2021|fr|11, « Ici, avec vous, je me sens bien. »

LE MESSAGE DU RECTEUR MAJEUR

Père Ángel Fernández Artime


« ICI, AVEC VOUS, JE ME SENS BIEN. »


« Ici, avec vous, je me sens bien. Ma vie, c’est vraiment d’être avec vous » (MB IV, 654) est la phrase qui a jailli du cœur de Don Bosco et qui est encore le secret de la Famille Salésienne.


Chers amis lecteurs du Bulletin Salésien,

la revue que Don Bosco portait dans son cœur.


Il estimait que l'humble Bulletin était le moyen d'accompagner les premiers pas des Salésiens et des Filles de Marie Auxiliatrice dans les Missions de Patagonie et de faire connaître le bien qu’ils faisaient dans le monde entier.


En rédigeant ce message du mois de novembre, j'éprouve des sentiments mitigés. Je voudrais faire référence à la pandémie actuelle qui n'est plus ce qu'elle était il y a quelques mois, mais qui m'a laissé un étrange et vilain sentiment d'aliénation que je ressens dans mon environnement. C’est un sentiment fait de méfiance, de peur de la contagion (même si l'on se trouve en pleine forêt et qu'il n'y a personne à des dizaines de mètres), d'un étrange malaise dans les relations personnelles.

Je pense aux personnes âgées qui sont « tellement nôtres et tellement seules », parce qu'elles sont à côté de nous, parce qu'elles sont de plus en plus nombreuses, et parce que cette pandémie de Covid a été un prétexte parfait pour laisser davantage seuls, davantage isolés et loin de nos yeux, ceux qui sont les véritables porteurs de la sagesse de la vie.


Ciudad Don Bosco


Mais mon cœur est aussi conquis par une autre expérience qui concerne les jeunes, des jeunes qui sont passés de difficultés atroces à une vraie dignité. Je ne sais pas pourquoi, mais ces souvenirs me font respirer « à pleins poumons » comme une bouffée d'air pur.


J'ai vécu il y a seulement quelques jours ce que je vais vous raconter. En parlant personnellement ici, à Rome, avec le Provincial de notre Province Salésienne de la Colombie-Medellin, ma curiosité m'a fait poser une question. Je voulais savoir à quoi ressemblait cette présence appelée « Ciudad Don Bosco » [Cité Don Bosco]. Lors d'une de mes visites là-bas, j'ai rencontré toutes sortes de jeunes, y compris des enfants sauvés de la rue, mais j'ai été très frappé par la rencontre avec certains adolescents, filles et garçons, sauvés des camps de la guérilla.

Eh bien, mon cœur s'est rempli de joie en apprenant que cette réalité de jeunes anciennement impliqués dans la guérilla, présente dans deux de nos présences, est encore très actuelle. Une fois sauvés des lieux où ils ont été entraînés au combat (par la force ou de leur plein gré), ces jeunes sont envoyés, s'ils l'acceptent, à la maison salésienne pour commencer une nouvelle vie.

Le Provincial m'a raconté l'histoire d'une jeune femme qui était sur le point d'entrer à l'université. Elle était pleine de joie devant cette perspective qui était une source de grande fierté, une profonde fierté, pour les éducateurs salésiens.


Ce à quoi je ne m'attendais pas, ce sont les mots que cette jeune femme, après quelques années passées dans cette maison salésienne et s’y sentant vraiment bien, a dits à un groupe de personnes qui visitaient officiellement notre institut.


Les yeux brillants de joie, cette jeune femme a déclaré : « Écoutez, j'ai promis aux guérilleros pendant des années que je leur donnerais mon corps, mon cœur et mon âme. Et c'est ce que j'ai fait. Puis, dans cette maison, j'ai appris à connaître Don Bosco et tout ce qu'il continue à faire pour nous, les jeunes. Ici, je me suis trouvée merveilleusement bien, et j'invite les jeunes à adhérer à cet idéal et à s'y engager de toutes leurs forces. »


Je suis resté sans voix car je crois avoir compris à quel point cette jeune femme s'était consacrée à une cause à laquelle elle croyait et à laquelle elle s'était engagée. Mais elle a découvert que la vie peut être différente et qu'il est possible de continuer à « se battre » d'une autre manière pour des causes justes.


J'imagine qu'elle rêve de se voir comme une bonne professionnelle, une épouse, une mère. Et je me dis – et je le partage avec vous, amis lecteurs : ces causes simples, ces « utopies » concrètes et quotidiennes, valent toujours la peine parce qu'elles changent la vie d'une personne et tout son univers.


Je me suis souvenu du beau témoignage de Giuseppe Brosio, un grand auxiliaire de Don Bosco des premiers temps : « Un jour, deux messieurs très bien habillés, à l'accent français, m'ont abordé et après une conversation cordiale, m'ont offert une grosse somme d'argent – c'étaient cinq cents ou six cents lires – en me promettant un poste de gentilhomme, si toutefois je quittais l'Oratoire et entraînais avec moi mes camarades. J'ai répondu en deux mots : "Don Bosco est mon père, je ne l'abandonnerai jamais et je ne le trahirai pas pour tout l'or du monde." ».


Aujourd'hui, comme à l'époque de Don Bosco, le principe s'applique toujours : « Qui aime sera aimé en retour ». C'est la formule secrète des Salésiens.


La goutte dans l’Océan


Me trouvant à Calcutta pour rendre visite aux Sœurs de la Congrégation de Sainte Mère Thérèse de Calcutta, j'ai pu prier et célébrer l'Eucharistie à côté de sa tombe et voir, tout près de la maison, les pauvres de qui s'occupent les Sœurs. Les Sœurs partaient très tôt le matin pour aller trouver les pauvres, un par un. Peu de choses dans cet océan de souffrance, mais je me suis davantage convaincu de la valeur des petites choses que nous pouvons tous faire.


Comme le disait la Sainte : « Ce que nous faisons n'est qu'une goutte dans l'océan. Mais s'il n'y avait pas cette goutte, il manquerait une goutte à l'océan. » Une assiette de riz peut sauver une vie à Calcutta, la maison salésienne de Ciudad Don Bosco a permis à une jeune fille d'être elle-même, avec toute sa dignité, de développer tout son potentiel… Ainsi, des millions de cas dans le monde ne sont habituellement pas connus mais sont comme des graines qui germent et portent des fruits chaque jour.


J'avoue que je suis fatigué des mauvaises nouvelles, car il semble que seules les mauvaises choses fassent la une des journaux. Je propose que nous nous joignions aux personnes qui veulent faire un journal télévisé de bonnes nouvelles, un Facebook uniquement de choses belles et bonnes. Nourrissons notre esprit de ce qui nous fait bien respirer, comme je l'ai fait avec les mots de cette jeune femme qui a découvert que sa vie pouvait être différente grâce à sa rencontre avec les Salésiens.


Merci de partager avec moi tout ce qui est bon, amis de Don Bosco. Du haut du Ciel, il vous bénit certainement.