Dieu.
Le Nouveau Testament ne connaît que ce sens-là. Une idée sommaire de la
sainteté chrétienne sen dégage. La sainteté des chrétiens exige d’eux la rupture
avec le péché et les moeurs païennes (1 Thessaloniciens 4, 3). Ds doivent agir
selon la sainteté qui vient de Dieu et non selon une sagesse chamelle(2
Corinthiens 1, 12). Le chrétien, saisi par le Christ, tâche de communier à ses
souffrances et à sa mort pour parvenir à sa résurrection(Philippiens 3, 10-14). La
tradition salésienne a été successivement marquée par lun et lautre sens du mot
sainteté.
Se faire saint
Au printemps de 1855, Dominique Savio, qui avait résolu (sérieusement)
de “préférer la mort au péché”, et dont les amisétaient (sérieusement) Jésus et
Marie, était prêt pour un programme de sainteté2. Extrêmement généreux, il
pousserait lidéal au plus haut, à l’imitation des saints canonisés, tels que Louis de
Gonzague ou Philippe Néri, dont il entendait souvent parler autour de lui. Elève
de loratoire St François de Sales de Turin depuis six mois, il allait avoir treize
ans. Un dimanche de mars, le prédicateur du jour développa trois idées, qui, selon
son biographe, limpressionnèrent profondément. Cest la volonté de Dieu que
nous nous fassions tous saints ; il est très facile dy arriver ; une grande
récompense attend au ciel celui qui parvient à se faire saint.3 La première formule
reproduisait à l’évidence le verset de la première lettre de saint Paul aux
Thessaloniciens : Haec est enim voluntas Dei sanctificatio vestra, qui figurait
alors dans l’épître du deuxième dimanche de carême. Pour Dominique, ce sermon
fut pour ainsi dire létincellequi embrasa son coeur d’amour de Dieu, nous
apprend don Bosco. H sen fut trouver le maître de son âme pour lui annoncer (en
substance !) : “Je sens en moi le désir et le besoin de me faire saint ; je ne croyais
pas que cétait si facile ; mais, maintenant que jai compris que lon peut y arriver
même en restant joyeux, j’y tiens absolument, et jai absolument besoin de me faire
saint. Dites-moi donc comment je dois my prendre pour me lancer dans cette
entreprise.”4

14.4 Page 134

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532
Au vrai, le prédicateur de ce dimanche, qui était don Bosco, avait
développé une thèse essentielle de sa spiritualité et de sa pédagogie religieuse. La
sainteté, que lopinion réserve à quelques phénomènes producteurs de miracles,
est possible à tous. Dieu veut notre salut à tous, cest même sa volonté que nous
nous fassions tous saints, écrivait-il alors dans un Avis aux chrétiens, sous lequel
on devine le verset des Thessaloniciens comme il le comprenait5. Dieu veut une
universelle sainteté. Ce directeur était entendu, si lon en juge par une
conversation postérieure de Dominique, telle que la biographie la rapportait. “Qui
désire faire la volonté de Dieu désire se sanctifier. Tu veux donc te faire saint ?,
disait lenfant à lun de ses camarades.6 En soi, la sainteté nest pas compliquée,
répétait don Bosco, elle est même facile. Gardons-nous d’imaginer quelle résulte
de jeûnes, de veilles, de cilices et dautres pénibles macérations, qui rendent la
mine allongée. Sainteté nest pas tristesse et refus du plaisir. Un saint triste est un
triste saint !Sache quici - c’est-à-dire dans la maison de don Bosco - nous
faisons consister la sainteté à rester très joyeux”, continuait Dominique à son
camarade, en plein accord avec la spiritualité de son maître.7
Dieu seul est saint, il est seule source de sainteté, don Bosco et ses
disciples ne lignoraient pas, même si leur formule se faire saintrépandait une
odeur vaguement pélagienne. Cest Dieu qui, par son vouloir, fait les saints.
Dominique remarquait avec satisfaction que son prénom le disait du domaine du
Seigneur. Le monde de don Bosco attendait tout de Lui dans la prière et les
sacrements, surtout de pénitence et deucharistie. Toutefois, maître et disciples
étaient au moins aussi convaincus que la sainteté nest pas accordée aux mous, aux
endormis, aux simples gais lurons et moins encore aux vicieux. La sainteté,
pensaient-ils, réclame de vigoureux efforts, qui génèrent la et les vertus. Le plan
des biographies écrites par don Bosco sur des vies données en modèles le disait
avec clarté. Ainsi, il louait successivement en son élève Michèle Magone sa
sollicitude exemplaire pour ses pratiques de piété, sa ponctualité dans ses
devoirs, sa dévotion envers la bienheureuse Vierge Marie”, sa vigilance dans la
conservation de la vertu de puretéet sa charité envers son prochain.8 Comme de
juste, parmi les vertus qui sanctifient, la charité, surtout apostolique, l’emportait.
Retrouvons Dominique Savio. La première chose, qui lui fut conseillée pour se
faire saint, écrivait don Bosco, fut de s’employer à gagner des âmes à Dieu. Car il
nest rien de plus saint au monde que de coopérer au bien des âmes, au salut
desquelles Jésus Christ a répandu son précieux sang jusquà la dernière goutte.9
Avec la grâce de Dieu, on se fait saintpar la vertu.
Les successeurs immédiats de don Bosco semblent avoir hésité à discourir
sur la sainteté, idéal commun des chrétiens. Certes, la leçon nétait pas oubliée.
Andrea Beltrami publia en 1896 un petit livre intitulé Le vrai vouloir est pouvoir,
ou qui le veut se fait saint10. Mais les recteurs paraissaient réserver la sainteté aux
saints canonisés. A leurs religieux, ils recommandaient avec force la recherche de
la perfection, qui était voulue par leur état, et sen tenaient là. Au reste, dans
leur esprit, cette perfection religieuse équivalait plus ou moins à une sainteté”
ascétique. Lappel universel à la sainteté, cher à don Bosco, semblait sestomper
dans la mémoire salésienne11. Lannée de la canonisation de don Bosco (1er avril
1934), modèle évident de sainteté salésienne, le recteur Ricaldone retrouva

14.5 Page 135

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533
incidemment, sinon le sens plein du terme sainteté, au moins le mot lui-même en
conclusion de son commentaire de l’étrenne pour 1935, intitulée Fidélité au saint
don Bosco. Mais il sagissait encore de la perfectionreligieuse, contraire de la
tiédeur spirituelle12. H faudra les leçons de Vatican II pour entendre à nouveau des
invitations salésiennes à la sainteté pour tous.
L’appel universel à la sainteté selon Vatican II
Vatican H traita en effet longuement de la sainteté chrétienne pour
elle-même et (plus ou moins) dans le sens que don Bosco avait donné à ce terme.
Lun des huit chapitres de sa constitution sur lEglise, chapitre intitulé L’appel
universel à la sainteté dans lEglise13, se référa dès lintroduction au verset de la
première lettre aux Thessaloniciens (4, 3), qui lui avait été particulièrement cher :
Oui, ce que Dieu veut, cest votre sanctification14. H est vrai que le concile
passait de la sainteté juridiquement canonisable de don Bosco à la sainteté du
Nouveau Testament.
Dans le monde des enfants de Dieu la sainteté, originée en Dieu Père et
enseignée par Jésus, son Fils, nest pas réservée à quelques-uns, affirmait le
concile. Maître et modèle de toute perfection, Jésus a proposé à tous et à chacun
de ses disciples, quelle que soit leur condition, cette sainteté de vie dont il est à la
fois la source et lachèvement. “Vous donc, soyez parfaits comme votre Père
céleste est parfait.(Matthieu 5, 48). En tous il a envoyé son Esprit pour les
pousser intérieurement à aimer Dieu de tout leur coeur, de toute leur âme, de
toute leur intelligence et de toutes leurs forces (cfr Marc 12, 30), et aussi à saimer
mutuellement comme le Christ les a aimés (cfr Jean 13, 34 ; 15, 12). Appelés par
Dieu, non pas au titre de leurs oeuvres, mais au titre de son dessein damour et de
sa grâce, en dautres termes par sa volonté aimante, les disciples du Christ sont
véritablement devenus par le baptême de la foi, fils de Dieu, participants de la
nature divine et, par conséquent, réellement saints. A ce don, ils se doivent de
répondre sils écoutent sa voix. Car il leur faut, par une vie vertueuse, conserver et
achever cette sanctification. Saint Paul les exhorte à vivre “comme il convient à
des saints(Ephésiens 5, 3), à revêtir “comme des élus de Dieu saints et
bien-aimés, des sentiments de miséricorde, de bonté, d’humilité, de douceur, de
longanimité(Colossiens 3, 12) et à porter en eux-mêmes des fruits de lEsprit
pour leur sanctification (cfr Galates 5, 22 ; Romains 6, 22). Toutefois, rien n’étant
jamais acquis ici-bas et comme les humains se rendent fautifs en bien des points
(cfr Jacques 3, 2), ils ont constamment besoin de la miséricorde de Dieu et doivent
répéter tous les jours dans leur prière à Dieu leur Père : “Pardonne-nous nos
offenses(Matthieu 6, 12).
Il est donc évident que l’appel à la plénitude de la vie chrétienne et à la
perfection de la charité sadresse à tous ceux qui croient au Christ, quels que
soient leur état ou leur rang, continuait le concile. Le monde en bénéficie, car la
sainteté contribue à promouvoir plus dhumanité dans l’existence terrestre. Les
chrétiens doivent, selon la mesure du don du Christ, appliquer les forces qu’ils ont
reçues à obtenir cette perfection de la charité. De la sorte, marchant sur les traces
de Jésus et devenus conformes à son image, accomplissant en tout la volonté du

14.6 Page 136

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534
Père, ils seront entièrement voués à la gloire de Dieu et au service de leur
prochain.
Le concile insistait. Qui imaginerait une sainteté propre aux spécialistes
patentés, les moines et les moniales, les religieux et les religieuses, se tromperait. H
n’y a quune unique sainteté dans la famille de Dieu. Selon les formes diverses de
leur vie et les charges différentes quils occupent, c’est une seule sainteté que
cultivent tous ceux que conduit l’Esprit de Dieu et qui, obéissant à la voix du Père
et ladorant en esprit et en vérité, marchent à la suite du Christ pauvre, humble et
chargé de sa croix, pour mériter de devenir participants de sa gloire. La route de la
vertu est finalement la même pour tous. Chacun doit résolument avancer, selon ses
propres dons et ses ressources spirituelles, sur le chemin d’une foi vivante, qui
stimule l’espérance et agit par la charité. La constitution conciliaire envisageait,
pour prêcher à chacune delles la sainteté, les différentes catégories dans lEglise :
les pasteurs dâmes, les prêtres, les autres clercs (dits ministres), les époux et
parents chrétiens, les pauvres et les malheureux. Ainsi donc, concluait-il, tous
ceux qui croient au Christ iront en se sanctifiant toujours plus dans les conditions,
les charges et les circonstances qui sont celles de leur vie et grâce à elles, si
toutefois ils reçoivent avec foi toutes choses de la main du Père céleste et
coopèrent à laccomplissement de la volonté de Dieu, en faisant paraître aux yeux
de tous, dans leur service temporel lui-même, la charité avec laquelle Dieu a aimé
le monde.15
Pourrait-on imaginer meilleur commentaire de la sainteté réclamée par
don Bosco à ses fils et disciples dans leur exercice de la charité “pour la plus
grande gloire de Dieu et le bien des âmes?
La sainteté recommandée à la famille salésienne en fin de siècle
De ce point de vue aussi, Vatican II porta des fruits dans le monde
salésien. Les exhortations à la sainteté, une sainteté il est vrai plus ordinaire que
lidéal canonisable rêvé par Dominique Savio, s’y sont multipliées à mesure que le
vingtième siècle allait vers sa fin. Le recteur Viganô (1978-1995) sen chargeait,
tenant pour principe que la sainteté salésienne est une sainteté dhomme ou de
femme daction voués prioritairement au salut de la jeunesse.
La pédagogie salésienne est une pédagogie réaliste de la sainteté, et don
Bosco synthétisait son programme éducatif dans la formule : santé, sagesse et
sainteté, rappelait-il dès sa deuxième lettre circulaire de recteur majeur.16 La
saintetéde don Bosco et de Dominique Savio peut être considérée comme une
sorte de leçon de pédagogie intégrale dictée par lEsprit Saint, se hasardait-il à
affirmer à partir de leur histoire.17 Dans une lettre entièrement consacrée au
problème de la sainteté, il réclamait bientôt à ses confrères un projet commun” en
ce domaine. Assurément, leur écrivait-il par allusion à diverses campagnes alors en
cours, il est urgent pour nous de revoir la dimension de nos communautés, de
relancer la figure du directeur, dassumer et dappliquer le directoire sur la
formation salésienne (Ratio), de reformuler nos projets éducatifs et pastoraux,
d’élargir les horizons de la famille salésienne et de programmer généreusement nos

14.7 Page 137

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535
engagements missionnaires. Mais, à la base de toutes ces entreprises, “une âme et
une sources’imposent, qui est la sainteté de leurs artisans. En conséquence, il
demandait aux siens un nouveau projet (litt. : un re-projet) commun de sainteté,
aussi bien personnel que communautaire.18 A ses yeux le succès nétait pas
garanti. Une longue enquête menée à travers le monde lui avait appris que la
récupération de la saintetéétait le grand problème salésien encore sans
solution19.
Pour renverser le courant, il faudrait, jugeait-il, privilégier deux éléments
fondamentaux de la sainteté salésienne : l’intimité avec le Christ, source
indispensable de la charité pastorale, et l’engagement ascétique indispensable à la
bonté en éducation. Sans une véritable amitié avec le Christ ressentie par chacun et
vécue en communauté, et sans une ascèse sérieuse, les membres de la famille
salésienne ne parviendront jamais à être, conformément à leur vocation, signes et
porteurs de l’amour de Dieuenvers les jeunes.
Le saint est celui qui souvre pleinement à l’amour de Dieu pour le donner
aux autres. L’amour de Dieu ne s’entretient et ne sintensifie que par la rencontre
quotidienne du Christ. Cest l’alpha et l’oméga de la charité pastorale, enseignait
le recteur. Certes, la rencontre sopère dans l’amitié permanente avec lui. Mais
don Viganô pensait surtout aux temps forts de la prière, aliments de sainteté : la
méditation, la prière personnelle, les heures liturgiques et leucharistie. Le
sacrement du mémorial de Pâques doit devenir ou redevenir le moteur vivant de
chaque membre de la famille salésienne et le coeur de ses communautés. La
communauté salésienne est sanctifiée par la prière. Au sentiment du recteur, lun
des maux les plus redoutables qui eussent affecté la vie religieuse pendant la crise
récemment traversée, avait été la désintégration de lascèse, entendue comme
effort méthodique pour éliminer, à l’aide de la grâce, ce qui s’oppose à la
croissance de la vie dans le Christet pour affronter virilement les sacrifices
inévitables à qui prétend chrétiennement progresser.20 Elle exige abnégation,
renoncement, acceptation de la souffrance, lutte et combat spirituel. Sans ascèse,
la sainteté sévanouit. L’ascèse oblige à ramer à contre-courant. L’anthropologie
contemporaine a exalté les valeurs de la liberté, du corps, du développement de la
personne et de lautoréalisation. La société applaudit au triomphe des
concupiscencesjohanniques, qui sont le pouvoir, le bien-être, la chair et
l’orgueil de la vie (Voir 1 Jean, 2, 16). Nos faiblesses sont évidentes. Tant que
l’eau baptismale de la Pâque du Christ na pas purifié valeurs et passions, elles
demeurent païennes et peuvent dégénérer en égocentrismes. Le baptême dans le
Christ est un baptême de conversion nécessairement ascétique.21
Lapproche du cinquantenaire de la canonisation de don Bosco incita le
recteur Viganô à revenir fin 1983 sur la sainteté, quil confondait désormais avec
la spiritualité, sinon avec les règles d’une bonne éducation religieuse. Dans une
lettre intitulée Don Bosco santo (Don Bosco est un saint), il aligna ce quil disait
être les grandes valeurs de la sainteté salésienne. Cétait : servir le Seigneur dans
la simplicité et l’allégresse, témoigner d’un coeur oratorien(c’est-à-dire
analogue à celui de don Bosco dans les années 1840), savoir se faire aimer, être
ascète du quotidien, vivre en intimité avec Jésus rédempteur. Et il stigmatisait les

14.8 Page 138

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536
deux plus dangereux ennemis de la sainteté salésienne ainsi conçue, qui étaient
selon lui laltération de l’originalité pastoraleet le démantèlement de la
discipline religieuse.22
Ce recteur voyait dans les constitutions salésiennes, pacte de notre
alliance avec Dieu”, notre itinéraire concret de sainteté”23. Il disait aux siens que,
chez eux, le directeur de communauté est “maître et guide de sanctification”24, que
le fait, pour Vatican II, de penser lEglise comme mystère” incitait à la sainteté25,
que le salésien “se sanctifie en éduquant”26, que la nouvelle évangélisation
proclamée par le pape à Saint Domingue a donné grande importance à la sainteté27
et aussi quen 1994 le synode des évêques sur la vie religieuse a montré quau plus
intime de la vie de lEglise, il y a un appel à la sainteté28. La sainteté des siens lui
tenait beaucoup à coeur.
Le Règlement de vie apostolique, écrit dans l’esprit du recteur Viganô,
fournit aux coopérateurs salésiens, disait ce document, un moyen évangélique de
se réaliser eux-mêmes, en progressant sur un chemin menant à la sainteté”29.
En cette fin de siècle, Dominique Savio aurait-il reconnu sous le terme de
saintetéalors employé lidéal extrêmement élevé vers lequel il tendait de toutes
les forces de sa jeune âme ? Cest douteux, car, pour lui, le mot n’avait pas tout à
fait le sens que lui attribuait le recteur Viganô. Don Viganô s’était adapté à son
temps. Les salésiens et les salésiennes de la fin du siècle ne faisaient que reprendre
à lintention des leurs les leçons dun concile, qui navait pas non plus requis des
saintsde l’Eglise des vertus héroïques. Leur sainteté était, comme dans l’Eglise
primitive, celle des fidèles de Jésus, dits saintsparce quenfants de Dieu Père et
frères ou soeurs du Christ. Il reste que lEvangile leur dessinait un programme
d’imitation de Jésus en soi terriblement exigeant.
Notes
1. Voir J. Ries et G. Mathon, Sainteté (théologie), dans Catholicisme, fase. 61, 1992,
col. 655-709.
2. Nous reprenons ici le chapitre X Sua deliberazione di farsi santo”, du livre de don
Bosco, Vita del giovanetto Savio Domenico ... , 1859, p. 50-52. La formulation italienne farsi
santo, traduite ici en se faire saint, rend bien l’effort personnel, mais est inhabituelle en français.
Le Français dit communément, non pas “se faire saint, mais devenir un saint.
3. E’ volontà di Dio che ci facciamo tutti santi ; è assai facile di riuscirvi ; è un gran
premio preparato in cielo a chi si fa santo.” {Vita ..., citée, p. 50.)
4. Mi sento un desiderio ed un bisogno di farmi santo ; io non pensava di potermi far
santo con tanta facilità ; ma ora ho capito potersi ciò effettuare anche stando allegro, io voglio
assolutamente, ed io ho assolutamente bisogno di farmi santo. Mi dica adunque come debbo
regolarmi per incominciare tale impresa.{Vita..., citée, p. 50-51.)
5. “Dio ci vuole tutti salvi, anzi è sua volontà che ci facciamo tutti santi.(G. Bosco,
Porta teco, cristiano ... , Turin, 1858, p. 7.)
6. “Chi desidera di fare la volontà di Dio, desidera di santificare se stesso ; hai dunque
volontà di farti santo ?{Vita..., citée, p. 86.)

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537
7. Ma sappi che noi qui facciamo consistere la santità nello star molto allegri.(Vita
..., ibid.)
8. Sua esemplare sollecitudine per le pratiche di pietà”, “Puntualità nesuoi doveri,
Sua divozione verso la B. Vergine Maria, Sua sollecitudine e sue pratiche per conservare la
virtù della purità, Bei tratti di carità verso il prossimo(G. Bosco, Cenno biografico sul
giovanetto Magone Michele ..., Turin, 1861, chap. 6-10, titres. )
9. La prima cosa che gli venne consigliata per farsi santo fu di adoprarsi per
guadagnar anime a Dio ; perciocché non avvi cosa più santa al mondo, che cooperare al bene
delle anime, per la cui salvezza Gesù Cristo sparse fin lultima goccia del prezioso suo sangue.
(Vita ..., citée, p. 53.)
10. A. Beltrami, Il vero volere è potere, ossia chi vuole si fa santo ... , coll. Letture
cattoliche, 1896.
11. On trouve tout au plus, avec Perfezione, l’item Santificazione dans les index des
circulaires de don Rua, don Albera et don Rinaldi, mais jamais Santità, qui abondera dans celui
de don Viganò.
12. Au début de son article final La Perfezioneet sous lintertitre Siate Santi
(Soyez saints), il exhortait ses religieux à ne pas se contenter dune vie spirituellement tiède. (P.
Ricaldone, Fedeltà a Don Bosco santo, in Atti 74, 24 mars 1936, p. 173-179.)
13. De universali vocatione ad sanctitatem in Ecclesia(Lumen gentium, chap. V.)
14. “Haec est voluntas Dei sanctificatio vestra(Lumen gentium, n. 39).
15. Lumen gentium, n. 40-41, passim.
16. Nella Chiesa e in faccia al mondo il Sistema Preventivo è la pedagogia realista
della santità.(E. Viganò, Lettre aux salésiens, 15 août 1978, Atti 290, p. 33.).
17. La loro santità può essere considerata così come una specie di lezione di
pedagogia integrale dettata dallo Spirito Santo” (Même lettre du 15 août 1978, p. 27.)
18. Ma alla base di questo, come sorgente e anima del tutto, cè da riprogettare
insieme la nostra santità, sia personale che comunitaria.(E. Viganò, Riprogettiamo insieme la
santità, Lettre aux salésiens, 12 décembre 1981, Atti 303, p. 10.)
19. Equello del ricupero della santità(Lettre citée du 12 décembre 1981, p. 12).
20. ... sforzo metodico inteso ad eliminare, con l’aiuto della grazia, quanto si oppone
alla crescita della vita in Cristo e ad affrontare virilmente i sacrifici che essa impone” (Lettre
citée du 12 décembre 1981, p. 19.)
21. Lettre citée du 12 décembre 1981, p. 13-23.
22. I due più dannosi nemici della nostra santità [ ... ] sono, primo, lo svuotamento
dell’originalità pastorale, e, poi, lo smantellamento della disciplina religiosa. L’ensemble, sous
le titre “I grandi valori della santità salesiana, dans E. Viganò, Lettre aux salésiens, 24
septembre 1983,?lrft 310, p. 8-19.
23. Le Costituzioni, patto della nostra alleanza con Dio, il nostro itinerario concreto
di santità(Lettre du Ier mai 1982, Atti 305, p. 14-16.)
24. ’’Maestro e guida di santificazione(Lettre du 16 juillet 1982, Atti 306, p. 20-26.)
25. Lettre du 8 décembre 1985, Atti 316, p. 20.
26. Lettre du 19 mai 1991, Atti 337, p. 36.
27. Lettre du 12 décembre 1992, Atti 343, p. 30.
28. Lettre du 8 décembre 1994, Atti 351, p. 31.
29. Scegliere questo Regolamento di vita apostolica è trovare un modo evangelico di
realizzare se stessi, incamminandosi per una via che porta alla santità(Regolamento di Vita
Apostolica, art. 50.)

14.10 Page 140

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538
Saints
Un monde de héros faits selon le coeur de Dieu
Le monde spirituel de don Bosco était peuplé de saints, en qui il voyait
assurément de puissants intercesseurs, mais aussi et, probablement, surtout des
modèles à reproduire par les chrétiens soucieux de leurs progrès en perfection.1
Les saints montrent le ciel et le Christ. Us disent que Dieu est admirable.
Les plus extraordinaires dentre eux, faits selon le coeur de Dieu, rassemblent un
tel monde de vertus, de science, de courage et doeuvres héroïques, qu’ils nous
découvrent clairement combien Dieu est merveilleux dans ses saints. Mirabilis
Deus in sanctis suis [Dieu est admirable en ses saints]”, s’exclamait un jour don
Bosco dans l’exorde d’un panégyrique de Philippe Néri prononcé devant un
parterre de prêtres.2 Les chrétiens trouvent en eux des héros de partout, de tout
âge et de toute condition, quils peuvent par conséquent imiter dans tous leurs
états de vie. Ladmiration pour les saints, chefs-d’oeuvre de Dieu, doit en effet se
transformer en volonté dimitation. Si ille, cur non ego ?3 Pour l’édification de ses
lecteurs, don Bosco écrivit ou présenta des ouvrages sur Luigi Comollo, saint
Vincent de Paul, saint Martin, la bienheureuse Marie des Anges, la bienheureuse
Catherine de Racconigi, etc. Lédification domine jusque dans ses biographies que
l’on croirait plutôt doctrinales, comme celles de saint Pierre et de saint Paul. Au
terme de cette dernière, notre auteur avouait candidement : H ne convient pas de
parler de ses vertus (de saint Paul), étant donné que tout ce que nous avons
exposé jusquici nest autre quun tissu de vertus héroïques qu’il a fait resplendir
en tout lieu, en tout temps et avec toute sorte de personnes ... ”4 En définitive, ce
quil disait dans sa préface à la vie de Marie des Anges : Bref, tu trouveras,
lecteur, dans la vie de la bienheureuse Marie des Anges un parfait modèle de vertu
et de sainteté, apte néanmoins à être imité par tout chrétien selon son propre état.
Cest en vue de tout cela que l’on a cru bon de publier aussi dans les Letture
cattoliche le présent résumé de la vie de cette remarquable épouse de Jésus Christ,
pour fournir à nos lecteurs le moyen opportun d’en tirer un bienfait spirituel”5,
cette conclusion vaut pour toute une série dallocutions et de livres de don Bosco
uniformément destinés - que cela nous plaise ou non - à lédification de leurs
auditeurs et lecteurs. La vie des saints aide à reproduire en soi la sainteté de Dieu
qu’elle manifeste au monde. On y lit lEvangile.
Des histoires des Saintz s’en peut-on pas servir ? avait mandé saint
François de Sales à un archevêque de ses amis. Mais, mon Dieu, y a il rien de si
utile, rien de si beau ? Mais aussi, quest autre chose la vie des Saintz que
l’Evangile mis en oeuvre ? Il n’y a non plus de différence entre l’Evangile escrit et
la vie des Saintz qu’entre une musique notée et une musique chantee.6

15 Pages 141-150

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15.1 Page 141

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539
Sur ce chapitre aussi, les grands disciples ont suivi leurs maîtres et ont
vécu et enseigné à la lumière et à l’imitation des saints. Don Rua a laissé pour le
moins dix-sept schémas de sermons, le plus souvent des panégyriques, sur les
saints : saint Joseph, envers qui il ressentait une véritable prédilection, saint Louis
de Gonzague, saint Georges, saint Benoît, saint Augustin, sainte Cécile et sainte
Fortunée.7
Le jour de sa première messe (24 décembre 1882), don Filippo Rinaldi
prit la résolution de ne jamais laisser s’écouler une année sans avoir lu une vie de
saint.8 Recteur majeur, il tint à faire célébrer dans sa congrégation une année
“aloysienne” (1926-1927) pour le deuxième centenaire de la canonisation de Louis
de Gonzague.9 Lui-même plaçait chaque journée de sa semaine sous la protection
dune sainte personne de la famille salésienne, le dimanche don Bosco, le lundi don
Rua, le mardi Dominique Savio, le mercredi mère Maria Mazzarello, le jeudi
Andrea Beltrami, le vendredi Auguste Czartoryski, et le samedi soeur Teresa
Valsé.10
La pérennité du culte des saints
Le culte des saints, à commencer par ceux de la famille salésienne, ne
s’est nullement essoufflé en son sein au cours du deuxième siècle de cette famille.
Loin de là. Après les canonisations de mère Maria Mazzarello (1951) et de
Dominique Savio (1954), les béatifications de don Michèle Rua (1972), de Mgr
Luigi Versiglia et don Callista Caravario (1983), de Laura Vicuña (1988), de don
Filippo Rinaldi (1990), de mère Maria Maddalena Morano (1994) et du martyr
polonais Jozef Kowalski (1999) l’ont au contraire encouragé11. Les célébrations
du centenaire de sa mort (1988) ont renforcé la dévotion à don Bosco, remarquait,
à leur terme, le recteur Viganô.12 La Charte de communion de la Famille
salésienne a consacré en 1995 à la mémoire et (au) recours aux Saints de la
Famille, un long article qui constitue à lui seul une petite dissertation sur le culte
des saints. Prêtres, laïcs et consacrés, jeunes et adultes de la Famille, membres
engagés dans l’éducation et dans lévangélisation, constructeurs du quotidien et
apôtres appelés à l’héroïsme du martyre, trouvent en nos saints une riche
inspiration, affirme-t-il entre autres13.
Précédemment, divers abus avaient nui au culte rendu aux saints. Une
dévotion insuffisamment éclairée les avait laissé envahir indûment le calendrier de
lEglise catholique au détriment du culte au vrai Dieu et à l’unique Seigneur Jésus
Christ. Lautorité remédia au désordre par de sévères élagages. Mais, peu après,
Jean-Paul U procédait à une multitude de béatifications et de canonisations, qui,
au moins dans les calendriers locaux, remplissaient quelques vides. Ce faisant, le
pape favorisait à nouveau un culte des saints, dont plusieurs se seraient volontiers
débarrassés. Quant à elles, la procédure des canonisations ayant été simplifiée, les
Eglises particulières découvraient alors dans leur patrimoine spirituel des martyrs,
des confesseurs et des vierges, quelles pourraient plus facilement magnifier.

15.2 Page 142

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540
Simultanément, la réflexion conciliaire expliquait et justifiait le culte des
saints. Les saints sont des intercesseurs pour les vivants, enseignait-elle. Les
habitants du ciel contribuent à affermir en sainteté plus solidement toute l’Eglise.
Admis dans la patrie céleste et présents au Seigneur (cfr 2 Corinthiens 5, 8), par
Lui, avec Lui et en Lui, ils ne cessent d’intercéder pour les vivants auprès de Dieu
Père. Les saints offrent les mérites acquis sur terre par l’intermédiaire du Christ
Jésus, unique médiateur entre Dieu et les hommes (cfr 1 Timothée 2, 5). Us
servent le Seigneur en toutes choses et complètent en leur chair ce qui manque aux
souffrances du Christ en faveur de son corps qui est lEglise (cfr Colossiens 1, 24).
Leur sollicitude est du plus grand secours à la faiblesse des humains. LEglise les
honore donc avec ferveur et sollicite avec confiance le secours de leur
intercession.
LEglise distingue en elle-même des saints qui choisirent de reproduire de
plus près la virginité et la pauvreté du Christ, et d’autres saints quun exercice
éclatant des vertus chrétiennes et des grâces insignes de Dieu ont recommandés à
la dévotion et à l’imitation des fidèles. Elle se fait une joie dexalter les uns et les
autres au regard des vivants. Les saints, façonnés par l’Evangile, en attestent la
force. Contempler la vie des hommes qui ont suivi fidèlement le Christ stimule à
rechercher la Cité à venir (cfr Hébreux 13, 14 et 11, 10) et apprend à connaître le
chemin très sûr pour, à travers les hasards de ce monde, parvenir à lunion parfaite
avec le Christ. Dieu, qui manifeste en eux par une vive lumière son visage et sa
présence, parle ainsi aux humains et leur propose un signe de son royaume. Il les
attire puissamment vers Lui, tant est grande leur nuée de “témoins(cfr Hébreux
12, l)14. Lhistoire des saints, ces chefs doeuvre de Dieu”, est “passionnante,
écrivait de son côté le recteur Vecchi. Les membres de la famille salésienne
continuent à la méditer. Leur sainteté éminente est un don de l’Esprit Saint fait à
tous les baptisés, qu’il leur faut développer en eux-mêmes.15
Enfin l’amour des saints est bénéfique aux vivants. La communion avec
eux unit au Christ de qui découlent, comme de leur source et de leur tête, toute
grâce et la vie même du peuple de Dieu. Il est donc infiniment recommandable
d’aimer ces amis et cohéritiers de Jésus Christ, ces frères et ces insignes
bienfaiteurs, que sont les saints du ciel. Il est bon de les invoquer avec ardeur, de
recourir à leurs prières, à leurs secours et à leur aide pour obtenir de Dieu par son
Fils Jésus Christ, seul Rédempteur et Sauveur, les bienfaits dont nous avons
besoin16. Tout témoignage authentique damour présenté aux habitants du ciel
tend, comme vers son terme, au Christ “couronne de tous les saintset, par lui, à
Dieu, qui est admirable en ses saints et glorifié en eux. La fréquentation des saints
habitants du ciel, si elle est conçue dans la pleine lumière de la foi, loin de diminuer
le culte dadoration rendu à Dieu Père par le Christ et dans lEsprit, l’enrichit au
contraire avec générosité.17
Les saints, frères d’humanité18
Don Bosco rêvait du jour son élève Dominique Savio serait canonisé.
H ne logeait pas systématiquement les saints dans un empyrée inaccessible. Quand
il diffusait sa biographie, cet adolescent vivait spirituellement, comme autrefois,

15.3 Page 143

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541
dans son humble école de Turin. Dominique Savio donnait des idées à Michèle
Magone, entré dans l’école après sa disparition.
A l’orée dun troisième millénaire, on se plaît à faire des saints des
compagnons de route. Les saints qu’aujourd’hui nous aimons le plus et que nous
invoquons ont ouvert des voies spirituelles, qui sont des chemins dhumanité.
Commémorer leur histoire est l’occasion dun nouvel élan pour les vivants, dun
approfondissement de leur foi en cohérence avec leur vie. Les témoins de Dieu
que les nouveaux temps recherchent sont des gens comme don Bosco, Dominique
Savio, mère Mazzarello, autrement dit des familiers de l’Esprit du Christ dans le
monde ordinaire19. Instinctivement, nos contemporains devinent en eux des
prophètes discrets d’une humanité nouvelle, qui annoncent dans la simplicité le
monde à venir. Les saints, ces aventuriers de Dieu, ont tracé l’extraordinaire dans
l’ordinaire. Quils aient fait de lor avec du plomb, de la lumière avec la grisaille
des jours, de lamour avec la routine des devoirs répétés de semaine en semaine,
voilà qui les désigne à nos yeux comme de vrais alchimistes du quotidien. Leur
existence est un appel à sortir de la médiocrité pour retrouver la jeunesse des
commencements. Comme pour don Bosco et François de Sales, les saints que
nous aimons affirment que l’évangile nest pas une pure utopie. Les martyrs, tel le
père Jozef Kowalski, après des années banales, l’ont proclamé dans les
circonstances les plus dramatiques que l’on puisse imaginer20.
Notes
1. Je répète ici diverses considérations sur les saints modèles de perfection”
empruntées à mon livre Don Bosco et la vie spirituelle, Paris, 1967, p. 105-107.
2. Ve ne sono poi alcuni, fatti secondo il cuor di Dio, i quali racchiudono tale un
complesso di virtù, di scienza, di coraggio e di eroiche operazioni, che ci fanno altamente palese
quanto Iddio sia meraviglioso nei santi suoi : Mirabilis Deus in sanctis suis.” (Sermon d’Alba,
1868, dans G.B. Lemoyne, M. B., t. IX, p. 214.)
3. Si lui, pourquoi pas moi ?Voir G. Bosco, Vita del giovanetto Savio Domenico ... ,
Turin, 1859, p. 9.
4. Non occorre dire alcuna cosa delle virtù di lui, giacché quel tanto che abbiamo
finora esposto non è altro che una tessitura delle virtù eroiche, le quali in ogni luogo, in ogni
tempo, e con ogni genere di persona egli fece risplendere.(G. Bosco, Vita di S. Paolo apostolo
..., Turin, Paravia, 1857, p. 163.)
5. “Tu insomma, o lettore, troverai nella vita della Beata Maria degli Angeli un
perfetto modello di virtù e di santità, tale nondimeno da potersi imitare da ogni cristiano secondo
il proprio stato. Ed è in vista di tutto ciò, che si è stimato di pubblicare eziandio nelle Letture
cattoliche il presente compendio della vita di questa inclita sposa di Gesù Cristo, per così
porgere ai nostri lettori il mezzo opportuno di trame spirituale vantaggio(G. Bosco, Prefazione
à lanonyme Vita della Beata Maria degli Angeli, carmelitana scalza, Turin, tip. dell’Oratorio
di S. Frane, di Sales, 1865, p. 4-5.)
6. François de Sales, lettre à Mgr André Frémyot, archevêque de Bourges, Sales, 5
octobre 1604, dans Oeuvres, t. XII, p. 306.
7. Sermons repérés après ime enquête sommaire dans les cahiers ou feuillets de don
Rua reproduits en FdB 2897 E 5 à 2898 B3 ; 2901 A3-C1 ; 2908 C11-E2 ; 2909 C12 à 2910 A12
(dix schémas sur saint Joseph) ; 2910 DH à 2911 C8 ; 2933 B4-7 ; 2937 A3-8.
8. Voir E. Cena, Vita del Servo di Dio Sac. Filippo Rinaldi... , SEI, 1948, p. 43.
9. Filippo Rinaldi, Lettre aux salésiens, 24 septembre 1926, Atti 36, p. 473-475.

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542
10. D’après une prière autographe datée de Turin, octobre 1926, et commençant par
les mots : Voi tutti, benedetti e privilegiati del Paradiso, vegliate sopra lIstituto e sopra il
povero Superiore, e degnatevi di stare alla loro custodia , que don Zerbino a reproduite dans
les actes de son procès informatif de canonisation, ad XVum, Summarium, p. 420.
11. Le martyre épouvantable du père Jozef Kowalski (aux camps de concentration et
dextermination dAuschwitz et Birkenau en 1943) a donné au recteur Juan Vecchi l’occasion
dune lettre sur la sainteté dans la famille salésienne : Santità e martirio all’alba del terzo
millenio, 29 juin 1999, Atti 368, p. 3-36.
12. La devozione a don Bosco santo, dans E. Viganò, Lettre aux salésiens, 24 mai
1989, Atti 330, p. 40-42.
13. ... Sacerdoti, laici e consacrati, giovani ed adulti della Famiglia, membri
impegnati in educazione e in evangelizzazione, costruttori del quotidiano e apostoli chiamati
alleroismo del martirio trovano ricchezza di ispirazione tra i nostri Santi....(La memoria e il
ricorso ai Santi della Famiglia, Carta di comunione, art. 38.)
14.
Vatican II, Lumen gentium, n. 49-50.
15. Juan Vecchi, I Santi, capolavori di Dio, dans Bollettino salesiano, mars 1998, p.
2-3.
16. Pie XII, encyclique Mystici corporis Christi (29 juin 1943), in Acta Apostolicae
Sedis 35 (1943), p. 216.
17. Considérations tirées principalement de Lumen gentium, n. 50-51.
18. Titre de la revue Christus 172, octobre 1996. Les propositions qui suivent ont été
partiellement empruntées à léditorial de ce fascicule.
19. Voir Teresio Bosco, Famiglia salesiana, Famiglia di santi. Profili dei Santi, Beati,
Venerabili e Servi di Dio della Famiglia Salesiana, Leumann, Elle Di Ci, 1997.
20. Voir, dans la lettre citée du recteur Vecchi Santità e martirio ... , p. 20-27, le
récit de la dernière année du père Jozef Kowalski..

15.5 Page 145

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543
Salut
Le vrai salut d’après don Bosco
Le thème fondamental de la spiritualité de don Bosco est le salut des
âmes1. Don Bosco a répété cent fois qu’il noeuvrait que pour la plus grande
gloire de Dieu et le salut des âmes, la sienne et celle dautrui. On sauve son âme,
on sauve des âmes, le complément du mot est indispensable à qui prétend entrer
dans sa pensée. Le salut, sous-entendu : de l’âme, fut longtemps le principal
mot-clef de la spiritualité salésienne2.
Le terme avait, dans la bouche de don Bosco, un sens précis quil ne
convient pas dédulcorer. Sur la mer du monde, les humains naviguent en flottilles,
et tempêtes et récifs les menacent. Consciemment ou non, ils cherchent un port.
Leurs âmes font leur salut, autrement dit elles se sauvent, estimait don Bosco,
si, à l’heure du jugement divin qui suit la mort, elles paraissent dignes dune
éternité de bonheur (éventuellement différée après un temps de purgatoire). Dans
le cas contraire, indignes de cette éternité, elles se perdent. Deux destinées
s’offrent donc à elles au terme du voyage de la vie : le salut étemelou la “perte
étemelle”. Une exacte compréhension du langage de don Bosco impose de joindre
mentalement l’adjectif étemelà lexpression salut des âmes”. Il ny avait pour
lui de vrai salut que celui de l’éternité.
A ses yeux, la destinée dépendait entièrement de lheure fatale. Le
Giovane proweduto et le Mese di maggio traçaient aux lecteurs de don Bosco une
description terrorisante du jugement particulier. L’évocation de l’instant de ce
jugement le remplissait lui-même deffroi. Un jour davril 1868, d’après une lettre
dun témoin, l’émotion qui létreignait lobligea à interrompre une prédication à
ses jeunes sur ce terrible jugement.3
La question du salut saggravait encore avec les conditions de sa réussite.
Une bonne conduite, garantie par une conscience droite, n’y suffisait pas. La foi à
la parole du Christ et l’appartenance à lEglise catholique et romaine étaient alors,
selon la théologie communément répétée, absolument nécessaires au salut. Le
catéchisme diocésain de Turin enseignait : Question. Peut-on être sauvé hors de
l’Eglise catholique apostolique et romaine ? - Réponse. On ne peut être sauvé,
comme nul n’a pu se sauver hors de l’arche de Noé, figure de cette Eglise.”4 Et il
est arrivé à don Bosco d’écrire brutalement : Quiconque se sépare de l’Eglise
catholique, pour bonne que soit sa vie, ne possédera jamais la vie étemelle, mais la
colère de Dieu sabattra sur lui pour le seul délit de sêtre séparé de lunité de
Jésus Christ. Bonté et probité non soumises à lEglise sont hypocrisie subtile et
pernicieuse (St Augustin).5 Il affirmait quaprès la Pentecôte, le salut ne fut plus
possible aux membres du peuple élu lui-même. Quand on commença à prêcher

15.6 Page 146

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544
lEvangile dans les diverses parties du monde, aucun Juif ne put plus se sauver
sans croire à Jésus Christ et recevoir le baptême.6
Parce qu’il aimait les gens, à commencer par les enfants, don Bosco ne
pouvait que vouloir de toutes ses forces le salut de leurs âmes ainsi conçu. Vous
me ferez la chose la plus chère du monde, si vous maidez à sauver votre âme,
mandait-il à ses salésiens au soir de sa vie.7 Et aussi, il faut persuader les jeunes
que lon ne veut rien d’autre que le salut de leurs âmes, qu’après Dieu nous
aimons par-dessus tout.”8 Luigi De Sanctis avait abandonné l’Eglise romaine pour
entrer dans le monde vaudois et protestant et y exercer des fonctions de pasteur.
Don Bosco tenta de le convertir, vainement dailleurs. La raison fondamentale de
sa démarche apparaît au détour d’une lettre quil lui adressa : Maintenant, je vous
dirai nettement que je désire et désire de tout coeur le salut de votre âme et que je
suis prêt à tous les sacrifices spirituels et temporels pour vous y aider II reste
seulement que Votre Seigneurie me dise sil lui semble être tranquille et pouvoir se
sauver, si elle juge qu’un catholique ou un dissident a de meilleures garanties de
salut ... ”9 A ses yeux, l’adhésion de Luigi De Sanctis à une Eglise autre que
lEglise romaine compromettait gravement son salut étemel. De don Bosco, on a
écrit très justement que sauver son âme, ce que saint Alphonse et nombre
dauteurs spirituels de son temps présentent comme Vunique nécessaire, apparaît
être aussi le noyau essentiel et indispensable, la racine la plus profonde de son
activité intérieure, de son dialogue avec Dieu, de son travail sur lui-même, de son
action dapôtre, convaincu davoir été appelé et d’être pour le salut de la
jeunesse pauvre et abandonnée.”10
Lévolution silencieuse dun mot
Après don Bosco, il parut excessif den rester au sens suprême du mot
“salut, surtout dans la formulation de la vocation salésienne “pour la plus grande
gloire de Dieu et le salut des âmes. Les idées de son successeur don Rua sur le
salut étaient bien celles de don Bosco. Quant au salut de lâme, il ny a pas de
moyen terme, prêchait-il à des retraitants : ou l’on se sauve pour toujours, ou l’on
se damne pour toujours, ou félicité étemelle, ou tourments étemels11. Sa
conviction, inébranlable, demeurait. Don Bosco ne fit pas un pas, il ne prononça
pas un mot, il nentreprit rien qui neût pour but le salut de la jeunesse ...
Vraiment, il neut à coeur que les âmes.12 H arriva pourtant à ce très fidèle
déviter le terme et de l’élargir en silence au bienou à ¡avantage” de ces âmes.
Ce bien spirituel - sous-entendez, le salut - n’était pas qu’étemel, mais aussi
temporel. L’acte de convocation au chapitre général de 1892 permettrait aux
siens, leur écrivait-il, d’“étudier ce qui paraîtrait préférable pour la gloire de Dieu
et l’avantage des âmes de notre Pieuse Société13. Le jour il en dit les résultats,
il estima que ce chapitre “pourrait présenter les avantages les plus considérables
pour notre Pieuse Société, pour la gloire de Dieu et pour le bien des âmes14.
Dans sa lettre postérieure aux inspecteurs et directeurs d’Amérique, il leur
recommandait de rechercher toujours la gloire de Dieu et le bien des âmes, jamais
lhonneur et la gloire personnelle.15 Etc. Sous sa plume, le mot “bienremplaçait
alors de manière significative le mot salut.

15.7 Page 147

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545
Après don Rua, le recteur Albera se garda doublier le désir passionné de
don Bosco. Sauver les âmes, ce fut le mot d’ordre qu’il voulut faire imprimer sur
la blason de sa congrégation, ce fut pour ainsi dire son unique raison dêtre.
Entendez, sauver la sienne d’abord, et puis celle des autres. L’aider à sauver nos
âmes était le cadeau le plus précieux que nous pouvions lui faire ... 16 Mais une
précision apparaissait. Don Albera expliquait que le salut réclame un travail
constant de “sanctification”. En effet, sauver son âme, c’est se sanctifier17.
Loeuvre de salut, qui culmine en un instant crucial, dure toute la vie.
Une meilleure compréhension du salut chrétien
Avec les années, le vocable salut” perdait de son ancienne force et se
raréfiait curieusement dans la littérature officielle des salésiens. Certes, jusquà
Vatican H, élèves et maîtres des maisons salésiennes ne cessèrent de prier chaque
soir : Chère mère, Vierge Marie, faites que je sauve mon âme, et les sermons
dexercices de la bonne mort continuèrent d’y menacer de perdition étemelle les
coupables de fautes mortelles. La base noubliait pas le “salut des âmes. Mais les
index des circulaires des recteurs don Rinaldi, don Ricaldone, don Ziggiotti, don
Ricceri et don Viganô ont ignoré litem Salvezza (ou Salute). Sauvons la
jeunesse, recommandait simplement le recteur Ricaldone, son salut se trouve dans
loratoire festif.18 L’usure menaçait-elle le terme ? Avec “rédemption,
sacrifice, trinitéou enfer, la catéchèse commune se mettait peut-être à
ranger plus ou moins consciemment, chez les salésiens aussi, le terme de salut”
parmi les mots religieux (provisoirement ?) en crise. Incolore, abstrait, il
névoquait plus spontanément l’expérience essentielle qu’il aurait signifier19.
Quoi qu’il en soit, quant à eux, les théologiens du temps en
approfondissaient le sens. La question du salut ne pourra jamais être écartée.
Linterrogation sur le salut reste lune des plus fondamentales parmi celles qui
traversent et travaillent l’existence personnelle de chacun, aussi bien que
lensemble de l’histoire de lhumanité. Le christianisme est à la fois annonce et
voie de salut. Le credo chrétien spécifie depuis ses origines que tout ce quil
professe est proposé à croire pour nous les hommes et pour notre salut. Le salut
chrétien, qui est simultanément rédemption, libération et réconciliation, arrache
lhumanité à une situation de péril, sous le coup d’une menace au caractère
implacable et inéluctable.20
La menace tient à la condition humaine. Le péril vient du péché de
lhumanité, mais aussi et dabord de son caractère fini. L’homme a besoin dun
salut du fait même de sa situation d’être créé et indépendamment de tout péché.
Parce que créature, il y a entre son être fini et Dieu une distance infranchissable,
au moins de son côté. Mais, façonné à l’image et à la ressemblance de Dieu
(Genèse 1, 26), une vocation l’habite, celle de connaître Dieu, de le voir et de
communier à sa propre vie. Nous lui serons semblables parce que nous le verrons
tel quil est(1 Jean 3, 2). Saint Augustin en fit lexpérience. Tu nous as faits
pour toi, Seigneur, et notre coeur est inquiet tant quil ne repose pas en toi
(Confessions I, 1). “Laspect le plus sublime de la destinée humaine se trouve dans
cette vocation de l’homme à communier avec Dieu, lit-on dans Vatican II

15.8 Page 148

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546
(Gaudium et spes, n. 19.) Le salut tel que l’entend le chrétien est essentiellement
la réalisation par chacun, ici-bas et surtout dans l’éternité, d’un état final conforme
à la volonté salvifique de Dieu. Lhomme a pour destinée d’être ce que Dieu, dans
son amour et sa sagesse, a librement voulu quil fût : son ami. La salut est pour lui
dans sa communion avec Dieu en ce monde et en l’autre.21
Ce salut a une histoire, qui est divine. Dieu, Seigneur de l’histoire,
conduit l’histoire du salut. Son dessein, absolument libre et mystérieux, consisté,
par l’adoption filiale, à élever les hommes à la communion de la vie en lui-même.
Le Fils, médiateur de l’Alliance parfaite, l’accomplit. L’Eglise, dont il est la tête,
est le sacrement universel du salut22. Ce dessein, pleinement réalisé par laction
de l’Esprit Saint, sadresse à tous les hommes et concerne aussi les réalités
temporelles.
Lentreprise rédemptrice du Christ, en dautres termes son dessein de
salut, couvre en effet toute lhistoire humaine. Au vingtième siècle, dans
l’enseignement chrétien l’ordre temporel a été de plus en plus clairement associé
au salut spirituel. Loeuvre de rédemption du Christ, qui concerne essentiellement
le salut des hommes, embrasse aussi le renouvellement de tout l’ordre temporel,
enseigne Vatican n. La mission de lEglise, par conséquent, nest pas seulement
d’apporter aux hommes le message du Christ et sa grâce, mais aussi de pénétrer et
de parfaire par l’esprit évangélique lordre temporel. Les fidèles laïcs
accomplissant cette mission de lEglise, exercent donc leur apostolat aussi bien
dans lEglise que dans le monde, dans l’ordre spirituel que dans lordre temporel.
Bien que ces ordres soient distincts, ils sont liés dans lunique dessein divin. Aussi
Dieu lui-même veut-il, dans le Christ, réassumer le monde tout entier, pour en
faire une nouvelle créature en commençant dès cette terre et en lui donnant sa
plénitude au dernier jour.”23 Dans son ampleur, lunique dessein divin peut être dit
justement dessein de salut.
La famille salésienne pour le salut du monde
Les documents officiels salésiens de la fin du siècle ont donné au mot
salut sa place et sa vraie dimension en l’élargissant au monde entier. De manière
significative, dans la prière à Marie auxiliatrice qui suit leur méditation
quotidienne, les salésiens promettaient alors de “travailler toujours à la plus grande
gloire de Dieu et au salut - non plus, comme autrefois, des âmes, mais - du
monde”24.
Les considérations sur le salut partaient désormais du plus haut. Tout
salut vient de Dieu Trinité. Marie, mère de Dieu, occupe une place singulière
dans lhistoire du salut25. La mission des salésiennes naît de l’initiative salvifique
de Dieu Père”, qui les appelle à “participer dans lEglise au ministère prophétique,
sacerdotal et royal du Christ”.26 Leur Institut est une réponse de salut aux
attentes profondes des jeunes27. Les constitutions rénovées des filles de Marie
auxiliatrice expriment clairement la nature de leur contribution à l’oeuvre du salut.
A la volonté salvifique de Dieu, enseignent-elles, don Bosco et mère Mazzarello

15.9 Page 149

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547
ont répondu en sengageant à faire des jeunes de bons chrétiens et dhonnêtes
citoyens”.28 Toute la vie des jeunes est concernée par le dessein divin de salut.
Le salut auquel travaillent les salésiens, consommé seulement dans
léternité, commence dès ici-bas dans lEglise. En contribuant au salut de la
jeunesse, la portion la plus délicate et la plus précieuse de la société humaine”29, ils
participent en effet à son oeuvre, pour quelle se manifeste au monde comme
sacrement universel du salut30. Les communautés salésiennes devraient être des
“signes révélateurs du Christ et de son salut présent parmi les hommes”31. Très
large, ce salut intègre évangélisation et développement de l’ordre temporel. La
mission salésienne contribue dans l’Eglise à la réalisation du dessein salvifique.
de Dieu, disent leurs constitutions, en dautres termes à l’avènement de son
Règne, en portant aux hommes le message de lEvangile intimement uni au
développement de l’ordre temporel”32.
Les Volontaires de Don Bosco ont inscrit en épigraphe au premier
chapitre de leurs Règlements rénovés une leçon de Paul VI aux Instituts séculiers
sur leur mission de salut” dans le monde : Rappelez-vous que, par votre
appartenance même à des Instituts séculiers, vous avez une mission de salut à
remplir parmi les hommes de notre temps ; aujourdhui, le monde a besoin de
vous, qui vivez dans le monde, pour ouvrir au monde les chemins du salut
chrétien.”33 Le champ de leur oeuvre de salut est donc illimité.
Quant à eux, les coopérateurs salésiens ont pour vocation essentielle
d’être, dans lEglise - ce centre de communion de toutes les forces qui opèrent
pour le salut- de véritables coopérateurs de Dieu dans la réalisation de son
dessein de salut”34. Le jour de son agrégation dans l’association, le coopérateur
salésien promet solennellement de travailler au salut des jeunes”35.
Enfin, le centenaire de la mort de don Bosco a conduit le pape Jean-Paul
n, dans sa lettre luvenum Patris et en parfaite consonance avec la visée
fondamentale de notre saint, à rappeler aux éducateurs chrétiens l’obligation
dordonner le processus éducatif aux finalités religieuses du salut, quil leur faut
donc connaître et garder à lesprit. Cela exige beaucoup plus que l’insertion dans
le cheminement éducatif, de certains moments réservés à l’instruction religieuse et
à lexpression cultuelle : cela comporte la mission beaucoup plus profonde daider
les élèves à souvrir aux valeurs absolues et à interpréter la vie et l’histoire selon
les profondeurs et les richesses du Mystère.Le pape continuait : “L’éducateur
doit donc avoir une perception claire de la fin ultime car, dans l’art de l’éducation,
les finalités jouent un rôle déterminant. La vision incomplète ou erronée de
celles-ci, ou leur oubli, mènent lesprit à une vision unilatérale et aux déviations,
tout en étant de plus un signe dincompétence.”36
Le pape rejoignait le sens que don Bosco attribuait naturellement au mot
salut. Quon le sache ou non, il sagit toujours de la destinée, réussie ou pas, des
hommes et du monde. Nombreux sont les chemins qui y conduisent. Le dessein
salvifique de Dieu en indique le terme. La mission de la famille salésienne est
daccompagner le mieux possible l’humanité au cours de ce voyage décisif.

15.10 Page 150

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548
Notes
1. “H tema fondamentale della spiritualità di Don Bosco (...) è la salvezza delle
anime” (F. Motto, dans le recueil I sentieri della speranza nella spiritualità salesiana, Rome,
Ed. S. D. B„ 1994, p. 70).
2. Sur le sens du vocable âmedans la littérature salésienne, voir, ci-dessus, l’item
âme.
3. D’après ime lettre de Giovanni Francesia au cavaliereFederico Oreglia, Turin, 8
avril 1868, reproduite en MB IX, p. 124-125.
4. “D. Si può esser salvo fuori della Chiesa Cattolica Apostolica Romana ? - R. Non si
può essere salvo, come niuno potè salvarsi fuori dell’arca di Noè, che fu figura di questa Chiesa.
(Compendio della dottrina cristiana ad uso della diocesi di Torino, Turin, Paravia, s.d. (1844),
p. 72.)
5. “Chiunque si separa dalla Chiesa Cattolica, sia pur buona la vita di lui, non
possederà mai la vita eterna, ma la collera di Dio verrà sopra di lui pel solo delitto di essere
separato dallunità di Gesù Cristo. Questa bontà e probità, che non è sommessa alla Chiesa, è
unipocrisia sottile e perniciosa (S. Agostino)” (Il Giovane provveduto, Turin, 1851, p. 332).
Noter que, dans le cas des protestants, pour les enfants morts avant lâge de raison et les adultes
de totale bonne foi, des nuances apparaîtront heureusement dans lédition de 1863 de cet ouvrage
(p. 392).
6. Quando cominciò a predicarsi il Vangelo nelle varie parti del mondo, niuno degli
Ebrei più potè salvarsi senza credere in Gesù Cristo, e ricevere il battesimo.(G. Bosco, Il
Cattolico istruito, Turin, 1853, p. 60.)
7. Voi mi farete la cosa più cara del mondo, se mi aiuterete a salvare lanima vostra.
(G. Bosco, Circulaire aux salésiens, Turin, 6 janvier 1884, L. C., p. 21.)
8. ... persuadere i giovani che non si vuole altro, fuorché la salute delle anime loro,
che noi dopo Dio amiamo sovra ogni altra cosa” (G. Bosco, Circulaire aux salésiens, 1er
novembre 1884, L. C., p. 17.)
9. Ora le dirò schiettamente che desidero e desidero di tutto cuore la salvezza
dell’anima di V. S. e che sono disposto a fare tutti i sacrifizi spirituali e temporali per
coadiuvarla. Resta solo che V. S. mi dica se le pare di essere tranquilla e di potersi salvare ; se
giudica avere maggiori garanzie di salvezza un cattolico o un dissidente.(G. Bosco à L. De
Sanctis, 26 mai 1855, dans Epistolario Motto, I, p. 254.)
10. Il salvarsi lanima, quello che S. Alfonso e molti scrittori spirituali del suo tempo
indicano come l’uno necessario, appare essere anche il nucleo essenziale e irrinunziabile, la
radice più profonda della sua attività interiore, del suo dialogo con Dio, del lavorio su se stesso,
della sua operosità di apostolo, conosciutosi come chiamato e nato per la salvezza della gioventù
povera ed abbandonata.(P. Stella, Don Bosco nella storia della religiosità cattolica, t. Il,
Roma, 1981, p. 15.)
11. Riguardo alla salvezza dellanima non vi è via di mezzo, o che si salva per
sempre, o che si danna per sempre ; o eterna felicità o eterni tormenti(M. Rua, Salvezza
dell’anima, dans Esercizi spirituali, quaderno I, p. 12, en FdB 2938 E3.) Un sermon pour
exercices spirituels intitulé “Della salvezza dell’anima, reproduit en FdB 2894 D12-E5, répète
cet enseignement.
12. Non diede passo, non pronunciò parola, non mise mano ad impresa che non
avesse di mira la salvezza della gioventù... Realmente non ebbe a cuore altro che le anime.(M.
Rua, Lettre aux inspecteurs et directeurs dAmérique, 24 août 1894, L. C., p. 109.)
13. ... possiate studiare quanto si credesse meglio a gloria di Dio, a vantaggio delle
anime della Pia nostra Società... (M. Rua, Lettre aux salésiens, 19 mars 1892, L. C., p. 80).
14. . ... potrà riuscire fecondo de’ più considerevoli vantaggi per la nostra Pia
Società, per la gloria di Dio e pel bene delle anime(M. Rua, Lettre aux salésiens, 11 novembre
1892, L.C., p. 86).

16 Pages 151-160

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549
15. ... sempre avendo in mira la gloria di Dio ed il bene delle anime, giammai
l’onore e la gloria propria(Lettre du 24 août 1894, L.C., p. 112).
16. Salvar le anime ! fu la parola d’ordine ch’egli volle impressa sullo stemma della
sua Congregazione, fu, si può dire, lunica sua ragione desistere : sintende salvare prima
lanima propria e poi quella degli altri. Aiutarlo a salvar lanima nostra era il regalo più prezioso
che potessimo fargli,... (P. Albera, Lettre aux salésiens, 18 octobre 1920, L. C., p. 343).
17. Don Bosco ci chiede continuamente che lo aiutiamo a salvare lanima nostra, cioè
a santificarci(P. Albera, Lettre aux prêtres salésiens, 19 mars 1921, L. C., p. 451).
18. La sua salvezza sta nelloratorio festivo(P. Ricaldone, Oratorio festivo,
catechismo, formazione religiosa. Lettre aux salésiens, 24 décembre 1939, Atti 96, p. 20, 43).
19. Observation deM. Rondet, Dire le salut, Catéchèse 146, janvier 1997, p. 15-16.
20. Voir J. Doré, Salut”, dans le Dictionnaire des Religions, dir. Paul Poupard, Paris,
1984, p. 1514-1523.
21. Doctrine sans cesse répétée. Voir, par exemple, B. Sesboué, Salut, Dictionnaire
de spiritualité, t XIV, 1990, col. 253.
22. Vatican II, Lumen gentium, n. 48.
23. Vatican n, Apostolicam actuositatem, n. 5. Ces deux alinéas constituent un centon
de propositions tirées de Vatican n.
24. La formule de la consécration à Marie Auxiliatrice : Vi promettiamo di sempre
operare alla maggior gloria di Dio e alla salute delle animeest devenue dans la preghiera di
affidamento” : Ti promettiamo di voler sempre operare, fedeli alla vocazione salesiana, alla
maggior gloria di Dio e alla salvezza del mondo.
25. Maria, Madre di Dio, occupa un posto singolare nella storia della salvezza
(Constitutions SDB, art. 92).
26. “La nostra missione nasce dall’iniziativa salvifica del Padre, che ci chiama a
partecipare nella Chiesa (...) al ministero profetico, sacerdotale e regale di Cristo ...
(Constitutions FMA, art. 63).
27. ... San Giovanni Bosco ha fondato il nostro Istituto come risposta di salvezza alle
attese profonde delle giovani(Constitutions FMA, art. 1).
28. La risposta di don Bosco e di Madre Mazzarello alla volontà salvifica di Dio si
manifesta nellimpegno di rendere i giovani buoni cristiani ed onesti cittadini.(Constitutions
FMA, art. 69.)
29. Per contribuire alla salvezza della gioventù, questa porzione la più delicata e la
più preziosa dellumana società... (Constitutions SDB, art. 1).
30. Constitutions SDB, art. 6.
31. ... segno rivelatore di Cristo e della sua salvezza presente fra gli uomini”
(Constitutions SDB, art. 57).
32. ... portando agli uomini il messaggio del Vangelo intimamente unito allo
sviluppo dellordine temporale” (Constitutions SDB, art. 31).
33. Ricordate che voi, proprio come appartenenti ad Istituti Secolari, avete una
missione di salvezza da compiere per gli uomini del nostro tempo ; oggi il mondo ha bisogno di
voi, viventi nel mondo per aprire al mondo i sentieri della salvezza cristiana.Paul VI, d’après
Gli Istituti secolari, Roma, 1981, n. 13. (Regolamenti VDB, 1990, p. 93.)
34. Si sente parte viva della Chiesa, Corpo di Cristo, centro di comunione di tutte le
forze che operano per la salvezza. - Scopre cosi laspetto più profondo della sua vocazione :
essere vero cooperatore di Dio’ nella realizzazione del suo disegno di salvezza.(Regolamento
di Vita Apostolica, art. 27, § 2 et 3.)
35. Prometto di lavorare per la promozione e la salvezza dei giovani(Regolamento
di Vita Apostolica, art. 40).
36. Jean-Paul II, luvenum Patris, 31 janvier 1988, n. 15-16.

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Savio, Domenico
Lenfance d’un saint (1842-1854)
La vie de Dominique Savio (1842-1857), publiée par don Bosco deux ans
après sa mort à partir d’une documentation de première main et sous l’oeil critique
de ses camarades, nous est bien connue1.
Dominique Savio naquit dans une famille très pieuse de la région de don
Bosco, en Piémont, le 2 avril 1842. Le goût des choses de Dieu germa en cet
enfant extraordinaire avec le premier développement de ses facultés. La vertu était
née avec lui”, assurera un jour don Bosco2. Selon la tradition familiale, à quatre
ans il récitait déjà seul toutes ses prières du matin et du soir, en un temps les
Piémontais - comme tous les catholiques consciencieux - ne se croyaient pas
quittes avec un Pater ou un Ave vite expédiés. Les trois prêtres-instituteurs qui
l’eurent pour élève dans son enfance furent conquis par ses qualités spirituelles.
Giovanni Zucca, chapelain de Morialdo, racontera : Les premiers jours de mon
arrivée dans ce hameau de Morialdo, je voyais souvent un enfant de cinq ans
environ venir avec sa mère prier sur la marche de léglise avec un recueillement
vraiment rare à cet âge.On lui apprit quil sagissait de Brigida Savio et de son
fils Dominique, dit Minot.3 Privilège plutôt rare alors, Dominique fut admis à
l’eucharistie dès l’âge de sept ans. Lors de sa première communion (Pâques 1849),
il prit quatre résolutions, dont les deux dernières : “Mes amis seront Jésus et
Marie, et La mort, mais pas de péchés., indiquaient le sens que prenait sa
courte vie.4 H serait tout à Dieu. Mon nom (Dominique) lui-même en témoigne,
remarquera-t-il un jour, je suis du Seigneur, jappartiens “au Seigneur”.5
Enfant, Dominique fréquenta lune après lautre les classes élémentaires
des écoles des villages (Morialdo, Castelnuovo et Mondonio), les nécessités de
lexistence obligeaient ses parents à sinstaller successivement. H y faisait
ladmiration de ses maîtres par son intelligence peu ordinaire, son amour de
létude et tout simplement, comme lécrivait l’instituteur don Allora pour
Castelnuovo, de la vertu6. La distance (quatre kilomètres quatre fois par jour)
rendait alors très méritoire son assiduité dans cette école communale. Malgré une
santé plutôt faible, remarquait ce maître, il faisait la route avec une tranquillité
dâme et une sérénité de visage également merveilleuses, même sous les
intempéries de l’hiver, par grand froid, sous la pluie ou la neige7. Quant à
linstituteur don Cugliero, il témoignera pour Mondonio : “En vérité, je puis dire
qu’au cours de vingt années passées à instruire des garçons, jamais je n’en ai eu un
qui l’égalât en piété et qui, même jeune homme, témoignât dautant de bon sens
que Dominique Savio.8
Cest ce prêtre avisé qui aiguilla Dominique vers don Bosco. Savio venait
d’avoir douze ans. Cugliero eut providentiellement l’idée de parler de lui à don

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551
Bosco, à Turin. “Ici, dans votre maison, lui disait-il, il y a peut-être des enfants qui
le valent, mais vous trouverez difficilement plus capable et plus vertueux. Essayez,
vous découvrirez un saint Louis.9
Dominique élève à Turin (1854-1857)
Au début doctobre 1854, la découvertepar don Bosco du nouveau
Louis de Gonzague fut aussitôt concluante10. Quatre semaines seulement passaient
et Dominique devenait pensionnaire de la maison de lOratoire St François de
Sales, encore simple foyer pour apprentis et collégiens suivant des cours en ville.
Les rudiments de latin de l’école de Mondonio lui permirent dentrer
immédiatement en classe de “quatrième(deuxième année du secondaire dans le
système du temps) au cours du professeur Carlo Bonzanino. Là, les qualités
humaines de Dominique ne tardèrent pas à surprendre maître et élèves. Par la
suite, Bonzanino affirmera ne pas se rappeler avoir eu élève plus attentif, plus
docile et plus respectueux que le petit Savio. Un modèle en tout, disait-il. Vêtu
et coiffé sans recherche, cet enfant était cependant propre, bien élevé, poli, si bien
que les garçons de catégories sociales plus hautes, qui fréquentaient ce cours
plutôt huppé, recherchaient sa compagnie, non seulement à cause de son savoir et
de sa piété, mais aussi de son excellente éducation et de son commerce agréable.
Plus tard, ses camarades du Valdocco reconnaîtront unanimement la “grande
courtoisie et laffabilitéde Dominique. On prenait plaisir à vivre avec lui. Inutile
d’ajouter que les amateurs de fredaines navaient aucune chance dy associer le
jeune Savio. Ils se heurtaient aussitôt à un refus poli et sans ambiguïté.
Quand la première année scolaire sacheva, Dominique réussit sans peine
lexamen de passage en troisième du cours Bonzanino. Mais sa santé déjà peu
brillante conseilla de lui faire donner pendant l’année suivante (1855-1856) un
enseignement particulier sur place, à l’Oratoire même, avec un jeune maître
salésien de dix-sept ans (Francesia). Puis, son état paraissant saméliorer, il fut
envoyé, pour l’année dite d“humanités(équivalant à la seconde) (1856-1857),
chez le professeur Matteo Picco, autre cours en ville destiné aux classes
supérieures.
Durant les trois années de Turin, don Bosco eut le loisir de regarder
Dominique vivre dans son foyer. Sa biographie décrira un garçon
archi-consciencieux, qui accomplissait tous ses devoirs avec ardeur”. Dans son
cas et à la différence des têtes légères de son âge, les leçons publiques n’étaient
jamais perdues . Sil faut en croire don Bosco, les instructions, les catéchismes,
les prédications, si longues quelles fussent, étaient toujours un plaisir pour lui.
Quand il n’avait pas bien compris quelque chose, il avait soin den demander
l’explication sans tarder.Ce fut là, continuait-il, le point de départ de cette vie
exemplaire, de ce progrès constant de vertu en vertu, de cette exactitude à remplir
ses devoirs, telles quil eut été difficile de faire mieux.11 Au Valdocco,
Dominique, aussi aimable que vertueux, était irréprochable en tout. Cétait l’ami
des plus délaissés, qui répandait de la joie autour de lui. Souriant, il rendait service
sans peser à autrui. Don Bosco accueillait des garçons grossiers. Les procédés de

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552
langage et de geste de camarades malotrus ne rebutaient pas Dominique, enclin à
répondre simplement au mal par le bien. Sa bonté gentille le rendait sympathique à
tous. En prière, vous lauriez pris pour un petit ange. Les cérémonies d’église ne
lennuyaient jamais, tout au contraire. Sa modestie, qui paraîtra invraisemblable en
des temps infiniment plus libres, senracinait dans une profonde dévotion à Marie,
mère de Jésus. Dominique mortifiait systématiquement ses sens : yeux, langue,
goût, toucher. Il exagérait même dans son désir de partager les souffrances du
Christ crucifié. Et don Bosco le lui fit comprendre.
Pendant l’année d’humanités, lexistence de Dominique touchait déjà à sa
fin. La mort lempêchera de terminer sa troisième année scolaire à Turin. Il mourra
saintement à Mondonio, chez ses parents, le 9 mars 1857.
La sainteté voulue et réalisée de Dominique12
En effet, Dominique Savio présente en spiritualité salésienne le cas très
intéressant dun garçon qui, dans sa volonté farouche de se faire saint(cétait sa
formule), trouva en don Bosco un guide clairvoyant pour son singulier projet.
Un jour de mars 1855, Dominique parut moins enjoué que d’habitude.
Etait-il souffrant ? Je souffre dun bien, aurait répondu l’enfant à don Bosco qui
l’interrogeait. Je sens en moi le désir et le besoin de me faire saint. Je ne croyais
pas que cétait si facile, mais, maintenant que jai compris que l’on peut y arriver
même en restant joyeux, jy tiens absolument, et jai absolument besoin de me faire
saint. Dites-moi donc comment je dois my prendre pour me lancer dans cette
entreprise.13
Le maître a résumé au début dun chapitre de la biographie le programme
de sainteté qu’il proposa à Dominique. Il lui fallait suivre le Christ sauveur et, pour
cela, lui gagner des âmes. Autrement dit, il lui traça une ligne daction
apostolique. La première chose qui lui fut conseillée pour se faire saint, écrivit
don Bosco, fut de travailler à gagner des âmes à Dieu, car il n’y a rien de plus
saint au monde que de coopérer au bien des âmes, pour le salut desquelles Jésus
Christ a répandu jusquà la dernière goutte de son sang précieux.14 Nous sommes
devant un principe fondamental de la spiritualité salésienne. Laction
apostolique directe est le chemin le plus sûr de la sainteté, même pour un
adolescent de treize ans. Le considérant de don Bosco, selon lequel la vie dun
apôtre le sanctifie, parce que coopération au geste rédempteur du Christ sur la
croix, ne devrait pas être négligé.
Dominique montra beaucoup dingéniosité et de créativité dans son zèle
apostolique parmi ses quelque cent cinquante compagnons du Valdocco.
L’apostolat individuel du garçon se déroulait dans dhumbles contextes : la cour,
le réfectoire ou l’infirmerie de la maison, auprès de camarades souvent plus grands
que lui par l’âge et la force physique. H parvenait à les gagner en se faisant aimer
par sa simplicité, sa finesse et sa courtoisie, sa joie et sa vivacité, allant de
préférence vers ceux qui souffraient : nouveaux venus, isolés ou malades.
Dominique se faisait aimer pour faire aimer Dieu, en cherchant soit à empêcher le

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553
mal : blasphèmes, mauvais exemples, propos malsains, rixes, contestations ou
critiques, soit à édifier positivement ses compagnons par la parole, les bons
conseils et d’adroites invitations à sapprocher des sacrements et de l’autel de
Marie dans la chapelle du lieu. Apparemment reclus dans un internat, ce garçon
était pourtant ouvert aux grands horizons de lEglise catholique de son temps et
du monde à évangéliser alors. En témoignaient son amour du pape, sa prière
quotidienne pour le salut de tous les pécheurs, son intérêt porté au travail des
missionnaires et son inquiétude pour la conversion des “protestants
dAngleterre15. Au Valdocco, Dominique Savio parvenait à vivre à l’unisson de
l’Eglise, comme, une génération plus tard, Thérèse de l’Enfant Jésus le fera dans
son carmel de Lisieux .
La plus grande originalité du zèle de Dominique se trouve probablement
dans sa contribution à l’apostolat organisé de la compagnie de l’Immaculée, qui
prit forme dans la maison de l’Oratoire en juin 1856 en partie sous son inspiration.
On y a vu, non sans raison, “le point culminant(A. Caviglia) de sa vie et de sa
personnalité de saint. La compagnie de lImmaculée fut dans la maison salésienne
des origines une école pratique de profonde amitié, avec affection vraie et aimable
correction fraternelle ; une école pratique de sainteté selon un programme
parfaitement suivi de piété, de travail et de joie ; une école pratique dapostolat
adapté à un milieu régnait don Bosco ; et même une école de vie religieuse, car
le règlement de cette société de jeunes garçons anticipe les exigences
fondamentales des constitutions salésiennes ébauchées deux ans plus tard.
La sainteté de Dominique sera officiellement reconnue par l’Eglise.
Déclaré vénérable en 1933, Pie XII le béatifia le 5 mars 1950 et le canonisa le 12
juin 1954.
Notes
1. G. Bosco, Vita del giovanetto Savio Domenico allievo dellOratorio di San
Francesco di Sales, Turin, Paravia et Comp., 1859. Rééd. du vivant de don Bosco : 1860^,
1861-\\
ig7g5,
Citée désormais : Vita. Une observation d’un camarade (Giuseppe
Zucca) lui a fait nuancer un passage de son récit à partir de la deuxième édition de l’ouvrage.
Les sources conservées de cette biographie ont été éditées à la suite des témoignages du procès
informatif de canonisation de Dominique, in Positio super virtutibus. Summarium, Rome, 1913.
Cité désormais : Summarium. Bonne étude de la spiritualité de Dominique dans A. Caviglia,
Savio Domenico e Don Bosco. Studio, Turin, SEI, 1943.
2. Préface au Cenno biografico sul giovanetto Magone Michele, Turin, 1861, p. 5.
3. “Nei primi giorni che io fili a Muor vedeva spesso un figliuolino di forse 5 anni
venir in compagnia della madre a pregare sul limite della cappella, con un raccoglimento
veramente raro all’età ... Nellandata o ritorno soventi incontrandomi mi salutava
rispettosamente talché da meraviglia compreso e da rispetto era ansioso di sapere chi egli si
fosse, e mi si disse essere figlio del ferraio Savio, per nome Minot.Lettre du prêtre Giovanni
Zucca à don Bosco, Murialdo, 5 mai 1857, in Summarium, p. 207. Cette pièce, au reste
partiellement déchirée, a été adaptée - entre guillemets - par don Bosco dans la biographie, chap.
H, p. 14.

16.6 Page 156

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554
4. Ricordi fatti da me Savio Domenico lanno 1849 quando ho fatta la prima
comunione essendo di 7 anni. Mi confesserò molto sovente e farò la comunione tutte le volte
che il confessore mi licenza. Voglio santificare i giorni festivi. I miei amici saranno
Gesù e Maria. La morte ma non peccati.Selon leur retranscription, en Vita ...., chap. HI, p.
20, par don Bosco, qui écrivait avoir eu ce texte entre les mains.
5. Par référence au latin Dominas, Seigneur. Voir Vita, chap. X.
6. Questo felice risultato del di lui studio non è solo da attribuirsi allingegno distinto
da cui egli era fornito, ma eziandio al grandissimo suo amore allo studio ed alla virtù.
(Alessandro Allora, Cenni biografici intorno Savio Domenico alunno di 2.a classe nel Comune
di Castelnuovo dAsti, in Summarium, p. 210.)
7. Cenni biografici... , loc. cit., p. 211.
8. In verità posso dire che in 20 anni dacché attendo ad istruire ragazzi, mai ne ebbi
alcuno che lo pareggiasse in pietà e che sebben giovine fosse assennato al pari di Domenico
Savio.” (Giuseppe Cugliero, “Cenni storici sulla vita del giovane Domenico Savio, nativo di Riva
di Chieri, finzione borgata di S. Giovanni”, in Summarium, p. 213.)
9. Qui in sua casa, egli diceva, può aver giovani uguali, ma difficilmente avrà chi lo
superi in talento e virtù. Ne faccia la prova e troverà un S. Luigi.(Vita..., chap. VII, p. 34.)
10. Vita ... , chap. VU, p. 34-37. Pour ce paragraphe sur Dominique à Turin, nous
suivons le récit de don Bosco.
11. Ogni discorso morale, ogni catechismo, ogni predica, quantunque prolungata, era
sempre per lui una delizia. Udendo qualche cosa che non avesse ben intesa tosto facevasi a
dimandarne la spiegazione. Di qui ebbe a cominciamento quellesemplare tenore di vita, quel
continuo progredire di virtù in virtù, quell’esattezza nelladempimento desuoi doveri, oltre cui
non si può andare.(Vita..., chap. VHI, p. 39.)
12. Je répète presque textuellement dans ce paragraphe sur la sainteté de Dominique
des formules que je trouve bien venues de J. Aubry, dans Les saints de la famille, Rome, Maison
générale salésienne, 1996, p. 72-79.
13. Anzi, mi rispose, patisco qualche bene. (...) Mi sento un desiderio ed un bisogno
di farmi santo ; io non pensava di potermi far santo con tanta facilità ; ma ora che ho capito
potersi ciò effettuare anche stando allegro, io voglio assolutamente, ed ho assolutamente bisogno
di farmi santo. Mi dica adunque come debbo regolarmi per incominciare tale impresa.(Vita ...,
chap. X, p. 50-51.) Bien entendu, on se gardera de prendre à la lettre, ici et ailleurs, tous les
propos attribués par don Bosco à Dominique Savio.
14. La prima cosa che gli venne consigliata per farsi santo fu di adoprarsi per
guadagnar anime a Dio ; perciocché non avvi cosa più santa al mondo, che cooperare al bene
delle anime, per la cui salvezza Gesù Cristo sparse fin lultima goccia del prezioso sangue.”
(Vita ..., chap. XI, p. 53.)
15. Cent cinquante ans plus tard, ce détail surprend. Mais, dans les années 1850, on
parlait beaucoup du mouvement des Anglais vers le catholicisme. Et don Bosco était
personnellement en relations avec le rosminien Lorenzo Gastaldi, son futur archevêque, alors
missionnaireen Angleterre.

16.7 Page 157

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Sécularité
Un nouveau venu à bien interpréter
L’introduction du mot sécularité parmi les clefs de la spiritualité
salésienne eût beaucoup surpris don Bosco et ses premiers disciples. Le siècle,
n’était-ce pas le monde, envers lequel ils néprouvaient guère de sympathie ?
Connotation pour eux très regrettable, ils rapprochaient sécularité” de
“mondanité”. Mais, comme en bien dautres cas, le langage a évolué depuis 1850.
Le terme a pris meilleur air à lintérieur du monde salésien quand, dans la
deuxième partie du vingtième siècle, les Volontaires de Don Bosco se sont mises à
le revendiquer pour désigner lune des caractéristiques de leur charisme. A la
même époque, Vatican II prêchait aux religieux louverture au monde et donc au
siècle, les coopérateurs salésiens signifiaient haut et clair quils ne lavaient pas
quitté et les salésiens coadjuteurs rappelaient que, “laïcs, ils appartenaient eux
aussi de quelque manière à ce siècle. On en concluait que la spiritualité salésienne
nest nullement dépourvue de dimension séculière1.
Il convient toutefois, pour ne pas déboucher dans quelque périlleuse
impasse, de préciser le sens des termes. Sécularité nest pas sécularisation et,
moins encore, sécularisme. Sécularisationet sécularisme” supposent l’un et
l’autre un mouvement. La sécularitéest un état, sans rapport avec un
mouvement quelconque vers ladite sécularisation.
Sécularisation”, processus pour le moins ambigu au regard du croyant,
désigne un mouvement de séparation, de rupture et d’émancipation de lhomme
sur terre. Pour le commun des interprètes, il fait passer d’un état social ou
individuel caractérisé par lemprise plus ou moins forte du sacréà un autre état
dit séculier, le sacré n’entre plus ou plus guère en ligne de compte. Lhomme
comme tel assume de la sorte toutes ses responsabilités dans la construction de la
cité séculière”, pour reprendre le titre de Harvey Cox2.
Le terme voisin de sécularisme” sapplique à la radicalisation du
mouvement de sécularisation. Systématiquement destructeur, le sécularisme lutte
pour lélimination totale du sacré de la scène du monde. Le sécularisme cohérent
avec lui-même s’efforce dabord de cantonner le sacré en des espaces les plus
réduits possibles, pour parvenir dans un deuxième temps à chasser Dieu de la vie
courante. Le système soviétique issu de la révolution de 1917 a pratiqué (avec
plus ou moins de succès) le sécularisme à outrance.
La sécularisation, dans la mesure elle fait de lhomme le centre du
monde et le protagoniste de son histoire, pourrait constituer un progrès légitime.
O Dieu, à lhomme, fait à ton image, tu as confié les merveilles de lunivers, pour
que, fidèle interprète de tes desseins, il se rende maître de toute créature et, dans

16.8 Page 158

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556
ses oeuvres, te glorifie, Créateur et Père, par le Christ notre Seigneur”, confesse
l’une des préfaces dominicales de la liturgie romaine actuelle. Comprise ainsi, la
sécularisation correspond au dessein de Dieu. Mais la sécularisation
contemporaine va bien au-delà. Elle entraîne silencieusement l’humanité dans un
monde sans Dieu. Le Dieu chrétien ny garde pas meilleure consistance que le Ra
des Egyptiens, le Zeus des Grecs et le Jupiter des Romains. D n’existe plus. Le
mouvement sécularisateur libère de la tutelle du clerc, spécialiste du sacré. Mais,
poussé à fond, il aboutit aussi à faire de Dieu un étemel absent, perspective
inadmissible à l’esprit religieux. Car l’esprit religieux n’accepte la libération de la
créature quà la condition de maintenir Dieu transcendant à lorigine de tout, hier,
aujourdhui et demain. L’homme, roi du monde, reconnaît alors en lui son
Créateur et Père. Le processus désacralisateur de la sécularisation présente donc
malheureusement un défi permanent à tout être tourné vers Dieu, source du sacré.
La sécularisation interpelle sans cesse notre spiritualité, surtout dans la prière,
remarquait le recteur Viganô3. Quant au sécularisme, athée par vocation, cest un
terrible abus, qui mutile l’homme de sa dimension religieuse, seule capable de
lélever au-dessus de lui-même4.
A la différence de la sécularisation ou du sécularisme, la sécularité
nimplique pas de changement, quil soit bénéfique ou menaçant. Cest l’état ou la
situation de qui sait navoir nullement abandonné le siècleil est né. Le clergé
séculier vit très officiellement sa sécularité, alors même quil se donne pour agent
du sacré dans le monde. Le coopérateur salésien, quil soit clerc ou laïc, est
naturellement séculier. Et la (ou le) Volontaire de Don Bosco, qui entend
dynamiser chrétiennement la société et refuse, à des fins apostoliques, de vivre en
communauté religieuse, affiche sa sécularité dans un institut officiellement
séculier”.
La sécularité salésienne vécue
Linstitut des Volontaires de Don Bosco a réfléchi sur sa sécularité
surtout à partir du décret Approbamus (21 juillet 1978), qui le situait parmi les
Instituts séculiers” de droit pontifical. Les Volontaires de Don Bosco tiennent à
cette sécularité. Lors de l’émission des voeux, la consécration personnelle nélève
pas la Volontaire dans un secteur particulier de lEglise, supposé d’essence
supérieure. Ces membres consacrés du peuple de Dieu demeurent laïcs, et donc
séculiers.5
Les constitutions des Volontaires ont tâché de décrire cette sécularité
essentielle et ses conséquences à partir de considérations de Vatican II sur le
laïcat6. Les Volontaires se maintiennent séculières à la fois dans la vie ordinaire,
dans laccomplissement de leur missionet dans leurs rapports de communion
aussi bien entre elles quà lintérieur de la famille salésienne. Sous le titre
Secolarità”, elles ont affirmé : Les Volontaires sont des laïques qui, par choix
vocationnel, vivent dans le monde, à la sanctification duquel elles contribuent de
lintérieur à la manière dun ferment. La sécularité, qui caractérise leur manière de
vivre leur consécration, de réaliser leur mission, dexprimer leur communion
fraternelle et dêtre à lintérieur de la Famille salésienne, est une note spécifique de

16.9 Page 159

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557
leur vocation.”7 Leur mission dans lEglise est bien séculière. Les Volontaires,
poussées par lamour du Christ, veulent être sel de la terre et lumière du monde ;
elles participent à la fonction évangélisatrice de lEglise qui les envoie. Parce
quelles suivent le Christ qui sest incarné dans l’humain pour le diviniser, elles
traduisent toute leur vie en apostolat en mettant au service du Royaume de Dieu
tous les dons qu’elles reçoivent.8 Sans avoir besoin de quitter le monde, elles
trouvent dans la sécularité vécue un chemin de perfection”, que d’autres suivent
dans la vie religieuse. “Nous, Volontaires, conscientes dune mission dérivant de
notre baptême et fidèles aux charismes que l’Esprit Saint accorde à chacun pour
lutilité commune, nous vivons notre consécration dans la sécularité à la fois
chemin de perfection chrétienne et manière dexercer notre apostolat. Lexistence
elle-même est notre mission, et de vivre chastes, pauvres et obéissantes constitue
pour nous la voie la plus efficace pour être dans le monde sel, lumière et
ferment.”9
Coadjuteurs et coopérateurs salésiens, laïcs eux aussi, quoique à leur
manière, appliquent les mêmes principes dans le cadre de leurs constitutions ou de
leurs règlements.
Les responsables contemporains (don Vigano), au reste fidèles en cela à la
pensée de don Bosco, attribuent la sécularité aux salésiens coadjuteurs, qui sont
pourtant dauthentiques religieux10. Si le salésien coadjuteur continue d’appartenir
au monde du travail, il doit être bien entendu que la vie commune le différencie
fondamentalement du coopérateur.
Le genre de vie propre aux coadjuteurs et aux coopérateurs reproduit à
quelque degré celui des laïcs dans le monde. Les uns comme les autres suivent le
Christ au service du Royaume de Dieu. Sel de la terre, lumière du monde dans le
secteur que la Providence leur assigne, ils oeuvrent pour rapprocher le siècledu
Père des cieux. A limage de Jésus, ils tentent de se montrer vertueux et de
progresser ainsi sur le chemin de la perfection chrétienne. La sécularité leur
propose un programme de vie, y compris de vie spirituelle, qui est pour lesssentiel
celui de tout baptisé, enfant adoptif de Dieu Père.
Notes
1. M. Midali, Dimensione secolaredello spirito salesiano, coll. Idee, Roma, éd.
S.D.B, 1981, ouvrage lespritrecouvre la spiritualité.
2. Harvey Cox, The Secular City, New York, 1965. - Sur les rapports entre la
sécularisation et la vie spirituelle, on pourra se reporter à, par exemple, Johann Figi,
“Sécularisation”, dans le Nouveau dictionnaire de théologie, dir. P. Eicher, 2ème éd. française,
Cerf, 1996, p. 899-904 ; L. Debarge, “Sécularisation, dans Catholicisme, t XHI, Letouzey et
Ané, 1993, col. 1010-1024, bibliographie soignée.
3. E. Viganò, “Carisma e preghiera”, lettre aux salésiens, 15 août 1991, Atti 338, p. 7.
4. Il reste que lEglise ne peut ni ne doit sévader de la cité terrestre et quelle se situe
nécessairement à lintérieur dune civilisation progressivement sécularisée et sécularisante, dont
elle subit linfluence

16.10 Page 160

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558
5. Les constitutions de linstitut parallèle des Volontaires avec Don Bosco (CDB)
adaptent aux hommes ce que celles des Volontaires - feminines - de Don Bosco (VDB) disent des
femmes.
6. Lumen gentium, n. 31.
7. Le Volontarie sono laiche che per scelta vocazionale vivono nel mondo, alla cui
santificazione contribuiscono dal di dentro a modo di fermento”. Nota specifica della loro
vocazione è la secolarità che caratterizza il modo di vivere la consacrazione, di attuare la
missione, di esprimere la comunione fraterna e di essere allinterno della Famiglia Salesiana
(Constitutions VDB, art 4).
8. Le Volontarie, spinte dallamore di Cristo, vogliono essere sale della terra e luce
del mondo ; partecipano della finizione evangelizzatrice della Chiesa” (Codex Juris Canonici,
canon 713, § 2) che le invia. Seguendo Cristo che sincarnò nell’umano per divinizzarlo,
traducono tutta la vita in apostolato mettendo a servizio del Regno ogni dono ricevuto.
(Constitutions VDB, art. 6.)
9. “Noi Volontarie, consapevoli della missione che deriva dal Battesimo e fedeli ai
carismi che lo Spirito Santo concede a ciascuno per l’utilità comune, viviamo la nostra
consacrazione nella secolarità sia come cammino di perfezione cristiana sia come modo di
svolgere l’apostolato. Cosi la vita stessa è missione, e il vivere caste, povere e obbedienti diventa
la via più efficace per essere nel mondo sale, luce e fermento.” (Constitutions VDB, art. 12, sous
le titre Secolari.)
10. Voir la lettre de don Viganò, 24 aoùt 1980, sur la componente laicale della
comunità salesiana, avec son paragraphe sur la coscienza di unapertura secolare della
Congregazione, Atti 298, p. 3-58.

17 Pages 161-170

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17.1 Page 161

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559
Système préventif
Le système préventif dans l’éducation de la jeunesse(1877)
Au milieu du dix-neuvième siècle, juristes, médecins et politiques
occidentaux dissertaient volontiers sur les avantages de la prévention sociale.
Quant à lui, don Bosco, par des conseils et des institutions adaptées, commençait
alors à prévenirla jeunesse contre les hasards de la vie1. Une véritable éducation
nest-elle pas toujours de quelque manière préventive ? Mais, que l’on sache,
pendant une trentaine d’années, il ne prétendit pas appliquer et faire appliquer
quelque “système préventifdans ses institutions. Jusquen 1877, lexpression
napparut jamais dans les textes et les propos connus de don Bosco. Lopposition
quil était censé avoir établie en 1854 entre le système préventifet le système
répressifau cours dun dialogue apparemment historique avec Urbano Rattazzi
résulte dune reconstruction largement postérieure de cette conversation (1882
environ).
Puis, en 1877, l’expression surgit inopinément dans son vocabulaire en
appendice à un fascicule publié sur l’inauguration de son oeuvre niçoise. Ce bref
exposé pédagogique intitulé : Sur le système préventif dans l’éducation de la
jeunesseavait été composé par lui au cours de la deuxième quinzaine de mars
dans les maisons salésiennes il s’était successivement arrêté au retour de la
journée de Nice (12 mars) dans la direction de Turin. L’expression elle-même lui
était venue à lesprit vraisemblablement à Nice, ses bienfaiteurs l’interrogeaient
sur sa pédagogie dans loeuvre de jeunesse quils venaient de lui confier (1875).
Le livret leur était clairement destiné. Quelque criminaliste (lavocat Ernest Michel
?, premier artisan de lentrée salésienne à Nice) avait peut-être un jour remarqué à
don Bosco quil recourait dans ses oeuvres à une sorte d’action préventive
constructive, alors opposée à la répression policière ou militaire. En tout cas,
invité, selon la présentation de son écrit, à exprimer quelques penséesà ce sujet,
il y disait successivement en quoi consiste le système préventif et pourquoi il doit
être préféréI), “l’application du système préventifU), lutilité du système
préventifIII) et terminait par un mot sur les punitions.2
On s’instruit beaucoup à lire ces quelques paragraphes, les seuls où don
Bosco ait esquissé une théorie de sa méthode en éducation. Mais il faut s’en
convaincre, loin de se ramener à des considérations sur le dit système préventif, ce
traité était en fait une suite assez lâche de réflexions sur lensemble de la méthode
pédagogique de don Bosco. Les disciples n’y prenaient pas assez garde, quand ils
ny découvraient que de la “prévention”. Au vrai l’expression système préventif
de la brochure de 1877 sappliquait à tout le système éducatif de don Bosco,
fondé, affirmait-il en propres termes dans son petit exposé, sur la raison, la
religion et l’affection”, et donc caractérisé par bien dautres éléments que la seule
prévention, sauf à élargir démesurément le sens de ce dernier concept3.

17.2 Page 162

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560
L’interprétation réductrice du système préventif
Au reste, concentrer le système sur la seule prévention, surtout telle que
don Bosco la définissait dans son écrit, pouvait mener à quelque dangereuse
impasse. D affirmait en effet que son système préventif consistait à faire connaître
aux jeunes les règles de linstitution, puis à les surveiller sans trêve, à les
conseiller, à les guider et à les corriger, autrement dit, concluait-il maladroitement,
à “mettre les élèves dans l’impossibilité de commettre des fautes4. Le traducteur
de lédition originale bilingue italien-français réagit aussitôt devant cette
formulation inquiétante. H transforma et adoucit la proposition censée définir tout
le système. On lut sur la page parallèle : ... et même en les corrigeant, ce qui est
à proprement dire le véritable moyen d’éloigner des enfants la facilité de
commettre des fautes.5 Cette traduction inexacte, aussitôt négligée et oubliée,
respectait les véritables intentions de don Bosco éducateur. Car il y a une belle
distance entre éloigner des enfants la facilité de commettre des fautes- ce que
don Bosco voulait assurément - et lapparente brimade consistant à les placer
dans l’impossibilité de les commettre.
Cependant le mal était fait. Pour qui le prendrait à la lettre, le système
préventif de don Bosco, sous prétexte de bonne éducation, étoufferait la liberté de
léduqué. Les conséquences étaient d’autant plus graves que, sous le mot
mancanze(manquements, fautes), on lisait “peccati(péchés). La relation avec
Dieu était en cause. Selon son interprétation réductrice, qui prévaudrait parfois
(ou souvent ?), le système préventif de don Bosco consistera à mettre les enfants
dans limpossibilité morale de commettre le péché”. Un exemple suffira. En 1917,
une circulaire du recteur Paolo Albera aux inspecteurs et directeurs salésiens
déplorait les conséquences de loptimisme excessif de certains directeurs, qui
refusaient de croire aux fautes contre la pureté dans leurs instituts. Elle enseignait :
En deuxième lieu, cet optimisme peut aussi être cause que lon nuse pas avec les
élèves de toute cette vigilance que suggère le système préventif, afin de les mettre
dans limpossibilité morale doffenser Dieu.6 Dautres déclarations analogues sur
la finalité du système préventif, provenant de personnages même très avertis, mais
prisonniers dune malheureuse définition, pourraient être produites. Elles
expliquent à qui les connaît les prises de position du recteur Viganô sur
lassistance salésienne et la liberté en éducation dans le nouveau système
préventifquil se mit à prêcher à la fin du siècle.
Un schéma spirituel du “système préventif
Essayons donc de restituer dans son ampleur véritable le système
préventifde don Bosco. Diverses notions sur l’éducation religieuse éparses dans
ses propos ou sensibles dans ses comportements se greffent naturellement sur les
données du petit traité de 1877. Il paraît légitime de schématiser en une vision
globale ce “système préventifdevenu système salésien, puisque, désormais, on
saccorde à désigner ainsi son système éducatif.7 Chemin faisant, nous nous
efforcerons d’expliciter brièvement le sens des principaux termes de la description.

17.3 Page 163

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561
Tout dabord, il sagit bien dun système”, cest-à-dire d’un ensemble
d’éléments en interrelations, où, si un élément se modifie, tous les autres s’en
ressentent. Ce système est dit préventifpar opposition à répressif. Plutôt que
de les réprimer, léducateur tente de prévenir les expériences déstructurantes pour
l’éduqué et de développer au mieux ses virtualités. Lamour de Dieu Créateur et
Père, dont l’éducateur devrait se savoir l’instrument, traverse tout le système. La
pratique de ce système sappuie toute entière sur les mots de saint Paul : La
charité est bonne, elle est patiente, elle souffre tout, espère tout et supporte tout,
écrivait don Bosco8. Sa dynamique interne est de faire vivre à la suite de Jésus
dans l’amour de Dieu. Don Bosco entendait façonner de bons chrétiens et
dhonnêtes citoyens. H sagit pour le sujet de l’éducation de prendre place de
façon responsable dans la vie sociale (être un honnête citoyen) et de devenir
“saintdans l’amitié de Jésus (être un bon chrétien, selon l’acception qui
prévaut aujourd’hui sur la sainteté). Le type de présence de léducateur à
l’éduqué, qui est une assistance amicale, enrichissante et bienfaisante, non pas une
surveillance plus ou moins oppressive, est essentiel au système. L’assistant selon
don Bosco est matériellement et spirituellement proche de celui quil prétend
éduquer : il lui parle, s’intéresse à ses joies et à ses peines, se montre capable de
travailler et même de jouer avec lui. Le système préventif fait de l’élève un ami,
assurait don Bosco, il voit dans son assistant un bienfaiteur qui le conseille, veut le
rendre meilleur ... 9 Et puis, lunivers de léducation, si petit quil soit, est régi par
des lois. Léduqué doit connaître le règlement de son institution, disait don Bosco,
quitte à dialoguer sur ses applications. On en déduira que, dans le système
préventif, lespace de l’éducation est régi simultanément par la confiance et par la
loi, laquelle est passée, nous le verrons dans un instant, au crible dun
discernement rationnel.
Don Bosco faisait en effet reposer tout l’édifice éducatif sur la triade :
raison, religion et affection10, trois termes à bien comprendre en l’occurrence. La
raisonsignifiait pour lui le refus de lautoritarisme et d’une séduction malsaine.
L’éducateur fait systématiquement appel à la capacité de discernement de son
interlocuteur11. Par religion”, don Bosco entendait lenseignement religieux
chrétien et la pratique des sacrements de pénitence et d’eucharistie. En milieu non
chrétien, le recours à la religionréclamé par le système préventif se traduira
légitimement par la prise en compte des questions métaphysiques des éduqués et
leur acheminement éventuel jusqu’à la bonne nouvelle du christianisme12. Quant à
1affection”, terme qui veut rendre - insuffisamment peut-être - l’italien
amorevolezza, lequel contient le mot amour13, cest la bonté affectueuse grâce à
laquelle le jeune se sait aimé. Laffection évidente de léducateur de don Bosco
était nécessairement régulée par la vertu de chasteté14. Par ailleurs, laffection de
l’éducateur corrige son agressivité, car l’assistance selon don Bosco est imprégnée
de douceur. Lassistant “salésiena pour modèle le douxsaint François de
Sales, disait et répétait don Bosco.
Le “nouveau système préventif
En soi, le système préventif de don Bosco navait pas besoin de
retouches. Cependant, quelques mois avant de mourir, le recteur Egidio Vigano se

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562
crut autorisé à prêcher un “nouveau système préventif’. Ce faisant, il ne prétendait
pas inventer un autre système, mais rénover le système de don Bosco. Je crois
être le premier à user de lexpression le nouveau Système Préventif, jamais
entendue chez dautres. Je me réjouis de ce primat, que je mets en parallèle avec la
’’nouvelle évangélisationet la nouvelle éducation”, nouveautés de valeurs
permanentes.15 De manière significative il présentait ce nouveau système” au
cours d’un éloge de la liberté évangélique. L’étrenne spirituelle qu’il commentait
disait : Appelés à la liberté (Galates 5, 13), redécouvrons le Système Préventif en
éduquant les jeunes aux valeurs16. Le système préventif forme (ou devrait former)
des personnes vraiment libres.17
Ses disciples lavaient peut-être parfois oublié. Le recteur déplorait chez
eux une certaine méconnaissance du côté positif de Vassistance en éducation.
Nous devons changer notre conception de lassistance, qui est plus importante
quauparavant”, remarquait-il en relisant la lettre de Jean-Paul U luvenum Patris
en 198818. Dans son for intérieur, il jugeait évidemment qu’en rester au négatif de
l’assistance : mettre léduqué dans l’impossibilité de mal faire, était tout à fait
insuffisant. Son étrennespirituelle leur disait : “Nous redécouvrons le Système
Préventif en éduquant les jeunes aux valeurs. Quest-ce à dire ? demandait-il.
Cela veut dire forger patiemment des convictions dans la conscience des jeunes
pour leur apprendre à surmonter la pensée molle, l’inconstance,
l’embourgeoisement, lhédonisme, etc., que leur infuse la culture ambiante. Ces
valeurs sont de bonté, de droiture, de courage, de générosité, de respect et de don
de soi. Ils les trouveront dans le service, dans la solidarité, dans le volontariat, à
lintérieur de leur famille ou de leur groupe. La noblesse et la beauté de ces
valeurs les rendent attirantes. En faire lexpérience est plus profitable que de
disserter sur elles. Les éduqués saffranchissent ainsi des idéologies pernicieuses,
comprennent mieux la nécessité d’une conduite droite et apprennent à vaincre
leurs comportements individualistes et à se libérer de lindifférence pour la vie
sociale.
Le nouveau système préventif possède l’art de faire croître les jeunes de
lintérieur, en s’appuyant sur leur liberté personnelle, et celui de conquérir leurs
coeurs pour les entraîner joyeusement vers le bien. Il les prépare à la vie par une
solide formation du caractère. Ce message pédagogique suppose chez léducateur
la conviction quen chaque jeune, même marginal ou déviant, existent des énergies
pour le bien, qui, convenablement éveillées, peuvent lui faire préférer la foi et
lhonnêteté à l’indifférence et à la malfaisance.19
Le système préventif vécu comme chemin de sainteté
Quelle que soit sa situation dans le monde, qu’il soit religieux ou laïc,
célibataire ou marié, le disciple de don Bosco peut trouver dans la pratique du
système préventif un chemin de sainteté”20.
Le système préventif, que lon se gardera denfermer dans les quelques
pages de 1877, est en effet le style de la personne même de don Bosco, autrement
dit un ensemble organique d’attitudes, de convictions, dactes, de moyens,

17.5 Page 165

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563
dinterventions, de méthodes et de structures, qui, progressivement, ont créé une
manière caractéristique dêtre et d’agir, aussi bien personnelle que communautaire.
Il est centré sur la personne de l’éducateur et celle du jeune, attentif à leurs
situations particulières. Confiant en lintelligence et la bonne volonté foncière de
l’homme, il tend à sa pleine promotion. Le prévenirde la formule consistera dès
lors à faire intelligemment croître les germes du bien dans la personne et la
communauté, en même temps qu’à leur épargner les expériences déformantes du
mal. Ce système, qui voit dans Vamorevolezza l’un de ses principes, est fondé sur
la charité, quil cherche à développer aussi bien chez l’éducateur que chez
l’éduqué. Il ne se contente pas de sublimes pensées. La traduction en actes des
enseignements de la religion et de l’école lui est nécessaire. Le système préventif
vécu par don Bosco dans ses relations avec les jeunes et avec ses frères et aussi
dans le monde qu’il fréquentait, a fait de lui un saint. Dans un contexte chrétien,
un tel système rapproche effectivement du bien et, par conséquent, du Christ et du
Dieu de bonté, tant léducateur qui l’applique que léduqué qui en bénéficie. Le
système préventif peut être un chemin de sanctification et même de sainteté21.
Notes
1. Voir par exemple P. Braido, “Il sistema preventivo di don Bosco alle origini
(1841-1862). Il cammino del “preventivo” nella realtà e nei documenti, RSS XIV (1995), p.
255-320.
2. I. In che cosa consiste il Sistema Preventivo e perchè debbasi preferire”. II.
Applicazione del Sistema Preventivo. IH. Utilità del Sistema Preventivo. Una parola sui
castighi. (“Il Sistema Preventivo nella educazione della gioventù, in Inaugurazione del
Patronato di S. Pietro in Nizza a Mare. Scopo del medesimo esposto dal Sacerdote Giovanni
Bosco, con appendice sul sistema preventivo nella educazione della gioventù, Torino, Tipografia
e libreria salesiana, 1877, édition bilingue, p. 44-65.)
3. Ouvrage classique sur le système préventif’, le livre de Pietro Braido a été intitulé
pour sa troisième édition : Prevenire, non reprimere. Il sistema educativo di don Bosco, Rome,
LAS, 1999, 439 p.
4. “Esso consiste nel far conoscere le prescrizioni e i regolamenti di un Istituto e poi
sorvegliare in guisa, che gli allievi abbiano sempre sopra di loro locchio vigile del Direttore o
degli assistenti, che come padri amorosi parlino, servano di guida ad ogni evenienza, diano
consigli ed amorevolmente correggano, che è quanto dire : mettere gli allievi nella impossibilità
di commettere mancanze.” (Il Sistema Preventivo ..., § I.)
5. Edition bilingue, p. 49.
6. “In secondo luogo questottimismo può ancora essere causa che non si usi con gli
alunni tutta quella vigilanza che suggerisce il sistema preventivo, affine di metterli nella morale
impossibilità di offendere Iddio.(P. Albera, Lettre aux inspecteurs et aux directeurs, 23 avril
1917, L. C„ p. 222.)
7. Nous partons d’un schéma perspicace de Xavier Thévenot, Une vision globale du
système préventif’, dans le recueil Eduquer à la suite de don Bosco, Paris, Desclée de Brouwer,
1996, p. 109-111, qui met en valeur le fondement spirituel et théologique du système.
8. La pratica di questo sistema è tutta appoggiata sopra le parole di S. Paolo che dice :
Charitas benigna est, patiens est ; omnia suffert, omnia sperat, omnia sustinet.(Il sistema
preventivo, § II.)
9. “Il sistema preventivo rende amico l’allievo, che nell’assistente ravvisa un
benefattore che lo avvisa, vuol farlo buono ... (Il sistema preventivo, § I.)

17.6 Page 166

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564
10. Questo sistema si appoggia tutto sopra la ragione, la religione, e sopra
lamorevolezza(Il sistema preventivo, § I)
11. Voir M. Pellerey, La via della ragione. Rileggendo le parole e le azioni di don
Bosco, in Orientamenti pedagogici 35 (1988), p. 383-396 ; et, ci-dessus, lentrée Raison..
12. L’insertion de la Religion dans le système préventif pose un problème difficile à
léducateur qui veut l’appliquer dans l’univers pluraliste, qui est devenu le nôtre. Qui voudra
l’approfondir aura intérêt à lire larticle de Xavier Thévenot, Le système préventif face au
pluralisme des croyances. Point de vue d’un théologien moraliste”, in Eduquer à la suite de don
Bosco, Paris, Desclée de Brouwer, 1996, p. 155-172.
13. Le traducteur de 1877 (Inaugurazione, p. 49) optait à cet endroit pour la Charité,
mot devenu assez incolore pour nous, quand il sapplique aux rapports humains. Affection” qui
a été préféré appelle utilement affectivité”.
14. Sur ce mot, voir Albino Ronco, Lamorevolezza, principio metodologico
delleducazione salesiana alla luce dei contributi della psicologia contemporanea, in II sistema
educativo di Don Bosco tra pedagogia antica e nuova, Torino-Leumann, LDC, 1974, p. 75-85 ;
et surtout Xavier Thévenot, Laffectivité en éducation, in Education et pédagogie chez don
Bosco, Paris, Fleurus, 1989, p. 233-254.
15. Credo di essere il primo che usa lespressione il nuovo Sistema Preventivo”. Io
non lho mai sentito da altri. Mi rallegro di questo primato, che metto in consonanza con “nuova
evangelizzazionee “nuova educazione” : la novità di valori permanenti.(E. Viganò, Strenna
1995. Commento, Rome, Istituto Figlie di Maria Ausiliatrice, 1995, p. 9.)
16. “Chiamati alla libertà (Gal. 5, 13) riscopriamo il Sistema Preventivo educando i
giovani ai valori. Voir la couverture de la brochure Strenna 1995.
17. L’adaptation du système préventif au monde contemporain a fait l’objet en 1995
d’une Semaine de spiritualité de la famille salésienne, dont les actes ont été publiés : A.
Martinelli et G. Chérubin (a cura), Il sistema preventivo verso il terzo millenio. Atti della XVIII
Settimana di Spiritualità della Famiglia salesiana, Rome, Editrice S.D.B., 1995, 305 p.
18. Dobbiamo cambiare il concetto di assistenzache è più importante di prima
(Strenna 1995, p. 10.).
19. Ces considérations, soit propres à don Viganò, soit recopiées par lui dans la lettre
luvenum Patris de Jean-Paul II, figurent in Strenna 1995, citée, p. 10-13.
20. Idée développée en 1980 au cours dune Semaine de spiritualité salésienne, dont
les actes ont été publiés sous le titre : Il sistema preventivo vissuto come cammino di santità,
Leumann, Elle Di Ci, 1981, 215 p.
21. Voir, dans le recueil cité n. 20, le témoignage du professeur Francesco Brugnaro,
ancien élève salésien, devenu professeur d’université et proviseur de lycée : Come vivere da
laico cristiano la trilogia del sistema di Don Bosco( Il sistema preventivo ..., p. 165-169).

17.7 Page 167

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565
Témoignage
Le témoignage chrétien
Comme tel, le témoin chrétien(on sefforce dans cet article d’en rester
à ce concept précis) affiche son appartenance au Christ. Au milieu du vingtième
siècle, les témoignagesde chrétiens, dits engagés, prirent régulièrement la forme
de manifestes bruyants. Leur goût pour le défi et la polémique les entraînait dans
de grands combats décriture et de discours. Quant à eux, dans le monde d’alors,
les membres de la famille salésienne, traditionnellement plutôt réservés,
témoignaientsimplement par leurs attestations croyantes, comme don Bosco
l’avait fait et comme on le fit dans lEglise depuis les temps apostoliques1.
Parcourons les Actes des Apôtres. Avant de les quitter, Jésus avait confié
aux siens une mission de témoignage pour lunivers entier : Vous serez mes
témoins (... ) jusquaux extrémités de la terre; et, à cette fin, en conformité avec
sa promesse, leur avait garanti lassistance de lEsprit Saint (Actes 1, 8 ; cfr Luc
24, 48 et Matthieu 10, 19-20). Forts de l’Esprit de la Pentecôte, les apôtres se
sont alors présentés publiquement comme témoinsde la mort et de la
résurrection de Jésus (Actes 2, 32 ; 3, 15 ; etc.) ; et ils ont proclamé que, par là,
Jésus est constitué Christ et Seigneur, “Sauveuret Juge pour les vivants et
pour les morts(Actes 2, 36 ; 4, 12 ; 10, 42). Dans l’Eglise du premier siècle,
ceux qui reçoivent et acceptent ce témoignage embrassent la foiet constituent la
communauté des croyants. (Actes 2, 41, 47 ; 4, 4 ; 11, 21 ; 13, 48 ; etc.)
Son attestation croyante engage le témoin corps et âme en faveur de ce
qu’il proclame. Sa propre personne garantit et cautionne sa parole. Les apôtres
Pierre et Jean nhésitèrent pas à braver les menaces du Sanhédrin et, au risque de
l’emprisonnement, à rétorquer : Nous ne pouvons pas (...) ne pas publier ce que
nous avons vu et entendu(Actes 4, 20). Plus courageusement encore, Etienne
scella sa confession de foi par le témoignage du sang (Actes 6, 55-60). Il fut, selon
les mots de lApocalypse, le premier des égorgés pour la Parole de Dieu et le
témoignage quils avaient rendu(Apocalypse 6, 9). Le témoignage par
excellence, celui du sang, dit “martyre” (du grec : “marturia, action de rendre
témoignage), cautionnait désormais à la perfection l’attestation croyante des
chrétiens. Dans lEglise ancienne, le témoin chrétien confesse sa foi ; son geste est
un témoignage de foi.
L’Eglise du vingtième siècle n’a pas tenu un autre langage. Vatican II,
disait Jean-Paul H, souligne de manière explicite que le témoignage consiste dans
l’adhésion de foi et dans la profession de la foi, cest-à-dire dans laccueil du
témoignage de Dieu lui-même, et en même temps dans la réponse à celui-ci par le
témoignage propre de lhomme. Dans cette présentation, nous retrouvons le
dymanisme fondamental du dialogue du salut2. Glanons quelques propositions

17.8 Page 168

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566
dans les textes mêmes du concile. A lorigine de tout témoignage chrétien, il y a le
témoignage du Christ qui accomplit et complète la révélation et la corrobore par
le témoignage divin, à savoir que Dieu est avec nous pour nous libérer des
ténèbres du péché et de la mort et nous ressusciter pour la vie étemelle”3. En
conséquence, tout chrétien, quelle que soit sa situation dans l’Eglise, est tenu de
rendre un témoignage personnel. Les évêques doivent accomplir leur charge
apostolique comme des témoins du Christ devant tous les hommes”4. Les prêtres
doivent rendre à tous le témoignage de la vérité et de la vie5. Et “tout laïc doit
être devant le monde témoin de la résurrection et de la vie du Seigneur Jésus6. Le
témoignage par excellence est le martyre. Lumen gentium a rappelé que le martyre
est estimé par l’Eglise comme le don exceptionnel et la preuve suprême de la
charitéet que, si le martyre est accordé à peu de gens, cependant tous doivent
être prêts à confesser le Christ devant les hommes”7.
Témoignage et évangélisation
Le témoignage chrétien du membre de la famille salésienne, apôtre par
vocation et donc porteur dEvangile, est par nature instrument dévangélisation.
Il est (ou devrait être) dabord authentiquement chrétien. Revenons sur
cette idée. Témoigner comme chrétien signifie essentiellement attester sur la base
d’une certitude, fruit en quelque manière d’une expérience personnelle, que le
Christ est vivant dans laujourdhui. Le vrai chrétien est ou devrait être
constitutionnellement, non pas le disciple tardif dune vieille doctrine étrangère à
la réalité vécue ou le médiocre répétiteur de formules défraîchies, mais le
champion convaincu et tenace de l’incessante nouveauté de l’Evangile d’un Christ
contemporain. Le vrai chrétien est un Evangile vivant.
Dans le monde de la catéchèse, qui est celui de beaucoup de membres de
la famille salésienne, produire des témoignagesa parfois consisté à faire
intervenir des personnages pittoresques qui racontent les aléas mouvementés de
leur existence. Mais 1) Un témoin nest pas quelquun qui raconte sa vie à lui; sa
parole et son agir renvoient à un autre ; lindex pointé vers l’autre caractérise le
témoin. 2) Le témoin en tant que chrétien sexprime comme saisi par le Christ.
Pour être pertinent, le témoignage doit donc engager la personne qui le prononce,
manifester une cohérence entre la parole (ou le comportement) et la pratique de
celui ou de celle, ou encore de la commuauté, qui laffiche. Le témoin nest pas un
simple parleur, il ne se paie pas de mots. Lorsque des chrétiens suggèrent, même
modestement, que leur existence est réellement informée ou transformée par
lEvangile, leur parole passe. Il faut pourtant reconnaître que l’environnement
publicitaire exige que le témoin d’Eglise ne néglige pas les moyens de diffuser son
témoignage. Le disciple de don Bosco a appris de son maître limportance des
moyens de communication sociale dans la pratique apostolique. L’impact
évangélisateur de certains témoignages est indéfiniment accru et multiplié par la
radio ou la télévision.
Car lEvangile doit être proclamé dabord par le témoignage.
Démarquons, pour l’appliquer à la famille salésienne, une exhortation apostolique

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567
de Paul VI sur lévangélisation du monde. Voici des coopérateurs, des volontaires,
une petite (peut-être une grande, pourquoi pas ?) communauté de religieux ou de
religieuses qui, au sein de leur monde propre, manifestent leur capacité de
compréhension et daccueil, leur communion de vie et de destin avec les autres,
leur solidarité dans les efforts de tous pour tout ce qui est noble et bon. Voici que,
en outre, ils rayonnent, dune façon toute simple et spontanée, leur foi en des
valeurs qui sont au-delà des valeurs courantes, et leur espérance en quelque chose
qu’on ne voit pas, dont on noserait pas rêver. Par ce témoignage sans paroles, ces
fils de don Bosco font monter dans le coeur de ceux qui les voient vivre des
questions irrésistibles : Pourquoi sont-ils ainsi ? Pourquoi vivent-ils de la sorte ?
Qu’est-ce - ou qui est-ce - qui les inspire ? Pourquoi sont-ils ? Un tel
témoignage est déjà proclamation silencieuse, mais très forte et efficace, de la
Bonne Nouvelle. H y a un geste initial d’évangélisation. Ces questions seront
peut-être les premières que se poseront beaucoup de non-chrétiens, que ce soit des
gens à qui le Christ navait jamais été annoncé, des baptisés non-pratiquants, des
gens qui vivent en chrétienté, mais selon des principes nullement chrétiens, ou des
gens qui cherchent, non sans souffrance, quelque chose ou Quelquun qu’ils
devinent sans pouvoir le nommer. D’autres questions surgiront, plus profondes et
plus engageantes, provoquées par ce témoignage qui comporte présence,
participation, solidarité et qui est un élément essentiel, généralement le tout
premier, dans l’évangélisation. A ce témoignage, tous les chrétiens sont appelés et
peuvent être, de ce point de vue, de véritables évangélisateurs. Comment les
membres de la famille de saint Jean Bosco pourraient-ils ne sen pas soucier ?8
Le témoignage de vie simpose tout particulièrement aux prédicateurs de
lEvangile. On leur demande silencieusement ou à grands cris : “Croyez-vous
vraiment à ce que vous annoncez ? Vivez-vous ce que vous croyez ? Prêchez-vous
vraiment ce que vous vivez ? Plus que jamais, dans un monde aux croyances
plurielles, le témoignage de la vie est devenu une condition essentielle de
l’efficacité profonde de la prédication. Les hommes dEglise ont leur part de
responsabilité dans le progrès ou le recul de lEvangile quils annoncent.
Le martyre, témoignage au sens le plus fort
Le vingtième siècle aura été un siècle de martyrs, ces témoins sublimes en
langage chrétien. Les chrétiens ont alors connu une longue ère de persécutions,
qui produisit beaucoup de martyrs, parmi lesquels des salésiens et certains de leurs
élèves. Les recteurs majeurs ont commenté pour leurs fils et leurs filles, en 1983
les béatifications des martyrs salésiens Luigi Versiglia et Callisto Caravario et, en
1999, celles de Jozef Kowalski et de cinq jeunes gens de loratoire de Poznan, en
Pologne.9
Le martyr chrétien ne peut être ramené à la stature dun héros, rappelait le
recteur Viganô. H ne fait pas seulement preuve de personnalité, de grandeur dâme
ou daltruisme. Le martyr est humble et rempli d’amour. Pas de haine chez lui.
Quand il meurt, il pardonne. Il ne recherche ni la gloire, ni la réputation. Il ne
prétend pas donner des leçons de bravoure, peut-être nest-il même pas
courageux. Il ne défend pas didéologies et ne se transforme pas en monument. Ce

17.10 Page 170

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568
nest ni un Socrate, ni un soldat connu ou non. Le martyr chrétien ne meurt pas
pour une idée, même la plus sublime, telle que la dignité de lhomme, la liberté ou
la solidarité avec les opprimés (ces idées peuvent lui être présentes et avoir leur
part dans son martyre). H meurt pour Quelquun qui est précédemment mort pour
lui. Sa foi, son espérance et sa charité le portent à témoigner jusquau sang, que,
pour lui, vivre cest le Christ et que son baptême le pousse à se laisser crucifier
avec Lui.10
Quelques années après, imitant Jean-Paul U quand il annonçait le jubilé de
l’an 2000, le recteur Vecchi plaçait tous ses fils face à l’éventualité du témoignage
du martyre. “Le martyre est la participation vivante et réelle au sacrifice du Christ,
une sorte d’Eucharistie. Cest, à lextrême, l’offrande de la vie, dimension propre
et nécessaire de la vie chrétienne que nous devons tous comprendre, accepter et
assumer. Lexistence chrétienne est donc ouverte en permanence à léventualité du
martyre. Cest pourtant une sorte de grâce qui vient à nous, plutôt quun sommet
à désirer, à conquérir ou à se proposer. Il représente le heurt prophétique le plus
frontal entre, d’une part, le monde entendu comme l’ensemble des puissances
mauvaises, et, de l’autre, l’Esprit Saint, la grâce, les intentions et le style de vie
que propose le Christ.”11
Notes
1. Voir, par exemple, Joseph Aubry, La nostra testimonianza cristiana e salesiana,
coll. Idee 6, Rome, Editrice S.D.B., 1977. Les aspects particuliers du témoignage salésiensont,
écrit-il, p. 21-29, le témoignage de la prióre, le témoignage de la résistance et le témoignage de
lajoie.
2. Angélus, 3 novembre 1985, texte italien dans lOsservatore Romano, 4-5 novembre
1985.
3. Vatican n, Dei Verbum, n. 4.
4. Christus Dominus, n. 11.
5. Lumen gentium, n. 28.
6. Lumen gentium, n. 38.
7. Lumen gentium, n. 42.
8. Adaptation de Paul VI, Evangelii nuntiandi, 8 décembre 1975, n. 21.
9. E. Vigano, Martirio e passione nello spirito apostolico di Don Bosco, 24 février
1983, Atti 308, p. 3-22 : J. Vecchi, Santità e martirio all’alba del terzo millenio, 29 juin 1999,
Atti 368, p. 3-36.
10. E. Viganò, Martirio e passione... , loc. cit., p. 13.
11. Il martirio è la partecipazione in forma viva e reale al sacrificio di Cristo, quasi
una Eucaristia. Esprime in forma estrema una dimensione connaturale e necessaria della vita
cristiana che tutti dobbiamo capire, accettare e assumere : lofferta della vita. Perciò resistenza
cristiana è permanentemente aperta alleventualità del martirio, che si presenta però come una
grazia che ci viene incontro, piuttosto che come un traguardo da desiderare, conquistare o
proporsi. Rappresenta inoltre lo scontro profetico più frontale tra lo Spirito, la grazia, le
intenzioni e lo stile di vita proposto da Cristo e ciò che è del mondo, inteso come insieme di
potenze maligne.(J. Vecchi, Santità e martirio ... , loc. cit., p. 7.)

18 Pages 171-180

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18.1 Page 171

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569
Tempérance
Un terme devenu désuet et insignifiant ?
Vous ne trouverez pas le mot Tempérance dans tel Nouveau
Dictionnaire de théologieparu au cours des dernières années du vingtième
siècle1. La justice, la liberté et la libération, copieusement servies dans cet épais
volume, semblent avoir eu raison de l’auguste vertu cardinale, dénommée
tempérance. Plus curieux encore peut-être, en 1974 le théologien spirituel salésien
Domenico Bertetto, certainement non modernisant, na pas même mentionné la
tempérance dans l’index thématique de ses mille pages de méditations sur la
spiritualité salésienne2. La sophrosunè des philosophes grecs, qui imposait aux
êtres sains et sages de modérer leurs désirs, semble oubliée par ces nouveaux
théologiens. Le mot, tombé en désuétude, serait, paraît-il, devenu “insignifiant.
H est vrai que, sous l’assaut d’une culture envahissant désormais le monde
entier, il a affaire à forte partie. L’accent mis par elle sur l’avoir, le profit, la
réussite a eu pour conséquence de susciter un rejet de tous les mots impliquant
privation, désintéressement ou limitation. Chacun est attiré par les objets, le
quantitatif, surtout sils procurent des facilités et des avantages pour l’existence
quotidienne. Notre monde paraît entré dans une période dite post-moderne ou
post-industrielle marquée par le primat de léprouvé, du ressenti et du tout-tout de
suite spontanément réclamé. Cela nencourage guère à différer et à contrôler les
désirs. Les incitations à vivre au présent et à se soumettre aux sollicitations
environnantes contrarient la gestion réfléchie et à long terme du désir, imposée par
la pratique traditionnelle de la vertu de tempérance. La culture de la société de
consommation semble avoir eu raison de la tempérance.3
Une autre explication de son absence dans un ouvrage de spiritualité
salésienne pourrait bien être certain risque d’équivoque sur le sens du mot. Les
lexicographes contemporains distinguent pour ce vocable un sens plus ou moins
technique et un sens devenu courant. Depuis Platon, la quatrième vertu
cardinaleimpose à qui la pratique de la modération dans les désirs quels quil
soient, tandis que, selon le langage commun et pour les “Sociétés de tempérance
nord-américaines, la tempérance, opposée à lintempérance, implique simplement
de la modération dans lusage des aliments et surtout des boissons alcooliques.
Un mot bien ancré dans la tradition salésienne
Quant à elle, la première tradition salésienne, loin de le craindre, usa
abondamment du terme Tempérance. Don Bosco l’introduisait presque
systématiquement dans les formules qui condensaient la spiritualité proposée aux
siens. Au fil des tomes, les lecteurs de sa biographie apprennent ainsi de sa bouche
ou de sa plume que le travail et la tempérance feront fleurir la congrégation

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570
salésienne; que le monogrammeadopté par elle annonce : Travail et
Tempérance; que travail et tempérance sont deux armes grâce auxquelles nous
parviendrons à l’emporter sur tout et sur tous; que la tempérance et le travail
sont les deux meilleurs gardiens de la vertu; ou encore que les salésiens
réussiront tout par lhumilité, par le travail, par la tempérance.4 Don Rua,
interprète autorisé sil en fut, situait solennellement la tempérance en tête de la
liste des grandes vertus salésiennes. Don Bosco écrivit : Tempérance, Prière et
Travail sur son drapeau, celui quil nous a laissé”, affirma-t-il au lendemain de la
mort du saint.5 Dans une lettre quil adressait aux prêtres salésiens quelques mois
avant de mourir, le recteur Albera leur rappelait l’avertissement reçu une nuit en
songe par don Bosco, quand il avait demandé à son interlocuteur si sa
congrégation durerait longtemps. Votre congrégation durera tant que ses
membres aimeront le travail et la tempérance. Si lune de ces deux colonnes vient
à manquer, votre construction sécroulera, écrasant supérieurs, inférieurs et
disciples. Que le travail et la tempérance soient donc votre mortification
quotidienne.”6 Voilà qui mérite dêtre médité, remarquait ce recteur. Il faut en
convenir : une place de choix revenait à la tempérance dans la spiritualité
salésienne dautrefois.
La tempérance en question désignait alors de préférence la modération
dans la nourriture et la boisson. Le public salésien ordinaire nimaginait rien
d’autre sous ce mot. Toutefois la version d’un songe de don Bosco daté de 1876
nous apprend que l’on peut pécher par intempérance, quand on mange et boit
plus quil ne faudrait; que l’on commet de l’intempérance dans le sommeil ou
quand on donne à son corps plus quil n’est besoin, plus qu’il est nécessaire.”7
Tout le corps avec ses cinq sens (sensualité incluse !) serait donc intéressé par la
vertu de tempérance recommandée par don Bosco aux membres de sa famille.
Cétait la thèse des moralistes classiques, que lon trouve par exemple
chez saint François de Sales8. Il se faut modérerdans la complaisanceenvers
les choses sensibles par les cinq sens corporels, enseignait François, afin de se
garder capable dattachement aux choses supérieures et spirituelles. Retenons
cette finalité première de la tempérance selon l’auteur du Traité de lamour de
Dieu. Deux sens plus grossiers, brutaux et impétueux en leurs actes”,
lattouchement et le goût, sont plus particulièrement concernés, continuait-il. La
tempérance ne les combat pas, elle les modère. Elle les modère, parce que nostre
nature, composée de cors et d’ame, ayant besoin des playsirs sensibles, soit pour la
conservation particulière de chasque personne, soit pour la conservation de
l’espece et race humaine, ce serait egalement démentir la rayson et violer ses loix,
de vouloir estre sensuel en sappliquant demesurement aux voluptés des sens.”9
Tempérance était synonyme de “modération. La sagesse équilibrée de saint
François transparaît de ces propos.
La tempérance au deuxième siècle salésien
Le fil de la tradition : Travail et tempérance, ne s’est pas rompu avec les
années. Les modèles particuliers que lEglise proposait aux salésiens à la suite de
don Bosco : sainte Marie-Dominique Mazzarello, les bienheureux Michèle Rua,

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571
Filippo Rinaldi ou Maddalena Morano, avaient pratiqué la vertu de tempérance
avec une rigueur surprenante. Lors de leurs procès de canonisation, les témoins
abondèrent sur le contrôle jamais lassé de leurs sens et de leurs désirs. Et,
préoccupés de maintenir intact lhéritage spirituel dont ils avaient la garde, deux
recteurs majeurs récents sattachaient à donner à leurs fils des leçons plus ou
moins détaillées sur la tempérance salésienne.
Don Pietro Ricaldone, dans sa lettre de 1937 sur la pauvreté, et surtout
dans une étude relativement fouillée de la collection Formazione salesiana sur la
quatrième vertu cardinale, montra que cette vertu exigeait de la mesure en tout,
y compris dans la curiosité, mais particulièrement en sexualité et dans
l’alimentation10. En ce cas, les alcooliques voués aux cures de désintoxication
nétaient pas seuls concernés. Le recteur épinglait au passage une espèce
dintempérants esclaves de leurs désirs boulimiques, dont il semblait avoir connu
des spécimens. “L’un ou lautre, qui se laisse emporter par de tels penchants et
désirs effrénés, finit par devenir incontentable et vraiment pénible pour soi et pour
autrui, au point de rendre la vie de communauté impossible. H arrive alors quils
aient à table le visage immanquablement courroucé, les yeux méchants et
scrutateurs, des gestes impolis et rageurs, des critiques, des reproches et, parfois,
des éclats incontrôlés qui troublent la fraternité sereine et la paix.11 La
tempérance aurait corriger ces gens-là. La formule : “Travail et tempérance
impose au disciple de don Bosco de se montrer un modèle de frugalité, rappela
le recteur Ricceri.12
En fin de siècle, le recteur Vecchi, au paragraphe Travail et tempérance
dune circulaire de 1999 intitulée : Envoyés annoncer aux pauvres un joyeux
message”, voulut esquisser pour ses disciples l’image d’une tempérance
spécifiquement salésienne, qui serait (en fait) moins marquée qu’à l’origine par la
privation imposée aux sens.13 La vertu de tempérance sapplique à tous les
comportements du membre de la famille salésienne, qui est essentiellement un
apôtre à la vie intérieure profonde, remarquait-il. Sa tempérance est donc celle
d’un maître mystique de la jeunesse. Chaque institut possède une tradition
ascétique cohérente avec son propre style spirituel. Pour nous salésiens, la formule
qui la résume est, à l’intérieur de la devise : Da mihi animas, lélément Coetera
toile, cest-à-dire Laisse le reste. Le recteur traduisait le Coetera toile :
Ordonne ce reste à l’objectif primaire, au Da mihi animas, à la possibilité de vivre
intérieurement et d’exprimer ton amour des jeunes, en les retirant des situations
qui les empêchent de vivre.14 Pour lui, la tempérance salésienne assure au coetera
toile son expression quotidienne.
Le recteur sappliquait à relever les caractéristiques de cette vertu chez
les siens. Dun point de vue général, la tempérance est la vertu cardinale qui
modère les pulsions, les paroles et les actes selon la raison et les exigences de la
vie chrétienne. La continence, l’humilité, la sobriété, la simplicité et laustérité lui
tiennent compagnie. Or ces mêmes réalités sont incluses dans la raisondu
système préventif, au sens qu’il convient de laisser à ce mot. Ses manifestations
dans la vie quotidienne sont : l’équilibre, c’est-à-dire la mesure en toutes choses, la
discipline qui convient, la capacité de collaborer, le calme intérieur et extérieur et,

18.4 Page 174

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572
avec tous les gens rencontrés, mais surtout avec les jeunes, des rapports sereins et
responsables. Le tempérant est un athlètespirituel et apostolique, prêt à toutes
les requêtes en faveur des jeunes, qui se rend et se maintient libre des
conditionnements trop astreignants, donc des goûts et des nécessités qui le lient
par trop. “Les athlètes sont tempérants en tout ; ils le font pour une couronne
corruptible, nous au contraire pour une couronne incorruptible(Cfr 1 Corinthiens
9, 25).
Le salésien est tempérant dans son travail, observait aussi le recteur. Sa
tempérance lui indique l’ordre à respecter dans ses actions selon leurs finalités et
leurs priorités. Ambitions personnelles et ambitions “apostoliquesse trouvent
ainsi régulées. Les exigences pour autrui du salésien tempérant ne dépassent pas
une juste mesure. Il ne lui impose rien dexcessif ou qui soit dans son seul intérêt
personnel. Son travail ne nuit pas à sa prière et à la qualité de ses rapports
fraternels. H cherche à demeurer tempérant dans ses mouvements, dans ses sorties,
dans sa quête de l’argent, dans ses entreprises, pour ne pas se trouver entraîné
dans quelque engrenage non maîtrisé. La tempérance s’appplique aussi à la vie
fraternelle, condition des bonnes relations communautaires. Car l’amour fraternel
implique la garde de soi, l’attention à autrui, le contrôle des sentiments spontanés,
la résolution des conflits et la compréhension de la souffrance des autres. Cet
exercice oblige à sortir de soi et à modifier ses orientations propres. Il exige du
salésien qu’il démontre son affection afin de la susciter chez les autres. Et puis,
terminait le recteur, la tempérance touche à la vie personnelle, c’est-à-dire aux
relations, qui devraient être réduites aux seules exigences de la mission, à la
possession et à l’usage des biens de consommation (voitures, ameublements,
appareils), aux temps de détente et de vacances ; et aussi, disait-il, à la vie
intérieure à garder vigilante et purifiée.
Comme les difficultés de l’existence ne leur font pas (ou ne devraient pas)
leur faire perdre la joie, salésiens et salésiennes (le recteur joignait le féminin au
masculin) progressent apparemment sur un tapis de roses. Les épines ne leur
font pas perdre la joie. La tempérance, qui est aussi simplicité, aptitude à faire
bonne figure et à éviter les scènes, le leur demande. LEvangile dit : Quand vous
jeûnez, ne prenez pas un air mélancolique, mais parfumez-vous la tête et lavez
votre visage.
A y bien regarder, le recteur Vecchi demandait donc aux membres de la
famille salésienne d’appliquer la vertu de tempérance à tous les instants de leur vie.
On nen déduira cependant pas quil magnifiait la mollesse et la médiocrité. Son
idéal ne pouvait être l’amortissement des désirs et des passions. Tempérance
signifie dabord maîtrise de soi. La tempérance salésienne ne limite que lexcès
dans le désir ou la passion, sa mesure étant laissée à la prudence et à la sagesse.
Les fortes personnalités, aux puissants désirs, n’ont pas manqué, Dieu merci, dans
la postérité de don Bosco, cet homme entreprenant à qui de sages ecclésiastiques
contemporains conseillaient de tempérerdes projets quils jugeaient un peu et
même tout à fait fous. La véritable tempérance salésienne, celle de leur confrère
don Bosco, nétait pas la leur.

18.5 Page 175

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573
Notes
1. Le Nouveau Dictionnaire de théologie, sous la direction de Peter Eicher, 2ème éd.,
Paris, Cerf, 1996, ignore le mot Tempérance, même dans son copieux Index thématique.
2. Domenico Bertetto, Spiritualità salesiana. Meditazioni per tutti i giorni dellanno,
coll. Spirito e vita, Rome, LAS, 1974.
3. Je reproduis les réflexions désabusées de P. Daubercies, Tempérance, dans
Catholicisme, t XIV, 1996, col. 877-880.
4. “Il lavoro e la temperanza faranno fiorire la Congregazione Salesiana(MB, t XII,
p. 466.) Ma tu ricorda sempre a tutti i nostri Salesiani il monogramma da noi adottato : Labor
et temperantia. Sono due armi con cui noi riusciremo a vincere tutti e tutto(MB, t. XHI, p.
326.) La temperanza e il lavoro sono i due migliori custodi della virtù(MB, t XV, p. 460.) I
Salesiani riusciranno a tutto colla umiltà, col lavoro, colla temperanza.(MB, t. XVII, p. 301.)
5. Ci lasciò scritto sulla sua e nostra bandiera : Temperanza, Preghiera e Lavoro,
dans M. Rua, Relazione del sesto Capitolo Generale, 11 novembre 1892, in L. C., p. 91.
6. La Congregazione vostra durerà fino a che i soci ameranno il lavoro e la
temperanza. Mancando una di queste due colonne, il vostro edilizio ruinerà, schiacciando
superiori e inferiori ed i loro seguaci. Lavoro e temperanza siano dunque la vostra quotidiana
mortificazione.(P. Albera, Don Bosco modello del Sacerdote Salesiano, 19 mars 1921, L. C.,
p. 431.)
7. Hai da sapere che si può peccare dintemperanza, quando anche a tavola si mangia
o si beve più del bisognevole ; si commette intemperanza nel dormire o quando si fa qualsiasi
cosa riguardo al corpo che sia oltre il bisogno, che non sia necessaria.(MB, t XH, p. 355.)
8. Les analyses minutieuses de saint Thomas dAquin, in Somme théologique, Ila Ilae,
questions 141-170, constituent probablement maintenant encore le meilleur exposé sur la vertu
cardinale de tempérance. J’observe qu’André Comte Sponville, Petit traité des grandes vertus
(Paris, PUF, 1995, p. 52-56) s’y réfère au chapitre intitulé la tempérance.
9. De la tempérance ou modération, dans Opuscules de saint François de Sales, t. 5,
in Oeuvres, t. XXVI, p. 78-80.
10. La temperanza cristiana, in P. Ricaldone, La povertà, lettre aux salésiens, Atti
82, 24 juillet 1937, p. 114 et sv. ; et P. Ricaldone, Le virtù cardinali, Torino-Leumann, Elle Di
Ci, p. 289-362.
11. Si avverta inoltre che se taluno si lascia trascinare a coteste voghe e sfrenati
desiderii finisce per rendersi incontentabile e di vero peso a e agli altri, rendendo impossibile
la vita di comunità. Avviene allora che alla mensa, si hanno le faccie immancabilmente
corrugate, gli sguardi scrutatori e maligni, i gesti scortesi e sdegnosi, le critiche, i rimbrotti, e
talvolta gli scatti incomposti che turbano la serena fratellanza e la pace.” (“La povertà”, lettre
citée, p. 119-120.)
12. Dans sa lettre de 1974 au titre prometteur “Lavoro e temperanza, contro
limborghesimento(Atti 276, octobre-décembre 1974, p. 3-47), le recteur Ricceri nesquisse
guère que cette observation (p. 9) sur la tempérance requise du salésien.
13. J. Vecchi, Mandati ad annunziare ai poveri un fleto messaggio, 25 mars 1999, in
Atti 367, p. 12-14 “Lavoro e temperanza”).
14. Ordina il resto all’obiettivo primario, cioè al da mihi animas, alla possibilità di
vivere interiormente ed esprimere lamore ai giovani, togliendoli dalle situazioni che
impediscono loro di vivere(Mandati ad annunziare ... , lettre citée, p. 12-13.)

18.6 Page 176

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574
Temps libre
Le prix du temps
Quest-ce que le temps ? Nous ignorons ce qui nous est le plus proche et
le plus familier. Mais le seul fait de poser la question ne témoigne-t-il pas de la
conscience de ny être pas totalement immergés et que nous participons à ce
hors-temps qu’est l’éternité, autrement dit que nous nous pensons sur la frontière
du temps et de l’éternité ? Les spirituels salésiens dautrefois ne sattardaient pas à
ce genre de considération. Simplement, ils ne plaisantaient jamais sur le prix du
don extraordinaire de Dieu à sa créature que représente le temps1.
François de Sales avait été sensible à l’inestimable prix du temps. Le
temps s’en va, il nous fuit. Mon Dieu, que cette vie est trompeuse, Madame ma
très chere Cousine, et que ses consolations sont courtes, sécriait-il un jour. Elles
paroissent en un moment, et un autre moment les emporte, et, nestoit la sainte
éternité a laquelle toutes nos journées aboutisssent, nous aurions rayson de
blasmer nostre condition humaine”2. Or, toute minute de ce temps fugitif, qui
prépare l’éternité promise, est (ou devrait nous être) un trésor. François souhaitait
à une visitandine : Nous mesnagerons si bien nos ans, nos mois, nos semaines,
nos jours, nos heures, voire nos momens, que le tout semployant selon l’amour de
Dieu, le tout nous sera profitable a la vie etemelle pour regner avec les Saintz.3
Ne croyons pas que ce soit petite chose de demeurer huit jours en infidélité et de
retarder nostre perfection pour peu que ce soit ; au contraire cest un grand mal,
dautant que les momens nous sont bien pretieux et nous doivent estre très chers,
enseignait-il à la veille de sa mort dans un sermon pour la fête de l’apôtre saint
Thomas4. Fin décembre 1609, cet évêque perpétuellement occupé en de saintes
besognes avait écrit à la baronne de Chantal : Helas ! quand je pense comme jay
employé le tems de Dieu, je suis bien en peyne quil ne me veuille point donner
l’etemité, puisquil ne la veut donner qua ceux qui useront bien de son tems5. En
effet, ce tems ne nous est donné que pour cela (léternité)6.
Don Bosco et ses disciples immédiats ne pensaient pas autrement.
L’oisiveté, terme qui traduisait tort) dans leur esprit le temps perdu, était à leurs
yeux le grand ennemi. Don Bosco faisait afficher sur les murs de l’oratoire des
origines la sentence : Ogni momento di tempo è un tesoro” (Chaque instant est
un trésor)7. En 1878, en clôturant les exercices spirituels de Momese, il
remarquait à mère Mazzarello et aux salésiennes en demi-cercle devant la porte de
leur chapelle : Jaimerais voir sous ce portail deux affiches disant : La
mortification est l’ABC de la perfectionet Chaque instant vaut un trésor’.”8 Il
navait pas quitté Momese, nous dit-on, que les deux affichettes y étaient déjà
apposées. Les salésiennes, qui, on s’en doute, ne l’ignoraient pas, trouvaient une
autre et sainte raison de ne jamais négliger le prix du temps.

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575
Salésiens et salésiennes d’autrefois entendaient ne jamais perdre un
instant, de peur que le diable sen empare”. Car l’oisiveté est la mère de tous les
vices. Dans les cahiers de don Rua un sermon De l’oisiveténous arrive doublé,
très développé et remanié, signe qu’il fut plusieurs fois prononcé.9 Le zèle aurait
volontiers bouté tout temps mortde la vie de cette première génération. Chez
les plus ardents la perte de temps semblait tourner à l’obsession. Au début de son
sacerdoce, don Rua a consacré au prix du tempsun sermon entier (pour
probablement, à juger par ses corrections, le répéter plusieurs fois ensuite)10. H y
accumulait les témoignages pris aux Anciens et à la tradition de lEglise. Parmi
une douzaine d’autorités païennes et chrétiennes, il citait Virgile : Fugit
irreparabile tempus(le temps fuit sans remède), mais aussi une proposition
paradoxale de saint Bernardin de Sienne : Tantum valet tempus, quantum Deus,
formule qu’il traduisait sereinement : Une parcelle de temps vaut autant que
Dieu11. Son discours sur le prix du temps s’achevait par une combinaison de
l’Ecclésiastique et du livre des Proverbes :: Mon fils, nous dit lEsprit Saint,
conserve le temps et le temps te conservera, sentence que don Rua interprétait :
Mon fils, emploie jalousement ton temps, et le temps ainsi bien employé te
gardera heureux pendant toute l’éternité.12 Le temps bien employé est un gage de
bonheur étemel, enseignait-il. Au lendemain de sa mort, un salésien facétieux (don
Paolo Ubaldi) prétendra qu’arrivé au paradis, don Rua était allé immédiatement
trouver don Bosco pour lui demander : Que me donnez-vous à faire ?13
Temps libre, temps contraint et temps de loisir
La fête, le jeu, le spectacle, les vacances occupaient un grand nombre
dheures et de jours dans la vie de ces salésiens d’autrefois, moins stressés que
nous pourrions l’imaginer. Ces divertissements faisaient partie de leur très
précieux temps. Une brève étude de vocabulaire peut rendre justice à leur
spiritualité. Sans user d’une expression qu’ils voulaient ignorer, ils cultivaient les
temps libres. Les mots, ici comme souvent, facilitent l’analyse et donc la
compréhension des idées et des moeurs.
Au cours des deux derniers siècles, laugmentation du temps libre ou
libéré constitue un des phénomènes les plus importants des pays industrialisés. Il a
grandement contribué à l’évolution de leurs cultures. La civilisation du travail
familière à don Bosco a ainsi voisiné, un siècle après lui, avec une autre
civilisation, dite du temps libreou encore de loisir”.14 Et cette culture a
fortement empiété sur son antagoniste. En moyenne, a-t-on calculé, à l’échelle de
sa vie, un Français dispose aujourd’hui d’environ 150 000 heures de temps libre
contre quelque 25 000 vers 1800. La tendance à l’augmentation du temps libre,
aggravée par le chômage et les préretraites, sest accélérée dans le dernier tiers du
vingtième siècle15. En outre la richesse (ou la densité) du temps libre a crû avec sa
durée. Les pratiques culturelles et sportives se sont intensifiées avec un
pourcentage plus grand de participation à de nombreuses activités, tandis que les
pratiques elles-mêmes se renouvelaient, stimulées par l’action culturelle et les
innovations technologiques.

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Toutefois, qui dit temps libre ne dit pas automatiquement temps de loisir.
D’abord, le temps libre pris dans son ensemble s’oppose au temps contraint,
lequel recouvre le temps exigé par les soins personnels, le temps de travail
professionnel (ou scolaire pour les plus jeunes), le temps des déplacements liés au
travail ou à certaines obligations, le temps enfin des responsabilités familiales et
des travaux domestiques. Puis on semble désormais saccorder pour voir dans le
loisir à proprement parler un processus dynamique, guidé par la recherche
prioritaire (et non lucrative) dun état de satisfaction et d’un épanouissement de la
personne16. Les activités de loisir (y compris la non-activité ! cest-à-dire le
repos, le farniente) sont pratiquées dans un temps dit de loisir, qui, lui-même, fait
partie du temps libre. Car le temps libre inclut dautres temps qui concernent des
activités non obligatoires, mais qui - à la différence du temps de loisir - ,
correspondent à des engagements institutionnels. Ce sont les temps des activités
religieuses, politiques, civiques ou syndicales. De ce fait, pour beaucoup de
personnes généreuses le temps de loisir, grignotté de cent manières, samenuise en
peau de chagrin.
Distinguons donc de notre mieux le temps libreet le temps de loisir
au sens strict. Contrairement à une vision approximative des choses, une mère de
famille restant au foyer, donc sans travail salarié et apparemment fibre de gérer son
temps à son gré, peut ne disposer que de très peu de temps fibreet, si elle est
pieuse et socialement engagée, daucun temps de loisir. Vers 1850, le dimanche,
unique journée de liberté et donc de temps fibredun apprenti de loratoire
primitif de don Bosco, que le règlement intérieur obligeait à assister à la messe en
matinée, à participer à un cours de catéchèse et à une cérémonie religieuse
laprès-midi, parfois aussi à des leçons variées de musique ou autre, nétait pour
lui que partiellement et, dans certains cas, en aucune manière un temps de loisir”
dominical ! Assimiler l’oratoire salésien traditionnel à un centre de loisirs- ce
qui semble avoir été fréquent - serait une erreur !
Lutilisation du temps libre
Il reste que, pour le spirituel salésien contemporain, le temps libre,
jamais temps vide, évoque nécessairement le loisiret les activités qui le
garnissent. Le loisir a trois fonctions essentielles, nous dit-on : le délassement, le
divertissement, le développement et l’épanouissement de la personnalité. En fait,
a-t-on aussi remarqué, les deux premières fonctions sont orientées à la troisième et
articulées sur elle, au point de pouvoir être interprétées comme ses conditions
préalables. Le délassement aboutit à lindispensable récupération de soi et les
formes du divertissement offrent autant de lieux, donc de médiations, par
lesquelles s’obtiendra la fin poursuivie dans le loisir, à savoir l’épanouissement de
l’homme17. Le loisir ainsi conçu n’exclut pas forcément de la vie dun chrétien les
gestes essentiels réclamés par l’ascèse, la croix et la mortification. Tout est
question d’équilibre.
Les activités de loisir orientées en ce sens sont dabord, dans la tradition
héritée de don Bosco, le jeu, le sport, la musique, le spectacle et l’excursion, mot
traduit légitimement par voyage.18 Le disciple de saint François de Sales a de

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bonnes raisons d’y ajouter la danse, que ce saint permettait à ses philothèes en un
siècle pourtant sévère en matière de divertissements.19 Mais il évite de s’enfermer
dans les séries préfabriquées. Car loisir implique liberté. Et, au pluriel, loisirs
désigne uniformément les activités choisies, dans un monde en perpétuelle
évolution, en fonction des goûts et des activités de chacun. En fin de siècle, il
paraît que les Français consacraient en moyenne trois heures par jour à la
télévision. Mais à la même époque, leur jeunesse s’engouait successivement pour
le rock, le football, la techno ou le rap. Et la pratique musicale connaissait un
boom sans précédent. La gamme des activités de loisir, qui dépend des
motivations de chaque individu, est pratiquement illimitée.
La méfiance systématique de parfum janséniste à l’égard des activités de
loisir ne sied guère au spirituel salésien. Au reste, Vatican II a pris soin de lui en
dire les bienfaits personnels et sociaux. Que les loisirs soient bien employés pour
se détendre et pour fortifier la santé de lesprit et du corps : en se livrant à des
activités libres et à des études désintéressées ; à l’occasion de voyages en dautres
régions (tourisme) qui affinent lintelligence et qui, de surcroît, enrichissent chacun
par la connaissance de lautre ; également par des exercices physiques et des
activités sportives qui aident à conserver un bon équilibre psychique,
individuellement et aussi collectivement, et à établir des relations fraternelles entre
les hommes de toutes conditions, de toutes nations et de races différentes. Que les
chrétiens collaborent donc aux manifestations et aux actions culturelles qui sont de
leur temps, qu’ils les humanisent et les imprègnent d’esprit chrétien.20
Sensible à ces leçons, le spirituel salésien utilise intelligemment un temps
libre ou un temps de loisir, qui lui sont précieux. Que le temps libre ne soit pas
temps perdu, souhaitait le recteur Ricceri21. S’il a des responsabilités sociales ou
politiques, il singénie à faire remplir ces temps par ceux dont il prend la charge,
les jeunes chômeurs en particulier. Lui-même se garde en bonne condition
physique par des exercices appropriés. Simultanément il prévient les déficits
intellectuels qui gâcheraient ses années de retraite et de vieillesse. La faculté
d’apprendre reste importante à tous les âges; et, si le sport est nécessaire à la
souplesse du corps, le cerveau a lui aussi besoin dexercice, il le sait (ou devrait le
savoir). Le membre de la famille salésienne reste donc curieux, avec la discrétion
quimposent les circonstances. Sa mémoire, que linaction rouillerait, continue à
travailler. Soucieux de ne pas laisser le désintérêt sinstaller progressivement en
lui, il sintéresse systématiquement à ce qui l’entoure. A ses occupations
professionnelles, il joint dans la mesure possible des activités indépendantes.
Généreux, le bénévolat et le volontariat qui le sollicitent de divers côtés trouvent
chez lui un accueil favorable. Bien entendu, la retraite venue, supposé en bonne
condition et libre dans l’organisation de son temps - ce qui n’est pas
nécessairement le cas pour le religieux ! - , il sy adonnera de grand coeur. En
Occident les domaines du bénévolat sont variés : tâches dalphabétisation, dons de
voix (enregistrement de cassettes pour aveugles), aide aux bibliothèques, soutien
scolaire, aide technique au tiers-monde, visite aux malades, aide aux chômeurs,
lutte contre la pauvreté, enseignement par correspondance, participation aux
mouvements humanitaires. Les associations ont besoin de l’expérience acquise par
les gens au cours des années. Et puis, le disciple de don Bosco - que nous

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supposons ici aussi libre de ses mouvements - ne craint pas de joindre lagréable à
l’utile. Il visite donc son pays, flâne dans tel ou tel musée et participe aux
excursions dans sa région. Pourquoi ne pas sintéresser aux expositions, aux
spectacles, aux concerts organisés dans sa ville ou à proximité de son lieu de
résidence ? Son temps est précieux, ses anciens le lui ont dit et répété. Il l’emploie
donc avec le maximum de sagesse. Il y a un moment pour tout et un temps pour
tout faire sous le ciel(Qohélet 3, 1.)
Les salésiens éduquent les jeunes au sens critique, esthétique et moral ; ils
favorisent les activités musicales et théâtrales, ainsi que les cercles de lecture et les
ciné-forums, édictent leurs règlements22. L’éducatrice salésienne est formée à un
judicieux emploi du temps libre23. Et le règlement de son institut nous apprend que
la Volontaire (de don Bosco) considère la culture, les possibilités du temps libre
et les mass media comme des valeurs et en use, soit dans un but apostolique, soit
comme moyens de formation personnelle, déducation et de sain divertissement,
selon des critères de prudence et de discrétion.24
Ce dernier avertissement ne devrait être négligé par personne. Tout est
permis, mais tout nest pas constructeur ... Quoi que vous fassiez, soit que vous
mangiez, soit que vous buviez, faites tout pour la gloire de Dieu.(1ère
Corinthiens 10, 23 et 31.) La prudence et la discrétion ont toujours été à l’honneur
dans le monde des fils de don Bosco, qui, comme leur père et maître, oeuvrent sur
le terrain de jeux et dans la salle de théâtre autant qu’à la chapelle, en cours
d’année scolaire et durant leurs vacances, toujours et partout pour la plus grande
gloire de Dieu et le salut des âmes.H vaut la peine de relire les considérations
précises du recteur Ricceri sur les vacances trop bourgeoisesde ses religieux :
lectures qui émoussent le sens moral, voyages longs et coûteux, compagnies plus
ou moins équivoques, spectacles et divertissements parfois indignes dun chrétien,
relations féminines qui aboutissent à des chutes humiliantes25.
Notes
1. Voir G. Aubiy et alii, Tempo libero, coll. Cantiere VI, Turin, Centro Gioventù
salesiana, 1965, 2 voi. 370 et 302 p.
2. Lettre à Madame de Murat de la Croix, 28 septembre 1613 ; Oeuvres, t. XVI, p. 78.
3. Lettre à une visitandine, 2 janvier 1620 ; Oeuvres, t. XIX, p. 98.
4. Sermon pour la fête de saint Thomas, 21 décembre 1622 ; Oeuvres, t. X, p. 406.
5. Lettre à la baroime de Chantal, 29 décembre 1609 ; Oeuvres, t XTV, p. 234.
6. Lettre à mère de Chantal, fin avril-mai 1613 ; Oeuvres, t. XV, p. 376.
7. MB HI, p. 550.
8. Mi piaccerebbe che sotto questo porticato ci fossero due cartelli con le scritte : La
mortificazione è l’Abbici della perfezione e Ogni minuto di tempo vale un tesoro” (MB Xin, p.
210.)
9. Dell’ozio, dans une série de cahiers Prediche, p. 1-29. Le premier sermon p. 1-16
et le deuxième p. 17-29. Voir FdB 2907 E6 à 2908 B10. En italien, Ozio traduit aussi Loisir,
mais don Rua ne sintéressait pas à ce sens du mot.
10. Preziosità del tempo, dans un quaderno ù'Appunti di prediche, p. 20-24, FdB
2898 El 2899 A3.

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11. Un momento di tempo vale quanto Dio”, loc. cit., p. 21..
12. Fili, ci dice lo Spirito Santo, conserva tempus et tempus conservabit te ; figlio
accondisci gelosamente il tempo, e il tempo cosi ben impiegato ti conserverà felice per tutta
leternità.(Loc. cit., p. 24. Voir Eccli 4, 23 et Proverbes 4,6.)
13. D’après A. Auffiay, Le premier successeur de Don Bosco, Lyon, Vitte, 1932, p.
354.
14. Voir la question de J. Dumazedier, Vers une civilisation de loisir ?, Paris, 1962.,
auteur qui va nous guider désormais.
15. D’après N. Samuel, Le loisir, temps social, dans la revue Projet 229, printemps
1992, p. 7.
16. Daprès J. Dumazedier, Loisir, valeurs résiduelles ou existentielles ?, dans
Histoire des moeurs. Encyclopédie de la Pléiade, Paris, 1991, p. 1186-1307.
17. D’après J. Dumazedier, Vers une civilisation du loisir ?, cité, repris par F.
Libessart et G. Mathon, Loisirs, dans Catholicisme, t. VII, 1975, col. 1029, dont les formules
sont ici reproduites.
18. On peut lire, en ce sens, P. Braido, Prevenire, non reprimere. Il sistema educativo
di don Bosco, Roma, LAS, 1999, p. 324-337.
19. Voir lIntroduction à la vie dévote, troisième partie, chap. XXXIII et XXXIV, et la
lettre à la présidente Brulart, vers le 20 avril 1610, dans Oeuvres, t. XIV, p. 279.
20. Gaudium etspes, n. 61.
21. “Il tempo libero non sia tempo perso. (L. Ricceri, Lavoro e temperanza contro
limborghesimento, Lettre aux salésiens, octobre 1974, inaiti 276, p. 44-47).
22. Regolamenti SDB, art. 32.
23. ’’Attente a una caratteristica dimensione salesiana nelleducazione all’uso del
tempo libero, valorizzeremo il teatro e larte espressiva in genere come risposta al bisogno di
comunicazione della gioventù. Daremo spazio a proposte e ad iniziative culturali, artistiche,
musicali, sportive, facendone momenti di incontro formativo.” (Regolamenti FMA, art. 62.)
24. La Volontaria considera la cultura, le possibilità del tempo libero, i mass media
come valori e li usa sia a scopo apostolico sia come mezzi di autoformazione, di educazione e di
sano svago, ispirandosi a criteri di prudenza e di discrezione.(Regolamenti VDB, art. 4.)
25. L. Ricceri, Lavoro e temperanza contro l’imborghesimento , cité, p. 45-46.

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Travail
Le sens salésien du travail
La famille salésienne est née en Occident au siècle du travail et dans une
région qui avait en horreur le fainéant et la fainéantise. La religion du travail y
fleurissait. Sa morale faisait du travail la vertu première. La devise quelle préférait
entassait précautionneusement : le travail, la persévérance, la probité et l’épargne.
Mais qu’entendre au juste par ce mot ? Ne compliquons pas trop les
choses. Don Bosco, qui, à l’occasion, attribuait au mot lavoro (travail) sans
déterminatif, le sens de travail manuel alors opposé à studio (étude), entendait par
ce mot toute action productive, soit immédiatement, soit à longue échéance,
qu’elle soit manuelle, intellectuelle ou apostolique. Il le distinguait du jeu et de la
prière et l’élargissait à toute operosità (activité).
Avec leur maître, les salésiens des origines avaient sur le sens du travail
des idées simples empruntées au livre de la Genèse. Lhomme est pour
travailler. Adam fut installé dans le paradis terrestre pour le cultiver.1 A l’origine,
le travail n’était pas pour lui une peine, un malheur ou une calamité, comme le
croient les paresseux par nature. Car, afin de nous enseigner à fuir l’oisiveté,
pensaient-ils, Dieu avait ordonné à Adam de travailler, mais seulement par
divertissement et sans pénible fatigue. Les disciples de don Bosco ne pouvaient
confondre tout travail avec une activité salariée. Par le mot travail, expliquait le
maître à ses garçons, il faut entendre l’accomplissement des devoirs de son état,
que ce soit d’étudiant ou d’artisan2. L’homme pour travailler doit gagner son
pain, le travail est nécessaire à sa survie. Cest la première raison dêtre du travail
humain. Le peuple de don Bosco répétait volontiers l’axiome du terroir : Chi
dorme non prende pesci(Qui sendort, ne prend pas de poissons) et, plus
gravement, la sentence dune lettre de saint Paul (K Thessaloniciens 3,10) : Si
quis non vult operari, nec manducet(Si quelqu’un ne veut pas travailler, quil ne
mange pas non plus)3. Ensuite le travail grandit lhomme et lui permet de servir ses
semblables. Le Règlement des maisons salésiennes disait que, par le travail”, les
élèves pouvaient se rendre “benemeriti” (bien méritants) envers la société et la
religion et contribuer à leur propre bien spirituel. Au contraire, qui est tenu de
travailler et ne travaille pas commet un vol à Dieu et à ses supérieurs. Et puis, qui
ne shabitue pas à travailler dans sa jeunesse a de grandes chances de rester
toujours fainéant jusque dans ses vieux jours, au déshonneur de sa patrie et de ses
parents et peut-être pour le malheur irréparable de son âme4. Enfin, le récit de la
Bible avait appris à don Bosco et à ses fils que Dieu offrit la création à lhomme
des origines, ainsi devenu son roi. Sa Storia sacra synthétisait Genèse 1, 26-31
dans la phrase : Quand toutes les choses contenues au ciel et sur la terre eurent
été créées, Dieu dit : Faisons lhomme à notre image et quil domine la terre.”5
Conformément à la parabole évangélique, l’homme valorise sa maîtrise du monde

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581
par la fructification de ses talents. Selon cette vision des choses, quelle que soit
la fin particulière donnée au travail, tout y provient de la personne et tout y
retourne.
Systématisons le sens salésien du travail qui se dégage de ces premières
observations. H savère assez proche des finalités du travail selon Jean-Paul II dans
son encyclique Laborem exercens. Par le travail l’homme se procure le pain
quotidien, contribue au progrès continuel des sciences et des techniques, mais
surtout à lélévation constante, culturelle et morale de la société dans laquelle il vit
en communauté avec ses frères6.
Le travail magnifié par don Bosco
Don Bosco, quant à lui, honorait le travail, quil mettait en tête du
programme des siens dans la bataille de la vie. Rappelle toujours à tous nos
salésiens le monogramme que nous avons adopté : Labor et temperantia. Avec ces
deux armes nous viendrons à bout de tout et de tous, écrivait-il à lun de ses
aides.7 Le rapprochement était intentionnel sous la plume de don Bosco, le travail
faisant aussi fonction à son estime de remède à la concupiscence8.
Il en était persuadé : le travail est un service, souvent pénible, mais
toujours nécessaire à la société humaine. Les paysans piémontais, qui gagnaient
leur pain à la force de leurs bras et à la sueur de leurs fronts, étaient durs à la
besogne. A leurs yeux, le Créateur avait inscrit le travail dans le destin de chacune
de ses créatures. Et Giovanni Bosco avait vu le jour parmi eux. Son enfance et son
adolescence lui avaient appris avec quelle peine le rural du temps gagnait sa vie.
Cette peine avait sa beauté. Prêtre, parce qu’homme de cette race, il voulut
susciter des communautés de vaillants travailleurs, que, dans ses discussions avec
les gouvernants libéraux, il opposa volontiers aux troupes de frati jugés par eux
oisifs, improductifs et donc inutiles à la société. Les siens travaillaient à perdre le
souffle et lui sen faisait gloire. Son siècle, celui du premier âge industriel,
considéra donc avec sympathie ces religieux proches des indigents. Les nobles les
estimaient, parce quils contribuaient à calmer un peuple de plus en plus
revendicatif, tandis que les autres catégories sociales, bourgeois, artisans ou
ruraux, appréciaient en eux les vertus quelles-mêmes chérissaient.
Don Bosco aimait le travail. Sans en faire une religion, il ignorait une
autre culture, pour laquelle le droit au repos est aussi sacré que le droit au travail
et dont la règle dor est quil faut travailler pour vivre et non vivre pour travailler.
A son estime, lhomme oisif savilit, tandis que l’homme travailleur sennoblit. Il
en voyait la preuve, dun côté dans les histoires d’Annibal enlisé dans les délices
de Capoue, et dAntoine séduit par Cléopâtre ; de lautre, dans celles dAuguste
qui, devenu empereur, continuait de se cultiver, de Muratori, l’un des hommes les
plus doctes et les plus laborieux dont shonore l’Italie, et de tant de personnages
courageux qu’il présentait si volontiers dans ses livres dhistoire pour la jeunesse.
Maintes fois, il a déploré les méfaits de linoccupation rêveuse. Dans une série de
Consignes pour un garçon qui désire bien passer ses vacances, feuillet anonyme
dont l’essentiel émanait de lui, on trouvait cette phrase qui, depuis, nest plus de

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mode : Ton plus grand ennemi est loisiveté, combats-le avec ténacité”9. Passant
de l’individu à l’humanité, il comparait le monde à une ruche, chacun doit
remplir une tâche déterminée par une disposition de la Providence. Qui sen
affranchit ou la néglige est un parasite ou un voleur très répugnant. Enfin et
surtout, le travail doit servir Dieu. Le véritable disciple du Seigneur est un bon
serviteur qui attend son salaire de la main de son maître.
Une spiritualité du travail pour des temps différents
Travail et tempérance, l’axiome ne sera pas oublié. Formés par don
Bosco, les membres de l’ancienne famille salésienne témoignèrent dune grande
activité, cest-à-dire, dans leur langage, dune grande capacité de travail. Peu leur
importait lhumilité de la tâche. Salésiens ou filles de Marie auxiliatrice, ils
oeuvraient. Que le Seigneur daigne bénir et conserver cette merveilleuse activité et
cette sainte indifférence, qui, pour nos maisons, constituent la sauvegarde de la
moralité et la preuve irréfragable que les salésiens ne cessent pas d’être les fils de
linfatigable travailleur que fut toujours don Bosco, sexclamait en 1906 son
successeur don Rua, lui-même grand travailleur devant l’Etemel. Souhaitons
ardemment quune telle activité réalisatrice bien comprise ne soit pas le privilège
de quelques-uns, mais la vertu de chacun des membres de la famille salésienne.10
Bien entendu, il sagissait d’un travail sanctifiépar la prière et lunion à Dieu,
selon le voeu répété du recteur Rinaldi, que préoccupait lactivité fébrile de
certains de ses confrères noyés dans un travail devenu pour eux une manière de
drogue11.
Mais, cent ans après don Bosco, les temps ayant changé et dans un monde
passé dune ère industrielle à une ère dite post-industrielle, une civilisation du
loisir (voire du plaisir) concurrençait désormais une civilisation du travail partout
en recul, tandis que, avec lextension du chômage et du travail précaire, le travail
salarié devenait une denrée plutôt rare dans les pays industrialisés, la famille
salésienne pouvait-elle continuer à situer le travail en tête de lune de ses devises
de prédilection ?
Elle le fit dans le respect dune tradition de travail acharné et en référence
à la pauvreté quexige toute vie consacrée. Au reste, il y a toujours quelque chose
à faire dans l’existence. Qui cherche trouve. Le travail associait le membre de la
famille salésienne à loeuvre créatrice et rédemptrice du Seigneur.12 Le chapitre
général salésien de 1971-1972 maintint que “le premier élément dominant de
l’esprit salésien est une prodigieuse activité aussi bien collective qu’individuelle”13.
Le programme de vie laissé par don Bosco à ses fils demeure : Travail et
tempérance14. Pour le salésien, qui est un religieux in maniche rimboccate(aux
manches retroussées), enseigna-t-il, le travail est à la fois une mystique, une ascèse
et l’exigence d’une libre et joyeuse consécration à Dieu dans la chasteté, la
pauvreté et lobéissance. La recherche dun bien-être tranquille et douillet serait sa
mort. Le salésien se donne (ou devrait se donner) à sa mission avec une activité
réalisatrice infatigable. Le travail est son ascèse, parce qu’il en accepte les dures
exigences et quil est prêt à tout endurer, le chaud et le froid, la soif et la faim, la
fatigue et le mépris, chaque fois quil y va de la gloire de Dieu et du salut des

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583
âmes. Ce goût du travail, observait le chapitre, le met en syntonieavec l’homme
moderne, qui a conscience d’être homo faber, transformateur du monde et
acteur de son histoire.15
Et puis, en conformité avec les directives conciliaires16, ce chapitre voyait
dans le travail une exigence du voeu ou de la promesse de pauvreté. Une forme
particulièrement expressive de nos jours pour un témoignage réel de pauvreté et
un généreux service, c’est de vivre de son travail, assurait-il. Astreints à la loi
commune du travail, les religieux en attestent le sens humain et en font un moyen
de gagner leur vie et daider concrètement les pauvres.17 Sensible à la consigne de
don Bosco, qui disait : Aujourdhui, il faut travailler et travailler intensément, le
salésien pratique effectivement la pauvreté par un véritable engagement dans son
travail, se souvenant que le riche est précisément celui qui na pas besoin de se
fatiguer pour vivre.18 Le chapitre concluait un article sur la pauvreté par
lobservation : La devise que don Bosco nous a laissée : Travail et tempérance,
résume tout le programme de notre pauvreté salésienne. Par le service d’un travail
infatigable et une vie de joyeuse tempérance, elle rend à la face de tous un
indiscutable témoignage.19
Le chapitre invitait donc les salésiens à se renouveler dans lesprit de
travail assidu et entreprenant enseigné par don Bosco comme expression de
pauvreté évangélique. Que chacun sente l’obligation d’un horaire de travail qui ne
soit pas inférieur à celui des travailleurs pauvres. Mieux encore, aux périodes
durgence, tous doivent être prêts à des travaux supplémentaires pour se mieux
qualifier et assurer la marche des entreprises.20 Surtout pas dembourgeoisement,
selon le voeu du recteur Ricceri en 197421 ! Les confrères en formation devraient
être éduqués à un style de vie sacrifiée par de généreuses prestations aux travaux
manuels qu’exige la vie commune. Ce serait pour eux à la fois un témoignage de
pauvreté et une expérience des difficultés que comporte la vie réelle22.
Les constitutions des salésiens, des salésiennes et des Volontaires de Don
Bosco furent rédigées dans cet esprit. Les trois groupes ne réunissent que de
vaillants travailleurs. Le travail est pour eux une manière de pratiquer leurs
engagements de vie pauvre23. Un aspect essentiel de notre pauvreté est le travail
assidu, inventif et responsable,affirmaient les salésiennes. Elles se soumettaient
de cette manière à la loi commune du travail, partageant ainsi le sort des pauvres
qui doivent gagner leur pain à la sueur de leurs fronts24. Quant à elles, les
Volontaires de Don Bosco, obligées pour vivre de se soumettre à la loi commune
du travail, disaient tenir à partager dans le travail la peine des hommes. Elles y
voyaient un moyen de poursuivre l’action créatrice et rédemptrice de Dieu dans
l’histoire ainsi quun instrument de maturation personnelle. Cétait pour elles le
lieu naturel de la rencontre de Dieu et de leurs frères.25 L’axiome salésien : Travail
et tempérance constituait à leurs yeux une incitation à vivre courageusement,
quoique avec prudence, et toujours prêtes au sacrifice.26
Don Bosco fut un homme pratique et entreprenant, un travailleur
infatigable et créatif, qu’animait une vie intérieure permanente et profonde,
rappelait-on bientôt au coopérateur salésien. Et lui aussi entendait l’axiome :

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Travail et tempérance. En conséquence le coopérateur affronte sereinement les
fatigues et les difficultés de la vie27. Dans sa simplicité, le programme de l’origine
n’avait pas changé.
Notes
1. On trouve quelques idées de don Bosco sur le sens du travail dans le chapitre V,
Del lavoro”, art. 1 et 3, de son Regolamento per le case della Società di S. Francesco di Sales,
Torino, tipografia salesiana, 1877, p. 68.
2. Per lavoro sintende l’adempimento dei doveri del proprio stato, sia di studio, sia di
arte o mestiere.(Regolamento per le case, chapitre cité, art. 2.)
3. Voir, entre autres, les sermons de don Rua aux jeunes sur l’oisiveté dans un cahier
de Prediche , inc. Dellozio, p. 1-29, in FdB 2907 E6 à 2908 B10.
4. Chi non si abitua al lavoro in tempo della gioventù per lo più sarà sempre un
poltrone sino alla vecchiaia, con disonore della patria e dei parenti, e forse con danno
irreparabile dellanima propria”(Regolamento per le case, chap. cité, art. 6.)
5. Quando furono create tutte le cose che nel cielo e nella terra si contengono, disse
Iddio : Facciamo luomo a nostra immagine, ed abbia dominio su tutta la terra.(G. Bosco,
Storia sacra, Turin, Speirani et Ferrerò, 1847, p. 13-14.)
6. Ces finalités du travail se lisent ainsi exprimées au début de lencyclique de Jean
Paul II, Laborem exercens, 14 septembre 1981.
7. Ma tu ricorda sempre a tutti i nostri Salesiani il monogramma da noi adottato :
Labor et temperantia. Sono due armi con cui noi riusciremo a vincere tutti e tutto.” (Lettre à G.
Fagnano, 14 novembre 1877, dans Epistolario Certa, t. HI, p. 236.)
8. Remedium concupiscentiae, daprès le songe des diamants” (MB XV, p. 184).
9. Lozio è il più grande nemico che devi costantemente combattere” (Ricordi per un
giovanetto che desidera passar bene le vacanze, Turin, 1874, p. 2.)
10. “Facciamo caldi voti, perchè tale ben intesa operosità non sia il privilegio di alcuni
ma la virtù dogni membro della famiglia salesiana.” (M. Rua, Lettre aux salésiens, 2 juillet
1906, L.C., p. 511-512.)
11. Voir F. Rinaldi, Lettre aux salésiens, 24 juin 1922, Atti 15, p. 14-20.
12. Bien souligné par les constitutions rénovées des filles de Marie auxiliatrice, art. 24.
13. Il primo elemento dominante dello spirito salesiano è la prodigiosa attività sia
collettiva che individuale(CGS, n. 97).
14. CGS, n. 541.
15. CGS, n. 97.
16. Perfectae caritatis, n. 13.
17. CGS, n. 593.
18. Oggi bisogna operare, intensamente operare. La considération se lit en CGS, n.
602, qui reprenait un enseignement du recteur Ricceri in Atti 253, novembre 1968, p. 44-45.
19. Il motto lasciatoci da Don Bosco “Lavoro e Temperanzasintetizza
programmaticamente la povertà salesiana che nel servizio di un lavoro instancabile e nella vita
di gioiosa temperanza rende testimonianza indiscussa davanti a tutti”. (CGS, n. 607.)
20. CGS, n. 621.
21. L. Ricceri, Lavoro e temperanza, contro limborghesimento, Atti 276, octobre
1974, p. 3-47.
22. CGS, n. 679, e.
23. Voir Costituzioni SDB, art. 18, 78, 84.
24. “Un aspetto essenziale della nostra povertà è loperosità assidua, industriosa e
responsabile(Costituzioni FMA, art. 24).
25. Costituzioni VDB, art. 14,15, 29, 30.
26. Costituzioni VDB, art. 16.
27. Regolamento di Vita Apostolica, art. 30.

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Union à Dieu
Union à Dieu et vie spirituelle
Lunion à Dieu est lalpha et l’oméga de toute vie spirituelle. L’aspect le
plus sublime de la dignité humaine se trouve dans la vocation de l’homme à
communier avec Dieu. Linvitation au dialogue, prélude à la communion,
commence avec l’existence humaine. Si l’homme existe, cest que Dieu la créé
par amour et, par amour, ne cesse de lui donner l’être. L’homme ne vit pleinement
selon la vérité que sil reconnaît librement cet amour et sabandonne à son
créateur.1 Linitiative de cette union d’amour revient nécessairement à Dieu, qui
propose à sa créature la merveille inimaginable de son alliance aimante. La vie de
l’homme spirituel est de la sorte guidée par Dieu, informée par son Esprit,
alimentée par sa grâce pour, au terme, aboutir à une pleine communion avec Lui.
Lunion à Dieu ainsi conçue prend beaucoup de visages, depuis l’option
fondamentale du spirituel pour le Bien, qui, consciemment ou non, engage un
processus dunion avec Dieu, jusquà la vision béatifique, où est enfin comblée
dans la mesure possible la distance infinie séparant le Créateur dune créature,
devenue dans et par le Christ son enfant2. Cest la vie intérieuredu spirituel.
Lunion à Dieu selon les spirituels salésiens
Le recueillement, âme de toute vie intérieure, est une “condition
indispensable dun fructueux exercice de la vertu, estimait le recteur Albera, qui,
guidé par saint François de Sales, sétendait longuement sur ce chapitre3. Le
recueillement consiste à fermer son coeur, autant que possible, aux occupations et
aux rumeurs du monde, pour l’ouvrir aux aspirations du ciel. Le spirituel salésien
recueilli évite la dissipation et vit habituellement en la présence de Dieu, ce pour
quoi il faut et il suffit dun minimum de bonne volonté, pensait notre recteur.
Même surchargé doccupations, à condition de bien organiser son temps, il lui est
possible de se ménager des instants de calme et de paix. Le maître prévoyait
l’objection de lecteurs, qui navaient aucunement opté pour la vie monastique.
Mais sans jouer au cénobite, le salésien peut se réserver des plages de tranquillité.
Sil est des jours qui ne laissent pas une seule minute à sa disposition, dautres lui
concèdent un peu de liberté. Le recteur demandait à cet endroit de relire avec lui
quelques pages de FIntroduction à la vie dévote sur la retraitte spirituelle”4. A
lévidence, les considérations de saint François de Sales sur le recueillement en
Dieu le délectaient:
Les maîtres spirituels salésiens du vingtième siècle ont vécu, décrit et
recommandé cette union sous sa forme consciente dans l’action et dans la prière.
Union à Dieu équivalait pour eux à intériorité spirituelle, c’est-à-dire à la capacité
de rencontre intime et voulue du Seigneur. Après don Bosco, “union à Dieu”
personnifiée, expliquait don Ceria5, ses successeurs ont recommandé et, surtout

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dans les cas des bienheureux Michèle Rua et Filippo Rinaldi, clairement vécu une
union à Dieu, quils nimaginaient pas en dehors de la médiation du Christ. Loubli
et la négligence de Dieu dans le détail de lexistence leur paraissaient être signes
de rupture avec Lui.
Les recommandations et les témoignages sur lunion à Dieu ont donc
abondé dans la littérature salésienne de ce temps. Quelques traits de deux figures
caractéristiques suffiront à le démontrer. Don Rua était homme de prière et
méditation. Jai toujours noté chez lui une union continuelle avec Dieu, même au
milieu de ses multiples occupations, témoignait son confrère Giovanni Cagliero6.
Une fille de Marie auxiliatrice témoignait de son côté : Il nous recommandait
beaucoup la prière et la méditation et, en particulier, d’apprendre à converser
familièrement avec Dieu et à vivre ainsi en union permanente avec Lui, sans quoi
le travail nétait pas sanctifié et lesprit de don Bosco ne vivait pas en nous.”7 Son
union continuelle avec Dieufaisait quil en adorait les très saints vouloirs pour
tout événement, quil fut triste ou joyeux, et quil cherchait diligemment à
connaître la volonté de Dieu pour s’y conformer exactement dans toutes ses
entreprises”, expliquait un autre de ses confrères.8
Les exhortations du bienheureux Filippo Rinaldi sur l’union à Dieu furent
innombrables. Par exemple, il recommandait à une religieuse salésienne dêtre
toujours présente et unie au Seigneur vivant en elle : union à Dieu dans le travail
et dans la récréation comme dans la prière, comme devant leucharistie ; union de
jour comme de nuit, dans la veille et dans le sommeil ; union pour accomplir
toujours la volonté du Seigneur dans les souffrances et dans les humiliations aussi
bien que dans lallégresse exubérante9. Il déplorait chez les salésiens, ses fils, une
certaine méconnaissance du vrai visage de don Bosco. Ils ignorent trop sa vie
intérieure. H faudrait parler de don Bosco comme de lapôtre selon dom Chautard,
qui vit uni à Dieu et seulement pour les âmes10. Quand viendra son procès de
canonisation, le postulateur de la cause synthétisera : Unanimes sont les
dépositions sur lunion à Dieu qui donnait à sa personne une sérénité
surnaturelle11. Lun des témoins du procès apostolique affirma : Don Rinaldi
donnait à l’observateur l’impression dun homme en union continuelle avec Dieu.
C’est peut-être cette profonde vie intérieure qui lui infusait le calme serein, doux
et paisible, qui le rendait toujours égal à lui-même, toujours sainement optimiste
comme don Bosco.12
Don Rua et don Rinaldi, témoins de premier rang de la spiritualité
salésienne, prêchaient de bien des manières l’union constante à Dieu.
Les leçons du recteur Viganô
A la fin du siècle, le recteur Egidio Viganô, théologien de métier,
sappliqua à approfondir la notion d’union à Dieu parmi les siens. On conçoit
l’importance que prend pour tout consacré l’attitude permanente dunion avec
Dieu, écrivait-il. Et il commentait. Cette attitude fait faire au salésien lexpérience
de la “paternité divine. Toujours en dialogue simple et cordial avec le Christ
vivant et avec son Père quil sent proche de lui, il demeure attentif à la présence

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587
de lEsprit. Parce qu’il accomplit toutes choses par amour de Dieu, il devient,
comme don Bosco, “contemplatif dans l’action”13. Dans lunion sa contemplation
nest pas celle dun Dieu amorphe et sans visage, mais d’un Dieu à la physionomie
bien définie et dans une perspective très concrète. Le salésien ne contemple pas
son Dieu pour fuir une réalité quotidienne pesante et grise, mais pour ly découvrir
dans sa transcendance. Il adore l’Amour infini qui a créé et racheté le monde. Le
Dieu avec qui il communie est un Père riche en miséricorde”, un Fils incarné
parmi nous et rédempteur”, un Esprit inséré dans l’aventure humaine avec sa
puissance sanctificatrice, en somme un Dieu littéralement immergé dans toute la
réalité de lhomme. Cette union contemplative permanente lui fait célébrer, par son
travail et toute son existence, la liturgie de la vie14.
La béatification de don Rinaldi (1990) amena ce recteur à beaucoup
insister sur lunion à Dieu indispensable au spirituel salésien. L’union à Dieu
donnait son véritable sens à la vie intérieure du nouveau bienheureux. Les filles de
Marie auxiliatrice avaient entendu ses explications dans une étrenne spirituelle
quil leur destinait pour lannée 1931. Don Viganô les répétait. Après avoir
recommandé aux salésiennes d’unir en elles-mêmes l’activité de Marthe et la
contemplation de Marie par une vie intérieure simple, évangélique, pratique et
laborieuse, don Rinaldi sétait tourné vers son maître et modèle. Don Bosco,
écrivait-il, a uni dans sa personne avec le maximum de perfection une activité
externe, infatigable, absorbante, très vaste, pleine de responsabilités, avec une vie
intérieure fondée sur le sens de la présence de Dieu ( ... ), qui, progressivement,
sactualise, persiste et prend toute sa forme en parfaite union à Dieu.15
Don Viganô commentait : “Le secret de notre esprit est lunion à Dieu,
qui est à sa base et par-dessus tout16. Et il analysait trois conséquences de lunion
pour le disciple de don Bosco : la passion des âmes, le travail apostolique sans
répit et la fidélité quotidienne à la prière. L’union au Seigneur nous introduit dans
le coeur de Dieu Père, riche damour infini envers les âmes, c’est-à-dire envers
les hommes, pour leur évangélisation et leur salut. Don Bosco, écrivait-il en
reprenant des formules de don Rinaldi, était parvenu à se perdre tout entier en
Dieu, en Notre Seigneur Jésus Christ. A partir de cette admirable union, il s’était
lancé au secours des âmes avec l’ardeur de la charité du Rédempteur divin, de
manière à ne plus vivre et à ne plus respirer que pour les âmes. Les salésiens
devraient faire grandir en eux jour après jour, minute après minute, leur charité
envers Dieu et Notre Seigneur Jésus Christ, jusquà la “bienheureuse unionque
Jésus a enseignée. Alors les âmes ne seront plus pour eux que Jésus lui-même, et
ils seront avec Lui une seule chose pour les âmes, à lexemple de leur Père don
Bosco. La prière est essentielle à cette démarche dunion. Comment caractériser
l’esprit salésien ? s’était un jour demandé don Rinaldi. H avait répondu : Activité
inlassable sanctifiée par la prière et lunion à Dieu.17 La prière en question,
précisait don Viganô, est lespace indispensable de temps consacré explicitement
au dialogue avec le Seigneur dans les pratiques de piété de la vie salésienne : la
méditation de la Parole de Dieu, la récitation de la liturgie des Heures, la lecture
spirituelle, la célébration de l’eucharistie, l’exercice de conversion par le sacrement
de pénitence. Cet espace quotidien, matin et soir, a ses temps forts chaque mois et
chaque année, lors des récollections et des retraites spirituelles. Don Rinaldi se

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dresse” (si erge) ainsi dans la Famille salésienne comme linterprète le plus
authentique et le plus autorisé de l’intériorité apostolique selon l’esprit de don
Bosco, estimait le recteur Viganô.18
Lunion à Dieu dans les textes statutaires
Lunion à Dieu a pénétré les divers textes législatifs récents de la Famille
salésienne. Décrivant l’“espritde leur congrégation, les salésiens affirment
cultiver lunion à Dieu, convaincus qu’ils sont de devoir prier sans cesse en
dialogue avec le Christ et son Père des cieux. Leur inlassable activité est sanctifiée
par la prière et l’“union à Dieu”.19 Dociles à l’action de l’Esprit saint, les filles de
Marie auxiliatrice “persévèrent dans la prière avec Marie et comme Marie pour
intensifier leur union à Dieu. Le premier temps de leur formation a dabord pour
but de fortifier en elles “la vie d’union à Dieu. Conclusion d’une vie d’union au
Seigneur, la mort est pour elles le moment de l’“union totale à Dieu”20. L’“union
profondede la Volontaire avec la très sainte Trinité sactualise dans la prière
quotidienne, en particulier dans l’Eucharistie.21 Quant au coopérateur salésien, il
enracine son action dans l’union à Dieu”. Sans union à Jésus Christ, il ne peut
rien de bon pour son âme. Il semploie donc généreusement à croître dans lunion
à Dieu.22
Enfin un long article de la Charte de communion de 1995, intitulé :
Lunion à Dieu et le style de la prière”, a été consacré à cette union à Dieu. La
doctrine désormais acquise du recteur Viganô sur lunion à Dieu dans la prière et
dans laction sy retrouve synthétisée. Don Bosco, commençait l’article, a été
défini lunion à Dieu”. Cest une réalité que la Famille salésienne veut
approfondir pour comprendre “l’intensité orante(intensità orante) du Da mihi
animas, en quoi consistait la prière du saint fondateur. Le but dernier de la prière,
pour saint François de Sales et pour don Bosco, était lunion à Dieu dans une vie
nouvelle”. Us pourraient ainsi répéter en vérité la phrase de saint Paul : Je vis,
mais ce nest plus moi qui vis, c’est Jésus Christ qui vit en moi.’’(Galates 2, 20.)
La prière salésienne, qui aide à sortir de soi pour réaliser lunion à Dieu dans
l’extase de la vie et de laction(estasi délia vita e dellazione), débouche de la
sorte dans la charité. H s’agit d’une attitude intérieure(atteggiamento interiore
di carità) orientée vers l’action apostolique, qui la concrétise, la rend manifeste, la
fait croître et lui donne sa perfection.23
Notes
1. Formules de Vatican II, Gaudium et spes, n. 19.
2. Pour une première idée sur les modes de lunion à Dieu et la progression dans cette
union, on pourra consulter larticle sommaire de M. Dupuy, Union à Dieu, Dictionnaire de
spiritualité, t. XVI, 1994, col. 40-61.
3. Altra condizione indispensabile per il fruttuoso esercizio della virtù è il
raccoglimento, che è lanima dogni vita interiore.(P. Albera, Don Bosco modello del
Sacerdote Salesiano, Lettre aux prêtres salésiens, 19 mars 1921, L. C., p. 428.)

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4. Introduction à la vie dévote, deuxième partie, chap. XÜ-XIII, passim.
5. E. Cena, Don Bosco con Dio, Turin, 1929. Edition revue et augmentée pour la
collection Formazione salesiana, Colle Don Bosco, Asti, 1947.
6. Notai in lui sempre ununione continua con Dio anche in mezzo alle sue molteplici
occupazioni(G. Caglierò, Procès ordinaire de don Rua, ad 16um, dans Positio super virtutibus.
Summarium, p. 315).
7. Raccomandava molto a noi la preghiera e la meditazione e più particolarmente di
imparare a conversare familiarmente con Dio e a vivere così di una continua unione con Dio
senza che il lavoro non restava santificato e non viveva in noi lo spirito di D. Bosco.(Enrica
Soibone, Procès ordinaire de Don Rua, ad 15um-17um, dans Positio super virtutibus.
Summarium, p. 381.)
8. Questa continua unione con Dio faceva che egli ne adorasse i santissimi voleri in
ogni avvenimento o lieto o triste, e che cercasse con ogni diligenza di conoscere la volontà di Dio
per uniformarsi ad essa esattamente in tutte le sue imprese ed azioni.(G. Barberis, Procès
ordinaire de don Rua, ad 20um, dans Positio super virtutibus. Summarium, p. 545.)
9. Unione con Dio nel lavoro e nella ricreazione come nella preghiera, come davanti
alleucaristia, unione di giorno come di notte, vegliando e dormendo ; unione facendo sempre la
volontà del Signore nelle sofferenze e nelle umiliazioni come nella esuberanza dell’allegria”.
(Lettre de F. Rinaldi à ime fille de Marie auxiliatrice, dans E. Cena, Vita del Servo di Dio Sac.
Filippo Rinaldi, Turin, SEI, 1948, p. 329.).
10. Conversation du 3 mars 1930 devant E. Cena, reproduite par celui-ci dans Vita ...,
citée, p. 441-442. Don Rinaldi faisait allusion au livre alors célèbre de Jean-Baptiste Chautard,
L'âme de tout apostolat.
11. Sulla unione che dava serenità soprannaturale alla sua persona sono unanimi le
deposizioni(L. Fiora, Informatio super virtutibus, Roma, 1983, p. 71.)
12. Don Rinaldi a chi lo osservava dava limpressione di un uomo in continua unione
con Dio. Forse è questa sua profonda vita interiore che gli alimentava quella calma serena, dolce
e mansueta, che lo rendeva sempre uguale a se stesso, sempre sanamente ottimista come Don
Bosco.” (P. Zerbino, Procès apostolique de don Rinaldi, ad 15um, Summarium, p. 418.)
13. Si comprende la straordinaria importanza che ha per ogni consacrato”
latteggiamento permanente di unione con Dio. Questo atteggiamento porta il salesiano a fare
esperienza della paternità di Dio. Egli è sempre in dialogo semplice e cordiale con il Cristo
vivo e con il Padre che sente vicino. Attento alla presenza dello Spirito e compiendo tutto per
amore di Dio, diventa, come Don Bosco, contemplativo nellazione.(E. Viganò, Il testo
rinnovato della nostra Regola di vita”, Lettre aux salésiens, 29 octobre 1984, Atti 312, p. 24.)
14. Ces considérations dans la lettre de don Viganò, même page.
15. Ha immedesimato alla massima perfezione la sua attività esterna, indefessa,
assorbente, vastissima, piena di responsabilità, con una vita interiore che ebbe principio dal
senso della presenza di Dio (...) e che, un po’ per volta, diviene attuale, persistente e viva così
da essere perfetta unione con Dio.(E. Viganò, Don Filippo Rinaldi genuino testimone e
interprete dello spirito salesiano, Lettre aux salésiens, 5 décembre 1989, Atti 332, p. 37-38.)
16. ’’Dunque il segreto del nostro spirito è lunione con Dio a fondamento e al di sopra
di mito.(Même lettre de don Viganò, p. 38.)
17. Operosità instancabile santificata dalla preghiera e dalla unione con Dio(Même
lettre de don Viganò, p. 46.)
18. Même lettre de don Viganò, p. 48.
19. Costituzioni SDB, art. 12 et 95.
20. Elles disent être perseveranti nella preghiera con Maria e come Maria per
intensificare la nostra comunione con Dio. La fedeltà vissuta in pienezza ha il suo compimento
nella morte, supremo sigillo della professione religiosa, momento dellunione totale con Dio.”
(Costituzioni FMA, art. 37, 96 et 107.)
21. Questa unione profonda con la SS. Trinità si attua nella preghiera quotidiana.
(Costituzioni VDB, art. 42.)
22. Regolamento di Vita Apostolica, art. 30, 32, 37.
23. Lunione con Dio e lo stile di preghiera”, Carta di comunione, art. 20.

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Vertu
La vertu humanise lhomme et la société
La vertu, mot qui napparaissait pas dans les index des circulaires des
recteurs Luigi Ricceri (1965-1977) et Egidio Viganô (1978-1995), refaisait
surface à l’extrémité du siècle. Aujourdhui, avec la poursuite du dialogue
oecuménique et séculier de nos sociétés pluralistes, les théologiens catholiques
découvrent des aspects négligés du renouveau de la morale depuis le Concile :
ceux de la vertu, de la formation de la personne comme caractère, de la
construction de soi et de l’importance de la narrativité et du récit dans la
structuration des normes morales ... La vertu, dans ce nouveau courant
théologique, nest pas à voir seulement comme une qualité pour la perfection de
notre vie humaine, elle doit avoir des conséquences sociales et politiques ...1,1 Les
vertus reparaissaient donc dans le discours religieux ; et les biographies édifiantes
qui les décrivent, honnies hier, pouvaient bourgeonner et refleurir au début dun
autre millénaire.2
Mais, au fait, qu’est-ce que la vertu ? Ce mot désignait souvent de
préférence, dans l’ancien monde salésien, la seule pureté des moeurs. La vertu de
pureté enveloppait toute la personne. La spiritualité commune des catholiques du
temps y incitait. Un témoin du bienheureux Filippo Rinaldi en Espagne disait par
exemple de lui : Sa piété était exquise, ses paroles dégageaient un parfum suave
de vertu, elles encourageaient à devenir meilleurs, en évitant les manquements et
en corrigeant les défauts. Par de saintes et attrayantes industries, il. nous facilitait le
chemin de la vertu et nous y faisait entrer, pour ainsi dire, sans que nous nous en
apercevions.3 Les premières générations salésiennes se gardaient toutefois d’en
rester là. La vertu est un habitus du bien penser et du bien faire. La vertu fait
grandir. Toutes les vertus intéressaient ces éducateurs par vocation.
Distinguons la vertu et les vertus. La vertu est la qualité de lêtre
vertueux. Le salésien a confiance en la nature humaine. Dans la mesure il nest
pas perverti, lêtre humain, croyant ou non, recèle en soi, par une tension inscrite
dans sa chair vers le beau, le bien et le vrai, des appels à être vertueux. Au sens le
plus riche du terme, vertueux veut dire : être fort au dedans de soi, plein de
grandeur d’âme, riche de beaux sentiments, courageux dans la vérité, audacieux
dans la liberté, constant dans la responsabilité, généreux dans lamour, invincible
dans lespérance. Toutefois le bonheur dêtre pleinement homme ou femme ne
s’obtient que par le sacrifice : la vertu est coûteuse. L’acquisition de biens
périssables ne rend pas meilleur. L’être vertueux nattend pas des autres ce dont il
est lui-même capable et, sil se connaît un peu, ce quil se sent appelé à être et à
faire.4 Dans sa lettre aux Romains saint Paul traçait à ses correspondants un
chemin de vertu personnelle et sociale : Que votre amour soit sans hypocrisie.
Soyez unis les uns aux autres par laffection fraternelle ... Aux jours despérance,

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soyez dans la joie ... Que votre maison soit toujours accueillante ... Partagez avec
ceux qui sont dans le besoin ... N’ayez pas le goût des grandeurs ... Ne rendez à
personne le mal pour le mal ... Ne vous laissez pas vaincre par le mal, soyez
vainqueurs du mal par le bien.(Romains 12, 9-21.) Combien agréable, quoique
très improbable ici-bas, une société la vertuserait le fait de tous ses membres
!
Et puis il y a les vertus. Saint François de Sales avait toutefois conseillé à
sa Philothée de les bien choisir, quand elle tentait de les cultiver en elle-même. H
intitulait le premier chapitre dun long développement sur ce thème : Du choix
que l’on doit faire quant à l’exercice des vertus5. Il y a certes des vertus dusage
quasi universel. Si les occasions de pratiquer la force, la magnanimité ou la
magnificence sont plutôt rares pour le commun des mortels, la douceur, la
tempérance, lhonnêteté (au sens que lui donnait François) et l’humilité sont de ces
vertus dont toutes les actions de nostre vie doivent estre teintes. Mis en
demeure de choisir, continuait François, on préférera lexercice des vertus les plus
conformes à son devoir propre, non pas ce qui est conforme à son goût. Autres
sont les vertus dun prélat, autres celles dun prince, autres celles d’un soldat,
autres celles d’une femme mariee, autres celles d’une vefve. Chacun sadonnera
donc particulièrement aux vertus requises par son genre de vie. Et puis, il faut
tenir compte de ses propensions à mal faire, ce que d’autres temps appelaient les
passions. Si un vice nous étreint, il faut, tant quil est possible, opter pour la
pratique de la vertu contraire, recommandait François. Cest un moyen de
vaincre l’Ennemi ét davancer en un peu toutes les vertus. Si je suis combattu par
l’orgueil ou par la cholere, il faut quen toute chose je me panche et plie du costé
de l’humilité et de la douceur, et qua cela je face servir les autres exercices de
l’orayson, des Sacremens, de la prudence, de la constance, de la sobriété.” Et saint
François de sétendre longuement sur une série de vertus auxquelles on ne pense
pas beaucoup : la patience, lhumilité, la douceur, lobéissance, la chasteté, la
pauvreté desprit, l’amitié, la mortification, la bienséance, lhonnêteté des paroles
et des actes et enfin la fidélité.6
C’était des vertus bien naturelles. Au chapitre des vertus, dans une
lettre dexhortation aux siens sur Don Bosco modèle du prêtre salésien, don
Albera, bon disciple de saint François de Sales, remarquait : H ne faut
certainement pas négliger les vertus dites humaines ou naturelles, qui forment
lhomme au vrai sens du mot, lhomme de coeur et de caractère : comme la bonté,
la droiture, la générosité, la constance, etc.”7 Les vertus naturelles, autrement dit
de la nature, embellissent l’homme et améliorent la société humaine.
Les vertus civilisent un monde perpétuellement tenté par sa sauvagerie
latente. Don Bosco le montrait par lun de ses premiers livres importants, le
savoir-vivre apparaissait dans le titre accolé à la vertu. C’était Le chrétien guidé à
la vertu et à la civilité selon lesprit de Saint Vincent de Paul, il célébrait
successivement la charité, la douceur, l’égalité dhumeur, l’humilité, la foi, la
mortification, la patience, la pauvreté, la prudence, la pureté, lesprit de
reconnaissance, le respect envers les autorités, la simplicité, la confiance en Dieu,
le zèle et enfin le détachement des choses terrestres de saint Vincent8.

20.4 Page 194

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592
La pratique de la vertu par le spirituel salésien
Les maîtres spirituels salésiens dautrefois ne pouvaient qu’encourager
leurs disciples à la pratique de la et des vertus. Dans leurs maisons, les fioretti
(bouquets spirituels) des neuf jours préparatoires aux fêtes religieuses nétaient
souvent que des invitations à la pratique de telle ou telle vertu. Comme pour
l’auteur de VImitation de Jésus-Christ, il fallait aux disciples, surtout par une
pratique généreuse et fidèle, apprendre à connaître le prix et la fécondité de la
vertu. Dans leur cas, la “vertu chrétiennenétait pas une maîtrise de soi ou un
savoir-faire, pas plus quun garde-fou qui empêche de se laisser égarer par les
“passions”. Cétait une manière dêtre et d’agir selon le Christ. La vertu
chrétiennede ces maîtres était faite avant tout des attitudes évangéliques
dhumilité, de componction, de renoncement à soi-même, de charité surtout. La
charité avait une place de choix parmi les vertus salésiennes.
Les énumérations sont instructives, elles nous disent les vertus propres
aux disciples de don Bosco. Pratiquons exactement les vertus qui forment un bon
religieux, écrivait le recteur Michèle Rua ; soyons obéissants par motif de foi ;
soyons chastes, parce que la chasteté doit être la perle la plus resplendissante de la
couronne des salésiens ; soyons charitables, patients, doux envers notre prochain,
spécialement envers la jeunesse, que le bon Dieu dirige chaque année si nombreuse
vers nos maisons
Sous le titre : Les vertus du salésien”, une circulaire de ce
recteur ne parla que de charité fraternelle.10
Les filles de Marie auxiliatrice ouvrent leur recueil de nouvelles
constitutions par un tableau en quatre points des vertus que, selon les conseils de
don Bosco dans leurs Règles primitives, il leur faut pratiquer. Ces vertus doivent,
souligne le texte, être bien éprouvées et bien enracinées(molto provate e
radicaté) en elles. Les voici : “1. Charité patiente et pénétrée de zèle, non
seulement avec les enfants, mais encore envers les jeunes et toute autre personne
en vue de procurer le plus grand bien possible à leurs âmes. - 2. Simplicité et
modestie accompagnées de sainte allégresse ; esprit de mortification intérieure et
extérieure ; rigoureuse observance de la pauvreté. - 3. Obéissance de volonté et de
jugement et humilité qui conduira à accepter volontiers et sans commentaires les
avis et remarques, ainsi que les tâches qui sont confiées. - 4. Esprit doraison avec
lequel les soeurs se livreront de bon gré aux oeuvres de piété, se tiendront en
présence de Dieu et sabandonneront à sa douce Providence.11 Cétait et ce sont
encore les vertus évangéliquesdes salésiennes, qui, bien assimilées autrefois par
le monde de mère Mazzarello, ont créé le climat dit desprit de Momese”,
quelles cherchent à faire revivre dans toutes leurs communautés. On la condensé
en ces termes : Cest un contexte de vie simple, où, traversés de charité
évangélique, saffirment sans sopposer laustérité et la joie, le silence et lélan
apostolique essentiellement missionnaire, l’esprit de labeur et celui d’infatigable
prière12.
Le recteur Albera, soucieux de la vie intérieure des siens, leur
recommandait de préférence une série de vertus dénommées par lui chrétiennes,
cest-à-dire réclamées par l’exemple et les leçons du Christ, qui constituaient,

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disait-il, la base granitique de (leur) vie spirituelle13. H alignait la foi, lespérance,
l’amour de Dieu et du prochain, la religion, lhumilité, la mortification, la
pauvreté, la chasteté, l’obéissance, la justice. Dans ce domaine surtout, la vertu,
enseignait-il, est une conquête, qui exige de la persévérance et de lattention à
Dieu. Linconstance, malheureusement fréquente dans l’activité continue, sinon
“vertigineuse”, des salésiens du temps, nuisait selon lui à la qualité de leurs vertus.
Chez l’inconstant, la diligence de la jeunesse ne persiste pas au cours des années.
La dissipation et la mollesse surviennent. Avec le courage et la générosité, la
ferveur diminue et sévanouit. Les inconstants, après avoir lutté un temps contre
leurs défauts, retrouvent les anciennes ornières, les vertus senlisent bientôt...
L’esprit du Seigneur, qui rappelle ce que le Christ enseigna, pourrait les ramener
sur la voie droite.
L’ensemble de la spiritualité salésienne, aussi bien de saint François de
Sales que de saint Jean Bosco, qui est une spiritualité daction apostolique,
équilibre la perspective intimiste de don Albera. La mentalité individualiste et
subjective, que certains dénonceraient volontiers à l’origine de ses propos, peut
décevoir les exigences et le souci daction d’un esprit moderne. Car le sens
profond de la vie spirituelle ne se trouve pas dans la seule intériorité. Mais le
rappel est opportun au spirituel salésien, qui, à l’avantage de la seule dimension
horizontale, abandonnerait volontiers aux moines la pratique de la dimension
verticale de la spiritualité. Lui qui, en fin de siècle, sest targué dêtre
“contemplatif dans l’action” a quelques bonnes raisons de méditer ces réflexions
des maîtres d’autrefois. Une vie dans la vertu selon lEsprit saint, seule vie
authentiquement spirituelle pour le chrétien, est nécessairement une vie d’union à
Dieu. Don Bosco lui fournit un remarquable modèle de vie dunion active et
vertueuse avec le Seigneur.
Notes
1. G. Médevielle, Arrivés après la bataille”, Revue d’éthique et de théologie morale,
200, mars 1997, p. 123.
2. Malgré les sarcasmes de quelque chroniqueur patenté (Roger Pol-Droit), oublieux
des exemples de Platon, Epictète, Plutarque ou Montaigne, le livre d’André Comte-Sponville,
Petit traité des grandes vertus, Paris, PUF, 1995, est aussitôt devenu un best-seller.
3. Era squisita la sua pietà, le sue parole spiravano soave fragranza di virtù,
infondevano coraggio a farsi migliori, evitando le mancanze e correggendosi degli difetti. Con
sante e attraenti industrie ci facilitava il cammino della virtù e vi ci faceva entrare, per cosi dire,
senza che ce ne accorgessimo.(Témoignage du salésien Gregorio Ferro accolé à des lignes sur
la Purissima, dans E. Ceria, Vita del Servo di Dio Sac. Filippo Rinaldi, SEI, 1948, p. 80.)
4. Formules empruntées à Jean-Paul II, Homélie à Camagüey (Cuba), 23 janvier 1998.
La citation suivante de saint Paul a été elle aussi recopiée dans ce discours.
5. Introduction à la vie dévote, troisième partie, chap. premier.
6. Introduction à la vie dévote, troisième partie, chap. ni-XLI.
7. ... non sono cereto da trascurare quelle [virtù] dette umanbe o naturali, che
formano luomo nel senso genuino della parola, l’uomo di cuore e di carattere : come la bontà, la
rettitudine, la generosità, la costanza, etc.” (P. Albera, Don Bosco modello del Sacerdote
Salesiano, Lettre aux prêtres salésiens, 19 mars 1921, L. C., p. 428.)

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8. Il Cristiano guidato alla virtù ed alla civiltà secondo lo spirito di San Vincenzo de
Paoli, Turin, Paravia et Comp., 1848.8. ... non sono certo da trascurare quelle [virtù] dette
umane o naturali, che formano l’uomo nel senso genuino della parola, l’uomo di cuore e di
carattere : come la bontà, la rettitudine, la generosità, la costanza, etc.” (P. Albera, Don Bosco
modello del Sacerdote Salesiano, Lettre aux prêtres salésiens, 19 mars 1921, L.C., p. 428.)
9. Pratichiamo con esattezza le virtù che formano un buon religioso ; siamo
obbedienti per motivo di fede ; siamo casti, perchè la castità deve essere la gemma più splendida
nella corona dei Salesiani ; siamo caritatevoli, pazienti, mansueti verso il prossimo, specialmente
verso la gioventù, che ogni anno il buon Dio cosi numerosa invia alle nostre case ... (M. Rua,
Lettre aux salésiens, 6 juin 1890, L.C., p. 48.)
10. Car le titre Le virtù del Salesiano”, de la lettre édifiante 9 de don Rua (Turin,
24 juin 1907) est peu adapté à son contenu. Après un paragraphe sur la charité fraternelle, don
Rua n’y communiquait que quelques nouvelles.
11. 1. Carità paziente e zelante non solo verso l’infanzia, ma ancora verso le giovani
e verso qualsiasi persona allo scopo di fare il maggior bene possibile alle anime. - 2. Semplicità e
modestia con santa allegrezza ; spirito di mortificarione interna ed esterna ; rigorosa osservanza
di povertà. - 3. Obbedienza di volontà e di giudizio ed umiltà nell’accettare volentieri e senza
osservazione gli avvisi e correzioni, e quegli uffici che vengono affidati. - 4. Spirito di orazione
col quale le suore attendano di buon grado alle opere di pietà, si tengano alla presenza di Dio ed
abbandonate alla sua dolce Provvidenza.{Tratti caratteristici della FMA delineati da don
Bosco nelle prime Costituzioni, in Costituzioni FMA, 1982, éd. bilingue italo-française, p.
20-21.)
12. “Esso è un contesto di vita semplice, nel quale, animati dalla carità evangelica,
spiccano senza contrasti lausterità e la letizia, il silenzio e lo slancio apostolico essenzialmente
missionario, lo spirito di laboriosità e di instancabile preghiera.(Maria Ester Posada, “Elementi
caratteristici della spiritualità delle Figlie di Maria Ausiliatrice, dans le recueil Spiritualità
dellazione (a cura di M Midali), Roma, LAS, 1977, p. 293.)
13. Ma la base granitica della nostra vita spirituale dev’essere costituita dalle virtù
cristiane” (P. Albera, Don Bosco modello del Sacerdote Salesiano, cit, p. 428.)

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Vicuña, Laura
Laura élève des filles de Marie Auxiliatrice
Une oeuvre salésienne avait été fondée en 1893 dans le village de Junin de
los Andes (partie méridionale de l’Argentine, à la hauteur de Valdivia dans le Chili
voisin, sur lautre versant des Andes). Un jour de février 1900, Mercedes Pino y
présenta ses filles Amanda, presque 8 ans (née le 22 mai 1892) et Laura, presque 9
ans (née le 5 avril 1891 et baptisée le 24 mai suivant à Santiago du Chili) au
salésien Augusto Crestanello, directeur-substitut de l’ensemble, et à la salésienne
Angela Piai, directrice de la section féminine.1 Les deux petites ne se ressemblaient
guère. Laura Vicuña, du nom de son père chilien (disparu pour nous l’année de sa
naissance), tranquille et réfléchie, visage rond, légèrement rosé, grands yeux noirs,
sourire aimable mais contenu, cheveux noirs abondants et toujours peignés, enfin
de santé fragile, était, au physique et au moral, l’opposé de sa jeune soeur
Amanda, noiraude et forte, le visage décidé, vive et espiègle, farceuse qui aimait
rire, intelligente, mais un peu évaporée, ce qui lempêchera de se rendre
rapidement compte des tragédies de sa famille. Montrant Laura, Mercedes dit à
soeur Angela Piai : Elle ne ma jamais causé de peine. Depuis toute petite, elle
sest montrée docile et courageuse.De fait, comme pour Dominique Savio un
demi-siècle auparavant, la vertu était néeavec Laura.
La maison, appelée collège”, était plutôt une petite et misérable baraque.
Les bâtiments exigus ne pouvaient accueillir quune quinzaine dinternes,
auxquelles une vingtaine dexternes sadjoignaient en période scolaire, le tout
gouverné par un personnel de huit salésiennes en 1900 (cinq soeurs, deux
postulantes et une aspirante). Léquipe éducative était jeune, enthousiaste et prête
à tous les dévouements. Laura puisera des leçons d’évangile vécu dans ce monde
de pauvreté et damour généreux, les vocations religieuses germaient
spontanément.
Les deux soeurs, qui avaient tout à apprendre, entrèrent en première
élémentaire. Parmi les disciplines enseignées tenaient une bonne place la couture,
la tenue de maison, le chant (Laura avait une très belle vont) et, par-dessus tout, le
catéchisme, Laura, spirituellement prédisposée, trouva ses délices. La leçon
passée, elle en savourait le contenu et cherchait comment l’appliquer à sa vie.
Cest très probablement au cours de cette année 1900 quelle réalisa la situation
irrégulière de sa maman. Mercedes avait en effet accepté de plus ou moins
cohabiter avec un riche gérant {arrendatario) dun immense territoire délevage de
gros et petit bétail et d’exploitation de terres cultivées, dénommé Manuel Mora,
qui lui donnait du travail dans lune de ses estancias et payait la pension des deux
fillettes. Soeur Rosa Azocar, qui enseignait le catéchisme, témoignera : La
première fois que jeus à expliquer le sacrement de mariage, Laura s’évanouit,

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sans nul doute parce quelle découvrit alors que sa maman vivait dans un état
coupable.” C’était un premier choc, annonciateur du drame de la vie de l’enfant.
Les grandes vacances (janvier-février 1901) dans le rancho, habitait
leur maman à une quinzaine de kilomètres de Junin, ne furent pas gaies pour les
fillettes, surtout pour la sensible et pieuse Laura. L’ambiance : pas de chapelle, pas
d’amitiés, le contact demployés plutôt grossiers, et surtout la présence
intermittente de Manuel Mora, différait diamétralement de celle de l’écolè.
Mercedes apprenait à connaître les humiliations et les brutalités de son patron,
homme sans religion ni scrupules, despote violent, vantard et arrogant, débordant
dinjures et de grossièretés, encore quil ait eu à ses heures des accès romantiques
de galanterie et de générosité. Cétait le type du gaucho argentin de l’époque. Les
gens du pays le dénommaient “le faucon2. A la grande tristesse de Laura, la
pauvre femme semblait avoir abandonné la prière. Elle disait à ses filles : “Vous
pouvez prier, mais, quand Manuel Mora est dans les parages, faites-le en cachette,
sinon il se mettrait en colère.
Enfin, le 1er mars, Laura et Amanda rentrèrent au collège, mon paradis”,
disait Laura. Deux événements de grande portée spirituelle allaient marquer leur
nouvelle année scolaire : la première communion de Laura le 1er mai et son entrée
dans le groupe des Enfants de Marie le 8 décembre. Laura fut admise à la première
communion à lâge de dix ans, alors qu’autour delle on communiait d’ordinaire à
douze ans. Elle fit saintement sa première communion, et cela explique tout,
écrivit dans sa biographie son père spirituel, le P. Crestanello3. Mais, à limmense
bonheur de lenfant, se mêla l’immense déception de ne pas voir sa mère
communier auprès delle. Au soir de ce jour, elle écrivit dans son carnet quatre
résolutions certainement inspirées de celles de Dominique Savio, dont la
biographie écrite par don Bosco était bien connue à Junin : O mon Dieu, je veux
t’aimer et te servir, toi seul : je te donne mon coeur, mon âme, tout mon être. - Je
veux mourir plutôt que de t’offenser par le péché mortel. - Je ferai tout ce que je
pourrai pour que tu sois connu et aimé, et pour réparer les graves offenses que tu
reçois chaque jour des hommes et spécialement des membres de ma famille. - Mon
Dieu, donne-moi une vie damour et de sacrifice.La “vie damour et de sacrifice
de Laura avait commencé. Pour laider à réaliser ce grave programme, elle intégra
le 8 décembre le groupe des Enfants de Marie. Le Manuel des Enfants de Marie
devint dès lors comme sa règle de vie et son livre de chevet. Laura était bien
consciente de ce que signifiaient les paroles du rite dadmission : Vierge conçue
sans péché, je te choisis comme mère et comme protectrice ... Je veux vivre
comme ton enfant dans la sainteté de la vie.Certitude de la présence familière de
Marie et volonté de lui ressembler et de lui plaire seront les deux traits typiques de
la dévotion mariale de la sainte enfant. Le double amour vivant du Christ et de sa
Mère devenait ainsi le pôle de son expérience chrétienne et le moyen de triompher
de l’instabilité de sa première adolescence.
Deux mois de vacances plutôt difficiles suivirent. Et, vers la fin, le
faucon”, pour tourmenter la mère4, lui déclara : Jai décidé de ne plus te donner
un centime pour le collège. Tes deux filles resteront ici à travailler.Avertie, la
supérieure du collège fit dire à Mercedes : Que Laura revienne ! Nous

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l’accepterons gratuitement. Elle paierait sa pension en aidant davantage aux
travaux domestiques et en devenant de quelque manière fille de maison”.
L’offrande et le sacrifice de Laura
Laura na que onze ans. 1902 sera pourtant lannée de son offrande,
prélude au sacrifice de sa vie. Comme lune de ses amies de coeur, elle se sentait
appelée à la vie religieuse. Mais la supérieure de l’école la dissuada denvisager
une demande dentrée au postulat en raison d’“un certain empêchement” (presque
certainement sa naissance “illégitime)5. Ce refus lui fit mal, elle se résigna
cependant. Autre sujet de tristesse, le 29 mars, jour de sa confirmation (par
l’évêque salésien, Mgr Caglierò), sa mère, qui était présente, ne communia pas.
Fortifiée par l’Esprit Saint de sa confirmation, Laura décida alors de soffrir
entièrement à son Dieu et dorienter son sacrifice pour la conversion de Mercedes.
Le P. Crestanello, qui dirigeait son âme, a raconté les étapes de son geste.
On ne l’admettait donc pas à la vie religieuse. Elle pria : O Jésus, je m’offre à Toi
et je veux être à Toi, même si je dois rester dans le monde.”6 Puis, instruite par
son confesseur sur la signification des voeux, vers le milieu de l’année, semble-t-il,
elle obtint de lui la permission de prononcer des voeux privés. Enfin, ulcérée par le
comportement de sa mère, qui ne changeait pas de vie malgré ses prières et ses
sacrifices, elle alla trouver son confesseur et lui dit : Père, permettez-moi doffrir
ma vie au Seigneur et à Marie pour la conversion de maman !Le P. Crestanello,
après avoir demandé le temps de réfléchir et de prier, finit par acquiescer. Alors,
écrit-il, elle courut s’agenouiller au pied de lautel, et versant des larmes de joie,
espérant bien être écoutée de Dieu, elle s’offrit en holocauste à Jésus et à sa chère
Mère Marie.7 Et sa santé commença de donner de sérieuses inquiétudes.
Le reste de l’année scolaire se passa sans grands événements extérieurs.
Vinrent les vacances (janvier-février 1903), que Laura obtint de passer auprès des
soeurs, puis une autre année scolaire commença. Laura vivait son drame secret,
ignoré de toutes ses compagnes, sauf de l’amie de coeur Merceditas. Elle se
montrait plus que jamais fidèle à ses humbles tâches domestiques, aimable et
serviable envers tous, recueillie en Dieu. A douze ans, Laura, qui figurait parmi les
plus grandes du collège, mettait ses forces au service des petites. Son grand
bonheur était de faire la sacristine. On se moquait de la petite sainte. Elle se
faisait rabrouer pour ses conseils : Va te promener ! Tu sens mauvais !(Elle
était affligée dincontinence urinaire.) Laura supportait tout sans se plaindre.
Des douleurs de côté et une méchante toux sinstallèrent en elle. L’hiver
(juin-août) est rude à Junin, à 800 m d’altitude, et, cette année 1903, il fut marqué
par des inondations et par un froid humide persistant. Une toux implacable
secouait Laura, pâle et amaigrie. On la dispensa de certaines tâches. Il fallut la
mettre à part de ses compagnes. Sa mort approchait, se disait la fillette. Au début
de septembre, elle eut encore la grâce de participer à la retraite annuelle prêchée
par le P. Crestanello. Le 15 septembre, Mercedes, avertie de son mal, la retira du
collège pour la soigner dans son estancia. Mais, bien pauvres y étaient les
ressources. Lintervalle, pénible à tous points de vue pour la malade, ne dura

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heureusement quune cinquantaine de jours Avec la permission de Mora,
Mercedes loua à Junin une maisonnette de deux pièces et sy installa avec ses deux
filles dans les premiers jours de novembre.
Laura reparut alors au collège comme externe par intermittences et dans
la mesure de ses forces. Elles le trahirent complètement à la mi-janvier 1904. Le
16, elle salita pour ne plus se relever. Or, un ou deux jours plus tard, Mora
reparut. “Vous essayez de mavoir ! Demain matin, on repart pour Quilquihué
(yestancia), et je compte passer la nuit ici !La scène a été racontée avec le plus
grand soin. Laura supplia sa mère de renvoyer l’homme. Apeurée, Mercedes
tergiversa. “Sil reste, je m’en vais chez les soeurs !, dit Laura. Elle se leva et,
tenant à peine debout, se dirigea vers la porte. Sa mère l’arrêta et, perdant la tête,
alla jusquà la frapper. Sans doute impressionné, Mora tourna les talons. Laura
avait gagné, mais ces minutes d’effroi et d’intense émotion l’avaient épuisée.
Le 22 janvier, son dernier jour, elle se confessa au P. Genghini, reçut
lextrême-onction, put recevoir le viatique et, vers cinq heures du soir, fit appeler
sa mère. En présence de son confesseur, elle lui révéla son offrande et son
sacrifice. Nous ne pouvons que répéter ses propos retransmis par le témoin. “Je
vais mourir, maman. Je l’ai demandé moi-même à Jésus. Il y a deux ans, je lui ai
offert ma vie pour obtenir que tu reviennes à Lui. ... Oh ! maman, si, avant de
mourir, je pouvais avoir la joie de te savoir en paix avec le Seigneur !Mercedes
seffondra bouleversée. Cest donc moi qui ai été la cause de tes souflfrnces ! Oh,
Laura, je te le promets, je te le jure, je ferai ce que tu demandes.Laura baisa son
crucifix et sa médaille denfant de Marie. “Merci, Jésus ! Merci, Marie !
Maintenant je meurs contente.Et elle expira paisiblement. Il était 18 heures. Dans
la soirée, Mora fit une visite furtive à la maisonnette. Pauvre petite, dit-il devant
Laura vêtue de blanc. Combien je regrette sa mort; et il paya à l’avance les
dépenses de la sépulture. Le lendemain, Mercedes se confessa au P. Genghini, puis
communia à la messe des funérailles de Laura. Elle avait eu la force de tenir sa
promesse.
Mora, lui, qui prétendait ramener Mercedes à 1’estancia, allant jusquà la
menacer de son revolver, n’avait pas renoncé à elle. Le P. Genghini s’interposa.
Mercedes se cacha chez des amis et prit la fuite, déguisée, pour repartir avec
Amanda au Chili, sa patrie. Elle reviendra à Junin quand elle aura appris que Mora
nétait plus8.
La glorification de Laura
Grâce à quelques témoins admiratifs, le souvenir de l’héroïque fillette
persista au Chili et en Argentine. Le 3 septembre 1988, à Colle Don Bosco,
Jean-Paul II béatifia Laura Vicuña, fleur eucharistique de Junin de los Andes,
dont la vie fut un poème de pureté, de sacrifice et d’amour filial”, comme il se plut
à le dire dans son homélie, répétant l’inscription de sa tombe.9 Malgré son
jeune âge, Laura Vicuña avait parfaitement compris que le sens de la vie est de
connaître et d’aimer le Christ.Elle avait aussi compris, poursuivait le pape, que,
ce qui compte, cest la vie étemelle, et que tout ce qui est dans le monde et du

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monde passe inexorablement.Enfin le pape souhaitait que la douce figure de la
bienheureuse Laura , gloire très pure de l’Argentine et du Chili ( ... ), enseigne à
tous que, avec l’aide de la grâce, on peut triompher du mal, et que lidéal
d’innocence et damour, aussi dénigré et attaqué quil soit, ne pourra jamais, en
définitive, ne pas resplendir et éclairer les coeurs.La lumière de Laura se
répandait désormais sur le monde entier.
Notes
1. L’histoire de Laura Vicuña est résumée ici d’après Ciro Brugna, Aportes para el
conoscimiento de Laura Vicuña, Buenos Aires, 1990, qui contient en finale la reproduction
exacte de la Vida de Laura Vicuña, alumno de las Hijas de Maria Auxiliadora é Hija de Maria
Immaculada, Santiago, Escuela tip. Gratitud Nacional”, 1911, 96 p., oeuvre du P. Augusto
Crestanello, son confesseur ; Luigi Castaño, Santità e martirio di Laura Vicuña, Rome, éd.
FMA, 1990 ; et Joseph Aubiy, Une rose des Andes : la bienheureuse Laure Vicuña, dans Les
saints de la famille, Rome, éd. S.D.B., 1996, p. 219-242, dont plusieurs passages ont été repris
textuellement pour cette notice.
2. Description circonstanciée de la personnalité et de la famille de Manuel Mora dans
Ciro Brugna, Aportes ..., p. 59-81
3. Hizo santamente su primera Comunión y esto lo explica todo.” (A. Crestanello,
Vida citée, p. 22.)
4. H semble prouvé que Mercedes, en dautres circonstances, fut attachée à un poteau
et fouettée, et probablement marquée une fois au fer rouge.
5 ... Esto era su sueño dorado. Trabajar por el bien de las niñas. Mas habia algo que
impedia su santa aspiración. Qué dolor para su tierno corazón”, écrivait A. Crestanello, Vida,
chap. IV, p. 24. Etait-ce seulement la situation irrégulière de sa mère ? Ou plutôt la naissance
illégitime de lenfant ? Don Castaño a longuement défendu la légitimité de cette naissance dans
Santità e martirio, p. 134-138. Mais son argumentation, même fondée sur une documentation
importante, nest nullement convaincante. Celle de Ciro Brugna, persuadé de la non-existence
du mariage de Mercedes Pino avec Domingo Vicuña (Aportes ... , p. 161-172), lest beaucoup
plus. Hormis cette illégitimité, on n’imagine pas l’“empêchementque pouvaient invoquer les
filles de Marie auxiliatrice pour refuser à lenfant son entrée dans leur institut C’était aussi le
sentiment du P. Aubry dans son article.
6. Oh Jesús, aun cuando no pueda ser recibida entre aquellas que se consagran a Ti en
la Congregación, no obstante à Ti me ofrezco, quiero ser toda tuya, aunque tenga que
permanecer en el mundo” (A. Crestanello, Vida citée, chap. IV, p. 25.)
7. La pequeña Laura no esperó más. Corrió luego à arrojarse à los pies de Jesús, y
bañada en lágrimas de gozo, y con la esperanza de ser attendida por Dios, se ofreció en
holocausto à Jesús y a su querida Madre Maria.(A. Crestanello, Vida citée, chap. XIV, p.
75-76.)
8. Manuel Mora périt assassiné le 18 septembre 1908. Il avait quarante-huit ans.
(D’après lActe de décès du juge de paix de Bariloche, Rio Negro, reproduit dans C. Brugna,
Aportes..., p. 75.)
9. Le texte italien de lhomélie de Jean-Paul II à Colle Don Bosco a été publié dans
VOsservatore romano du 4 septembre 1988, sa traduction française dans la Documentation
catholique, 1972, 20 novembre 1988, p. 1090-1092.

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Vie religieuse
Vie religieuse et vie consacrée
Autrefois, qui faisait profession dans un monastère, un ordre ou une
congrégation entrait en religion. La vie menée par lui pouvait être dite “vie
religieuse. Le vocabulaire a évolué. L’expression Vie religieuse désigne ici ce
que, dans lEglise catholique de la fin du vingtième siècle et en conformité avec le
Code de Droit canonique promulgué en 1983, lon entendait désormais
communément par Vie consacrée.
Lisons : “La vie consacrée par la profession des conseils évangéliques est
la forme de vie stable par laquelle des fidèles, suivant le Christ au plus près
(pressius sequentes), sous l’action de lEsprit Saint se donnent totalement à Dieu
aimé par-dessus tout, pour que dédiés à un titre nouveau et particulier pour
l’honneur de Dieu, pour la construction de lEglise et le salut du monde, ils
parviennent à la perfection de la charité dans le service du Royaume de Dieu et,
devenus signe [au singulier !] lumineux dans l’Eglise, ils annoncent déjà la gloire
céleste(can. 573). Les instituts séculiers, les Volontaires de Don Bosco par
exemple, entrent donc dans la catégorie ecclésiastique de la vie consacrée.
La vie communautaire distingue l’une de lautre les deux espèces
d’instituts de vie consacrée : les instituts religieux et les instituts séculiers. Notre
article sur la vie religieusene commentera - très modestement - que la
spiritualité de “vie consacréedes seuls instituts religieux” des salésiens et des
salésiennes. Ici encore, commençons par nous bien entendre sur les termes.
L’institut religieux est une société dans laquelle les membres prononcent, selon le
droit propre, des voeux publics perpétuels, ou temporaires à renouveler à leur
échéance, et mènent en commun la vie fraternelle(can. 607, § 2). En dautres
termes l’expression vie religieusedésigne, dans les lignes qui suivent, la seule
vie consacrée" des deux instituts religieux" fondés par don Bosco1.
Don Bosco et la vie religieuse
Don Bosco, prêtre séculier, nétait nullement préparé à fonder un institut
religieux. Puis la nécessité le détermina, dans sa quarantaine, à se mettre à la
recherche dun style de vie religieuse conforme à celui des prêtres éducateurs quil
méditait de réunir dans une congrégation particulière. Ce style ne sortit pas tout
armé de son cerveau. Par sa formation et le milieu il avait évolué jusquà cette
date, il était porté, non pas vers les moines ou les ordres mendiants, mais vers
les clercs réguliers et les sociétés de prêtres. H sinspira donc des leçons des
jésuites, des rédemptoristes, des oblats de Marie du Père Lanteri, des rosminiens,
des lazaristes et, très particulièrement, dun minuscule institut vénitien, dit des
Prêtres Séculiers des Ecoles de Charité, qui lui fournirent, pour ses constitutions

21.3 Page 203

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601
primitives, des textes tout prêts et à sa convenance.2 Don Bosco ne sintéressa
donc vraiment quau religieux actif, qui se sépare du monde sans le fuir, qui ne
jeûne ni ne prie plus que le laïc fervent, qui, simplement, pratique les conseils
évangéliques de pauvreté, de chasteté et dobéissance dans des communautés
organiques et tente dharmoniser la quête de la perfectionexigée par son état de
consacré avec les nécessités de l’apostolat auquel il sest voué.
Afin de prévenir toute équivoque, disons d’emblée que don Bosco voulait
faire de ses salésiens de véritables religieux. Seules des raisons de prudence et
d’opportunité lui conseillaient déviter les titres de pères, supérieurs, provinciaux,
postulants ou novices, qui eussent rappelé l’odeur du couvent à des narines
devenues autour de lui allergiques aux padri, frati et monache. Pour les mêmes
motifs, il bannissait de son vocabulaire les mots “constitutionset noviciat”, qu’il
remplaçait par règleset temps de probation”. Officiellement, sa Société de St
François de Sales était une société de bienfaisance. A relire ses notes des années
1869-1875, il proposait à ses fils spirituels un style dexistence, qui, à lécart des
dangers du monde, leur offrirait des armes bien fourbies contre la triple
concupiscenceet les aiderait à se sanctifier.3 La religion” était alors pour lui une
communauté définie, quil opposait au monde de l’Ennemiet comparait à une
arche salutaire gouvernée par un bon capitaine ou encore à une forteresse gardée
par le Seigneur4. En un premier temps tout au moins, loin dinsister sur l’âpreté
de la vie religieuse, il en célébra à l’envi les avantages spirituels et matériels. Le
religieux salésien a-t-il jamais manqué du nécessaire ? H quitte une petite famille
pour entrer dans une famille immense ! Dans son introduction de 1875 aux
constitutions salésiennes, don Bosco sétendit complaisamment sur les bienfaits
spirituels de l’état religieux. Les propos de Bernard de Clairvaux sur le bonheur du
religieux parmi ses frères, au long de sa vie, face à la mort, transporté au
purgatoire et enfin dans la gloire du ciel, lui semblaient admirables. Aidé par
Alphonse de Liguori, il en savourait et commentait l’expression latine.5 La vie
religieuse a pour but premier de sanctifier le salésien, jugeait-il.
Telle quil l’envisageait, la vie religieuse salésienne était spécifiée
simultanément par les voeux, la pratique des constitutions et la vie commune. Les
constitutions, ces règles que notre sainte mère, lEglise, a daigné approuver pour
nous servir de guide, pour le bien de notre âme et pour l’avantage spirituel et
temporel de nos élèves bien-aimés”6, définissaient les modes de l’observance
religieuse. Le vrai religieux est observant. Dans ses dernières années, don Bosco
ne voila plus la rigueur ascétique de l’observance religieuse. Ses fils ne s’étaient
pas faits religieux per godere, ma per patire(non pour jouir, mais pour pâtir) ;
ils sétaient “consacrés à Dieunon pas pour commander, mais pour obéir, non
pas pour s’attacher aux créatures, mais pour pratiquer la charité envers leur
prochain quel quil soit, non pas pour mener une vie bourgeoise, mais pour être
pauvres avec Jésus Christ, pour souffrir avec Lui sur terre, afin de régner avec Lui
aux cieux.7
Voeux et constitutions maintiennent le religieux dans une vie commune,
que don Bosco imaginait volontiers sur le modèle de lEglise de Jérusalem,
tous les biens étaient mis en commun, les ressources de chacun contribuaient

21.4 Page 204

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au bonheur de tous, où, en un mot, selon une formule qui lui était devenue
familière, les fidèles ne constituaient qu’“un seul coeur et une seule âme. Les
membres de la société mènent en tout la vie commune, pour la nourriture et le
vêtement8. Ils saident ainsi mutuellement à croître en perfection. Vae soli
(Malheur à l’isolé), tandis que, guidé par des supérieurs à qui il se confie de bon
gré, le religieux observant entend et applique les conseils opportuns pour sa
sanctification et la réussite de son oeuvre d’apostolat. La vie commune devait,
selon don Bosco, tempérer la rudesse des voeux. Malgré une ascèse jamais
oubliée, rien n’était, dans l’idéal du saint, plus agréable que les sociétés joyeuses
de ses disciples. Au temps de la fondation, il se félicitait du bonheur qu’il leur
promettait. Si nos frères entrent dans ces dispositions, nos maisons deviendront
certainement un vrai paradis terrestre ( ... ) On aura en somme une famille de
frères réunis autour de leur père pour servir la gloire de Dieu sur la terre et aller
ensuite un jour l’aimer et le louer dans limmense gloire des bienheureux au ciel”9.
Relisons ces phrases, qui nous disent le sens de la vie religieuse selon don
Bosco. Si tout va bien, la vie religieuse garantit au religieux le bonheur sur terre
et, dans l’au-delà, le salut étemel, peut-être même la sainteté.
La vie religieuse salésienne après Vatican II
Les leçons de don Bosco sur la vie religieuse, transmises de génération en
génération par son Introduction aux constitutions, exprimèrent la doctrine
commune des salésiens jusquà la réforme qui suivit Vatican II. Don Rua
continuait de célébrer le prix et la félicité de la vie religieuse, telle que don Bosco
lavait comprise.10 Le bon religieux de ce parfait disciple se distinguait par la
complète, constante et ferventeobservance de ses voeux et des règles de
lInstitut, telles quon les lui commentait.11
Puis, après Vatican H, sans que la substance ait changé, certaines valeurs
de la vie religieuse fùrent mises en relief, tandis que dautres entraient dans une
demi-pénombre.12 Les considérations des constitutions salésiennes rénovées, pour
la plupart empruntées au concile, reçurent une formulation nettement théologique,
qu’il sagisse du sens ou de la conduite de la vie religieuse.
Le sens de la vie religieuse salésienne
On redéfinissait le sens de la vie religieuse à partir de lengagement
primordial dans un groupe déterminé de disciples de don Bosco. Il est de
consécration au service de Dieu. Parce que Dieu Père lappelle, le religieux répond
par loffrande de soi impliquée par les trois voeux. La profession religieuse est le
signe dune rencontre damour entre le Seigneur qui appelle et le disciple qui
répond en se donnant totalement à Lui et à ses frères, enseignèrent les nouvelles
constitutions salésiennes13. Et les salésiennes affirmèrent : Nous vivons notre
vocation de Filles de Marie Auxiliatrice comme réponse au Père qui, dans le
Christ, nous consacre, nous rassemble et nous envoie.”14 La profession est ainsi du
point de vue du religieux un geste de don et d’offrande sans retour au Seigneur.

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Dans leur interprétation de la vie consacrée, les salésiens évitaient
désormais, au moins dans leurs textes officiels, le sens faible : destiner à, du verbe
“consacreret retenaient son aspect actif. La consécrationest en soi,
disaient-ils, nécessairement d’origine divine, car Dieu seul est saint. Elle doit être
entendue de préférence au sens fort d“oeuvre de Dieu. La consécration
religieuse, répétait le recteur Viganô, est à proprement parler un acte divin, qui
concerne l’ensemble et chacun des membres du monde salésien. Lune de ses
dernières circulaires aux salésiens les invita longuement à mieux témoignerde
leur consécration ainsi comprise.15 Laction de lEsprit Saint consécrateur est pour
chaque profès une source permanente de grâce et un soutien dans son effort
quotidien pour croître dans lamour parfait de Dieu et des hommes.16 Cest
laspect charismatique de la vocation salésienne. “H importe grandement de
réactualiser la dimension charismatique de notre vocation, écrivait le recteur
Viganô, afin quil apparaisse au regard de tous que nous sommes réellement un
don pour le Peuple de Dieu tout entieret que nous renouvelons de fait et avec
persévérance notre volonté dagir avec lEglise”.17
La consécration religieuse au sens faible (“je me consacre au service de
Dieu) ne changeait rien au statut social du nouveau religieux, tandis que la
consécration religieuse entendue au sens fort doeuvre de Dieu (’’Dieu me
consacre) faisait apparemment de lui une manière dêtre nouveau, parce que
consacréparmi des baptisés qui ne létaient pas. Beaucoup de théologiens
protestèrent contre cette nouveauté, dautant plus incongrue, jugeaient-ils, qu’elle
émanait d’une école ayant banni la perfectiondu vocabulaire des religieux.
Cette option et cette insistance nont pas plu à tout le monde, remarquait le
recteur Vecchi à Paris en 1997. D’après ce que j’ai entendu dans des réunions de
religieux et de supérieurs généraux, certains craignaient que lon revienne à
considérer les religieux comme des personnes sacréespubliquement, et
constituées dans un état socioculturel différent. Cette conception est désormais
étrangère à la mentalité actuelle et devenue indigeste. Cest totalement exclu dans
lExhortation apostolique Vita consecrata (qui définit la position de l’Eglise sur la
question). Notre option pour Dieu ne nous octroie ni prérogatives ni signes
particuliers détat.18 Dont acte, au moins pour nous ici.
La conduite de la vie religieuse salésienne
Après Vatican II, le mode dexercice de la vie religieuse salésienne prit un
tour clairement christocentrique. La perfection chrétiennedu premier article des
constitutions de don Bosco sur le but” de sa congrégation était certainement la
perfection selon le Christ” historique dans sa réponse au jeune homme riche,
quand il lui observait : Si tu veux être parfait, lui dit Jésus, va, vends ce que tu
possèdes, donne-le aux pauvres, et tu auras un trésor aux cieux ; puis viens,
suis-moi(Matthieu 19, 21). Lenseignement salésien postconciliaire sur la vie
religieuse développa l’idée de cette finale. H nest d’homme authentiquement
parfaitque dans le Christ Jésus. La sequela Christi, impliquant la volonté
dinscrire dans sa propre vie toutes les valeurs de lEvangile, synthétisa désormais
la pratique salésienne des conseils évangéliques. Les salésiennes, qui suivent le
Christ de plus près dans sa mission de salut19, se dirent insérées dans le mystère

21.6 Page 206

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604
du Christ chaste, pauvre et obéissant20. La vie religieuse, rappela-t-on aux
salésiens, est une vie de baptisé menée en radicalité évangélique à la suite du
Christ obéissant, pauvre et chaste. Le premier article du chapitre de leurs
constitutions sur la vie religieuse annonça : Par la profession religieuse nous
entendons vivre avec une plénitude et une radicalité plus grandes la grâce de notre
baptême. Nous suivons Jésus-Christ qui “chaste et pauvre, racheta et sanctifia les
hommes par son obéissance”, et nous participons plus étroitement au mystère de
sa Pâque, à son anéantissement et à sa vie dans lEsprit. Nous attachant totalement
à Dieu aimé par-dessus tout, nous nous engageons dans une forme de vie
entièrement fondée sur les valeurs de lEvangile.21 Dépassant la seule imitation, le
renoncement ascétique, qui va jusquà l’anéantissementde la croix et donc du
martyre, et la participation même au mystère christique prenaient place dans cette
sequela Christi.
En un temps qui les poussait vigoureusement à l’action, salésiens et
salésiennes s’efforçaient de concilier vie religieuse communautaire et mission
apostolique. Une grâce dunité, selon la terminologie du recteur Viganô, les y
aidait. La consécration religieuse favorise l’apostolat, remarquaient-ils. L’offrande
à Dieu de la capacité daimer; du désir de posséder, et de la possibilité dorganiser
son existence construit dans le religieux une précieuse liberté intérieure. Les
conseils évangéliques, qui contribuent à la purification du coeur et à la liberté
spirituelle, rendent active et féconde la charité de lapôtre. Le salésien et la
salésienne, parce que obéissants, pauvres et chastes, sont prêts à aimer et à servir
tous ceux à qui le Seigneur les envoie, surtout les jeunes pauvres. Ils rendent
présent lamour du Christ envers eux. La pratique des conseils évangéliques, qui
configurent leurs coeurs aux exigences des béatitudes du Royaume, les aide à
discerner laction du Seigneur dans l’histoire des hommes. Leur simple vie de
labeur quotidien les transforme en éducateurs capables d’annoncer aux jeunes les
cieux nouveauxet la terre nouvellede la résurrection.
Le témoignage des religieux de don Bosco est en soi évangélisateur. Ils
vivent ostensiblement et de façon radicale la vie nouvelle des béatitudes,
annonçant ainsi au monde, à commencer par les jeunes, la Bonne Nouvelle de la
rédemption, dont ils se veulent les témoins. Dans un monde tenté par l’athéisme et
lidolâtrie du plaisir, de l’avoir et du pouvoir, leur mode de vie témoigne que Dieu
existe, que son amour peut combler une vie et que le besoin daimer, la soif de
posséder et la liberté de décider de sa propre existence reçoivent un sens supérieur
dans le Christ sauveur. L’offrande de sa liberté dans l’obéissance, son esprit de
pauvreté évangélique et son amour dautrui que la chasteté traduit en don
désintéressé, font du salésien ou de la salésienne un signe de la force de lEsprit
saint en ce monde. Lhabit lui-même du religieux est (ou devrait être) un signe
extérieur de ce témoignage et de ce service. Les salésiennes affirment justement
que, par leur profession religieuse, elles collaborent à un titre spécial et nouveau à
lavènement du Royaume de Dieu et deviennent signes des biens célestes déjà
présents en ce monde.22

21.7 Page 207

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605
Le service de la sainteté
A la fin du siècle, le recteur Vecchi méditera à l’intention des salésiens et
des salésiennes le texte de l’exhortation apostolique de Jean-Paul U sur la vie
religieuse intitulée Vita consecrata (25 mars 1996), qui avait été préparée en 1994
par un synode des évêques sur la vie religieuse, suivi avec passion par le recteur
Viganô au terme de sa vie.23 La doctrine de ce document lui parut en parfaite
consonance avec lenseignement ordinaire salésien depuis Vatican II. H en tira,
pour la vie spirituelle de ses fils, trois conséquences importantes, qui méritent
sans doute dêtre sommairement et librement commentées ici.24
1) Les consacrés sont dans le monde, tant pour les croyants que pour les
non croyants, les femmes et les hommes du sens religieux. Personnes et sociétés
tiennent compte dans la vie quotidienne dune constellation de valeurs (terme que
le recteur prenait en un sens extrêmement large) plus ou moins assumées par tous.
H citait : le respect d’autrui, le travail, la santé, lhonnêteté, la responsabilité
sociale. Quant à eux, les individus offrent dans l’existence une place majeure aux
valeursqu’ils préfèrent et, vaille que vaille sans doute, organisent l’ensemble
autour delles. La consécration religieuse demande aux consacrés de se centrer sur
la valeur religieuse. Cest à partir d’elle qu’ils jugent (ou devraient juger) les
autres valeurs pour les inscrire dans leur vie. Dans lidéal, la valeur religieuse
justifie et imprègne tout ce qu’ils font. En vertu de ce choix, ils assument
l’éducation, le soin des malades, des travaux de recherche, etc. Toutes les
branches d’activité humaine sont ouvertes aux personnes consacrées, à condition
toutefois que leur inspiration et leurs motivations demeurent celles de personnes
ayant fait de Dieu leur option principale. Quelle que soit leur situation, salésiens et
salésiennes, parce que religieux, incarnent le sens religieux” à la face du monde.
2) Les personnes consacrées se présentent en experts de lexpérience de
Dieu. Interlocuteurs naturels de tous ceux qui, dans le monde, sont en quête de
Dieu, ils offrent aux chrétiens la possibilité de les accompagner dans une
expérience religieuse et, aux autres, celle de les accompagner dans une quête
éventuelle de Dieu. Leur consécration est une réalité charismatique de portée
ecclésiale, avait enseigné le recteur Viganô. Les consacrés, rappels de Dieu pour
les chrétiens et les non-chrétiens, constituent - toujours dans un idéal à souhaiter -
un appui pour ceux qui veulent chercher, percevoir et goûter la présence de Dieu.
Telle est leur fonction sociale. Aucune valeurne subsiste dans la société sans un
groupe de personnes vouées à sa permanence et à son développement. Sans la
classe des médecins et l’organisation des hôpitaux, la santé serait impossible ; sans
les artistes et les institutions correspondantes, le sens artistique de la population se
dégrade, écrivit le recteur Vecchi. Les religieux consacrés constituent le corps
des mystiques capables daider autrui à lire son existence à la lumière de l’absolu
et à faire l’expérience de cet absolu dans sa propre vie. Salésiens et salésiennes
s’efforcent donc par vocation religieuse” de faire l’expérience personnelle de
Dieu et den faire bénéficier ceux qui les fréquentent, à commencer par les jeunes.
3) Enfin, les personnes consacrées assument la sainteté comme projet
principal de vie. La sainteté - la perfectiondautrefois - nest pas seulement
rectitude morale ou effort ascétique. Les consacrés choisissent un style de vie et

21.8 Page 208

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606
de relations le mystère de Dieu peut se lire sous une forme ou une autre. Le
Christ devrait pouvoir transparaître en eux. Leur présence est bien nécessaire au
contexte laïcisé et libertaire contemporain. La sainteté est l’apport original des
religieux à la culture et à la promotion humaine. Car la sainteté recèle une valeur
temporelle, non seulement par les oeuvres de charité qu’elle suscite, mais aussi par
le sens et la dignité quelle infuse dans l’humanité. Les salésiens et les salésiennes,
qui, le jour de leur profession, optèrent pour une vie la plus proche possible du
Christ, dite justement de sainteté, se rappelleront en permanence que git leur
témoignage de vie authentiquement religieuse.
Notes
1. Dans le nouveau Code de Droit canonique, la première section de la troisième partie
du livre H, section qui porte sur les Instituts de vie consacrée(can. 573-730), après un titre de
Normes communes (can. 573-606), traite successivement des Instituts religieux (can. 607-709) et
des Instituts séculiers (can. 710-730). Ci-après, larticle Volontaires de Don Bosco parlera de la
vie consacréede cet institut séculier.
2. Voir les histoires des constitutions salésiennes primitives, par exemple dans Don
Bosco en son temps, p. 573-580.
3. Voir les notes autographes de conférences sur la vie religieuse éditées dans G. B.
Lemoyne, Memorie biografiche, t IX, appendice A, p. 986-987 ; et l’Introduction de don Bosco
aux Regole o Costituzioni..., Turin, 1875, p. VI-IX, sur l’“Entrata in religione.
4. Il religioso è simile a colui che monta sopra un bastimento, e tutto affidandosi alle
cure di valente capitano riposa tranquillo anche in mezzo alle burrasche. Il religioso trovasi in
una fortezza custodita dal Signore.(Introduction citée, p. VUI.).
5. “Homo vivit purius, cadit rarius, surgit velocius, incedit cautius, irroratur
frequentius, quiescit securius, moritur confidentius, purgatur citius, remuneratur copiosius.
Diamone breve spiegazione.Etc. (Introduction citée, p. XH-XVII)
6. Osservare le nostre regole, queste regole che la Santa Madre Chiesa si degnò
approvare per nostra guida e per bene dellanima nostra e per vantaggio spirituale e temporale
denostri amati allievi(G. Bosco, Lettre aux salésiens, 6 janvier 1884 ; Epistolario Ceria, t IV,
p. 249.),
7. Même lettre du 6 janvier 1884, loc. cit., p. 250, répétée à peu près littéralement.
Don Bosco écrivit-il lui-même cette lettre dune tonalité inhabituelle ou en confia-t-il la
rédaction à lun de ses aides, à don Rua par exemple ? Toujours est-il quil la signa.
8. ... sit vita quoquoversum communis in his, quae ad victum et vestem pertinent
(Constitutiones Societatis S. Francisci Salesii, Turin, 1874, chap. IV, art. 7.)
9. Se i nostri fratelli entreranno in società con queste disposizioni le nostre case
diventeranno certamente un vero paradiso terrestre. ( ... ) Si avrà insomma ima famiglia di
fratelli raccolti intorno al loro padre per promuovere la gloria di Dio sopra la terra, per andare
poi un giorno ad amarlo e lodarlo nellimmensa gloria dei beati in cielo” (G. Bosco, Lettre aux
salésiens, 9 juin 1867 ; Epistolario Motto, t II, p. 387.)
10. M. Rua, Sermons Felicità della vita religiosa” et Pregi della vita religiosa, in
Prediche per esercizi, quaderno primo, p. 35-44 et 66-79, FdB 2894 A7-B4 et D2-11. Noter que,
dans leurs rédactions primitives, ces sermons, qui furent vraisemblablement répétés, étaient
antérieurs à la mort de don Bosco.
11. ... rinnovamento di fervore nella vita religiosa, specialmente con la completa,
costante, fervorosa osservanza dei nostri voti, e di tutte e singole le nostre regole(“Istruzione
sulla divozione al Sacro Cuore di Gesù, accompagnant la lettre de M. Rua aux salésiens, 21
novembre 1900, L.C., p. 246-247.)
12. Sur l’ordre du chapitre général, lédition des constitutions et règlements des
salésiens approuvée en 1984 reproduisit en annexe les paragraphes de lIntroduction de don

21.9 Page 209

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607
Bosco à ses Regole o Costituzioni concernant les voeux, la charité fraternelle, les pratiques de
piété, les comptes rendus spirituels et les cinq défauts à éviter, non pas les titres de 1875
Entrata in religione, Vantaggi temporali et Vantaggi spirituali - signalés ci-dessus - , qui, en
conséquence, disparaissaient de lenseignement officiel.
13. La professione religiosa è un segno dellincontro di amore tra il Signore che
chiama e il discepolo che risponde donandosi totalmente a Lui e ai fratelli(Costituzioni SDB,
art. 23.)
14. Viviamo la nostra vocazione di Figlie di Maria Ausiliatrice come risposta al
Padre che in Cristo ci consacra, ci raduna e ci manda.(Costituzioni FMA, art. 8.)
15. E. Viganò, Invitati a testimoniare meglio la nostra consacrazione”, 8 décembre
1992, Atti 342, p. 3-40.
16. Costituzioni SDB, art. 25.
17. Eassai importante riattualizzare la dimensione carismatica della nostra
vocazione affinchè appaia a tutti che siamo davvero un dono per lintero Popolo di Dio” e che
rinnoviamo di fatto e costantemente la volontà di agire con la Chiesa” (E. Viganò, Lettre aux
salésiens, 8 décembre 1986, Atti 320, p. 24.)
18. J. Vecchi, Notte vie consacrée, conférence aux salésiens, polycopié, Paris, 26-29
décembre 1997.
19. Nella grazia dello Spirito Santo ci doniamo a Dio sommamente amato, seguendo
Cristo più da vicino nella sua missione di salvezza(Costituzioni FMA, art. 8).
20. Inserite nel mistero di Cristo casto, povero, obbediente, titre du premier chapitre
de la section constitutionnelle des FMA : La nostra vocazione di Figlie di Maria Ausiliatrice.
La sequela Christi entraîne pour les salésiennes la participation au mystère du Christ.
21. Con la professione religiosa intendiamo vivere la grazia battesimale con maggior
pienezza e radicalità. Seguiamo Gesù Cristo il quale, casto e povero, redense e santificò gli
uomini con la sua obbedienza” (PC 1) e partecipiamo più strettamente al mistero della sua
Pasqua, al suo annientamento e alla sua vita nello Spirito. Aderendo in modo totale a Dio, amato
sopra ogni cosa, ci impegniamo in una forma di vita che si fonda interamente sui valori del
Vangelo. (Costituzioni SDB, art. 60, premier article du chapitre Al seguito di Cristo
obbediente povero casto). Cet article dépend étroitement de Perfectae caritatis, n. 1.
22. ... diveniamo segno dei beni celesti già presenti in questo mondo(Costitutioni
FMA, art. 8). Ces deux derniers alinéas reprennent diverses considérations des Costituzioni
SDB, art. 61-63, et des Costituzioni FMA, art. 8 et 11.
23. Voir ses lettres aux salésiens Il convegno dei Superiori Generali su La Vita
consécrala oggi, 8 décembre 1993, inatti 347 et “H Sinodo sulla vita consécrala”, 8 décembre
1994, inatti 351.
24. Nous adaptons en effet librement ici les pages de conclusion du rapport polycopié
du Père Juan Vecchi Notre vie consacrée, présenté (en français) aux salésiens à Paris, 26-29
décembre 1997. Les titres des conséquencessont bien du P. Vecchi, la formulation de leurs
commentaires est en partie nôtre.

21.10 Page 210

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608
Vocation
Lappel et les appelés
Au sens religieux seul retenu ici, le mot vocation est utilisé en deux
acceptions différentes. H désigne avant tout lappel de Dieu (en latin : vocatio) à
une personne ou à un peuple pour lui dire le sens à donner à sa vie. Dieu appelle
sans jamais forcer l’appelé, toujours libre dacquiescer ou non à son invitation. La
Bible nous fournit d’innombrables exemples de vocations. L’épisode dAbraham
en demeure le type. Yahvé dit à Abram : Quitte ton pays, ta parenté et la maison
de ton père, pour le pays que je tindiquerai... Et Abram partit, comme le lui avait
dit Yahvé.” (Genèse 12, 1-4.) Au temps de Jésus, lévangile de saint Matthieu
décrit sobrement la vocation des quatre premiers disciples. Venez à ma suite, leur
dit Jésus, et je vous ferai pêcheurs d’hommes.Tous les quatre acceptèrent
sur-le-champ cette invitation. Abandonnant leurs filets, leurs barques et, pour les
deux derniers, leur père, ils suivirent Jésus (Matthieu 4, 18-22). La vocation est
essentiellement un appel divin.
Au mépris de l’étymologie naturelle du terme, lusage ecclésiastique a
volontiers transposé le mot de l’appel aux objets de lappel, les appelés. Les
appelés (en puissance ou en acte) par Dieu ont ainsi été dénommés vocations.
Deux fois sur trois les documents salésiens n’emploient le mot “vocation” quen ce
deuxième sens, qui est loin de leur être particulier. Le décret du concile Vatican II
sur la rénovation et l’adaptation de la vie religieuse édicta : Les prêtres et les
éducateurs chrétiens doivent faire de sérieux efforts pour procurer, à proportion
des besoins de lEglise, un nouvel accroissement de vocations religieuses
(yocationibus religiosis) choisies avec soin et discernement.1 Dans ce passage, le
mot “vocationsdésignait, non pas des appels immatériels, mais des personnes de
chair et dos.
La vocation selon don Bosco
“En ses décrets étemels, expliquait don Bosco à ses jeunes dans leur livre
de prières, Dieu a destiné chacun de nous en particulier à un état de vie avec les
grâces spéciales (correspondantes). Comme en toute circonstance, le chrétien doit
en celle-ci, qui est dimportance tout à fait capitale, se mettre à la recherche de la
volonté divine, imitant Jésus, qui affirmait être venu pour accomplir la volonté de
son Père étemel. H t’importe donc au plus haut point, mon garçon, de bien
accomplir cette démarche, pour ne pas tengager dans des occupations auxquelles
le Seigneur ne t’a pas destiné.”2 Le problème de la vocation était ainsi posé à
chaque adolescent. L’appel individuel existe en Dieu de toute éternité, à lindividu
de le déchiffrer pour ne pas se fourvoyer et suivre un chemin dangereux pour
lequel il na pas été fait.

22 Pages 211-220

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22.1 Page 211

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609
Quand il eut réussi à faire approuver par Rome les constitutions de sa
nouvelle société religieuse, don Bosco, dans la deuxième édition (1877) de
lintroduction quil donnait à leur traduction italienne, inséra, sur le problème de la
vocation à la vie religieuse, un développement d’inspiration identique emprunté à
un opuscule de saint Alphonse de Liguori intitulé Awisi spettanti alla vocazione
(Avis sur la vocation). La correspondance à la vocation n’était, avait écrit saint
Alphonse, quune application de la formule du Pater : Que ta volonté soit faite.
L’opuscule liguorien commençait par rappeler l’obligation de se conformer aux
desseins de Dieu dans le choix d’un état quel quil soitI), avec, pour première
conséquence, le malheur auquel on sexpose en n’y correspondant pasn, 1°),
et, pour deuxième conséquence : Il faut obéir à la voix de Dieu sans délaiII,
2°). H alignait ensuite les moyens de conserver la vocation religieuse dans le
monde, qui sont la discrétion, loraison et le recueillement III), ainsi que les
dispositions requises pour lentrée en religion, à savoir : le détachement des
commodités de la vie, le détachement des parents, le détachement de
lamour-propre et le détachement de la volonté propre IV) ; et enfin les
épreuves auxquelles le candidat doit sattendre dans la vie religieuse, avec
l’indication de deux remèdes souverains pour les surmonter : le recours à Dieu et
le recours aux supérieurs V).
Don Bosco répéta les principes de saint Alphonse sur lobligation faite à
chacun de chercher, daccepter et de suivre le destin particulier prévu par Dieu sur
soi, en dautres termes sa vocation personnelle. Car, apprenait le lecteur de son
introduction aux constitutions salésiennes, le Seigneur, qui est plein de
miséricorde et infiniment riche en grâces, dans la création même de l’homme, lui
fixe une voie ; si l’homme la suit, il peut avec beaucoup de facilité faire son salut
étemel. Qui se met sur cette voie et y marche accomplit sans grand-peine la
volonté de Dieu et trouve la paix. Tandis que, sil ne s’y résout pas, il sexpose au
grave danger de navoir plus les grâces nécessaires pour se sauver.3 Il est
particulièrement grave, continuait-il, de négliger “l’appel de Dieu à une vie plus
parfaite(la chiamata divina a vita più perfetta), autrement dit à l’état religieux,
appel qui, en soi, est une grâce toute spéciale. On se soumettra donc sans
barguigner au désir d’entrer en religion, état sublime et vraiment angélique
(stato sublime e veramente angelico), car pareil désir ne peut provenir que de
Dieu. Le bénéficiaire d’une vocation de cette sorte la surveillera avec autant de
soin que la perle précieuse de l’Evangile. Pour lui, le grand problème sera de la
garder{custodirey Discrétion, prière et recueillement simposent à qui entend
ne pas “perdre” sa vocation de religieux.4 On le voit, don Bosco ne s’occupait pas
de la vocation secrète, appel divin sensible au coeur de l’appelé, comme il était
arrivé au Samuel biblique.
Cette doctrine sur la vocation-appel de Dieu, à partir d’une prédestination
que l’appelé se doit d’interpréter et de suivre pour garantir son salut étemel, a été
officielle dans le monde salésien jusquà la fin des années 1960. Don Bosco en
personne l’avait authentifiée au début du livre des constitutions remis à chaque
religieux.

22.2 Page 212

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610
Lapprofondissement de la doctrine salésienne sur la vocation
Cependant, tout au long du vingtième siècle, lEglise catholique ne cessait
de réfléchir sur le problème de la vocation sacerdotale ou religieuse. Et les
salésiens prenaient acte de son enseignement.
Les études se multiplièrent au cours des années 1910 d’abord, puis dans
le sillage de Vatican H, afin den exploiter les idées ou les intuitions.5 La première
série de réflexions fut déclenchée en 1909 par la controverse
Lahitton-Branchereau. Le chanoine Lahitton faisait de l’appel de la hiérarchie
(lévêque) la seule vraie source de la vocation sacerdotale, tandis que son
opposant le sulpicien Branchereau privilégiait lappel intérieur dorigine divine :
J’ai la vocation, je le sais, je le sens”. Le Saint-Siège, invité à trancher le litige, le
fit en 1912 par trois propositions, a) Nul n’a jamais droit à lordination
antérieurement à lélection de l’évêque, b) La condition à examiner du côté de
l’ordinand et qu’on appelle vocation sacerdotale ne consiste nullement, du moins
nécessairement et en règle ordinaire, dans un certain attrait intérieur du sujet ou en
des invitations du Saint-Esprit à embrasser l’état ecclésiastique, c) Au contraire,
pour que lordinand soit régulièrement appelé par l’évêque, rien de plus nest
exigé de lui que lintention droite unie à l’idonéité.6
Don Albera, conscient des incidences de la discussion sur la vie
salésienne, rédigea, peu avant sa mort, une longue lettre sur les vocations, qui
tint le plus grand compte à la fois du jugement romain et de l’expérience
salésienne7. De façon générale, enseignait-il, la vocation, cest-à-dire le choix d’un
état de vie déterminé, vient de Dieu, qui, comme auteur de tout le créé, inspire à
chaque âme raisonnable le chemin quelle doit parcourir pour atteindre sa fin.
Mais, en règle habituelle, il ne communique pas cette inspiration par des moyens
extraordinaires. L’appelé ne doit donc pas sattendre à des signes qui ne lui
laissent aucun doute sur son choix. Dieu dépose pour ainsi dire le germe de la
vocation dans les dons naturels quil accorde aux âmes à des degrés divers. En
créant chaque homme à son image et à sa ressemblance et pour la même fin, il lui
attribue selon son bon vouloir des qualités personnelles différentes, qui linclinent
à un état ou à un autre. La Providence ménage généralement aux vocations
particulières une ambiance adaptée au plein développement de ces qualités, en
sorte quinsensiblement chacun se trouve conduit à embrasser l’état de vie le plus
conforme à sa personnalité, celui dans lequel il pourra faire son salut étemel avec
le maximum de facilité et de sécurité. Tel est, en règle ordinaire, le rôle de Dieu
dans la vocation de ses créatures. Embrasser un état de préférence à un autre
dépend du libre choix de celles-ci. La grâce, qui ne manque jamais à qui s’efforce
de ne pas démériter, les aide dans leur élection. Sy ajoute l’action des
responsables du développement et de l’éducation des individus.
Au cours des années 1950, la discussion, à laquelle les salésiens (don
Eugenio Valentini, notamment) prirent part, sorienta sur l’obligation de suivre sa
vocation, telle que saint Alphonse et don Bosco l’avaient expliquée

22.3 Page 213

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611
Puis les échanges se calmèrent à ce sujet avec une nouvelle présentation
des choses. Le concile Vatican II inséra le problème de la vocation tant religieuse
que sacerdotale dans sa vision de lEglise, sacrement universel du salut”8. A ce
titre, lEglise (ekklésia, assemblée par convocation) est essentiellement
appelante. Cest le Père qui, par son Fils et dans l’Esprit, appelle les créatures
dans cette Eglise sacrement. Chacun doit oeuvrer au salut personnel et collectif,
tâche propre de l’Eglise. Toutes les vocations, particulières ou non, qui
contribuent à cette entreprise, proviennent de Dieu dans l’Eglise. Tous les appelés
se doivent de répondre à l’appel divin ainsi transmis, quel quil soit, intérieur ou
extérieur, selon leurs capacités et les nécessités du monde à sauver. Or, lEglise
chemine dans le temps. Les vocations, au lieu dêtre situées dans une
prédestination intemporelle, sinscrivent donc dans la durée. Les vocations sont
des appels de charité dans laujourdhui. La parabole des talents exprime
suffisamment l’obligation de se conformer à ces interpellations. Quant aux
dispositions nécessaires pour répondre aux vocations particulières, telles que le
sacerdoce ou la vie religieuse, elles ne peuvent qu’être déterminées par lEglise
même, seule juge en ces matières.
On lit une bonne synthèse contemporaine sur les vocations particulières
rapprochées des vocations générales, dans l’exhortation apostolique post-synodale
de Jean-Paul n, qui conclut le synode des évêques sur le prêtre (octobre 1990)9.
Le recteur Viganô appréciait fort cette lettre du pape. Après avoir insisté sur la
situation de toute vocation : Toute vocation chrétienne vient de Dieu, est don de
Dieu ; mais elle nest jamais donnée en dehors ou indépendamment de lEglise.
Elle passe toujours dans l’Eglise et par l’Eglise, le pape montrait que la vocation
prend forme dans un échange, simbriquent linitiative de Dieu et la réponse de
l’homme. L’histoire de toute vocation sacerdotale, comme d’ailleurs de toute
vocation chrétienne, est lhistoire dun ineffable dialogue entre Dieu et lhomme,
entre l’amour de Dieu qui appelle et la liberté de l’homme qui, dans lamour,
répond à Dieu. Ces deux aspects indissociables de la vocation : le don gratuit de
Dieu et la liberté responsable de l’homme, ressortent de manière très claire et
particulièrement puissante dans les paroles lapidaires par lesquelles lévangéliste
Marc présente la vocation des Douze : Jésus gravit la montagne et il appelle à lui
ceux quil voulait. Us vinrent à lui(Marc 3, 13)10.
La culture des vocations et la vie spirituelle
Les salésiens se sont montrés particulièrement sensibles à la pastorale
des vocations, telle que le synode romain la dessinait11.
Depuis don Bosco, ses fils sont convaincus daccomplir leur mission
dEglise quand ils amènent les chrétiens, en particulier les enfants, à découvrir et à
vivre leurs propres vocations dans la liberté et à les porter à leur achèvement,
surtout dans l’ordination sacerdotale et la profession religieuse. Ils savent n’être
pas seuls, la famille jouant fréquemment dans cette naissance et cette maturation
un rôle prépondérant. A leurs places, le salésien et la salésienne sattachent à
susciter chez les enfants, chez les adolescents et chez les jeunes le désir et la
volonté de suivre Jésus Christ en tout et de près. Leur oeuvre éducative, tout en

22.4 Page 214

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612
concernant les communautés comme telles, sadresse alors à chaque personne en
particulier. Dieu, par son appel, rejoint en effet le coeur de chaque homme, et
l’Esprit Saint, qui demeure en chaque disciple (Cfr 1 Jean 3, 24), se donne à
chacun avec ses charismes divers et ses manifestations particulières. Chacun
mérite donc dêtre aidé à recevoir le don qui lui est confié individuellement,
comme à une personne unique et irremplaçable, chacun mérite pour cela dêtre
aidé à écouter les paroles que lEsprit de Dieu lui adresse.
Le souci des vocations au sacerdoce et à la vie consacrée se traduit, selon
une tradition héritée de don Bosco confesseur, dans une proposition ferme et
persuasive de direction spirituelle. Une expérience spirituelle à construire enracine
la vocation. H faudrait inviter enfants, adolescents et jeunes gens à découvrir et à
apprécier le don de la direction spirituelle, à le rechercher, à en faire l’expérience
et à le demander avec confiance à leurs éducateurs.12
Les prêtres devraient être les premiers à consacrer du temps et de
l’énergie à cette oeuvre déducation et de soutien spirituel personnel, souhaitait le
pape. Ils collaborent ainsi avec l’Esprit de Dieu pour éclairer et conduire ceux qui
sont appelés. Quils leur présentent le mystère du Christ comme valeur historique
centrale et accessible à chacun dans une vie qu’inspirent les valeurs évangéliques
d’amour, de service, daustérité et duniversalité, enseignait don Viganô. Puis
quils leur fassent éprouver l’attrait dune expérience fraternelle de vie en groupe,
par quoi ils sont introduits à la vie ecclésiale. Qu’ils leur apprennent à goûter de
généreux idéaux, tels que l’option préférentielle pour les pauvres, la passion de la
justice, le courage de la non-violence, les initiatives en faveur de la paix, etc.
Quils suscitent en eux le désir de l’engagement et de la prise de responsabilités
dans des projets socialement utiles. Tout cela pour aboutir à des expériences
concrètes de volontariat avec les exigences inhérentes de sacrifice et
dorganisation de la vie.13
Notes
1. Perfectae caritatis, n. 24.
2. Nesuoi eterni consigli Iddio ha destinato a ciascheduno una condizione di vita e
le grazie relative. Come in ogni altra circostanza, il Cristiano deve anche in questa, che è
capitalissima, cercare la divina volontà, imitando Gesù Cristo, che protestava di essere venuto a
compiere i voleri del suo Eterno Padre. Importa adunque moltissimo, o giovane mio, accertare
questo passo, per non impegnarti in occupazioni, a cui il Signore non ti elesse.” (II giovane
nella scelta dello stato, Il Giovane provveduto, lOlème éd., Turin, 1885, p. 73-74.)
3. Iddio misericordioso infinitamente ricco di grazie nella stessa creazione dell’uomo
stabilisce a ciascuno una via la quale percorrendo egli può con molta facilità conseguire la sua
eterna salvezza. Luomo che si mette in quella via e per quella cammina con poca fatica fa
adunque la volontà di Dio, trova la sua pace, che se non si mettesse per quella via corre grave
pericolo di non avere poi le grazie necessarie per salvarsi(G. Bosco, “Ai soci salesiani ...
Regole o Costituzioni... , 1877, p. 5.)
4. G. Bosco, “Ai soci salesiani... , Regole o Costituzioni..., 1877, p. 5-14.
5. Voir larticle de M. Sauvage, Vocation”, dans le Dictionnaire de spiritualité, t.
XVI, 1994, col. 1092-1158.

22.5 Page 215

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613
6. Lettre de la Secrétairerie dEtat à l’évêque d’Aire et Dax, 15 juillet 1912, in Acta
Apostolicae Sedis, t 4, p. 485.
7. P. Albera, Sulle vocazioni”, Lettre aux salésiens, 15 mai 1921, L. C., p. 439-499.
8. L’Eglise étant, dans le Christ, en quelque sorte le sacrement, cest-à-dire à la fois
le signe et le moyen de lunion intime avec Dieu et de lunité de tout le genre humain ...
’’(Vatican II, Lumen gentium, n. 1.)
9. Exhortation apostolique Pastores dabo vobis (25 mars 1992), n. 35-41.
10. Pastores dabo vobis, n. 35 et 36.
ILE. Viganò, C’è ancora terreno buono per i semi”, Lettre aux salésiens, 8 décembre
1991,^«/ 339, p. 3-37.
12. Daprès Pastores dabo vobis, n. 41.
13. E. Viganò, Cè ancora... ”, cité, Atti 339, p. 17-18. Voir aussi du même, La
preghiera per le vocazioni, Lettre aux salésiens, 26 juin 1992, Atti 341, p. 3-30.

22.6 Page 216

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614
Voeux
Les voeux aux origines salésiennes
En 1858, don Bosco fit, en la compagnie du clerc Michèle Rua, le voyage
de Rome pour soumettre au pape son projet de congrégation religieuse. Il avait
beaucoup hésité sur cette création. L’essentiel pour lui était l’avenir d’une oeuvre
turinoise, dont il se demandait ce qu’elle deviendrait à sa disparition. Dans le
contexte politique du Piémont dalors, fonder une congrégation paraissait risqué.
Les gouvernants sappliquaient à bannir du territoire les moines, les moniales et
leurs semblables, parce quinutiles à lensemble de la société. Il fallait
impérativement sen démarquer. Don Bosco s’était donc résolu à créer aux yeux
du monde une société de bienfaisance, qui, pour lEglise, serait une véritable
congrégation religieuse. On y prononcerait des voeux en bonne forme, qui,
toutefois, pour le public, seraient simplement des promesses. Ces offrandes de soi
à Dieu avaient, pour don Bosco, le grand avantage de fixer autour de lui des aides
trop volatils et facilement portés à chercher fortune ailleurs.
Le pape Pie IX lencouragea sur cette voie, expliquera-t-il dans son
introduction aux constitutions salésiennes. Pie IX y voyait, pour l’Eglise, un
intérêt supplémentaire, car les voeux rapprochaient les religieux du souverain
pontife, dont les chrétiens d’alors séloignaient aisément au risque de se perdre.
Une société de cette sorte se mettait au service de lEglise et donc du pape. Dans
une congrégation ou société religieuse, les voeux sont nécessaires, pour maintenir
tous ses membres liés à leur supérieur, et pour que le supérieur se maintienne, lui
et les siens, liés au Chef de l’Eglise et, par là, à Dieu lui-même. Partant nos voeux
peuvent être comparés à autant de liens spirituels, par lesquels nous nous
consacrons au Seigneur et remettons au pouvoir de notre supérieur notre volonté
propre, nos biens, nos forces physiques et morales, afin de constituer un seul coeur
et une seule âme pour promouvoir la plus grande gloire de Dieu selon nos
constitutions, comme, justement, lEglise nous y invite par lune de ses prières : ut
una sitfides mentium etpietas actionum [pour que soient maintenues dans l’union
la foi des esprits et la piété des oeuvres].1
Grand est le bien spirituel procuré par les voeux, poursuivait don Bosco,
qui répétait un enseignement alors classique sur laugmentation du méritepar le
voeu. Les voeux sont une offrande héroïque qui accroît énormément le mérite de
nos oeuvres. Saint Anselme enseigne qu’une bonne oeuvre sans un voeu est
comme le fruit dun arbre. Qui l’accomplit par voeu offre à Dieu l’arbre avec le
fruit. Saint Bonaventure assimile l’oeuvre accomplie sans voeu à loffrande du
revenu, non pas du capital. Par le voeu on offre à Dieu à la fois le revenu et
lensemble du capital.”2

22.7 Page 217

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615
Dans ses prédications de retraites salésiennes, il arriva à don Rua de
reprendre et de développer certaines idées de don Bosco sur les voeux de religion.
Les voeux, expliquait-il aux salésiens, sont de douxliens des plus utiles au
religieux qui les prononce et à l’Eglise qui les reçoit.3 Depuis les origines lEglise
bénéficie de la présence en son sein dassociations qui la servent. Mais comment,
demandait notre prédicateur, conserver leurs membres dans lunion pour que ces
armées de la religion présentent un front compact? Les voeux (un mot qui
épouvante certains, disait don Rua de manière significative)4 constituent un lien
idéal. Une grande et belle chose ! Les voeux de pauvreté, de chasteté et
dobéissance délivrent des embarras et des périls majeurs de lexistence chrétienne.
La pauvreté supprime le grand obstacle des richesses, la chasteté freine la passion
des plaisirs et lobéissance redresse linconstance (yolubilita) trop naturelle aux
humains. Les voeux maintiennent dans ce quon appelle un “état de perfection”,
autrement dit de conformité aux conseils de l’Evangile. Quant à lui, le non
religieux, peut-être plus parfait que le religieux son voisin, ne bénéficie pas de cet
état”. Il se peut quun jour il veuille, et que, le lendemain, il change d’avis. Les
voeux rappellent sans cesse à l’ordre le religieux qui les a prononcés. Leur triple
fil, qu’on ne casse pas facilement, le maintient sur le chemin du Christ.
Don Rua expliquait aussi après don Bosco combien les voeux, cette
offrandegénéreuse de soi au Seigneur, augmentent le méritede loeuvre. Les
bonnes actions en vertu d’un voeu offrent à Dieu l’arbre avec le fruit, le capital
avec lintérêt. Les voeux restituent au profès linnocence baptismale. Les saints
religieux sont à leur manière des martyrs. Heureux qui meurt après avoir prononcé
ses voeux de religion ! Et don Rua concluait que toute lEglise gagne à disposer
dordres religieux, armées du Seigneur maintenues compactes grâce aux liens
doux et fortsdes voeux.5
Les voeux religieux salésiens après Vatican H
Vatican II s’imposa de bien définir la doctrine catholique sur les voeux de
religion, souvent mal comprise des Réformés séparés. Les voeux de pauvreté, de
chasteté et dobéissance, qui répondent aux conseils évangéliques, constituent une
offrande. Le concile les comparait, comme don Rua lavait fait, à des liens fermes
et stables, qui, toutefois, rattachent le religieux directement au Christ, sans que la
médiation du supérieur soit mentionnée. Le concile situait soigneusement les
voeux par rapport au baptême, que les Réformés disaient suffire à tout chrétien.
La consécration au Seigneur par les voeux est plus intimeque par celle du
baptême. Les voeux ordonnentle religieux au service du Seigneur à un titre
nouveau. Leur raison dernière est, pour les instituts quels quils soient,
contemplatifs ou actifs, l’amour de Dieu servi chacun à leur manière (selon leur
charisme). Il faut méditer les phrases soigneusement formulées de Lumen gentium.
Par les voeux ou dautres engagements sacrés assimilés aux voeux suivant leur
mode propre, le fidèle du Christ soblige à la pratique des trois conseils
évangéliques sus dits (c’est-à-dire : de chasteté vouée à Dieu, de pauvreté et
dobéissance) : il se livre ainsi entièrement à Dieu, aimé par-dessus tout, pour
être ordonné au service du Seigneur et à son honneur à un titre nouveau et
particulier. Le baptême l’avait déjà fait mourir au péché et consacré à Dieu, mais

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616
pour pouvoir accueillir en plus grande abondance le fruit de la grâce baptismale, il
veut, par la profession des conseils évangéliques faite dans lEglise, se libérer des
surcharges qui pourraient le retenir dans sa recherche d’une charité fervente et
dun culte parfait à rendre à Dieu, et il se consacre plus intimement au service
divin. Cette consécration sera dautant plus parfaite que des liens plus fermes et
plus stables reproduisent davantage limage du Christ uni à lEglise son épouse par
un lien indissoluble.”6 Salésiens et salésiennes mettent en évidence lincise qui les
distingue des moines et moniales voués au service de la prière. Par leur profession
religieuse à la suite de don Bosco, eux-mêmes se libèrent des surchargesdans
la recherche dune charité fervente, autrement dit pour un meilleur exercice de
leur mission de charité.
Dans leurs nouvelles constitutions, les disciples de don Bosco ont
rapporté leur profession religieuse au baptême. Par la profession religieuse nous
entendons vivre la grâce baptismale avec plus de plénitude et de radicalité, disent
les salésiens.7 Et les salésiennes : Le Père nous appelle à vivre notre baptême
avec plus de plénitude et il nous consacre par le don de l’Esprit8. Quant aux
Volontaires, elles affirment : Nous vivons de manière radicale la grâce de notre
baptême pour être dans le monde témoins et prophètes du salut.9 Les uns et les
autres ont mis leurs trois voeux de pauvreté, chasteté et obéissance en relation
avec la sequela Christi et les valeurs de lEvangile vécu10. Et ils se sont ingéniés à
montrer combien la profession religieuse salésienne contribue au succès de leur
mission apostolique, cest-à-dire, selon la formule des salésiennes, à rendre
présent lamour du Christ envers les jeunes11.
Les Volontaires de Don Bosco, qui, sans vie communautaire, se
distinguent essentiellement par leurs trois voeux de religion, ont soigneusement
exposé dans leurs constitutions la spiritualité christocentrique impliquée par eux.
Le Christ, consacré parfait, est la raison suprême de notre vie. Attirées par Lui,
nous voulons croître dans l’amour avec un coeur non partagé en renonçant à la vie
conjugale, en faisant un usage évangélique des biens matériels et en confiant au
Père notre libre volonté. Par les voeux nous tendons à la perfection de la charité et
exprimons notre option fondamentale pour le Christ, que nous suivons comme
lUnique Nécessaire, lUnique Amour et le Seul Seigneur. Par notre adhésion au
sacrifice rédempteur de la croix, nous entendons vivre pour Lui, avec Lui, en Lui,
dans l’espérance renouvelée de participer à la vie nouvelle selon l’Esprit.12
Les formules de profession de vie consacrée
Les rédacteurs des nouvelles formules de profession religieuse des
salésiens, des salésiennes et des Volontaires de Don Bosco ont soigneusement
tenu compte des particularités des voeux de religion selon Vatican IL On y
retrouve aussi ses idées repensées sur la vocation à la vie consacrée. Voici ces
trois textes dans leur quasi-intégralité.
La formule de notre profession religieuse est la suivante, disent les
salésiennes. Dieu Père, par le baptême, tu mas consacrée à toi et tu mappelles
aujourdhui par la force de ton Esprit, à suivre Jésus Christ de plus près pour

22.9 Page 219

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617
participer plus intimement à sa mission de salut dans l’Eglise. En réponse à ton
amour, je m’engage à vivre de façon radicale les béatitudes du Royaume, en
communion avec mes soeurs, annonçant le Christ aux jeunes selon l’esprit de saint
Jean Bosco et de sainte Marie-Dominique Mazzarello. Aujourdhui, devant la
communauté et les frères ici présents, moi ... en pleine liberté, je moffre
totalement à toi, je fais voeu de chasteté, pauvreté et obéissance entre les mains de
... selon la voie évangélique tracée dans les constitutions de lInstitut des filles de
Marie auxiliatrice 13
Et les salésiens : La formule de notre profession est la suivante : Dieu
Père, tu mas consacré à Toi au jour de mon baptême. En réponse à l’amour de
ton fils Jésus, le Seigneur, qui m’appelle à Le suivre de plus près, et conduit par
ton Esprit Saint, qui est lumière et force, moi, ... je moffre totalement à Toi, en
pleine liberté, et je m’engage à dépenser toutes mes forces pour ceux auxquels Tu
m’enverras, spécialement pour les jeunes les plus pauvres, à vivre dans la Société
salésienne en communion desprit et daction avec mes frères, et à participer ainsi
à la vie et à la mission de ton Eglise. Cest pourquoi, en présence de mes frères,
devant... , je fais voeu (pour toujours) de vivre obéissant, pauvre et chaste selon
la voie évangélique tracée par les constitutions salésiennes 14
La profession des Volontaires de Don Bosco est elle aussi un geste
doffrande totale de soi dans une vie dapostolat. O Dieu Père, qui m’as
consacrée à Toi dans mon baptême, en réponse à l’amour du Christ ton Fils, en
invoquant l’Esprit Saint qui est lumière et force, à l’exemple de la Vierge Marie,
moi... avec ta grâce et en pleine liberté, je moffre totalement à Toi. Je mengage
à réaliser ma vocation apostolique dans l’Eglise, en communion avec mes soeurs,
en vivant intégralement lEvangile au milieu du monde dans un esprit salésien.
Pour cela je fais voeu de chasteté, de pauvreté et dobéissance selon les
constitutions des Volontaires de don Bosco devant toi, Première Responsable de
l’Institut (ou : sa représentante) et de mes soeurs ici présentes.15
Notes
1. In una congregazione o società religiosa sono necessari i voti, affinchè tutti i
membri siano da un vincolo di coscienza legati col superiore, e il superiore tenga e i suoi
legati col Capo della Chiesa, e per conseguenza con Dio medesimo. I nostri voti pertanto si
possono chiamare altrettante funicelle spirituali, con cui ci consacriamo al Signore, e mettiamo
in potere del superiore la propria volontà, le sostanze, le nostre forze fisiche e morali, affinchè
tra tutti facciamo un cuor solo ed unanima sola per promuovere la maggior gloria di Dio,
secondo le nostre costituzioni, come appunto c’invita la Chiesa quando dice nelle sue preghiere :
ut una sit fides mentium, et pietas actionum.(Introduction aux Regole o Costituzioni della
Società di S. Francesco di Sales, Turin, édition de 1875, § I voti, p. XVII-XVni.)
2. 1 voti son unofferta eroica con cui moltissimo si accresce il merito delle opere
nostre. S Anseimo insegna che unopera buona senza voto è come il frutto duna pianta. Chi la
fa con voto, col frutto offre a Dio la stessa pianta. S. Bonaventura rassomiglia lopera fatta senza
voto a chi offre il reddito, ma non il capitale. Col voto poi si offre a Dio e reddito e capitale
intiero.(Introduction citée, p. XVIII-XIX.)

22.10 Page 220

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618
3. M. Rua, Sermon “Sulla vita religiosa, dans une sèrie de Prediche per Esercizi,
quaderno HI, p. 20-28, FdB, 2895 D8-E2.
4. “Parola che a quale, reca spavento”, in Sulla vita religiosa, quaderno cité, p. 25.
5. Eccovi adunque che cosa sono gli ord. relig. Essi sono gli eserciti del Sign. mand.
in socc. della Ch. Ed eccovi che cosa sono i voti : i dolci e forti legami che tengono compatte le
schiere di questi eserciti.(Sulla vita religiosa, quaderno cité, p. 28.) Un autre sermon de
retraite de don Rua intitulé “Dei voti della religione, serie Esercizi spirituali, quaderno VII, p.
22-24, FdB Eli à 2945 Al, disait : 1) que les voeux sont une offrande, 2) qu’ils sont dun grand
prix, 3) en quelle estime les saints les ont tenus.
6. Vatìcan n, Lumen gentium, n. 44.
7. Con la professione religiosa intendiamo vivere la grazia battesimale con maggior
pienezza e radicalità” (Costituzioni SDB, art. 60.)
8. Il Padre ci chiama a vivere con maggior pienezza il nostro battesimo e ci consacra
col dono dello Spirito.(Costituzioni FMA art. 5.)
9. Viviamo in modo radicale la grazia del Battesimo per essere nel mondo testimoni e
profeti di salvezza.(Costituzioni VDB, art. 8.)
10. Costituzioni SDB, art. 60 ; Costituzioni FMA, art. 5,11.
11. Costituzioni SDB, art. 61 et 62. ; et a rendere presente lamore di Cristo stesso
per i giovani” (Costituzioni FMA art. 11).
12. Cristo, il Consacrato perfetto, è la ragione suprema della nostra vita. Attratte da
Lui, vogliamo crescere nellamore con cuore indiviso rinunciando alla vita coniugale, facendo
uso evangelico dei beni materiali e affidando al Padre la nostra Ubera volontà. Per mezzo dei voti
tendiamo alla perfezione della carità ed esprimiamo lopzione fondamentale per Cristo che
seguiamo come lUnico Necessario, lUnico Amore e il Solo Signore. Aderendo al sacrificio
redentore della croce, intendiamo vivere per Lui, con Lui, in Lui e ravviviamo la speranza di
partecipare alla vita nuova secondo lo Spirito.(Costituzioni VDB, art. 20.)
13. La formula della nostra professione refigiosa è la seguente : Dio Padre, tu mi hai
consacrata nel Battesimo e mi chiami ora, con la forza del tuo Spirito, a seguire Gesù Cristo più
da vicino per partecipare più intimamente alla sua missione salvifica nella Chiesa. In risposta al
tuo amore io mi impegno a vivere con radicafità le beatitudini del Regno, in comunione con le
sorelle, annunciando Cristo alle giovani secondo lo spirito di San Giovanni Bosco e di Santa
Maria Domenica Mazzarello. Oggi, davanti alla comunità e ai fratelli qui presenti, io Suor ... in
piena tibertà mi dono interamente a te, faccio voto di castità, povertà e obbedienza nelle mani di
... , secondo la via evangetica tracciata nelle Costituzioni dellIstituto delle Fighe di Maria
Ausiliatrice.” (Costituzioni FMA art. 10.)
14. La formula della nostra professione è la seguente : Dio Padre, Tu mi hai
consacrato a Te nel giorno del Battesimo. In risposta allamore del Signore Gesù tuo Figlio, che
mi chiama a seguirlo più da vicino, e condotto dallo Spirito Santo che è luce e forza, io N.N., in
piena libertà mi offro totalmente a Te, impegnandomi a nella Società salesiana in fraterna
comunione di spirito e di azione, e a partecipare indonare tutte le mie forze a quelli a cui mi
manderai, specialmente ai giovani più poveri, a vivere questo modo alla vita e alla missione
della tua Chiesa. Per questo, alla presenza dei miei fiatelh, davanti a N N., Rettor Maggiore
della Società di san Francesco di Sales (oppure : davanti a ... che fa le veci del Rettor Maggiore
deha Società di san Francesco di Sales), faccio voto per sempre di vivere obbediente, povero e
casto, secondo la via evangetica tracciata nelle Costituzioni salesiane.(Costituzioni SDB, art.
24.)
15. O Dio Padre, che mi hai consacrato a Te nel Battesimo, in risposta allamore di
Cristo tuo Figlio, invocando lo Spirito Santo che è luce e forza, sull’esempio della Vergine
Maria, io ... con la tua grazia e in piena libertà, mi offro totalmente a Te. Mi impegno a
realizzare la mia vocazione apostolica nella Chiesa, in comunione con le sorelle, vivendo
integralmente il Vangelo in mezzo al mondo con spirito salesiano. Per questo faccio voto di
castità, povertà e obbedienza secondo le Costituzioni delle Volontarie di don Bosco davanti a te
... Responsabile Maggiore dellIstituto (oppure : rappresentante della Responsabile Maggiore
dellTstìtuto) e alle sorelle qui presenti.(Costituzioni VDB, art. 9.) Noter que la formule de
profession des Volontaires avec Don Bosco (Costituzioni CDB, art. 16) est à peu près identique à
celle des Volontaires de Don Bosco.

23 Pages 221-230

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23.1 Page 221

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619
Volontaires de Don Bosco
Linstitution des Volontaires de Don Bosco1
La naissance de l’association des Volontaires de Don Bosco, dites à
l’origine Zélatrices de Marie auxiliatrice, puis, un temps, Coopératrices oblates de
saint Jean Bosco, date du temps de don Filippo Rinaldi, quand il était préfet
général de la congrégation salésienne. Don Rinaldi attachait grande importance à
son ministère auprès des oratoriennes de Turin. Il veillait à leurs progrès spirituels.
Lidée de grouper les filles désireuses de se sanctifier par voeux sans, pour autant,
appartenir à une congrégation avec vie communautaire, germa dans une réunion
danciennes élèves des salésiennes, tenue à Turin en 1911. Elle prit forme le 20
mai 1917 avec trois jeunes Enfants de Marie de l’oratoire féminin du Valdocco,
qui eurent désormais autour de don Rinaldi leurs réunions régulières de zélatrices
de Marie auxiliatrice. Le 26 octobre 1919, le groupe saffermit avec les premières
professions de ces zélatrices. Ce jour-là, dans la chapelle des camerette de don
Bosco au Valdocco, en la présence du cardinal Cagliero, de don Filippo Rinaldi,
directeur de lassociation, et d’une représentante des Filles de Marie auxiliatrice,
sept zélatrices firent profession des conseils évangéliques. Elles inauguraient, en
un lieu très emblématique, une nouvelle expérience de consécration salésienne,
expliquera le recteur Egidio Viganô2.
L’association ainsi fondée persista sans grand bruit jusquau lendemain de
la deuxième guerre mondiale. La reconnaissance par lEglise des Instituts séculiers
avec la constitution apostolique de Pie XII Provida Mater (2 février 1947), lui
infusa de la vigueur. L’association y lisait ses propres finalités et son esprit
particulier. Simultanément la prohibition des congrégations religieuses dans les
pays sous régime communiste favorisait, en lun ou lautre d’entre eux, notamment
la Slovaquie, le développement de cette association de femmes dûment
consacrées, mais sans vie communautaire.
L’institutionnalisation ecclésiastique de l’association des Volontaires sest
faite en deux temps. Le 5 décembre 1970, la S. Congrégation pour les Religieux et
les Instituts séculiers accordait son Nihil obstat pour l’érection de l’association des
Volontaires de Don Bosco au titre dInstitut séculier de droit diocésain3
Désormais, la voie était officiellement libre. Le deuxième pas fut franchi en 1978.
Le 21 juillet 1978, Paul VI signa son accord pour l’érection de lInstitut séculier
des Volontaires de Don Bosco (VDB) au titre dInstitut séculier de droit pontifical
avec approbation de ses constitutions. Le décret consécutif de la S. Congrégation
des Religieux et des Instituts séculiers a été daté, quant à lui, du 7 août 19784.
Enfin, les constitutions des VDB, revues et corrigées, ont été définitivement
approuvées par la S. Congrégation le 14 juin 1990. Le 24 juin suivant, la Première
Responsable de l’Institut, Gianna Martinelli, pouvait présenter à ses soeurs le
livret contenant ce document essentiel. H comportait, à la suite des décrets, deux

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620
parties : 1) les constitutions, 2) les règlements, et se terminait par un Index bien
fait.5 Les Volontaires se soumettaient scrupuleusement aux lois générales de
lEglise sur la forme de vie consacrée qui est celle des Instituts séculiers6.
L’institut séculier est un institut de vie consacrée des fidèles vivant dans le
monde tendent à la perfection de la charité et s’efforcent de contribuer surtout de
lintérieur à la sanctification du monde, dit le nouveau Code de droit canonique7.
Lidentité des Volontaires de Don Bosco
Les Volontaires de don Bosco, qui ne sont pas des religieuses et qui, se
proclamant laïques, prononcent des voeux de chasteté, de pauvreté et
dobéissance, tout en continuant de participer à la vie du monde, affrontent depuis
toujours des problèmes d’identité. Ce qui, du reste, est le cas dun peu tous les
membres des Instituts séculiers, obligés de combiner dans l’harmonie des valeurs
en apparente contradiction. A qui obéir hors de communautés instituées ?
Comment être pauvres avec l’obligation de travailler et de gagner son pain ? La
solitude apparemment vouée de l’étemelle célibataire est-elle supportable tout au
long dune vie de femme ?8 Tenons-nous en de préférence aux données
constitutionnelles, qui ne prétendent évidemment pas résoudre les problèmes
existentiels de chacune des Volontaires.
Elles nous disent que les Volontaires de don Bosco participent dans
lEglise du patrimoine spirituel et apostolique de saint Jean Bosco, tel que le
bienheureux Filippo Rinaldi le leur a transmis.9 Ce saint prêtre tenta une
expérience évangélique avec un groupe de jeunes femmes, destinées à être dans le
monde un ferment de vie chrétienne. Cette vocation serait pour elles un chemin de
sainteté. Don Rinaldi fut directeur et animateur du groupe de sa naissance en 1917
jusquau 24 mai 1922, quand, devenu recteur majeur des salésiens, il dut confier sa
charge à un délégué. Certes, trente ans avant Provida Mater, don Rinaldi ne
mesurait pas toute la richesse et la fécondité de la sécularité consacrée. Il insistait
cependant sur certaines valeurs typiquement séculières, telles que l’engagement
dans le tissu social du temps ou l’obligation de ne pas se distinguer dans son milieu
(supposé bon et honnête). Ses observations sur la manière de shabiller et sur le
style de vie variable selon la position et la fonction sociale de chacune, mais
respectueux d’un authentique esprit évangélique, allaient dans ce sens. De plein
droit, les VDB considèrent don Rinaldi comme leur vrai fondateur”, disait Anna
Marocco.10
LEglise ayant reconnu dans leur association un Institut séculier de droit
pontifical, les Volontaires de don Bosco peuvent, depuis cette reconnaissance, être
présentées comme des chrétiennes qui, appelées à suivre le Christ au plus près,
veulent harmoniser parfaitement en elles-mêmes trois caractéristiques essentielles :
la consécration, la sécularité et la salésianité. Cest ainsi que, sans vie commune ni
oeuvres propres, unies simplement entre elles par la communion fraternelle et
lappartenance à un Institut approuvé, elles entendent réaliser leur mission dans
l’Eglise et devenir pour le monde un signe de l’amour du Christ. Reprenons ces
trois caractéristiques.

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Les Volontaires sont premièrement des femmes consacrées. H faut laisser
à l’adjectif toute sa force canonique. Par son initiative aimante, Dieu les appelle et
les consacre à Lin dans le Christ et selon l’Esprit Saint, pour les envoyer dans le
monde afin de l’évangéliser à la manière de don Bosco. En réponse à cet appel, les
Volontaires soffrent totalement à Dieu par la profession des conseils évangéliques
de chasteté, de pauvreté et d’obéissance, de façon à vivre pleinement l’alliance
conclue avec Lui lors de leur baptême.
Les Volontaires sont aussi des séculières. Demeurées laïques, leur choix
vocationnel les fait vivre dans le monde. Les Volontaires de don Bosco
contribuent à la sanctification de ce monde de lintérieur et à la manière dun
ferment. La sécularité constitue même la note spécifique de leur vocation, qui les
distingue des religieuses. Cest dans la sécularité quelles vivent leur consécration,
quelles s’acquittent de leur mission, qu’elles expriment leur communion
fraternelle et enfin qu’elles participent à la vie de la famille salésienne.
Très sensibles aux images évangéliques du sel et du levain, les Volontaires
accomplissent de cette manière leur mission dans lEglise. Elles évangélisent le
monde comme le sel dans l’aliment et le ferment dans la pâte. A la suite du Christ
qui sest incarné dans lhumain pour le diviniser, elles mettent au service du
Royaume de Dieu tous les dons quelles peuvent avoir reçus en partage. De la
sorte, leur vie entière se transforme en un véritable apostolat.
Enfin, troisième caractéristique, les Volontaires se veulent salésiennes. Le
charisme salésien quelles revendiquent les qualifiedans lEglise et dans le
monde. De ce fait, la charité pastorale, qui est au centre de l’esprit de don Bosco,
les rend particulièrement ouvertes aux valeurs humaines et évangéliques que le
saint découvrait dans le coeur du Christ. Les Volontaires orientent de préférence
leur action apostolique dans le sens de la mission propre à don Bosco. Comme lui,
elles se confient totalement à Marie, persuadées que la Vierge poursuit dans
l’histoire sa mission de Mère de lEglise et dAuxiliatrice des chrétiens.
Dans le respect de son autonomie et avec les caractéristiques qui lui sont
propres, l’Institut des Volontaires se reconnaît partie vivante de la famille
salésienne. H bénéficie de son patrimoine spirituel par une vie en harmonie avec les
divers groupes qui la composent et lui apporte les richesses et l’originalité de sa
vocation particulière. Les avantages pour tous sont considérables. Y gagnent
lenrichissement réciproque, la fécondité apostolique et la coresponsabilité dans la
sauvegarde et le développement du charisme salésien pour l’intérêt de lEglise et
du monde.
En résumé, les Volontaires de don Bosco sont, dans la famille salésienne,
des femmes consacrées par le Seigneur, qui se donnent entièrement à Lui par la
profession des conseils évangéliques, qui servent le Royaume avec lhumilité du
levain dans la pâte et, enfin, qui tiennent fermement à leur vraie sécularité et à leur
authentique salésianité.

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L’esprit vécu d’une femme consacrée séculière et salésienne
La pleine consécration dune vie selon les conseils évangéliques et la vraie
responsabilité dune présence au monde et dune action transformatrice de ce
monde pour le façonner, le perfectionner et le sanctifier, soumettent la Volontaire
à des obligations quotidiennes exigeantes. Elles supposent et réclament une
vocation solide et beaucoup de persévérance. Ecoutons un membre de lInstitut,
particulièrement qualifié pour les exprimer.11
La Volontaire, nous fait-elle comprendre, est avant tout une croyante, qui
vit dans une union intense avec Dieu Père. Cet amour du Père a fait de don Bosco
un père d’une paternité exceptionnelle. De sa foi provient une confiance sans faille
en la Providence, confiance qui va jusquà la témérité. Une vraie participation à la
célébration eucharistique et une vive dévotion à Marie auxiliatrice alimentent cette
foi.
La mission spécifique de la Volontaire louvre cordialement aux
authentiques valeurs humaines. Elle a choisi de rester dans ce monde pour
répondre à un appel supérieur, qu’elle a accepté et entretenu en elle, car il sagit
d’une vocation au sens propre. La Volontaire ne peut donc se retirer du monde,
sen faire la simple spectatrice ou le rejeter par une totale condamnation. Elle veut
imiter Jésus, intéressé à la création au point de sy incarner. Etre du monde,
c’est-à-dire être engagées dans les valeurs séculières, cest votre manière dêtre
lEglise et de la rendre présente, de vous sauver et dannoncer le salut, disait Paul
VI12. Le fait de vivre, par choix vocationnel, dans les structures séculières,
toujours active et consciente de devoir rapporter toute chose à Dieu, loblige à
témoigner qu’il est possible d’être femme, parfaite citoyenne et en même temps
chrétienne authentique. L’homme intégral se construit sur les principes
évangéliques. Cest au nom de sa consécration séculière, que la Volontaire est
appelée à dénoncer les déviations que le mal introduit dans la nature et les
contrevaleurs que l’homme pécheur insinue dans la société pour, plus ou moins, la
pervertir. Elle proteste alors et lutte de toutes ses forces, recherche la
collaboration des bons, pour que les choses et les structures soient reconnues et
utilisées selon la justice, la paix et la promotion humaine.
La condition séculière de la Volontaire, enracinée dans sa consécration,
lui permet de vivre fortement la valeur travail, cette caractérististique de lesprit
salésien. Son activité est inlassable. Elle reconnaît dans le travail la situation
objective de la nature humaine. Cest pour elle oeuvre d’intelligence et de
conscience. Elle ne le considère cependant pas comme l’activité unique de
lhomme. H y a autre chose que le travail dans la vie. Le travail n’est pas, ou ne
devrait pas être pour elle, le champ des intérêts personnels égoïstes, mais celui
dune amélioration de la cité humaine. La Volontaire est ainsi amenée, selon ses
possibilités et ses capacités, à assumer sereinement des responsabilités et à
perfectionner ses compétences.
Puis, elle se trouve, la Volontaire sefforce de créer un climat de
famille et de joie chrétienne. Elle l’entretient avant tout avec les soeurs de son
Institut. La Volontaire peut se trouver exposée à de très graves épreuves. La

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communion entre Volontaires, réellement vécue et participée, peut alors lui être un
vrai soutien. Très sagement don Rinaldi a conseillé dans quelques cas aux
zélatrices de vivre ensemble pour se soutenir mutuellement. Le climat de famille”
de lInstitut réclame un sens profond dappartenance, qui, dans le respect mutuel,
va très au-delà de lorganisation et des structures. Dans l’idéal, la Volontaire a le
sourire aux lèvres. Qui l’approche se sent aimé et comprend que la vie est un bien
immense, qui vaut la peine d’être donné. Même dans l’insécurité de lexistence et
la précarité du travail, elle participe aux joies humaines et à la bonté des choses.
Elle sait apprécier et valoriser le progrès même minime du Règne de Dieu. La
pauvreté de la créature se transforme alors en vraie richesse.
Enfin, la Volontaire est une fille aimante de lEglise du Christ. Son
Institut se veut animé de l’esprit de don Bosco, serviteur très fidèle de lEglise, qui
laissa à ses fils cet héritage de dévouement filial. Elle se sent responsable de la
mission de lEglise dans l’évangélisation et le salut du monde. Deux éléments
spécifiques caractérisent sa mission : la sécularité consacrée et la salésianité. Les
Volontaires sont pour l’Eglise des éléments sur lesquels le Pape sait pouvoir
compter à tout moment et en toute sorte de milieux : la famille, le travail, la
société civile et ecclésiale, partout la nécessité sen fait sentir.
Notes
1. Cet article concerne les seules Volontaires féminines, dites Volontaires de Don
Bosco (sigle : VDB). Car il existe une association soeur masculine dénommée Volontari Con
Don Bosco, cest-à-dire Volontaires avec Don Bosco (sigle : CDB), dont lidée naquit dabord à
Caracas (Venezuela) fin 1987 dans un groupe danciens élèves salésiens. (Toutes informations
sur les CDB dans le recueil du Dicastère pour la Famille Salésienne, 7 Volontari con Don Bosco.
Associazione pubblica di fedeli laici. Un cammino di vita salesiana (Roma, ed. S.D.B., 1998,
306 p.) En septembre 1992, Luis Bello fit sa consécration privée et, en 1994, Antonio Franco
limita. Parallèlement, à partir de mai 1991 des groupes similaires se constituaient à Malte, au
Paraguay et en Italie. Le Dicastère pour la Famille Salésienne prit rapidement laffaire en main.
Et une ébauche de statuts parut en 1995, présentée par don Antonio Martinelli : Costituzioni dei
Volontari Con Don Bosco (CDB). Istituto secolare maschile salesiano (Roma, Dicastero per la
Famiglia Salesiana, 1995). Le 24 mai 1998, a été signé par Mgr Ignacio Velasco, archevêque de
Caracas (Venezuela), diocèse des premiers Volontaires, le décret dapprobation diocésaine des
Volontaires avec Don Bosco en tant qu’Association publique de fidèles laïcs dans l’Eglise. En
mai 1999, le Bollettino salesiano disait les Volontaires masculins présents dans huit pays :
Argentine, El Salvador, Guatemala, Italie, Malte, Paraguay, Pérou, République tchèque et
Venezuela.
2. Voir E. Viganô, Lettre aux Volontaires de Don Bosco, 26 octobre 1979, § “60 anni
di consacrazione, inerii 295, janvier-mars 1980, p. 53-55.
3. Lettre au cardinal Michele Pellegrino, archevêque de Turin, 5 décembre 1970, éd.
dansait/ 263, mars 1971, p. 35-36.
4. Voir^liii 290, juillet-décembre 1978, p. 44. La date du 7 août, contredisant les Atti,
qui préféraient le 5 août, nous est fournie par le décret du 14 juin 1990, qui va être signalé.
5. Istituto secolare Volontarie di don Bosco, Roma, Stampa Esse Gi Esse, 1990,170 p.
6. Codex luris Canonici, can. 710-730.
7. Codex luris Canonici, can. 710.
8. Ce problème est encore appara dès l’ouverture du Convegno mondiale assistenti.
Volontarie di Don Bosco. Volontari Con Don Bosco, tenu à Roma-Pisana du 6 au 13 décembre

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1999, avec lintervention remarquée de la Première Responsable des VDB, Gianna Martinelli,
justement intitulée Identità delle VDB.
9. Ce paragraphe sur lidentité sinspire de la conférence dAnna Marocco, Première
Responsable des VDB, “Originalità e attualità della vocazione della Volontaria di Don Bosco
nella Famiglia salesiana, lors de la Semaine de spiritualité de la famille salésienne de 1981,
éditée dans le recueil La donna nel carisma salesiano, Leumann, Elle Di Ci, 1981, p. 175-195 ;
et de la première partie des constitutions rénovées des VDB, intitulée LIstituto delle Volontarie
di don Bosco nella Chiesa (Costituzioni VDB, art 1-7).
10. A pieno diritto quindi le VDB guardano a don Rinaldi come al loro vero
fondatore(Anna Marocco, “Originalità e attualità..., intervention citée, loc. cit., p. 182.)
11. On démarque ici un paragraphe de lintervention dAnna Marocco, Originalità e
attualità... , loc. cit., p. 184-188.
12. Essere nel mondo, cioè essere impegnati nei valori secolari, è il vostro modo di
essere Chiesa e di renderla presente, di salvarvi e di annunziare la salvezza(Paul VI, 20
septembre 1972, cité par Anna Marocco, loc. cit., p. 184).

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Zèle
Don Bosco géant de zèleapostolique
L’évangile de Jean nous raconte que Jésus, débarquant à Jérusalem,
découvrit dans le Temple un marché de bestiaux, qu’outré par le désordre il chassa
les animaux à grands coups de fouet, dispersa la monnaie des changeurs, renversa
leurs tables et interpella les marchands de pigeons : “Otez cela d’ici. Ne faites plus
de la maison de mon Père une maison de commerce, et aussi que ses disciples se
remémorèrent alors le verset de lEcriture : Le zèle de ta maison me dévore.1 Le
grec zelos se traduit : ardeur, émulation, jalousie. Au sens religieux, retenu ici de
préférence, le zèle est une ardeur forte, violente, facilement jalouse, à servir la
cause de Dieu.
Dun bout à l’autre de sa vie, le zèle de don Bosco fut reconnu et célébré.
Auprès de son nom et pour l’année 1841, qui fut celle de son ordination
sacerdotale, on nota déjà sur le registre du séminaire diocésain de Turin : Zelante
e di buona riuscita(zélé et réussit bien).2 Lannée suivante, le jeune prêtre Bosco
résuma soigneusement linstruction du jésuite Minini au sixième jour de sa retraite
de Sant’Ignazio (juin 1842), quand il commentait l’axiome : Le prêtre est rempli
de zèle pour le salut des âmes.3
Le panégyrique de saint Philippe Néri que don Bosco prononça en 1868 à
Alba reflétait son propre zèle sacerdotal, ses auditeurs prêtres le remarquèrent
aussitôt. Il annonçait : Je me limiterai à vous donner un aperçu de ce qui est en
quelque sorte le pivot autour duquel se sont ordonnées ses autres vertus : le zèle
pour le salut des âmes. Cest le zèle recommandé par le divin Sauveur lorsquil dit
: Je suis venu porter un feu sur la terre, et que désiré-je sinon quil s’allume ? ...
Philippe est persuadé que nul sacrifice nest aussi agréable à Dieu que le zèle pour
le salut des âmes ... A la vue des maux [de Rome] qui augmentaient toujours,
Philippe, à lexemple du divin Sauveur qui, au début de sa prédication, ne
possédait rien au monde que ce grand feu de la charité divine qui le poussa à venir
du ciel sur la terre ... [Philippe] se fait tout à tous.”4
Le zèle religieux de don Bosco provenait de ce grand feu de charité
divine”, quest lamour des âmes, c’est-à-dire des personnes, avant tout des
jeunes. Il les voyait sur la route de la vie, préparant leur avenir, pour aboutir un
jour en des dispositions qui l’inquiétaient à la rencontre du juge de leur dernier
instant. C’était lheure cruciale du destin : ou bonheur sans fin ou perte étemelle.
Don Bosco voulait certes le bien temporel des hommes et des femmes et se
dépensait pour le leur procurer. Innombrables se dressent les obstacles au bien
vivre. Il fallait les prévenir ou les écarter. La joie des gens l’enchantait lui-même,
leur détresse l’attristait. Mais c’était par-dessus tout leur salut, que le péché
rendait problématique, qui le préoccupait. Que naurait-il fait pour les éloigner du

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péché ou les en retirer ! Toujours par l’effet du grand feu de charité divinequi le
brûlait. Quand donq l’amour est ardent et quil est parvenu jusques a vouloir
oster, esloigner et divertir ce qui est opposé à la chose aymee, on l’appelle zele,
écrivit François de Sales. De sorte qua proprement parler, le zele nest autre
chose sinon l’amour qui est en ardeur, ou plustost l’ardeur qui est en lamour. Et
partant, quel est l’amour, tel est le zele qui en est lardeur : si l’amour est bon le
zele en est bon, si l’amour est mauvais, le zele en est mauvais.”5 La ferveur qui
animait don Bosco dune ardeur quasi lancinante pour la plus grande gloire de
Dieu et le salut des âmes, était ce que nous appelons son zèle.
H nétait pas petit. Tout au long de son existence il appliqua
admirablement la leçon du prédicateur Minini. Quelques mois avant sa disparition,
l’hebdomadaire milanais de don Albertario concluait sur lui un long article
débordant dadmiration par la phrase : “Cest une véritable puissance, encore qu’il
soit très humble et très affable ; c’est un géant de charité et de zèle, tout éloge est
inférieur à son mérite.”6 Don Bosco était donc non seulement, comme dautres
l’ont dit et écrit, “un géant de charité, mais aussi un “géant de zèle!
Les leçons de don Rua et de don Albera sur le zèle salésien
Les véritables disciples d’un tel maître se devaient d’être eux-mêmes
zélés, cest-à-dire généreux et dévoués au service de la cause de Dieu. Parmi les
vertus qui brillèrent de la plus vive lumière dans la vie de notre Vénérable Père et
Maître (don Bosco), écrivait le nouveau recteur Albera dans sa lettre de
présentation des circulaires de son prédécesseur don Rua, il advint au regretté don
Rua de dire que nulle ne l’avait autant frappé que le zèle inlassable qui enflammait
son coeur. H semblait s’être proposé pour tâche préférentielle de recopier ce zèle
en lui-même. Il orientait donc toutes ses actions, il consacrait toutes ses actions à
procurer partout et toujours la gloire de Dieu et à sauver le plus grand nombre
d’âmes possible. Telle fut l’unique fin, la seule aspiration de toute sa très
laborieuse existence. Y compris pendant sa longue et pénible maladie, cette soif
inextinguible des âmes ne cessa de le tourmenter.7
Il est vrai que l’enthousiasme des origines pouvait retomber. Le recteur
Albera le déplorait à la veille de la première guerre mondiale. La crainte me saisit,
écrivait-il, que vienne à disparaître parmi nous le zèle ardent de nos premiers
missionnaires, et que nous ne correspondions plus complètement aux desseins de
Dieu sur notre humble congrégation. Je vois hélas diminuer de jour en jour les
demandes de départs en missions. Tels des coups de marteau, les termes de la
formule : tene quod habes (litt. : tiens ce que tu as) retentissent dans mon esprit.”8
Le zèle figura donc en bonne place, au cours de la guerre de 1914-1918,
parmi les conseils et avisde ce recteur pour conserver l’esprit de don Bosco
dans toutes les maisonsde la société salésienne. Son paragraphe Zelo (le zèle)
nous instruit non seulement sur les objets, certes datés dans lexpression, qu’il
proposait au zèle salésien de l’époque, mais aussi et surtout sur la dépendance
quil établissait justement, comme don Bosco lavait fait, entre zèle et amour, soit

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de Dieu, soit du prochain9. Le salésien zélé est un salésien aimant et qui fait
preuve de véritable amour.
Plus que tous les autres fils de don Bosco, le directeur doit, écrivait-il,
méditer la devise Da mihi animas de la société salésienne. H sait que rien ne peut
être plus agréable au Coeur de Jésus (nous dirions : un signe plus évident de notre
amour de Dieu) que de travailler avec zèle au salut des âmes rachetées par lui de
son propre sang. Cest le meilleur moyen de manifester notre désir de réparer le
mal que nous avons peut-être précédemment commis et de consoler la
congrégation endeuillée par la mort en guerre de tant de confrères et, plus encore,
par la défection dun certain nombre dautres. Le directeur zélé sefforcera donc
daider ses confrères à persévérer dans leur vocation et à progresser chaque jour
nel sentiero délia perfezione(sur le sentier de la perfection). Il ne négligera rien
pour éloigner de son institution le péché, en particulier celui dimpureté. H aimera
les jeunes dun amour saint et fort. Le Seigneur les lui confie : Accipe puerum et
nutri mihi. Custodi innocentiam (Prends cet enfant et nourris-le pour moi. Veille
sur son innocence). H ne croit pas s’être acquitté de sa tâche quand il a procuré
aux élèves de son école un certain degré d’instruction, il sait devoir en faire
dhonnêtes citoyens et surtout de bons et fervents chrétiens. H naime pas
seulement ses élèves pour les quelques années passées dans son école : il les aime
pour l’éternité. Quand ils sen vont, il leur exprime certes son espérance de les
revoir encore à l’occasion sur cette terre, mais surtout de les retrouver au ciel
autour de don Bosco. Il s’efforce de les agréger à l’Association locale des anciens
élèves, afin de pouvoir les aider à garder fidèlement les bons principes inculqués
chez lui. Son zèle ispirato dalla carità(inspiré par la charité) et dirigé par la
prudence lui interdira d’accepter des tâches étrangères à son devoir propre dans
son institution. H essaiera au contraire de s’opposer, par la parole et par l’exemple,
à la propension de certains de ses confrères à préférer des charges qui les
détachent de léducation de leurs jeunes.
Le recteur exhortait enfin ses directeurs à chercher des recrues pour sa
société. Le directeur zélé, écrivait-il, estime être “una grave sventura(un grand
malheur) de voir se terminer une année scolaire sans présenter quelque vocation à
la société salésienne, dût-il arracher cette grâce au Coeur de Jésus par de
multiples prières et sacrifices10. H cherche aussi à augmenter quotidiennement le
nombre des Coopérateurs, qui, participant de l’esprit de don Bosco, sen font
matériellement et spirituellement les promoteurs.
Un terme parfois devenu problématique
Rien de plus dégradé que le mot zèlequand on le vide de sa substance
théologique, arriva-t-il décrire au P. Jean Daniélou11. Il est parfois de bon ton de
l’abandonner aux peu sympathiques zélotesdu temps de Jésus et aux activistes
des milices contemporaines. Le zèle encombre, il confine au fanatisme, dira-t-on.
Et les exaltés ont vite franchi la frontière. Les encourager est donc dangereux. La
froide sagesse calme les excessifs toujours maladroits. Mais, ô censeur, réfléchis
un instant. Le fanatisme caricature le zèle vertueux, qui reste prudent et sage. Si
l’amour est bon, le zèle l’est aussi, remarquait, nous l’avons vu, saint François de

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Sales. Les vrais zélés, gens de foi et de charité authentique, relèvent de la race de
ce saint. La ferveur de leur zèle ne les empêche pas d’être discrets.
Le disciple de don Bosco reste convaincu quil appartient à la sainteté
typique de leur maître et modèle d’avoir accepté le service du Royaume de Dieu
avec enthousiasme et joie, heureux de mettre à la disposition du Seigneur toutes
ses forces, prêt à accepter toutes les fatigues, parce quil avait compris la grandeur
divine de cet appel. Le service salésien des jeunes saccomplit avec zèle,
c’est-à-dire, expliquait un spirituel salésien de la fin du siècle, avec un dynamisme
de feu, car sont en jeu le bonheur terrestre et le bonheur étemel de tant de jeunes.
Cest si beau et si grave.Le disciple de don Bosco demeure frappé de l’avoir
entendu proclamer tant et tant de fois que “coopérer avec Dieu au salut des âmes
à travers loeuvre éducative est la chose la plus sainte au monde”. Cest chose
divine, mieux encore, cest la chose la plus divine des choses divines”, concept
étrange à première vue, puisque, par définition, en Dieu tout est divin. Peut-il
exister en Dieu une chose plus divine que les autres ? Mais nous comprenons sans
peine que lauteur de cette phrase veut montrer la sublimité d’un geste qui dépasse
tout. Son zèle ardent sexprime ainsi. Don Bosco ne voulut rien d’autre que de
participer au zèle de feu de Jésus sauveur au bénéfice des jeunes et de tous ceux
auxquels Dieu voulait l’envoyer.12 Le disciple de don Bosco, membre de la famille
salésienne, essaie humblement de l’imiter
Notes
1. Jean 2,14-17 ; Psaume 69, 10.
2. Relevé par Mgr Bertagna au procès de canonisation de don Bosco (Procès informatif
ordinaire, Summarium, p. 78.)
3. Manuscrit autographe de don Bosco Esercizi spirituali fatti nel Santuario di S.
Ignazio ..., inédit, reproduit en FdB 84 A9-B3.
4. Io mi limiterò a dirvi solamente un cenno di quello che è come il cardine intorno a
cui si compierono, per cosi dire, tutte le altre sue virtù, cioè lo zelo per la salvezza delle anime.
Questo è lo zelo raccomandato dal Divin Salvatore quando disse : Io son venuto a portare un
fuoco sopra la terra, e che cosa io voglio se non che si accenda ! ... Filippo è persuaso che niun
sacrifizio è tanto grato a Dio quanto lo zelo per la salvezza delle anime ... Alla vista di quemali
ognor crescenti, Filippo, ad esempio del Divin Redentore che, quando diede principio alla sua
predicazione, altro non possedeva nel mondo se non quel gran fuoco di divina carità che lo
spinse a venire dal Cielo in terra... Filippo si fa tutto a tutti... (MB IX, p. 215-217.)
5. François de Sales, Traitté de lamour de Dieu, livre X, chap. XII, in Oeuvres, t V,
p. 207.
6. Egli è una vera potenza, sebbene umilissimo e affabilissimo ; egli è un gigante di
carità e di zelo, ed ogni encomio è inferiore al suo merito.(Leonardo da Vinci, 13 février 1887.
Voir MB XVin, p. 289.)
7. Fra le virtù che brillarono di vivissima luce nella vita del nostro Venerabile Padre e
Maestro, il compianto sig D. Rua ebbe a dire che nessuna lo aveva colpito quanto lo zelo
instancabile onde apparve ognora infiammato il cuore di lui, e questo zelo sembrò proporsi in
modo speciale di ricopiare in se stesso ; quindi a procurare ovunque e sempre la gloria di Dio, a
salvare il maggior numero possibile di anime erano rivolti i suoi pensieri, a ciò erano indirizzate
tutte le sue parole, e consacrate le sue azioni. Questo fu l’unico fine, la sola aspirazione di tutta
la sua laboriosissima vita. Anche durante la lunga e penosa sua malattia, non cessò di

24 Pages 231-240

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24.1 Page 231

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629
tormentarlo questa inestinguibile sete di anime.” (P. Albera, Présentation des Lettere circolari di
Don Michele Rua ai Salesiani, Torino, tip. S.A.I.D. “Buona Stampa, 1910, p. V.)
8. ... mi sorprende il timore che venga meno fra noi lo zelo ardente dei nostri primi
missionari, e che noi non correspondiamo completamente ai disegni di Dio sulla nostra umile
Congregazione. Vedo purtroppo ogni giorno diminuire le domande di andare nelle missioni, e
perciò mi si ripercuotono nella mente quasi colpi di martello le parole : tene quod habes.(P.
Albera, Lettre aux salésiens, 25 janvier 1911, L.C., p. 19-20.)
9. P. Albera, Consigli ed avvisi per conservare lo spirito di D. Bosco in tutte le Case,
Lettre aux inspecteurs et aux directeurs, 23 avril 1917, L.C., p. 228-229.
10. ... dovesse pure strappar questa grazia al Cuor di Gesù con molti sacrifizi e
preghiere. (Lettre citée, p. 229.)
11. Essai sur le mystère de lhistoire, rééd., Paris, 1982, p. 306.
12. Daprès J. Aubry, Avec Don Bosco vers l’an 2000, Rome, Maison génralice, 1990,
p. 38-39.

24.2 Page 232

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24.3 Page 233

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631
INDEX GENERAL
Action. - dans la vie de don Bosco, 19. - et vie spirituelle, 28-29. - en spiritualité
salésienne, 41-47. - et agitation, 42-43. - L’extase de 1’ -, 46. - et contemplation,
144-145. - et passion, 178-179. - et expérience religieuse, 281. - sanctifiée selon
don Rinaldi, 513-514.
Adoration. - et spiritualité salésienne, 48-51. - eucharistique, 266. - dans
l’expérience religieuse, 281
Affectivité. - dans lamitié, 58-63. Maturité affective, 479, 480, 481. - en
éducation, 561, 563.
Albera, Paolo, recteur majeur. - et saint François de Sales, 20. - et lévolution des
mentalités, 22. - et le culte des anges, 69. - et l’indispensable ascèse, 83. - et la
bonté salésienne, 93. - et la civilité exemplaire de don Bosco, 123-124. - et la
consécration à Marie auxiliatrice, 139. - et la correction fraternelle par fonction,
169. - et le légalisme du strict devoir, 185. - et les dévotions salésiennes, 190. - et
la Bible, 198-199, 204. - et la direction spirituelle, 217-219. - et la discipline
religieuse, 222-223, 485, 487. - et la douceur, 226-228. - et lEglise, 238. - et
lesprit salésien, 258. - et la célébration eucharistique, 263. - et lexamen de
conscience, 269-270. - et l’imitation de don Bosco, 275. - et la vie de foi,
310-311. - et l’humilité, 327-328, 331. - et le culte de Marie auxiliatrice, 373. - et
la méditation religieuse, 388-389. - et le monde, 414. - et lobéissance religieuse,
438, 485. - et la pauvreté religieuse, 446, 450. - et la piété salésienne, 458,
461-463. - et le prêtre salésien, 465-466. - et la règle de vie, 491-492. - et le culte
du Coeur de Jésus, 526. - et le recueillement, âme de toute vie intérieure, 585. -
et les vertus salésiennes, 591, 592. - et le problème de la vocation religieuse et
sacerdotale, 610. - et le zèle indispensable, 626-627.
Alliance. Avec Dieu, avec le Christ, 103-105, 224. Sacrement de 1’ - , 264. Les
constitutions religieuses, pacte d-, 537.
Ame. Sens du mot -, 54-56, 285. - dans la devise Da mihi animas, 7, 16, 55-57. -
dans la tradition salésienne, 52-57. Le salut des - , 16, 543-549.
Amitié. Vraie et fausse -, 58-59. - dans la tradition salésienne, 60-61. - fraternelle
et communauté, 133-134. - et correction fraternelle, 167-168. L- dans le système
éducatif de don Bosco, 561.
Amorevolezza. Interprétation du terme - , 119, 423, 561, 563.

24.4 Page 234

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632
Amour. - dans la spiritualité contemporaine, 31. - de Dieu, 21, 64-67, 242, 280,
316. - selon saint François de Sales, 64-67, 316-317. Le primat de 1’ - en
spiritualité salésienne, 66. L’amour du prochain, 66. - et charité, 112-116. - et
chasteté, 118-119. - dans le couple, 285-287. L- fraternel et ses exigences, 572.
Amour-propre. Mortification de 1’ - , 421, 439, 440.
Anges. Les - en spiritualité salésienne, 68-72. - L- gardien, 68-69, 189, 276, 301.
Apostolat. - et vie salésienne, 73-78. - missionnaire du salésien, 410. - et musique,
434. - et sainteté, 532, 552. - de Dominique Savio, 553.
Ascèse. - et don Bosco, 19. - L- salésienne, 79-86. - de renoncement, 82-83. -
dacceptation, 84-85. Le caractère indispensable de 1’ - pour le salésien, 535.
Autonomie. - du disciple, 485.
Autorité. Fausse conception du rôle de 1’ - , 24. L- et l’obéissance religieuse,
439-441.
Béatitudes. - salésiennes, 7, 87-91. - de la jeunesse, 350.
Beltrami, Andrea, salésien, serviteur de Dieu, témoin de la souffrance acceptée,
178, 181, 189, 354, 356, 532.
Besucco, Francesco, élève de don Bosco, 276, 304, 338, 349, 473.
Bible. Recours à la - , 12, 25, 29, 53, 66, 70, 103, 183, 305, 306, 307, 364-365,
413, 475. Lecture régulière de la - , 198-199, 364-365.
Bonté. En spiritualité salésienne, 92-95. Fausse et vraie - , 92. - paternelle et
indulgente, 93-94. Méthode de la -, 94. - et autorité, 437-439. - pastorale de don
Rinaldi, 513-514.
Bosco, Giovanni. Biographie de -, 96. - dans l’histoire de la spiritualité, 96-97.
Expérience religieuse de - , 12-16. Spiritualité de - , 17-19. L’école spirituelle de -
, 20. Lâme selon - , 52-53. Avvisi ai Cattolici, 240, 502. L’axiome de - : Da mihi
animas, 52, 55. Les amitiés du jeune -, 59-60. - et les anges, 68. Le songe de - ,
dit des diamants”, 81. Bonté de - , 93-94. Cattolico (II) istruito, 358, 362.
Cattolico (II) provveduto, 460. Poème de Paul Claudel sur - , 97-99. Le célibat
consacré de - , 117. Chiave (La) del Paradiso, 358, 362. Cristiano (II) guidato
alla virtù ed alla civiltà secondo lo spirito di San Vincenzo de Paoli, 122, 124,
189, 192, 201, 276, 278, 358, 360, 361, 591.- et la politesse, 122-123. - et le
salésien coadjuteur, 127-128. - et la communion fraternelle, 132. - en présence de
Dieu, 145. - et la correction fraternelle, 167-168. - et le courage, 174. - et le
devoir, 183-184. Sens de Dieu de - , 194. - et la crainte de Dieu juge, 196. La
coopération humaine avec Dieu selon - , 201. - et le directeur salésien, 207. - et la
direction spirituelle, 214, 216. - et la discipline religieuse, 222. Divoto (II)

24.5 Page 235

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633
dellAngelo Custode, 68, 71. - et la douceur, 226-227. Ecclésiologie de - ,
236-237. L’action sociale de -, 242-243. - et la politique, 245. - et lespérance,
250. L’esprit de - , 257-258, 491. - et l’exemple, 274-277. - et la famille
salésienne, 289. - et les Filles de Marie Auxiliatrice, 299. - et les fins dernières de
lhomme, 303. - et saint François de Sales, 318-319. Giovane (II) provveduto, 18,
34, 38, 51, 68, 71, 72, 97, 99, 102, 183, 187, 189, 190, 192, 250, 268, 276, 302,
307, 344, 349, 350, 359, 429, 431, 460, 461, 463. Histoire d’Italie (Storia
d’Italia'), 276. Histoire ecclésiastique (Storia ecclesiastica), 203, 240, 276, 349,
371. Histoire sainte (Storia sacra), 198, 204, 276, 338, 344, 349, 486, 570.
Humilité de - , 326. - et Jésus Christ, 338-339. Introduction aux Constitutions
salésiennes, 115, 418, 441, 449, 475, 606, 614, 617. - et le salut de la jeunesse,
346. Lectures catholiques (Letture cattoliche), 18, 51, 96, 284, 358. L’influence
d’Alphonse de Liguori sur - , 367-368. - et le culte marial, 370-372. Maraviglie
della Madre di Dio, 377, 497. Maria Ausiliatrice col racconto ..., 377. Memorie
dellOratorio, 20, 38, 47, 59, 62, 91, 176, 221, 227, 228, 318, 319, 330, 350,
355, 369, 496. Mois (Le) de mai (Mese (II) di maggio), 52, 53, 56, 183, 194, 196,
202, 230, 234, 235, 276, 302, 307, 338, 344, 370, 377, 454, 457. - et les missions
ad gentes, 408, 411-412. - et le monde, 414. - et la mort, 429. - et la musique,
432. - et l’obéissance religieuse, 437. - et la pauvreté, 444-445. - et le sacrement
de pénitence, 454-455, 457. Porta teco, Cristiano, 183, 187, 284, 287, 359, 453. -
et l’esprit de prière, 472-473. - et la religion populaire, 493-494. - et la vraie
religion, 498-499. Règlement des maisons salésiennes (Regolamento per le case),
580. Ricordi confidenziali ai direttori, 211, 439, 441. La sainteté accessible à tous
selon - , 531. - et le culte des saints, 538-540. - et le salut des âmes, 543-544.
Sistema (II) preventivo nella educazione della gioventù, 60, 99, 100, 452, 453,
486, 559, 563, 564. - et la tempérance, 569. - et le travail, 580-583. Valentino,
359. - et la vie religieuse, 600-602, 614. - et la vocation sacerdotale ou religieuse,
608-609. - géant de zèle, 625-626.
Bosco, Margherita, née Occhiena, mère de Giovanni, servante de Dieu, 14, 96,
284, 287.
Cafasso, Giuseppe, saint, 15, 221, 367. - directeur spirituel, 218. - et l’exercice
de la bonne mort, 304, 429.
Caravario, Callisto, bienheureux, salésien martyr, 20, 175, 178, 567.
Catéchèse. Et vie spirituelle, 229-230. - familiale, 284. - narrative, 276-277.
Célébration liturgique. Esprit et mode de la -, 101-106. - et fête religieuse, 296.
Célibat consacré, 117-119. - des religieux, 604. - des membres des Instituts
séculiers, 616, 621.
Chant. Et vie spirituelle, 432. - et fête, 295. - grégorien, 432-433.
Chapelet. Voir : Rosaire.

24.6 Page 236

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634
Charisme. En spiritualité salésienne, 7, 8, 107-111. - des fondateurs, 32-34.
Promotion humaine intégrale, - de don Bosco, 479. Le patrimoine charismatique
salésien, 108-109. La communauté des -, 109-110. - salésien féminin, 383, 385.
Charité. Et vie salésienne, 64-67, 112-116. - apostolique, 21, 73. - pastorale, 21,
113-115. - et charismes, 109-110. - et perfection spirituelle, 489.
Chasteté. La - vouée, 117-121. Présentation de la - par les Filles de Marie
auxiliatrice, 119. - et maturité humaine, 119-120.
Civilité. En spiritualité salésienne, 122-125. - et amour du prochain, 123.
Coadjuteur salésien. Histoire du - , 126-131. - dans la mission salésienne,
127-129. Identité du -, 129-130. Caractère laïc ou séculier du -, 357, 557.
Colloque spirituel, 209-210, 218.
Combat (Le) spirituel, oeuvre de L. Scupoli, 80-81, 268, 272, 314.
Communauté. La - familiale, 285-286. La - religieuse, 133-135, 207-209,
601-602. - et expérience religieuse, 281-282.
Communion. Spiritualité de - , 29-31. De la vie commune à la - fraternelle,
132-137. La - fraternelle, 133-135. La - eucharistique, 231, 262-265. La -
spirituelle, 263.
Comollo, Luigi, compagnon de Giovanni Bosco, 15, 59-60, 61, 167, 276, 277,
278, 349, 370, 377. Mort de -, 425-426.
Compte rendu spirituel, 209-210, 215. - et correction fraternelle, 170.
Confession. - et compte rendu spirituel, 170. - sacramentelle, 231, 454-457. - et
direction spirituelle, 454-455.
Consécration. Et spiritualité salésienne, 138-142. Divers sens du mot - , 138,
140, 603. - apostolique, 140. - religieuse, 301, 602-603. - des Volontaires de Don
Bosco, 621.
Contemplation. Et vie salésienne, 143-146. La - dans l’action, 144-145.
Conversion. Et révision de vie, 171. - et confession, 454-457. - et retraite
spirituelle, 504. - et sainteté, 535.
Coopérateur salésien. L’action du - , 45-46. Les coopérateurs de don Bosco,
161-162. Identité des - , 163. LAssociation - après Vatican II, 162-164. Le
Règlement de Vie Apostolique des - , 6, 45-47, 95, 162-164, 165, 166, 181, 191,
199, 204, 218, 221, 239, 241, 246-248, 256, 282, 283, 286-288, 312, 313, 355,
411, 412, 417, 450, 471, 491, 492, 509, 537, 549, 584, 589. LAssociation des - ,

24.7 Page 237

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635
chemin de sainteté, 164-165. - et le sacrifice, 180. Les - et l’Eglise, 239, 241.
Lengagement social des - , 246-248. - et 1 Esprit Saint, 254. L expérience
religieuse des -, 282, 283. - et spiritualité familiale, 286-287. La foi du - , 312. - et
perfection spirituelle, 489. Sécularité des -, 556, 557.
Correction fraternelle. Et vie salésienne, 167-173. - amicale, 167-168. - par
fonction, 168-170.
Courage. Et spiritualité salésienne, 174-177. - altruiste, 174. Modèles salésiens de
-, 174-175. Le -, don de lEsprit Saint, 175.
Crainte de Dieu, 66, 195-196. - filiale, 462. - servile, 485.
Croix. La passion dans la spiritualité salésienne, 178-182. L’esprit de sacrifice,
179. La participation à la - du Christ, 301. Béatitude de la souffrance, 88-89.
Béatitude des persécutés, 90. - et espérance chrétienne, 251.
Culte. Et spiritualité, 101-105. - spirituel, 458. - de Marie auxiliatrice, 494. -
populaire, 494-496.
Culture. Sens du mot, 245-246. Evangélisation de la -, 245, 332-337, 480-481.
Humanisation de la - , 324. Les valeurs culturelles, 333-334. - et mission de
lEglise, 405. Et voir : Inculturation.
Danse. Et spiritualité, 434, 435. - et temps libre, 576-577.
Devoir. En spiritualité salésienne, 183-187. Lascèse du - , 84. Le strict - ,
184-185.
Dévotion. En spiritualité salésienne, 188-193. - selon saint François de Sales, 188.
Les - salésiennes traditionnelles, 188-190. La réhabilitation des - particulières,
190-192. La - au pape, 238, 241. - et piété, 463.
Dialogue. Et vie communautaire, 133-135. - avec Dieu, 271. - entre religions,
238, 239, 401, 502. - et cultures, 335-336. - dans la méditation religieuse, 389. -
et obéissance religieuse, 437, 440-441. - en confession, 455. - dans les relations
sociales, 485. Et voir : Colloque spirituel.
Dieu. Créateur et Père, 194-205. - et laction humaine, 44, 45. Adoration de - ,
49. Amitié de -, 305, 306. Attention à - , 364, 365. Bonté de - , 92, 194, 454.
Confiance en -, 201, 318. Consécration par -, 140-141. Dessein de -, 201, 249.
Gloire de -, 16, 19, 26, 28, 83, 84, 185, 197-198, 304. Goût de -, 21. Honneur
de - , 48, 49. Jugement de - , 302. - dans la liturgie, 103-105. Pardon de - ,
451-452. Présence de -, 145. Providence de -, 194, 322. Règne de - , 129, 130,
306. Service de - , 19, 42, 132. Volonté de - , conformité à la, 60, 65, 67,
200-202, 210, 216, 218, 224, 280, 315, 440, 608. Et voir : Crainte de Dieu,
Parole de Dieu, Union à Dieu.

24.8 Page 238

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636
Directeur salésien, directrice salésienne. Dans sa communauté, 206-213. Premier
facteur de lunité communautaire et représentant du Christ parmi ses frères, 133.
Fonction spirituelle du - , 208-213. Fonction pastorale du - , 469. Zèle
recommandé au -, 627.
Direction spirituelle, 7, 209, 210. La - salésienne, 214-221. - et accompagnement
spirituel, 214, 220. Objet de la - , 217. Style salésien de la - , 216. Compétences
requises du directeur spirituel, 170, 218-219. La - de saint François de Sales, 315.
- et confession sacramentelle, 454-455.
Discipline religieuse. La - salésienne, 222-225, 536. La - et la raison, 485.
Douceur. Béatitude de la -, 88. La - salésienne, 226-228.
Education, 8. - et promotion humaine, 477-479. - pédagogie de sainteté, 534. Et
voir : Système préventif.
Education religieuse. L- salésienne, 229-235. - et enseignement, 229-230. - et
pratique religieuse, 230-232. - de la foi, 232-234. - rencontre du Christ, 232.
Eglise. Et vie salésienne, 236-241, 301, 360. Ecclésiologie de don Bosco,
236-238. L- de la Charte de communion de la Famille salésienne, 238-240. - L-,
arche unique du salut, 236, 543. Le pape de Rome, chef de 1’ -, 237, 238, 240,
241. L- locale, 239. Conception mystique de 1’ -, 240, 259. La doctrine sociale
de 1’ - , 243. - et politique, 245. L- et la paix, 245. L- et lesprit salésien, 259.
L- et lexpérience spirituelle, 280. L- et les cultures, 332-337. L- et Marie,
371-376. L- et la mission salésienne, 407. L- et la vraie religion, 498-501. L’ -
et le salut, 545-546. L- et la vocation sacerdotale ou religieuse, 610-611.
Engagement social. L- salésien, 7, 242-248. L- de don Bosco, 242-243.
Adaptation del-, 243-244. L- pour la justice, 244. L- de la famille salésienne,
245-247. Une spiritualité del-, 244. - et politique, 245.
Enseignement religieux. Et vie spirituelle, 229-230.
Espérance. L- salésienne, 8, 249-252. - naturelle au spirituel salésien, 249. La
confiance joyeuse, caractéristique de 1’ - salésienne, 250. Les chemins de F - ,
250-251.
Esprit Saint, 10, 11, 25, 27, 30, 32, 77, 117, 129, 140, 142, 199, 215, 216,
252-256, 408. - et charismes, 107-111. - et courage, 175. Sagesse, don de 1’ -,
219. - et Eglise de Jésus Christ, 238. - dans les constitutions salésiennes, 252-254.
- et cultures de lhumanité, 334. - et joie, 354. - et méditation religieuse, 390. - et
réconciliation du pécheur, 455. Le don de piété, don del’-, 462. L- et la retraite
spirituelle, 507.
Esprit salésien. Lesprit des sociétés religieuses, 6, 10. Descriptions de F - ,
257-261. L- d’après les constitutions salésiennes, 259.

24.9 Page 239

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637
Eucharistie, 14. - et spiritualité salésienne, 262-267. L’adoration eucharistique,
49-51. La participation eucharistique, 102-107, 265-266. La dévotion
eucharistique, 190. La messe, sacrifice et sacrement de leucharistie, 263-266,
465-466. L- et le prêtre, 465, 469.
Eutrapélie, 322.
Evangélisation. Et spiritualité salésienne, 73-78. La nouvelle -, 74-77, 312, 335,
480-481. - et promotion humaine, 479. - et inculturation, 501. - et témoignage
chrétien, 566.
Examen de conscience, 268-273. L- général, 268-269. L- particulier, 269-270.
L- mensuel, 270-271. Bienfaits de 1’ - , 271.
Exemple. Et spiritualité salésienne, 274-278. Les modèles salésiens, 275.
Lexemplum dans la spiritualité salésienne, 276-277..
Exercice de la bonne mort. Voir : Mort.
Exercices spirituels. Voir : Retraite spirituelle.
Expérience religieuse. - de don Bosco, 12-16. L- de Dieu, 27-29. - et
spiritualité salésienne, 33-34, 279-283. L- en éducation, 233. Valeurs de 1’ - ,
280-282. L- du coopérateur salésien, 282. Expérience de Dieu et vie religieuse,
605.
Famille. Et spiritualité salésienne, 284-288. - d’après le Regolamento di Vita
Apostolica, 286-287. - selon don Viganò, 285-286.
Famille salésienne, 6, 7, 8, 12. Histoire de la -, 289-293. Spiritualité de la - , 10,
12. Charte de communion (Carta di comunione) pour la - , 6, 46, 47, 95, 111,
114, 176, 177, 238-239, 241, 254, 256, 291-292, 293, 322, 325, 377, 378, 407,
411, 539. Charisme de la -, 109. - et communion fraternelle, 135. - et direction
spirituelle, 214. - et engagement social, 243-247. Naissance des statuts de la - ,
290. Congrégations affiliées à la -, 291. - et le recteur Viganò, 373-374. -, famille
missionnaire, 409-410. Règles de vie de la - , 488-492.
Femme, 7. Féminisme contemporain, 25. Valeurs de la féminité, 118.
L’humanisme salésien et la - , 323-324. Promotion de la - , 323-324. - dans
l’Eglise, 244.
Fête. Et vie salésienne, 294-298. Préparation de la - , 294-295. Programme
traditionnel de la - , 295. Spiritualité de la - , 295-296. - de Marie Auxiliatrice,
495.
Filles de Marie Auxiliatrice (Salésiennes). Origines des - , 382. Histoire des - ,
299-302. - et l’amitié, 61, 63. - et la dévotion aux anges, 69, 70, 71, 72. - et

24.10 Page 240

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638
lapostolat, 74. - et le mystère de la croix, 83, 86, 181. - et les béatitudes
évangéliques, 87, 91. - et la célébration liturgique, 105, 106. - et le charisme
salésien, 111. - et la chasteté, 119, 120, 121. - et la communauté religieuse
fraternelle, 133, 134, 136. - et les dévotions propres à l’Institut, 190, 191, 192. -
et la Parole de Dieu, 198, 199. - et la directrice de communauté, 206, 207, 210,
218. - et lengagement social, 242, 243, 244, 247. - et lEsprit Saint, 253. - et
lesprit salésien, 258, 260. - et l’eucharistie, 264. - et lexamen de conscience, 269,
270. - dans la famille salésienne, 289, 290. Séparation juridique des - d’avec les
salésiens, 299-300, 522. L’esprit de Momese, 300-301. - et l’exercice de la bonne
mort, 305, 308. - et la femme, 323-325. - et l’inculturation, 335, 337. Jésus Christ
dans les constitutions des - , 340-342. - et l’éducation des jeunes, 346.- et la
mixité, 348. - et la joie de l’apôtre, 353-354. - et le culte marial, 376-378. - et la
mission salésienne, 405, 407. - et les missions adgentes, 409-412. - et l’ouverture
au monde, 416, 419. - et l’obéissance religieuse, 439-440. - et la pauvreté
religieuse, 444-445, 449, 450. - et le sacrement de la réconciliation, 456-457. - et
les pratiques de piété, 461, 463, 464. - et la prière habituelle, 473, 475, 476. - et la
perfection spirituelle, 489. - et la Règle de Vie, 491, 492. - et la retraite spirituelle
annuelle, 506. - et don Rinaldi, 511 - et le rosaire, 516. - et le salut du monde,
546-547. - et le temps libre, 579. - et le travail, 583. - et l’union à Dieu, 587, 588.
Vertus principales des -, 591. Vocation religieuse des -, 602, 603, 604. Sequela
Christi des -, 603. Sens des voeux des - , 616. Profession religieuse des - , 616.
Constitutions et Règlements des FMA, 6, 63, 72, 106, 121, 136, 204, 206, 207,
209, 210, 211, 213, 247, 252, 253, 255, 266, 267, 269, 272, 299, 302, 337,
340-342, 346, 353-354, 355, 376, 378, 385, 389, 405, 407, 409-412, 416, 419,
442, 449, 450, 456, 457, 475, 476, 492, 508, 518, 549, 579, 584, 589, 594, 602,
603, 604, 607, 616, 618.
Fins dernières, 303-308. La méditation des - , 304. Leschatologie salésienne,
305-307.
Fioretti (Bouquets spirituels), 294-295, 591.
Foi. Et vie salésienne, 309-313. La vraie foiau temps du modernisme, 309. La -
configuration au Christ, 311. Les difficultés de la - , 313. Léducation de la - ,
232, 311-312. La - et la Fille de Marie Auxiliatrice, 301.
Force. Don de l’Esprit Saint, 175. La - des martyrs, 175.
François de Sales, saint. Biographie de - , 314-320. - et la spiritualité du
quotidien, 317-319. L’esprit de saint - , 257. - et lhumanisme, 292, 321-322. -
dans l’école spirituelle de don Bosco, 17, 19, 20-22, 31, 32.. Fête de - , 231, 294.
- et lextase de laction, 46. La Défense de l’Estendart de la Saincte Croix,
48-49. - et ladoration, 48-49. - et l’âme, 52, 55. - et lamitié, 58, 60, 61. - et
lamour de Dieu, 64-66. - et les anges, 71. - et le Combat spirituel, 80. -1ascèse
et la sainte indifférence”, 81. - et la bonté, 92, 94. - et la charité, 112, 113. - et la
contemplation, 143-144. - et la correction fraternelle, 168, 169. - et le courage,
175-176. - et la dévotion, 188. - et la crainte de Dieu, 195-196. - et la gloire de
Dieu, 197. - et la volonté de Dieu, 200-201. - et le directeur spirituel, 219. - et la

25 Pages 241-250

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25.1 Page 241

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639
douceur, 226, 228. - et l’espérance, 249. . - et les fins dernières, 303, 307. - et
lhumilité, 329-330, 331.1?Introduction à la vie dévote, 21, 52, 56, 58, 62, 188,
192, 266, 307, 315, 316, 321, 360, 365, 386, 387, 391, 459. - et la joie, 352-353.
- et la lecture spirituelle, 363-365. - et la méditation, 386-387, 390. - et l’exercice
de la bonne mort, 430. - et l’obéissance, 437. - et la don de piété, 462. - et
l’“oraison vitale”, 473. - et lutilité des vies de saints, 538. - et la tempérance,
modération des cinq sens, 570. - et le prix du temps, 574. - et la retraitte
spirituelledans l’union à Dieu, 585. - et les vertus, 590-591. - et le sens du zèle,
626. Le Traitté de lAmour de Dieu, 21, 46, 64-67, 112, 115, 143, 146, 177,
316-317, 387. Les Vrays Entretiens spirituels, 85, 136, 168, 172, 316, 319, 331,
387.
Humanisme. Et spiritualité salésienne, 321-325. Le sens de 1’ - salésien, 321-322.
L- dévot, 31, 260, 321-322. - tempéré de don Bosco, 17. Valeurs de 1’ -
chrétien, 484. - par la vertu, 590.
Humilité. Et vie salésienne, 326-331. - fondement de la perfection, 327. Modèles
salésiens d’-, 326.
Images. Et piété populaire, 494, 496.
Imitation. Et vie spirituelle, 274-276.
Inculturation. Et vie salésienne, 6, 332-337, 409. - et religion populaire, 496.- et
religions du monde, 501.
Intériorité. Et apostolat, 77. Voir : Union à Dieu.
Jésus Christ. - dans le songe de neuf ans, 16. LImitation de Jésus Christ, 17. Le
sauveur universel, 25. - modèle de vie filiale, 31. - sacramentel, 49. - et ses
apôtres, 73. - et lEsprit, 77. La passion de -, 83. Les béatitudes de -, 87-90. -
dans le culte liturgique, 101, 103. - et la vie consacrée, 120, 603. Consécration au
coeur de -, 138-139. - dans la contemplation, 143. - et la correction fraternelle,
167. Souffrir avec - , 178. - Bon Pasteur, 195. - Verbe de Dieu, 198-199. -
modèle d’obéissance, 223, 437. - dans lhistoire du salut, 230. La rencontre de -
dans la foi, 232-234, 262. - et lEglise, 236-237, 240. - et le Saint Esprit, 252. -
eucharistique, 262-263. - et la foi, 311-312. - dans la spiritualité salésienne,
338-345. - maître et modèle, 338-339. - source de vie, 339-340. - dans les
constitutions salésiennes, 340-342. La sequela Christi, 340-342. Icônes de - ,
342-343. - dans la méditation religieuse, 389, 391. Mission de - , 405. - et le
prêtre, 465-471. - dans la retraite spirituelle, 507. La dévotion au coeur de - ,
525-530. Le martyr, témoin de -, 567-568. Vie consacrée, vie de sequela Christi,
603.
Jeunes. Et mission salésienne, 7, 16, 346-350. - priorité apostolique des salésiens,
346. Les - pauvres et abandonnés, 347. Les garçons et les filles, 348. - et
évangélisation, 76. - et béatitudes, 87, 350. - et charité pastorale, 114. Spiritualité

25.2 Page 242

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640
salésienne, spiritualité de -, 34, 249, 296, 349-350. Léducation des - à la foi au
Christ, 232-234.
Joie. Et spiritualité salésienne, 352-356. - et ascèse, 85. - et confiance, 250. - et
fête, 296, 297, 298. La - parfaite, 354. - et sainteté, 532. - et tempérance, 572.
Joseph, saint, époux de Marie. Dévotion à -, 189, 190, 191, 231, 294, 301, 461.
Justice. Béatitude de la -, 88. L’engagement salésien pour la -, 244.
Juvenum Patris. Lettre de Jean-Paul U pour le centenaire de la mort de don
Bosco, 482, 484, 486, 487, 549, 564.
Kowalski, Jozef, bienheureux, salésien, martyr, 519, 541, 567.
Laïcs. Et vie salésienne, 7, 357-362. Mission des - , 357. Vie spirituelle des - ,
358. - et communautés salésiennes, 360. Le Règlement de Vie Apostolique,
chemin de sainteté pour les -, 164-165.
Lecture spirituelle. Dans la vie salésienne, 363-365. Les conditions de la - ,
363-364. La lectio divina, 199, 364-365.
Liberté et Libération. Le processus de - , 24. Spiritualité de -, 29-30. Théologie
de la - , 29, 91, 244, 417. - religieuse, 90. - en éducation, 560, 562.
Liguori, Alphonse de, saint. Et la spiritualité salésienne, 12, 16, 18, 20, 38, 311,
370. - et les écrits de don Bosco, 367-368. - et la catholicité du XIXème siècle,
366-367. - et la communauté fraternelle, 115. - et les fins dernières, 303. - et la vie
religieuse, 601. - et la vocation particulière, 609.
Liturgie. Célébration liturgique, 8, 77, 101-106. La - de la vie, 28. Lannée
liturgique, 104. - de louange, 180. - et dévotions particulières, 189. - et chant,
433. - des Heures, 474-475. Voir : Eucharistie.
Loisirs. Et vie spirituelle, 575-578.
Louis de Gonzague, saint, 189, 231, 276, 278, 294, 339, 473, 531, 539.
Magone, Michèle, élève de don Bosco, 276, 304, 349, 350, 351, 359, 457. Mort
de-, 425, 431.
Mal. Et espérance, 261.
Marie. Très Sainte Vierge. Et la spiritualité salésienne, 370-378. - dans le songe
de neuf ans, 16. Sainteté parfaite de - , 65. La consécration à - , 139-140, 373.
L'ajfidamento à -, 375. - auxiliatrice, 32, 258, 371-373. - et le salut des humains,
229, 234, 303. - dans l’histoire du salut, 230, 280. -, mère de lEglise, 375. - et la
famille salésienne, 290. - et les Filles de Marie Auxiliatrice, 301, 376. Dévotion à -

25.3 Page 243

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641
, 9, 14, 120, 189, 190, 192, 231, 349, 366, 420, 460, 461. Culte de - auxiliatrice,
494-495. Eglise de - auxiliatrice, 371-372, 494. Fête de - auxiliatrice, 294. - et la
mort, 427, 428.
Martyre, 541, 542. Le témoignage du -, 567.
Maturité, 119-120, 215, 217. - religieuse, 232-233. - humaine, 479.
Mazzarello, Maria Domenica, sainte, 7, 20, 72, 191, 193, 219, 220, 290, 299,
300, 301, 302, 323, 325, 328, 421, 423, 425, 439, 440, 474. Biographie de - ,
379-385. - inspiratrice de l’Institut des FMA, 302. - initiatrice de sainteté, 216. -
première supérieure des FMA, 299. - et la pauvreté, 444-445. - et les constitutions
des FMA, 491. - et la tempérance, 570. Sainte mort de -, 427-428, 431.
Médailles. Et religion populaire, 494, 495.
Méditation. Et vie salésienne, 386-392. - et contemplation, 143-144. - selon saint
François de Sales, 386-387. Méthodes de - , 388, 390-391, 459. - orientales,
390-391.
Messe. Voir : Eucharistie.
Miséricorde. Béatitude de la -, 89.
Mission. Et vie salésienne, 405-412. La - salésienne, 406-408, 477-478. - et
consécration, 114. - des laïcs, 357. Missions adgentes, 7, 96, 408-410. Dimension
missionnaire de la famille salésienne, 409. Missions ad gentes et vie consacrée,
410.
Modèle. Voir : Exemple.
Modération. Demandée par la tempérance, 569-572.
Monde. Et spiritualité salésienne, 413-419. La fuite du -, 12, 414. Valeur du -,
28. Goûts du - , 301. Le - pour les anciens salésiens, 413-414. La mission
salésienne dans le - , 415. Louverture au -, 416-418, 555. La séparation du -,
416. L’ambiguïté dun concept, 413, 417.
Morano, Maddalena, bienheureuse, salésienne, 328, 342, 571. Biographie de -,
420-424.
Momese, Piémont, 216, 258, 299, 379, 381, 382, 383, 385, 421, 422, 444, 445.
L’esprit de -, 300-302, 592.
Mort. Interprétation de la - , 52-54, 230, 303, 305. - et salut étemel, 229,
303-306. Exercice de la bonne - , 231, 270, 304, 305, 429-431, 446. - exemplaire,
425-431. Prière de la bonne -, 426. Préparation à la -, 429-431.

25.4 Page 244

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642
Mortification, 83, 86, 120, 301.
Musique. Et spiritualité, 8, 432-436. - et fête, 295. - religieuse, 433. - et cultures,
434.
Néri. Voir : Philippe Néri.
Obéissance. Et famille salésienne, 437-442. Ne rien demander, ne rien refuser”,
85. - et discipline religieuse, 223. - selon don Bosco, 437. - selon don Rua et don
Albera, 438. La contestation de 1’ - religieuse, 438. - selon les constitutions
rénovées, 439-441. - et appel à la raison, 484.
Oraison, - jaculatoire, 473. Voir : Méditation, Prière.
Paix. Béatitude des artisans de -, 90.
Parole de Dieu, 77, 88, 103, 104, 171, 229, 364. - à dire et à entendre, 198-199. -
force de sainteté, 199. - et eucharistie, 264. - et lectio divina, 364-365. - dans la
méditation religieuse, 386. - et le prêtre, 467-469.
Pauvres, 16, 30, 347, 443. Béatitude des - , 87-88. Libération des - , 244. Les
jeunes - , 347, 447.
Pauvreté. Et vie salésienne, 443-450. - évangélique, 443-444. - salésienne,
444-449. - dans la société de consommation, 447-448. Le travail, exigence dune
vie de -, 583.
Péché. - du monde, 413-414, 417-418. - dans la spiritualité salésienne, 451-453. -
personnel et social, 452. - et sacrement de pénitence, 454-456.
Pénitence. Sacrement de - ou de réconciliation, 454-457. - et péché, 452.
Perfection spirituelle. Moyens de - , 28. - et Règle de vie, 488, 489. - par la
charité active, 489. Vie consacrée, voie de -, 603, 605.
Personne et personnalisation. Processus, 24, 30-31, 54, 222, 223, 244, 485. - et
obéissance religieuse, 439.
Philippe Néri, saint, 12, 17, 18, 20, 197, 203, 304, 307, 452, 531. Zèle de - selon
don Bosco, 625.
Piété. Et vie salésienne, 458-464. Pratiques de - , 101, 189. Pratiques de - des
religieux, 460-462. Esprit de -, 458. Don de -, 462. - populaire, 495-496.
Politique. Et engagement salésien, 245.
Pratique. Valeur spirituelle de la - , 44-45. - religieuse traditionnelle, 230-232. -
et engagement, 242-247. - et expérience religieuse, 281.

25.5 Page 245

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643
Prêtre. Le - salésien, 465-471. Le - sacrificateur, 465-466. Le - pasteur, 468-469.
Prière. La - salésienne, 472-476. - et don Bosco, 19. - et expérience religieuse,
281. - en famille, 286. Nécessité de la - , 472, 511. L’esprit de - , 472-473. -
vocale, 473. - du corps, 473-474. - des Heures, 474-475. Education à la - , 474.
Et voir : Adoration, Célébration liturgique, Contemplation, Dévotion, Eucharistie,
Méditation, Piété, Rosaire, Union à Dieu.
Processions. Et religion populaire, 495.
Promotion humaine. Et vie salésienne, 477-482. Sens de l’expression, 477. -
intégrale et éducation salésienne, 477-478. - par la formation aux valeurs, 479. - et
nouvelle évangélisation, 480.
Pureté. Béatitude des coeurs purs, 89-90. La sainteté, cest la - , 117. Voir :
Chasteté.
Raison. Et spiritualité salésienne, 483-487. - et relations sociales, 483. Le chemin
de la -, 485. - et système préventif, 561, 571.
Réconciliation. Sacrement de la -, 455.
Recueillement. Et union à Dieu, 592.
Réenchantement. Processus de - du monde, 25.
Règle de Vie. Eléments nécessaires dune -, 488-492. Constitutions de la famille
salésienne, règles de vie, 489-492. - itinéraire de sainteté, 536.
Religion. - populaire et spiritualité salésienne, 493-496. Prédication et - populaire,
493. - populaire et musique, 433. - populaire et prière du corps, 473-474.- et
système préventif, 561.
Religions du monde, 12, 25. Culte dans les -, 103. - et enseignement religieux,
234. Les - et la spiritualité salésienne, 498-502. La vraie - , 498. Les -
non-chrétiennes, 498-501. Le dialogue entre - , 501.
Renoncement. Ascèse de -, 82-85.
Retraite spirituelle. La - salésienne, 503-509. Sens de la -, 503-504. Structure
de la -, 504-506. Réforme de la -, 505-507.
Révision de vie, 171, 173.
Ricaldone, Pietro, recteur majeur, 7, 36, 61, 63, 70, 122, 206, 245. - et la
liturgie, 102. - et la vie de charité, 113. - et la pureté, 117, 118. - et la force
chrétienne, 175, 177. - et le compte rendu spirituel, 212. - et la discipline

25.6 Page 246

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644
religieuse, 222-223. - et la catéchèse, 229, 234. - et la pratique religieuse
sacramentelle, 231, 234, 235. - et le souverain pontife, 238. - et la piété
eucharistique, 264, 266. - et la fidélité à don Bosco, 278. - et la famille, 287. - et
lexercice de la bonne mort, 304, 308. - et le monde, 414, 418. - et la musique,
433. - et lobéissance, 441. - et la pauvreté salésienne, 445, 450. - et la piété
salésienne, 459, 461, 463, 464. - et la tempérance, 571, 573.
Ricceri, Luigi, recteur majeur, 36, 70, 238, 241, 323. - et saint François de Sales,
20-21. - et le charisme salésien, 108. - et la direction spirituelle, 219. - et
l’examen de conscience mensuel, 271, 273. - et la pauvreté salésienne, 445, 447,
450. - contre lembourgeoisement des salésiens, 447, 583.
Rinaldi, Filippo, bienheureux, recteur majeur, 6, 7, 11, 33, 36, 47, 62, 70, 82, 85,
130, 187, 190, 211, 253, 291. Biographie de - , 510-513. Spiritualité de - ,
513-514. - homme daction, 43. Bonté de - , 93-95. - et le salésien coadjuteur,
127. Contemplation dans l’action et union à Dieu de - , 144-145. Courage de -,
175. Dévotions de - , 190, 192. - et la Parole de Dieu, 198, 199, 204. - et la
direction spirituelle, 216, 218, 220. - et les Filles de Marie Auxiliatrice, 511. - et
l’humilité, 328. - et la Règle, 492. - et la retraite spirituelle, 505. - et le culte des
saints, 539. - et la tempérance, 571. Lunion à Dieu de - , 586, 587. - fondateur
des Volontaires de Don Bosco, 512, 619, 620.
Rosaire, 231. - et spiritualité salésienne, 516-519. Mois du - , 189. Structure du -
, 516. Spiritualité du -, 516-517. Apologie du -, 516-518.
Rua, Michèle, bienheureux, recteur majeur. Biographie de - , 520-524. - et la
consécration au Coeur de Jésus, 138-139. - et la correction fraternelle, 168-170.
Courage de -, 174. - et le devoir, 184. - et les dévotions salésiennes, 189. - et la
gloire de Dieu, 197. - et la Parole de Dieu, 198. Le directeur salésien selon -, 208,
209. - et l’esprit salésien, 257-258. L’examen de conscience selon - , 268.
Humilité de - , 326-327. - et le culte de Marie auxiliatrice, 372-373. - et la
méditation religieuse, 387-388. - et lexercice de la bonne mort, 429. - et
l’obéissance religieuse, 438. - et la pauvreté salésienne, 445, 449, 450. - et le
péché, 451, 453. - et le sacrement de pénitence, 454, 455. - et la Règle de Vie,
490. - et la retraite spirituelle, 503-504, 508. - et le culte du Sacré Coeur de Jésus,
525-527. - et l’oisiveté, 575. - et la tempérance, 570. - et le prix du temps, 575.
L’union à Dieu chez -, 585-586. La passion du travail chez - , 582. Les vertus
salésiennes selon -, 592. - et les voeux de religion, 615. - et le zèle salésien, 626.
Eloge de - par Paul VI, 523.
Sacré Coeur. Le culte du - de Jésus dans la famille salésienne, 525-530. La
consécration au - , 138-140, 527. La dévotion au - , 189-190, 192, 420. La
dévotion au -, dévotion populaire, 497. La dévotion au - selon Haurietis aquas de
Pie XH, 528-529.
Sacrements, 12. Voir : Eucharistie, Pénitence.

25.7 Page 247

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645
Sacrifice. Esprit de - , 88, 179-180, 181. Esprit de - chez les Filles de Marie
Auxiliatrice, 258. Le - de Laura Vicuna, 597.
Sainteté. La - dans la spiritualité salésienne, 17, 531-537. - et direction spirituelle,
217. - et Parole de Dieu, 231-232. - sacerdotale, 466-469. “Se faire saint
(Dominique Savio), 531. Lappel universel à la -, 532. - et vertus, 532. Le projet
de -, 535. La - voulue de Dominique Savio, 552-553. - et vie religieuse, 604-606.
Le Règlement de Vie Apostolique, chemin de - , 536.
Saints. Les - dans la spiritualité salésienne, 538-542. La dévotion aux -, 189-192.
La lecture des vies de -, 363. Les - modèles de vie, 538. Les -, compagnons de
route, 540-541.
Salésien, 3, 6, 8, 16, 42, 47, 74, 84, etc. Le vrai - , 9, 85.. A l’origine du mot -,
318-319. Constitutions et Règlements des SDB, 6, 57, 61, 86, 106, 115, 121, 130,
136, 137, 165, 203, 206, 207, 209-213, 225, 235, 245,247, 251-253, 255, 259,
260, 266, 267, 269, 271, 272, 278, 290, 293, 304, 308, 337, 339, 340-342, 346,
350, 351, 353-357, 361, 365, 376, 378, 405, 407, 409-412, 415, 416, 418,429,
431, 442, 449, 450, 472, 481, 492, 508, 519,549, 584, 589, 602, 603, 606, 607,
609, 612, 614, 616, 617, 618.
Salut. Dans la spiritualité salésienne, 543-549. - des âmes, 25, 282, 301, 545.
Liturgie du -, 103-105. Le - et la mission, 406, 408. Le - et la mort, 229, 429. Le
véritable - d’après l’ancienne tradition salésienne, 543-544. L’évolution silencieuse
du mot -, 544-546. Le - du monde, 546-548. Le - et lunion à Dieu de lapôtre,
587.
Savio, Domenico, saint, élève de don Bosco, 6, 17, 20, 49, 51, 52, 56, 57, 61, 62,
84, 86, 172, 187, 191, 193, 197, 199, 205, 231, 276, 304, 344, 349, 359, 370,
377, 473, 476. Biographie de - , 550-554. Lecture et commentaire de
Donnez-moi des âmespar - , 55. Amitiés de - , 60. - et la correction fraternelle,
167-168. - et le devoir, 183-184. - et la Parole de Dieu, 198. - et Jésus Christ,
338-339. - et la dévotion à Marie, 370-371. - et le péché, 452. La sainteté, idéal de
-, 531-532. Mort exemplaire de -, 425-427, 429, 430.
Sécularisation. Le phénomène de la -, 24, 555, 556. - et adoration, 49.
Sécularité. Et la spiritualité salésienne, 555-558. - des salésiens coadjuteurs, 557.
- des Volontaires de Don Bosco, 556-557.
Sequela Christi. Dans la spiritualité salésienne, 225, 280, 340-342. - et Règle de
vie, 491. - et vie religieuse, 603-604.
Silence. Et adoration, 50. - et retraite spirituelle, 506. Voir : Recueillement.
Socialisation. Phénomène, 24.
Souffrance. Et vie spirituelle, 88-89. Voir : Ascèse, Croix, Martyre.

25.8 Page 248

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646
Spiritualité. - en général, 10-11. - fluente, 11-12. - catholique contemporaine,
25-31. - de don Bosco, 17-19. - salésienne, 9-13, 31-36. Langage de la -, 35-36. -
de la jeunesse, 34, 349-350. - eucharistique, 265-266. - familiale, 285-287. -
narrative, 276-277. - sacerdotale, 465-469. Don Rinaldi, témoin authentique de la
- salésienne, 513-514.
Sport, 432. Voir : Promotion humaine, Temps libre.
Srugi, Simon, salésien coadjuteur, serviteur de Dieu, 127, 130.
Système préventif, 7, 8, 224, 432, 486. - et monde salésien, 559-564. -, système
de la bonté, 94. - et mission salésienne, 406. - et péché, 452, 560. - et sacrement
de pénitence, 456. - et eucharistie, 456. - et sacerdoce, 468. - dans l’éducation de
la jeunesse, 559-561. Linterprétation réductrice du -, 560. La triade du - : raison,
religion, amorevolezza, 561. Le nouveau - , 561-562. Le - comme chemin de
sainteté, 562-563.
Témoignage. - et spiritualité salésienne, 565-568. Le - chrétien, 565. - et
évangélisation, 566. - du martyr, 567. - religieux évangélisateur, 604.
Tempérance, 15, 16.. Place de la - dans la spiritualité salésienne, 569-573. - et
chasteté, 120. - et les Filles de Marie Auxiliatrice, 301, 383.
Temps libre. - et spiritualité salésienne, 574-579. L’utilisation judicieuse des
loisirs et du - , 576-578.
Théâtre, 432, 576. - dans la fête salésienne, 295.
Thérèse dAvila, sainte, 279, 282, 310, 330, 390, 392, 441, 461.
Travail. Le sens salésien du -, 580-584. Valeur du - , 28-29. - et les Filles de
Marie Auxiliatrice, 258, 383. - et pauvreté, 448. L’oisiveté, 581-582. L’esprit de -
, 582-583. Le - sanctifié, 582. - et Volontaires de Don Bosco, 622.
Union à Dieu, 144, 301, 423. - et vie spirituelle salésienne, 585-589. - et esprit
salésien, 259. - et piété, 458. - chez Don Bosco, 459.
Valeurs. - et lexpérience religieuse, 280-282. - et cultures, 333-334. - et la
promotion humaine, 479. - et l’éducation, 484, 562. - et le temps libre, 578.
Vecchi, Juan Edmundo, recteur majeur, 36, 57, 61, 63, 87, 91, 111, 136, 137,
145, 146, 171, 173, 176, 177, 195, 202, 203, 218, 221, 240, 241, 254, 256, 277,
278, 290, 293, 342, 345, 362, 391, 392, 457, 462, 464. - et le Da mihi animas,
55-56. - et Dieu Père, 195. - et la crainte de Dieu, 196. - et l’amour de lEglise,
240. - et lexemple, 277.Les icônes de Jésus présentées par - , 342-343. - et la
pauvreté, 447, 450. - et l’histoire des saints, 540. - et le martyre, 568. - et la
tempérance salésienne, 571-572. - et la vie religieuse, 604-606.

25.9 Page 249

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647
Versiglia, Luigi, bienheureux, martyr salésien, 20, 175, 178, 567.
Vertu. Dans la vie salésienne, 590-594. La force humanisante de la - , 590. Les -
naturelles, 590-591. Les - évangéliques, dites chrétiennes, 592. Et voir : Amitié,
Bonté, Charité, Chasteté, Courage, Douceur, Espérance, Foi, Humilité, Joie,
Obéissance, Pauvreté, Piété, Tempérance, Travail.
Victimale, Spiritualité, 180-181.
Vicuna, Laura, élève des Filles de Marie Auxiliatrice, bienheureuse, 20, 298.
Biographie de -, 595-599. Glorification de -, 598-599.
Vie consacrée, 410, 600. Voir : Vie religieuse.
Vie intérieure. Voir : Union à Dieu.
Vie religieuse. Et vie spirituelle, 368, 600-607. - et vie consacrée, 600. - et
conseils évangéliques, 603. - et vie communautaire, 601. - et consécration,
602-603. - et sequela Christi, 603. Mission et -, 604. - et service de la sainteté,
604-606. Professions de - , 602, 616-617.
Viganô, Egidio, recteur majeur, 6, 7, 8, 13, 19-24, 36, 37, 39, 40, 46, 51, 56, 63,
70, 74-78, 82, 83, 86, 94, 107-110, 113-115, 116, 118, 121, 128, 130, 131,
140-142, 145, 146,175, 181, 186, 206, 211, 212, 214, 222-225, 232, 236, 238,
240, 245, 247, 248, 252, 255, 264-267, 288, 293, 312, 313, 325, 329, 331, 337,
342, 343, 345, 348, 351, 357, 360-362, 378, 408, 411, 417, 419, 424, 434, 435,
450, 475, 476, 487, 515, 568.- et saint François de Sales, 21. - et l’évolution des
mentalités, 23-24. Présentation de la spiritualité salésienne par - , 31-35. - et la
nouvelle évangélisation, 75-77. - et le patrimoine charismatique salésien, 108. - et
la charité pastorale salésienne, 113-115. - et la contemplation dans laction, 145. -
et la discipline religieuse, 223-224. - et la culture, 245-246. - et l’eucharistie, 264,
265, 266. - et la famille, 284-287. - et la famille salésienne, 290-291. - et lesprit
de Momese, 300-302. - et la femme, 323. - et l’inculturation, 333-334. - et les
laïcs, 360. - et la dévotion envers Marie, 373, 374, 375. - et la pauvreté, 447. - et
le sacrement de pénitence, 456, 457. - et le prêtre, 465, 468-470. - et la prière,
472. - et la promotion humaine, 480, 481, 482. - et don Rinaldi, 513. - et la
sécularité, 557. - et le nouveau système préventif, 561-562, 564. - et le
témoignage du martyre, 567-568. - et lunion à Dieu, 586-587. - et la culture des
vocations, 612, 613. - et les Volontaires de Don Bosco, 623.
Vincent de Paul, saint, 17, 122, 124, 189, 192, 201, 219, 221, 231, 276, 278,
358, 360, 361, 591.
Visite au Saint Sacrement, 49-50, 231, 263, 266, 367, 368.

25.10 Page 250

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648
Vocation, 7. - de don Bosco, 16. -choix d’ün état de vie, 608-613. - selon don
Bosco, 608-609. Importance de suivre sa - , 608-609. Théologie de la - après
Vatican n, 610-611. La culture des -, 611-612.
Voeux. - et vie salésienne, 614-618. Les - aux origines salésiennes, 614-615. Les -
salésiens dans les statuts rénovés après Vatican n, 615-616. Les formules de
profession des - salésiens, 616-617.
Volontaires avec Don Bosco (CDB), 3, 6, 623. Constitutions des CDB, 255,
417, 419, 440, 450, 509, 519, 623.
Volontaires de Don Bosco (VDB), 3, 6, 8, 61, 74, 84, 86, 118, 119, 135, 145,
146, 218, 221, 243. Les - dans la famille salésienne, 619-624. Identité des - ,
620-622. - et lEglise, 240, 241. - et la Vierge Marie, 376, 378. - et don Rinaldi,
511, 512, 620. Sécularité des -, 556-558. - et le travail, 583. Vie consacrée des -,
600. Profession religieuse des - , 617. - et les voeux de religion, 616.
Caractéristiques des - : consécration, sécularité, salésianité, 621. Constitutions des
- , 6, 63, 86, 121, 137, 146, 221, 241, 253, 255, 269, 355, 378, 407, 411, 417,
419, 440, 442, 450, 509, 558, 579, 584, 589, 618.
Zatti, Artemide, coadjuteur salésien, serviteur de Dieu, 127, 130.
Zèle. Le - salésien, 625-628. Le - de la Parole de Dieu, 198. Le - condamnable,
228. Le bon et le mauvais - selon saint François de Sales, 626. Le - de saint
François de Sales, 314. Le - des Filles de Marie Auxiliatrice, 301. Le - apostolique
de Dominique Savio, 552. Le - au service du Royaume de Dieu, 628.
Ziggiotti, Renato, recteur majeur, 8, 36, 70, 331.

26 Pages 251-260

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26.1 Page 251

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649
TABLE DES MATIERES
Liminaire
Mission
L’entrée de la “missiondans le vocabulaire salésien, 405. - La
mission salésienne dans lEglise, 406. - Famille salésienne et missions ad
gentes, 408. - La dimension missionnairede la famille salésienne,
409. - Vie consacrée et missions adgentes, 410.- Notes, 410.
Monde
Le monde des anciens salésiens, 413 . - Le nouveau visage du
monde dans le vocabulaire salésien, 414. - La mission salésienne dans le
monde, 415. - L’ouverture au monde, 416. - Le rééquilibrage dun con­
cept, 417. - Notes, 418.
Morano, Maddalena Caterina
Linstitutrice de village, 420. - La Fille de Marie auxiliatrice,
421. - Un apostolat extraordinairement fécond en Sicile, 421. - Notes,
424.
Mort
Les discours sur la mort, 425. - Les morts exemplaires dau­
trefois, 425. - Lexercice de la bonne mort, 429. - Notes, 430.
Musique
Les salésiens du premier siècle et la musique, 432. - Les sa­
lésiens et la musique religieuse après Vatican n, 433. - Musique et
culture dune nouvelle époque, 434. - Notes, 435.
Obéissance
L’obéissance religieuse salésienne selon don Bosco, 437. -
Lobéissance religieuse selon les successeurs immédiats de don
Bosco, 438. - Lobéissance salésienne à la fin du vingtième siècle,
439. - Notes, 441.
Pauvreté
Les pauvres et la pauvreté, 443. - La pauvreté aux origines
salésiennes, 444. - Les exigences de la pauvreté salésienne, 445. -
La pauvreté salésienne dans la société de consommation, 447. - La
redéfinition de la pauvreté évangélique salésienne, 448. - Notes, 449.
403
405
413
420
425
432
437
443

26.2 Page 252

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650
Péché
451
Le péché dans la spiritualité de don Bosco et de don Rua,
451. - Le péché à la fin du vingtième siècle, 452. - Notes, 453.
Pénitence
454
Don Bosco, don Rua et le sacrement de pénitence, 454. -
Le sacrement de la réconciliation, 455. - Notes, 456.
Piété
458
La piété selon don Albera, 458. - Don Bosco, modèle de
la piété salésienne, 459. - Les formulaires salésiens de pratiques de
piété, 460. - Les pratiques de piété règlementaires des religieux, 460.
- Le don de piété en spiritualité salésienne, 462. - Notes, 463.
Prêtre
465
Le prêtre salésien doit être un autre don Bosco, 465. -
Le prêtre de don Albera, sacrificateur et purificateur, 465. - Le prêtre
de Menti nostrae et de Vatican II, 466. - Le prêtre salésien de la
fin du siècle selon le recteur Viganà, 468. - Notes, 470.
Prière
472
De la nécessité de la prière, 472. - Esprit de prière, oraison
vitale et liturgie de la vie, 472. - La prière du corps, 473. - La forma­
tion souhaitable à la prière, 474. - Notes, 475.
Promotion humaine
477
La promotion humaine, 477. - Une promotion humaine in­
tégrale, 477. - Promotion humaine par la formation aux valeurs, 479.
- Promotion humaine et nouvelle évangélisation, 480. - Notes, 481.
Raison
483
La raison dans la spiritualité salésienne des origines, 483. -
La raison dans les relations communautaires, 483. - Le chemin de
la raison, 485. - Notes, 486.
Règle de vie
488
Les Règles de vie des familles religieuses, 488. - Les Règles
de vie du premier siècle de la famille salésienne, 489. - Les codes
fondamentaux réformés à la suite de Vatican H, 490. - Notes, 492.
Religion populaire
493
Don Bosco, prédicateur et écrivain populaire, 493. - Lieux,
images, médailles et gestes du culte populaire de Marie auxiliatrice,
494. - La reconnaissance de la religiosité populaire dans le monde
contemporain, 495. - Notes, 496.

26.3 Page 253

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651
Religions
498
Don Bosco et la vraie religion, 498. - Vatican II et les
religions non chrétiennes, 499. - Le dialogue entre religions dans la
famille salésienne, 501. - Notes, 502.
Retraite spirituelle
503
Le sens de la retraite spirituelle salésienne, 503. - La
structure ancienne de la retraite salésienne, 504. - La réforme des
exercices spirituels au dix-neuvième chapitre général (1965), 505.
- Le sens dune réforme, 506. - Notes, 508.
Rinaldi, Filippo
510
Filippo Rinaldi prêtre salésien, 510. - Don Rinaldi préfet
général, puis recteur majeur des salésiens, 511. - Un témoin authen­
tique de la spiritualité salésienne, 513. - Notes, 514.
Rosaire
516
Une pratique traditionnelle, 516. - Lapologie du chapelet
après Vatican H, 516. - Le bienheureux JozefKowalski, prêtre sa­
lésien, martyr du chapelet, 518. - Notes, 518.
Rua, Michèle
520
La formation du disciple (1837-1860), 520. - Le bras droit
de don Bosco (1860-1888), 520. - Le premier successeur de don
Bosco (1888-1910), 521. - La glorification du disciple de don Bosco, 523. -
Notes, 523.
Sacré Coeur
525
Le Sacré Coeur des origines salésiennes, 525. - Linstruc­
tion de 1900, 527. - La dévotion au Sacré Coeur en des temps nou­
veaux, 528. - Notes, 530.
Sainteté
531
La sainteté, 531. - Se faire saint”, 531. - L’appel univer­
sel à la sainteté selon Vatican II, 533. - La sainteté recommandée à
la famille salésienne en fin de siècle, 534. - Notes, 536.
Saints
538
Un monde de héros faits selon le coeur de Dieu”, 538. -
La pérennité du culte des saints, 539. - Les saints, frères dhuma­
nité, 540. - Notes, 541.
Salut
543
Le vrai salut daprès don Bosco, 543. - Lévolution silen­
cieuse dun mot, 544. - Une meilleure compréhension du salut

26.4 Page 254

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652
chrétien, 545. - La famille salésienne pour le salut du monde, 546.
- Notes, 548.
Savio, Domenico
550
L’enfance d’un saint (1842-1854), 550. - Dominique élève
à Turin (1854-1857), 551. - La sainteté voulue et réalisée de Domi­
nique, 552. - Notes, 553.
Sécularité
555
Un nouveau venu à bien interpréter, 555. - La sécularité
salésienne vécue, 556. - Notes, 557.
Système préventif
559
Le système préventif dans l’éducation de la jeunesse
(1877), 559. - Linterprétation réductrice du système préventif,
560. - Un schéma spirituel du système préventif, 560. - Le
nouveau système préventif, 561. - Le système préventif vécu
comme chemin de sainteté, 562. - Notes, 563.
Témoignage
565
Le témoignage chrétien, 565. - Témoignage et évangélisa­
tion, 566. - Le martyre, témoignage au sens le plus fort, 567. - Notes,
568.
Tempérance
569
Un terme devenu désuet et insignifiant ? 569. - Un mot bien
ancré dans la tradition salésienne, 569. - La tempérance au deuxième
siècle salésien, 570. - Notes, 573.
Temps libre
574
Le prix du temps, 574. - Temps libre, temps contraint et temps
de loisir, 575. - Lutilisation du temps libre, 576. - Notes, 578.
Travail
580
Le sens salésien du travail, 580. - Le travail magnifié par don
Bosco, 581. - Une spiritualité du travail pour des temps différents,
582. - Notes, 584.
Union à Dieu
585
Union à Dieu et vie spirituelle, 585. - Lunion à Dieu selon
les spirituels salésiens, 585. - Les leçons du recteur Viganò, 586. -
Lunion à Dieu dans les textes statutaires, 588. - Notes, 588.
Vertu
590
La vertu humanise lhomme et la société, 590. - La pra­
tique de la vertu par le spirituel salésien, 592. - Notes, 593.

26.5 Page 255

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653
Vicuña, Laura
595
Laura élève des filles de Marie auxiliatrice, 595. - L’offrande
et le sacrifice de Laura, 597. - La glorification de Laura, 598. -
Notes, 599.
Vie religieuse
600
Vie religieuse et vie consacrée, 600. - Don Bosco et la vie
religieuse, 600. - La vie religieuse salésienne après Vatican H, 602. -
Le sens de la vie religieuse salésienne, 602. - La conduite de la vie
religieuse salésienne, 603. - Le service de la sainteté, 604. - Notes,
606.
Vocation
608
L’appel et les appelés, 608. - La vocation selon don Bosco,
608. - Lapprofondissement de la doctrine salésienne sur la vocation,
610. - La culture des vocations et la vie spirituelle, 611. - Notes, 612.
Voeux
614
Les voeux aux origines salésiennes, 614. - Les voeux reli­
gieux salésiens après Vatican H, 615. - Les formules de profession
de vie consacrée, 616. - Notes, 617.
Volontaires de Don Bosco
619
L’institution des Volontaires de Don Bosco, 619. - L’iden­
tité des Volontaires de Don Bosco, 620. - Lesprit vécu dune
femme consacrée séculière et salésienne, 622. - Notes, 623.
Zèle
625
Don Bosco géant de zèle, 625. - Les leçons de don Rua et
de don Albera sur le zèle salésien, 626. - Un terme devenu parfois
problématique, 627. - Notes, 628.
Index général
631
Table des matières
649