2013|fr|05: Don Bosco Éducateur: Les enfants se laissent aller plus par légèreté que par malice

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DON BOSCO ÉDUCATEUR

PASCUAL CHÁVEZ VILLANUEVA


DON BOSCO RACONTE

LES ENFANTS SE LAISSENT ALLER PLUS PAR LÉGÈRETÉ

QUE PAR MALICE


C’est aussi grâce à la présence maternelle de ma mère, dans l'ancienne maison Pinardi (où a commencé l'œuvre salésienne), qu’il y avait un style franc et sincère de relations humaines, fait de chaleur patiente, de compréhension et de correction, un parfait style familial. Avec tout ce monde dans la maison, la discipline était nécessaire pour que tout ne risquât pas de finir en une pagaille incontrôlée. Discipline réduite au minimum, certes, mais « les bons comptes font les bons amis », comme concluait toujours ma mère, dans sa sagesse populaire innée.


Après de nombreuses années d'une expérience riche de bons résultats, je pouvais affirmer que « pour les enfants, est punition tout ce que l'on veut bien considérer comme telle ». Je voulais faire comprendre qu’une punition doit servir à améliorer les choses et non les empirer. Une privation momentanée d'affection, un regard attristé, une attitude plus réservée et sérieuse, un petit mot à l'oreille dit avec douceur et patience, c'étaient les moyens dont je me servais pour corriger et mettre fin à de mauvais comportements toujours possibles.


Parmi les jeunes accueillis, il n'y avait pas que des Dominique Savio. Voilà qu’un jour, un pauvre assistant – peut-être n'était-il pas très accepté par les grands – perdit patience et finit par distribuer quelques claques sonores pour imposer son autorité. Un climat de sourde résistance s'était créé qui pouvait déboucher, d'un moment à l'autre, sur une dangereuse forme d'insubordination incontrôlée. Tout le monde attendait que je prenne position ; je le fis après les prières, au moment du « mot du soir ». Le visage grave, je me mis à dire quel était notre style d'éducation ; je manifestai ma déception en apprenant que l'un des garçons avait été traité aussi durement mais qu'il avait commis un manque grave de respect et d'obéissance envers une personne chargée de maintenir la discipline. Ayant mis les choses au clair, je conclus : « Premièrement, qu'il n'y ait plus de grossièretés et, deuxièmement, jamais plus de violences ». J'avais fait le coup classique : j'avais à la fois botté en touche et au centre. Ensuite, je fis une petite pause, mon visage devint souriant et je repris la parole : « À cause de l'affection que je vous porte à tous, je voudrais même faire l'impossible… Je regrette pour les claques que vous avez prises, mais je ne peux vraiment pas vous les enlever ». J'avais réussi à rompre la glace et tout le monde se mit à rire ; j'attendis de nouveau le silence avant de souhaiter à tous une bonne nuit. 


L'expérience m'enseignait qu'il est beaucoup plus facile de se mettre en colère, de menacer que de chercher à persuader avec les bonnes manières. C'étaient des discussions à n’en plus finir, parfois épuisantes, mais je savais que certains tempéraments difficiles, rebelles et ombrageux, je ne pouvais les vaincre que par la charité, la patience et la douceur. Pratiquement, ils se laissaient plier seulement par la bonté, par le coeur qui dialogue, qui corrige avec amour et délicatesse. Les enfants se laissent aller, en général, plus par légèreté que par malice. Et certains éducateurs, poussés par une hâte excessive ou par l'impatience, commettent des erreurs plus graves que les manques des enfants eux-mêmes. Je remarquais souvent que certains qui ne pardonnaient rien aux autres étaient plus enclins à s’excuser eux-mêmes. Et quand on use de deux poids et deux mesures de façon arbitraire, les éducateurs finissent par commettre des fautes et des erreurs monumentales. Je rappelais souvent à mes Salésiens que les enfants sont de « sacrés psychologues » quand ils jugent leurs éducateurs et leurs maîtres ainsi que la forme, le ton et l'impudence avec lesquels ils profitent de leur autorité. Je souhaitais toujours que mes chers Salésiens sachent attendre le moment opportun pour mettre les choses au point, et jamais poussés par la colère ou le sentiment de vengeance. Et je voulais qu’ils n'oublient jamais que les enfants et les jeunes, il faut les conquérir l’un après l’autre, jour après jour, pour les orienter vers le Seigneur, parce que lui seul sait dessiner en eux son visage divin. Je voulais que mes chers Salésiens portent toujours avec eux un remède indispensable et infaillible (même si on ne le trouve en aucune pharmacie) : avant de dire « oui » au Seigneur, les jeunes veulent et prétendent que d'autres répondent « oui » à leurs jeux et à leurs rêves.


Depuis longtemps j'avais adopté une méthode infaillible pour éduquer au bien : être toujours au milieu des jeunes. Je voulais mes Salésiens « éducateurs de cour de récréation » ; ouverts au dialogue, créatifs, vigilants mais non soupçonneux, présents mais non étouffants, accueillants et joyeux, des amis vrais.


C'est ainsi que je définissais l'assistance : une présence de qualité, jamais neutre, ayant toujours quelque chose à proposer ; une assistance qui était attente accueillante, présence active et de qualité. Une manière d'être avec les jeunes, à leurs côtés. « Être sur la cour » pour partager avec les jeunes leurs rêves et leurs espérances, pour construire ensemble un avenir plus beau et plus digne, sans les barrières de la méfiance. La cour de récréation comme lieu « sacré » de l'amitié et de la rencontre où prend naissance la confiance cordiale, où l'éducateur est descendu de son estrade et n'a plus en main son journal de classe, où sa valeur ne se traduit pas tant par ses titres universitaires que par ce qu'il est lui-même, par les valeurs qu'il exprime, par les idéaux qui l’animent. Le jeune, même le plus rebelle, se laisse prendre uniquement par la bonté et par la patience. C'est pour cela que je suggérais à mes Salésiens : « Plus qu'une tête de supérieur, il convient d'avoir un coeur de père ».