Don Bosco et la vie spirituelle Chapitre 1 Don Bosco dans son siècle



Francis DESRAMAUT.Don Bosco et la vie spirituelle. Ed Beauchesne.Paris 1967


Don Bosco dans son siècle


Le temps de Don Bosco


L'esprit d'un homme est modelé par la vie. Jean Bosco n'a pas échappé à la loi commune. Son existence s'est déroulée dans l'Italie du dix-neuvième siècle, sous les ponti­ficats de Pie VII, de Léon XII, de Pie VIII, de Gré­goire XVI, et surtout de Pie IX et de Léon XIII. Il a vécu, d'abord dans le petit royaume sarde, puis, à partir de 1861, dans le royaume d'Italie, le Risorgimento et l'unification de la péninsule aux dépens de la monarchie papale. De son vivant, le siècle est passé d'un certain gallicanisme et d'un certain jansénisme à l'esprit de Vatican I et du liguorisme triomphant1. Jean Bosco fut successivement pâtre de hameau, chef d'un groupe de jeunes, fondateur de sociétés religieuses. Homme d'action confronté à des tendances variées, tour à tour il s'est soumis, il a réagi, il a lutté. Il a beaucoup parlé et beaucoup écrit. Nous nous rappellerons toujours que sa conception de la vie et de la perfection chrétiennes, celle dont les chapitres de ce livre s'efforceront de dire les lignes maîtresses, ne fut nullement intemporelle. En parti­culier, ses trente premières années et l'orientation aposto­lique de son œuvre ont été décisives dans la constitution de son esprit.


Le cadre rural de l'enfance


« Le jour consacré à Marie montée aux cieux fut celui de ma naissance, l'an 1815, à Morialdo, hameau de Castel­nuovo »2.

Au vrai, selon l'acte de baptéme de l'enfant, daté du 17, le petit événement eut lieu le 16 août3. Peu importe d'ail­leurs le jour tout à fait précis. Un fait demeure indubitable : Jean Bosco naquit dans un groupe de maisons campagnardes à quelque trente kilomètres de Turin, alors capitale des seuls États sardes, quelques semaines après la bataille de Waterloo (18 juin 1815), quand, en Europe, la politique de restau­ration, amorcée l'année précédente, se durcissait à la suite du bref réveil révolutionnaire des Cent-Jours.

Mais les rumeurs de la ville ne l'atteindraient pas de sitôt. L'esprit du jeune Bosco sera d'abord façonné par le monde familial et rural qui l'environnait.

I1 connut tout juste son père Francesco (1784-1817) et vécut entre sa mère, Margherita Occhiena (1788-1856), une grand-mére paternelle, Margherita Zucca (1752-1826), très vénérée et très crainte, un demi-frère, Antonio (18o8-1849), né du premier mariage de Francesco, et un frére aîné, Giuseppe (1813-1862)4. On imagine le traumatisme subi par le bambin, puis l'adolescent privé de son père. A soixante ans, il évoquait encore l'instant lugubre où sa mère l'avait entraîné hors de la pièce mortuaire5. Au foyer des Becchi, l'autorité fut assumée par les deux femmes, puis, quand la nonna mourut, par la seule Margherita. Antonio, rustre et vaniteux selon son frère qui ne l'a jamais flatté, tenta bien de la prendre. En vain, car la mère ne plia pas.

Margherita était une paysanne énergique, fine, travail­leuse et surnaturelle6. Ses trois fils, l'adopté et les deux autres, s'en aperçurent. I1 fallait travailler, c'est-à-dire, pour Giovanni, garder les dindons ou la vache, et, bientôt, piocher la petite propriété familiale. Vers l'àge de quatorze ans, vraisemblablement en 1828-1829, notre adolescent fit un stage de quelque dix-huit mois dans une ferme des envi­rons, la Moglia de Moncucco. De part et d'autre, aux Becchi et à la Moglia, la religion était honorée, la prière quotidienne organisée, les offices religieux du dimanche suivis.

Giovanni ne demeurait pas enfermé chez lui ou chez ses patrons. C'était un garçon éveillé, bien que peu loquace, qui piégeait, dénichait et élevait des oiseaux, tombait des arbres les jours ou il avait été téméraire et ne manquait pas les spectacles de bateleurs sur les foires et les marchés du canton. Il se plaisait parmi les garçons du pays et s'en faisait obéir. Son art du commandement les subjuguait7. Tous s'émerveillaient de ses acrobaties. Car « à onze ans, [il] faisait des tours d'escamotage, le saut périlleux, l' « hiron­delle », marchait sur les mains, sautait et dansait sur [sa] corde, comme un saltimbanque professionnel »8. I1 avait appris à lire. Déjà, ses histoires attiraient « des centaines d'enfants et d'adultes »9, qu'il amusait et qu'il prêchait.

L'idée d'utiliser ses talents à des fins apostoliques lui était venue dés l'àge de cinq ans, selon une confidence de vieil­lesse à son secrétaire Viglietti 10. Il redit trés souvent le rôle qu'un rêve avait joué sur lui dans le même sens. « Un homme vénérable » lui avait ordonné de gagner par la douceur une multitude de galopins qu'il lui montrait et de les instruire « sur la laideur du péché et l'excellence de la vertu »11. Il ne lui fut plus possible d'oublier ce rêve. Ses admirateurs du dimanche devaient, avant de jouir de ses spectacles, réciter un chapelet en sa compagnie et entendre un résumé du sermon matinal ou une historiette édifiante12.

Une famille de tradition chrétienne, mais sans présence paternelle, un monde rural laborieux, et aussi un rêve où l'enfant croit discerner qu'un avenir missionnaire lui est préparé par Dieu, tels paraissent avoir été les facteurs prin­cipaux de sa formation en 1829.


L'initiation culturelle sous la Restauration


On conçoit que, dans ce pays chrétien, Margherita, elle­même très pieuse, ait envisagé de faire de son benjamin un prêtre13

Son fils était lui aussi persuadé qu'il devait suivre cette voie, mais l'opposition forcenée d'Antonio l'empêchait encore, à quatorze ans, d'entamer des études secondaires. Un chapelain de Morialdo vint à son secours en novembre 182914. Don Calosso l'initia au latin, en même temps qu'il lui donna quelques principes de vie spirituelle. Ce prêtre était simple, plus simple en tout cas que ses confrères de Castelnuovo, et son élève trouva en lui un père.

I1 est vrai que sa mort imprévue, en novembre 1830, brisa un temps les espérances que nourrissait Giovanni de recevoir une instruction15. Elle décida aussi Margherita à passer outre aux récriminations d'Antonio. Celui-ci prit sa part d'héritage et vécut isolé, tandis que son demi-frère pouvait enfin se rendre à l'école publique de Castelnuovo (1831), puis au collège municipal de Chieri (1831-1835)16.

Le monde de la restauration piémontaise l'accueillit ainsi dans ses écoles très confessionnalisées.

En 1814, les États sardes avaient été repris en main par la vieille dynastie savoyarde. Charles-Emmanuel Ier (1802-1821) puis Charles-Félix (1821-1831), avaient essayé de rendre au Piémont son visage d'antan. Sous leurs règnes, la monarchie légitime, l'Église et, de manière générale, l'auto­rité traditionnelle, fort malmenées au temps de la Révolution triomphante, retrouvèrent officiellement leur prestige. Les fêtes religieuses du dix-huitième siècle furent bientôt réta­blies avec, en surplus, la solennité de saint Joseph17. Les juifs, à l'exception des terrains des ghettos et des cimetières, durent aliéner les biens stables, que la tolérance des gouver­nants antérieurs leur avait permis d'acquérir (1816)18. Une partie des religieux expulsés purent réintégrer les couvents, d'où ils avaient été chassés par les Français et leurs colla­borateurs19. Toute une série de petits diocèses : Alba, Aoste, Biella, Bobbio, Fossano, Pignerol, Suse, Tortona, Alexandrie, furent reconstitués, avec leurs séminaires respectifs20. Enfin, un règlement minutieux, d'inspiration jésuite21, signé par Charles-Félix le 23 juillet 1822, aida à redonner aux écoles publiques une physionomie tout à fait « catholique », sinon cléricale. Jean Bosco a grandi dans un climat de restauration, détail qui ne peut nous laisser indifférents.

Écoutons-le nous entretenir, non sans nostalgie, de l'orga­nisation scolaire, appliquée au collège de Chieri : « I1 est bon que je vous rappelle ici qu'en ce temps la religion faisait partie fondamentale de l'éducation (...) Le matin des jours ordinaires on entendait la sainte messe. L'Actiones et l'Ave Maria étaient pieusement récités au début de la classe. En finale, on disait l'Agimus et l'Ave Maria. Les dimanches et jours de fête, les élevés étaient tous rassem­blés dans l'église de la congrégation. A l'entrée des gar­çons, on faisait une lecture spirituelle, suivie du chant de l'office de la Madone. Ensuite, la messe et, enfin, l'expli­cation de l'évangile. Le soir, catéchisme, vêpres et instruc­tion. Chacun devait s'approcher des sacrements, et, pour empêcher toute négligence en ces importantes obligations, ils étaient tenus de présenter leur billet de confession une fois par mois. Celui qui n'aurait pas rempli ce devoir n'était plus admis aux examens de la fin de l'année, alors même qu'il eût été classé parmi les meilleurs dans ses études »22. Le libéralisme religieux ne tentait pas Don Bosco quand il écrivait ces lignes vers 1875 et il n'y a pas lieu de croire qu'il ait regimbé quarante années plus tôt sous le régime qui faisait appliquer des mesures aussi peu tolérantes.

Giovanni suivit dans ce cadre tous ses cours secondaires. I1 fit alors aussi beaucoup d'autres choses, car il adorait « chanter, jouer de la musique, déclamer, faire du théàtre ». A « ces occupations variées », il « mettait tout son coeur »23 N'avait-il pas créé, dans son collège, une société de l'allé­gresse24? Enfin, la nuit, souvent, (trop souvent, car sa santé en pâtit gravement) pour se distraire, il lisait dans un réduit de sa pension les classiques latins, « Cornelius Nepos, Cicéron, Salluste, Quinte-Curce, Tite-Live, Tacite, Ovide, Horace et d'autres»25. Il recevait donc ou se donnait une culture humaine dans la meilleure tradition des Pères jésuites. Une pratique religieuse fréquente et contrôlée s'harmonisait en lui avec les divertissements et les lectures profanes. L'étape suivante de sa formation pourra contredire cet humanisme : il lui convenait trop pour qu'il le reniàt jamais vraiment.


La formation cléricale en milieu rigoriste, puis liguorien


Un temps, le jeune Bosco se crut une vocation de fran­ciscain et fut même reçu comme postulant dans l'ordre26. Ses conseillers le dissuadèrent de suivre ce chemin et, au mois de novembre 1835, une vie de séminariste commença pour notre jeune homme, qui venait d'avoir vingt ans. Le diocèse comptait quatre séminaires : Turin, Bra, Chieri et Giaveno27. Giovanni fut formé dans celui de Chieri, un ancien couvent de philippins, récemment acquis (1829) par l'administration religieuse turinaise.

Sa vie cléricale s'ouvrait dans un monde ecclésiastique marqué par l'esprit du dix-huitième siècle en Piémont, plutôt rigoriste, sinon janséniste, plus porté, dans ses meil­leurs éléments, à la piété qu'à la science28 et, de plus, non dépourvu de sentiments « gallicans », qu'une campagne ac­tive avait répandus sous le régime napoléonien29. L'uni­versité de Turin, d'orientation à la fois thomiste, probabi­lioriste, régaliste et anticurialiste au siècle précédent30, était demeurée influente. L'affaire du professeur antiliguorien Dettori démis en 1827, à la suite d'une intervention romaine, de ses fonctions à la faculté de théologie de cette université il était très apprécié, prouvait que la mentalité probabi­lioriste y subsistait, virulente31. On insistait sur le côté laborieux de la vie chrétienne en général, et du salut éternel en particulier. Selon les pasteurs de l'époque, expliquait plus tard Giuseppe Cafasso, il était « difficile d'observer les commandements, difficile de bien recevoir la sainte com­munion et même d'entendre une messe avec dévotion, diffi­cile de prier comme il se doit, difficile par dessus tout d'arriver à se sauver. Bien peu nombreux ceux qui se sauvent ... »32.

Quoique sans enthousiasme et avec quelque réserve pour la pratique sacramentelle (il s'éclipsait pour communier), le clerc Bosco se soumit à la doctrine et au mode de vie qui lui furent proposés durant son séjour au séminaire de Chieri. C'était le temps où il découvrait l'Imitation de Jésus-Christ33, étudiait le probabilioriste Alasia et lisait l'Histoire ecclésiastique de Fleury, dont il ne reconnaissait pas encore les tendances « gallicanes »34. Mais le comporte­ment peu amené de ses supérieurs le faisait rêver d'un style d'éducation plus cordial35. S'il travaillait, s'il dissertait dans les cercles d'études formés par les séminaristes, ses goûts le portaient de préférence vers la Bible et l'histoire de l'Église, c'est-à-dire vers des matières peu ou pas enseignées. I1 n'accordait aux sciences proprement théologiques que le minimum d'intérêt indispensable pour réussir - avec brio, car il était intelligent et doué d'une mémoire excellente - ses examens sur les traités scolaires36. Enfin, ses réflexions sur la conduite de son ami, Luigi Comollo, nous paraissent significatives de certaines de ses hésitations d'alors37. Ce jeune garçon avait la piété minutieuse et parfois tendue que la spiritualité en vogue déclenchait dans les àmes généreuses qui la prenaient au sérieux. Ses crises sur son lit de mort (1839), où, halluciné par l'enfer, il frôla le désespoir, sont assez pénibles à lire. De fait, Bosco se fit corriger en tout point par Comollo, qui l'influença beaucoup. Mais, nous confie-t-il - et ce trait semble éclairant - « en une seule chose, dans sa mortification [sur laquelle il fournit aussitôt des détails éloquents], je n'essayai pas même de l'imiter »38. En l'occurrence, la rigueur l'avait étonné et probablement séduit, mais il préférait une spiritualité pour le moins plus adaptée à son tempérament, celle-la même dont, à partir de 1841, il allait trouver certaines grandes lignes au convitto ecclesiastico de Turin.

Fondé en 1817 par le théologien Luigi Guala, qui était aidé et dirigé par son père spirituel Pio Brunone Lanteri (+ 1830) l'un des artisans efficaces de la réforme de l'Église au début du dix-neuvième siècle, ce convitto était destiné à la for­mation pastorale du jeune clergé39. L'esprit de cette insti­tution différait sensiblement de celui du séminaire de Chieri. Luigi Guala avait choisi la ligne des Pères jésuites en morale et en dogmatique, et la thèse du primat de l'amour sur la loi40. Dans les cours qu'il donnait, les solutions morales étaient probabilistes, l'ecclésiologie« ultramontaine », la discipline sacramentaire et l'enseignement ascétique relative­ment larges41. Le « bénignisme » l'emportait sur le rigo­risme de mise jusque-là42. Par Luigi Guala, la Compagnie de jésus transmettait au convitto son esprit d'alors en milieu italien : « ascétique ignatienne, lutte décidée contre le jan­sénisme et le régalisme, dévotion tendre et sincère au Sacré­Coeur, à la Madone et au pape, fréquentation des sacrements, théologie morale selon l'esprit de saint Alphonse »43. Au sortir de Chieri, le changement n'était pourtant pas radical en tous points. Malgré la place dévolue aux études, l'intel­lectualisme ne menaçait pas plus les élèves du convitto que ceux du séminaire. En revanche, la dévotion tenait un grand rôle dans leur vie, avec la pratique de l'apostolat44.

I1 reste que les jeunes prêtres trouvaient dans cette maison les tendances de l'Amicizia cattolica créée, à Turin égale­ment, par le Pere Lanteri au début de la Restauration45. Nous aimerions savoir si la pensée de joseph de Maistre y fut aussi influente que dans ce groupement, où cet écrivain savoyard fut actif dés la premiére heure46. En tout cas, le convitto a été l'un des creusets où le « nouveau style ecclé­siastique et religieux » (R. Aubert), celui qui s'est imposé dans la deuxième partie du dix-neuvième siècle, reçut sa forme, en Italie du nord au moins.

Il a façonné Don Bosco à l'aube de sa maturité, durant les trois années qui suivirent son ordination sacerdotale (5 juin 1841). Sous la direction des deux maîtres : Guala et Cafasso, il y «apprît à être prêtre», chose à laquelle le séminaire de Chieri ne l'avait pas, selon lui, suffisamment initié47.

L'enseignement qu'il reçut dans cette institution était cristallisé autour du professeur Giuseppe Cafasso (1811-1860). Il sera toujours difficile d'apprécier justement le rôle de ce futur saint dans sa formation. On méditera au moins cette phrase qu'il a écrite : « Si j'ai fait quelque chose de bien, je le dois à ce digne ecclésiastique, dans les mains de qui j'ai déposé toutes les décisions, toutes les préoccupa­tions et toutes les actions de ma vie »48. Il fut pour lui un guide et un modèle de prêtre et d'apôtre, particulièrement entre 1841 et 186049. Sous les formules à peine oratoires de ses discours funèbres de 1860, on découvre les vertus que le jeune prêtre Bosco admira en cet homme et qu'il s'ingénia à reproduire en lui-même. Comme Don Guala, quand il cherchait un collaborateur pour le convitto, lui aussi avait été séduit par « son humilité profonde, sa piété sublime, son intelligence non ordinaire, son innocence céleste et sa pru­dence consommée »50. A qui s'étonne de la transformation de l'adolescent turbulent de Chieri devenu, au temps de Dominique Savio, le directeur pondéré de Turin, il faut rappeler, non seulement la différence d'àges, les leçons conservées du rêve de neuf ans et répétées par la suite, l'exemple de Comollo, la discipline relativement rigoriste du séminaire et la spiritualité liguorienne, mais les vingt années de direction d'un saint prêtre, humble, calme et dévoué.


L'apostolat urbain des jeunes abandonnés


A vingt-neuf ans, en 1844, Don Bosco sortit enfin des écoles. Certains traits de sa doctrine et de son esprit ne varieront plus. I1 sera toujours liguorien (avec quelques nuances que nous tàcherons de déceler), sans renier tout à fait le Dieu sévère de sa jeunesse. Il combinera l'humanisme, qui lui était naturel, avec le sentiment de la faiblesse extrême de la créature, de l'emprise de Satan sur le monde et de l'attrait de la concupiscence sur l'homme. Et pourtant il évoluera. La vie lui donnera ses leçons. Son sens de l'Église va se nuancer avec l'évolution de la Question romaine, sa confiance en l'action sanctificatrice va s'affermir pour, peut-être, reculer ensuite, et sa piété sacramentelle va croître selon les lignes de force du siècle et les expériences qu'il fera.

L'apostolat urbain de Don Bosco avait commencé dans la ville de Turin, dés l'année 1841. Turin était alors une capitale d'environ cent trente mille habitants, pas encore industrialisée, mais pôle d'attraction de la jeunesse rurale des environs. L'abbé Bosco y avait créé une sorte de club ou de foyer de jeunes ; il en avait visité les prisons ; il y avait entrepris des prédications ... Il dut toutefois attendre sa sortie du convitto pour recevoir un poste fixe, celui de directeur adjoint d'une pension de « plus de quatre cents fillettes »51. Cette charge ne lui convenait que médiocre­ment. Durant la période qui s'ouvrit alors pour lui, nous le voyons agir en trois milieux principaux : celui des jeu­nes ouvriers abandonnés, celui des futurs clercs venant du peuple et celui des gens simples, dont la foi chancelait dans le bouleversement politico-religieux des années qui suivirent 1848.

I1 mit le meilleur de son àme au service des prédélin­quants. Dés 1841, certains spectacles des prisons turinaises l'avaient beaucoup impressionné : « Voir des bandes de jeunes garçons entre douze et dix-huit ans, tous sains, robustes, d'esprit ouvert, et les découvrir la oisifs, rongés par la ver­mine, privés de pain corporel et spirituel, ce fut une chose qui me donna le frisson »52. Il fonda pour les jeunes un « oratoire », c'est-à-dire, au sens premier qu'il donnait au terme : « un lieu destiné à récréer les jeunes garçons par d'agréables divertissements, après qu'ils ont rempli leurs devoirs religieux »53. Primitivement, l' « oratoire » n'était ouvert que les dimanches et les jours de fête. Don Bosco sera donc éducateur de jeunes travailleurs à peu prés illettrés. Or, il les verra se transformer et se sanctifier sous ses yeux par l'enseignement de la religion, la pratique vertueuse, le recours à la confession et à l'eucharistie. Sa confiance dans les méthodes qui lui avaient été enseignées grandira avec ses réussites apostoliques. La plupart de ses principes sur la « parole de Dieu », les « exercices » et la vie sacramentelle ne varieront plus.

Pour les jeunes encore, il publiait aussi, durant ces années, une histoire de l'Église (1845), un livre d'arithmétique (1846 ?) et un livre de dévotion à saint Louis de Gonzague (1846). Mais sa santé périclitait. La marquise de Barolo, peu satisfaite de le voir user ses forces dans un travail qu'elle ne contrôlait pas, le pria de choisir entre ses fillettes et les garçons : il n'hésita pas et demanda son congé (1846)54. Il allait désormais se consacrer exclusivement à l'oratoire Saint-François-de-Sales, centre de son oeuvre urbaine, établie dans le quartier plus ou moins bien fame du Valdocco, où elle se développerait rapidement. Quelques jeunes furent bientôt hébergés dans une maison dépendant de cet oratoire (la « maison de l'oratoire Saint-François-de-Sales ») et, à partir de 1853, certains d'entre eux purent apprendre leur métier dans les ateliers embryonnaires qui y étaient installés. L'école professionnelle salésienne naissait, d'abord destinée, elle aussi, aux jeunes abandonnés.


Le climat politique et religieux du Piémont de 1848-1860


Contrairement à une opinion répandue, cette école était loin d'absorber l'activité de Don Bosco. Ses jeunes avaient d'abord été des artisans, pour la plupart maçons. Les événe­ments de 1847 et de 1848 en Piémont l'orientèrent vers d'autres catégories sociales, sans toutefois le faire sortir de la classe populaire.

Depuis quelques années, le vent tournait. En 1831, Charles-Albert avait succédé à Charles-Félix. Or, comme l'écrivait naguère le discret chanoine Chiuso, ce roi « n'avait jamais tout à fait rompu avec les hommes de la révolu­tion »55. Il en donnait du moins l'impression. Autant dire qu'il semblait se détacher de l'esprit de la Restauration, qu'il y avait un peu de libéral en lui et que, à l'étonnement du très conservateur Solaro della Margarita, certains couplets du Risorgimento ne le trouvaient pas insensible56. Quand à partir de 1847, les pressions de l'opinion publique l'empor­tèrent dans le sens libéral, c'était, pour le public, avec l'accord du roi. Les réformes constitutionnelles de cette année-là suscitèrent de multiples enthousiasmes à Turin57. Le Statut de 1848, qui proclamait la liberté de la presse (a. 11) et garantissait la liberté individuelle (a. 12) - les citoyens vaudois et juifs bénéficiant désormais de la législation com­mune -, enflamma plus encore la population58. Le change­ment était toutefois trop brusque. Le conservatisme dominait le haut clergé. Les nouveautés étaient attribuées aux sectes.

Des passions anticléricales, dont les jésuites, puis les dames du Sacré-Coeur furent les premières victimes, se déchaî-nèrent bientôt. L'archevêque de Turin, Mgr Fransoni, un aristocrate qui n'aimait pas s'en laisser imposer, fut em­prisonné et, en 1850, dut s'exiler à Lyon59. Un train de mesures laïcisatrices commençait de transformer complète­ment la vie du clergé des États sardes : suppression du for et des immunités ecclésiastiques (1850), abolition des dîmes en Sardaigne (1851), projet de loi - au reste sans lendemain - introduisant le mariage civil (1852), occupation du séminaire diocésain de Turin (1854)60, enfin loi des couvents (1855), selon laquelle cessaient d'exister « comme personnes morales et reconnues par la loi civile, les maisons appar­tenant aux ordres religieux, qui ne se [livraient] pas à la prédication, à l'éducation ou à l'assistance des malades » (a. 1)61

Il fallait désormais compter avec un état d'esprit dom­mageable à l'Église institutionnelle, au moins dans ses struc­tures du temps et du pays. Don Bosco, sans tendresse pour les « funestes conséquences » des « principes » qui avaient engendré le Statut de 1848 62, mit ses forces au service de cette Église en deux domaines principalement : le soin des clercs et la lutte contre l'erreur parmi les gens simples.


Le soin des clercs


Il se préoccupa de la raréfaction des séminaristes. « Quand les instituts religieux étaient ainsi dispersés, que les prêtres étaient vilipendés, certains mis en prison, d'autres assignés à résidence, comment était-il possible, humainement par­lant, de cultiver l'esprit de vocation ? »63 Pour assurer l'avenir de l'Église en Piémont, il se tourna, racontait-il plus tard, vers « ceux qui maniaient la pioche et le mar­teau »64, beaucoup plus sûrs, à son sens, que les fils de famille, qui fréquentaient les « écoles publiques » et les « grands collèges ». Les cours secondaires de la maison de l'oratoire du Valdocco naquirent de la sorte après 1849.. Dominique Savio entre 1854 et 1857, Michele Magone entre 1857 et 1859, Francesco Besucco entre 1863 et 1864, les ont fréquentés. Une partie des élèves étaient des voca­tions d'aînés. Quelques années plus tard, le chiffre des prêtres sortis de ce centre était déjà impressionnant. On en conclura que la spiritualité proposée par Don Bosco tou­chait, avec le tout-venant urbain, des àmes beaucoup plus cultivées en matière religieuse.


La lutte contre les vaudois


L'évolution politique le conduisit à lutter simultanément sur un autre front. Les vaudois profitaient de l'égalité des droits et de la liberté de la presse, qu'ils avaient récemment conquises, pour étendre leur influence, en particulier dans le monde des gens sans culture. Ceux-ci étaient nombreux assurément, puisque les statistiques de 1848 nous apprennent que les deux cinquièmes des Turinais ne savaient ni lire ni écrire 65. Les missionnaires vaudois opéraient avec d'autant plus de succès que, selon Don Bosco (au demeurant, ici trop absolu), « les catholiques, se fiant aux lois civiles, qui, jusqu'alors, les avaient protégés et défendus, possédaient tout juste quelques journaux ou oeuvres classiques et d'éru­dition, mais pas un journal, pas un livre à mettre entre les mains du peuple » 66. Notre apôtre riposta en 1850 (et peut-être dés 1848) par des Avis aux catholiques, qu'il distribua par poignées : en deux mois, nous apprend-il, «plus de deux cent mille exemplaires furent répandus »67.

Mis en goût par son succès, il engagea à partir de 1853 une offensive d'envergure par la revue des Lectures catho­liques, qui allait disputer le terrain aux Lectures évangé­liques, d'inspiration vaudoise. Les fascicules, d'abord bi­mensuels, puis mensuels, avaient une centaine de pages. La bataille fut animée. Le rédacteur de la nouvelle publication reçut des visites. On le menaça, il fut provoqué, il se défen­dit et contre-attaqua. Les disputes verbales ne suffisaient pas à ses adversaires : Don Bosco croyait même pouvoir leur imputer quelques attentats, dont, plus heureux que l'abbé Margotti68, il était sorti indemne69. Ces violences ne l'abattirent pas. Les Lectures catholiques persistèrent, et l'histoire générale constate qu'en Piémont, « dés 186o, l'échec du mouvement [vaudois] était patent »70.

Don Bosco n'a donc pas été qu'un amuseur de petits garçons. Au milieu du dix-neuvième siècle, en un temps et un pays où les gens d'Église sentaient le sol se dérober sous leurs pieds, il défendit efficacement la vie et la foi des jeunes travailleurs et du petit peuple. L'esprit dans lequel il oeuvrait nous importe beaucoup. On l'a deviné : ce n'était pas celui de 1848, car il visait alors à « conserver ». Preuve complémentaire: Mgr Luigi Moreno, évêque d'Ivrée, administrateur des Lectures catholiques, était un intran­sigeant.


La fondation de sociétés religieuses


A partir de 1858 environ, sans renoncer à son activité éditoriale et à la direction personnelle de ses jeunes, Don Bosco s'est surtout consacré à la fondation et au dévelop­pement de ses sociétés religieuses. Cette entreprise l'a amené à intégrer dans sa doctrine un enseignement sur les voeux de religion et, dans un ordre différent, à renforcer ses opinions « ultramontaines ».

Notre saint travaillait dans l'Église de Pie IX (1846-­1878)- I1 n'a connu que les premières années du pontificat de Léon XIII (1878-1903). Or, sous Pie IX, la catholicité, battue sur le plan temporel lors du dépeçage des États pontificaux achevé par la prise de Rome le 20 septembre 1870, se resserrait autour de son chef, qu'auréolaient des malheurs immérités et une série d'actes religieux retentis­sants, tels que les définitions de l'immaculée conception de Marie, en 1854, et de l'infaillibilité personnelle du souverain pontife au concile du Vatican, en 1870 71. L'ultramontanisme balayait toutes les résistances en Italie, en France, en Alle­magne, en Grande-Bretagne ... Disons-le tout de suite : quand il fondait son oeuvre mondiale, Don Bosco, disciple de saint Alphonse et formé au convitto, participait volon­tiers de cet esprit, auquel son idéal de perfection apostolique empruntait ses traits définitifs. Sa Vierge devenait l'auxi­liatrice, la reine des batailles de l'Église, et celle-ci était désormais personnifiée à ses yeux par Pie IX, dont les évêques n'étaient que les délégués. Dans le royaume de Dieu, il imaginait l'apôtre tel un lutteur dont la tàche serait de rejoindre tous les désirs du pape infaillible.

Remontons de quelques années 72. En 1852, Don Bosco

avait été nommé par Mgr Fransoni directeur des trois oratoires turinais. Sans bruit, dans la période qui suivit, il forma des cadres pour l'oeuvre qu'il méditait. Des 1855, le jeune Michele Rua (1837-1910), son futur successeur, prononçait des voeux privés. Mais sa société ne naquit vrai­ment que quatre années plus tard.

En 1858, Don Bosco s'en était allé pour la première fois à Rome trouver Pie IX, à qui il avait remis une lettre de recommandation de Mgr Fransoni et un projet de « règle­ment » de sa société. Le pape l'avait reçu avec une grande bienveillance et, selon les relations postérieures du saint, lui avait conseillé : 1º De créer «une société à voeux simples, parce que sans voeux les liens convenables de membres à membres et de supérieurs à inférieurs lui feraient défaut. » 2° De ne pas imposer de costume, de pratiques ni de règles qui signaleraient les associés au milieu du monde 73. Ce programme convenait tout à fait à Don Bosco, dont il reprenait sans doute les propres idées, nourries par l'exemple d'Antonio Rosmini, fondateur de l'Institut de la Charité, et les réflexions d'Urbano Rattazzi 74 . En 1880 il pourra répondre à une demande officielle de renseignements sur l'oratoire du Valdocco : « Je crois nécessaire de noter qu'il n'existe chez nous aucune « congrégation », mais seulement une pieuse association, dite de Saint-François-de-Sales, qui a pour but de s'occuper de l'éducation de la jeunesse pauvre et abandonnée. Le soussigné et tous ceux qui en font partie sont de libres citoyens et dépendent en toutes choses des lois de l'État . . . » 75

Il n'a parlé ouvertement de son projet aux salésiens que le 9 décembre 1859. Sur les pressentis, quatorze se retrou­vèrent le 18 décembre suivant. Le procès-verbal de cette dernière réunion dira : « I1 plut aux participants de s'ériger en société ou congrégation qui, ayant pour but d'aider mutuellement ses membres dans leur propre sanctification, s'est proposé de promouvoir la gloire de Dieu et le salut des àmes, de celles notamment qui ont le plus besoin d'ins­truction et d'éducation » 76.

Ces explications paraissent nécessaires à la juste com­préhension de l'article premier des constitutions salésiennes dans la rédaction la plus ancienne qui nous en soit parvenue. Selon lui, « le but de cette congrégation est de réunir ses membres, ecclésiastiques, clercs et aussi laïcs, dans l'intention de se perfectionner eux-mêmes en imitant les vertus de notre divin sauveur, spécialement par l'exercice de la charité envers les jeunes pauvres » 77. A ce stade, en conformité avec la pensée profonde de Don Bosco et les expériences qu'il a faites jusque-la, la perfection des membres de sa société est obtenue par l'exercice de la charité apostolique.

La congrégation salésienne prit forme, à partir de 1860, gràce à la ténacité de son initiateur et au soutien efficace que lui apportèrent des personnalités romaines, parmi les­quelles Pie IX figurait en première place. « Nous pouvons dire que le Saint-Père est notre fondateur et qu'il nous a presque personnellement dirigés », écrivait Don Bosco au cardinal Ferrieri, le 16 décembre 1876 78. L'institution fit l'objet d'un décret de louange en 1864 et d'une approbation du Saint-Siège en 1869. L'approbation définitive de ses constitutions date de 1874 et la communication des privi­lèges des rédemptoristes, qui faisait d'elle une congrégation de droit pontifical exempte, de 1884. Au cours de ces an­nées, les intentions premières de Don Bosco n'avaient pas été trop malmenées. Cependant, en 1864 et dans toutes les rédactions qui suivirent, l'article sur le but de la société distingua perfection et charité active, l'une et l'autre devant être recherchées simultanément. De plus, un petit chapitre qui incluait des membres non communautaires dans sa société disparut en 1874, malgré les efforts déployés par Don Bosco pour le maintenir entre 1864 et 1873. II se fit une raison et, dans les années suivantes, créa la pieuse union des coopérateurs salésiens (1876), qui reprenait en l'adaptant cette dernière partie de son programme. Avec la congrégation des filles de Marie-Auxiliatrice pour l'évangélisation de la jeunesse féminine (1872), dont les constitutions copiaient souvent mot à mot les constitutions salésiennes, cette pieuse union achevait la famille spirituelle voulue par lui.

Son programme primitif s'était élargi. Toutes sortes d'oeuvres apostoliques y entraient désormais, y compris les missions en pays lointains 79. On aurait donc tort de croire que ses entreprises se modelaient uniformément sur celle du Valdocco 80. En 1884, un biographe français faisait remar­quer, non sans sourire, mais avec raison : « Jusqu'à présent, les fondateurs d'ordres et de congrégations religieuses se sont proposé un but spécial au sein de l'Église; ils y ont pratiqué la loi que nos économistes modernes appellent la loi de la division du travail. Don Bosco semble avoir conçu l'idée de faire faire à son humble communauté le travail tout entier ... » 81 Cet élargissement indéfini n'était pas chez lui de la présomption. I1 se croyait guidé par la Providence, à qui il attribuait sereinement certaines de ses décisions et toutes ses réussites 82.

L'expansion de son apostolat élargissait aussi son in­fluence spirituelle. Ses directives valaient désormais, non seulement pour des enfants d'Italie, mais pour des religieux et des laïcs éparpillés dans le monde chrétien et consacrés à des activités de toute sorte.


Don Bosco auteur


Elles étaient véhiculées entre autres par ses petites bro­chures et ses véritables livres, dont plusieurs allaient être traduits en français et en espagnol durant la dernière partie de sa vie. Les Lectures Catholiques prospéraient, et leurs meilleurs titres, les plus vendus à en juger par le nombre de leurs éditions, étaient constitués par les oeuvres de Don Bosco 83.

De loin, leur valeur nous semble très inégale. Certaines, par exemple Dominique Savio, Angelina, ou même l'Histoire d'Italie demeurent délicieuses ; d'autres - la plupart des Vies des papes et des biographies de martyrs - sont dé­pourvues d'intérêt littéraire et, bien entendu, d'intérêt scien­tifique. Nous nous garderons pourtant d'en négliger aucune.

Toutes ces oeuvres permettent de reconstituer la pensée de Don Bosco et de la comprendre en la situant dans une tradition spirituelle.

Un enseignement cohérent ressort de leur lecture, surtout si l'on a pris le soin d'éclairer les livres par les lettres et les discours. Elle rend par exemple évident que Don Bosco n'avait qu'une spiritualité, celle qu'il expliquait presque indifféremment aux enfants et aux adultes 84. Le début de la Clef du paradis, méthode de vie rédigée pour ceux-ci, est en grande partie un décalque du Garçon instruit, destiné à rendre le même service aux jeunes (exactement aux ado­lescents). Seule différence sur des pages entières, le vocatif « chrétien » prend la place du vocatif « mes garçons ». Que cela nous étonne ou non, Don Bosco, qui pourtant connais­sait les adolescents, ne jugeait pas indispensable de leur réserver une spiritualité taillée d'abord pour eux. Et ses leçons aux adultes venaient d'un éducateur de jeunes.

Apôtre des jeunes et apôtre du peuple, il tenait à dire des choses utiles assimilables par les paysans et les ouvriers. Pas davantage. Il ne se croyait donc pas tenu à de longues recherches, qui n'étaient pas de son ressort. Quelques livres un peu solides lui semblaient suffire pour constituer une bonne documentation, dans laquelle il ne manquerait pas de puiser non seulement des mots mais des paragraphes, surtout quand il serait pressé par le temps. Toujours harcelé et nullement prétentieux, il n'éprouvait pas non plus tellement de scrupules à se faire aider par des collaborateurs un peu capables. Selon lui, un auteur « populaire » doit avoir pour première qualité d'user d'une langue simple et limpide. Il écrivait à un traducteur : « Très cher Turco. Voici un livret à traduire du français. Il est évident que tu le traduiras librement, non pas dans un style élégant qui n'est pas le tien, mais dans un style populaire, classique, phrases brèves, claires, etc., tout à fait comme tu as l'habitude d'écrire...» 85. Giovanni Bonetti, Giovanni Cagliero, Giovanni Battista Lemoyne . . . , furent ainsi mis à contribution. La correspon­dance de Don Bosco prouve combien généreusement il re­courut aux services de Bonetti. Quant à Lemoyne, il a composé certaines de ses lettres et jusqu'à des récits de « songes » signés par son maître 86 . L'auteur principal re­voyait de prés ce qu'on lui soumettait, en même temps que ses propres chapitres, puis assumait des écrits dont les maté­riaux et la forme même ne lui étaient pas nécessairement tout à fait personnels.

Sa vie intellectuelle dépendait d'une bibliothèque, qui était mieux fournie qu'on ne l'attendrait d'un homme d'action. Vu l'importance du thème de ses sources, aussi bien dans ses travaux publiés que dans sa correspondance et ses discours familiers, on nous pardonnera d'insister un peu sur elles.

II serait possible de disserter sur sa culture biblique - non négligeable, car il a composé une Histoire sainte -, pa­tristique - acquise toujours de deuxième main, nous semble­t-il -, ou historique - il fréquenta les Acta sanctorum et les Annales de Baronius. Nous nous en tiendrons à quelques maîtres spirituels, qui lui étaient plus certainement familiers.

Le rôle de l'Imitation de Jésus-Christ dans la formation de sa pensée et dans l'élaboration de son oeuvre devra être un jour défini. Nous savons qu'il l'admira dans sa jeunesse pour la densité de ses propositions 87. Le Pere Ceria faisait remarquer qu'il en méditait volontiers quelques versets avant de prendre son repos 88. L'un de ses anciens élèves, fondateur de congrégation lui aussi, le Père Giuseppe Allamano, qui avait été formé au Valdocco, assurait que l'Imitation y était tenue en haute estime 89. De fait, elle est recommandée dans la Vie de Dominique Savio par notre saint 90 et divers aspects de la spiritualité de celui-ci ne manquent pas d'affi­nités avec la « dévotion moderne » du célèbre petit livre.

Mais Don Bosco a vécu dans le dix-neuvième siècle italien, marqué par la Réforme et la Contre-Réforme issue du concile de Trente. Toute son oeuvre s'en est ressentie. De prés ou de loin, il a surtout fréquenté les défenseurs d'une théologie « humaniste », qui étaient aussi les adversaires de l'idéologie réformée, très particulièrement les jésuites d'Italie, saint Philippe Neri (1515-1595), saint François de Sales (1567-1622) et ceux qui, du dix-septième au dix-neuvième siècle, les avaient voulus pour maîtres. Leurs visages et, jusqu'à un certain point, leurs doctrines, transparaissaient dans ses livres et ses allocutions.

I1 semble n'avoir jamais cité saint Ignace. Mais, pour être indirects, ses contacts avec lui, par le biais de ses disciples d'Italie, furent nombreux et déterminants. Il est en effet demeuré toute sa vie dans la proximité de la tradition ignatienne. Au séminaire, il avait lu le jésuite Paolo Segneri (1624-1694) - c'est-à-dire, pensons-nous, au moins le Chré­tien instruit, ouvrage imprégné de la spiritualité de la Compagnie 91- et passé trois mois et demi de vacances dans une maison de campagne des jésuites, à Montaldo 92. Le convitto de Turin, dont le rôle a été décisif dans l'orientation de sa pensée, relevait de quelque manière de la postérité spirituelle du jésuite Diessbach. Le Pere Secondo Franco (1817-1893), supérieur de la résidence des jésuites de Turin, devait lui fournir trois titres de ses Lectures Catholiques; en 1887, sur l'invitation de Don Bosco, ce même personnage participait aux réunions plénières du premier chapitre général des salésiens et y prenait la pa­role 93. La vie de saint Louis de Gonzague, qu'il a résumée et commentée sur les traces du jésuite Pasquale De Mattei, aurait suffi à mettre notre saint en contact avec la spiritualité de saint Ignace 94. Très logiquement, il s'appuyait à l'occa­sion sur Rodriguez 95 ...

Les propos de saint Philippe Neri lui arrivaient par des compilateurs spirituels ou par les biographes de ce saint, c'est-à-dire probablement par le Pere Bacci 96. Certaines de ses phrases typiques, qui figurent dans le Porta teco de 1858 97, la Vie de Michele Magone de 1861 98 et le Traité de la méthode préventive de 1877 99, donc à l'intérieur de documents significatifs échelonnés sur ses années de vie active, étaient bien intégrées au fonds de sa propre spiri­tualité. Créateur d'oratoires lui aussi, il conservait son imagesous les yeux et croyait assurément continuer au dix­neuvième siècle l'oeuvre et l'esprit du grand Florentin du seizième 100.

Plus qu'un auteur spirituel, saint François de Sales a été, pour Don Bosco, un modèle qu'il offrit à l'admiration et à l'imitation de ses « salésiens » 101. Il l'a quelquefois cité ou recopié, mais très probablement à travers des intermé­diaires 102. Sa mansuétude et son énergie dans la défense de la vérité l'avaient particulièrement séduit. Il se disait aussi en plein accord avec la doctrine de l'Introduction à la vie dévote, qui fut recommandée avec persévérance dans les publications du Valdocco 103.

A ces trois grands hommes de la Contre-Réforme, il fau­drait, pour n'être pas trop incomplet, ajouter au moins saint Charles Borromée (1538-1584) 104 et saint Vincent de Paul (1581-1660), Don Bosco ayant consacré à ce dernier tout un fascicule 105. Il, d'ailleurs en grande partie rédigé d'après la traduction italienne (Gênes, 1840) de l'Esprit deS. Vincent de Paul, ou Modèle proposé à tous les ecclésias­tiques, 1780, in-12º, de André-Joseph Ansart. Une source plutôt trouble ...

Avec M. Vincent, nous sortons de la Restauration catho­lique proprement dite. Au dix-septième et au dix-huitième siècle, de nouveaux maîtres s'étaient levés derrière les chefs de file du seizième. Parmi eux, plusieurs, que le convitto lui avait appris à choisir dans les rangs des antijansénistes, sont aussi entrés dans la documentation de Don Bosco.

Sebastiano Valfré (1629-1710) avait été l'un de ces relais. Grégoire XVI avait béatifié ce Piémontais en 1834, au moment où Giovanni Bosco décidait de sa vocation sacer­dotale. Devenu prêtre, il méditera sur ses exemples et ses leçons. Saint Philippe Neri et saint François de Sales avaient été les seuls auteurs nommés par le bienheureux Sebastiano dans un règlement de vie de 1651, que Don Bosco reproduisit en 1858 dans le Porta teco : « Lisez volontiers quelques livres de dévotion, non toutefois ceux qui dissertent de rigueurs, mais plutôt ceux qui enseignent à servir Dieu avec un saint amour et une confiance cordiale. Vous pourriez adapter la Philothée de saint François de Sales et la Vie de saint Philippe » 106. De fait, les similitudes entre les deux apôtres sont nombreuses. Le premier avait collaboré à l'im­plantation d'un oratoire philippin à Turin. L'ensemble de son apostolat urbain au dix-septième siècle : soin des pau­vres, instruction des enfants, lutte contre l'erreur, avait curieusement préludé à celui du deuxième dans la même ville entre 1841 et 1858 107.

A nos yeux, saint Alphonse de Liguori (1697-1787), expli­qué par le professeur Cafasso au convitto de Turin, l'a emporté sur toutes les autres sources « spirituelles » de Don Bosco, au moins par le nombre et l'ampleur des textes que celui-ci lui a empruntés. Les études sur les sources des deux seuls ouvrages de spiritualité de Don Bosco analysés à ce jour : le Garçon instruit (1847) et le Mois de mai (1858) révèlent le rôle important ou essentiel des écrits liguoriens dans leur élaboration 108. Par exemple, les Massime eterne de saint Alphonse ont été versées, à peine remaniées, dans le Garçon instruit 109. I1 est facile de constater que l'Exercice sur la miséricorde de Dieu (vers 1847) dépend de l'oeuvre de saint Alphonse sur la Préparation à la mort 110. Les Gloires de Marie furent l'une des sources du livret de Don Bosco sur la neuvaine à Notre-Dame auxiliatrice 111. Les Actes de dévotion à faire devant le saint sacrement, qui figurent dans un petit travail de Don Bosco sur le miracle eucharistique de Turin, ont été explicitement empruntés à saint Alphonse 112. Enfin, Don Bosco suivait celui-ci de prés dans ses explications sur la vie religieuse. L'Introduction (1875, 1877, 1885) des constitutions salésiennes adaptait de longs extraits de la Véritable épouse du Christ et des Avis sur la vocation. Les idées de Don Bosco sur la réception des sacrements de pénitence et d'eucharistie, sur la pratique de la mortification, sur la fuite des occasions dangereuses, etc., étaient, au moins partiellement, celles que saint Alphonse avait défendues en son temps 113. Vers 1875, ce saint était l'auteur officiel de morale (et d'ascétique) des salésiens 114. La suite nous dira si Don Bosco a été exclusivement liguo­rien. Déjà, toutefois, nous noterons que le compilateur de­meure maître de ses choix, que l'originalité de saint Alphonse lui-même - qui appartenait à la lignée de saint François de Sales et dépendait, à travers Saint-Jure et Nepveu, de la première écale ignatienne - était relative 115, et que son disciple pouvait donc retrouver à travers lui l'une des formes de la spiritualité moderne.

Pour l'essentiel, nous en restons la. Il est cependant pro­bable que le rôle joué dans les écrits et l'élaboration de la pensée de Don Bosco par plusieurs de ses contemporains ou semi-contemporains paraîtra un jour avoir été méconnu, qu'il s'agisse d'humbles anonymes, comme l'auteur de la Guide angélique, d'écrivains politico-religieux un peu inquiétants, comme l'abbé de Barruel et Joseph de Maistre 116, de néo-humanistes plus sympathiques, comme l'oratorien Antonio Cesari (1760-1828) 117, ou de philosophes, théologiens et spirituels renommés, comme Antonio Rosmini, Giovanni Perrone, Mgr de Ségur et Giuseppe Frassinetti 118. Cela ne change rien aux conclusions qui se dessinent. La veine de Don Bosco plongeait certes dans la Bible et la tradition patristique. Mais ses véritables « auteurs » étaient des mo­dernes de la Contre-Réforme et de l'antijansénisme : Paolo Segneri, saint Philippe Neri, saint François de Sales, le bien­heureux Sebastiano Valfré, saint Alphonse de Liguori .... sans reparler de son maître Cafasso. On voit, par cette seule énumération, qu'il n'appartenait pas aux lignées des auteurs abstraits du monde rhénan et flamand ou des auteurs mystiques espagnols ou encore des auteurs théologiens de la « dévotion française » du dix-septième siècle. Sa forma­tion et ses goûts l'avaient mené dans un monde assez différent.


Les songes


La lecture de ses oeuvres, y compris celle de ses « songes », a vite convaincu de cette orientation celui qui les parcourt. Il y a, en effet, dans les Memorie dell'Oratorio, dans les lettres du saint et dans les « chroniques » de sa maison, un nombre considérable de récits de « songes ». Au total, les Memorie biografiche - corpus où ils ont été en principe tous rassemblés - en renferment quelque cent vingt. Don Bosco faisait des rêves étonnants, sur l'état d'àme de ses garçons, sur l'avenir de son oeuvre, et les racontait volontiers à ses intimes, voire aux élèves de ses écoles. Aujourd'hui, tandis que quelques-uns les méprisent, d'autres les font relever uni­formément de causes préternaturelles. Est-il permis de dire que les deux attitudes sont critiquables ?

Les problèmes que posent les « rêves » de Don Bosco doivent être sériés. La tradition textuelle de chacun d'eux devrait d'abord être scrutée avec soin. Nous avons ainsi observé que les « songes » de 1831, 18 34 et 18 36 n'étaient que des variantes du songe primordial de 1824 (date ap­proximative) 119. La prudence nous demande également d'être circonspects dans leur interprétation. Les « rêves » ont certes tenu une place importante dans la vie de saint Jean Bosco et il était persuadé de communiquer par eux avec l'au-delà. Certaines prédictions de morts annoncées à la suite de rêves nocturnes sont surprenantes. I1 convient pourtant de ne rien majorer et pour le moins, d'imiter en cette matière la dis­crétion du principal témoin. Vers soixante ans, celui-ci définissait ainsi son attitude : « On dit qu'il ne faut pas s'occuper des rêves : je vous dis que, dans la majeure partie des cas, je suis moi aussi de cet avis. Parfois cependant, bien qu'ils ne nous révèlent pas de choses à venir, ils servent à nous faire connaître comment dénouer des affaires très embrouillées et à procéder en diverses occasions avec une véritable prudence. Il est alors permis d'en tenir compte, pour ce qu'ils offrent de bon ... » 120. Jusque dans sa vieil­lesse, il demeura fidèle à ce principe de discernement. Il écrivait en 1885: « Je vous prie de ne pas prêter grande attention aux rêves [che non si dia gran retta ai sogni], etc.


S'ils aident â l'intelligence de choses morales ou de nos règles, bien : qu'on les retienne. Autrement, n'en faites aucun cas » 121. De tels propos ne doivent pas être édulcorés, l'hon­nêteté et la simple prudence l'exigent. « L'appareil narratif est là pour soutenir une vérité profonde, et celle-ci importe surtout », a-t-on écrit des « songes » de saint Pierre Damien et d'autres médiévaux des « plus subtils » 122. Au lieu d'attri­buer systématiquement une origine miraculeuse aux rêves racontés par Don Bosco, il vaut mieux chercher d'abord en eux, dés qu'ils ont une portée morale ou spirituelle, des documents sur sa pensée, composés assurément non sans l'aide de la grâce du Seigneur. Ils ne nous décevront pas. On laissera aux psychologues et aux théologiens mystiques le soin de mesurer la part d'intervention spéciale de Dieu dans leur élaboration. L'entreprise est infiniment délicate, et l'an comprend que plusieurs s'y soient cassé les dents 123.

Le différend avec Mgr Gastaldi


La réputation de voyant et de thaumaturge que ses admi­rateurs faisaient â Don Bosco a-t-elle contribué â indisposer contre lui l'archevêque de Turin, Mgr Lorenzo Gastaldi ? Nous le croirions volontiers.

Son action, apparemment si bienfaisante, ne convenait pas â tout le monde, même â l'intérieur du corps épiscopal, et pour des raisons qui n'étaient pas que de jalousie mesquine. Elle allait â l'encontre d'une autre vision de l'oeuvre de l'Église. Prise en bloc, la fondation salésienne brouilla Don Bosco avec la curie turinaise et nommément avec ce prélat, qui fut archevêque de Turin de 1871 à 1883. Pendant trente années, de 1841 à 1870, prêtre, puis évêque, Gastaldi avait pourtant été l'un des meilleurs confidents de Don Bosco 124. Mais l'archevêque avait, comme Mgr Darboy à Paris, des idées d'un « autre » temps sur le gouvernement dans l'Église. Non content de préférer Rosmini à saint Thomas et de trouver saint Alphonse de Liguori trop large 125, il s'irritait des défenseurs des privilèges des religieux 126 et des exalta­teurs du pape aux dépens de l'épiscopat 127. Inutile d'ajouter que ces positions cadraient mal avec celles du directeur de l'oratoire Saint-François-de-Sales, ancien élève du convitto, liguorien convaincu, qui, avec l'appui déclaré du souverain pontife, affranchissait sa société de la tutelle épiscopale. Lamentable, la bataille, bientôt jetée sur la place publique par des brochures anonymes, où la curie voulait déceler l'influence de Don Bosco, dura douze ans. Coups fourrés, libelles, arbitrage épiscopal à la demande de Rome, citation de Don Bosco en justice ecclésiastique, rien n'a manqué à ce pénible différend, auquel, seuls, la mort de l'archevêque et son remplacement par un ami du fondateur des salésiens parvinrent à mettre un terme en 1883 128.



Don Bosco dans le nouvel État italien


Si, à parler humainement, Don Bosco l'a alors emporté, reconnaissons que son adresse diplomatique y fut pour beau­coup. Elle lui permit aussi d'être l'un des traits d'union entre les Italiens et le Saint-Siège en deux affaires cruciales : les nominations d'évêques dans les évêchés vacants et les provisions de leurs temporels. A partir de 1860, l'installation des Piémontais dans de nouveaux territoires et leur opposi­tion au pape avaient entraîné des exils et des emprisonne­ments d'évêques, puis de multiples vacances dans les diocèses. En 1865, cent huit troupeaux étaient sans pasteur 129. Don Bosco s'entremit en 1866 et 1867 et suggéra aux deux parties une solution, qui semble avoir été retenue lors de la mission Tonello 130: chacune d'elles proposerait une liste et, dans la mesure des possibilités, les élus agréés de part et d'autre - bien que sans accords officiels, la rupture les interdisant - prendraient la tête des diocèses à pourvoir. De fait, trente-quatre évêques furent désignés aux consistoires du 22 février et du 27 mars 1868. Quelques années plus tard, en 1873-1874, le bruit de la presse autour de ses démarches officieuses témoignait du rôle que Don Bosco jouait aussi dans la question du temporel des évêques et des curés 131.

La confiance, que, simultanément, le pape Pie IX et les ministres Crispi, Lanza et Vigliani lui témoignaient alors, nous indique où il convient de le classer pendant la dure bataille, qui opposa, dans la deuxième moitié du dix­neuvième siècle, une Église conservatrice et une certaine société italienne pressée de s'adapter au monde moderne. D'une part, il n'aimait pas les révolutions 132 et croyait à la nécessité de la souveraineté temporelle des papes 133. Son amitié envers l'abbé journaliste Margotti, assurément peu tendre pour le nouveau pouvoir, fut indéfectible 134. D'autre part, il prêchait la soumission aux puissances établies et donc au nouvel État, fût-il libéral et anticlérical 135, et intégrait à son oeuvre les progrès économiques et sociaux du monde où il vivait. I1 semble même qu'après 1870 cette deuxième tendance l'ait emporte sur la première. A tout prendre, même sous Pie IX, il penchait pour la réconciliation des deux cités.

Cette joie ne lui fut pas donnée, il s'en faut. Avec la direction quotidienne d'une société religieuse en développe­ment, les affaires dont nous avons parlé (et d'autres, tel l'achèvement d'une grande église de Rome, dont, pour faire court, nous n'avons rien dit) l'ont, malgré sa robustesse native, accablé avant l'àge. En 1884, Don Bosco, perclus d'infirmités, entrait dans une vieillesse prématurée. Il mourut à Turin, le 31 janvier 1888.


Don Bosco dans son siècle


Résumons. Don Bosco naquit dans un milieu paysan et conservateur, mais sa sagesse naturelle, les nécessités de la vie et le mouvement de son époque l'engagèrent à s'adapter au monde où il vécut. Son amour des belles oeuvres litté­raires, des jeux et des spectacles aurait pu faire de lui un humaniste dans l'ancienne tradition de son pays, si une spiritualité apparentée à l'Imitation de Jésus-Christ n'était venue tempérer ses enthousiasmes de jeunesse. I1 fut formé par des clercs rigoristes, plus ou moins jansénisants. Puis les écoles des liguoriens et des ultramontains, les physionomies et les doctrines de saint Philippe Neri, saint François de Sales, saint Vincent de Paul, et d'autres aussi appartenant aux mêmes tendances, celles qui l'emportèrent dans l'Église au temps du premier concile du Vatican, le séduisirent défi­nitivement. I1 crut en la valeur rédemptrice et sanctificatrice de son action apostolique et fonda des congrégations, dont les membres, tout en se rapprochant le plus possible des associations chrétiennes ordinaires, prononçaient des voeux de religion. I1 proposait alors un mode de vie chrétienne à des enfants et à des adultes, à des laïcs et à des religieux, bref à tous ceux qu'il atteignait par ses institutions, ses conférences et ses nombreux ouvrages. L'évolution de sa pensée, évidente sur plusieurs points, s'accomplit sans heurts graves : on ne découvre pas de crise réelle dans sa vie.

Tradition et progrès, les deux courants de son siècle ont conflué en lui, et, dans une certaine mesure se sont harmo­nisés dans son esprit et san enseignement. Les sources où il puisait contribuaient à faire de Don Bosco un homme du « juste milieu », où s'assemblent, avec d'inévitables oppor­tunistes et des têtes creuses, des réalistes et des gens équi­librés. Il définissait clairement ses buts et, lucide, marchait vers eux

1 Sur ce dernier point, voir G. CACCIATORE, S. Alfonro de Liguori e il giansenirmo. Le ultime fortune del moto giansenistico e la restituzione del pensiero cattolico nel secolo XVIII, Florence, 1944, p. 293-300, 569­-574.

2 S. GIOVANNI BOSCO, Memorie dell'Oratorio .... éd. E.Ceria, p.17. Les Memorie dell'Oratorio di S. Francesco di Sales (entendez, non pas, comme on le croit souvent, des « mémoires » personnels du fondateur des salésiens, mais des « mémoires pour servir à l'histoire de l'oratoire Saint­-François-de-Sales ») ont été écrites et révisées par Don Bosco entre 1873 et 1878.

3 Memoirie dell'Oratorio .... p. 8, h.-t.

4 Dates - revues sur les registres de catholicité - dans Don Bosco nel mondo, éd., Turin, 1964, tableau hors-texte. Nous utilisons aussi dans ce chapitre quelques-unes des conclusions de F. DESRAMAUT, Les Memoire 1 . . . , Lyon, 1962.

5 Memoire dell'Oratorio .... p. 19.


6 G. B. LEMOYNE, Scene morali di famiglia esposte nella vita di Margherita Bosco. Racconto edificante ed ameno, Turin, 1836. Ce livre a été lu par Don Bosco, qui en approuvait le contenu.

7 Memorie dell'Oratorio . . , p. 27-28.

8 Memorie dell'Oratorio . . , p. 29.

9 Memorie dell'Oratorio .. , p. 28.

10 Carnet de Viglietti, utilisé en G. B. LEMOYNE, Memorie biogra­fiche, t. I, p. 143 ; voir F. DESRAMAUT, op. cit., p. 176.

11 Memorie dell'Oratorio .... p. 23.

12 Memoire dell'Oratorio..., p. 30.

13 Memorie dell'Oratorio .... p. 25.

14 Voir, pour cette date, F. DESRAMAUT, op. cit., p. 230.

15 Sur les relations entre Giovanni et Don Calosso, voir Memoire dell'Oratorio . . , p. 33-44.

16 Memorie dell'Oratorio . . , p. 44-83, avec les notes de E. Ceria sur la chronologie de Don Bosco.

17 T. CHIUSO, La Chiesa in Piemonte dal 1797 ai giorni nostri, t. III, Turin, 1889, p. 12. Notons ici que le chanoine Chiuso, qui avait été l'un des collaborateurs de l'archevêque de Turin, Gastaldi, était bien informé sur les affaires de l'Église du Piémont.

18 T. CHIUSO, op. cit., p. 32.

19 T. CHIUSO, op. cit., p. 34-37.

20 T. CHIUSO, op. Cit., p. 42-43.

21 Oeuvre de L. Taparelli d'Azeglio, ce règlement était, nous dit-on, . fait plus pour des novices de couvent que pour des élèves d'école publique » (M. SANCIPRIANO Il pensiero educativo italiano nella prima metà del secolo XIX, dans l'ouvrage collectif Momenti di storia della pedagogia Milan, 1902, p. 274).

22 Memorie dell'Oratorio . . , p. 54-55.

23? Memorie dell'Oratorio . . , p. 69

24 Memorie dell'Oratorio..,. p.52-53.

25 Memoire dell'Oratorio.. , p. 78.

26 Memorie dell'Oratorio . . , p. 80.

27 T. CHIUSO, La Chiesa.., t. III, p. 139-140­

28 Celle-ci était peu soutenue par l'archevêque Fransoni d'après M. F. MELLANO, Il caro Fransoni e 1a politica ecclesiastica piemontese (1848-1850) (coll. Miscellanea historiae pontificiae, 26), Rome, 1964, p. 7-8. Fransoni fut archevêque de Turin de 1832 à 1862.

29 Voir P. STELLA, Crisi religiose nel primo Ottocento piemontese, Turin, 1959 ; I1 giansenismo in Italia t. I. première: partie, Zurich, 1966, p. 15-30.

30 Voir la deuxième partie de l'article de P. STELLA, La bolla Unigenitus e i nuovi orientamenti religiosi e politici in Piemonte sotto Vittorio Amedeo II dal 1713 al 1730, dans la Rivista di Storia della Chiesa in Italia, 1961, t. XV, p. 216-276

31 Voir par exemple P. PIRRI, P. Giovanni Roothaan . . , Isola dei Liri, 1930, p. 137-147.

32 G. CAFASSO, Manoscritti vari, VII, 2791 B ; cités par F. ACCOR­NERO, La dottrina spirituale di S. Giuseppe Cafasso, Turin, 1958, p. 110.

33 Memorie dell'Oratorio . . , p. 110

34 Memorie dell'Oratorio . . , p. 111, 113

35 Memoire dell'Oratorio . . , p. 91.

36 Memorie dell'Oratorio . . , p.94,108, 111­

37 Cenni storici sulla vita del chierico Luigi Comollo . . , scritti da un suo collega, Turin, 1844.

38 Memorie dell'Oratorio . . , p. 95.

39 Il n'existe pas de biographie de Guala, mais A.-P. Frutaz prépare sur lui une notice très intéressante à paraître dans le Dictionnaire de Spiritualité. Sur les origines du convitto, nombreuses pièces et discussions dans A.-P. FRUTAZ, Beatificationis et canonizationis Servi Dei Pii Brunonis Lanteri ... Positio super introductione causae et super virtutibus, Cité du Vatican, 1945, surtout p. 199-215

40 Voir Memoire dell'Oratorio . . , p,122. La correspondance de Guala avec le P. J. Roothaan, supérieur général des jésuites, est fournie (Epistolae J. Roothaan, t. 4, 5, Rome, 1939-1940, passim).

41 Memorie dell'Oratorio . . , p. 122, et les biographies de saint Giuseppe Cafasso.


42 F. ACCORNERO La dottrina spirituale di S. Giuseppe Cafasso, op. cit., p. 108 avec les indications bibliographiques de la p. 128.

43 Memorie dell'Oratorio. . , p, 121, 123 ; G. B. LEMOYNE, Memorie biografiche, t. II, p. 51-52

44 F. M. BAUDUCCO, S. Giuseppe Cafasso e la Compagnia di Gesù, dans La Scuola Cattolica, 1960, p. 289 ; d'après P. BRAIDO Il Sistema preventivo di Don Bosco, éd., Zurich, 1964, p. 80, note.

45 C. BONA, Le « Amicizie ». Società segrete e rinascita religiosa, 1770-1830 Turin, 1962. L'Amicizia de Turin avait, du reste, disparu en juin 1828, victime de l'esprit de parti (op. cit., p. 453).

46 T. CHIUSO, La Chiesa. . , t. III, p. 37. C. BONA, op. cit.. p. 345­-347.

47 Memorie dell'Oratorio . . , p. 121.

48 Memorie dell'oratorio . . , p. 123.

49 Voir les plans des deux discours prononcés par Don Bosco après sa mort et rassemblés sous le titre : G.

BOSCO, Biografia del Sacerdote Giuseppe Caffasso . . , Turin,1860. Don Bosco écrivait Caf fasso

50? G. BOSCO, Biografia del Sacerdote Giuseppe Caffasso . . , p. 75.


51 Memoire dell'Oratorio . , , p. 133.

52 Memorie dell'Oratorio . . , p. 123­.

53 G. BOSCO, Il pastorello delle Alpi.., Turin, 1864, p. 70-71, note.

54 Memorie dell'Oratorio . . , p. 161-163.

55 T. CHIUSO, La Chiesa .., t. III, p. 125. 56.

56 T. CHIUSO, op. cit., p. 124-125.

57 Voir T. CHIUSO, op. cit., p. 208-209 I1 semble bien que Charles­Albert se soit trouvé pris dans un engrenage et que le statut, loin d'avoir été son œuvre, lui ait été imposé après une lutte sévère par ses conseillers, en particulier par Thaon de Revel. (Voir E. CROSA, La concessione dello Statuto. Carlo Alberto e il ministro Borelli redattore dello Statuto, Turin, 1936.)


58 Voir T. CHIUSO, op. cit., p. 220, 230-231, etc.

59 Voir, sur Mgr Fransoni : G. MARTINA, Il liberalismo ed il Sillabo, Rome, 1959, p. 65-67; M. F. MELLANO, Il caso Fransoni e la politica ecclesiastica piemontese (1848-1859) déjà cité.

60 Ce séminaire était fermé aux séminaristes depuis 1848. Détails dans T. CHIUSO, La Chiesa . . , t. IV, 1892, p. 168-169. Sur l'affaire du mariage civil, voir V. ELIGIO, Il tentativo di introdurre il matrimonio civile in Piemonte (1850-1852) Rome, 1951.

61 T. CHIUSO, op. cit., p. 209. Voir aussi R. AUBERT, Le pontificat de Pie IX, 2ª éd., Paris, 1963, p. 77-78.

62 Memorie dell'Oratorio. ., p. 217.

63 G. BOSCO, Cenno istorico sulla congregazione di S. Francesco di Sales e relativi schiarimenti, Rome, 1874, p. 3.

64 G. BOSCO, Cenno.., p. 4.

65 G. MELANO, La popolazione di Torino e del Piemonte nel secolo XIX, Turin, 1960 p. 75.

66 Memorie dell'Oratorio .. , p. 240.07.

67 Memorie dell'Oratorio .. , p. 241.

68 T. CHIUSO, La Chiesa.., t. IV, p. 25. Giacomo Margotti était directeur du journal « intégraliste », l'Armonia (E. SPINA, Giornalismo cattolico e liberale in Piemonte, 1848-1852, Turin, 1961, p. 12, 17-24).

69 Memoire dell'Oratorio . ., p. 243, 246-251

70 AUBERT, Le pontificat de Pie IX, éd. Cit., p. 73,note. Sur les vaudois dans l'Italie du XIXe siècle, voir 1e bon livre de G. SPINI, Risorgimento e Protestanti, Naples, 1956 qui leur fait à juste titre une

large place.

71 R. AUBERT, Le pontificat de Pie IX, éd. cit., p, 497-503 : Le bilan d'un pontificat.

72 Don Bosco a maintes fois retracé l'histoire de sa société religieuse, dans les introductions des constitutions salésiennes, dans ses mises au point pour les autorités ecclésiastiques et dans ses conférences aux salésiens. La suite reprend, avec quelques précisions complémentaires, le début d'une brochure de E. CERIA, La società salesiana. Fondazione, organismo, espansione, Colle Don Bosco, 1951 ; et un chapitre du Groupe Lyonnais de Recherches Salésiennes, Précis d'histoire salésienne, Lyon, 1961 P. 47-50.


73 G. BOSCO, Cenno . . , p. 6-7­

74 Don Bosco était en relation avec Antonio Rosmini depuis une dizaine d'années (voir Epistolario di S. Giovanni Bosco, t. I, p. 31). L’entretien de Don Bosco et du ministre Urbano Rattazzi, auquel nous faisons allusion, eut lieu en 1857 selon G. B. Lemoyne. Cet auteur le rapporte tout au long, d'après G. Bonetti (Storia dell'Oratorio . . , in Bollettino salesiano, 1883, p. 97), dans les Memorie biografiche . . , t. V, p. 696-700.

75 G. BOSCO, All'Eccellentissimo Consigliere di Stato, Turin, 1880, p. 10.

76 Édité dans G. B. LEMOYNE, Memorie biografiche, t. VI, p. 335-336.

77 Congregazione di S. Francesco di Sales. Manuscrit inédit, Turin, ACS, S.02.025. (Ci-dessous, document 12.)

78 Epistolario, t. III, p. 127.

79 Voir, par exemple, une lettre de G. Bosco à Mgr Ant. Espinoza, secrétaire de l'archevêque de Buenos-Aires, fin 1874, dans l'Epistolario, c. II, p. 429.

80 G. Bosco, All'Eccellentissimo Consigliere di Stato, p. 10.


81 A, du BOYS, Dom Bosco et la Pieuse Société des Salésiens, Paris, 1884, p. 149.

82 Voir, entre plusieurs autres, le songe sur « la maison de Marie », dans Memorie dell'Oratorio . . , p. 134-136.

83 On verra, par la bibliographie dressée ci-dessous, que quatre-vingt­-trois numéros ont été signés ou dûment reconnus par lui et qu'il en a revu, corrigé et présenté une soixantaine d'autres, où un critique avisé pourrait retrouver certaines de ses formules. Pour notre part, sauf excep­tions motivées - par exemple, la deuxième partie du Regolamento per le case ... Turin, 1877, dont les leçons ascétiques reprenaient, comme nous l'avons vérifié nous-mêmes sur les manuscrits, les chapitres d'un Regola­mento en partie autographe - nous ne citons dans ce livre que les oeuvres reconnues explicitement par le saint, les seules qui, de prime abord, offrent à l'analyste des garanties suffisantes d'authenticité. L'édition, toujours indiquée, a été choisie en principe pour l'intérêt particulier qu'elle présente, généralement pour sa date dans la vie de Don Bosco, quelquefois parce qu'elle témoigne soit de l'état premier, soit de l'état définitif d'un texte (cas de la sixième édition de la Vie de Dominique Savio).

84 C'est l'une des remarques intéressantes de la conférence de E. VALENTINI, La Spiritualità di D. Bosco, Turin, 1952, p. 24-25.

85 G. Bosco à Turco, 2 septembre 1867, dans Epistolario, t. I, p. 497.


86? E. CERIA, Memorie biografiche, t. XVI, p. 430 ; t. XVII, p. 107. Epistolario, t. II, p. 142-144, 208, 412, 422. F. DESRAMAUT, Les Memorie I . . , p. 45, note.

87? Ci-dessus, n. 33 et ci-dessous, p. 285.

88 Memorie dell'Oratorio . . , p.110, texte et note.

89 P. L. SALES, La vita spirituale dalle conversazioni ascetiche del servo di Dio Giuseppe Allamano, éd., Turin, s.d. (1963), p. 627.

90 G. Bosco, Vita del giovanetto Savio Domenico.. , 6ª éd., Turin, 1880, chap. 19, p. 88, 90.

91 Memorie dell'Oratorio . . , p. 111.

92 Memorie dell'Oratorio.. , p.111-112.

93 E. CERIA, Memorie biografiche, t. XI, p. 161 ; t. XIII, p. 253, 255. Sur Secondo Franco, article de M. COLPO, dans le Dictionnaire de Spiri­tualité, t. V, col. 1014-1016. Sur Diessbach, C. BONA, op, cit., p. 3-229, 307-14.

94 Le Sei domeniche e la Novena di San Luigi Gonzaga con un cenno sulla vita del Santo ( éd., Turin, 1846) furent diffusées pendant toute la vie de Don Bosco, soit à part (9° éd., Turin, 1888), soit insérées dans le Giovane provveduto partir de la deuxième édition, Turin, 1851). Ce livret dépendait de l'ouvrage analogue d'un jésuite du siècle précédent : P. DE MATTEI Considerazioni per celebrare con frutto le Sei domeniche e la Novena in onore di S. Luigi Gonzaga della Compagnia di Gesù Rome, 1766 ; rééditions. Voir P. STELLA, Valori spirituali nel « Giovane provveduto » di San Giovanni Bosco, Rome, 1960, p. 40, 70-76.

95 G. Bosco à G. Bonetti, 30 décembre 1868 dans Epistolario . . , t. I, p. 360. L'Exercice de la perfection chrétienne de Rodriguez était conseillé dans le Cattolico provveduto (p. 209), compilé par Giovanni Bonetti sous le contrôle de Don Bosco et paru cette même année 1868.


96 P. J. BACCI, Vita del B. Filippo Neri . . , Rome, 1622 ; rééditions. Pietro Stella (Valori spirituali. ., p. 41-42) a fait remarquer que les Ricordi de saint Philippe Néri figuraient dans un ouvrage anonyme que Don Bosco connaissait bien : Un mazzolin di fiori ai fanciulli ed alle fanciulle, ossia Antiveleno cristiano a difesa dell'innocenza, Turin, 1836, p. 243-245.

97 {G. BOSCO], Porta teco, cristiano . . , Turin, 1858, p. 34-36 Ricordi generali di San Filippo Neri alla gioventù.

98 G. BOSCO, Cenno biografico sul giovanetto Magone Michele . . , Turin, 1861, chap. 9, p. 44-46.

99 Introduction au Regolamento per le case della Società di San Francesco di Sales, Turin, 1877, § 2, p. 7, 10.

100 Voir le panégyrique de saint Philippe Néri, écrit entièrement par Don Bosco pour être prononcé à Alba, devant un auditoire d'ecclésiastiques (édité par G. B. LEMOYNE Memorie biografiche, t. IX, p. 214-221).

101 Memoire dell'Oratorio . . , p. 141.

102 Quelques passages des Controverses, dans Il Cattolico nel secolo . . ,éd., Turin, 1883 ; de l'Introduction à la vie dévote, dans Il giovane provveduto . . , Turin, 1847, et Porta teco . . , 1858 ; des Entretiens spiri­tuels, dans l'Introduction aux Regole o Costituzioni. . , Turin, 1877 ; des Constitutions des visitandines, dans les constitutions salésiennes elles­-mêmes ... Cette liste n'est pas exhaustive. (Voir, à ce sujet, P. STELLA. L'influsso del Salesio su D. Bosco, mémoire dactylographié, Turin, 1954.)

103 L'article de la Storia ecclesiastica (nouv. éd., Turin, 1870, cin­quième époque, chap. 4, p. 301-303 ; ci-dessous, document 27) consacré par Don Bosco à saint François de Sales montre l'attrait de notre saint pour la mansuétude de son compatriote et pour son zèle à défendre la foi. L'Introduction est recommandée dans le Giovane provveduto, première partie, Cose necessarie. ., art. 6 (2ª éd., Turin, 1851, p. 18; 101ª éd., Turin, 1885, p. 17), la Chiave del Paradiso 2ª éd., Turin, 1857, p. 38), le Porta teco ... (voir ci-dessus), le Cattolico provveduto, Regole di vita cristiana (Turin, 1868, p. 209) ...

104 Cité dans [G. BOSCO], Porta teco . . , Turin, 1858, p. 3.

105 Il cristiano guidato alla virtù ed alla civiltà secondo lo spirito di San Vincenzo de' Paoli. Opera che può servire a consacrare il mese di luglio in onore del medesimo Santo, Turin, 1848.

106 [G. Bosco], Porta teco ... éd. cit., p. 55.


107 Sur le bienheureux Sebastiano, notice des Vies des saints et bienheureux. . , par les RR. PP. Jules Baudot et Chaussin, t. I, Paris, 1935, P. 625-627. Charles Gobinet (1613-1690), auteur de l'Instruction de la jeunesse en la piété chrétienne, tirée de l'Écriture Sainte et des SS. Pères. ., 1655, dont le Père Stella a montré l'influence directe ou indirecte sur le Giovane provveduto de Don Bosco (P. STELLA, Valori spirituali. . , p. 22-36), fut un autre relais notable, auquel il conviendrait probablement d'adjoindre le Combat spirituel, attribué à L. Scupoli, ou­vrage conseillé dans le Cattolico provveduto (Turin, 1868, p. 209).

108 P. STELLA, I tempi e gli scritti che prepararono il « Mese di maggio » di Don Bosco, dans Salesianum, 1958, p. 648-695 ; et Valori spirituali nel ce Giovane provveduto " . . , déjà cité.

109 [G. BOSCO}, Il giovane provveduto . . , 2e éd., Turin, 1851, p. 35 et sv.

110 L'Apparecchio alla morte, dont nous avons désormais l'édition critique par O. GREGORIO (Rome, 1965).

111 G. BOSCO, Nove giorni.., éd., Turin, 1885, premier et neuvième jours.

112 G. Bosco, Notizie storiche intorno al miracolo del SS. Sacra­mento . . , Turin, 1853, P. 35-39.

113 Quelques détails dans notre commentaire de S. JEAN BOSCO, Saint Dominique Savio, éd., Le Puy et Lyon, 1965, p. 99, 107, 108, 116.

114 G. BOSCO, Cenno istorico . . , op. cit., p. 15.

115 G. CACCIATORE, dans S. ALFONSO M. DE LIGUORI, Opere ascetiche. Introduzione generale, Rome, 1960, p. 207.

116 P. Stella (Valori spirituali.., p. 46-79) a montré le rôle tenu, dans l'élaboration du Giovane provveduto, par un anonyme de la tradition de Ch. Gobinet, anonyme d'ailleurs très marqué par la tradition italienne : Guida angelica, o siano pratiche istruzioni per la gioventù. Opera utilissima a ciascun giovanetto, data alla luce da un Sacerdote secolare Milanese, corretta ed accresciuta, Turin, 1767. De Barruel était conseillé dans G. Bosco, Fondamenti della cattolica religione, Turin, 1883, p. 36-37. Dans sa Storia d'Italia (5ª éd., Turin, 1866, quatrième époque, chap. 41, P. 448-45I), Don Bosco accordait à Joseph de Maistre un chapitre entier, qui comportait une longue citation de ce publiciste sur l'infaillibilité du pape; et tous les lecteurs de sa biographie savent à quel point il était personnellement lié avec son petit-fils, Eugène de Maistre.


117 Un chapitre sur ce personnage dans G. Bosco, Storia d'Italia. . , éd. cit., quatrième époque, chap. 43, p. 456-458. Des références à son oeuvre dans G. BOSCO, Vita di S. Paolo . . , éd., Turin, 1878, p. 116, 145.

118 L'estime de Don Bosco pour Antonio Rosmini (1787-1855) paraît avoir été indéfectible (voir G. BOSCO, Storia d'Italia.., éd. cit., p. 476-479). Dès la deuxième année des Letture Cattoliche, en mai, puis en juillet 1854, paraissaient deux livraisons du théologien romain Giovanni Perrone (1794-1876), natif de Chieri : Catechismo intorno al Protestantesimo ad uso del popolo et Catechismo intorno alla Chiera cattolica ad uro del popolo. En janvier 1867, Don Bosco lui fournira de la documentation pour un ouvrage antivaudois (Epistolario, t. I, p. 443-444). Il sera bientôt l'auteur officiel des salésiens en rhéologie dogmatique (G. BOSCO, Cenno istorico . . , op, cit., 1874, p. 15). Ajoutons qu'il n'y avait rien de singulier en cela : le Père E. HOCEDEZ, qui lui a consacré une notice (Histoire de la théologie au XIXe siècle, t. III, Bruxelles et Paris, 1952, p. 353-355), affirmait que Perrone fut « le théologien le plus universellement connu de son époque, et peut-être le plus influent ». De Mgr de Ségur, on relève cinq ouvrages dans les Letture Cattoliche entre 1860 et 1879 : Le pape, en 1860 ; L'Église, en 1861 ; La très sainte communion, en 1872 ; Tous les huit jours, en 1878 ; Venez à moi, en 1879. La très sainte communion est citée dans G. BOSCO, Nove giorni . . , sixième jour. Giuseppe Frassinetti (1804-1868), l'un des meilleurs propa­gandistes de la communion fréquente au milieu du dix-neuvième siècle (R. AUBERT, Le pontificat de Pie IX, éd. cit., p. 464), était très lié avec Don Bosco. (Voir G. VACCARI, San Giovanni Bosco e il Priore Giuseppe Frassinetti, Porto Romano, t954.) Parmi les neuf fascicules qu'il donna aux Letture Cattoliche à partir de 1859, nous relèverons pour leur signi­fication particulière : Il Paradiso in terra nel celibato cristiano, en no­vembre 1861, et les Due gioie nascoste, en décembre 1864.

119 F. DESRAMAUT, Les Memorie I.. , p. 250-256.

120 Sermon de fin de retraite, septembre 1876, selon un texte établi par Don Lemoyne et revu par Don Bosco, dans E. CERIA, Memorie biogra­fiche, t. XII, p. 463.



121 G. Bosco à G. Cagliero, 10 février 1885, dans Epistolario, t. IV, p. 314.

122 Jean LECLERCQ, Saint Pierre Damien, ermite et homme d'Ég!ise, Rome, 1960, p. 206.

123 Tentatives d'E. CERIA, dans Memorie biografiche, t. XVII, Turin, 1936, p. 7-13 ; et dans San Giovanni Bosco nella vita e nelle opere. éd., Turin, 1949, p. 285-292 Ce sont peut-être les meilleures.

124 G. Bosco à Mgr Fissore, 12 janvier 1875, dans Epistolario, t. II, P. 445.

125 E. CERIA, Memorie biografiche, t. XV, document 42, p 751.

126 G. BOSCO à l'évêque de Vigevano, 1875, dans Epistolario, t. II, P. 455.

127 Relation de L. Fiore sur le synode diocésain de Turin, novembre 1881, dans E. CERIA, Memorie biografiche, t. XV, document 21 p. 716.

128 Quelques détails du conflit dans A. AUFFRAY, Un grand éducateur, saint Jean Bosco, éd., Lyon, 1953, p. 430-441. Le récit et de nombreuses pièces dans A. AMADEI et E. CERIA, Memorie biografiche, t. X-XVI, passim, et Epistolario, t. II-IV, passim.

129 Calcul d'E. CERIA, dans San Giovanni Bosco.., éd. cit., p. 210.

130 Sur la mission Tonello, voit R. AUBERT, Le pontificat de Pie IX, op. cit., p. 104.

131 Voir, par exemple, E. CERIA, San Giovanni Bosco.., p. 209-219. Au reste, comme le différend avec Mgr Gastaldi, le problème du rôle joué par Don Bosco dans les relations entre l'Italie nouvelle et le Saint­-Siège n'a pas encore été parfaitement éclairci. La documentation salé­sienne laisse ici à désirer, car, en ces matières, Don Bosco ne traitait à peu près qu'oralement avec ses interlocuteurs et demeurait ensuite très réservé sur les entretiens qu'il avait eus avec eux. L'essentiel ici résumé nous semble pourtant bien fondé.

132 La publication, dans les Letture Cattoliche, de l'anonyme Cate­chismo cattolico sulle Rivoluzioni (5ª éd., Turin, 1854) qui en faisait le procès indigné, est significative de sa pensée dans la première partie de sa vie sacerdotale. Nous ne croyons pas qu'il ait changé d'avis après 1870.

133 Ses idées dans G. Bosco, Storia d'Italia.., éd., Turin, 1866, p. 179-180 : Les biens temporels de l'Église et le domaine du souverain pontife.

134 L'éloge de Giacomo Margotti par Don Bosco, «un vertu des liens d'amitié qui l'unissent à lui depuis plusieurs lustres, en hommage aux solides principes catholiques intrépidement défendus par lui », tel qu'il a été inscrit sur l'album remis à ce prêtre journaliste le 27 juillet 1873 a été édité dans Epistolario, t. II, p. 294-295.

135 Intervention de Don Bosco au premier chapitre général des salésiens 1877, d'après les actes subsistants (ACS, S.046), dans E. CERIA, . Memoire biografiche, t. XIII, p. 288.


16

Chapitre I. Don Bosco dans son siècle