Le testament spirituel

Pages /485-504/



II


LE « TESTAMENT SPIRITUEL »





Ce précieux document a déjà été brièvement présenté dans l'Introduction (voir p. 28) ; et nous en avons cité les premières pages (3-9) en les insérant dans les textes choisis des Mémoires de l'Oratoire, là où Don Bosco parle de son ordination (texte 14). Nous devons maintenant le présenter plus complètement.

C'est un petit carnet relié de 142 mm sur 97, à la couver­ture rigide de couleur brun grenat. Il renferme 308 pages, dont 138 seulement sont écrites et d'ailleurs pas toutes à la suite, mais avec des intervalles laissés en blanc. Don Bosco l'a intitulé : Mémorie dal 1841 al 1884-5-6 pel sac. Gio. Bos­co ai suoi figlioli salesiani 1. En réalité seules les pages 3 à 9 /485/ sont des mémoires. Tout le reste est fait de maximes et de recommandations. La lecture attentive permet de dire que Don Bosco a rédigé les premières pages en janvier février 1884 (pp. 3-23), les suivantes en septembre... Puis à des pé­riodes successives il reprit son carnet pour y inscrire ce que sur le moment lui dictait sa conscience paternelle à l'inten­tion de ses fils (l'encre est différente, et souvent la graphie tourmentée est signe d'une grande fatigue). II le relut certai­nement au cours des années 1886 et 1887 pour y faire des corrections et des ajouts. Enfin le 24 décembre 1887, il le confia à son secrétaire Don Viglietti 2(2).

On ne peut feuilleter sans émotion cet humble carnet, où un père tel que Don Bosco tr livré à ses fils le meilleur de ses pensées et de son coeur. Le ton est celui de la confidence, tendre et plus d'une fois suppliante. On y retrouve ce sens de la personne qu'il avait si vif : il pense à tous, à ses jeunes, à ses Salésiens, aux Filles de Marie-Auxiliatrice, à ses Coopé­rateurs, à ses bienfaiteurs, à ceux du présent, et plus encore à ceux de l'avenir. Les thèmes sont variés, mais il en est un qui domine : celui des conditions de la prospérité future de l’oeuvre salésienne. Un grand avenir est ouvert, pourvu que les Salésiens cultivent l'humilité et la confiance en la Provi­dence divine et en la bonté de Marie, la charité fraternelle qui est patiente et qui pardonne, le refus décidé de toute « vie aisée », le respect et l'amour profond envers les jeu­nes, la fidélité absolue à l'Eglise et à son pasteur suprême.

Nous citons ici la majeure partie du texte, omettant les pages de caractère purement juridique ou historique ou de pastorale immédiatement pratique. L'ensemble se laisse fa­cilement diviser en grands blocs (A, B, etc.) Nous laissons les sous-titres mis par Don Bosco.

/486/



A) Recommandations diverses de pastorale pratique (pp. 10-14)



Confession des jeunes ; respect et amour envers eux ; la pureté des moeurs « fondement des vocations ».



B) Comment agir avec les bienfaiteurs (pp. 14-23)



Nous vivons de leur générosité. Toujours les remercier, surtout par la prière. Marie leur obtiendra des bienfaits spirituels et tem­porels. Don Bosco cite un certain nombre de « bienfaiteurs insi­gnes... envers lesquels nous aurons une perpétuelle reconnaissance devant Dieu et devant les hommes ».



181. C) A la mort de Don Bosco. Son testament



Conseil supérieur



Au moment de mon décès, que le Conseil supérieur se réunisse et soit prêt à toute éventualité... Parmi les choses de la plus grande importance, je note ceci :

Qu'on fixe comme principe absolument invariable de ne conserver la propriété d'aucun immeuble, hors des maisons et attenants qui sont nécessaires à la santé des confrères et à celle des élèves. Conserver des immeubles de rapport, c'est faire une injure à la divine Providence qui, de façon mer­veilleuse et dirais-je prodigieuse, nous est continuellement venue en aide.

En permettant la construction ou la réparation de mai­sons, qu'on use d'une grande rigueur à empêcher le luxe, la magnificence, l'élégance. A partir du moment où commen­cera d'apparaître le bien-être (agiatezza) sur la personne, /487/ dans les chambres ou dans les maisons, à ce moment même commencera la décadence de notre Congrégation 3.



A tous mes chers fils en J. C.



Après ma sépulture, mon Vicaire 4, d'entente avec le préfet, communiquera à tous les confrères ces ultimes pen­sées de ma vie mortelle.



Mes chers et très aimés fils en J.C.

Avant de partir pour mon éternité, je dois m'acquitter envers vous d'un certain nombre de devoirs et apaiser ainsi un vif désir de mon coeur. Avant tout, je vous remercie, avec la plus vive affection de mon âme, de l'obéissance que vous avez eue envers moi et de tout le travail que vous avez accompli pour soutenir et développer notre Congrégation.

Je vous laisse sur cette terre, mais seulement pour un peu de temps. J'espère que la miséricorde infinie de Dieu nous permettra de nous retrouver tous un jour dans la bienheu­reuse éternité. C'est là que je vous attends.

Je vous recommande de ne pas pleurer ma mort. C'est un tribut que nous devons tous payer ; mais après, nous re­cevrons une ample récompense pour toute fatigue supportée pour l'amour de Jésus notre bon Maître. Au lieu de pleurer, prenez la ferme et efficace résolution de demeurer /488/ inébran­lables dans votre vocation jusqu'à la mort. Veillez et faites en sorte que ni l'amour du monde ni l'affection pour vos pa­rents ni le désir d'une vie plus aisée ne vous amènent à la grande folie de profaner les saints voeux et de trahir ainsi la profession religieuse par laquelle nous nous sommes consa­crés au Seigneur. Que personne ne reprenne ce qu'il a donné à Dieu 5.

Si vous m'avez aimé dans le passé, continuez à m'aimer dans l'avenir par l'exacte observance de nos Constitu­tions 6..

Votre premier supérieur est mort. Mais votre vrai supé­rieur, Jésus-Christ, ne mourra pas. Il sera toujours notre maître, notre guide, notre modèle. Mais souvenez-vous aus­si qu'un jour il sera notre juge et le rémunérateur de notre fidélité à son service.

Votre supérieur est mort, mais un autre sera élu qui aura soin de vous et de votre salut éternel. Ecoutez-le, aimez-le, obéissez-lui, priez pour lui, comme vous avez fait pour moi.

Adieu, ô mes chers fils, adieu ! Je vous attends au ciel. Là nous parlerons de Dieu, de Marie mère et soutien de no­tre Congrégation ; là nous bénirons éternellement cette Congrégation dans laquelle l'obéissance aux règles aura /489/ contribué puissamment et efficacement à nous sauver. Sit nomen Domini benedictum ex hoc nunc et usque in saecu­lum. In te, Domine, speravi : non confundar in aeter­num 7.

(pp. 25-32)



Le nouveau Recteur majeur



1. Il adressera quelques paroles à ses électeurs 8, les re­merciera de la confiance qu'ils ont mise en lui, et les assure­ra de sa volonté d'être pour tous un père, un ami, un frère ; qu'il sollicite leur collaboration et, quand il sera nécessaire, leur conseil.

2. Il donnera sans tarder au Saint-Père la nouvelle de son élection, et il offrira sa personne et la Société salésienne aux ordres et aux conseils du chef suprême de l'Eglise.

3. Il adressera une lettre circulaire à tous les confrères et une autre aux Filles de Marie-Auxiliatrice.

4. II écrira une autre lettre encore à nos bienfaiteurs et à nos Coopérateurs pour les remercier de ma part de tout ce qu'ils ont fait pour nous pendant que je vivais sur cette terre, et les prier de nous continuer leur aide pour le soutien des oeuvres salésiennes. Ayant toujours la ferme espérance d'être accueilli dans la miséricorde du Seigneur, je ne cesse­rai, de là, de prier pour eux. Mais qu'on remarque, qu'on dise et qu'on prêche toujours que Marie Auxiliatrice a /490/ obtenu et obtiendra toujours des grâces particulières et même miraculeuses à ceux qui contribuent à l'éducation chrétienne de la jeunesse en danger par leurs oeuvres, leur coriseil, leur bon exemple, ou simplement par la prière... 9.

(pp. 35-38)



Avis spéciaux pour tous

1. Je recommande avec insistance à tous mes fils de veil­ler aussi bien dans leurs paroles que dans leurs écrits à ne ja­mais raconter ni affirmer que Don Bosco a obtenu des grâ­ces de Dieu ou ait en quelque manière opéré des miracles. Ce serait commettre une erreur dangereuse. Il est vrai que la bonté de Dieu a été généreuse envers moi, mais je n'ai ja­mais prétendu connaître ni accomplir des choses surnaturel­les. Je n'ai rien fait d'autre que prier et faire demander des grâces au Seigneur par de saintes âmes. Et puis j'ai toujours expérimenté l'efficacité des prières et des communions de nos jeunes. Le Dieu plein de miséricorde et sa très sainte Mère nous sont venus en aide dans nos besoins. Cela s'est spécialement vérifié chaque fois que nous devions pourvoir au bien de nos garçons pauvres et abandonnés, et plus encore quand leurs âmes se trouvaient en danger10. /491/

2. La sainte Vierge Marie continuera certainement à protéger notre Congrégation et les oeuvres salésiennes si nous continuons à avoir confiance en elle et si nous conti­nuons à promouvoir son culte. Que ses fêtes et spécialement ses solennités, ses neuvaines, ses triduums, le mois qui lui est consacré, soient toujours inculqués avec ferveur en public et en privé ; qu'on diffuse opuscules, livres, médailles, images, qu'on publie ou simplement raconte les grâces et les béné­dictions que cette céleste bienfaitrice accorde à chaque ins­tant à !'humanité souffrante.

3. Voici deux sources de grâces pour nous. Profiter de toutes les occasions favorables pour inculquer à nos jeunes élèves d'honorer Marie en s'approchant des sacrements ou au moins en accomplissant quelque acte de piété. La partici­pation attentive à la sainte messe, la visite à Jésus au saint Sacrement, la fréquente communion sacramentelle ou au moins spirituelle, sont des actes qui plaisent énormément à Marie et des moyens puissants d'obtenir des grâces particu­lières.

(pp. 44-48)



D) Indications pour la pastorale des vocations



Les vocations à promouvoir parmi la jeunesse populaire sont l'un des buts de la Congrégation (pp. 48-SO) ; l'Oeuvre de Marie­ Auxiliatrice pour les vocations adultes (pp. 51-52) ; conditions d'éveil de vocations salésiennes (pp. 52-56) ; aspirants et novices /492/ (pp. 56-61). Ensuite comment agir dans les cas de renvoi (pp. 61­63) et pour certains aspects de la vie commune (pp. 63-65). On trouvera le texte en MB XVII, 261-265.



182. E) Avis concernant les écrits de Don Bosco



Dans mes prédications, dans les discours, les livres im­primés, j'ai toujours fait tout mon possible pour soutenir, défendre et propager des principes catholiques. Toutefois si l'on trouvait en eux quelque phrase, quelque expression qui contienne ne serait-ce qu'un doute ou qui n'ait pas suffi­samment expliqué la vérité, mon intention est de refuser et de rectifier toute pensée et tout sentiment non exact.

Quant aux éditions et rééditions, je recommande plu­sieurs choses.

1. Quelques-uns de mes opuscules ont été publiés sans mon contrôle, et d'autres contre ma volonté. Je recomman­de donc à mon successeur de faire ou de faire faire un cata­logue de mes opuscules, mais de la dernière édition de cha­cun, et s'il est nécessaire d'en faire la réédition.

2. Là où on découvrirait quelque erreur d'orthographe, de chronologie, de langue ou de signification, qu'on la cor­rige pour le bien de la science et de la religion.

3. S'il arrivait jamais qu'on publie quelqu'une de mes lettres, qu'on fasse grande attention au sens et à la doctrine, car la plus grande partie ont été écrites très rapidement, et donc avec le risque de nombreuses inexactitudes. Les lettres écrites en français, on peut les brûler ; mais si jamais quel­qu'un voulait en publier une partie, je recommande qu'on les fasse lire et corriger par un bon connaisseur de la langue française pour éviter que les paroles n'expriment un sens qui n'a pas été voulu et ne provoquent moquerie ou mépris en­vers la religion à l'avantage de laquelle elles furent écrites. /493/

Quant aux nouvelles ou faits connus de mémoire ou re­cueillis en sténographie, qu'ils soient attentivement exami­nés et corrigés, de façon que rien ne soit publié qui ne soit exactement conforme aux principes de notre sainte religion catholique 11.

(pp. 66-69)



183. F) Lettre à des Coopérateurs et Coopératrices



Entre les pages 70 et 73 du carnet, onze feuilles ont été arra­chées : elles contenaient des lettres à divers bienfaiteurs, à leur envoyer après sa mort, ce qui fut f'ait (mais auparavant un secré­taire les recopia aux pages 117-128 ; voir Epist IV, 388-392). Nous avons cité déjà celle envoyée à M. et Mme Colle (voir texte 134 en finale). Nous en citons deux autres : l'une au comte Eugène de Maistre, l'autre, d'une singulière vigueur, au père de son neveu Charles, le baron Félicien Ricci des Ferres (voir texte 58).



Cher comte Eugène de Maistre,

Je vous remercie de la charité avec laquelle vous avez ai­dé nos oeuvres. Continuez-nous votre protection. Fasse Dieu que toute votre famille soit un jour avec vous et avec votre pauvre ami qui vous écrit ses dernières paroles, à goû­ter la joie du paradis. Ainsi soit-il.

Veuillez prier aussi pour le repos de mon âme.

Votre ami et serviteur très affectionné Turin.Gio. Bosco, prêtre

/494/

Monsieur le baron Feliciano Ricci,

Ô monsieur le Baron, vous devez absolument sauver vo­tre âme, mais vous devez donner aux pauvres tout votre su­perflu, autant que vous en a donné le Seigneur. Je prie Dieu de vous accorder cette grâce extraordinaire.

J'espère que nous nous verrons dans l'éternité bienheu­reuse.

Priez pour le salut de mon âme.

Votre très obligé serviteur

Turin.Gio. Bosco, prêtre



184. G) Recommandations pour la vie de commu­nauté 12



Le directeur d'une maison avec ses confrères



Le directeur doit être un modèle de patience et de charité envers les confrères qui dépendent de lui, et donc :

1. Les assister, les aider, leur enseigner la façon d'ac­complir leurs propres devoirs, mais jamais avec des paroles sévères ou offensives.

2. Qu'il leur fasse voir qu'il a grande confiance en eux, et s'occupe avec bienveillance de ce qui les regarde. Jamais de reproches ni de remarques sévères en présence d'autrui, /495/ mais veiller à toujours le faire in camera caritatis, c'est-à­-dire doucement et strictement en privé.

3. Si jamais les motifs de ces remarques ou reproches étaient publics, il deviendrait nécessaire d'aviser aussi publi­quement. Mais aussi bien à l'église que dans les conférences à la communauté, qu'on ne fasse jamais d'allusions person­nelles. Les avis, les reproches, les allusions faites en public offensent sans obtenir qu'on se corrige.

4. Qu'il n'oublie jamais de recevoir la reddition de compte mensuelle pour autant qu'il lui est possible. Et qu'en cette occasion chaque directeur devienne l'ami, le frè­re, le père de ses subordonnés. Qu'il donne à tous le temps et la liberté de faire leurs réflexions, d'exprimer leurs be­soins et leurs projets. Lui de son côté ouvrira son coeur à tous, sans jamais manifester rancune à qui que ce soit ; il ne devra même pas rappeler les manquements antérieurs, sinon pour donner des avis paternels, ou rappeler charitablement au devoir celui qui aurait été négligent.

5. Il fera en sorte de ne jamais traiter de choses relatives à la confession, à moins que le confrère en fasse la deman­de. En ce cas, il ne prendra jamais de résolutions applicables au for externe sans s'être bien mis d'accord avec le confrère intéressé.

6. Le plus souvent le directeur est le confesseur ordinaire des confrères 13. Mais avec prudence qu'il veille à donner une grande liberté à qui sentirait le besoin de se confesser à un autre. Il reste toutefois entendu que les confesseurs parti­culiers /496/ doivent toujours être connus et approuvés par le su­périeur conformément à nos règles.

7. Etant donné que celui qui se met en quête de confes­seurs exceptionnels manifeste peu de confiance au directeur, celui-ci doit ouvrir les yeux et vérifier attentivement si les autres règles sont observées, pour ne pas confier à ce confrè­re certaines responsabilités qui sembleraient dépasser ses forces morales ou physiques.

N.B. Ce qui est dit ici ne concerne pas les confesseurs extraordinaires que le supérieur, directeur ou provincial, au­ra soin de désigner en temps opportun.

8. En général le directeur d'une maison s'entretiendra souvent et avec une grande familiarité avec les confrères, in­sistant sur la nécessité de la commune observance des consti­tutions, et dans la mesure du possible qu'il en rappelle les paroles textuelles elles-mêmes.

9. En cas de maladie, qu'on observe ce que les règles prescrivent et ce qu'ont établi les décisions capitulaires.

10. Le directeur sera prompt à oublier les déplaisirs et les offenses personnelles ; par la bienveillance et par les égards il cherchera à vaincre ou mieux à corriger les négligents, les méfiants et les suspects. Vince in bono malum (« Sois vain­queur du mal par le bien », Rom 12, 21).

(pp. 73-80)

/497/



Aux confrères d'une même communauté



1. Tous les confrères salésiens qui habitent dans une mê­me maison doivent former un seul coeur et une seule âme avec leur directeur.

2. Qu'on retienne bien que la peste à fuir avec le plus de soin est le murmure. Qu'on fasse tous les sacrifices possi­bles, mais qu'on ne tolère pas les critiques à propos des su­périeurs.

3. Ne pas blâmer les ordres donnés en famille, ni dé­sapprouver les choses entendues dans les prédications et les conférences, ou écrites ou imprimées dans les livres d'un confrère.

4. Que chacun souffre pour la plus grande gloire de Dieu et en expiation de ses péchés, mais pour le bien de son âme qu'il évite les critiques au sujet de l'administration, de l'ha­billement, de la nourriture, du logement, etc.

5. Rappelez-vous, ô mes chers fils, que l'union entre le directeur et ses subordonnés et l'accord entre les confrères feront de nos maisons un vrai paradis terrestre.

6. Je ne vous recommande ni pénitences ni mortifica­tions particulières ; mais vous aurez un grand mérite et vous serez la gloire de la Congrégation si vous savez supporter en­semble les peines et les épreuves de la vie avec la patience chrétienne

7. Donnez de bons conseils toutes les fois que s'en pré­sente l'occasion, spécialement quand il s'agit de consoler un affligé ou de l'aider à surmonter une difficulté ; rendez ser­vice aussi bien au confrère qui est en bonne santé qu'à celui qui est en situation de maladie.

... 10. Que chacun, au lieu de faire des remarques sur ce que font les autres, s'emploie avec toute la diligence possible à accomplir les tâches qui lui ont été confiées.

/498/

Rappel fondamental

A tous il est vigoureusement commandé et recommandé, à la face de Dieu et à la face des hommes, d'avoir souci de la moralité entre les Salésiens et ceux qui, de quelque façon et à quelque titre que ce soit, nous ont été confiés par la divine Providence.

(pp. 80-87)



H) Avis « pour les Soeurs de Marie-Auxiliatrice » (pp. 97-104)



Grande prudence dans les relations entre religieuses et l'exté­rieur ; exigences pour les novices ; avis pratiques sur l'administra­tion des biens et sur le fonctionnement du Conseil supérieur et du Chapitre général.



185. J) Recommandations diverses : aimer la pau­vreté, pardonner.



Après deux pages blanches, voici un nouveau groupe de recom­mandations : l'écriture, irrégulière, trahit une grande fatigue. Une première série traite de la façon d'agir dans les difficultés avec l'extérieur. Puis vient la grande



Recommandation fondamentale à tous les Salésiens



Aimez la pauvreté si vous voulez conserver en bon état les finances de la Congrégation.

Veillez à ce que personne ne puisse dire : Ce mobilier n'est pas un témoignage de pauvreté ; cette table, cet habil­lement, cette chambre ne sont pas ceux d'un pauvre. Celui /499/ qui donne prise à de tels jugements cause un désastre à notre Congrégation, qui doit toujours pouvoir se glorifier du voeu de pauvreté de ses membres.

Malheur à nous si ceux dont nous espérons la charité peuvent dire que nous menons une vie plus aisée que la leur !

Ceci est à pratiquer toujours rigoureusement quand nous nous trouvons en état normal de santé, car dans le cas de maladie on doit recourir à tous les soins dans la mesure permise par nos règles.

Rappelez-vous que ce sera toujours pour vous une belle journée, celle où vous aurez réussi à vaincre un ennemi par vos bienfaits ou à vous gagner un ami.

Que le soleil ne se couche jamais sur votre colère. Ne ré­veillez jamais le souvenir des offenses pardonnées, ne reve­nez jamais sur un mal ou un tort oublié. Disons toujours d'un coeur sincère : Pardonnez-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés, c'est-à-dire oublions de façon absolue et définitive tout ce qui dans le passé nous a causé quelque injure 14. Aimons tout le mon­de d'un amour fraternel.

Que ces avis soient observés de façon exemplaire par ceux qui exercent quelque autorité sur les autres.



Recommandation pour moi-même



O mes chers jeunes, vous qui avez toujours été les délices de mon coeur, je vous recommande de communier fréquem­ment en suffrage pour mon âme. Par la fréquente commu­nion vous vous rendrez chers à Dieu et aux hommes, et /500/ Ma­rie vous accordera la grâce de recevoir les derniers sacre­ments à la fin de votre vie.

Vous, prêtres, clercs salésiens, vous parents et amis de mon âme, priez, recevez Jésus dans l'eucharistie en suffrage pour mon âme, afin que soit abrégé le temps de mon purga­toire.

(pp.111-115)



186. K) Dernières pages : profession de foi et d'humilité, l'avenir.



A ce point de son carnet, Don Bosco a sauté une centaine de pages, restées blanches, et vers la fin il a rédigé, d'une écriture tourmentée, encore dix pages, probablement au cours de 1887 : ce sont les dernières pensées, le ton se fait solennel, suppliant, pro­phétique.

(Profession de foi et d'humilité)



Ayant ainsi exprimé les pensées d'un père envers ses fils bien-aimés, je me tourne maintenant vers moi-même pour invoquer sur moi la miséricorde du Seigneur aux dernières heures de ma vie.

Je veux vivre et mourir dans la sainte religion catholi­que, qui a pour chef le Pontife de Rome, vicaire de Jésus Christ sur la terre. Je crois et professe toutes les vérités de la foi que Dieu a révélées à la sainte Eglise.

Je demande humblement pardon à Dieu 15 de tous mes /501/ péchés, spécialement des scandales donnés à mon prochain en toutes mes actions, en toutes les paroles proférées en temps inopportun. En particulier je demande excuse des soins exagérés que je me suis donné à moi-même sous le faux prétexte de conserver la santé.

Je dois aussi m'excuser si l'on a pu remarquer que bien des fois ma préparation à la sainte messe a été trop brève, ou trop brève l'action de grâces. J'étais en quelque sorte obligé d'agir ainsi à cause de la foule de personnes qui m'entou­raient à la sacristie et m'enlevaient la possibilité de prier soit avant soit après la sainte messe 16.

Je sais que vous m'aimez, ô mes fils bien-aimés, mais que cet amour, cette affection ne se limite pas à pleurer après ma mort : priez pour le repos éternel de mon âme. Je vous recommande de faire des prières, des oeuvres de chari­té, des mortifications, des saintes communions, pour répa­rer mes négligences à faire le bien ou à empêcher le mal. Que vos prières soient adressées au ciel avec l'intention spéciale que je puisse trouver miséricorde et pardon dès que je me présenterai à la redoutable Majesté de mon Créateur.



L'avenir 17



Notre Congrégation a devant elle un heureux avenir pré­paré par la divine Providence ; et sa gloire durera tant que /502/ nos règles seront fidèlement observées. Mais quand com­menceront parmi nous les commodités et les aises, notre So­ciété aura fini son temps. Le monde nous recevra avec plai­sir tant que nos préoccupations seront tournées vers les païens, vers les enfants les plus pauvres et les plus exposés de la société. Telle est pour nous la vraie commodité, que per­sonne ne viendra nous ravir.

... En son temps nous porterons nos missions jusqu'en Chine, et d'une façon précise à Pékin 18. Mais qu'on n'oublie pas que nous y allons pour les enfants pauvres et abandonnés. Là parmi des peuples inconnus et ignorants du vrai Dieu, on verra des merveilles, jusqu'à présent incroya­bles, mais que le Dieu puissant rendra manifestes aux yeux du monde.

Qu'on ne conserve pas d'immeubles en dehors des habi­tations dont nous avons besoin 19. Lorsque dans le lance­ment d'une oeuvre religieuse les moyens financiers viendront à manquer, qu'on suspende (les travaux), mais que les oeu­vres commencées soient continuées dès que nos économies et nos sacrifices le permettront. /503/

Quand il arrivera qu'un Salésien succombe et perde la vie en travaillant pour les âmes, alors vous pourrez dire que notre Congrégation a remporté un grand triomphe, et sur el­le descendront en abondance les bénédictions du Ciel 20.

(pp. 267-276)






/504/

1 Mémoires de 1841 à 1884-5-6, par .lean Bosco, prêtre, à ses chers fils salésiens. Archives 132, Cahiers-Carnets 6. Il en existe une copie en 112, Maximes 1. La partie recommandations a été publiée en MB XVII, 257­273.

2 Voir MB XVIII. 492.


3 La préoccupation d'une pauvreté authentique traverse tout le testa­ment spirituel. Nous la trouvons ici au début. Nous la retrouverons aux dernières pages, également sous la forme du double refus des commodités et de la possession de biens non strictement nécessaires. Il est à noter com­ment Don Bosco la relie à l'abandon plein de confiance à la Providence et à la disponibilité du Salésien à sa tâche. Noter aussi le caractère catégorique des formules : « absolument invariable, grande rigueur... ».

4 Le 7 novembre 1884, le pape Léon XIII avait désigné Don Rua com­me « vicaire général » de Don Bosco avec droit de succession. Le décret se­ra confirmé peu après la mort de Don Bosco, le 8 février 1888.


5 Les expressions de ce paragraphe font comprendre quelle idée se fai­sait Don Bosco de la consécration religieuse, de sa valeur sacrée et défini­tive. Qui analyse l'ensemble du testament spirituel pourra constater qu'il est centré sur la fidélité au service du Christ selon sa propre vocation.

6 C'est une sorte d'écho de la parole de Jésus à ses disciples après la cène : « Si vous observez mes commandements, vous demeurerez dans mon amour... Vous serez mes amis si vous faites ce que je vous comman­de » (Jn 15, 10, 14). Dans une lettre à un clerc salésien, Don Bosco disait le 9 février 1879, en référence évidente au texte de Jean :« Si tu m'aimes tu observeras mes préceptes. Mes préceptes sont nos Constitutions »(à Euge­nio Armelonghi, Epist. III, 446).

7 « Béni soit le nom du Seigneur dès maintenant et jusque dans le siè­cle futur. En toi, Seigneur, j'ai espéré, je ne serai pas trompé, éternelle­ment » (invocations de la finale du Te Deum liturgique.)

8 Cette partie du texte a été rédigée avant le décret dont parle la no­te 4. Le nouveau Recteur majeur, Don Rua, n'a pas eu à être « élu », ayant été, en forme exceptionnelle, désigné par le pape.


9 Ce paragraphe est le schéma qui ensuite fut développé par Don Bonetti en une longue « lettre circulaire aux bienfaiteurs » (texte en MB XVIII, 621-623). Annoncée dans le Bulletin Salésien d'avril 1888, p. 51, elle fut imprimée et diffusée en mai par les soins de Don Rua. Cette lettre, signée « Gio. Bosco, prêtre », et quelquefois appelée Testament de Don Bosco aux Coopérateurs, en réalité est de lui seulement quant à la ligne générale de la pensée. Voir l'avis de Don Ceria en Epist. IV, 393 note ; et II Cooperatore nella società contemporanea, LDC, Turin 1975, pp. 128-129. Voir également plus loin le texte 189.

10 Réaction typique de Don Bosco serviteur. Il ne peut évidemment nier d'avoir été au moins l'occasion de nombreuses grâces et miracles. Mais il a la perception vive que ce sont « le Dieu plein de miséricorde et sa très sainte Mère » qui ont opéré, à partir de sa prière et plus encore de la prière des autres, des jeunes en particulier. Il craint qu'après sa mort, la puissance généreuse de Dieu et le mérite des autres soient offusqués par une louange exagérée à son égard.


11 Ces requêtes de Don Bosco ne sont pas des subtilités. Elles expri­ment la droiture de ses intentions d'écrivain : servir la science et beaucoup plus encore la vérité religieuse, et son sens très vif de ses responsabilités de prêtre auteur. Voir les réflexions du P. Stella, Don Bosco nella storia I, 247-248.


12 Toutes les recommandations de cette section obéissent à la logique d'une réalité fondamentale : la communauté salésienne est une famille authentique, heureuse et efficace dans la mesure où elle vit l'esprit de famille. La première série d'avis au directeur est à rapprocher des Souve­nirs confidentiels cités plus haut (texte 150, p. 431), où déjà lui étaient demandées « la charité et la patience »(I, 5), et des lettres à trois nouveaux directeurs (texte 167, p. 459), où se rencontre déjà l'expression : « Va comme ami, frère et père ».


13 La pensée et la pratique de Don Bosco sur ce point ont toujours été très claires : le directeur salésien est en toute vérité le père spirituel des jeu­nes et de ses confrères, et leur confesseur ordinaire. Dans les Constitutions approuvées en 1874, Don Bosco, sur demande expresse de Rome, avait dis­socié nettement la reddition de compte de for externe et la confession et di­rection spirituelle de for interne. Mais dans la pratique, le même directeur était le supérieur qui reçoit la reddition de compte et le confesseur qui reçoit la pleine ouverture de la conscience et la dirige effectivement. « Que per­sonne ne craigne de se confesser au directeur, disait Don Bosco : il est un père qui ne peut faire autrement qu'aimer ses fils et être pour eux plein d'indulgence » (MB X, 1095). Le 24 avril 1901, un décret du Saint Office interdira de façon absolue au directeur salésien d'entendre la confession de ses jeunes en internat et de ses confrères... Don Bosco avait espéré que l'esprit de famille aurait été capable de surmonter, même de façon habituel­le, les inconvénients possibles de la direction au for externe et interne assu­rée par la même personne.




14 C'est la quatrième fois que, dans le Testament, Don Bosco revient sur le thème : oubli des offenses passées et pardon complet.


15 Les paragraphes suivants illustrent bien l'humilité peu ordinaire du serviteur que fut Don Bosco, les exigences qu'il avait encore envers soi­-même (envers son pauvre corps usé par les fatigues et les maladies), sa crainte de scandaliser même de façon minime, sa conscience du besoin de la miséricorde de Dieu. Rarement il a dévoilé de semblable façon les profon­deurs de son âme.

16 Nous avons vu plus haut (texte 14, p. 91) que parmi ses résolutions d'ordination, Don Bosco avait noté :« Je ferai une préparation d'un quart d'heure à la célébration de la messe et un quart d'heure d'action de grâce. » Résolution qu'il fut contraint d'assouplir dès 1845 (fin du texte 14).

17 Il est typique que les confidences du carnet se terminent sur une vi­sion d'avenir. Le serviteur, en mourant, fixe son regard sur l'oeuvre pour laquelle il a été envoyé et à ses continuateurs il annonce un futur immense. On pense à Moïse qui, du sommet de la montagne où il meurt, entrevoit la Terre promise. Mais les exigences sont aussi clairement indiquées :« Tra­vail et tempérance !». Jamais les formules de Don Bosco, n'ont été aussi vigoureuses.

18 L'allusion ici à la future présence des Salésiens en Chine surprend moins lorsqu'on la rapproche des deux rêves prophétiques de Don Bosco sur l'avenir des missions salésiennes précisément à l'époque où il écrivait ses recommandations dans le carnet : le songe du fer février 1885, raconté aux membres du Conseil supérieur le 2 juillet et au comte Colle en deux let­tres du 10 août 1885 et du 15 janvier 1886 (voir texte 134, note p. 373) ; et le songe du 10 avril 1886 où la sainte Vierge « bonne bergère » fait voir Pékin à Don Bosco (voir MB XVIII, 73-74). De fait, à la Noël 1946, un groupe de Salésiens arrivait à Pékin pour y fonder un centre de jeunes et une école professionnelle. Huit ans plus tard, ils furent expulsés par le régime de Mao, et leur Ecole Notre-Dame, la dernière en Chine commu­niste, fut fermée (voir Bollettino Salesiano, septembre 1954).

19 Don Bosco l'a déjà dit plus haut. Cette préoccupation l'accompa­gne jusqu'à la fin.

20 Cette sentence finale s'applique en premier lieu à Don Bosco lui-même, et résume admirablement sa vocation : « vivre et mourir en travail­lant pour les âmes ». Le Da mihi animas reçoit alors sa signification suprê­me, et la mort salésienne est célébrée comme un triomphe pascal.