2018|fr|12: En murmurant Dieu

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LE MESSAGE DU RECTEUR MAJEUR

PÈRE ÁNGEL FERNÁNDEZ ARTIME



EN MURMURANT DIEU

Le grand et troublant message de Noël destiné à changer la face de la terre et à la remplir de joie est apparemment insignifiant : un nouveau-né couché dans une mangeoire. Nous aussi, avec de nombreux signes, petits et délicats, en de nombreux endroits, petits et oubliés, nous annonçons Dieu chaque jour.


« Que dois-je faire ? demandait Don Bosco au bon Don Cafasso.

Viens avec moi et regarde, lui répondit son maître et ami ».

C’est ainsi que Don Bosco rencontra les jeunes en prison. Cette expérience le bouleversa : « Je me disais en moi-même : ces jeunes devraient pouvoir trouver hors d’ici un ami qui s’occupe d’eux, qui leur soit proche, les instruise, les conduise à l’église les jours de fête… ». Il leur apportait de petits cadeaux, leur disait de bonnes paroles, essayait de les faire réfléchir. Et eux lui promettaient de devenir meilleurs. Mais lorsqu’il revenait les voir, tout était comme avant. Une fois, Don Bosco éclata en sanglots.

« Pourquoi est-ce qu’il pleure, ce prêtre, demanda un des jeunes détenus ?

Parce qu’il nous aime bien. Même ma mère pleurerait si elle me voyait ici. »

Tel était le cœur de Don Bosco.

Pour ceux qui n'avaient pas de famille, pour ceux qui se sentaient seuls au monde, pour ceux qui avaient perdu l'affection de quelqu'un qui les aimait, pour ceux qui n'avaient jamais connu l'amour et s'étaient toujours sentis rejetés, se retrouver dans l'affection paternelle de Don Bosco, l'affection maternelle de Maman Marguerite et l'affection fraternelle de la communauté de l'Oratoire, c'était revivre ou vivre pour la première fois. Les jeunes ne venaient pas trouver le prêtre ; ils venaient trouver le père, le frère, l'ami. Une présence profondément humaine, bonne et généreuse, avec une patience inépuisable, qui lui permettait de se mettre au service du dernier arrivé, quelle que fût l’heure.

Le P. Félix Reviglio témoigne : « Don Bosco permettait aux jeunes d'être constamment près de lui, de sorte qu'il n'avait pas encore terminé son frugal déjeuner ou dîner, qu’ils avaient déjà envahi son petit réfectoire et l'entouraient. En dépit du désagrément qu'elles devaient lui occasionner, Don Bosco tolérait avec gentillesse les manifestations de notre reconnaissance. Moi-même alors, ayant sans doute davantage besoin de son affection, je pus me blottir plus d'une fois sous la table et poser ma tête sur ses genoux. »

Et le P. Paul Albera : « Don Bosco éduquait en aimant, en attirant, en conquérant les cœurs et en permettant à nos personnalités d'évoluer. Il nous enveloppait tous et entièrement comme dans une atmosphère de satisfaction et de bonheur, d'où étaient bannies peines, tristesses, mélancolie... Tout en lui avait pour nous un attrait puissant : son regard pénétrant et parfois plus efficace qu'un sermon ; un simple mouvement de tête ; un éternel sourire aux lèvres, toujours nouveau et toujours calme ; la courbure de la bouche, comme quand on veut parler sans prononcer les mots ; les mots eux-mêmes qui cadraient bien avec la situation présente ; la posture de sa personne et sa démarche agile et aisée : toutes ces choses agissaient sur nos jeunes cœurs comme un aimant auquel il était impossible d'échapper; et même si nous l'avions pu, nous ne l'aurions pas fait pour tout l'or du monde, tant nous étions heureux de cet ascendant singulier sur nous, qui était chez lui la chose la plus naturelle, sans calcul ni effort. »


Le livre de la pédagogie de Don Bosco, c’est sa vie

Les éducateurs ne deviennent pas des « surveillants » : ce sont des pères, des frères et des amis qui apprennent à penser, à réfléchir, à évaluer. La clé de tout est la présence parmi les jeunes. Dans l'esprit de Don Bosco, l'éducation se transmet par le contact personnel, presque par un échange d'énergie. Tant que cela fut possible, Don Bosco laissait tout pour être présent dans la cour avec ses garçons. Pour lui, c’était simplement sa façon de vivre l’Eucharistie : « Jusqu’à mon dernier souffle, tout sera pour vous ».

Au Synode auquel j'ai participé, la voix des jeunes nous a réveillés. Avec respect, ils nous ont demandé d’avoir plus de courage pour témoigner avec notre vie de ce que nous proclamons et de ce que nous croyons vraiment. Il y a besoin d'adultes témoins outre les hommes d'Église, car le monde manque cruellement de paternité et de maternité. Nous devons continuer à donner des réponses, non seulement dans les paroisses, les écoles, les oratoires-patronages, les centres de jeunes, les maisons d'accueil pour enfants de la rue ...

Il faut voir plus large : dans les espaces, qui me sont familiers en tant que Salésien, on peut réaliser une maternité et une paternité vraies et authentiques, mûres et saines. Parfois, un éducateur est un ami ou un frère pour les jeunes ; mais être un vrai père ou une vraie mère pour eux est un des plus beaux cadeaux qu’il faut continuer à leur faire. C'est transmettre la sagesse de la vie. Lors de la fête de Noël, nous célébrons la merveilleuse révélation de la nature du Père, avec qui Jésus est tout un. Jésus est Dieu et montre que sa personne est comme un enfant. Jamais dans l'histoire une telle chose ne s'est produite : Dieu avec le visage d'un enfant. Au cœur de notre foi, il n'y a pas un raisonnement, mais une vraie tendresse envers les petits, les gens simples, les laissés-pour- compte.

Nos jeunes devraient nous entendre dire que nous les aimons bien et que nous voulons parcourir avec eux un chemin de vie et de foi. Nos jeunes doivent sentir notre présence affective et efficace parmi eux. Ils doivent sentir que nous ne voulons pas diriger leur vie, ni leur imposer une façon de vivre, mais que nous voulons partager avec eux ce que nous avons de mieux : Jésus-Christ, le Seigneur. Ils doivent sentir que nous sommes là pour eux et, s’ils nous le permettent, pour partager leur bonheur et leurs espoirs, leurs joies, leurs peines et leurs larmes, leurs doutes ou leur recherche de sens, leur vocation, leur présent et leur futur.


Comment démontre-t-on l'existence de Dieu ?


Un enfant demandait à sa mère :

« À ton avis, est-ce que Dieu existe ?

Oui.

Comment est-il ? »

La maman, attirant son fils contre elle, le serra fort dans ses bras et lui dit :

« Dieu est comme ça.

J'ai compris, répondit l'enfant. »

Les jeunes doivent sentir que nous murmurons Dieu. Peut-être ne serons-nous pas d’une orthodoxie et d’une orthopraxie extraordinaires, mais ils sentiront, par notre petite intermédiation, que Jésus les aime et les accueille toujours.


Nous comprendrons alors, comme Don Bosco lors de sa première et dernière messe dans la Basilique du Sacré-Cœur à Rome, que cela en valait la peine.