351-400|fr|399 La Région Afrique - Madagascar

"Je suis venu pour qu’ils aient la vie et qu’ils l’aient en abondance"(1 Co 11,24)



PRÉSENTATION DE LA RÉGION AFRIQUE - MADAGASCAR



La Région Afrique - Madagascar. 1. Afrique - Madagascar aujourd’hui. 1.1 Configuration des présences salésiennes dans le Continent africain. 1.2 Les œuvres salésiennes. 1.3 Le contexte sociopolitique et religieux dans lequel nos œuvres se trouvent. 2. Histoire et développement des œuvres salésiennes. 2.1 Avant le Projet Afrique. 2.2 Le Projet Afrique. 2.3 Projet Afrique, fruit de la synergie de la Congrégation. 3. Le charisme salésien et la réalité africaine. 3.1 Pastorale des jeunes. 3.2 Paroisses et Missions. 3.3 Communication Sociale. 3.4 Famille Salésienne. 3.5 Economie et administration. 3.6 Formation. 4. Une impulsion pour l’avenir. 4.1 Les défis. 4.2 Relance du Projet Afrique. Conclusion.


Rome, 8 septembre 2007

Fête de la Nativité de la Vierge Marie



Très chers confrères,


Je m’adresse à vous avec l’affection de Don Bosco, tandis que nous nous préparons à célébrer la béatification des 63 Martyrs Salésiens d’Espagne, le 28 octobre à Rome, et celle de Zéphyrin Namuncurá, le 11 novembre à Chimpay, en Argentine. Le témoignage de nos confrères porté jusqu’à verser le sang et celui de Zéphyrin, qui représente une autre tesselle de la sainteté vécue par de jeunes salésiens et commencée par Dominique Savio, sont un appel à se donner totalement au Seigneur et à rester fidèle jusqu’au dernier souffle, comme fit Don Bosco et comme firent, sur ses traces, les Salésiens et les jeunes de l’Oratoire de Valdocco.


Je souhaite que dans toutes les parties de la Congrégation cette double fête soit célébrée, tant au niveau de communautés salésiennes que d’œuvres éducatives pastorales. Nous ne pouvons pas manquer l’occasion pour remercier Dieu pour le don de la sainteté salésienne, avec lequel Il a voulu enrichir la famille spirituelle et apostolique de Don Bosco, et pour renouveler notre engagement de montrer aux jeunes de hauts sommets à atteindre.


Cette fois je vous écris sur la Région Afrique – Madagascar, avec laquelle je conclus la présentation des huit Régions établies dans la Congrégation. Et je le fais avec un enthousiasme particulier, car vraiment le Seigneur a été très bon à notre égard en nous envoyant vers cet immense et merveilleux continent. Nous y avons trouvé un espace pour faire de toute l’Afrique le plus grand Oratoire du monde. Et l’Afrique est en train d’enrichir la Congrégation avec de nombreuses vocations, et aussi avec des expressions du charisme ancrées dans sa culture.


Dès ma première visite en Afrique, en 1987, à Conakry et à Kankan, quand j’étais Directeur de la Maison d’études théologiques de Tlaquepaque, je me rendis compte que, si la valeur la plus importante, celle à laquelle les Africains sont plus sensibles, est la vie, paradoxalement en aucune autre partie du monde comme en Afrique la vie n’est autant menacée par la pauvreté, par la faim et par la soif, par les maladies, le SIDA en particulier, par les guerres et les conflits interethniques, par l’esclavage et par l’émigration forcée, par le trafic des stupéfiants, par le trafic d’êtres humains.


C’est pourquoi il devient naturel d’entendre comme une parole de réconfort et d’espérance, et même comme un commandement précis, la parabole du Bon Pasteur, où Jésus présente sous forme de synthèse tout le but de son existence dans cette très belle expression : « Je suis venu pour qu’ils aient la vie et qu’ils l’aient en abondance » (Jn 10,10b). Nous Salésiens, nous sommes arrivés en Afrique pour “incarner” ce Jésus Pasteur, dont la venue assure une vie abondante, pour collaborer à vaincre la culture de la mort et à faire en sorte que la vie germe, croisse et atteigne sa plénitude. Notre collaboration à la construction du Royaume passe à travers notre engagement de promouvoir la vie, la paix, la liberté dans les différents pays d’Afrique et à Madagascar, à travers le don total par lequel nous nous livrons aux jeunes, pour leur éducation, pour leur rencontre avec le Christ, pour les aider à faire mûrir leurs projets de vie.


La vraie promotion humaine réalisée par nous, Salésiens, ne peut être dissociée de l’éducation et de l’évangélisation. C’est pourquoi nous ne pouvons pas réduire notre présence à celle de travailleurs sociaux, même s’il y a tant de problèmes sociaux urgents qui demandent notre engagement et le don de nous-mêmes généreux et efficace. Nous avons été envoyés pour évangéliser, pour pouvoir dire et donner aux jeunes Celui qui peut leur garantir la vie en abondance, le Christ Jésus.


Le texte cité ci-dessus, que j’ai choisi pour cette lettre et qui est vraiment tout un programme, « Je suis venu pour qu’ils aient la vie et qu’ils l’aient en abondance » (Jn 10,10b), fait partie du discours dans lequel Jésus présente par contraste la différence entre le voleur, le brigand, l’inconnu et le pasteur. Le contraste entre les deux est mis en évidence par leur manière différente d’agir, quand ils approchent les brebis, par leur façon d’entrer dans l’enclos des brebis, par leur rapport avec elles et, naturellement, par leur façon de sortir, suivis ou non par les brebis. Tandis que le voleur pénètre par un autre côté et vient pour voler, détruire et tuer, le bon pasteur entre par la porte, de jour, sa voix est familière, il connaît par leur nom ses brebis, les précède, les guide vers de bons pâturages et les désaltère en des eaux cristallines. En somme, le bon pasteur se dépense totalement pour que ses brebis vivent, jusqu’au point de donner sa propre vie pourvu qu’elles aient la vie en abondance.


Je considère ce texte comme un texte qui peut servir à une lecture critique de la réalité passée et de la réalité présente en Afrique, et devenir un message d’espérance pour ces peuples ainsi qu’un véritable programme de vie pour nous. Je vous invite maintenant à vous engager dans cette merveilleuse Région.


La Région Afrique – Madagascar


La Région Afrique – Madagascar continue encore aujourd’hui à attirer l’attention des Salésiens pour divers motifs. Elle est la Région la plus jeune de la Congrégation et beaucoup de Provinces conservent avec elle un lien fort, même affectif, en raison du rôle résolument actif joué pour sa constitution. Elle suscite également un intérêt particulier parce qu’elle est un des peu nombreux secteurs où la Congrégation croît numériquement. Elle est vraiment une Région de grandes promesses et, dans le même temps, de grands défis et de grandes occasions pour le charisme salésien.


Le Père Egidio Viganò en 1980 lança le “Projet Afrique”, et dès le début il y eut une forte poussée vers l’expansion et la croissance des présences salésiennes en Afrique – Madagascar. Le 25ème anniversaire du commencement de ce projet a été célébré dans beaucoup de nations du Continent ; dans d’autres, il est en train d’être célébré au fur et à mesure que se présente l’année où les Salésiens y commencèrent leur présence. Un volume commémoratif, ayant pour titre Projet Afrique 25° – 1980-2005, a été publié en plusieurs langues, justement pour souligner le 25ème anniversaire. Il apporte une connaissance du projet riche et abondante, avec un regard sur le passé et sur l’actualité de la présence salésienne en Afrique - Madagascar. Mon invitation est que tous puissent prendre en main ce volume, riche d’informations et d’encouragements. Il pourrait, même, être le moyen d’une bonne assimilation de ce que dans cette lettre je présente d’une manière nécessairement concise.


On avait déjà commencé pendant la vie de Don Bosco à parler d’éventuelles fondations salésiennes en Afrique. A partir de 1864, il avait eu des contacts avec Saint Daniel Comboni, un vrai missionnaire pionnier de l’Afrique, et avec l’Archevêque Charles Lavigerie, grand apôtre de l’Algérie, au sujet de possibles initiatives salésiennes en Afrique. Etant donné l’impossibilité d’envoyer aussitôt des Salésiens dans les endroits suggérés par les deux missionnaires, Don Bosco accepta avec grande joie un certain nombre d’orphelins à l’Oratoire de Valdocco (cf. MB 9,734-735). En 1886, au cours d’une réunion du Chapitre Supérieur – c’est ainsi qu’on appelait alors le Conseil Général - Don Bosco affirma que la Mission Africaine (ou plus précisément le projet d’ouvrir une présence au Caire) « est un de mes plans, un de mes rêves » (cf. MB 18,142). Et, en effet, il avait eu un rêve sur l’Afrique qu’il raconta le 2 juillet 1885 (cf. MB 17,643-645).


Le rêve de Don Bosco sur l’Afrique commença à se réaliser progressivement pendant le Rectorat de Don Michel Rua, à l’intérieur d’un projet d’ensemble visant une expansion au niveau mondial de la Société Salésienne. La première présence salésienne en Afrique remonte à 1891, quand un groupe de Salésiens français arriva en Algérie pour commencer l’Oratoire Saint-Louis à Oran. En 1894, la Tunisie eut une présence salésienne et, en 1896, d’autres suivirent en Egypte et en Afrique du Sud. D’autres présences furent ouvertes dans différentes nations entre 1907 et 1975 ; mais il faut admettre qu’il n’y avait pas de projet bien défini pour s’engager dans l’immensité de l’Afrique.


Grâce au “Projet Afrique”, aujourd’hui l’Afrique et Madagascar sont une réalité salésienne florissante. Actuellement la Région comprend deux Provinces, dix quasi-Provinces et une Délégation, réunies dans la Conférence des Provinces et quasi-Provinces de l’Afrique – Madagascar (CIVAM). Selon les statistiques publiées en janvier 2007, dans la Région il y a au total 1241 Salésiens profès et 89 novices, distribués en 168 communautés et 11 autres présences, dont quelques-unes ont la charge de plusieurs œuvres. Le plus beau dans ces statistiques est le nombre des profès d’origine africaine : 52 % du total ; et chaque année, avec les nouvelles professions religieuses de jeunes africains, le pourcentage augmente. Le visage africain de la Congrégation Salésienne, que Don Bosco a vu en rêve, est en train de devenir plus qu’une réalité, année après année.


C’est le déroulement de cette très belle épopée salésienne que je voudrais livrer à votre attention au moyen de cette lettre.


1. Afrique - Madagascar aujourd’hui


Permettez-moi de vous offrir encore quelques indications sur la réalité salésienne en Afrique et à Madagascar, telle qu’elle se présente aujourd’hui.



1.1 Configuration des présences salésiennes dans le Continent africain


Après l’Asie, l’Afrique est le continent le plus grand et le plus peuplé. Elle a une étendue de 30 250 499 kms2, y compris les îles du voisinage ; elle couvre 6% de la superficie totale de la Terre et 24% de la terre ferme. Avec environ 900 000 000 d’habitants, appartenant à 53 nations indépendantes et à trois territoires dépendants, elle compte environ 14% de la population mondiale.


Nous Salésiens, nous sommes présents et nous travaillons dans 42 de ces pays. Le Sahara, l’immense désert au nord du continent, est le plus grand désert du monde avec environ 9 millions de km2. Pour plus des deux tiers, la population africaine habite au sud du Sahara. Les présences salésiennes sont comme des étoiles dispersées dans l’entière région située au sud du Sahara, à l’exception des territoires de Botswana, de Gambie, de Guinée-Bissau et de Somalie.


Parmi les 42 nations où nous sommes présents : l’Egypte fait partie de la Province du Moyen-Orient et elle est incluse dans la Région Italie et Moyen-Orient, les Iles du Cap-Vert sont liées à la Province portugaise, le Maroc à la France et la Tunisie à la Délégation de Malte qui, à son tour, dépend juridiquement de la Province irlandaise. Comme telles, ces présences salésiennes font partie, chacune, d’une région européenne. En Libye actuellement il n’y a pas de communautés salésiennes, mais un confrère, ayant un mandat spécial, prête son service dans le Vicariat de Benghāzi. Une récente étude du Conseil Général sur la réalité salésienne dans ces pays considère comme une chose sage de laisser ces affiliations telles qu’elles sont, en attendant des temps meilleurs pour une réorganisation qui puisse en favoriser l’intégration dans la Région Afrique – Madagascar.


En raison aussi du passé colonial, les 37 nations incluses dans la Région Afrique – Madagascar sont réparties en trois groupes linguistiques, à savoir l’anglophone : AET, AFE, AFM, AFW, ZMB ; le francophone : AFC, AFO, AGL, ATE, MDG ; le lusophone : ANG, MOZ.


Avec l’exception des Provinces d’Afrique Centrale (AFC), d’Angola (ANG) et du Mozambique (MOZ), toutes les Provinces et toutes les quasi-Provinces regroupent plus d’une nation.


L’Afrique Occidentale Francophone (AFO) comprend le Bénin, le Burkina Faso, la Guinée, la Côte-d’Ivoire, le Mali, le Sénégal et le Togo. La maison provinciale se trouve à Abidjan, en Côte-d’Ivoire.


Vient ensuite l’Afrique Tropicale Equatoriale (ATE) avec six nations : le Cameroun, la République centrafricaine, le Tchad, le Congo-Brazzaville, la Guinée Equatoriale et le Gabon. La maison provinciale est à Yaoundé, au Cameroun. Tandis que dans cinq de ces pays la langue officielle est le français, en Guinée Equatoriale est utilisé l’espagnol.


L’Afrique Occidentale Anglophone (AFW) comprend quatre états : Ghāna, Liberia, Nigeria et Sierra Leone. Le siège provincial est à Ashaiman, au Ghāna.


Egalement la quasi-Province de la Zambie (ZMB) comprend quatre nations : le Malawi, la Namibie, la Zambie et le Zimbabwe, avec la maison provinciale à Lusaka, en Zambie.


La Province Afrique Est (AFE) comprend à présent trois nations : le Kenya, la Tanzanie et le Soudan. Toutefois le Soudan est une Délégation semi-autonome, avec des statuts spéciaux approuvés par le Recteur majeur.


De l’Afrique Méridionale (AFM), en plus de de l’Afrique du Sud, font aussi partie le Lesotho et le Swaziland. Le siège provincial est à Johannesburg.


L’Afrique des Grands Lacs (AGL) est une quasi-Province récemment fondée qui comprend le Burundi, le Ruanda et l’Ouganda. Cette dernière nation a l’anglais comme langue commune. C’est pourquoi les informations dans la quasi-Province sont bilingues : français et anglais. La maison provinciale est située à Kimihurura, au Ruanda.


L’AET comprend l’Ethiopie et l’Erithrée, mais les relations entre les deux pays sont tellement tendues que voyager devient extrêmement difficile, c’est pourquoi, en vue des rencontres au niveau provincial, on est obligé de chercher une nation neutre pour assurer la participation de tous. Mais même cela n’est pas toujours possible. La maison provinciale est à Addis-Abeba, en Ethiopie.


La quasi-province de Madagascar (MDG) comporte principalement l’île de Madagascar, territoire d’une nation, où sont situées presque toutes les maisons salésiennes, y compris le siège provincial. Il n’y a en dehors qu’une communauté, qui se trouve dans la petite île Maurice, territoire d’une nation.


J’ai présenté avec quelques détails la physionomie internationale des Circonscriptions juridiques de l’Afrique – Madagascar pour faire ressortir la situation très complexe et difficile des présences salésiennes dans cette région. La diversité des langues, les longues distances, le manque de moyens simples de communication et de transport, viennent s’ajouter aux difficultés ordinaires de gouvernement et d’animation d’une Province. Les Provinciaux de la plus grande partie de ces Circonscriptions emploient une partie de leur précieux temps pour obtenir les papiers pour les voyages, et pour effectuer les voyages eux-mêmes lors des visites aux communautés. En outre les dépenses pour l’animation et l’administration des Provinces atteignent des sommes astronomiques, spécialement en raison et pour la nécessité des voyages d’une nation à l’autre. Je vous laisse imaginer la fatigue qu’exige ce travail d’animation.



1.2 Les œuvres salésiennes


En jetant un regard rétrospectif sur l’expérience vécue en Afrique – Madagascar depuis son commencement, et en particulier pendant ces trente dernières années ou presque, nous pouvons affirmer que l’Afrique et le charisme salésien sont vraiment faits l’une pour l’autre. Elle est un continent regorgeant de jeunes, dont beaucoup ont besoin de tout et sont donc les vrais destinataires de notre action apostolique. Les 40 dernières années ont vu un rapide accroissement de la population du continent, avec le résultat d’un pourcentage élevé du côté des jeunes. Les estimations disent qu’en certains pays africains la moitié ou plus de la population est au-dessous de 25 ans. Une autre recherche met en évidence que 60% des africains sont des enfants et des jeunes gens.


En 1988, en faisant référence à notre entrée en Afrique, le Père Egidio Viganò remarquait : « Nous sommes les derniers arrivés avec l’engagement d’évangélisation du continent africain ; nous avons beaucoup à apprendre de tous, mais, nous, nous possédons un trésor que peut-être les autres n’ont pas. Nous sommes, nous, les porteurs d’une méthode particulière pour l’évangélisation des jeunes : la prédilection pour eux et un style qui est unique ». L’attention portée aux jeunes et à leurs besoins a donc caractérisé l’expansion salésienne en Afrique dans son ensemble.


En réalité, une grande partie de nos activités en Afrique – Madagascar s’est concentrée sur le service éducatif des jeunes et sur le travail pastoral des paroisses. Sur le plan éducatif, un relief particulier a été donné aux écoles techniques et aux centres de formation professionnelle, même si en des années récentes il y a eu beaucoup de difficulté à constituer ces écoles. Les paroisses sont nombreuses ; certaines d’entre elles ont à l’extérieur des postes de mission, reliés au centre principal. Forme un troisième secteur important d’activité l’oratoire ou centre de jeunes, qui est une merveilleuse entreprise pour atteindre d’innombrables jeunes.


Il y a d’autres champs d’activité en différentes parties de l’Afrique et de Madagascar, mais, au bout du compte, nous pouvons affirmer que l’Afrique et Madagascar sont encore en train d’attendre la pleine floraison du charisme salésien dans ses multiples facettes.



1.3 Le contexte sociopolitique et religieux dans lequel nos œuvres se trouvent


Dans le monde d’aujourd’hui il est devenu plus ou moins une mode de parler des nombreux problèmes de l’Afrique, à commencer par ses multiples formes de pauvreté et de misère, jusqu’à l’expansion du SIDA, comme s’il s’agissait là d’une maladie purement africaine. Il est vrai que certaines de ces réalités ne peuvent être niées, car elles se présentent très fortement devant nous. Mais derrière cette façade de pauvreté et de maladie, il y a des peuples qui ont une histoire et un héritage culturel comparables à tant d’autres dans le monde.


Pendant bien des siècles les Africains ont souffert de grandes injustices et une inimaginable oppression : conséquence des visées coloniales des nations européennes, et surtout à cause du détestable commerce des esclaves. A présent, les peuples d’Afrique désirent secouer les chaînes du passé qu’ils ont sur eux et viser à construire un avenir prometteur.


Il faut dire que l’Afrique n’est pas tout entière et également pauvre et misérable. A une extrémité nous trouvons l’Afrique du Sud, fortement industrialisée, ou des quartiers dans les grandes villes de nombreux états ; à l’autre extrémité nous avons la grande majorité des pauvres qui n’ont accès à rien, sinon à une économie de subsistance. La différence entre les riches, en petite quantité, et les pauvres, en grand nombre, est très marquée dans le continent africain.


Une riche mozaïque composée d’une infinité de tribus, de langues et de cultures, forme la population de l’Afrique. La musique et la danse sont constitutifs du style de vie de toute nation africaine, au point qu’il est presque impossible de ne pas se sentir emporté par l’attitude joyeuse des gens. Il n’y a pas de limite au temps lorsqu’il y a une célébration, tant religieuse que civile. « Tu as l’horloge, mais nous avons le temps » : c’est l’avertissement qu’ils semblent adresser aux personnes des pays soi-disant développés, si conditionnées par des rendez-vous et des échéances. Aucun étonnement, par conséquent, si la Messe dominicale dans une paroisse peut durer plus de deux heures. J’ai toujours éprouvé une grande joie à célébrer l’Eucharistie avec les gens dans différentes parties de l’Afrique. La pauvreté et les privations n’ont pas volé à ces gens la joie et la volonté de vivre. C’est là vraiment une merveilleuse caractéristique dont notre système éducatif salésien pourrait se servir pour éduquer la jeunesse.


La situation tribale et l’“infrastructure culturelle” des peuples africains constituent véritablement une épée à double tranchant. D’une part, elles offrent une stabilité et une cohésion aux divers groupes de personnes. La loyauté tribale est une défense contre la désintégration sociale. Elle transmet un sens de discipline chez tous les membres et constitue une sauvegarde des coutumes et des traditions. Tout cela aide à résister aux assauts de cultures étrangères apparemment plus désirables.


D’autre part, le tribalisme a été la cause de nombreuses guerres en diverses parties de l’Afrique, qui dégénéraient même en d’horribles génocides. Et les guerres sont une des principales causes de la pauvreté apparemment incurable de l’Afrique. Encore de nos jours en diverses parties de l’Afrique, il y a des guerres qui apportent une terrible misère et des souffrances à des millions de personnes. La guerre au Darfour, une région du Soudan, comme aussi celle qui sévit en Somalie sont bien connues de tout le monde, mais il y a aussi des guerres que l’on oublie en Ouganda et dans quelque partie du Congo.


Le tribalisme est également cause d’instabilité politique dans un grand nombre de jeunes démocraties d’Afrique. Souvent il se glisse au sein d’une intégration vraie accomplie entre les peuples. Transmettre une éducation “catholique” véritable dans nos présences qui comptent beaucoup de personnes, particulièrement dans les villes, n’est pas si facile. Dans ce contexte, des thèmes comme la réconciliation, l’acceptation réciproque, l’unité dans la diversité, deviennent des propositions constantes dans l’éducation et dans l’évangélisation.


Parmi les nombreux problèmes sociaux qui affligent l’Afrique et Madagascar, on ne peut passer sous silence une maladie particulière qui porte souvent ces temps-ci l’Afrique sur le devant de la scène. Il s’agit du SIDA, une maladie qui se propage facilement et qui frappe des millions d’Africains. Mëme s’il est vrai que le SIDA n’est pas une particularité exclusivement africaine, toutefois il est certain que les proportions que ce fléau est en train de prendre en Afrique vont bien au-delà de celles qu’on enregistre dans d’autres continents. On déduit d’une enquête que dans certaines nations d’Afrique, comme le Zimbabwe et le Swaziland, 25-30% de la population sont atteints du SIDA. Selon les informations fournies par les Nations Unies, sur environ 3 millions de personnes qui sont mortes du SIDA en 2005, un tiers habitait la région d’Afrique située au sud du Sahara, et, pour un demi-million, c’étaient des enfants. Ce problème social doit attirer notre attention, car c’est seulement à travers une éducation de qualité que l’on peut vraiment combattre cette plaie. D’autant plus que, pour un nombre toujours croissant, des enfants et des jeunes sont victimes du SIDA. On pourrait envisager là, avec raison, l’un de nos nouveaux objectifs pour l’évangélisation et l’éducation.


Du point de vue religieux, l’Islam et le Christianisme sont les religions les plus répandues en Afrique et à Madagascar. Selon une estimation[1], sur une population de 900 millions d’habitants, environ 40% sont musulmans et 34% sont chrétiens. Pour le reste, les africains pratiquent différentes religions locales, qui sont réunies sous le terme générique d’« animisme ». Un nombre très restreint suit la religion Hindoue, ou conserve quelque croyance venue de la tradition judaïque. Les catholiques en Afrique constitueraient un peu plus de 17% de la population[2]. Mais souvent il n’est pas important de se demander à quelle religion appartient un peuple, car il y a malheureusement une forte tendance à mélanger les aspects religieux avec l’acceptation de la nouvelle foi. Ce fait est rendu évident dans les centaines de sectes religieuses qui sont en train de se multiplier rapidement en terre africaine.


La région située au sud du Sahara est dominée par le Christianisme, tandis que le nord du continent a une population en majorité musulmane. Cette situation explique en partie la consistance des présences salésiennes dans la région d’Afrique située au sud du Sahara en comparaison avec le nord. En outre, l’Islam rencontré dans le nord et l’Islam rencontré dans la région située au sud du Sahara n’ont pas le même type : on doit noter entre eux une différence qualitative. Tandis que le nord tend à être plus orthodoxe, en s’orientant vers une ligne plus fondamentaliste, les musulmans de la région située au sud du Sahara sont plus tolérants et ne mettent pas d’obstacles aux activités de l’Eglise.


Le développement de l’Eglise en Afrique est relativement récent. En 1900 il y avait environ 9 millions de chrétiens dans tout le continent. En 2005, selon l’Annuaire statistique du Vatican, les catholiques sont environ 154 millions. Contrairement à ce qui se produisait dans le passé, aujourd’hui la forte croissance du Christianisme en Afrique, au moins en partie, est due aux initiatives d’évangélisateurs locaux, plutôt que de missionnaires étrangers.


Dans l’affrontement religieux on observe une action concertée pour islamiser certaines parties de l’Afrique, par exemple le Soudan ; en outre on constate la propagation vertigineuse de sectes de tous types. En réalité, le besoin des gens d’Afrique de célébrer et d’être des protagonistes actifs dans les célébrations attire un grand nombre vers les nombreuses sectes qui n’empêchent pas la libre expression dans le culte. C’est là vraiment un défi dans notre engagement d’évangélisation, qui se révèle autant nécessaire aujourd’hui qu’au moment où l’Evangile fut prêché pour la première fois dans le continent. Nous devons arriver à adopter des méthodes d’évangélisation qui conviennent à la culture et à la sensibilité des gens pour pouvoir conserver et approfondir la foi des baptisés, comme aussi pour pouvoir atteindre des millions de personnes qui n’ont pas encore entendu parler de la Bonne Nouvelle.


2. Histoire et développement des œuvres salésiennes



2.1 Avant le Projet Afrique


Nous avons déjà fait allusion aux commencements de la présence salésienne en Afrique avec l’ouverture d’un oratoire en Algérie, à Oran, en 1891. Dans les années qui suivirent, deux autres présences furent ouvertes en Algérie, mais les Salésiens durent se retirer du pays en 1976 en raison de l’hostilité du climat politique.


La Tunisie fut, en 1894, la seconde nation à avoir une présence salésienne. A cause des hauts et des bas de l’histoire, des trois présences ouvertes en Tunisie, ne survit aujourd’hui que l’école commencée en 1988 à Manouba, dépendante de la Délégation de Malte. Les étudiants sont tous musulmans. Toute forme de prosélytisme est absolument interdite.


L’année 1907 vit les débuts d’une fondation salésienne au Mozambique, qui eut cependant une période de vie très courte parce que, sous la vague de la révolution républicaine au Portugal, les Salésiens furent expulsés en 1913 et l’école fut réquisitionnée par le gouvernement. Pour revoir la réouverture d’une présence salésienne au Mozambique on dut attendre jusqu’à 1952.


L’année 1911 marqua le commencement de la présence salésienne au Congo Belge. Les graines du charisme jetées dans cette partie de l’Afrique ont germé et porté des fruits abondants. Le résultat fut la création d’une Province d’Afrique Centrale en 1959 et de la quasi-Province des Grands Lacs en 2006. Jusqu’au lancement du Projet Afrique, la Province d’Afrique Centrale était le point de référence pour les présences en Afrique dans leur ensemble.


On doit reconnaître qu’entre 1891 et 1978 le charisme salésien ne se développa pas beaucoup dans les différents pays africains. A la mort de Don Rua en 1910 il y avait des présences salésiennes en Algérie, en Tunisie, en Egypte, en Afrique du Sud et au Mozambique. Don Albera envoya les Salésiens au Congo Belge. Durant le Rectorat du Père Philippe Rinaldi les Salésiens ouvrirent des présences aux Iles Canaries (1923) et au Maroc (1929). Le Père Pierre Ricaldone fut l’artisan de l’entrée en Libye (1939) et aux Iles du Cap Vert (1946). Avec le Père René Ziggiotti, Recteur majeur, furent ouvertes des présences au Ruanda et au Swaziland (1953), au Congo-Brazzaville (1959), au Burundi (1962) et au Gabon (1964). Le Père Louis Ricceri ajouta encore deux pays à la carte géographique salésienne de l’Afrique : la Guinée Equatoriale (1972) et l’Ethiopie (1975). Les préparatifs pour un emplacement salésien dans la Côte-d’Ivoire étaient déjà commencés en 1973 au moyen de la présence d’un salésien.


De toutes ces présences – de la première arrivée des Salésiens jusqu’au lancement du “Projet Afrique” – quelques-unes n’existent plus aujourd’hui, mais elles ont préparé la route pour la grande expansion du charisme dans le continent. Au cours de toutes ces années, pour la majeure partie, les confrères étaient des missionnaires en provenance de l’Europe. Les pionniers durent affronter toute sorte de difficultés à cause des situations sociales et politiques, mais aussi parce qu’en certains cas les autorités ecclésiastiques ne réussissaient pas toujours à comprendre la nature spécifique du charisme salésien. Il faut également noter qu’en de nombreux pays l’activité des Salésiens était principalement dirigée vers les fils d’immigrés européens, même si ne manquèrent pas des tentatives pour atteindre la jeunesse indigène africaine. Les Salésiens acceptèrent des écoles primaires, ouvrirent des écoles techniques ou des écoles d’arts et métiers, comme on disait alors, et s’engagèrent dans le travail paroissial. Ils fondèrent des missions pour subvenir aux besoins de ceux qui habitaient dans des zones rurales. En termes de statistique, en 1978 les Salésiens en Afrique étaient 330, dans 52 présences dispersées dans 13 nations. Il y avait seulement cinq novices. Et seulement 35 de ces salésiens étaient d’origine africaine, y compris deux Evêques.



2.2 Le Projet Afrique


Avec le lancement du Projet Afrique, opéré par le Père Egidio Viganò en 1980, le charisme salésien a fait de grands progrès dans tout le continent africain.


On peut faire remonter les origines du Projet à l’appel, aux accents de tristesse, que fit le P. Jacques Ntamitalizo lors d’une des séances du CG21. Il était l’unique africain présent au Chapitre Général en tant que délégué de la Province d’Afrique Centrale. Il adressa une émouvante supplication au Chapitre pour qu’il considérât que désormais était mûr pour la Congrégation salésienne le temps de faire quelque chose de plus pour l’Afrique, en déployant un plus grand engagement et en conduisant un programme avec plus d’attention. Son message fit dans sa simplicité une profonde impression sur tous les présents et, au cours de la période de six années qui suivit le Chapitre, le Père Egidio Viganò élabora une réponse, sous la forme précisément de “Projet Afrique”.


Après les études préliminaires effectuées entre 1978 et 1980, le Père Viganò lança le Projet au moyen de la circulaire ayant pour titre : Notre engagement africain (ASC 297). Le Recteur majeur déclarait sa conviction que « le Projet-Afrique est aujourd’hui pour nous, Salésiens, une grâce de Dieu », et il invitait tous les membres de la Famille Salésienne à participer à sa conviction. Les événements qui suivirent confirmèrent que l’invitation n’étaient pas tombée dans des oreilles sourdes.


La stratégie suivie par le Recteur majeur et par son Conseil fut de confier certaines zones de l’Afrique à des groupes de Provinces, pour faciliter l’envoi de confrères en vue de l’ouverture de nouvelles présences et en même temps pour leur fournir un soutien économique. Il faudrait beaucoup de place pour entrer dans les détails de ce programme si complexe qui impliqua, d’une manière ou d’une autre, l’entière Congrégation. Ce n’est pas mon intention de faire un rapport détaillé, nation par nation, du commencement du charisme salésien en Afrique. D’autre part, je considère que ne pas mettre en relief au moins les lignes principales de cet effort de la Congrégation serait un affront au dévouement et à la générosité de ceux qui y prirent une part active.


Dans la réalisation du Projet Afrique on peut reconnaître trois phases distinctes. La première est certainement la phase de fondation en beaucoup de nouveaux pays.


Déjà en 1979 la Province de Grande-Bretagne avait ouvert une présence au Liberia. L’année suivante démarrèrent de nouvelles présences dans sept nations. Les Provinces espagnoles de León, de Bilbao et de Madrid ouvrirent des présences respectivement au Sénégal, au Bénin et en Guinée Equatoriale. La même année les Provinces indiennes et la Province italienne Centrale commencèrent les présences au Kenya. Les Salésiens irlandais entrèrent au Lesotho et les Salésiens indiens au Soudan. La Tanzanie reçut de l’Inde 14 confrères et un coopérateur pour commencer quatre présences.


L’année 1981 vit quatre nouvelles nations enrichir la carte géographique salésienne de l’Afrique, à laquelle se joignit Madagascar. Les efforts conjugués des Provinces d’Argentine, du Brésil, du Paraguay et d’Uruguay permirent l’envoi d’un groupe de 10 confrères pour ouvrir trois présences en Angola. La Province espagnole de Barcelone assuma la responsabilité d’une présence en Côte-d’Ivoire, tandis que plusieurs Provinces italiennes prirent l’initiative d’ouvrir quelques présences en différentes parties de Madagascar. Le Mali eut l’honneur d’avoir deux présences salésiennes avec des confrères qui provenaient de la Province espagnole de Valence.


L’année 1982 fut témoin d’une autre expansion de maisons salésiennes dans cinq nouveaux pays. Les Salésiens de deux Provinces italiennes (la Subalpine et celle de Novare) entrèrent au Nigeria, en s’établissant à Akure et à Ondo, tandis que deux autres Provinces espagnoles s’aventurèrent au Togo, en acceptant une paroisse à Lomé. Puis ce fut le tour des Provinces polonaises qui entrèrent en Zambie avec 12 confrères et ouvrirent différentes maisons. L’Ethiopie, où les Salésiens de la Province du Moyen-Orient étaient en action depuis un certain temps, reçut une nouvelle sève avec l’arrivée des Salésiens de la Province de Milan.


L’année 1983 peut être considérée comme la dernière de la première phase d’introduction du charisme et de l’expansion du travail salésien en Afrique. Cette année-là il y eut encore six demandes de nouvelles fondations.


Les nouvelles fondations continuèrent à dépendre des Provinces mères. Certaines furent organisées en Délégations provinciales, mais toujours sous la responsabilité de la Province mère. La stratégie du Père Viganò de confier des territoires missionnaires particuliers aux Provinces mères d’Europe, d’Inde et d’Amérique produisit d’excellents fruits, avec le résultat que déjà en 1984 le nombre des Salésiens était monté en tout à 507, avec 91 présences dans 29 nations. Le nombre des novices, tous africains, s’éleva à 10 unités.


Les années entre 1985 et 1990 peuvent être considérées comme la deuxième phase du Projet Afrique, c’est-à-dire la phase de consolidation et d’organisation structurale.


Avec le nombre croissant de présences, de confrères et de vocations locales, il fut nécessaire d’accorder plus d’attention à la consolidation et à l’organisation structurale d’œuvres dispersées, au moyen de liens juridiques de dépendance par rapport aux Provinces mères, ayant leurs sièges en des pays éloignés. C’est pourquoi il fut introduit un processus graduel d’atténuation des liens juridiques des communautés africaines par rapport aux Provinces mères, en les regroupant tout d’abord en Délégations semi-autonomes et ensuite en quasi-Provinces. Déjà avant le CG23 les Délégations d’Afrique du Sud et d’Afrique de l’Est furent érigées en quasi-Provinces, chacune comprenant plusieurs états. Avec 1990 le nombre des Salésiens était monté à 711, répartis en 129 maisons dans 33 nations. Egalement le nombre des novices avait augmenté, atteignant 37. Le résultat était vraiment très consolant : c’était certainement un fruit du Projet.


La phase de consolidation continua sans interruptions pendant toute la période de six ans après le CG23. Avec 1995 il y avait en Afrique 5 Circonscriptions indépendantes et sept Délégations. Les Salésiens étaient déjà en service dans 38 états africains et leur nombre croissait fortement.


La troisième phase pourrait être appelée la phase de l’unification de l’Afrique Salésienne, avec la constitution de la Région Afrique – Madagascar.


La croissance régulière et sûre, la consolidation et l’organisation structurale du travail salésien en Afrique portèrent à la décision courageuse du CG24, en 1996, de constituer la Région Afrique – Madagascar. Le Projet est ainsi devenu une Région en seulement 16 années ! Le Père Antonio Rodríguez Tallón, qui terminait les six années de Conseiller pour la Région Espagne – Portugal, fut élu premier Régional pour l’Afrique – Madagascar. Le Chapitre donnait aussi quelques critères pour la consolidation et l’organisation désormais en cours de la Région, en mettant en évidence les aspects d’Unité, d’Insertion dans les cultures, de Réciprocité missionnaire ainsi que d’autres lignes concrètes d’organisation.


Pendant la période de six années qui suivit (1996-2002) la Région Afrique - Madagascar manifesta d’autres signes de croissance et de consolidation : de nouvelles œuvres furent ouvertes, le nombre des confrères africains augmenta jusqu’à atteindre le total significatif de 231, et plusieurs Circonscriptions indépendantes furent constituées.


Le CG25 fit un autre pas en avant, en suggérant le regroupement des Circonscriptions de l’Afrique en une même Conférence. L’inoubliable Père Valentín de Pablo, en sa qualité de Conseiller Régional pour l’Afrique – Madagascar, veilla à l’organisation de la Conférence des Provinces d’Afrique – Madagascar, avec l’acronyme CIVAM, dont furent approuvés les statuts.


De nos jours le Projet fait partie de l’histoire, mais la Région Afrique – Madagascar avance avec détermination, en affrontant de nouveaux problèmes et en cherchant à conserver sa fécondité au plan des vocations, et même avec le désir de croître de plus en plus. La Région se sent fière de ses structures au niveau régional, qui comprennent un Secrétariat, les Commissions pour la Pastorale des Jeunes et pour la Formation, et des Coordinateurs de la Communication et de la Formation professionnelle.



2.3 Projet Afrique, fruit de la synergie de la Congrégation


Chers confrères, à tous ceux qui posent leur regard sur la spectaculaire épopée de la réalisation du “Projet Afrique”, que je vous ai présentée, fût-ce schématiquement, il doit être évident que rien n’aurait été possible si le Seigneur n’avait choisi de travailler à travers nos confrères. Le Père Viganò lança le Projet Afrique en réponse à une inspiration d’En haut, comme il avait l’habitude de dire, et vraiment une main invisible nous a guidés au long de sentiers rapides et sûrs pour que tout devînt une merveilleuse réalité.


Je désire mettre en évidence quelques facteurs importants qui ont contribué à la réussite du Projet :


a) La rapidité avec laquelle nous avons été capables de nous étendre dans toute l’Afrique est due à l’enthousiasme avec lequel toutes les Provinces acceptèrent l’invitation du Recteur majeur à participer au Projet. Ce dernier a suscité un grand enthousiasme missionnaire dans toute la Congrégation. On peut vraiment dire que ce fut un projet de la Congrégation tout entière. Je considère que cela a été l’un des meilleurs exemples de synergie au niveau mondial pour la réalisation d’un projet commun. Il pourrait sans aucun doute servir comme encouragement pour d’autres projets.


b) La générosité et l’esprit de sacrifice des missionnaires méritent toute notre admiration. Parmi eux beaucoup affrontèrent de grandes difficultés pour tout commencer depuis le début et s’insérer dans les lieux auxquels ils étaient destinés. Avec courage ils affrontèrent toutes les difficultés et persévérèrent, malgré les obstacles qui semblaient insurmontables. Pour un bon nombre, ces pionniers prêtent encore leur concours dans diverses parties de l’Afrique. C’est là un signe de leur amour pour les populations africaines et de leur identification à la cause de l’Afrique.


c) L’aide financière fournie par les Provinces mères, par différentes Procures salésiennes, par les ONG, et la myriade de manières dont la Divine Providence nous a assistés sont un autre facteur qui ne peut être passé sous silence. Don Bosco nous a donné l’assurance que, tant que nous travaillerons pour les pauvres et pour le salut des âmes, la Divine Providence ne nous abandonnera jamais : cette assurance s’est vérifiée à la lettre dans la réalisation du Projet Afrique. Le « miracle » africain des Salésiens continue encore aujourd’hui précisément pour notre engagement en faveur des jeunes pauvres du continent. Même si c’est avec quelques exceptions, tous nos destinataires sont pauvres et démunis.


d) L’Afrique salésienne a aujourd’hui un visage africain. Le nombre des Salésiens africains croît constamment. Cela est dû à l’engagement de nos confrères dans la recherche de vocations locales menée dès le commencement du Projet. Le résultat est que, aujourd’hui, nous avons des structures pour la formation bien organisées dans toute la Région et que chaque année il y a entre 80 et 100 novices. En 2004, nous avons même atteint le nombre de 104. Tout cela est possible avec un bon plan de pastorale des vocations.


Je pourrais indiquer d’autres facteurs qui confirment cette réussite, mais je pense que ceux-ci sont suffisants. Je voudrais à présent vous donner quelques informations sur les réalisations de la mission salésienne en Afrique et à Madagascar dans les différents secteurs d’activité.


3. Le charisme salésien et la réalité africaine



3.1 Pastorale des jeunes


Comme je l’ai déjà souligné, l’Afrique regorge de jeunes, et qui plus est, pauvres. Elle est vraiment un terrain fertile pour la réalisation de notre charisme.

En venant aux expressions pratiques du charisme, je pense que les écoles techniques et les centres de formation professionnelle ont une priorité sur d’autres œuvres. Il y a une grande demande pour ces centres de formation professionnelle. Notre réponse salésienne a été concrète : nous en avons plus de 80, répartis en Afrique et à Madagascar, grâce aussi à l’appui de nombreuses ONG salésiennes qui les soutiennent par des financements. Beaucoup sont bien installés et avec d’excellents équipements, mais leur entretien continuel et leur amélioration sont une constante préoccupation.


Même dans une nation marquée de difficultés comme l’Erythrée, à Dekemhare, il y a une école technique bien équipée. La fréquentation des cours est excellente. Le genre de service qu’elle offre aux jeunes de cette nation pauvre est l’emblème de l’aide merveilleuse donnée par toutes les écoles techniques et par les centres de formation professionnelle en Afrique et à Madagascar. Méritent aussi d’être rappelés d’une manière particulière les trois centres de formation professionnelle dirigés par les Salésiens en faveur de la jeunesse dans le grand camp de réfugiés à Kakuma au Kenya. Il y a seulement peu de temps encore, ce camp comptait environ 90 000 réfugiés venus de différentes nations, mais principalement du Soudan. Des diverses aides apportées par les agences humanitaires qui travaillent dans le camp, la contribution des Salésiens a été l’une des plus appréciées, parce qu’elle préparait les jeunes pour la vie après le séjour au camp.


Dans le domaine de l’éducation technique et de la formation professionnelle la quasi-Province du Mozambique est peut-être la mieux organisée au niveau provincial. Toutes les écoles techniques sont coordonnées au moyen d’une organisation centralisée et il y a beaucoup d’engagement pour la formation d’enseignants et d’instructeurs. Le gouvernement a apprécié cette activité et les Salésiens ont rendu un important service pour le développement de la politique gouvernementale en vue de l’instruction technique. La plus récente démonstration de cette appréciation est la demande du gouvernement de fonder des cours au niveau universitaire pour préparer des enseignants pour les écoles techniques. Cette nouvelle perspective pourrait même devenir un bon support au service de la Région pour préparer nos confrères et d’autres enseignants pour les écoles techniques.


L’école au niveau de l’enseignement général ne s’est pas encore beaucoup affirmée dans l’Afrique salésienne. Il y a seulement 78 écoles primaires et 36 écoles secondaires sous notre tutelle. Un petit nombre vraiment, en comparaison de celles d’autres Régions. Les centres d’études supérieures sont pratiquement inexistants. Dans l’avenir, peut-être, ces secteurs demanderont aussi une plus grande attention pour pouvoir offrir une bonne formation intellectuelle aux jeunes pauvres si nombreux, et surtout en vue de la préparation de jeunes qui puissent ensuite assumer de façon valable des responsabilités, en s’inspirant des grands idéaux chrétiens, dans la société et spécialement en politique. Mené sur un large rayon, est digne d’une mention particulière le programme d’alphabétisation auquel les Salésiens de l’Angola apporte leur soutien. Ce programme a eu un grand succès et a atteint des milliers de jeunes et aussi d’adultes. Nous devons être reconnaissants aux confrères qui ont élaboré des livres de texte spécifiques en usage dans ces programmes d’alphabétisation. Bien que ces cours ne soient pas considérés comme de véritables écoles approuvées, le programme est d’une certaine façon relié à l’école, car il prépare les candidats à entrer dans des cours scolaires réguliers.


Le centre de jeunes est un autre des grands secteurs d’activité, et, dans leur majorité, nos maisons ont une certaine forme d’oratoire ou de centre de jeunes. Il y en a, en effet, 123 dans la Région. Chaque maison a une manière qui lui est propre de se conformer à l’oratoire ou au centre de jeunes. Il me semble pourtant devoir dire, en général, que, parfois, les activités récréatives des centres ont l’avantage sur les initiatives de formation, de sorte qu’un oratoire au sens plein, c’est-à-dire un lieu pour la formation globale humaine et chrétienne de la jeunesse, dans la ligne des choix en lesquels Don Bosco mettrait sa fierté, est encore un objectif à atteindre. Malgré cela, on ne peut douter de l’excellent service que les Salésiens offrent à la jeunesse africaine. Il faut cependant monter d’un cran dans la qualité.


Il y a une variété de groupes actifs dans les oratoires, dans les centres de jeunes et en d’autres milieux éducatifs. Tous font partie du Mouvement Salésien des Jeunes, qui a commencé à se former dans quelques Circonscriptions, tandis que dans d’autres on s’emploie pour qu’il soit introduit. Ce sera un moyen excellent pour mettre en communication la jeunesse de différentes nations à l’intérieur d’une Province et entre les diverses Provinces. Toutefois les difficultés dans les voyages et les coûts sont un obstacle et limitent les rêves dans ce domaine. La vitalité du MSJ en Afrique dépendra énormément de la capacité des Salésiens d’unir et d’animer les jeunes au niveau local au moyen de propositions concrètes de formation.


Je voudrais mettre en évidence une activité particulière dans la pastorale des jeunes, en raison non pas tant du nombre de centres engagés que de la qualité du service offert. Je veux parler des centres pour le rattrapage et la formation des jeunes à risque, dont beaucoup arrivent chez nous de la rue. Dans la plus grande partie des Circonscriptions de la Région il y a des centres qui s’occupent de ces jeunes marginaux, même si leur nombre est encore faible. Chaque centre a ses caractéristiques, mais avec l’attention cependant de faire progresser l’unique mission salésienne en faveur de ceux qui sont nos petits frères et sœurs et ont tant de besoins et de mérites.


La Province de l’Afrique Centrale (AFC) est l’une des Provinces qui ont le plus grand nombre d’œuvres de ce genre. Pour citer un exemple, à Lubumbashi (AFC) il existe une œuvre très bien organisée pour les enfants de la rue. Elle est connue sous le nom de Bakanja-Magone, mais en réalité elle a trois secteurs d’activité reliés entre eux : Bakanja Ville, Bakanja Centre et Bakanja Magone. Le premier est un centre de premier accueil pour des enfants errant dans les rues. Il se trouve dans la ville elle-même et il est facile d’accès. Les enfants et les jeunes y entrent et en sortent, et trouvent des possibilités qu’on n’imaginerait pas avoir dans la rue. Ceux qui désirent rester pour la nuit peuvent le faire ; il est certain que la gentillesse toute salésienne pousse beaucoup à séjourner. Bakania Centre est un second degré de rattrapage de ces enfants. Il a une école, un dispensaire et une cuisine au service des enfants. Chaque dimanche est organisée spécialement pour eux la célébration de l’Eucharistie. Un troisième niveau est le Centre Magone : il a une structure d’habitation pour des enfants qui autrefois se trouvaient dans les rues, avec un centre de formation pour différents emplois. Le travail patient, l’accompagnement affectueux, l’instruction et la formation ont produit d’excellents résultats pendant toutes les années d’existence de cette œuvre salésienne. Plusieurs autres œuvres de la Province sont organisées sur ce modèle.


En considérant l’étendue du continent, la pauvreté des gens et le grand nombre d’enfants et de jeunes dans le besoin, je penserais que ces œuvres devraient se développer dans le futur, pas nécessairement en ouvrant de nouvelles présences, mais en orientant celles qui existent en faveur de ces destinataires.


Une initiative pastorale qui mérite une attention particulière et un appui spécial est, en outre, l’effort effectué dans certaines parties de l’Afrique salésienne pour combattre le fléau, très étendu, du SIDA. De nombreuses nations de la région d’Afrique située au sud du Sahara, où nos confrères travaillent, ont un nombre élevé de malades atteints du SIDA et pour un nombre croissant ces malades sont des enfants et des jeunes. Les quasi-Provinces AFM et ATE ont adopté deux types différents d’initiatives pastorales devant ce problème. La quasi-Province AFM a élaboré un programme de la durée d’une semaine, portant le titre « Love Matters », qui a eu un retentissement significatif dans la vie de milliers de jeunes qui ont participé au cours dans le centre d’animation pour jeunes à Walkerville. Un type différent d’initiative est né dans la quasi-Province ATE, dont le Supérieur, le P. José Antonio Vega, a reçu une vaste reconnaissance pour sa compétence éducative dans la prévention du SIDA.


La quasi-Province a produit une série de manuels et d’autres supports matériels pour sensibiliser les gens sur la maladie et pour les instruire sur les choix chrétiens de prévention. Le mérite en revient à nos confrères si ces brochures sont utilisées non seulement dans les institutions salésiennes, mais aussi dans d’autres endroits. En suivant le sillage offert par ces deux quasi-Provinces, en bénéficiant du matériel produit et en l’adaptant, d’autres Circonscriptions africaines ont commencé des programmes de prévention du SIDA. Assurément les dimensions apocalyptiques que cette maladie est en train de prendre en Afrique demanderaient un plus grand engagement de la part de toutes nos présences, également et surtout pour offrir une attention sérieuse à cet aspect de l’éducation et de l’évangélisation.


Il est très encourageant de noter que, ces dernières années, le secteur de la pastorale des jeunes dans la Région a été beaucoup mieux organisé. Dans la majeure partie des Circonscriptions, il existe une Commission pour la pastorale des jeunes. Depuis quelques années, même au niveau régional, il y a une Commission pour la pastorale des jeunes, avec un délégué régional spécialement choisi. Un des Provinciaux est le référent de la CIVAM. Bien que le délégué ne soit pas engagé à temps plein dans ce travail, il se présente comme point de référence et agent de liaison entre les commissions concernant les jeunes dans les différentes Provinces et il organise des rencontres au niveau régional. Dans ses rencontres annuelles pendant cette période de six années la Commission a accordé beaucoup d’attention aux divers aspects de la pastorale des jeunes et a proposé des suggestions utiles pour améliorer la situation. Les propositions issues des rencontres sont accueillies par la CIVAM en vue de décisions, concernant l’action à mener, qui se répercuteront sur toutes les Provinces.



3.2 Paroisses et Missions


Les paroisses — à beaucoup d’entre elles sont rattachés des postes de mission — constituent le plus grand champ d’activité de la région Afrique – Madagascar. Il y en a environ 105 dont nous avons l’administration. Pour la plus grande partie elles n’ont pas été fondées par nous, mais nous les avons héritées d’autres Congrégations religieuses. Grâce au fort travail de ces missionnaires pionniers, nous avons eu une relative facilité pour organiser le travail pastoral et progressivement l’orienter selon notre style salésien. Pour la majeure partie, ces paroisses qui nous sont confiées ont un nombre élevé de fidèles. En Angola, par exemple, nous avons deux paroisses dans la ville de Luanda avec plus de 75 000 fidèles. Il est très beau d’entendre que nous avons des églises qui peuvent accueillir deux ou trois mille personnes, comme à Tuléar (Madagascar), à Kinshasa (République Démocratique du Congo) ou à Cotonou (Bénin), où nos confrères animent les célébrations de l’Eucharistie dominicale avec une participation assidue et où, formant de grands groupes, des personnes prient, chantent et dansent ensemble pour louer et glorifier le Seigneur de la vie et celui qui donne toutes les bonnes choses. L’expérience de paroisses comme celle que nous avons à Pointe-Noire (Congo-Brazzaville) est même très encourageante : on y voit participer à la célébration de l’Eucharistie quotidienne mille personnes, ou plus.


Dans nos paroisses la catéchèse est un aspect important de la vie pastorale. Certaines ont plusieurs centaines de catéchumènes, en majorité jeunes, qui se préparent au baptême pendant une période de trois ou quatre ans. On note l’implication des laïcs dans les différents groupes actifs dans les paroisses : tels sont, nombreux, les catéchistes ainsi que les laïcs responsables qui donnent un coup de main dans l’administration. Quelques paroisses ont même une vingtaine, ou plus, de groupes très actifs.


Bien que nous soyons occupés dans la pastorale en des paroisses déjà bien en route, dans différentes Provinces le travail de missionnaires pionniers ne manque pas. Quelques paroisses de ville sont très engagées dans la mission ad gentes et ont des centaines de catéchumènes chaque année. Dans presque toute l’Afrique, ensuite, de nombreuses paroisses comportent différents postes de mission ruraux en lien avec le centre paroissial. Et souvent chaque poste secondaire de mission est comme une petite paroisse.


Kandi au Bénin (AFO), Luena en Angola et la préfecture de Gambella en Ethiopie sont des exemples de travail de missionnaires pionniers. Dans la mission de Kandi nos confrères portent la lumière de l’Evangile, d’une manière progressive, à la tribu Mokolé. Jusqu’à une période remontant à quelques années ces gens n’avaient encore presque aucun contact avec le reste du monde.


Luena est peut-être la plus grande paroisse missionnaire que nous avons dans la Congrégation. Le poste de mission le plus éloigné est à environ 600 km du centre, avec des routes très précaires. Il ressort d’une estimation que pour seulement 5% les 400,000 habitants qui vivent dans cette région, dans des conditions de grande pauvreté, ont été évangélisés. On me dit qu’ils sont en train d’attendre les missionnaires catholiques (lire : Salésiens), précisément parce que nous sommes restés avec eux pour le meilleur et pour le pire pendant les années longues et difficiles de la guerre civile, en les aidant à survivre. Nos confrères sont tenus en grande estime et ont commencé à les faire s’approcher de l’Evangile au moyen des activités des catéchistes laïques, car nous salésiens, nous sommes peu nombreux.

Gambella est encore un territoire missionnaire vierge. Sous la conduite de Monseigneur Angelo Moreschi, SDB, Préfet Apostolique, de nombreuses activités missionnaires ont commencé et l’Eglise croît rapidement. Si nous avions davantage de missionnaires, les fruits de l’évangélisation seraient certainement plus abondants.


Les nouvelles que je reçois de la part des missionnaires me rappellent les temps apostoliques. Ce ne sont que des exemples des possibilités de la mission ad gentes dans le continent africain.


Je pense que c’est le moment opportun pour parler d’un nouveau projet que nous avons lancé. Le Projet Afrique commencé par le Père Viganò est devenu à présent la Région Afrique – Madagascar et peut être considéré comme officiellement terminé avec la célébration du 25ème anniversaire. Depuis deux années, cependant, nous avons lancé un “Projet Soudan” en raison du grand besoin qu’a cette nation déchirée par la guerre. Comme chacun le sait, les longues années de guerre ont porté la partie sud du Soudan, qui est en majorité catholique, au gouffre de la misère humaine et à l’effondrement socioéconomique. Depuis environ 25 ans les enfants et les jeunes n’ont pas eu l’occasion de fréquenter l’école. Les routes minées et la situation persistante de guerre ont empêché les prêtres et les catéchistes de visiter les villages. En conséquence, pendant ces dernières années, la vie de foi des gens n’a pas été suffisamment nourrie et approfondie, même si la majorité est restée attachée à la foi chrétienne. Et ce qui complique les choses, il y a actuellement un effort concerté pour islamiser le sud. Notre paroisse à Tonj comprend 160 villages, mais après la réouverture de cette présence en 2000, nos confrères ont réussi à en suivre seulement 80. La moisson est abondante, mais les ouvriers sont peu nombreux.


En résumé, le Soudan a besoin d’une attention urgente pour reconstruire un peuple qui était au bord de la destruction complète. A cette fin, en 2006 le Dicastère des Missions a lancé le “Projet Soudan”, en invitant la Congrégation tout entière à en faire le thème de la journée missionnaire annuelle (DOMISAL). En constatant les besoins urgents, on a de nouveau proposé le Soudan comme thème pour 2007. C’est ainsi qu’en collaboration avec les différentes ONG des Salésiens qui œuvrent dans le monde un projet global a été préparé pour les interventions salésiennes au Soudan. La consolidation des présences actuelles, l’ouverture de nouvelles dans des zones de grand besoin, la tentative d’atteindre les pauvres les plus laissés à l’abandon dans le secteur rural, en particulier les enfants et les jeunes, sont des aspects importants de ce projet, qui devra continuer pendant plusieurs années, même s’il ne peut être de nouveau proposé comme thème de la DOMISAL. En considérant l’heureux résultat du Projet Afrique, je pense que nous pourrons faire de grandes choses en peu de temps si les Provinces accueillent avec sérieux et générosité ce nouveau Projet Soudan.


Tandis que nous sommes sur le thème des missions, j’exprime la grande joie que j’éprouve à constater que des Salésiens d’origine africaine ont commencé à aller dans d’autres nations comme missionnaires. C’est un mouvement de missionnaires qui s’accomplit à l’intérieur du continent africain et qui s’effectue de l’Afrique vers d’autres continents. Récemment un prêtre et un confrère en stage pratique, venus de la Province AFC, sont allés comme missionnaires respectivement dans les quasi-Provinces ATE et AFM, tandis qu’encore deux confrères en stage pratique, l’un venu de la quasi-Province ANG et l’autre venu de la quasi-Province AET, ont été destinés à la Papouasie-Nouvelle-Guinée et aux Iles Salomon. Nous avons une espérance fondée qu’au fil des ans le nombre des missionnaires africains augmentera.



3.3 Communication Sociale


Lors de la rencontre de la CIVAM en 2003 on a étudié le thème de la Communication Sociale dans le contexte fragile de l’Afrique et quelques propositions pratiques ont été avancées pour investir de plus importantes ressources dans ce secteur. L’an dernier un coordinateur pour les communications sociales a été nommé au niveau régional. Ce choix est signe de la bonne volonté et de la détermination des Provinciaux pour une meilleure organisation de ce secteur pour l’avenir. Il faut admettre cependant que, malgré tous les efforts fournis jusqu’à présent, le secteur des Communications Sociales en Afrique n’a pas reçu l’attention qu’il mérite. Malgré cela, les résultats atteints dans les différentes Provinces, bien que modestes, suscitent l’émerveillement.

Dans les Provinces sont publiées, à des échéances variables, différentes éditions du Bulletin Salésien. Un Bulletin Salésien particulier portant le titre « Salesian Family Bulletin » est publié en anglais à Nairobi. Deux autres Bulletins Salésiens en langue anglaise sortent dans les quasi-Provinces AFW et ZMB. Trois éditions françaises du Bulletin sont publiées par la Province AFC et les quasi-Provinces AFO et ATE. Il y a aussi une édition portugaise au Mozambique.


Dans différentes Circonscriptions on s’est efforcé également de publier des brochures d’ordre utilitaire. Le DBYES (“Don Bosco Youth Educational Services”) à Nairobi (AFE), centre pour la formation permanente de jeunes et de formation pour animateurs, a un secteur pour la Communication Sociale, qui s’occupe particulièrement de plusieurs publications en faveur de la jeunesse. Ce centre a même élaboré un programme pour la préparation des jeunes à l’usage des médias. De temps en temps diverses publications sortent également dans d’autres Provinces. Il n’y a pas de doute que l’on pourrait faire davantage, si l’activité de l’édition des Provinces était coordonnée au niveau régional ou inter-provincial.


Une initiative intéressante est celle du Centre « La Colombe » de Lubumbashi (AFC) qui, en collaboration avec la télévision locale, présente une gamme de programmes en français, et également en swahili, adressés aux jeunes.


Il y a ensuite au moins deux stations de radio dans la Région dirigées par les Salésiens. “Radio Don Bosco” de Ebolowa (ATE), bien que de petites dimensions, sert pour la population rurale des environs. Au contraire “Radio Don Bosco” d’IVATO (MDG) est vraiment une grande réalité de communication, dont la Congrégation peut être fière ! Il n’est pas exagéré de dire qu’elle est l’une des meilleures stations de radio que nous avons actuellement en Congrégation. Elle est sans doute la radio numéro un à Madagascar. En effet, il ressort de certaines enquêtes que parmi les radios qui transmettent dans le pays, y compris celle de l’Etat, la Radio Don Bosco a de loin le nombre le plus élevé d’auditeurs. Au moyen d’un satellite elle atteint pratiquement toute l’île et elle est reliée avec la majorité des 20 diocèses de Madagascar.


La Radio Don Bosco est née en 1996 comme réponse salésienne à la situation et aux besoins de Madagascar, ainsi que pour faire connaître la présence salésienne dans le territoire et la culture du pays. Elle fait partie d’une stratégie pour augmenter la qualité des services offerts par les Salésiens à la jeunesse et au peuple de Madagascar. Tout au long des 24 heures de transmissions journalières en langue malgache, elle présente une grande variété de programmes destinés à tout le monde en général, mais en particulier aux jeunes. Avec ses programmes au service de l’éducation et de l’évangélisation ainsi que du développement social, elle est sous tous les aspects une radio salésienne pour jeunes au service du charisme salésien.


Les moyens de la Communication Sociale sont des moyens par excellence pour éduquer et évangéliser. En investissant davantage dans ce secteur nous pouvons rendre notre mission plus efficace et approcher de très nombreuses personnes.



3.4 Famille Salésienne


Beaucoup de groupes de la Famille Salésienne sont présents et actifs en différentes parties de la Région Afrique – Madagascar.

Les Filles de Marie Auxiliatrice ont des communautés dans toutes nos Provinces et nos quasi-Provinces, même si ce n’est pas dans tous les pays où les Salésiens ont des maisons. La configuration de leurs Provinces, au nombre de huit, ne coïncide pas toujours avec celle des nôtres.


Les Coopérateurs sont présents avec des centres dans presque toutes les Circonscriptions, tandis que les Anciens Elèves ne sont pas encore bien organisés dans la majeure partie des nations. Les autres groupes de la Famille Salésienne présents en Afrique sont les Sœurs de Marie Immaculée (SMI) avec une Province en Tanzanie, les Sœurs Missionnaires de Marie Auxiliatrice (MSMHC) avec une présence dans le Swaziland et les Filles des Sacrés-Cœurs de Jésus et de Marie (HH SS CC) qui collaborent avec les Salésiens au Cameroun. D’autres groupes, comme l’ADMA, les VDB et les CDB, ont de petits groupes dans quelques Provinces.


Il faut reconnaître que le potentiel de la Famille Salésienne en Afrique doit encore s’exprimer pleinement. Dans la rencontre très récente de la CIVAM à Dar es-Salaam avec le Père Adriano Bregolin et son équipe, une évaluation a été effectuée sur la situation actuelle de la Famille Salésienne dans la Région, en vue de lui donner une plus grande impulsion et un plus fort dynamisme. Des rapports présentés lors de la rencontre il est ressorti que dans la plus grande partie des Provinces la Famille Salésienne est une réalité plutôt fragile. Il y a beaucoup à faire pour la développer et l’organiser en un vrai mouvement pour la réalisation de la mission salésienne. Les Provinciaux présents à la réunion ont déjà dressé un plan pour la promotion de la Famille Salésienne, en donnant des indications pour obtenir une plus grande synergie entre les divers groupes. J’oserais dire que le futur impact et l’efficacité du charisme salésien en Afrique dépendront beaucoup de la capacité de la Famille Salésienne à travailler unie pour la réalisation de la mission commune, toutefois dans la garantie et le respect des caractéristiques et de l’autonomie de chaque groupe.



3.5 Economie et administration


C’est un aspect important pour la réalisation de notre mission dans chaque partie du monde. Nous avons déjà fait allusion à la manière merveilleuse et considérable dont la Divine Providence est venue à notre aide pour la réalisation du Projet Afrique. Cette assistance continue encore aujourd’hui, puisque, dans leur plus grande partie, les Provinces dépendent presque exclusivement, d’une part, de l’aide d’agences de collecte de fonds et, d’autre part, de bienfaiteurs particuliers depuis l’Europe et l’Amérique. Pour un bon nombre d’entre elles, les Provinces mères, responsables de la fondation des présences salésiennes dans les différentes Circonscriptions, continuent à envoyer leur aide financière aux nouvelles Provinces selon les conventions passées avec elles. Je ressens le besoin d’exprimer mon merci sincère à ces Provinces pour leur soutien ininterrompu et leur intérêt permanent.

Dans la phase de fondation il était assez facile de trouver des financements pour l’institution des œuvres. A présent les problèmes sont ceux de leur entretien et de leur fonctionnement quotidien, pour lesquels il est très difficile de trouver les fonds nécessaires. En particulier, l’entretien continuel des écoles techniques devient un poids lourd, même si grâce à elles nous pouvons offrir le meilleur service aux jeunes pauvres de la Région. Les Circonscriptions sont déjà en train d’étudier diverses possibilités pour recueillir localement des fonds pour le soutien des œuvres. Certes, en ce moment, subsister par elles-mêmes est encore un rêve pour nos œuvres en Afrique et à Madagascar et l’on ne peut prévoir quand cela pourra devenir une réalité. Nous avons toutefois confiance que la Divine Providence se manifestera aussi dans ce continent pauvre et que certainement Elle ne nous abandonnera jamais.


La correcte administration des ressources que la Divine Providence nous envoie est la preuve de notre fidélité en tant que religieux. Elle est la garantie que ne nous manqueront pas les moyens nécessaires pour l’accomplissement de la mission que Dieu nous a confiée. J’ose dire, avec Don Bosco, que la frugalité de notre vie et le témoignage que nous donnons de la pauvreté évangélique, joints à l’engagement persévérant pour les pauvres et pour les enfants marginalisés, nous assureront une place privilégiée dans la banque de la Divine Providence.



3.6 Formation


Et maintenant passons au thème très important de la formation. De lui dépend le dynamisme et l’efficacité charismatique de la Région dans le présent et à l’avenir. Jusqu’ici j’ai exposé différentes manières de faire avancer notre mission en Afrique et à Madagascar et j’ai exprimé, devant les nombreux défis que l’on rencontre, quelques suggestions pour enraciner profondément le charisme dans ce continent : après tout cela, devrait apparaître clairement quel type de formation est demandé pour les nouvelles générations de l’Afrique Salésienne.

Pendant ces 25 dernières années la Région a vu une croissance considérable dans le nombre de maisons pour la formation initiale à tous les niveaux. Tandis qu’en 1980 l’Annuaire Salésien indiquait seulement deux maisons de formation dans toute l’Afrique, à Butare (Ruanda) et à Kansebula (Rép. Dém. du Congo), en 2007 il y a au moins 41 communautés de formation dans la Région.


Les communautés de prénoviciat sont au nombre de 18, en raison du caractère international de plusieurs Circonscriptions : pour certaines de ces dernières, le prénoviciat est réparti en différents pays. Il y a dix communautés de noviciat et neuf de postnoviciat, au service de douze Circonscriptions. On observe qu’à cause de la situation politique actuelle entre les deux pays dont elle est composée et pour l’impossibilité où se trouvent les personnes en formation de voyager en dehors de l’Erythrée, la quasi-Province AET n’a pas d’autre choix que celui d’organiser les phases de la formation dans l’Erythrée elle-même, en plus de ce qui existe en Ethiopie. C’est pourquoi c’est la seule quasi-Province qui a deux noviciats et deux postnoviciats.


Il y a quatre communautés pour étudiants de Théologie : à Lubumbashi, à Yaoundé, à Utume (Nairobi) et à Fianarantsoa. Cette dernière est jointe à la communauté du post-noviciat dans la même maison. A l’exception de Lubumbashi, où les cours sont donnés dans notre centre, les étudiants de Théologie fréquentent les instituts théologiques qui sont au service des diocèses ou de Congrégations religieuses.


Très récemment pour les Provinces de langue anglaise a été ouverte à Nairobi une communauté pour la formation spécifique des coadjuteurs.


Ainsi qu’il est recommandé par la Ratio, pour les communautés de formation inter-provinciales fonctionne le Curatorium respectif, dont font partie les provinciaux des Provinces concernées.


Le nombre de communautés de formation peut sembler impressionnant. Il faut dire que, malheureusement, beaucoup d’entre elles n’ont pas un nombre adéquat de guides compétents pour la formation elle-même. Fournir à ces communautés des équipes dirigeantes compétentes et saintes et améliorer la qualité de la formation initiale dans tous ses niveaux demeurent encore de grands défis que nous avons devant nous. Il n’est donc pas surprenant que le nombre des Salésiens qui s’engagent pour obtenir des qualifications académiques dans différentes universités, en dehors de la Région, soit constamment en augmentation.


La Commission régionale pour la Formation s’est bien organisée pendant cette période de six années et elle est en train d’offrir une excellente contribution à toutes les Provinces, en étudiant des sujets d’intérêt commun. La Commission fonctionne selon les statuts approuvés par la CIVAM et a comme référent l’un des Provinciaux. Le rôle de cette Commission ne peut être sous-évalué, vu la quantité de maisons de formation dans la Région et l’importance de la formation initiale et de la formation permanente, en vue d’une sérieuse insertion du charisme salésien dans les cultures en Afrique et à Madagascar.


4. Une impulsion pour l’avenir



Le cœur plein de joie nous devons faire monter vers Dieu un hymne de louange et de reconnaissance pour tout ce qui a été fait en Afrique et à Madagascar, depuis l’ouverture de la première présence salésienne en 1891 jusqu’à nos jours, mais d’une manière très spéciale pour les 30 dernières années d’activité intense. Toutefois, nous devons reconnaître humblement que ce qui a été fait jusqu’à présent n’est que la partie visible de l’iceberg. On doit faire ou on pourrait faire beaucoup plus.


Les défis qui se présentent à l’Afrique, et à l’Afrique salésienne en particulier, sont nombreux et complexes. Ils demandent de notre part des énergies fraîches et un engagement renouvelé, accompagnés de l’esprit d’optimisme et de la créativité qui sont des caractéristiques essentielles de notre spiritualité. Je voudrais résumer tous les défis et tous les besoins sous ce grand titre : une insertion plus profonde du charisme salésien dans les cultures en Afrique et à Madagascar.


Jusqu’à présent la responsabilité d’implanter le charisme salésien en Afrique et à Madagascar est revenue à des missionnaires venus de l’étranger. A partir de ce moment, la responsabilité se déplace progressivement vers les nouvelles générations de Salésiens d’origine africaine. Le visage africain du charisme salésien, dont parlait tant le Père Viganò, ne consiste pas seulement dans la croissance numérique des Salésiens d’origine africaine, mais surtout dans l’insertion du charisme dans les cultures de la réalité africaine, en vue de la transformation de cette société, en accord avec la vision de l’Evangile et selon notre style salésien.



4.1 Les défis


En parlant de défis et de perspectives, plutôt que de donner de nouvelles formulations, je préfère puiser dans ce que j’ai écrit dans le document de conclusion de la Visite d’ensamble à Johannesburg en février 2006 et ensuite, éventuellement, de développer la réflexion. Je pense que ce document atteint le nœud de la question.

La mission est pour nous Salésiens le centre de gravité et la force qui guident notre vie. Il est donc fondamental de comprendre ce qu’est notre mission. Elle ne s’identifie pas avec nos œuvres, avec nos activités et nos réalisations. Elle est plutôt l’expression de notre zèle pour le salut de la jeunesse, la « passion » du « Da mihi animas, caetera tolle », un zèle qui a sa source « dans le cœur même du Christ, apôtre du Père » (Const. 11).


Nous voulons que la mission salésienne et son insertion dans les cultures en Afrique et à Madagascar soient la raison de notre vie religieuse et, donc, de tous nos efforts pour renouveler notre présence dans ce continent vaste et appauvri. Nous avons été appelés par Dieu à être ici pour que les jeunes, spécialement ceux qui sont pauvres, laissés à l’abandon et particulièrement dans des situations de risque « aient la vie en abondance » (cf. Jn 10,10) par l’intermédiaire du don du développement humain, de l’éducation et de l’évangélisation.


Devant nos yeux et au plus profond de notre cœur nous avons la dramatique réalité de la terrible pauvreté de la population et l’instabilité politique et sociale ; la nouvelle épidémie dévastatrice du SIDA ; le manque de circonstances favorables pour les jeunes ; la menace de l’expansion de l’Islam, etc. … Et c’est justement dans ce contexte, marqué par l’anticulture de la mort, que nous Salésiens voulons être « signes et porteurs de l’amour de Dieu » (Const. 2), en misant sur la jeunesse, en croyant dans l’éducation, en étant missionnaires.


Les défis que la vie apostolique consacrée affronte en Afrique et à Madagascar proviennent :


des tendances culturelles : le laïcisme, le matérialisme et la tendance à l’utilisation immodérée des biens de consommation, qui favorisent une vie sans Dieu, sans valeurs spirituelles et sans la capacité de faire de nos vies une offrande gratuite aux jeunes ;


des tentations personnelles : l’individualisme qui détruit l’esprit chrétien de la communion, met en danger l’expérience sociale de la solidarité, engendre la division dans nos œuvres et le morcellement dans notre vie, et cause des formes d’activisme qui poussent les confrères à accorder plus d’importance au faire qu’à l’être, en provoquant la fatigue physique, le stress psychologique et la chute vers le vide spirituel ;


de problèmes d’institution et d’organisation : une certaine résistance au changement, qui est nécessaire pour donner des réponses adéquates aux situations extérieures qui changent rapidement et profondément ; l’urgence apparue dans la situation intérieure et caractérisée par le fait que le nombre des vocations locales a augmenté, avec par contre un manque de personnel pour les fonctions de responsabilité : ce fait demande de notre part une nouvelle réflexion à l’intérieur de nos œuvres, menée en favorisant une plus grande coresponsabilité chez les jeunes confrères et un changement dans notre manière de faire. La vie communautaire en Afrique et à Madagascar, dont les protagonistes sont des confrères qui proviennent de nations, de cultures et de groupes ethniques divers, est une prophétie pour des pays déchirés par les guerres ; elle est, en effet, une évangélisation en acte, une expression d’amour qui l’emporte sur toute expression d’antagonisme racial.


Pour être efficace aujourd’hui comme religieux salésiens en Afrique nous devons être plus zélés, plus religieux et plus salésiens. C’est pourquoi nous avons besoin de personnes remplies de feu pastoral, de profonde spiritualité, ayant une identité et une mentalité liées à un projet, c’est-à-dire des hommes dont l’unique force soit la charité pastorale, qui se laissent guider par l’Esprit Saint, qui prennent Don Bosco comme leur point de référence et la norme de leur vie et qui sachent se mettre en rapport avec d’autres organisations pastorales et éducatives présentes dans le secteur, en créant une authentique synergie.


Voilà vraiment un défi digne d’être relevé, à savoir celui d’enraciner plus profondément et plus sûrement dans la Région le charisme salésien. L’interaction entre les cultures africaines et le charisme salésien devrait avoir comme résultat un enrichissement réciproque pour le bien des jeunes de l’Afrique et de Madagascar. Dans ce contexte l’animation des vocations et la formation, qu’elle soit initiale ou permanente, acquièrent une véritable importance. Il faudra encore beaucoup de temps avant que nous puissions fournir de personnel adéquat et compétent les communautés de formation. Seul un effort commun en cette matière, au prix également de grands sacrifices, assurera l’intégrité charismatique de la Région.


Un autre défi et un engagement pour les prochaines années consistent dans une consolidation ultérieure et une expression plus complète de la mission salésienne dans ses différents aspects. La consolidation comporte, entre autres, une attention particulière au nombre des membres qui composent chaque communauté, en assurant un niveau élevé de vie communautaire, et la qualification des confrères pour les engagements qui leur sont confiés. Mais s’occuper seulement de la consolidation pourrait nous faire tomber dans un train-train monotone et même, éventuellement, nous conduire à la mort. D’autre part, l’expansion peu prudente affaiblit le tissu même de notre mission. L’heureux mariage entre consolidation et saine expansion demande de la sagesse et du discernement, guidés par une profonde sensibilité aux besoins de notre temps. L’expansion ne peut pas être définie seulement en termes de nouvelles œuvres et de nouvelles communautés, mais elle pourrait aussi signifier la réorganisation et une nouvelle orientation, d’une manière créative, des œuvres existantes pour donner des réponses plus convaincantes aux besoins des pauvres et des jeunes à risque.


Un autre appel nous vient de la pauvreté, une réalité qui nous concerne très directement dans tout le continent. Il nous invite à une vie plus authentique de pauvreté évangélique, pour que, comme individus et comme communautés, nous puissions être des témoins devant ceux avec lesquels et pour lesquels nous travaillons et nous interagissons. En même temps c’est un défi pour nous pousser à trouver les moyens économiques nécessaires pour orienter les pauvres vers les sentiers du développement et d’une digne autosuffisance.


Dans ce contexte, la subsistance par elles-mêmes de nos œuvres en Afrique et à Madagascar n’est pas un défi facile. A présent toutes nos œuvres dépendent fortement des fonds étrangers. Mais, même si l’on ne peut pas faire complètement abstraction des fonds qui proviennent de l’étranger, il est nécessaire de découvrir la présence de la Divine Providence en Afrique et à Madagascar.


Il est plus urgent encore, et nécessaire, d’établir un style de solidarité chrétienne et d’aide réciproque entre les millions d’Africains, car je suis convaincu qu’une transformation durable de la société africaine ne peut provenir que de l’intérieur des sociétés africaines elles-mêmes plutôt que de l’aide économique qui vient de l’extérieur, même si cette dernière peut être d’un grand soutien, si l’on s’en sert avec sagesse et sans engendrer une mentalité de dépendance.


Don Bosco nous a donné l’assurance que tant que nous travaillerons pour ceux qui sont réellement pauvres, les moyens nécessaires ne nous manqueront pas. Cette assurance, qui s’est concrètement vérifiée dans l’expérience de la Congrégation, me porte à croire qu’il faut faire tous les efforts pour que nos œuvres soient le plus possible autosuffisantes.



4.2 Relance du Projet Afrique


Il est vrai que le Projet Afrique, dans la modalité suivant laquelle il fut lancé, a été officiellement terminé et que l’attention est maintenant focalisée sur la Région Afrique – Madagascar. Toutefois, devant les grands défis que l’Afrique salésienne affronte aujourd’hui et devant les multiples possibilités qu’offre le charisme salésien, il a été suggéré que le Projet Afrique devrait être relancé dans une forme et avec une attention renouvelées. Cela me semble être une bonne proposition, mais, pour celle-ci, une réalisation avec succès dépend à présent de chacune des Circonscriptions africaines et de la CIVAM dans son ensemble.

Relancer le Projet Afrique dans le contexte des défis actuels et des occasions présentes voudrait signifier l’engagement vers la réalisation d’une Afrique Salésienne Adulte, à tous les points de vue. C’est-à-dire signifier qu’elle ne soutiendrait pas uniquement elle-même, mais qu’elle pourrait engendrer une nouvelle vie pour les millions de jeunes pauvres du continent. Elle devrait devenir l’artisan actif pour une transformation globale du contexte africain selon une vision chrétienne de la vie et de la société humaine.


Le nouveau Projet Afrique devrait porter une particulière attention aux différents aspects de notre vie et de nos activités :


Tenir toujours l’évangélisation au centre, de sorte qu’en tous les lieux et en toute circonstance nous puissions être de vrais propagateurs de l’Evangile et des éducateurs de la foi. Tout salésien en Afrique et à Madagascar, qu’il soit de nationalité étrangère ou d’origine autochtone, devrait se sentir missionnaire et évangélisateur.


Repenser et améliorer notre engagement dans l’éducation, de manière qu’avec des contenus renouvelés et des méthodes rénovées nous puissions former des mentalités nouvelles pour construire une société plus humaine et plus chrétienne. A cet égard, éduquer les jeunes vers une participation responsable à la vie politique et sociale de leurs pays revêt une importance qui ne peut être sous-évaluée.


Faire un usage plus stratégique des différents moyens de communication pour étendre notre service d’évangélisation et d’éducation, en reliant les différents centres de communication sur un plan régional pour un plus fort impact dans la société.


Faire en sorte que la formation, tant initiale que permanente, prépare les nouvelles générations de Salésiens à relever les défis qui se présentent sur la scène africaine et à assumer des responsabilités dans les communautés et dans les œuvres, dans la ligne des authentiques traditions salésiennes. Dans la vie active les confrères ont constamment besoin d’être stimulés et encouragés à se renouveler dans leur créativité pour répondre aux besoins des temps qui changent.


Constituer un vaste mouvement de personnes, de sorte qu’en synergie avec d’autres qui partagent notre vision et notre mission, nous puisions atteindre le plus grand nombre possible de jeunes pauvres et laissés dans le besoin. C’est pourquoi la promotion de la Famille Salésienne, considérée comme lieu de synergie au service de la mission salésienne commune, revêt une particulière importance.


Malgré les différences dans le langage, dans la culture, dans les situations socioéconomiques, il est important de tendre à une synergie et à une solidarité de plus en plus grandes entre les communautés et la Province ou la quasi-Province et entre les diverses Circonscriptions salésiennes, de sorte que personne ne vive dans l’isolement. Ensemble nous pouvons être de meilleurs témoins et de meilleurs évangélisateurs et arriver à servir beaucoup plus de jeunes.


Découvrir la présence de la Divine Providence dans le continent africain et renforcer le sens de la solidarité entre les peuples africains, afin que tous ceux pour lesquels et avec lesquels nous travaillons puissent vivre avec dignité et que les œuvres entreprises à leur avantage puissent avec le temps devenir plus autosuffisantes économiquement.


Conclusion



Il est difficile de prévoir où nous portera ce nouveau Projet Afrique au cours de 25 autres années. Tout dépend de la manière dont nous serons capables d’être fidèles à notre vocation religieuse et salésienne, ainsi que du sérieux et de l’engagement avec lesquels nous serons capables d’élaborer des projets pour venir au-devant des nombreux besoins des pauvres et de la jeunesse d’Afrique et de Madagascar.


Marie a toujours été présente dans notre travail en Afrique et à Madagascar. La dévotion à Marie, Secours des Chrétiens, s’est répandue dans les différentes parties du Continent et les artistes l’ont représentée avec des couleurs et des vêtements africains. En divers endroits ont été construits des sanctuaires et des lieux de pèlerinage en son honneur. Certains sont en période de construction. Avec Elle à nos côtés, tandis que nous continuons notre chemin d’évangélisation et d’éducation en Afrique et à Madagascar, nous sommes certains que nous ne pouvons pas échouer. Puisse-t-Elle nous guider vers les plus hauts niveaux dans la qualité du service charismatique que nous rendons à ce continent, pour que ses peuples, tant aimés de Dieu, « aient la vie et qu’ils l’aient en abondance »

Avec mon affection, en Don Bosco


Père Pascual Chávez V.

Recteur majeur


[1] Il s’agit d’une statistique faite en 2004, à l’occasion de la présentation de la Région Afrique - Madagascar au Conseil Général.


[2] Pourcentage tiré de l’Annuaire Statistique du Saint-Siège de 2005.