Aux coopérateurs salésiens p. 271-296

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II


AUX COOPÉRATEURS SALÉSIENS



Les Coopérateurs sont en réalité la première fondation de la Famille apostolique salésienne. Dès les débuts de son oeuvre (1841), Don Bosco, seul devant une tâche immense, fait appel à la générosité de collaborateurs non seulement prêtres, mais aussi laïcs, hommes et femmes. Il leur deman­de des services concrets : assistance et catéchisme dans ses oratoires, soulagement des misères rencontrées autour de soi, dons en argent pour subvenir à ses immenses besoins, un peu plus tard diffusion de la bonne presse... Mais à tra­vers tout cela, il leur propose également un idéal de sainteté chrétienne. Très tôt, à partir de 1845, il se préoccupe de donner à leur groupe une consistance spirituelle et pastora­le, mais aussi juridique devant les autorités de l'Eglise : par les rescrits du 18 avril 1845 et du 28 septembre 1850 il ob­tient pour eux des faveurs spirituelles, et par le décret du /271/ 31 mars 1852 il est reconnu comme leur « directeur-chef ». Il les appelle « Promoteurs ou Coopérateurs salésiens, cons­titués comme en vraie Congrégation sous le titre de S. Fran­çois de Sales » (docum. 1876, Archives 133,3). De leur grou­pe, aux structures encore extrêmement souples, se détachent en 1858 ceux avec lesquels Don Bosco fonde la Pieuse Socié­té Salésienne ; mais à cette société religieuse les Coopéra­teurs restent tellement attachés que les Constitutions alors élaborées sont conçues par Don Bosco lui-même comme va­lables pour eux aussi, étant prévues les adaptations requises par leur situation séculière. Pendant dix ans, de 1864 à 1874, c'est-à-dire durant toute la période de cette élaboration, Don Bosco tente auprès des autorités romaines de les faire agréger comme « membres externes » à l'unique « Société de S. François de Sales ».

En vain. Le projet était trop en avance sur les disposi­tions canoniques du moment. Déçu, mais non découragé, il le reprit sous une autre forme. Et en 1876, il donnait au groupe des Coopérateurs son propre Règlement, consacrant par là son autonomie vis-à-vis de la Société salésienne. II lui donnait le nom officiel de Pieuse Union des Coopérateurs Salésiens1. Sans tarder non plus, il fondait le Bulletin Salésien (1877), gratuitement envoyé à tous les Coopéra­teurs comme organe d'information, de formation et d'union dans la même tâche et le même esprit. Les dix der­nières années de sa vie, une bonne part de ses efforts furent consacrés à susciter et animer des groupes de Coopérateurs.

Sur le plan de la spiritualité, ce secteur de la tâche de Don Bosco a son intérêt. Nous avons vu, dans les textes /272/ pré­cédents, sa propension à conduire peu à peu tous les chré­tiens, adultes et jeunes, à une vie chrétienne active, résolu­ment tournée vers. le service du prochain. A ses Coopéra­teurs, il ne fait que proposer plus nettement cet idéal, en in­sistant sur le service de la jeunesse abandonnée et sur les va­leurs spirituelles salésiennes qui l'orientent et le soutien­nent : rencontre du Christ dans les petits et les pauvres, grandeur divine de toute tâche apostolique, conscience de la responsabilité de celui qui a envers celui qui n'a pas, sens du travail ecclésial au sein d'une Famille vouée à la croissance de l'Eglise et du Royaume de Dieu, esprit de joie et de paix... Tout cela, dit et redit en des formules très simples, comme le montreront les textes ici présentés 2.



Selon l'ordre chronologique, il aurait fallu citer tout d'abord les textes écrits pour les Salésiens religieux. Nous avons préféré citer dès maintenant les textes tardifs qui s'adressent aux Coopérateurs, parce que, sur le plan spiri­tuel, ils constituent une sorte de transition entre le type de sainteté chrétienne proposé à tous et celui proposé aux Salé­siens consacrés. On verra que les exigences de Don Bosco étaient grandes, mais toujours soulevées par une sorte d'en­thousiasme de la charité qui les faisait accepter de grand cceur. /273/

Enfin, un choix de lettres de notre saint à ses Coopéra­teurs et Coopératrices dans la section suivante permettra de compléter la physionomie spirituelle de ce type de disciples de Don Bosco.



78. Une règle de vie chrétienne apostolique pour laïcs. Le projet des « Associés » (1874).



Entre 1874 et 1876, avant même le règlement définitif, Don Bosco élabora divers projets de règlement des Coopérateurs. Nos archives en conservent trois 3. Nous citons ici quelques extraits du premier, le plus proche chronologiquement de son projet primi­tif d'une unique Société, puis des extraits du Règlement définitif. Ils permettent de vérifier en toute clarté comment Don Bosco pro­posait à ses Coopérateurs une voie de sainteté par l'action aposto­lique et caritative, ce qui, bien entendu, n'excluait ni le détache­ment ni la prière.



Associés à la Congrégation de S. François de Sales

Association salésienne. - De nombreux fidèles chré­tiens, de nombreuses personnes dignes de considération, en vue de mieux assurer leur salut éternel, ont demandé à /274/ plu­sieurs reprises que soit constituée une association salésienne qui, fidèle à l'esprit des membres religieux, proposât aux membres externes une règle de vie chrétienne4 consistant en la pratique dans le monde des règles (salésiennes) qui sont compatibles avec leur propre situation.

Combien s'éloigneraient volontiers du monde pour évi­ter les dangers de se perdre, jouir de la paix du coeur et pas­ser ainsi leur vie dans la solitude, dans la charité de notre Seigneur Jésus-Christ ! Mais tous ne sont pas appelés à cet état. Beaucoup en sont empêchés de façon absolue par leur âge, beaucoup par leur condition, beaucoup par leur état de santé, un très grand nombre par absence de vocation. C'est pour répondre à ce désir si fréquent qu'est proposée la pieu­se association de S. François de Sales.

Le but en est double :

1° Proposer un moyen de perfection5 à tous ceux qui sont raisonnablement empêchés d'aller se retirer en quelque institut religieux. /275/

2° Participer aux oeuvres de piété et de religion que les membres de la Congrégation salésienne accomplissent en public et en privé sous diverses formes pour la plus grande gloire de Dieu et pour le bien des âmes.

On peut facilement obtenir ces deux avantages en obser­vant les règles de cette Congrégation sur les points qui sont compatibles avec l'état de chacun.

3° Vient s'y ajouter un motif peut-être plus essentiel en­core que les autres : la nécessité de s'unir pour faire le bien. C'est un fait que les hommes de ce monde s'associent pour leurs affaires temporelles ; ils s'associent pour la diffusion de la mauvaise presse, pour répandre dans le monde de mauvaises maximes ; ils s'associent pour propager l'erreur, répandre de faux principes parmi la jeunesse imprudente, et ils y réussissent merveilleusement.

Et les catholiques resteront sans rien faire, ou séparés l'un de l'autre de sorte que leurs oeuvres seront paralysées par les mauvais ? Jamais ! Unissons-nous tous par le moyen des règles de la Congrégation salésienne ; que ses membres ne fassent qu'urn coeur et qu'une âme avec les associés exter­nes. Qu'ils soient de vrais confrères. Que le bien de l'un soit le bien de tous, que le mal de l'un soit éloigné comme le mal de tous. Nous atteindrons certainement ce grand but par le moyen de l'association à la Congrégation de S. François de Sales.



But de cette Association. - Donc le but de cette Asso­ciation est d'unir les bons catholiques dans la volonté de promouvoir le bien de notre sainte religion et en même temps mieux assurer son propre salut par la pratique de cel­les des règles de la Société de S. François de Sales qui sont compatibles avec l'état de qui vit dans le monde.

Et maintenant, voici les choses principales auxquelles est invité chaque associé.

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1. Il s'emploiera à faire du bien à lui-même par l'exerci­ce de la charité envers le prochain, spécialement envers les enfants pauvres et abandonnés. Quand ceux-ci sont éduqués dans la sainte crainte de Dieu, on diminue le nombre des po­lissons, on réforme la société, et on sauve un très grand nombre d'âmes pour le paradis.

2. Recueillir des enfants pauvres, les instruire dans sa propre maison, les avertir dans les dangers, les conduire là où ils pourront être instruits dans la foi : voilà un vaste champ sur lequel chaque associé peut utilement porter son effort. Celui qui ne peut réaliser cela par lui-même pourra le réaliser par l'intermédiaire d'autres personnes, par exemple en envoyant ou en invitant un compagnon, un parent, un ami, une connaissance à prêter l'aide dont il est capable. On peut également suppléer l'action directe en priant pour ceux qui travaillent ou en fournissant des ressources matérielles là où il y a besoin.

3. En ces temps troublés, où le manque de vocations à l'état ecclésiastique se fait gravement sentir, chacun aura soin d'assister les jeunes gens spécialement touchés par la pauvreté qui donneraient des signes de vocation...

4. Chaque associé aura particulièrement à coeur d'em­pêcher tout discours et tout acte qui soient contre le Pontife romain et contre son autorité suprême. Donc observer les lois de l'Eglise et en promouvoir l'observance, inculquer le respect envers le Pontife romain 6, les évêques, les prê­tres ; promouvoir catéchismes, neuvaines, triduums, exerci­ces spirituels ; et en général participer et inviter les autres à /277/ participer à l'écoute de la parole de Dieu : voilà autant de choses qui sont propres à cette Association.

5. Etant donné qu'en notre temps on diffuse par le mo­yen de la presse tant de livres et tant de slogans irreligieux et immoraux, les Salésiens7 mettront le plus grand soin à empêcher cette diffusion et à répandre de bons livres, feuil­lets, opuscules, imprimés de toute sorte dans les endroits et parmi les personnes où il apparaîtra opportun de le faire. Qu'on le fasse d'abord dans sa propre maison, auprès de ses parents, amis et connaissances, ensuite partout où l'on pourra 8.



Règles pour les associés salésiens

1. Toute personne peut se faire inscrire à cette Associa­tion pourvu qu'elle ait atteint l'âge de seize ans, qu'elle ait une conduite honorable, qu'elle soit un catholique sincère, obéissant à l'Eglise et au Pontife romain.

2. Aucune pénitence extérieure n'est prescrite ; mais chaque associé doit se distinguer des autres chrétiens par la modestie dans la façon de se vêtir, la frugalité de la table, la simplicité de l'ameublement, la réserve dans les discours, et l'accomplissement précis de ses propres devoirs. (Suivent treize autres articles).

(Archives 133, Cooperatori 2,2 ; voir MB X, 1310-1312)

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79. Le Règlement définitif (12 juillet 1876)



Coopérateurs salésiens ou moyen pratique de se rendre utile à la société en favorisant les bonnes moeurs 9

(...) IIL - But des Coopérateurs salésiens. - Le but fondamental des Coopérateurs salésiens est de tendre à leur propre perfection, par un genre de vie qui se rapproche au­tant que possible de la vie de communauté. Bien des gens quitteraient volontiers le monde pour le cloître, mais ils en sont empêchés par des raisons d'âge, de santé, de condition, souvent faute d'en avoir les moyens ou l'opportunité. Ceux­ci en se faisant Coopérateurs salésiens peuvent, au sein mê­me de leur famille et de leurs occupations ordinaires, vivre comme faisant partie de la Congrégation. Partant, le Souve­rain Pontife a assimilé cette Association aux anciens tiers­ordres, avec cette différence que ceux-là se proposaient de tendre à la perfection chrétienne par l'exercice de la piété, et que notre but principal est l'exercice actif de la charité /279/ en­vers le prochain, et plus spécialement envers la jeunesse ex­posée aux dangers du monde et de la corruption 10.

4. Chaque année seront organisées au moins deux confé­rences : l'une à la fête de Marie Auxiliatrice, l'autre à la fête de S. François-de-Sales.



(...) VI. - Obligations particulières

1. Les membres de la Congrégation salésienne considè­rent tous les Coopérateurs comme des frères en Jésus Christ et s'adressent à eux toutes les fois que leur concours peut être utile à la plus grande gloire de Dieu et au bien des âmes. Les Coopérateurs, s'il en est besoin, recourront avec la mê­me liberté aux membres de la Congrégation salésienne 11.

2. Tous les associés, comme enfants du même Père céles­te et frères en Jésus-Christ, feront tout leur possible pour ai­der et soutenir les oeuvres de l'Association, soit à leurs pro­pres frais, soit par les aumônes qu'ils pourront recueillir auprès des personnes charitables...

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VII. - Avantages spirituels 12

1. Notre Saint-Père le Pape Pie IX par un décret du 30 juillet 1875 étend aux bienfaiteurs de cette Congrégation et aux Coopérateurs salésiens toutes les faveurs, grâces spi­rituelles et indulgence accordées aux religieux salésiens, hors celles qui se rapportent à la vie commune.

2. Ces mêmes bienfaiteurs et Coopérateurs auront part à toutes les messes, prières, neuvaines, triduums, exercices spirituels, prédications, catéchismes et à toutes les oeuvres de charité que les religieux salésiens feront dans l'exercice de leur saint ministère, dans le monde entier.

3. Ils participeront également à la messe et aux prières qui se font chaque jour dans l'église de Marie-Auxiliatrice à Turin pour les bienfaiteurs et leurs familles et plus spéciale­ment pour ceux qui ont fait quelque bien moral ou matériel à la Congrégation salésienne.

4. Le lendemain de la fête de saint François de Sales, tous les prêtres salésiens et leurs Coopérateurs célèbreront la sainte messe pour les confrères défunts. Ceux qui ne sont pas prêtres tâcheront de faire la sainte communion et de ré­citer le chapelet à la même intention.

5. Si un confrère tombe malade il faut en donner avis au /281/ supérieur, qui ordonnera aussitôt des prières spéciales pour lui. Il en sera de même à la mort de tout Coopérateur.



VIII. - Pratiques religieuses

1. Aucune pratique extérieure n'est prescrite aux Coopé­rateurs salésiens, mais afin que leur vie puisse se rapprocher en quelques points de la vie des religieux, on leur recom­mande la modestie dans leurs vêtements, la frugalité dans leur nourriture, la simplicité dans leur ameublement, la ré­serve dans leurs paroles, l'exactitude aux devoirs de leur état, tâchant que le repos et la sanctification des jours de fê­te soient exactement observés par ceux sur qui ils ont autori­té13.

2. On leur conseille de faire chaque année quelques jours de retraite. Le dernier de chaque mois, ou tout autre jour à leur convenance, ils feront l'exercice de la bonne mort, se confessant et communiant comme si c'était réellement pour la dernière fois14. On gagne une indulgence plénière pour /282/ la retraite annuelle et le jour où l'on fait l'exercice de la bon­ne mort.

3. Tous les associés diront chaque jour un Pater et un Ave à saint François de Sales suivant l'intention du Souve­rain Pontife15. Les prêtres et ceux qui récitent les Heures canoniques ou l'office de la sainte Vierge sont dispensés de cette prière. Pour eux, il suffira d'ajouter cette intention à la récitation de l'office.

4. Il est recommandé de s'approcher souvent des sacre­ments de Pénitence et d'Eucharistie, les associés pouvant gagner chaque fois l'indulgence plénière.

5. Toutes ces indulgences, tant plénières que partielles, peuvent être appliquées par manière de suffrage aux âmes du Purgatoire, excepté celle in articulo mortis, qui est exclu­sivement personnelle et ne peut être gagnée qu'au moment où l'âme en se séparant du corps entre dans l'éternité.

Avis. - On recommande vivement la fidélité à ces règles pour les nombreux avantages que chacun peut en retirer. Toutefois, pour ne point donner lieu à des troubles de con­science, nous nous empressons d'avertir que leur observance n'oblige point sous peine de péché ni mortel ni véniel, si ce n'est pour les choses qui seraient d'ailleurs imposées ou dé­fendues par les commandements de Dieu et de l'Eglise.

(pp. 37-41)

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80. Coopérateurs : des faits et non pas des pro­messes



Du « Bulletin Salésien », septembre 1877

Dans le premier numéro du Bolletino Salesiano, Don Bosco prit soin d'expliquer le titre officiel qu'il avait donné au règlement de 1876 : Cooperatori Salesiani, ossia Un modo pratico... (voir p. 279). Précieuse petite synthèse, où se manifeste l'esprit réaliste de la spiritualité de Don Bosco16 .

Des Coopérateurs. - Le titre du diplôme ou du livret présenté aux Coopérateurs explique quel est leur but. Donnons-en toutefois une brève explication. Sont appelés Coopérateurs salésiens ceux qui désirent s'occuper d'aeuvres de charité non pas en général, mais de façon particulière, en accord et selon l'esprit de la Congrégation de S. François­ de-Sales.

Un Coopérateur peut faire du bien privément, mais le ré­sultat en reste fort limité et le plus souvent de brève durée. Au contraire, uni à d'autres, il trouve appui, conseil, encou­ragement, et souvent avec une légère fatigue il obtient beau­coup, parce que les forces même faibles deviennent fortes quand elles s'unissent. De là la grande maxime : l'union fait la force, vis unita fortior.

Aussi nos Coopérateurs, adhérant au but de la Congré­gation salésienne, s'emploieront selon leurs forces à /284/ recueil­lir les garçons en danger et abandonnés dans les rues et les places : les conduire au catéchisme, les occuper agréable­ment les jours fériés, les placer auprès d'un patron honnête, les diriger, les conseiller, les aider de toutes les manières pos­sibles pour faire d'eux de bons chrétiens et d'honnêtes citoyens. Les règles à suivre dans les oeuvres qui seront pro­posées dans ce but aux Coopérateurs sera matière du Bulle­tin Salésien.

On ajoute les paroles moyen pratique pour signifier qu'il ne s'agit pas d'une confraternité, ni d'une association reli­gieuse, littéraire ou scientifique, pas davantage d'un jour­nal, mais d'une simple union de bienfaiteurs de l'humanité, prêts à fournir non des promesses, mais des faits, des soucis, des dérangements et des sacrifices pour se rendre utile au prochain. On a mis « un moyen pratique » : car nous ne voulons pas dire que ce soit là l'unique moyen de faire du bien au sein de la société ; au contraire nous approuvons et louons hautement toutes les institutions, unions, associa­tions publiques et privées qui ont pour but d'améliorer l'hu­manité, et nous prions Dieu d'envoyer à toutes les moyens moraux et matériels pour se maintenir, progresser et at­teindre leurs buts. A notre tour nous voulons ici proposer un moyen d'agir, et ce moyen nous le proposons dans l'As­sociation des Coopérateurs saiésiens.

Les paroles favoriser les bonnes mœurs font comprendre encore plus clairement ce que nous désirons faire et quel est notre projet commun.

Totalement étrangers à la politique, nous nous tiendrons constamment éloignés de tout ce qui pourrait devenir une gêne pour quelqu'une des personnes constituées en autorité /285/ sur le plan civil ou ecclésiastique17. Notre programme se­ra invariablement celui-ci : laissez-nous nous occuper des jeunes pauvres et abandonnés, et nous ferons tous nos ef­forts pour leur faire le plus grand bien possible. C'est ainsi que nous pensons pouvoir favoriser les bonnes moeurs et être utiles à la civilisation.

(pp. 1-2)



Quatre conférences aux Coopérateurs



Dans les très nombreuses conférences qu'il adressa aux Coopé­rateurs18 , Don Bosco traitait habituellement les mêmes thè­mes : bilan des ceuvres entreprises, exposé des projets et des be­soins immédiats, appel au dévouement généreux des Coopéra­teurs. Développant ce troisième point, il évoquait souvent l'obliga­tion de donner son superflu, la grandeur du service d'autrui et sa valeur rédemptrice. Il savait, en homme évangélique, allier la déli­catesse envers les personnes avec l'intransigeance de la doctrine.

Des quatre conférences que nous citons partiellement, deux ont été adressées à des Coopérateurs du midi de la France.

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81. L'unique question que vous posera le souverain Juge

Première conférence aux Coopérateurs de Nice (12 mars 1877) 19

Dieu est riche, d'une richesse et d'une générosité infinie. Etant riche, il nous récompensera largement pour tout ce que nous ferons pour lui. Etant Père d'une infinie générosi­té, il nous payera la moindre des choses avec abondante me­sure. Il a dit dans l'Evangile : « Vous ne donnerez pas un verre d'eau fraîche en mon nom à l'un des plus petits, à un indigent, sans qu'il n'obtienne la récompense ».

« L'aumône, nous dit-il encore dans le livre de Tobie, purifie l'âme des péchés, fait trouver miséricorde en la pré­sence de Dieu et conduit à la vie éternelle. Eleemosyna est quae a morte liberat : purgat peccata, facit invenire miseri­cordiam et vitam aeternam. »

Parmi les grandes récompenses, il y a aussi cette promes­se solennelle du Divin Sauveur, qu'il regardera comme faite à lui-même, toute aumône faite aux malheureux. Si nous /287/ voyions notre bon Jésus s'en aller mendiant par nos place, et par nos rues, venir frapper à nos portes, se trouverait-i' encore un chrétien qui ne lui offrît généreusement jusqu'au dernier sou de sa bourse ? Cependant le Sauveur est repré­senté dans la personne des pauvres les plus délaissés. « Tout ce que vous ferez aux plus méprisables, vous le ferez à moi-même », dit-il. Donc ce ne sont plus les pauvres enfants qui nous demandent la charité de l'aumône, c'est Jésus lui­même en leurs personnes.

Que dirons-nous de la récompense exceptionnelle que le bon Dieu nous réserve dans le moment le plus important et le plus difficile, à l'heure qui sera pour décider de notre vie ou toujours heureuse ou toujours malheureuse ? Lorsque nous nous présenterons, Messieurs, au tribunal suprême du Souverain Juge pour rendre compte des actions de notre vie, ce qu'il nous rappellera ne seront pas les maisons que nous aurons bâties, les économies faites, la gloire acquise ou les richesses amassées. Il nous dira uniquement :« Venez les bénis de mon Père céleste, venez prendre possession du ro­yaume qui vous a été préparé ; car, j'avais faim, et en la per­sonne des pauvres vous m'avez donné à manger, j'avais soif, et vous m'avez donné à boire, j'étais nu et vous m'avez habillé ; j'étais sans toit et vous m'avez logé. Tunc dicet Rex his qui a dextris ejus erunt : Venite, benedicti Patris mei, possidete paratum vobis regnum a constitutione mundi. Esurivi enim et dedistis mihi manducare ; sitivi et dedistis mihi bibere ; hospes eram et collegistis me ; nudus et coope­ruistis me » (Mt 25, 54-56).

Ces mots consolants et autres semblables, tels qu'ils sont écrits dans l'Evangile, seront prononcés en ce dernier jour par le Juge Souverain. Ensuite il bénira les âmes charitables et les introduira dans la bienheureuse possession de la vie éternelle.

(pp.35 et 37)

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82. Grandeur et récompense de l'amour actif mani­festé aux jeunes.



Première conférence aux Coopérateurs de Turin (16 mai 1878) 20

Notez bien toute la grandeur de la grâce du Seigneur qui vous met entre les mains les moyens de coopérer au salut des âmes. Oui ! il est entre vos mains, le salut éternel de beau­coup d'âmes. A travers les faits que j'ai racontés jusqu'à présent, vous avez vu que grâce à la coopération des bons, un très grand nombre ont retrouvé le chemin du ciel qu'ils avaient perdu.

Je devrais maintenant vous adresser mes remerciements les plus sentis. Mais quels remerciements ? Je ne peux pas vous les adresser. Que ce soit moi à vous remercier serait une trop petite récompense de vos bonnes oeuvres. Je laisse­rai le Seigneur vous remercier lui-même. Oui, Notre Sei­gneur a dit plusieurs fois qu'il considère comme fait à lui­même ce que l'on fait pour le prochain. D'autre part il est certain que la charité qui ne se limite pas au corps, mais a aussi un but spirituel, reçoit un mérite encore plus grand. Et je voudrais dire : non seulement elle a un prix meilleur, mais elle a quelque chose de divin.

Voulez-vous faire une oeuvre bonne ? Eduquez la jeu­nesse. Voulez-vous faire une chose sainte ? Eduquez la jeu­nesse. Voulez-vous faire une chose très sainte ? Eduquez la /289/ jeunesse. Voulez-vous faire une chose divine ? Eduquez la jeunesse. Mieux encore, des choses divines celle-ci est la plus divine. Les saints Pères s'accordent à répéter cette maxime de saint Denis : Divinorum divinissimum est cooperari Deo in salutem animarum. Et recourant à saint Augustin pour expliquer cette phrase, on dit que cette oeuvre divine est une garantie absolue de sa propre prédestination : Animam sal­vasti, animam tuam praedestinasti. Vous donc, en vous en­gageant à accomplir ces grandes tâches dont j'ai parlé, vous pourrez avoir l'assurance de procurer le salut à votre âme. C'est pourquoi je ne m'attarde pas à vous adresser des re­merciements particuliers... Vous faites des sacrifices, mais rappelez-vous que Jésus-Christ a fait un sacrifice bien plus grand, celui de lui-même : nous ne nous rapprocherons ja­mais assez du sacrifice qu'il a consenti pour nous...

(MB XIII, 629-630)



83. « Je n'aurai pas l'audace de changer la doctrine du Christ »



Conférence aux Coopérateurs de Marseille (17 février 1881) 21



« Mon Dieu, je dis, pourquoi vous m'avez pas créé ri­che, pourquoi vous me donnez pas de l'argent pour recevoir /290/ chez nous tous les pauvres garçons et en faire des bons cito­yens sur la terre et des bons chrétiens pour le ciel en prépa­rant aussi un bon avenir à la société civile ? »

C'est vrai, je n'ai pas le bonheur des richesses, mais j'ai l'incomparable bonheur d'avoir des Coopérateurs et des Coopératrices, qui sont bien riches de bonne volonté, de charité, qui ont déjà fait, qui font et qui feront toujours tous les sacrifices pour venir en aide à accomplir et à soute­nir l'oeuvre de Dieu, l'oeuvre protégée par notre Grande Mère, la très Sainte Vierge Marie.

Courage donc, à l'oeuvre, ô charitables Coopérateurs, courage, à l'oeuvre ! Mais comment faire à trouver l'argent ? Dieu nous le dit : « Quod superest, date elee­mosynam : tout le superflu donnez-le en aumône ». Mainte­nant donnez votre superflu pour l'orphelinat Beaujour, et l'orphelinat sera terminé22.

Mais vous me dites : « Quelle chose entendez-vous par superflu ? » Ecoutez, mes respectables Coopérateurs. Tout le bien temporel, toutes les richesses vous ont été données par Dieu ; mais, en les donnant, il nous donne la liberté de choisir tout ce qui est nécessaire pour nous. Pas plus. Mais Dieu qui est maître de nous, de nos propriétés et de tout no­tre argent, Dieu demande un compte sévère de toutes les choses qui ne nous sont pas nécessaires, si nous ne les donnons pas selon son commandement. Je suis sûr que si nous, avec une bonne volonté, nous mettons de côté notre superflu, nous aurons sans doute les moyens nécessaires pour notre œuvre. /291/

Vous direz :« Est-ce une obligation de donner tout le superflu en bonnes oeuvres ? » Je ne peux pas vous donner d'autre réponse hors de celle-là que le divin Sauveur nous commande de donner :« Donnez le superflu ». Il a pas voulu fixer de bornes, et moi je n'ai l'hardiesse de changer sa doctrine.

Je vous dirai seulement que notre Seigneur, dans la crainte que les chrétiens n'auraient pas bien compris ces pa­roles et croient qu'il ne veut pas leur donner une grande im­portance, il a ajouté que c'est plus facile qu'un chameau entre dans le trou d'une aiguille, qu'un riche se sauve. C'est­à-dire qu'il faut un miracle,. et un grand miracle, dit saint Augustin, qu'un riche se sauve, s'il fait pas un bon usage de ses richesses en donnant le superflu aux pauvres. Entrons donc dans nos maisons et on trouvera quelque chose de su­perflu dans les habillements, dans les meubles, dans la table, dans les voyages, dans les frais et dans la conservation de l'argent et dans des autres choses qui ne soient pas nécessai­res.

Autre moyen encore pour venir en aide aux pauvres, c'est de nous constituer comme des quêteurs et des quêteu­ses en faisant connaître à nos parents, à nos amis l'impor­tance de faire l'aumône. C'est Dieu qui nous le dit : « Don­nez et on vous donnera. Date et dabitur vobis ». Voulez­vous des grâces et effacer vos péchés de l'âme ? Faites de l'aumône. Eleemosyna est quae purgat peccata. Voulez-vous vous assurer d'avoir miséricorde chez Dieu ? Faites l'aumô­ne. Facit invenire misericordiam. Voulons-nous nous assu­rer le bonheur éternel du paradis ? Eleemosyna est quae fa­cit invenire misericordiam et vitam eternam 23. Dieu nous /292/ promet le centuple de toutes nos bonnes oeuvres ; Dieu maintiendra sa parole, soit avec une grande abondance des grâces temporelles, soit spirituelles.

Mais dans l'autre vie quelles choses nous gagnerons avec l'aumône ? On goûtera le bonheur éternel ; et les âmes que nous avons soignées, mises dans l'orphelinat, habillées, nourries, seront des puissantes protectrices chez Dieu au moment que nous nous présenterons au tribunal de Dieu pour Lui rendre compte des actions de la vie...

(Archives 132, Conférences H 5 ; voir MB XV, 693-695)



84. « Je vous dis que celui qui ne donne pas son superflu fait un vol au Seigneur »



Conférence aux Coopérateurs de Lucques (8 avril 1882) 24

Mais venons-en un peu à la pratique. L'un aura mille francs de rente et il peut vivre honnêtement avec huit cents ; eh bien les deux cents qui restent tombent sous les paroles : Faites l'aumône. /293/

- Mais une nécessité imprévue, une mauvaise récolte, une malchance dans le commerce... - Mais serez-vous en­core en vie à ce moment ? Et puis, Dieu qui vous aide pré­sentement ne vous aidera-t-il pas spécialement si vous avez donné pour son amour ? Je vous dis que celui qui ne donne pas son superflu fait un vol au Seigneur et, avec saint Paul, il n'héritera pas du Royaume de Dieu25 .

- Mais ma maison est pauvre ; j'ai besoin de renouve­ler l'ameublement déjà passablement vieilli et qui n'est plus au goût du jour. - Si vous le permettez, j'entre avec vous dans votre maison. Je vois là un ameublement très recher­ché, ici une table avec un riche service, ailleurs un tapis en­core bon. Ne pourrait-on pas renoncer à changer ces objets, et au lieu d'orner les murs et le parquet, couvrir tant de pauvres garçons qui souffrent et qui sont les membres de Jé­sus Christ et le temple de Dieu ? Je vois là briller de l'argent, de l'or, des bijoux ornés de brillants.

- Mais c'est un souvenir... - Attendez-vous que les voleurs viennent vous les prendre ? Vous ne les utilisez pas, ils ne vous sont pas nécessaires. Prenez ces objets, vendez-­les, et donnez-en le prix aux pauvres : vous les donnez à Jé­sus Christ et vous vous assurez une couronne dans le ciel. En agissant ainsi, vous ne déséquilibrez en rien vos avoirs, vous ne vous privez pas du nécessaire.

Et cette cassette si bien fermée ? - Ce n'est rien. - Ce n'est rien ? Laissez-moi voir. - Voilà : c'est un petit millier de napoléons d'or. Je les garde parce que peut survenir une maladie. Et puis j'ai un voisin qui m'incommode : je vou­drais acheter sa propriété, et la mienne aurait ainsi une meil­leure /294/ vue. - Mais c'est du superflu, vous dis-je. Vous êtes obligé de prendre cet argent qui ne sert à personne et d'en faire ce qu'ordonne Jésus Christ. Vous voulez le conserver ? Eh bien, conservez-le, mais écoutez : le démon viendra, et de cet argent il fera une clé pour vous ouvrir l'enfer. Si vous voulez échapper à un tel malheur, suivez l'exemple de saint Laurent et secourez les pauvres. En donnant vos biens à qui en a besoin, vous les mettez en quelque sorte dans la main des anges : ils en feront une clé pour vous ouvrir le ciel au jour de votre mort 26...

(Bolletino Salesiano, mai 1882, pp. 81-82 ; voir MB XV, 525-526)

Cette conférence eut par la suite son histoire. En la lisant dans le Bulletin Salésien, un digne archiprêtre de la province de Bolo­gne, Don Raffaele Veronesi, en fut déconcerté et en écrivit à Don Bosco : « Il semble qu'à propos de l'obligation de l'aumône vous ayez poussé les choses peut-être au-delà des limites de ce qui est dû... Je ne saurais me faire votre disciple ni vous suivre lorsque vous dites d'en venir un peu à la pratique. Les exemples que vous apportez, semble-t-il, ne sont pas tellement en accord avec la doc­trine qu'en cette matière présentent les moralistes les plus accrédi­tés, parmi lesquels saint Alphonse lui-même » (lettre du 26 mai 1882).

Don Bosco lui répondit le 30 juin : « ... Le temps m'a manqué de vous répondre, et maintenant au lieu d'une lettre, je pense qu'il sera meilleur d'écrire un article, ou peut-être plusieurs articles, à publier dans le Bulletin Salésien » (Epist. IV, lettre 2312). L'arti­cle /295/ annoncé parut en effet, fort long, dans le numéro de juillet. Il avait pour titre : Réponse à une observation courtoise sur l'obliga­tion et la mesure de l'aumône (pp. 109-116). Son auteur était Don Bonetti, directeur de la revue, mais il avait été certainement revu par Don Bosco. La doctrine proposée dans la conférence y venait confirmée, appuyée sur les principes et sur les affirmations des Pè­res de l'Eglise : « Nous ne cesserons de prêcher et d'écrire avec saint Ambroise..., avec saint Augustin..., avec saint Basile le Grand..., avec saint Thomas : « Les biens temporels que Dieu nous concède sont bien sûr à celui qui les possède quant à la pro­priété, mais quant à l'usage ils ne sont pas seulement à lui, mais aussi à ceux qui en ont un vrai besoin » (p. 115).

Une année après, le même archiprêtre reprit la plume : « Il n'y a pas longtemps, je me trouvais dans une réunion de respectables ecclésiastiques, et le hasard voulut que la conversation tombât sur les doctrines et les maximes que soutient le Bulletin Salésien au su­jet de l'obligation de l'aumône. Et j'entendis l'un de ces prêtres, une personne qui dans tout le diocèse et en dehors est fort respec­tée pour sa piété et sa science, qui n'hésita pas à affirmer que sur ce point les doctrines du Bulletin ne sont pas soutenables, et qu'el­les tendraient à coïncider avec celles des communistes, même si el­les ont été écrites et proclamées dans un tout autre but et par une voie bien différente » (lettre du 2 septembre 1883). Suivait une ar­gumentation détaillée... Nous ne savons pas s'il lui fut répon­du 27.

En tout cas, dans l'une de ses dernières conférences aux Coo­pérateurs à La Spezia le 13 avril 1884, Don Bosco tint le même vi­goureux discours, mettant en garde ses auditeurs contre « l'amour de l'argent, l'esprit d'avarice, l'endurcissement du coeur à l'égard des pauvres » (Bolletino Salesiano, mai 1884, pp. 70-71 ; MB X­VIII, 68-71).



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1 Voir E. Ceria, I Cooperatori Salesiani. Un po'di storia, Torino SEI, 1952. - P. Stella, Don Bosco nella storia 1, 209-227. - J. Aubry, Une vocation concrète dans l'Eglise : Coopérateur salésien, Liège 1973, pp. 208.


2 La dernière fois qu'il reçut un groupe d'anciens élèves (dont un bon nombre prêtres), le 15 juillet 1886, Don Bosco leur dit :« La proposition du curé de la Grande Mère de Dieu (paroisse de Turin) d'inviter chacun d'entre vous à faire croître l’oeuvre des Coopérateurs salésiens est une pro­position magnifique, parce que les Coopérateurs sont le soutien des oeuvres que Dieu accomplit par le moyen des Salésiens... L'oeuvre des Coopéra­teurs est destinée à secouer tant de chrétiens de la torpeur dans laquelle ils sont plongés, et à répandre l'énergie de la charité... Les Coopérateurs se­ront ceux qui aideront à promouvoir l'esprit catholique » (MB XVIII, 160­161).

3 Ils ont pour titres : Associati alla Congregazione di S. Francesco di Sales (1874), Unione cristiana (imprimé en 1874), Associazione di opere buone (imprimé en 1875). Ces deux derniers peuvent se lire en Opere edi­te XXV, 403-410 et 481-494.

Le P. Desramaut les a publiés et étudiés les trois dans le 6e volume de la collection Colloqui sulla vita salesiana : Il Cooperatore nella società con­temporanea, Turin LDC, 1975, pp. 23-50 (étude) et 355-368 (texte). Les extraits du premier projet, ici publiés, proviennent d'un manuscrit de Don Bosco (8 pages).

4 Voilà l'expression décisive. Pour une part Don Bosco cède à la men­talité de son temps qui voyait dans la vie religieuse le moyen « le plus nor­mal » de la perfection chrétienne. Toutefois, son insistance à vouloir faire participer les Coopérateurs aux « règles » de la Congrégation salésienne ne signifie pas qu'il veuille faire d'eux des espèces de religieux égarés dans le monde. Il reprend tout simplement son idée antérieure d'en faire des « membres externes » de sa famille apostolique. Il leur offre la « règle de vie et de perfection » qui correspond à cette situation (à cette « vocation », dit-il un peu plus loin) de laïcs associés aux Salésiens religieux. La même perspective se retrouvera dans le Règlement définitif.


5 Nous retrouvons ici, clairement énoncée, la conviction de Don Bos­,:o, disciple de François de Sales, que la voie de la perfection est ouverte aussi aux laïcs. Le moyen original ici proposé est l'acceptation d'une règle de vie et l'entrée dans une famille spirituelle vigoureusement orientée vers un apostolat spécifique.


6 Dans les projets suivants et dans le Règlement définitif, Don Bosco supprime cette allusion explicite à l'adhésion au « Pontife romain » pour des raisons de prudence : pour ne pas faire naître des soupçons de visée po­litique, étant donné le climat du moment en Italie. Dans le concret, il a tou­iours cultivé chez les Coopérateurs un sens vif de l'Eglise et de sa hiérar­chie.

7 « Les Salésiens... »: Cette expression désigne les Coopérateurs. Don Bosco les considérait comme d'authentiques Salésiens, membres de son unique famille. Ce n'est pas la seule fois qu'il leur a donné cet appella­tif : voir MB X, 82-83.

8 Il est remarquable que Don Bosco propose aux Coopérateurs exac­tement les trois mêmes orientations apostoliques qu'à ses fils religieux : la promotion intégrale des jeunes, surtout pauvres, avec une insistance sur la catéchèse, le soin des vocations au sacerdoce parmi les étudiants pauvres, la bonne presse. « Aux Coopérateurs, dira-t-il dans le Règlement définitif, est proposée la même moisson que celle de la Congrégation salésienne à laquel­le ils entendent s'associer » (chap. IV).

9 Imprimé à Gênes, en raison Jes difficultés soulevées par l'archevê­que de Turin, sous le titre : Cooperatori Salesiani, ossia un modo pratico per giovare al buon costume e alla civile società. La présentation Au lecteur zst signée : Sac. Giovanni Bosco, et porte l'indication : Torino, 12 luglio 1876, (in Opere edite XXVIII, 339-378). Au même moment, Don Bosco faisait déjà paraître une édition française : Coopérateurs salésiens ou moyen pratique..., Imprimerie et librairie salésienne, St Pierre d'Arène, Turin, Nice, Buenos-Ayres, 1876, p. 44. C'est ce texte que nous citons. Le Règlement comporte huit chapitres ainsi intitulés : L!1 faut que les bons chrétiens s'unissent pour faire le bien. - IL La Congrégation salésienne est un lien d'union. - III. But des Coopérateurs salésiens. - IV. Moyens de coopération. - V. Constitution et gouvernement de l'Association. - % I. Obligations particulières. - VII. Avantages spirituels. - VIII. Prati­ques religieuses.

10 Don Bosco assimile donc les Coopérateurs à des tertiaires, mais d'un style nouveau : membres d'un tiers-ordre apostolique et caritatif. Les chapitres VII et VIII expliqueront d'ailleurs que cela ne va pas sans vie de prière ni sans pratique sacramentelle. Pour ses Coopérateurs Don Bosco avait demandé, le 4 mars 1876, les mêmes indulgences et faveurs dont jouissaient depuis six siècles les Tertiaires franciscains. Pie IX répondit : « Voulant donner aux Coopérateurs une marque de notre spéciale bienveil­lance, nous leur accordons toutes les indulgences, tant plénières que partiel­les, que peuvent gagner les Tertiaires de saint François d'Assise ; nous leur accordons aussi de pouvoir gagner aux jours de fête de saint François de Sales et dans les églises des prêtres de la Congrégation salésienne toutes les indulgences que les Tertiaires peuvent gagner aux jours de fête et dans les églises de saint François d Assise » (bref du 9 mai 1876 ; voir MB XI, 76­77 et 547).

11 Les Coopérateurs et leurs « frères » religieux sont donc invités à une réelle expérience de fraternité évangélique, fondée sur la grâce baptis­male de la filiation divine et sur la communion au même charisme de servi­ce de la jeunesse abandonnée.


12 Don Bosco adhérait profondément au mystère de la communion des saints. Il voulait qu'une intense circulation des biens spirituels se réali­,ât entre tous les membres de sa famille apostolique. Il trouvait là une occa­sion privilégiée d'exercer son sens très vif de la gratitude : à ceux qui « coo­péraient » par le dévouement ou par des dons en argent, il offrait à son :our la participation aux trésors spirituels de sa Congrégation, le bénéfice de prières quotidiennes, le secours spirituel aux heures de la maladie et de !'agonie, les suffrages pour les défunts. Le Règlement des Coopérateurs portait la liste précise de toutes les indulgences offertes (pp. 16-29), et cha­que numéro du Bulletin salésien appliquait, mois par mois, ce que dit glo­balement ce chapitre VII.

13 Cet article, déjà présent dans le premier projet des Associés, (voir plus haut p. 278), est important. Les Coopérateurs ne professent pas les trois voeux religieux. Ils n'en sont pas moins tenus de pratiquer les conseils évangéliques de la manière qui s'accorde à leur condition laïque : Don Bosco leur « recommande » des formes de chasteté (modeçtie, réserve), de pauvreté (frugalité, simplicité), d'obéissance (exactitude aux devoirs). Par là ils communient à l'esprit de détachement et de disponibilité de leurs frè­res religieux.

14 Don Bosco u conseille » à ses Coopérateurs quelques jours d'exer­cices spirituels chaque année. Mais il leur demande explicitement, aussi bien qu'à ses Salésiens et à ses garçons, de faire chaque mois « l'exercice de la bonne mort »: jour de réflexion, de prière, de mise au point spirituelle, de conversion, couronné par les deux démarches sacramentelles de la péni­tence et de l'eucharistie. C'était à ses yeux un moyen infaillible de progrès spirituel.


15 Formulation bien étrange ! Le Pater s'adresse... à notre Père du ciel, et l'Ave à la Vierge Marie. Don Bosco cède ici à la mentalité de l'épo­que pour laquelle le Pater et l'Ave symbolisaient toute « prière » (« pate­nôtre » hélas), même celle adressée aux saints.

16 Texte en Bibliofilo Cattolico o Bollettino Salesiano mensuale, An­née I, n° 1 septembre 1877. Typogr. de S. Vincenzo in Sampierdarena, pp. 1-2. L'article n'est pas signé, mais nous savons qu'il fut dicté par Don Bosco (voir MB XIII, 261). If fut repris dans un Supplément au numéro de mai 1880.


17 Cette phrase et la suivante répondent à une crainte plusieurs fois manifestée par certains devant la perspective de travailler ouvertement en liaison avec une Congrégation religieuse : la crainte de provoquer des soup­çons, des accusations de « politique cléricale », des oppositions de la part des autorités civiles alors en lutte avec l'Eglise et avec le Pape. Don Bosco, comme nous le verrons plus loin, proposait de s'en tenir à la règle évangéli­que : rendre à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu.

18 Ordinairement à l'occasion des fêtes de saint François de Sales (29 janvier) et de Marie Auxiliatrice (24 mai). « Nous avons la connaissan­ce certaine d'au moins 79 de ses conférences aux Coopérateurs, desquelles 28 faites en France »(E. Ceria, I Cooperatori Salesiani, Turin, SEI 1952, p. 59). Les premiers Bulletin Salésien et les Memorie Biografiche nous ont transmis la chronique d'une cinquantaine de ces conférences, le plus sou­vent avec le texte.


19 A la demande de l'évêque et de la Conférence de S. Vincent de Paul de Nice, Don Bosco avait ouvert en cette ville, à fin novembre 1875, le Patronage S. Pierre, à la fois patronage pour externes les jours de fête et internat pour les enfants abandonnés. Toutefois l'inauguration officielle et solennelle n'eut lieu que le 12 mars 1877 : Don Bosco venu tout exprès y expliqua le but de l'oeuvre et fit appel à la générosité de ses Coopérateurs. Comme il s'agissait de la première oeuvre salésienne hors d'Italie, il voulut donner à l'événement un certain retentissement en publiant un opuscule bi­lingue qui le commémorait : Inauguration du Patronage de S. Pierre à Nice maritime. But de l'oeuvre exposé par M. l'abbé Jean Bosco, avec appendi­ce sur le système préventif pour l'éducation de la jeunesse, Imprimerie et !ibrairie salésienne, Turin 1877, p. 68. L'opuscule est devenu célèbre sur­tout en raison de sa dernière partie. Texte italien et français en Opere edite XXVIII, 381-446.


20 Exceptionnellement, nous citons un texte qui n'est peut-être pas mot pour mot celui de Don Bosco. Il ne figure pas parmi les manuscrits (la conférence fut probablement improvisée) ; il n'existe qu'imprimé et sans signature. Mais-nous pensons que ces notes d'auditeur (peut-être Don Berto, ou Don Barberis) reproduisent fidèlement la pensée du saint, et en bon­ne part sa formulation elle-même. Voir Archives, Docum. Lemoyne XIX, 157-163, et MB XIII, 624-629.

21 La seconde maison salésienne française fut ouverte à Marseille le lef juillet 1878 : l'Oratoire Saint Léon, également appelé Orphelinat Beau­jour. Tout de suite elle suscita un beau groupe de Coopérateurs et Coopé­ratrices. Les archives salésiennes possèdent une copie de la conférence que Don Bosco leur adressa le 20 février 1880 (voir MB XIV, 423-425) et un précieux autographe de celle du 17 février 1881 (Archives 132, Conférences H 5 ; voir MB XV, 49 et 691-695). Cette dernière, dont nous citons le pas­sage le plus typique, fut écrite en un mauvais français que nous avons tenu à respecter.


22 Mettons en relief les étapes de la pensée du saint : 1) Dieu est maî­tre de nos biens nécessaires et de nos biens superflus. 2) II nous a donné un commandement formel de faire servir tout le superflu au bien des pauvres. 3) Ce commandement est grave : il met en jeu la vie éternelle. 4) A qui lui obéit et fait miséricorde à ses frères, Dieu à son tour se montrera miséricor­dieux en ce monde et en l'autre.

23 Sens des trois citations : « L'aumône purifie des péchés. - Elle fait trouver la miséricorde et la vie éternelle » (Tobie 12,9, selon le texte de la Vulgate).


24 Les Salésiens étaient venus fonder à Lucques en Toscane l'Oratoire de la Ste Croix, le 29 juin 1878. Don Bosco y vint par trois fois tenir la con­férence aux Coopérateurs (26 février 1879, 20 avril 1880, 8 avril 1882). Le Bollettino Salesiano en rendit compte chaque fois. Nous citons ici la fin de la troisième conférence selon la relation qu'en fit le Bollettino de mai 1882, pp. 51-82 (voir MB XV, 525-526). Le texte a été contrôlé par Don Bosco (Don Ceria nous dit : « Il lui fut possible de suivre la revue en détail jus­qu'en avril 1883 », I Cooperatori Salesiani. p. 51). L'intérêt du texte vient de ce fait que Don Bosco y répond aux objections spontanées de celui qui possède du superflu et se sent invité à en faire bénéficier le prochain. Il est clair qu'aujourd'hui le problème du superflu se pose en de tout autres ter­mes qu'au temps de Don Bosco, mais le fond et l'orientation de la pensée n'ont rien perdu de leur valeur, bien au contraire.

25 « Il n'héritera pas du Royaume de Dieu »: référence à la parole de saint Paul en I Cor 6, 9-10 :« Ne savez- vous pas que les injustes n'hérite­ront pas du Royaume de Dieu ? Ne vous y trempez pas ! Ni impudiques... ni voleurs, ni cupides... ni rapaces n'hériteront du Royaume de Dieu ».


26 De nombreux Coopérateurs et Coopératrices se laissèrent convain­cre par ces invitations que Don Bosco répétait plus ou moins dans ses diver­ses conférences. Par exemple, dans celle du 25 janvier 1883, en l'église Saint-Jean-l'Evangéliste de Turin, il louait explicitement, citant des exem­ples, les « si nombreuses trouvailles d'actes charitables » faites par des Coopérateurs « pour habiller les pauvres de Jésus ». Le texte dont nous avons la minute autographe (Archives 132, H6), peut se lire en MB XV, 22-­23.

27 Les archives salésiennes conservent les deux lettres de l'archiprêtre (126,2, Veronesi). Voir MB XV, 526-528.