Lettres a des salésiens

/439-472/

III



LETTRES A DES SALÉSIENS
ET A DES SOEURS SALÉSIENNES





Les nécessités apostoliques ont obligé Don Bosco à écri­re de nombreuses lettres à des collaborateurs immédiats, soit que lui-même s'éloignât d'eux pour ses fréquents voya­ges et pour les visites à ses maisons et à ses bienfaiteurs, soit que ses fils eux-mêmes aient été envoyés par l'obéissance à travailler hors de Turin et jusque dans les terres lointaines de l'Amérique du Sud.

La grande majorité sont des « lettres d'affaires apostoli­ques », regorgeant d'ordres et de recommandations concrè­tes et précises. Mais même en ce cas, Don Bosco, le plus spontanément du monde, donne au moment voulu le coup d'aile vers le Seigneur, vers sa présence efficace, son service, son règne. Nous découvrons au ras des réalités quotidiennes cet aspect de la spiritualité salésienne : travailler avec un « sens apostolique » authentique, c'est-à-dire avec Dieu et /439/ pour Dieu, même dans les choses les plus simples et les plus matérielles, même dans le souci des dépenses et des dettes journalières.

Toutefois plusieurs lettres traitent de problèmes de con­science, de vocation, de vie spirituelle, surtout avec les Salé­siens plus jeunes. Nous retrouvons alors le « maître » au ju­gement rapide et sûr, qui trace en peu de lignes un program­me d'action ou très souvent préfère renvoyer à une conver­sation directe les éclaircissements nécessaires.

Et comme toujours, nous trouvons ces deux richesses inestimables : l'affection paternelle, qui sait toucher le coeur et stimuler les meilleures énergies de chacun des fils, et l'al­légresse légère, qui fait sentir combien il est bon de servir sa­lésiennement le Seigneur.

En cette série de lettres, comme dans les deux précéden­tes, nous suivons l'ordre chronologique, sauf dans quelques cas où il semble plus suggestif d'en regrouper quelques­unes.



151. « Fais-toi passer ta mélancolie avec cette chanson de saint Paul ».



Giovanni Bonetti a été l'un des membres fondateurs de la So­ciété salésienne et l'un des collaborateurs les plus efficaces de Don Bosco. Ses dons d'intelligence (brillant écrivain, polémiste né) et ses vertus de zèle et de piété trouvèrent à se manifester dans les deux étapes de sa vie salésienne : directeur des maisons de Mira­bello (1865-1870) et de Borgo San Martino (1870-1877), puis ré­dacteur en chef du Bollettino Salesiano partir de 1877), direc­teur général des Filles de Marie-Auxiliatrice (à partir de 1875) et directeur spirituel de la Congrégation (dès 1886). Nous citons en­semble quelques lettres relatives à la première étape et à la phase antérieure, quand Giovanni était encore clerc, non sans luttes inté­rieures (Epist I, 275-276). /440/

Mon très cher Bonetti,



Ne te fais pas le moindre souci au sujet de ce que tu m'écris. Le démon voit que tu veux lui échapper définitive­ment, c'est pouquoi il s'efforce de te tromper.

Suis mes conseils et va de l'avant en toute tranquillité. Pour le moment tu pourras te faire passer ta mélancolie en chantant cette chanson de saint Paul : Si delectat magnitudo praemiorum, non deterreat multitudo laborum. Non coro­nabitur nisi qui legitime certaverit. Esto bonus miles Christi et ipse coronabit te 1.

Ou bien chante avec saint François d'Assise :

Si grand est le bien qui m'attend

Que toute peine m'est un présent,

Toute douleur est un plaisir,

Tout chagrin est un beau jouir

Toute angoisse réjouit mon coeur.

Prie pour moi, et moi je ne manquerai pas de prier aussi pour toi et de faire tout ce que je peux pour te rendre heu­reux dans le temps et dans l'éternité. Amen.

Ton très affectionné en J.C. Gio. Bosco, prêtre

S. Ignazio, 20 juillet 1863.



152. Le devoir d'un malade est de bien se reposer



En novembre 1864, Don Bonetti, nouveau prêtre, était préfet de la maison de Mirabello qui avait pour directeur Don Rua. Don Bosco, qui lors d'une visite l'avait trouvé abattu et affaibli, lui en­voya ces directives (Epist. I, 327).

/441/

Mon cher Bonetti,

Dès que tu auras reçu cette lettre, tu iras trouver Don Rua et tu lui diras sans détour qu'il te mette en joie. Pour toi, ne parle plus de bréviaire jusqu'à Pâques : c'est-à-dire qu'il t'est défendu de le réciter. Dis ta messe lentement pour ne pas te fatiguer. Tous les jeûnes et toutes les mortifica­tions dans la nourriture te sont interdits. Bref, le Seigneur te prépare du travail, mais il ne veut pas que tu le commences avant d'être en parfait état de santé et d'être, en particulier, débarrassé des accès de toux. Fais cela et tu feras ce qui plaît au Seigneur.

Tu peux tout compenser par des oraisons jaculatoires, par l'offrande de tes ennuis au Seigneur et par ton bon exemple.

J'oubliais une chose. Mets un matelas dans ton lit, ar­range-le comme on le ferait pour un paresseux de première classe, protège-toi bien au lit et hors du lit. Amen.

Que Dieu te bénisse.

Ton très affectionné en J.C.

Turin, 1864.Bosco Gio., prêtre



153. Savoir patienter et savoir combattre



Deux lettres d'encouragement à Don Bonetti, devenu directeur du collège de Mirabello, puis de Borgo San Martino (Epist. 17, 96 et 169).



Très cher Don Bonetti,

Je suis pleinement d'accord avec toi. L'optime est bien ce que nous cherchons, mais hélas nous devons nous conten­ter du médiocre au milieu de tant de maux. Les temps sont ainsi. Malgré tout cela, nous devons être satisfaits des /442/ résul­tats obtenus jusqu'ici. Humilions-nous devant Dieu, recon­naissons que tout vient de lui, prions ; et spécialement à la sainte messe, à l'élévation de l'hostie, recommande toi-même, tes fatigues, tes enfants. Et puis nous ne manquerons pas de prendre en temps opportun les mesures qui pourront contribuer à accroître le nombre des vocations. Mais en at­tendant, travail, foi, prière...

Turin, le 6 juin 1870.



... S'il plaît à Dieu mardi prochain à 11 heures je serai à Borgo San Martino. Prépare-moi donc un plat de doléances et une bourse d'argent : je prendrai l'un et l'autre.

Donne le billet ci-joint à Carones. Salue Caprioglio. Prends courage. Rappelle-toi qu'en ce monde nous avons non pas un temps de paix, mais de guerre continuelle. Nous aurons un jour la paix si nous avons combattu sur la terre. Sumamus ergo scutum fidei, ut adversus insidias diaboli certare possimus 2.

Que Dieu nous bénisse tous, et crois-moi

Ton très affectionné en J.C.

Turin, 27 juillet 1871G. Bosco, prêtre



154. Des étrennes spirituelles pour la nouvelle année



Deux billets à Don Bonetti : le premier pour offrir des étrennes à sa maisonnée à la veille de l'an nouveau, le second pour lui demander la révision d'un manuscrit (Epist. 11, 434 et 442). /443/

Très cher Don Bonetti,

A toi : Fais en sorte que tous ceux à qui tu parles devien­nent tes amis.

Au préfet : Amasse des trésors pour le temps et pour l'éternité.

Aux maîtres et aux assistants : In patientia vestra possi­debitis animas vestras 3.

Aux garçons : la fréquente communion. A tous : exactitude dans le devoir d'état.

Que Dieu vous bénisse et vous accorde le don précieux de la persévérance dans le bien.

Prie pour ton

Affectueux ami dans le Christ

Turin, 30 décembre 1874Gio. Bosco, prêtre



Cher Don Bonetti,

J'ai besoin qu'avec ton regard de lynx et ton esprit saga­ce tu jettes un coup d'oeil sur ces écrits avant que je ne les fasse imprimer.

Mais je les laisse sous ta responsabilité. Veille à ce que la pierre ponce non seulement polisse le bois, mais d'abord le dégrossisse et le nettoie. Tu comprends ?

Que Dieu nous bénisse tous. Sois très joyeux. Prie pour ton pauvre, mais toujours en J.C.

Ami très affectionné

Turin, 15 janvier 1875.Gio. Bosco prêtre

/444/

155. Quelques points d'un programme de vie pour un jeune Salésien



Le clerc Giulio Barberis (qui deviendra maître des novices en 1874 et directeur spirituel de la Congrégation en 1910), au moment de faire profession à dix-huit ans avait demandé à Don Bosco des précisions pour son programme de vie d'étudiant de philosophie. Voici la réponse (Epist. I, 372).



Très cher Giulio,

Voici la réponse que tu m'as demandée.

1. Au petit déjeuner un petit pain, au déjeuner selon ton appétit, au goûter rien, au dîner selon ton appétit mais avec modération.

2. Pas de jeûne autre que celui de la Société.

3. Repos selon l'horaire de la maison ; au réveil mets-toi d'emblée à repasser quelque partie de tes traités d'étudiant.

4. L'étude essentielle est celle des cours du séminaire ; le reste n'est qu'accessoire ; donne tout ton soin à ce premier point.

5. Fais tout, souffre tout pour gagner des âmes au Sei­gneur.

Que Dieu te bénisse, et prie pour

Ton très affectionné en J.C.

Turin, 6 décembre 1865.Bosco Gio, prêtre



156. Deux façons de demander l'obéissance



Proches dans le temps, les deux lettres suivantes font voir com­ment Don Bosco demandait l'obéissance. Tantôt il l'exige promp­te et sans discussion, lorsque des intérêts spirituels sont en jeu : c'est le cas de la première lettre, envoyée de Rome à Don Rua en 1869. Tantôt il n’impose pas, mais propose, laissant l'intéressé /445/ choisir librement : c'est le cas de la seconde lettre envoyée à Don Provera, préfet de Mirabello durant l'été 1869. Les deux façons de faire ne s'opposent pas, mais se complètent (Epist. Il, 8 et 37).



Très cher Don Rua,

Pour des raisons particulières donne ordre qu'on sus­pende l'impression du Vocabulaire latin jusqu'à mon re­tour. Tu diras ensuite à Buzzetti et aux autres qui intervien­nent à la typographie que dorénavant je ne veux plus qu'on imprime quoi que ce soit sans mon consentement, ou alors que toi-même en aies reçu la faculté ad hoc.

Je pense aussi que, si tu le peux, tu devrais faire une con­férence pour insister sur la nécessité de l'obéissance de fait et non de paroles, en faisant remarquer qu'il ne sera jamais capable de bien commander celui qui n'est pas capable d'obéir.

Aie soin de ta santé ; repose-toi librement ; sois attentif aux aliments qui pourraient t'être nocifs ; jusqu'à la mi­-février tu es dispensé des matines, limite-toi aux petites heu­res, vêpres et complies, mais réparties.

(sans signature ni date)



Très cher Don Provera,

Ma tête ne cesse de courir de projet en projet, et c'est ainsi qu'est venu celui-ci.

Si on envoyait Bodratto à Cherasco, et que tu ailles à Lanzo ? Est-ce que le coeur t'en dit ? C'est la décision que je prendrais, mais 1° si elle est vraiment à ton goût, 2° si tu n'as pas à me faire, même sous la forme la plus confiden­tielle, quelque observation en sens contraire. Je ferais ce changement parce que Bodratto s'y entend en fait de culture de la terre et d'enseignement élémentaire ; à Cherasco les classes élémentaires au moins pour cette année sont toutes /446/ confiées à des maîtres externes, et nous n'avons personne qui puisse contrôler.

Je veux que cela reste entre nous deux pour le moment. Ecris-moi à Trofarello par retour du courrier. Que Dieu te bénisse. Amen.

Très affectionné en J.C. G. Bosco, prêtre



157. A un jeune Salésien découragé : persévérer



Pietro Guidazio, venu chez Don Bosco à l'âge de vingt-cinq ans, faisait partie du personnel du collège de Lanzo. Doué d'une vive imagination, il se sentait mal à l'aise dans sa nouvelle vie et cédait au découragement.. Mais il eut le don de la persévérance que lui avait souhaité Don Bosco et fut directeur de la première maison salésienne en Sicile, à Randazzo (1879) (Epist. li, 114­115).



Très cher Guidazio,

Tu seras toujours inquiet, je dirai même malheureux, tant que tu ne mettras pas en pratique l'obéissance promise et que tu ne t'abandonneras pas entièrement à la direction de tes supérieurs. Jusqu'à présent le démon t'a cruellement éprouvé, te poussant à faire le contraire. De ta lettre et des entretiens que nous avons eus, il ne se dégage aucun motif valable de te dispenser des voeux. Et si ces motifs apparais­saient, je devrais écrire au Saint-Siège auquel est réservée la dispense. Mais coram Domino je t'invite à méditer l'abneget semetipsum, et rappelle-toi que vir obediens loquetur victo­riam 4(4). /447/

Crois-en mon expérience. Le démon voudrait nous tromper moi et toi ; et il a réussi en partie contre toi ; contre moi en ce qui te concerne il a complètement raté. Aie pleine confiance en moi comme moi je l'ai toujours eue envers toi : confiance non de paroles mais de fait, de volonté efficace, d'obéissance humble, prompte, illimitée.

Voilà les choses qui assureront ton bonheur spirituel et temporel et m'apporteront une authentique consolation.

Que Dieu te bénisse et t'accorde le don de la persévéran­ce dans le bien. Prie pour moi qui suis, avec une affection de père

Ton très affectionné en J.C.

Turin, 13 septembre 1870.Gio. Bosco, prêtre



158. A un jeune professeur salésien



Erminio Borio, garçon intelligent et décidé, fut très cher à Don Bosco qui l'appelait « ma joie et ma couronne ». A dix-huit ans, il fut envoyé à la maison de Borgo San Martino. Mais il n'arrivait pas à s'y faire, et Don Bosco jugea opportun de le rappeler à Val­docco (premier billet, Epist. II, 145). Toutefois il le renvoya plus tard à Borgo, où il fut un excellent professeur (deuxième lettre, Epist. II, 447-448), avant de devenir directeur de diverses mai­sons.



Très cher Borio,

Parce que j'ai besoin de te donner ici quelque occupa­tion, et aussi pour que tu aies une plus grande tranquillité et commodité pour étudier, je crois bon que tu reviennes ici dans ton ancienne cage et avec ton inaltérable ami Don Bosco.

Viens quand tu voudras ; ton lit est prêt. Que Dieu te bénisse, et crois-moi.

Ton très affectionné en J.C.

Turin Valdocco, 16 janvier 1871.Gio. Bosco, prêtre

/449/

Mon très cher Borio,

Ta lettre m'a beaucoup plu. Par elle tu me fais voir que ton coeur est toujours ouvert à Don Bosco. Continue ainsi et tu seras toujours ma joie et ma couronne.

Tu veux quelques conseils ? En voici :

1. Quand tu fais des corrections individuelles, ne jamais corriger en présence des autres.

2. Quand tu donnes des avis ou des conseils, fais en sorte que le garçon averti s'éloigne content et restant ton ami.

3. Remercie toujours celui qui te donne des avis, et re­çois les corrections en bonne part.

4. Luceat lux tua coram hominibus, ut videant opera tua bona et glorificent Patrem nostrum qui in coelis est 5.

Aime-moi dans le Seigneur, prie Dieu pour moi. Que Dieu te bénisse et fasse de toi un saint.

Ton très affectionné en J.C.

Turin, 28 janvier 1875.Gio. Bosco, prêtre.



159. Une faiblesse que Don Bosco n'arrive pas à vaincre



En décembre 1871, visitant ses maisons de la Riviera, Don Bos­co était tombé gravement malade. Il se reprit en janvier. D Alassio où il a passé sa convalescence, il écrit à Don Rua pour dire sa joie de retrouver ses fils après trois mois de séparation (Epist. II, 193­194).



Mon très cher Don Rua,

La grâce de notre Seigneur Jésus Christ soit toujours /449/ avec nous. Il est temps, très cher Don Rua, que je t'écrive enfin quelque chose de positif à communiquer à nos fils bien-aimés de la Congrégation et de l'Oratoire. Grâce aux nombreuses prières ma santé a retrouvé un état qui me per­met de commencer à faire quelque chose, moyennant un peu de précautions. Aussi jeudi prochain, s'il plaît à Dieu, je se­rai à Turin. J'éprouve un grand besoin d'y aller. Je vis ici de corps, mais mon coeur, mes pensées et jusqu'à mes paroles sont toujours à l'Oratoire, au milieu de vous. C'est là une faiblesse, mais je n'arrive pas à la vaincre.

J'arriverai à 12 heures 20, mais je désire qu'il n'y ait pas de démonstration d'accueil : pas d'acclamations, pas de musique, pas de baisers de la main. Dans l'état où je me trouve cela pourrait me causer quelque mal. J'entrerai par la porte de l'église pour aller tout de suite remercier Celle à qui je dois ma guérison ; puis, si je peux, j'adresserai un mot aux jeunes ; autrement je remets à plus tard et j'irai au réfectoire.

Quand tu donneras ces nouvelles à nos chers fils, tu leur diras aussi que je les remercie tous, mais du fond du coeur, des prières faites pour moi ; je remercie tous ceux qui m'ont écrit, et particulièrement ceux qui ont offert leur vie à la pla­ce de la mienne. Je connais leurs noms et je ne les oublierai pas. Quand je serai au milieu d'eux, j'espère pouvoir leur raconter une longue série de choses que je ne puis raconter ici.

Que Dieu vous bénisse tous et vous accorde une santé so­lide avec le don précieux de la persévérance dans le bien. Re­cevez les salutations des confrères d'Alassio, continuez à prier pour moi qui, avec une profonde affection, me pro­fesse en J.C.

Votre ami très affectionné

Alassio, 9 février 1872.G. Bosco, prêtre

/450/

160. A un jeune Salésien qui a triomphé de ses hési­tations



Le clerc Giovanni Tamietti, à vingt-trois ans, hésitait encore sur le choix de son avenir. II se décida finalement à rester avec Don Bosco. Licencié en lettres deux ans plus tard, il deviendra directeur du collège Manfredini d'Este, puis provincial de Ligurie (Epist. II, 209).



Très cher Tamietti,

Ta lettre m'enlève du coeur une épine qui m'avait empê­ché de te faire ce bien que je n'ai pas pu te faire jusqu'à pré­sent. Tant mieux !

Te voilà dans les bras de Don Bosco ! Et lui saura com­ment se servir de toi pour la plus grande gloire de Dieu et pour le bien de ton âme. Quand tu seras arrivé ici, nous ver­rons ce qu'il y a à faire. Mais dans tous les cas :

1. Je désire que tu termines le cours de lettres.

2. Reste à la maison autant que le réclame ta santé. Plus vite tu viendras, plus vite tu seras avec celui qui t'aime tant.

3. On arrangera les choses pour ta soeur : mais tu sauras me dire ensuite si elle irait dans un monastère, ou si je dois lui chercher quelque bonne famille, etc.

Que Dieu te bénisse, mon cher. Salue tes parents et ton curé. Prie pour moi, qui suis en J.C.

Ton ami très affectionné

Turin, 25 avril 1872.Gio. Bosco, prêtre



161. A un professeur mécontent de ses élèves



Don Giuseppe Bertello (qui deviendra plus tard membre de l'Académie de Saint Thomas de Rome, provincial de Sicile, enfin membre du Conseil supérieur des Salésiens) était en 1875 directeur /451/ des études et professeur de philosophie à Valdocco. Il avait alors vingt-sept ans. Peu satisfait de ses élèves, il en parla à Don Bosco qui lui mit par écrit ces précieux conseils (Epist. li, 471).



Très cher Bertello,

Je ferai ce que je peux pour réveiller chez tes élèves l'amour de l'étude, mais de ton côté fais aussi ce que tu peux pour y coopérer.

1. Regarde-les comme tes frères. Affabilité (amorevolez­za), indulgence, attentions : voilà les clés de leur coeur.

2. Fais-leur seulement étudier ce qu'ils peuvent et pas plus. Fais lire et comprendre le texte du livre sans digres­sions.

3. Interroge-les très souvent, invite-les à expliquer et à li­re, à lire et à expliquer.

4. Toujours encourager, ne jamais humilier ; féliciter quand il y a lieu sans jamais mépriser, tout au plus manifes­ter ton déplaisir quand cela sert de punition.

Essaie de mettre cela en pratique, et puis tu me diras les résultats. Je prierai pour toi et pour les tiens. Et crois-moi en J.C.

Ton ami très affectionné

Turin, 9 avril 1875.Gio. Bosco, prêtre.



162. « Un missionnaire doit être capable de sup­porter un peu d'antipathie »



Peu après son arrivée en Amérique du Sud, un des premiers missionnaires, Don Domenico Tomatis, avait écrit à un ami qu'il n'arrivait pas à s'entendre avec un confrère et que sous peu il ren­trerait en Europe. Don Bosco apprit la chose et lui envoya la lettre /452/ suivante, à la fois nette et amicale, de sorte que la leçon fut com­prise (Epist. III, 26-27)

Mon cher Don Tomatis,

J'ai eu de tes nouvelles et j'ai appris avec grand plaisir que tu avais fait bon voyage et que tu avais la volonté de tra­vailler. Continue. L'une de tes lettres écrites à Varazze a laissé entendre que tu n'es pas en bons termes avec un con­frère. Cela a fait mauvaise impression, surtout qu'elle a été lue en public.

Ecoute-moi, cher Don Tomatis : un missionnaire doit être prêt à donner sa vie pour la plus grande gloire de Dieu. Ne doit-il pas être aussi capable de supporter un peu d'anti­pathie envers un compagnon, quand même il aurait des dé­fauts évidents ? Ecoute donc ce que nous dit saint Paul : Al­ter alterius onera portate, et sic adimplebitis legem Christi. Caritas benigna est, patiens est, omnia sustinet. Et si quis suorum et maxime domesticorum curam non habet, est infi­deli deterior 6.

Donne-moi donc, mon cher, cette grande consolation. Mieux, fais-moi ce grand plaisir, c'est Don Bosco qui te le demande : qu'à l'avenir Molinari soit ton grand ami et, si tu ne peux pas l'aimer à cause de ses défauts, aime-le pour l'amour de Dieu, aime-le pour l'amour de moi. Tu le feras, n'est-ce pas ? Du reste je suis content de toi et, tous les ma­tins à la sainte messe, je recommande au Seigneur ton âme et tes fatigues.

N'oublie pas la traduction de l'Arithmétique, /453/ où tu ajouteras les poids et les mesures de la République Argenti­ne.

Tu diras au très méritant docteur Ceccarelli que je n'ai pu recevoir le catéchisme du diocèse où tu résides, et que je désire l'avoir, le petit, pour insérer, dans le Garçon instruit, les actes de foi selon la formule diocésaine.

Que Dieu te bénisse, cher Don Tomatis. N'oublie pas de prier pour moi, qui serai toujours en J.-C.

Ton ami très affectionné

Alassio, 7 mars 1876.Gio. Bosco, prêtre





163. Un supérieur qui est aussi poète



A l'automne 1876, un groupe de Salésiens était allé prendre la direction de l'école moyenne d'Albano près de Rome en des condi­tions difficiles. Surchargés de travail, ils implorèrent du renfort. A l'un d'eux, le clerc Giovanni Rinaldi, Don Bosco fit cette réponse poétique savoureuse ; nous avons essayé de la traduire (Epist. III, 119).



Très cher Rinaldi,

Demeure en paix et tout tranquille

Car Don Bosco pense bien à vous.

Vos soucis sont aussi les siens :

Prompt secours il apportera.


Il enverra deux vrais champions :

C'est Gerini et Varvello.

Tant celui-ci que celui-là

Vertu et science enseignera.


Le premier : mathématicien

Le second est un fin lettré.

Mais d'un visage toujours joyeux

Chacun fera ce qui convient. /454/


Et un prêtre ira pour la messe,

Pour soulager Don Montiglio

Qui tout en étant un bon fils

Commence déjà à barboter.


Mais tous faites-vous braves,

Toujours joyeux et vrais amis,

Vous rappelant que le bonheur

Vient seulement du bon travail.



Turin, du Conservatoire de ma Muse, 27 novembre 1876.



164. Conseils variés à un missionnaire



Don Taddeo Remotti faisait partie de la deuxième expédition missionnaire (1876). Il mit en oeuvre son zèle pastoral en diverses paroisses salésiennes de Buenos-Aires. Don Bosco lui envoyait de brefs messages pour l'encourager dans ses fatigues (Epist. IlI, 235 et 245 ; IV, 9-10).



Mon cher Don Remotti,

Don Bodratto est chargé de te donner une bonne pincée, je pense qu'il aura accompli son devoir. Qu'est-ce que cela veut dire ? Quand le démon va te déranger dans tes affaires, fais-en autant à son égard avec une oraison jaculatoire, avec une mortification, en te fatiguant pour l'amour de Dieu. Je t'envoie deux compagnons, dont j'espère tu seras content. Aie pour eux beaucoup de charité et de patience. Du reste je suis content de toi. Continue. Obéissance dans ta conduite. Encourage les autres à l'obéissance. Voilà le secret du bon­heur dans notre Congrégation.

Que Dieu te bénisse, et crois-moi toujours en N.S.J.C.

Ton ami très affectionné

Sampierdarena, 11 nov. 1877.Gio. Bosco, prêtre. /455/



Très cher Don Taddeo Remotti,



J'ai beaucoup apprécié la franchise avec laquelle tu m'as plusieurs fois écrit. Continue toujours sur le même ton. Mais retiens comme fondamentaux ces quelques avis qui sont pour toi mon testament.

1. Supporter les défauts d'autrui même quand ils nous font du tort.

2. Couvrir les taches des autres, ne jamais plaisanter quelqu'un quand il en resterait offensé.

3. Travaille, mais travaille pour l'amour de Jésus ; souffre tout plutôt que de briser la charité. Alter alterius onera portate et sic admiplebitis legem Christi 7.

Que Dieu te bénisse, ô cher Don Remotti. Au revoir sur la terre s'il plaît ainsi aux divins vouloirs. Autrement, le ciel nous est préparé et la Miséricorde divine nous l'accordcra.

Prie pour moi qui, maintenant et toujours, sera en J.C.

Ton ami très affectionné

Turin, 31 décembre 1878.Gio. Bosco, prêtre



Mon très cher Don Remotti,



J'ai reçu tes diverses lettres toujours avec un grand plai­sir. Ecris-moi plus souvent, mais de longues lettres. Mais je sais que tu travailles, et cela peut servir d'excuse. Tandis que tu t'occupes des âmes des autres, n'oublie pas la tienne. Ne jamais oublier l'exercice de la bonne mort une fois par mois.

Nos affaires ici avancent à pas de géant. Quand nous avons un Salésien capable, il y a deux maisons pour le récla­mer, et parfois nous sommes obligés d'envoyer des plantes encore très tendres. Tu dois donc prier beaucoup que Dieu nous les fasse porter du fruit.

Que Dieu te bénisse, mon cher Don Remotti qui conti­nues d'être la pupille de mes yeux. Travaille, la récompense est préparée, le ciel nous attend. Ibi nostra fixa sint corda, ubi vera sunt gaudia 8.

Prie pour moi qui serai toujours, mais de grand coeur en J. C.

Ton ami très affectionné

Turin, 31 janvier 1881.Gio. Bosco, prêtre



165. A un missionnaire coadjuteur découragé

Bartolomeo Scavini était l'un des quatre coadjuteurs de la pre­mière expédition missionnaire. Après deux ans de dur travail à Buenos Aires, il était au bord du découragement. Une lettre pater­nelle de Don Bosco lui redonna courage et paix et le remit sur pieds

(Epist. III, 247).



Mon cher Scavini,

Est venue jusqu'à moi une rumeur disant que tu es tenté d'abandonner la Congrégation salésienne. Ne fais pas cela ! Toi consacré à Dieu par des voeux perpétuels, toi salésien missionnaire, toi l'un des premiers à partir en Amérique, toi le grand confident de Don Bosco, tu voudrais maintenant retourner dans ce monde où il y a tant de dangers de perver­sion ? J'espère que tu ne commettras pas cette énorme sotti­se. Ecris-moi les raisons qui te troublent, et moi en bon père /457/

je donnerai à mon fils bien-aimé les conseils qui serviront à le rendre heureux dans le temps et dans l'éternité.

Que Dieu te bénisse, et crois-moi toujours en J.C.

Ton ami très affectionné

Turin, le, décembre 1877.Gio. Bosco, prêtre



166. A un missionnaire tenté : Courage, en avant !

En raison de la délicatesse du sujet ici touché l'éditeur des let­tres a tu le nom du destinataire (Epist. III, 271-272).



Mon cher D.

Dieu permet pour toi une grande épreuve, mais tu en ti­reras un grand avantage. La prière surmontera tout. Tra­vail, tempérance spécialement le soir, ne pas prendre de re­pos en cours de journée, ne jamais dépasser les sept heures au lit : autant de choses très utiles.

Principiis obsta 9 ; aussi, à peine vois-tu venir la tenta­tion, mets-toi à travailler si c'est pendant la journée, à prier si c'est pendant la nuit, et n'arrêtes la prière que vaincu par le sommeil. Mets ces conseils en pratique, je te recomman­derai durant la sainte messe, Dieu fera le reste. Courage, cher Don..., ferme ton coeur (aux affections dangereuses), espère dans le Seigneur, et va de l'avant sans t'inquiéter.

Prie pour moi qui serai toujours en J.C.

Ton ami très affectionné Gio. Bosco, prêtre



Rome, 12 janvier 1878.

/458/



167. Lettres à trois nouveaux directeurs



Don Bosco, même de loin, suivait et soutenait chacun des supé­rieurs de ses maisons, encore très jeunes pour la plupart. Don Jo­seph Bologna, après des années de ministère à Valdocco, fut nom­mé à trente et un ans directeur du nouvel « Oratoire Saint Léon » de Marseille (où on l'appela Don Bologne). A peine fût-il parti, Don Bosco lui envoya à Nice cette lettre d'avis paternels

(Epist. III, 356).



Très cher Don Bologna,

Je t'envoie ci-inclus trois lettres que tu fermeras et porte­ras à destination après les avoir lues.

Pars donc in nomine Domini.

Si tu peux, fais des économies ; si tu as besoin, deman­de, et ton papa s'arrangera pour te venir en aide.

Va comme père de tes confrères, comme représentant de la Congrégation, comme ami très cher de Don Bosco.

Ecris souvent pour dire ce qui va et ce qui ne va pas. Aime-moi en Jésus Christ. Que Dieu te bénisse toi, nos con­frères, tes oeuvres ; et prie pour moi qui serai toujours

Ton ami très affectionné

Turin, 25 juin 1878.Gio. Bosco, prêtre



Don Pierre Perrot n'avait pas vingt-cinq ans lorsqu'il fut nom­mé directeur de la nouvelle école d'agriculture de la Navarre près de Toulon. II fit part de ses craintes à Don Bosco et reçut cette let­tre exquise. Plus tard, il succèdera à Don Bologne comme provin­cial de France-Sud (Epist. III, 359).



Mon cher Don Perrot,

Moi aussi je sais que tu es jeune (ragazzo) et que tu au­rais encore besoin d'étude et de pratique sous la conduite /459/ d'un maître expérimenté. Mais que veux-tu ? Saint Timo­thée appelé à prêcher Jésus Christ bien qu'encore très jeune se mit tout de suite à prêcher le royaume de Dieu aux Hé­breux et aux Gentils.

Toi aussi, va donc au nom du Seigneur ; va non pas comme supérieur, mais comme ami, frère et père. Que ta loi soit la charité qui s'emploie à faire du bien à tous, du mal à personne.

Lis, médite, pratique nos règles. Ceci pour toi et pour les tiens.

Que Dieu te bénisse, et avec toi qu'il bénisse tous ceux qui t'accompagneront à la Navarre. Et prie pour moi qui se­rai toujours en J.C.

Ton ami très affectionné Gio. Bosco, prêtre

Turin, 2 juillet 1878.



Don Giovanni Marenco lui aussi avait à peine vingt-cinq ans lorsque Don Bosco le nomma directeur à Lucques en Toscane. Contre le nouvel « Oratoire de Sainte Croix », la presse anticléri­cale se déchaîna, soulevant la population contre les Salésiens. Don Marenco ne se troubla pas. Mais il demanda du renfort à Don Bos­co. Il deviendra plus tard procureur de la Société salésienne à Ro­me, puis évêque et inter-nonce en Amérique Centrale (Epist. III, 365).



J'ai tout lu et tous les événements m'ont été rapportés. Quelque épreuve est nécessaire pour vérifier un peu notre foi. Mais ne crains pas, l'aide de Dieu ne nous manquera pas.

Tu recevras de l'aide en personnel, et je suis engagé à fai­re en sorte que rien ne te manque. Si tu ne peux tout avoir dans l'immédiat, prends patience. « En allant sur le chemin la monture trouve son pas », disent les romains. /460/

Prière, foi, et confiance en nos bienfaiteurs. Je prépare en ce moment quelques lettres, mais commence toi-même à saluer de ma part ceux qui nous font du bien, les assurant que matin et soir nous faisons pour eux des prières spéciales à l'autel de Marie-Auxiliatrice.

Tu diras à Cappellano et à Baratta que je les aime bien, que je ne les oublie jamais à la sainte messe, et qu'eux-mêmes soient très joyeux, s'aiment tous entre eux, et prient aussi pour moi.

Que Dieu te bénisse toi, le nouvel Oratoire et tous nos bienfaiteurs. Et crois-moi toujours en J.C.

Ton ami très affectionné

Turin, 22 juillet 1878.Gio. Bosco, prêtre



168. Les novices, « joie et couronne » de Don Bosco



Don Giulio Barberis (voir texte 155), qui à treize ans s'était en­tendu dire par Don Bosco : « Tu seras mon aide », fut maître des novices pendant vingt-cinq ans. Absent de Turin, Don Bosco lui demandait souvent des nouvelles de ses « chers novices ». De la maison, à peine née, de Marseille, il envoya cette lettre (Epist. III, 434).



Très cher Don Barberis,

D'autres choses entre nous deux, tu les trouvera à part.

J'espère que nos chers novices, pupille de mes yeux, sont en bonne santé et rivalisent de ferveur pour faire disparaître le froid qui naturellement se fait sentir en cette saison. Tu leur diras qu'ils sont gaudium meum et corona mea. Cou­ronne de roses, et certainement pas d'épines. Qu'il n'y ait jamais de novice salésien qui par sa mauvaise conduite plan­te un épine dans le coeur de leur très affectionné père Don /461/ Bosco ! Non, cela ne sera jamais. Au contraire je suis sûr que tous rivaliseront par leurs prières et leurs communions pour me consoler par leur conduite exemplaire...

Cette Maison Beaujour de Marseille est un rejeton qui a besoin de beaucoup de soins au début, mais qui poussera et deviendra un grand arbre, dont les rameaux et l'ombre bien­faisante feront sentir leurs heureux effets en d'autres pays lointains. C'est ce que j'espère dans le Seigneur.

Samedi, Foglino et Quaranta s'embarqueront pour Montevideo. Ils sont joyeux, contents, et ne désirent rien d'autre que de voler rapidement au secours de leurs confrè­res de l'Uruguay.

Tu diras à Don Depert de me sanctifier la sacristie et tous ceux qui s'y rendent, à Palestrino de devenir meilleur, à Jules César Auguste d'être joyeux, à Don Rua de chercher de l'argent, à monsieur le comte Cays d'avoir soin de sa santé comme il le ferait pour moi 10.

Que Dieu vous bénisse tous et accorde à tous la grâce de bien vivre et de bien mourir. Cette grâce, que Dieu l'accorde spécialement à celui que je ne retrouverai plus à mon retour à Turin 11. Crois-moi toujours en J.C. -

Ton ami très affectionné Gio. Bosco, prêtre.

Marseille, 10 janvier 1879.

/462/



169. Au directeur de Varazze : « Gouverne bien tes pinsons »



Don Giuseppe Monateri en 1880 était directeur du collège de Varazze. 7l avait trente-trois ans, et Don Bosco l'encourageait de ses directives précises (Epist. IIl, 590).



Très cher Don Monateri,

Il faut évidemment répondre quand on le peut. De ton côté, prends patience. Je te dirai donc :

1. A notre bon ami le futur curé de Varazze, je ne puis pour le moment accorder d'autre prêtre, mais seulement l'aide que les prêtres de notre collège pourront lui fournir, et ils le feront certainement dans les limites du possible.

2. Que le jeune Fassio, de la classe de cinquième, aie la bonté de refaire sa lettre, parce que celle qu'il m'a envoyée et qu'il me semble avoir reçue, je n'arrive pas à la retrouver dans le mare magnum de mes papiers.

3. De grand coeur je bénis le jeune Corazzale Cirillo et son petit frère malade depuis trois ans, et je prie pour tous les deux.

4. Je prie Dieu de te donner santé, science et sainteté pour bien gouverner tes pinsons et faire d'eux autant de saints Louis et d'intrépides Salésiens.

Que Dieu te bénisse, ô toujours cher Don Monateri, et qu'avec toi il bénisse tous nos chers confrères et élèves. Et priez aussi pour moi qui serai toujours en J.C.

Votre ami très affectionné Gio. Bosco, prêtre

Turin, 8 juin 1880.

/463/



170. Billets à trois jeunes missionnaires



Giuseppe Quaranta, Antonio Paseri et Bartolomeo Panaro étaient de jeunes salésiens partis en Argentine avant le sacerdoce. Don Bosco les encourage affectueusement. Tous trois deviendront de valeureux missionnaires. Les trois billets portent la même date. (Epist. IV, 10-12).



Mon très cher Quaranta,

J'ai été informé que tu es en bonne santé et que tu fais tout ce que tu peux. Cela me fait grand plaisir. Etude et pié­té feront de toi un vrai Salésien. Mais n'oublie pas que tu dois mettre ton âme en sûreté et ensuite seulement t'occuper de sauver les âmes des autres. L'exercice de la bonne mort et la fréquente communion sont la clé de tout.

Ta santé est-elle bonne en ce moment ? Fais-tu vraiment des progrès ? Ta vocation se maintient-elle ? As-tu l'impres­sion d'être préparé pour les ordinations ? Voilà les thèmes d'une de tes prochaines lettres que j'attends.

Que Dieu te bénisse, ô mon cher 40 12, prends coura­ge, et prie pour moi qui serai toujours en J.C.

Ton ami très affectionné



Très cher Paseri,

Toi, ô mon cher Paseri, tu as toujours été les délices de mon coeur. Et maintenant je t'aime encore davantage, parce que tu t'es absolument voué aux missions, ce qui revient à dire : tu as tout quitté pour te consacrer tout entier à la con­quête des âmes. /464/

Courage donc, ô mon cher Paseri. Prépare-toi à être un bon prêtre, un saint Salésien. Je prierai beaucoup pour toi, mais toi n'oublie pas cet ami de l'âme que je suis.

La grâce de N.S.J.C. soit toujours avec nous ; qu'elle nous rende forts dans les tentations et nous assure le chemin du ciel.

Prie pour moi qui serai toujours dans les Coeurs sacrés de Jésus et de Marie.

Ton ami très affectionné.

O mon cher Panaro, que fais-tu ? Vas-tu de l'avant dans l'étude et dans la piété ? Je l'espère, et pour cela je te recom­mande de persévérer au prix de n'importe quel sacrifice. N'oublie pas la grande récompense que Dieu nous tient déjà préparée dans le ciel.

Obéissance, et l'exercice de la bonne mort fidèlement. Tout est là.

Que Dieu te bénisse, ô mon toujours cher Panaro, sois le modèle des Salésiens, et prie pour moi qui serai toujours en J.C.

Ton ami très affectionné Gio. Bosco, prêtre.

Turin, 31 janvier 1881.



171. « Mettez vos épines avec celles de la couronne de Jésus »



Le 16 juillet 1875, Maddalena Martini, âgée de vingt-quatre ans, abandonnait sa riche famille pour entrer à la maison de Mor­nese et y vivre la vie sacrifiée de ces débuts de la Congrégation des Filles de Marie-Auxiliatrice. Elle ne tarda pas à entrer en crise. Mais la forte parole de Don Bosco lui permit de la surmonter. /465/

Quatre ans après, elle partait pour l'Argentine comme supérieure (Epist. II, 491-492).



Chère fille en Jésus Christ,

Votre venue à Mornese a donné une telle gifle au monde qu'il a envoyé l'ennemi des âmes vous mettre dans l'inquié­tude.

Mais vous, écoutez la voix de Dieu qui vous appelle à vous sauver par un chemin facile et aplani, et méprisez toute suggestion contraire. Soyez même contente des trou­bles et inquiétudes que vous éprouvez, car la voie de la croix est celle qui vous conduit à Dieu. Si au contraire vous aviez été d'un coup joyeuse et contente, il y aurait à craindre quel­que tromperie de l'ennemi malin. Donc retenez :

1. On ne va à la gloire que moyennant une grande fati­gue.

2. Nous ne sommes pas seuls, mais Jésus est avec nous, et saint Paul dit qu'avec l'aide de Jésus nous devenons tout-puissants.

3. Qui abandonne patrie, parents et amis pour suivre le divin Maître, celui-là s'assure dans le ciel un trésor que per­sonne ne pourra lui enlever.

4. La grande récompense préparée dans le ciel doit nous encourager à supporter n'importe quelle peine sur la terre.

Prenez donc courage, Jésus est avec nous. Quand vous avez des épines, mettez-les avec celles de la couronne de Jé­sus Christ.

Je vous recommande à Dieu dans la sainte messe. Vous aussi priez pour moi, qui suis toujours en J.C.

Votre très humble serviteur Gio Bosco, prêtre

Turin, 8 août 1875.

/466/



172. Deux boîtes de dragées à la Mère générale



Sainte Marie-Dominique Mazzarello, cofondatrice des Soeurs salésiennes, mourut le 14 mai 1881. Le 12 août suivant Soeur Catherine Daghero était élue supérieure générale à Nizza Monfer­rato. Don Bosco qui avait présidé la réunion, lui prépara une boîte de dragées et une seconde boîte de ces dragées au goût amer qu'on appelle en Italie amaretti. Il lui présenta le cadeau accompagné du billet suivant (Epist. IV, 76).



Révérende Mère Supérieure Générale,

Voici quelques dragées à distribuer à vos filles. Retenez pour vous la douceur à pratiquer en toute occasion et avec tous. Mais soyez toujours prête à recevoir les amaretti, ou mieux les bouchées amères, si jamais il plaisait à Dieu de vous en envoyer.

Que Dieu vous bénisse et vous donne force et courage pour sanctifier vous-même et toute la communauté qui vous est confiée.

Priez pour moi qui suis en J.C.

Votre humble serviteur Gio. Bosco, prêtre

Nizza Monferrato, 12 août 1881.­



173. « Je ne vous l'envoie pas dire, je le dis moi-même



Mère Daghero avait informé Don Bosco que dans la petite ville de Nizza Monferrato des potins de sacristie couraient au sujet des soeurs. Elle craignait de lui avoir donné quelque motif de mécon­tentement. Le saint lui explique comment il a l'habitude de se com­porter (Epist. IV, 244-245).

/467/

Révérende Mère générale,

J'ai reçu vos souhaits et ceux des autres soeurs et des élè­ves. Je vous remercie de tout coeur et je prie Dieu qu'il vous rende largement la charité que vous me faites de vos prières.

Ne faites pas attention aux propos que tel ou tel fait cou­rir sur nos maisons. Ce sont des choses vagues, mal compri­ses, exposées en des sens divers. Qui désire quelque chose, qu'il le dise et parle clair.

Demeurez tranquille. Quand j'ai quelque chose de néces­saire à dire, je ne vous l'envoie pas dire, je vous le dis ou je vous l'écris moi-même.

Que Dieu vous bénisse et vous accorde la persévérance à vous, à vos soeurs, à toutes les élèves qui vous sont confiées. Et croyez-moi en J.C.

Votre humble serviteur Prêtre Gio. Bosco, recteur

Turin, 25 décembre 1883.



174. « Ce qu'on donne au Seigneur ne se reprend plus »



Eulalie Bosco était une petite-nièce de Don Bosco, fille de François, l'un des fils de son frère Joseph. Aux exercices spirituels de 1882 à Nizza Monferrato, elle se trouvait parmi les novices entrantes des Filles de Marie-Auxiliatrice. De Pinerolo où il pre­nait un peu de repos, le grand-oncle lui envoya cette lettre de forte doctrine. Plus tard Eulalie deviendra membre du Conseil supérieur

(Epist. IV, 289-290).

Ma bonne Eulalie,

J'ai béni le Seigneur quand tu as pris la résolution de te faire religieuse, et maintenant je le remercie de tout coeur /468/ parce qu'il a maintenu en toi la volonté d'en finir définitive­ment avec le monde pour te consacrer totalement à Jésus. Fais cette offrande de grand coeur, et réfléchis à la récom­pense : le centuple dans la vie présente, et le vrai prix, le grand prix dans la vie future.

Mais, ma bonne Eulalie, que cela ne soit pas fait par plaisanterie, mais sérieusement. Souviens-toi des paroles du père de sainte Chantal 13 quand elle se trouvait dans une situation semblable : ce que l'on donne au Seigneur ne se reprend plus.

Retiens que la vie religieuse est une vie de continuel sa­crifice, mais que chaque sacrifice est largement récompensé par Dieu. L'obéissance, l'observance des règles, l'espérance du prix qui nous attend : voilà notre seul réconfort au cours de cette vie mortelle.

J'ai toujours reçu tes lettres, et avec plaisir. Je n'ai pas répondu parce que le temps m'a manqué.

Que Dieu te bénisse, Eulalie, et que Marie soit ton guide et ton réconfort jusqu'au ciel. J'espère que nous nous ver­rons encore dans la vie présente ; autrement, adieu, nous nous reverrons pour parler de Dieu dans la vie bienheureu­se. Ainsi soit-il.

Je souhaite d'abondantes bénédictions à la Mère généra­le et à toutes les soeurs, novices, postulantes de Marie-­Auxiliatrice. Je suis débiteur d'une réponse à la Mère, je le ferai. Prie pour moi et pour toute notre famille. Et crois­-moi toujours en J.C.

Ton oncle très affectionné Gio. Bosco, prêtre

Pinerolo, 20 août 1884.

/469/



175. « Votre départ m'a brisé le coeur »



Don Giacomo Costamagna était parti en 1877 à la tête de la troisième expédition missionnaire d'Argentine. Il revint à Turin en août 1883 pour participer au troisième Chapitre général de la Congrégation, et en novembre il repartait avec un nouveau grou­pe, accompagné par Don Cagliero jusqu'à Marseille où le rejoignit cette lettre émouvante. Monsieur Bergasse et Madame Agathe Jac­ques étaient des Coopérateurs marseillais. Le songe auquel il est fait allusion dans le P. S. est le fameux songe du 29 août 1883 sur l'avenir des missions d'Amérique contemplé en compagnie du jeune Louis Colle (voir texte 134, p. 372) ; Don Bosco l'avait raconté le 4 septembre aux membres du Chapitre général et Don Lemoyne l'avait immédiatement transcrit. Don Costamagna deviendra plus tard premier vicaire apostolique de Mendez et Gua­laquiza en Ecuador (Epist. IV, 240-241).



Mon cher Don Costamagna,

Vous êtes partis, mais vous m'avez vraiment brisé le coeur. J'ai voulu être courageux, mais j'ai souffert, et il m'a été impossible de dormir toute la nuit. Aujourd'hui je suis plus calme. Dieu soit béni !

Tu trouveras ici des images pour les confrères de notre ou plutôt de ta province. Pour celle de Don Lasagna, ce sera pour une autre fois. Je joins aussi une lettre pour M. Ber­gasse. S'il survenait quelque difficulté, compte aussi sur moi sans réserve.

Tu salueras madame Jacques, l'assurant que la première Patagone qui sera baptisée après votre arrivée recevra le nom d'Agathe.

Que Dieu te bénisse, ô toujours cher Don Costamagna, et avec toi qu'il bénisse et protège tous les tiens et mes chers fils qui t'accompagnent. Que Marie vous protège et vous garde tous sur le chemin du ciel. Bon voyage. /470/

Je suis ici avec une vraie multitude qui prie pour vous. Amen.

Ton ami très affectionné Gio. Bosco, prêtre

Turin, 12 novembre 1883.

N.B. Le songe de Don Lemoyne doit être corrigé sur quelques points, tu le verras.



176. « Je veux que tous mes fils servent le Seigneur avec une sainte allégresse ».



Le clerc Giovanni Beraldi enseignait au collège Pie IX d'Al­magro, à Buenos-Aires. Au milieu de ses difficultés et troubles in­térieurs il eut recours à Don Bosco. Celui-ci, désormais perclus d'infirmités, lui envoya cette réponse (Epist. IV, 343).

Très cher Beraldi,

J'ai reçu avec un grand plaisir ta brève lettre d'août. Ne t'inquiète pas quand je ne t'écris pas : je suis désormais em­pêché de le faire par mes infirmités corporelles. Je suis pres­que aveugle et presque incapable de marcher, d'écrire, de parler. Que veux-tu ? Je suis vieux, et que soit faite la sainte volonté de Dieu ! Mais chaque jour je prie pour toi et pour tous mes fils, et je veux que tous servent volontiers le Sei­gneur avec une sainte allégresse, même au milieu des diffi­cultés et des perturbations diaboliques. Celles-ci sont mises en fuite par le signe de la sainte croix, par Jésus, Marie, mi­séricorde ! par vive Jésus !, et surtout par le fait de les mé­priser et par le veillez et priez et la fuite de l'oisiveté et de toute occasion prochaine. En ce qui regarde les scrupules, seule l'obéissance à ton directeur, à tes supérieurs, peut les /471/ faire disparaître ; donc ne pas oublier que vir obediens loquetur victoriam.

J'approuve que tu répandes la dévotion au très saint Sacrément. Pense aussi à être et à rendre tes élèves vrais fils dévots de la très sainte Vierge Marie, en même temps que pleins d'amour pour Jésus dans l'eucharistie, et avec le temps et la patience, Dieu aidant, vous ferez des merveilles.

Prends donc courage. Fais et supporte tout pour plaire à Dieu, pour faire sa sainte volonté, et tu te prépareras un tré­sor de mérites pour la bienheureuse éternité. L'appui de mes prières ne te manquera pas. Que Dieu te bénisse, qu'il bénisse toute ta troupe d'élèves ; et que Marie Auxiliatrice vous protège tous et vous guide sur le chemin du ciel.

Toi aussi prie pour ton vieil ami et père.

Très affectionné en Jésus et Marie Gio. Bosco, prêtre

Turin, 5 octobre 1885.





/472/

1 « Si est attirante la grandeur des récompenses, on ne s'épouvantera pas de la quantité des fatigues » (Saint Grégoire le Grand, Hom. 37 in Evang.). - « Ne reçoit la couronne que celui qui a combattu selon les rè­gles » (2 Tim 2,5) - « Sois un bon soldat du Christ (Ibid. 3), et il te donne­ra la couronne ».


2 « Prenons en mains le bouclier de la foi pour pouvoir résister aux embûches du démon »(de Eph 6, 16 et 11).

3 « Par votre patience, vous vous rendrez maîtres de vos âmes » (Lc 21, 19).


4 « Devant le Seigneur » - « (Celui qui veut me suivre) qu'il se renie lui-même » (Mt 16, 24). - « L'homme obéissant publiera ses victoires » (Prov 21, 2R).


5 Légère adaptation du texte de Mt 5, 16 : « Que ta lumière brille de­vant les hommes, afin qu'ils voient tes bonnes oeuvres et glorifient notre Père qui est aux cieux ».


6 « Portez mutuellement vos fardeaux, et ainsi vous accomplirez la loi du Christ. La charité est bénigne, elle est patiente, elle supporte tout. Et, si quelqu'un se désintéresse des siens, en particulier de ceux de sa propre maison, il est pire qu'un infidèle. » (Gal 6, 2; 1 Cor, 13, 4, 7; 1 Tim 5, 8).

7 « Portez les fardeaux les uns des autres, et vous accomplirez ainsi la loi du Christ » (Gal 6,2).

8 « Que nos coeurs se fixent là où sont les vraies joies » (liturgie).


9 « Réagis dès le début », expression célèbre d'un poème d'Ovide, qui continue ainsi : « Sero medicina paratur, cum mala per tongas convaluere moras » : « Le médicament vient trop tard, lorsque de longs délais ont per­mis au mal de prendre vigueur ».


10 Palestrino était sacristain chef à Valdocco, et Don Depert était son adjoint. Giulio était un vieil employé, balayeur dans la maison. Don Bosco l'appelait plaisamment « Jules-César ». Le comte Cays, ancien avocat et député au Parlement des Etats sardes, venait d'entrer à soixante-quatre ans dans la Société salésienne (1877) ; Don Bosco avait un respect tout particu­lier pour lui.

11 Don Remondino, novice déjà prêtre ; il mourut en effet le le' fé­vrier suivant.


12 Don Bosco joue sur le nom de son correspondant : 40 se dit en ita­lien quaranta.


13 Saint François de Sales.