FRANCAIS


FRANCAIS

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Misereor-Hungertuch aus Indien
von Jyoti Sahi
© MVG Medienproduktion, Aachen, 1984
“L’image de la lumière”
La toile peinte reproduite dans ce dossier est une œuvre de Jyothi Sahi créée en 1984
pour une campagne de Misereor. On l’a reproduite ici avec la permission de Misereor, parce que
les thèmes que le peintre représente nous semblent appartenir de façon toute spéciale à ce dossier.
Description de la peinture
1 Lazare debout devant sa tombe. La tombe est représentée par un mausolée indien musulman. Les racines
du “ficus religiosa”, arbre considéré sacré en Inde, sont encastrées dans les murs du mausolée.
2 Marie, la sœur de Lazare. Marie est représentée dans une larme en forme d’amande.
3 Le “ficus indica”. Les Hindous le considèrent comme l’arbre sacré de la vie.
4 Un groupe de travailleurs migrants et d’intouchables. Alors qu’ils cherchaient du travail en ville, ils ont ins-
tallé leurs cabanes sur un terrain “défendu” – les cimetières – parce qu’ils n’avaient pas d’autre endroit où aller.
5 L’homme né aveugle. Il est à genoux sur le bord du grand cours d’eau et tend les mains devant lui comme
une supplique : il est aveugle et, pour être intouchable, est doublement désavantagé.
6 Le Christ. C’est le révélateur et le médiateur entre Dieu et l’humanité, le transfiguré et le serviteur de Dieu.
7 Moïse. Il représente, avec son habit de couleur safran, un sage indien (un Sannjasin).
8 Le squelette. Il représente Adam, par lequel le péché est venu faire partie du monde, et les millions de
personnes condamnées à mourir de faim et à supporter la “mort” sociale des intouchables.
9 La femme samaritaine au puits de Jacob. L’arbre (cassia fistula) représente la sainteté de cet endroit.
10 Les fleurs de lotus surgissent hors de la cruche. Le vase d’eau se trouve à côté du fleuve de la vie
(référence à la vision d’Ezéchiel sur les ossements).
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Le sens de la peinture
Le Christ, eau de vie
lui-même et pour les autres par l’ascétisme
Le centre de la toile est dominé
et la méditation. Il indique le nouveau Moïse
par la figure du Christ avec le
qui proclame la loi à son peuple.
visage tourné vers le haut, les
mains tournées vers le bas ac-
La lumière comme symbole de vie
cueillant les besoins de qui “est opprimé et La lumière est considérée par le peintre comme
fatigué” (Mt 11,28). Le symbole sanscrit “Om” un autre symbole de la vie. Elle descend sur le
indique dans l’hindouisme le Pouvoir suprême, mausolée et sur la figure de Lazare : c’est la lu-
il est dessiné sur la manche gauche de l’habit mière de la résurrection et du matin de Pâques.
du Christ et il montre que Lui est l’unique choisi La lumière redonne la vue et une nouvelle vie à
pour révéler la parole de Dieu et la diffuser “Ce- l’aveugle-né. Elle illumine ceux qui portent les
lui-ci est mon fils en qui j’ai mis toute ma com- cruches d’eau, les travailleurs migrants, les in-
plaisance, écoutez-le” (Mt 17,5). De l’eau scin- touchables : eux aussi sont appelés à une vie
tillante descend d’en haut sur la figure du Christ, nouvelle ; ceux qui ont été battus et se sont in-
elle l’entoure et baigne ses pieds en formant clinés relèveront la tête en connaissant leur pro-
un cours d’eau : le Christ est l’Eau de la Vie pre dignité d’êtres humains. La lumière se mé-
pour tous ceux qui ont faim et soif d’honnêteté. lange à la pureté de l’eau qui descend sur la figure
En reproduisant l’eau comme symbole de la vie, du Christ. Elle provient de l’arbre, illumine le puits
le peintre Jyoti Sahi rappelle le mythe de la Des- et s’arrête sur les fleurs de lotus qui sortent de la
cente du Gange : un jour, une grande séche- cruche mise en premier plan dans le dessin.
resse menaça de détruire tout être vivant sur la
terre, mais un roi sage, Bhagirat, réussit par ses La multiplicité des sources de la révélation
prières et sa pénitence à appeler l’attention de la Le peintre nous encourage à apprécier la va-
grâce divine et de la lumière sous forme d’eau. leur des autres religions et des différentes vi-
Étant donné que la puissance de l’eau risquait sions de la vie ainsi qu’à continuer le chemin
de détruire la terre, Siva fit sortir de sa tête un du dialogue. Les quatre sources de lumière sont
cours d’eau de façon à en limiter la force et à pour l’artiste les quatre façons par lesquelles
le faire arriver doucement en bas le long des Dieu se révèle :
plaines indiennes, comme le fleuve sacré du – La lumière qui illumine le mausolée de gauche
Gange. Le Christ comme “Nouveau Bhagirat” et représente la façon dont l’Islam croit ferme-
Seigneur de la transfiguration s’offre lui-même ment en la résurrection des morts.
comme sacrifice “en prenant la nature d’esclave, – La seconde source de lumière rappelle l’Hin-
et en se rendant semblable à l’homme” (Phil 2,7), douisme et le Bouddhisme pour lesquels
obéissant jusqu’à la mort sur la croix. Il est de- “le fleuve” et “l’arbre” sont particulièrement
venu le serviteur de Dieu, obéissant à la volonté importants : le fleuve commence son cours à
du Père et aux règles de ce monde.
partir de l’arbre sacré (fucus indica) juste là où
Le prophète de ses gens, Moïse, qui a frappé le le rayon de lumière touche la terre.
rocher pour en faire sortir l’eau est aussi la pu- – La troisième source de lumière descend sur la
reté qui ouvre la source de la grâce divine pour figure du Christ, qui a été glorifié par le Père.
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– La quatrième source de lumière, à droite sur le cles. Cette peinture en particulier provient de
dessin, illumine une femme à côté du puits et l’Inde et est étroitement reliée au Carême et in-
nous rappelle la connaissance naturelle de Dieu spirée par les textes liturgiques dédiés aux cinq
en l’homme “qui était la vraie lumière, qui illumi- dimanches du Carême.
ne tout homme qui vient en ce monde” (Jn 1,9).
Le thème de cette peinture est la Vie – symbo-
L’humanité comme ressource de la vie
lisée par l’eau et la lumière – où le peintre veut
Le peintre espère vivement en la résurrection représenter sous forme de peinture de nom-
et en la vie. L’humanité pourrait participer à breux aspects distincts en trois niveaux comme :
la résurrection du Christ. Cette espérance est - La réalité concrète
basée sur le riche don de la vie humaine.
Le peintre rapporte le sujet de la Misereor Hun-
Le groupe de personnes à la peau obscure ger Cloth à la réalité sociale de l’Inde actuelle.
situé à gauche du dessin montre qu’elles ap- Son dessin renvoie aux pauvres et aux rejetés,
partiennent au groupe social le plus bas ; elles aux intouchables et à ceux qui appartiennent aux
tournent leur visage vers le visage obscur du castes les plus basses de la société. Parmi elles,
Christ qui, comme un serviteur souffrant, a tou- on donne une importance spéciale aux femmes
jours été du côté des humbles, des pauvres et car elles sont les plus discriminées et exploitées.
des rejetés, en mettant les derniers de la socié- - Les symbolismes
té à leur juste place riche de dignité humaine. En même temps, l’artiste saisit la réalité de la vie,
La samaritaine à la peau obscure, à côté du dont l’eau et la lumière sont les symboles les plus
puits de Jacob, porte le sari typique des intou- profonds. Ils représentent la vie donnée et la vie
chables, semblable à celui d’une femme in- qui réfléchit le divin. Jyoti Sahi reprend quelques
dienne harija à qui il n’est pas permis d’offrir de symboles sacrés des grandes religions indien-
l’eau aux autres castes, parce qu’en le faisant nes – Hindouisme, Bouddhisme et Islam – pour
elle les contamine. Le Christ abat toutes les bar- montrer les multiples aspects de la Révélation
rières sociales entre Hébreux et Samaritains, et réveiller notre prise de conscience “de la sa-
entre ceux qui appartiennent aux hautes cas- gesse de Dieu infiniment variée” qui se retrouve
tes des Hindous et les intouchables ; Il prend aussi dans la religion chrétienne (Eph 3,10).
l’eau de cette femme, l’honore en acceptant - La révélation biblique
son offrande et montre qu’elle n’appartient à Le peintre, comme chrétien, renvoie à la révélation
aucune caste, qu’elle est digne de lui offrir de l’eau. donnée à Jésus – révélation qui est le moment
La femme dans l’Amande est peinte comme culminant de l’existence humaine. Le Christ, peint
une larme partagée avec Jésus ; c’est
avec une peau obscure, est présenté comme
Marie, la sœur de Lazare, qui pleure pour
celui qui appartient à une caste inférieure,
son frère ; Jésus veut partager toutes les
mais Il est aussi la figure dominante de tout
souffrances de l’humanité.
le cadre. Il nous apporte la promesse du
salut et de la vie éternelle : “L’eau que je
La composition et le sens
donnerai deviendra en lui une source d’eau
de l’Hunger Cloth
jaillissante dans la vie éternelle” (Jn 4,14),
C’est un des nombreux exemples d’art
“Je suis la lumière du monde” (Jn 8, 12),
chrétien commandés au cours des siè-
“Je suis la résurrection et la vie” (Jn 11,25).
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Aux Salésiens,
Aux membres de la Famille salésienne
et “aux amis de Don Bosco”
Rome, 8 décembre 2003
Solennité de l’Immaculée Conception
Je vous salue de tout cœur ne qu’aujourd’hui l’évangélisa- de l’éducation en faveur des
et vous souhaite une tion est plus que jamais insé- jeunes, convaincus que ce que
journée missionnaire salé- parable de la promotion socia- nous pouvons leur offrir de
sienne 2004 féconde. Je m’a- le, cherchant de la faire passer meilleur est de leur donner les
dresse à vous en une date plei- de situations non conformes à moyens d’affronter la vie, tou-
ne de sens pour toute l’huma- la dignité de la personne à des jours plus compétitive, avec
nité et, tout particulièrement conditions plus humaines.
des garanties de succès.
pour l’Église et pour la Congré-
gation. La solennité de l’Im-
maculée Conception de Marie
nous fait voir quel était le plan
originel de Dieu sur le monde,
et nous rappelle que le “oui” de
Marie a signalé un tournant
dans l’histoire de l’humanité et
nous invite à être nous aussi
des collaborateurs de Dieu.
De ce point de vue, l’Arunachal
Pradesh se présente à nous
comme un grand défi pour les
besoins auxquels nous voulons
répondre, et comme une chan-
ce pour vérifier notre foi dans
une charité active et opérante
qui remplit d’espérance et
d’avenir la vie de ce peuple.
Nous savons bien que ce sont
Jamais comme aujourd’hui il
n’y a eu autant de possibilités
d’annoncer le Christ et son
Évangile, grâce aux ressources
dont on dispose et à la com-
munication sociale. Que Marie,
la Vierge mère, stimule notre
zèle missionnaire pour que tous
les peuples puissent connaître
le plan merveilleux de Dieu et
Pour nous salésiens, tout a eux-mêmes qui doivent être les en bénéficier.
commencé aussi un 8 décem-
bre. La Congrégation et la Fa-
mille salésienne se trouvent
aujourd’hui présentes en 128
pays du monde comme mis-
sionnaires des jeunes.
protagonistes de leur dévelop-
pement, même pour le droit
qu’ils ont de préserver leur
culture. Notre tâche est de
nous rendre solidaires, voisins,
compatissants.
Je vous encourage à devenir
des animateurs enthousiastes
de cette journée missionnaire
salésienne 2004, pour que ses
fruits nous permettent de pro-
mouvoir vraiment la dignité de
Le thème que nous avons choi- Comme d’habitude, notre choix l’homme en répondant à ses
si pour cette année est l’Aru- stratégique se trouve en tant besoins et à ses désirs les plus
nachal Pradesh, une zone de que salésiens dans le secteur profonds. Merci, au nom des
grande pauvreté et de sous-
peuples de l’Arunachal Pradesh,
développement où l’Évangile
qui bénéficieront de votre gé-
n’est pas encore bien connu.
nérosité et de votre solidarité.
Nos confrères y ont déjà com-
mencé différentes initiatives
Cordialement vôtre, dans le
dans le secteur de la promo-
Christ Jésus
tion humaine en insistant sur
l'éducation. C’est justement
parce que le salut concerne la
totalité de la personne humai-
P. Pascual Chávez V.
Recteur majeur
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Chers confrères et membres de la Famille salésienne,
Cest avec une grande joie Le défi le plus grand qu’affron- ment parlées, des tribus.
que je vous présente ce tent ces tribus est l’assimila- La familiarisation avec les gens
Dossier sur l’animation mis- tion claire de nouvelles valeurs de l’Arunachal Pradesh se joint
sionnaire. Il est très encoura- en harmonie avec leur culture au travail de transformation
geant de savoir que le dossier et leur histoire, en rejetant opéré par l’Esprit de Dieu par-
est utilisé en de nombreuses toutes les structures sociales mi les personnes les moins
provinces avec beaucoup de oppressives et déshumani- privilégiées, grâce à Ses in-
profit pour l’animation mis- santes et les coutumes qui struments humains, les salé-
sionnaire.
les maintiennent
siens et leurs col-
Après avoir réfléchi sur les isolés du reste de
laborateurs. Les
thèmes missionnaires des l’humanité et en
merveilles opé-
deux années précédentes font des esclaves
rées le jour de la
(2002, les Réfugiés ; 2003, le de leurs propres
Pentecôte sont
Développement humain et l’é- peurs.
aussi une réalité
vangélisation), nous retour- L’Église catholi-
de nos jours. L’A-
nons cette année pour pré- que, en particu-
runachal Pradesh
senter une région où les salé- lier les salésiens
en est témoin.
siens et d’autres membres de et les autres membres de Ce dossier a été préparé grâ-
la Famille salésienne travaillent la Famille salésienne, sont ce à la collaboration de plusieurs
activement dans des activités les protagonistes et en même personnes : le Père Georges
variées concernant tout ce qui temps les catalyseurs de Palliparambil, qui a apporté
regarde le développement des ce processus de transforma- la plus grande partie du maté-
gens les plus pauvres.
tion des tribus de l’Arunachal riel et le Père Walter Schmidt,
Arunachal Pradesh, un état du Pradesh.
avec l’active participation du
Nord-Est de l’Inde en frontière Tous ceux qui examinent cet- staff du VIS sous la direction
avec la Chine, est en même te condition difficile restent du Père Ferdinando Colombo
temps une terre de mystère et agréablement surpris et très qui s’est occupé de l’édition
de promesse.
impressionnés par le rôle et de l’organisation.
Les défis affrontés par cette important assumé pour le dé- A chacun d’entre eux et
région de l’Inde sont multiples. veloppement humain, social et en notre nom à tous, j’exprime
Les différentes tribus qui ont religieux des gens de l’Aruna- de sincères remerciements et
vécu dans l’oubli pendant des chal Pradesh. Malgré le manque appréciations. J’espère que
siècles dans cette région se de routes et de moyens rapi- ce dossier servira à faire gran-
trouvent maintenant face au des de communication, ils ar- dir l’esprit missionnaire en
défi de sortir de leur isolement rivent à rejoindre les gens ré- chacun de nous et apportera
et de leur pauvreté pour vivre partis dans les villages les plus une aide très précieuse à
en conformité avec les de- lointains. L’éducation est le la population de l’Arunachal
mandes d’un monde en déve- moyen qu’ils utilisent pour Pradesh.
loppement rapide.
faire sortir la population de Puisse Marie, la Reine des
Ne restant pas comme fossili- son ignorance, de la supersti- missions, intercéder pour eux
sés dans un musée culturel, ils tion et de la tyrannie d’habitu- et les renforcer dans leur foi.
veulent préserver leur riche des sociales peu salutaires.
héritage culturel et leur identi- Nos confrères font aussi une
té, sans pour autant tomber œuvre de pionniers en offrant
dans la marmite moderne de une grammaire et une littéra-
P. Francis Alencherry
la globalisation.
ture aux langues, exclusive-
conseiller pour les missions
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4 JMS 2004
Une excursion dans
l’Arunachal Pradesh
Nous avons quitté aux pre-
mières heures du matin et
avant l’aube, le Père Joseph,
le chauffeur, un jeune étudiant
et moi-même, le collège de
Harmutty où nous avions pas-
sé la nuit. Une grève était pré-
vue et nous avions peur de
rester bloqués sur le route, en
compromettant ainsi la réussi-
te de notre aventure dans l’A-
runachal Pradesh. Alors que
les premières bandes claires
de l’aube se dessinaient dans
le ciel et que la route était ab-
solument déserte, je jouissais
intérieurement d’une émotion
simple mais profonde, liée à la
sensation d’entrer dans une
terre presque vierge, faite de
nature, de montagnes, de
quelques villes et villages per-
chés sur les flancs de la mon-
tagne ou étendus au fond des
vallées. Et puis j’étais plein de
la curiosité de pouvoir finale-
ment rencontrer le légendaire
“mitun”, le bœuf local que je
n’avais pas réussi à voir tout
au long de mon voyage dans
le Nagaland. Il y a eu ensuite
l’impact avec une nature mer-
veilleuse, inaccessible et re-
couverte de forêts et surtout
avec quelques groupes de
ce bovin puissant et bien-
veillant, aux grands yeux doux,
destiné à constituer la dot des
jeunes épouses et à réjouir les
banquets des grandes cir-
constances.
En effet, j’avais déjà pu avoir
un premier contact avec l’Aru-
nachal Pradesh, une sortie
presque clandestine pour
quelques heures, à Rajanagar
que nous avions rejoint, il y a
quelques jours, en venant de
Margherita. Quoique foulant
une piste très fréquentée par
les éléphants, le voyage avait
été tranquille et rapide et nous
avait permis de rejoindre le villa-
ge, où nous avions été reçus
par le très actif Père Theophi-
lus, par les étudiants de l’éco-
le et surtout par la plus grande
autorité, le roi du village en per-
sonne. J’ai apprécié le pres-
bytère adapté à la culture lo-
cale, consistant en une gran-
de cabane circulaire, toute en
bois, mais surtout l’esprit qui
anime cette mission. Le salé-
sien est vraiment le centre pro-
pulseur culturel, mettant en va-
leur l’identité des différents
groupes tribaux des Simpho,
Nocté et Adhivasi, pour ce qui
est de l’évangélisation, en s’oc-
cupant des différentes agglo-
mérations chrétiennes et en or-
ganisant les activités éducati-
ves de l’école de la mission.
J’ai vu le grand sens de la com-
munauté existant et surtout la
grande appréciation pour ce
que les salésiens, au nom de
Don Bosco, font en ce coin de
l’Arunachal Pradesh.
Je reprends le fil de mon dis-
cours après cette parenthèse...
en retournant à ce “mitun” très
doux et inoffensif, qui reste
pour moi un des symboles les
plus intenses des montagnes
de l’Arunachal Pradesh. Cette
terre a été pendant quelque
temps hermétiquement fer-
mée à l’évangélisation à cau-
Le père Jean Mazzali,
économe général
des salésiens
Arunachal Pradesh.
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Village typique appuyé
sur le flanc d’une montagne

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4 Une excursion dans
JMS 2004
l’Arunachal Pradesh
se d’une loi de l’État interdisant
l’entrée à tout missionnaire. Il
est intéressant de souligner
que dans ces régions inacces-
sibles les premiers missionnai-
res ont été les jeunes éduqués
et formés d’abord dans le Don
Bosco Technical School de
Shillong et ensuite dans la
Biblical School de Tinsukia.
Il s’est agi d’une intuition typi-
quement salésienne, patron-
née par qui en était alors le di-
recteur, le Père Thomas Me-
namparampil. On a offert à plu-
sieurs jeunes, venant justement
de l’Arunachal Pradesh, la pos-
sibilité de se former au point de
vue professionnel ou pour la
catéchèse. On a créé ainsi
des groupes de jeunes qui,
rentrant dans leurs tribus, ont
été les premiers à prêcher
Jésus Christ et à préparer
enfants et adultes au baptême.
Une église née sur la foi et sur
le sens missionnaire de ces
jeunes éduqués dans le style
de Don Bosco. Ils furent
de vrais pionniers, ils ont
défriché le terrain et ont rendu
possible, grâce aux petites
communautés chrétiennes for-
mées peu à peu, l’entrée des
missionnaires et la présence du
prêtre dans les communautés
tribales répandues dans les
montagnes.
Première étape à Yachuli. Il fait
encore tôt, le matin est clair et
l’air de la montagne est pi-
quant. La vallée, très ouverte
ici, a permis l’établissement de
nombreux villages visibles de-
puis le toit de l’école salésien-
ne où nous sommes reçus. Il
s’agit d’un édifice tout nou-
veau, administré par le diocè-
se de Tezpur, qui accueille sur
la grande place attenante plus
de cinq cents élèves fréquen-
tant l’école, logeant dans l’in-
ternat des salésiens et des
sœurs ou bien dans d’autres
petits internats dispersés dans
la petite ville. D’autres, en fai-
sant plusieurs kilomètres tous
les matins, arrivent à l’école en
venant de leurs villages. Il est
beau de voir la collaboration
entre les salésiens et les
Missionary Sisters of Mary Help
of Christians, fondées par
l’évêque Mgr Ferrando, qu’on
appelle familièrement les
“ferrandines”. Une sœur est
responsable de l’école au point
de vue didactique, alors que le
salésien s’occupe de l’organi-
sation de l’école et de l’inter-
nat. Les étudiants sont disci-
plinés, obéissants au son de la
cloche qui rythme la journée,
et on voit qu’ils sont fiers et or-
gueilleux de leur école, de cet-
te grande famille où ils posent
les bases de leur avenir.
Après un bon petit déjeuner,
une visite rapide dans les dif-
férents locaux et un arrêt à l’é-
glise, témoin des débuts de
cette œuvre courageuse, nous
reprenons le long chemin qui
nous conduit à Palin. Les lon-
gues heures de voyage ainsi
que les secousses fréquentes
qui me tiennent éveillé me per-
mettent de voir les nombreu-
ses agglomérations qui peu-
plent ces localités inaccessi-
bles. Les constructions, toutes
en bois, sont caractéristiques
et elles démontrent, par leurs
dimensions et leur organisa-
tion, que la vie tribale exprime
fortement l’unité familiale et le
partage total des espaces
disponibles. C’est une consta-
tation que j’ai faite aussi en vi-
sitant à Sadiya quelques ag-
glomérations de la grande tri-
bu des Mishing. La cabane,
surélevée, comporte un grand
espace unique où l’on mange,
Les gens sont habitués à arracher
à la nature leurs pauvres moyens
de subsistance
Le “Mitun”,
légendaire boeuf de sacrifice
Les élèves alignés dans la grande cour
de l’école de Yachuli
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4 Une excursion dans
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l’Arunachal Pradesh
dort, discute et même, avec
les difficultés évidentes, on
essaie d’étudier et de lire.
Le métier à tisser se trouve
souvent hors de la cabane et
c’est aussi en dehors qu’on
fait tout ce qui est nécessaire
à la vie de la famille.
Je me rends compte qu’il s’a-
git la plupart du temps de tri-
bus pauvres, de gens habitués
à un climat froid et à arracher
à la nature ce qu’ils peuvent
pour subsister. J’ai rencontré
des nuées d’enfants, qui cou-
rent vers la voiture, ou qui la
regardent avec un regard en-
chanté, vêtus de façon suc-
cincte ; d’autres sont déjà oc-
cupés au travail, au transport
du bois, de l’eau, des fruits
des champs et l’on rencontre
aussi des groupes d’étudiants
qui sont déjà partis, souvent
de loin, pour rejoindre l’école
la plus proche.
Nous arrivons enfin à Palin. Là
aussi la vallée s’élargit, offrant
de précieux espaces pour la
culture du riz et des légumes,
indispensables pour subsister.
L’œuvre salésienne a pu se
développer dans un espace
très restreint, sur un talus situé
sur le flanc de la montagne.
Impossible de trouver un
espace assez large pour l’é-
cole et pour les internes. L’im-
pression est presque d’un
campement, d’une situation
provisoire. En descendant le
talus raide on arrive jusqu’à la
petite cour de l’école, où se
trouve aussi la résidence des
salésiens et l’internat des filles.
Les garçons ont plus de chan-
ce car, grâce à une aide finan-
cière, on a pu, bien que dans
un espace restreint, construire
une maison en dur. Je regar-
de ces enfants, ces garçons,
ces jeunes femmes qui m’ac-
cueillent avec une chaleur tou-
te simple, je souris aux salé-
siens qui sont au milieu d’eux
et je sens que Don Bosco se
sentirait ici vraiment chez lui.
C’est la traduction indienne du
hangar Pinardi, c’est l’oratoire
des débuts. Le soir, dans l’ob-
scurité où pointent quelques
faibles lumières, dans la petite
cour, alors que les garçons
chantent et les filles dansent
dans leurs costumes tradition-
nels, je comprends, envelop-
pé du châle caractéristique, le
grand don que les missionnai-
res, les salésiens Stephen, Al-
phonse et Francis, sont pour
les jeunes de cette terre pau-
vre et fière. Tôt le matin, enco-
re de nuit, quelques chucho-
tements et quelques bruits lé-
gers me réveillent. Je me lève
moi aussi presque furtivement
et je sors, alors que le ciel s’é-
claircit. L’air est pur et froid
et je m’enlace dans mon
grand châle. Blottis sous le
pauvre petit porche et à la fai-
ble lumière de l’aube, les filles,
les enfants, sont en train d’é-
tudier en silence et se cachent
presque, toutes timides, s’a-
percevant de ma présence.
De la voiture, qui est déjà en
mouvement, je leur tends la
main pour un dernier salut in-
tense. Quelques visages me
restent gravés dans l’esprit. Je
garde surtout dans mon cœur
la certitude que Don Bosco est
vivant, que son esprit s’est in-
carné chez les salésiens que
j’ai rencontrés, et que tant de
jeunes pauvres, sans moyens,
loin de chez eux, peuvent
espérer en un avenir de joie.
L’homme de la tribu Mishing
et (à droite) la cabane typique
surélevée
La nouvelle école
Don Bosco à Longding
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5 JMS 2004
Arunachal Pradesh
Capitale :
Itanagar (district de Pampun Pare)
Superficie :
83.743 Km2
Population :
1.091.117 (hommes : 573,951 ; femmes : 517,166)
Taux d’alphabétisation : 54.74%
Institutions
éducatives :
Université : 1
Instituts d’ingénieurs : 1
Instituts Polytechniques : 1
Instituts de formation professionnelle : 5
Écoles supérieures : 171
Écoles moyennes : 329
Écoles élémentaires : 1.280
Écoles maternelles : 137
Tribus principales : Adi, Nishis, Apatani, Bugun, Galo, Hrusso,
Koro, Meyor, Monpa, Tagin, Sajolang, Sartang,
Tai, Khamti, Tangshang Yobin, Singpho,
Sherdukpen, Khamba, Memba
Ressources naturelles : graphite, quartz, charbon, pierre calcaire,
gaz naturel, ocre, marbre
INDE
Source : Directorate of Information,
Public Relations and Printing Gouvernement
de l’Arunachal Pradesh, Naharlagun
9

1.10 Page 10

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CHINE
5 JMS 2004
Femmes Tangsa
Homme et femme Wancho
Homme Nishis
Femme Apatani
10

2 Pages 11-20

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2.1 Page 11

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6 Analyse
JMS 2004
géo-politique-sociale
GÉOGRAPHIE
DU TERRITOIRE
L’Arunachal Pradesh, nom
qui veut dire “Terre du soleil
levant”, se présente comme
le plus vaste État à demi
sauvage situé au nord-est de
l’Inde.
Cette région, constituée de
chaînes de montagnes de
l’Himalaya remplies de neige,
de forêts pluviales et de gran-
des plaines où s’écoulent plu-
sieurs fleuves, est la patrie de
110 tribus, ayant chacune sa
langue propre, sa culture, ses
us et coutumes. Ces tribus
viennent toutes du tronc mon-
gol et se diffèrent du reste de
la population indienne non
seulement par leur aspect
physique mais aussi par leur
façon de vivre.
Elles vivent dans des villages
situés en haut de hauts pics
montagneux, isolées par des
forêts denses, et cela a depuis
toujours assuré leur sécurité
mais a aussi été cause d’isole-
ment, soit entre les différentes
tribus elles-mêmes ou bien
entre elles et le reste du pays.
Cet isolement disparaît aujour-
d’hui peu à peu grâce à la
télévision, aux liaisons télé-
phoniques et à la construction
de routes, mais beaucoup de
tribus refusent encore, malgré
l’avance du progrès, de s’éloi-
gner de leurs ancêtres et de
leurs propres racines.
Les tribus restent aujourd’hui
encore surtout vouées à la
culture : pour cela, de vastes
zones de forêt sont coupées
chaque année, cause princi-
pale du changement clima-
tique récent du territoire.
SITUATION POLITIQUE
Toutes les tribus de l’Aruna-
chal Pradesh, excepté les
Nocte et les Wancho du dis-
trict de Tirap, ont dans leurs
villages une politique très
démocratique, basée sur
une hiérarchie qui considère
comme les personnages les
plus influents les hommes
les plus âgés du village, suivis
par un Conseil qui les guide
et les aide.
Les Nocte et les Wancho vi-
vent au contraire selon un
système monarchique très ri-
gide où le Roi occupe une
très grande place dans la vie
quotidienne ou dans les affai-
res extraordinaires du village.
Le Roi reçoit la dîme de la po-
pulation et tout étranger qui
entre dans le village lui est
présenté. Le Souverain a le
droit d’épouser plus d’une
femme et de fait; encore au-
jourd’hui, il y a des Rois qui
ont jusqu’à cinquante fem-
mes. Le Roi a en outre le pou-
voir de fixer, selon un rituel
précis, la surface de forêt ap-
partenant au village qui sera
coupée chaque année pour
faire de la place aux cultures.
Aujourd’hui cependant, les
élections pour les structures
démocratiques locales sont
devenues plutôt communes
et le système politique moder-
ne a sans aucun doute eu
une forte influence sur le rôle
du Roi et sur tout le système
monarchique de ces tribus.
SITUATION SOCIALE
Toutes les tribus de l’Aruna-
11

2.2 Page 12

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6 Analyse
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géo-politique-sociale
chal Pradesh ont une forte tra- coup de gens par la lèpre, ASPECTS CULTURELS
dition patriarcale. La figure la dysenterie, la tuberculose On peut parler de l’Arunachal
masculine à l’intérieur de la fa- et autres maladies. On s’est Pradesh avec ses caractéris-
mille et de la tribu a été jusqu’à beaucoup efforcé, ces derniè- tiques, ses coutumes, l’héri-
maintenant fortement mise en res années, de résoudre ce tage social de chaque com-
évidence, alors que le rôle de problème et, de fait, beaucoup munauté, ses mérites, valeurs,
la femme a toujours été bien de villages ont accepté ré- règlements, croyances, reli-
peu reconnu et n’est pas ac- cemment la sépulture comme gions, danses, les fêtes et
cepté dans la société.
mesure principale de santé. les rites qui en font partie,
C’est pour cela que l’éduca- Les habitants de l’Arunachal comme d’une culture isolée.
tion et d’autres droits ne lui ont Pradesh étaient connus jus- De fait, l’isolement géogra-
jamais été accordés, et que qu’il y a peu de temps comme phique et l’inaccessibilité du
jamais personne, y compris la “population nue” et ce n’est lieu ont fait que les gens de
les femmes, n’a senti le poids que récemment qu’ils ont dû l’Arunachal vivaient totale-
de la privation de tels droits. s’adapter à l’usage des vête- ment isolés du reste du mon-
La situation en ce sens a com- ments.
de et même du sub-continent
mencé à changer il y a peu Les habitations typiques, cons- indien. En outre, la ligne de
de temps, mais beaucoup de truites en troncs de bambou, frontière interne imposée en
travail reste encore à faire paraissent longues et résis- 1873 par le gouvernement
dans ce secteur.
tantes et jouissent d’une très colonial comme “Décret de
La polygamie et les mariages bonne ventilation en se dres- réglementation de la Frontière
d’enfants ont été très com- sant sur les collines froides. Orientale du Bengala” pour
muns dans quelques tribus Le foyer est le centre de la protéger les hommes eux-
jusqu’à maintenant, quoique maison et toutes les activités mêmes, a été employée com-
aujourd’hui cette pratique principales, comme faire la me un instrument pour garder
disparaisse rapidement grâce cuisine, manger et les rela- les gens de cet État renfer-
à la diffusion de l’instruction et tions sociales, se font autour més dans leurs territoires.
des médias, et avec le chan- de lui.
Bien que les nombreuses tri-
gement économique.
bus de la région aient des ca-
Le niveau d’alphabétisation et
les conditions d’hygiène et de
santé sont très déficients
dans les villages. L’emploi des
toilettes est encore peu habi-
tuel et les porcs et autres ani-
maux errent librement autour
des maisons. L’habitude peu
saine de laisser les défunts à
moitié nus sur des plates-
formes situées non loin des
villages facilite la diffusion de
maladies et contribue à la
mort chaque année de beau-
12

2.3 Page 13

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6 Analyse
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géo-politique-sociale
ractéristiques générales com- d’années. Les formes tribales IDENTITÉ RELIGIEUSE
munes, comme l’importance d’enseignement sont passées Toute la population de l’Aruna-
de la communauté, la dimen- de mode avec l’introduction chal Pradesh se regroupe en
sion sociale de la propriété pri- du système éducatif moderne. trois identités religieuses prin-
vée, le sens de l’égalité, l’hon- Le commerce, les échanges, cipales. Le premier et le plus
nêteté comme valeur absolue, l’économie, l’industrialisation, grand groupe religieux est l’a-
la dignité du travail, l’amour fi- les activités de développe- nimiste qui appartient à la
lial et le respect pour les an- ment et les services sanitaires famille des Tani descendant
ciens, il faut absolument souli- portent tous à rompre le tissu d’Abo Tani, l’ancêtre commun.
gner que chaque culture triba- social qui rassemblait la com- La plus grande partie de la
le se différencie des autres, munauté tribale. Depuis la population qui habite dans
comme cela arrive aussi pour deuxième moitié des années les districts centraux, dans
les civilisations. Fêtes et acti- soixante-dix, les jeunes de l’A- quelques zones de l’Assam et
vités communes font partie de runachal ont commencé à s’é- une partie de la population des
leur style de vie et les manifes- loigner de leurs villages pour vallées du Kameng oriental et
tations extérieures représen- aller étudier dans d’autres du Dibang inférieur, les Nishi et
tent une façon de rapprocher États, et ils retournent ensuite différents sous-groupes, ap-
les habitants entre eux.
avec tout ce qu’ils ont appris partiennent à cette religion.
Malgré toutes les bonnes qua- du monde extérieur, ce qui re- Le second groupe est lui aus-
lités qui ont caractérisé les présente, selon le peuple, une si de type animiste et a été lé-
communautés tribales dans menace culturelle. Ces jeunes gèrement influencé par l’Hin-
leur âge d’or, un processus ra- instruits dans les écoles hors douisme. A ce genre de culte
pide de détribalisation les dé- de leur région sont aujourd’hui appartiennent en particulier les
molit rapidement et menace la en train de prendre le com- petites tribus qui habitent les
survie même de l’âme tribale. mandement de leurs villages districts de Tirap, Chanlang,
L’avenir dira ce qui restera du d’origine et leur influence se les vallées de Lohit et du Di-
patrimoine culturel de milliers fait déjà sentir.
bang supérieur. Les Nocte
aussi, les Wancho, les Tangsa
Étudiants du collège enseignant des chants religieux dans le village
et plusieurs groupes Mishmi
sont des adeptes de cette re-
ligion. Contrairement au pre-
mier groupe, les disciples de
ce second groupe d’animistes
se réfèrent moins au culte du
Soleil et de la Lune dans leurs
pratiques religieuses et parlent
plutôt d’un Dieu associé à
leurs vies. Les esprits n’ont
pas une grande importance
dans leur monde, au contraire
des Tani. Comme on l’a déjà
dit, certains de ces groupes
ont été influencés par l’Hin-
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2.4 Page 14

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géo-politique-sociale
douisme, par exemple ils ne
mangent pas de viande et ac-
ceptent le système des castes
sans difficulté.
Le troisième groupe est com-
posé de plusieurs tribus de re-
ligion bouddhiste. Ce sont les
peuples qui habitent le Ta-
wang, le Kameng occidental
et quelques tribus aux confins
du Tibet, disciples de la tradi-
tion lamaïste du Mahayana
(Grand Véhicule). La tribu des
Khamti dans le district de Lo-
hit et les Singpho du district de
Lohitand Changlang, prove-
nant de la Thaïlande et du
Myanmar (Birmanie), prati-
quent au contraire le Boud-
dhisme de type Hinayana (Pe-
tit Véhicule) et utilisent encore
les anciens textes religieux
employés dans ces régions.
Les premiers contacts dont on
se souvient avec le Christia-
nisme datent de 1817, quand
le Révérend Bronson, Pasteur
américain de l’Église baptiste,
fonda une mission à Namsang
près de la tribu des Nocte. Af-
faibli par la maladie et décou-
ragé par le manque de coopé-
ration de la part des habitants
de l’endroit, le Pasteur se reti-
ra vite à Jaipur dans l’Assam.
En 1851, les Pères Krick et
Bernard des Missions Étran-
gères de Paris s’aventurèrent
dans la région des Adi, suivant
un groupe de soldats anglais.
Tous les deux, soucieux de
proclamer leur foi dans le Ti-
bet, s’établirent dans la tribu
locale et y restèrent quelques
années, enseignant et ai-
dant les gens tout en les
soignant. La tradition
orale des lieux ne les a
jamais oubliés bien qu’on ne
se souvienne pas de l’existen-
ce de quelque communauté
chrétienne qu’ils auraient pu
fonder. Les deux Pères déci-
dèrent en 1854 de continuer
leur mission d’évangélisation
dans le Tibet, mais ils furent
capturés et tués par un chef
de la tribu des Mishmi dans le
village de Somme.
A la même époque, l’Église
baptiste de la mission de Sa-
diya commença à avoir des
contacts avec la population de
l’Arunachal. On rapporte qu’ils
réussirent même en 1900 à
traduire le Nouveau Testament
en quelques dialectes tribaux,
mais qu’après quelque temps
ils se fractionnèrent en tant de
petites communautés qu’ils
ont encore aujourd’hui d’in-
nombrables dénominations.
Dans la seconde moitié des
années soixante, le Père Aloy-
L’attitude contemplative
et patiente caractéristique
du peuple de l’Arunachal Pradesh
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géo-politique-sociale
sius Cerato SDB, qui se trou-
vait en mission à Lakhimpur
(Assam), noua des contacts
permanents avec la tribu
des Apa Tani, dont quelques-
uns sont encore aujourd’hui
de fidèles catholiques. Ces
contacts, grâce aux écoles de
Lakhimpur, Tezpur et Silapa-
thar, sont considérés comme
les chapitres en or de l’histoi-
re de l’Église en Arunachal
Pradesh.
Les salésiens de Don Bosco
représentent pour l’Arunachal
Pradesh une présence in-
contestable, digne de tout
respect ; les différents mem-
bres de la famille salésienne,
spécialement les anciens élè-
ves, ont actuellement un rôle
social qui ne peut être que très
estimé.
Les contacts avec les salé-
siens, commencés justement
à Lakhimpur dans les années
soixante, restèrent à un niveau
individuel jusqu’en 1978, date
de la première rencontre entre
le Père Thomas Menampa-
rampil SDB, directeur de l’é-
cole Don Bosco de Shillong,
et un jeune chef de village de
la tribu des Nocte, Mr. Wanglat
Lowangcha du village de
Borduria, village qui se glorifie
d’être le premier à se conver-
tir au catholicisme de tous les
villages de l’Arunachal.
Le Père Menamparampil (ac-
tuellement archevêque de Gu-
wahati) aida les jeunes de l’A-
runachal Pradesh à être admis
dans les écoles salésiennes et
cela renforça encore plus les
relations avec les différents
villages. Les étudiants retour-
naient chez eux pendant les
vacances et les gens com-
mencèrent à voir comment
leurs jeunes avaient changé et
étaient bien instruits, et cela
les poussa toujours davantage
à faire étudier les nouvelles gé-
nérations de la tribu
dans les écoles ca-
tholiques. En 1979,
Mr. Lowangcha, sa
famille et des centaines d’au-
tres personnes des villages voi-
sins se convertirent au catholi-
cisme et reçurent le Baptême.
On inaugura en 1992 la pre-
mière école Don Bosco avec
dortoir dans le village de Bor-
duria. La foi catholique est au-
jourd’hui partie intégrante de
la vie des tribus locales. Les
anciens élèves de l’école Don
Bosco occupent des postes
de grande importance dans le
panorama politique et admi-
nistratif du pays.
Les Salésiens sont convaincus
que, malgré la distance et
pourvu qu’on leur en donne
de bonnes possibilités, les
jeunes et les enfants d’aujour-
d’hui offriront un bel avenir à la
population de l’Arunachal et
seront un modèle de succès
et de changement pour le
reste de l’Inde.
Borduria, première église et
première école de Don Bosco
dans l’Arunachal Pradesh
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géo-politique-sociale
PERSPECTIVES D’AVENIR ces gens un manque radical conque ou de quelque tradi-
Le cadre décrit jusqu’ici pour- du sens de la faute, grave me- tion, n’ayant aucun arrière-
rait sembler tout en rose, mais nace pour la vie chrétienne fo- plan ni aucune référence en-
il y a encore de nombreux dé- calisée sur le pardon absolu, vers l’autorité ; les façons
fis à affronter actuellement, sur la compassion et sur la combattives qu’elles utilisent
pour les gens de l’Arunachal douceur. Le seul remède à ce sont souvent un vrai scandale
Pradesh et pour les mission- problème se trouve dans une pour tous ces gens.
naires. La pauvreté absolue prière ininterrompue et une Et puisque chaque tribu a en
des villages est un fait qu’on patience infinie et insistante, outre ses propres traditions
ne peut négliger et qui crée de la part des missionnaires. culturelles et son unité propre,
chez les salésiens un point La polygamie fait aussi partie le plus grand défi de l’Église
d’interrogation inévitable pour des principaux défis lancés au catholique est et sera dans l’a-
savoir où commencer et où christianisme : on cherche à venir de préserver et de proté-
terminer le travail. Le problème y remédier par l’instruction, ger ces richesses en cher-
de la division croissante entre en enseignant qu’elle n’est chant à s’insérer dans leur vie
riches et pauvres est toujours qu’une plaie sociale et que les sans pour autant imposer des
plus évident, surtout si l’on fils ne doivent pas être uni- valeurs et de nouvelles tradi-
considère que les riches sont quement considérés comme tions que les autochtones ne
souvent ces jeunes mêmes qui des bras pour le travail, mais pourraient ni comprendre ni
ont étudié dans les écoles sa- qu’ils doivent être éduqués et sentir familières.
lésiennes et qui deviennent respectés tout comme les La vocation elle-même au sa-
chaque jour plus renfermés femmes, qui doivent jouir des cerdoce devra représenter
sur eux-mêmes et égoïstes. mêmes droits que les hom- dans un avenir proche un ob-
C’est pour cela qu’il faut mes, que ce soit dans la fa- jectif important de l’Église flo-
se rappeler que les premières mille, la société ou l’Église. rissante de l’Arunachal Pra-
valeurs à leur transmettre doi- Les sectes chrétiennes appa- desh, car les habitants eux-
vent être sans aucun doute rues ces dernières années mêmes pourraient demain se
l’amour et le partage.
s’insinuent dans l’Arunachal considérer comme des spec-
Le phénomène universel de la comme une menace fou- tateurs passifs d’une Église
commercialisation et de la droyante, par la force de per- qui grandit chez eux sans
consommation s’insinue éga- suasion qu’elles possèdent qu’ils en soient les coauteurs.
lement rapidement dans les en captant l’imagination des
villages les plus éloignés ; tous gens, car elles n’opèrent pas
cherchent à s’enrichir par au moyen d’un système quel-
n’importe quel moyen, s’éloi-
gnant ainsi de leurs valeurs tri-
bales primitives et acceptant
donc que l’argent prenne le
pas sur leur engagement en-
vers Dieu et envers la religion.
Leur passé de coupeurs de
têtes et les guerres entre villa-
ges et entre tribus a créé chez
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géo-politique-sociale
REFLÉXIONS DE L’ARCHEVÊQUE DE GUWAHATI,
Le mot “conversion” a souvent
MGR THOMAS MENAMPARAMPIL
acquis une connotation néga-
tive en beaucoup de pays d’A-
L’ archevêque Thomas Me- plus intime et naturel que sie. Il n’est pas rare que les
namparampil parle de sa beaucoup d’autres enseigne- gens associent ce mot à un
terre de mission et de la diffi- ments qu’il avait fait siens au changement de religion par
culté d’évangéliser et d’appor- cours des années.
pression, racolage ou trompe-
ter la figure du Christ dans Le christianisme a eu en diffé- rie. On sait que la conversion
une terre lointaine et difficile rentes périodes de l’histoire et spontanée est autre chose,
comme l’Inde, dans un État en différentes parties du mon- que c’est faire sienne l’expé-
comme l’Arunachal Pradesh. de des images différentes, et à rience de Dieu. La première
Dans son diocèse de Guwa- chaque époque et partout il y a chose importante est donc
hati, en Assam, les habitants eu des hommes et des femmes d’avoir quelqu’un qui explique,
sont environ six millions et qui ont vu cette religion comme et la seconde est que l’évan-
seulement cinquante mille la plus grande force spirituelle gélisateur commence là où
sont catholiques : figure ty- sur terre et un point de ren- se trouve celui qui demande :
pique d’une terre de mission contre entre Dieu et les hom- son passage de l’Écriture, son
dans laquelle les plaies des mes. Mais ce message ne se problème dans la vie, son état
souvenirs coloniaux et des transmet pas tout seul. Les d’âme, le niveau de ses étu-
torts historiques ne sont pas évangélisateurs ont la respon- des, les aspirations de son
encore totalement guéries. sabilité de faire comprendre que cœur, la nature de sa culture,
Il dit qu’il n’y a pas, malgré tout, le christianisme est davantage les limites de son horizon et de
d’aversion envers le Christ en que l’intérêt collectif d’une so- sa vision.
soi et envers ce qu’il repré- ciété ou d’une civilisation. Il si- Beaucoup de missionnaires
sente. Le Mahatma Gandhi, gnifie la rencontre avec Dieu. souffrent aujourd’hui d’un
lors de sa première lecture du Un évangélisateur n’est effica- fort sens de “perte d’estime
Discours sur la Montagne rap- ce que lorsqu’il se libère des d’eux-mêmes” venant d’un
porté dans l’Évangile, a senti sentiments d’offense, qu’ils sens de culpabilité envers le
qu’étaient confirmés tous les soient personnels ou histo- passé et d’un complexe d’in-
enseignements qu’il avait re- riques. Sa tâche consiste à certitude pour ce qui regarde
çus étant enfant. Il n’a pas re- guérir les mémoires des plaies l’avenir. L’important est de se
çu cela comme un message historiques de la société dans rappeler que certains compor-
étranger, mais a senti que le laquelle il vit. L’unique chemin tements ne viennent pas de
message de l’Évangile lui était vers l’avenir est le pardon.
l’Évangile. En effet, seul l’É-
vangile peut soulager ceux qui
ont fait du mal et ceux qui en
ont souffert. C’est l’Évangile
qui leur permet de tourner le
dos à l’histoire et d’avancer
avec confiance en prenant
l’avenir entre leurs mains.
Aujourd’hui plus que jamais,
même dans les pays les plus
lointains, les gens attendent
cette aide de l’Évangile.
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géo-politique-sociale
LA PRÉSENCE SALÉSIENNE
Les salésiens de Don Bosco
forment un “groupe con-
sistant” dans la région de l’A-
runachal. En effet, les différents
membres de la famille salé-
sienne, et en particulier les an-
ciens élèves, ont acquis un rô-
le très respecté. Les contacts
avec la congrégation, com-
mencés à Lakhimpur et ailleurs
dans les années soixante, sont
restés à un niveau de person-
nes jusqu’en 1978, quand a
eu lieu la première rencontre
entre le père Thomas Menam-
parampil SDB (actuellement
archevêque de Guwahati) –
directeur de la Don Bosco
School à Shillong – et Wanglat
Lowangcha, un jeune chef
de la tribu Nocte provenant
du “queen village” de Borduria.
Au cours de cette année-là,
Wanglat se rendit à Shillong
pour visiter un centre d’ap-
prentissage dans le Nord-est
de l’Inde et pour chercher
quelques écoles qui puissent
admettre des garçons de
son ethnie. Le Père Thomas
accepta tout de suite d’en
prendre quelques-uns et cela
renforça aussitôt leur amitié.
Robert Kerketta sdb à Dibru-
garh (maintenant à Tezpur) et
les supérieurs salésiens en-
couragèrent cette compréhen-
sion et le père Thomas se ren-
dit en visite dans l’Arunachal
vers la moitié du mois d’août.
Le voyage aurait pu se termi-
ner en tragédie quand la jeep
avec laquelle ils voyageaient et
qu’ils avaient louée pour se
déplacer dans la région heurta
un autocar militaire dans la pe-
tite ville de Kapu. Ils furent
conduits à Borduria car le pè-
re Thomas avait des douleurs
lancinantes, à cause des bles-
sures reçues aux jambes.
Pendant la nuit, Wanglat lui
demanda si lui et sa famille
pouvaient recevoir le baptê-
me. Le Père Thomas accepta
et cette même nuit baptisa
toute la famille dans leur
modeste demeure.
Ce jour-là, le 20
août, commença tra-
giquement à cause
de l’accident et finit par deve-
nir un chapitre important dans
l’histoire de l’Église. Le jour
suivant, le père Thomas fut
ramené à Dibrugarh où on le
soumit à une longue hospitali-
sation.
Les écoles de toute la provin-
ce salésienne (maintenant cel-
le de Dimapur et de Guwaha-
ti) firent preuve d’un grand
soin pour admettre les étu-
diants de l’Arunachal et pour
les aider tant qu’elles pou-
vaient. Cela améliora aussi la
situation car, lorsque les étu-
diants retournaient pour les
vacances, les gens voyaient
qu’ils étaient bien éduqués. Ce
fait porta les parents à envoyer
leurs propres enfants dans les
écoles catholiques et à em-
brasser la foi en les libérant des
rites inhumains et coûteux pré-
vus par leur tradition.
Wanglat était un chef né. Il
parla en effet, en août 1979, à
L’accueil
des femmes Nish.
Une église typique
dans un village.
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6 Analyse
JMS 2004
géo-politique-sociale
quelques personnes de son Le premier ministre ne cache que ce soit dans le secteur po-
village et de ceux des environs pas son penchant pour l’en- litique ou administratif. Et on
et 600 d’entre eux décidèrent seignement de Don Bosco et constate une demande conti-
de se faire baptiser. Le permis le ministre de l’Instruction, San- nue de la présence salésienne.
d’entrer fut refusé. Mais les jay Takam, a fréquenté les éco- “Les larmes me viennent aux
gens maintinrent courageuse- les salésiennes depuis les clas- yeux quand je vois des garçons
ment leur volonté et firent en- ses élémentaires.
aussi braves et si bien prépa-
trer l’évêque Robert, le provin- On a ouvert en 1992 la pre- rés. Comme je voudrais que
cial salésien le père Mathai Ko- mière école Don Bosco avec Don Bosco vienne dans notre
chuparambil (devenu par la sui- dortoir à Bordura. Le Père région et puisse faire la même
te évêque de Diphu) et beau- Georges Pallipparambil sdb se chose”, s’écria Tasin Ngusso,
coup d’autres confrères et transféra de Tinsukia à Bordu- commissaire de police de la ré-
consœurs de l’Assam. Les ra avec quelques collabora- gion de Tirap, quand il assista
autorités regardèrent impuis- teurs laïcs, Georges Joseph et en 1995 à une cérémonie avec
santes ce qui se passait. Le 2 Martha Mao. En 1993, le père les garçons de l’école Don
août 1979, six cents person- Jose Chemparathy sdb, qui di- Bosco de Borduria (il apparte-
nes furent baptisées et une pe- rigeait la mission de Harmutty, nait à une tribu d’une autre ré-
tite église au toit de paille fut ouvrit une école Don Bosco gion). “Je dois dire d’être fier
consacrée. Par la suite, Wan- dans la capitale Itanagar. Ils ont d’avoir étudié à l’école Don
glat se dépêcha d’introduire Ta- dû supporter d’indicibles diffi- Bosco et d’avoir compris que
dar Taniang auprès du père cultés pendant les premières ce n’est qu’avec des groupes
Thomas et de l’évêque Robert années, mais ont surmonté ce engagés comme ceux-ci que
qui le baptisa en lui donnant problème avec courage. Ré- notre État pourra se dévelop-
son propre nom, Robert. Pro- cemment en effet, avec l’aide per”, déclara Mukut Mithi,
venant de la tribu Nishi, la plus d’autres personnes, ils ont ou- premier ministre à Bordumsa
grande de l’État de l’Arunachal, vert de nouveaux centres. Le en novembre 2002. “Puisque
Robert prit contact avec d’au- résultat est que maintenant la je suis catholique et ancien
tres personnes. La foi com- religion catholique est partie in- étudiant de la Don Bosco, per-
mença alors à se répandre tégrante de l’existence des tri- sonne ne doit craindre d’être
avec une grande rapidité grâ- bus dans l’État de l’Arunachal abandonné ; et nous devons
ce au père Kulandaisamy, un et le charisme de Don Bosco tous savoir que Don Bosco
prêtre très dévot du diocèse de est devenu un aspect fonda- aussi à sa place dans l’Aruna-
Tezpur, et du père Job Kalla- mental de la vie quotidienne. chal”, avertit Sanjay Takam,
rackal sdb. En 1980, Wanglat Les anciens étudiants de l’é- ministre de l’Instruction, alors
fut le premier catholique à de- cole Don Bosco ont des char- qu’il parlait à l’école Don Bosco
venir membre du Parlement. ges prestigieuses dans l’État, de Palin, sa ville natale.
Dix ans plus tard, Robert Ta-
niang fut le premier catholique
à avoir une responsabilité de
ministre dans le gouvernement.
Six anciens étudiants de l’éco-
le Don Bosco sont actuelle-
ment membres du Parlement.
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2.10 Page 20

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7 JMS 2004
Gaudium et Spes - Constitution pastorale du Concile Vatican II
41 L’aide que l’Église veut
offrir à tout homme
L’Évangile du Christ annonce
et proclame la liberté des en-
fants de Dieu, rejette tout es-
clavage qui en fin de compte
provient du péché, respecte
scrupuleusement la dignité de
la conscience et son libre choix,
enseigne sans relâche à faire
fructifier tous les talents hu-
mains au service de Dieu
et pour le bien des hommes,
enfin confie chacun à l’amour
de tous.
42 L’aidequel’Églisecherche
à apporter à la société
humaine
L’énergie que l’Église est ca-
pable d’insuffler à la société
moderne de trouve dans cette
foi et dans cette charité effec-
tivement vécues, et ne s’ap-
puie pas sur une souveraineté
extérieure qui s’exercerait par
des moyens purement humains.
Comme de plus, de par sa
mission et sa nature, l’Église
n’est liée à aucune forme par-
ticulière de culture, ni à aucun
système politique, économique
ou social, par cette universali-
té même, l’Église peut être
un lien très étroit entre les
différentes communautés hu-
maines et entre les différentes
nations, pourvu qu’elles lui
fassent confiance et lui recon-
naissent en fait une authentique
liberté pour l’accomplissement
de sa mission. C’est pourquoi
l’Église avertit ses fils, et même
tous les hommes, qu’il leur faut
dépasser, dans cet esprit de
famille des enfants de Dieu,
toutes les dissensions entre
nations et races et consolider
de l’intérieur les légitimes
associations humaines. Tout ce
qu’il y a de vrai, de bon, de
juste, dans les institutions très
variées que s’est données et
continue à se donner le genre
humain, le Concile le considè-
re donc avec un grand respect.
Il déclare aussi que l’Église veut
aider et promouvoir toutes ces
institutions, pour autant qu’il
dépend d’elle, et que cette
tâche est compatible avec
sa mission.
Populorum Progressio - Encyclique de Paul VI, 1967
12 L’œuvre des missionnaires
peuples auxquelles elle apportait
Fidèle à l’enseignement et à l’exemple de la foi au Christ. Ses missionnaires
son divin fondateur qui donnait « l’annonce ont construit, avec des églises, des hospices et
de la Bonne Nouvelle aux pauvres » (cf. Lc 7,22) des hôpitaux, des écoles et des universités.
comme signe de sa mission, l’Église n’a jamais Enseignant aux indigènes le moyen de tirer
négligé de promouvoir l’élévation humaine des meilleur parti de leurs ressources naturelles,
ils les ont souvent protégés de la cupidité
des étrangers.
Sans doute leur œuvre, pour ce qu’elle avait
d’humain, ne fut pas parfaite, et certains
purent mêler parfois bien des façons de
penser et de vivre de leur pays d’origine
à l’annonce de l’authentique message
évangélique. Mais ils surent aussi cultiver
les institutions locales et les promouvoir. En
20

3 Pages 21-30

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3.1 Page 21

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7 JMS 2004
maintes régions, ils se sont
trouvés parmi les pionniers du
progrès matériel comme de
l’essor culturel. Qu’il suffise de
rappeler l’exemple du P. Charles de Foucauld,
qui fut jugé digne d’être appelé, pour sa
charité, le « Frère universel » et qui rédigea un
précieux dictionnaire de la langue touarègue.
Nous nous devons de rendre hommage à ces
précurseurs trop souvent ignorés, que pressait
la charité du Christ, comme à leurs émules et
successeurs qui continuent d’être, aujourd’hui
encore, au service généreux de ceux qu’ils
évangélisent.
Redemptor Hominis - Encyclique de Jean Paul II, 1979
12 Mission de l’Église et
liberté de l’homme
Jésus-Christ va à la rencontre
de l’homme de chaque époque,
y compris de la nôtre, avec les
mêmes paroles : « Vous connaî-
trez la vérité, et la vérité vous
rendra libres ». Ces paroles
contiennent une exigence fon-
damentale et en même temps
un avertissement : l’exigence
d’honnêteté vis-à-vis de la vé-
rité, comme condition d’une
authentique liberté ; et aussi
l’avertissement d’éviter
toute liberté apparente,
toute liberté superficielle
et unilatérale, toute liber-
té qui n’irait pas jusqu’au
fond de la vérité sur
l’homme et sur le monde.
Aujourd’hui encore, après deux
mille ans, le Christ nous appa-
raît comme Celui qui apporte
à l’homme la liberté fondée
sur la vérité, comme Celui
qui libère l’homme de ce
qui limite, diminue et pour
ainsi dire détruit cette
liberté jusqu’aux raci-
nes mêmes, dans
l’esprit de l’homme,
dans son cœur, dans
sa conscience.
Quelle preuve admirable
de tout cela ont donnée et ne
cessent de donner ceux qui,
par le Christ et dans le Christ,
sont parvenus à la vraie liberté
et en ont fourni le témoignage,
même dans des conditions
de contrainte extérieure !
Ecclesia in Asia - Exhortation apostolique de Jean Paul II, 1999
21 Dans le processus de rencontre entre
les diverses cultures du monde, l'Église non
seulement transmet ses vérités et ses valeurs,
et renouvelle les cultures de l'intérieur, mais
elle prend aussi en elles les éléments positifs
qui y sont déjà présents.
C'est là le chemin obligé des évangélisateurs
pour présenter la foi chrétienne et la rendre par-
tie intégrante de l'héritage culturel des peuples.
À leur tour, quand les différentes cultures sont
perfectionnées et renouvelées à la lumière de
l'Évangile, elles peuvent devenir des expressions
véritables de l'unique foi chrétienne.
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7 JMS 2004
Catéchisme de l’Église Catholique
842 Le lien de l’Église avec les
religions non chrétiennes est
d’abord celui de l’origine et
de la fin communes du genre
humain :
« En effet, tous les peuples for-
ment une seule communauté ;
ils ont une seule origine,
puisque car Dieu a fait habiter
toute la race humaine sur la fa-
ce de la terre ; ils ont aussi une
seule fin dernière, Dieu, dont la
providence, les témoignages
de bonté et les desseins de
salut s’étendent à tous, jusqu’à
ce que les élus soient réunis
dans la cité sainte ».
843 L’Église reconnaît dans les
autres religions la recherche,
« encore dans les ombres et
sous des images », du Dieu in-
connu mais proche, puisque
c’est Lui qui donne à tous vie,
souffle et toutes choses et
puisqu’Il veut que tous les
hommes soient sauvés. Ainsi,
l’Église considère tout ce qui
peut se trouver de bon et
vrai dans les religions « comme
une préparation évangélique
et comme un don de Celui
qui illumine tout homme pour
que, finalement, il ait la vie ».
et des erreurs qui défigurent
en eux l’image de Dieu :
« Bien souvent, trompés par
le malin, ils se sont égarés
dans leurs raisonnements,
ils ont échangé la vérité de Dieu
contre le mensonge, en servant
la créature de préférence
au Créateur ou bien vivant
et mourant sans Dieu en ce
monde, ils se sont exposés
à l’extrême désespoir ».
845 C’est pour réunir de nou-
veau tous ses enfants que le
péché a dispersés et égarés
que le Père a voulu convoquer
toute l’humanité dans l’Église
de son Fils. L’Église est le lieu
où l’humanité doit retrouver
son unité et son salut. Elle est
« le monde réconcilié ». Elle est
ce navire qui « navigue bien en
ce monde au souffle du Saint-
Esprit sous la pleine voile de
la Croix du Seigneur », selon
une autre image chère aux
Pères de l’Église, elle est
figurée par l’Arche de Noé qui
seule, sauve du déluge.
853 Mais dans son pèlerinage
l’Église fait aussi l’expérience
de la « distance qui sépare le
message qu’elle révèle et la
faiblesse humaine de ceux aux-
quels cet Evangile est confié ».
Ce n’est qu’en avançant sur
le chemin « de la pénitence et
du renouvellement » et « par la
porte étroite de la Croix» que
le Peuple de Dieu peut étendre
L’ensemble des bâtiments de la Bosco Nagar, Kheti
844 Mais dans leur compor-
tement religieux, les hommes
montrent aussi des limites
22

3.3 Page 23

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7 JMS 2004
le règne du Christ. En effet,
« comme c’est dans la pauv-
reté et la persécution que le
Christ a opéré la Rédemption,
l’Église elle aussi est appelée
à entrer dans cette même
voie pour communiquer aux
hommes les fruits du salut ».
854 Par sa mission même,
l’Église fait route avec toute
l’humanité et partage le sort
terrestre du monde ; elle est
comme le ferment et, pour
ainsi dire, l’âme de la société
humaine, appelée à être
renouvelée dans le Christ
et transformée en famille
de Dieu ». L’effort missionnaire
exige donc la patience. Il com-
mence par l’annonce de
l’Évangile aux peuples et aux
groupes qui ne croient pas
encore au Christ ; il se poursuit
par l’établissement de com-
munautés chrétiennes qui soient
des « signes de la présence de
Dieu dans le monde », et dans
la fondation d’Églises locales ;
il engage un processus
d’inculturation pour incarner
l’Évangile dans les cultures
des peuples ; il ne manquera
pas de connaître aussi des
échecs. « En ce qui concerne
les hommes, les groupes hu-
mains et les peuples, l’Église
ne les atteint et ne les pénètre
que progressivement, et les
assume ainsi dans la plénitude
catholique ».
855 La mission de l’Église
appelle l’effort vers l’unité des
chrétiens. En effet « les divi-
sions entre chrétiens empê-
chent l’Église de réaliser la
plénitude de catholicité qui lui
est propre en ceux de ses fils
qui, certes, lui appartiennent
par le Baptême, mais se
trouvent séparés de sa pleine
communion. Bien plus, pour
l’Église elle-même, il devient
plus difficile d’exprimer sous
tous ses aspects la plénitude
de la catholicité dans la réalité
même de sa vie ».
856 La tâche missionnaire im-
plique un dialogue respectueux
avec ceux qui n’acceptent pas
encore l’Évangile. Les croyants
peuvent tirer profit pour
eux-mêmes de ce dialogue en
apprenant à mieux connaître
« tout ce qui se trouvait déjà
de vérité et de grâce chez les
nations comme une secrète
présence de Dieu ». S’ils an-
noncent la Bonne Nouvelle à
ceux qui l’ignorent, c’est pour
consolider, compléter et élever
la vérité et le bien que Dieu a
répandus parmi les hommes et
les peuples, et pour les purifier
de l’erreur et du mal « pour
la Gloire de Dieu, la confusion
du démon et le bonheur de
l’homme ».
2044 La fidélité des baptisés
est une condition primordiale
pour l’annonce de l’Évangile
et pour la mission de l’Église
dans le monde. Pour manifes-
ter devant les hommes sa
force de vérité et de rayonne-
ment, le message du salut doit
être authentifié par le témoi-
gnage de vie des chrétiens.
« Le témoignage de la vie
chrétienne et les œuvres
accomplies dans un esprit
surnaturel sont puissants pour
attirer les hommes à la foi et
à Dieu ».
2045 Puisqu’ils qu’ils sont
les membres du Corps dont le
Christ est la Tête, les chrétiens
contribuent par la constance
de leurs convictions et de leurs
mœurs, à l’édification de l’Égli-
se. L’Église grandit, s’accroît
et se développe par la sainteté
de ses fidèles, jusqu’à ce
que « soit constitué l’homme
parfait, dans la force de l’âge,
qui réalise la plénitude du
Christ » (Ep 4, 13).
2046 Par leur vie selon le
Christ, les chrétiens hâtent la
venue du Règne de Dieu, du
« Règne de la justice, de la
vérité et de la paix ». Ils ne
délaissent pas pour autant
leurs tâches terrestres ; fidèles
à leur Maître, ils les remplissent
avec droiture, patience et
amour.
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8 JMS 2004
Les pères et les différentes cultures
du père Henri dal Covolo
1. Quelle attitude ont eu les les on a parlé de lui comme d’un dialogue critique et cons-
chrétiens des premiers siè- d’un précurseur de l’alliance tructif avec la culture grecque.
cles face à la culture de leur entre le christianisme et l’em- C’est l’attitude commencée
temps?
pire, Tertullien emploie des par Justin et développée par
Dès les tout premiers temps, expressions semblables à cel- les Alexandrins, surtout par
il y a eu au sein du les que nous venons de citer, Clément. Ici non seulement la
christianisme deux attitudes di- qui professent une incompati- culture grecque n’est pas refu-
verses. L’une, de refus appa- bilité radicale entre « Athènes sée, mais elle est vue comme
rent total, a son expression la et Jérusalem ».
propédeutique à la foi.
plus évidente chez quelques De toute façon, ce refus ne La vraie ligne de démarcation
représentants du christianisme concerne pas seulement la phi- entre le «oui» et le «non» à la
africain et en Syrie, c’est-
culture est assez intime
à-dire dans les deux
et générale, et passe par
aires extrêmes du monde
chaque penseur chré-
hellénisé.
tien particulier, parce
Voici les célèbres excla-
qu’en chaque auteur co-
mations de Tertullien :
habitent comme deux
« Qu’y a-t-il de sembla-
âmes, la chrétienne,
ble », s’exclame l’Africain
remplie de réserves en-
indigné,« entre un philoso-
vers une culture toute
phe et un chrétien, entre
imprégnée d’idéologie
un disciple de la Grèce
païenne, et la grecque,
et un disciple du ciel ? »
qui y est au contraire as-
(Apologeticum 46,18).
sujettie.
Tertullien se demande
Dans l’ensemble cepen-
encore : « Qu’y a-t-il de
dant, l’Église d’avant Ni-
commun entre Athènes
cée se dirige vers un ac-
et Jérusalem ? Quoi entre
l’Académie et l’Église ? » (De
Christ Pantocrator
Monastère du Mont Athos
cord entre culture clas-
sique et annonce évangélique :
praescriptione haereticorum 7,9).
« Les chrétiens sont les philo-
En réalité, l’Apologeticum de losophie, mais également les sophes d’aujourd’hui et les phi-
Tertullien, adressé aux autori- classiques de la littérature, l’art, losophes étaient les chrétiens
tés suprêmes de l’empire la plupart des professions d’autrefois », arrive à dire Mi-
autour de l’année 200, révèle et des métiers, y compris celui nucius Felix (Octavius 20,1).
une attitude assez complexe de maître d’école, en un mot, C’est pour cela qu’il était
vis-à-vis de la culture et des in- toute la culture et la civilisation urgent de fonder et de justifier
stitutions de Rome.
païenne.
le recours à la culture païenne.
À côté d’affirmations positives L’autre attitude fut au contrai- Rappelons la théorie du Logos
et possibilistes, pour lesquel- re d’une grande ouverture, spermatikós de Justin. Son
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sens est bien connu : ce Logos, les chrétiens peuvent y puiser être prêts à accepter le « cha-
manifesté prophétiquement aux avec confiance, comme à un risme des origines ».
Hébreux dans la Loi (en figure), bien propre.
s’est aussi manifesté aux Grecs 2. Que peut enseigner Quant à nous, nous sommes
partiellement sous forme de se- l’Église des origines aux convaincus que l’étude des an-
mences de vérité. Or, conclut chrétiens actuels, par rap- ciens témoignages chrétiens est
Justin, puisque le christianisme port à la culture?
une source de discernement
est la manifestation historique La question est très complexe, pour l’Église de tous les temps.
et personnelle du Logos dans et exige une réponse adaptée. La période des origines, dont
sa totalité, il s’en suit
Nicée représente pour
que « tout ce qu’il y a de
beaucoup d’aspects
beau (kalôs) et a été dit
une ligne d’arrivée ob-
par qui que ce soit,
jective, conserve en ef-
nous appartient à nous
fet son charisme : elle
chrétiens » (2 Apologie
est le moment où le dé-
13,4).
pôt de la foi apostolique
Justin, comme on le
se consolide dans la tra-
voit, formule avec une
dition de l’Église. Il faut
certaine anticipation
aussi reconnaître que le
l’idée de ce « christia-
problème de la rencon-
nisme anonyme » ou
tre entre christianisme
implicite dont on parle
et culture au cours des
de nos jours. Sans
trois premiers siècles a
intégrismes d’aucune
donné des fruits décisifs
sorte, laissant à la
qu’on ne pourra plus ja-
culture grecque son
mais oublier, que ce soit
caractère profane et
pour le langage, la ré-
en en contestant même
cupération des diverses
les insuffisances et les
cultures et de toute
contradictions, il a trou-
vé la façon de tout orienter vers
Orant
Catacombes de la Via Latina
l’histoire, l’identification
d’une « anima cristiana » com-
le Christ, en fondant rationnel- Pour recueillir l’héritage et mune dans le monde et la for-
lement la prétention d’univer- l’enseignement de l’Église mulation de nouvelles proposi-
salité de la religion chrétienne. antique, il faut en effet dépas- tions de société humaine.
Si l’ancien testament tend vers ser deux risques extrêmes, Le recours attentif et vigilant
le Christ comme la figure tend entre eux opposés. D’un côté, aux origines de l’Église reste
vers sa propre réalisation, la vé- on risque de prétendre retrou- donc très utile, et il faut même
rité grecque amène elle aussi ver dans les origines chré- en tenir compte pour com-
au Christ et à l’évangile, com- tiennes des formules idéali- prendre et interpréter cette
me la partie tend à s’unir sées ou reçues, immédiate- époque, si riche de germes et
au tout. C’est pour cela qu’el- ment utilisables dans l’aujour- d’incitations sur les rapports
le ne peut pas s’opposer à d’hui de l’Église.
entre l’Évangile et les cultures
la vérité évangélique, et que L’autre risque est de ne pas de notre temps.
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8 JMS 2004
LETTRE A DIOGNÈTE
V,1 Les chrétiens ne se différencient pas des au-
tres hommes. 2Ils n’habitent pas dans des villes
Quelques Documents
des Pères de l’Église
spéciales et ne parlent pas une langue inusitée ; ennemis du Christ, et des tueurs de ceux qui
la vie qu’ils mènent n’a rien d’étrange. 3Leur doc- vivaient selon le Logos. Ceux qui, au contraire,
trine n’est pas le fruit de considérations et d’é- ont vécu et vivent selon le Logos sont chrétiens,
lucubrations de personnes curieuses, et ce ne intrépides et imperturbables.
se font pas les promoteurs, comme certains,
d’une théorie humaine quelconque. 4Habitant JUSTIN, II APOLOGIE
dans les villes grecques et barbares, comme il VIII,1 Nous savons que des disciples de la doc-
arrive à chacun d’entre eux, et s’adaptant aux trine stoïque ont aussi été haïs et tués – ainsi que
usages locaux pour l’habillement, le couvert et des poètes, à cause de quelques vers – grâce à
la vie ordinaire, ils montrent le caractère admi- la graine du Logos qui est innée en tout homme.
rable et extraordinaire de leur genre de vie, au
dire de tous. 5Ils habitent dans leur propre pa- X,1 Notre doctrine apparaît donc plus belle que
trie, mais comme des étrangers, ils participent toute doctrine humaine, parce que le Logos to-
à tout comme des citoyens, et supportent tout tal, le Christ, apparu pour nous en corps, âme et
comme des étrangers ; toute terre étrangère est esprit, s’est manifesté à nous. 2En effet, tout ce
leur patrie et chaque patrie leur est une terre que philosophes et législateurs ont peu à peu
étrangère. 6Ils se marient comme tout le mon- énoncé et trouvé avec droiture, est en eux le fruit
de, ils engendrent des fils, mais n’exposent pas de recherche et de spéculation, grâce à une par-
les nouveaux-nés. 7Ils ont en commun la table, tie du Logos. 3Mais puisqu’ils n’ont pas connu le
mais pas le lit. 8Ils sont dans la chair, mais ne vi- Logos en son entier, qui est le Christ, ils se sont
vent pas selon le chair. 9Ils demeurent sur terre souvent aussi contredits. 4Ceux qui ont vécu avant
mais sont citoyens du ciel. 10Ils obéissent aux le Christ et se sont efforcés de chercher les cho-
lois établies, et dépassent les lois par leur vie. ses avec la raison, selon les possibilités humai-
nes, ont été traînés devant les tribunaux comme
JUSTIN, I APOLOGIE
des impies trop curieux. Celui qui a plus que tout
XLVI,2On nous a appris que le Christ est le pre- autre recherché cela, Socrate, a été accusé des
mier-né de Dieu, et nous avons déjà montré qu’Il mêmes fautes qu’on nous a reprochées. 6En ef-
est le Logos auquel tout le genre humain a par- fet, personne n’a cru en Socrate. Au Christ au
ticipé. 3Ceux qui ont vécu selon le Logos sont contraire, que Socrate a lui aussi connu au moins
chrétiens, même s’ils ont été estimés athées, en partie, (le Christ était en effet et est le Logos
comme Socrate et Héraclite parmi les Grecs, et qui est en toute chose) ils ont cru.
d’autres comme eux. 4De façon que même ceux
qui étaient nés auparavant et n’avaient pas XIII,3Chacun en effet, percevant en partie ce qui
vécu selon le Logos furent des maudits et des est congénital au Logos divin répandu en tout,
formula des théories correctes. 4Tout ce qui a
été exprimé de bon par qui que ce soit, nous
appartient donc à nous chrétiens. 5Tous les écri-
vains, grâce à la semence innée du Logos,
purent voir la réalité de façon obscure. Mais
une chose est une semence et une imitation,
et une autre est la chose en soi.
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9 JMS 2004
Peuples, cultures et nouveaux défis
de André Sartori
C’est à partir de ces valeurs qu’on donne en-
suite naissance aux droits, c’est-à-dire ces cho-
ses que chaque groupe pense imprescriptibles
et inaliélables et qui influencent le droit et la
législation qui en dérive.
Ce processus, qui semble très compliqué mais
qui est en réalité tout naturel et spontané, est à
la base de ce qui est appelé la “culture” d’un
groupe d’individus. La culture est cet ensem-
ble de valeurs autour desquelles un certain
groupe de personnes, que nous appelons
“peuple”, se reconnaissent et qu’elles assument
QUELQUES APERÇUS
comme portant leur propre existence.
D’ANTHROPOLOGIE CULTURELLE
Il en dérive nécessairement l’élaboration de
N ous sommes actuellement au troisième concepts comme “interne” et “externe”, “voi-
millénaire, devant de vieux problèmes et de sin” et “lointain”, “identité” et “altérité”. Ce qui
nouveaux défis. Ce qui était autrefois normal ne distingue les peuples entre eux est l’identité
l’est plus maintenant, ce qui était absolu est culturelle différente à laquelle ils se réfèrent.
maintenant considéré comme relatif.
Le monde que nous avons connu et qui nous a CE QUI EST DIFFÉRENT
modelés était ce “petit monde” constitué par Il nous vient tout de suite à l’esprit, en jugeant
notre village, le quartier ou le centre habité où la réalité et les événements, d’appliquer nos va-
nous avons grandi. Le monde où nous vivons leurs et nos catégories comme si elles étaient
aujourd’hui dépasse et fait oublier les anciennes les seules capables d’expliquer la vie qui nous
frontières qui avaient cependant donné une entoure. Et quand nous venons à savoir que
empreinte définitive à notre identité personnelle quelqu’un interprète la même réalité selon des
et collective, dans laquelle nous puisons pour filtres culturels différents, nous commençons à
tirer nos valeurs.
classifier son interprétation comme “plus” ou
Valeurs, oui, tout part de là. Un groupe d’indivi- “moins” par rapport à la nôtre. Et nous disons
dus reconnaît comme juste une certaine action, qu’il est “plus” ou “moins” naturel, “plus” ou
un certain concept. Un consensus naît autour de “moins” libre etc.. Mais le point de référence
cette reconnaissance collective, ce consensus reste toujours notre culture, dont de toute fa-
qui détermine déjà un “comme nous” et un “dif- çon nous ne pouvons et ne devons pas faire
férent de nous” et engendre la valeur du concept abstraction.
lui-même. Nous avons ainsi “justice”, “droit”, “li- Si cette attitude préserve notre identité culturel-
berté”, vécus comme des valeurs fondamenta- le d’une part, elle pourrait de l’autre porter à de
les et non plus comme des concepts abstraits. dangereux préjudices dérivant du fait d’avoir
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3.8 Page 28

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9 JMS 2004
défendu notre schéma comme un critère de planétaire qui interfèrent entre elles et seront ca-
comparaison immuable et axiomatique.
pables d’élaborer d’une nouvelle façon identité
Un autre pas devrait être de ne plus classifier et altérité, spécificité et universalité.
tout ce que nous voyons avec les deux caté- Le Christianisme lui aussi doit affronter inévita-
gories du “plus” et du “moins”, mais de nous blement un scénario culturel en rapide évolu-
habituer à utiliser la catégorie bien plus correcte tion. L’annonce d’une Bonne Nouvelle valable
anthropologiquement du “différent”.
pour tous doit pouvoir entrer dans la vie de tous
Quelques peuples peuvent être plus riches éco- pour faire jaillir la Vie qui est pour tous. Voilà ce
nomiquement et d’autres plus développés que nous appelons l’inculturation de l’Évangile.
technologiquement, mais tous sont différents Cela consiste à faire revivre l’expérience même
culturellement. Le monde vu avec cette optique de l’Incarnation de Dieu qui, pour nous rencon-
est une mosaïque d’identités culturelles.
trer, a assumé tous nos schémas, biologiques
et culturels.
IDENTITÉ PLANÉTAIRE
Il s’agit au fond de réaliser la parole du prophè-
DE CHAQUE CULTURE
te Isaïe : « Sur le mont Sion, le Seigneur de l'u-
Le monde actuel n’est plus le “petit monde” nivers préparera pour toutes les nations un ban-
dont nous sommes partis. Les espaces se quet paré de riches mets et de vins précieux.
contractent, les nouvelles font que tout nous Sur cette montagne, Il fera disparaître à l'im-
semble à la portée de la main, des événements proviste le voile qui couvrait tous les peuples ».
globaux nous poussent à des réactions parfois Nous pouvons imaginer que ce voile est la pré-
globalisées qui nous incitent à diviser le monde somption intrinsèque à chaque culture pour
en “qui est avec nous” et “qui est contre nous”, qui ses propres réponses sont les plus vraies
sans considérer toutes les articulations inter- et les plus justes, et que la disparition de ce
médiaires possibles.
voile est l’effondre-
Les cultures actuelles se trouvent devant la dif- ment des barrières
ficulté, et le défi, de reformuler les catégories de culturelles qui em-
voisin/lointain, interne/externe, spécifique/uni- pêchent encore une
versel, identique/autre, sans absolutiser nos véritable croissance
propres valeurs culturelles ni les relativiser de dans la réciprocité.
façon excessive, évitant les
centrismes présomptueux et
conservant en même temps
notre identité. Le défi est
donc d’élaborer une nouvelle
identité planétaire qui puisse
s’exprimer dans les différen-
tes identités culturelles.
Nous ne nous trouvons pas
devant une culture planétaire,
mais devant de nombreuses
cultures ayant une identité
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Culture et évangélisation*
de l’archevêque Mgr Thomas Menamparampil
Une étude des
valeurs tribales
Le terme “culture” peut avoir
différents sens. Il inclut les
coutumes qui caractérisent un
groupe social, l’héritage social
d’une communauté particuliè-
re, les sens, valeurs, règle-
ments, actions et relations, les
croyances et les lois, les tradi-
tions et institutions, religions,
rites, idiomes, chansons, dan-
ses, fêtes, styles de vie,
artisanat, équipements, etc.
d’une société.
Ma définition du terme “culture”
recueille un peu tous les
sens susmentionnés, mais je
préfère utiliser ce mot, dans
le contexte présent, en me
référant d’abord aux traits
caractéristiques d’une com-
munauté ou aux valeurs et
traditions par lesquelles s’ex-
prime l’âme et le caractère
profond d’un peuple.
race et communauté, mais,
de même que les individus ont
des préférences et des préju-
dices, les communautés ont
des priorités, des orientations
mentales, des intérêts, des
craintes, des ambitions et des
aversions. Elles ont donc une
vision propre du monde et une
mentalité propre.
Travaillant dans la région du
nord-est de l’Inde, je voudrais
présenter la culture tribale
avec ses caractéristiques.
Diversités culturelles
Quand nous avons à faire
avec des cultures tribales,
nous sommes inclinés à pen-
ser qu’elles sont parfaitement
identiques où qu’elles soient.
Il ne peut pas y avoir d’erreur
plus grande. Une culture triba-
L’église de Rajanagar
le se différencie d’une autre
tout comme une civilisation.
Cependant, nous ne pouvons
nier que les cultures tribales
aient beaucoup de caractéris-
tiques en commun, dont nous
allons examiner quelques-
unes en profondeur mainte-
nant et ici même.
Au centre, la communauté
Dans la société tribale tout
se fait en communauté. Les
programmes sont tracés lors
des rencontres collectives du
village où tout se discute et où
l’on arrive aux décisions grâce
au consensus général. Chaque
individu peut exprimer son
opinion personnelle sur n’im-
porte quel sujet, qu’il s’agisse
de la coupe des arbres, de la
semence ou de la récolte, de
L’âme d’une communauté
Comment pouvons-nous ap-
procher l’âme d’une commu-
nauté ? Comment peut-on
identifier son être profond ?
L’âme d’un peuple se révèle
tout d’abord par les valeurs
en lesquelles il croit. Il est vrai
que la nature humaine est
identique en n’importe quelle
* Extraits de Thomas
Menamparampil, “Thoughts on
Evangelization”, chap. III
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l’imposition d’amendes ou de res. Il sera donc facile d’orga- l’eau, de couper des tiges de
la déclaration de tabou.
niser des camps, des confé- bambou, de ramasser un fruit
Quelques-unes de ces ren- rences, des associations et ou même le droit de s’en ser-
contres de village ressemblent des groupes de prière.
vir en partie si celui-ci n’est
à un vrai parlement. Grâce à Un plus grand effort sera au pas utilisé. Des phrases com-
un échange réciproque, la contraire nécessaire pour en- me “Défense de passer”, “At-
communauté réussit à penser seigner l’habitude de la prière tention au chien” ou “Défense
ensemble, à chercher et à personnelle et familiale, pour d’entrer” n’ont aucun sens
trouver des solutions ensem- faire entrer chez l’individu dans une société tribale.
ble. Les décisions prises à l’in- le besoin de rechercher un La plus belle vertu tribale est
térieur de la communauté ont guide spirituel et lui faire le désir du partage. Ce qu’on
alors une force et une validité comprendre l’importance de peut économiser doit être par-
telles que toute voix discor- se construire des convictions tagé. Dans la société tribale
dante, surtout si elle vient du personnelles.
traditionnelle, la saison de
dehors, ne peut s’accepter.
l’abondance est celle de la
L’orientation communautaire La dimension sociale de la récolte. La générosité ne
fait préférer aux peuples tri- propriété privée
manque alors pas. Les fêtes et
baux des rituels religieux de ty- La société tribale accepte le les célébrations de cette
pe collectifs. Un Jingiaseng ou droit à la propriété privée, mais époque indiquent la volonté
un Sabha rencontreront beau- il ne s’agit pas d’un droit ab- de l’individu de partager avec
coup plus d’intérêt qu’une solu. Car la communauté jouit le reste de la communauté ce
heure de méditation indivi- de certains droits sur le bout qu’il a en trop ou ce qu’il croit
duelle. Des assemblées, des de terrain qui appartient à l’in- avoir en trop.
congrès et des jubilés, ainsi dividu ou à la famille, ces Il y a ainsi le danger, dans la
que les fêtes et les solennités, droits variant d’une tribu à société tribale, d’être peu pré-
représentent de grandes at- l’autre et pouvant être le droit voyant, mais en même temps
tractions et sont très populai- de passage, de puiser de on ne trouve pas de men-
diants, d’indigents ni de per-
sonnes abandonnées. Le fort
désir de partage du membre
de la société tribale le rend
extrêmement hospitalier, mais
fait aussi qu’il ne réussit pas
dans les affaires.
Une loi importante dans le
partage: celui qui se trouve
dans un besoin réel a un droit
qui doit être respecté.
Comme on l’a déjà dit plus
haut, la propriété de la terre
de la part d’un individu n’est
jamais totale ; de la même fa-
çon, sa séparation de celle-ci
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4 Pages 31-40

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n’est pas immédiate et les in-
dividus ont donc des préten-
tions sur la terre des autres.
Ces normes se sont dévelop-
pées dans la société tribale
afin de protéger les faibles et
les pauvres pour que les ri-
ches et les puissants ne puis-
sent ainsi jamais accumuler
trop de terres en leurs propres
mains comme il arrive dans les
sociétés non-tribales, et de la
même manière les faibles ne
pourront pas perdre ce qu’ils
possèdent.
Le sens de l’égalité
Nous avons déjà vu précé-
demment comment les socié-
tés tribales sont différentes l’u-
ne de l’autre, certaines étant
absolument démocratiques et
d’autres tendant à la monar-
chie, mais il n’y a cependant
pas de doute que les valeurs
démocratiques dominent la vie
tribale dans son ensemble.
Chacun peut exprimer sa
propre opinion dans les dis-
cussions communautaires et
celle-ci est prise en considé-
ration ; on y reconnaît toujours
la dignité de la personne, riche
ou pauvre, particulièrement
douée ou maladroite ; les fem-
mes sont réputées égales aux
hommes, les enfants traités
comme de petits adultes et
au lieu de les réprimander ou
de les punir on les persuade et
on les guide.
Personne n’est traité comme
un “non-être”, exclu ou ignoré
comme il arrive souvent dans
des sociétés plus sophisti-
quées. Une tribu est réelle-
ment semblable à une famille
élargie où une personne reçoit
toutes les attentions et les
soins qu’il recevrait dans une
famille. L’individu acquiert
alors le sens du respect en-
vers soi-même, et même le
paysan analphabète est cons-
cient de sa propre dignité, il ne
craint pas de s’approcher des
autres et parle sans embarras
et avec une grande familiarité
en se déplaçant au milieu des
gens.
La société tribale ancienne
n’acceptait pas l’accumulation
de la richesse dans les mains
de peu de personnes ; si l’un
devenait riche, il devait recher-
cher des reconnaissances
spéciales au moyen de fêtes
très coûteuses (par exemple
en offrant de la nourriture à
tout le village), ce qui lui confé-
rait la reconnaissance recher-
chée mais l’obligeait à redeve-
nir pauvre comme les autres.
Cela évitait en général la nais-
sance de classes dominantes
ou soumises, et donc les
complexes relatifs de supério-
rité/infériorité. Dans les temps
modernes, la situation a ce-
pendant rapidement changé.
L’honnêteté
L’honnêteté est une valeur ab-
solue dans la société tribale.
Les portes des maisons n’é-
taient pas fermées dans la
société tribale traditionnelle,
parce qu’on ne craignait pas
les voleurs. Les greniers qui
se trouvaient souvent en de-
hors du village par crainte des
incendies n’étaient jamais at-
taqués. La propriété de l’autre
était considérée sacrée, et
si quelqu’un avait coupé un
bambou en le laissant le long
de la route pour venir le re-
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prendre plus tard, il le trouvait tes. Ils les persuadent et les l’être intime de la population
au même endroit.
aident à raisonner sans jamais tribale et avec son devoir de
Ce sens de l’honnêteté coûte les forcer contre leur propre préserver et de renforcer les
cher aux peuples tribaux gré. Ils leur donnent des motifs valeurs tribales naturelles qui
quand ils entrent en contact de conviction et n’imposent ont une validité permanente.
avec la société extérieure. Ils pas de sanctions pour les Cela parce que tu as tout sau-
ne réussissent pas à com- obliger.
vé quand tu as sauvé l’âme
prendre, en effet, comment un Cette approche pourrait sem- de la communauté.
individu peut profiter de son bler faible pour une personne Quand une tribu est éduquée
prochain.
se trouvant en dehors de la de l’intérieur, on éduque
société tribale, mais elle peut chaque niveau et chaque di-
La dignité du travail
être plus pédagogique et mension de sa culture. Les
La principale préoccupation chrétienne que d’autres mé- chansons deviennent des
d’une communauté tribale est thodes. Le pouvoir de persua- hymnes de louange au Sei-
le “travail”, normalement le tra- sion de l’Amour ne doit pas gneur, l’art et les formes artis-
vail des champs. A l’inverse être sous-estimé. Les parents tiques reflètent la gloire de
des sociétés composées de réussissent à communiquer Dieu, les structures sociales et
classes, il n’y a pas de groupe avec leurs propres fils dans la les relations dans la famille et
ou d’individu qui ne travaille société tribale d’une façon en- la communauté deviennent di-
pas, car il n’y a pas de travail viable et ils obtiennent presque gnes de la famille de Dieu, les
qui porte atteinte à la dignité tout ce qu’ils veulent.
lois, les traditions et les pra-
de qui que ce soit. Personne
tiques incarnent les valeurs
n’a peur de se salir les mains Le respect
éthiques.
et le travail de groupe est un envers les anciens
Cette façon d’éduquer antici-
plaisir. Toute la vie tribale est La norme suprême dans la so- pe le jour où la prophétie de
construite sur le rythme du tra- ciété tribale est la sagesse des Jérémie se réalisera : “Telle se-
vail saisonnier.
anciens. Les personnes les ra l'alliance que je conclurai
Il n’y a pas de paresseux au plus âgées sont respectées et avec la maison d’Israël après
village pendant la saison des leurs opinions prises en gran- ces jours, dit le Seigneur,
semences ou de la récolte. de considération.
Je mettrai ma loi dans leur
Dans quelques tribus, même Si la persuasion personnelle âme, je l’écrirai sur leur cœur,
les étudiants universitaires et échoue, on peut toujours faire et alors je serai leur Dieu et
les chefs politiques sont prêts appel à la sagesse des mem- eux seront mon peuple. Ils ne
à apporter leur contribution bres les plus anciens de la devront plus s’instruire les uns
dans les champs s’ils passent communauté et leur demander les autres en disant “recon-
au village pendant la saison leur aide, et tout peut fonc- naissez le Seigneur”, parce
du travail.
tionner comme par magie.
que tous me connaîtront, du
plus petit au plus grand, dit le
L’amour des parents en- Conclusions
Seigneur ; car je pardonnerai
vers leurs fils
Je me suis limité à étudier la leur iniquité et ne me souvien-
Les parents traitent leurs pro- responsabilité de l’éducateur drai plus de leur péché” (Jéré-
pres fils dans les sociétés tri- pour suivre son propre travail mie 31,33-34).
bales comme de jeunes adul- de façon à être cohérent avec
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