2005|fr|06: Rajeunir le visage: Jusqu'au sang

Shape1 Shape2 40 ANS APRÈS LE CONCILE

Pascual Chávez Villanueva



R


AJEUNIR

LE VISAGE

JUSQU’AU SANG


Le sang des martyrs est semence de nouveaux chrétiens” (Tertullien). L’Eglise est née du martyre. Le livre de l’Apocalypse appelle Jésus-Christ le « Martyr » qui meurt crucifié comme un malfaiteur et un anathème (Jn 19,6), un blasphémateur et qui constitue une menace pour le peuple, d’après les paroles de Caïphe.




L’


histoire de l’Eglise a écrit, et écrit encore ses pages les plus éloquentes avec le sang des martyrs. Le témoignage du martyre est une des caractéristiques de l’Eglise depuis toujours. Après la Pentecôte, beaucoup parmi ceux qui écoutent la prédication des Apôtres se convertissent, mais tout de suite se déchaîne la persécution contre eux. Menacés, frappés, incarcérés, ils ne cessent de prêcher, en public et en privé. C’est ainsi que la première communauté chrétienne croît et se renforce. C’est le diacre Etienne qui, le premier, aura l’honneur du martyre par une féroce « lapidation » à laquelle assistait aussi Saul, à l’époque persécuteur des chrétiens. Cette mort marqua le commencement d’une cruelle répression qui força beaucoup de personnes à se réfugier dans les zones montagneuses de la Judée et de Samarie, et d’autres à s’expatrier. Parmi les victimes on trouve Jacques, frère de Jean, qui fut décapité à Jérusalem.


[ A Rome, où vit une florissante colonie juive en étroits rapports avec Jérusalem, arrive très tôt la nouvelle de Jésus, apportée peut-être par un transfuge. En l’an 49 on compte déjà de nombreuses communautés chrétiennes, alors que l’empereur Claude ordonna l’expulsion des juifs de la ville à cause des « fréquents tumultes qui éclataient au nom d’un certain Chresto ». Saul/Paul arrive dans la capitale de l’empire vers l’an 61, « prisonnier à cause de Jésus », et il demeure dans une résidence privée (on dirait aujourd’hui « aux arrêts domiciliaires » ) jusqu’en 63. Il a été décapité au cours de la persécution de Néron vers 67. Pierre aussi, arrivé entre-temps, est crucifié vers 64 ou un peu plus tard. Le Pape Clément, dans la lettre qu’il écrivit aux Corinthiens vers l’an 96, fait allusion au martyre de Pierre et de Paul « colonnes qui luttèrent jusqu’à la mort ». Il est beau de constater la manière dont les disciples de Jésus se configurent au Maître, ils l’imitent dans la vie et dans la mort, ils le proclament ressuscité et ils n’hésitent pas à payer de leur vie ce témoignage. Les raisons des persécutions sont complexes. Rome permettait une variété de cultes et de rites, parce que cela favorisait l’unité dans la diversité en obligeant les peuples soumis à ajouter à leurs rites le culte de l’empereur et de la déesse Rome, comme garantie de fidélité. Refuser cela était un acte subversif. Puisque pour le judaïsme monothéiste cela constituait une impiété, les Juifs avaient obtenu un statut spécial, valable aussi dans la diaspora.


[ Néron persécuta les chrétiens parce que leur prosélytisme et leur monothéisme rigide commençaient à préoccuper et, contrairement aux Juifs, ils faisaient des adeptes de toute race et dans toutes les villes. Leur culte, ne jouissant pas d’un statut spécial, est déclaré illicite. Le grand incendie de Rome en 64 fournit le prétexte à l’empereur qui, ayant été accusé par l’opinion publique de l’avoir allumé pour faciliter ses projets d’urbanisation, en fait tomber la faute sur les chrétiens et il extorque par la torture de fausses confessions. Tacite raconte l’ horrible fin qui leur est infligée, mais il justifie la persécution : « Ces individus étaient détestés à cause de leurs abominations ». Trajan promulgue une loi sur la tolérance avec ceux qui sacrifient aux dieux mais il faut condamner les irréductibles, s’ils sont dénoncés. Pline le Jeune confesse de n’avoir découvert aucune des monstruosités dont ils étaient accusés, mais il considère le christianisme «  une superstition mauvaise et dissolue ». L’histoire nous a transmit les Actes de nombreux martyrs des premiers siècles : sainte Agnès, tuée vers la fin du troisième siècle, sainte Cécile, parfait modèle de femme, décapitée pour avoir choisi la virginité, le diacre Laurent, grillé au temps de Valérien.


[ Les persécutions ne se limitèrent pas aux premiers siècles. Elles continuent encore aujourd’hui. Le siècle dernier a peut-être été le siècle qui a donné le plus de martyrs à l’Eglise. Il y a le cas bien connu de Maximilien Kolbe dans le camp de concentration d’Oswiecim, qui offrit sa vie à la place d’un père de famille condamné à mort. Et nous ne pouvons pas oublier les martyrs salésiens, les saints Louis Versiglia et Calixte Caravario, les cinq jeunes de l’oratoire de Poznam, ceux de la guerre civile espagnole…Aujourd’hui encore l’Eglise est persécutée, dans certains endroits d’une manière explicite et sanglante, dans d’autres par des lois restrictives. Parler de christianisme, c’est parler de fraternité universelle, d’engagement pour la justice et la dignité de tous les hommes, spécialement les plus faibles. Sans doute, le courage de s’opposer et de dénoncer les injustices et les vexations comporte d’être mis sur le plan civile et sociale et, dans certains cas, de subir la persécution et la mort. Selon la parole de Jésus, lorsque les croyants ne sont pas persécutés ils doivent s’interroger s’ils n’ont pas manqué à leur rôle prophétique. Celui qui ne conteste pas les injustices, celui qui ne dénonce pas les vexations et les abus, risque de trahir l’Evangile. Une foi authentique va de pair avec le martyre. Les martyrs, aussi bien les canonisés que les autres non officiellement reconnus, sont la gloire de l’Eglise, et servent de point de référence pour les croyants, appelés à rendre témoignage de leur propre foi toujours et partout.


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