351-400|fr|396 Tu aimes tou les etres...

1. LETTRE DU RECTEUR MAJEUR

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TU AIMES TOUS LES ÊTRES ET NE

DÉTESTES AUCUNE DE TES ŒUVRES []

MAÎTRE QUI AIMES LA VIE” (Sg 11,24-12,2)




Le Congrès Mondial des Coopérateurs Salésiens – Le Séminaire “Europe Terre de Mission” – L’Assemblée de l’Union des Supérieurs Généraux – Les Célébrations en l’honneur de Maman Marguerite – ETRENNE 2007 – 1. Introduction. – 2. Ambiguïté de la culture de la vie. - La valeur de la vie humaine proclamée et défendue, mais aussi agressée et menacée. - Qualité de la vie : un but ambigu. – Croissance de l’agressivité destructrice. - Une culture “anti-vie”. – 3. Implication de la Famille Salésienne dans la défense de la vie. – 4. Le Dieu qui aime la vie. – 5. Laissons-nous guider par l’amour de Dieu pour la vie. – 6. Don Bosco, quelqu’un qui aime et favorise la vie pour les jeunes, surtout les plus pauvres. 7. Engagement de la Famille Salésienne en faveur de la vie. – 7.1 Défendre la valeur de toute vie humaine. - Considère la vie comme un don. – Favorise une vision intégrale de la vie. – 7.2 Protéger la vie des pauvres. – Auprès des jeunes à risque : accueil et éducation. – Auprès des familles en difficulté : accompagnement et aide. – 7.3 Eduquer à la valeur de la vie. - L’Oratoire-Centre de Jeunes – Le volontariat. – 7.4 Annoncer Jésus Christ : il est donneur de sens à la vie ; il est source de vie. – 7.5 Remercier pour la vie et la célébrer. – 7.6 Prendre soin de la création avec amour.Conclusion : deux textes à partager - offrande au monde le parapluie jaune.




1er Janvier 2007

Solennité de Sainte Marie Mère de Dieu



Très chers confrères,


Nous commençons aujourd’hui une nouvelle année, qui s’ouvre devant nous riche d’espérance. Et ce début coïncide avec le jour où nous célébrons la Solennité de la Maternité Divine de Marie et la Journée Mondiale de la Paix. La nouveauté de l’an nouveau nous rappelle que le temps est grâce, occasion favorable de croissance humaine et spirituelle, occasion d’un plus grand engagement pour vivre notre vie comme un don, pour aider les enfants et les jeunes à découvrir la beauté et le sens de la vie, à la défendre et à la faire croître jusqu’à sa plénitude. Avec le psalmiste j’aime dire au Seigneur : “Apprends-nous à compter nos jours, et nous obtiendrons la sagesse du cœur” (Ps 90,12). La paix ne peut être réduite à l’absence de guerre ou de conflits, ni être non plus limitée à des pactes de non-agression, même si parfois, dans certaines parties du monde tant éprouvées par le fléau de la violence, une telle paix est déjà un grand résultat. La paix est la réconciliation totale de l’homme avec lui-même, avec les autres, avec la nature, avec Dieu, et cette paix est possible à condition qu’il y ait la vérité, la justice, le développement, le pardon entre les personnes, les groupes sociaux et les nations. Avec le psalmiste il me plaît de proclamer : “Amour et vérité se rencontrent, justice et paix s’embrassent” (Ps 85,11). Eh bien, pour faire en sorte que tout ce merveilleux dessein de salut offert par Dieu se réalise, l’Eglise nous présente Marie dans sa maternité divine. Elle nous accompagnera au cours de cette année 2007 et nous portera, au moyen de la Liturgie, vers la rencontre avec Jésus, en nous invitant à l’accueillir : « Tout ce qu’il vous dira, faites-le » (Jn 2,5). Jésus, en effet, est venu pour que nous ayons la vie en abondance (cf. Jn 10,10), car Lui-même est la résurrection et la vie (cf. Jn 11,25), Celui qui a révélé le sens plein de l’existence humaine et qui possède les clefs pour ouvrir les portes du passage de la mort à la vie. Je souhaite à tous et à chacun de vous une plénitude de vie dans le Christ, tandis que je vous transmets le programme spirituel et pastoral pour cette année, qui a précisément pour thème “la vie”.

Mais avant de vous présenter mon commentaire de l’Etrenne, je voudrais partager avec vous quelques-uns des événements que j’ai vécus durant ces trois derniers mois, après ma dernière lettre circulaire. Cette période, de septembre à décembre 2006, a été particulièrement intense, car elle m’a vu fortement occupé dans les visites d’animation faites aux quasi-Provinces de l’Angola, de l’Afrique Occidentale Francophone et de Madagascar : toutes les trois célébraient le 25ème anniversaire de l’arrivée des premiers Salésiens. J’ai rendu visite également à la Province du Pérou, que depuis 15 bonnes années aucun Recteur Majeur n’avait visitée, et à celles de la Bolivie et du Chili. Je ne m’attarde pas à raconter les expériences vécues et les impressions recueillies dans ces visites, en premier lieu parce que vous en trouverez la chronique dans ce même numéro des ACG, mais aussi parce que de nos jours, grâce à l’ANS, est effectuée aussitôt la communication de tout ce qui se produit dans la Congrégation. J’ai participé par ailleurs à l’Harambée [“tous pour un” : mot d’une langue africaine pour désigner une activité en commun, en ligne de soilidarité] et à la célébration d’envoi de la 137ème expédition missionnaire, qui cette année encore s’est déroulée à la Basilique Don Bosco de Colle Don Bosco. J’ai présidé la session intermédiaire du Conseil Général, prononcé le discours inaugural de l’année académique de l’UPS, effectué à Arese une intervention lors de la Rencontre sur “Formation Professionnelle et Malaise des Jeunes”, à l’occasion des 50 ans de notre présence, présence que nous confia le futur Cardinal Jean-Baptiste Montini, alors Archevêque de Milan, en invitant les Salésiens “à affronter un autre type de jeunes”. J’ai prêché en outre la Retraite Spirituelle aux Provinciaux, aux Conseillers provinciaux et aux Directeurs des Provinces de Pologne et de la Circonscription EST. J’ai été présent, le jour de la conclusion, au Congrès Mondial des Salésiens Coopérateurs, je me suis particulièrement intéressé au déroulement du Séminaire “Europe Terre de Mission” et j’ai participé à l’Assemblée générale de l’Union des Supérieurs Généraux et à la célébration pour le 150ème anniversaire de la mort de Maman Marguerite.

Comment pourrais-je faire la synthèse d’une si grande richesse de vécu salésien ? Simplement en louant Dieu pour tant de belles choses que le Seigneur me permet de toucher du doigt. Oui, le Seigneur est vraiment généreux et bon avec nous. Et la première et meilleure réponse est de le louer et de le remercier, d’une manière qui fasse mériter de nouvelles et plus grandes grâces.

Ici je m’attarderai seulement sur les quatre derniers événements indiqués ci-dessus, car je retiens qu’ils ont une plus forte importance sur le plan de toute la Congrégation.


Tout d’abord :

Le Congrès Mondial des Salésiens Coopérateurs


Il s’est déroulé à Rome, au Salesianum, du 9 au 12 novembre 2006. Il s’est révélé comme une belle expérience de réalité salésienne, vécue dans un climat de famille, et cela fut mis en évidence par tous les participants. Il a constitué la dernière étape d’un parcours de près de six ans, commencé avec la proposition de répartir la matière du Règlement de Vie Apostolique en deux parties : la première relative à l’identité du Coopérateur sur le plan de la vocation et de l’apostolat (le “Statut”) et la seconde (le “Règlement”) concernant les éléments d’application, d’organisation et de flexibilité.

Toute l’Association, animée par la Consulte Mondiale, a fait un travail d’étude et d’approfondissement, visant, au moyen de la collaboration et de l’échange continuel avec la base, au renouvellement du Règlement de Vie Apostolique. Le résultat a été l’élaboration d’un document, divisé en deux parties, mais avec un seul titre : Projet de Vie Apostolique.

Dans ce processus on est parti des Centres locaux et des Conseils provinciaux, en demandant les avis et les propositions. La Consulte Mondiale avait préparé une première ébauche officielle remontant déjà à février 2003, en restant le plus possible fidèle à l’excellent texte théologique et charismatique du RVA (1986) et en cherchant à insérer des éléments en faveur d’une plus grande autonomie des structures, d’une sensibilité à l’apostolat des laïcs vivant dans le siècle plus adaptée aux besoins de la mission salésienne dans le monde d’aujourd’hui. La grande richesse de ce processus a été précisément la contribution qu’ont apportée les Coopérateurs Salésiens eux-mêmes, plus que jamais conscients de leur vocation apostolique salésienne spécifique.

En demandant que dans le texte renové du Projet de Vie Apostolique leur nom soit changé et passe de “Coopérateurs Salésiens” à “Salésiens Coopérateurs”, les Coopérateurs voulaient exprimer d’une façon claire leur conscience d’être, selon le cœur de Don Bosco, de vrais “salésiens externes”, insérés dans le monde.

L’échange continuel des ébauches opéré entre les Coopérateurs Salésiens du monde entier, le Recteur majeur et la Consulte Mondiale, et suivi aussi par la Mère Générale des FMA, a produit comme fruit que le texte proposé en vue du vote “ad experimentum” pour les six années à venir, a été voté presque à l’unanimité des participants de droit au Congrès.

Avec un grand enthousiasme a été accepté également mon désir de transformer l’ “Association” en un immense mouvement apostolique salésien regroupant toutes les branches de la Famille Salésienne, afin de présenter plus de visibilité, plus de crédibilité et plus d’efficacité dans la mission en faveur des jeunes d’aujourd’hui, selon le cœur apostolique de Don Bosco.

Les Salésiens de Don Bosco, après 140 ans d’assistance continuelle comme délégués, et les Filles de Marie Auxiliatrice, comme déléguées dans le secteur de leurs œuvres, deviennent conscients de la grande tâche d’accompagner non seulement les amis et les bienfaiteurs de la mission salésienne, mais avant tout et surtout les frères et les sœurs qui constituent une force d’apostolat opéré par des laïcs vivant dans le siècle, une force jaillie du cœur même de Don Bosco.

Le Congrès s’est terminé en deux temps : d’abord dans la Basilique Saint-Pierre avec le renouvellement de la promesse devant la tombe de l’Apôtre et ensuite sur la Place dans l’écoute du message du Pape, dans la ligne de ce qui avait constitué la devise du Congrès : “Nous renouvelons le Règlement, le Règlement nous renouvelle”. Tout cela pour indiquer que le Congrès n’était pas tant un point d’arrivée qu’un moment pour un départ de renouveau.


C’est un événement significatif qu’a été :

Le Séminaire “Europe Terre de Mission”


Du 16 au 20 novembre a eu lieu ce Séminaire, organisé par le Dicastère pour la Pastorale des Jeunes et le Dicastère pour les Missions, avec la participation des trois Conseillers Régionaux de l’Europe, des Délégués Provinciaux pour la Pastorale des Jeunes et d’autres représentants de toutes les Provinces des trois Régions européennes. Le Séminaire se voulait dans une ligne de continuité avec la Rencontre des Provinciaux de l’Europe qui eut lieu aux premiers jours de décembre 2004 et avec les autres rencontres européennes mises en place surtout par le Dicastère de la Pastorale des Jeunes. Dès le premier moment, et jusqu’à la fin, j’ai cherché à suivre de très près la rencontre, invitant les Confrères à entreprendre avec courage le grand projet de “redonner une âme à l’Europe”, en nous livrant avec parresia [assurance pour parler], confiance, joie, générosité et compétence à l’éducation à la foi et de la foi des jeunes. J’ai voulu proposer comme modèle de la nouvelle évangélisation de l’Europe Saint Paul : enchaîné à Rome dans une petite pièce qui n’avait pas plus de trois mètres carrés, il a témoigné du Christ et annoncé son Evangile avec pleine assurance et sans obstacle (cf. Ac 28,16-31).

Le Séminaire s’est déroulé avec grande responsabilité de la part de tous dans l’analyse de la situation si bigarrée dans les différentes zones de l’ouest à l’est et du nord au sud du continent, comme dans le partage des expériences déjà accomplies dans les diverses Provinces. Il était important de partager tout cela et d’en faire un patrimoine commun : nous étions conscients de ne pas partir de zéro, mais d’avoir au contraire derrière nous une expérience reconnue et de pouvoir mettre à profit les diverses occasions que nous offre l’histoire, tout en étudiant comment affronter les défis que nous présente cette Europe d’aujourd’hui ; il nous faut pour cela attacher de l’importance et prêter attention à tous les éléments qui sont à même de favoriser une véritable action d’évangélisation. Nous sommes conscients qu’aujourd’hui plus que jamais notre tâche est de donner la priorité à la première annonce de l’Evangile et à présenter la personne du Christ. Cela requiert un nouveau type d’évangélisateur, ayant la même passion apostolique du “Da mihi animas…” que Don Bosco. Le document de conclusion, accompagné de ma lettre aux Provinciaux et à tous les confrères d’Europe, présente très bien tout ce qui a été fait pendant le Séminaire et tout ce qu’on a voulu prendre comme engagement. J’en reste satisfait et il me plairait de voir également les autres Régions promouvoir une semblable expérience, car l’Europe n’a pas l’exclusivité de la priorité de l’évangélisation.


Ensuite s’est déroulée :

L’Assemblée de l’Union des Supérieurs Généraux


Du 22 au 24 novembre, encore une fois au Salesianum, s’est déroulée l’Assemblée de l’USG, avec le thème “Ensemble pour le Royaume”. Le premier jour j’ai vu, en plus de celle des Supérieurs d’Ordres et de Congrégations de religieux hommes, la participation active d’un groupe nombreux de Supérieures Générales. On a vécu cette journée dans l’esprit du Congrès International de la Vie Consacrée qui a eu lieu à Rome en novembre 2004. Le thème, mais aussi la présence simultanée de membres de l’USG et de l’UISG, ont été une invitation à traduire de façon concrète la spiritualité de la communion, à étudier les expériences de collaboration entre l’Union des Supérieurs Généraux et l’Union Internationale des Supérieures Générales, entre des Congrégations proches par le charisme ou la mission, le tout visant à une collaboration de plus en plus grande et significative. Il n’a pas été question d’élaborer des stratégies de survivance devant le phénomène du vieillissement ou du manque des vocations, comme celui qui est en train de se produire dans une partie du monde occidental, mais d’acquérir davantage le sens de l’Eglise et de nous laisser guider par l’Esprit Saint vers une plus grande signification de la Vie Religieuse dans le monde d’aujourd’hui, unis par la mission du Christ elle-même. Ce n’est pas une question purement liée à la fonction à remplir, mais une question théologique dans le sens que l’Esprit, qui crée la diversité et la richesse des charismes, appelle à l’unité pour la construction du Corps du Christ. Nous, en tant que Salésiens, nous avons fait beaucoup de chemin dans la collaboration avec les laïcs, auxquels depuis des années sont confiés des rôles de responsabilité, spécialement dans le domaine de l’école. Nous sommes en train de grandir en communion au service de la mission en tant que Famille Salésienne. Quelques Provinces, dans les missions, dans l’éducation, dans les maisons d’accueil ont des relations institutionnalisées avec des groupes de la FS ou d’autres institutions religieuses. Ce qu’on est en train de promouvoir aujourd’hui à l’intérieur de la Vie Consacrée, c’est la “collaboration entre égaux” avec d’autres Instituts religieux, des diocèses, des organisations de laïcs. Dans ces cas on établit des conventions, qui sont faites non pas entre des personnes en particulier, mais entre des institutions et qui visent à une action commune au niveau de la planification, au partage des décisions et à une vérification effectuée ensemble. Tout cela trouve déjà une concrétisation, par exemple, dans tout ce qu’on est en train de faire pour affronter le défi du VIH/SIDA en Afrique, pour contrecarrer le trafic d’êtres humains, pour avoir une représentation qui ait du poids et du sens auprès de l’ONU. Evidemment pour entreprendre ce type d’engagements l’enthousiasme ne suffit pas, si l’on veut assurer de la continuité et du résultat. De telles interventions exigent des conventions qui doivent bien définir le projet, les objectifs, les processus pour la prise de décisions, les financements, le personnel, les stratégies pour affronter les situations conflictuelles. Nous sommes bien placés pour connaître les résistances et les difficultés qui existent pour collaborer à l’intérieur même de la Congrégation, de la Région ou de la Province. Il n’est donc pas difficile d’imaginer combien peuvent être plus grands les défis au niveau intercongrégationnel. A mon avis le point le plus important est celui de croître dans la culture de la communion et dans la conscience que la mission pour laquelle nous travaillons est la mission du Christ.

Dans le dernier jour de l’Assemblée j’ai été élu Président de l’USG. J’ai considéré cette élection comme une expression de confiance envers la Congrégation Salésienne, plus qu’envers ma personne. Pour ma part je chercherai à faire de mon mieux, avec le Vice-Président et le Conseil Exécutif qui a été mis à mes côtés. L’objectif premier est d’accompagner et de guider la Vie Consacrée aujourd’hui sur le chemin qu’elle est en train de parcourir, de manière que dans l’Eglise elle puisse répondre aux attentes de Dieu et aux besoins de l’humanité. Je suis convaincu que la Vie Consacrée représente une vraie thérapie pour notre société, à condition cependant qu’elle soit un signe visible et crédible de la présence et de l’amour de Dieu (“mystique”), qu’elle porte à un jugement critique vis-à-vis de tout ce qui attente à la personne humaine, entendue selon le dessein de Dieu (“prophétie”), et qu’elle soit solidaire avec l’humanité, spécialement celle qui le plus endure la pauvreté, la misère, l’exclusion ou la mise à l’écart (“diaconie ; service”). Il semble qu’aujourd’hui plus que jamais ce que l’on demande soit d’écouter l’Esprit et de se laisser guider par Lui.


Je veux enfin vous indiquer :

Les Célébrations en l’honneur de Maman Marguerite


Un événement qui a suscité un très grand enthousiasme, en donnant lieu à de multiples et très belles initiatives, telle a été la fête du 150ème anniversaire de la mort de Maman Marguerite. Dans une lettre que je leur ai écrite, j’adressais aux Provinciaux l’invitation à me faire savoir comment ils entendaient célébrer dans leurs Provinces cette date spéciale. Je remercie tous ceux qui ont répondu, en m’envoyant les programmes au moyen desquels ils ont honoré la maman de Don Bosco. J’ai un beau dossier qui atteste les activités et les célébrations réalisées au cours de l’année 2006. Nous sommes arrivés ainsi au 25 novembre, remplis de joie en raison du don merveilleux que le Seigneur nous a fait par l’intermédiaire de la Congrégation pour les Causes des Saints : par Décret du 23 octobre, elle a reconnu l’héroïcité de la vie et des vertus de Maman Marguerite, ainsi que la valeur de la réputation de sainteté retenue à son sujet dans l’opinion publique, et l’a déclarée Vénérable. Je sais gré d’une façon particulière au Saint-Père qui a accueilli positivement notre demande d’arriver, munis de cette reconnaissance, à la date du 25 novembre, dans le respect toutefois des étapes normales du procès. Je ne vous cache pas que j’ai vécu la lecture et la remise officielle du Décret avec une immense émotion. A présent, tandis que nous prions pour que le Seigneur hâte le jour de la béatification et celui de la canonisation de Maman Marguerite, ce qui importe est avant tout de continuer à promouvoir la vocation à la sainteté dans notre Famille Salésienne. Quel que soit notre projet personnel de vie, nous devons assumer tout ce qu’il y a de quotidien dans notre existence et d’habituel dans notre travail comme un chemin de sanctification, conscients que cette sanctification ne consiste pas à faire des choses extraordinaires, mais à faire d’une manière extraordinaire les choses ordinaires. D’autre part, je vous invite à promouvoir l’ “Association Maman Marguerite” dans toutes les Provinces, de manière que les parents de personnes consacrées s’emploient à accompagner la vocation de leurs enfants et à les soutenir de la prière afin qu’ils soient fidèles, spécialement dans les moments d’épreuve. Etant donné que l’Association existe déjà en beaucoup d’endroits, ce serait peut-être le moment de penser à une appartenance officielle à la Famille salésienne.




ETRENNE 2007



Encore une petite réflexion avant de passer au commentaire de l’Etrenne. Elle concerne l’impact que l’Etrenne est en train d’avoir dans tout le monde salésien, dans le sens que de plus en plus elle est en train de se transformer en un véritable programme spirituel et pastoral. Cela réclame une attention particulière, pour éviter d’avancer sur la base de programmes de courte échéance, qui pourraient compromettre le projet (PEPS) des diverses œuvres et celui des différentes Provinces. On devrait plutôt, d’une part, rappeler que l’Etrenne est pour toute la Famille salésienne et que les Salésiens n’en ont pas l’exclusivité, et, d’autre part, chercher – au moins dans notre cas – à relier l’Etrenne aux grands choix du PEPS, justement pour tirer profit de ce qu’elle apporte de stimulant, restant toujours au service de la réalisation du projet éducatif et pastoral envisagé dans son organisation d’ensemble.



1. Introduction


L’Etrenne de l’an dernier a suscité dans la Famille Salésienne un grand enthousiasme et fait naître une multitude d’initiatives. Avec l’Etrenne de cette année je voudrais donner une continuité aux parcours commencés et en même temps ouvrir de nouveaux horizons.

Au cours de l’année 2006, que nous avions dédiée à l’engagement pour la famille, nous avons vécu le grand événement ecclésial de la Vème Rencontre Mondiale des Familles, dans laquelle a été réaffirmée la valeur de l’amour humain et de la vie humaine, dont la famille constitue le milieu privilégié. Les paroles du Pape, adressées à des centaines de milliers de participants, parmi lesquels se trouvaient de nombreux membres de la Famille Salésienne, donnent de l’espérance et nous engagent à continuer notre chemin pour la défense de la vie et le renouveau de la famille, berceau de la vie et de l’amour.

Pendant cette même période, cependant, nous avons vécu des événements dramatiques, dans lesquels nous avons connu une fois encore le mépris envers la vie humaine : les guerres en Iraq et au Moyen-Orient, la violence terroriste, l’inexorable progression de l’émigration, les abus commis sur des enfants et des femmes et l’exploitation de ces personnes, les lois qui approuvent l’expérimentation sur les cellules embryonnaires, etc..

Tout cela fait voir que le grand don de la vie se trouve de nos jours menacé, comme l’affirmait le vénéré Pape Jean-Paul II en s’adressant aux jeunes de la VIIIème Journée mondiale de la Jeunesse : «  Les menaces contre la vie ne faiblissent pas avec le temps. Au contraire, elles prennent des dimensions énormes. Ce ne sont pas seulement des menaces venues de l’extérieur, des forces de la nature ou des “Caïn” qui assassinent des “Abel” ; non, ce sont des menaces programmées de manière scientifique et systématique. Le vingtième siècle aura été une époque d’attaques massives contre la vie, une interminable série de guerres et un massacre permanent de vies humaines innocentes. Les faux prophètes et les faux maîtres ont connu le plus grand succès possible ». 1

Devant cette réalité nous ne pouvons pas rester indifférents, surtout comme membres de la Famille Salésienne, animée par l’esprit de l’humanisme de St François de Sales, que Don Bosco a vécu et nous a transmis comme un précieux héritage d’éducation. C’est un humanisme qui nous fait mettre en valeur, défendre et développer tout le positif présent dans la vie des personnes, dans les choses et dans l’histoire, croire dans la force du bien et nous engager à le promouvoir plutôt qu’à nous lamenter du mal, aimer la vie et toutes les valeurs humaines que l’on rencontre en elle. 2

Nous devons nous sentir interpellés par Dieu qui aime la vie. Si la vie humaine jaillit de l’Esprit même de Dieu, si elle est souffle divin, si nous avons été créés à son image et ressemblance, nécessairement au-dessus de notre existence flotte l’amour divin. Dieu aime tous les êtres. Il ne peut rien haïr de ce qu’il a créé avec amour.

Contre ce que peuvent penser ceux qui vivent avec l’obscure conviction que Dieu constitue une menace pour l’être humain et une présence oppressante, qu’il convient d’éliminer pour vivre et jouir plus pleinement de l’existence, nous voulons proclamer notre foi en Dieu considéré comme le meilleur ami de l’homme et le plus sûr défenseur de sa vie.

C’est ainsi qu’il s’est manifesté tout au long de l’histoire d’Israël et c’est ainsi que s’exprime l’auteur du livre de la Sagesse : “Tu aimes tous les êtres et ne détestes aucune de tes œuvres : aurais-tu haï l’une d’elles, tu ne l’aurais pas créée. Et comment un être quelconque aurait-il subsisté si, toi, tu ne l’avais voulu, ou aurait-il été conservé sans avoir été appelé par toi ? Tu les épargnes tous, car ils sont à toi, Maître qui aimes la vie, et ton esprit incorruptible est dans tous les êtres. Aussi tu reprends progressivement les coupables et tu les avertis, leur rappelant en quoi ils pèchent, afin qu’ils renoncent au mal et qu’ils croient en toi, Seigneur.” (Sg 11,24-12,2).

Dieu donne la vie par amour, la maintient dans l’amour et la destine à aimer. Et c’est l’amour de Dieu qui nous pousse à aimer la vie, à la promouvoir avec un service responsable, à la défendre avec espérance, à en annoncer la valeur et le sens, spécialement aux jeunes les plus faibles qui ne pouvant se défendre restent sans la moindre protection, à tous ceux qui vont à la dérive entre le vide et l’inquiétude.

C’est pourquoi je propose à toute la Famille Salésienne de se laisser guider par ce Dieu qui aime la vie et par son amour pour la vie et de s’engager avec décision dans la défense et dans le développement de cette vie.


A une époque où la vie est particulièrement menacée, en tant que Famille Salésienne nous nous engageons à :

  • accueillir avec gratitude et avec joie la vie comme un don inviolable,

  • promouvoir avec passion la vie comme un service responsable,

  • défendre avec espérance la dignité et la qualité de toute vie, surtout la plus faible, pauvre et sans défense.


Cette étrenne veut être “une réaffirmation précise et ferme de la valeur de la vie humaine et de son inviolabilité, et, en même temps, un appel passionné adressé à tous et à chacun, au nom de Dieu : respecte, défends, aime et sers la vie, toute vie humaine ! C'est seulement sur cette voie que tu trouveras la justice, le développement, la liberté véritable, la paix et le bonheur !”. 3



2. Ambiguïté de la culture actuelle de la vie


Le Pape Benoît XVI disait aux prêtres du Diocèse de Rome : « Je crois que, d’une certaine manière, tel est le noyau de notre pastorale : aider à faire un vrai choix pour la vie, à rénover notre rapport avec Dieu comme le rapport qui nous donne vie et nous montre le chemin pour la vie ». 4

Notre premier effort doit donc être orienté de manière à chercher à discerner quelques-unes des graves contradictions de la culture de notre temps, à recueillir les points qui font question à partir de la manière de vivre de l’homme contemporain, à mettre en valeur ce qu’il y a de positif dans la vie moderne pour l’intensifier et à dénoncer la “culture de mort” qui menace l’existence de l’être humain et de son monde.


La valeur de la vie humaine proclamée et défendue, mais aussi agressée et menacée

L’homme moderne a acquis, cela ne fait aucun doute, une conscience beaucoup plus vive de la dignité de la personne humaine et de ses droits inviolables. De nos jours, on réagit vigoureusement contre la peine de mort, la torture, les mauvais traitements ou n’importe quelle offense capable de dégrader la personne. Les législations modernes et les mesures sociales accueillent de multiples manières cette exigence de respect de la personne et de défense de la vie humaine.

Mais ce serait une erreur d’ignorer les mauvais coups que l’on continue à porter contre ce que l’on proclame sur le plan de la vie sociale et ce qui est codifié dans les lois. La vie humaine est éliminée avant l’accouchement au moyen d’actions abortives ; et elle l’est de même dans des situations plus ou moins terminales, au nom d’une “pitié” mal comprise envers le malade ou bien de ce que l’on proclame “mort digne” ou euthanasie.

Il y a un scandale qui crie vers le ciel, et c’est l’existence de nombreux enfants, garçons et filles, maltraités ou soumis à des abus sexuels, de femmes contraintes de se prostituer, exploitées et tenues en esclavage par des groupes organisés au service du marché du sexe.

Est particulièrement désolant le spectacle de tant de personnes qui, surtout parmi les jeunes, sont prises dans le tourbillon de la drogue, de la consommation de l’alcool, ou qui s’adonnent à un style de vie écervelé, désordonné et irresponsable.

Dans une société et dans un monde de plus en plus développés, où les possibilités d’une vie digne sont de plus en plus abondantes, sont, malgré cela, en augmentation le nombre de personnes exclues, contraintes de vivre à la limite de la subsistance, et celui de nations et de continents entiers exploités et laissés dans l’oubli, comme s’il s’agissait d’êtres de deuxième catégorie.


Qualité de la vie : un but ambigu

Pendant longtemps la préoccupation des peuples s’est focalisée sur le fait d’assurer les conditions fondamentales et indispensables pour réussir à subsister. C’était l’unique objectif auquel on pouvait aspirer, lorsqu’il n’y avait presque pas de ressources pour s’attendre à beaucoup plus. Depuis quelques années la qualité de la vie est devenue un nouveau but de la société et des individus.

Cette préoccupation pour la qualité de la vie peut conduire à des conséquences très diverses, suivant l’intention qui l’anime : elle peut être inspirée par une volonté humanitaire de développer les conditions les plus favorables à l’expansion et au développement d’une vie digne pour tous les êtres humains, ou bien devenir une exigence absolue en elle-même, d’inspiration utilitariste ou hédoniste, selon laquelle on mesure, on évalue et on va même jusqu’à exclure de la vie ceux qui n’atteignent pas un niveau déterminé. De cette façon on introduit une division, par exemple entre des malades qui sont soignés à l’aide de toutes sortes de moyens et des malades présentant une faible qualité de vie (certains handicapés, certaines personnes âgées sans famille ou atteintes de maladies chroniques, etc.) qui peuvent être délaissés et auxquels on peut, à la limite, refuser une médication plus efficace. Il y a des vies qui sont considérées comme moins importantes ou moins utiles, des vies qui sont de trop et qui arrivent au point d’être perçues comme une menace pour le bien-être des autres et pour cela sont éliminées.

Pour accorder à un petit nombre une haute qualité de vie, dans une mentalité d’hédonisme et de consommation à outrance, on est en train de favoriser la détérioration et la destruction de l’écosystème planétaire (pollution sous ses différentes formes, changement climatique, crise des ressources en eau, réduction de la biodiversité, etc.), en favorisant un modèle de développement non soutenable et qui compromet gravement l’avenir de toute l’humanité.


Croissance de l’agressivité destructrice

Tant de signes montrent que sont en train de croître l’estime pour la vie humaine, la considération envers tout être vivant et le respect du milieu naturel : malheureusement dans le même temps augmentent aussi les manifestations d’une violence de plus en plus forte et destructrice. Pensons aux guerres et au commerce d’armes qui les soutient, guerres qui continuent à accumuler des milliers de victimes innocentes ; comme aussi aux cruels combats entre les peuples et entre les ethnies, combats qui obligent des populations entières à abandonner leurs habitations et à chercher refuge en dehors de leur patrie ; ainsi qu’à la violence croissante d’origine xénophobe contre les immigrants qui, considérés comme un danger et une menace, sont exploités car on leur dénie les droits les plus fondamentaux.

Il existe encore d’autres formes de violence qui proviennent d’une attitude “anti-vie”, attitude que font naître des expériences de frustration au niveau des aspirations les plus profondes de la personne ; croissent alors en celle-ci l’hostilité, le refus et la haine à l’égard de la vie et des autres ; on détruit les choses, on maltraite les personnes, on démolit gratuitement…. C’est cette violence qui bien des fois domine dans les bandes de jeunes ou dans des groupes qui provoquent des actions violentes dans les rues, etc..


Una culture “anti-vie”

L’aspect qui éveille une plus grande préoccupation est dans le fait que se répand une manière de penser, d’évaluer et de se comporter qui apparaît comme normale (on va même parfois jusqu’à la présenter sous l’apparence de défense de la liberté) et qui, plutôt que de défendre et de promouvoir la vie, est en train de la conduire vers sa détérioration, de la vider de tout contenu et, à la limite, de l’éliminer elle-même. C’est ce que le Pape Jean-Paul II appelait une « culture de mort » : “Nous sommes face – écrivait-il – à une réalité plus vaste, que l’on peut considérer comme une véritable structure de péché, caractérisée par la prépondérance d’une culture contraire à la solidarité, qui se présente dans de nombreux cas comme une réelle « culture de mort ». [] Il se déchaîne ainsi une sorte de « conspiration contre la vie ». Elle ne concerne pas uniquement les personnes dans leurs rapports individuels, familiaux ou de groupe, mais elle va bien au-delà, jusqu’à ébranler et déformer, au niveau mondial, les relations entre les peuples et entre les Etats”. 5


Devant cette situation nous nous sentons profondément interpellés en tant qu’éducateurs, des éducateurs qui veulent aider les jeunes à découvrir et à promouvoir la valeur absolue de toute vie, surtout de la vie humaine. Voici quelques-uns des éléments qui constituent un défi et interpellent :

Le fondement dernier de la valeur absolue de toute vie humaine.

Pourquoi toute vie humaine mérite-t-elle d’être toujours défendue et respectée, en n’importe quelle situation et en n’importe quelle circonstance ? Y a-t-il des vies qui valent plus que les autres ? Où trouve-t-on le critère pour une qualité de la vie vraiment digne de la personne humaine ?

Le défi de la promotion de la vie pour tous, surtout pour les personnes les plus faibles qui ne pouvant se défendre restent sans la moindre protection.

Est-il humain que précisément la grande sensibilité de l’homme contemporain vis-à-vis d’une vie plus pleine et meilleure se transforme bien des fois en la plus grande menace pour la vie des personnes les plus faibles qui ne pouvant se défendre restent sans la moindre protection ?

Le défi de l’évangélisation dans ce contexte et dans cette culture.

Comment affronter cette culture contraire à la vie et, en elle, annoncer l’ “Evangile de la vie” comme étant pour tous une force qui guérit et vivifie ?

Comment développer dans nos communautés, parmi les jeunes et dans la Famille Salésienne un style de vie selon la proposition de Don Bosco, qui puisse porter tous à aimer, à mettre en valeur, à défendre et à promouvoir la vie comme don et comme service ?



3. Implication de la Famille Salésienne dans la défense de la vie


Cette vision de la réalité ne serait pas conforme à cette réalité si nous ne mettions pas en relief les nombreux efforts, engagements et réalisations qui sont en train d’être accomplis dans toutes les parties du monde de la part des différents groupes de la Famille salésienne. Comme exemple, je veux vous présenter quelques-unes des initiatives les plus communes et les plus significatives dans notre Famille, et, dans le même temps, je vous invite à connaître, à mettre en valeur et à développer les ressources, les initiatives et les possibilités qui existent déjà dans chaque pays ou chaque région. Voici une liste, certainement incomplète, d’initiatives qui attestent l’engagement de la Famille Salésienne pour la vie :

  • Les mouvements de solidarité suscités en présence des grands malheurs qui se sont produits ces dernières années [“tsunami”, tremblements de terre, inondations, incendies, attentats, guerres…), qui montrent la disponibilité et la sensibilité de tant de personnes, surtout parmi les gens simples, pour répondre avec générosité aux nécessités des autres et pour défendre la vie des plus pauvres, en leur donnant espoir et avenir.

  • L’accueil quotidien de tant de jeunes en situation à risque, de tant d’enfants de la rue, de tant de jeunes au chômage, etc., de la part de milliers d’éducateurs, qui avec une grande générosité et un sens salésien emploient leur vie dans le but de les aider à surmonter leur situation de marginalisation et de risque et à pouvoir affronter leur avenir avec une plus grande qualité.

  • Les différents programmes d’aide aux réfugiés et aux immigrants que la Famille Salésienne réalise dans divers pays, en s’engageant dans leur accueil et leur éducation et dans l’action menée pour les aider à s’intégrer positivement dans la nouvelle culture.

  • Les initiatives actuellement en cours en Afrique, comme les programmes “ Stop au SIDA ! ” et “Love matters”, pour aller au-devant du drame du SIDA qui tenaille ce continent éprouvé, en condamnant à mort des millions de personnes et en laissant dans le même temps des millions d’orphelins. La Famille Salésienne met en œuvre des stratégies préventives orientées de manière à informer professionnellement les jeunes sur le sujet et à former leur conscience, en les rendant conscients que l’on ne vainc pas cette pandémie avec les préservatifs mais avec une éducation efficace.

  • Les milliers d’éducateurs et d’éducatrices qui dans les différentes œuvres et présences salésiennes sont engagés dans l’éducation des jeunes, en les préparant afin qu’ils puissent s’insérer dans le monde du travail.

  • Le travail considérable sur le plan de l’action humanitaire, de l’éducation et de l’évangélisation qui est accompli dans les missions, et qui constitue bien des fois l’une des peu nombreuses possibilités de défense de la vie et de promotion humaine intégrale pour des milliers de personnes et pour des populations entières.

  • L’engagement abondamment prodigué dans les missions à travers une considérable activité orientée non seulement vers la préservation de l’existence de peuples indigènes, mais surtout vers leur développement, vers leur reconnaissance publique et officielle dans la société et comme société, ayant ses propres droits à une langue, à une culture, à une cosmovision [vision du monde et de l’univers], à une organisation sociale, à une représentation politique.

  • Le travail de tant de familles qui avec difficulté, mais avec dévouement et générosité, sont engagées dans un effort quotidien d’éducation et de défense de la vie.

  • Le volontariat sous ses diverses formes : volontariat social, volontariat missionnaire, volontariat dans la vocation ….

Et tant d’autres initiatives et réalités : au jour le jour elles sont en train de construire un réseau qui soutient un grand nombre de personnes menacées et en péril, et, menées avec décision et générosité, elles aident à prendre l’engagement de construire un style de vie plus humain, plus solidaire et plus évangélique, en créant de cette façon la “culture de la vie”.

Je crois qu’avec cette grande quantité et cette haute qualité de groupes de personnes nous pouvons et devons affronter les grands défis que nous présente aujourd’hui la défense de la vie. L’étrenne constitue un stimulant pour approfondir la propre vocation à la vie, une invitation à unir les forces et à continuer dans nos engagements pour pouvoir répondre avec créativité et dynamisme aux énormes défis.



4. Le Dieu qui aime la vie


Depuis les premières pages du livre de la Genèse jusqu’à la dernière page du livre de l’Apocalypse, l’Ecriture Sainte manifeste la foi et la conviction profonde du Peuple de Dieu : la vie provient de Dieu et il faut la vivre devant Lui, qui la sauvegarde et la protège. Elle est une bénédiction de Dieu, qui fait briller dans ce don son amour et sa générosité. Elle est le plus grand des biens que Dieu peut accorder.

C’est pourquoi, la première chose à faire est de se réjouir de vivre. Le premier commandement que nous recevons de Dieu est celui de vivre ; un commandement qui n’est pas écrit sur des tables de pierre, mais gravé au plus profond de notre être. Notre premier geste d’obéissance à Dieu est d’aimer la vie, de l’accueillir d’un cœur reconnaissant, d’en prendre soin avec sollicitude, de développer toutes les possibilités qui sont renfermées en elle.

La Bible met continuellement en relief le rapport direct de la vie avec Dieu. La vie de l’homme vient de Dieu ; elle est, comme le souligne Jean-Paul II, “un don par lequel Dieu fait participer sa créature à quelque chose de lui-même”. 6 Dieu est l’unique Seigneur de la vie ; l’homme ne peut disposer d’elle. La vie et la mort sont dans les mains de Dieu : “Il tient en son pouvoir l’âme de tout vivant et le souffle de toute chair d’homme” (Jb 12,10). Toute vie vient de Dieu et Dieu la protège. Il ne crée pas l’homme pour le laisser mourir, mais afin qu’il vive (cf. Sg 2,23).

C’est pourquoi précisément le Dieu de la vie est le “Dieu des pauvres”, qui réussissent à peine à survivre ; est le “Dieu de la justice”, qui défend ceux qui sont menacés par les abus et par les injustices des forts et des puissants (cf. le Code de l’Alliance, en Ex 21,1-23,9). Seul le Dieu fidèle à la vie peut se révéler au cours de l’histoire comme défenseur de la vie du pauvre, du faible, de la veuve, de l’étranger, de celui qui est sans défense. Connaître ce Dieu signifie pratiquer la justice qui donne la vie et lutter contre l’injustice qui tue. Croire en Lui veut dire promouvoir la solidarité avec celui qui souffre et meurt abandonné. Ecouter sa voix, c’est ouvrir l’oreille et le cœur à son appel constant : “Qu’as-tu fait de ton frère ?” (cf. Gn 4,9-10).

Le Dieu qui déjà dans l’Ancien Testament se révélait comme “ami de la vie”, s’est incarné en Jésus Christ. En Lui les disciples ont pu voir de leurs yeux et toucher de leurs mains Celui qui est “Parole de vie” (cf. 1 Jn 1,1). Ses paroles et ses gestes sont orientés de manière à promouvoir, dès maintenant, la vie et le salut dans l’être humain. En effet, ce fut là le souvenir qui resta de Jésus dans la première communauté : “Ce Jésus issu de Nazareth, vous savez comment Dieu lui a conféré l’onction d’Esprit Saint et de puissance ; il est passé partout en faisant le bien et en guérissant tous ceux qui étaient tombés au pouvoir du diable, car Dieu était avec lui” (Ac 10,38).

Pour Jésus la vie est un don précieux, “plus que la nourriture” (Mt 6,25). Sauver une vie l’emporte même sur respecter le sabbat (cf. Mc 3,4), parce que Dieu “n’est pas un Dieu de morts, mais de vivants” (Mc 12,27). La défense de la vie humaine est une idée centrale dans le programme du Royaume. Les deux aspects – la proclamation du Royaume et la préoccupation pour la vie de l’homme – font partie intégrante du contenu de son activité messianique, ainsi qu’il apparaît sans cesse dans les récits évangéliques : Jésus “parcourait toute la Galilée, [] proclamant la Bonne Nouvelle du Royaume et guérissant toute maladie et toute infirmité parmi le peuple” (Mt 4,23; 9,35; Lc 6,18). Et même, l’activité de guérison est celle qui caractérise le mieux le Messie. C’est en elle que d’une façon plus immédiate se manifestent les œuvres de l’envoyé de Dieu : “Les aveugles retrouvent la vue et les boiteux marchent, les lépreux sont purifiés et les sourds entendent ; les morts ressuscitent et la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres” (Mt 11,5).

Egalement dans l’évangile selon saint Jean la vie est la valeur centrale. Jésus est porteur et garant d’une vie “éternelle” et définitive, c’est-à-dire une vie que Dieu communique à ses enfants et qui aura sa consommation ultime au-delà de ce monde. C’est pourquoi l’évangéliste nous présente le Christ comme “le pain de la vie” (Jn 6,35.48), “la lumière de la vie” (Jn 8,12) ; “le chemin et la vérité et la vie” (Jn 14,6) ; “la résurrection et la vie”, à tel point que quiconque, homme ou femme, “croit en” lui “même s’il meurt vivra” (Jn 11,25).

Cette vie éternelle, le croyant peut déjà dès à présent en faire l’expérience : “celui qui croit a la vie éternelle” (Jn 6,47) ; celui qui écoute sa parole “a la vie éternelle et [] il est passé de la mort à la vie” (Jn 5,24) ; et Jésus affirmait : “Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle et moi je le ressusciterai au dernier jour” (Jn 6,54). Mais l’expérience fondamentale qui garantit l’ouverture et l’orientation de notre vie actuelle vers ce salut éternel est toujours l’amour : “Nous savons, nous, que nous sommes passés de la mort à la vie, parce que nous aimons nos frères. Celui qui n’aime pas demeure dans la mort” (1 Jn 3,14).

Non seulement Jésus attache du prix à la vie et la défend, mais aussi il donne sa propre vie comme service suprême d’amour afin que l’humanité ne finisse pas dans la mort et dans la destruction définitive. “Je donne ma vie []. Personne ne me l’enlève, mais je la donne de moi-même. J’ai le pouvoir de la donner et le pouvoir de la reprendre” (Jn 10,17-18). Si Jésus se donne lui-même jusqu’à la mort, ce n’est certainement pas qu’il n’attache pas de prix à la vie, mais c’est parce qu’il aime tellement la vie et qu’il la veut pour tous, y compris pour ceux qui sont le plus dans le malheur et la misère, et il la veut définitive, pleine et éternelle.

Cette “vie crucifiée” par amour est “scandale et sottise” selon les modèles de vie en vigueur de nos jours dans la société. Mais du point de vue de la foi chrétienne, elle constitue le critère ultime de toute vie qui voudrait être pleinement humaine et non défigurée ou altérée par l’égoïsme, par le manque de solidarité, par l’injustice. Et même, cette “vie crucifiée” est pour les croyants la révélation suprême de l’amour de Dieu pour l’homme ainsi que de son estime et de sa défense de la vie humaine : elle est l’ “Evangile de la vie”.

Cet évangile culmine dans la résurrection. Le Dieu qui ressuscite Jésus est un Dieu qui met la vie là où les hommes mettent la mort. C’est ainsi que prêchent les Apôtres : “Vous l’avez pris et fait mourir [] mais Dieu l’a ressuscité” (Ac 2,23-24). Celui qui croit en ce Dieu “donneur de vie à travers la résurrection”, en ce “Dieu des vivants”, commence à aimer la vie d’une manière radicalement nouvelle et d’un amour total. La foi “pascale” pousse le croyant à se mettre du côté de la vie partout où celle-ci est lésée, outragée ou détruite. Son combat contre la mort ne trouve pas son origine seulement dans quelque impératif moral, mais dans la foi en ce Dieu “donneur de vie à travers la résurrection”, qui veut que l’homme participe pour toujours à sa propre vie divine. La vérité chrétienne sur la vie parvient ici à sa plénitude : “La dignité de la vie n’est pas seulement liée à ses origines, au fait qu’elle vient de Dieu, mais aussi à sa fin, à sa destinée qui est d’être en communion avec Dieu pour le connaître et l’aimer. C’est à la lumière de cette vérité que saint Irénée précise et complète son exaltation de l’homme : la « gloire de Dieu » est bien « l’homme vivant », mais « la vie de l’homme est la vision de Dieu ».” 7



5. Laissons-nous guider par l’amour de Dieu pour la vie


L’amour de Dieu pour la vie nous stimule à l’engagement : de témoigner, de proclamer et d’aimer la valeur de la vie humaine. Jean-Paul II a écrit : “Il est nécessaire de faire parvenir l’Evangile de la vie au cœur de tout homme et de toute femme et de l’introduire dans les replis les plus intimes de la société tout entière”. 8 Cette annonce suppose que l’on présente avec clarté et décision le caractère inviolable de la vie.

La vie de l’être humain est fragile, précaire et éphémère, mais elle est une réalité sacrée et inviolable. Dieu a insufflé sa propre haleine dans l’homme, il l’a créé “à son image et ressemblance” (cf. Gn 1,26-27). Personne ne peut disposer de la vie selon son propre caprice, ni de la sienne ni de celle d’autrui. Cette vie reçue de Dieu est le fondement de la dignité constitutive et indestructible de tout homme, la première valeur sur laquelle se basent et se développent toutes les autres valeurs et tous les autres droits. 

Le commandement de Dieu est clair et sans équivoque : “Tu ne tueras pas” (Ex 20,13). Même s’il est formulé de manière négative, il exprime le sens fondamental de la valeur de la vie et continue à nous stimuler à le réaffirmer de nos jours.

Face aux nombreux attentats contre la vie, revêt aujourd’hui une importance décisive le devoir de promouvoir une éducation plus sensible à la valeur de la vie, à son respect et à sa défense, une éducation capable d’offrir une vision intégrale de la vie et du salut et d’apporter un sens moral à la personne. Les nouvelles générations ont besoin de rencontrer des parents et des éducateurs qui soient de vrais “maîtres de vie”. Ils ont besoin qu’on leur enseigne à être reconnaissants pour la vie, à vivre d’une manière saine et modérée, à assumer la responsabilité de leur propre existence, à la construire, à intégrer dans leur existence des échecs, des difficultés, des renoncements, des souffrances, à célébrer la vie et le Dieu qui la donne, à la vivre dans l’amour et dans le dévouement.

Pour que ce rôle soit rempli, il est nécessaire de rappeler la vocation et la mission de la famille. Sa responsabilité éducative découle de sa propre nature et de sa mission spécifique ; c’est-à-dire du fait qu’elle est communauté de vie et d’amour et qu’elle est destinée à “la mission de garder, de révéler et de communiquer l’amour”. 9 La famille annonce l’évangile de la vie surtout en éduquant les enfants à avoir de la vénération pour la vie, à être reconnaissants pour le don de Dieu.

Il s’agit d’un travail attentif de formation de la conscience morale. Par sa parole et son témoignage, dans les relations et dans les décisions quotidiennes, la famille peut enseigner, éduquer et aider à vivre les grandes valeurs de la liberté, du respect envers les autres, de l’accueil, du dialogue, du sens de la justice, de la solidarité, du don de soi. De cette façon, avec confiance et courage, les parents éduqueront les enfants aux valeurs essentielles de la vie humaine.



6. Don Bosco, quelqu’un qui aime et favorise la vie pour les jeunes, surtout les plus pauvres


Pour nous, membres de la Famille Salésienne, l’amour et l’engagement pour la vie trouvent en Don Bosco un modèle et un maître.

Dès son enfance Don Bosco fait preuve d’une grande vitalité ; grâce à sa mère, maman Marguerite, il apprend à découvrir la beauté de la nature et de la vie ; il sait goûter la splendeur du paysage, des collines et des champs en fleur qui entourent les Becchi, contemple émerveillé les nuits étoilées, s’attache à un petit oiseau, qu’il suit avec tendresse. Dans toutes ces choses sa mère lui enseigne à découvrir l’œuvre de Dieu créateur qui prend soin de ses enfants, sa sagesse et son infinie puissance et surtout son amour. De cette façon Jean s’ouvre à voir dans la vie les côtés positifs ainsi que l’action providentielle, il sait goûter les moments simples de la vie paysanne et affronter, sans se décourager, les difficultés que dès sa jeunesse il trouve dans sa propre maison. Avec cet esprit il cherche à communiquer la joie à ses compagnons, en les amusant les dimanches et les jours de fête avec une grande variété de jeux ; mais il est toujours poussé par un but éducatif : les rendre meilleurs et les aider à accomplir les devoirs du bon chrétien. Encore jeune étudiant à Chieri, il fonde avec ses amis la “Società dell’allegria” [la “Joyeuse Union”], dont la première règle était précisément de rester toujours joyeux et de s’efforcer de ne jamais offenser le Seigneur.

Devenu prêtre, Don Bosco comprend, en parcourant les rues de Turin et en visitant les prisons, que les jeunes cherchent le bonheur, désirent jouir de la vie, se sentir accueillis et estimés ; et, si parfois ils vivent leur aspiration en suivant des chemins erronés qui les conduisent jusqu’en prison, ce n’est pas parce qu’ils seraient mauvais, mais parce qu’ils ne trouvent pas des personnes capables de croire en eux et de les aider à développer positivement leurs énergies et leurs qualités. C’est pourquoi Don Bosco engage sa vie en leur faveur et crée avec eux un milieu positif de vie, dans lequel ils puissent faire l’expérience de la joie de vivre, avec d’amples possibilités de jouer et de se divertir, de se former et de trouver du travail, de se sentir aimés, acceptés et valorisés dans un climat de famille. Le jeu, la musique, le théâtre, les excursions et les promenades sont pour Don Bosco des instruments importants d’éducation et un chemin pour conquérir le cœur et de cette manière aider ces jeunes à développer les meilleures qualités, à se sentir capables de faire le bien et de se rendre utiles aux autres et à la société. Et de cette façon Don Bosco les porte à connaître et à vivre l’amitié avec Jésus Christ.

Nous pouvons dire que Don Bosco vit avec ses jeunes à Valdocco une vraie pédagogie de la vie, de la joie et de la fête ; il les invite, même, à s’engager eux-mêmes à promouvoir parmi leurs compagnons cette ambiance. Il écrit dans la biograhie de François Besucco : « Si tu veux devenir meilleur, mets en pratique trois choses, et tout ira bien. [] Ecoute : Joie, Etude, Piété. Voilà le grand programme. En l’appliquant, tu pourras vivre heureux et faire progresser ton âme ». La joie est une caractéristique essentielle de l’ambiance familiale et une expression de l’ “amorevolezza” [amour plein de tendresse et d’affection], le résultat logique d’une manière de diriger basée sur la raison et sur une recherche religieuse, intérieure et spontanée, qui a sa source ultime dans la paix avec Dieu, dans la vie de grâce. 10 C’est pourquoi la joie est pour Don Bosco non seulement un moyen pour rendre acceptable le caractère sérieux de l’éducation, mais aussi une forme de vie qui tient compte de la réalité du jeune et de son désir de vivre ; Don Bosco le comprend et veut qu’on le réalise pleinement, il saisit que l’exigence la plus profonde du jeune est la joie de vivre, la liberté, le jeu, l’amitié. Mais surtout Don Bosco en tant que prêtre croit profondément que le christianisme n’est pas une religion d’interdictions, mais, au contraire, qu’il est la religion de la vie, du bonheur, de l’amour ; c’est pourquoi, grâce à la pédagogie de la fête et de la joie, il ouvre les jeunes à Jésus Christ, il les conduit à une relation personnelle d’amitié avec Lui. En face d’une image de vie chrétienne que ces jeunes recevaient de la société de leur époque comme celle d’une vie triste, chargée de renoncements et d’interdictions, d’une vie peu adaptée à la jeunesse, Don Bosco leur propose une forme de vie chrétienne heureuse et joyeuse.

Don Bosco sanctifia le travail et la joie. Il était le saint de la jovialité chrétienne, de la vie chrétienne active et joyeuse … C’est en cela que consiste sa véritable originalité. “Dans un élan génial de sa charité pleine de compréhension humaine, convaincu des exigences naturelles et honnêtes de la jeunesse et de la vie saine, Don Bosco sanctifia avec le travail la joie, la joie de vivre, d’agir, de prier”. 11

Don Bosco vit et sait communiquer à tous ses fils, à tous ses collaborateurs et à tous ses amis une vision positive et intégrale de la vie ; il croit dans la bonté et dans la dignité de toute personne humaine, surtout de tout jeune, d’une manière spéciale de celui qui est le plus dans la pauvreté et dans le danger ; il écrivait : « L’éducateur doit se persuader que tous ou presque tous ces chers jeunes ont une intelligence naturelle pour connaître le bien qui leur est fait, et un cœur sensible, facilement ouvert à la reconnaissance. » 12 C’est pourquoi il a foi dans la capacité chez tout jeune d’être sorti d’un mauvais pas et remis d’aplomb, dans l’efficacité du travail éducatif, lorsqu’il est vécu avec un dévouement généreux et qu’on suit la méthode de la raison et de l’ “amorevolezza”.

Les jeunes se trouvant à l’abandon et dans une situation de déviance devaient être aidés à trouver le plus élémentaire sens de la vie ; cela exigeait de stimuler en eux le désir de vivre, pour gagner par le travail et à la sueur de leur front les moyens permettant, à eux-mêmes et aux membres de leur famille, de mener une vie digne. Pour ceux qui vivaient des carences affectives Don Bosco se proposait de créer un milieu et un riche réseau de relations familiales et d’amitié, capables de reconstituer une vie affective pleinement suivie d’intenses engagements sur le plan de l’action et de l’émotion.

En outre Don Bosco était convaincu que la foi chrétienne et l’amitié avec Jésus Christ constituent l’énergie la plus forte et la plus efficace pour soutenir l’effort éducatif et pour conduire à un style de vie joyeux et heureux ici sur terre et garantir un bonheur pour toujours dans la vie éternelle. C’est pourquoi il plaçait – et il le proclamait avec clarté – l’objectif éducatif suprême dans la sainteté ; non pas comme un but pour quelques privilégiés, mais comme un idéal proposé à tous, ainsi qu’il le disait dans le sermon qui poussa Dominique Savio à prendre l’engagement de la sainteté : « C’est la volonté de Dieu que nous nous fassions tous saints ; il est très facile d’y arriver ; une grande récompense attend au ciel celui qui parvient à se faire saint. » 13

En lui, prêtre et éducateur, est constante la volonté de mettre en valeur et de développer ce qu’il y a de positif dans la vie et dans le cœur de toute personne, de promouvoir une vie chrétienne capable de goûter et de mettre en valeur ce qu’il existe d’humain, de positif et de noble dans la vie de chaque jour et dans le cœur des personnes, même des plus misérables, en s’efforçant en même temps d’ouvrir l’éducation et la culture à Jésus Christ, dans la conviction que c’est seulement en Lui qu’il peut y avoir pleinement le salut. 14

Donc à la suite de Don Bosco, comme Famille Salésienne, nous sommes appelés à témoigner et à annoncer que la vie humaine est sacrée et inviolable, et que par conséquent non seulement elle ne doit pas être supprimée, mais qu’elle doit être positivement protégée et défendue. La valeur de la vie est une partie intégrante de l’évangile de Jésus. Dans une culture et une civilisation qui menacent radicalement la vie, la Famille Salésienne de Don Bosco doit être particulièrement sensible à un service éducatif qui, dans une disposition d’accueil, prenne soin de toute la vie et de la vie de tous 15 ; capable spécialement d’accompagner et de protéger, au-delà de la vie naissante, la vie menacée de tant de jeunes qui se débattent dans la pauvreté, dans la marginalisation, dans la souffrance, dans l’absence d’idéaux et le vide du non-sens. C’est surtout pour la vie de ces jeunes que nous sommes appelés à être “signes et porteurs de l’amour de Dieu” 16.



7. Engagement de la Famille Salésienne en faveur de la vie


L’Eglise a reçu l’évangile de la vie et elle est envoyée pour l’annoncer et pour le faire devenir réalité. Cette vocation et cette mission requièrent l’action généreuse de tous ses membres, et donc aussi de la Famille Salésienne. Ensemble, nous devons ressentir “le devoir d’annoncer l’Évangile de la vie, de le célébrer dans la liturgie et dans toute l’existence, de le servir par les diverses initiatives et structures destinées à son soutien et à sa promotion”. 17

Tant de proclamations solennelles en faveur de la vie côtoient de profondes attitudes “anti-vie” : en face de tout cela notre service éducatif et pastoral doit témoigner de cette vie et en annoncer la valeur, s’engager à la défendre et à promouvoir une authentique culture de la vie.


7.1 Défendre la valeur de toute vie humaine


On a toujours vu la vie humaine entourée de dangers, menacée de violence et de mort. De nos jours, non seulement les menaces à l’égard de la vie n’ont pas diminué, mais elles sont en train d’acquérir des dimensions alarmantes, d’être même programmées d’une manière systématique et scientifique. Parfois on arrive au point de considérer comme une expression de progrès et de civilisation le fait d’avoir provoqué violemment la mort.

Les vieilles menaces persistent : fruit de la haine, de la violence ou d’intérêts opposés (homicides, guerres, massacres), elles sont aggravées par l’insouciance et le manque de solidarité. A côté de ces formes, il y a la violence exercée contre des millions d’êtres humains qui ont du mal à joindre les deux bouts et meurent de faim, le commerce scandaleux d’armes qui continue malgré les nombreuses déclarations pour le dénoncer, le déficit des équilibres écologiques, la diffusion de la drogue, les accidents de la circulation, les attentats terroristes, qui causent de véritables massacres dans l’humanité. Depuis ses phases initiales jusqu’aux moments terminaux la vie humaine endure l’incompréhensible siège des êtres humains eux-mêmes.

Devant le fait qu’actuellement on cherche à la laisser dans l’ombre et la banalité, il est on ne peut plus nécessaire et urgent de défendre la valeur inviolable et sacrée de toute vie humaine. C’est pourquoi nous devons promouvoir entre nous et chez les jeunes une attitude positive à l’égard de la vie. Cela suppose que l’on :

Considère la vie comme un don.

Souvent la vie est considérée comme un produit de la capacité et du pouvoir de l’homme, plus que comme un don de Dieu. Cette mentalité, qui se tient purement au niveau de la production, amène facilement une subtile discrimination à l’égard des vies non désirées, dérangeantes ou “improductives” : bébés non encore nés, personnes âgées, handicapés physiques ou mentaux, êtres fragiles. Considérer la vie comme un don porte à la vivre dans une attitude de gratitude, de louange et de joie profonde, à s’engager à en prendre soin et à l’aimer, en cherchant à en développer toutes les virtualités positives.

Favorise une vision intégrale de la vie.

Pour tous les êtres humains la vie est beaucoup plus que le simple bien-être matériel ou le progrès économique ; la vie est un parcours vers la réalisation personnelle, une réalisation qui embrasse non seulement l’activité matérielle, économique et sociale, mais aussi le progrès dans la vie spirituelle. La défense de la vie demande d’assumer la responsabilité de prendre soin de la vie et de la nature, de les aimer et d’en développer toutes les possibilités, pour les conduire à leur plénitude et à la qualité humaine authentique. Vivre avec une vision intégrale de la vie demande aussi de dépasser l’activisme exagéré, qui nous empêche de nous employer à d’autres aspects importants de la vie comme la rencontre personnelle et l’amitié, le silence et la contempation, la joie et la beauté, le service gratuit.


7.2 Protéger la vie des pauvres


Toute vie humaine est précieuse et digne de respect. Il s’ensuit que trouvent leur raison d’exister non seulement la vie saine, utile, heureuse, mais aussi la vie diminuée, la vie dans la douleur et dans la maladie, celle du bébé non encore né et celle de la personne âgée invalide. Il n’y a pas que la vie des puissants à être précieuse ; l’est également la vie des pauvres et des personnes laissées à l’abandon.

En tant que fils et filles de Don Bosco nous nous sentons particulièrement appelés à assurer la protection et à prendre soin de la vie de tant de jeunes qui doivent s’ouvrir un chemin à travers la pauvreté, en marge de la société du bien-être. Nous devons être capables d’imaginer et de créer de nouvelles formes de présence missionnaire dans le monde de la marginalisation et de l’exclusion. Voici quelques suggestions concrètes :

Auprès des jeunes à risque : accueil et éducation.

Chaque présence salésienne doit s’engager à répondre aux défis croissants que nous présentent les jeunes qui vivent dans la marginalisation ou dans des situations à risque : enfants de la rue, sans famille ou loin d’elle, jeunes sans formation et sans travail ; les immigrés, surtout les jeunes qui arrivent seuls, sans leur famille ; jeunes exposés à la délinquance ou victimes de l’exploitation sexuelle, et tant d’autres situations dégradantes, dans lesquelles la vie humaine est exposée au danger et offensée.

Notre devoir est d’accueillir ces jeunes, de les aider à recouvrer l’amour pour la vie et les valeurs authentiques, de les éduquer et de les former de manière à ce qu’ils puissent s’insérer positivement dans la société, de les accompagner dans leur insertion dans le monde du travail, de développer leur ouverture à Dieu comme élément central d’humanisation, de leur annoncer Jésus Christ et de les orienter vers une relation personnelle avec Lui, dans un style de vie chrétienne simple, joyeux, positif et adapté à eux.

Auprès des familles en difficulté : accompagnement et aide.

C’est un soin particulier que méritent les familles qui vivent de graves tensions ou qui sont déjà brisées, les familles qui rencontrent d’énormes difficultés pour éduquer leurs enfants, et d’autres en situation de malaise. En réponse à l’Etrenne de l’an dernier de nombreuses initiatives ont vu le jour pour apporter un appui et une aide aux parents dans leur tâche éducative, un soutien et une orientation à des couples en difficulté, créer des groupes et des communautés de familles, etc.. Je vous invite à continuer dans cette voie. Dans le commentaire pour l’Etrenne de l’année 2006 je suggérais une série d’attitudes et d’interventions, que je vous invite à consolider. La famille est le premier milieu pour la défense et la promotion de la vie et comme telle elle doit continuer à être l’objet privilégié de notre préoccupation pastorale.


7.3 Eduquer à la valeur de la vie


Pour défendre la vie et en prendre soin il faut éduquer à la valeur de la vie : “Pour être vraiment un peuple au service de la vie, nous devons, avec constance et courage, proposer ce message dès la première annonce de l’Évangile, et ensuite dans la catéchèse et dans les diverses formes de prédication, dans le dialogue personnel et en toute démarche éducative”. 18

C’est là une tâche qui nous engage tous : parents, éducateurs, enseignants, catéchistes, théologiens. Comme je l’ai déjà indiqué, les nouvelles générations ont besoin de trouver de vrais “maîtres de vie” en leurs parents, en leurs éducateurs et en leurs catéchistes. Elles recherchent en nous non seulement la science, l’information ou la doctrine, mais des personnes à même de leur montrer un chemin positif de vie, comme aussi de les stimuler et de les accompagner dans le développement de leurs meilleures qualités et de leurs meilleures possibilités. Par notre vie et par nos paroles nous devons être capables de mettre en relief la valeur absolue de la vie, en nous engageant à donner à celle-ci la plus grande qualité possible, en favorisant toujours une attitude de respect inconditionnel envers les personnes, en suscitant une vision positive et remplie d’espérance à l’égard de celles-ci et de leur avenir, en combattant tout ce qui empêche de vivre avec dignité et solidarité. Nos attitudes et nos gestes de chaque jour, même petits et simples, doivent être pour les jeunes une véritable école de vie.

Comme éducateurs nous devons aussi savoir réveiller chez nos jeunes la joie de vivre, l’estime pour les valeurs humaines les plus profondes, le goût du service gratuit rendu aux autres et envers la nature qui nous entoure ; nous devons susciter en eux le sens de la vie comme vocation et comme service et les éduquer à être des citoyens responsables et actifs dans la construction d’une société où entrent plus d’humanité, plus de liberté et de solidarité.

Un autre aspect important de la nécessité d’éduquer à la valeur de la vie est d’aider “les jeunes à comprendre et à vivre la sexualité, l’amour et toute l’existence, en en reconnaissant le sens réel et l’étroite interdépendance [] : seul un amour véritable sait préserver la vie”. 19 C’est pourquoi il faut développer une véritable éducation à l’amour, selon l’expérience typique de Don Bosco et les critères de son système éducatif. Dans la proposition pastorale qui accompagnait l’Etrenne de l’an dernier étaient indiquées quelques pas à favoriser dans ce sens ; il est important de les prendre vraiment en considération dans tout le parcours éducatif.

On arrivera difficilement à une estime vraie de la vie humaine si elle n’est pas estimée dans le milieu familial, s’il règne en lui un climat de violence, si l’on présente comme un signe de progrès l’interruption d’une vie dérangeante ou non désirée, si l’on vit en ayant pour but la compétitivité, le succès ou le pouvoir. La mentalité et les attitudes se transmettent dans un sens positif ou dans un sens négatif par l’intermédiaire du dynamisme quotidien de la vie familiale. La famille donne une éducation ou casse l’éducation par l’intermédiaire de la parole et de l’exemple, des choix et des décisions, des relations, des gestes et des signes concrets.

En rapport à cette tâche d’éduquer à la valeur de la vie je vous indique quelques milieux éducatifs et quelques propositions éducatives qui, me semble-t-il, offrent des possibilités particulières, à condition qu’ils veillent précisément à y faire régner un authentique climat de famille. J’en mets deux en évidence : L’Oratoire-Centre de Jeunes et le Volontariat.


L’Oratoire-Centre de Jeunes, en tant que milieu typiquement salésien, est un milieu de vie et d’accueil gratuit de tous les jeunes, un espace visant à laisser aux jeunes le rôle de protagonistes dans lequel on apprend à goûter la vie et à s’engager pour elle, un lieu dans lequel s’établit un rapport spontané et gratuit entre les éducateurs et les jeunes, et dans lequel ceux-ci comme ceux-là sont impliqués et s’accompagnent sur un chemin d’éducation et de croissance humaine et chrétienne.

L’Oratoire-Centre de Jeunes Salésien doit devenir pour les jeunes un véritable “laboratoire de vie et de vie chrétienne” ; le milieu dans lequel ils puissent vivre le monde de leur vie, exprimer et développer leurs propres valeurs, leur rôle de protagonistes, leurs relations interpersonnelles ; un milieu dans lequel ils puissent trouver aussi des propositions éducatives positives et significatives ainsi que des personnes capables de les accueillir et de les accompagner.

Afin que l’Oratoire salésien puisse réaliser cet engagement pour la vie, il doit satisfaire à quelques conditions importantes :

- Etre un espace ouvert, dans lequel on porte le souci des relations personnelles, on aime et on cherche à rester ensemble, à parler et à échanger des propos gratuitement ;

- Favoriser la diversité d’initiatives significatives pour les jeunes, à même de répondre à leurs attentes et à leurs besoins ;

- Créer des espaces dans lesquels ils puissent vivre en protagonistes ;

- Promouvoir une présence active d’adultes et de jeunes adultes comme animateurs, qui soient des points de référence et des pôles d’encouragement ;

- Offrir une proposition éducative et culturelle de qualité ;

- Esquisser un itinéraire d’évangélisation et d’éducation à la foi enraciné dans la vie du jeune.

De cette manière l’Oratoire deviendra le lieu où les jeunes assimilent en eux et restructurent les messages, les expériences et les valeurs qu’ils reçoivent dans les autres milieux (en famille, à l’école, en paroisse, avec les amis, etc.) et où ils élaborent un style de vie significatif en vue de leur avenir.


Le volontariat est une expérience importante pour les jeunes, surtout quand ils se posent le problème de leur avenir ; il peut être beaucoup plus qu’une expérience ponctuelle et passagère, en se convertissant en une authentique école de vie, entendue comme service gratuit et efficace dans des situations de pauvreté et de besoin. Le volontariat, quand on le réalise avec un processus systématique de préparation, qui aide le jeune à mûrir ses motivations, et si ce jeune est accompagné personnellement ou au sein d’un groupe, favorise et développe une option personnelle de vie ; dans le volontariat les jeunes adultes apprennent à être des citoyens responsables et des chrétiens engagés.


7.4 Annoncer Jésus Christ : il est donneur de sens à la vie ; il est source de vie


L’annonce de l’évangile de la vie doit conduire les jeunes à la rencontre et à la relation personnelles avec Jésus Christ, en qui ils trouveront le modèle, le chemin et l’énergie pour une vie humaine pleine. Jamais sans doute n’a été aussi urgente qu’aujourd’hui l’évangélisation, l’annonce de Jésus, en face d’un monde qui exalte des modèles trompeurs et séducteurs qui ne donnent pas et ne réussissent pas à donner un sens à la vie. Les jeunes ressentent bien des fois un énorme vide intérieur, qu’ils essaient de combler par le plaisir, les divertissements, le sexe ou la drogue, ou même en parcourant les chemins tortueux de la violence et de la délinquance. Mais ce n’est ni dans le plaisir, ni dans la consommation, ni en se cramponnant à diverses façons de tirer profit de l’instant présent qu’ils trouvent satisfaction pour leurs aspirations et leurs besoins. Sont également nombreux les jeunes qui vivent des situations sociales et économiques d’exclusion ou des situations de lourde fragilité personnelle, dans un monde de plus en plus dur. C’est précisément dans ces situations que doit retentir comme “bonne nouvelle” l’évangile du Dieu ami de la vie, qu’on doit rendre présent Jésus Christ et sa proposition de bonheur.

L’évangélisation est la meilleure proposition de vie humaine pleine et heureuse. C’est pourquoi nous devons nous engager à la réaliser avec franchise et dévouement dans tous les milieux de jeunes. Etant donné la variété de ces derniers, l’évangélisation exige des propositions différentes selon la situation des jeunes auxquels nous nous adressons. J’en signale trois importantes :

  • Dans les milieux où les jeunes vivent dans l’indifférence et dans la superficialité d’une vie vide ou matérialiste nous leur proposerons un chemin progressif, qui puisse les aider à découvrir et à estimer les valeurs les plus positives et les plus profondes, à expérimenter la joie de l’intériorité et du silence, à réveiller leur recherche de sens, à s’ouvrir à Dieu, en développant la dimension religieuse de la vie.

  • Quant aux jeunes qui vivent une pratique religieuse routinière et superficielle, ou seulement au service de leurs intérêts et de leurs besoins, nous les aiderons à découvrir la personne de Jésus, à s’enthousiasmer pour Lui, jusqu’à promouvoir en eux une option personnelle et résolue pour le suivre, en s’engageant dans un itinéraire sérieux d’éducation à la foi.

  • Au contraire, pour ceux qui font déjà partie de groupes ou de mouvements de formation chrétienne nous proposerons un chemin systématique qui puisse les aider à personnaliser de plus en plus leur foi, à la célébrer et à la faire passer dans leur vie, jusqu’à faire mûrir dans leur vie chrétienne une option de vocation.

Promouvoir ces itinéraires d’éducation à la foi est la contribution la plus précieuse et la plus significative que nous puissions offrir dans notre engagement en faveur de la vie.


7.5 Remercier pour la vie et la célébrer


Comme fruits de l’annonce de l’évangile de la vie se présentent, jaillissant à la vue de son don, la joie, l’admiration, la louange, la gratitude envers Dieu, qui aime la vie. L’annonce suscite une attitude profonde de célébration de l’évangile de la vie. Toute vie, en tant que don de Dieu, a non seulement une dimension d’engagement et de devoir à remplir, mais aussi une dimension de culte. De par elle-même déjà elle est une manifestation de louange parce que toute vie humaine est un prodige d’amour. L’accueillir constitue déjà une louange et une action de grâces.

Célébrer la vie suggère un regard de contemplation et pousse à le nourrir : devant la nature, le monde, la création, la vie, à l’égard de laquelle bien des fois nous avons des attitudes qui sentent l’utilitarisme ou la consommation à outrance ; devant les personnes, avec lesquelles souvent nous entretenons des relations qui restent à un niveau superficiel ou au niveau de notre fonction ; devant la société et l’histoire, que bien des fois nous considérons seulement selon nos intérêts…. Il faut dépasser nos comportements égoïstes pour parvenir à une attitude de contemplation, qui comporte un regard en profondeur afin de percevoir et d’admirer la beauté et la grandeur du monde, des personnes, de l’histoire. Il faut apprendre à accueillir, à respecter et à aimer les choses, les personnes, la vie sous toutes ses formes. Il faut savoir goûter le silence, apprendre l’écoute patiente, l’admiration et la surprise devant ce que l’on ne pouvait ni prévoir ni imaginer. Il faut savoir offrir à un autre des espaces de temps et des occasions pour pouvoir établir avec lui une nouvelle relation d’intimité et de confiance.

De cette approche de contemplation jaillissent la louange et la prière. Célébrer la vie, c’est admirer, aimer et prier le Dieu de la vie, qui nous a tissés dans le sein maternel. Cela signifie le bénir et le remercier : “Je reconnais devant toi le prodige, l’être étonnant que je suis : étonnantes sont tes œuvres” (Ps 139, 14). La vie de l’homme constitue l’un des prodiges les plus grands de la création.


7.6 Prendre soin de la création avec amour


Le Dieu “biophile” [“qui aime la vie”] — en Sg 11,26 est employé le terme “philópsychos” [“qui aime l’âme”] — n’aime pas seulement la vie humaine : il aime toute vie, parce que toute la création est l’œuvre de son amour. Avec la valeur et la dignité de la vie humaine, l’Ecriture Sainte exprime également, dès les premières pages, la reconnaissance explicite de la bonté de la nature : “Dieu vit tout ce qu’il avait fait. Voilà, c’était très bon” (Gn 1,31). Animaux, plantes, firmament, soleil, océans … tout est bon, tout a de la valeur en soi-même.

Mais cette reconnaissance est réelle seulement quand l’homme reconnaît la dignité de la terre, respecte la nature, accueille et accepte la richesse innée dans les créatures. Et c’est seulement cette reconnaissance réelle qui conduit à affirmer leur valeur et leurs droits et, en conséquence, à dépasser les actions de saccage et d’abus, à développer avec respect le milieu et à vivre en harmonie avec la nature.

La civilisation industrielle a favorisé la production et l’efficacité, mais souvent elle a déshumanisé l’homme, en le convertissant en simple producteur/consommateur. La culture de la vie nous porte à une attitude vraie sur le plan écologique : l’amour envers les êtres humains, les animaux et les plantes, l’amour à l’égard de toute la création, l’engagement pour défendre et promouvoir tous les signes de vie contre les mécanismes de destruction et de mort. Devant les menaces d’exploitation désordonnée, d’oppression de la nature, de développement insoutenable, il convient de rappeler les paroles du Grand Chef Indien d’Amérique Seattle : “Tout ce qui arrive à la terre, arrive aux fils de la terre”.

L’écologie constitue un signe authentique de la solidarité humaine, qui implique évidemment la conservation et l’usage des ressources de la Terre – affirme le Saint-Siège dans un document rédigé en préparation du Sommet Mondial sur le Développement Durable de 2002. Ce développement doit se baser sur “de solides valeurs morales, sans lesquelles aucun progrès ne sera soutenable”. C’est pourquoi “le concept de développement soutenable ne peut être entendu que dans la perspective d’un développement humain et intégral”. Dans ce sens il demande que l’on adopte le terme d’ “écologie humaine” qui “implique d’assurer et de sauvegarder les conditions morales dans l’interaction des êtres humains avec le milieu”. S’occuper de la famille, promouvoir et protéger le travail, lutter contre la pauvreté, développer l’éducation et les services de santé, exercer la solidarité entre les nations au service d’un développement humain intégral … voilà quelques-uns des éléments que le Saint-Siège présente pour une écologie digne de la personne humaine. 20

Prendre soin et aimer la création, s’engager/se préoccuper pour l’écologie, sont à promouvoir dans le cadre de la vie de chaque jour, en nous éduquant et en éduquant les jeunes à respecter la nature et à en avoir soin, à user de ses biens (l’eau, les plantes, les animaux, les choses…) avec modération et en ayant toujours comme but le bien de tous, à susciter un engagement positif de défense et de développement soutenable de la terre et des ressources naturelles …. Former et développer une mentalité et une attitude inspirées de l’écologie, voilà aujourd’hui un élément important d’une éducation intégrale.

Comment alors ne pas évoquer saint François d’Assise et son Cantique des Créatures ?

Altissimu, onnipotente bon Signore, Très-Haut, Tout puissant, Bon Seigneur,

Tue so’ le laude, la gloria e l’honore à Toi louange, gloire, honneur,

et onne benedictione. et toute bénédiction.

Ad Te solo, Altissimo, se konfano, A Toi seul, ô Très-Haut, ils conviennent,

et nullu homo ène dignu te mentovare. et nul n'est digne de dire ton nom.

Laudato sie, mi’ Signore Loué sois-tu mon Seigneur

cum tucte le Tue creature, avec toutes tes créatures,

spetialmente messor lo frate Sole, et surtout Messire frère Soleil,

lo qual è iorno, et allumini noi per lui. lui, le jour dont tu nous éclaires,

Et ellu è bellu e radiante cum grande splendore : beau, rayonnant d'une grande splendeur,

de Te, Altissimo, porta significatione. et de toi, ô Très-Haut, portant l'image.

Laudato si’, mi Signore, Loué sois-tu, mon Seigneur,

per sora Luna e le stelle : pour sœur la Lune et les étoiles

in celu l'ài formate que tu as formées dans le ciel,

clarite et pretiose et belle. claires, précieuses et belles.

Laudato si’, mi Signore, Loué sois-tu, mon Seigneur,

per frate Vento pour frère le Vent,

et per aere et nubilo et sereno et pour l'air et le nuage et le ciel clair

et onne tempo, per lo quale, et tous les temps par qui tu tiens en vie

a le Tue creature dài sustentamento. toutes tes créatures.

Laudato si’, mi Signore, Loué sois-tu, mon Seigneur,

per sor’Acqua, la quale è multo utile, pour sœur Eau, fort utile,

et humile et pretiosa et casta. humble, précieuse et chaste.

Laudato si’, mi Signore, Loué sois-tu, mon Seigneur,

per frate Focu, per lo quale ennallumini la nocte : pour frère Feu, par qui s'illumine la nuit :

ed ello è bello et iocundo et robustoso et forte. il est beau, joyeux, invincible et fort.

Laudato si’, mi Signore, Loué sois-tu, mon Seigneur,

per sora nostra matre Terra, pour sœur notre mère la Terre

la quale ne sustenta et governa, qui nous porte et nous nourrit,

et produce diversi fructi qui produit la diversité des fruits,

con coloriti fior et herba. et les fleurs diaprées et l'herbe.

Laudato si’, mi Signore, Loué sois-tu, mon Seigneur,

per quelli che perdonano pour ceux qui pardonnent

per lo Tuo amore par amour pour toi,

et sostengono infirmitate et tribulatione. qui supportent épreuves et maladies :

Beati quelli ke ’l sosterranno in pace, ka heureux s'ils conservent la paix, car

da Te, Altissimo, sirano incoronati. par toi, Très-Haut, ils seront couronnés.

Laudato si’, mi Signore, Loué sois-tu, mon Seigneur,

per sora nostra Morte corporale, pour notre sœur la Mort corporelle à qui

da la quale nullu homo vivente pò skappare : nul homme vivant ne peut échapper.

guai a quelli ke morrano Malheur à ceux qui meurent

ne le peccata mortali ; en péché mortel,

beati quelli ke trovarà heureux ceux qu'elle surprendra

ne le Tue sanctissime voluntati, faisant ta volonté,

ka la morte secunda no ’l farrà male. car la seconde mort ne pourra leur nuire.

Laudate et benedicete mi Signore Louez et bénissez mon Seigneur,

et rengratiate e serviateli rendez-lui grâces et servez-le,

cum grande humilitate. tous en toute humilité!



8. Conclusion : deux textes à partager


En guise de synthèse de ce qui a été dit, je vous présente avant tout le texte élaboré par les différentes traditions religieuses réunies pour le 4ème Parlement des Religions du Monde, à Barcelone en 2004 - [Traduction non officielle à partir du texte italien proposé] :


OFFRANDE AU MONDE


Nous citoyens et citoyennes du monde,

gens en marche, gens en recherche,

héritiers du legs d’anciennes traditions,

nous voulons proclamer :

- que la vie humaine est, pour elle-même, une merveille ;

la nature est notre mère et notre foyer :

elle doit êtreaimée et préservée ;

- que la paix doit être construite avec effort,

avec la justice, avec le pardon et la générosité ;

- que la diversité des cultures

est une grande richesse et non un obstacle ;

- que le monde se présente à nous comme un trésor

si nous le vivons en profondeur,

et les religions veulent être des chemins

vers cette profondeur ;

- que, dans leur recherche, les religions trouvent force et sens

dans l’ouverture au Mystère insaisissable ;

- que faire communauté nous aide dans cette expérience ;

- que les religions peuvent être un point d’accès

à la paix intérieure, à l’harmonie avec soi-même et avec le monde,

ce qui se traduit dans un regard émerveillé, joyeux et reconnaissant ;

- que nous qui appartenons à différentes traditions religieuses

nous voulons dialoguer entre nous ;

- que nous voulons partager avec tous

le combat pour faire un monde meilleur,

pour résoudre les graves problèmes de l’humanité :

la faim et la pauvreté,

la guerre et la violence,

la destruction du milieu naturel,

le manque d’accès à une expérience profonde de vie,

le manque de respect pour la liberté et la différence ;

- et que nous voulons partager avec tous

les fruits de notre recherche

des aspirations plus élevées de l’être humain,

dans le respect plus radical de ce que chacun est

et avec le projet de pouvoir vivre tous ensemble

une vie digne d’être vécue.


Le second texte que je vous présente en guise de conclusion est, comme les années passées, une fable qui met en évidence l’importance de l’attitude positive devant la vie. C’est ce qui marque la différence entre la culture de la mort, dans laquelle nous pouvons vivre sans même nous en rendre compte, et la culture de la vie, qui remplit de joie, de couleur et de générosité notre propre existence et celle d’autrui.

Lors de ma visite en Biélorussie, je suis resté agréablement touché par le groupe de jeunes que j’ai rencontrés à Minsk et par la représentation d’une histoire mise en scène par eux. Elle m’a tellement plu et elle m’a semblé si éclairante que je me suis dit : “Voilà ce que je voudrais communiquer à toute la Famille Salésienne, voilà ce que je voudrais faire avec chacun de ses membres : donner mon parapluie jaune, celui que moi aussi j’ai reçu de Don Bosco”.


LE PARAPLUIE JAUNE


Il était une fois un pays gris et triste, où, lorsqu’il pleuvait, tous les habitants circulaient dans les rues avec des parapluies noirs. Toujours, rigoureusement, noirs.

Sous le parapluie tous avaient un air courroucé et triste… Et il ne peut pas en être autrement sous un parapluie noir !

Mais un jour que la pluie tombait à verse, plus drue que jamais, apparut à l’improviste un monsieur un peu bizarre qui se promenait sous un parapluie jaune. Et comme si cela ne suffisait pas, ce monsieur souriait.

Quelques passants le regardaient, scandalisés, depuis le dessous du parapluie noir qui les abritait, et ils grommelaient :

« Regardez-moi cette indécence ! Il est vraiment ridicule avec ce parapluie jaune qu’il arbore. Ce n’est pas sérieux ! La pluie est au contraire une chose sérieuse et un parapluie ne peut qu’être noir ! ».

D’autres se mettaient en colère et se disaient l’un à l’autre : « Mais quelle est donc cette drôle d’idée que de se promener avec un parapluie jaune ? Ce type ne cherche qu’à faire de l’esbroufe, c’est quelqu’un qui veut se faire remarquer à tout prix. Il n’est absolument pas marrant ! »

En effet, il n’y avait absolument rien de marrant dans ce pays, où il pleuvait sans cesse et où les parapluies étaient tous noirs.

Seulement voilà, la petite Natacha ne savait pas quoi penser. Une pensée lui trottait dans la tête avec insistance : « Lorsqu’il pleut, un parapluie est un parapluie. Qu’il soit jaune ou noir, ce qui compte, c’est d’avoir un parapluie qui abrite de la pluie ».

De plus, la petite fille s’apercevait que ce monsieur sous son parapluie jaune avait l’air d’être parfairement à son aise et heureux. Elle se demandait le pourquoi.

Un jour, à la sortie de l’école, Natacha s’aperçut qu’elle avait oublié chez elle son parapluie noir. Elle haussa les épaules et prit le chemin de sa maison nu-tête, laissant la pluie tremper ses cheveux.

Le hasard voulut qu’à peu de distance de là elle croisât l’homme au parapluie jaune, qui lui proposa en souriant :

« Fillette, veux-tu t’abriter ? ».

Natacha hésita. Si elle acceptait, tous se moqueraient d’elle. Mais lui arrive aussitôt l’autre pensée : « Lorsqu’il pleut, un parapluie est un parapluie. Qu’il soit jaune ou noir, qu’importe ? Il vaut toujours mieux avoir le parapluie que d’être trempé par la pluie ! ».

Elle accepta et s’abrita sous le parapluie jaune à côté de ce gentil monsieur.

Alors elle comprit pourquoi il était heureux : sous le parapluie jaune le mauvais temps n’existait plus ! Il y avait un grand soleil jaune dans le ciel bleu, où les petits oiseaux volaient en gazouillant.

Natacha avait un air si stupéfait que le monsieur éclata de rire : « Je le sais ! Toi aussi tu me prends pour un fou, mais je veux tout t’expliquer. Autrefois, j’étais triste, moi aussi, dans ce pays où il pleut sans cesse. J’avais, moi aussi, un parapluie noir. Mais un jour, en sortant du bureau, j’ai oublié mon parapluie et je pris le chemin de ma maison, tel que j’étais. Chemin faisant, je rencontrai un homme qui m’offrit de m’abriter sous son parapluie jaune. Comme toi, j’ai hésité parce que j’avais peur d’être différent, de me rendre ridicule. Mais ensuite j’ai accepté, parce que j’avais encore plus peur d’attraper un rhume. Et je m’aperçus – comme toi – que sous le parapluie jaune le mauvais temps avait disparu. Cet homme m’enseigna pourquoi sous le parapluie noir les personnes étaient tristes : le battement de la pluie et le noir du parapluie les portaient à se renfrogner, et elles n’avaient aucune envie de se parler. Puis, tout à coup, l’homme s’en alla et je m’aperçus que je tenais dans ma main son parapluie jaune. Je courus après lui, mais ne réussis plus à le trouver : il avait disparu. Ainsi, j’ai conservé le parapluie jaune et le beau temps ne m’a plus jamais quitté ».

Natacha s’écria :

« Quelle histoire ! Et vous ne vous sentez pas embarrassé à conserver le parapluie d’un autre ? »

Le monsieur répondit :

« Non, car je sais bien que ce parapluie appartient à tout le monde. Cet homme l’avait sans doute reçu, lui aussi, de quelqu’un d’autre ».

Quand ils arrivèrent devant la maison de Natacha, ils se saluèrent.

Dès que l’homme disparut en s’éloignant, la petite fille s’aperçut qu’elle tenait dans sa main son parapluie jaune. Mais qui sait désormais où retrouver ce gentil monsieur ?

Ainsi Natacha conserva le parapluie jaune, mais elle savait déjà que bien vite il changerait de propriétaire, qu’il passerait dans d’autres mains, pour abriter de la pluie et apporter le “beau fixe” à d’autres personnes.


Chers confrères, je termine en réitérant mes souhaits de Bonne Année 2007 : je vous invite à renouveler l’engagement de vivre dignement la foi en un Dieu qui aime la vie, tandis qu’avec Lui nous travaillons pour la construction d’une culture de la vie. C’est le témoignage que nous ont laissé d’une manière héroïque les martyrs de l’Espagne, qui seront béatifiés cette année, à une date qui reste encore à définir.

Je vous confie à Marie, Mère de Dieu et notre mère, afin qu’Elle vous guide, vous bénisse et rende fécondes votre existence et votre vocation.

Avec l’affection de Don Bosco


Père Pascual Chávez Villanueva

Recteur Majeur


1 Jean-Paul II, Discours lors de la veillée de prière pour la VIII ème Journée mondiale de la Jeunesse, Denver (14 août 1993), II, n. 3 : AAS 86 (1994), p. 419. [Cité en Evangelium Vitae, 17].

2 Cf. Charte de la Mission de la Famille Salésienne, nn. 9. 10. 16.

3 Jean-Paul II, Encyclique Evangelium Vitae (EV), 5.

4 Au Clergé du Diocèse de Rome. Carême 2006, dans L’Osservatore Romano [édition italienne], 4-03-2006, pp. 4ss..

5 EV 12.

6 EV 34.

7 EV 38.

8 EV 80.

9 Jean-Paul II, Exhortation Apostolique Familiaris consortio, 17.

10 Cf. P. Braido, Prevenire non reprimere. LAS, Rome 1999, pp. 324-325. [Pour la citation de la vie de François Besucco voir : Jean Bosco, Ecrits Spirituels (Joseph Aubry), Nouvelle Cité, Paris 1979, p. 192].

11 F. Orestano, cité par P. Braido, op. cit. p. 236.

12 A. da Silva Ferreira, Il dialogo tra don Bosco e il maestro Francesco Bodrato – 1864, RSS 3 (1984) 385.

13 J. Bosco, Vita del giovanetto Savio Domenico… p. 50, OE XI p. 200. [Pour cette citation voir : Jean Bosco, Ecrits Spirituels (Joseph Aubry), Nouvelle Cité, Paris 1979, p. 143].

14 Cf. P. Braido, op. cit. p. 233.

15 Cf. EV 87.

16 Constitutions SDB, 2.

17 EV 79.

18 EV 82.

19 EV 97.

20 Cf. Document du Conseil Pontifical “Justice et Paix” à l’occasion du Sommet Mondial sur le Développement Durable de Johannesburg (26 août - 4 septembre 2002).

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