Don Bosco et la vie spirituelle Chaiptre VII La service du Seigneur

Le service du Seigneur


Le Seigneur, qui était à l'origine de la vie spirituelle de saint jean Bosco, la régit jusqu'à la fin : « J'ai été créé par Dieu pour le connaître, l'aimer et le servir dans cette vie, et aller ainsi partager un jour sa joie au paradis » 1, faisait-il réciter au chrétien appliqué, qui lisait ou entendait son mois de Marie. Toutefois, des trois verbes, ni le premier ni même le deuxième n'avaient ses préférences. La gnose ne le tentait pas, ce qui l'empêchait de privilégier la connaissance ; et il donnait souvent à l'amour une teinte trop affective pour en faire spontanément le résumé de la vie chrétienne. Restait le service, qu'il se représentait d'ailleurs avec plusieurs traits que nous laissons à la charité. Mais, au fait, le Christ n'a-t-il pas aimé son Pere en le servant ? « I1 faut que le monde sache que j'aime le Pere et que j'agis comme le Pére me l'a ordonné » 2 . Don Bosco disait donc tout uniment que Dieu « nous a créés pour le servir » 3. Et, quand il voulait présen­ter à ses jeunes disciples une « méthode de vie chrétienne », il ne décidait pas, comme nous le ferions sans doute, qu'il leur apprendrait à « aimer Dieu », mais qu'il les mettrait en mesure de répéter « après David » : « Servez le Seigneur dans la joie » 4.

Ce service a été quelquefois expliqué par lui en termes passablement légalistes : « Ces mots : le servir, veulent dire faire les choses qui lui plaisent et fuir toutes celles qui peuvent lui causer du déplaisir. Le service de Dieu consiste donc dans l'exacte observance des commandements de Dieu et de l'Église » 5. Comme le note un chapitre important de la biographie de Dominique Savio, le saint accomplit joyeu­sement la volonté de Dieu et, en conséquence, exécute « mi­nutieusement son devoir et ses pratiques de piété », le tout étant encore résumé par la formule : « Servez le Seigneur dans une sainte allégresse » 6. Mais, au fond, Don Bosco ne prêchait ici que la soumission à la volonté divine, chère a son maître saint Alphonse. D'ailleurs, un principe très religieux de discernement entre ce qui plaît et ce qui ne plaît pas a Dieu était souvent invoqué par lui et donnait à sa maxime la profondeur chrétienne désirable.


L'unique absolu


A tout prendre, Don Bosco ne connaissait en effet qu'un absolu : la gloire de Dieu, à laquelle il se référait en tout, dans sa vie spirituelle comme dans sa vie apostolique. Le devoir, le service, le travail, le salut même, n'étaient que valeurs relatives. La gloire de Dieu constituait la norme suprême de la perfection de ses actes.

Les témoins de son procès de canonisation ont été pour ainsi dire unanimes à l'affirmer : « Tout pour le Seigneur [disait le serviteur de Dieu] ; faisons ce que nous pouvons ad majorem Dei gloriam ; je me reposerai ensuite au para­dis » 7. « Admirable et héroïque fut la force de Don Bosco

dans le contrôle de ses passions, le support de fatigues, de désagréments et de tribulations; dans le lancement et le soutien des plus difficiles entreprises, toujours pour la plus grande gloire de Dieu et le bien des âmes » 8. Avec les Pères Barberis et Rua, auteurs des phrases précédentes, l'abbé Giacomelli 9, le chanoine Ballesio 10, le curé Reviglio 11 et, évidemment, ses très fidèles disciples, Mgr Cagliero 12 et le Pere Berto 13, à qui l'on pourrait peut-être joindre son maître et ami Giuseppe Cafasso 14, l'ont répété avec enthou­siasme : Don Bosco travaillait pour la plus grande gloire de Dieu.

Or, quand ils s'exprimaient ainsi, ces témoins ne recou­raient pas gratuitement à une tournure dévote, qui servît la cause de leur héros. Celui-ci avait toujours la gloire de Dieu à la bouche ou sous la plume : « Dans ses paroles aux salé­siens, ses communications aux coopérateurs, ses écrits et sa correspondance, notre saint l'employait (cette formule) con­tinuellement » 15. Nous aurons le loisir de vérifier que l'ad­verbe n'est pas excessif. La répétition finit même par en­gendrer quelque doute sur la véritable portée de ces mots. Il est des phrases léguées par la tradition, qui continuent de figurer dans nos discours ou dans les conclusions de nos lettres, mais auxquelles il serait vain d'attacher grande importance. Cet autre doute est aussi peu fondé que le premier. Quand, en 1845, Don Bosco disait de son Histoire ecclésiastique, qu'il l'avait « écrite uniquement à la plus grande gloire de Dieu et à l'avantage spirituel en premier lieu de la jeunesse » 16, ce n'était peut-être qu'une formule de politesse commode entre gens d'Église. Mais le même propos recevait à coup sûr une valeur personnelle dans la préface au Système métrique décimal publié vraisemblable­ment l'année suivante : « Si mes faibles forces ne peuvent satisfaire tout le monde, elles seront au moins dignes de bien­veillante compréhension. Que l'on éprouve toutes choses, pour retenir ce qui parait être le meilleur, toujours à la plus grande gloire de ce Dieu qui est le distributeur de tout bien » 17. On fera une remarque identique sur une lettre où Don Bosco refusait de publier des « prophéties », parce que leur diffusion ne lui semblait pas « convenir à la gloire de Dieu ». Bien qu'il se défendît de juger de leur « mérite », il affirmait ne pas y discerner « l'esprit du Seigneur, qui est tout de charité et de patience » 18. Il pesait donc bien la phrase récitée par ses garçons après leurs communions eucha­ristiques : « Gardez tout [ce que je vous offre, ô mon Dieu], afin que toutes mes pensées et toutes mes actions n'aient d'autre but que votre plus grande gloire et l'avantage spiri­tuel de mon âme » 19. C'était le même qui écrivait à une per­sonne préoccupée par la division de ses biens . « Pro­cédez ainsi : vérifiez s'il [le marquis Massoni, qui devait prendre la décision] reconnaît en cela le bien de son âme et la gloire de Dieu. S'il lui semble que oui, qu'il fasse le partage ; sinon, qu'il en suspende l'exécution » 20. Mieux encore, il était l'auteur de ce conseil à Don Rua, son principal collaborateur : « Dans les affaires importantes, réfléchis quelque temps avant de prendre une décision et, dans les questions douteuses, préfère toujours ce qui te semble pour la plus grande gloire de Dieu » 21.

I1 est évident que la gloire de Dieu fut l'un des phares de sa vie. N'avait-elle pas, à son jugement, éclairé le chemin des saintes âmes qu'il décrivait : saint Paul, qui « ne désirait rien plus ardemment que de promouvoir la plus grande gloire de Dieu » 22, saint Philippe Neri qui, « mû par le désir de la glaire de Dieu » avait abandonné tout ce qu'il aimait et entrepris un difficile apostolat dans la Rome du seizième siècle 23, saint François de Sales, qui était mort « après une vie consumée tout entière à la plus grande gloire de Dieu » 24, ou encore Dominique Savio, qui aurait dit : « Je ne suis pas capable de faire grand-chose, mais ce que je peux, je veux le faire pour la plus grande gloire de Dieu » 25? « Les vertus et les actions des saints sont toutes orientées vers la même fin qui est la plus grande gloire de Dieu ... » 26 I1 ne pouvait choisir pour lui-même principe de vie plus élevé.

Ce faisant, il témoignait de son affinité avec saint Ignace de Loyola, qui avait été assez épris de la plus grande gloire de Dieu pour y faire appel, nous dit-on, deux cent cinquante­ neuf fois dans ses seules Constitutions 27. Une telle ressem­blance n'avait rien d'extraordinaire chez un ancien élève du convitto et un familier des exercices spirituels de Sant Ignazio sopra Lanzo.


Le service de la plus grande gloire de Dieu


Malheureusement pour nous, notre saint ne cherchait pas à expliquer ce que lui-même entendait par là. Il serait de mauvaise méthode de demander directement le sens de l'ex­pression à la Bible, aux théologiens et aux spirituels. Le seul procédé objectif est le rapprochement des textes où gloire de Dieu a été employé par Don Bosco et, a la rigueur> par ceux qui ont interprété sa pensée en connaissance de cause.

Il en ressort d'abord que, dans sa bouche, gloire et hon­neur de Dieu étaient synonymes. Leur rapprochement assez fréquent ne nous semble pas fortuit. Selon un confident perspicace, Don Bosco disait que, « sans l'aide de Dieu, il n'aurait pu mener à bien aucune de ses oeuvres, et il en attribuait tout l'honneur et toute la gloire au Trés-Haut et à la protection de Marie auxiliatrice » 28. Ses écrits unis­saient aussi parfois de manière significative l'honneur et la gloire 29. Aucun emploi de ce dernier mot n'est contraire à cette assimilation. Autre remarque : la gloire de Dieu est obtenue par la manifestation de ses oeuvres dans le monde. Après avoir consacré un chapitre aux grâces spéciales reçues par Dominique Savio, Don Bosco disait dans la biographie de ce garçon : « Je passe sous silence bien d'autres faits similaires. Il m'aura suffi de les écrire : je laisse à d'autres le soin de les publier, quand il semblera opportun pour la

plus grande gloire de Dieu » 30. Conséquence normale : dans le coeur vraiment chrétien, une telle connaissance des oeuvres de Dieu déclenche une action de grâces : il glorifie le Seigneur. « Note bien, observait Don Bosco, après avoir signalé le service que venait de lui rendre un chanoine, que je désire que cette action soit connue, afin que son exemple contribue à faire glorifier Dieu à la face des hommes » 31. Et il priait telle Mère Eudoxie de lui composer, sur la pro­tection extraordinaire de son oeuvre parisienne sous la Com­mune de 1871, la « relation la plus longue et la plus circons­tanciée possible », « à la plus grande gloire de Dieu et de son auguste mere » 32. Rendre gloire à Dieu sera donc lui témoigner l'honneur qui lui est dû pour son action dans le monde. Don Bosco s'efforçait de n'y jamais manquer : « Devenu prêtre, il fit tout son possible pour rendre honneur et gloire à Dieu. Il lui attribuait tout », disait le salésien Secondo Marchisio 33.

La formule a aujourd'hui perdu de sa couleur pour des raisons que nous n'avons pas à chercher. Mais on lui accor­dera un sens plein dans la correspondance de Don Bosco, qui l'a employée avec toutes sortes de personnes, des plus humbles aux plus élevées dans la hiérarchie. Restreignons­nous aux années 1866 à 1870. Il écrivait alors à une mar­quise : « Faites ce que vous pouvez pour la plus grande gloire de Dieu » 34; à un clerc : « Quant à toi, n'aie qu'une chose en vue : choisir l'établissement qui sera pour la plus grande gloire de Dieu et le plus grand avantage de ton âme » 35; à un laïc : « Dans le travail, recherchez la gloire de Dieu » 36; à un chanoine : « Je vous demande comme une véritable faveur de bien vouloir toujours me donner les avis et les conseils que vous jugerez conformes à la plus grande gloire de Dieu » 37; à un prêtre salésien, qui venait de recevoir la charge de préfet de la maison de Mirabello : « Tu réussiras : 1º Par la recherche de la gloire de Dieu en ce que tu fais ... » 38; à un cardinal : « Écoutez-moi avec bonté, puis daignez me donner, au sujet de l'achat projeté, le conseil qui, à Votre Éminence, semblera le meilleur pour la gloire de Dieu ... »39; à un archevêque de Turin : « L'unique salaire, que j'ai toujours demandé et qu'avec toute l'humilité de mon coeur je demande, est la compréhen­sion et le conseil dans les choses que Votre Excellence juge­rait utiles à la plus grande gloire de Dieu » 40; à une congrégation romaine enfin : « Toutes les observations ou les conseils que la Sacrée Congrégation des Évêques et Réguliers jugerait bon, avec son autorité, de donner pour la plus grande gloire de Dieu seraient reçues comme un grand trésor par tous les membres de la congrégation de saint François de Sales »41. « Quoi qu'il en soit, offrons toutes choses pour la plus grande gloire de Dieu » 42.

Le sens de cette gloire si chère à son coeur naît et se développe avec la crainte du Seigneur, vertu à laquelle Don Bosco attachait une importance probablement méconnue, mais très conforme à l'enseignement qui lui avait été don­né : Dieu est grand, il est le tout-puissant créateur et sera le juge du dernier jour. Cette crainte est « la vraie richesse » de l'homme 43. On lit dans le Porta teco, ce trésor de conseils fondamentaux : « Élevez-les [vos fils] avec grand soin dans la sainte crainte de Dieu, car leur salut et la bénédiction de votre maison en dépendent ... » 44 La crainte révérencielle donne à la créature le sens de la toute-puissance du Seigneur et de sa propre relativité, le sens de Dieu indispensable à toute attitude religieuse.

Le service même de la gloire de Dieu - auquel Don Bosco, en vertu de ses positions essentielles, devait s'attacher surtout - prenait chez lui d'innombrables visages : prêcher, écrire, travailler, bâtir, prier . . . , que réunissait le même souci de favoriser l'honneur du Seigneur dans la conformité à sa volonté.

Il nous semble qu'il répartissait ces oeuvres en deux gran­des catégories : les oeuvres de dévotion et les oeuvres de charité ; les unes et les autres permettant, non seulement de servir la gloire de Dieu, mais, dans le même mouvement, de grandir en sainteté. Dans le règlement des coopérateurs salé­siens, il ne connaissait que deux manières de poursuivre la perfection : la dévotion et l'exercice actif de la charité 45. De même, l'une de ses ultimes circulaires parlait de « re­prendre les oeuvres de religion et de charité qui sont haute­ment réclamées par la plus grande gloire de Dieu et le bien des âmes » 46.

Homme des réalisations, Don Bosco ne pouvait qu'en venir la. Une fois le principe posé et la conviction ancrée dans l'esprit, il n'avait plus que le désir de les traduire dans la vie concrète. Dans sa pensée, la « dévotion » et la charité en acte permettent de rendre à Dieu la gloire ou l'honneur qui lui sont dus.

La dévotion et la prière


Le dévot est un homme de prière. Or, la prière, même de pure demande, comme nous la voyons pratiquer presque exclusivement par Don Bosco, sert la gloire de Dieu. L'im­ploration honore par elle-même celui qui en est l'objet. De plus, notre saint estimait que cette glorification requérait pour la prière certaines qualités et, très particulièrement, la simple vérité et la dignité.

Éducateur et publiciste chrétien, il dut maintes fois décider de prières longues ou brèves, savantes ou communes, variées ou uniformes. A tous : aux enfants, aux adolescents, aux laïcs et aux ecclésiastiques, qui étaient ses coopérateurs, enfin à ses religieux et à l'ensemble des chrétiens, il proposa un même style de piété simple et digne. Ses Consignes à un jeune garçon qui désire bien passer ses vacances : « Entends chaque jour la sainte messe et, si tu le peux, sers-la ; fais un peu de lecture spirituelle. Récite pieusement tes prières du matin et du soir. Fais chaque matin une courte méditation sur une vérité de la foi, » ressemblent fort aux programmes qu'il traçait dans ses allocutions à des correspondants adultes et à des religieux chevronnés 47.

Il redoutait pour tous la multiplication des pratiques. Comparées à celles de son maître le plus constant, saint Alphonse de Liguori, ses instructions manifestent une réelle tendance à la simplification d'un régime de piété que, délibé­rement, il voulait commun 48. « Ne vous chargez pas de trop de dévotions », répétait-il aptes saint Philippe Neri 49. Il refusait de fabriquer une spiritualité pour cercles spécia­lisés et, en même temps, exigeait le minimum de pratiques, sans lequel toute vie spirituelle a tôt fait de crouler. Sa simplicité était d'un pauvre, qui demande à Dieu son secours dans les difficultés quotidiennes et la progression laborieuse vers l'éternité. Bien qu'il pratiquât la louange et l'action de grâces, comme en fait foi la formule initiale de la prière du matin insérée dans le Garçon instruit et la Clef du Paradis : « Je vous adore [ô mon Dieu] et je vous aime de tout mon coeur. Je vous remercie de m'avoir créé, de m'avoir fait chrétien et de m'avoir conservé pendant cette nuit. Je vous offre toutes mes actions ... » 50, ses réflexions étaient habituellement concentrées sur la demande, la seule forme d'oraison que connaisse, par exemple, le chapitre sur la prière dans Six dimanches et la neuvaine en l'honneur de saint Louis de Gonzague 51.

Il tenait à ce que cette prière de pauvre, sans éclat, sans formules recherchées, fût vraie, pour « la louange de la gloire du Seigneur ». Don Bosco ne se résignait pas à la superficialité qui, malheureusement, dégradait les prières des humbles qu'il dirigeait. Selon son ancien élève, Giovanni Battista Anfossi, il répondit à une personne qui lui repro­chait les trop nombreuses prières de ses garçons : « J'exige seulement ce que fait tout bon chrétien, mais je tiens à ce que ces prières soient bien faites » 52. De toute façon : «Prière vocale sans prière mentale, c'est comme un corps sans âme » 53 et : « I1 vaut mieux ne pas prier que mal prier » 54.

La tenue dans la prière et la prononciation des formules le préoccupaient beaucoup. Dans sa jeunesse, il avait admiré et tenté d'imiter Luigi Comollo, le séminariste aux prières longues et ardentes 55. A ce modèle, il adjoignit plus tard dans ses ouvrages Dominique Savio, dont il disait qu' « im­mobile et traduisant sa ferveur par toute sa personne, sans s'appuyer si ce n'est sur les genoux, la figure riante, la tête un peu inclinée, les yeux baissés, vous l'auriez dit un nouveau saint Louis » 56; et les émules de ce jeune saint, Michele Magone et Francesco Besucco, qui s'adressaient à Dieu agenouillés, le buste droit et le visage détendu 57. Quant à la prononciation « claire, pieuse et distincte » des phrases, il voulut en faire l'une des caractéristiques de ses religieux 58. Il regrettait explicitement « la rapidité excessive » des prières de ses garçons, qui n'articulaient pas « les syllabes et les consonnes » aussi bien qu'il l'eût souhaité 59.


Méditation et esprit de prière


Ces directives concernaient la prière vocale, la plus ha­bituellement mentionnée dans ses oeuvres : ses manuels de piété étaient remplis de formules. En revanche, il parlait peu de méditation. Un réalisme peut-être discutable l'em­pêchait de conseiller l'oraison mentale à la moyenne des chrétiens. Quand il disait aux laïcs : «Employons au moins un quart d'heure le matin et le soir à faire orai­son » 60, il ne songeait pas, selon nous, à la méditation. Fait plus étonnant sans doute chez un admirateur de saint François de Sales, les premières rédactions des constitutions salésiennes ne connaissaient qu'une demi-heure de prière quotidienne, « tant mentale que vocale » 61 ; et la « demi­heure » de méditation Journalière n'apparut pour ses reli­gieux qu'après les observations étonnées d'un consulteur romain 62.

Don Bosco faisait du reste méditer les laïcs comme les ecclésiastiques. Il suffit pour s'en convaincre de consulter à nouveau ses manuels de dévotion, en y adjoignant le Catholique instruit de Giovanni Bonetti. N'imaginons pour­tant rien de tant soit peu compliqué : cet exercice consistait souvent dans une lecture spirituelle lentement savourée. Nous trouvons sa méthode élémentaire - qui peut, du reste, se réclamer de la tradition bénédictine - dans cer­taines instructions à ses religieux, où il proposait de suivre les étapes suivantes : choisir le sujet, se mettre en la pré­sence de Dieu, lire ou entendre le texte, s'appliquer ce qui convient à son propre cas, prendre des résolutions pra­tiques et ne pas oublier des actes d'amour, de reconnais­sance et d'humilité 63. I1 faut dire que, si l'on peut à la rigueur reconnaître la certains traits de la méthode de saint François de Sales dans l'Introduction à la vie dévote, rien ne prouve que saint Jean Bosco l'ait jamais conseillée, ni même qu'il l'ait connue à travers une étude personnelle. I1 dépendait beaucoup plus probablement de Don Giuseppe Cafasso qui, « dans la méditation à l'usage des laïcs, vou­lait qu'on lût un texte pieux pendant un certain temps, avec de courtes pauses, des réflexions et d'affectueux col­loques intérieurs » 64, et de la pratique du séminaire de Chieri, où il avait été formé dans sa jeunesse 65.

Ces considérations, unies à d'autres sur l'emploi des jour­nées de Don Bosco, ont amené plusieurs à imaginer qu'il réduisait au minimum le service de Dieu par la prière 66. Mais ce disant, ils sont trop demeurés à la surface de ses comportements.

Les élévations spirituelles, qui nourrissaient ses journées et celles de ses disciples, nous donnent un premier cor­rectif à leur mauvaise impression. « Orientez toutes vos actions vers le Seigneur en disant : Seigneur, je vous offre ce travail, donnez-lui votre sainte bénédiction » 67. Un autre correctif est fourni par sa doctrine sur l'esprit de prière. Les élévations pieuses ou oraisons jaculatoires de­vaient parvenir à créer dans l'âme, avec le secours de la grâce de Dieu, un état d'oraison, dénommé par lui piété ou, mieux, esprit de prière. Qui possède cet esprit a le goût et l'amour de la prière 68. I1 l'avait admiré chez saint Louis de Gonzague, Dominique Savio et Francesco Besucco. Ces jeunes garçons l'aidaient à transmettre par ses livres des leçons en acte sur l'esprit de prière. Le premier avait obtenu le rare « privilège » de n'être plus distrait dans ses prières et devait s'imposer « une grande violence » pour cesser de prier 69. Le deuxième « avait reçu le don de la ferveur dans la prière. Son âme avait une telle habitude de converser avec Dieu que, n'importe où, même au milieu des plus grands vacarmes, il se recueillait et, par de pieuses af­fections, élevait son coeur vers Dieu » 70. Le troisième « ai­mait tellement prier et y était tellement accoutumé que, sitôt laissé seul et désoeuvré (...), il se mettait instantané­ment à réciter une prière ». On racontait qu'il mêlait des Pater et des Ave à ses cris en plein jeu. Ses camarades en riaient, mais, continuait Don Bosco, cela montrait aussi « combien son coeur se délectait dans la prière et combien facilement il parvenait à recueillir son esprit pour l'élever vers le Seigneur, chose qui, selon les maîtres spirituels, témoigne d'un degré élevé de perfection, rare chez les per­sonnes de vertu consommée » 71.

Notre auteur ne proposait donc pas à ses disciples et à ses lecteurs un type de sainteté qui aurait fait bon marché de la prière. Celle-ci, par les oraisons brèves qui, tel un réseau d'artérioles dans un organisme plein de sang, irriguaient son âme, transfigurait son action et celle de ses meilleurs dirigés. Le cardinal Cagliero a dit de Dominique Savio qu' « il ne vivait que de Dieu, avec Dieu et pour Dieu » 72. Quant à Don Bosco, il avait noté que « son innocence, son amour de Dieu et son désir du ciel avaient transporté son esprit au point qu'on pouvait le dire absorbé habituellement en Dieu » 73. Telle était son attitude spirituelle à lui, d'après ceux qui le connurent le mieux. I1 conversait avec l'au-delâ, non seulement dans ses rêves nocturnes, mais dans le tohu­bohu de ses journées apostoliques 74.

Faut-il insister et redire qu'on se tromperait sans doute à l'imaginer alors en pure adoration, comme les Séraphins du sanctuaire au livre d'Isaïe 75 ? Nous ne croyons pas le dimi­nuer en affirmant que de telles splendeurs n'étaient pas le fait du « pauvre Don Bosco », qui, faisant écho aux prières angoissées jalonnant le livre des Psaumes, écrivait : « Effor­çons-nous d'acquérir nous aussi cet esprit de prière. Dans tous nos besoins, dans les difficultés, dans les malheurs, au moment d'entreprendre une action difficile, ne manquons jamais de recourir à lui dans les besoins de notre âme » 76. Oui, « tu es mon Dieu, pitié pour moi, Seigneur, c'est toi que j'appelle tout le jour. Réjouis l'âme de ton serviteur ; vers toi, Seigneur, j'élève mon âme » 77. Par ses implorations, il servait à sa manière la gloire d'un Dieu dont il célébrait la puissance et la bonté.


Le service de Dieu par l'action


A la « piété », il joignait la charité active. Il pensait même que, dans les « temps difficiles » où il vivait, la ma­nière la plus urgente de servir la gloire de Dieu était ce genre de charité 78. A supposer que la vie de perfection puisse être assurée, soit par la «piété », soit par l'exercice de la charité active, il était prêt à consacrer de préférence ses forces à celle-ci. Les « anciens tiers-ordres » « tendaient à la perfection par l'exercice de la piété», expliquait-il, tandis que « notre but principal [dans l'union des coopéra­teurs salésiens] est l'exercice de la charité envers le prochain et plus spécialement envers la jeunesse exposée aux dangers du monde et de la corruption ... » 79. Cette réflexion valait pour tous ceux qui se réclamaient de sou esprit.

Le service d'autrui est d'abord temporel. On connaît l'insistance de Don Bosco sur la remise du superflu aux néces­siteux. Qui le leur refuse vole le Seigneur et, « selon saint Paul, ne possédera pas le royaume de Dieu » 80. Facétieux, il félicitait ceux qui offraient ce superflu par testament, tout en soulignant « qu'il n'est pas écrit dans l'évangile : Abandonnez aux pauvres votre superflu à l'article de la mort, mais : Donnez votre superflu aux pauvres » 81. Dans le même ordre temporel, le chrétien sérieux soigne les mala­des, instruit et éduque les enfants, apaise les conflits entre les hommes sans se faire prier et dés qu'il en trouve l'occa­sion 82. L'histoire des saints dans l'Église, surtout celle de M. Vincent que Don Bosco connaissait bien, lui aurait suffi à prouver que la charité chrétienne est inépuisable 83.

Mais nous ne sommes ici qu'a un premier palier : Don Bosco pratiquait et prêchait une charité missionnaire. Il mettait en oeuvre un programme de vie que nous savons avoir été : Donnez-moi des âmes et prenez le reste 84. Comme on s'en est aperçu, il doublait souvent l'une de ses for­mules favorites, disant : Pour la plus grande gloire de Dieu et le salut des âmes. Nous n'ajouterons à ceux déjà cités que deux exemples empruntés à l'histoire de l'Église. En son temps, saint Paul, en interjetant appel à César, avait voulu se rendre à Rome « où, selon notre auteur, par révélation divine, il savait combien il devait travailler pour la plus grande gloire de Dieu et pour le salut des âmes » 85. Le Non recuso laborem de saint Martin à la fin de sa vie était interprété de la même façon : « Il montrait par ces paroles son vif désir d'aller au ciel, mais [ajoutait] qu'il aurait encore attendu, si cela avait été pour la plus grande gloire de Dieu et pour le bien [vantaggio] des âmes » 86. Don Bosco imaginait donc mal que le service temporel ne dé­bouchât pas sur le service spirituel. Il enseignait que les malades doivent être préparés à la vie éternelle, les jeunes instruits dans la science du salut, les livres chrétiens répan­dus pour que la bonne nouvelle soit annoncée, etc. 87 Si peu d'hommes s'occupent du spirituel, alors qu'il prime tout, remarquait-il avec mélancolie 88. Tout en relevant que Do­minique Savia et Michele Magone rendaient à leurs cama­rades toutes sortes de services : faire leurs lits, cirer leurs chaussures, brosser leurs vêtements, les soigner quand ils étaient souffrants 89, il conseillait de les imiter de préférence dans leur « industrieuse charité », quand ils avaient consti­tué des groupes d'apostolat ou soutenu des amis dans leurs progrès religieux 90. Don Bosco fut toujours un homme l'éternité.


Charité active et perfection


Les uns et les autres, les chrétiens actifs et ceux qui bénéficient de leurs sueurs, y gagnent. « Qui sauve une âme prédestine la sienne. » Don Bosco voyait ses communautés grandir en perfection par leurs oeuvres de charité spirituelle.

A tous les chrétiens, il disait : « Un moyen très efficace, mais trop négligé des hommes, pour gagner le paradis, c'est l'aumône » 91, terme qu'il faut interpréter ici, comme le souvent chez Don Bosco, dans son sens le plus large d' «

vre de miséricorde accomplie au bénéfice du prochain po url'amour de Dieu » 92. Nous gravissons un degré avec Domi­nique Savio, le jour de 1855 il demanda à son directeur un programme de sanctification : « La première chose qui lui fut conseillée pour se faire saint fut de travailler à gagner des âmes à Dieu » 93. Environ quatre ans après qu'il eut reçu cette consigne, l'une des premières versions des constitutions salésiennes affirmait à son tour : « Le but de cette société est de réunir ses membres (... ) dans l'inten­tion de se perfectionner eux-mêmes, en imitant les vertus de notre divin sauveur, spécialement par l'exercice de la charité envers les jeunes pauvres » 94. Don Bosco n'avait certainement pas changé d'avis en 1868 quand, dans son panégyrique de saint Philippe Neri, il notait, après saint Ambroise, que « la foi s'acquiert par le zèle et que, par le zèle, l'homme est conduit à la possession de la justice » ; et, après saint Grégoire le Grand, que « nul sacrifice ne peut être plus agréable à Dieu que le salut des âmes » 95. Fran­chissons encore six ou sept ans pour lire dans un projet préparatoire au règlement des coopérateurs, plus net à cet endroit que le texte définitif : « Cette association peut être assimilée aux anciens tiers-ordres, avec cette différence qu'ils se proposaient de tendre à la perfection chrétienne par l'exercice de la piété et que le but principal est ici la vie active par l'exercice de la charité envers le prochain et plus spécialement envers la jeunesse en danger. Ceci constitue le but particulier de l'association » 96. Les textes de ce genre sont rares assurément, mais ils nous arrivent dans des documents soignés et mûris, et leur clarté empêche toute équivoque. Don Bosco estimait que la charité vécue, exer­cée d'ailleurs en esprit de prière, permet d'atteindre à la même sainteté, que d'autres recherchent par des voies dif­férentes, ou mieux, en insistant sur des valeurs différentes.

Cette position doctrinale, qui n'avait pas toutes les sym­pathies du monde ecclésiastique contemporain 97, est d'un trop grand intérêt pour que nous ne lui demandions pas comment il l'étayait. La récolte de ces « raisons » n'est pas décevante.

I1 observait que, selon l'Écriture, « la charité délivre d'une multitude de péchés », et en déduisait que la charité frater­nelle « délivre de la mort éternelle », « empêche » l'âme « d'aller dans les ténèbres de l'enfer » et lui permet d'ob­tenir « miséricorde devant Dieu » 98. Sa confiance en la valeur méritoire des bonnes oeuvres n'était pas étrangère à ces réflexions. « I1 est certain que la mort viendra tôt ou tard pour nous deux [Don Bosco et son lecteur], et elle est peut-être plus rapprochée que nous ne pouvons l'ima­giner. I1 est également certain que, si nous n'accomplis­sons pas de bonnes oeuvres au cours de notre vie, nous ne pourrons en recueillir les fruits à l'heure de notre mort ni en attendre de Dieu une récompense » 99. Or la charité active, surtout si elle est apostolique, est source d'oeuvres excellentes et, partant, de mérites. Don Bosco se réfugiait derrière l'autorité de saint Augustin : « Animam salvasti, animam tuam praedestinasti » 100. Il faisait dire à Domi­nique Savio : « Si je réussis à sauver une âme, je mets le salut de la mienne en sécurité » 101, proposition qui était évidemment inspirée de cette sentence, et concluait un para­graphe sur l'amour fraternel de ce garçon par ces mots : « [Dominique] pouvait ainsi librement exercer sans trêve sa charité envers son prochain et augmenter ses mérites devant Dieu » 102, l'accroissement des mérites est assez claire­ment donne comme proportionnel à l'exercice de la charité chrétienne. Nous nous souviendrons que, dans cette théo­logie qui prenait le contrepied des Réformés, la charité était étroitement associée au mérite.

Don Bosco n'ignorait pas que l'amour du prochain et l'amour de Dieu sont également solidaires. Comme Michele Magone, qui pratiquait « la charité la plus industrieuse en­vers ses camarades », « il savait que l'exercice de cette vertu est le moyen le plus efficace pour accroître en nous l'amour de Dieu » 103. Le charitable se rapproche de Dieu par Jésus-Christ, qu'il trouve dans ses frères. Malgré la poussée de socialisme religieux de 1848, qui fut du reste bien éphémère, la génération de Don Bosco dissertait moins que la nôtre sur la fraternité chrétienne et l'union des hommes dans le Christ. Notre saint connaissait pourtant les éléments les plus traditionnels de ces vérités. D'après lui, un jour qu'on lui demandait les raisons de la peine qu'il prenait au service d'autrui, Dominique Savio répondit entre autres : « Mais parce que nous sommes tous frères » 104. Don Bosco lui­même parlait sans se forcer de ses « frères, les pauvres » 105. Le chapitre de saint Matthieu sur le jugement lui avait enseigné l'union du Christ et des hommes, surtout s'ils sont malheureux : « Un puissant stimulant de la charité, c'est de voir Jésus-Christ dans la personne de son prochain et de se souvenir que, d'après ses propres paroles, le divin sauveur regarde comme rendu à lui-même le service rendu à un semblable. En vérité, je vous le dis : toutes les fois que vous avez fait du bien à l'un des plus petits de mes frères, c'est à moi-même que vous l'avez fait » 106. Enfin,

dernière raison, apparemment peu exploitée par notre saint, mais qui mériterait à elle seule un examen approfondi : la charité apostolique sanctifie parce qu'elle assimile au Christ rédempteur. « I1 n'y a rien de plus saint au monde que de coopérer au bien des âmes, pour le salut desquelles Jésus-Christ a répandu Jusqu'à la dernière goutte de son sang précieux » 107. Cette réflexion de la Vie de Dominique Savio est du biographe lui-même.

En résumé, la charité apostolique, surtout quand elle est tournée sans fard vers la transformation chrétienne des hommes, quand elle est patiente et miséricordieuse à l'image de celle de Dieu, conduit à une sainteté héroïque. N'est-ce pas le chemin qui mena Don Bosco à la perfection spiri­tuelle que l'Église s'est plu à reconnaître en lui ?

La vie de celui qui disait si souvent ne travailler que pour la plus grande gloire de Dieu n'en était pas compliquée pour autant. Le salut d'une âme augmente cette gloire, comme le notait explicitement une phrase des premières éditions du Garçon instruit 108. Les deux fins, d'abord subordonnées, tendaient il est vrai à se juxtaposer. Elles semblent l'avoir fait de plus en plus dans la tradition salésienne postérieure, après avoir amorcé ce mouvement dés le temps de Don Bosco. Mais nous n'oublierons pas combien celui-ci était attaché à la gloire divine. Supposé fidèle à sa pensée tout entière, même quand elle n'était plus exprimée dans les derniers détails, son disciple servait l'honneur de Dieu par sa « piété » certes, mais surtout par sa charité active. La sainteté qu'il recherchait dans la simplicité grandissait de la sorte en union avec le Christ.


Les divers états de vie du chrétien


Don Bosco envisageait cette sanctification dans les diffé­rents états de vie du chrétien. Nous l'avons entendu répéter que chacun gagne son ciel par l'accomplissement de son « devoir d'état » 109. Il est peut-être bon de noter qu'il n'en­tendait pas désigner par ce terme les seuls grands états de vie chrétienne. Le sous-titre du Porta teco, ouvrage adressé, selon son contenu, aux pères et aux mères de fa­mille, aux garçons et aux filles, aux employés et aux ser­vantes, était libellé : « Avis importants sur les devoirs du chrétien, afin que chacun puisse parvenir à son propre salut dans l'état où il se trouve. » Comme on le voit, ce livret ne concernait que les laïcs. Mais, à cause de sa situation, Don Bosco devait évidemment expliquer à des prêtres et à des religieux comment parvenir eux aussi à la perfection. En fait, au cours de son existence, il a envisagé les trois principales vocations du fidèle : la vocation laïque, qu'il appelait simplement chrétienne, la vocation religieuse et la vocation sacerdotale 110. Ses réflexions sur la première peu­vent avoir été assez oubliées, elles ne furent pas les moins abondantes.


Le laïc chrétien


Rappelons-nous que Don Bosco fut, surtout entre 1850 et 1860, l'un des inspirateurs religieux des chrétiens piémon­tais, pour lesquels il écrivit des tracts, des brochures, des résumés de doctrine et des biographies édifiantes ; qu'a plu­sieurs reprises, il tenta d'unir les catholiques et, plus spécia­lement, les laïcs, dans des associations d'apostolat ; et que, toute sa vie, il conseilla des correspondants laïcs et d'innom­brables personnes qui lui demandaient audience. I1 eut donc mille occasions de dire ses idées sur la vie du chrétien mêlé au monde.

Comme nous le faisons volontiers aujourd'hui, il arrivait à Don Bosco de partir de l'éminente dignité acquise par lui au baptême, dés son entrée dans « le sein de l'Église ». Le laïc chrétien peut se dire fils d'un Dieu, qui est son père, frère d'un Christ, à qui il « appartient », et bénéficiaire des trésors de grâces de l'Église : « Les sacrements institués par ce sauveur très aimant ont été institués pour moi. Le paradis que mon Jésus ouvrit par sa mort, il l'ouvrit pour moi et me le tient préparé. Afin d'avoir quelqu'un qui pense à moi, il voulut me donner Dieu même pour père, l'Église pour mere et la parole de Dieu pour guide » 111. Nous savons qu'il ne vouait pas à la médiocrité les artisans incultes et les paysans rustiques, que leur titre de baptisés suffisait à transfigurer à ses yeux 112. La sainteté lui semblait possible dans les plus humbles états de vie. « Tous, dans l'Église catholique, quelle que soit leur condition, peuvent arriver à la perfection de la vertu. Un pauvre paysan l'a bien démontré ... » 113 Et il racontait l'histoire de saint Isidore le laboureur.

Dirigé par lui, l'aspirant laïc à la sainteté n'avait pas à jouer au clerc ou au moine, genre qui ne lui plaisait pas. I1 disait à la mère au foyer : « Qu'elle sache modérer ses dévotions, en sorte qu'elles ne l'empêchent pas de s'acquitter des tâches qui sont celles d'une mère de famille » 114. Le laïc se sanctifie dans son « état » et sa « condition ». En effet, comme nous le lisons dans un ouvrage souvent attri­bué à Don Bosco et certainement contrôlé par lui, « la sain­teté ne consiste pas à faire des choses extraordinaires, mais à bien faire notre devoir, selon notre état et notre condition. Notre grande occupation doit donc être de bien faire nos actions, même les plus simples. Notre sainteté, notre salut, notre bonheur ou notre malheur éternels dépendent de la. Les actions, même les plus banales, telles que les travaux manuels, les saines distractions, manger et boire, peuvent nous être des sources de grand mérite ... » 115 La sainteté du laïc est une sainteté de devoir d'état, entendu, selon ce qui a été dit plus haut, non comme un froid impératif caté­gorique, mais comme l'expression de la volonté de Dieu. Les devoirs religieux sont inclus dans ce devoir d'état, mais le bon laïc de Don Bosco n'est pas qu'un pratiquant exact : il est du monde et le sert de son mieux. Dans les livres du saint, on voit des mères de famille gagner leur ciel à coudre, balayer et préparer des repas 116; des servantes se sanctifier à soigner les bestiaux et à obéir à leurs patrons 117 ; des soldats même, comme Pietro en Crimée, se sanctifier dans les camps et au service de leur patrie 118. Quand sa fonc­tion est publique, le laïc doit en effet se sanctifier en oeuvrant pour la « société » 119. Saint Louis, roi de France, « favorisa énergiquement le bien et la splendeur de son peuple», racontait Don Bosco 120, et il ne pensait pas que cette manière d'accomplir son métier d'homme d'État ait nui à sa sainteté. Le bon chrétien est nécessairement bon citoyen. Il aurait même volontiers retourné la proposition pour affirmer que seuls les bons chrétiens ou, tout au moins, les amis de Dieu, font de bons citoyens. «Ma vie a démontré, expliquait l'un de ses porte-parole, que seule la pratique de la religion peut assurer la concorde des fa­milles et le bonheur de ceux qui vivent dans cette vallée de larmes »121. L'une de ses thèses favorites reparaît ici.


Les vertus du laïc chrétien


La profession chrétienne exige du laïc une foi de combat­tant. Dans sa vieillesse encore, Don Bosco répétera au cours d'un récit de songe : « Prenez le bouclier de la foi, afin de pouvoir lutter contre les pièges du diable » 122. La chute de certaines institutions chrétiennes et le renversement de l'opinion avaient, autour de lui, paralysé un grand nombre de baptisés. L'un de ses ennemis fut le « respect humain », qui empêchait ces faibles de prier en public, de fréquenter les sacrements, de défendre la vérité, et, pour tout dire, les dédoublait 123. Il exprimait ainsi sa peine dans une Vie de l'apôtre saint Pierre : « Si les chrétiens de nos jours avaient le courage des fidèles des premiers temps, s'ils sur­montaient tout respect humain et professaient leur foi avec intrépidité, assurément notre sainte religion ne se verrait plus aussi méprisée, et bien des personnes, qui cherchent à tourner en dérision la religion et les ministres sacrés, se­ raient peut-être contraintes par la justice et l'innocence à vénérer à la fois la religion et ses ministres » 124.

I1 encourageait les laïcs à pratiquer aussi une autre vertu qui lui tenait à coeur. Une certaine idée de la Providence, génératrice de paresse, ne lui convenait pas. Bien entendu, il ne réclamait pas systématiquement la promotion sociale des classes défavorisées et il lui arrivait même, très rare­ment d'ailleurs, de prêcher aux malheureux la simple rési­gnation 125; la « révolution » ne tentait pas ce modéré. Mais nous savons aussi qu'il dépensa toutes ses forces à secourir efficacement les mal lotis. I1 agissait par convic­tion et non pour le seul plaisir de se démener : « Mettons en lui [Dieu] toute notre confiance et faisons ce que nous pouvons pour adoucir les amertumes de la terre » 126. « Que, par conséquent, notre programme soit . courage, économie, travail et prière » 127. Malgré leur formulation maladroite, Don Bosco pouvait faire siens les conseils que son ami Pietra avait adressés à sa famille et qu'il répandait lui-même dans le Piémont de 1855 : « Dites a mes frères et à mes soeurs que le travail fait de bon citoyens, que la religion [entendez vraisemblablement : la pratique reli­gieuse] fait de bons chrétiens, mais que le travail et la religion mènent au ciel » 128.

La foi vivante et le travail assidu suffiraient-ils à la fécondité d'une vie de laïc chrétien ? Assurément notre saint prêchait encore aux fidèles la chasteté, la patience, la pru­dence, la douceur et la bonté, comme nous avons pu le montrer dans les chapitres précédents 129. Nous n'y revien­drons pas. On aimerait seulement savoir si son portrait du laïc, que la mentalité laborieuse du dix-neuvième siècle a si profondément marqué, comportait et à quel degré l'esprit de service, alors que, selon nous, l'individualisme régnait en ce temps de manière incontestée.

Nous n'aurons pas, grâce à Dieu, à nous scandaliser . les laïcs exemplaires mis en scène par Don Bosco ne se croyaient pas seuls au monde. Même hors des frontières de leurs devoirs d'état, ils servaient leur prochain dans son corps et dans son âme.

Le père pense d'abord à sa femme, à ses enfants et à son personnel 130. I1 pratique ensuite largement l'hospitalité 131. Mais il collabore aussi à la vie de la communauté locale. Un paroissien modèle est décrit sous les traits suivants : « I1 participait aux vêpres, aux saluts, aux messes chantées, et il était aussi parvenu à grouper des jeunes gens ayant bonne voix et bonne volonté, auxquels il avait lui-même enseigné le chant (...) I1 était directeur de la chorale, tré­sorier de nombreuses oeuvres de bienfaisance, conseiller communal et il lui arriva d'être maire de son village. Le curé avait en Pietro un paroissien fidèle et pouvait compter sur lui pour être aidé et conseillé dans les affaires les plus importantes et les plus épineuses » 132. Un tel dévouement est déjà appréciable, et il semble que le Porta teco de 1858 ne demandait pas plus aux laïcs. L'apostolat de Don Bosco et l'extension de sa société firent qu'il élargit ensuite l'hori­zon de ses lecteurs et de ses auditeurs bien au-delà de leurs clochers. Lui-même pensait alors le service chrétien aux dimensions de toute l'Église, qu'il voyait d'ailleurs, comme nous le savons, à l'image d'une famille dirigée par le souve­rain pontife : «Entre catholiques, il n'est pas question de nos oeuvres et des œuvres d'autrui. Nous sommes tous fils de Dieu et de l'Église ; fils du pape, qui est notre père commun » 133. Dans l'esprit de leur mouvement, les coopé­rateurs salésiens oeuvraient pour leurs paroisses, pour leurs diocèses et, par les missions, pour toute la catholicité.

Les laïcs de Don Bosco étaient apôtres par l'exemple et par l'action. Ils diffusaient la vérité chrétienne, recherchaient et soutenaient les vocations sacerdotales, s'efforçaient d'édu­quer les jeunes sur qui repose l'avenir de la société et de l'Église du Christ. Dans cette tâche, leur inspirateur les aurait voulus, sur le modèle des incroyants et des anticléricaux de son temps, beaucoup plus unis qu'ils ne l'étaient : « Nous, qui faisons profession d'être chrétiens, nous devons nous réunir en ces temps difficiles pour propager l'esprit de prière et de charité par tous les moyens que nous fournit la religion ... » 134 L'union des coopérateurs est née d'un souci d'efficacité : un fil triple est moins aisément rompu qu'un fil simple. Don Bosco associait du reste à ce principe les raisons doctrinales de l'apostolat qu'il mettait sur les lèvres de Dominique Savio, à savoir l'universalité de la ré­demption, la fraternité de tous les chrétiens dans le Christ, l'obéissance à Dieu et, enfin, la croissance de la sainteté en soi 135.

Il n'est pas indispensable à sa gloire de voir en Don Bosco le précurseur de la spiritualité et de l'apostolat des laïcs de la deuxième partie du vingtième siècle. Mais on notera avec intérêt qu'il pensa aux adultes chrétiens, au mode d'existence qui leur convenait, à leur rôle missionnaire dans l'Église et à leur sanctification par la vie courante et l'apostolat direct. Prises dans leur ensemble, ses idées ne paraissent pas avoir beaucoup varié : il a répété qu'il convient de proposer aux laïcs une spiritualité et un style apostoliques très simples, qui ne les retirent pas de leur milieu de vie et de leurs occu­pations ordinaires. Certaines similitudes entre cette doctrine et celle de contemporains marquants, qui parlent au nom de vastes groupes d'opinion 136, sont pourtant bien curieuses. Notre saint fut de ceux qui, au dix-neuvième siècle, préparèrent les chrétiens aux batailles du vingtième.


Le religieux de vie active


Les laïcs ont absorbé les réflexions de Don Bosco jusqu'au milieu de son âge mûr. Le problème de la vie religieuse, qui ne s'était qu'occasionnellement posé à lui dans sa jeunesse, ne prit place dans son enseignement qu'à partir de 1855 environ. Il chercha dés lors un style religieux conforme à la vie des prêtres éducateurs qu'il méditait de réunir dans une nouvelle congrégation. Celle-ci n'est pas sortie, tout armée, de son cerveau. Tout, dans sa formation et le milieu où il avait évolué jusqu'à cette date, le portait vers les clercs réguliers et les sociétés de prêtres. I1 s'inspira donc des leçons des jésuites, des barnabites, des rédemptoristes, des oblats de Marie du Pere Lanteri, des rosminiens et des lazaristes 137. Cela nous déconseille évidemment de rechercher chez lui une théorie quelconque de la vie érémitique ou monastique. De fait, il n'a envisagé que le religieux actif, qui se sépare du monde sans le fuir, qui ne jeûne ni ne prie plus que le laïc fervent, qui, simplement, pratique les conseils évangéliques de pauvreté, de chasteté et d'obéissance dans des commu­nautés organiques et tente d'harmoniser la quête de la « per­fection » exigée par son état de consacré avec les nécessités de l'apostolat auquel il s'est aussi voué 138.

Pour empêcher toute équivoque, disons tout de suite que Don Bosco voulait faire de ses salésiens de véritables reli­gieux. Seules des raisons de prudence ou d'opportunité lui suggéraient d'éviter les titres de pères, supérieurs, provin­ciaux..., qui eussent rappelé l'odeur du couvent à des narines, devenues autour de lui très délicates. Il proposait à ses fils spirituels un style d'existence qui, loin des dangers du monde, leur offrirait des armes bien fourbies contre la « triple concupiscence » et les aiderait à se sanctifier 139. I1 est vraisemblable qu'il leur dit un jour, comme nous le lisons dans sa biographie : « Le but de la société [salésienne] est bien de sauver notre âme et puis aussi de sauver les âmes des autres » 140.

Telle qu'il l'envisageait, la vie religieuse était spécifiée par les voeux, la pratique des constitutions et la vie com­mune. Les voeux sont un don de soi â Dieu, sur lequel chacun est constamment exposé â revenir. « Veillez [donc] et faites que ni l'amour du monde, ni l'affection envers vos parents, ni le désir d'une vie plus large ne vous entraînent â [com­mettre] la grande sottise de profaner vos saints voeux et, ainsi, â trahir votre profession religieuse par laquelle nous nous sommes consacrés au Seigneur. Que nul ne reprenne ce que nous avons donné â Dieu » 141. Les voeux sont donc chose sérieuse. Rappelez-vous, disait encore Don Bosco, l'histoire d'Ananie et de Saphire, ces malheureux qui man­quèrent â la pauvreté promise et furent aussitôt châtiés 142. Et il aimait avancer que, « selon saint Anselme », une bonne action accomplie en dehors d'un voeu ressemble au fruit d'une plante, tandis qu'accomplie â la suite d'un voeu, elle est comparable â la plante et â son fruit 143. Enfin, les voeux ont pour avantage d'unir les religieux â leur supérieur, celui­ci et sa congrégation au pape et, par le pape, â Dieu 144. Car l'ecclésiologie de Don Bosco décidait aussi de ses concep­tions sur la vie religieuse.

L'observance des voeux est définie par les constitutions, « ces règles que notre sainte mère, l'Église, a daigné approu­ver pour nous servir de guide, pour le bien de notre âme et pour l'avantage spirituel et temporel de nos élèves bien­aimés » 145.Expression de la volonté divine manifestée par ses mandataires les plus authentiques, il n'avait pas voulu que ces règles fussent pesantes : le joug du Christ est, en principe, « léger ». Mais il ne se faisait pas faute de recon­naître le caractère ascétique de ses constitutions, toutes bénignes qu'elles fussent. « Mes chers amis, nous voulons peut-être aller au paradis en carrosse ? Nous nous sommes justement faits religieux non pas pour jouir, mais pour pâtir et gagner des mérites pour l'autre vie. Nous nous sommes consacrés à Dieu non pas pour commander, mais pour obéir ; non pas pour nous attacher aux créatures, mais pour prati­quer la charité envers le prochain, pour l'amour de Dieu ; non pas pour nous faire une vie aisée, mais pour être pauvres avec Jésus-Christ, souffrir avec Jésus-Christ sur la terre afin d'être rendus dignes de sa gloire au ciel » 146.

Enfin, les voeux et les constitutions maintiennent le reli­gieux dans une vie commune que Don Bosco imaginait volontiers sur le modèle de l'Église de Jérusalem, où tous les biens étaient mis en commun, où les ressources de chacun aidaient au bonheur de tous, où, pour tout dire, les fidèles ne constituaient « qu'un seul cœur et qu'une seule âme » 147. « Les membres de la société mènent en tout la vie commune, pour la nourriture et le vêtement » 148. Ils s'aident mutuelle­ment à croître en perfection. « Malheur à l'isolé » (Vae soli), tandis que, guidé par des supérieurs à qui il se confie de bon gré, le religieux entend et applique les conseils opportuns pour sa sanctification et la réussite de son oeuvre d'aposto­lat 149. Au surplus, une charité bienfaisante à l'âme transfigu­rait les communautés selon le coeur de Don Bosco, des com­munautés sur lesquelles des souvenirs émus, des lettres douces et fermes, nous renseignent un peu sans nous satisfaire pleinement 150. La vie commune aurait en effet dû tempérer la rudesse des vceux. Malgré l'ascèse, qu'elles n'oubliaient pas, rien n'était, dans l'idéal, plus agréable que ces sociétés joyeuses. Don Bosco se félicitait de leur bonheur, car l'allé­gresse est un bien trop précieux pour être jamais boudé. « Si nos frères entrent dans ces dispositions, nos maisons de­viendront certainement un vrai paradis terrestre (...) On aura en somme une famille de frères réunis autour de leur pere pour servir la gloire de Dieu sur la terre et aller ensuite un jour l'aimer et le louer dans l'immense gloire des bien­heureux au ciel » 151.

Cette finale est moins oratoire qu'il ne paraît. Notre saint unifiait en effet aussi bien la vie religieuse que la vie aposto­lique par son principe constant du service de Dieu et de sa gloire. Car, n'est-il pas vrai ? « nos voeux peuvent être appe­lés des liens spirituels, par lequels nous nous consacrons au Seigneur et remettons au pouvoir de notre supérieur notre propre volonté, nos biens, nos forces physiques et morales, afin de constituer ensemble un seul coeur et une seule âme pour servir la plus grande gloire de Dieu selon nos consti­tutions ... ! » 152


Le prêtre


Au centre de la vie sacerdotale, Don Bosco mettait encore et toujours le service du Seigneur.

Le prêtre défend « l'intérêt de Dieu » 153 et n'attend de salaire que de lui. A la marquise, qui le remerciait d'avoir introduit dans ses institutions « le chant des cantiques, le chant grégorien, la musique, l'arithmétique et jusqu'au système métrique », Don Bosco répondait : « Les remercie­ments ne sont pas de mise. Les prêtres doivent travailler pour leur devoir. Dieu paiera tout, et que l'on ne parle plus de cela» 154. Quand la nécessité s'en présente, il se bat pour lui : « Il y a à travailler ? Je mourrai sur le champ du , sicut bonus miles Christi » 155. I1 est certes l' « encen­soir de la divinité », selon une formule de notre saint, quel­ques années aptes son ordination sacerdotale 156. Et, quand il réfléchissait sur la spécificité de sa fonction, Don Bosco rencontrait évidemment le sacrifice de la messe et le sacre­ment de pénitence, qui donnent au prêtre la préséance « sur les anges eux-mêmes » 157. Mais nous ne croyons pas nous tromper en disant que, pour lui, le prêtre était surtout le ministre, c'est-à-dire ici l'ouvrier ou le soldat de Dieu.

Après tant d'auteurs de la Contre-Réforme, parmi lesquels il y avait surtout saint Alphonse, lui-même dépendant au premier chef de saint Charles Borromée 158, il tirait de cette situation les vertus indispensables au prêtre. Le détachement ascétique figurait en bonne place dans son programme. « Quant à l'état sacerdotal, il faut suivre les normes établies par notre divin sauveur : renoncer au bien-être, à la gloire du monde, aux jouissances de la terre pour se donner au service de Dieu ... » 159. L'esprit de prière, très nécessaire au laïc, l'est plus encore au prêtre : « L'oraison est au prêtre ce que l'eau est au poisson, l'air à l'oiseau et la fontaine au cerf », écrivait-il dés 1847 160. Enfin le zèle, nourri de foi et de charité, lui paraissait sans doute la vertu sacerdotale caractéristique.

Il était quelquefois déçu par la faiblesse de la foi, de la charité et du zèle des ecclésiastiques qui l'entouraient, parmi lesquels les imitateurs de M. Vincent étaient, à son sens, beaucoup trop rares 161. Ils avaient cependant existé dans l'histoire et il en trouvait sous ses yeux. C'était saint Philippe Neri, Giuseppe Cafasso ou encore tel prêtre de ses amis, le curé de Marmorito, Carlo Valfré (1813-1861), qui eut droit à une notice élogieuse dans la Vie de Dominique Savio. « ... Il faisait son devoir avec une ardeur infatigable. Instruire les enfants pauvres, assister les malades, soulager les malheureux, voilà ce qui caractérisait son zèle. Par sa bonté, sa charité et son désintéressement, il pourrait être proposé en modèle à tous les prêtres qui ont charge d'âmes... » 162. Le panégyrique de saint Philippe Neri, pro­noncé devant un auditoire de prêtres, fut lui aussi centré sur le zèle, « qui est comme le pivot autour duquel prirent forme, pour ainsi parler, toutes ses autres vertus. C'est le zèle recommandé par le divin sauveur quand il dit : Je suis venu apporter un feu sur la terre, et qu'est-ce que je veux sinon qu'il brûle? ... » 163

La fonction sacerdotale exige ce zèle « ardent ». « Quel­qu'un dira : saint Philippe a opéré ces merveilles parce que c'était un saint. Je dis, quant à moi : Philippe a opéré ces merveilles parce que c'était un prêtre qui correspondait à l'esprit de sa vocation. (.. .) Ce qui doit absolument nous pousser à accomplir avec zèle cet office [sacerdotal] est le compte très strict des âmes qui nous sont confiées, compte que nous devrons rendre à son divin tribunal, en tant que ministres de Jésus-Christ » 164. Le zèle provoque à l'action la plus nécessaire qui soit : « Les âmes sont en danger et nous devons les sauver. Nous y sommes obligés comme simples chrétiens, à qui Dieu a ordonné d'avoir le souci de son prochain : Et à chacun il demandera compte de son prochain. Nous y sommes obligés parce que les âmes de nos frères sont en jeu, étant donné que nous sommes tous fils du même Père céleste. Nous devons aussi nous sentir particu­liérement stimulés à travailler pour sauver des âmes, parce que c'est la plus sainte des actions saintes : La plus divine des choses divines est de coopérer avec Dieu au salut des âmes (Denys l'Aréopagite) » 165.


Conclusion


Ce chapitre ne peut être mieux terminé que sur cet éloge de saint Philippe Neri, qui fut l'une des « merveilles du seizième siècle » 166 et dont, s'il faut en croire le texte de Don Bosco, « les actions suffisent à donner un parfait modèle de vertu au simple chrétien, au cloître fervent et au plus laborieux ecclésiastique » 167; un homme, dont les actions furent, comme celles de tous les saints, « orientées vers une fin unique : la plus grande gloire de Dieu et le salut des âmes » 168; un homme, qui pratiqua les vertus auxquelles notre saint attachait le plus de prix : la chasteté, grâce à laquelle « il reconnaissait à la seule odeur, qui était orné de cette vertu et qui était contaminé par le vice opposé » 169, et la charité surnaturelle, point brutale ni bourrue, mais au contraire douce, bénigne, agrémentée d'une allégresse inépui­sable et qu'il tournait vers les pauvres et les petits, ces pré­férés du Christ Jésus 170.


1 G. BOSCO, Il mese di maggio.., 8e éd., Turin, 1874 douzième jour, p. 83.

2 Jean, 14, 30

3 G. BOSCO, Il mese di maggio.., loc. cit., p. 85­

4 {G. BOSCO}, Il giovane provveduto.., éd., Turin, 1851, p. 6. La phrase provenait de Psaumes, 99, 2.

5 G. BOSCO, Il mese di maggio.., loc. cit., p. 86.

6 G. BOSCO, Vita del giovanetto Savio Domenico.., Turin, 1859, chap. 17, p. 86-87 (voir, ci-dessous, document 14).

7 G. Barberis, Procès diocésain de canonisation, ad 22 ; dans Positio super introductione causae. Summarium, p. 427.

8 M. Rua, ibid., ad 22, dans Positio . . , op. cit., p. 667.

9 Ibid., ad 22, dans Positio . . , op. cit., p. 732.

10 Ibid., ad 22, dans Positio . . , op. cit.,p. 734

11 Particulièrement affirmatif : « Le serviteur de Dieu avait pour fin primaire et absolue la gloire de Dieu et la sanctification de ses protégés » (ibid., ad 16, dans Positio ... op. cit., p. 154).

12 Ibid., ad 22, dans Positio.., op. cit., p. 651.

13 Ibid., ad 22,dans Positio.., op. cit., p. 600(d'après les Ricordi confidenziali ai direttori).

14 Cité (mais d'après qui ?), dans la Reponsio ad Animadversiones R.P.D. Promotoris fidei super dubio, Rome, 1907, p. 3, § 5.

15 E. CERIA, Don Bosco con Dio, éd. cit., p. 243.

16 G. Bosco au Frère Hervé de la Croix, s.d. (octobre 1845, selon le Père Ceria), dans Epistolario, t. I, p. 15.

17 G. BOSCO, Il Sistema metrico decimale ridotto a semplicità. . , 4e éd., Turin, 1851, p. 4.

18 G. Bosco au comte U. Grimaldi de Bellino, 24 septembre 1863, dans Epistolario, t. I, p. 280

19 [G. BOSCO], Il giovane provveduto. . , éd. cit., deuxième partie, Dopo la comunione, p. 102.

20 G. Bosco à la comtesse de Camburzano, 26 décembre 1860, dans Epistolario, t. I, p. 201.


21 G. Bosco à M. Rua, 1863, dans Epistolario, t. I, p. 288. L'évolution du document, appelé à devenir classique dans la tradition salésienne, laisserait entendre que l'expression n'était plus tout à fait intelligible pour les salésiens pendant les dernières années de Don Bosco. En 1886, on lira simplement : « Dans les affaires de particulière importance, élève toujours rapidement ton coeur vers Dieu avant de prendre une décision » (Ricordi confidenziali ai direttori, 1886, dans A. AMADEI, Memorie biografiche, t. X, p. 1041). Cela est bien curieux.

22 G. BOSCO, Vita di S. Paolo . ., 2e éd., Turin, 1878, chap. 2, p. 12. Plus bas, avec Barnabé : «Les saints apôtres, qui ne cherchaient que la gloire de Dieu ... » (ibid., chap. 6, p. 25).

23 Panégyrique écrit, mai 1868, déjà cité ; dans G. B. LEMOYNE, Memorie biografiche, t. IX, p. 215.

24 G. BOSCO, Storia ecclesiastica.., nouv. éd., Turin, 1870, cinquième époque, chap. 4, p. 302. (Voir, ci-dessous, document 27.)


25 G. BOSCO, Vita del giovanetto Savio Domenico . . , 6e éd., Turin, 1880, chap. 16, p. 71. Voir aussi le discours du professeur Picco sur son élève Dominique, ibid., chap. 26, p. 122.

26 Le texte ajoute : « ... et le salut des âmes. » (Panégyrique cité de saint Philippe Néri, dans G. B. LEMOYNE, Memorie biografiche, t. IX, p. 214.) Nous distinguons les deux fins avant de tenter de les unir plus bas.

27 Selon A. Brou, cité par P. POURRAT, La spiritualité chrétienne, t. III, Paris, 1925, p. 51­

28 G. Cagliero, Procès diocésain de canonisation, ad 22 ;dans Posotio super introductione causae. Summarium, p. 748.

29 G. BOSCO, Vita del giovanetto Savio Domenico . . , 6e éd., Turin, 1880, chap. 14, p. 63 ; G. Bosco aux salésiens, 1868, dans Epistolario, t. I, p. 551 ; G. Bosco à C. Louvet, 3 mai 1887, ibid., t. IV, p. 477.

30 G. BOSCO, Vita del giovanetto Savio Domenico.., éd. cit., chap. 20, p. 98. On lit une réflexion analogue au chap. 27, p. 128.

31 G. Bosco à A. Savio, 13 septembre 1870, dans Epistolario, t. II, p. 117.

32 G. Bosco à la supérieure des Fidèles compagnes, 16 juin 1871, ibid., p. 165.

33 S. Marchisio, Procès diocésain de canonisation, ad 22 ; dans Positio super introductione causae. Summarium, p. 604.


34 G. Bosco à la marquise M. Fassati, 21 avril 1866, dans Episto­lario, t. I, p. 387. La date, que l'éditeur de ce recueil semble avoir oublié de retranscrire, a été restituée d'après G. B. LEMOYNE, Memorie biografiche, t. IX, p. 292.

35 G. Bosco à G. B. Verlucca, 18 juillet 1866, dans Epistolario, t. I, p. 413.

36 G. Bosco, étrenne spirituelle à un membre de la famille Provera, 1868, dans G. B. LEMOYNE, Memorie biografiche, t. IX, p. 38.

37 G. Bosco au chanoine A. Vogliotti, 20 mai 1869, dans Epistolario, t. II, p. 29.

38 G. Bosco à D. Belmonte, 22 septembre 1869, dans Epistolario, t. II, p. 48.

39 G. Bosco au cardinal P. De Silvestri, 21 juillet 1869, dans Episto­lario, t. II, p. 38.

40 G. Bosco à l'archevêque de Turin, 28 novembre 1869, dans Episto­lario, t. II, p. 63.

41 Relation au Saint-Siège sur la société salésienne en 1870, dans G. B. LEMOYNE, Memorie biografiche, t. IX, p. 788.

42 G. Bosco à la comtesse C. Callori, 28 avril 1870, dans Epistolario, t. II, p. 87.

43 G. Bosco aux élèves de Lanzo, 26 décembre 1872, dans Epistolario, t. II, p. 245.

44 [G. BOSCO], Porta teco . . , Turin, 1858, p. 24 ; d'après Éphésiens, 6, 4.

45 Voir Cooperatori salesiani. ., 3 (ci-dessous, document 33).

46 G. Bosco aux salésiens, 1er mai 1887, dans E. CERIA, Memorie biografiche, t. XVIII, p. 759.


47 Voir, par exemple, ci-dessous, document 23, les notes d'une confé­rence du 26 septembre 1868, d'après G. B. LEMOYNE, Memorie biografiche, t. IX, p. 355-356.

48 G. BOSCO, Cenno biografico sul giovanetto Magone Michele.., Turin, 1861, chap. 9, p. 46-47, déjà cité.

49 Regolamento per le case. . , Turin, 1877, deuxième partie, chap. 3, art. 9, p. 64.

50 [G. BOSCO], Il giovane provveduto.., 2e éd., Turin; 1851, deuxième partie, p. 77 ; G. BOSCO, La Chiave del Paradiso.. , éd., Turin, 1857, p. 30.

51 Dans [G. BOSCO], Il giovane provveduto ... éd. cit., première partie, Le Sei domeniche.., huitième jour : S. Luigi modello nella preghiera, p. 68-70­

52 G. B. Anfossi, dans le Procès diocésain de canonisation, ad 22 ; dans Positio super introductione causae. Summarium, p. 442.

53 Notes autographes, ACS, S. 132, Prediche, C, 3 ; voir G. B. LEMOYNE, Memorie biografiche, t. IX, p. 997.

G. BOSCO, Vita del giovanetto Savio Domenico . . , Turin, 1859, chap. 13, P. 63­

54 Regolamento per le case. . , Turin, 1877, deuxième partie, chap. 3, art. 3, p. 63­

55 G. BOSCO, Cenni sulla vita del giovane Luigi Comollo . . , 4e éd., Turin, 1884, chap. 4, p. 32.

56 G. BOSCO, Vita del giovanetto Savio Domenico . . , Turin, 1859, chap. 13, P. 63­


57 G. BOSCO, Cenno biografico sul giovanetto Magone Michele. . , Turin, 1861, chap. 5, p. 29-31; Il Pastorello delle Alpi.., Turin, 1864, chap. 22, p. 114-115.

58 « Compositus corporis habitus, clara, religiosa et distincta pro­nuntiatio verborum, quae in divinis officiis continentur, modestia domi forisque in verbis, adspectu et incessu, ira in sociis nostris praefulgere debent, ut his potissimum a caeteris distinguantur. » (Conrtitutiones Socie­tatis S. Francisci Salesii, approuvées en 1874, chap. 13, art. 2 ; éd. A. AMADEI, dans Memorie biografiche, t. X, p. 982.)

59 G. Bosco aux élèves de l'oratoire du Valdocco, 23 juillet 1861, dans Epistolario, t. I, p. 207.

60 G. BOSCO, La Chiave del Paradiso.., 2e éd., Turin, 1857, p. 29.

61 Voir, dans G. B. LEMOYNE, Memorie biografiche, t. V, p. 940, l'édition, dont nous avons pu contrôler ici l'exactitude, d'un manuscrit ancien de ces constitutions, chap. Pratiche di pietà, art. 3.

62 S. SVEGLIATI, Animadversiones in Constitutiones Sociorum sub titulo S. Francisci Salesii in Diocoesi Taurinensi, 1864, art. 8 : « Optan­dum est ut socii plusquam unius home spatio orationi vocali et mentali quotidie vacent... » (Édité dans G. B. LEMOYNE, Memorie biografiche, t. VII, p. 708).

63 D'après une instruction du saint prononcée à Trofarello, 26 sep­tembre 1868, et son édition dans G. B. LEMOYNE, Memorie biografiche, t. IX, p. 355­

64 Relation Prato, au Procès diocésain de canonisation de Giuseppe Cafasso, p. 875 ; d'après A. GRAZIOLI, La pratica dei confessori.., op. cit., p. 92.

65 A en juger par les Regulae Seminariorum archiepiscopalium cleri­corum, Turin, 1875, p. 63-64, règles ici tout à fait conformes aux habitudes des religieux salésiens.

66 Voir, par exemple, ce que dit E. CERIA, Don Bosco con Dio, éd. cit., p. 2-3.

67 G. BOSCO, La Chiave del Paradiso.., éd. cit., p. 39.

68 Voir les articles ou chapitres sur lo spirito di preghiera, dans G. Bosco, Vita del giovanetto Savio Domenico . . , Turin, 1859, chap. 13, p. 62; Il Pastorello delle Alpi.., Turin, 1864, chap. 22, p. 113-119.

69 {G. BOSCO], Il giovane provveduto . ., 2e éd., Turin, 1851, pre­mière partie, Le Sei domeniche . . , huitième jour, p. 69.

70 G. BOSCO, Vita del giovanetto Savio Domenico.., éd. cit., chap. 13, p. 62.

71 G. BOSCO, Il Pastorello delle Alpi.., éd. cit., chap. 22, p. 117-118.

72 G. Cagliero, au Procès apostolique de Dominique Savio, ad 17 ; dans la Positio super virtutibus, Rome, 1926, p. 129.

73 G. BOSCO, Vita del giovanetto Savio Domenico.., éd. cit., chap. 19.

74 Abondamment développé par E. CERIA, Don Bosco con Dio, éd. cit., chap. 17 : Dono di orazione, p. 327-349.

75 Isaïe, 6, 1-3.

76 {G. BOSCO), Il giovane provveduto ... éd. cit., première partie, Le Sei domeniche.., huitième jour, p. 69.

77 Psaumes, 85, 2-

78 Cooperatori salesiani ..,1. (Voir, ci-dessous, document 33.)


79 Ibid., 3.

80 Conférence prononcée à Lucca, dans le Bollettino salesiano, 1882, ann. VI, p. 81-82.

81 Sermon prononcé à Nice, 21 août 1879, d'après E. CERIA, Memorie biografiche, t. XIV, p, 258. L'absence de source rend cette assertion suspecte, mais elle est en plein accord avec d'autres phrases certainement authentiques de Don Bosco.

82 G. BOSCO, Il mese di maggio . . , 8e éd., Turin, 1874, vingt­neuvième jour, p. 178.

83 « La charité chrétienne, qui avait déjà opéré tant de merveilles, devait en opérer de nouvelles et, à certains égards, de plus étonnantes dans la personne de saint Vincent de Paul o (G. BOSCO, Storia eccle­siastica . . , nouv. éd. Turin, 1870, cinquième époque, chap. 5, p. 308).

84 Voir encore G. BOSCO, Vita del giovanetto Savio Domenico. . , éd. cit., chap. 8, p. 38.

85 G. BOSCO, Vita di S. Paolo.., 2e éd., Turin, 1878, chap. 21, p. 99.

86 G. BOSCO, Vita di San Martino .. , 2e éd., Turin, 1886, chap. 11, p. 79.

87 G. BOSCO, Il mese di maggio.., loc. cit., p. 178.

88 Voit, par exemple, sa conférence aux salésiens, 18 septembre 1869, déjà citée.

89 G. BOSCO, Vita del giovanetto Savio Domenico. , , éd., Turin, 1880, chap. 16, p. 71 ; Cenno biografico sui giovanetto Magone Michele.., éd. cit., chap. 10, p. 48, 49.

90 G. BOSCO, Vita del giovanetto Savio Domenico.., éd. ci,, chap. 11 (ci-dessous, document 13) ; Cenno biografico sul giovanetto Magone Michele.., éd. cit., chap. 10, 11, passim. Relevons ici, une fois de plus, les affinités de son enseignement avec celui de saint Alphonse, par exemple dans la Vera sposa di Gesù Cristo.., chap. 12 : Della carità del prossimo.

91 G. BOSCO, Il mese di maggio.., loc. cit., p. 175.

92 Ibid., p. 175. La définition est donnée par l'auteur de façon explicite : «Par aumône, j'entends n'importe quelle oeuvre de miséricorde ... » etc.

93 G. BOSCO, Vita del giovanetto Savio Domenico . . , Turin, 1859, chap. II p. 53. (Voir, ci-dessous, document 13.)

94 Congregazione di S. Francesco di Sales, manuscrit cité, chap. : Scopo di questa congregazione, art. 1. (Ci-dessous, document 12.)

95 Panégyrique écrit déjà cité de saint Philippe Néri, dans G. B. LEMOYNE, Memorie biografiche, t. IX, p. 216 (ci-dessous, document 21).

96 Associazione di buone opere, Turin, 1875, III, p. 6. Après la réception du bref de Pie IX, Don Bosco, dans le texte définitif, couvrira cette idée du patronage pontifical (voir, ci-dessous, document 33).

97 Jusqu'à plus ample informé, nous tirons cette conclusion hypo­thétique de l'évolution de l'article cité des constitutions salésiennes, dont la fin unique du texte primitif : la perfection chrétienne par l'exercice de la charité, commença d'être scindée en deux buts conjoints : la per­fection chrétienne et l'exercice de la charité, vers le moment où ces constitutions furent soumises à l'approbation de Rome. On lira dans la version approuvée de 1874 : « Huc spectat Salesianae Congregationis finis, ut socii simul ad perfectionem christianam nitentes, quaeque charitatis opera tum spiritualia tum corporalia erga adolescentes, praesertim si pauperiores sint, exerceant... » (édition A. AMADEI, Memorie biografiche, t. X, p. 956).

98 G. BOSCO, Il mese di maggio.., éd. cit., p. 175-176.

99 G. BOSCO, Il Pastorello delle Alpi.., Turin, 1864, chap. 24, p. 179-180, dans la conclusion du livre (voir, ci-dessous, document 18). Ajouter, dans le même sens : Maniera facile.., 5e éd., Turin, 1877, p. 101 : la dix-neuvième et la vingtième sentence tirées de l'Écriture sainte.

100 Panégyrique cité de saint Philippe Néri, dans G. B. LEMOYNE, Memorie biografiche, t. IX, p. 221; Cooperatori salesiani.., S. Pier d'Arena, 1877, Introduction.

101 G. BOSCO, Vita del giovanetto Savio Domenico .. , Turin, 1859, chap. 11 p. 56.

102 Ibid., chap. 12, p. 62.

103 G. BOSCO, Cenno biografico sul giovanetto Magone Michele. . , éd. cit., chap. 10, p. 47.

104 G. BOSCO, Vita del giovanetto Savio Domenico.., éd, cit., chap. 11, p. 55.

105 G. BOSCO, Il mese di maggio . . , éd, cit., vingt-neuvième jour, p. 177 : « Mais n'oublie pas que les pauvres sont tes frères ... »

106 G. Bosco, Introduction aux Regole o Costituzioni. . , Turin, 1885, chap. : Carità fraterna, p. 34. L'alinéa, absent des éditions de 1875 et de 1877, est donc tardif, mais, conformément aux habitudes de Don Bosco, il fut à notre avis signé en connaissance de cause. La même idée est d'ailleurs exprimée dans G. BOSCO, Il mese di maggio . . , éd. cit., vingt-neuvième jour, p. 175 ; et dans une allocution aux coopérateurs salésiens de la Spezia, 9 avril 1884, d'après le Bollettino salesiano, mai 1884, dans E. CERIA, Memorie biografiche, t. XVII, p. 70.

107 G. Bosco, Vita del giovanetto SavioDomenico.., éd. cit., chap. II, p. 53. Le même motif reparaîtra un peu plus bas dans le même chapitre (p. 55), mais sous une forme moins nette (voir, ci-dessous, document 13).

108 « Que le Seigneur (. . .) fasse que, par la mise en pratique de ces quelques suggestions, vous puissiez atteindre au salut de votre âme et accroître ainsi la gloire de Dieu, unique but de ce livrer » ({G. BOSCO], Il giovane provveduto ... 2e éd., Turin, 1851, p. 8). On lira plus tard, peut-être parce que la phrase avait un jour paru trop complexe pour de jeunes garçons : «Que le Seigneur (... ) fasse que, par la mise en pratique de ces quelques suggestions, vous puissiez accroître la gloire de Dieu et parvenir à sauver votre âme, fin suprême pour laquelle nous avons été créés » (op. cit., 101e éd., Turin, 1885, p. 8). De toutes façons, ce déplacement d'accent mériterait d'être étudié de près.

109 Voir, ci-dessus, chap. 6.

110 Le problème de la vocation aux divers états dans la pensée de Don Bosco mériterait aussi une étude particulière. Sa doctrine était appa­rentée à celle de saint Alphonse : celui qui refuse l'appel du Seigneur engage gravement son salut. (Voir, pour saint Alphonse, G. CACCIATORE, dans S. ALFONSO M. DE LIGUORI, Opere ascetiche. Introduzione gene­rale.., 1960, p. 228-229.)

111 G. BOSCO, Il mese di maggio . . , éd. cit., neuvième jour, p. 68-70.

112 Voir, ci-dessus, chap 2.


113 G. BOSCO, Storia ecclesiastica .., nouv. éd., Turin, 1870, troisième époque, chap. 6, p 216.

114 {G. BOSCO], Porta teco.., Turin, 1858 : dans une série de conseils empruntés à une lettre du bienheureux Valfré.

115 {Anonyme}, Il Cattolico provveduto .. , Turin, 1868, p. 532 ; au cours d'une méditation très vraisemblablement copiée.

116 Ainsi la mère de Pietro, dans G. BOSCO, La forza della buona educazione.., Turin, 1855.

117 G. BOSCO, Angelina o l'Orfanella degli Appennini, Turin, 1869.

118 G. BOSCO, La forza.., chap. 11-15, p. 75-101.

119 [G. BOSCO], Porta teco.., Turin, 1858, Avvisi particolari pei capi di famiglia.., Condotta pubblica nel paese, p. 30-32.

120 G. BOSCO, Storia ecclesiastica. ., nouv. éd., Turin, 1870, qua­trième époque, chap. 2, p. 237.

121 G. BOSCO, Severino.., Turin, 1868, chap. 26, p. 175.

122 Songe écrit du 10 septembre 1881, dans E. CERIA, Memorie biografiche, t. XV, p. 183.

123 G. BOSCO, Severino . . , op. cit., chap. 22-23, P. 146-161, et passim.


124 G. BOSCO, Vita di San Pietro.., Turin, 1856, chap. 14, p. 80-81.

125 Nous ne voyons guère que ces propos d'Allegro, l'un des per­sonnages sympathiques de la Cara della fortuna : « Non, non, l'argent et les richesses ne peuvent apaiser le coeur de l'homme, ma s seulement leur bon usage. Partant, que chacun se contente de son état sans prétendre à plus qu'il n'a besoin. Un morceau de pain, une portion de polenta, une assiette de soupe me suffisent » (G. BOSCO, La casa della fortuna, 2e éd., Turin, 1888, acte 1, scène 1, p. 9).

126 G. BOSCO, Severino.., op. cit., chap. 4, p. 22. Cette réflexion du père de Severino fut certainement assumée par l'auteur de la bio­graphie.

127 Ibid. Notons en passant que l'équivalence : travail égale prière, n'existe nulle part chez Don Bosco, quoi que l'on ait pu prétendre sur ce point. Le chapitre du Père A. AUFFRAY, dans En cordée derrière un guide sûr, saint Jean Bosco, Lyon, s. d. (1948), p. 31-36, intitulé : Travailler, c'est prier, n'est donc pas très heureux.

128 G. BOSCO, La forza della buona educazione. . , op. cit., chap. 1 r, p. 89.

129 Voir aussi G. BOSCO, La Chiave del Paradiso. ., 2e éd., Turin, 1857, p. 20-23 (ci-dessous, document 8).

130 {G. BOSCO], Porta teco . . , op. Cit., p. 22-29.

131 Voir, par exemple, G. BOSCO, Severino..,op, cit.,chap. 2, p. 10-11.

132 G. BOSCO, Angelina. . , op. cit., chap. 1, p. 7-8.

133 Conférence citée, Lucca, 1882 ; d'après le Bollettino salesiano, 1882, ann. VI, p. 81.

134 Cooperatori salesiani . . , 1 (voir ci-dessous, document 33).

135 G. BOSCO, Vita del giovanetto Savio Domenico . . , Turin, 1859, chap. 11 p. 55-56 (ci-dessous, document 13).

136 Voir J. GUITTON, L'Église et let laïcs, Paris, 1963, p. 143-150.

137 Et aussi d'autres sociétés moins connues, telle la congrégation des Prêtres séculiers des écoles de charité, fondée à Venise par Antonio Angelo et Marco De Cavanis et approuvée pat Grégoire XVI le 21 mai 1836.

138 La doctrine de Don Bosco sur la vie religieuse est surtout contenue dans ses conférences et ses lettres circulaires aux salésiens. Voir en particulier les schémas de conférences de 1872 à 1875 réunis dans A. AMADEI, Memorie biografiche, t. X, p. 1063-1091, et les lettres circulaires suivantes : sur l'entrée dans la société, 9 juin 1867, dans Epistolario, t. I, p. 473-475 ; sur l'unité d'esprit et d'administration, s.d., op. cit., p. 555-557 (cette lettre, éditée d'après un projet autographe, ne fut peut-être jamais expédiée) ; sur l'esprit de famille, 15 août 1869, op. cit., t. II, p. 43-45 ; sur l'économie, 4 juin 1873, op. cit., p. 285-286 ; sur la discipline religieuse, 15 novembre 1873, op. cit., p. 319-321 ; sur les constitutions salésiennes, 15 août 1874 : Introduction aux Regole o Costituzioni. ., Turin, 1875 (texte augmenté dans les éditions de 1877 et de 1885, sans que la date du document ait été modifiée) ; sur quelques points de discipline religieuse, 12 janvier 1876, dans Epistolario, t. III, p. 6-9 ; aux directeurs de maisons, sur quelques questions de vie religieuse, 29 novembre 1880, op. cit., p. 637-C38 ; sur l'observance des constitutions, 6 janvier 1884, op. Cit., t. IV, p, 248-250 ; testament spirituel, vers 1884, dans E. CERIA, Memorie biografiche, t. XVII, p. 257-273 ; voir aussi, pour cette dernière pièce, Epistolario, t. IV, p. 392-393.


139 Voir les notes autographes de conférences sur la vie religieuse, éditées dans G. B. LEMOYNE, Memorie biografiche, t. IX, appendice A, p. 986-987 (ci-dessous, document 26) ; G. Bosco, Introduction aux Regole o Costituzioni . . , Turin, 1877, Entrée en religion, p. 4-5.

140 Conférence du 29 octobre 1872, d'après les notes de Cesare Chiala, reproduites dans A. AMADEI, Memorie biografiche, t. X, p. 1085. Voir aussi : « Pour assurer le salut de son âme (Louis de Gonzague) résolut d'embrasser l'état religieux ... » ([G. BOSCO], Le Sei dome­niche ... 8` éd., Turin, 1886, Cenni sopra la vita . . , p. 15)

141 Testament spirituel, dans Epistolario, t. IV, p. ;92.

142 Conférence du 1er septembre 1873, notes de Cesare Chiala, dans A. AMADEI, Memorie biografiche, t. X, p. 1087.

143 Conférence citée du 1er septembre 1873 ibid. ;

144 G. Bosco, Introductione aux Regole o Costitutizioni.., éd. cit., Vœux, p. 19.

145 G. BOSCO, Introduction aux Regole o Costituzioni.., ibid. 145. G. Bosco aux salésiens, 6 janvier 1884, dans Epistolario, t. IV, 249

146 Ibid., p. 250.


147 Voir, sur l'Église de Jérusalem, G. BOSCO, Vita di San Pietro . . , Turin, 1856, chap. 15, p. 82; Storia ecclesiastica. ., nouv. éd., Turin, 1870, première époque, chap. 2, p. 24 ; Maniera facile..,, 5e éd., Turin, 1877, § 27, p. 75 ; etc. Il est évident que l'expression si fréquente sous sa plume : « un seul coeur et une seule âme », provenait de la représentation qu'il se faisait de cette Église.

148 Regulae seu Conrtitutiones.., 1874, chap. 4, art. 7 (voit l'édition A. AMADEI, Memorie biografiche, t. X, p. 962).

149 G. Bosco aux salésiens, 15 août 1869, dans Epistolario, t. II, p. 43.44.

150 Voir, par exemple, G. Bosco à G. Garino, 1863, dans Epistolario. t. I, p. 276 ; G. Bosco à G. Bonetti, 1864, ibid., p. 327; G. Bosco à D. Tomatis, 7 mars 1876, ibid., t. III, p. 26-27 (ci-dessous, documents 18, 20, 30).

151 G. Bosco aux salésiens, 9 juin 1867, dans Epistolario, t. I, p. 475.

152 G. BOSCO, Introduction aux Regole o Costituzioni. . , Turin, 1877, Voeux, p. 19.

153 Don Bosco disait, selon un bon témoin de son procès de cano­nisation : « Un prêtre est toujours un prêtre ... Être prêtre, cela veut dire avoir continuellement en vue le grand intérêt de Dieu, c'est-à-dire le salut des âmes. » (G. B. Lemoyne, Procès diocésain de canonisation, ad 13; dans Positio super introductione causae. Summarium, p. 122.)

154 Selon les Memorie dell'Oratorio . . , p. 16 1.

155 G. Bosco à un curé de Forli, 25 octobre 1878, dans Epistolario, t. III, p. 399 (ci-dessous, document 32).

156 Feuillet de résolutions prises par Don Bosco à la suite d'exer­cices spirituels en 1847, d'après E. CERiA, Don Bosco con Dio, éd. cit., p. 93.

157 Notes prises en 1868 par un auditeur de Don Bosco au cours d'un sermon sur le prêtre, éditées dans G. B. LEMOYNE, Memorie bio­grafiche, t. IX, p. 343-344 (ci-dessous, document 22).

158 Voir, sur les sources des oeuvres de saint Alphonse concernant le sacerdoce, G. CACCIATORE, dans l'ouvrage collectif S. ALFONSO M. DE LIGUORi, Opere ascetiche. Introduzione generale;.., op. cit., p. 224-231.

159 G. Bosco aux élèves des classes supérieures de Borgo San Mar­tino, 17 juin 1879, dans Epistolario, t. III, p. 476.

160 Feuillet de résolutions cité supra, dans E. CERIA, Don Bosco con Dio.., éd. cit., p. 93.

161 Voir {G. BOSCO], Il Cristiano guidato.., Turin, 1848, Préface, p. 4 ; notes citées d'un auditeur en 1868, dans G. B. LEMOYNE, Memorie biografiche, t. IX, p. 344 (ci-dessous, document 22).

162 G. BOSCO, Vita del giovanetto Savio Domenico . ., 6e éd., Turin, 1880, chap. 19, p. 92, note.

163 Panégyrique écrit, déjà cité, de mai 1868, dans G. B. LEMOYNE, Memorie biografiche, t. IX, p, 215.

164 Panégyrique cité, ibid., p. 219, 220.

165 Panégyrique cité, ibid., p. 220.

166 G. BOSCO, Storia ecclesiastica.., nouv, éd., Turin, 1870, cin­quième époque, chap. 4, p, 295.

167 Panégyrique cité, loc. cit, p. 214-215. 169.

168 Ibid., p. 214.

169 G. BOSCO, Storia ecclesiastiaca.., éd. cit., loc. cit., p. 295-296.

170 Panégyrique cité, loc. cit., p. 217, 219.