Don Bosco et la vie spirituelle Chapitre V L'accomplissement humain

L'accomplissement humain


« Qu'est-ce que tu veux faire avec Don Bosco, rétorquait à Francesco Provera, vocation d'adulte, un ami, à qui il venait de manifester son intention de partager la vie salé­sienne ? Cette maison ne te convient pas : on n'y parle que de Madone, de Pater noster et de paradis ! » 1Nous savons qu'en effet Don Bosco ne lésinait pas sur les adjuvants de la vie spirituelle. Néanmoins, la « nature humaine », qu'il célébrait dans ses livres, n'était pas oubliée sous le flot de sermons, de sacrements, de dévotions et d'exercices pieux, qui semblait emporter ses disciples loin du monde et de ses joies. Ils contribuaient même à leur assurer la paix et l'allé­gresse, auxquelles leur maître tenait beaucoup, nous le verrons. Ce faisant, il s'écartait probablement de la tradition liguorienne, moins attentive que lui au bien terrestre, pour se rapprocher de la tradition oratorienne de saint Philippe Neri et, par elle, de l'ensemble de la Renaissance italienne.

Un adverbe lui suffisait à marquer ses distances d'avec une proposition de saint Alphonse. A s'en tenir au passage compilé des Massime eterne, saint Alphonse ne semblait connaître pour l'homme qu'une fin supraterrestre : « Tu n'es pas né ni ne dois vivre pour jouir, pour t'enrichir et devenir puissant, pour manger, pour boire et pour dormir, comme les brutes, mais seulement pour aimer ton Dieu et te sauver éternellement. » Le saint ne voyait apparemment dans les biens d'ici-bas que des moyens offerts à l'homme « pour [l'] aider à atteindre [sa] grande fin »2. Dans l'adaptation de ces lignes pour le Garçon instruit, Don Bosco, qui n'a pas explicitement doublé les buts, disant même : « L'unique fin pour laquelle [Dieu] te créa est d'être aimé et servi [par toi] dans cette vie », enchaîna, au prix d'une contradiction implicite : « De sorte que tu n'es pas seulement au monde pour jouir, pour t'enrichir, pour manger, boire et dormir, comme font les bêtes, mais ta fin est d'aimer ton Dieu et de sauver ton âme » 3. Il ajoutait ainsi une fin naturelle : jouir, s'enrichir, .... à la fin surnaturelle qu'il semblait retenir seule : aimer Dieu et sauver son âme. Sa « méthode de vie », qui était une méthode spirituelle, suffi­sait, comme il l'expliquait aux garçons, à leur permettre de « devenir - tout à la fois - la consolation de [leurs] parents, l'honneur de [leur] patrie, de bons citoyens sur terre, pour être ensuite d'heureux habitants du ciel » 4. Elle ne concernait donc pas que l'au-delà.

I1 voulait l'aboutissement des légitimes désirs de ses diri­gés et leur bonheur dans les deux ordres, celui de la grâce d'abord, mais aussi celui de la nature. A l'une, il écrivait : « Dieu vous rende heureuse dans le temps et dans l'éter­nité » 5; aune autre : « Je ne manquerai pas de continuer [à prier], afin que Dieu vous conserve tous en bonne santé, en vie heureuse et dans sa grâce » 6; à un troisième corres­pondant : « Travaillons pour être heureux dans le temps, mais que la fin sublime de l'homme ne soit jamais oubliée, qui est d'être heureux pour toujours dans la bienheureuse éternité » 7. L'anthropologie dualiste, qui semble parfais pointer dans son oeuvre et inspirer ses dispositions 8, lui était, en somme, étrangère. Une vie chrétienne prétendant faire fi des valeurs humaines lui aurait été suspecte. Il a voulu autour de lui la croissance physique, intellectuelle et morale des hommes. Non seulement son christianisme ad­mettait, mais il exigeait un certain accomplissement humain.


La santé et la culture du corps


Son attitude à l'égard des valeurs du corps n'a pas tou­jours été présentée sous cette lumière. Certaines images et propositions - authentiques, mais sans la contrepartie né­cessaire - nuisent à une juste connaissance de la pensée de Don Bosco sur la culture corporelle. On nous le montre travaillant jusqu'à l'aube durant ses études à Chieri et, à soixante-dix ans, précocement usé par une vie de labeur sans rémission. Les phrases : « Je me reposerai en paradis », et : « Ce sera une grande victoire le jour où l'on annoncera qu'un salésien est mort au travail », sont répétées à satiété 9. En vérité, plus équilibré que ne le croient divers panégy­ristes et guidé par de sages principes, il ne gaspillait pas ses propres forces et, moins encore, celles de ses disciples et de ses collaborateurs.

Conformément à une recommandation du songe de neuf ans, il s'était voulu « robuste » dés l'enfance 10. Quelques anecdotes, racontées par lui et reproduites par le Père Lemoyne, montrent que, jusqu'au seuil de la vieillesse, il demeura très fier de sa force physique 11. La santé lui parut toujours être un grand bien : « un grand don du Sei­gneur » 12, « un don précieux du ciel » 13, un bien « indispen­sable » 14, « le premier trésor après la grâce de Dieu» 15, etc.

Or le sage administre prudemment les dons du ciel. Don Bosco prenait soin de la santé de ses garçons et de ses aides. Sa correspondance était émaillée de recommandations très concrètes, qui n'étaient pas des formules sans portée. Il dor­lotait ses religieux fatigués. A l'un, qui était peu ingambe : « Du reste, prends soin de ta santé et, si la marche t'in­commode, envoie ces plis sans te déranger »16. « Prends soin de Don Bonetti, écrivait-il à un autre, qui était son princi­pal auxiliaire, et, de ma part, commence par lui interdire de réciter son bréviaire tant que la permission de le réciter à nouveau ne lui aura pas été donnée. Oblige-le à se reposer comme il le doit, à se donner du mouvement, mais pas de promenades fatigantes. S'il ne peut pas se réchauffer dans sa chambre, envoie-le dans la chambre de l'archevêque de Buenos-Aires » 17.Selon l'une de ses phrases de 1870 - qui ne concernait à vrai dire qu'une seule maison -, il n'aurait voulu trouver dans ses oeuvres que des garçons « sains, robustes et joyeux » ; il aurait aimé que partout « l'infirmerie fût fermée et les portes du réfectoire grandes ouvertes » 18. Sa tendresse attentive pénétrait jusque dans des détails minuscules : ne pas trop se couvrir dans les salles chaudes ; à la sortie, se protéger le nez et la bouche (et, par là, les poumons) contre le grand froid ; ne pas sortir trop vite du dortoir le matin ; bien veiller à se couvrir les épaules et la gorge pendant la nuit, etc. 19 C'était la des soucis bien maternels. Les courants d'air, les refroidissements, les trans­pirations excessives, les stations prolongées au soleil, Don Bosco en parlait toujours, du reste sans les aigreurs et les mesquineries d'un homme ou d'une femme bornés, la sim­plicité ayant toujours été de règle pour lui.

Si donc l'hygiène de ses maisons n'était pas parfaite, cette déficience n'était pas imputable à une ascese inhu­maine, analogue à celle d'un quelconque collège de Mon­taigu. Don Bosco pâtissait de la faiblesse des ressources de la classe populaire au début de l'ère industrielle. En consé­quence, fréquemment les enfants du Valdocco ne furent pas assez couverts. On leur servait une nourriture très simple et leurs salles communes étaient surpeuplées 20. Dans cette oeuvre, la mortalité nous semble excessive, même en l'absence de statistiques et de comparaisons précises, qui, seules, mettraient les choses au clair. En 1878, alors que sévissait une épidémie de conjonctivite, une commission médicale remit au préfet de Turin un rapport défavorable sur son état sanitaire 21. On conclura de ces observations que notre saint et ses enfants étaient d'authentiques pauvres, que l'organisation locale laissait probablement à désirer,non pas qu'il négligeait de soigner les santés et pratiquait de gaîté de coeur une étroite austérité, contredite par ses directives et par ses mesures.

Il voulait qu'on cultivât ces corps dont il cherchait à éloigner les maladies. Nous n'attendrons pas de lui des recettes extraordinaires : il répétait les conseils fondamen­taux que l'expérience lui avait suggérés. Les drogues ne lui disaient rien qui vaille. S'il ignorait l'hydrothérapie et relevait les méfaits des bains sans dire un mot de leurs avantages 22, il croyait aux vertus du sommeil, d'une bonne nourriture, du travail coupé de répits raisonnables, du mouvement et de la tranquillité mentale. Le temps et la qualité du repos nocturne de ses religieux l'ont maintes fois préoccupé 23. Il ne les voulait pas tendus d'un bout à l'autre de leur vie apostolique. Lui-même s'est parfois lon­guement reposé après ses maladies (de 1846, de 1672) ... Un jeu mouvementé est salutaire au jeune, une marche revigore un adulte. Il pensait déjà que l'abus des voitures (hippo­mobiles !) et des chemins de fer affaiblissait l'organisme de ses contemporains 24. Aux déprimés, il s'efforçait de rendre la joie de vivre par son sourire, ses délicatesses et la recher­che patiente de leurs aptitudes et des moyens les plus propres à les faire valoir 25. La charité, qui veut le bien d'autrui, l'inspirait, ici comme en toutes choses.


Les raisons morales et sociales de la culture intellectuelle


Elle le guidait aussi dans la justification de la culture intellectuelle, mais pas nécessairement comme, peut-être, nous le voudrions. Selon un ouvrage très autorisé du Père Ricaldane, « Don Bosco avait tracé au Père Barberis, - auteur, notons-le, d'un traité de Pédagogie sacrée 26 - le véritable but de l'éducation intellectuelle, qui est d'habituer l'élevé à réfléchir, à juger et à raisonner correctement » 27. De loin, oui sans doute, mais la littérature qui subsiste du saint ne fait pour ainsi dire jamais état de ces excel­lents motifs de la culture de l'esprit. Il jugeait les hommes sur leur valeur religieuse, morale et sociale. Il appréciait leurs virtù et les services qu'ils rendaient à la communauté humaine. Il ne pensait guère à l'élévation de l'âme produite par la recherche de la vérité, élévation à laquelle l'école dominicaine, par exemple, est très sensible.

I1 justifiait l'étude, comme tout travail, par la loi du de­voir d'état 28 et par ses effets purificateurs et énergétiques dans l'âme : elle va à l'encontre de l'oisiveté, elle aide au développement de la volonté. Ajoutez à ces raisons morales des raisons sociales. Une certaine culture populaire s'impose dans le monde contemporain, la « société » a besoin de gens instruits et même de savants ; et il est impossible de la servir correctement sans un minimum de connais­sances. Enfin, il estimait que l'Église en général et sa congré­gation en particulier ne pouvaient se passer de maîtres re­connus compétents. Malgré l'opinion contraire de certains ecclésiastiques de Turin, il voulait que ses religieux fussent diplômés par les universités officielles, non pas toutefois pour leur bien naturel propre, mais pour l'avantage que son oeuvre en retirerait 29. A l'inverse, la curie turinaise lui a reproché de faire avancer aux ordres des clercs dé­pourvus de la science suffisante. A tort, estimait encore Don Bosco, qui s'empressait d'aligner leurs succès 30. Quel que fût leur âge, ses étudiants s'entendaient dire : « Après la piété, ce qui vous est le plus recommandé, c'est l'amour de l'étude » ; et leur maître notait : « Par le travail, vous pouvez être bien utiles à la société, à l'Église et surtout faire du bien à vos âmes », avec la clause : « si vous avez soin d'offrir à Dieu vos occupations de tous les jours » 31.


La formation à la vie par la culture professionnelle


Le même principe décidait du sérieux de la culture pro­fessionnelle qu'il se donna et qu'il donna à ses disciples.

La lecture de son « autobiographie » nous montre com­ment, jusqu'à l'âge de trente ans et au-delà, le jeune Bosco, qui voulait être un prêtre de valeur, améliora ses idées et développa son savoir-faire. Il recourut aux livres et aux maîtres, observa, discuta, expérimenta. Ses réussites de pré­dicateur-acrobate ont été le fruit d'un travail persévérant. Dans ses débuts de jeune confesseur, il fut guidé en théorie et en pratique par Giuseppe Cafasso. Le même homme de Dieu l'initia à l'apostolat des jeunes dévoyés. Nous connais­sons la place tenue dans sa vie par les travaux d'édition. Or, nullement préparé à cette tâche quand, en 1844, il publia son premier ouvrage, il se révélait, dix ans après, tout à fait rompu à la besogne. C'est qu'il avait eu soin de se faire contrôler et diriger de prés. Un exemplaire interfolié de Six dimanches et la neuvaine de saint Louis de Gonzague (1846), conservé aux archives du Valdocco, suffirait à nous l'assurer avec ses multiples corrections mo­tivées d'orthographe, de syntaxe et de vocabulaire, écrites par un ami plus lettré. Les éditions successives de l'Histoire ecclésiastique témoignent de ses progrès. En 1845, le livre, admirable dans son « humble simplicité », comme disait gentiment le Pere Caviglia, était on ne peut plus mal ficelé : « ponctuation étrange », « orthographe incertaine », « langue et style incorrects ou recherchés » et « piémontésis­mes typiques » 32. L'édition de 1870 sera bien meilleure 33. Et, en 1874, « par les bons offices de ses admirateurs » certes, mais enfin .... le prosateur hésitant de Turin était introduit, sous le nom pompeux de Clisthéne Cassiopée, à l'académie romaine de l'Arcadie, l'un des cénacles de l'hu­manisme littéraire (et moralisant) de l'Italie du temps 34. Une étude serrée de son oeuvre montrerait enfin la peine qu'il prit à étudier l'histoire et la législation des ordres, congrégations et confraternités de religieux ou de laïcs, quand il eut entrepris de fonder la société salésienne, puis l'institut des filles de Marie-Auxiliatrice et la pieuse union des coopérateurs salésiens. Ses lectures d'histoire de l'Église au séminaire de Chieri et, plus tard, à Turin, quand il avait réuni les matériaux de son Histoire ecclésiastique et de ses Vies des papes, l'avaient initié de loin à ce travail très particulier. Il ne s'en tint pas la et, surtout à partir de 1857, s'enquit de divers côtés pour élargir ses connaissances : les archives du Valdocco, quelques-unes de ses affirmations et l'analyse du texte des constitutions salésiennes, ne permet­tent pas d'en douter 35. Ici encore, il s'est par conséquent donné une culture professionnelle.

Ses garçons suivaient le même itinéraire, celui que leur maître aurait voulu faire parcourir à tous les jeunes sans distinction. Ils joignaient à l'indispensable culture religieuse une nécessaire culture spécialisée. Dans son apostolat prés des jeunes abandonnés, il avait commencé par la première : sa leçon initiale fut une leçon de catéchisme 36. Mais il leur avait ensuite donné un métier. Significative de ses inten­tions et, d'ailleurs, conforme à prés de vingt-cinq années de travail, une phrase des constitutions approuvées en 1874 devait dire : « [Les garçons des foyers] seront instruits dans les vérités de la foi et, en même temps, vaqueront à quelque métier » 37. L'homme doit pouvoir gagner sa vie. Au sortir de son école, ses apprentis connaîtraient le métier, qui leur épargnerait plus tard la faim et la misère. Les positions de Don Bosco sont curieusement reflétées par ce passage de sa biographie de saint Paul : « On avait coutume chez les Juifs de faire apprendre un métier aux garçons pendant qu'ils se livraient à l'étude de la Bible. Ils agissaient de la sorte pour les préserver des périls que l'oisiveté apporte avec elle et aussi pour leur occuper le corps et l'esprit, afin qu'ils soient en mesure de gagner leur pain dans les difficultés de la vie ... » 38 Son intérêt, évidemment prédominant, pour leur force morale, n'éclipsait pas le souci qu'il avait de la valeur professionnelle de ses garçons.


La grandeur morale


Comme, en définitive, il s'agissait de salut et de sainteté et que, dans son esprit, la croissance des vertus morales humaines, jusqu'à l'héroïsme inclus, accompagnait le progrès de la sanctification, Don Bosco ne pouvait qu'attacher une suprême importance au développement des virtù de ses disciples, de certaines en particulier que son tempérament, sa mission et sa vie ont liées à sa spiritualité, au point de faire désormais corps avec elle. Avec la charité fraternelle et quelques autres vertus, telle que la chasteté, - dont nous parlerons dans notre chapitre sur l'ascèse -, l'énergie, l'au­dace, la prudence et la bonté souriante, celles qu'il retrou­vait avec plaisir chez ses meilleurs disciples et célébrait, par exemple, dans sa Vie de Dominique Savio, ont eu ses préférences.


L'énergie au travail


L'énergie vantée par Don Bosco se dépense dans la vie quotidienne. Il aimait le travail. Avec la «tempérance», l'activité laborieuse, à laquelle il pensait quand il employait ce mot de travail 39, garantissait la véritable grandeur et la véritable efficacité de l'homme. « Pour ton compte, rappelle toujours à tous nos salésiens le monogramme que nous avons adopté : Labor et temperantia. Avec ces deux armes, nous viendrons à bout de tout et de tous » 40. Cette fière devise parait peut-être étrange à ceux qui ne l'imaginent que dan­sant sur une corde à l'âge de douze ans ! Essayons de comprendre.

De Syracuse à la frontière suisse, l'Italie est longue. Au dix-neuvième siècle, ses populations étaient encore plus dif­férenciées qu'aujourd'hui. Jean Bosco n'a pas été formé dans un milieu napolitain, tel qu'un Français se le figure à tort ou à raison, et selon les moeurs de l'Italie méridionale, « dans laquelle le droit au repos est aussi sacré que le droit au travail et dont la règle d'or est qu'il faut travailler pour vivre et non vivre pour travailler » 41; mais dans la campa­gne piémontaise, où l'on est traditionnellement dur à la peine, et dans le monde urbain de l'Italie septentrionale à l'ère préindustrielle. Dés l'enfance, les aphorismes de sa mère lui apprirent la nécessité de l'effort et de l'adresse ici-bas 42. Des paysans intraitables aux paresseux lui don­nèrent ses premières et ineffaçables leçons sur le travail réel. I1 vécut au contact plus ou moins étroit des artisans et des chefs d'entreprises turinais, cellules d'un monde où fleurissait la religion du travail, - le travaillisme, comme devait l'appeler Emmanuel Mounier -, propre à la civili­sation capitaliste et bourgeoise du dix-neuvième siècle. Trop positifs, ces dévots du bas monde haïssaient les inutiles, à commencer par les moines et les moniales des couvents et des cloîtres 43. « La morale bourgeoise fait du travail la vertu première. Travail, persévérance, probité, épargne» 44. Saint jean Bosco tenait parfois le même langage. Sa spiri­tualité, née dans le monde moderne d'Occident à l'âge de l'efficacité, a été marquée par la mentalité d'un siècle tra­vailleur.

Lui-même a travaillé, intensément travaillé, et, dans la même mesure, il a fait travailler autour de lui. « Je tra­vaille, écrivait-il au Père Dalmazzo le 7 mai 1880, et j'en­tends que tous les salésiens travaillent pour l'Église jusqu'à leur dernier soupir» 45. I1 parlait avec allégresse du « labeur immense » qui lui incombait et de l'incessante pénurie en personnel de son oeuvre en expansion 46. A certains jours de presse, on le surprenait à écrire, lui si calme : « Le travail me fait devenir fou » 47, ou : « Je suis à moitié ivre [de travail] » 48, ou encore : « Je ne sais par où commencer et par où terminer » 49. Son exemple empêchait les paresseux de dormir. I1 réussit à infuser suffisamment son ardeur à ses aides pour pouvoir à juste titre les remercier dans ses dernières années de s'être « offerts à travailler courageuse­ment avec lui et à partager ses fatigues, sa charge et sa gloire sur terre » 50. Le labeur des équipes, qui devaient créer la société salésienne du début du vingtième siècle, était en effet digne d'admiration.

Sa philosophie de la vie, inspirée par la Bible et par ses méditations sur l'histoire des hommes, décidait de la place primordiale qu'il offrait au travail dans l'existence.

Dés l'origine, avant même de pécher, l'homme a travaillé. « Car, pour nous enseigner à fuir l'oisiveté, Dieu avait aussi ordonné à Adam de travailler, mais seulement par divertis­sement et sans pénible fatigue » 51. D'après job, expliquait-il encore à ses lecteurs, « l'oiseau est né pour voler, l'homme pour travailler » 52. Le travail est inscrit dans la destinée humaine ; sans travail l'humanité périt. D'ailleurs, l'homme oisif s'avilit, tandis que l'homme travailleur s'ennoblit. Il voyait les preuves de cette double proposition, d'un côté dans les histoires d'Annibal, enlisé dans les délices de Ca­

DON BOSCO

Poue 53, et d'Antoine, séduit par Cléopâtre 54 ; de l'autre dans celles d'Auguste qui, devenu empereur, continuait de se cultiver 55, de Muratori, « l'un des hommes les plus doctes et les plus laborieux dont s'honore l'Italie » 56 et de tant de personnages courageux qu'il présentait si volontiers dans ses livres. Maintes fois, il a déploré les méfaits de l'inoccupa­tion rêveuse. Dans une série de Consignes pour un garçon qui désire bien passer ses vacances, feuillet anonyme dont l'essentiel émanait de lui, on trouvait cette phrase qui, depuis, semble quelquefois passée de made: « Ton plus grand ennemi est l'oisiveté ; combats-le avec ténacité » 57Au contraire, le travail éloigne les désirs pervers et purifie les hommes 58. Passant de l'individu à l'humanité, il compa­rait celle-ci à une ruche, où chacun doit remplir une tâche déterminée par une disposition de la Providence. Qui s'en affranchit ou la néglige est un parasite, un voleur très ré­pugnant. I1 aimait répéter après saint Paul : « Celui qui ne veut pas travailler, qu'il ne mange pas » 59. Enfin, nous ne faisons que mentionner ici la raison principale du travail humain selon saint jean Bosco. Voulu par Dieu, le travail doit le servir. Le vrai chrétien est un bon serviteur qui attend son salaire dans l'au-delà. « Dans les fatigues et les souffrances, n'oublions jamais que nous avons une grande récompense préparée aux cieux » 60.

S'il fraternisait avec un monde aux horizons bornés, dont il partageait « l'amour du travail », au point de le recom­mander à ses garçons dans leur règlement 61, il dépassait les mobiles sordides dont ce monde se contentait : l'intérêt im­médiat, l'ambition, pour en chercher d'autres dans la nature de l'homme, dans le corps social et, surtout, dans la destinée surnaturelle de la créature rachetée 62.


L'audace et la prudence


Avec l'énergie au travail, les vertus conjuguées de force et de prudence chrétiennes lui permettaient de vivre sa sainteté dans une ere de mouvement, d'efficacité et d'in­nombrables pressions. I1 trouvait le moyen de percer, de s'affirmer et, en toute charité, d'être le contraire d'un suiveur inconditionnel. Un auteur pour le moins a estimé que le don de sagesse fut caractéristique de sa sainteté 63.

Regardons-le à nouveau grandir et s'imposer au dix­neuvième siècle, ce petit rural d'Italie du Nord, qui posa les bases de l'une des plus grosses affaires de la catholicité contemporaine. Il aurait pu devenir un paysan industrieux de la campagne d'Asti ou un disciple édifiant de saint François d'Assise, ou encore un curé piémontais dévoué à ses ouailles. La vie lui proposa en effet successivement ces carrières définies, avec quelques autres aussi bien balisées 64. S'il choisit des routes différentes, qu'il dut ouvrir lui-même : apôtre des garçons sans foyers, éditeur catholique, bâtisseur d'églises et fondateur de sociétés religieuses, il le dut à une audace exceptionnelle, que Dieu a favorisée.

Cette vertu ne manquait pas de racines dans le terroir. Le dix-neuvième siècle turinais était favorable aux vocations hors du commun. Des aventuriers se sont alors expatriés du Piémont pour chercher fortune dans l'une ou l'autre Amérique. Des hommes d'affaires ont construit des entre­prises prospères dans la ville de Turin en expansion. Quant aux politiques, plusieurs de ceux-la mêmes que Don Bosco fréquentait, furent les artisans de l'unité italienne entre 1850 et 1870. L'ambiance où il vivait était coutumière de plans inouïs jusque-la.

Personnellement, l'audace lui fut naturelle. Son tempé­rament ne se serait pas accommodé d'une existence de fonc­tionnaire incolore, propret et assuré du lendemain. 11 s'im­posait à l'attention par ses dons de chef et ses vues ori­ginales. Toujours, il trancha sur ses pairs : camarades de jeux de son enfance, camarades de collège et de séminaire, prêtres du diocèse de Turin 65. D'après une « tradition », que l'on aimerait pouvoir contrôler, son originalité frappait le meilleur connaisseur de son âme. A la question : « Qu'est­ce que Don Bosco ? », Don Cafasso aurait répondu enigma­tique : «Mystère ! » 66 Quoi qu'il en soit de cette « parole », il intriguait son monde par ses initiatives. Mais le « mystère » qui l'environnait ne l'isolait pas. Jean Bosco a coalisé de multiples énergies autour de lui. Il entraînait à des combats qui, sans l'évangile, eussent été impitoyables. Son premier réflexe, dans le songe de neuf ans, avait été de frapper. Il répondit sans aménité à son frère Antonio, qui ridiculisait ses goûts pour l'étude 67 et, à dix-sept ans, assomma des garçons de son âge, qui tyrannisaient Luigi Comollo 68. Ce goût de la lutte devait se retrouver plus tard dans ses polémiques contre les vaudois, les protestants et les anti­cléricaux. Sa littérature nous prouve qu'a l'âge mûr la fougue n'avait pas disparu de son caractère. Au dix-hui­tième siècle et avec une autre vocation, il eût fait un bon officier des États sardes, réserve militaire de la pénin­sule.

Homme d'action, il ne s'aventurait pas dans le monde des théories. Les audaces de saint jean Bosco n'ont pas touché aux principes, si ce n'est peut-être en éducation, encore que ce soit douteux 69. Nous savons toujours mieux que sa phi­losophie, sa théologie, ses idées sociales et politiques, jugées il est vrai et, au besoin, assouplies par son expérience, ont été celles de maîtres et d'autorités garanties par l'Église. Don Bosco se défendait de tenir des positions doctrinales originales ou même d'opter entre des opinions controver­sées 70. Sa place n'est pas à côté des abbés Gioberti et Ros­mini, mais bien plutôt de saint Vincent de Paul et du curé d'Ars. Sa pensée peut porter la marque unique de son âme, elle ne fut jamais audacieuse. Comme celui de M. Vincent, son esprit toujours en alerte était sollicité par la recherche et l'élaboration des moyens d'apostolat. Nous savons qu'il ne craignit pas de compromettre sa paix et sa sécurité dans l'évangélisation des jeunes apprentis d'abord, puis dans le lancement des Lectures Catholiques, qui lui attirèrent des menaces très précises et des tentatives de meurtre. Son au­dace fut au moins aussi manifeste dans la création d'une congrégation mondiale, malgré la résistance de deux arche­vêques successifs de Turin, Riccardi di Netro, puis et surtout Gastaldi. La pauvreté de ses ressources ajoutait encore au mérite de ses innombrables entreprises : Don Bosco ne dispo­sait que de revenus de hasard et, à l'origine de son oeuvre maîtresse, on ne trouve pas à ses côtés des auxiliaires adultes, comme ceux de saint Ignace de Loyola, mais de petits jeunes gens, qui ne s'annonçaient pas tous des génies. Et cependant, il osa ...

Au reste, nulle véritable présomption chez lui. Toujours intelligente, son audace était tempérée par la réflexion et dirigée par la prudence, autres vertus que l'on méconnaît peut-être trop en lui et dans sa spiritualité. Ses confidences de vieillesse témoignent que, toute sa vie, il a demandé conseil et tenu compte des opinions qu'il entendait, qu'elles soient venues de sa mère, de Luigi Comollo, du curé Co­mollo, oncle du précédent, de Don Cafasso, de l'archevêque Fransoni, du ministre Rattazzi ou de Pie IX 71. « Je n'ai jamais fait un pas sans le consentement » de mon arche­vêque, devait-il dire un jour à Michele Cavour, père du célèbre Camille 72. Il est vrai que cela se passait en 1846, que l'archevêque s'appelait Fransoni, et que ses ordres ne contredisaient pas les désirs du souverain pontife ! Mais Don Bosco ne s'abandonnait pas à son inspiration ; ses songes mêmes étaient plus contrôlés qu'on ne le pense quel­quefois. La formule fréquente en son pays : alla buona, lui plaisait médiocrement. « Avancer à 1a bonne, disait-il, au­tant dire qu'on avance mal » 73. Ses décisions n'étaient prises qu'après un examen, parfois rapide, mais toujours attentif des situations. I1 mûrit longtemps et retoucha sou­vent ses règlements d'oratoires et de sociétés religieuses, qui eurent finalement les cautions réunies de multiples modelés et de sa propre expérience 74. Au fur et à mesure que les années passaient, il recommandait plus instamment, semble-t-il, le calme, l'attente et la temporisation même à des disciples aisément emportés et téméraires 75.

Son audace n'était pas fracassante, nous allons le voir. Son action n'était pas d'un égoïste qui exhibe son savoir­faire ni d'un brutal qui ignore la présence d'autrui. Sa pédagogie supposait le respect délicat des personnes : il éduqua humblement des enfants dont on s'occupait peu ; il réunit des hommes pour travailler sans ostentation à leur élévation humaine et surnaturelle ; il écrivit sans apprêt, tout simplement pour instruire ses lecteurs. Ses dons ap­partenaient à Dieu, à l'Église et à la « société ». La sagesse lui déconseillait entre autres l'agitation systématique, désor­donnée, irréfléchie et, partant, inutile, sinon nuisible. Il a répété : « Faites ce que vous pouvez ; Dieu fera ce que nous ne pouvons pas faire nous-mêmes » 76, et . « Travaillez, mais seulement dans la mesure où vos forces vous le per­mettent » 77. I1 savait que le travail est un moyen et ne l'idolâtrait pas. Par ailleurs, il était adroit : rappelons-nous ses talents de diplomate. Certes, selon l'une de ses phrases, quand il s'agissait de « sauver la jeunesse en danger » et de « gagner des âmes à Dieu », il se jetait « en avant jusqu'à la témérité » 78. On ne peut en effet nier ce que sa vie entière a manifesté. Mais le Pere Ceria, appuyé sur une conversation du saint avec Giulio Barberis en 1876, résumait justement « l'esprit propre de la société salésienne », ici confondu, comme à l'accoutumée, avec celui de son fonda­teur : « Ne jamais prendre de front son adversaire, ne pas s'obstiner à travailler où l'on ne peut rien faire, mais au contraire se porter la où ses forces peuvent être utilement dépensées » 79. En conformité avec ce principe, le saint égrenait ces conseils lestés de vieille sagesse : éprouvez la valeur des hommes 80, ne procédez en toutes choses qu'avec « la prudence du serpent » jointe à « la simplicité de la co­lombe » 81, ne prétendez pas inconsidérément améliorer le monde au risque de détruire ce qui existe, car « le mieux est l'ennemi du bien »82, et, tout en recherchant la perfection, sachez vous « accommoder de la médiocrité » 83.

La marche vers Dieu d'un fils du Royaume était ainsi comprise par Don Bosco, qui sut utilement batailler et lou­voyer. Il prêchait par sa vie, comme par ses exhortations, l'énergie et la prudence, l'audace et la sagesse. Les avoir pratiquées simultanément l'empêcha sans doute d'être dans l'histoire un météore inutile.


La bonté et la douceur


Au fait, il n'a jamais ébloui personne. Les témoins de sa maturité conservèrent le souvenir d'un homme souriant, simple et d'une exquise bonté. Entendez par cette caracté­ristique une rare affabilité, qui est «la volonté habituelle de réjouir le prochain, en l'empêchant d'être triste » 84. Sa parole avait envoûté plusieurs de ces témoins. Il avait eu pour ses fils, les salésiens, pour ses coopérateurs, laïcs et ecclésiastiques, et pour ses enfants, des délicatesses innom­brables : démarches désintéressées, petits cadeaux, lettres gentilles, gestes d'attention, paroles apaisantes, dont le seul souvenir rassérénait les coeurs 85. « Tous ceux qui eurent le bonheur de vivre à ses côtés, écrivait d'expérience le Père Paolo Albera, attestent que son regard était plein de charité et de tendresse et qu'il exerçait à cause de cela un attrait irrésistible sur les jeunes. [...] De tempérament profondé­ment bon, il manifestait de l'estime et de l'affection pour tous ses élevés ... » 86 Quant aux adultes, beaucoup se sont crus ses préférés 87. Car il voulait naturellement répandre le bonheur autour de lui et trouvait la sa joie.

Des causes simples encourageaient à la bonté son coeur prêt à aimer - son amitié d'adolescent avec Luigi Comollo est significative - : l'attrait du monde et d'une nature humaine que le péché n'a pas complètement avilie, la fai­blesse naïve ou pitoyable des enfants et des adultes 88, et aussi des exemples, qui le firent réfléchir. Luigi Comollo était affable et rieur, délicat et attentionné 89. La bonté de Giuseppe Cafasso, d'essence rare assurément, était douce et compréhensive. Don Bosco s'en est si bien inspiré pour lui­même que certains portraits qu'il a tracés de ce saint dans ses oraisons funèbres de 1860 pourraient décrire indifférem­ment le maître et le disciple. Celui-ci par exemple, que l'on croirait signé par un témoin de ses audiences interminables dans ses dernières années . « Parfois, rendu au point de ne plus se faire entendre, et pourtant souvent obligé de traiter avec des gens obtus qui ne comprenaient rien ou n'étaient jamais satisfaits, il gardait un visage toujours pai­sible et demeurait affable dans ses paroles, sans jamais laisser échapper un mot ou un geste qui trahissent un signe d'impatience » 90.

A la suite de Don Cafasso, Don Bosco, bien qu'audacieux et énergique comme nous pensons l'avoir montré, répugnait à la rudesse militaire des méthodes « répressives » 91 et ornait sa bonté du vernis de la douceur. Quand, après quel­ques déboires, il eut enfin acquis cette qualité, aucune écorce austère et bourrue, déplorée par lui dans le clergé de son enfance 92, ne la cacha plus aux regards de ses proches et des observateurs de sa vie. I1 érigea en principe la bonté visible, palpable, la mansuétude dans les procédés, la mise en valeur des qualités d'autrui, le silence sur ses défauts et la recherche systématique de son bien humain et surnaturel. I1 écrivait au Pere Cagliero : « Charité, patience, douceur, jamais de reproches humiliants, jamais de punitions ; faire du bien à qui l'on peut et du mal à personne » 93; et au Pere Bonetti : « Fais en sorte que tous ceux à qui tu parles deviennent tes amis » 94. Toutes les catégories de personnes ont bénéficié de sa douceur : des enfants mal élevés 95, des fonctionnaires sans égards, des prêtres (et des évêques) plus ou moins hostiles et jusqu'à de véritables bandits qui l'at­taquaient en chemin. La douceur patiente de Don Bosco a fini par donner à sa sainteté un cachet propre dans le monde des saints canonisés. Évoquez sa physionomie devant un auditoire averti, il est rare que les visages ne se détendent pas pour s'accorder au sien.

D'un certain point de vue, cette douceur était tactique. Préoccupé d'élever les hommes à Dieu, Don Bosco revenait volontiers sur la séduction de la bonté, celle que son rêve de neuf ans lui avait enseignée, et sur la force qu'elle donne à l'apôtre. Il priait les directeurs salésiens de choisir pour commander des formules apaisantes, et ajoutait : « L'expé­rience a appris que de tels procédés, employés en temps utile, sont très efficaces » 96. Des malins en resteraient peut­être la et lui feraient une réputation de maître hypocrite. Au vrai, il y avait à la racine de sa bonté la charité, telle que saint Paul la lui avait enseignée, et qui est tout autre chose : « La charité est bénigne ; elle est patiente, elle souffre tout, espère tout, supporte tout » 97. La bonté et la douceur, servantes de la charité et authentiques vertus elles aussi, appartenaient au fonds solide de sa spiritualité.


La joie et la paix


Enfin, la joie et la paix étaient pour lui les fruits de la vertu, de la charité au premier chef, dont, par ailleurs, elles conditionnaient l'heureux développement.

I1 arrivait parfois qu'a l'âge mûr, écrivant une lettre, notre saint se remît à versifier comme il l'avait souvent fait dans sa jeunesse 98. L'un de ses correspondants reçut donc un jour ce quatrain sans prétention :


« Quant à vous, soyez toujours bons,

Toujours joyeux, vrais amis,

Vous souvenant que bien agir

Oui, toujours, nous rend heureux » 99.

Ces vers recelaient pour Don Bosco une importante vé­rité : la joie est donnée à la vertu. I1 scellait par la joie son édifice spirituel.

Depuis son enfance, il avait eu un faible pour elle, car il était par tempérament, selon une excellente formule de Caviglia, « un saint de bonne humeur ». Observateur très fin et très sensible aux situations cocasses, il adorait plaisanter. Il mystifia des chanoines 100, des gouvernantes de presbytères 101, de naïfs camarades du convitto 102, etc. Il badinait volontiers avec les siens, donnait du marquis, du chevalier ou du poète à d'humbles travailleurs, dont les familles étaient rien moins que nobles 103, plaisantait un brave père mortifié par sa taille minuscule 104 ou un clerc qui plaignait sa peine 105, s'amusait d'un titre académique que, par hasard, il avait cru bon d'accepter 106, riait avec ses amis d'un mi­nistre qui lui avait fait un don dérisoire pour ses missions : « Cela vaut mieux qu'un coup de poing dans l'oeil, comme dit Gianduia » 107... Saint Philippe Neri et saint François de Sales n'étaient pas sans motifs ses modèles préférés.

Il aimait donc vivre dans la joie. La phrase de l'Ecclé­siaste selon la Vulgate : « J'ai reconnu qu'il n'y avait rien de meilleur que d'être joyeux et de faire du bien dans sa vie » 108 lui avait paru si précieuse qu'il en fit un signet de son bréviaire 109. Preuve parmi tant d'autres de son goût pour la joie, le « visage joyeux » et l'«air riant » de Domi­nique Savio le frappèrent dés sa première rencontre avec le jeune garçon 110. Et toujours il prêcha la joie. Sa campagne était certainement commencée vers 1832 quand, à dix-sept ou dix-huit ans, il fondait au collège de Chieri la société de l'allégresse. L'appellation convenait au mieux à cette compagnie, devait-il expliquer plus tard, « car chacun était strictement tenu à chercher les livres et à proposer les thèmes et les divertissements les plus propres à mettre en joie. A l'inverse, était prohibé tout ce qui aurait engendré de la mélancolie ... » 111 En 1841, l'un des buts de son oratoire fut à coup sur de faire plaisir aux garçons de Turin. Il entrait alors à plein dans les vues de saint Philippe Neri, qui, trois siècles plus tot, avait dit : « Mes enfants, soyez joyeux : je ne veux ni scrupules, ni mélancolies. Il me suffit que vous ne commettiez pas de péchés » 112, et dans celles des auteurs de la tradition « aloysienne ». L'un de ceux-ci, un anonyme, avait, en 1836, imprimé à Turin ces propos qui pourraient être de Don Bosco : « Soyez joyeux dans le Seigneur, amusez-vous, réjouissez-vous, jubilez, vous avez tout à fait raison. Dieu en est content, et vous serez aussi plus aimés des hommes » 113. Déjà il connaissait le Servite Domino in laetitia, l'un des refrains de Luigi Comollo 114, qu'il allait ajouter au texte de la Guide angélique, compile par lui pour servir d'introduction au Garçon instruit de 1847 115,

Une nuance s'impose sans doute sur la qualité de sa joie. Don Bosco recherchait la mesure, et sa joie était paisible. I1 répétait la phrase de saint Philippe Neri : « Évitez la joie immodérée, car elle détruit le peu de bien que l'on a amassé » 116. Avec raison, qui l'a connu ou l'a étudié de prés ne le voit plus que souriant et détendu ; il ne l'imagine plus aisément secoué de grands rires 117. A l'âge mûr, aptes les quelques tumultes de sa jeunesse, Don Bosco unissait en effet dans ses paroles et dans ses actes le calme, la bonté et la gentillesse. Certains tableaux, qui agaçaient déjà le Pere Ceria 118, lui ont donné un air niais avec un sourire mécanique. Dans un autre genre, aujourd'hui mieux porté mais pas plus heureux, tel biographe de bonne volonté l'a transformé en aventurier 119. Eh non! Un artiste devrait être capable de restituer l'éclair malicieux, qui transfigurait le regard de son âme profonde et perspicace, et la calme paix d'un visage qui, parfois, suffisait à rasséréner des coeurs déchirés.

Aux agités, qui voulaient expédier en un tournemain des affaires complexes, il aimait répondre : « Doucement, dou­cement, nous sommes pressés » 120. Et il demeurait posé et aimable, pratiquant à merveille l'eutrapélie, cette vertu qu'il a proposée sans le savoir à la civilisation des loisirs qui naîtrait de l'ère industrielle 121. Ni agitation ni marasme, ni tumulte ni contention, mais la paix et la sérénité, et, par la, un climat favorable au bien moral, telles étaient selon lui les conditions et aussi les effets de la joie. Elle rejaillit sur l'âme désencombrée, apaisée et ouverte à Dieu. La joie qu'il préconisait était une porte sur la grâce.

Si l'humanisme est une doctrine qui veut rendre l'homme heureux avec ses ressources d'homme, nul doute que la spiritualité de Don Bosco ne recèle une forme d'humanisme. Il voulait rendre les hommes heureux avec leur nature, leurs possibilités physiques et morales, et dans le monde qui est le leur jusqu'à la mort 122. Mais il était aussi con­vaincu que nul bonheur n'est possible sans Dieu et une relation véritable avec lui. Il parlait de la « vraie joie », qui naît « de la paix du coeur et de la tranquillité de la conscience » 123. Don Bosco a dit d'un bout à l'autre de sa vie sacerdotale : « Nous voyons que ceux qui vivent dans la grâce de Dieu sont toujours joyeux et, même dans les afflictions, ont le coeur content, tandis que ceux qui s'adon­nent aux plaisirs vivent dans l'irritation et l'inquiétude et s'efforcent de trouver la paix dans les divertissements, mais sont toujours malheureux : non est pax impiis, dit le Sei­gneur » 124. Faisons la part du grossissement pédagogique dans cette sentence, qui oppose de manière abrupte la joie du dévot à la peine de l'impie. Il reste que, selon lui, le rôle de la « religion » (c'est-à-dire, dans sa langue, de la vie avec Dieu et des moyens qui l'assurent) est prééminent dans la création et le maintien de la « vraie joie ». Pour éviter tout malentendu, l'interprète de la phrase de Demi­nique Savio à son camarade Gavio : « Sache qu'ici nous faisons consister la sainteté à vivre très joyeux » 125, doit en tenir compte. Don Bosco, qui l'insérait intentionnellement dans l'une de ses biographies didactiques, cultivait, on le sait, les joies humaines les plus simples, celles qu'apportent une bouteille de Frontignan 126, un dîner de collège 127 ou la détente des jambes sur un terrain de jeux 128 ; et les joies humaines les plus nobles, telle que l'amitié de deux ado­lescents épris de perfection 129. I1 célébrait cette joie de prix, qui est le fruit rare et délectable de la vertu 130. Mais il voulait de toute manière une joie enracinée en Dieu, qui respecte sa volonté et s'y conforme. Selon une phrase qu'il faut lire avec ses répétitions voulues, il désirait « que nous soyons joyeux d'âme et de corps et que nous fassions voir au monde qu'il est possible d'être joyeux d'âme et de corps, sans offenser le Seigneur 131. » Cette joie de l'âme était, de quelque manière, surnaturelle.

Schématisant sa pensée, il en venait à dire que « seule la pratique constante de la religion peut nous rendre heureux dans le temps et dans l'éternité » 132. D'une manière ou de l'autre, il a répété « qu'avec la sustentation du corps, l'homme a besoin du réconfort de l'esprit et que ce récon­fort ne peut se trouver ailleurs que dans la religion, qui seule peut élever les pensées et les affections de l'âme Jus­qu'au bien sublime et parfait, qui ne se trouve pas dans la vie présente » 133. Sans la « religion », comme les individus, les nations s'embourbent, car « seule, la religion est le soutien des empires, elle seule peut assurer la félicité des peu­ples » 134.

Sa crainte que la culture scolaire de l'intelligence, alors fondée presque entière sur l'explication de textes anciens, n'engendre pas des esprits assez chrétiens et compro­mette leur vrai bonheur, est par la compréhensible. Il prit en effet parti avec vivacité dans la querelle soulevée au milieu du dix-neuvième siècle sur les auteurs païens dans l'enseignement secondaire, et se retrouva alors plus prés de l'abbé Gaume 135 que de Mgr Dupanloup 136. Son principe était qu'il fallait expurger ces auteurs et même leur préférer les latins chrétiens. En remplaçant ceux-la par ceux-ci, « nous pourrons mettre une digue à un très grand mal de notre temps », expliquait-il à ses directeurs d'oeuvres le 27 juillet 1875 137. Avait-il tort ou raison, la réponse à cette question difficile ne nous concerne pas. Seul nous intéresse d'abord ici son refus d'une culture close et d'un pur huma­nisme, c'est-à-dire d'un humanisme païen.

Tant qu'elle ne s'est pas livrée à la grâce de Dieu, la nature est, à son niveau, inachevée. Elle attend cette rosée. Mais, quand elle l'a reçue, quelle exultation ! Jusque dans la mort transfigurée en «un joyeux sommeil» 138. «Chez eux [les disciples de Don Bosco], disait non sans justesse, encore qu'avec une certaine pédanterie, le cardinal Alimonda dans une oraison funebre prononcée trente jours après la mort de son vieil ami, « le corps est satisfait et l'esprit dans l'allégresse, parce que la religion retrempe la nature et la charité perfectionne la science » 139. L'observateur sera d'autant plus sensible à cette incomplétude de l'homme selon notre auteur que, tout comme saint François de Sales, plus sévère lui aussi que les apparences ne le laissent supposer, Don Bosco faisait à l'ascèse une large part dans la vie du spirituel chrétien. Il n'y a pas de bonheur sans Dieu, il n'y a pas non plus de sainteté sans renoncement.


1 Selon la notice nécrologique de ce religieux (1836-1874), dans les Brevi biografie dei confratelli salesiani chiamati da Dio alla vita eterna, Turin, 1876, p. 6.

2 S. ALFONSO DE LIGUORI, Opere ascetiche, t. II, Turin, 1846, p. 473.

3 [G. BOSCO], Il giovane provveduto . . , Turin, 1847, Sette conside­razioni. . , p. 32. C'est nous qui soulignons. Le rapprochement entre ces textes a été fait par P. STELLA, Valori spirituali. . , p. 66.

4 [G. BOSCO], Il giovane provveduto . . , éd. cit., p. 7.

5 G. Bosco à la comtesse C. Callori, 3 octobre 1875, dans Epistolario, t. II, p. 513.

6 G. Bosco à la comtesse G. Corsi, 22 octobre 1878, dans Epistolario, t. III, p. 397.

7 G. Bosco à A. Boassì, 21 juillet 1875, dans Epistolario, t. II, p. 487.

8 Voir, ci-dessous, chap. 6, le paragraphe sur 1a chasteté.


9 Deux de ces propositions dans E. CERIA, Don Bosco con Dio, éd. cit., p. 113, qui, d'ailleurs, n'en abuse pas.

10 Memorie dell'Oratorio . . , p. 24 (ci-dessous, document 1).

11 Voir G. B. LEMOYNE Memorie biografiche, t. I, p. 130-135. Nous avons pu vérifier que ces récits avaient été pour la plupart empruntés aux carnets du secrétaire de Don Bosco, Carlo Viglietti, qui les avait notés en 1884-1885 (ACS, S. 110 Viglietti).

12 Formule d'un mot du soir de 1864, dans G. B. LEMOYNE, Memorie biografiche, t. VII, p. 834.

13 G. Bosco aux salésiens et aux élèves de Lanzo, 5 janvier 1875, dans Epistolario, t. II, p. 437.

14 G. Bosco à F. Bodrato, s.d. (mai 1877, selon E. Ceria), dans Epistolario, t. III, p. 172.

15 G. Bosco à A. Fortis, 29 novembre 1879, dans Epistolario, t. III, p. 531.

16 G. Bosco à G. B. Lemoyne, 29 janvier 1868, dans Epistolario, t. I, p. 539.

17 G. Bosco à M. Rua, 29 janvier 1878, dans Epistolario, t. III, p. 285. La chambre en question avait été utilisée par ledit archevêque lors d'un récent voyage en Italie. Voir aussi, parmi les pièces de même saveur, G. Bosco à G. Bonetti, 1874, ibid., t. I, p. 327 (ci-dessous. document 19) ; G. Bosco à G. Cagliero, 4 décembre 1875, ibid., t. II, p. 531.

18 G. Bosco à G. Bonetti, 9 février 1870, dans Epistolario, t. II, p. 74.

19 Tout ceci dans un mot du soir du 7 janvier 1876, reproduit par E. CERIA, Memoire biografiche, t. XII, P. 28 On se rappellera que l'hiver de Turin est rigoureux.

20 Un aveu au coeur d'un hiver difficile : «  Les maux augmentent horriblement chez nous. Le pain est à cinquante centimes le kilo. En tout douze mille francs par mois et nous avons deux mois à payer. Un demi-mètre de neige et la moitié des garçons vêtus comme en été. Prions ... » (G. Bosco à F. Oreglia, alors à Rome, 3 janvier 1868, dans Epistolario, t. I, p. 525).

21 Voir G. Bosco au docteur Losana, 21 mai 1878, dans Epistolario, t. III, p. 346, avec la notice de l'éditeur. Toutes les appréciations de cet ordre sur l'oeuvre de Don Bosco n'ont pas été aussi défavorables, comme en avait témoigné, pour 1870, une relation du docteur Serafino Biffi, publiée à Milan (extrait dans Epistolario, t. II, p. 139).

22 G. BOSCO, Biografia del giovanetto Savio Domenico. . , 6e éd., Turin, 1880, chap. 4, p. 18-19.

23 Voir, dans les Memorie biografiche, les endroits signalés par l'Indice, s.v. Sanità.

24 D'après une conversation reproduite pat E. CERIA, Memorie biografiche, t. XII, p. 343.

25 Voir, dans les pièces déjà citées, son comportement avec Giovanni Bonetti.

26 Turin, 1897, 588 P.

27 P. RICALDONE, Don Bosco educatore, t. II, Colle Don Bosco, 1952, p. 107.

28 Voit ci-dessous, chap. 6.

29 Voir E. CERIA, Memorie biografiche, t. XI, p. 292.

30 Par exemple, G. Bosco à G. Oreglia, s.j., 7 août 1868, dans Epistolario, t. I, p. 570.

31 Regolamento per le case.., Turin, 1877, deuxième partie, chap. V, p. 68.

32 A. CAVIGLIA, dans Opere e scritti .., vol.I, deuxième partie, Turin, 1929, p. 12, note.

33 E. CERIA, Memorie biografiche, t. XII, p. 159. Sur cette académie, voir G. TOFFANIN, Storia dell'Umanesimo, vol. IV : L'Arcadia, 2e éd., Bologne, 1964, livre d'ailleurs touffu, qui ne parle pas des Arcades du dix-neuvième siècle; en français, P. ARRIGHI, La littérature italienne, 2e éd., Paris, 1961, p. 50-52.

34 Ibid., p. 237 et sv.

35 Nous préparons un travail sur les constitutions salésiennes.

36 Memorie dell'Oratorio . . , p. 124-127.

37 Regulae seu Constitutiones Societatis S. Francisci Salesii . . , Turin, 1874, chap. I, art. 4.

38 G. BOSCO, Vita di S. Paolo . . , 2e éd., Turin, 1878, chap. I p. 5.


39 Don Bosco attribuait volontiers au terme de lavoro, sans détermi­natif, le sens de travail manuel, et l'opposait alors à studio (étude). Mais, comme on le voit par sa correspondance avec les prêtres salésiens, qu'il encourageait au « travail », il entendait aussi par ce mot toute action productive, soit immédiatement, soit à longue échéance, qu'elle soit ma­nuelle, intellectuelle ou apostolique. En revanche, il a toujours distingué le travail du jeu et de la prière.

40 G. Bosco à G. Fagnano, 14 novembre 1877, dans Epistolario, t. III, p. 236.

41 J. FOLLIET, Réflexions critiques sur la civilisation du travail, dans Recherches et débats, cahier 14, 1956, p. 164. Cet auteur fait d'ailleurs l'éloge de certe « vieille sagesse » « sensée ». Il est piquant que le Napo­litain Alphonse de Liguori ait été, dès le temps de son amitié avec Comollo, l'un des modèles de Jean Bosco dans son activité constante : « [Comollo] avait lu dans la vie de saint Alphonse qu'il avait fait le grand voeu de ne jamais perdre de temps, ce qui lui causait une profonde admiration, et il s'ingéniait de tout son pouvoir à l'imiter. C'est pourquoi, dès sa première entrée au séminaire ... » ([G. Bosco], Cenni storici sulla vita del chierico Luigi Comollo. ., Turin, 1844, chap. 3, p. 27).

42 Voir G. B. LEMOYNE, Scene morali di famiglia nella vita di Margherita Bosco, Turin, 1886, chap. 24. Ce chapitre est consacré aux Proverbes et bons mots de la mère de Don Bosco.

G. Bosco à G. Costamagna, 9 août 1882, dans Epistolario, t. IV, p. 160.

43 Nous avons parlé ci-dessus (chap. I) de la « loi des couvents », promulguée dans cet esprit par le gouvernement des États sardes en 1855.

44 J. FOLLIET, Réflexions critiques . . , art. cit., p. 165.

45 Epistolario, t. III, p. 585. La pointe de la phrase est, du reste, la fidélité de la société salésienne à l'Église catholique.

46 G. Bosco à G. Costamagna, 9 août 1882, dans Epistolario, t. IV, p. 160.


47 G. Bosco à M. Rua, s.d. (avril 1876, selon l'éditeur), dans Epistolario, t. III, p. 53.

48 G. Bosco à G. Cagliero, 16 novembre 1876, dans Epistolario, t. III, p. 114.

49 G. Bosco à la comtesse G. Corsi, 22 octobre 1878, dans Epistolario, t. III, p. 397.

50 G. Bosco aux salésiens, 6 janvier 1884, dans Epistolario, t. IV, P. 249.

51 G. BOSCO, Storia sacra. . , 3e éd., Turin, 1863, première époque, chap. I (dans Opere e scritti.., vol. I, première partie, p. 131)

52 G. BOSCO, Maniera facile..,éd., Turin, 1855, Massime morali ricavate dalla Sacra Scrittura (dans Opere e scritti.., vol. I, première partie, p. 81). La sentence de Job est reproduite en substance dans [G. BOSCO], Il giovane provveduto. ., 2e éd., Turin, 1851, Cose da fuggirsi . . , art. I, p. 20.

53 « Les soldats avaient perdu l'habitude de ta fatigue et de l'in­confort. Ce qui doit nous enseigner que l’oisiveté entraîne tous les vices avec elle et que, seul, un travail assidu rend les hommes vertueux, courageux et forts » (G. BOSCO, Storia d'Italia . . , 5e éd., Turin, 1866, première époque, chap. 20, p. 57).

54 « Ces vices [c'est-à-dire l'oisiveté et la débauche] déshonorent les hommes et les font tomber dans le mépris de tous les gens de bien » première époque, chap. 29, p. 77-78).

55 Ibid., deuxième époque, chap. I p. 83. 56.

56 Ibid., quatrième époque, chap. 2q, p. 380.

57 Ricordi per un giovanetto che desidera passar bene le vacanze, Turin, 1874, p. 2. Cette page semble avoir été tout entière l'oeuvre de Don Bosco, d'après sa lettre à M. Rua, s.d. (août 1873), dans Epistolario, t. II, p. 295.

58 G. Bosco à N.N., 12 janvier 1878, dans Epistolario, t. III, p. 272. Voir aussi G. Bosco à T. Remotti, 11 novembre 1877, dans Epistolario, t. III, p. 235 ; et les Avvisi importanti ai giovani intorno ai loro doveri, § 4, art. 4, inclus dans G. BOSCO, Porta teco . . , Turin, 1878, p. 50.

59 II Thessaloniciens, 3, 10. Cité dans G. BOSCO, Maniera facile . . , 2e éd., Turin, 1885, Massime morali . . (Opere e scritti.., vol. I, première partie, p. 81) ; dans le Projet de Règlement pour la maison annexe.., deuxième partie, chap. 2, art. I, édité par G. B. LEMOYNE, Memorie biografiche, t. IV, p. 748 ; etc.

60 G. Bosco aux premiers missionnaires salésiens, 11 novembre 1875, dans Epistolario, t. II, p. 517. Ajouter : « Si delectat magnitudo praemio­rum, non deterreat certamen laborum » (G. Bosco aux salésiens, 6 janvier 1884, dans Epistolario, t. IV, p. 250).

61 « Que chacun pense que l'homme est né pour le travail, et que, seul, celui qui travaille avec amour et assiduité a le coeur en paix et trouve la fatigue légère » (Regolamento per le case . . , Turin, 1877, deuxième partie, chap. 7, a. 9, p. 75). Nous ne connaissons cependant pas l'auteur précis de cet article, qui n'est apparu que tardivement dans le corpus du Regolamento. Il reste que Don Bosco l'a contrôlé et approuvé.

62 Sur Don Bosco et le travail, quelques notes instructives de E. CERIA, Don Bosco con Dio, éd. Cit., p. 262-269.

63 C. PERA, o. p., I doni dello Spirito Santo nell'anima del beato Giovanni Bosco, Turin, 1930, p. 291-309.

64 Précepteur de famille riche, tout au moins (Memorie dell'Ora­torio.., p, 120).

65 Memorie dell'Oratorio.., p. 27-28, 52-53, etc. L'anecdote des deux ecclésiastiques qui, chargés de le mener dans un asile d'aliénés à cause de ses « idées fixes », faillirent s'y retrouver eux-mêmes, est fondée. Elle a en effet été racontée par Don Bosco dans son « autobiographie » (ibid., p. 164), et E. Ceria connaissait même le nom des victimes : Vincenzo Ponzati et Luigi Nasi (ibid., note 81).

66 Réflexion située en 1853 pat l'historiographie salésienne. (Voir, par exemple, E. CERIA, Don Bosco con Dio, éd. cit., p. 104.)

petite famille.

67 Memorie dell'Oratorio . . , p. 38. Cette scène permet d'imaginer la violence d'autres altercations qui déchirèrent la

68 Memorie dell'Oratorio . . , p. 60-61. Relevons ces lignes suffisam­ment éloquentes : « Comme ni siège ni bâton ne me tombait sous la main, je saisis un condisciple par les épaules et me servis de lui comme d'un bâton pour frapper mes adversaires. Quatre tombèrent à terre, les autres s'enfuirent en criant et en implorant miséricorde ... » (p. 61).


69 Une étude critique du traité de la Méthode préventive dans l'édu­cation de la jeunesse devrait nous éclairer sur ce point.

70 Le Père G. B. Lemoyne (Memorie biografiche, t. VI, p. 832) a reproduit (avec une nuance édifiante?) une réponse orale de Don Bosco insérée au 16 janvier 1861 dans le journal de Domenico Ruffino : « J'ai beaucoup étudié ces questions {les opinions théologiques des diverses écoles de morale et les systèmes sur l'efficacité de la grâce], mais mon système est celui qui correspond à la plus grande gloire de Dieu. Que m'importe d'avoir un système strict ou un système large ? ... Pourvu que j'envoie les âmes au paradis. » Le cahier de Ruffino où elle figurait semble avoir disparu des archives du Valdocco.

71 Memorie dell'Oratorio.., p. 3 1, 60, 81, 113, etc.

72 Memorie dell'Oratorio.., p. 159.

73 Selon E. CERIA, Memorie biografiche, t. XIV, p. 114-115. Cette parole, située dans la dernière partie de la vie de Don Bosco et en un temps où ses propos étaient soigneusement recueillis, inspire confiance.

74 La plupart des projets de constitutions salésiennes entre 1859 et 1874 ayant été gardés aux archives du Valdocco, il est facile de le vérifier.

75 Voir A. AMADEI, Memorie biografiche, t. X, p. 1018. Relevons ici la sentence inscrite sur un signet de son bréviaire : « Mes frères, emportez avec vous la clé de vos chambres et la clé de vos langues. » (S. Pierre Damien ; ci-dessous, document 5.)

76 G. Bosco à G. Cagliero, 13 novembre 1875, dans Epistolario, t. II, P- 518.

77 G. Bosco aux missionnaires salésiens,11 novembre 1875, dans Epistolario, t. II, p. 517.

78 G. Bosco à Carlo Vespignani, 11 avril 1877, dans Epistolario, t. III, p. 166.

79 E. CERIA, Memorie biografiche, t. XII, p. 255. Cette réflexion a été aussi développée par G. B. Lemoyne au procès diocésain de canoni­sation, ad 22; dans Positio super introductione causae. Summarium, p. 665-666.

80 « En ce qui concerne le professeur Nuc [sic], omnia probate, quod bonum est tenete » (G. Bosco à M. Rua, 21 janvier 1879, dans Episto­lario, t. III, p. 439).

81 « C'est une acceptation de principe. Puisque l'on veut maintenant en venir au détail, je crois bon de traiter cette affaire avec la simplicité de la colombe et la prudence du serpent » (G. Bosco à G. Usuelli, 26 no­vembre 1877, dans Epistolario, t. III, p. 243).

82 « Quant à votre situation, n'oubliez pas le dicton : qui se trouve bien ne bouge pas, et qui fait bien ne cherche pas mieux. Beaucoup se sont illusionnés et, negligeant cette maxime, cherchèrent le mieux et ne purent même plus faire le bien ; car, selon ce que dit un autre proverbe, le mieux est l'ennemi du bien. Je parle le coeur sur la main ... » (G. Bosco à L. GuaneIla, 27 juillet 1878, dans Epistolario, t. III, p. 369­370). Cette lettre est précieuse pour l'exégèse d'un proverbe habituel à Don Bosco, proverbe qui, bien à tort, l'a quelquefois fait passer pour un conservateur systématique.

83 Conseil de Don Bosco à G. Bonetti, 6 juin 1870, dans Epistolario, t. II, p. 96.

84 H.-D. NOBLE, Bonté, dans le Dictionnaire de Spiritualité, t. I, col. 1861.

85 Quelques détails dans E. CERIA, Don Bosco con Dio, éd. cit., p. 76-77, 224-231. Sa correspondance en fournit cent autres.

86 P. ALBERA, Lettere circolari ai Salesiani, Turin, 1922, p. 289 : lettre du 20 avril 1919.

87 Observation de E. CERIA, Memorie biografiche, t. XVIII, p. 490.

88 Voir son émotion devant les cachots de Turin, dans Memoire dell'Oratorio . . , p. 123.

89 [G. Bosco], Cenni storici rulla vita del chierico Luigi Comollo . . , Turin, 1844, chap. 2, P. 24 ; et Passim.

90 G. Bosco, Rimembranza storico-funebre dei giovani dell'Oratorio di San Francesco di Sales verso al Sacerdote Caffasso Giuseppe. . , Turin, 1860, chap. 5, p. 32.

91 G. Bosco, Il sistema preventivo.., I, dans Regolamento per le case. . , Turin, 1877, Introduction, p. 3-6

92 Memorie dell'Oratorio . . , p. 44.

93 G. Bosco à G. Cagliero, 6 août 1885, dans Epistolario, t. IV, p. 328.

94 G. Bosco à G. Bonetti, 3o décembre 1874, dans Epistolario, t. II, p. 434 (ci-dessous, document 29).

95 La scène entre Don Bosco et le jeune chef de bande, Michele Magone, sur le quai de la gare de Carmagnola, est un modèle de prise de contact (G. Bosco, Cenno biografico sul giovanetto Magone Michele.., Turin, 1861, chap. I, p. 7-11).

96 G. BOSCO, Ricordi confidenziali.., Turin, 1886, art. Le com­mandement.

97 Condensé de I Corinthiens, 13, 4-7, dans G. Bosco, Il sistema pre­ventivo.., dans Regolamento per le case.., op. cit., p. 6.

98 Des cahiers de vers subsistent aux archives du Valdocco.

99 G. Bosco à G. Rinaldi, 27 novembre 1876, dans Epistolario, t. III, p. 119.

100 Citons encore le chanoine Burzio, curé de la cathédrale de Chieri, qui le soupçonnait de magie (Memorie dell'Oratorio.., p. 72-73).

101 G. B. LEMOYNE, Memorie biografiche, t. I, p. 428-431. etc .

102 G. B. LEMOYNE, Memorie biografiche, t. II, p. 99-102. 103.

103 « P.S. Salue de ma part le chevalier Pelazza, le marquis Barale et Cottino le poète » (G. Bosco à G. Dogliani, 1875, dans Epistolario, t. II, p. 462).

104 « Et Don Bologna, il a grandi ? » (G. Bosco à M. Rua, 8 mars 1875, dans Epistolario, t. II, p. 464).

105 G. Bosco à G. Rinaldi, 27 novembre 1876, dans Epistolario, t. III, p, 119.

106 Voir la lettre ci-dessus datée de «Turin, du conservatoire de ma Muse » (ibid., p. 119), et, plus haut, la note 34 sur Don Bosco et l'académie de l'Arcadie.

107 G. Bosco à G. Cagliero, 14 novembre 1876, dans Epistolario, t. III, p. 112. Dans l'original, la réflexion de Gianduia, bonhomme facétieux des anecdotes turinaises au dix-neuvième siècle, est en dialecte piémontais.

108 Ecclésiaste, 3, 12. On remarquera que Don Bosco donnait à cette phrase un sens moral, qu'elle n'avait pas dans le contexte du livre biblique.

109 Voir, ci-dessous, document 5.

110 G. Bosco, Vita del giovanetto Savio Domenico . . , 6e éd., Turin, 1880, chap. 7, p. 28.

P. STELLA, Valori spiirituali. . , p. 50.

111 Memorie dell'Oratorio.., p. 52.

112 (G. BOSCO), Porta teco.. , Turin, 1858, p. 34 : Ricordi generali di S. Filippo Neri alla gioventù.

113 Un mazzolin di fiori ai fanciulli ed alle fanciulle.., op. cit., Turin, 1836, p. 235 ; cité par P. STELLA, Valori spirituali. . , p. 45.

114 [G. BOSCO], Cenni storici sulla vita del chierico Luigi Comollo . . , Turin, 1844, chap. 2, p. 24.

115 P. STELLA, Valori spiirituali. . , p. 50.


116 [G. Bosco], Porta teco.., Turin, 1858, p. 34.

117 Voir G. B. LEMOYNE, Memorie biografiche, t. I, p. 95; d'après une confidence de Don Bosco à Carlo Viglietti, comme nous l'avons vérifié.

118 Voir Don Bosco con Dio, éd. cit., p. 88-89.

119 M. DUINO, L'homme au chien gris (coll. Marabout junior), Verviers, s.d. (vers I956).

120 A. du BOYS, Dom Bosco et la Pieuse Société des Salésiens, Paris, 1884, p. 302.

121 Voir H. Eutrapélie, dans le Dictionnaire de Spiritualité, t. IV, col. 1726-1729.

122 C'est pourquoi ces lignes déjà anciennes d'un témoin français nous paraissent pertinentes : «La méthode tout entière consiste à pro­curer à l'âme un parfait équilibre. Rien de plus contraire à l'illuminisme que ce poids et cette mesure qu'elle demande dans la conduite de la vie; rien de plus opposé à un ascétisme rêveur que d'exiger de chaque individu la plus grande somme d'activité intellectuelle et morale » (A. du BOYS, Dore Bosco ... op. cit., p. 310-311)­

123 G. BOSCO, Cenno biografico sul giovanetto Magone Michele.., Turin, 1861, chap. 3, p. 16. Voir aussi : « Sois joyeux, mais que ta joie soit vraie, comme celle d'une conscience pure de péché. » (G. Bosco à S. Rossetti, 25 juillet 1860, dans Epistolario, t. I, p. 194.)

124 [G. BOSCO], Il giovane provveduto ... Turin, 1847, p. 28 : Le Sei domeniche.., a. 6 ; répété dans toutes les éditions postérieures de l'ouvrage.

125 G. BOSCO, Vita del giovanetto Savio Domenico .., 6e éd., Turin, 1880, chap. 18, p. 83.

126 E. CERIA, Memorie biografiche, t. XVI, p. 264.

127 G. BOSCO à G. Bonetti, 9 février 1870, dans Epistolario, t. II, P. 74.

128 G. BOSCO, Il sistema preventivo . . , dans Regolamento per le case.., Turin, 1877, Introduction, p. 7.

129 Lui-même et Comollo, Dominique et Gavio, Dominique et Massaglia, sans compter les exemples qu'il trouvait dans l'histoire.


130 « Vous voyez, mes chers garçons, combien il est vrai que les dignités du monde ne constituent pas la vraie félicité. L'homme ne peur être estimé heureux que lorsqu'il pratique la vertu ... » (G. BOSCO, Storia d'Italia. . , Turin, 1866, deuxième époque, chap. 14, p. 115).

131 G. Bosco à tous les habitants du collège de Lanzo, 3 janvier 1876, dans Epistolario, t. III, p, 5.

132 G. BOSCO, Il Pastorello delle Alpi. . , Turin, 1864, chap. 34, p. 180.

133 [G. BOSCO], Fatti contemporanei esposti in forma di dialogo, Turin, 1853, dialogue a, p. 12 Réflexion reprise plus brièvement dans G. BOSCO, La forza della buona educazione.., Turin, 1855, chap. 6, p. 48 ; dans G. Bosco à G. Turco, 23 octobre 1867, dans Epistolario t. I, p. 507 ; et, à l'usage de deux jeunes fiancés, dans G. Bosco à A. Piccono, 4 septembre 1875, dans Epistolario, t. II, p. 508.

134 G. BOSCO, La Storia d'Italia. ., 5e éd., Turin, 1866, deuxième époque, chap. 12, p. 107 : dans un article sur l'empereur romain Alexandre Sévère, dont le syncrétisme était accueillant au judaïsme et au christianame.

135 J.-J. GAUME, Le ver rongeur des sociétés modernes, ou le paga­nisme dans l'éducation, Paris, 1851.

136 Sur cette querelle, voir R. AUBERT, Le pontificat de Pie IX, op. cit., p. 57 ; J. LEFLON, Gaume, Jean-Joseph, dans Catholicisme, t. IV, col. 1783. On sait la violence de cette dispute, qui mit surtout aux prises Louis Veuillot et Mgr Dupanloup.

137 D'après le procès verbal de la réunion, reproduit par E. CERIA, Memorie biografiche, t. XI, p. 29.

138 Dans le cas de Michele Magone (G. BOSCO, Cenno biografico sul giovanetto Magone Michele.., Turin, 1861, chap. 15, p. 84; ci­dessous, document 16).

139 G. ALIMONDA Jean Bosco et son Siècle.., op. cit., p. 22.