Lettres à des Pretres, religieuses, cooperateurs, amis p. 297-380

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III



LETTRES A DES PRÊTRES, RELIGIEUSES, COOPERATEURS, AMIS...





Des quelque trois mille lettres de Don Bosco que nous possédons, la majeure partie a été adressée à un vaste public d'« amis », c'est-à-dire à des adultes qui, ayant reconnu en lui l'homme de Dieu, lui manifestaient leur estime, leur ad­miration, leur affection, leur volonté de l'aider pratique­ment, leur désir d'obtenir par son entremise quelque lumière d'en-haut. Nul autre écrit ne manifeste mieux que ces let­tres, toujours écrites à la hâte, l'extraordinaire mobilité de son esprit et la largesse de son coeur, tandis que ses principes de vie chrétienne y affleurent spontanément, adaptés à cha­que situation.

Un nombre plutôt réduit de lettres sont adressées à des séminaristes, prêtres, religieux, religieuses, à des évêques /297/ aussi et à deux papes. Souvent, pour demander quelque cho­se. Mais souvent aussi pour donner des conseils spirituels et pratiques, avec fermeté et clarté, sans se complaire dans de longs développements, invitant à prendre courage et à servir Dieu généreusement. En somme, ce n'est pas un théologien qui apparaît, mais un pasteur, un ami, un guide spirituel, qui stimule plus qu'il n'enseigne.

Un grand nombre de lettres sont adressées à des bienfai­teurs, pour demander autant que pour remercier, mais ja­mais sans élever l'esprit et le coeur du correspondant vers Celui qui conduit toutes choses et qui demande à être recon­nu dans les pauvres. Cette série est impressionnante, parce qu'elle fait voir « le pauvre Don Bosco » plongé dans mille entreprises, qui se débat « dans un océan de difficultés » (lettre 1021) et sait unir à la fatigue un abandon total à la Providence. Ici apparaissent en relief quelques-unes des ca­ractéristiques de son esprit et de sa manière de traiter avec autrui. Nous le voyons surtout entrer en contact avec le monde des riches et avec le monde féminin : le paysan des Becchi traite avec des princes, ducs et duchesses, comtes et comtesses, marquis et marquises, barons et baronnes, gentilshommes... : ses lettres sont ici des chefs-d'oeuvre de tact humain et sacerdotal, étonnant mélange de respect et d'af­fection, d'habileté et de simplicité, d'audace pastorale et de discrétion. Il remercie avec effusion pour la moindre obole, mais il ne craint pas de demander encore à qui peut et doit donner. Avec certaines bienfaitrices, fidèlement généreuses pendant près de trente ans, les liens furent très profonds, marqués par une sorte de tendresse infiniment délicate, que seule la grâce de Dieu pouvait faire fleurir dans le coeur d'un saint.. On songe aux lettres de François de Sales à Jeanne de Chantal.

Enfin il y a les lettres aux autres catégories de per­sonnes : professeurs, anciens élèves, pères de famille, jeunes /298/ filles... qui demandent conseil pour le présent ou pour l'avenir.

Un trait rend la lecture de toutes ces lettres fort agréable, captivante même : l'humour, la finesse du sourire, une sorte de légèreté dictée par l'espérance, la plaisanterie aimable du « chef des voyous », comme il signait parfois, faisant allu­sion à la mauvaise réputation des jeunes qu'il accueillait chez lui. Ce n'est pas là seulement un trait de caractère. Pour le Don Bosco écrasé de soucis et de fatigues, c'est un acte de totale confiance en Celui qui tient tout en sa main, et c'est une proclamation vécue que le service de Dieu, pour exigeant qu'il soit, est un très doux service qui remplit le cœur de béatitude.

Nous suivrons l'ordre chronologique, nous permettant toutefois de l'abandonner de temps en temps pour mieux faire apparaître les relations du saint avec une même person­ne. Le texte cité est toujours emprunté aux quatre volumes de l'Epistolario publiés par Don Ceria, Turin, SEI 1955­-1959.



85. « Monsieur l'archiprêtre, ne soyez pas si modeste ! »



En 1851, Don Bosco s'apprêtait à lancer la construction de l'église Saint-François-de-Sales pour ses garçons de Valdocco tou­jours plus nombreux. Devant l'insuffisance des offrandes reçues, il eut l'idée d'organiser une grande loterie, dont les lots seraient fournis par des amis et sympathisants : il lança donc un appel, et se mit en devoir de le diffuser par l'intermédiaire de « promo­teurs », parmi lesquels le chanoine Pierre-Joseph De Gaudenzi, archiprêtre de la cathédrale de Vercelli, son ami. Et il trouva cette façon originale de le solliciter (Epist. I, 52-53). /299/

Don Bosco à la porte de Monsieur l'archiprêtre Din - din - din.

Domestique. - Qui est-ce ?

Bosco. - C'est Don Bosco qui aurait besoin de parler avec Monsieur l'archiprêtre, pourvu que ce soit possible sans trop le déranger.

D. - Je vais vous annoncer. Je crois qu'il a déjà dîné !

Archiprêtre. - Cher Don Bosco, comment, quel bon vent vous amène ? Vous allez bien ? Venez vous asseoir.

B. - Très bien. J'ai fait bon voyage, et je me réjouis de vous trouver en bonne santé. Je vous apporte des nouvelles de notre église. Elle est déjà couverte de son toit ; on a déjà fait les voûtes du choeur, des deux chapelles latérales, de la sacristie ; et l'on prépare le nécessaire pour la voûte centra­le.

A. - On a déjà fait beaucoup, Dieu soit béni ! J'avais aussi donné ma parole de vous envoyer quelques briques...

B. - C'est l'un des motifs de ma visite.

A. - J'ai compris, j'ai compris. Vous voulez les empor­ter avec vous en ce moment ?

B. - Non, Monsieur l'archiprêtre, vous pouvez me les envoyer tout à votre aise ou par mandat postal ou par une lettre contenant quelque billet de banque. En ce moment je ne vais pas à la maison, je suis en tournée de visites aux bienfaiteurs de l'église.

A. - Malin que vous êtes ! Vous plumez l'oie sans la faire crier. Dans ce paquet, qu'est-ce qu'il y a ? ... Oh ! Plan d'action pour une Loterie... aussi pour l'église de l'Oratoire. Mais, mais, mais que vois-je ici ? Vous m'avez mis parmi les promoteurs ! Pourquoi cela, pourquoi ?

B. - Monsieur l'archiprêtre, je vous mets devant le fait accompli. J'avais peur que, dans votre modestie, vous ne cherchiez quelque raison pour vous exempter de cette char­ge. Aussi ai-je agi sans vous en parler. /300/

A. - Coquin de Don Bosco ! ... Qu'est-ce donc que j'ai à faire ?

B. - D'abord vous commencez à distribuer ces appels, et si vous pouvez trouver des lots, vous les enverrez à Turin par quelque courrier. Mais vous en recueillerez sans aucun doute. Quand nous aurons recueilli les lots, nous en ferons faire l'estimation et nous imprimerons les billets à 0,50 F à diffuser largement. C'est tout ce que vous avez à faire...

A. - Puisque vous m'avez embarqué dans l'affaire, j'essaierai de m'en sortir le mieux que je pourrai.

B. - Mes commissions sont faites. Vale in Domino. Bonnes fêtes, bonne fin et saint début d'année ! Que le Sei­gneur vous bénisse vous et tous ceux qui voudront être assez charitables pour prendre part à notre Loterie. D'ici je pars sur un Pégase qui m'emporte à la vitesse du vent : je vais faire une visite au P. Goggia à Biella.

Veille de Noël 1851.



86. A un ministre protestant : proposition d'amitié sincère



Luigi De Sanctis, prêtre catholique, était passé dans la secte des vaudois, où il faisait fonction de ministre. Ayant rompu avec ses collègues en 1854, il fut destitué. Don Bosco ne le connaissait pas personnellement. Mais saisissant toutes les occasions de promou­voir le bien spirituel du prochain, il crut arrivé le bon moment de l'inviter à faire retour à l'Eglise catholique et prit l'initiative de lui envoyer cette lettre (Epist. 1,98) :



Très estimable Monsieur,

Depuis quelque temps, je méditais dans mon coeur de vous écrire une lettre dans le but de vous exprimer mon vif désir de vous parler et de vous offrir tout ce qu'un ami sin­cère peut offrir à son ami. Cela m'est venu à la lecture atten­tive /301/ que j'ai faite de vos livres, où il m'a semblé découvrir une véritable inquiétude de votre coeur et de votre esprit.

Or, puisqu'il semble, à ce que disent les journaux, que vous êtes en désaccord avec les vaudois, poussé uniquement par l'esprit d'amitié et de charité chrétienne, je vous invite à venir dans ma maison, dès lors que la chose vous agrée. Pour quoi faire ? Ce que le Seigneur vous inspirera. Vous aurez une chambre pour loger, vous aurez avec moi une mo­deste table ; vous partagerez avec moi le pain et l'étude. Et cela sans aucune conséquence de dépenses de votre côté.

Tels sont les sentiments d'amitié que je vous exprime du plus profond de mon coeur. Si vous pouvez connaître com­bien loyale et juste est l'amitié que je vous porte, vous ac­cepterez ma proposition, ou au moins vous m'accorderez votre bienveillante excuse.

Que Dieu écoute mes désirs, et qu'il fasse de nous un seul coeur et une seule âme pour ce Seigneur qui donnera la juste récompense à qui le sert durant sa vie.

Très sincèrement en Jésus-Christ Bosco Gio, prêtre

Turin-Valdocco, 17 novembre 1854.



De Sanctis, ému à l'extrême, répondit le lendemain :« Vous ne sauriez imaginer l'effet qu'a produit sur moi votre très aimable lettre d'hier ». Nous possédons une copie de deux autres lettres que Don Bosco lui envoya, l'invitant à venir discuter amicalement à Valdocco. Il vint en effet, et reconnut ses erreurs. Mais il lui était trop dur de sortir de sa situation : il avait femme et enfants (voir MB V, 139-146). Dans une dernière lettre du 26 mai 1855, Don Bosco lui écrivit (Epist. I, 107) :





...Vous serez étonné de cette lettre. Mais je suis fait ain­si : lorsque je me suis lié d'amitié, je désire continuer et ap­porter /302/ à l'ami tout le bien qu'il m'est possible de lui appor­ter.

Que Dieu très bon vous bénisse et vous garde ; et moi, plein d'estime à votre égard, je m'offre à vous pour ce que je puis faire. De votre illustre et très chère personne je me dis

L'ami très affectionné Bosco Gio, prêtre



87. Trois courtes lettres à un séminariste : « Com­porte-toi en homme »



Domenico Ruffino, ayant rencontré Don Bosco alors qu'il était étudiant au collège de Giaveno (Turin), sa ville natale, s'atta­cha à lui par une affection et une confiance toutes filiales (1ère let­tre). Entré par la suite au séminaire de philosophie de Chieri, il confia à Don Bosco ses difficultés d'ordre économique (2e lettre). Conquis par un séjour à Valdocco durant les vacances de 1857, il interrompit ses études de théologie au séminaire de Bra (3e lettre) pour se fixer à l'Oratoire (1859). Il fut l'un des vingt-deux pre­miers Salésiens qui firent profession le 14 mai 1862, et aussi l'un des membres de la « commission des sources » (voir p. 28). Nommé premier directeur de Lanzo, il mourut hélas à peine âgé de vingt-cinq ans en 1865. Ces trois billets donnent une idée du style rapide et incisif de Don Bosco (Epist. I, 130, 151 et 170).



Mon très cher fils,

Tu as bien fait de m'écrire ; si les paroles que tu m'écris expriment ce que tu as dans le coeur, alors tu auras en moi un ami qui te fera tout le bien qu'il pourra.

Offre ton travail à Dieu. Sois un dévot de Marie. Quand tu viendras à Turin, nous parlerons les deux. /303/

Que le Seigneur te bénisse. Prie pour moi qui te suis de coeur

Très affectionné Bosco Gio., prêtre

Turin, 15 juin 1856



Très cher dans le Seigneur,

Prends courage et mets tout ton espoir dans le Seigneur. Je pense qu'on ne te réclamera plus les 24 F d'entrée au sé­minaire. Si jamais on te les demandait de nouveau, dis à tes supérieurs qu'ils aient la bonté de s'adresser à moi, et je m'arrangerai. Vu la situation difficile de ta famille, si cela t'arrange de venir passer les Vacances ici avec moi, viens sans crainte, j'en suis content. Il suffit de me l'écrire quel­ques jours avant.

Pour le reste, rappelle-toi toujours que la plus grande richesse de ce monde est la sainte crainte de Dieu, et que dili­gentibus Deum omnia cooperantur in bonum 1. Si quelque urgent besoin survenait, fais-le moi savoir.

Crois-moi toujours dans le Seigneur

Ton très affectionné Bosco Gio, prêtre

Turin, 31 juillet 1857



Très cher Ruffino,

Je te remercie des souhaits que tu m'offres ; que Dieu multiplie au centuple tout ce que tu as demandé pour moi. Tâche de croître en âge et en crainte de Dieu. Que la science théologique en même temps que la sainte crainte de Dieu soient l'objet de tes efforts. /304/

Viriliter age ; non coronabitur nisi qui legitime certave­rit, sed singula huius vitae certamina sunt totidem coronae, quae nobis a Domino parantur in coelo. Ora pro me 2.

Tuus Bosco, prêtre

Turin, 28 décembre 1858



88. A un autre séminariste en difficulté



A un clerc du séminaire de Bra (province de Cuneo en Pié­mont) qui avait demandé conseil à Don Bosco dans la perspective des ordinations (Epist. I, 118). Notons que l'année de persévéran­ce sans « rechutes » (très vraisemblablement dans une faute d'im­pureté) ici demandée sera réduite à six mois dans une lettre posté­rieure, avec cette précision : « Suivez sur ce point l'avis des per­sonnes qui vous ont encouragé à aller de l'avant » (Epist. I, 146).



Turin, 7 décembre 1855

Très cher fils,

J'ai reçu votre lettre. Je loue votre franchise : remer­cions le Seigneur de la bonne volonté qui vous inspire. Sui­vez aussi les avis de votre confesseur : qui vos audit, me au­dit3, dit Jésus Christ dans l'évangile. Employez-vous à correspondre aux impulsions de la grâce de Dieu qui frappe à votre coeur. Qui sait si le Seigneur ne vous appelle pas à un sublime degré de vertu ! /305/

Mais ne nous leurrons pas : si vous ne remportez pas une victoire complète sur cette difficulté, n'avancez pas et ne cherchez pas à progresser dans les ordres sacrés, sinon après au moins une année pendant laquelle il n'y aura pas eu de rechutes.

Prière, fuite de l'oisiveté et des occasions, fréquentation des saints sacrements, dévotion à Marie (une médaille au cou) et à saint Louis ; lecture de bons livres. Mais un grand courage. Omnia possum in eo, qui me confortat 4 dit saint Paul.

Aimons-nous dans le Seigneur, oremus ad invicem, ut salvemur5 et que nous puissions faire la sainte volonté de Dieu, et croyez-moi.

Votre très affectionné Gio. Bosco, prêtre

S. Ambrosi, ora pro nobis6



89. « Voilà des semaines que je vis d'espérance et d'affliction »



Nous retrouvons la famille des comtes De Maistre, rencontrée dans les lettres aux jeunes marquis Emmanuel et Azélie (pp. 209­213). Voici l'une des très nombreuses lettres que Don Bosco écrivit à leur maman, la marquise Maria-Assunta Fassati, petite-fille de Joseph De Maistre. A cette période (été 1863), il vivait dans l'anxiété sur le sort de ses écoles de Valdocco, objet d'inspections /306/ malintentionnées et menacées de fermeture (voir MB VII, 477) (Epist. 1, 279-280).

Très méritante madame la Marquise,

Occupations sur occupations m'ont empêché de répon­dre tout de suite à la lettre que la vertueuse Azélie m'a écrite en votre nom.

...Madame la Marquise, s'il fut un temps où j'ai eu be­soin de vos prières, c'est certainement celui-ci. Le démon a déclaré la guerre ouverte à cet Oratoire, et je suis menacé de fermeture si je ne le porte pas à la hauteur des exigences .ac­tuelles pour me conformer à l'esprit du gouvernement. La sainte Vierge a assuré que cela ne sera pas ; mais Dieu peut nous trouver dignes de châtiment et entre autres permettre celui-ci.

Voilà des semaines que je vis d'espérance et d'affliction. Donc ajoutez vos ferventes prières à celles que nous faisons dans notre maison, et remettons-nous dans les mains de la Providence.

Que la sainte Vierge au jour de sa fête vous offre en ca­deau à vous la rose de la charité, à Azélie la violette de l'hu­milité, à Emmanuel le lis de la modestie, et qu'elle nous con­serve tous sous sa puissante protection. Amen.

Avec gratitude et estime je me professe de votre Seigneu­rie très méritante 7

Le serviteur très obligé Bosco Gio., prêtre

Turin, 3 septembre 1863.

/307/

90. « Madame la Comtesse, je suis fatigué, mais pas abattu »



Faisons connaissance avec l'une des plus grandes Coopératri­ces et correspondantes de Don Bosco, la comtesse Charlotte Gabrielle Callori (née Berton Sambury). De Turin où elle habitait, elle partait chaque été pour son château de Vignale (province d'Alessandria), non loin de Montemagno, lieu de résidence d'été de la marquise Fassati, chez laquelle Don Bosco l'avait rencontrée à la fête de l'Assomption 1861. Grâce à ses largesses, Don Bosco put construire le petit séminaire de Mirabello, et fut ensuite ins­tamment prié d'éditer un manuel pour adultes analogue au Garçon instruit (ce qui fut fait par les soins de Don Bonetti en 1868, sous le titre . Le Catholique instruit). De nombreuses épreuves avaient laissé la comtesse sujette au découragement ; et Don Bosco ne ces­sait de la rappeler au courage et à l'espérance. Mais elle était aussi une femme de grand esprit et de foi vive, et Don Bosco lui deman­dait fréquemment conseil. A partir de 1867, il l'appellera « Ma­man » (bien qu'elle fût de dix ans plus jeune que lui), titre « réser­vé » à deux ou trois autres Coopératrices (rappelons l'expression de saint Paul en Romains 16,13 :« Saluez Rufus et sa mère qui est aussi la mienne »). Des trois fils de la comtesse, Giulio Cesare, Emanuele et Ranieri, le premier mourra à vingt ans d'une pneu­monie (5 mars 1870), et le deuxième à vingt-trois ans d'une chute de cheval (11 juin 1876) ; mais un fils du troisième, Federico, fil­leul de confirmation de Don Rua, deviendra prêtre, puis cardinal, et sera le premier à prendre à Rome le titre cardinalice de la nou­velle basilique Saint-Jean-Bosco dans le quartier du Tuscolano (25 avril 1965). Nous citons quelques-unes des lettres les plus si­gnificatives au plan spirituel (Epist. I, 355-356).



Très méritante Madame la Comtesse,

...Je n'ai pas oublié l'affaire du livre (de piété) ; je l'ai toujours dans mes projets ; si j'ai dû remettre son impres­sion, c'est uniquement parce qu'elle était impossible en ce /308/ moment. Ecoutez encore ! A la même période cinq prêtres des plus importants chez nous sont tombés malades. Don Ruffino, il y a eu huit jours hier, s'envolait glorieux au pa­radis. Le vaillant Don Alasonatti semble prêt à le suivre. Les trois autres laissent un lointain espoir de guérison. En ces moments vous imaginez combien de dépenses, combien de dérangements, combien de tâches sont tombés sur les épau­les de Don Bosco.

Ne pensez pas pour autant que je sois abattu ; fatigué, et rien d'autre. Le Seigneur a donné, a changé, a repris au mo­ment où il lui plaisait : que soit toujours béni son saint nom ! Je suis d'ailleurs consolé par l'espoir qu'après la tem­pête viendra le beau temps.

Quand vous serez définitivement établie à Vignale, j'es­père pouvoir vous faire une visite et m'arrêter quelques jours.

O Madame la Comtesse, je me trouve en un moment où j'ai grand besoin de lumières et de forces : aidez-moi de vos prières ; recommandez-moi aussi aux saintes âmes de votre connaissance.

De mon côté je ne manquerai pas d'invoquer les béné­dictions du ciel sur vous, sur Monsieur votre mari et sur tou­te votre honorable famille, tandis que j'ai l'honneur de pou­voir me professer, avec la plus profonde gratitude,

Votre très obligé serviteur Bosco Gio, prêtre

Turin, 24 juillet 1865.



91. « Pas de jour sans un peu de lecture spirituelle ! »



Lettre au fils aîné de la comtesse Callori, qui s'était offert pour traduire quelque livre français pour les Lectures catholiques. Par­mi les conseils habilement donnés, on perçoit à nouveau /309/ l'impor­tance que donnait Don Bosco à la lecture spirituelle quotidienne, même pour les laïcs (Epist. 1, 498-499).



Très cher monsieur César,

Cette fois ce n'est plus César, mais c'est Don Bosco qui avoue sa faute. Tourne de ci, tourne de là, et le résultat, c'est que je n'ai pas accompli mon devoir d'envoyer le livre que notre César s'était offert de traduire pour nos Lectures Catholiques.

Maintenant, arrangeons les choses en famille. Un fasci­cule pour vous, l'autre pour mademoiselle Gloria. Et com­me de mon côté j'ai pris du retard pour l'expédition, de vo­tre côté vous organiserez ou mieux vous compenserez le temps perdu par une diligence et une sollicitude spéciale dans l'exécution du travail. Ce Don Bosco : quelle désinvol­ture à commander ! Il a de la chance d'avoir à faire avec des gens dociles et obéissants ! Autrement vous me laisseriez seul pour chanter et porter la croix.

Mais tandis que je m'avoue coupable, je voudrais vous commander, disons mieux, je voudrais vous recommander deux choses dont nous avons déjà discuté quelquefois. Dans l'organisation de votre temps, prévoyez de vous confesser chaque quinzaine ou une fois par mois ; ne passez pas un seul jour sans faire un peu de lecture spirituelle... Mais si­lence : ne faisons pas de sermon ! Bien, finissons là.

Transmettez tant de salutations à papa et maman et à tous les membres de votre respectable famille. Donnez-moi quelque bon conseil, acceptez que je vous souhaite toutes les bénédictions du ciel, et croyez-moi avec la plus profonde gratitude

Votre très obligé serviteur Gio. Bosco, prêtre

Turin, 6 septembre 1867.

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92. « Comtesse, la Madone veut que vous l'aidiez »



La comtesse Callori, dans une lettre, s'était avouée sans plus de force et en proie aux idées noires. Don Bosco l'encourage et lui annonce qu'elle aura à fournir son aide pour la construction de la future église Saint-Jean-l'Evangéliste à Turin (qui sera consacrée en 1882). La comtesse vit là une prédiction de longévité et retrouva sa tranquillité. Elle mourra en effet à l'âge de quatre-vingt cinq ans, quarante et un ans après cette prédiction (1911) (Epist. 11,108).



Très méritante Madame la Comtesse,

Demeurez tranquille. Don Cagliero n'a aucune occupa­tion funèbre pour le but que vous m'indiquez 8.

Il y a bien des années en arrière, vous m'écriviez et vous me disiez à peu près les mêmes choses. Et moi je vous répon­dais que la Madone voulait être aidée par vous pour condui­re à bonne fin une église en l'honneur de Marie Auxiliatrice. L'église est là, vous avez pris part aux célébrations qu'on y fait. Maintenant je vous dis : Dieu veut que vous aidiez à construire l'église, les écoles et l'internat de Porta Nuova ou mieux de l'Avenue Royale. L'église se fera, vous la verrez construire, consacrer, et vous vous promènerez autour quand elle sera finie. Vous comprenez ?

Donc ne pensez à rien d'autre qu'à vivre allègrement dans le Seigneur.

J'aurais encore beaucoup de choses à raconter ; nous en parlerons à Vignale...

Que Dieu, si riche en bonté et en miséricorde, accorde à vous-même, à toute votre famille, une santé solide et le don de la persévérance dans le bien. Amen. /311/

Priez pour ma pauvre âme et croyez-moi dans le Sei­gneur

Votre très obligé serviteur Gio. Bosco, prêtre

Turin, 3 août 1870



93. Don Bosco paresseux ? Souhaits de bonne santé.



Recru de fatigue après un voyage à Rome et à Florence pour l'affaire du temporel des évêques, Don Bosco prend un peu de repos à sa maison natale des Becchi, où il a fait venir aussi en vacances un groupe de ses garçons de Turin. Et il écrit à la com­tesse Callori malade pour lui offrir une provision de courage et de joie (Epist. II, 183).



Excellence ? Très illustre ? Très méritante ? Maman très chère ?

Vous me direz lequel de ces titres vous choisissez.

Je savais que vous aviez été malade, mais j'ignorais que les choses fussent allées aussi loin en gravité. Dieu soit béni, qui semble vous avoir redonné sinon la première, du moins une meilleure santé. Je désire, bien qu'un peu tard, aller vous faire une visite la semaine prochaine. Dans ce but je vous prie de me faire écrire un mot. La Maison Fassati est­elle à Montemagno ou non ? Dans le premier cas je passe­rais par Asti, dans le second par Casale ou par Felizzano.

J'ai été assailli d'une telle paresse que je suis resté inapte à tout travail. En ce moment je me suis retiré à Castelnuovo d'Asti dans la maison paternelle, au milieu des bois avec quelques dizaines de moineaux. Ici ma pauvre tête s'est un peu reposée : si elle n'a pas retrouvé sa veine poétique, elle a pu au moins mettre bout à bout les quelques pensées en pro­se que je vous expose dans cette lettre. /312/

Que Dieu vous bénisse, Madame la Comtesse, et qu'il vous accorde une santé qui puisse vous rendre heureuse dans le temps et dans l'éternité.

Mes humbles hommages à Monsieur le Comte votre ma­ri et à toute la famille, et croyez-moi, avec la plus profonde gratitude, de votre Seigneurie très illustre, très excellente, très chère, très méritante, etc...

Le très obligé et très affectionné serviteur et fils (gaspilleur) Gio. Bosco, prêtre Castelnuovo d'Asti,

3 octobre 1871.



94. Poésie autour d'un gilet rouge et d'un consommé



La fatigue dont fait état la lettre précédente était grave : le 6 décembre 1871, Don Bosco fut frappé d'une sorte d'apoplexie à Varazze près de Gênes ; et un mois entier il resta proche de la mort. Un mieux se fit sentir à partir du 14 janvier 1872. La com­tesse Callori, à peine en fut-elle informée, lui fit parvenir un gilet de laine rouge et de l'extrait de viande. Don Bosco répondit par une poésie, qu'il inséra dans une lettre de Don Francesia du 15 janvier (voir MB X, 289-292). Nous nous risquons à la traduire (Epist. II, 191).



A ma bonne maman qui m'a envoyé un gilet rouge et un précieux consommé.

Tellement bonne

est ma maman

que pour faire du bien

elle donnerait tout.

De faibles accents

seulement je puis dire,

car je me sens

tout remué.

Elle m'a envoyé

un beau gilet

que je puisse enfiler

assis dans mon lit.

De couleur rouge

me l'a envoyé,

signifiant par là

que je suis martyr. /313/

Elle ajouta une assiettée

de consommé

succulent et valable

pour cent trois personnes.

Mère très sainte,

pour elle priez,

un flot de grâces sur elle

du ciel versez.

Donnez-lui un siècle

de bonne santé,

et qu'elle ait des anges

la sainteté.

Et quand finira l'exil

d'ici-bas,

près de vous appelez

la mère et le fils.

Toute ma famille

soit là avec elle,

et soient avec moi

tous mes enfants.

Là nous chanterons,

ô douce harmonie,

pendant tous les siècles :

« Vive Marie ! »



95. « Manger, dormir, se promener... avec ça nous irons de l'avant ! »



Bien des fois Don Bosco s'adressa à ses bienfaiteurs pour de­mander la forte somme de 2 500 francs, somme à verser pour exempter un clerc du service militaire (possibilité qui fut suppri­mée en 1876). Il remercie ici la comtesse Callori qui a payé pour la dispense du clerc Luigi Rocca. La deuxième partie de la lettre fait allusion à la maladie des yeux qui affligera Don Bosco les quinze dernières années de sa vie, sans toutefois l'empêcher de poursuivre son intense activité (Epist. 11, 318).



Ma bonne maman,

J'ai reçu votre lettre avec ce qu'elle renfermait, l'offran­de de madame la comtesse Marie-Louise. Je lui ai écrit. A vous, mes plus vifs remerciements. De clerc à exempter, il y en a un ; je ne sais s'il pourra vous porter tous en paradis, comme il m'écrit ; mais étant fort, sain, robuste, comme Louis Rocca, il conduira le char du salut un bon bout de chemin. Certainement tant qu'il vivra, il priera pour ceux qui lui ont permis d'échanger le fusil contre le bréviaire. /314/

Mes oculistes consultés ont porté la sentence suivante : l'oeil droit, peu d'espoir ; l'oeil gauche peut se maintenir au statu quo à condition que je m'abstienne de lire et d'écrire. Donc bien manger, bien boire, dormir, se promener, etc. Avec ça, nous irons de l'avant.

Que Dieu vous accorde tous les biens à vous et à toute votre famille. Et priez pour ce pauvre, mais toujours vôtre en J.C.

Très obligé serviteur Gio. Bosco, prêtre

Borgo, aujourd'hui 14 novembre 1873.



96. Ce mauvais fils qui se la coule douce à Rome



Aux premiers mois de 1874, Don Bosco est à Rome pour les dernières démarches relatives à l'approbation des constitutions sa­lésiennes. Mais les journaux libéraux parlent surtout de son action de médiateur entre le Saint Siège et le gouvernement italien. Il en écrit à la comtesse Callori sur le ton bonhomme qui lui est habi­tuel. Les remontrances dont il est question vers la fin font allusion au fait que la comtesse lui demandait de n'écrire que brièvement à cause de la fatigue de ses yeux (Epist. II, 362-363).



Ma bonne Maman,

Si vous ne disputez pas ce mauvais fils, c'est uniquement dû à votre extraordinaire bonté. Autrement, je mérite une semonce.

Etre loin de la maison, abandonner ses affaires, sa fa­mille, sa Maman (je n'en ai qu'une aussi bonne), et se la couler douce et joyeuse ici à Rome d'après ce que vous aurez lu dans les journaux ! Vous avez raison. Mais rentré à Tu­rin, je vous exposerai quelque raison qui puisse excuser un peu mon étourderie, et j'espère pouvoir le faire aux environs du 25 courant. /315/

Toutefois, je ne vous ai jamais oubliée, ni vous ni votre famille. Et dernièrement, j'ai demandé une bénédiction spé­ciale pour votre santé, pour celle de monsieur le Comte, et de façon spéciale pour les trois S de monsieur Emmanuel, c'est-à-dire qu'il soit Sain, Savant, Saint.

Je m'arrête d'écrire pour ne pas me faire gronder. Je vous dis seulement que je prie toujours Dieu de vous rendre vraiment heureuse en ce monde et en l'autre.

Cette semaine est de grande importance.

Priez beaucoup pour moi, et croyez-moi en J.C.

Votre très affectionné méchant fils G. Bosco, prêtre

Rome, 8 mars 1874, via Sistina 104.



97. « Avec plaisir j'apprends que vous êtes encore en exil »



L'une des dernières lettres de Don Bosco à la comtesse Callori (Epist. IV, 147).



Ma bonne Maman,

Depuis plusieurs jours je voulais vous écrire dans l'uni­que but d'avoir de vos nouvelles. C'est-à-dire savoir si vous êtes encore sur cette misérable terre, ou si vous vous êtes déjà envolée au paradis sans même prendre quelque com­mission de ma part. Maintenant avec grand plaisir j'apprends que vous êtes encore avec nous en exil. Tant mieux. Nous tâcherons de nous aider par la prière, et cha­que jour je vous recommanderai à la sainte messe.

Restez au mont S. Vittorio, bien tranquille. Les événe­ments s'accompliront ailleurs, et vous ne serez pas ennuyée. Que Dieu vous bénisse, ô ma bonne Maman, que Dieu vous /316/ conserve en bonne santé. Et veuillez prier pour ce pauvre (poverello), qui sera toujours en J.C.

Votre très obligé Bosco, prêtre

Turin, 28 juin 1882.



98. A une religieuse. Quelques allumettes contre l'aridité



Soeur Marie-Marguerite, religieuse dominicaine du monastère Santi Domenico e Sisto à Rome, avait confié à'Don Bosco son in­quiétude devant le fait de sa « tiédeur » prolongée (Epist. I, 416).



Madame,

La tiédeur, quand elle n'est pas le fruit de la volonté, est totalement exempte de faute. Au contraire, je pense que cet­te tiédeur, plus justement appelée aridité d'esprit, est méri­toire devant le Seigneur.

Toutefois, si vous désirez quelques allumettes pour allu­mer des étincelles de feu, voici où je les trouve : des oraisons jaculatoires envers le très saint Sacrement, quelque visite à ce Sacrement, baiser votre médaille ou votre crucifix. Mais plus que toute autre chose, la pensée que les tribulations, les peines et les aridités du temps sont autant de roses parfu­mées pour l'éternité.

Je ne manquerai pas de vous recommander malgré ma faiblesse au Seigneur à la sainte messe. Et tandis que je me recommande moi-même et mes pauvres garçons à la charité

de vos saintes prières, j'ai l'honneur de pouvoir me profes­ser, avec une sincère gratitude,

Votre très obligé serviteur Bosco Gio., prêtre

Turin, 22 juillet 1866

/317/

99. A un père de famille : plus de patience et de sérénité



Le marquis Ignazio Pallavicini, de Gênes, plein de vénération pour Don Bosco, lui venait en aide de diverses façons, mais aussi s'ouvrait à lui pour être aidé spirituellement. Il avait, semble-t-il, un tempérament inquiet et se montrait dur en famille. Une premiè­re lettre de Don Bosco l'avait jeté dans le doute. En celle-ci, Don Bosco le rassure et lui propose des efforts pratiques (Epist. I, 496­497).

Excellence,

La grâce de N.S.J.C. soit toujours avec nous. Amen.

Me voici donc à parler avec Votre Excellence comme je le ferais avec mon frère. Ce que je vous ai écrit en août n'est ni pour faire peur ni pour exiger tout de suite ; mais c'est chose toute affable et préventive. Ceci dit, vous devez porter votre attention sur trois choses : vous-même, les vôtres, vos affaires.

Vous-même. Donnez un coup d'oeil aux résolutions pri­ses en confession et non tenues, aux conseils reçus pour évi­ter le mal et pratiquer le bien et puis oubliés. De même une grande insuffisance dans le regret des péchés. A cela vous pourrez remédier par la méditation et par l'examen de con­science le soir ou à un autre moment plus commode.

Pour le moment Dieu attend de vous une plus grande pa­tience dans vos occupations spécialement en famille, plus de confiance dans la bonté du Seigneur, plus de tranquillité d'esprit ; ne pas avoir peur que la mort vous surprenne en pleine nuit ou à un autre moment inattendu. Faites un effort pour pratiquer l'humilité et la confiance au Seigneur, et ne craignez rien. /318/

Pour l'avenir, fréquentez la confession et la communion de façon à devenir un modèle pour ceux qui vous connais­sent.

Les vôtres. Faire en sorte que ceux qui dépendent de vous accomplissent et aient le temps d'accomplir leurs de­voirs religieux, disposer les choses qui les concernent de sor­te qu'à votre mort et après votre mort ils aient des raisons de bénir leur patron.

En famille, charité et bienveillance envers tous ; mais ne jamais laisser passer les occasions de donner avis ou conseils qui puissent servir de règle de vie et de bon exemple.

Vos affaires. Ici il y aurait beaucoup à écrire. Lundi je dois aller à Alexandrie et de là je ferai une trotte jusqu'à Montebaruzzo, où j'espère écrire ou vous parler avec un peu de tranquillité.

La chose que Dieu désire de vous spécialement est de promouvoir le plus possible la vénération envers Jésus au Saint Sacrement et la dévotion envers la bienheureuse Vier­ge Marie.

Que Dieu nous aide à avancer sur le chemin du ciel. Qu'il en soit ainsi. Avec reconnaissance je me professe de votre Excellence

Le très obligé serviteur Gio. Bosco, prêtre

Turin, 9 septembre 1867.



100. Au comte et à la comtesse : pleine confiance en Marie



Le comte Annibale et la comtesse Anna Bentivoglio, domiciliés à Rome, s'étaient engagés à couvrir les dépenses d'une des chapel­les de l'église de Marie-Auxiliatrice, alors en construction à /319/ Val­docco. La comtesse était fort impressionnable de tempérament, et faible de santé. Don Bosco chercha bien souvent à la rassurer, en particulier en lui répétant à elle comme à d'autres que ceux qui l'aidaient dans la construction de l'église de Turin seraient épar­gnés du choléra qui alors sévissait en Italie. Ce qui se vérifia. Nous citons des extraits de trois lettres de 1866-1867, et la lettre envoyée au comte en mai 1868 après la mort de son épouse (Epist. I, 413, 430-431, 557-558).



Madame,

Mettons notre pleine confiance dans la bonté du Sei­gneur et dans la protection de Marie Auxiliatrice. Vous pou­vez donc vous promener, vous reposer, manger, boire, jouer de la musique et chanter comme si vous n'aviez aucun mal, bien entendu de la façon et dans la mesure compatibles avec votre état physique ordinaire...

Votre très obligé serviteur

Turin, 18 juillet 1866.Bosco Gio., prêtre



Excellence,

...Je comprends que votre situation est grave. Mais, per­mettez-moi de vous le dire, Dieu nous a créés pour lui, il nous veut avec lui ; si pour atteindre ce grand but nous de­vons faire de grands sacrifices, ce sont de grands trésors que nous nous préparons pour l'éternité.

Au reste, la Sainte Vierge invoquée comme Auxiliatrice des chrétiens accorde des grâces non ordinaires ; prions-la, espérons en elle : elle nous donnera un avenir meilleur.

Que Dieu vous bénisse, avec toute votre famille. Priez aussi pour moi qui de tout coeur et avec gratitude me pro­fesse.

Votre très obligé serviteur Bosco Giovanni, prêtre

Turin, 29 septembre 1866.

/320/

Madame,

...Ayez grande confiance dans la bonté et dans la puis­sance de la grande Mère de Dieu. A moins que ce ne soit chose contraire au bien de votre âme, la grâce de votre gué­rison sera obtenue.

...De diverses lettres que je reçois de Rome, il me semble que beaucoup sont inquiets pour les tristes événements qui se préparent en cette ville. Ne vous inquiétez pas, car pour l'instant il n'y a rien à craindre ni pour la tranquillité publi­que ni pour la personne du Saint Père. Vous-même ne crai­gnez rien du choléra. De tous ceux qui aident à la construc­tion de l'église de Marie-Auxiliatrice, personne ne sera victi­me de cette maladie mortelle.

J'espère d'ici peu pouvoir vous saluer personnellement.

Que Dieu bénisse toute votre famille. Priez pour moi qui, de tout coeur, me professe

Votre très obligé serviteur Bosco Gio., prêtre

Turin, 30 septembre 1866.



Très cher Monsieur le Comte,

Ces derniers jours je n'ai pas jugé opportun de vous écri­re pour éviter d'ajouter peut-être des épines à votre coeur en­dolori, mais j'ai toujours prié, et je continue de faire chaque jour un memento spécial pour vous à la sainte messe.

Nous n'oublions pas non plus votre épouse regrettée. A peine arrivée la nouvelle de sa mort, nous avons rassemblé nos jeunes gens : ils récitèrent le rosaire, firent plusieurs fois la sainte communion, et nous avons plusieurs fois célébré la sainte messe pour le repos complet de son âme.

La divine volonté s'est donc accomplie, et nous devons l'adorer. Mais au milieu des épines, vous avez trois choses /321/ qui doivent grandement vous récompenser et vous consoler. 1° La sainte vie et la précieuse mort de madame votre épou­se, qui certainement jouit déjà de la gloire du paradis. 2° Après encore quelques épreuves Dieu vous enverra de grandes consolations déjà en cette vie présente. 3° L'espé­rance fondée de nous retrouver un jour, le plus tard qu'il plaira à Dieu, avec votre épouse regrettée, non plus dans le royaume des larmes et des soupirs, mais dans le vrai bon­heur, où nous jouirons de biens infinis que la mort ne peut nous enlever.

Aux premiers jours de juin prochain aura lieu la consé­cration de la nouvelle église, Pouvons-nous espérer de vous avoir avec nous en cette belle occasion ? Ce serait pour moi une grande consolation.

Que Dieu vous bénisse. Qu'il donne à vous-même et à vos parents la santé et de longues années de vie heureuse. Et croyez-moi, très cher Monsieur, avec la plus profonde grati­tude,

Votre très obligé serviteur Gio. Bosco, prêtre

Turin, 3 mai 1868.



101. S'affliger seulement quand Dieu est offensé



Ce qu'était pour Don Bosco la comtesse Callori di Vignale dans le Monferrat, la comtesse Gerolama Uguccioni Gherardi le fut à Florence, avec son mari Tommaso, au point d'être appelée par les Salésiens « notre bonne maman de Florence ». Ils se ren­contrèrent brièvement durant le premier séjour du saint à Florence en décembre 1865 (une lettre nous apprend que d'emblée des liens profonds furent noués entre Don Bosco et les florentins). Mais la comtesse ne fut vraiment conquise à la cause salésienne que durant le second séjour, au mois de décembre suivant, lorsque Don Bosco guérit miraculeusement un de ses filleuls à l'agonie /322/ (voir MB VIII, 536). Dès lors, chaque fois que Don Bosco passa par Florence, il fut son hôte. Des centaines de lettres envoyées et reçues attestent la mutuelle estime et l'affection délicate du saint et de la bienfaitrice, laquelle lui envoyait les timbres pour affranchir les lettres à rece­voir. Nous citons, parmi celles de Don Bosco, les plus riches de substance spirituelle (Epist. II, 158).



Très chère Maman,

Chaque matin quand je célèbre la sainte messe, je fais toujours un memento spécial pour ma bonne maman, pour le cher papa et la famille. Mais un remords me troublait continuellement, parce que je ne vous écris pas plus fré­quemment. Pardonnez-moi : je vous promets la continua­tion de mes prières et la réparation de ma négligence. Non, je ne veux plus voler les timbres, je veux les utiliser selon le but prévu.

Vous vous affligez en craignant que peut-être les deux frères Montauto ne puissent pas continuer à rester unis en une seule famille. Vous avez tort. Affligez-vous uniquement dans le cas de l'offense du Seigneur, non autrement. Soyez une médiatrice de paix soit tant qu'ils forment une seule fa­mille soit au moment de la division et dans les deux familles si ces deux événements devaient se produire. Abraham et Lot étaient deux saints, et ils se sont séparés pour s'occuper chacun de sa propre famille, de ses pâturages et de son trou­peau.

Je me réjouis beaucoup de ce que notre cher monsieur Thomas soit en bonne santé. Ne pourriez-vous venir cette année nous faire une visite à la solennité de Marie Auxilia­trice ? Si cela se réalisait, je voudrais que notre sonneur fasse une carillonnée de l'autre monde. Voyez un peu s'il vous est possible de procurer cette consolation à votre fils. En ce moment c'est un galopin, mais si vous lui faites cette visite, il promet de devenir un très bon garçon... /323/

Priez aussi pour notre maison. Tout va bien pour la bon­ne conduite, la santé, etc. Mais en très peu de temps nous avons dû faire exempter dix clercs du service militaire et dé­bourser la somme énorme de trente deux mille francs. Voyez quelle calamité ! Pour le moment voilà qui est fait, et nous nous préparons pour d'autres désastres s'il plaît à Dieu de nous en envoyer.

Que Dieu vous bénisse, vous, monsieur Thomas et toute votre famille. Priez pour ma pauvre âme, et croyez-moi

Votre fils très obligé, garnement Gio. Bosco, prêtre

Turin, 30 avril 1871.



102. « J'espère que Dieu fera de vous une grande sainte »



Don Bosco fait part à la comtesse Uguccioni de ses préoccupa­tions et de ses projets. Il fait allusion à sa grave maladie de Varaz­ze (déc. 1871) . Parlant des jeunes de ses maisons, il arrondit les chiffres, pour faire davantage plaisir à qui reçoit ces nouvelles (Epist. II, 228-229).



Ma bonne Maman,

Si le corps pouvait voler avec la pensée, vous auriez de votre galopin au moins une visite par jour. Déjà chaque ma­tin à la sainte messe je ne manque jamais d'avoir un memen­to spécial pour vous, nommément, et pour toute votre fa­mille et vos familles. Et j'espère que Dieu dans sa grande miséricorde m'écoutera et vous accordera la santé et fera de vous une grande sainte.

Vous insistez pour avoir des nouvelles de moi-même et de nos affaires, je veux donc vous contenter. Ma santé est assez bonne. La maladie a pour ainsi dire disparu, mais elle /324/ m'a laissé un souvenir dans une fatigue qui m'oblige à limi­ter beaucoup mes occupations ordinaires. Toutefois je re­mercie Dieu de ce qu'il m'accorde.

Cette année nous ouvrons trois nouvelles maisons, d'où nouveaux travaux, nouveaux ennuis, nouvelles dépenses. En général nous avons toutes nos maisons pleines d'élèves : tous ensemble ils font un total de six mille six cents. Vous êtes la grand'mère de tous, n'est-ce pas ? Quelle abondante moisson !

Nous avons cette année 110 candidats qui entrent dans l'état ecclésiastique, desquels onze à faire exempter du servi­ce militaire, et ici encore nouveaux ennuis et nouvelles dé­penses. Malgré cela, nous avons de quoi remercier le Sei­gneur : du côté moral, il n'y a rien qui laisse à désirer.

...Que Dieu vous bénisse, ma bonne maman, et avec vous qu'il bénisse toute la famille ; qu'il vous accorde de voir vos fils, jusqu'à la quatrième génération, tous vertueux sur la terre, tous réunis autour de vous au paradis. Amen.

Si vous avez l'occasion de voir madame Nerli ou mada­me Gondi, saluez-les de ma part. Elles, elles m'ont fait une chère visite, tandis que ma maman...

Cherchez-moi de bons élèves pour Valsalice. Priez pour moi qui suis

Votre très obligé et très affectionné garnement Gio. Bosco, prêtre

Turin, 9 octobre 1872.



103. Condoléances d'un saint à une veuve



Lettre de participation au deuil de la comtesse Uguccioni, admirable autant par la délicate affection que par le rappel des réalités de la foi. « Moma » était la forme familière du nom de la comtesse Girolama (Jérôme au féminin) (Epist. II, 496).

/325/

Madame Moma très aimée en J.C.

Voilà plusieurs jours que je veux vous écrire, mais mon pauvre coeur est si troublé que je ne sais par où commencer ni par où finir. Monsieur Thomas, celui que j'aimais comme un père, vénérais comme un bienfaiteur, entourais de con­fiance comme un ami, voilà qu'il n'est plus : c'est là le mar­teau qui n'a cessé de me frapper ces jours passés. Nous avions célébré des messes, fait des prières, des communions, des chapelets pour que Dieu nous le garde en vie. Dieu a ju­gé bon de le prendre avec lui, et nous, amèrement résignés, nous avons redoublé nos pauvres prières, et nous conti­nuons.

Dans le tourbillon de ces douloureuses pensées, l'une d'entre elles venait m'apporter un peu de réconfort : ce Thomas que tu as tant aimé, il n'est pas mort ; il est vivant, il vit dans le sein de son Créateur, et en ce moment il jouit déjà du prix de sa charité, de sa piété, de sa foi. Toi-même tu le reverras peut-être d'ici peu, mais tu le reverras dans une condition bien meilleure, autre que celle qu'il avait sur la terre ; tu le reverras pour ne plus jamais te séparer de lui. Mais bien que tu aies des raisons d'espérer qu'il jouit de la gloire des justes dans le ciel, tu ne dois cependant pas ou­blier le devoir de l'amitié tant que toi-même es encore sur la terre. Souviens-toi de lui, conserve son nom, prie chaque jour jusqu'à ce que nous nous rejoignions au royaume de la gloire.

De la pensée du regretté défunt, je passais à vous, Mo­ma. Comme vous avez dû souffrir, et comme vous souffri­rez encore en ce moment ! Je sais que vous êtes résignée, je sais que vous adorez la main du Seigneur, mais le calice sera toujours amer. Pour ce motif j'ai fait et je continuerai de faire des prières spéciales aussi pour vous, afin que Dieu vous console, et vous fasse trouver réconfort dans la pensée /326/ que vous avez au ciel un mari, et que vous devrez le revoir pour jouir saintement de sa compagnie pour l'éternité.

Quand vous pourrez et jugerez opportun de me donner des précisions sur ses dernières heures, vous me ferez un vrai don, le plus cher que je puisse désirer.

Excusez cette lettre qui est plutôt un mélange de pensées qu'un écrit ordonné. Que Dieu vous bénisse et qu'il vous comble de célestes consolations, et avec vous qu'il bénisse toute votre petite et grande famille. Mais je vous prie de me considérer toujours en Jésus-Christ tel que je veux être cons­tamment : avec une extrême gratitude, de votre personne très aimée

Le fils très affectionné Gio. Bosco, prêtre

Turin, 10 août 1875.



104. « J'irai dans la maison où demeurent tant de doux souvenirs »



Autre lettre à la comtesse Uguccioni. Elle fait comprendre quel esprit Don Bosco savait insuffler aux membres de sa Famille salé­sienne. L'avant dernier paragraphe fait allusion à l'inscription parmi les Coopérateurs, officiellement réorganisés peu de mois auparavant (Epist. III, 122).



Ma bonne Maman,

Par la pensée je vous rends visite plusieurs fois par jour, et chaque matin je me souviens de vous à la sainte messe. Mes occupations se sont accrues au point que j'ai été con­traint de négliger mes plus chères et mes plus nécessaires correspondances. Mais en Maman compatissante, vous par­donnerez à ce mauvais fils, qui promet de se corriger, n'est-­ce pas ? Qui en doute ? /327/

Je ne suis plus passé à Florence, mais si j'y passe, ne se­rait-ce que pour quelques heures d'arrêt, j'irai les passer dans la maison où demeurent tant de doux souvenirs et où vit encore cette personne qui nous a toujours fait tout le bien qui lui était possible et dont la Congrégation salésienne conservera un souvenir ineffaçable devant Dieu et devant les hommes.

Pour vous toucher un mot de nos affaires, je vous dirai seulement qu'en cette seule année nous avons ouvert vingt et une nouvelles maisons. S'y ajoutent les missions de l'Améri­que, des Indes et de l'Australie 9, et puis vous verrez qu'il y a de quoi se divertir. Mais Dieu nous bénit au-delà de no­tre mérite.

Ma santé, grâce à Dieu, est très bonne. Don Berto, Don Rua et d'autres qui vous connaissent, vous envoient leurs hommages et vous assurent de leur prière.

Je vous envoie quelques exemplaires (du règlement) des Collaborateurs salésiens à distribuer à madame Gondi, mar­quise Nerli, comtesse Digny et à d'autres personnes qui savent aimer nos choses salésiennes. Les diplômes, vous les recevrez avec les Lectures Catholiques, et vous me renverrez seulement la fiche rouge signée.

Que Dieu vous bénisse, vous et toute votre grande et pe­tite famille. Et croyez-moi toujours en J.C.

Votre humble serviteur G. Bosco, prêtre

Turin, 2 décembre 1876.

/328/

105. « Les choux repiqués poussent mieux et se multiplient »



A une supérieure de la Visitation qui, au milieu de bien des dif­ficultés, venait de fonder une maison à Villalvernia (Alessandria) (Epist. II, 55).

Révérende Mère,

Ne prêtez attention à personne et soyez sûre de la volon­té du Seigneur au sujet de ce qui a été fait pour la maison de Villalvernia. Que ce que disent les autres soit accepté avec respect et serve de norme pour l'avenir. Après la tempête la réapparition du soleil sera plus consolante: Les choux repi­qués poussent mieux et se multiplient. Courage donc et foi en la divine Providence ! Que Dieu bénisse votre personne, vos fatigues et toutes vos filles. Priez pour moi et pour mes pauvres garçons et croyez-moi, révérende Mère,

Votre très obligé serviteur Gio. Bosco, prêtre

Turin, 27 octobre 1869.



106. Trois billets à la comtesse de Camburzano.



Les époux comte Vittorio et comtesse Alessandra di Cambur­zano, chrétiens convaincus de Turin, étaient parmi les bienfaiteurs les plus actifs de Don Bosco. Ils demandaient aussi prières et con­seils. En décembre 1887, la comtesse offrira sa propre vie pour la guérison de Don Bosco (Epist. I, 201 ; II, 83 ; IV, 369).

Madame,

J'ai reçu votre vénérée lettre pleine de sentiments /329/ chré­tiens qui m'aident à accroître la foi et le courage dans ma pauvre âme et dans celle de mes garçons.

J'ai prié et fait prier à l'intention de monsieur le marquis Massoni. Sa décision est bonne en soi, mais elle est accom­pagnée de circonstances très épineuses. Qu'il procède ainsi : en examinant les choses, reconnaît-il que sa décision est pour le bien de son âme et pour la gloire de Dieu ? S'il lui semble pouvoir répondre oui, qu'il fasse le partage ; sinon, qu'il en suspende l'exécution.

Nous avons célébré notre fête de Noël avec grande con­solation...

Que Jésus riche de grâces comble de ses dons votre per­sonne, monsieur le comte Vittorio, toute votre famille et vos amis, tandis qu'avec pleine estime je me professe,

Votre très obligé serviteur Bosco Gio., prêtre

Turin, 26 décembre 1860.



Madame la Comtesse,

... Il semble que la Sainte Vierge ne soit pas très attentive aux prières que depuis si longtemps nous lui adressons pour votre guérison, et je ne saurais comment m'en sortir hono­rablement sinon en réfléchissant que cette céleste Mère, très satisfaite de votre patience, change la terre en or en accor­dant des grâces spirituelles à la place des grâces temporelles que nous sollicitons. Mais à force de frapper à la porte, il faudra bien qu'elle nous exauce.

Je ne manquerai pas de recommander au Seigneur les autres choses que vous me signalez. Remettons-nous entiè­rement entre ses mains.

Le testament est-il déjà fait ? /330/

Que Dieu nous bénisse tous et nous garde sur le chemin du paradis ! Croyez-moi, avec gratitude,

Votre très obligé serviteur Gio. Bosco, prêtre

Turin, 6 avril 1870.



Madame la Comtesse,

Je regrette beaucoup que vous soyez souffrante. Je prie­rai et ferai aussi prier pour votre santé. Je comprends très bien : vous avez des croix. Mais nous en avons tous quelqu'une, à l'exception de Don Bosco qui n'en a pas du tout.

Les choses de ce monde 10, semble-t-il, sont proches de la crise. Mais Dieu est Père infiniment bon, et infiniment puissant. Laissons-le donc faire.

Je vous remercie de l'étrenne que vous m'avez envoyée pour nos orphelins. Demain ils feront la sainte communion pour vous, et moi avec l'aide de Dieu11 je célébrerai la sainte messe. Que Marie soit notre guide vers le ciel.

Votre très obligé serviteur G. Bosco, prêtre

9 Janvier 1887, Turin.



107. A une veuve de 24 ans : « La mort n'est pas séparation, mais sursis du revoir »



La marquise Maria Gondi, Coopératrice de Florence, mère de deux jeunes enfants, perdit son mari à peine âgé de vingt-cinq ans. /331/

En plusieurs lettres, Don Bosco s'employa à la consoler. Nous citons la première. Si on la compare à la lettre envoyée à la vieille comtesse Uguccioni dans une même circonstance, cinq ans plus tard (voir p. 326), la différence dans la façon de traiter et de s'exprimer saute aux yeux (Epist, II, 93-94).



Madame,

J'ai reçu votre honorée lettre, et elle m'a fait vraiment plaisir. Je vois que votre coeur est encore à vif après la perte de votre regretté mari, mais il s'est un peu calmé pour laisser place à la résignation à la volonté divine à laquelle, qu'on le veuille ou non, il faut se soumettre.

Ne craignez pas que l'affection de votre mari pour vous diminue dans l'autre vie, au contraire il sera de beaucoup plus parfait. Ayez foi : vous le reverrez en condition bien meilleure que celle d'auparavant quand il était parmi nous. La chose la plus appréciée que vous puissiez faire pour lui, c'est d'offrir à Dieu tout votre chagrin pour le repos de son âme.

Maintenant laissez-moi un peu de liberté de parler. Il est de foi qu'au ciel on jouit d'une vie infiniment meilleure que la vie terrestre. Pourquoi vous affliger si votre mari est allé en prendre possession ?

Il est de foi que la mort pour les chrétiens n'est pas sépa­ration, mais sursis du revoir. Donc patience quand quel­qu'un nous précède : il ne fait rien d'autre que d'aller nous préparer la place.

Il est encore de foi que, à tout moment, par des oeuvres de piété et de charité, vous pouvez faire du bien à l'âme du défunt : donc ne devez-vous pas vous réjouir en votre coeur si Dieu vous a accordé de vivre encore ? Le soin des enfants, /332/ le réconfort donné au bon père 12, la pratique religieuse, la diffusion des bons livres, donner de bons conseils à qui en a besoin : toutes ces choses ne doivent-elles pas à tout mo­ment nous faire bénir le Seigneur pour les années de vie qu'il nous accorde ?

Il y a encore d'autres motifs que, pour le moment, je ne juge pas encore opportun de vous manifester.

En somme, adorons Dieu en toute chose, dans les conso­lations et dans les afflictions, et soyons sûrs qu'il est un bon père et qu'il ne permet pas des afflictions au-delà de nos for­ces. Il est aussi tout-puissant, et donc il peut nous soulager quand il le veut.

Aussi bien, j'ai toujours recommandé votre personne et votre famille au Seigneur à la sainte messe, et je continuerai soit en particulier soit dans les prières communes qui se font à l'autel de Marie...

Que Dieu vous bénisse et bénisse vos fatigues. Priez pour moi qui, avec gratitude, me professe

Votre très obligé serviteur G. Bosco, prêtre

Turin, 28 mai 1870



108. « Il fait beaucoup celui qui, capable de peu, fait la sainte volonté de Dieu »



Luigi Consanego Merli, président des conférences de Saint­Vincent-de-Paul, de Gênes, était de santé délicate et il se lamentait de ne pouvoir donner aux pauvres et aux malades son temps et ses /333/ forces. Il s'en ouvrit à Don Bosco. Venant de l'apôtre infatigable que nous connaissons, la réponse a son intérêt (Epist. II, 104)



Très cher dans le Seigneur, Dieu soit béni en toute chose !

Ne vous inquiétez pas du fait que vous ne pouvez faire beaucoup. Devant Dieu il fait beaucoup celui qui, capable de peu, fait sa sainte volonté : prenez donc de la main du Seigneur les incommodités auxquelles vous êtes sujet, faites le peu que vous pouvez, et soyez parfaitement tranquille.

En ces temps se fait grandement sentir le besoin de pro­pager la bonne presse. C'est un vaste champ. Si chacun fait ce qu'il peut, on obtiendra beaucoup.

Je ne manquerai pas de prier pour vous et pour tous vos compagnons (des conférences).

Remerciez-les beaucoup de ma part dans le Seigneur. Priez vous aussi pour moi qui, avec une égale affection, me professe,

Votre ami très affectionné Gio. Bosco, prêtre

Turin, 13 juillet 1870.



109. Saint Jean l'Evangéliste, collègue du professeur



Tommaso Vallauri, savant latiniste, était professeur à l'univer­sité de Turin et l'un des rédacteurs au journal l'Unità Cattolica. Don Bosco lui demanda un article pour intéresser le public à la construction de l'église Saint-Jean-l'Evangéliste, dans un quartier de Turin très travaillé par des protestants agressifs. II fait allusion au martyre de l'évangéliste et à son actuelle « condition aisée » dans le ciel (Epist. II, 135-136).

/334/

Illustre signor Cavaliere,

Chaque fois que j'ai quelque grosse entreprise à lancer, j'ai l'habitude de me recommander à votre charité bien con­nue. Or je me trouve en ce moment dans ce cas. Comme vous le verrez par le feuillet ci-joint, l'oeuvre est gigantes­que, mais elle est absolument nécessaire, et c'est pourquoi j'ai décidé d'y mettre la main. Mais j'ai besoin que vous m'aidiez par une annonce sur l'Unità Cattolica, mais une annonce de celles qui sortent de votre plume et vont battre au fond du coeur de ceux qui les lisent.

Cette entreprise doit vous intéresser de façon spéciale, car il s'agit d'un de vos collègues, je veux dire d'un écrivain courageux qui n'a pas tu la vérité malgré l'exil et l'huile bouillante en laquelle il fut jeté. Comme par ailleurs cet écri­vain se trouve actuellement en condition très favorable, vous pouvez être certain de ne pas travailler sans récom­pense.

Sans compter encore ce fait que cette oeuvre est la der­nière qu'a recommandée Mgr Riccardi de sainte mémoire.

Mettant donc toute chose sous votre haute et efficace protection, je suis très heureux de pouvoir vous souhaiter d'abondantes bénédictions célestes à vous-même et à votre honorable épouse. Avec une profonde gratitude je me dis

Votre très obligé serviteur Gio. Bosco, prêtre

Turin, 10 décembre 1870.



110. Une autre « bonne maman » : la comtesse Gabriella Corsi



Après les comtesses Callori e Uguccioni, voici une autre com­tesse qui ne tarda pas à mériter elle aussi le titre de « bonne /335/ ma­man » par la générosité affectueuse et illimitée qu'elle manifesta envers Don Bosco : Gabriella Corsi di Bornasco. Elle le reçut pour la première fois en août 1871 dans sa villa de Nizza Monferrato, le Casino, et le saint consentit à y rester une semaine entière pour s'y reposer (a faire carnaval », disait-il allègrement), pour y travailler sans être dérangé, et aussi pour y rencontrer librement des ecclé­siastiques pressentis pour l'épiscopat. Durant la maladie de Don Bosco à Varazze quatre mois plus tard, la comtesse voulut avoir des nouvelles quotidiennes par lettres ou par télégrammes. Sa fille Marie, mariée en 1872 avec le comte Cesare Balbo, fut elle aussi une grande Coopératrice. La lettre suivante est écrite de la maison de retraite tle S. Ignazio sur Lanzo (Epist. dI, 172-173).



Madame la Comtesse,

C'est la gratitude, madame la Comtesse, qui me fait me souvenir de vous en ce sanctuaire : trop nombreux et trop grands sont vos bienfaits pour que je puisse jamais les oublier. En nous fournissant de quoi faire exempter un bon nombre de clercs du service militaire, vous nous avez donné une aide beaucoup plus grande que vous ne pensiez proba­blement. Notre Congrégation naissante, pour ouvrir des maisons, faire des écoles, des catéchismes, des prédications, a besoin de sujets capables, et une partie de ces sujets sont ceux exemptés du service militaire. Vous nous avez donc puissamment aidés à fonder notre Congrégation, et comme en elle des prières particulières sont faites chaque jour pour l'ensemble des bienfaiteurs, vous en aurez une part princi­pale tant que vivra cette Congrégation salésienne. Je me sens le devoir de vous dire cela parce que, outre ce que vous avez déjà fait, vous vous êtes offerte pour continuer de nous aider dans l'avenir.

Pour vous donner un signe extérieur et qui vous agrée, j'ai prévu que mardi prochain, jour de l'assomption de /336/ Ma­rie au ciel, une messe sera célébrée pour vous à l'autel de Marie Auxiliatrice, tandis que nos jeunes gens feront leur communion et d'autres prières particulières selon votre in­tention.

Et pour mademoiselle Marie, au jour de sa fête ? Deux choses : l'une temporelle, l'autre spirituelle. Spirituelle : je célébrerai la messe pour elle en ce sanctuaire et je demande­rai au Seigneur trois gros S, c'est-à-dire qu'elle soit saine, savante et sainte. Temporelle : la maman prévoira de la maintenir joyeuse à table, à la promenade, dans le parc, etc.

Et à Nizza, quand irons-nous ? Si rien ne vient gâter nos projets et s'il plaît à Dieu, le 20 de ce mois, je prendrai le train qui part de Turin à 7 h 40 pour Alessandria et j'irai faire carnaval à Nizza. Mais entendons-nous bien. Je suis un pauvre mendiant, et je veux être traité comme tel pour la chambre, pour la table, et pour tout ; et ce pain, cette soupe que vous me donnerez, que ce soit tout pour l'amour du Sei­gneur. Je pense rester jusqu'à vendredi soir.

Ce sera la campagne la plus longue que j'aie faite de temps immémorable. Le chanoine Nasi est ici, sa santé est bonne, mais je crains quand même que les anges ne l'empor­tent au ciel. Tant est grande la ferveur qu'il manifeste. Tout le contraire de moi, qui trotte comme les taupes. Toujours à ras de terre. Veuillez me recommander un peu au Seigneur.

Que Dieu bénisse votre personne, Marie, votre belle-mère, et toute la famille, et qu'il vous garde tous sur le che­min du paradis. Amen.

Avec profonde estime je me professe

Votre très obligé serviteur G. Bosco, prêtre

S. Ignazio, 12 août 1871.

/337/

111. « Le don précieux de la santé et l'autre grâce encore plus précieuse... »



En juin 1872, la fille de la comtesse Gabriella, Maria, épousait le comte Cesare Balbo, petit-neveu du comte Prospero (+ 1837) et neveu de l'autre Cesare, auteur du célèbre ouvrage Le speranze d'Italia et lui aussi ami de notre saint (+ 1853). Maria et Cesare furent amenés à aider Don Bosco : Cesare dans un projet de fon­dation d'un journal populaire catholique, Maria dans la traduc­tion d'opuscules français pour quelque numéro des Lectures Ca­tholiques: On touche ici du doigt l'une des préoccupations fonda­mentales de Don Bosco : travailler et faire travailler, y compris les couples chrétiens, pour la plus grande gloire de Dieu (Epist. 17, 22).



Très cher monsieur le Comte Cesare,

En son temps j'ai reçu votre vénérée lettre et je vous re­mercie de tout coeur. Vraiment, comme vous me le dites, partir de Turin sans venir faire une visite et sans prendre congé de cette céleste Mère, Marie Auxiliatrice, est un man­que d'égard plutôt grave. Mais cette Mère est bonne et elle sait donner leur poids aux raisons pour lesquelles ses fils quelquefois ne vont pas la saluer, spécialement quand il s'agit de ceux auxquels elle porte une grande affection.

J'ai d'ailleurs prévu de suppléer en recommandant votre personne, monsieur le Comte et madame la comtesse Marie, afin qu'à tous les deux elle obtienne de son Fils Jésus la grâ­ce d'un bon voyage, une bonne campagne et en son temps un bon retour. Mais j'ai ensuite demandé spécialement pour vous le don précieux de la santé et l'autre grâce encore plus précieuse de pouvoir utiliser cette santé entièrement et tou­jours en des choses qui servent à la plus grande gloire de Dieu, et j'espère que la sainte Madone nous aura écoutés. D'autant plus que nous aurons à soutenir une fatigue non /338/ légère pour le journal dont nous avons parlé et pour lequel il nous faudra prendre des décisions quand, s'il plaît à Dieu, je viendrai au Casino.

J'espère que la comtesse Marie jouit d'une bonne santé et je prie Dieu de la lui conserver excellente une longue série d'années. Veuillez lui présenter mes respectueux hommages, la priant de ne pas oublier mon travail pour les Lectures Catholiques. Je me trouve avoir mille choses graves entre les mains, et j'ai besoin de lumières spéciales pour pouvoir les conduire de telle sorte qu'elles tournent à la plus grande gloire de Dieu. Aidez-moi de vos saintes prières et recom­mandez-moi aussi à celles de la bonne comtesse Marie.

Que Dieu vous bénisse tous les deux, et vous garde pour de longues années de vie heureuse, avec la grâce de la persé­vérance dans le bien. Amen.

Avec pleine estime et affection j'ai l'honneur de me pro­fesser

Votre humble serviteur Gio. Bosco, prêtre

Turin, 12 août 1872.



112. « Pas même une heure de vacances en toute cette année »



Pendant les années 1877 et 1878 Don Bosco avait engagé les démarches pour acquérir l'ancien couvent des capucins de Nizza Monferrato et y transférer la maison mère des Filles de Marie Auxiliatrice. La famille Corsi y prit une part active (voir MB XIII, 187-217). Huit jours avant la nouvelle bénédiction de l'église réou­verte au culte, Don Bosco en écrivit à!a comtesse (Epist. 111 397­398).

/339/

Ma bonne et très chère Maman,

Bien que je l'aie tant de fois projeté, je n'ai pas encore pu trouver une heure de vacances en toute cette année, et je ne suis pas même sûr de pouvoir me rendre à Nizza au moins dimanche pour la fête de l'inauguration de l'église Madonna delle Grazie.

Entre un peu de paresse qui invite à rester à la maison, entre les vingt maisons que nous avons ouvertes en un bref espace de temps, ajoutant l'expédition missionnaire immi­nente en Amérique, tout cet ensemble fait que je ne sais plus par où commencer ni par où finir. Malgré tout cela je n'ai jamais omis de prier pour vous, pour vos enfants et petits­enfants, spécialement le matin à la sainte messe, et je ne manquerai pas de continuer afin que Dieu les conserve tous en bonne santé, en vie heureuse et en sa grâce.

Dimanche, par moi en personne ou par Don Cagliero, Don Lazzero et d'autres, vous saurez pourquoi nous n'osons pas mener grand train à la fête dé dimanche. Voici les principales raisons. Manque un local pour recevoir un personnage qui visite l'église ou qui préside les cérémonies. Et puis nous sommes à ce point désargentés que nous n'osons nous lancer dans d'autres dépenses. Je sais que la Bonne Maman nous a aidés et nous aidera. Mais nous, ses fils affectionnés, nous devons calculer à partir de sa bonté et non en abuser.

On m'a dit que monsieur le Comte a constitué un comité pour promouvoir une collecte en soulagement à nos dépen­ses. Remerciez-le profondément de ma part.

C'est là un geste de vrai Coopérateur. Mais moi je ne veux pas qu'il travaille pour rien. Je veux prier et faire prier Dieu qui est si riche de lui donner le centuple en toute chose. Qu'il verse le centuple sur la santé de sa famille, sur ses /340/ inté­rêts, sur ses propriétés, qu'il fasse de lui un vrai gentilhom­me et un grand saint. Et la Madone en son temps fera aussi sa partie...

Que Dieu vous bénisse, ma chère et bonne maman, vous garde, vous accorde un bon séjour; et permette un heureux retour à votre mauvais fils, mais qui vous aime tant en J.C.

Je me recommande aux prières de tous, et croyez-moi en toute chose

Votre humble serviteur et fils Gio. Bosco, prêtre

Turin, 22 octobre 78



113. Pensées poétiques de deux pèlerins reconnais­sants



Les époux Alessandro et Matilde Sigismondi, pleins d'admira­tion pour Don Bosco, s'étaient offerts à le recevoir dans leur mai­son de la Via Sistina 104 lorsqu'il venait à Rome. Il accepta à par­tir de 1874. II leur écrivait le 2 février 1876 :« La première porte à laquelle je vais frapper est certainement Via Sistina 104, où depuis longtemps nous avons une véritable cocagne. » (Epist, III, 15). Il célébrait la messe dans la chapelle privée qu'il avait obtenue pour eux, et il profitait aussi bien des soins attentifs de madame Mathil­de que de l'expérience de monsieur Alexandre, employé dans l'un des dicastères de la curie. Au cours de son premier séjour, il voulut fêter la Sainte Mathilde : il rédigea une poésie, la fit copier par son compagnon et secrétaire Don Berto, en fit la lecture durant le re­pas et l'offrit à la maîtresse de maison en même temps qu'un cadre de sa sainte patronne. Les archives salésiennes en conservent la mi­nute autographe et la copie retouchée et signée par l'auteur (Arch. 132, Poésie 3 ; voir MB X, 789). Nous avons essayé de la traduire.

/341/

Au jour de la Jête
de l'excellente Madame Mathilde Sigismondi,
14 mars 1874,
pensées de deux pèlerins reconnaissants :



Nous étions pèlerins errants

Parmi le vent et la tempête

Lorsqu'une heureuse étoile,

Mathilde, nous guida vers toi.

Tous deux fatigués, faméliques,

Et le visage amaigri :

« Nous avons grand appétit »

Fit retentir leur voix.

Et toi comme une tendre mère

Avec ton Alexandre aimé :

« Le repas est préparé

Dis-tu, prenez-le comme il est.

Rôti, bouilli et sauces,

Bouteilles et verres,

Vins blancs, vins rouges,

Le tout sera pour vous ».

Alors commence la fête :

Aucune pensée de dettes

Ni même pensée de créances

Ne vint là nous troubler.

La grande cocagne ainsi

Dure depuis trois mois,

Et jamais nous n'avons dit

La gratitude de notre coeur.

Aujourd'hui nous confions la dette

A Celui qui peut tout ;

Lui qui nous envoya

Qu'il paye de ses trésors ! /342/

Et tandis que ta Sainte

Assise près du Seigneur

Prépare aussi pour toi

Un trône d'éternel amour,

Nous ici mangeons festoyant

Mets et macaronis,

Vins fins avec douceurs,

Dons que nous fit le ciel.

Mais ces biens sont fugaces,

Passant comme le vent

Sans laisser satisfaits

Nos coeurs pleins d'affliction.

Qu'au Ciel donc s'élèvent

Oeuvres, pensées, désirs :

Nous dirons un jour à Dieu

Ta foi, ton espérance, ton amour.

Et pour toi, aimable Alexandre,

Exemple de bonté,

Qui nous témoignas toujours

Tant de charité ?

Que sur toi du ciel descende

Le centuple chaque jour

Jusqu'à ce que de gloire paré,

Tu t'envoles vers ton Seigneur.

Et quoi donc pour la servante,

Pour la bonne Madeleine

Qui soucis, fatigues et peines

Tant pour nous se donna ?

Pour elle qui unit la tâche

De Marthe et de Marie,

Qu'un jour lui soit donné

Le prix de sa foi. /343/

Maintenant, Alexandre,

Faisons un toast à ton épouse :

Que nous ayons un jour la chance

De nous retrouver tous au ciel !



Gio. Bosco, prêtre et son compagnon



114. Comment choisir un mari



Billet envoyé à mademoiselle Barbara Rostagno, qui lui avait demandé conseils et prières pour le choix d'un mari (Epist. II, 391).



Mademoiselle,

Je ne manquerai pas de prier pour que Dieu vous illumi­ne dans le choix de la personne qui pourra le mieux vous ai­der à sauver votre âme. De votre côté, tenez grand compte de la conduite morale et de la religion de cette personne. Ne regardez pas à l'apparence, mais à la réalité.

Que Dieu vous bénisse et vous accorde tout bien. Priez aussi pour ma pauvre âme, et croyez-moi en J.C.

Votre très humble serviteur G. Bosco, prêtre

Turin, 27 juin 1874.



115. Conseils à un nouveau curé



Don Perino, de Biella, avait été élève à l'Oratoire, et Don Bos­co lui avait prédit qu'il serait un jour curé de paroisse. De Rome, où il se trouve pour les affaires de la Congrégation, il lui trace un programme tout salésien (Epist. III, 57).



Très cher Don Perino,

Je me réjouis beaucoup de ta nomination de curé de Pie­dicavallo. Tu auras un champ plus vaste d'âmes à gagner à /344/ Dieu. Voici le principe de ta bonne réussite en ta paroisse : avoir soin des enfants, assister les malades, aimer les vieil­lards.

Pour toi : confession fréquente, chaque jour un peu de méditation, une fois par mois l'exercice de la bonne mort.

Pour Don Bosco : diffuser les Lectures Catholiques et venir déjeuner à l'Oratoire chaque fois que tu viendras à Tu­rin. Le reste de vive voix.

Que Dieu bénisse ta personne, tes fatigues, ta future pa­roisse, et prie pour moi qui serai toujours en J.C.

Ton ami affectionné Gio. Bosco, prêtre

Rome, 8 mai 1876



116. « Très Saint Père, ces Salésiens sont vôtres »



Le 3 juin 1877 on fêtait à Rome le jubilé épiscopal de Pie IX. Don Bosco envoya deux de ses fils représenter la Congrégation : ils étaient porteurs d'un album de statistiques sur les oeuvres des Salésiens et des Soeurs salésiennes dans le monde. Dans la lettre de présentation, il redisait sa disponibilité aux intérêts du vicaire du Christ (Epist. III, 179-180).



Très Saint Père,

... N'ayant ni or ni argent, ni dons précieux qui soient dignes de vous, nous avons pensé qu'il ne vous serait pas désagréable de recevoir un album qui expose l'état actuel de notre Pieuse Société, qui en est à sa quatrième année depuis l'approbation définitive. Nous ne le faisons pas par vaine gloire, mais uniquement pour raconter les Miséricordes du Seigneur, et comme fils envers leur père...

Ici, très Saint Père, vous trouvez indiquées nos maisons, d'éducation, les personnes qui les dirigent et la condition de ceux qui y travaillent. /345/

Très Saint Père, tout cela est votre oeuvre, et tous les Sa­lésiens sont vôtres, et sont tous prêts à aller là où il vous plaira, à travailler comme il vous plaira, contents s'il leur est donné l'occasion de donner leur vie et leurs biens par amour de ce Dieu dont vous êtes le vicaire sur la terre.

Bénissez donc vos fils, et que cette bénédiction les rende forts dans le combat, intrépides dans la souffrance, cons­tants dans le travail, afin qu'ils puissent tous un jour se ras­sembler autour de vous pour chanter et bénir éternellement les miséricordes du Seigneur.



117. Conseils à un nouvel évêque



Mons. Edoardo Rosaz fut nommé évêque au dernier consistoi­re de Pie IX, le 31 décembre 1877. Plein d'affectueuse estime pour Don Bosco, il reçut de lui ces conseils dictés par l'expérience. La lettre est écrite de Rome, au jour précis de la mort de Pie IX (Epist. III, 293-294).

Très cher et révérendissime Monseigneur,

En son temps, j'ai appris de Turin, puis de votre chère lettre, comment le grand pontife Pie IX a porté sur vous sa pensée paternelle et vous a nommé évêque de Suse. J'en ai été très étonné, car je sais quelle humble idée vous avez de vous-même et comment vous devez prendre une attitude nouvelle verbo et opere. Mais j'ai bien vite béni le Seigneur parce que j'étais convaincu, et je le reste, que l'Eglise avait acquis un évêque selon le coeur de Dieu et que vous auriez fait très bien pour le diocèse de Suse.

Je m'en réjouis beaucoup, et avec toute l'affection de mon coeur, je vous offre toutes les maisons de notre Congré­gation pour quelque service qu'elles puissent rendre à votre personne vénérée ou au diocèse que la divine Providence vous a confié. /346/

Je n'ai pas la prétention de vous donner des leçons. Mais je crois que vous aurez sans tarder en vos mains le coeur de tous

1. Si vous prenez un soin spécial des malades, des vieil­lards et des enfants pauvres.

2. Aller très doucement pour faire des changements dans le personnel établi par votre prédécesseur.

3. Faire votre possible pour vous gagner l'estime et l'affection des quelques personnes qui tenaient ou tiennent des postes élevés dans le diocèse, et qui pensent avoir été oubliées tandis que vous-même avez été préféré.

4. A prendre des mesures sévères contre quelque mem­bre que ce soit du clergé, soyez prudent, et dans la mesure du possible écoutez l'accusé.

Du reste, j'espère qu'en mars nous pourrons nous parler personnellement.

Aujourd'hui à trois heures et demie environ s'éteignait le grand et incomparable astre de l'Eglise, Pie IX. Les jour­naux vous donneront les détails. Tout Rome est dans la consternation et je pense qu'il en est de même dans le monde entier. Dans très peu de temps il sera sûrement sur les autels.

Je pense que votre Excellence me permettra de lui écrire toujours avec la même confiance que par le passé. En priant Dieu qu'il vous éclaire et vous garde en bonne santé, je me recommande à la charité de vos saintes prières et me profes­se avec la plus grande vénération de votre Excellence révé­rendissime et très chère

L'ami très affectionné Gio. Bosco, prêtre

Rome, 7 février 1878, Torre de' Specchi 36.

/347/

118. Conseils à un nouveau pape



A peine élu le cardinal Pecci au siège de Pierre, le 20 février 1878, Don Bosco, qui lui avait prédit son élection (voir MB XIII, 484), lui écrivit une courte lettre d'hommage (Epist. 111, 302). Mais ensuite il lui fit parvenir quelques réflexions rédigées en un style prophétique inhabituel. Le manuscrit, recopié par Don Ber­to, fut remis au cardinal Bartolini pour être transmis au Saint Pè­re. Pour Don Bosco, le progrès de l'Eglise est lié à la qualité et à la quantité des ouvriers évangéliques, et cela requiert aujourd'hui un triple effort orienté vers les vocations, vers les instituts contempla­tifs et vers les instituts actifs (Epist.lll, 303-304).

Un pauvre serviteur du Seigneur qui envoyait quelque­fois au Saint Père Pie IX certaines choses qu'il jugeait venir du Seigneur, est celui-là même qui maintenant, humblement mais littéralement, communique à S.S. Léon XIII certaines choses qui semblent de grande importance pour l'Eglise.

Commencement des choses les plus nécessaires à l'Eglise.

Une voix parle.

On veut disperser les pierres du sanctuaire, abattre le mur et l'avant-mur, et mettre ainsi la confusion dans la cité et dans la maison de Sion. Ils ne réussiront pas, mais ils fe­ront beaucoup de mal.

Au suprême régisseur de l'Eglise sur la terre il revient de pourvoir, et de réparer les dégâts que font les ennemis.

Le mal commence par l'insuffisance des ouvriers évan­géliques. II est difficile de trouver des lévites au milieu des commodités ; aussi faut-il les chercher là où on use la pioche et le marteau, sans tenir compte de l'âge ni de la condi­tion13 . Qu'on les réunisse et qu'on les cultive jusqu'à ce /348/ qu'ils soient capables de donner le fruit que les peuples at­tendent. Tout effort, tout sacrifice accompli dans ce but est toujours peu de chose, en comparaison du mal qu'on peut ainsi empêcher et du bien que l'on peut obtenir.

Que les fils du cloître qui aujourd'hui vivent dispersés soient rassemblés, et s'ils ne peuvent plus former dix mai­sons, qu'ils s'emploient à en reconstituer même une seule, mais qui accepte la pleine observance de la règle. Les fils du monde, attirés par la lumière de l'observance religieuse, iront accroître le nombre des fils de la prière et de la médita­tion.

Les familles religieuses récentes sont appelées par la né­cessité de l'époque. Par leur fermeté dans la foi, par leurs oeuvres matérielles, elles doivent combattre les idées de ceux qui ne voient dans l'homme que la matière. Souvent ceux-ci méprisent celui qui prie et qui médite, mais ils seront con­traints de croire aux oeuvres dont ils sont les témoins oculai­res. Ces nouvelles institutions ont besoin d'être aidées, sou­tenues, favorisées par ceux que le Saint Esprit a placés pour régir et gouverner l'Eglise de Dieu14 .

A retenir donc :

- En promouvant et cultivant les vocations pour le sanctuaire,

- En rassemblant les religieux dispersés et les ramenant à l'observance de la règle,

- En aidant, favorisant, dirigeant les congrégations ré­centes, on obtiendra des ouvriers évangéliques pour les dio­cèses, pour les instituts religieux et pour les missions étran­gères. /349/



119. « Je cours en avant jusqu'à la témérité »



La famille Vespignani, de Lugo (région de Ravenne), donna à l’Eglise quatre prêtres salésiens et trois religieuses : une carmélite et deux Filles de Marie-Auxiliatrice. Mais les autres membres tra­vaillaient aussi pour Don Bosco, ainsi le frère aîné Charles, qui s'affairait à fonder une oeuvre salésienne pour les jeunes de Lugo. Dans la lettre qu'il lui envoie, Don Bosco dévoile la vigueur de son zèle (Epist.III, 166-167).

Mon très cher monsieur Charles,

Dans les choses qui regardent le bien de la jeunesse en danger ou qui servent à gagner des âmes à Dieu, je me lance en avant jusqu'à en être téméraire. Aussi dans votre projet de commencer quelque chose qui vienne en aide aux enfants pauvres et en danger, pour les sauver du danger d'être con­duits dans les prisons, faire d'eux de bons citoyens et de bons chrétiens, je retrouve le but même que nous nous pro­posons.

Donc préparez le champ et la moisson, et je serai heu­reux de faire un tour jusque chez vous, pour me rendre compte sur place et remercier tant de confrères15 , qui avant même de me connaître personnellement me témoi­gnent déjà une grande charité.

Je m'en suis tenu à la suggestion qu'on m'a faite et j'ai prié le révérend Don Carlo Cavina d'accepter la charge de décurion salésien, de façon à avoir un centre (de Coopéra­teurs). Veuillez donc vous mettre en relation avec lui pour les choses qui nous concernent.

Don Giuseppe envoie 25 diplômes de Coopérateurs et nous en enverrons d'autres quand vous en aurez besoin. /350/

Vous m'avez invité à ouvrir le bal : j'ai accepté l'invita­tion, mais il faut que nous mettions en oeuvre tous les moyens et tous les sacrifices pour le conduire jusqu'à la fin.

Qu'on retienne bien que, si nous voulons aller de l'avant, il faut qu'on ne parle jamais de politique ni pour ni contre ; que notre programme soit de faire du bien aux en­fants pauvres16. Les conséquences pratiques de ce princi­pe nous seront suggérées et indiquées par Dieu au fur et à mesure qu'il en sera besoin.

Que Dieu bénisse votre petite et grande famille ; présen­tez mes respectueux hommages à nos collaborateurs ; dites à tous que je les recommande volontiers chaque jour durant la sainte messe, et que je me recommande moi-même à leurs prières.

Que la grâce de N.S.J.C. soit toujours avec vous. Amen

Votre serviteur et ami très affectionné Gio. Bosco, prêtre

Turin, 11 avril 1877.



120. A la maman Vespignani : « Je prends la place de Joseph »



Le plus illustre des Vespignani fut Giuseppe (Joseph). A peine ordonné à vingt-deux ans (1876), il vint à Don Bosco qui le guérit et l'envoya en Argentine avec la troisième expédition mission­naire, tandis que son frère Ernest (« le clerc ») continuait sa for­mation à Turin. Don Bosco eut soin de rassurer la maman (Epist. III, 246). /351/

Très estimée madame Vespignani, Que Dieu nous bénisse tous !

Don Giuseppe est parti : il va conquérir des âmes et par là assurer la sienne et celle de ses parents. Il est à Lisbonne. Il va très bien, et il est plein de joie. Il embarquera avec les autres le 2 décembre. La mer est calme. Marie Auxiliatrice les tient tous sous sa protection et nous espérons qu'ils fe­ront bon voyage.

Don Giuseppe va en Amérique. Don Giovanni17 prendra sa place : le permettrez-vous ?. Je prierai tant pour vous !

Nous avons le clerc ici : sa santé est fort bonne et je suis très content de sa conduite. J'espère qu'il suivra les traces de son frère aîné.

Que Dieu bénisse votre personne et le bon papa, et vous conserve tous en sa grâce. Priez pour moi qui serai toujours en J.C.

Votre ami très affectionné Gio. Bosco, prêtre

Turin, 30 novembre 1877.



121. A un curé découragé : « Le Christ est vivant ! »



Le curé d'une paroisse de Forli en Romagne, envoyant une of­frande, avait manifesté un certain découragement. En peu de li­gnes Don Bosco le stimule à la confiance. Noter le « refrain »: s'occuper des enfants, des vieillards et des malades (Epist. 777, 399).

/352/

Très cher dans le Seigneur,

J'ai reçu votre bonne lettre et les 18 francs qu'elle conte­nait. Je vous en remercie ; que Dieu vous le rende. C'est une manne qui tombe pour soulager notre détresse. Pour vous, demeurez tranquille. Ne parlez pas de quitter votre paroisse. Il y a à travailler ? Je mourrai sur le champ du travail, sicut bonus miles Christi18. Je ne suis pas bon à grand chose ? Omnia possum in eo qui me confortat 19. Il y a des épi­nes ? Avec ces épines transformées en fleurs, les anges vous tresseront une couronne au ciel. Les temps sont difficiles ? Il en fut toujours ainsi, mais Dieu n'a jamais retiré son secours. Christus heri et hodie20 . Vous demandez un con­seil ? Le voici : prenez un soin spécial des enfants, des vieil­lards et des malades, et vous gagnerez le coeur de tous.

Du reste, nous parlerons plus longuement quand vous viendrez me faire une visite.

Gio. Bosco, prêtre

Turin, 25 octobre 1878.





122. Comment un saint répond à un adversaire



Par un décret du 23 juin 1879, l'inspecteur d'Académie de la province de Turin avait ordonné la fermeture des premières classes secondaires de Valdocco, prétextant leur non-conformité aux lois sur les gymnases privés. Il était appuyé par l'un de ses frères, le théologien Angelo Rho, qui avait écrit sur Valdocco des lettres dé­sobligeantes. Chose étrange, les deux frères avaient été compa­gnons d'école de Don Bosco. Celui-ci écrivit au prêtre ces lignes douloureuses et amicales (Epist. III, 499-500).

/353/

Ami toujours très cher,

L'homme honnête, quand il se voit privé de la confiance d'autrui, doit s'en tenir à un rigoureux silence. Tu ne m'as pas compris, et tu ne réponds à aucune des choses exposées dans ma lettre. En outre le mépris avec lequel tu parles des prêtres de cette maison m'empêche de m'expliquer avec les paroles qu'il faudrait. Sur cette affaire il est donc inutile de parler, alors que je l'avais vivement désiré. Pour les autres choses, nous serons toujours bons amis. Je compterai tou­jours sur ta bienveillance et sur celle de tous tes frères, spé­cialement de M. l'Inspecteur. Et je serai toujours heureux de pouvoir éventuellement rendre quelque service à toi ou à quelqu'un des tiens. Aime-moi en J.C. et crois-moi inalté­rablement

Ton ami très affectionné Gio. Bosco, prêtre

Turin, 24 juillet 1879.



123. A un merle qui rentre à son nid



Giacomo Ruffino, frère d'un salésien, le Domenico rencontré plus haut (texte 87), avait été élève à l'Oratoire. Devenu instituteur il dut affronter une série de difficultés en divers endroits, jusqu'à ce que la nostalgie le ramena chez Don Bosco (Epist. III, 579).



Mon très cher Ruffino Giacomo,

Ta lettre m'a apporté une vraie consolation. Mon affec­tion pour toi a toujours été grande, et maintenant que tu manifestes le désir de revenir à ton ancien nid, je sens se ré­veiller en moi les souvenirs du passé, les confidences reçues, le souvenir du bon temps, etc. Et donc dès lors que tu te dé­cides à te faire Salésien, tu n'as rien d'autre à faire qu'à ve­nir /354/ à l'Oratoire et me dire : « Voici le merle qui fait retour à son nid ». Le reste sera exactement comme c'était avant et que tu connais.

Toutefois je désire que tu ne mettes pas tes supérieurs ac­tuels dans l'embarras, et donc s'il est nécessaire que tu retar­des pour quelque temps ta venue à Turin, fais-le tranquille­ment, pourvu que ce ne soit pas dommageable à ton âme.

Je serai à l'Oratoire vers la fin de ce mois et là je t'at­tends comme un père anxieux de retrouver son propre fils. Là nous parlerons ensemble de tout ce qui sera opportun.

Que Dieu te bénisse, ô mon très cher Ruffino, et prie pour moi qui ai été et qui sera toujours en J.C.

Ton ami très affectionné Gio. Bosco, prêtre

Rome, 17 avril 1880, Torre de' Specchi 36.



124. « Marquise faites volontiers cette dépense : l'intérêt est de cent pour un »



Don Bosco avait préparé une liste de travaux à exécuter pour l'église Saint-Jean-l'Evangéliste de Turin, et il l'envoyait à divers bienfaiteurs, les invitant à s'inscrire pour assumer la dépense de l'un ou l'autre d'entre eux. Voici le billet qu'il adressa à la mar­quise Marianna Zambeccari, de Bologne (Epist. III, 592-593).



Madame la Marquise,

Je sais que vous avez de la dévotion pour saint Jean l'Evangéliste, je sais également que ce saint vous tient pré­parées des grâces particulières, mais il attend aussi quelque chose de vous. Choisissez sur le feuillet ci-joint le type de /355/ travail qui vous plaît davantage. Dépensez volontiers ! L'in­térêt est de cent pour un, avec une grande récompense assu­rée après cette vie. Je n'en écris pas plus pour ne pas fatiguer vos yeux. Pardonnez-moi la simplicité confiante avec la­quelle je parle. Que Dieu vous bénisse, ô très méritante madame la Marquise, que Dieu vous accorde le don pré­cieux de la santé et celui encore plus précieux de la persévé­rance dans le bien.

Priez pour moi qui serai toujours en N.S.J.C.

Votre humble serviteur Gio. Bosco, prêtre

Turin, 27 juin 1880.



125. « Je vous invite à mes noces d'or sacerdotales »



Le chevalier Carlo Fava, secrétaire de la mairie de Turin, et son épouse étaient de généreux Coopérateurs. Durant l'été 1881, au cours d'un séjour de repos en montagne à Andorno, au-dessus de Biella, il reçut cette lettre cordiale. Don Bosco hélas, mourut trois ans et demi avant d'atteindre ses cinquante ans de sacerdoce (Epist. IV, 67-68).



Très cher monsieur le chevalier Fava,

Je me réjouis beaucoup que vous-même et toute votre famille ayez fait bon voyage et ayez pu organiser votre séjour à Andorno avant ces intenses chaleurs qui en peu de jours nous ont conduit ici à l'héroïsme. Nous avons com­mencé le régime régulier de la sueur qui nous sert de bain permanent d'un midi à un autre midi. Malgré cela nous n'avons pas encore reçu la nouvelle que l'un ou l'autre en soit resté rôti.

Je suis désolé que votre santé n'ait pas encore retrouvé son parfait état. J'espère que le repos, l'air frais, les atten­tions reçues, et les nombreuses prières que nous faisons /356/ cha­que jour réussiront à obtenir que vous puissiez revenir par­mi nous en excellente santé.

Vous me dites que vous n'avez pas encore envie de mou­rir. Mais moi non plus je ne veux pas que vous nous quittiez si vite : nous avons encore tant d'oeuvres de charité à ac­complir qui ne doivent pas rester inachevées ; il faut donc vivre encore. Vous avez accepté mon invitation à venir à ma messe cinquantenaire qui sera célébrée le dimanche de la très sainte Trinité 1891. Voudriez-vous manquer à une invitation déjà faite et déjà acceptée ? De plus j'ai une entreprise à confier à madame votre épouse, qui pourra être aidée par vous-même et par mademoiselle Maria-Pia. Donc répétons­le : il faut vivre.

« Quel bon temps a Don Bosco ! », direz-vous. C'est vrai. Mais cela me soulage de vous écrire au milieu des 500 lettres21 auxquelles je commence en ce moment à répon­dre.

Que Dieu vous bénisse, ô cher monsieur le Chevalier, et avec vous qu'il bénisse toute votre famille, et accorde à tous santé et sainteté en abondance. Veuillez prier aussi pour moi qui suis avec respect et gratitude en N.S.J.C.

Votre humble serviteur Gio Bosco, prêtre

Turin, 4 juillet 1881.



126. « L'Evangile ne dit pas : Promettez et on vous donnera »



La marquise Vernon Bonneuil, de Paris, avait envoyé à Don Bosco 500 F pour une grâce obtenue, en lui promettant 25 000 F si elle obtenait de la Vierge la grâce d'un heureux mariage entre /357/ per­sonnes qui lui tenaient particulièrement à coeur. Elle reçut cette ré­ponse, que Don Bosco écrivit en français, mais dont existe seule­ment aux archives une traduction italienne (Epist. IV, 79-80)

Madame la Marquise,

J'ai reçu votre excellente lettre avec la consolante nou­velle que l'opération qui vous inspirait tant d'inquiétude s'est fort bien passée et que maintenant vous être parfaite­ment guérie. Que Dieu soit béni et remercié pour cette grâce.

Dans la même lettre vous avez inclus la somme de 500 francs pour l'église du Sacré-Coeur à Rome. Que Marie­ Auxiliatrice vous les rende comme il convient, d'autant plus que, dans votre charité, vous me dites que c'est là seulement le début de vos offrandes.

Deo gratias ! Je ne manquerai pas de prier particulière­ment pour que, Dieu aidant, le mariage dont vous me parlez puisse se faire, pourvu que ce soit à la gloire de Dieu. Mais vous leur direz que j'accepte l'offrande promise de 25 000 francs. Toutefois il faut remarquer avec soin que l'Evangile dit clairement : Donnez et on vous donnera, et non pas : Promettez et on vous donnera. Je pense donc que ce serait une excellente chose de commencer par donner cette somme à l'avance.

Je n'oublierai jamais de faire chaque jour à la sainte messe un memento pour vous et pour toutes vos intentions, et spécialement pour que vous-même, vos parents et vos amis puissiez avancer sur la route du paradis.

Que Dieu, vous bénisse, charitable madame la Marqui­se, et veuillez vous aussi prier pour moi, qui serai toujours en J.C.

Votre humble serviteur Gio. Bosco, prêtre

San Benigno Canavese, 8 septembre 1881.

/358/

127. A un juif :« La charité du Seigneur n'a pas de frontières »



Auguste Calabia était un juif milanais. Par méprise Don Poz­zan, administrateur du Bulletin Salésien, lui avait envoyé une at­testation de Coopérateur. Il en écrivit à Don Bosco :« Je vous suis reconnaissant de la confiance que vous me témoignez en me fai­sant l'honneur de m'inscrire parmi les Coopérateurs Salésiens... Mais je vous fais remarquer que j'appartiens à la religion mosaïque, et avec cela je vous ai tout dit... Milan, 29 nov. 1881 ». Dans une réponse empressée, Don Bosco rappelle qu'entre juifs et chré­tiens il y a bien des points de foi communs, et que la charité ne connaît pas de frontières (Epist. IV, 97).



Très respectable Monsieur,

C'est une chose vraiment singulière qu'un prêtre catholi­que propose une association de charité à un israélite ! Mais la charité du Seigneur n'a pas de frontières et elle n'exclut aucune personne, de quelque âge, condition et croyance qu'elle soit.

Parmi nos jeunes gens, qui au total sont 80.000, nous en avons eu, et en avons encore actuellement, qui sont israéli­tes. D'autre part vous me dites appartenir à la religion mosaïque, mais nous catholiques nous suivons rigoureuse­ment la doctrine de Moïse et tous les livres que ce grand pro­phète nous a laissés. La différence porte seulement sur l'interprétation de ces écrits.

En outre, monsieur Lattes, de Nice-sur-Mer, est lui aussi israélite, et c'est l'un de nos plus fervents Coopérateurs. Quoi qu'il en soit, je continuerai à vous envoyer notre Bulle­tin Salésien et je pense que vous n'y trouverez rien qui puisse offenser votre croyance. Si jamais cela arrivait, ou si vous désiriez ne plus le recevoir, il suffirait de m'en avertir. /359/

Que Dieu vous bénisse, vous conserve en bonne santé, et veuillez me croire, avec respect et estime,

Votre humble serviteur Gio. Bosco, prêtre

Turin, 4 décembre 1881.



128. « Je désire que vous mouriez pauvre et tota­lement détachée »



La riche veuve Bernardina Mágliano Sollier, généreuse Coo­pératrice de Turin, passait l'été à Busca (Cuneo), où elle recevait parfois Don Pavia, directeur du patronage de Valdocco, pour le faire reposer. Don Bosco fréquemment, quoique avec le sourire, lui rappelait le détachement chrétien (Epist. IV, 173).

Très estimée madame Magliano,

Au jour de leur anniversaire les mères ont l'habitude de faire quelque cadeau à leur fils, même si parfois ils ne le mé­ritent pas beaucoup. Aussi, à travers vous j'ai recours à la très sainte Vierge pour qu'elle veuille me faire un cadeau non ordinaire. Comme je vous le disais à Turin, je me trou­ve avoir entre les mains les dépenses pour la fabrique de pa­pier de Mathi22, le solde des travaux de l'église Saint­Jean-l'Evangéliste, les constructions aux abords de l'église de Marie-Auxiliatrice, et nos missions d'Amérique. La som­me absolument nécessaire en ce moment est de douze mille lires, mais j'accepte avec reconnaissance n'importe quelle /360/ offrande si vous ne pouvez assumer l'ensemble. Voyez avec quelle confiance j'ai recours à vous ; et vous, arrangez-vous avec la Madone. En attendant je prierai tant cette céleste Mère de vous conserver en bonne santé, mais toujours sur le chemin de ce paradis que je vous souhaite de tout coeur, mais pas trop tôt, car je désire que vous mouriez pauvre, et que vous vous détachiez totalement des choses de la terre pour emporter avec vous dans le ciel le fruit de toutes vos oeuvres de charité...

Lundi, s'il plaît à Dieu, Don Pavia partira pour Busca. Le pauvre ! il a travaillé, il est fatigué. C'est à vous de me le remettre à neuf.

Que Dieu vous bénisse, et veuillez prier aussi pour moi qui avec une grande reconnaissance serai toujours en J.C.

Votre très obligé serviteur Gio. Bosco, prêtre

S. Benigno Canavese, Jour de la naissance de Marie 1882.



129. Le plus grand acte d'obéissance et d'humilité de Don Bosco



Qui a lu la vie de Don Bosco sait fort bien qu'il a dû affronter pendant douze ans (1871-1883) un grave et douloureux litige avec la curie de Turin, et en particulier avec l'archevêque Mons. Lorenzo Gastaldi (jusqu'alors son ami et son confident, au point que Don Bosco lui-même avait insisté auprès de Pie IX pour le faire nommer au siège de Turin). Il y avait entre eux divergence de mentalité, façons différentes de concevoir l'Eglise et son mode de gouvernement. L'archevêque avait espéré que la Société salésienne restant diocésaine, serait surtout à sa disposition... Deux épisodes furent particulièrement douloureux : l'interdiction faite à Don Bonetti (l'un des collaborateurs immédiats de Don Bosco) de /361/ con­fesser et de prêcher à l'Oratoire Sainte Thérèse de Chieri dont il était le directeur, suivie de son recours à la Congrégation romaine du Concile (1879) ; et la menace de suspense faite à Don Bosco lui-même à la suite de la publication anonyme de libelles offensants pour l'archevêque (1878-1879) : celui-ci, les croyant inspirés par Don Bosco et Don Bonetti, leur intenta un procès devant la même Congrégation. Dans l'imbroglio des accusations mutuelles, le pape Léon XIII fit appel à l'humilité de Don Bosco pour mettre fin au litige par un accommodement. Un « Accord » fut proposé en juin 1882 : le premier de ses sept articles exigeait de Don Bosco, qu'on savait innocent, d'« implorer le pardon de Monseigneur » pour l'éventuelle intervention de quelque salésien dans les inci­dents survenus. Don Bosco, croyant d'abord que les articles étaient seulement une requête de la partie adverse, opposa un refus : accepter eût donné l'impression qu'il reconnaissait le bien­fondé des accusations qui lui étaient faites. Mais ensuite, comme il l'écrivit lui-même au cardinal Nina, préfet de la Congrégation du Concile, « ayant eu connaissance que les articles sont l'explicite volonté du Saint-Père, je me suis empressé de mettre à exécution l'article 1, celui qui principalement me regarde » (8 juillet 1882, Epist. IV, 152). Voici la déclaration de Don Bosco à l'archevêque

(Epist. IV, ISI) :

Excellence illustrissime et révérendissime,

La Sainteté de Notre Seigneur, considérant que les diffé­rends surgis depuis quelque temps entre votre Excellence révérendissime et l'humble Congrégation des Salésiens sont source de mésententes et de heurts qui nuisent à l'autorité et à la confiance admirative des fidèles, a daigné me faire savoir qu'Elle désire expressément la cessation de toute dis­sension et le rétablissement entre nous d'une paix véritable et durable.

Pour me conformer donc aux paternelles et sages inten­tions de l'auguste Pontife, qui furent toujours aussi les miennes, j'exprime à votre Excellence révérendissime mon déplaisir de ce que, ces derniers temps, des incidents aient /362/ altéré les relations pacifiques qui existaient entre nous et aient pu apporter quelque amertume à l'âme de votre Excel­lence. Et même si jamais votre Excellence a pu croire que moi-même ou quelque membre de l'institut soit intervenu en cet état de choses, j'en implore le pardon de votre Excellen­ce révérendissime et je vous prie d'oublier le passé.

Dans l'espoir que votre Excellence voudra accueillir avec bonté les sentiments que j'exprime, je suis heureux de saisir cette occasion favorable pour implorer du Très-Haut sur vous les meilleures bénédictions, tandis que j'ai l'honneur de me professer, avec grande estime et profonde vénération, de votre Excellence illustrissime et révérendissime

Le très respectueux serviteur Giovanni Bosco, prêtre

Turin, 8 juillet 1882.



L'archevêque répondit qu'il accordait « le pardon demandé », et Don Bonetti fut réhabilité. Mais pratiquement les heurts conti­nuèrent. En sont la preuve ces deux extraits de lettres au card. Nina et à Don Dalmazzo, procureur de la Société salésienne à Rome (Epist. IV, 154 et 15 7) :



Eminence révérendissime,

... Si au moins les choses (de l'accord intervenu) du­raient, vu que je soumets déjà la pauvre Société salésienne à cette humiliation ! Mais j'en doute beaucoup. On va procla­mant que Don Bosco a été condamné, que Don Bonetti n'ira plus à Chieri, etc.

Quoi qu'il en soit, j'ai agi avec sérieux ; je garde le silen­ce et je vais de l'avant...

Turin, 18 juillet 1882.

/363/

Cher Don Dalmazzo,

... Les affaires avec l'archevêque ont chaque jour de nouveaux aspects. Aujourd'hui tout est paix, demain tout est guerre. J'accepte tout, et malgré tout nous irons de l'avant...

Turin, 29 juillet 1882.



130. Au nouvel archevêque : « La Congrégation sera toujours entièrement vôtre »



Mons. Gastaldi mourut au début de 1883. En juillet était nom­mé pour lui succéder le card. Gaetano Alimonda, évêque d'Alben­ga, qui fut intronisé à Turin le 18 novembre. D'emblée il manifes­ta à Don Bosco et aux Salésiens une bienveillance pleine d'affec­tion, qui ne devait pas se démentir. D'un coeur enfin libéré, Don Bosco lui exprima son merci et son attachement filial (Epist. IV, 283-284).



Eminence révérendissime et très chère à tous les Salé­siens,

Aujourd'hui Saint Gaétan, fête de votre Eminence, j'aurais voulu non pas aller mais voler vers vous pour vous exprimer les sentiments d'affection filiale de mon pauvre coeur, mais je dois me borner à vous envoyer à ma place deux messagers. Ils ne peuvent pas vous porter des trésors matériels parce que vous ne les désirez pas et parce que notre condition nous en rend incapables. Par contre ils vous di­ront que les Salésiens ont pour votre Eminence toute l'affec­tion que des fils peuvent avoir pour le plus bienveillant des pères. En cet heureux jour tous nos clercs, prêtres, élèves élèveront vers Dieu prières et communions, afin que vous soyez conservé de longues années à notre affection, pour le /364/ soutien de la Sainte Eglise, pour le réconfort du Saint Père, pour être le protecteur de notre humble Congrégation qui sera toujours entièrement vôtre. En particulier nous vous demandons unanimement et vous supplions de vouloir vous servir de nous en quelque travail, en quelque service spiri­tuel ou temporel dont vous nous jugeriez capables. Vous le ferez, n'est-ce pas ?

Que les grâces du ciel descendent copieuses sur vous et sur toute votre famille vénérée, tandis que nous tous Salé­siens, Coopérateurs et élèves dispersés en divers pays d'Ita­lie, de France, d'Espagne et d'Amérique, nous prosternons humblement et invoquons votre sainte bénédiction. Au nom de tous

Votre humble serviteur Giovanni Bosco, prêtre

Pinerolo, 7 août 1884.

P.S. Excusez ma pauvre écriture.



131. Deux lettres à une Coopératrice lyonnaise .



Au cours des douze dernières années de sa vie, à partir notam­ment de la fondation d'oeuvres salésiennes à Nice (1875), Toulon­ La Navarre et Marseille (1878), Don Bosco entretint d'étroites re­lations avec la France, accrues encore à l'occasion des grands vo­yages à Lyon (1882) et à Paris et Lille (1883), racontés par le P. Auffray dans son beau livre : Un saint traversa la France, Lyon, Vitte, 1945. De nombreuses familles se lièrent à lui par l'affection et l'aide généreuse. De sa correspondance avec elles, il nous reste plus de deux cents lettres en français, un français plutôt pittores­que, tel que peut le parler et l'écrire un autodidacte. Nous en citons quelques-unes à la fin de cette section, car Don Bosco intervenait aussi pour des problèmes spirituels. /365/

Lyon, cité de Pauline Jaricot, s'intéressa vivement à Don Bos­co missionnaire. Deux familles de Coopérateurs entre autres eu­rent avec lui des relations épistolaires suivies : les Blanchon et les Quisard- Villeneuve. Voici deux lettres à Madame Quisard, qui en particulier avait plusieurs fois demandé à Don Bosco de prier pour l'heureux avenir de sa fille (Epist. IV, 436 et 446).

Madame,

J'ai reçu et j'ai lu votre bonne et respectable lettre avec attention et je connais comme la divine providence vous a frappée et vous a au même temps soulagée et, on peut dire, a bien voulu vous donner un grand prix à votre patience et à votre courage. Donc Dieu soit béni en toute chose.

Vos affaires sont toujours en bataille, mais pleine con­fiance qu'elles seront beaucoup améliorées entre un temps pas trop long.

Pour renforcer nos espérances je désire que nous fas­sions quelques choses dans la prochaine neuvaine de l'Im­maculée Conception. En l'honneur de la Ste Vierge Marie nous dirons la messe : les Salésiens et leurs enfants (150 mil­le) feront des prières et des Communions à votre intention ; moi je ferai tous les matins un memento dans la sainte messe pour vous, pour vos affaires et pour toute votre famille. Que la Sainte Vierge vous protège et éloigne de vous tous le mal des maux, le péché.

Vous continuerez la même prière que nous avons faite jusqu'à présent.

Pour les choses de votre conscience ne vous donnez pas la moindre des inquiétudes.

Au mois de février prochain j'espère de vous revoir à Lyon, mais vous connaîtrez tout en avance, et vous aurez toute la commodité de nous parler.

Vous m'avez envoyé une somme d'argent (900 fs) en /366/ l'honneur du Sacré Coeur de Jésus et de Marie et je tâcherai de faire de sorte que votre volonté soit mise en exécution. Dieu nous a dit : Donnez et on vous donnera le centuple sur la terre et la vraie récompense à son temps au paradis.

Vous aurez de la peine à lire cette mauvaise écriture. Ayez patience. Voyez Madame, j'ai déjà accompli 67 ans, mais je n'ai pas encore appris à écrire.

Que le bon Dieu soit avec vous et avec toute votre famil­le et veuillez aussi prier pour ce pauvre prêtre qui avec grati­tude vous sera à jamais en J. Ch.



Obligé humble serv. Abbé Jean Bosco.

Turin, 28-11-82.

P.S. - Communion fréquente. Madame Quisard



Peu de paroles, mais adressées à vous, Madame, pour remercier de votre charité. Je ne manquerai pas de prier et faire prier nos garçons à votre intention et pour la bonne réussite de votre fille.

Si le fiancé a la crainte de Dieu, les autres choses sont très bonnes. Je ne puis pas plus écrire à raison de ma santé. Que Dieu bénisse vous, votre mari, toute votre famille et priez pour ce pauvre prêtre qui vous sera à jamais en J. Ch.

Humble serviteur Abbé J. Bosco.

Turin, 12 février 1886.

/367/

132. « C'est plus agréable à Dieu un manger délicat avec l'obéissance qu'un jeûne contre l'obéis­sance »



Madame Lallemand et sa fille, de Montauban, envoyaient régulièrement des secours matériels à Don Bosco et lui deman­daient un secours spirituel, sur la base d'un compte-rendu de cons­cience régulier. Dans la lettre suivante Don Bosco manifeste une fois de plus son estime de l'obéissance à travers l'acceptation des peines quotidiennes (Epist. IV, 422).



Mme et Mlle Lallemand,

J'ai ouï lire avec attention vos comptes rendus, et je re­mercie bien N.S. qui vous a délivré dans plusieurs dangers de la vie et du monde, et je prie sans cesse pour vous la Sain­te Vierge, afin de vous obtenir par son intercession une complète victoire de tous les obstacles qui s'opposent à vo­tre tranquillité et à votre bonheur spirituel et temporel.

Quant aux pénitences corporelles, elles ne sont pas à propos pour vous. Aux personnes âgées il suffit endurer les peines de la vieillesse pour l'amour de Dieu ; aux personnes maladives, il suffit endurer doucement pour l'amour de Dieu leurs incommodités, et suivre l'avis du médecin ou des parents en esprit d'obéissance ; c'est plus agréable à Dieu un manger délicat avec l'obéissance qu'un jeûne contre l'obéis­sance.

Je ne vois rien à réformer sur votre conscience ; fréquen­tez autant que possible les saints Sacrements, et ne vous in­quiétez pas quand cela n'est pas possible : faites alors plus souvent des communions spirituelles, et conformez-vous avec une pleine conformité à la sainte volonté de Dieu très aimable sur toutes choses. /368/

Que N.D. Auxiliatrice vous protège dans tous vos ennuis et embarras pour le droit chemin du Paradis. Ainsi soit-il...

Humble serviteur Abbé Jean Bosco

Turin, 5 février 1884.



133. Peut-on être trop attaché à son enfant ?



Il nous reste soixante-seize lettres envoyées par Don Bosco en l'espace de six ans au comte et avocat français Louis Antoine Fleury-Colle, de Toulon, et à son épouse Marie-Sophie, baronne Buchet : elles témoignent des liens très profonds qui unirent le saint à ces bienfaiteurs extrêmement généreux (Epist. IV, 480-534, et MB XVI, 672-724). Ils le rencontrèrent à la veille d'une terrible épreuve familiale. Leur fils unique Louis, un beau garçon de dix-sept ans rongé par la tuberculose, en était à ses derniers jours : ils obtinrent que Don Bosco vint de Marseille lui porter une bénédic­tion, le 1er mars 1881. Don Bosco trouva un adolescent de rare qualité spirituelle, serein en sa souffrance. Tout en priant pour sa guérison pour donner réconfort aux parents, il prépara Louis au sacrifice de sa vie : il mourut en effet le 3 avril. Les parents alors adoptèrent pourrait-on dire les oeuvres de Don Bosco, mettant à sa disposition leur énorme fortune (en particulier pour l'église du Sacré-Coeur à Rome et pour les missions d Amérique du Sud), tan­dis qu'entre Don Bosco et le fils décédé s'instauraient de mysté­rieuses relations à travers apparitions et rêves, qui constituent l'un des faits charismatiques les plus impressionnants de la vie du saint (voir MB XV, 80-130).

Dans une lettre en français à la mère, Don Bosco avait écrit qu'il ne pouvait confier certaines choses au papier. Cette réticence troubla madame Colle. Le saint donna l'explication au mari, mais contrairement à son habitude en langue italienne, probablement parce que madame ne la comprenait pas et donc aurait été infor­mée du contenu de la lettre à travers les explications, voire les /369/ adaptations opportunes de son mari. Cette explication de Don Bosco nous surprend : elle jette un peu d'ombre sur l'affection de ces excellents parents et interprète la volonté de Dieu à partir d'un « peut-être » qui fait problème. La seule chose à dire probable­ment est que les saints en savent plus que nous. Voici la lettre, tra­duite de l'italien (Epist. IV, 55)



Très estimé monsieur l'avocat Colle,

Je vois que votre femme est quelque peu troublée par ce que je refusais de confier au papier. Pour cette raison je veux vous dire ici en peu de mots la substance des choses. Le coeur des parents était trop attaché à leur fils unique. Trop de caresses et trop de petits soins, mais lui s'est conservé bon toujours. S'il avait vécu, il aurait rencontré de grands dan­gers qui peut-être l'auraient entraîné au mal après la mort de ses parents. Aussi Dieu a-t-il voulu le délivrer des dangers en le prenant au ciel avec soi, d'où sans tarder il sera le protec­teur de ses parents et de ceux qui ont prié ou prieront pour lui.

De mon côté j'ai prié et je fais encore prier en toutes nos maisons pour le suffrage de l'âme du cher Louis. Etant don­né que vous êtes à Nice, je pense que vous pourriez prolon­ger agréablement votre voyage jusqu'à Turin. Je vous at­tends avec un grand plaisir. Et Marie Auxiliatrice ne man­quera pas de vous offrir à tous deux quelque consolation.

Que Dieu vous bénisse, ô toujours cher monsieur l'avo­cat, que Dieu bénisse votre personne et celle de madame vo­tre épouse, et vous garde en bonne santé. Veuillez aussi prier pour moi qui serai toujours en J.C.

Votre humble serviteur Gio. Bosco, prêtre

Turin, 22 mai 1881.

/370/

134. « J'ai eu la consolation de voir et d'entendre - Louis »



Au cours de la première visite de monsieur et de madame Col­le, à Turin, en mai 1881, Don Bosco leur révéla qu'il avait vu deux fois leur fils Louis décédé, et qu'il avait parlé avec lui. Par la suite, en diverses lettres adressées à la comtesse, il lui parla d'autres vi­sions. Nous en citons les principaux passages.



Madame Colle

... Plusieurs fois j'ai prié afin que Dieu nous fasse con­naître quelque chose. Une seule fois23 , j'ai eu la consola­tion de le voir et d'écouter sa voix. Le 21 juin passé pendant la Messe, près de la consécration je l'ai vu avec sa mine ordi­naire, mais de la couleur de la rose dans toute sa beauté et d'une teinte resplendissante comme le soleil. Tout de suite je lui ai demandé s'il avait peut-être quelque chose à nous dire. Il répondit simplement : saint Louis m'a beaucoup proté­gé ; il m'a fait beaucoup de bien. Alors j'ai répété : Est-ce qu'il y a quelque chose à faire ? Il a répété la même réponse et puis il a disparu. D'alors je n'ai plus ni vu ni entendu rien.

Dans le cas que Dieu dans sa miséricorde infinie daigne nous faire connaître quelque chose je m'empresserais de vous en donner promptement la communication...

Turin, 3 juillet 1881 (Epist. IV, 482).



Madame Colle,

J'ai la consolation de vous dire que j'ai eu la consolation de voir notre toujours cher et aimable Louis. Il y a bien des /371/ détails que j'espère de vous exposer personnellement. Une fois je l'ai vu s'amuser dans un grand jardin avec des com­pagnons habillés richement mais d'une façon qu'on ne peut pas décrire.

Une autre fois je l'ai vu dans un jardin, où il recueillait des fleurs qu'il portait dans un grand salon sur une table magnifique.

J'ai bien voulu demander : Pourquoi ces fleurs ?

Je suis chargé de recueillir ces fleurs, et avec ces fleurs faire une couronne pour mon père et ma mère, qui ont beau­coup travailler pour mon bonheur.

J'écrirai d'autres choses un autre moment.

Que Dieu vous bénisse, ô Madame, et vous conserve en bonne santé et veuillez prier aussi pour votre en J. Ch.

Humble Serviteur Abbé J. Bosco

Turin, 30 juillet 1882 (Epist. IV, 490).



Mon cher Mr le Comte,

... J'ai déjà commencé la neuvaine avec des messes, des communions, et des prières particulières pour notre cher Louis, qui, je crois, rira de nous car nous prions pour lui, pour le soulager : en effet il est devenu notre protecteur au paradis, et il continuera à nous protéger jusqu'à ce qu'il nous recevra dans le bonheur éternel...

Turin, 23 août 1884 (Epist. IV, 507).



Mr. le Comte et Mme la Comtesse Colle,

... Notre Ami Louis m'a conduit à faire une promenade dans le centre de l'Afrique, terre de Cham, disait-il, et dans /372/ les terres d'Arphaxade ou en Chine. Si le bon Dieu nous per­mettra de nous entretenir personnellement, nous aurons de quoi faire des paroles... 24.

Votre humble Ami, Serviteur affectionné comme fils Turin, 10 août 1885 (Epist. IV, 516).

Ô Marie, notre bonne Mère, dans ce jour que l'Eglise Catholique solennise votre Naissance, portez vous-même une bénédiction toute spéciale à vos deux fils Mr et Mme le Cte e Csse Colle, pour lesquels avec tous mon coeur ce matin j'ai célébré la Ste Messe et nos enfants ont fait la Ste Com­munion, pour votre bonheur spirituel et temporel.

Vous prierez aussi pour ce pauvre qui vous aime en J. Chr. comme tendre fils...

Turin, 8 septembre 1886 (Epist. IV, 522).



Madame la Comtesse Sophie Colle,

... Nous prierons que Dieu conserve vous, Mr le Comte Colle, en bonne santé, en paix, en charité jusqu'aux derniers /373/ moments de la vie. Et alors la S. Vierge accompagnée par une multitude d'Anges vous porte avec Elle au paradis, mais avec vos parents, vos amis, et avec le pauvre D. Bosco qui vous aime beaucoup en Dieu...

Tous les Salésiens vous font hommages, et moi avec ma mauvaise écriture j'ai l'hardiesse de me dire à jamais affec­tionné comme fils

Humble Serviteur Abbé J. Bosco.

Turin, Valsalice, 23 sept. 1886 (Epist. IV, 523).



(A envoyer après ma mort) 25.



Monsieur et Madame la Comtesse Colle de Toulon,

Je vous attends où le Bon Dieu nous a préparé le grand prix, le bonheur éternel avec notre cher Louis.

La Divine Miséricorde nous l'accordera. Soyez à jamais le soutien de la congrégation salésienne et l'aide de nos mis­sionnaires.

Dieu vous bénisse.

Affectionné comme fils Abbé Jean Bosco.

/374/

135. Votre vocation : non pas la vie religieuse, mais la sainteté.



Après les comtes Colle de Toulon, la plus grande Coopératrice française fut certainement mademoiselle Clara Louvet, d'Aire­sur-la-Lys, fille d'un officier supérieur. Elle avait rencontré Don Bosco à Nice et d'emblée sa sainteté l'avait conquise : elle lui ou­vrit largement et son coeur et sa bourse. Don Bosco l'eut en grande estime : en témoignent les cinquante-six lettres que nous possé­dons (1882-1887: Epist. IV, 447-479; et MB XVI, 641-671). Plu­sieurs fois elle vint en visite à Turin. Après la mort de Don Bosco elle continua d'aider les oeuvres salésiennes d'Italie et du nord de la France jusqu'à sa propre mort en 1912. (voir MB XV, chap. XIX, Une grande Coopératrice française, pp. 584-610).



Mademoiselle,

... Dix mille francs comme bouquet de bonne fête de S. Jean ! O Mademoiselle, si tout le monde qui vient dans ce jour là, faisait des bouquets de cette façon je serais un autre Rothschild. Mais pour moi il y a seulement une Madlle Cla­ra Louvet et j'en suis très content.

Mais je veux que S. Jean vous paye la fête, et pour l'obli­ger dans ce jour-là je dirai moi-même la Ste Messe à l'Autel de Notre D. A. et nos enfants feront des prières, leurs com­munions selon votre intention.

Dans votre lettre vous me dites que vous coûte beaucoup conserver aucune réserve pour les années mauvaises. Ce n'est pas comme ça. Je veux que vous conserviez toutes vos rentes, et que vous les mettiez à l'intérêt du centuple sur la terre et en suite la vraie récompense à conserver pour tou­jours au Paradis. Comprenez-vous ? Je l'espère. Mon but a toujours été de faire tout mon possible de détacher les coeurs de mes amis des choses misérables de ce monde et les élever à Dieu, au bonheur éternel ! /375/

Vous voyez, Mademoiselle, que je cherche de vous ren­dre riche ou mieux de faire fructifier les richesses de la terre, qui se conservent très peu, et les changer en des trésors éter­nels pour toujours...

Turin, 17 juin 1882 (Epist. IV, 449).



... Je désire votre paix et votre tranquillité de coeur. Ecoutez-moi. Votre conscience est en bon état ; la Ste Vierge a été établie votre guide ; votre Ange Gardien vous

protège jour et nuit. Pour cela vous n'avez rien à craindre...

Turin, 9 septembre 1883 (Epist. IV, 457).



Mademoiselle Louvet,

Peu de choses, mais que ce soit observé avec diligence. Chaque année :

Une revue de conscience annuelle en réfléchissant sur le progrès et le régrès de l'année passée.

Chaque mois :

L'exercice de la bonne Mort, avec la confession men­suelle et la Sainte Communion comme si elles étaient les der­nières de la vie.

Chaque semaine :

La Sainte Confession ; grand attention pour vous rappe­ler de pratiquer les avis du confesseur.

Chaque jour :

La Sainte Communion si on peut la faire. Visite au très Saint Sacrement. Méditation, lecture, examen de conscien­ce.

Pour toujours :

Considérer chaque jour comme le dernier de notre vie. /376/

Dieu vous bénisse et la Sainte Vierge vous rende heureu­se pour le temps et pour l'éternité. Faire les bonnes oeuvres qui nous sont possibles.

Veuillez prier pour votre pauvre serviteur en Jésus Christ.

Abbé Jean Bosco

Turin, 17 septembre 1883 (Epist. IV, 458).



Charitable Mademoiselle,

... Jusque à ce moment vous n'avez pas la vocation à vous rendre religieuse, mais vous avez la vocation à faire sainte. En continuant comme vous faites vous êtes dans le chemin du paradis. En attendant, soyez tranquille...

Turin, 6 novembre 1884 (Epist. IV, 464).



... Que la crise agricole ne vous donne pas de la peine. Si les revenus diminuent vous diminuerez les bonnes aeuvres de charité, ou mieux vous les augmenterez, vous consumerez les capitaux, vous vous ferez pauvre comme Job et alors vous serez sainte comme sainte Thérèse.

Mais non jamais. Dieu nous assure le centuple sur la terre ; donc donnez et on vous donnera ! Avec les fermiers soyez généreuse et patiente. Dieu est tout-puissant. Dieu est votre Père, Dieu vous fournira tout ce qui est nécessaire pour vous et pour eux...

Turin, 20 décembre 1884 (Epist. IV, 466).



... Pendant tout le Carême nous ferons chaque jour des prières à votre intention et particulièrement pour la conser­vation de votre santé. Durant le courant de ces jours vous ne /377/ devez penser ni au maigre ni au jeûne : vous en êtes rigou­reusement défendue. Laissez que les pécheurs comme D. Bosco fassent de la pénitence autant qu'il faut...

Turin, 21 février 1885 (Epist. IV, 468).



Charitable Mlle Louvet Clara,

L'avenir dans le monde est bien sombre, mais Dieu est Lumière et la Ste Vierge est toujours Stella Matutina. Con­fiance en Dieu, et en Marie ; ne craignez rien. Je puis tout par celui qui me fortifie, Jésus Christ.

Patience. La patience nous est absolument nécessaire pour vaincre le monde et nous assurer la victoire et entrer dans le Paradis.

Que Dieu récompense largement la charité de 500 f. que vous nous faites. Toute notre maison continue prier à votre intention.

Adieu, que Marie soit votre guide, priez pour nous et pour nos Missionnaires.

Humble Serviteur Abbé J. Bosco

9 décembre 1886. Turin (Epist. IV, 474).



Vous avez passé quelques jours avec nous, mais à votre départ vous me sembliez bien affligée jusqu'aux larmes. Ce­la m'a fait de la peine. Peut-être que vous n'étiez pas à jour de mes paroles26, car je vous ai donné toujours l'assuran­ce que nos relations sur la terre n'étaient pas durables ; mais dans la vie éternelle nous passerons nos jours dans la vraie /378/ joie à jamais et nous ne manquerons jamais des choses dési­rables : in perpetuas aeternitates...

Et la guerre ? Restez tranquille ; quand je verrai un petit danger je vous le dirai promptement, pourvu que je sois en­core parmi les vivants...

Adieu, priez pour ce pauvre prêtre qui vous sera à jamais en Jésus Christ

Obligé serviteur Abbé Jean Bosco

Turin, Valsalice, 12 juin 1887.



136. Il faut prier Marie avec une totale confiance



L'abbé Engrand était un prêtre d'Aire-sur-la-Lys étroitement lié à la famille Louvet. Lui aussi devint un généreux Coopérateur salésien, surtout après la visite de Don Bosco à Lille, marquée par des miracles dont il avait été le témoin (voir MB XVI, 267). Voici la dernière lettre que Don Bosco lui envoya. Sur la copie reçue aux archives salésiennes, on lit : « Aire, 4 juillet 1900. Ne prévoyant pas que j'aurais un jour à produire cette lettre, j'en ai déchiré, il y a plusieurs années, le commencement qui n'était que l'accusé de réception par Don Bosco d'une offrande que je lui avais envoyée. L'abbé Engrand ».



... Vous vous plaignez que la Ste Vierge n'a pas exaucé vos prières ; rappelez-vous bien, mon bon ami, que la S. Vierge n'exauce jamais les prières quand elles sont contrai­res au bonheur des âmes..

D'ailleurs la grâce demandée vous a été accordée, mais vous affaiblissez avec vos doutes sans aider le commence­ment /379/ de la grâce. Prières, courage, confiance non en vous, mais dans la puissante protection de Marie.

Que Dieu vous bénisse et que la Ste Vierge vous protège. Priez aussi pour moi, pauvre votre serviteur.

Abbé J. Bosco

Turin, 25 mai 1887 (Epist. IV, 419).







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1 « Pour ceux qui aiment Dieu tout concourt à leur bien » (Rom 8,28)


2 Comporte-toi en homme. Ne sera couronné que celui qui aura com­battu selon les règles (2 Tim 2,5). Mais les luttes de cette vie sont autant de couronnes que le Seigneur nous tient préparées dans le ciel. Prie pour moi.

3 « Qui vous écoute m'écoute » (Lc 10,16).

4 « Je puis tout en Celui qui me rend fort »(Phit 4,13).

5 « Prions l'un pour l'autre, pour que nous soyons sauvés »(voir Jac 5,16).


6 Cette invocation à saint Amboise s'explique par la date de la lettre, rédigée le jour de la fête liturgique de ce saint.

7 Dans le texte : « di V. S. benemerita ». Cette formule de politesse épistolaire et d'autres analogues sont difficilement traduisibles en français. Nous les traduirons avec souplesse.


8 Aucune messe de Requiem à célébrer pour vous.


9 La mission d'Amérique était lancée depuis un an. Les autres étaient encore et restèrent à l'état de projet.


10 Souligné par Don Bosco. C'est une allusion, semble-t-il, à des évé­nements politiques.

11 Noter la date de la lettre : Don Bosco est à l'extrême de ses forces.

12 Nom français donné au beau-père de la marquise.

13 L'expérience avait enseigné à Don Bosco que de nombreuses et excellentes vocations d'adultes existent parmi les travailleurs de la campa­gne et des villes. Et c'est pour les éveiller et les soutenir qu'il avait fondé en 1875 l'Oeuvre de Marie-Auxiliatrice.

14 Don Bosco a toujours été attentif au témoignage particulier que les instituts de vie active apportent à l'homme moderne sensible à l'efficacité. C'est entre autres ce qui le faisait souffrir lorsqu'il expérimentait, précisément en ces années, l'opposition de son propre archevêque (voir plus loin le texte 129).


15 Confrères dans le sacerdoce. Parmi eux, le chanoine Cavina, que Don Bosco désigna comme « décurion » c'est-à-dire animateur d'un grou­pe de Coopérateurs.

16 Les raisons de cette prise de position sont expliquées plus loin par Don Bosco lui-même : voir texte 147, pp. 421-425.


17 Don Bosco lui-même.

18 «.., comme un bon soldat du Christ »(selon 2 Tim 2,3).

19 « Je puis tout en Celui qui me rend fort »(Phil4, 13).

20 « Le Christ était hier, il est aujourd'hui » (Heb 13, 8).

21 A l'occasion de sa fête, la Saint Jean Baptiste (24 juin).


22 En 1877 Don Bosco avait acquis à Mathi près de Turin une fabri­que de papier : le 3 février 1882 une explosion et un incendie la détruisirent presque entièrement.


23 « Depuis votre dernière visite ».


24 L'une des manifestations lés plus singulières de ces relations entre Don Bosco et le jeune Louis défunt consiste en deux « voyages » prophéti­ques accomplis en rêve : sous la conduite du jeune homme rayonnant de beauté, Don Bosco traverse une première fois l'Amérique Latine, une autre fois l'Afrique et la Chine, découvrant les régions où viendraient travailler les Salésiens. Voir les allusions au premier voyage dans les lettres des 15 oc­tobre 1883 et 11 février 1884 : « histoire américaine... voyage que j'ai fait avec notre cher Louis » (songe du 29 août 1883, texte manuscrit, voir MB XVI, 385-394, et C. Romero, Sogni di Don Bosco, LDC, Torino 1978, 79­93) ; et au second voyage, dans cette lettre-ci et dans une autre du 15 jan­vier 1886 : « promenade en Chine avec notre bon Louis » (songe de 1885, raconté le 2 juillet et enregistré par Don Lemoyne : voir MB XVII, 643­647). Voir plus loin p. 503, note 18.

25 Selon les indications reçues, Don Rua envoya ce billet à la comtesse après la mort de Don Bosco (31 janvier 1888). Le comte était mort peu avant, le 1er janvier.


26 C'est-à-dire vous n'aviez pas bien compris mes paroles. Mlle Lou­vet était venue à Turin pour la fête du 24 mai. Elle avait trouvé Don Bosco à bout de forces, et à quelques-unes de ses paroles, elle avait compris qu'el­le ne le reverrait plus. Au moment du départ, elle éclata en sanglots.